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Jacques Frédérique, Ottawa, Canada, 2015 ... En fait, sa philosophie morale sur la dignité humaine se rapporte à sa maxime nous invitant à traiter l'humanité dans ..... Kant y traite de la loi morale à laquelle le sujet moral doit obéir par devoir.




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« Le respect de la dignité humaine comme référence pour les devoirs moraux de l’homme envers lui-même et envers les autres hommes selon Kant »


Jacques FRÉDÉRIQUE





Mémoire de maîtrise soumis à la Faculté de Philosophie de l’Université Saint-Paul en vue de l’obtention du grade de maîtrise ès art en Éthique publique

Ottawa, Canada
Septembre 2015


© Jacques Frédérique, Ottawa, Canada, 2015


SOMMAIRE
Dans notre mémoire de maîtrise, nous voulons expliquer pourquoi Kant considère le respect de la dignité humaine comme référence pour les devoirs moraux que l’homme doit accomplir envers l’homme. Pour ce faire, nous préciserons le sens de sa pensée sur la dignité humaine et les devoirs moraux envers l’homme en tant que sujet moral. En fait, sa philosophie morale sur la dignité humaine se rapporte à sa maxime nous invitant à traiter l’humanité dans chaque personne humaine toujours comme une fin en soi. Agir de cette manière envers l’homme, c’est l’aimer et le respecter. C’est reconnaître et affirmer son autonomie et sa valeur absolue. Pour Kant, c’est là le critère par excellence pour apprécier la valeur morale des actions de l’homme envers lui-même et envers les autres hommes. L’intérêt que présente sa philosophie morale sur la dignité humaine c’est qu’elle permet de valoriser l’être humain et favorise la fraternité humaine.











LES REMERCIEMENTS
Nous remercions sincèrement le professeur Louis Perron qui a dirigé notre mémoire de maîtrise. Ses conseils salutaires, sa disponibilité et surtout la diligence avec laquelle il a corrigé notre travail de recherche nous ont profondément marqué. Nous lui exprimons notre plus vive gratitude.

















LA TABLE DES MATIÈRES
Sommaire……………………………………………………………………………...p. ii.
Les remerciements…………………………………………………………………….p. iii.
La table des matières…………………………………………………………………..p. iv.
Introduction……………………………………………………………………….....p. 5-8.
Chapitre I. La signification de la notion de la dignité humaine chez Kant……… ……p. 8.
La dignité de l’homme comme être rationnel……………………………….....p. 8-14.
La dignité de l’homme comme une personne humaine………………………p. 14-18.
Chapitre II. La reconnaissance de la dignité humaine comme condition du respect de la dignité et de l’autonomie humaine…………………………………….......................p. 18.
2.1 L’homme comme fin en soi…………………………………………………..p. 18-25.
2.2. L’homme comme un être autonome…………………………………………p. 25-33.
Chapitre III. Les devoirs moraux de l’homme envers lui-même et envers les autres hommes………………………………………………………………………………p. 33.
3.1 Les devoirs envers soi-même………………………………………………...p. 33-38.
3.2 Les devoirs moraux de l’homme envers les autres hommes…………………p. 38-47.
Conclusion………………………………………………………………………..p. 47-51.
Bibliographie……………………………………………………………..............p. 52-53.


