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REVUE OUEST AFRICAINE
DE SCIENCES ECONOMIQUES
ET DE GESTION


ROASEG

Volume 6
N°1







REVUE OUEST AFRICAINE
DE SCIENCES ECONOMIQUES
ET DE GESTION

ROASEG

Volume 6
N°1
Directeur de publication : Ahmadou Aly MBAYE
Directeur de rédaction : Ibrahima Samba DANKOCO
Rédacteur en chef : Ibrahima Thione DIOP
Secrétaire de la Rédaction : Fatou GUEYE
Conseil scientifique
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Revue Ouest Africaine
de Sciences Economiques et de Gestion

© CREA, Centre de Recherches Economiques Appliquées (UCAD, Dakar, Sénégal).

Tous les droits réservés pour les pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire partiellement ou totalement un article de la présente revue, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque motif que ce soit.

 Inflation, Stabilité macroéconomique et croissance économique dans les pays de l’UEMOA


Ndiack FALL


Résumé

Cet article analyse les relations entre l’inflation, la stabilité macroéconomique mesurée par l’écart entre la production effective et la production potentielle ou output gap et la croissance dans les pays de l’UEMOA. A partir d’un modèle VAR nous analysons les interrelations entre les mesures de politiques monétaires, l’inflation et la déviation par rapport au potentiel de croissance. Les résultats montrent que la politique monétaire a bien atteint son objectif de stabilité des prix, notamment durant la dernière décennie marquée par une faible inflation. Par ailleurs l’analyse des réponses impulsionnelles montre que les chocs d’origine monétaire ont un effet direct sur l’activité économique. En effet un choc sur les taux directeurs de la banque centrale produit un effet significatif sur la variation de l’écart de production des pays de l’UEMOA. En ce qui concerne la variation de l’écart de production, les résultats laissent apparaitre une réactivité de la politique monétaire. Enfin une détérioration de l’output gap n’a pas une influence significative sur la baisse du taux d’escompte.

Mots clés : Politique monétaire, output gap, inflation, Croissance économique.
Classement JEL :E52, C67, E31, O40


















Contexte et justification
La stabilité macroéconomique se définit en fonction des écoles de pensée et de la hiérarchisation des objectifs de la politique économique. Pour les keynésiens dés qu’il y’a absence de déséquilibres de sous emploi, il y’a stabilité macroéconomique. Les monétaristes néoclassiques considèrent eux, que la stabilité macroéconomique se limite à la stabilité des prix.
Pour prendre en compte tous ces éléments, nous avons retenu la définition suivante de la stabilité macroéconomique :
Des outputs gap faibles (écart significatif entre la production effective et potentielle)
Une stabilité des prix.
Notons que dans la littérature, il est admis que la stabilité macroéconomique est le fondement de la réussite des politiques de croissance et de développement économique. Plusieurs variables macroéconomiques clés peuvent indiquer la stabilité macroéconomique : la croissance, l’inflation, le déficit budgétaire, le déficit des transactions courantes, les réserves de devises étrangères etc.
L’écart de production output gap représente l’écart entre le niveau réel du PIB et son niveau potentiel. Lors d'une phase d'expansion, l'écart diminue, et peut même s'inverser : la production est temporairement supérieure à son niveau d’équilibre car il y a surinvestissement. Dans ce cas, l’inflation est en augmentation. En effet, si le PIB réel persiste à être supérieur au PIB potentiel, alors il y aura des pressions à la hausse sur les coûts de production (en particulier les coûts du travail) ce qui augmente les prix des biens et des services. Inversement, dans les périodes de creux économique (récession), le PIB croît moins vite que la production potentielle et l’écart augmente.

 QUOTE  
Avec  QUOTE   niveau réel du PIB,  QUOTE   niveau potentiel du PIB,  QUOTE   niveau réel d'inflation et  QUOTE   niveau anticipé d'inflation
Par stabilité des prix, nous comprenons une inflation qui respecte de convergence de la zone UEMOA (3%).
La stabilité macroéconomique permet d’analyser la question sur les effets de la politique monétaire sur la sphère réelle, qui a longtemps opposé les keynésiens et les monétaristes et qui s’est progressivement muée en un consensus sur l’impact réel de la monnaie sur l’activité économique. En effet, beaucoup de recherches ont à partir des modèles d’équilibre général stochastique dynamique abouti à la conclusion selon laquelle la stabilité des prix garantit, sous certaines hypothèses, la réduction de l’output gap.
Les économies de l’UEMOA, sont très vulnérables à la conjoncture internationale comme en témoigne les études d’impacts sur les récentes crises réelles et financière. Pour parer aux difficultés conjoncturelles, la politique monétaire peut aider à la maitrise du niveau des prix, mais elle a aussi des effets sur la sphère réelle. Les taux d’intérêt de la Banque centrale influencent la décision d’investir et conditionnent fortement les mouvements de capitaux à court terme. Le pilotage des taux d’intérêt a des impacts sur l’écart de production, l’inflation, l’investissement, etc. La Banque centrale dispose ainsi de divers instruments de politiques monétaires pour promouvoir dans l’Union une croissance soutenue de la production et le contrôle de l’évolution des prix afin d’éviter les tentions inflationnistes.
Dans ce contexte économique particulièrement marqué par la récurrence des chocs réels nous tenterons de répondre aux interrogations suivantes :
Les variations des taux d’intérêt directeurs de la Banque centrale ont-elles un impact significatif sur la croissance des Etats de L’UEMOA ?
Les variations des taux directeurs de la Banque centrale ont elles un impact significatif sur la variation l’output gap de certains pays de l’UEMOA ?
Beaucoup de recherches ont été consacrés à ces questions et elles admettent en général que les variations des variables monétaires affectent d’une certaine manière l’économie réelle. Ces effets sur le secteur réel ont été mis en évidence depuis longtemps dans presque tous les pays industrialisés. Gerlach et SMETS (1995) ; CORTET, (1998) montrent que d’une part les délais de l’impact d’une variation des taux directeurs sur l’activité dans ces pays est perceptible au bout de six mois et atteint son maximum au bout de six à sept trimestres et d’autre part que l’impact sur les prix n’apparaît significatif qu’au bout de dix-huit mois à deux ans et atteint son maximum au bout de trois ou quatre ans.
Loungani et Swagel (2001) ont montré que l’output gap joue un rôle moins important que les autres variables explicatives de l’inflation dans les pays en développement. Par contre, Barnichon et Peiris (2008) ont trouvé un impact significatif de l’output gap pour un panel de pays de l’Afrique Subsaharienne. Néanmoins, cet écart de production est de moindre importance que l’impact des variables monétaires. Dembo Toe et Hounkpatin (2007), ont eux montré que les évolutions de la masse monétaire ont un impact significatif mais très faible sur l'inflation dans l'UEMOA.
L’objectif principal de ce papier est d’analyser les interdépendances entre mesures de politiques monétaires et stabilité macroéconomique. Nous essayerons de mettre en évidence l’impact des politiques monétaires sur l’objectif de stabilité des prix et l’objectif de croissance économique. Pour cela nous développons une analyse statistique et empirique basée sur un modèle VAR (Vectoriel Auto Régression), où nous exploitons une série chronologique (1980 -2010).
Notre recherche vient compléter la littérature existante sur l’impact des politiques monétaires sur la sphère réelle. L’originalité ici étant de fournir une contribution empirique d’une zone économique où l’inflation semble être « maîtrisée » et où les déséquilibres macroéconomiques persistent.
Ce papier analyse d’abord les théories économiques entre stabilité et croissance et inflation et croissance avant d’analyser empiriquement les relations politiques monétaire de stabilité croissance économique et inflation.

2. Stabilisation, croissance et output gap

Il est impossible de dissocier croissance et stabilisation. En effet la mise en œuvre d’une politique de stabilisation à court terme entraîne des effets à long terme sur la croissance en général.
Il existe plusieurs liens entre stabilisation et croissance. En s’appuyant sur les mesures alternatives permettant de stabiliser l'économie (telles que les dépenses publiques utilisées par la Corée et la Malaisie durant la crise en Asie (World Bank 2009)), il est possible d’éviter les effets négatifs sur la croissance à long terme plutôt que de compter sur la seule modification des taux d'intérêt.
Les résultats de l’évolution de l’activité réelle au Sénégal et en Côte d’Ivoire montrent que la politique monétaire a plutôt bien rempli ses objectifs de stabilité des prix et est restée neutre vis-à-vis de l’activité économique.

Graphique 1 : Evolution PIB par tête Sénégal


Source : World Development Indicators, 2012

Graphique 2 : Evolution PIB par tête Côte d’Ivoire

Source : World Development Indicators, 2012


Le PIB par tête de la Côte d’Ivoire et du Sénégal ont connu une croissance très faible sur la période 2004 à 2010, 0,24% en moyenne par an pour la Côte d’ivoire tandis que celui du Sénégal a été de 1.2% sur la même période.
Il existe plusieurs instruments pour mesurer l’écart entre le PIB réel et le PIB potentiel d’une économie, cet écart est appelée output gap de la production. Parmi ces méthodes, il y a la méthode du filtrage de Hodrick et Prescott. C’est une méthode qui est fréquemment utilisée en macroéconomie appliquée pour évaluer le PIB potentiel d’une économie, calculer son output gap et sa croissance potentielle.
Le cycle macroéconomique selon l’équation utilisée est donné par l’évolution de l’écart conjoncturel, c'est-à-dire le profil d’évolution de la série de taux de croissance du PIB. C’est l’une des méthodes courantes pour évaluer la tendance d’une série. Un filtrage du PIB par la méthode Hodrick-Prescott (HP) permet d’observer les variations de l’output gap. Le graphique ci-dessous permet d’identifier les grandes phases dans l’évolution de la production potentielle au Sénégal et dans la zone UEMOA.
Graphique 3 : Variations de l’output gap du PIB au Sénégal et dans l’Union (1980-2010)















Source : World Development Indicators, 2012 et calcul de l’auteur



L'output gap désigne les variations transitoires de la production. Un output gap important est un signe de capacités inemployées dans l'économie, et modère donc l'inflation. Un écart de production effectif positif signifie que la production effective dépasse le potentiel de l’économie.

Les mauvaises situations économiques d’ensemble notées surtout durant les années 80 correspondent pour la plupart aux périodes où les programmes de stabilisation ont été appliqués.
Globalement dans l’Union, on peut noter une phase d’expansion de 1994 à 2000. Cette phase est caractérisée par une production effective qui s’écarte sensiblement de la production potentielle. A la fin des années 90 et sur la période allant de 2004 à 2010, une amélioration de l’output gap a été notée au Sénégal, avec une accélération de la croissance tendancielle à un taux moyen de 6,3%. L’économie sénégalaise a repris sa solide trajectoire de croissance, tandis qu’en Cote d’Ivoire, la période 1999-2010, est marquée par une instabilité politico-militaire ne favorisant pas la croissance économique.
Globalement, durant les périodes où le Sénégal et les autres pays de l’UEMOA sont confrontés à de tels déséquilibres, il est implicitement supposé que la banque centrale a à cœur de ramener l'écart de production vers zéro. Le rôle de la politique monétaire sera alors par ses inflexions de contribuer à accélérer le retour des variables macroéconomiques (généralement l'inflation, la production et l'emploi) à leur niveau dit d'équilibre, c'est-à-dire d'assurer la stabilisation de l'économie. C’est ce que la BCEAO a tenté de faire en 2009 en baissant ses taux directeurs de 0,50 point de pourcentage pour favoriser la reprise de l’activité économique.

3. Impact de l’inflation sur la croissance

L’inflation n’est pas en général une variable à prendre en considération pour sa valeur en tant que telle, elle sert plutôt d’indicateur des mauvaises performances économiques. Une inflation modérée n’exerce pas forcément un impact négatif sur la croissance. En effet les taux de croissance réelle en période d’inflation relativement élevée se sont parfois avérés surprenants, et bien meilleurs que les chiffres enregistrés dans des pays apparemment comparables ayant réussi à juguler l'inflation.

Les taux modérés d’inflation ont été souvent accompagnés d’une croissance économique rapide, comme en Argentine entre 1965 et 1974 et au Brésil entre 1965 et 1980. La théorie selon laquelle une inflation faible facilite la croissance économique n’est pas une proposition valable de manière générale (Barnichon, R. and Peiris, S.J., (2008)). Pour bon nombre de ces pays, les périodes de faible inflation sont aussi celles durant lesquelles les taux de croissance économique ont été les moins élevés, comme en Argentine entre 1994 et 2001 et au Brésil entre 1996 et 2003. Une inflation modérée n'est pas forcément néfaste pour la croissance et une inflation trop faible visant la stabilité des prix peut s’avérer préjudiciable à la croissance.
Malgré l’application d’une politique monétaire commune depuis plus d’une quarantaine d’année, il existe un différentiel d’inflation entre les pays membres de l’UEMOA. Au Sénégal, la politique monétaire a été globalement marquée par la prédominance des périodes inflationnistes durant la période 1980-1995. Les périodes de très forte inflation ont été observées en 1994 avec 32,29% à la suite de la dévaluation du franc CFA, mais aussi pour les années 2008, 2009 à cause des effets de la crise économique mondiale.
Graphique 4 : Evolution du taux d’inflation au Sénégal

Source : World Development Indicators, 2012

L’analyse de l’inflation au Sénégal montre que l’objectif de stabilité des prix a été atteint de 1996 à 2007 et en 2009. Sur la période 1980-2009, le taux d’inflation annuel moyen a été de 3,82%. En Côte d’Ivoire pour l’ensemble de la période 1980-2010, on note un taux d’inflation annuel moyen de 5,24%. Le plus fort taux d’inflation a été enregistré en 1994 avec 26,08%.
Graphique 5 : Evolution du taux d’inflation en Cote d’Ivoire

Source : World Development Indicators, 2012

4. Méthodologie

La recherche se focalise sur la zone UEMOA en général et plus particulièrement sur la Côte d’Ivoire et le Sénégal qui représentent les deux principales économies de la zone. En effet leurs productions représentent environ plus de 80% de la croissance de l‘UEMOA (IZF) et ils constituent un moteur de croissance pour les autres pays de l’UEMOA. Ce choix se justifie aussi par une contrainte de disponibilité de séries chronologiques de 20 ans pour certains pays.
Nous utilisons comme instrument d’analyse la réaction de la politique monétaire de la banque centrale (BCEAO) suite à un choc sur l’output gap de la production au Sénégal et en Cote d’Ivoire et vice versa.
4.1 Cadre théorique et spécification du modèle
Nous cherchons à d’analyser la réaction des taux directeurs de la banque centrale ainsi que celle d’autres variables macroéconomiques, suite à une variation de l’output gap au Sénégal et en Côte d’Ivoire (et vice versa), à partir d’un modèle VAR.
Un modèle VAR à k variables et à p décalages VAR(p) s’écrit sous forme :
 QUOTE   (a.1)
Les matrices  QUOTE   (j=0,1,…, p) sont les dimensions (k,k) et sont les matrices des coefficients qui seront estimés. Pour le modèle choisi,  QUOTE   est le vecteur (5x1) des 5 variables retenues,  QUOTE   est le vecteur (5x1) des résidus canoniques de matrice de covariance £,  QUOTE   des matrices (5x5) de coefficients et p le nombre de retards.
Y est le vecteur des variables suivantes :
Le taux d inflation pour analyser l impact de la politique monétaire sur la stabilité des prix (INFL).
La variation de l’output gap (GAP), pour rendre compte de la conjoncture d’ensemble
Les instruments de politiques monétaires : taux d'escompte (TXESCOMPTE) de la banque centrale et le taux du marché monétaire (TXMARKET) qui fournissent une indication sur les conditions de refinancement. Le nombre de variables de politique monétaire est déterminé selon un critère statistique permettant d’éviter la redondance et la multicolinéarité des variables
La population active pour tenir compte de la main d’œuvre disponible pour travailler (POP).
En définitive, le vecteur des variables endogènes s’écrit comme suit :
 QUOTE   (a.2)
En utilisant le polynôme retard, le modèle (a.1) est équivalent à la forme matricielle réduite suivante :
 QUOTE  = µ+ QUOTE  + QUOTE  +…+ QUOTE  + QUOTE   (a.3)
Le modèle VAR est identifiable dès lors que  QUOTE   existe. Sous cette hypothèse, la multiplication de l’équation (c) par  QUOTE   , donne :
 QUOTE  + QUOTE   (a.4)
Où  QUOTE  = QUOTE  µ ;  QUOTE  = QUOTE   ;  QUOTE  = QUOTE  µ
Les paramètres matriciels du modèle (a.4) peuvent être estimés par la méthode des moindres carrés ordinaires pratiquée individuellement sur chaque équation du système (a.3). Le nombre optimal de retards « p » est déterminé comme valeur minimisant les critères de Schwartz et d’Akaike.
Une représentation équivalente d’un modèle VAR(p) structurel consiste à écrire le processus Yt sous la forme :
 QUOTE   (a.5)
Où B(L) = I-  QUOTE  
La représentation vectorielle à correction d’erreur consiste à réécrire le modèle (a.4) en différences premières tel que :
” QUOTE  +  QUOTE   (a.6)
Remarquons que l écriture VAR présentée dans l équation (a.5) suppose que : l équation définissant  QUOTE   ne fasse intervenir aucun QUOTE  . Ce qui n est pas toujours le cas. Considérons les deux processus stationnaires ( QUOTE   et ( QUOTE   définis par les relations suivantes :
 QUOTE   ± +  QUOTE  +  QUOTE  ´ QUOTE  + QUOTE  + QUOTE  
 QUOTE   ± +  QUOTE  +  QUOTE  d QUOTE  + QUOTE  + QUOTE  
Cela peut se réécrire sous forme matricielle D QUOTE   = A +  QUOTE    QUOTE   + … +  QUOTE    QUOTE   +  QUOTE   où n = (max p,q,r,s) avec les notations matricielles

 QUOTE    QUOTE  = QUOTE   D= QUOTE  ,  QUOTE   et pour i = 1;…,n  QUOTE  = QUOTE  
Avec la convention, par exemple, QUOTE   = 0 pour p ) 3.
S agissant des variables Productivité et Rentabilité, les codes sont :
0 = niveau de performance « non satisfaisant » : si le score est strictement inférieur à 3 ;
1 = niveau de performance « satisfaisant » : lorsque le score est supérieur ou égal à 3.
Pour la taille, l’entreprise moyenne (Charte des PME, 2003) est codée « 0 » ; tandis que la grande est codée « 1 ».Pour la présence syndicale, le code « 1 » désigne l’existence d’un syndicat alors que le « 0 » indique l’absence de syndicat dans l’entreprise.
Finalement, les nouvelles données qualitatives nous permettent d’établir des relations entre des variables dichotomiques (Cibois, 1999).

3.2. Le traitement des données

Afin de tester nos hypothèses, nous avons eu recours aux modèles logistiques ou « logit » qui sont plus adaptés aux données qualitatives (Cibois, 1999 ; Lacouture, 2006). Trois équations logistiques sont établies. Elles spécifient les différentes prédictions de la motivation, de la productivité et de la rentabilité.

 EMBED Equation.3  (1)


 EMBED Equation.3 (2)

 EMBED Equation.3 (3)

Plusieurs types d’analyses se prêtent aux modèles logistiques. Nous avons utilisé les analyses statistiques notamment la statistique descriptive, les régressions simples et les arbres de régression (Rakotomalala, 2008, 2005).

4. Résultats et discussions

4.1. Résultats

Les résultats peuvent être analysés suivant deux approches. La première a étudié l’impact direct de chaque pratique de GRH sur les indicateurs de performance. Dans un premier temps, l’analyse univariée a présenté une distribution assez diversifiée des variables du modèle de recherche avec deux particularités. D’une part, la motivation tout comme la productivité et la rentabilité ont présenté une certaine homogénéité dans la population. D’autre part, les pratiques de GRH ont présenté un niveau d’implantation plus ou moins hétérogène. Mais on constate dans l’ensemble une faible pratique de la GRH.
Et puis, les régressions logistiques simples montrent que les pratiques de GRH exercent un effet direct et individuel sur la Motivation. La « statistique Wald » indique que sur la dizaine de pratiques de GRH éprouvées, six (06) ont établi un lien significatif avec la motivation. Il s’agit de : la communication, le recrutement, la sécurité d’emploi, la participation aux décisions, la formation et l’organisation du travail. Cependant, les régressions restent muettes sur la relation entre Pratiques de GRH et performances économique et financière.

Dans la seconde approche, les pratiques de GRH sont traitées de façon systémique. Grâce aux arbres de régression, nous avons identifié la façon dont chaque indicateur de performance est décrit par un système de pratiques de GRH et de variables de contrôle.
En effet, les arbres de régression fournissent une description de la façon dont la distribution de la variable à expliquer est conditionnée par les variables explicatives (Jambu, 1999). C’est par cette méthode que nous pouvons observer le mécanisme par lequel les pratiques de GRH interagissent pour influencer les indicateurs de performance. Les arbres issus des données sont représentés par les schémas suivants.

Schéma 1 : Arbre de régression Motivation

Sources : Calculs sur SIPINA.













Schéma 2 : Arbre de régressionProductivité Schéma 3 : Arbre de régression Rentabilité

Sources : Calculs sur SIPINA Sources : Calculs sur SIPINA.


4.2. Discussions

Les résultats que nous venons de présenter renseignent beaucoup sur le lien entre la GRH et la performance des entreprises au Sénégal. Pour comprendre le mécanisme d’influence des pratiques de GRH, nous avons compilé les résultats précédents dans un tableau. Ce dernier (tableau 5) présente pour chaque approche d’analyse, les différentes pratiques de GRH ainsi que les variables de contrôle qui sont déterminantes dans la prédiction d’indicateurs de performance (motivation, productivité, rentabilité).

Tableau 5 : Pratiques de GRH déterminantes selon les objectifs de performance
Approches d’analyseMotivationProductivitéRentabilitéApproche systémique
(Arbres de régression)Pratiques de GRHCommunication
Recrutement
Sécurité d’emploi
Formation
Organisation du travail
Rémunération incitative
Accès à la propriété
Evaluation du rendementPlanification des RH
Evaluation rendement Communication
Sécurité d’emploiCommunication
Formation
Planification des RH
Accès à la propriété
Rémunération incitativeVariables de contrôleTaille
Présence syndicalePrésence syndicaleApproche non systémique ou individuelle (régression simple)Pratiques de GRHCommunication
Recrutement
Sécurité d’emploi
Participation aux décisions
Formation
Organisation du travailVariables de contrôleTailleSources : Synthèsedes résultats des différentes analyses

Le tableau 5 laisse comprendre que selon les impératifs qui leur sont propres, les entreprises peuvent mettre l’accent sur les pratiques de GRH susceptibles de favoriser la Motivation ou bien la Productivité ou encore la Rentabilité. Chacune des trois options a des implications sur le choix des pratiques de GRH mais aussi sur le mécanisme par lequel ces pratiques influencent la performance économique et financière. Pour comprendre cela, nous avons soulevé certaines interrogations.

Quel mode de traitement des pratiques de GRH serait plus avantageux ?

La fonction RH peut choisir de pratiquer la GRH de façon individualisée ou systémique. Une pratique de GRH est implantée de manière individuelle lorsque sa mise en œuvre est localisée et vise à résoudre un problème ponctuel. Dans cette option, nous constatons sur le tableau 5(zone quadrillée) qu’aucune variable ne semble agir directement sur la productivité et la rentabilité.

Cela signifie que dans cette approche, la fonction RH pourrait assurer une motivation des employés mais il n’est pas garanti qu’une productivité et une rentabilité s’en suivront. Autrement dit, une question ponctuelle de GRH peut être résolue sans que l’on observe un impact sur les résultats de l’entreprise. Par conséquent, ce mode de traitement des pratiques de GRH ne serait pas optimal.

Par contre, lorsque les pratiques de GRH sont introduites ensemble de façon à rechercher l’effet de chacune sur l’autre, leur impact sur les différents indicateurs de performance est illustré sur le tableau 5 (zone colorée). Ces résultats concluent que la fonction RH contribuerait à la réalisation de la motivation des salariés, tout comme à la productivité et à la rentabilité. Cet effet synergique des pratiques de GRH rejoint à la fois les principes universalistes mais aussi de la configuration. Au final, le mode systémique semble plus avantageux que le précédent.


Quel objectif de performance serait plus efficient pour l’entreprise ?

Les résultats synthétisés au tableau 5 montrent que la fonction RH n’aurait d’autres choix que de développer ses politiques suivant une approche systémique. A partir de ce moment son impact sur les résultats de l’entreprise restera déterminé par l’objectif de performance défini par celle-ci.
Dans le cas d’un objectif de Productivité, nos analyses indiquent que la tendance serait de privilégier les investissements uniquement sur quatre pratiques de GRH en l’occurrence la Planification des RH, l’Evaluation du rendement, la Communication et la Sécurité d’emploi (Lacoursière et al 2004 ; Yaoundt et al, 1996 ; Fabi et al, 2010). Mais dans ce cas, réaliser la motivation des salariés de même qu’une rentabilité satisfaisante risque d’être compromis. En effet, ces performances exigent plus d’investissement dans d’autres pratiques de GRH.
Lorsque l’objectif de l’entreprise est maintenant financier, nous remarquons que les pratiques de GRH qui seraient les plus mobilisées sont : la Communication, la Formation, la Planification des RH, l’Accès à la propriété et la Rémunération incitative (Chrétien et al, 2005 ; Lacoursière, 2000 ; Arcand, 2000 ; Arcand, 2006 ; Delery et Doty, 1996). Cette option serait sans doute préjudiciable pour la réalisation d’une productivité du moment que seules deux pratiques de GRH lui sont associées sur les cinq mises en évidence. En outre, selon nos résultats, ces pratiques ne seraient pas suffisantes pour garantir la Motivation. Cette situation rappelle le principe de Drucker selon lequel « la recherche du profit ne doit pas être l’objectif de l’entreprise mais le moyen de sa pérennité » (Lécrivain, 2007. p 16).
Par ailleurs, vérifions les résultats lorsque l’investissement sur les hommes prédomine. Ici, l’objectif ou bien le « sous-objectif » de performance est de motiver les salariés. Dans ce cas, l’entreprise devra compter sur la synergie d’un nombre plus important de pratiques de GRH : Communication, Recrutement, Sécurité d’emploi, Formation, Organisation du travail, Rémunération incitative, Accès à la propriété et Evaluation du rendement. Nous pouvons remarquer que presque toutes les pratiques de GRH influentes sur la productivité comme sur la rentabilité sont prises en compte.
Certes, le budget de la fonction RH pourra augmenter mais son influence s’élargit. En plus de son efficacité sur la motivation, la GRH aura réussi à contribuer simultanément à la réalisation de la productivité et de la rentabilité par l’intermédiaire de la motivation. Notre hypothèse est alors vérifiée.

Les résultats montrent que l’objectif de motivation des employés permet de dessiner le mécanisme par lequel les pratiques de GRH influencent la performance économique et financière. En caricaturant, le modèle schématisé précédemment dans la partie « Méthodologie » pourrait servir de référence.
Nos résultats corroborent, en fait, d’autres travaux précédents. En analysant la littérature, Brown et al (2009) s’aperçoivent que les processus de recrutement et de formation s’exercent directement sur la motivation du personnel. Concluant dans le même sens, Guest (1997) a mis en exergue certaines pratiques de GRH notamment le recrutement, la formation, la sécurité d’emploi, la rémunération et la promotion interne ou planification des carrières.
Pour MacDuffie (1995), une des plus probables voies menant à l’amélioration du rendement est d’avoir un personnel motivé. Ce dernier utilise ses habiletés, compétences et connaissances dans un effort discrétionnaire. De plus, comme dans notre cas, MacDuffie privilégie la complémentarité entre les pratiques (« HR system »).
Pfeffer et Veiga (1999) ont énuméré une liste de sept pratiques de GRH qui s’intègrent dans la liste que nous avons éprouvée. Ils ajoutent à la liste de Guest (1997) la création d’équipe de travail, le partage de l’information. Ces « pratiques d’excellences », selon leurs termes, accroissent sans doute la motivation du personnel. Elles indiquent que la direction a confiance en ses subordonnés.
Enfin, Dimba et K’Obonyo (2009) ont testé un modèle semblable au notre. Ils ont cherché et conclu que les pratiques de GRH (sauf le recrutement) sont positivement et significativement corrélées à la performance (product quality, image, and interpersonal relations) ; la relation entre les pratiques de GRH et la motivation dépend de la culture des employés lorsque la valeur de cette culture est considérée ; la motivation joue le rôle de médiateur dans le lien pratiques de GRH et performance ; la motivation influence la performance de la firme. Pour ces auteurs, le dispositif stratégique « GSRH – Motivation » expliquerait 30% de la performance des entreprises multinationales kényanes.

Quels seraient les ajustements à effectuer pour la mise en œuvre des activités de GRH ?

Les développements précédents ont donné plus de crédit à traiter les pratiques de GRH suivant une approche systémique. Toutefois, leurs effets isolés ne doivent pas être ignorés. Les résultats (régressions logistiques simples) indiquent que dans la pratique, elles peuvent faire l’objet de certains ajustements et manœuvres.
En effet, nos résultats ont montré que certaines pratiques de GRH peuvent obéir à des seuils d’implantation ; tandis que d’autres exercent des effets dont l’efficacité est proportionnelle à leur niveau d’implantation. Par exemple, la pratique de formation pourrait réduire le niveau de motivation lorsqu’elle est fortement implantée. Or, c’est tout le contraire pour la pratique de sécurité d’emploi.
En outre, nous constatons que les variables de contrôle se révèlent significatives. La Taille et la Présence syndicale contribuent de façon déterminante à la prédiction de la motivation. La Présence syndicale prédit également la Rentabilité. Ces résultats soutiennent ainsi l’option « objectif de motivation » et corroborent les principes de Carrière et Barrette (2005) sur la taille ainsi que ceux de Freeman et Medoff(1984) sur la présence syndicale.