INTRODUCTION
De nos jours, la notion de la dignité humaine comme valeur morale nous est très familière. Elle est au centre des réflexions éthiques sur des sujets tels que la politique, le droit, la médecine, l’économie où la vie humaine est en jeu. Les gens réclament de plus en plus le respect de leur dignité. Certains réclament non seulement le droit de vivre dans la dignité mais aussi celui de mourir dans la dignité. Le respect de la dignité humaine est considéré comme un droit inaliénable et inviolable. Or cela n’a pas toujours été ainsi dans l’histoire. Selon Éric Fiat, c’est « grâce à Kant qui démocratise la dignité humaine en disant que tous les hommes sont dignes ». Car avant son universalisation par Kant, elle n’était réservée qu’à une catégorie de personnes qui pouvaient l’avoir par leur vertu, leurs talents et leur conduite. Ainsi, il y avait d’un côté ceux qui étaient considérés comme dignes, et de l’autre ceux qui ne l’étaient pas.
Le fait que Kant a valorisé tous les hommes marque un tournant dans la manière dont certains hommes étaient alors considérés. Pour lui, la valeur humaine, la dignité humaine est ontologique, c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas des facteurs extérieurs. Tous les hommes sont dignes d’une dignité intrinsèque, absolue et inconditionnée par le fait même qu’ils sont des hommes. Considérant l’effet bénéfique de la démocratisation de la dignité humaine sur le mode de penser et sur la conscience humaine, Fiat dit que « la conception kantienne de la dignité humaine a changé en quelque sorte la face du monde ». Car elle permet d’établir des relations plus humaines et plus fraternelles entre les hommes partageant la même humanité.
C’est exactement cette conception kantienne de la dignité humaine qui est l’objet de notre mémoire. En effet, non seulement Kant affirme la dignité de tout homme, il dit qu’elle doit être au centre des actions humaines. C’est-à-dire que c’est elle qui doit servir de critère pour évaluer les rapports des hommes entre eux. En d’autres termes, il propose le respect de la dignité humaine comme la référence pour les devoirs moraux que l’homme doit accomplir envers lui-même et envers les autres hommes. Ainsi, seules les actions humaines qui correspondent à la dignité humaine seraient des actions morales. Dans ce cas, la moralité aurait pour fondement non pas un principe qui est extérieur à l’homme, mais un principe qui lui est intérieur. C’est l’autonomie et la liberté de la volonté humaine que cela sous-tend.
Mais pourquoi Kant propose-t-il le respect de la dignité humaine comme le critère des devoirs moraux envers soi-même et envers les autres? Pour répondre à cette question qui constitue la problématique de notre mémoire, nous allons analyser sa philosophie morale sur la notion de la dignité humaine et sur les devoirs moraux que les hommes doivent accomplir entre eux. Retenons deux idées fondamentales qui se rattachent au respect de la dignité humaine chez Kant. La première idée est que l’homme est un être rationnel, ce qui fait de lui une personne humaine. La deuxième est qu’il est une fin en soi et est un être autonome. Il est ainsi un sujet moral qui doit agir librement selon la loi qu’il se donne.
En ce qui concerne, les devoirs moraux, que le sujet moral doit accomplir envers lui-même et envers les autres, ils dérivent de la maxime kantienne disant que nous devons traiter l’homme comme une fin en soi, jamais comme un simple moyen. En fait, cela nous renvoie à la dignité de l’homme qui doit être traité avec respect. Cette maxime qui est au fond de la philosophie morale de Kant sur la dignité humaine est le fil conducteur de notre mémoire. C’est dans ce cadre théorique que s’inscrit notre travail de recherche qui comprend trois parties ou chapitres, qui sont subdivisés en des sous-parties.
Le premier chapitre porte sur la signification de la notion de la dignité humaine qui désigne la valeur intrinsèque absolue de l’être humain. Nous analyserons la pensée de Kant sur la dignité humaine qui s’exprime par la rationalité et la personnalité. La raison exprime la dignité humaine parce qu’elle nous permet de penser et de nous interroger sur ce que nous devons faire comme des sujets moraux. Elle joue ainsi un rôle important dans la vie de l’homme que Kant considère une personne humaine. Car selon lui celle-ci exprime mieux le caractère absolu de l’être humain.
Dans le deuxième chapitre nous expliquerons comment la reconnaissance de l’humanité dans chaque homme est la condition du respect de l’être humain qui est un être autonome et une fin en soi. Nous insisterons sur l’autonomie qui implique la liberté de la volonté humaine. Kant la considère comme le principe de la moralité. Selon lui, respecter l’autonomie de l’être humain et le traiter comme une fin en soi constituent en soi le même acte moral. Le troisième chapitre, qui est le cœur même de notre travail, sera consacré aux devoirs moraux que nous devons accomplir envers nous-mêmes et envers les autres. Nous y montrerons les bienfaits des devoirs qui sont accomplis dans le respect de la dignité humaine. Cela favorise la fraternité et la paix entre les hommes et entre les peuples.
Bien entendu, les trois chapitres seront développés dans l’ordre indiqué dans la table des matières qui est placée au début de notre travail. Après la conclusion où nous synthétiserons les idées principales que nous aurons développées dans notre travail, nous fournirons nos sources bibliographiques. Considérant le caractère précis et concis que requiert un mémoire de maîtrise, nous ne prétendons pas épuiser toute la pensée morale de Kant sur notre problématique. Nous allons mettre l’accent sur l’essentiel, c’est-à-dire sur des éléments pertinents qui permettent de mieux cerner notre problématique. Donc, ce qui revient à dire que notre mémoire sera une humble contribution dans l’effort visant à approfondir la pensée kantienne sur la dignité humaine qui permet de justifier et d’affirmer la valeur ontologique de l’être humain. C’est-à-dire de promouvoir la souveraineté de l’être humain par rapport aux choses.
La signification de la notion de la dignité humaine chez Kant
La dignité de l’homme comme être rationnel
Pour saisir et expliquer le sens de la notion de la dignité humaine chez Kant, commençons par la distinction qu’il a établie entre ce qui a un prix et ce qui a une dignité. On donne un prix à une chose qui a une valeur relative. C’est-à-dire qu’on peut la remplacer par quelque chose d’autre à titre d’équivalent. Or pour l’homme, c’est différent. Il a une valeur absolue parce qu’il est « au-dessus de tout prix ». C’est pourquoi Kant parle de la dignité de l’homme ou de la dignité humaine pour exprimer le caractère unique et irremplaçable de ce dernier.
Mais qu’est-ce qui fait la valeur absolue de l’homme par rapport aux choses qui l’entourent? Autrement dit, en quoi réside le fondement philosophique de la dignité humaine? Pour Kant, cela réside dans le fait qu’il y a dans l’homme « une faculté par laquelle il se distingue de tous les autres êtres, et cette faculté c’est la raison ». Suivant l’application de la raison, Kant parle de la raison pratique et de la raison pure ou spéculative. Pour connaître, la raison s’appuie sur l’expérience sensible et conduit ainsi à la connaissance empirique. La raison est dite pure lorsqu’elle forme ses concepts a priori indépendamment de la réalité sensible. En fait, dans les deux cas, il s’agit de la même raison qui nous permet d’acquérir divers types de connaissances. Selon Kant, la raison pure devient la raison pratique lorsqu’elle détermine la volonté à agir.
Insistons sur la raison pratique, ou plutôt sur l’aspect pratique de la raison, par laquelle l’homme se donne une loi universelle que nous appelons la loi morale. Kant considère que la raison joue un rôle capital dans la vie humaine. L’importance qu’il lui accorde vient du fait que c’est grâce à elle que « l’homme se rattache, comme intelligence, au monde intelligible ». Donc, contrairement aux choses, l’homme a une double appartenance. Il appartient au monde sensible dans lequel il vit tout en participant au monde intelligible par sa pensée. D’où la valeur de la raison qui permet à « l’homme de s’élever au-dessus de tous les autres êtres du monde qui ne sont pas des êtres humains ». Cette élévation s’explique par le fait que l’homme peut penser et agir librement. Selon Kant, cette manière d’agir est propre à tout être qui possède une volonté. « Je soutiens qu’à tout être raisonnable qui a une volonté nous devons attribuer nécessairement aussi l’idée de la liberté ».
Car le propre de la volonté est d’être une volonté libre. Chez Kant, la liberté de la volonté a un sens précis. Cela signifie que non seulement celle-ci est à elle-même sa propre loi, mais aussi elle doit y obéir. Car pour lui, « une volonté libre et une volonté soumise à des lois morales sont une seule et même chose ». Donc, c’est toujours en ce sens qu’il faut comprendre sa pensée sur la volonté, à laquelle se rapportent la liberté et l’autonomie du sujet moral. C’est à cela qu’il se réfère lorsqu’il parle de la volonté humaine. « La volonté d’un être raisonnable doit toujours être considérée comme législatrice, parce qu’autrement l’être raisonnable ne pourrait pas se concevoir comme fin en soi ». Une telle faculté ne se trouve qu’en l’homme qui a la notion du bien et du mal. C’est pourquoi il est responsable des actes qu’il a posés envers lui-même et envers les autres.
En fait, en considérant la raison comme la base théorique de la dignité humaine, Kant s’inscrit dans la tradition philosophique grecque qui rattache la dignité de l’homme à sa nature rationnelle. Cela est remarquable avec Aristote qui identifie l’homme à son intelligence. « L’homme est avant tout son intelligence ». C’est-à-dire que l’intellect constitue l’être même de chaque homme. C’est ce qui le caractérise, qui fait de lui un être humain. Aristote le définit comme « ce par quoi l’homme connaît et comprend ». Donc, dans ce cas, il joue un rôle important dans la vie humaine. Car c’est par cela que l’homme se révèle comme un être autonome. C’est-à-dire un sujet moral qui peut obéir à la loi morale qu’il se donne. C’est pourquoi Aristote dit que « l’homme doit tout faire pour vivre selon l’intellect qui est la partie la plus noble qui est en lui ». Car c’est ce qui favorise la vie bonne qui est la fin de l’éthique. En d’autres termes, c’est l’action rationnelle qui correspond à la dignité humaine.
Nous pourrions mentionner d’autres philosophes qui montrent que la dignité humaine repose sur la raison humaine, qui est le principe de ses propres activités. Retenons par exemple Épictète qui considère l’intellect comme « la partie maîtresse de notre âme ». De ce fait, nous devons en prendre soin, en la rendant plus pure que le soleil. Il a fait de ce devoir moral le programme de toute sa vie. « Désormais, la matière sur laquelle je dois travailler c’est ma pensée...mon travail consiste à user de mes représentations avec rectitude ». C’est-à-dire qu’il se fait le devoir de méditer sur l’action morale qui correspond à la dignité humaine. Thomas De Koninck a noté une réflexion chez saint Jean de la Croix qui rattache la dignité humaine à la pensée : « Une seule pensée de l’homme est plus précieuse que tout l’univers…» D’où l’importance de la raison qui permet à l’homme de penser. Cela se rapporte à la philosophie de Kant qui considère la raison comme l’élément fondateur de la dignité humaine.
Rappelons que pour Aristote et pour Épictète, le fait que l’homme possède la raison, cela lui impose un devoir moral, qui est celui d’agir selon la raison. C’est la même chose pour Kant qui s’interroge sur ce qu’il doit faire en tant qu’un être rationnel. « Tout l’intérêt de ma raison se concentre dans les trois questions suivantes : « Que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m’est-il permis d’espérer? » Ces questions qui constituent les thèses centrales de sa philosophie, dépassent largement le cadre de notre travail portant sur la dignité humaine. Toutefois, disons que la première question porte sur la connaissance. La deuxième porte sur la philosophie morale ou l’éthique. La troisième qui est à la fois pratique et théorique porte sur l’espérance. « Si je fais ce que je dois faire que m’est-il permis d’espérer?» Pour Kant, seul l’homme peut se poser de telles questions.
Insistons un peu sur la deuxième question qui se rapporte à notre problématique. Kant y traite de la loi morale à laquelle le sujet moral doit obéir par devoir. Pour ce faire, la volonté de ce dernier doit être bonne, parce que « sans la bonne volonté rien ne peut être tenu pour bon ». Mais qu’est-ce que Kant entend par une bonne volonté? Comment peut-on bonifier sa volonté? Selon lui, cela se fait par la raison. Suivons son explication.
Puisque la raison nous a été départie comme puissance pratique, c’est-à-dire comme puissance qui doit avoir de l’influence sur la volonté, il faut que sa vraie destination soit de produire une volonté bonne, non pas comme moyen en vue de quelque autre fin, mais en soi-même [….]. Car la raison, qui reconnaît que sa haute destination pratique est de fonder une bonne volonté, ne peut trouver dans l’accomplissement de ce dessein qu’une satisfaction qui lui convienne, c’est-à-dire qui résulte de la réalisation d’une fin que seule encore une fois elle détermine.

En ce qui a trait à la manière dont la raison détermine la volonté, en la rendant bonne, Kant dit que cela se fait a priori. C’est-à-dire qu’elle le fait indépendamment de toute inclination, de manière désintéressée. Pour une telle volonté, la loi morale est « un fait de la raison pure ». C’est-à-dire qu’elle est une pure forme. C’est pourquoi la raison peut y obéir pour elle-même, c’est-à-dire par devoir. Une telle loi est universelle, car elle est nécessaire et objective et a une valeur pour tous les êtres rationnels.
Alors comment formule-t-il cette loi ? Pour indiquer que cette loi commande de manière nécessaire, il l’exprime sous la forme de l’impératif catégorique. « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». C’est-à-dire que le sujet moral doit faire ce que ferait tout être rationnel s’il était à sa place. C’est de cette loi morale fondamentale que dérivent les autres lois concernant l’action humaine. Nous apprécions la pensée d’Olivier Reboul qui considère que « l’impératif catégorique pose clairement le principe universel de la dignité humaine ». Notons la parole suivante qui résume la pensée de Kant sur la raison qui est le fondement de la dignité humaine. « C’est là un trait bien sublime de la nature humaine d’être immédiatement déterminée à agir par une loi pure de la raison ».
Donc disons que, pour Kant, la raison révèle la grandeur de l’homme par rapport aux choses qui l’entourent. C’est grâce à elle que ce dernier est un législateur de la loi morale. Elle est propre à l’homme qui existe comme une fin en soi. Il peut se former ainsi « une intention véritablement morale et agir de manière qui corresponde à la valeur de sa personne ». La notion de la personne renvoie à une autre expression de la dignité humaine. Pour lui, la personne humaine est avant tout une personne morale. Dans les lignes qui suivent nous montrerons comment Kant a employé cette notion pour parler du respect qui est dû à l’homme en tant que sujet moral.
1.2 La dignité de l’homme comme une personne humaine
Kant appelle l’homme une personne humaine parce que c’est là que ce dernier trouve son expression la plus authentique dans l’ordre éthique. Il explique pourquoi l’homme est une personne humaine. « Les êtres raisonnables sont appelés des personnes, parce que leur nature les désigne déjà comme des fins en soi ». Donc, c’est à cause de sa naturelle rationalité que l’homme est une personne humaine. C’est-à-dire parce qu’il possède la raison et la volonté. La personne révèle la vérité de l’être humain dans ses dimensions sensible, intelligible et morale. Elle exprime la valeur irréductible et inaliénable de chaque homme. En fait, en appelant l’homme une personne, Kant a voulu mettre l’accent sur le respect qui lui est dû, en tant qu’un être rationnel : « L’idée de la personnalité éveille le respect et nous manifeste la sublimité de notre nature...».
C’est pourquoi il dit que l’homme, en tant que personne humaine, ne doit pas être traité n’importe comment. Il revendique pour ce dernier un traitement qui correspond à la dignité de son être : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». L’humanité désigne ici le principe qui fait de l’homme un être humain. L’idée fondamentale de l’impératif catégorique c’est qu’il faut respecter l’homme parce qu’il est un être humain. La personne qu’il nous invite à respecter c’est la personne considérée dans son individualité existentielle comme étant un sujet moral. Cela correspond à l’idée selon laquelle « le sujet de toutes les fins, c’est chaque être rationnel, comme fin en soi ». C’est-à-dire quelqu’un qui est libre et autonome et qui est conscient de ses actes. C’est en tant que tel que la personne humaine s’engage dans les relations interpersonnelles.
Cette idée sera reprise par des penseurs comme Georg Mohr ayant réfléchi sur la notion de la personne dans la philosophie morale de Kant. Mohr dit que pour ce dernier, la personnalité implique « la liberté et l’indépendance du sujet moral qui est l’auteur de ses actions ». La personne humaine se définit ici par rapport à la loi morale qu’elle se donne et à laquelle elle obéit par devoir. Otfried Höffe abonde dans le même sens. Influencé par la théorie morale kantienne qu’il a analysée, il définit la personne humaine de la manière suivante. « Est une personne celui qui peut prétendre être l’auteur de ses actes et qui, dans cette mesure, est libre ». Cette définition de la personne vaut tant en morale qu’en droit. En droit, la liberté est extérieure. En philosophie morale, qui nous concerne, elle est une liberté intérieure ou morale. C’est à celle-ci que Höffe se réfère lorsqu’il parle de la personnalité morale qu’il appelle « la personnalité innée ».
Cela renvoie à la thèse centrale de Kant selon laquelle il faut toujours respecter la personne humaine comme une fin en soi. En vertu du fait qu’ils sont personnes humaines, les hommes possèdent une dignité qui les force au respect mutuel. Il dit que pour que cela soit possible « les hommes doivent s’estimer sur un pied d’égalité ». C’est-à-dire que personne ne doit s’estimer supérieur aux autres. Chacun doit s’apprécier et apprécier l’autre à sa juste valeur. Celle-ci n’est pas quelque chose qu’on peut déterminer à son gré, car elle est inhérente à l’homme. C’est pourquoi il dit que personne ne doit « s’agenouiller ou se prosterner jusqu’à terre devant un autre ».
Kant condamne ce genre de comportement car cela est contraire à la dignité humaine. Aucun être humain ne doit mépriser sa propre personne, sa propre humanité. Donc, ce qui revient à dire qu’il est indigne d’un homme de s’humilier devant un autre. La raison humaine assigne à la personne humaine des devoirs moraux envers elle-même et envers les autres. Ces devoirs reposent sur le respect réciproque qui favorise les rapports pacifiques et harmonieux les uns envers les autres. Afin de montrer le lien étroit qu’il y a entre l’action morale et la raison humaine, il considère la personne humaine comme « le sujet d’une raison moralement pratique ». Tout cela fait ressortir la valeur absolue et inaliénable de l’homme qui est l’objet du respect qu’il peut exiger de tout autre homme.
Kant dit que c’est sur la valeur morale que repose la valeur de la personne humaine. En d’autres termes, la personne humaine est une personne morale. Elle doit ainsi prendre conscience de sa dignité. Cela est important car c’est en prenant conscience de sa valeur qu’on peut reconnaître celle des autres. La parole de Kant sur ce point est intéressante : « Il faut, à tout prix, présenter à l’âme le principe déterminant moral pur qui apprend à l’homme à sentir sa propre dignité ». C’est cette connaissance morale de soi qui permet à l’homme de se comporter convenablement envers lui-même et envers les autres. Cela lui permet de prendre conscience qu’il partage avec eux la commune humanité caractérisant l’être humain. Kant revient souvent sur cette idée centrale de sa philosophie morale : « Personne ne doit renier sa dignité ».
Donc, d’après ce que nous venons de voir, nous pouvons dire que pour Kant, la dignité humaine signifie que l’homme a une valeur absolue par rapport aux choses qui ont une valeur relative. Elle est fondée sur l’autonomie de l’être humain qui possède la raison et la volonté. C’est ce qui fait de lui une personne humaine. C’est-à-dire un sujet moral qui est le législateur de la loi universelle à laquelle il doit obéir par devoir. Selon Kant, la reconnaissance de l’humanité dans l’homme a en elle-même une valeur morale parce qu’elle est une expression de la dignité humaine. Alors comment explique-t-il cela? La réponse à cette question fera l’objet de la section suivante.
II. La reconnaissance de l’humanité dans chaque homme comme condition du respect de la dignité et de l’autonomie humaine
2.1 L’homme comme fin en soi
La notion de l’humanité exprime l’idée d’une qualité essentielle de l’homme. C’est-à-dire que c’est elle qui le caractérise en tant qu’un être humain. Dérivant de la raison pure, elle est dans l’homme comme une fin objective. Elle renferme en elle-même l’idée d’une prescription morale, car elle est inviolable. C’est pourquoi Kant dit que « l’humanité est elle-même une dignité ». C’est-à-dire qu’elle est l’expression de la valeur absolue de l’homme. De ce fait, on doit la reconnaître et la respecter en tout homme par le fait même qu’il est un homme. « L’homme est obligé de reconnaître dans le registre pratique la dignité de l’humanité en tout autre homme ». C’est-à-dire que cela ne doit pas être laissé au gré de chacun. C’est une obligation morale qui s’impose à tous les hommes. Les relations interpersonnelles et la solidarité entre les hommes en dépendent.
D’où la valeur de la pensée de Kant qui considère que la reconnaissance de l’humanité dans chaque être humain est la base de l’égalité entre les hommes. C’est pourquoi chacun a le devoir moral de respecter et de faire respecter l’humanité dans sa personne. « L’humanité présente en sa personne est l’objet du respect qu’on doit exiger de tout autre homme ». C’est là une responsabilité morale que nous avons envers nous-mêmes. Nous devons faire en sorte que l’humanité soit respectée dans notre personne, par nous-mêmes et par les autres. Car c’est en respectant l’humanité dans notre personne que nous pouvons la respecter aussi dans les autres. C’est-à-dire que l’humanité dans l’autre me regarde car elle est la mienne. Celle qui est en moi le regarde car elle est la sienne. Puisque nous partageons tous la même humanité. Cet aspect est fondamental dans la philosophie morale de Kant qui nous invite à traiter la personne humaine « toujours comme une fin en soi ».
Kant emploie l’expression de « fin en soi » pour dire que l’homme n’est pas une fin en vue d’autre chose, mais une fin en lui-même et pour lui-même. C’est-à-dire que l’homme représente sa propre existence. Il a une double conscience de lui-même, la conscience d’appartenir au monde sensible et la conscience d’appartenir au monde intelligible que Kant appelle le monde nouménal. C’est en ce sens que Reboul a compris aussi l’expression que nous venons de mentionner. Il dit que dans la philosophie morale de Kant, cela signifie que « l’homme est un but en lui-même et qu’il existe absolument ». C’est à ce noyau dur que Kant se réfère dans ses réflexions sur le respect de la dignité humaine. L’idée que l’homme est une fin objective et absolue découle de sa valeur absolue. C’est par rapport à cela qu’il définit la loi morale qu’il considère comme l’expression de la liberté humaine.
Donc, cette explication nous situe en quelque dans la pensée de Kant sur la dignité humaine. Cela nous permet de voir que pour lui, ce n’est pas n’importe quelle réalité qui peut être une fin en soi. Parmi tous les êtres qui sont dans le monde, c’est seulement à l’homme que ce privilège est réservé. « L’humanité et la nature rationnelle sont considérées comme une fin en soi ». C’est pourquoi il est un être unique qui n’a pas d’équivalent. C’est-à-dire c’est quelqu’un qui est capable de la moralité faisant de lui un membre du monde intelligible. Donc, ce qui revient à dire que pour Kant, reconnaître l’humanité dans l’homme, c’est reconnaître qu’il est une fin en soi. Car c’est lui qui décide de la valeur de toutes les fins.
Kant considère cela comme une obligation morale. Non seulement il faut reconnaître l’humanité dans l’homme qui est une fin en soi, il faut le traiter aussi comme tel. « L’homme existe comme une fin en soi et doit être toujours considéré en même temps comme une fin en soi ». C’est-à-dire qu’il faut le respecter en tant que personne humaine. Cette pensée est importante, c’est d’elle que dérivent les lois morales concernant l’agir humain. Par exemple, c’est à elle que se rapporte la parole suivante où il dit que « le respect ne s’adresse jamais aux choses mais aux personnes ». Donc, cela souligne la valeur absolue de l’homme qui mérite du respect par le fait même qu’il est homme.
Klein fait ressortir aussi cette idée dans son analyse de la philosophie morale de Kant. Elle reprend la parole de ce dernier disant que l’humanité dans l’être humain est inviolable. C’est pourquoi Kant nous invite à traiter toute personne humaine toujours comme une fin en soi. Nous lisons dans Le droit d’être un homme, qui est un recueil de textes préparé sous la direction de Jeanne Hersch, un texte qui montre la pertinence de la pensée de Kant sur le sujet en question. En effet, le texte dit que seul l’homme compte. Parce qu’il vaut plus que tout et qu’il est conscient de son existence. Il possède un langage articulé et peut communiquer sa pensée à ses semblables. En peu de mots, il peut réfléchir avant d’agir. Cela permet de mieux apprécier la pensée de Kant affirmant que « sans les hommes la création tout entière ne serait qu’un simple désert, inutile et sans but final ».
Pourquoi? Parce que c’est l’homme qui donne sens aux choses qui sont faites pour lui et qui sont ordonnées à son bien. Autrement dit, l’homme est le but final de la création parce qu’il est un sujet moral qui est une fin en soi et peut agir selon la loi qu’il se donne. Cet aspect est fondamental dans la philosophie morale de Kant qui considère que « c’est sur la valeur morale que repose la valeur de la personne humaine ». C’est pourquoi selon lui, la façon dont l’homme agit envers lui-même et envers les autres révèle sa dignité. D’où l’importance de bien agir envers soi-même et envers les autres. Avant lui, Aristote a exprimé cette idée en expliquant comment l’homme de bien doit se comporter envers l’autre. Aristote dit qu’il doit entretenir avec l’autre la même relation qu’il entretient avec lui-même. C’est-à-dire qu’il faut le considérer comme « un autre soi-même ».
En fait, cette idée nous rappelle les pensées de Paul Ricœur et d’Emmanuel Levinas faisant de l’altérité le terme central de leur philosophie. Pour Ricœur, la reconnaissance de l’humanité dans l’autre commence par le dialogue favorisant la relation mutuelle : « Lorsque je dis « tu » à un autre, il comprend « je » pour lui-même. Quand il s’adresse à moi à la seconde personne, je me sens concerné à la première personne ». Cela montre que dans le dialogue l’autre nous renvoie à nous-mêmes. Il permet à chacun de prendre conscience de sa dimension relationnelle et de sa valeur absolue en tant que sujet moral qui est non seulement une fin en soi, mais aussi qui est irremplaçable. Autrement dit, il permet de voir dans l’autre une personne humaine qui est son semblable. C’est pourquoi selon Ricœur, la meilleure manière d’agir envers l’autre, c’est le considérer comme nous-mêmes. « Je ne puis m’estimer moi-même sans estimer autrui comme moi-même ». C’est-à-dire que nous devons reconnaître la valeur de l’autre comme nous reconnaissons la nôtre.
C’est dans le même sens qu’il faut comprendre la pensée de Levinas affirmant que le visage de l’autre est « le lieu originel de sens ». C’est-à-dire que le visage de l’autre révèle l’humanité qui est en lui et qui est en nous. D’où l’attention qu’il faut prêter à l’autre qui est un être humain comme nous. Notons la pensée de Levinas à ce sujet : « Ma connaissance de l’autre homme, me le représente comme semblable, pour découvrir dans le visage du prochain comme responsable de lui et, ainsi, comme unique ». Donc pour Levinas, reconnaître l’humanité dans l’autre, c’est le considérer comme notre prochain et répondre à son appel et à sa sollicitude.
Cette idée revient souvent dans la réflexion de Levinas disant que « le visage de l’autre m’assigne, me demande, me réclame et me rappelle par là-même ma responsabilité envers lui en tant que mon prochain ». Le visage s’adresse ainsi à la conscience morale de chacun. Il témoigne immédiatement de l’universalité humaine. Il s’impose à nous en nous obligeant à établir des liens humains, des rapports dynamiques avec l’autre. Pierre Hayat dit que « la socialité du face à face est pour Levinas le fait éthique auquel toutes les valeurs se rapportent ». Selon Levinas, nous agissons moralement bien lorsque nous considérons l’autre comme l’un de nous, comme un membre de la famille humaine. Car son visage nous renvoie à notre propre humanité et à l’unicité de notre être.
Donc, ce qu’il faut retenir de Ricœur et de Levinas, c’est en dialoguant avec l’autre, en regardant son visage que nous pouvons découvrir l’humanité qui est en lui. Cela permet d’entretenir avec l’autre un rapport éthique. C’est pourquoi ils considèrent cela comme une obligation morale. Cela correspond à la philosophie morale de Kant disant que c’est « la moralité qui fait qu’un être rationnel est une fin en soi ». Or reconnaître l’homme comme une fin en soi, c’est affirmer son droit à l’autodétermination. Cela implique l’autonomie de la volonté qui est un concept clé de la philosophie morale de Kant.