5. Conclusion

Cette étude semble apporter une contribution à une meilleure compréhension du rôle joué par la GRH sur la performance organisationnelle. En identifiant le processus par lequel ce rôle se manifeste, elle souligne tout l’enjeu des objectifs que se fixent les entreprises. Pour notre cas, les entreprises sénégalaises seraient rassurées d’arriver à de meilleures performances économique et financière lorsqu’elles se fixent un objectif de motivation des salariés.
Notre étude soutient ainsi le caractère universaliste de certaines pratiques de GRH dans leur capacité à prédire la performance. Elle est source d’implications managériales. Elle interpelle les managers à intégrer les paradigmes de la GRH dans leurs politiques de gestion.
D’ailleurs un prolongement de cette étude serait d’effectuer un retour vers les entreprises enquêtées. L’objectif est double : (1) donner un feed-back à la suite des informations collectées et (2) instaurer le débat avec les praticiens. En fait, nos résultats objectent les conclusions de certains auteurs comme Tidjani (2000) et Arcand (2000). Le premier avait établi que la GRH est loin d’être stratégique dans les entreprises sénégalaises. Le second avançait que pour bon nombre de salariés la GRH est un leurre.
En dépit des contributions réalisées, ce travail reste perfectible. Les limites peuvent être essentiellement d’ordre méthodologique. Notre étude est de type instantané. Une étude longitudinale aurait valorisé les effets dynamiques des pratiques de GRH dont une des caractéristiques essentielles est d’être fluctuante et difficile à saisir (Dany et Hatt, 2009).
Par ailleurs, nous avons faiblement pratiqué la triangulation. Cette méthode de collecte des données consiste à diversifier les répondants pour un questionnaire donné. Ici, elle a concerné seulement le questionnaire motivation (QMv). Par exemple pour le questionnaire RH (QMR), la perception que les employés ont de l’implantation des pratiques de GRH pourrait être différente de celle des DRH. Cela aurait été également un moyen d’éviter ou de réduire toute surestimation du niveau d’implantation des pratiques de la part des DRH. En outre, on saurait peut-être s’il est pratiqué une GRH en faveur du dynamisme des employés ou bien une GRH qui accroit les pouvoirs des managers ?
Enfin, nos résultats ont montré que le mécanisme identifié nécessite plus d’investissements sur les pratiques de GRH prônées. Il occasionne des coûts non négligeables or les effets escomptés des pratiques se produiront après un certains temps. Cela pourrait réduire les retombés à court terme si l’on sait que les managers ont la particularité d’être très pressés d’obtenir des réponses et, qui plus est,au moment où certains DRH justifient insuffisamment leurs politiques (Fericelli et Sire, 1996 ; Held, 2001; Carrière et Barrette, 2005; Ndao, 2011).C’est sans doutedansce cadre que Ulrich (1997) disaità l’égard de la fonctionRH : « To fulfill the business Partner role of HR, concepts need to be replaced with evidence, ideas with results, and perception with assessments ».








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Impacts des dépenses publiques sur la croissance économique au Burkina Faso : une évaluation économétrique

Thiombiano Noël

Résumé :
Cet article est consacré à l’évaluation empirique de l’impact des dépenses publiques sur la croissance économique au Burkina Faso. Les objectifs poursuivis sont d’une part, la recherche des liens pertinents entre la composition des dépenses publiques au Burkina Faso et la croissance économique du pays, et d’autre part, les changements à apporter à la composition de ces dépenses pour dynamiser la croissance économique. Pour y parvenir, l’étude a défini et testé un modèle économétrique de la croissance où les dépenses publiques interviennent comme variables explicatives. Pour mieux capter les effets à court et long termes, nous avons recouru à un modèle à correction d’erreur.
Les résultats obtenus ne corroborent pas les prédictions des modèles de croissance endogène qui indiquent que certaines dépenses publiques sont favorables à la croissance. Les dépenses publiques globales de consommation et d’investissement ont un effet positif sur la croissance économique du Burkina Faso à court terme, quoique l’effet de l’investissement ne soit pas significatif. A long terme, les effets des dépenses publiques courantes et des dépenses d’investissement sont toujours positifs, mais non significatifs. Cependant, une analyse plus fine fait ressortir des résultats différenciés selon la nature des dépenses et par secteur.

Mots clés : Dépenses publiques, croissance économique, modèle à correction d’erreur, Burkina
Faso
Classement JEL : H50 ; F43 ; C59 ; N17












Introduction
Les dépenses publiques constituent un instrument dont dispose l’Etat pour influencer à la fois les objectifs de croissance et de redistribution. Elles peuvent agir sur la croissance économique soit à court terme, en jouant sur la demande par le canal du multiplicateur keynésien, soit à moyen-long terme, en jouant sur l’offre en contribuant à la « capacity building » d’un pays. Dans ce dernier cas, on parle de dépenses publiques « porteuses de croissance » dont les fondements théoriques sont ceux des modèles de la croissance endogène : Lucas (1988) pour la croissance par accumulation du capital humain ; Barro (1990) pour les infrastructures publiques ; Romer (1990), Aghion et Howitt (1992) pour les modèles de croissance endogène avec recherche développement.
D’un point de vue théorique, les dépenses publiques dites « porteuses de croissance » sont soit les dépenses d’investissements publics, visant à développer le capital physique de l’Etat, soit les dépenses visant à développer le capital humain (dépenses de santé, d’éducation), soit les dépenses visant à développer le capital infrastructurel (dépenses de transport et de communication) ou soit les dépenses visant à développer la technologie (dépenses de recherche et développement).
Dans ce même ordre, au plan pratique, plusieurs organismes internationaux (BAD, NEPAD) ont à travers leurs politiques, décliné les secteurs sociaux (éducation, santé, agriculture) comme des secteurs prioritaires sur lesquels les pays en développement devraient se focaliser pour impulser leur développement. La Déclaration de Maputo de 2004 préconisant l’utilisation de 10 % des dépenses publiques pour l’agriculture et le développement rural en est un cas illustratif.
Aussi, au niveau national, les différents référentiels de développement que sont le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, et le Plan d’actions prioritaires (PAP) ont établi des domaines prioritaires parmi lesquels, nous avons la santé et la nutrition ; l’enseignement de base, secondaire et supérieur ; l’agriculture, l’élevage et la pêche afin d’atteindre particulièrement : i) une augmentation du PIB par habitant d'au moins 4 % par an à partir de 2004, soit un taux de croissance du PIB réel de 7 % à 8 % par an ; ii) la réduction de l’incidence de la pauvreté à moins de 35 % à l’horizon 2015 ; et iii) l’augmentation de l'espérance de vie à 60 ans au moins.
Cependant, les dépenses publiques entretiennent avec la croissance économique une relation théoriquement assez ambiguë. Elles peuvent avoir un effet soit positif, soit négatif sur la croissance, selon le contexte propre à chaque pays et la manière dont elles sont financées. Dans ce contexte et dans le cadre actuel de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD), basée sur les pôles de croissance, et dans le prolongement des réflexions relatives aux facteurs de la croissance au sein des économies en développement, il convient de déterminer la nature de l’impact des dépenses publiques sur la croissance économique du Burkina Faso. De même, il est indispensable, dans la droite ligne des théories dites de la croissance endogène, de considérer la structure des dépenses, dans le souci de cibler les composantes qui sont porteuses de croissance à court ou à long terme et celles qui ne le seraient pas.
Ainsi, au regard de la nouvelle vision du développement des pôles de croissance visant à réaliser une croissance économique forte à deux chiffres, soutenue et de qualité, génératrice d'effets multiplicateurs sur le niveau d'amélioration des revenus, la qualité de vie de la population et soucieuse du respect des principes du développement durable, quelles sont les dépenses publiques porteuses de croissance au Burkina Faso ?
L’objectif de cet article est d’analyser la nature de l’incidence des dépenses publiques sur la croissance économique au Burkina Faso, et d’en tirer des leçons pour une meilleure allocation des dépenses publiques, en vue d’une croissance forte et réductrice de la pauvreté. La suite de l’article s’organise autour de six sections. La section 2 passe en revue les travaux théoriques et empiriques portant sur la relation entre les dépenses publiques et la croissance économique. La section 3 présente le modèle, les données et fournit des statistiques descriptives sur les variables. La section 4 est consacrée aux propriétés temporelles des variables et à l’analyse des résultats d’estimation. La discussion des résultats est faite dans la section 5. Pour finir, la section 6 résume en conclusion les principaux résultats de l’étude et en tire les implications pour la conduite de la politique économique.
2. Dépenses publiques et croissance économique : aspects théoriques et empiriques
Les recherches théoriques sur les liens entre dépenses publiques et croissance économique ont produit une abondante littérature. L’influence des dépenses publiques sur la croissance économique s’exerce à la fois du côté de l’offre et de la demande. En ce qui concerne la demande, le rôle des dépenses publiques dans la régulation macroéconomique s’inscrit dans le débat traditionnel sur l’efficacité de la politique budgétaire. Suivant l’optique keynésienne, la régulation de l’activité économique par les pouvoirs publics passe par des actions contracycliques sur la dépense publique. Cette option amène les pouvoirs publics à soutenir activement la croissance économique par un accroissement de la dépense publique lorsque la demande privée des agents économiques est déprimée, ou au contraire à la ralentir, en réduisant les dépenses publiques lorsque son emballement fait craindre des déséquilibres internes et externes. Les dépenses publiques de consommation devraient à court terme stimuler la croissance. Ainsi, on se demande si à court terme, les dépenses publiques peuvent stimuler la demande globale et relancer une croissance économique jugée trop molle.
Même si les dépenses publiques peuvent influencer la croissance économique en agissant sur la demande, leur rôle en tant que déterminant de l’offre a été davantage étudié, surtout dans les pays en développement. Du côté de l’offre, l’argument en faveur des dépenses publiques est que certaines dépenses publiques, notamment celles qui contribuent à la formation du capital public – les réseaux routiers, l’électricité, les télécommunications, l’éducation et la santé par exemple – génèrent des externalités qui encouragent l’accumulation des facteurs de production (capital physique et humain), améliorent la productivité dans le secteur privé, et peuvent de ce fait soutenir la croissance économique (Blejer et Khan, 1984 ; Aschauer, 1989 ; Tanzi et Zee, 1997). Néanmoins, il a fallu attendre le développement des nouvelles théories de la croissance pour réaffirmer le rôle du capital public dans la dynamique de la croissance économique (Barro, 1990).
Dans les premiers modèles de croissance, comme celui de Solow (1956), la croissance à long terme dépendait du progrès technique, sans que l’origine de celui-ci soit réellement analysée, même si l’on mentionnait le rôle important de l’éducation. Vers la fin des années 1980 et le début des années 1990, les recherches sur les facteurs de la croissance économique ont pris une nouvelle dimension, avec l’apparition des nouvelles théories de la croissance endogène (Lucas, 1988 et Romer, 1990). Le large éventail des sources d’accroissement de la productivité, et donc de la croissance, constitue l’aspect innovant de ces théories. En effet, le capital public, la recherche et développement, les économies d’échelle, le capital humain en tant que facteur de production (Lucas, 1988), les déséconomies externes (Blunch, 2004 ; Kovsted et al,2003 ; McNay et al. 2003 ; Currie et Moretti, 2002 ; Desai et Soumya 1998), l’apprentissage par la pratique (Arrow, 1962), etc. constituent des sources possibles de croissance économique.

Sur le plan théorique, on peut donc avoir recours à un ensemble de facteurs pour expliquer la croissance économique d’un pays. Les dépenses publiques, lorsqu’elles se traduisent par une augmentation du capital public, en sont une source très importante. Elles représentent l’un des principaux instruments dont disposent les pouvoirs publics pour agir sur les autres sources. En particulier, les dépenses publiques se justifient théoriquement par leur rôle dans la correction des imperfections des marchés et la promotion de l’équité. Ce faisant, l’État exerce une influence directe sur l’efficacité du secteur privé. Les investissements publics concourent à la productivité privée lorsqu’ils contribuent à la formation du capital public. Le rôle de l’État est de plus en plus déterminant dans la production des biens publics. Il est nécessaire que l’État intervienne pour fournir des routes, assurer la défense du territoire, fournir les services de communication, contribuer à l’amélioration de l’éducation ou de la santé de la population afin d’atteindre des normes de bien-être. C’est dans cette optique que Barro (1990, 1991) présente un modèle de croissance où les dépenses publiques jouent un rôle moteur. Il peut s’agir d’effets sur les revenus (Psacharopoulos et Patrinos, 2002 ; Cogneau et Guénard, 2002 ; Cling et Cogneau, 2002), avec des implications sur la réduction de la pauvreté (Chu et Tanzi 1998 ; Barro, 1991). Bon nombre de travaux ont aussi cherché à mettre en évidence les effets directs des dépenses publiques sur la croissance (Gurgand, 2003 ; de la Croix, et Doepke, 2003 ; Hanushek et Kimko, 2000 ; Dessus, 1998a ; Barro et Sala-i-Martin, 1995 ; Benhabib et Spiegel, 1994). Le rôle que peuvent jouer les dépenses publiques dans la promotion de la croissance en soutenant directement certains secteurs productifs dans le cadre d’une politique industrielle bien menée a lui aussi donné lieu à une abondante littérature (Rodrik, 2004).

La théorie économique n’a pas seulement identifié les effets positifs des dépenses publiques sur la croissance économique ; elle a aussi mis en évidence les canaux par lesquels les dépenses publiques peuvent avoir des effets négatifs sur la croissance économique. C’est notamment le cas lorsqu’elles handicapent les investissements privés, soit parce qu’elles sont financées par des moyens qui introduisent des distorsions dans l’économie, soit parce que leur financement se fait au détriment du secteur privé (Pygno, 2006). En définitive, les dépenses publiques entretiennent avec la croissance économique une relation théoriquement assez ambiguë. Elles peuvent avoir un effet soit positif, soit négatif sur la croissance, selon le contexte propre à chaque pays et la manière dont elles sont financées.
Du point de vue empirique, trois types d’approches ont souvent été utilisées dans la littérature traitant de l’impact des dépenses publiques sur la croissance : la première recherche les liens de causalité, au sens économétrique du terme, entre dépenses publiques et croissance ; la deuxième utilise l’estimation de séries temporelles de fonctions de production augmentées des dépenses publiques; enfin, l’analyse de données de panel sur un échantillon de pays constitue la troisième approche.
Reflétant les incertitudes théoriques évoquées plus haut, les études empiriques de la relation entre les dépenses publiques et la croissance économique aboutissent souvent à des résultats ambigus. Ainsi, Knight et al. (1993) et Nelson et Singh (1994) ont mis en évidence un effet significatif de l’investissement public en infrastructures routières sur la croissance dans un échantillon de pays en développement, notamment au cours des années 1980. Easterly et Rebelo (1993) arrivent au même résultat en étudiant les investissements publics dans les transports et les communications, dont l’effet sur la croissance serait positif. En revanche, dans une étude sur l’influence de la composition des dépenses publiques sur la croissance, Devarajan et al. (1996) ont montré qu’un niveau élevé de dépenses publiques exerce un effet négatif sur la croissance et que les dépenses en capital n’ont une influence positive que dans les pays développés. Etudiant plus spécifiquement le cas de la Côte d’Ivoire dans le cadre d’une approche par la causalité, Keho (2007) aboutit à la conclusion que les dépenses publiques et les dépenses d’investissement (agriculture) prises globalement n’ont aucun effet significatif sur la croissance économique du pays. Le tableau 1 en annexe fait une synthèse des principaux résultats obtenus dans des travaux similaires aux Etats Unis et dans les pays de l’OCDE. Ces différentes études tout en recourant à la fonction de production, ont abouti à des résultats ambigus de l’effet des dépenses publiques sur la croissance économique, toutefois avec des formes fonctionnelles et des données différentes. Ces données sont tantôt des séries temporelles, tantôt des données panels ; mais plus rarement des données en coupe instantanée. La forme fonctionnelle Cobb- Douglas se dégage être la plus usitée par ces différentes études.

Dans le cas spécifique du Burkina Faso, la plupart des études sur la relation entre les dépenses publiques et la croissance ont porté sur les dépenses globales (Nubukpo, 2007). Dans cette étude, l’auteur trouve un impact positif des dépenses publiques d’investissement sur la croissance au Burkina Faso aussi bien à court terme qu’à long terme.