2.2 L’autonomie comme dignité humaine
Le mot autonomie désigne ce qui se dirige soi-même selon sa propre loi. C’est en ce sens que Kant l’emploie pour parler de la dignité de l’homme qui est maître de lui-même parce qu’il peut agir selon la loi de sa volonté. Il considère l’autonomie comme « le principe de la dignité de la nature humaine et de toute nature raisonnable ». Parce qu’elle désigne l’indépendance de l’homme qui peut agir selon ses propres lois. Elle est la faculté que possède la volonté humaine d’être « sa propre autorité impérative, comme législation suprême ». La loi suprême c’est la loi universelle, dont nous avions parlé dans le premier chapitre de notre travail. Nous ne voulons pas insister sur sa formulation. Nous voulons insister ici sur son origine humaine et sa nature en montrant comment elle s’accorde avec la raison commune de tous les hommes. Autrement dit, nous voulons montrer qu’elle est constitutive à la volonté humaine.
Tout d’abord, disons que pour Kant, la loi morale n’est pas un conseil de prudence, mais une obligation qui exerce une contrainte interne sur la volonté. Lisons ce qu’il écrit concernant la modalité de la loi morale qui vient de la volonté humaine : « Le principe de la moralité doit être un impératif catégorique, et que celui-ci ne commande ni plus ni moins que l’autonomie de la volonté ». Car ce que la loi morale prescrit s’adresse à tous de manière inconditionnée, c’est-à-dire sans condition et sans restriction. C’est ainsi qu’elle peut déterminer objectivement et immédiatement la volonté à agir selon le jugement de la raison.
Kant emploie plusieurs expressions pour parler de l’autonomie de la volonté humaine, à savoir la volonté bonne, la volonté libre, la volonté idéale. Elles se rapportent à sa parole disant que « la volonté humaine est conçue comme une volonté législatrice universelle ». C’est-à-dire qu’elle peut instituer ses maximes en une législation universelle. C’est pourquoi selon Kant nous avons l’obligation morale de la respecter chez tout être humain, parce que c’est elle qui fait de nous des sujets moraux.
Notre volonté propre, cette volonté idéale, est l’objet du respect, et la dignité de l’humanité consiste précisément dans la faculté qu’elle a d’établir des lois universelles, à la condition toutefois d’être en même temps soumise elle-même à cette législation, à la condition toutefois d’être en même temps soumise elle-même à cette législation.
Mais comment peut-on expliquer cette faculté que possède la volonté humaine de prescrire des lois universelles? C’est-à-dire des lois qui rejoignent la volonté de tous les êtres raisonnables. Pour Kant, cela s’explique par le fait que dans l’exercice de son jugement pratique, « la raison pratique est en parfait accord avec la raison commune ». C’est cet accord commun qui fait que la loi morale devient objective, nécessaire et obligatoire. C’est-à-dire qui lui confère son caractère universel. D’où la valeur absolue de l’homme qui est un être autonome. C’est en que tel qu’il est le législateur de loi universelle. « L’autonomie de la volonté est l’unique principe des lois morales et des devoirs conformes à ces lois ».
Retenons deux idées de l’affirmation de Kant. L’homme ne doit être soumis qu’à sa propre législation. La deuxième idée découle de la première, c’est-à-dire que cette législation doit être universelle. Selon Kant, en y obéissant, ce dernier obéit « à sa propre volonté qui établit une législation universelle ». C’est pourquoi il considère la loi morale comme une loi de la causalité par la liberté. C’est-à-dire que la loi morale c’est l’affaire d’une volonté libre. Cette idée fondamentale est récurrente dans sa philosophie morale. Cela se justifie par le fait qu’il n’y a pas de moralité sans la liberté du sujet moral. Car c’est dans la mesure où ce dernier agit librement que son action a une valeur morale. Kant abonde ainsi dans le même sens qu’Aristote en disant que « l’homme est le principe et le générateur de ses actions ». C’est-à-dire qu’il agit selon la loi qu’il se donne lui-même.
Cela montre que l’autonomie et la moralité sont étroitement liées. Kant nous parle de la relation qu’il entretient avec la loi morale, en tant que sujet autonome : « Le concept de l’action en soi-même contient déjà une loi pour moi ». Parce que l’action morale implique nécessairement la volonté qui est une volonté législatrice. Celle-ci agit selon certains principes, à savoir les maximes, auxquelles elle donne une valeur universelle. Ce que Kant dit de lui vaut aussi pour tout être humain. Notons que l’action dont il parle doit être accomplie pour elle-même, c’est-à-dire uniquement par devoir.
La chose certaine, c’est que la moralité ne vaut pas pour nous parce qu’elle présente un intérêt relevant du monde sensible ou du sentiment. Car c’est là une hétéronomie et une dépendance de la raison pratique à l’égard de la sensibilité qui n’établit jamais une législation morale. La moralité présente un intérêt pour nous en tant qu’hommes, car c’est de la volonté de l’homme, conçu comme intelligence, par suite de notre véritable moi, qu’elle est née.

Donc pour Kant, c’est l’homme qui est la référence en matière de moralité. Autrement dit, il définit la loi morale par rapport à ce dernier, car elle est l’expression de sa volonté. Il dit qu’il faut poser pour principe fondamental de toutes les maximes des actions que « le sujet de toutes les fins doit être traité toujours comme une fin en soi ». Cela renforce l’idée du respect qui est dû à l’homme qui est une fin en soi, qui est autonome et qui, de ce fait, doit agir librement. Une telle façon d’agir « nous arrache un respect immédiat ». Ce respect doit être entendu dans le sens d’un intérêt moral. Car on n’obéit pas à la loi morale pour être respecté, mais on est respecté par le fait même qu’on y obéit.
Donc, nous voyons que pour Kant, il est nécessaire de reconnaître l’humanité dans l’être humain, qu’il faut considérer comme une fin en soi et comme le législateur de la loi universelle. Alors pourquoi cela est-il nécessaire? Selon Kant, cela répond à une exigence existentielle : « L’homme est un être destiné à la société, et en cultivant l’état de société, il éprouve le besoin de s’ouvrir à d’autres ». C’est pourquoi l’homme ne peut pas vivre seul. Pour exister, il doit communiquer, établir des relations dynamiques avec les autres. Ce qui implique la connaissance, disons mieux, la reconnaissance de la valeur absolue de l’autre. D’où la valeur de la philosophie morale de Kant qui nous invite à respecter la dignité humaine. C’est-à-dire qu’il nous invite à voir en chacun un être humain un membre de la famille humaine et à le traiter comme tel.
En effet, lue, analysée et diversement interprétée, la philosophie morale kantienne sur la dignité humaine suscite un grand intérêt chez les penseurs et les philosophes. Cependant ils ne lui accordent pas tous la même valeur. Si certains comme Olivier Reboul et Zivia Klein y voient une référence en matière éthique et en font l’objet de leur recherche, d’autres comme Ruwen Ogien et Christine Tappolet estiment qu’elle est une notion floue et ambivalente. Par exemple, Ogien dit que dans le débat sur l’euthanasie et le suicide assisté, suscitant de sérieuses questions éthiques de nos jours, la notion de la dignité humaine est utilisée par les deux camps « pour défendre des opinions complètement opposées ». Ceux qui soutiennent ces pratiques, le font au nom de la valeur de la personne humaine qu’ils considèrent que la maladie diminue. Ceux qui sont contre affirment que celle-ci ne diminue pas vraiment la valeur de la personne humaine qui a un caractère absolu et est irremplaçable. De ce fait, il ne revient pas à nous de dire que « notre vie ou celle d’un autre n’a pas de valeur et d’y mettre un terme ».
Remettant en question la notion de la dignité humaine qui est au centre de la morale kantienne, Ogien propose l’éthique minimaliste qui est fondée sur les principes de non nuisance, consistant uniquement à « ne pas nuire aux autres ». Selon cette théorie éthique, tout ce qui ne nuit pas aux autres est permis. Chacun doit agir selon sa propre loi, qui n’est pas nécessairement universalisable. D’où le caractère subjectif de l’éthique minimaliste qui suscite très peu d’intérêt de nos jours. Dans Le droit au suicide assisté et à l’euthanasie, Tappolet fait ressortir aussi le caractère ambigu de la notion de l’autonomie qui découle de la dignité humaine. Elle dit que le respect de l’autonomie de la personne humaine peut servir à la fois dans « un argument pour et un argument contre l’euthanasie ». En un mot, elle conduit à une impasse. Face à une telle situation, il est difficile de savoir si l’euthanasie et le suicide assisté sont conformes ou non à la dignité humaine. C’est pourquoi Tappolet dit que le débat en la matière est « un débat qui est loin d’être clos ».
Mais Ogien et Tappolet ont-ils compris et interprété la notion de la dignité humaine dans le sens où Kant l’entend? Autrement dit, la pensée de Kant sur la dignité humaine est-elle vraiment floue et ambivalente concernant l’euthanasie et le suicide assisté, impliquant la liberté humaine? Lisons ce qu’il écrit à propos du suicide. Cela vaut aussi tant pour l’euthanasie que pour le suicide assisté, suscitant de sérieux débats éthiques de nos jours.
Le suicide est un crime, un meurtre. À vrai dire, il peut aussi être considéré comme une transgression par l’individu de son devoir envers d’autres hommes […]. C’est la violation d’un devoir envers soi-même, car l’être humain est obligé de se conserver en vie simplement par sa qualité de personne […]. Que l’homme puisse s’offenser lui-même, cela semble absurde […]. Ce serait une contradiction pour lui d’être autorisé à se délivrer de toute obligation, c’est-à-dire d’agir aussi librement comme s’il n’avait besoin pour agir d’aucune autorisation.