Face à cette ambiguïté des résultats, il parait important de s’interroger sur le cas spécifique du Burkina-Faso. Dans cette étude, nous cherchons donc, par une analyse macroéconomique et sectorielle à déterminer la contribution des dépenses publiques à la croissance économique de ce pays. Les études ayant utilisé ce genre de segmentation (Keho, 2007) l’ont fait en appliquant une approche par la causalité. Mais cette approche ne permet pas de quantifier les effets marginaux (voire des élasticités) à court et long terme. L’approche du modèle à correction d’erreur que nous employons ici permet de pallier cette insuffisance.
3. Modèle
Cette section présente la spécification du modèle, définit des variables du modèle et indiqueles sources des données.
3.1. Spécification théorique
L’analyse de l’incidence des dépenses publiques a été appliquée à plusieurs pays en développement (Meerman 1979, Selowsky 1979, Demery 2000, Demery et al. 1995, Devarajan et Hossain 1995). Kamgnia et al. (2008) ont utilisé les approches moyenne et marginale pour apprécier le contenu équité des dépenses publiques de santé et d’éducation au Cameroun. En particulier, l’analyse d’incidence indique dans quelle mesure les dépenses publiques agissent sur le bien-être des différents groupes ou des ménages individuels. Les approches alternatives incluent l’approche par la comptabilité de la croissance et celle par le modèle de Solow augmenté (Kobou, 2005). La première permet de décomposer la variation du produit et de restituer les contributions de l’accumulation des facteurs et du résidu. Elle présente l’avantage d’estimer les gains d’efficience liés à l’utilisation des facteurs. Mais une telle approche a fait l’objet de nombreuses critiques en raison de son incapacité à identifier les facteurs fondamentaux de la croissance.
L’objectif de l’étude et la revue de la littérature suggèrent une formulation générale d’une fonction de croissance rassemblant plusieurs spécifications empiriques utilisées depuis Barro (1990) dans les études relatives à l’impact des dépenses publiques sur la croissance économique. L’équation de base retenue pour les estimations économétriques s’inspire des travaux d’Ojo et Oshikoya (1995), Ghura et Hadjimichael (1996), Tenou (1999) et Nubukpo (2007) sur la croissance du PIB réel dans les pays africains. Dans le modèle, les dépenses ne peuvent être endogènes : le recours à un système d'équations peut donc être source d’erreurs. Le non recours à la productivité exclut aussi l’utilisation d’un système d’équations simultanées impliquant la construction d’une équation pour la productivité dans le secteur agricole en fonction du PIB, et vice versa. On peut également envisager d’expliquer les contributions différenciées des dépenses dans le PIB. Dans ce cas, un modèle de panel permettrait de suivre à la fois les spécificités sectorielles et les évolutions temporelles des parts de PIB allouées aux différentes dépenses. Alternativement, un modèle de type AIDS estimé dans une approche SUR peut permettre d’obtenir les élasticités des dépenses par rapport au PIB. Mais une telle spécification inverserait le rôle que nous cherchons à quantifier, celui des dépenses publiques sur la croissance.
Comme dans certaines études (Nubukpo ; op. cit; Moreno-Dodson, 2008, confère tableau 1 en annexe), l’analyse de l’impact des dépenses publiques sur la croissance est faite ici dans le cadre d’un modèle à correction d’erreur, à l’aide de plusieurs hypothèses ou scenarii. Dans un premier temps, un modèle simple est estimé pour décrire l’effet des dépenses globales sur la croissance économique. Dans un second temps, les dépenses publiques totales en termes de consommation et d’investissement sont introduites dans une équation de croissance pour décrire l’impact global des dépenses publiques sur la croissance économique du pays. Dans un troisième temps, une décomposition en dépenses sociales, dépenses productives (agriculture, infrastructure) et dépenses de défense est effectuée pour cerner la contribution de ces différents types de dépenses. Enfin, la composition des dépenses publiques par secteur est prise en compte (dépenses publiques de consommation et dépenses publiques d’investissement). De cette façon, il est possible de faire apparaître le rôle productif des investissements publics à travers les deux canaux théoriques que sont l’accroissement de la rentabilité du capital et des capacités de production d’une part, et les externalités de croissance et la productivité globale des facteurs, d’autre part. La priorité de l’étude est certes d’apprécier les contributions des secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture, mais il a été jugé opportun d’étendre l’analyse aux secteurs de la défense et de l’infrastructure, en raison de leurs poids budgétaires. Les autres secteurs sont rassemblés dans une variable unique, appelée « autre », compte tenu de la taille de l’échantillon qui ne s’étend que sur la période 1977-2009, et ne permet l’estimation des variantes du modèle que pour 33 observations. Sous sa forme générale, le modèle de croissance s’écrit de la manière suivante :
 EMBED Equation.3 
où :
 EMBED Equation.3  PIB réel ;
 EMBED Equation.3 un ensemble de variables dites conventionnelles comme le capital physique, le travail et le capital humain ;
 EMBED Equation.3 un ensemble de variables liées à la politique économique, telles que les dépenses publiques et le taux d’inflation ;
 EMBED Equation.3 un ensemble de variables liées à l’environnement extérieur notamment l’indice des termes de l’échange ;

3.2. Les variables
Pour l’analyse, la revue de littérature nous a permis de retenir les variables suivantes :

Pop (Population active) : la théorie enseigne que la quantité de travail fournie dans une économie est proportionnelle à sa population active. Elle est supposée avoir un effet positif sur la production. Le signe de son coefficient devrait donc être positif dans l’équation de croissance.
DEP (Dépenses publiques) : l'impact des dépenses publiques sur la croissance économique reste assez limité dans notre contexte. Selon les keynésiens, la dépense publique stimule la demande en période de ralentissement. A contrario, les monétaristes émettent un doute quant à l'efficacité de la politique budgétaire. Selon eux, la consommation est fonction du revenu permanent : elle est donc peu sensible aux variations temporaires de la dépense publique. Mills et Quinet (1992) montrent que la dépense publique est un instrument d'amélioration de la croissance, mais qu’elle a aussi des effets limités. Empiriquement, des auteurs ont établi une corrélation négative entre la consommation publique et la croissance économique pour les pays de l’UEMOA (Tenou, 1999). Nubukpo (2007) trouve un coefficient positif (0,003) pour l’investissement global, alors que les dépenses globales de consommation n’ont pas d’effet sur la croissance économique au Burkina Faso. Au total, il existe une incertitude sur le signe de l’effet des dépenses publiques sur la croissance économique.
L’indice des termes de l’échange (base 1987) (Tech) exprime les termes de l'échange défini par le rapport entre l'indice des valeurs unitaires des exportations et l'indice des valeurs unitaires des importations. Selon Nubukpo (2007), l’introduction des termes de l’échange dans l’équation de la croissance permet de tenir compte de la spécificité de l’économie burkinabè, qui est une petite économie ouverte. En particulier, une amélioration des termes de l’échange est supposée exercer un effet favorable sur la croissance économique, dans la mesure où elle est susceptible de dynamiser l’offre intérieure, accroissant ainsi la capacité de l’économie à répondre à la demande étrangère. Mais selon Varangis et al. (1995), les pays tributaires des produits de base comme le Burkina Faso, subissent souvent de graves revers en matière de termes de l'échange ; ce qui nuit du même coup à leur croissance économique à long terme et à l'investissement. Selon Berthelier et al. (2004), la volatilité des prix des produits exportés perturbe la gestion macro-économique des pays, décourage les investissements privés aussi bien nationaux qu’étrangers et entretient la vulnérabilité des économies africaines. Certains auteurs concluent cependant que la dégradation des termes de l'échange n'est pas vraiment une tendance ancienne mais reflète plutôt des phénomènes spontanés.
3.3. Les données
Les données utilisées dans cette étude proviennent de plusieurs sources statistiques. Les données relatives aux dépenses publiques totales et par secteur proviennent du ministère de l’Économie et des Finances du Burkina Faso. La population active et l’indice des termes de l’échange sont tirés du CD-ROM de la Banque mondiale (WDI, 2006). Les données manquantes ont été estimées à partir des taux moyens de croissance établis sur la période des différentes séries afin d’accroître le degré de liberté, compte tenu du nombre de variables exogènes et de la longueur des séries.
L’étude tient compte également de la répartition sectorielle des dépenses publiques. Elle intègre au total onze variables dont neuf budgétaires, en valeur réelle et sous forme de logarithme. En effet, cette étude étant fondée sur un modèle Cobb-Douglas, le recours à une fonction log-log permet d’obtenir une équation linéaire. Par ailleurs, cette forme double logarithmique présente un certain nombre d’avantages économiques et techniques. Premièrement, ses coefficients sont directement interprétables en termes d’élasticités. Deuxièmement, le logarithme permet de réduire l’amplitude des écarts entre les données d’une même variable. Il permet également d’assurer dans la plupart des cas la normalité et l’homoscédasticité. Les variables ont donc été exprimées sous forme de logarithme dans les différents modèles.
4. Propriétés temporelles des variables et analyse des résultats de l’estimation
Pour cette analyse basée sur les données annuelles, il a été nécessaire de procéder d’abord à l’analyse des propriétés des séries temporelles des variables. Les résultats des estimations sont présentés, puis discutés.
4.1. Propriétés temporelles des variables
Le graphique 1 donne l’évolution des principales séries de dépenses publiques sectorielles. Globalement, il apparaît qu’après la longue période d’instabilité politique des années 1980, les dépenses publiques ont connu une reprise avec l’avènement de la démocratie en 1991. Cependant, les investissements montrent une variation en dents de scie, dans tous les secteurs.
En particulier, l’allure des courbes indique que les séries peuvent ne pas être stationnaires et entretenir entre elles des relations de cointégration.








Graphique 1 :Évolution des dotations budgétaires et des dépenses d’investissement public au Burkina Fasoa. Évolution des dotations des différents secteurs en termes de dépenses de consommation
 EMBED Excel.Chart.8 \s b. Évolution des dépenses d’investissement public dans les différents secteurs
 EMBED Excel.Chart.8 \s Source : Construit à partir des données du MEF Le tableau 2 reprend les statistiques clés des propriétés temporelles des séries logarithmiques des différents modèles. Les tests de stationnarité (Dickey-Fuller augmenté – ADF) effectués sur ces variables montrent que dans la majorité des cas, les variables considérées ne sont stationnaires qu’en différence première, avec un degré de significativité qui est soit de 1 % soit de 5 %. En fait, les séries intégrées lesont non seulement d’ordre 1, mais entretiennent aussi des relations de co-intégration (tableau 1). Ce qui permet de recourir à un modèle à correction d’erreurs.









Tableau  SEQ Tableau \* ARABIC 1 : Résultats du test de racine unitaire sur les différentes variablesSource : Résultats de test sur EviewsTableau  SEQ Tableau \* ARABIC 2 : Stationnarité des résidus pour le test de cointégration
En niveau
Type de modèleValeurNombre de retardsAvecConclusionEmpiriquethéoriqueConstantetrendModèle avec les dépenses publiques totales-4,81-1,951NonNonI(0)Modèles avec décomposition partielle des dépenses totales-3,52-1,951NonNonI(0)Modèle détaillé-4,29-1,951NonNonI(0)Source : Résultats d’estimation
Aussi, les estimations ont-elles été faites suivant un modèle de correction d’erreur (MCE).
Le recours au modèle à correction d’erreur lorsque les séries sont cointégrées, permet de saisir suite à un choc, la vitesse d’ajustement nécessaire au phénomène étudié (ici la croissance) pour retourner à l’équilibre de long terme. Plus précisément, la force de rappel représente la proportion du choc de déséquilibre qui est éliminée par période unitaire. Certes, les procédures relatives à la méthode en deux étapes d’Engle et Granger, avec ses préalables (détermination du nombre de relations de cointégration) et ses conséquences éventuelles (utilisation d’un modèle vectoriel à correction d’erreur (VEC), en cas d’existence de relation de cointégration > 1), sont souvent recommandées. Cependant, la méthode en une étape de Hendry, définissant directement une représentation d’ajustement partiel, a été privilégiée dans cette étude. En effet, la formulation proposée par Hendry permet de représenter les effets à court et long termes dans le même modèle. Dans le cadre de cette recherche, ce modèle a permis de déterminer les élasticités à court et long termes de la croissance économique par rapport à chaque catégorie de dépenses du Burkina Faso. Soit la forme fonctionnelle suivante :
 EMBED Equation.3 
Le coefficient clé de cette spécification est celui de la force de rappel à l’équilibre à long terme, EMBED Equation.3 . Comme souligné plus haut, ce coefficient doit être statistiquement significatif et compris entre -1 et 0 ( EMBED Equation.3 ). Sa valeur indique la part du déséquilibre absorbée au cours d’une période suivant un choc et son inverse traduit la vitesse d’ajustement.
Les coefficients EMBED Equation.3 , EMBED Equation.3  et  EMBED Equation.3  représentent les élasticités à court terme des différentes variables, traduisant ainsi leur degré de contribution à la croissance à court terme. Quant aux élasticités à long terme, elles sont obtenues à partir des coefficients ( EMBED Equation.3 ,  EMBED Equation.3 et  EMBED Equation.3 ) à long terme ajustés par la force de rappel.
L’existence d’un débat entre les keynésiens et les libéraux sur la contribution des dépenses publiques à la croissance économique ne permet pas de déterminer a priori le signe attendu pour ces coefficients.
4.2. Résultats des estimations
Les estimations du premier modèle portant sur les dépenses globales sont présentées dans le tableau 4. Le coefficient associé à la force de rappel est négatif (-0,8302) et significativement différent de zéro au seuil de 1 %. Il existe donc un mécanisme à correction d’erreur : à long terme, les déséquilibres entre le produit intérieur brut réel et les autres séries se compensent, de sorte que les évolutions sont similaires. Plus spécifiquement, la croissance arrive à absorber 83 % du déséquilibre, un an après un choc ; ce qui est appréciable. Ainsi, un choc est-il entièrement absorbé après 1,2 (1/0,83) an, soit 5 trimestres.
Par ailleurs, les résultats des estimations font ressortir le fait que les deux catégories de dépenses publiques (consommation et investissement) ont un effet positif sur la croissance économique du Burkina Faso à court terme, quoique l’effet de l’investissement ne soit pas significatif. A long terme, les effets des dépenses publiques courantes et des dépenses d’investissement sont toujours positifs, mais non significatifs. Ce résultat rejoint dans une certaine mesure celui de Nubukpo (2007). En effet, cet auteur avait trouvé, par la même procédure, que les dépenses d’investissement public avaient un impact positif à court et à long termes sur la croissance des économies d’un certain nombre de pays de l’UEMOA, dont le Burkina Faso.












Tableau  SEQ Tableau \* ARABIC 3 : Estimation du modèle MCE avec les dépenses globales de consommation et d’investissement EMBED Excel.Sheet.12 *** significatif à 1 % ** significatif à 5 % * significatif à 10 %
Source: Construction de l’auteur
En particulier, à long terme si les dépenses d’investissement public augmentent de 1 %, alors le PIBR augmente de 0,02 %, ce qui est supérieur au résultat atteint par Nubukpo (0,006) pour la période 1965-2000. On peut ainsi supposer une certaine amélioration de la rentabilité à long terme de l’investissement public global au Burkina Faso, sur une période plus récente.
Une question fondamentale qui se pose est alors la suivante : quelles sont les contributions des dépenses publiques de chaque secteur socioéconomique à la croissance économique du pays ?

Pour y répondre, une décomposition plus fine par secteur s’avère nécessaire. Le modèle à correction d’erreurs est adopté pour y parvenir. Le tableau 5 donne les résultats de l’estimation. Conformément aux attentes, les estimations donnent une force de rappel de - 0,79, et qui est statistiquement significatif (p=0,0069). Ce qui soutient toujours l’existence d’un mécanisme d’ajustement. Dans ce cas précis, la croissance parvient à absorber 79 % du déséquilibre, un an après tout choc. Ce dernier est entièrement absorbé après 1,3 (1/0,79) an, soit environ 5 trimestres.