Ce texte montre clairement que la pensée de Kant n’est pas ambivalente en ce qui a trait au suicide. Il est contre le suicide qu’il considère comme une atteinte à la dignité humaine. On pourrait alors objecter qu’Ogien et Tappolet parlent d’un cas précis, à savoir l’euthanasie et le suicide assisté visant à mettre fin à la vie de quelqu’un, qui est en phase terminale ou qui souffre, et dont la maladie et la souffrance diminuent la valeur. À cela Kant répond : « La douleur ne diminue en rien la valeur de la personne, mais seulement la valeur de son état ». La valeur de son état correspond à sa santé physique ou mentale qui est relative, car elle varie d’une personne à l’autre. Elle ne diminue pas la valeur absolue de l’homme en tant que tel. C’est pourquoi Kant dit que ce dernier garde sa valeur absolue même lorsqu’il est malade.
Nous retrouvons la même idée chez De Koninck qui considère que « la valeur absolue de tout être humain est la même dans chaque phase de sa vie, depuis la conception jusqu’à l’extrême faiblesse de la vieillesse ». Car même dans cet état, l’homme conserve sa dignité comme personne humaine. C’est pourquoi selon Gilbert Larochelle, il est erroné de soutenir que la philosophie de Kant sur l’autonomie qui découle de la dignité humaine permet de « discriminer une vie digne d’être vécue d’une autre qui ne le serait pas en référence au critère de la capacité de projet pour mesurer l’humanité de l’être souffrant ». Cela fait ressortir la valeur de la pensée de Kant affirmant que l’humanité dans chaque être humain doit être reconnue et respectée aussi bien par lui-même que par les autres en tant que sujet moral qui est une fin en soi :
Anéantir en sa propre personne le sujet de la moralité équivaut à extirper du monde, autant qu’il dépend de soi, la moralité dans son existence même, la quelle est pourtant une fin en soi. Disposer de soi comme d’un simple moyen en vue d’une fin quelconque, c’est abaisser l’humanité en sa propre personne.

Si pour Kant la liberté est liée à l’autonomie de l’homme, il dit que celui-ci n’est pas libre de se suicider. Car non seulement le suicide ne correspond pas à la dignité humaine, ce n’est pas une maxime qui peut devenir une loi universelle. C’est aussi la pensée de Reboul qui considère le suicide assisté et l’euthanasie comme « la violation d’un devoir envers soi-même ». Car admettre le suicide, c’est admettre que la personne humaine n’est que le moyen de maintenir une situation supportable jusqu’à la fin de la vie. C’est la considérer comme un moyen de bonheur ou de bien-être que l’on rejette quand le bien-être n’est plus possible. Influencé par la philosophie de Kant sur la dignité humaine, Reboul dit que se suicider, « c’est avilir l’humanité dans sa personne, cette humanité qui a été pourtant confiée à la garde de l’homme ». D’autres penseurs comme Höffe abondent dans le même sens. Ce dernier dit que d’après Kant, le suicide va à l’encontre de la tendance naturelle de l’homme à conserver sa vie. C’est pourquoi « il tient le suicide pour fondamentalement défendu ».
Donc, tout cela renforce la pensée de Kant pour qui on doit reconnaître et respecter l’humanité dans tout homme quel que soit son état ou son statut social. C’est-à-dire qu’on doit voir en chacun un être humain et le considérer comme sujet moral qui est une fin en soi, qui est autonome et qui a des devoirs moraux envers lui-même et envers les autres. Quels sont ces devoirs? En quoi consistent-ils? C’est ce que nous allons voir dans les lignes qui suivent.

III. Le respect de la dignité humaine comme critère d’appréciation des devoirs moraux de l’homme envers l’homme selon Kant
Les devoirs moraux de l’homme envers lui-même en tant que sujet moral
Nous avons montré antérieurement que le respect de la dignité et de l’autonomie de l’homme constitue la pierre angulaire de la philosophie morale de Kant. C’est pourquoi il considère le respect de la dignité humaine comme la référence pour les devoirs moraux que les hommes doivent accomplir les uns envers les autres. Alors quels sont ces devoirs? Bien entendu, Kant ne les a pas tous énumérés. S’il donne des exemples, c’est pour soutenir sa réflexion sur le sujet. Cependant, il donne la règle permettant de les déterminer : « Il faut que la maxime de notre action devienne une loi universelle. C’est là le canon qui permet l’appréciation morale de notre action en général ». C’est-à-dire que nous devons effectuer l’action qui est universalisable. Celle que tout être raisonnable pourrait accomplir s’il se trouvait dans la même situation que nous. C’est selon ce principe fondamental que nous devons agir.
Pour Kant, le devoir moral est un impératif catégorique qui peut être exprimée sous la forme affirmative ou négative. Il le formule de la manière suivante : « On doit faire telle ou telle chose, s’abstenir de telle autre ». C’est le devoir qui convient pour exprimer notre rapport à la loi morale. C’est pourquoi il le considère comme « un mot grand et sublime qui exige la soumission sans pourtant employer, pour ébranler la volonté, des menaces propres à exciter l’aversion et la terreur ». Car le devoir n’ordonne pas l’action sous la condition d’une certaine fin, mais de manière désintéressée et nécessaire. Kant le rattache au perfectionnement moral de l’homme. Il le définit comme « ce qui élève l’homme au-dessus de lui-même et le lie à un ordre de choses que seul l’entendement peut penser ». C’est dans cette élévation dans l’ordre de la pensée et de l’action que réside la dignité humaine.
Revenons sur l’action morale qui est universalisable. Qu’est-elle? Selon Kant, c’est l’action qui est accomplie uniquement par devoir, c’est-à-dire par respect pour la loi. L’action qui est accomplie de cette manière exerce « sur l’esprit humain l’influence la plus déterminée et la plus pénétrante ». Car elle ne vise aucun intérêt immédiat, elle n’est motivée que par la volonté qui la présente au sujet moral comme nécessaire. Lisons ce qu’il écrit à ce sujet:
Il est de la plus grande importance d’examiner avec la dernière exactitude, dans tous les jugements moraux, le principe subjectif de toutes les maximes, afin de placer toute la moralité des actions dans la nécessité de les effectuer par devoir et par respect pour la loi, et non par amour et par inclination pour ce que les actions doivent produire. Pour les hommes et pour tous les êtres raisonnables créés, l’action morale est contrainte, c’est-à-dire obligation, et toute action qui se fonde sur celle-ci doit être représentée comme un devoir.
La contrainte dont il parle est exercée par la législation intérieure qui se rapporte à l’autonomie de la volonté humaine. D’ailleurs, Kant l’exprime clairement: « L’impératif catégorique ne commande ni plus ni moins que l’autonomie de la volonté humaine ». Cette idée est reprise par Höffe disant que « lorsque Kant parle de devoir ou d’impératif, il exclut d’avance l’ordre arbitraire venant d’un pouvoir extérieur ». Donc, dans l’action morale, tout se passe à l’intérieur de l’homme. Aussi parle-on de l’intention et de la conscience morale. Cela implique l’autonomie de l’homme qui est le seul être qui puisse donner un sens moral à ses actions. Parce qu’il peut agir de manière libre et rationnelle.
Kant dit que les devoirs moraux sont au sens strict et au sens large. Dans le premier cas, ils sont parfaits, dans le second, ils sont imparfaits. Il dit que le premier devoir moral que l’homme a envers lui-même « c’est de conserver sa nature animale ». C’est-à-dire que l’homme doit protéger sa vie par respect pour l’humanité qui est dans sa personne. Notons la pensée suivante qui résume sa pensée morale sur le sujet en question: « Je ne peux en rien disposer de l’homme en ma personne, soit pour le mutiler, soit pour le dégrader, soit pour le tuer ». Ce qu’il dit de lui-même vaut aussi pour tout homme. Cela rappelle ce que nous avions dit antérieurement concernant le suicide que Kant considère comme un crime et une atteinte à la dignité humaine.
En tant que sujet moral, l’homme doit être sincère, dans sa parole et dans ses actes. Pour cela, il doit éviter le mensonge que Kant considère comme « l’oubli et l’anéantissement de notre dignité d’hommes ». Car cela est en contradiction avec l’homme qui doit s’accorder avec la déclaration qu’effectue en lui l’être moral. Kant entend par mensonge le fait de faire une promesse qu’on sait d’avance qu’on ne pourra pas tenir. À la question de savoir si la maxime de cette promesse trompeuse peut devenir une loi morale, il répond : « Je vois aussitôt que le mensonge ne pourrait jamais valoir comme une loi universelle qui s’accorderait avec elle-même, mais qu’elle se contredirait ».
C’est pourquoi le fait de se tromper soi-même volontairement contient en soi une contradiction. Kant dit qu’au sens éthique du terme, le mensonge est répréhensible même quand cela n’est pas préjudiciable à quelqu’un. Parce qu’il est « un crime de l’homme envers sa propre personne et une indignité qui rend l’individu méprisable à ses propres yeux ». D’où l’importance de rechercher et de dire la vérité qui se rapporte à notre perfection morale. Car il exprime le respect qu’on a non seulement envers soi-même mais aussi envers les autres personnes.
Kant parle aussi d’un autre devoir auquel se rapportent tous les devoirs envers soi-même. Il l’exprime dans la célèbre formule : « Connais-toi toi-même ». Ce devoir qui est lié à notre perfection morale consiste à nous interroger nous-mêmes, à analyser notre cœur pour savoir s’il est bon ou mauvais, si la source de nos actions est pure ou impure. Cette connaissance morale de soi est pour Kant « le début de toute sagesse humaine ». Car elle favorise l’estime de soi qui commence par l’équilibre entre la présomption consistant à évaluer de manière excessive ses propres qualités et le mépris exalté de soi-même comme homme, car un tel mépris se contredit lui-même. Comme a dit Kant, elle permet de « poser les bornes de l’humilité à la présomption et à l’amour propre qui tous deux méconnaissent leurs limites ». En fait, Kant établit la différence entre l’estime de soi qui procède de la connaissance de soi et celle qui procède de l’amour de soi. Dans le premier cas, elle est une obligation morale. Dans le deuxième cas, elle ne l’est pas.
Parce que selon Kant, l’amour de soi n’est pas une loi morale mais une maxime de prudence: « La maxime de l’amour de soi ne fait que conseiller, la loi de la moralité ordonne ». L’estime de soi qui en découle est aussi une maxime de prudence. Ce n’est pas à celle-ci que nous devons obéir mais à loi morale. En outre, il y a aussi un autre devoir qui se rattache à celui de se connaître soi-être. C’est de développer ses facultés naturelles tant physiquement qu’intellectuellement. Cela est nécessaire pour notre épanouissement en tant que sujets moraux. D’ailleurs, selon Kant, c’est ce qui nous permet d’être « un maillon utile du monde, dans la mesure où cela appartient aussi à la valeur de l’humanité en notre propre personne, dont nous ne devons donc pas abaisser la dignité ». D’où la nécessité pour chacun de développer ses dons naturels et ses talents. Car non seulement cela se rapporte à la fin de l’humanité dans sa propre personne, cela permet aussi de contribuer de manière plus efficace à la vie sociale qui implique la solidarité avec les autres.
Les devoirs moraux de l’homme envers les autres hommes
Deux concepts clés résument nos devoirs envers les autres. Il s’agit de l’amour et du respect. L’amour mutuel se rapporte à la fin d’autrui et le respect mutuel au droit d’autrui. Il dit que le devoir d’amour envers les autres est « la maxime de bienveillance qui a pour conséquence la bienfaisance ». Ainsi, aimer quelqu’un et être bienveillant envers lui signifient la même chose. Kant dit que ce devoir est fondé sur la règle d’or, c’est-à-dire sur la loi de la perfection éthique nous invitant à « aimer notre prochain comme nous-mêmes ». C’est pourquoi le devoir d’amour est pour les hommes un devoir les uns envers les autres. Cela implique non seulement la bienfaisance mais aussi la reconnaissance et la sympathie.
En effet, la bienveillance et la bienfaisance concernent le bonheur ou le bien-être des autres. La première est la satisfaction que l’on prend au bien-être des autres. La seconde correspond à la maxime de prendre ce dernier pour fin, c’est-à-dire de contribuer au bien-être des autres. Selon Kant, la raison nous oblige à « reconnaître la maxime de la bienfaisance comme une loi universelle ». Ainsi, être bienfaisant est le devoir de tout homme. Notons que chez lui la bienfaisance ne doit pas être entendue dans le sens de ce que Levinas appelle « une bienveillance platonique ». C’est-à-dire quelque chose qui reste uniquement au niveau théorique. Elle exige de notre part une action concrète envers l’autre qui respecte sa dignité. Car comme a dit Levinas, la bonté ne rayonne pas sur l’anonymat de la collectivité, elle concerne « un être concret, un homme qui se révèle dans le visage du pauvre, de l’étranger, qui se présente comme égal ».
D’après Levinas, le visage de l’autre qui se présente à nous dans sa nudité, dans sa fragilité, dans sa misère, nous rappelle notre responsabilité. C’est-à-dire que « nous ne devons pas laisser l’autre seul à sa solitude mortelle ». Donc, c’est en sens qu’il faut comprendre la pensée de Kant qui considère que la bienfaisance doit être active et pratique. Pour ce dernier, la maxime de l’intérêt commun qui recommande la bienfaisance envers les nécessiteux constitue « un devoir universel pour les hommes qui doivent s’aider réciproquement ». Pour Kant, la valeur morale de la bienfaisance réside dans le fait qu’elle n’humilie pas ceux qui en bénéficient. Pour ce faire, elle doit être considérée comme « un service amical permettant aux bénéficiaires de conserver le respect qu’ils ont pour eux-mêmes ». Donc, nous devons aider les personnes qui sont dans le besoin dans la mesure de notre possibilité.
Lorsque nous exprimons notre reconnaissance envers notre bienfaiteur nous l’invitons à plus de bienfaisance. C’est pourquoi Kant définit la reconnaissance comme « un devoir dont la violation peut anéantir dans son principe le mobile moral qui pousse à être bienfaisant ». D’où l’importance d’exprimer sa gratitude envers son bienfaiteur. Le manquement à ce devoir s’appelle l’ingratitude qui est « un vice qui est extrêmement détesté selon le jugement de l’opinion commune ». Car selon Kant cela peut dissuader le bienfaiteur de toute bienfaisance ultérieure. En d’autres termes, ce dernier peut devenir indifférent à l’avenir face aux souffrances des autres. Or cette attitude est contraire à la sympathie qui consiste à « prendre part à la joie et à la peine de l’autre ».
Michel Coudarcher abonde dans le même sens. Il considère la bienfaisance, la reconnaissance et la sympathie comme des expressions du devoir d’amour que nous devons accomplir les uns envers les autres. Pour lui comme pour Kant, ces notions se rapportent à l’amour réciproque qui favorise la vie fraternelle et la solidarité entre les hommes. Ce dernier parle aussi du respect réciproque qui consiste à traiter l’humanité dans chaque homme comme une fin en soi. Ce respect est à la fois un droit et un devoir.
En effet, pour Kant, respecter une personne humaine c’est la considérer comme notre égal. C’est pourquoi Kant dit que « nous ne devons pas nous élever au-dessus des autres ». Car agir ainsi, c’est rabaisser l’autre avec qui nous partageons la même humanité faisant de nous des êtres humains. Comme a dit Simone Weil, l’égalité est un besoin vital chez l’être humain qui a droit au respect. C’est la condition indispensable pour la fraternité entre les hommes. C’est en ce sens qu’il faut comprendre la pensée de Kant qui considère le respect mutuel comme une obligation morale : « Tout homme a une prétention légitime au respect de son prochain, et réciproquement il est obligé lui aussi au même respect envers chacun des autres hommes ».
C’est la raison pour laquelle nous devons respecter tout homme en tant qu’homme, indépendamment de son état, de sa culture et de son statut social. Laissons Reboul nous dire ce que signifie le respect chez Kant: « Respecter la personne humaine comme fin en soi signifie la respecter dans son corps, dans ses dons naturels, dans ses besoins et ses fins privées ». Donc, cela est lié à tout ce qui se rapporte à la vie humaine. Cela reflète la pensée de Kant qui considère le respect de la dignité humaine comme le critère des devoirs de l’homme envers l’homme :
Le devoir de respecter mon prochain est contenu dans la maxime de n’abaisser aucun homme jusqu’au point où il serait uniquement moyen au service de mes fins. C’est-à-dire de ne pas exiger que l’autre doive renoncer à lui-même pour se faire l’esclave de mes fins.
C’est pourquoi il dénonce les actions qui rabaissent et avilissent l’humanité dans l’homme. Il dénonce certaines pratiques qui étaient courantes en son temps et qui existent encore de nos jours mais qui s’expriment sous d’autres formes comme « l’écartèlement, le fait de livrer quelqu’un au chiens, de le mutiler en lui coupant le nez et les oreilles…». Cela vaut violences psychologiques comme la raillerie, le fait de tourner quelqu’un en dérision et toute autre action visant à traiter l’autre avec mépris, c’est-à-dire simplement comme un moyen. L’exagération de ces violences peut conduire au génocide qui constitue en soi une atteinte à la dignité humaine.
En fait, c’est en analysant les conséquences du non-respect de la personne humaine que nous pouvons mieux saisir la portée de la pensée de Kant sur le respect de la dignité humaine. Dans Pardonner l’impardonnable et l’imprescriptible, Jacques Derrida a analysé la pensée de Vladimir Jankélévitch sur le génocide nazi contre les Juifs. Cela l’amène à la conclusion que le génocide est la conséquence du non-respect de la dignité humaine :
C’est l’être même de l’homme que le génocide raciste tente d’annihiler dans la chair douloureuse de ces millions de martyrs. Ce sont des crimes contre l’homme en tant qu’homme…Cela vise l’ipséité de l’être, c’est-à-dire l’humain de tout homme. C’est une grave offense à l’homme en général…».