Tableau  SEQ Tableau \* ARABIC 4 : Modèle à correction d’erreur défini sur la décomposition des dépenses publiques *** significatif à 1 % ** significatif à 5 % * significatif à 10 %Source : Construction de l’auteur
a) Effets à court terme des dépenses publiques sur le capital humain et l’agriculture
A court terme, les dépenses courantes dans l’éducation n’ont pas d’impact significatif sur la croissance de l’économie du Burkina Faso, même si cet impact est positif. Le seuil de ces dépenses a été déterminé à 915 035 585 936 FCFA, une valeur qui n’a jamais été atteinte sur la période considérée. La réalisation des dépenses courantes d’éducation à ce niveau, accompagnée d’une focalisation sur des formations valorisant les sources de croissance du pays, et d’une amélioration spectaculaire de leur efficience et de leur efficacité, soutiendrait sans doute la contribution de ce secteur à la croissance. Les dépenses courantes dans la santé et l’agriculture affectent, quant à elles, significativement mais négativement la croissance économique à court terme au Burkina Faso, comme l’indique le tableau 4. A court terme, lorsque les dépenses courantes dans les secteurs de la santé et de l’agriculture augmentent chacune de 1 %, il s’ensuit une récession économique respectivement de 0,06 % et de 0,03 %. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que ces dépenses ne sont pas directement productives et se font au détriment de secteurs productifs.
En revanche, les dépenses publiques d’investissement présentent deux phénomènes : i) les investissements publics de santé ont un effet positif, traduisant un effet d’externalité positive de ce secteur sur le reste de l’économie ; ii) les investissements publics dans l’éducation, tout en ayant un impact positif, n’affectent pas significativement la croissance économique. En effet, l’investissement dans le secteur éducatif a été principalement axé depuis le premier plan décennal sur le secteur de l’enseignement fondamental (PDEB I) dont la population cible n’est pas encore active. Les dépenses d’investissement dans le secteur de l’agriculture ont quant à elles des effets négatifs et significatifs sur la croissance économique, ce qui peut être dû au fait que plusieurs investissements dans le secteur ont été réalisés dans un but non directement productif, mais de consommation. C’est le cas, en particulier, de la construction de plusieurs barrages : à Ziga, pour l’alimentation en eau potable de la ville de Ouagadougou, et à Samandéni, à des fins hydroélectriques et agricoles. On peut alors parler de détour vers des investissements non directement productifs ou de détour de production au sens de Böhm-Bawerk.
Un des faits qui a marqué le secteur agricole est la détérioration de sa contribution à la formation du PIB au cours des dernières années : elle est passée de 11,7 % en 2005 à 0,9 % en 2006 et à 0,4 % en 2007 (MEF, 2008). Cette situation s’est accentuée avec la baisse de 44 % de la production cotonnière (principale culture de rente). Cette diminution est la conséquence de la conjugaison de plusieurs facteurs : les conditions climatiques défavorables, la baisse de 12 % des prix aux producteurs du coton (de 165 à 145 FCFA le kg), la hausse des prix des intrants, les retards de paiement des exploitants agricoles durant la dernière campagne et l’annonce tardive du prix plancher aux producteurs (MEF, op. cit). Une analyse de seuil optimal fait ressortir qu’au-delà d’un montant de 19 561 494 410 FCFA d’investissement dans l’agriculture, tout investissement supplémentaire dans le secteur aura un effet pervers sur la croissance. Un tel seuil a été atteint aux alentours de 1995. En effet, depuis cette époque, les investissements dans le secteur agricole sont orientés vers de grands ouvrages (barrage de la Kompienga, de Bagré, etc.) qui contribuent à élever le montant alloué au secteur. Cependant, compte tenu de l’importance de celui-ci, il conviendrait de soutenir ces actions en les complétant par des investissements dans la recherche et développement afin de les rentabiliser.
Certes, la recherche et développement ne semble pas être en reste dans le pays depuis le début des années 1990 : le nombre des chercheurs a doublé et les dépenses en R&D sont soutenues par la mise en œuvre de deux projets successifs de la Banque mondiale (le PRA-I et le PNDSA-II). Mais ces projets ont plutôt contribué au recrutement de chercheurs nationaux, à la modernisation des bâtiments et aux équipements des laboratoires. Ces investissements ne sont donc pas immédiatement productifs.

b) Effets à long terme des dépenses publiques sur le capital humain et l’agriculture
A long terme, les dépenses courantes d’éducation et de santé ont des effets négatifs non significatifs sur la croissance économique au Burkina Faso. En effet, comme le soutient la théorie économique, la relance de l’activité économique par la demande ne joue qu’à court terme. Les effets à long terme sont du ressort de l’épargne intérieure et surtout de l’investissement, ce qui n’est vérifié que pour le secteur de l’éducation. Mais la portée d’un tel résultat peut être réduite par les comportements réellement observés dans le secteur éducatif. En effet, le secteur se caractérise par des taux d’abandon et de redoublement scolaires élevés. En outre, ceux qui achèvent leur formation se retrouvent sans emploi, à cause de l’inadéquation entre l’offre de formation et le type de travail demandé. C’est le cas de la Côte d’Ivoire, décrit par Keho (2007).

Les dépenses courantes et d’investissement dans l’agriculture affectent significativement mais négativement la croissance économique au Burkina Faso. Un accroissement de 1 % de l’un ou de l’autre type de dépenses agricoles induit une récession économique de 0,1 % et de 0,06 % respectivement. En effet, l’agriculture se distingue en termes de dotations budgétaires. C’est le secteur qui reçoit l’allocation la plus faible. La faiblesse de l’investissement et l’utilisation de certains intrants à d’autres fins peuvent expliquer le résultat atteint par l’estimation, qui est contraire à la théorie. Aussi, comme le constatait Shenggen et al. (2008), l’agriculture burkinabè a besoin, au stade actuel de son évolution, d’un accroissement annuel de 20,2 % de ses dotations budgétaires pour atteindre le premier Objectif du millénaire pour le développement. Cependant, au vu des résultats, il faudra aussi bien les orienter.

c) Prise en compte des dépenses dans la défense, les infrastructures et les autres secteurs
Les secteurs de la défense, des infrastructures et autres (en dehors des cinq sélectionnés pour l’estimation) ont été introduits dans le modèle en termes de dépenses totales. Les résultats font ressortir que les dépenses totales dans la défense et celles dans les autres secteurs ont un effet significativement positif à court terme sur la croissance économique ; les élasticités sont de 0,14 et 0,09, respectivement. Le secteur de la défense, fortement consommateur, est caractérisé par une masse salariale très importante ; c’est aussi un secteur productif du fait de sa participation à la construction des infrastructures routières à travers le génie militaire. Les « dépenses dans les autres secteurs » sont une variable composite qui regroupe les ministères agissant dans les secteurs secondaire et tertiaire, tels que les ministères du Commerce, des Finances, des Mines, du Plan, etc., ainsi que les dépenses interministérielles transversales, qui représentent aussi de fortes dotations (en moyenne 39 % du budget). Cet état de fait pourrait justifier sa contribution positive : les secteurs secondaire et tertiaire représentent respectivement 22,1 % et 45,8 % de la valeur du PIB. Leurs contributions moyennes à la croissance économique du Burkina Faso sur la période 2003 à 2007 sont de 1,52 point et de 2,76 points contre 1,14 point pour le secteur primaire. Ces résultats sont favorisés par la bonne tenue des industries manufacturières modernes et l’accroissement de l’activité des industries extractives, lié aux investissements réalisés dans les mines d’or de Kalsaka, Youga et Taparko : ceux-ci ont permis d’exporter 2,3l5 tonnes d’or en 2007 (MEF, 2008). A court comme à long terme, les dépenses dans l’infrastructure prise globalement ont un impact significatif, mais négatif, sur la croissance économique au Burkina Faso.

d) Effets des variables population active et termes de l’échange
A court terme, les termes de l’échange ont le signe attendu (positif) soit une élasticité de 0,1081 et sont statistiquement significatifs. Cet effet bénéfique sur la croissance économique du Burkina Faso est inscrit dans le long terme avec une élasticité de  QUOTE  . Le Burkina Faso est certes un « price taker » qui n’a aucune emprise à court terme sur les termes de l’échange, mais, grâce à des mécanismes d’anticipations adaptatives et rationnelles, le pays réussit à en profiter aussi bien à court qu’à long terme.
La population active, qui représente le facteur travail dans la théorie économique, a les effets positifs escomptés sur la croissance économique burkinabè à court comme à long termes. Ces effets sont favorisés par la pyramide des âges du pays. En effet, la population active en majorité très jeune, est estimée à 53,1 % de la population totale (RGPH, 2006). La tranche d’âge de 15 à 29 ans représente 33 % de la population active. Au sein de la population inactive, 21,7 % sont des élèves/étudiants qui participeront à la production à moyen terme.
5. Discussion des résultats
Une discussion des résultats de l’estimation des modèles construits pour estimer les différentes contributions des dépenses sectorielles s’impose dans la mesure où ils ne corroborent pas les prédictions des modèles de croissance endogène qui suggèrent que certaines dépenses publiques sont favorables à la croissance. Pourquoi les dépenses publiques de consommation exercent systématiquement un effet positif sur la croissance ? Comment expliquer l’absence de relation de causalité entre le PIB et l’investissement public ? Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer certains des résultats empiriques obtenus.
A priori, les dépenses publiques de consommation alimentent la demande globale et devraient entraîner, par le biais du multiplicateur keynésien, une croissance à court terme du PIB. Si cela se vérifie pour les dépenses publiques globales de consommation à court terme, force est de constater que l’analyse décomposée montre que la croissance économique est peu alimentée à court terme par les dépenses publiques dans les facteurs fondamentaux de l’économie que sont le capital humain (santé et éducation).Ce résultat rejoint les constats d’autres études effectuées dans des pays comme le Cameroun (Kobou, 2005), la Côte d’Ivoire (Keho, 2007) et la plupart des pays de l’UEMOA (Nubukpo, 2007).Néanmoins, dans une économie ouverte, l’effet du multiplicateur keynésien est d’autant plus faible que la propension marginale de l’économie à importer est élevée. Cela pourrait expliquer l’impact négatif des dépenses publiques de consommation sur la croissance, étant donné le profil d’importatrice nette de biens et services de consommation de l’économie burkinabè. En effet, selon le ministère de l’Économie et des Finances, la balance commerciale du Burkina Faso présentait un déficit de 10,5 % du PIB en 2008.Les dépenses publiques de consommation finale dont il est question ici sont des dépenses en biens et services qui permettent d’assurer le fonctionnement quotidien de l’administration publique. Elles ne s’inscrivent donc pas nécessairement dans un objectif de croissance. Elles correspondent à ce que certains auteurs ont appelé des dépenses improductives. Il n’est pas exclu aussi que ces dépenses publiques fassent souvent l’objet d’une surestimation dans les comptes nationaux.
L’absence d’impact positif significatif sur le PIB des dépenses dans l’investissement public pose naturellement la question de l’efficacité de ces dépenses. Si les dépenses d’éducation devaient avoir un impact sur la croissance, ce ne pourrait être qu’à travers l’influence de l’éducation elle-même sur la croissance. Or, on a toujours reproché au système éducatif des pays africains de ne pas s’adapter aux exigences du marché du travail. En effet, les efforts en matière d’enseignement et de formation déployés au lendemain de l’indépendance du Burkina Faso répondaient à une préoccupation bien ciblée : former des cadres pour occuper les postes libérés par l’administration coloniale et donner à tous les citoyens le savoir indispensable à leur pleine participation au processus de développement. Cet engagement vis-à-vis de l’éducation s’est traduit par une multiplication des grands établissements prestigieux de formation de cadres supérieurs (université en 1974, l’ENAREF, l’ENAM, etc.).
Depuis des décennies, le système de formation n’a pas été réformé pour prendre en compte les nouveaux défis de la vie socioéconomique. Le système de formation a été en partie conservé et consacré, à l’époque de la révolution, à la formation de masse et à l’enseignement général. L’Etat dépense des ressources pour former des individus qui se retrouvent au chômage à la fin de leurs études. Il existe donc un problème d’incompatibilité entre le produit des écoles et des universités et la nature de la force de travail exigée. On pourrait caricaturer la situation d’une part, par la fuite des cerveaux induite par la mondialisation et d’autre part, en disant que les gouvernements dépensent « inutilement » dans l’éducation puisqu’ils forment des cadres qui ne seront pas impliqués dans le processus de production.
Par ailleurs, les forts taux de redoublement et d’abandon réduisent aussi l’efficacité de l’éducation au Burkina Faso. En 2000, le taux d’achèvement de l’enseignement primaire était de 25 % ; il est passé à 29 % dans les trois années suivantes (WDI, 2003-2006 / INS). Gupta et Verhoeven(2001) ont calculé des ratios d'efficacité de la dépense publique sur un échantillon de pays africains. Les estimations obtenues par ces auteurs, pour le Burkina Faso sur la période 1984-1987, indiquent que 65 % des dépenses publiques dans l’éducation pouvaient être considérées comme inefficaces. En effet, en dépit de tous les efforts réalisés par l’Etat dans le domaine de l’éducation, la population reste en majorité non instruite. D’après les données du recensement général de la population de 2006, près de 70 % de la population du pays n’a aucune instruction. La majorité des personnes non éduquées sont des femmes : en 2006, 76,2 % des femmes de plus de 7 ans n’avaient aucun niveau d’instruction, alors qu’elles pourraient jouer un rôle important dans la croissance, notamment par leur participation à l’agriculture vivrière. Les femmes ont faiblement accès aux différents niveaux de l’éducation. Seules 0,7 % ont atteint le niveau de l’enseignement supérieur. De fortes disparités demeurent également entre les régions et entre les zones urbaines et rurales. A titre d’exemple, en milieu urbain, le taux des femmes sans instruction est de 46,1 % alors qu’en milieu rural, il est de 85,5 %. Ainsi, les dépenses courantes d’éducation, tout en ayant un effet à court terme non significatif, influent négativement sur la croissance à long terme. Les dépenses d’investissement dans le secteur éducatif, quant à elles, n’affectent positivement et significativement la croissance qu’à long terme.
Les dépenses de santé ne représentent quant à elles qu’une faible proportion de la dépense publique totale. Outre les dépenses pour le personnel de santé, la plus grande partie de ces dépenses concerne les programmes de vaccination, la construction de centres de santé et les programmes spéciaux d’urgence et de distribution de médicaments ou de matériels de protection. Il s’agit donc essentiellement de dépenses dont les effets sur la croissance ne sont pas immédiats. A l’instar du système éducatif, le système sanitaire burkinabè souffre également d’inefficacité et de disparités qui expliquent les niveaux d’accès relativement bas de la population aux services de santé et la faiblesse de certains indicateurs de développement humain (Gupta et Verhoeven,2001). A ce problème d’inefficacité s’ajoute celui de la qualité actuelle des investissements publics réalisés.
Même s’il n’a pas accès à la mer, le Burkina Faso a su tirer profit de sa position de pays carrefour au sein de l’UEMOA, en se dotant d’un réseau d’infrastructures économiques relativement développé par rapport à d’autres pays de la sous-région : 15 272 km de routes dont 2 976 km sont revêtues et 1 700 km sont des pistes rurales, deux aéroports internationaux, et une ligne ferroviaire de 1 200 km reliant Ouagadougou à Abidjan. Au cours des trois dernières années, l’Etat burkinabè a construit trois échangeurs dans la ville de Ouagadougou. Toutefois, l’infrastructure routière est soumise à une forte pression et connait souvent des surcharges. En particulier, certaines régions souffrent toujours d’un problème d’enclavement. C’est ainsi que la région de la Boucle de Mouhoun considérée comme le grenier du Burkina Faso est confronté à des difficultés pour écouler ses surplus de production, par manque d’infrastructures. Cette situation handicape le développement de l'activité économique, notamment au niveau du transport et de la mobilité des personnes et des biens. Cela pourrait expliquer le signe rattaché au coefficient de cette variable à court et à long terme.

6. Conclusion
L’objectif de cette étude était d’analyser l’impact des dépenses publiques sur la croissance économique au Burkina Faso sur la période 1977-2009. Du point de vue théorique, la relation de causalité entre les dépenses publiques et la croissance économique est en général ambiguë. L’équation de base retenue pour les estimations économétriques s’inspire des travaux d’Ojo et Oshikoya (1995), Ghura et Hadjimichael (1996), Tenou (1999) et Nubukpo (2007) sur la croissance du PIB réel dans les pays africains. Le modèle à correction d’erreurs a été utilisé pour détecter l’impact les dépenses publiques sur la croissance économique de façon globale d’une part, et d’autre part, de façon plus affinée. Il ressort des résultats que les dépenses publiques de consommation, ainsi que les dépenses d’investissement, prises globalement, ont eu effet positif significatif sur la croissance économique sur la période 1977- 2009.
En revanche, les estimations économétriques effectuées sur des dépenses publiques décomposées par secteur et par fonction aboutissent à la conclusion que les dépenses publiques ne semblent pas avoir sur la croissance économique l’impact significatif escompté. Ainsi, dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et même dans les infrastructures, les dépenses publiques ne paraissent pas contribuer à la croissance économique.
A long terme, les déséquilibres entre le produit intérieur brut réel et les facteurs explicatifs que sont les dépenses publiques dans l’éducation, la santé, l’agriculture, les infrastructures, la défense, ainsi que la force active et les termes de l’échange se compensent, de sorte qu’ils présentent des évolutions similaires. Mais à court comme à long termes, les dépenses publiques dans l’agriculture et les infrastructures ont un impact négatif sur la croissance de l’économie au Burkina Faso. A l’inverse, les dépenses dans la défense et les autres secteurs ont une influence significative et positive sur la croissance économique à court terme ; ces dépenses sont cependant récessives à long terme, sans doute à cause de leur poids. La population active a un effet positif et significatif sur la croissance dans le pays, aussi bien à court qu’à long termes. Quant aux dépenses d’éducation et de santé, elles ne paraissent pas non plus exercer l’effet positif attendu sur la croissance économique à long terme.
Ces résultats posent à l’évidence le problème de la gouvernance des dépenses publiques. Ils appellent aussi à plus d’efforts de la part des parties prenantes pour atteindre deux objectifs : d’une part, accentuer le ciblage des dépenses publiques sur les secteurs et, au sein des secteurs, sur les activités dont les liens avec la croissance économique seraient clairement démontrés ; d’autre part, assurer une meilleure exécution des dépenses publiques allouées aux différents secteurs. Ces thèmes pourraient constituer un agenda de recherches futures qui prolongeraient le travail initié dans cet article.
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Annexe
Tableau  SEQ Tableau \* ARABIC 5 : Etudes ayant utilisé l’approche fonction des productions aux Etats Unis et dans les pays de l’OCDE EMBED Excel.Sheet.12 Source : Adapté de Sturn

Déterminants de la rentabilité des exploitations maraîchères urbaines et périurbaines de la province du Kadiogo au
Burkina Faso


Sanon Karidia

Résumé
En rapport avec l’urbanisation rapide des villes, l’agriculture urbaine et périurbaine est devenue un des secteurs en pleine expansion dans les pays en développement.
Au Burkina Faso, les cultures maraichères issues de ce type d’agriculture approvisionnent les villes et occupent plus de 45 000 personnes, contribuant ainsi à la sécurité alimentaire ainsi qu’à la création d’emploi en milieu urbain. Cet article a pour objectif d’identifier les différents facteurs qui influencent la rentabilité de ce secteur.
Ainsi, à partir d’une approche économétrique simplifiée, six (6) modèles (en fonction de combinaisons de moyens d’exhaures) ont été estimés à travers la méthode des MCO sur un échantillon de 253 maraîchers de la base de données de la DGPER (2006).
Les résultats montrent que la variable Durée_campagne agricole est très significative et influence négativement la rentabilité des exploitations maraichères. En d’autres termes, plus la durée de la campagne agricole est longue, moins la rentabilité est élevée. Aussi, la variable Propriétaire qui signifie le titre de propriété sur la terre influence négativement le Revenu d’exploitation par surface exploitée (R/HA) ; celui-ci tendant à être plus faible quand le périmètre est une propriété de l’exploitant. Quant à la variable Site encadré qui concerne le fait que le site bénéficie d’un encadrement technique, elle s’est révélé un facteur significativement négatif pour rentabiliser l’activité maraîchère. Enfin, les variables Oignon %S, laitue %S qui signifient le pourcentage de la superficie par culture montre que la surface exploitée pour l’oignon bulbe a une influence négative sur le R/HA, tandis que celle exploitée pour la laitue impacte positivement le R/HA.
Mots-clés : Exploitation maraîchères ; agriculture urbaine et périurbaine ; rentabilité ; Burkina Faso
Classement JEL : O19;Q10 ; N57 ; D49





1 : Introduction
La révolution industrielle, corollaire à la transformation des sociétés agraires et artisanales vers celles industrielles et commerciales, a affecté profondément l’agriculture et l’environnement au plan mondial depuis le 19ième siècle. Ainsi, les zones rurales se sont vidées de leurs actifs qui, selon la théorie du déversement d’Alfred Sauvy, se sont finalement retrouvés dans les grandes agglomérations avec un taux d’occupation plus ou moins différent selon les régions, les pays et les continents. C’est en réponse donc à l’accroissement urbain (ayant des répercussions lourdes sur l’environnement, les ressources productives disponibles et l’alimentation)qui est une tendance lourde incontournable de ce 21ième siècle, que s’est vu se développer à l’intérieur des villes ainsi qu’à leur proche périphérie, une production agricole autoconsommée et commercialisée.
Ce type d’agriculture, essentiellement irriguée et connu sous le nom d’Agriculture Urbaine et Périurbaine (AUP) est dominé par des productions vite périssables (maraîchage). Il est pratiqué par des exploitants aux profils très divers (agents de l’Etat, urbains défavorisés, professionnels spécialisés, etc.).L’AUP est ainsi reconnue comme un enjeu majeur en termes de création d’emplois, d’approvisionnement alimentaire des villes, et de gestion de l’environnement urbain (Moustier et al., 2004 ; Farinet et Niang).
L’AUP figure parmi les secteurs en expansion au niveau de l’économie urbaine informelle, et occupe plus de 800 millions de personnes dans le monde (FAO,1999). Son développement s’explique essentiellement par la proximité des villes, l’adéquation des légumes avec les habitudes alimentaires urbaines, la faible exigence en termes d’emballage, de stockage et de transport, ainsi que son cycle court (Moustier et al., 2004).S’intéressant à la définition de la ville, Snrech (1997), la considère comme un « concept flou » ; ce qui complique par ricochet, la définition de l’agriculture urbaine et périurbaine. Certaines définitions de la ville paraissent par ailleurs statistiques (celles utilisées dans les recueils de données statistiques), analytiques (celles s’appuyant sur l’analyse des spécificités du milieu urbain), et géographiques (celles fondées sur l’utilisation de l’espace) ». Selon Bagré et al. (2002), au Burkina Faso, on entend par ville, toute agglomération de plus de 10.000 habitants, dotée d’infrastructures, d’équipements de base et de structures administratives. Le périurbain, quant à lui, s’étend sur un rayon de 25 kilomètres (km) du centre ville. Malgré cette définition de la ville, la place réservée à l’agriculture urbaine dans la législation est fondée sur l’opposition théorique systématique entre la ville et la campagne car pour bon nombre de personnes, l’agriculture est l’élément distinctif entre le rural et l’urbain, et il est hors de question donc que l’agriculture se pratique en ville. Or, dans beaucoup de villes africaines, la zone urbaine et la zone rurale coexistent.
Si ces définitions permettent de mieux comprendre ce qui différencie l’agriculture urbaine de l’agriculture rurale, elles restent très difficiles à appliquer pour délimiter une aire géographique précise. De fait, la définition de cette aire varie en fonction des pays, des projets, des institutions ou des objectifs de recherche.
Un autre avantage de l’AUP est que, pour bon nombre de pays, elle se révèle comme un véritable atout pour les villes africaines en proie à des difficultés de recyclage des déchets et ordures produites en conciliant valorisation des déchets, amélioration des sols et sécurité alimentaire (IRD, 2011). Ainsi, elle peut être considérée comme une solution à la montée de la pollution dans les villes tout en recyclant divers types de déchets produits par ces dernières ;bien que sous un angle, elle présente des risques sanitaires et environnementaux très élevés, liées notamment à la pollution des eaux d’irrigation , à l’utilisation inadéquate des engrais et produits phytosanitaires et aux pratiques d’irrigation inefficaces (FAO, 1999 ; Farinet et Niang, 2004).En effet une étude conduite par Kaboré et al. (2011) indique que près de ¾ des agriculteurs périurbains et des pépiniéristes utilisent des substrats organiques tels que les ordures ménagères, les plumes de volaille, les écailles de poisson, les vidanges des fosses septiques etc. (dont l’utilisation directe n’est pas sans danger sur le plan sanitaire), pour fertiliser leur sol, et que par contre, ils ont faiblement recours au compostage (moins des 1/3).
Au Burkina Faso, l’AUP contribue fortement à la sécurité alimentaire des villes. De plus, elle favorise l'exploitation de cultures à forte valeur ajoutée permettant de réduire la pauvreté et le chômage. Dans la ville de Ouagadougou par exemple, Bagré et al. (2002) ont estimé à 45000 personnes, en 1997, le nombre de personnes occupées dans l'agriculture et l'élevage périurbaines. Elle constitue une activité rémunératrice pour les groupes vulnérables ou marginalisés de la population urbaine. Toutefois, elle est confrontée à de multiples problèmes parmi lesquels la faible disponibilité des ressources en eau (ou la faible capacité de leur mobilisation), la pollution des eaux d’irrigation, l’inefficacité et l’inadaptation des systèmes d’irrigation, la pression sur les terres etc.
D’autres problèmes de premier ordre que l’AUP connaît concernent l’approvisionnement en intrants. Nombreux sont les maraîchers qui se plaignent de la cherté des intrants, surtout le coût du matériel d’irrigation. Il n’existe pas de systèmes performants d’approvisionnement en intrants (engrais, semences, pesticides) et en équipements agricoles (Moustier et al., 2004). Les petits producteurs soumis à des contraintes de trésorerie sont conduits à fractionner leurs achats d’intrants. Pour réponde aux conditions de leur demande, les détaillants conditionnent les produits en petits sachets ce qui ne laisse apparaître aucune information sur les doses, les conditions de conservation ou les usages compromettant ainsi le respect des normes et itinéraires techniques dans les parcelles.
Se situant ainsi au cœur de la problématique de la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso, cette pratique se trouvefragilisée car, confrontée à tous les enjeux de son contexte qui sont ceux du milieu urbain, (pression des infrastructures urbaines),de l’insuffisance des ressources (eau, finances) de l’inadéquation des moyens de production, etc.
Dans ce contexte assez particulier, la question de la durabilité des systèmes de production maraîchère, qui est conditionnée par leur rentabilité, reste alors cruciale en milieu urbain et c’est ce à quoi cet article va tente de donner des éléments de réponse. La durabilité d’une exploitation au sens économique, fait référence à sa capacité à être rentable et à se reproduire au fil du temps (Moustier et Fall, 2004).Même si le présent article se focalise sur la rentabilité qui caractérise la durabilité au sens économique, il faut signaler que le concept de durabilité a aussi une dimension environnementale ou écologique dans la mesure où elle requiert la conservation des eaux et des sols, l’utilisation des moyens sans danger pour l’environnement au niveau du secteur agricole.
La rentabilité mesure les gains générés par l’activité pratiquée par l’exploitant dans le cas des exploitations agricoles intégrées au marché, avec des objectifs de revenu monétaire (Kadékoy-Tigagué, 2010).La rentabilité renvoie ainsi à la réalisation de profit. Elle est calculée comme le montant total des produits diminué du montant total des charges de production pour une période donnée. Toutefois, en vue de tenir compte des caractéristiques familiales des exploitations agricoles, la notion de revenu agricole est généralement privilégiée à la place du profit qui renvoie souvent à une conception entrepreneuriale de l’exploitation agricole. Le revenu agricole revient à calculer le profit sans tenir compte de la rémunération préalable de la main d’œuvre familiale.
Sur le plan comptable, c’est le résultat de l’exercice comptable qui est le plus utilisé. Ce dernier mesure le résultat des activités de production (résultat d’exploitation) et le résultat des autres activités (activités financières de l’exploitation et mouvements exceptionnels dans le fonctionnement de celle-ci). Ainsi, deux types de mesure de rentabilité sont généralement distingués pour les entreprises : (i) la rentabilité économique qui mesure le ratio des résultats bruts des activités de production (y compris la transformation et la commercialisation des produits) ramenés au volume total de la production en valeur. Ce critère évalue la performance de l’exploitation liée à l’activité fondamentale, et il reflète les capacités techniques et managériales du chef de l’exploitation ainsi que les potentialités du système de production agricole relativement à son environnement agro-écologique ; (ii) la rentabilité financière quant à elle, permet d’apprécier le bénéfice tiré de la mobilisation des capitaux propres de l’exploitant. Elle est calculée par le ratio du montant des résultats nets (résultats d’exercice) divisé par le montant des capitaux propres de l’exploitant. Dans la gestion de leur exploitation, les entreprises de façon générale, n’ont ni les mêmes performances économiques dont la rentabilité, ni les mêmes conditions d’exploitation.En effet, il peut avoir une influence de ces dernières sur les premières, en ce sens que les performances dépendent de plusieurs facteurs dont certains sont sous le contrôle du dirigeant tandis que d’autres lui échappent. Suivant ces deux catégories de facteurs, Latruffe (2010) en identifie les principaux pour les exploitations agricoles. La première catégorie, c’est-à-dire les déterminants qui sont sous le contrôle du dirigeant, inclut la taille de l’entreprise, sa nature juridique, l’intensité factorielle, la spécialisation des produits, les pratiques en matière de production et de commercialisation, la structure de la terre, le travail et le capital (loué/possédé), et les caractéristiques de la main-d’œuvre agricole. La seconde catégorie comprend la dotation en facteurs comme les conditions climatiques et géographiques, les ressources globales des terres, le travail et le capital, la demande des consommateurs, l’intervention publique dans le secteur agricole (c’est-à-dire les politiques agricoles, la réglementation, la fiscalité), les dépenses en matière de recherche, de développement et d’infrastructure et la localisation des activités. Il apparaît clairement que tous ces facteurs se réfèrent soient aux caractéristiques organisationnelles et professionnelles de l’exploitation agricole, soient à ses caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques, soit à l’environnement institutionnel dans lequel elle évolue ; sa performance économique étant la conséquence d’une combinaison de l’ensemble de ces caractéristiques.
Dans ce contexte, les exploitations maraîchères urbaines et périurbaines dans la province du Kadiogo au Burkina Faso deviennent une réalité concrète observée, et dont les déterminants de la rentabilité méritent d’être analysés. C’est pourquoi cet article veut répondre à la question de savoir quels sont les facteurs qui peuvent influencer la rentabilité des exploitations maraîchères et comment peut-on apprécier le degré d’influence des facteurs déterminants identifiés ?
Cette réflexion a alors pour objectif général d’analyser les déterminants de la rentabilité des exploitations maraîchères et de saisir par conséquent les facteurs qui l’influencent. Nous focaliserons notre intérêt sur des facteurs déterminants qui sont d’ordres institutionnel, socioprofessionnel, socioéconomique et socio-organisationnel.


2 : Matériels et méthodes
Des données secondaires de 2006 de la base de données des maraîchers de la Direction Générale de la Promotion de l’Economie Rurale (DGPER ex DGPSA) ont servi pour alimenter le modèle retenu.
En analyse économique, une façon très simple d’évaluer la rentabilité d’une exploitation est demesurer sa capacité à valoriser sa production. Le calcul économique simple (prix de vente – coût de revient économique) devient alors un bon indicateur car ce coût de revient comprend la totalité des charges comptables + la rémunération des facteurs de production. Un résultat positif tendant vers zéro indique que la totalité des facteurs de production est rémunérée. Au niveau de certaines filières agricoles, la rentabilité est obtenue par comparaison du revenu brut et du coût total de production.
Dans le contexte de la production agricole, le revenu agricole est l’indicateur de performance d’une exploitation. Il permet, en plus des autres charges fixes et variables, de voir comment le producteur valorise sa main-d’œuvre. Le plus souvent la valeur ou coût d’opportunité de la main-d’œuvre familiale constitue le revenu que le producteur a réellement perçu. Il est égal à la différence entre la valeur de la production totale et l’ensemble des dépenses excepté les frais de la main-d'œuvre (Ouédraogo, 2008).
Cependant, l’idée d’expliquer la rentabilité d’une unité économique est d’une importance capitale dans un contexte de production-vente comme celle des productions maraîchères. De façon usuelle, l’indicateur qui mesure la rentabilité d’une exploitation agricole est le revenu net réalisé encore appelé Revenu Net d’Exploitation (RNE). Il mesure les flux financiers, à la fois monétaires (revenu comptant) et non monétaires (amortissement et revenu en nature) des entreprises agricoles. Il est obtenu en faisant la différence entre le revenu brut et l’ensemble des dépenses d’exploitation et, en additionnant par suite à ce montant le revenu en nature tout en soustrayant l’amortissement. Ici, nous avons évalué la rentabilité des exploitations maraîchères du Kadiogo en considérant le revenu net d’exploitation par superficie exploitée. Quant à l’analyse des déterminants de ce dernier, une approche économétrique est adoptée. Celle-ci est fondée sur le modèle néoclassique dans lequel l’exploitant agricole a un comportement rationnel en tant qu’entreprise. En effet, le producteur cherche toujours à minimiser ses coûts fixes et variables, tout en ayant pour objectif principal d’obtenir le plus grand revenu net possible. Ainsi il choisit la combinaison des facteurs de production (terre, capital, travail) qui maximise son revenu agricole. Mais ce comportement dépend aussi non seulement des conditions naturelles de production, mais aussi de l’environnement économique, social et institutionnel dans lequel l’exploitant évolue. En effet, les exploitations agricoles ne produisent jamais de façon isolée, mais entretiennent en permanence des relations avec d’autres agents économiques: agriculteurs voisins, propriétaires fonciers, commerçants, usuriers, artisans, transporteurs, industries agro-alimentaires, banques, administration, fonctionnaires de l’Etat etc. (Gnanglè et al., 2012). De toute évidence, ces rapports sociaux influencent le choix des systèmes de culture pratiqués par les agriculteurs et les résultats économiques obtenus dans les exploitations. D’où l’importance de prendre en compte tous ces aspects dans le choix des variables explicatives pour la modélisation empirique de la rentabilité économique. C’est pourquoi, nous avons considéré des variables d’ordre institutionnel, socioprofessionnel, socioéconomique et socio-organisationnel.
D’un point de vue théorique, le modèle approprié pour ce type d’analyse est le modèle Cobb-Douglas de la rentabilité (Gnanglè et al., 2012). Une transformation logarithmique des données permettrait ainsi d’obtenir une forme linéaire et les coefficients estimés seraient alors interprétés en termes d’élasticités. Mais il est souvent nécessaire d’avoir des coefficients en termes absolus dont l’interprétation est plus facile et plus compréhensible pour un public cible assez large. Or l’obtention des coefficients absolus à partir du modèle Cobb-Douglas nécessite souvent de lourdes manipulations surtout lorsque le nombre de ces coefficients est élevé comme c’est le cas ici. Le choix a donc porté sur une forme plus simple de ce modèle qui est le modèle derégression linéaire multiple qui permet une estimation directe des coefficients interprétables en termes absolus. Il se présente comme suit:
Yi = ²0 + £²jXji + ¼i, j=1,...,p; i=1,..., n (1)
Où ²0, ²1, ²2, & , ²p sont les coefficients de régressions et ui, l erreur (ou résidu) commise par l ajustement.
La variable endogène (Y) retenue ici est l indicateur de rentabilité. Il est égal au quotient du revenu net d’exploitation par la surface exploitée en hectare (RNE/HA) (ou encore R/HA qui est le quotient du revenu d’exploitation par surface exploitée en hectare). Nous exprimons notre indifférence entre le RNE et le R).X désigne les variables explicatives du modèle.
Variables d’ordre institutionnel
SITE PERMANENT : Elle exprime le fait que le site soit toujours à l’usage du maraîchage depuis sa mise en service. Nous entendons observer un effet positif de ce facteur.
SUPERFICIE : Elle exprime la superficie totale emblavée par l’exploitant au cours d’une campagne. L’unité retenue est le mètre carré (m²) à cause de la faiblesse des superficies.
SOURCES D’EAU : Nous les avons intégrées dans notre modèle d’analyse. Comme la variable est qualitative avec plusieurs modalités, nous l’avons transformée en plusieurs autres variables. Chaque variable désigne (1) ou non (0) la source d’eau dont elle porte le nom dans le site. Les variables sont : barrage, rivière, bouli, forage, puits. Dans notre cas, nous avons retenu celles qui sont représentatives dans la province du Kadiogo. Ces variables sont : barrage, rivière, puits.
Variables d’ordre socioprofessionnel
FORMATION : Elle permet de distinguer les producteurs qui sont analphabètes des autres. Cela devrait contribuer à la performance sur le plan financier.
NOMBRE_ANNEE_PRATIQUE : Elle désigne le nombre d’années de pratique du maraîchage, donc l’expérience du maraîcher dans le métier. Il apparaît logique qu’elle soit en faveur de la performance de l’exploitation.
PROPRIETAIRE : Elle exprime la différence entre les sujets propriétaires terriens et les autres (prêteurs, donateurs locataires…). Normalement, une personne qui exploite sur son terrain doit profiter plus de son travail.
Variables d’ordre socioéconomique
MODE D’EXHAURE : Il définit le moyen technique utilisé par les exploitants pour mobiliser l’eau. Pour les mêmes raisons que nous avons signalées au niveau de la définition des sources d’eau plus haut, chaque variable définit l’absence ou la présence de son «étiquette» : vanne, motopompe, pompe à pédale, pompe manuelle. Dans notre cas, vu la fréquence des moyens d’exhaures utilisés dans notre zone d’étude, nous avons retenu pour notre modèle : motopompe, manuel
CREDIT : ’est le montant des crédits octroyés au maraîcher par unité de surface exploitée (ramené à l’hectare)
ACTIF : Cette variable définit le nombre d’actifs (personnes) qui travaillent dans le périmètre du maraîcher (ramené à l’hectare).
Variables d’ordre socio-organisationnel
ORGANISE : Elle permet d’observer la différence entre le maraîcher qui est dans un groupement ou coopérative et celui qui exploite individuellement son périmètre.
SITE ENCADRE : Elle permet de faire une distinction entre le maraîcher qui profite des conseils d’un encadreur et celui qui n’en bénéficie pas.
ASSISTANCE : Elle permet de distinguer le maraîcher qui reçoit de l’aide technique et/ou financière et celui qui ne la reçoit pas.
PLANIFICATION : Cette variable est composite. Elle exprime la proportion du rendement total obtenu pour chaque type de culture considéré dans le modèle (oignon, chou, tomate, laitue). Le choix n’est pas fait en fonction de leur couverture parcellaire mais plutôt en fonction de l’importance du rendement. La durée de la campagne est aussi une variable qui fait preuve de planification mais cette fois dans le temps.
Ainsi, le modèle économétrique comporte 20 variables explicatives sensées toutes avoir une influence positive sur la rentabilité des exploitations maraîchères de la province du Kadiogo (avec bien sûr des degrés de significativité différents). Le tableau 1 récapitule ces variables avec le signe attendu de leur influence. L’échantillon prélevé, et conditionné par l’existence d’informations par rapport aux variables ciblées est composé de 253 maraîchers (ère)s.
Tableau 1 : Variables explicatives du modèle économétrique et signe attendu de leur influence
VariablesHypothèses
Positif/négatifFormation, nombre_année_pratique, actif/ha, propriétaire, barrage, puits, rivière, motopompe, manuelle, site permanent, durée_campagne, organisé, site encadré, assistance, superficie, crédit/ha, oignon bulbe, tomate, chou, laitue
PositifSource : Auteur
Le positif respectivement négatif signifie que les valeurs de la variable dépendante augmentent respectivement diminuent dans le même sens que les revenus.
Les calculs sont faits à l’aide du logiciel Excel pour les tris et l’analyse des corrélations et le logiciel TANAGRA a servi à l’estimation du modèle.

3 : Résultats et discussions
Des problèmes de multi-colinéarité ont été mis en évidence dans le modèle retenu comme le montre le tableau 2 ci-dessous. En effet, les coefficients de corrélation (r) entre certaines variables explicatives sont significativement élevés. Le test de multi-colinéarité montre en effet que les variables barrage, puits, motopompe, manuelle ne sont pas indépendants dans le modèle, c’est-à-dire qu’elles s’expliquent entre elles. Au plan statistique, l’existence d’une colinéarité peut perturber les estimations des paramètres du modèle.
Tableau 2 : Variables interactives ayant les coefficients de corrélation les plus élevés
Variables interactivesRr²T de StudentPr(>|t|)BarragePuits-0,80250,644-21,30950PuitsBarrage-0,80250,644-21,30950MotopompeManuelle-0,93440,8731-41,55210ManuelleMotopompe-0,93440,8731-41,55210Source : Auteur
Les conséquences de la colinéarité statistique entre les variables explicatives étant les suivantes :
- les coefficients de régression estimés peuvent être élevés en valeur absolue ;
- leurs signes peuvent être contraires à l’intuition ;
- les variances des estimateurs peuvent être élevées ;
- les coefficients de régression et le coefficient de régression multiple sont instables par rapport aux coefficients de corrélation entre les variables explicatives ;
- la colinéarité statistique crée donc des difficultés importantes dans l’interprétation des résultats. Par exemple, le fait que le signe d’un coefficient de régression puisse être changé par la colinéarité peut être particulièrement gênant pour étudier l’effet propre d’une variable Xj sur Y.
Afin de remédier au problème de multi-colinéarité relevé, les 253 maraîchers ont été ainsi répartis suivant les modes d’exhaure de l’eau et régressés sur la base des 6 modèles définis dans le tableau ci-après. Ces 6 modèles ont ainsi été régressés à partir de dix-neuf (19) variables exogènes en combinant les variables source d’eau (barrage, puits, rivière) et moyen d’exhaure (manuel, motopompe), qui ont servi pour la constitution desdits modèles : M1, M2, M3, M4, M5 et M6 (tableau 3).






Tableau 3 : Les différents modèles de régression
ModèlesSource d’eauMode d’exhaureM1BarrageMotopompeM2BarrageManuelM3PuitsManuelM4PuitsMotopompeM5RivièreMotopompeM6RivièreManuelSource : Auteur

Ainsi, nos modèles intègrent une variable de source d’eau (barrage, puits, rivière), une variable de mode d’exhaure (motopompe, manuelle). Les autres sources d’eau utilisées sont moins importantes. Le choix du mode d’exhaure dépend de la source d’eau et de leur corrélation par rapport aux autres variables.
L’analyse est ainsi basée sur ces 6 modèles qui expriment les systèmes les mieux connus en matière d’hydraulique des périmètres maraîchers. Chaque modèle explique le R/HA à travers les 19 variables explicatives. Les résultats des estimations par la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) sont consignés dans le tableau 4 ci-dessous.
Au niveau de l’adéquation d’ensemble du modèle, les coefficients de détermination sont apparemment faibles et suffisamment invariables d’un modèle à un autre. Dans la littérature économique, ce n’est pas surprenant car la faible valeur du coefficient de détermination (R²) est un résultat souvent attendu en économétrie, notamment dans le cadre des données en coupe instantanée. D’ailleurs, la statistique F de Fisher qui est significative au seuil de 1% montre que le modèle est adéquat dans son ensemble.
Tableau 4 : Les résultats des régressions (Variable expliquée=RNE/ha ; Nombre d’observations=253)
Variables explicatives M1M2M3M4M5M6Coef.p-valueCoef.p-valueCoef.p-valueCoef.p-valueCoef.p-valueCoef.p-valueConstante4220712,97904093119,1420,000014123637,2830,0000074285496,51504406689,30204305134,0650,000001Formation242801,06330,332142228917,73760,361193203254,94120,424054216461,68090,393835177600,72360,480026161841,04130,520673Nbr_an_pratique-16750,879640,242888-20075,005660,158385-19761,279190,166156-16388,250360,254477-15847,874550,268327-19414,963970,171631Actif/ha-2487,6772640,510094-2714,0194060,472713-2538,43940,504055-2299,355140,544708-2109,1265340,57587-2341,2016320,534973Propriétaire-604816,793**0,024201-595078,856**0,026821-548447,357**0,036709-560477,2746**0,032551-662976,579**0,015261-650956,449**0,017398Barrage-233767,30670,460008-245073,66850,439591--------Puits traditionnel-----50234,321240,86603360639,338360,838231----Rivière--------718243,97730,199831717971,52030,202021Motopompe-482181,23940,268453-----503467,76770,248511-485926,15460,26315--Manuel--174078,39050,670215193648,8060,636251----153576,9860,706846Durée_campagne-229390,6567*0,000006-230815,1502*0,000006-234004,9277*0,000008-233057,8691*0,000008-251413,3543*0,000002-253277,1376*0,000003Organisé-17167,175470,957724262,7431760,999353-43036,276540,893029-58954,450170,85363145814,825270,88907362193,117350,850148Site encadré-987685,8199*0,000237-994539,0689*0,000222-1002118,739*0,000215-995919,9961*0,000227-1040998,005*0,000125-1048568,709*0,000116Assistance-43707,059220,886199-30849,91790,919701-63000,417120,845643-79662,976620,805273-217611,230,507896-205696,73990,532819Oignon (%S)-13219,38499*0,004533-13238,05802*0,00464-13504,8116*0,003916-13493,11883*0,003799-13399,90884*0,003865-13447,34928*0,003893Chou(%S)-2600,0130580,643723-2948,5077410,601433-4117,7015950,467264-3774,0941770,503481-3356,1105670,539835-3791,9137970,49043Tomate (%S)2030,4173090,6756181904,0352270,695491805,8755480,86514953,4001210,8403352240,768740,6375772050,1347640,667156Laitue (%S)29930,6065*0,00000130089,24004*0,00000130967,58083*030808,24024*030900,70835*031102,306*0Crédit/ha-0,4529110,247175-0,4472890,254247-0,4487460,253332-0,4538590,246754-0,4344750,266172-0,428190,274422Superficie (m²)-22,4754460,790335-39,5818470,637621-51,0976560,540985-33,6835990,688756-24,560560,768824-43,4592960,600486R2
R2ajusté
F-Test(p-val)0,305432
0,258343
6,4862 (0,000000)0,302348
0,25505
6,3923 (0,000000)0,300661
0,253248
6,3413 (0,000000)0,303943
0,256753
6,4408 (0,000000)0,308662
0,261792
6,5854 (0,000000)0,305394
0,258302
6,4408 (0,000000)NB: Le fond gris*indique les coefficients significatifs à 1% et le fond gris**, ceux significatifs à 5%.
Source : Auteur



Quant à l’influence des variables explicatives, elle est significative pour cinq variables :
Durée_campagne: C’est la durée de la campagne agricole. Ce résultat est influencé essentiellement par les deux saisons que connaissent l’année. Les rendements des cultures maraîchères sont influencés par les variations des facteurs climatiques d’une part, et d’autre part, la taille de l’exploitation maraîchère varie d’une période à l’autre. Elle diminue généralement en saison pluvieuse à cause des travaux de la production céréalière. Ainsi, une partie de la superficie peut rester non exploitée pendant un certain temps. On constate que ce facteur influençant négativement, est très significatif (p-values significativement invariables) pour tous les modèles. En somme, plus la durée de la campagne agricole est longue, moins le R/HA est élevé.
Propriétaire : C’est le titre de propriété sur la terre. Ici, la négativité du coefficient indique que Le R/HA à tendance à être plus faible quand le périmètre est une propriété de l’exploitant. Ce résultat s’explique par le fait que le maraîcher propriétaire exploite le plus souvent dans une situation de faible rémunération des facteurs de production. Il n’est pas le plus souvent engagé dans l’activité comme celui qui est locataire et qui doit un revenu au propriétaire à la fin de la campagne et suivant le type de contrat. En effet, au Burkina Faso, les systèmes d’exploitation agricoles basés sur le métayage et le fermage sont très peu développés. Le plus souvent, certains propriétaires terriens sont donc obligés d’emblaver de vastes surfaces dans des conditions de faible rémunération des facteurs de production. Ce qui réduit leur profit par unité de surface. Aussi, le fait que les exploitants propriétaires sont d’âge assez avancé peut expliquer le signe de ce coefficient.
Site encadré : Contre toute attente, l’appui-conseil des structures étatiques et d’organismes d’appui au développement (ONG) s’est révélé un facteur négatif pour rentabiliser l’activité maraîchère. Cela peut s’expliquer par le fait que ceux qui bénéficient le plus souvent de ces appuis conseils se trouvent dans des zones très défavorisées pour l’activité (manque d’eau, difficulté d’accès aux terres, sols pauvres…). Aussi ce résultat nous amène à croire que l’appui-conseil apporté aux producteurs n’est pas bien adapté aux réalités contextuelles de production car, ces conseils et appuis ne sont pas toujours mis en application par les producteurs à cause de considérations socioculturelles et économiques.
Oignon %S, et laitue %S : C’est le pourcentage de la superficie par culture. L’influence des proportions des surfaces exploitées pour l’oignon et la laitue sur le R/HA est très significative pour tous les modèles. La surface exploitée pour l’oignon bulbe a une influence négative sur le R/HA, tandis que celle exploitée pour la laitue impacte positivement le R/HA. Pour l’oignon bulbe cela traduit un manque d’efficacité-allocative ce qui pourrait nuire à la compétitivité-prix du produit local vis-à-vis de celui importée du Niger et d’autres pays de la sous région. En effet, il n’est pas surprenant d’observer sur le marché que le prix de l’ognon importé du Niger est plus abordable que celui produit au Burkina Faso. Pour la laitue, cet impact positif s’explique par le fait que cette spéculation est beaucoup consommée dans le plus grand centre urbain du pays. Plus la demande étant forte, plus les prix au producteur sont rémunérateurs. Ce résultat indique que la laitue est une culture à forte valeur ajoutée mais le constat est que en général, les exploitants produisent beaucoup plus ce qu’ils peuvent conserver ou transformer que ce qui leur rapportent plus.
Quant aux variables d’intérêts qui n’ont aucune influence sur la rentabilité, elles sont aussi au nombre de cinq :
Formation:Contre toute attente, la formation n’a aucune influence sur la rentabilité. Or, lorsque le maraîcher est au moins alphabétisé, il devrait être économiquement plus performant. La formation cultive chez le maraîcher une vertu d’adaptation aux réalités de la filière. Cela le pousse à produire des spéculations financièrement rentables et non traditionnellement produites pour leurs utilités. Cela a été corroboré par d’autres études telles que celles de Tougma et al.(2008). Cependant, ce facteur s’est révélé non significatif. Cela veut dire que les maraîchers utilisent très peu ou ne tirent pas profit de leur statut de lettrés.
Nbr_an_pratique : C’est le nombre d’années de pratique du maraîchage. Contre toute attente également, ce facteur n’est pas significatif. L’explication de ce résultat tient au fait que des connaissances capitalisées par des maraîchers ne sont plus adaptées aux réalités actuelles, et que ces derniers refusent de s’y conformer. C’est ce qui expliquerait d’ailleurs la non significativité de la variable « formation ». La plupart des maraichers préfèrent s’accrocher à leurs “vieilles” pratiques traditionnelles qui ont des rendements faibles. Ils refusent le changement et sont retissant aux paquets technologiques actuels.
Le nombre d’actifs employés (actif/ha): Le caractère pénible des activités maraîchères est tel que des exploitants se permettent d’engager des actifs. Ces derniers ont pour attribution d’assurer certains services dans l’exploitation. Paradoxalement à ce que l’on pensait, l’accroissement du nombre de travailleurs dans l’exploitation n’a aucune influence sur R/HA. Sachant que le facteur travail est incontournable pour la rentabilité d’une exploitation agricole, ce résultat insiste sur la nécessité d’analyser les éléments de coût liés à la charge de travail ainsi que les risques liés dans le cadre de l’évaluation de la rentabilité d’une exploitation maraîchère. De plus, lorsque les employés d’un maraîcher sont en nombre important, la plupart vient de sa famille et ne sont pas très engagés comme les salariés, et pourraient influencer négativement le rendement les rendements d’échelle.
Les sources d’eau : Rappelons que chaque modèle est défini par une source d’eau bien spécifique.
Quelque soit le modèle (M1, M2, M3, M4, M5, M6) avec les différents modes d’exhaure associés, on n’observe aucune influence sur le R/HA. Ainsi, que ce soit le barrage, la rivière et les puits traditionnels, elles n’ont aucune influence sur la rentabilité. La neutralité des différentes sources d’eau ainsi que des moyens d’exhaures associées sur la rentabilité des exploitations pourrait s’expliquer par la disponibilité de l’eau en temps réel et l’adéquation des moyens d’exhaures sur les différents sites.
Le crédit (crédit) : Le fait que l’accès au crédit n’ait aucun effet sur la rentabilité des exploitations amène à poser la problématique de l’allocation des crédits agricoles. Soit le crédit est faible ou alors il est «détourné » à d’autres fins par les exploitants.

Conclusion
L’intérêt de comprendre les contours de l’AUP en tant que réalité concrète observée qui mérite des analyses et modes d’interventions spécifiques nous a guidé vers la présente analyse. Cette recherche a montré que le milieu périurbain contribue significativement à l’économie du Burkina Faso et donc à la lutte contre la pauvreté. Les analyses menées nous indiquent que le droit de propriété sur la terre, la durée de la campagne, l’encadrement du site, les spéculations telles que l’oignon et la laitue influencent fortement (significativement) pour tous les modèles étudiés la rentabilité. A ce niveau le droit de propriété sur la terre, la durée de la campagne, l’encadrement du site et la superficie emblavée d’oignon ont un impact négatif sur le R/HA. Seule la culture de la laitue a un effet positif sur la rentabilité.
Plusieurs autres facteurs à prédilection positive sur le R/HAne se sont pas avérés significatifs pour tous les modèles Il s’agit des facteurs que sont : la formation, le nombre d’années de pratique du maraîchage, le nombre d’actifs employés, la source d’eau (barrage, puits traditionnel, rivière), le mode d’exhaure (motopompe, manuel), l’organisation, l’assistance, le crédit, la superficie totale emblavée, la superficie cultivée de chou et de tomate. Cependant, des auteurs tels que Moustier et al. (1999) indiquaient que les cultures maraîchères dépendent fortement des disponibilités en ressources naturelles (terre, eau), de la maîtrise de l’intensification des productions (accès aux intrants, au crédit) et des conditions de commercialisation. Des variables qui, pour la plupart, se sont révélés non significatives, dans notre modèle. Parmi les spéculations maraîchères inclues dans le modèle, La laitue apparaît (à travers les analyses) comme une production à forte valeur ajoutée. Quad à l’ognon bulbe, il se présente comme moins compétitif par rapport à l’ognon importé.
Au terme de ces analyses, il ressort que les facteurs qui déterminent la rentabilité financière de la production maraîchère n’ont pas tous une influence positive sur celle-ci. Il dévient par conséquent intéressant de mener plus d’investigations permettant de disposer d’un modèle économique fiable permettant d’optimiser la rentabilité des exploitation maraîchères en fonction de certaines données clés telles que la zone de production, la taille, le niveau d’instruction, la source d’eau, le mode d’exhaure, les spéculations, les moyens techniques, financiers et humains. Ceci, afin de positionner l’agriculture périurbaine comme un maillon pourvoyeur de valeur ajoutée au sein de la petite exploitation agricole dans la chaine de production agricole, tout en cherchant à maîtriser les externalités négatives de cette activité sur l’environnement.

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Moustier, P. et Fall, A. S. (2004), « Les dynamiques de l’agriculture urbaine : caractérisation et évaluation »,In : Smith, O. B., Moustier, P., Mougeot, L. J. A. et Fall, A. (éd.), « Développement durable de l’agriculture urbaine en Afrique francophone : enjeux, concepts et méthodes », Cirad Editions, Montpellier-France, 173 p.
Moustier, P., Mbaye A., De Bon, H., Guérin, H. et Pagès, J., (éd.) (1999), « Agriculture périurbaine en Afrique subsaharienne », Montpellier, collection Colloques du CIRAD, 273 p.
Ouédraogo, A. (2008),« Facteurs de vulnérabilité et stratégies d’adaptation aux risques des maraîchers urbains et périurbains dans les villes de Ouahigouya et de Koudougou », Mémoire de fin de cycle en vue de l’obtention du diplôme d’Ingénieur du Développement Rural (IDR), Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso.
Tougma, T. A. (2007), «Déterminants de la durabilité des pratiques d’irrigation dans les systèmes de productions maraîchers urbains et périurbains au Burkina : analyse de la situation à Bobo-Dioulasso et Ouagadougou», Mémoire soutenu pour l’obtention du diplôme d’ingénieur du développement rural, option : sociologie et économie rurales, Université Polytechnique de Bobo-Dioulasso (UPB), Institut de Développement Rural (IDR), Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 92 p.




 Enseignant à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop
 World Bank (2009), “The Global Economic Crisis: Assessing Vulnerability with a Poverty Lens”. Policy Note. Feb
 Le concept de production potentielle à été introduit dans la littérature par Okun (1962)
 Enseignante à la Faculté des sciences Economiques et de Gestion, Université Cheikh Anta Diop de Dakar
 Rapport PAES, 2010
 Le CAD a défini l’APD pour la première fois en 1969 et en a donné une définition plus stricte en 1972. Cette définition a été tirée de CAD (1991) : Manuel de l’aide au développement
Enseignant à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
Danièle Linhart était l’invitée de l’émission « Idées » de RFI du 23 août 2009. Elle venait de publier un essai intitulé « Travailler sans les autres ? » aux Editions du SEUIL.
 La théorie de la configuration postule, selon Danny Miller (1986), que les éléments de la stratégie, de la structure et de l’environnement se configurent en un nombre malléable de modèles utiles dans leur prédictibilité. Les relations sont donc évaluées à un triple niveau : contextuel, stratégique et organisationnel ; ce qui permet d’obtenir de meilleures performances (Gueguen, 2001).
 ARCAND Michel est professeur en management des organisations et GRH à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Cette référence correspond aux différents échanges que nous avons eus avec lui sur la problématique de notre étude.
Cet établissement n’était pas notre seule source dans l’élaboration de notre échantillon. Nous pouvons citer d’autres comme l’ANSD, la Chambre de commerce de Dakar, les organisations patronales et professionnelles (CNP, CNES, APBEF, etc.). Cependant, Sen Annuaire a été celui dont les informations étaient plus complètes et plus fiables.
 Certains auteurs (Bamberger et Meshoulam, 2000) suggèrent de contrôler les effets confondants de la taille, du secteur et éventuellement de la présence syndicale lorsqu’on étudie le lien GRH et performance (Carrière et Barrette, 2005 ; Breda, 2006 ; Laroche, 2004, 2006 ; Ndao, 2011).
 Le lecteur trouvera plus de détails dans les différents questionnaires qu’il obtiendra en écrivant à l’auteur (ndaomans@yahoo.fr).
 Dans le questionnaire RH, le chiffre (3 = « bien implantée ») correspond à la « médiane » de l’échelle de mesure. Idem dans le questionnaireQMv (3 = « modérément ») et dans le questionnaire QPf (3 = « satisfaisant »). Notre position par rapport au chiffre 3 est dictée par la signification de chaque point de l’échelle. De plus, le sens et le poids du « 3 » diffèrent d’un questionnaire à l’autre. La lecture des questionnaires (à la demande) pourrait être illustrative.
 La « statistique Wald » a les mêmes prérogatives d’interprétation que la prob.( (« sig ») dans les modèles linéaires. Nous analysons en fonction d’elle car elle dispose d’un champ d’analyse plus large et elle est mieux recommandée dans le traitement des modèles logistiques (Chitou, 2010 ; Diop, 2010).
 Freeman R. B., Medoff J. L. (1984), « What do unions do? », New York, Basic Book ; cité par Laroche (2006).
Traduction libre : Pour remplir le rôle de partenaire stratégique, les concepts doivent être remplacés par l’évidence; les idées par les résultats et les perceptions par des estimations.
 Enseignant – chercheur, UFR Sciences Economiques et Gestion, Université Ouaga 2, Burkina Faso. HYPERLINK "mailto:thiombianonoel@yahoo.fr"thiombianonoel@yahoo.fr
 La SCADD a pour vision à l’horizon 2015 : « le Burkina Faso, une économie productive qui accélère la croissance, augmente le niveau de vie, améliore et préserve le cadre et le milieu de vie au moyen d’une gouvernance avisée et performante ».Pour ce faire, elle se fixe pour objectif de réaliser une croissance économique forte à deux chiffres, soutenue et de qualité, génératrice d'effets multiplicateurs sur le niveau d'amélioration des revenus, la qualité de vie de la population et soucieuse du respect des principes du développement durable.
 Voir tableau 1
 Dans leur modèle, ils expliquent ces résultats par le fait que d’une part, des niveaux élevés de dépenses publiques ne peuvent être financés que par une augmentation des taxes qui introduisent des distorsions dans l’économie, et que d’autre part, une concentration excessive sur les dépenses en capital finit par réduire leur contribution à la croissance.
 Cité par Niang, B. B. 2005.Les dépenses publiques d’éducation sont elles pro-pauvres ? Analyse et application au cas du Sénégal.

 Barrage en chantier, inscrit dans les budgets de l’État et actuellement non productif.
 est déterminé par le rapport –(-0,077551/-0,793811).
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 Ces statistiques sont obtenues à partir de l’Instrument Automatisé de Prévision IAP du Ministère de l’Economie et des Finances
 Nous avons déjà mentionné que les dépenses dans la défense ne paraissent pas influer positivement sur la croissance à long terme.
Dans http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_industrielle: Adolphe Blanqui, Cours d’économie industrielle, 1838
 Bien que n’ayant pas été touchés par la révolution industrielle, les pays africains vivent cette théorie du déversement à travers l’exode rural du fait de la faible productivité en zone rurale due à divers facteurs.
 In Moustier et Fall (2004)
Iger(1992). Dicovert. Dictionnaire des termes et expressions d’économie et de gestion utilisés en agriculture. Iger, Nanterre, France, 556 p.D’après Kadékoy-Tigagué (2010).









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Bleu = motivé
Vert = non motivé

u = crentabilité + ar1 * rii + ar2 * fori + ar3 * reci+ ar4 * eri + ar5 * oti + ar6 * comi + ar7 * sei + ar8 * padi + ar9 * prhi + ar10 * api

u = cproductivité + ap1 * rii + ap2 * fori + ap3 * reci+ ap4 * eri + ap5 *oti + ap6 * comi + ap7 * sei + ap8 * padi + ap9 * prhi + ap10 * api

u = cmi + am1 * rii + am2 * fori + am3 * reci+ am4 * eri + am5 * oti + am6 * comi + am7 * sei + am8 * padi + am9 * prhi + am10 * api

Rentabilité

Productivité

Motivation





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