Nous pourrions dire la même chose des autres génocides que l’histoire a retenus. Hannah Arendt abonde dans le même sens en disant que « la guerre dépouille l’être humain de sa dignité humaine ». C’est-à-dire qu’elle vide l’homme de son essence, de ce qui fait sa valeur. Se référant aux conséquences de la guerre faisant perdre à l’homme son humanité, Arendt conclut : « L’essence de l’homme ne peut pas être réifiée par l’homme ». Cela correspond à la pensée de Kant qui nous invite à respecter l’humanité dans chaque être humain. Pour lui, tout homme, même le vicieux, le criminel qui se rend indigne par ses actes a droit au respect « en raison de sa qualité d’homme ». C’est pourquoi nous ne devons pas accepter qu’on viole impunément ce droit.
Kant propose le comportement que nous devons adopter lorsque ce dernier est violé: « Chacun peut s’opposer à bon droit comme une violation du respect qui lui est dû ». Donc, il revient à chacun de se respecter et de se faire respecter. Mais nous pourrions pousser la réflexion plus loin sur le sujet en nous interrogeant sur le cas des personnes vulnérables comme les enfants qui ne peuvent pas défendre leurs droits. En d’autres termes, l’enfant a-t-il un droit, si oui qui doit le défendre? Kant répond par l’affirmation :
Les enfants en tant que personnes ont par là un droit originairement inné à bénéficier de l’assistance de leurs parents jusqu’à ce qu’ils soient capables de se conserver eux-mêmes, et cela immédiatement par la loi, c’est-à-dire sans que soit requis pour cela un acte juridique particulier […]. C’est pour les parents une obligation de rendre, de toutes leurs forces, les enfants satisfaits de la condition qui est la leur. Ils ne doivent pas détruire leur enfant comme s’il était leur ouvrage, leur propriété, ni non plus l’abandonner au hasard, par ce que l’enfant est un citoyen du monde…

Donc, ce qu’il faut retenir c’est que l’enfant est un citoyen du monde qui a un droit inné, c’est-à-dire un droit qui est inviolable. Alors il revient à ses parents de défendre ses droits jusqu’à ce qu’il puisse le faire lui-même. Ceux-ci doivent veiller à son développement physique et intellectuel. Sinon « la responsabilité de cette négligence incomberait aux parents ». À la question de savoir si l’enfant qui devient adulte a un devoir envers ses parents. Kant répond qu’il leur doit « le devoir de la vertu de la reconnaissance ». En fait, le respect qui est dû à l’enfant découle de l’impératif catégorique qui invite à traiter l’être humain dignement. Pour Kant, cette loi fondamentale doit être « le mobile moral unique et incontesté de nos actes ». Autrement dit, le respect de la dignité humaine doit être l’unique référence pour les devoirs moraux que nous devons accomplir les uns envers les autres.
Kant passe des devoirs des hommes entre eux à ceux des États entre eux. En effet, il dénonce les États qui ne pratiquent pas le respect réciproque. Cela se traduit dans « leurs visées expansionnistes vaines et violentes qui entravent le lent effort de formation interne du mode de penser de leurs citoyens ». Il entend par mode de penser la formation morale des citoyens. Cette formation est nécessaire parce que « l’idée de la moralité appartient à la culture ». C’est-à-dire qu’elle appartient aux mœurs et aux pratiques communes qui sont propres à une société déterminée. Alors, considérant que les pratiques violentes entre les États peuvent inciter leurs citoyens à la violence, il invite les États à « chercher le calme et la sécurité dans une constitution civile où chacun voit son droit garanti ». Cette constitution a pour but de favoriser le respect de la dignité de chaque État en passant de la guerre à la paix durable. Pour ce faire, elle doit reposer sur le principe d’égalité. Car c’est ainsi qu’elle pourra garantir le droit qui est l’expression de ce qui est juste.
Cette constitution n’exige pas une loi particulière. Comme celle de chaque État, elle doit dériver de « la raison humaine universelle qui est la raison morale législative ». C’est-à-dire qu’elle doit être l’expression de la volonté de tous. Chacun doit décider « la même chose pour tous et tous la même chose pour chacun ». Donc, c’est une constitution qui respecte l’autonomie et le droit de chaque État qui doit favoriser le bien-être et l’épanouissement de ses citoyens. En y obéissant un État n’obéit pas à la volonté d’un autre mais à la loi qu’il se donne. Cela est important pour Kant qui considère que « seule la notion de droit peut fonder la paix perpétuelle ». D’où la nécessité de respecter le droit de chacun. Car cela permet aux gens d’éviter les conséquences de la guerre ou des conflits violents qui sont « une violation du devoir de respect envers les autres hommes ».
Bien avant Kant, Thomas More, homme d’État Anglais, avait compris la nécessité de ne pas violer les droits des citoyens. Pierre Allard dit qu’il fut un homme d’État exceptionnel. Parce qu’il possédait « une conscience éclairée et que rien ne pouvait le détourner de suivre la route qu’elle lui indiquait ». C’est ce qui lui a permis de servir le public dans la plus grande intégrité morale en pratiquant l’amour et la justice. Par exemple, cela lui a permis de ne pas accepter la tyrannie qui est à ses yeux en contradiction avec « l’égalité foncière de tous les hommes ». C’est-à-dire que pour lui nous partageons tous la même humanité. De ce fait, personne ne doit s’élever au-dessus des autres, en les rabaissant et en les opprimant. Nous devons respecter l’autonomie et la dignité de chacun. Notons les paroles d’Allard résumant la vie de More : « Toute sa vie Thomas More a tenté de vivre le plus humainement possible, dans la plus grande liberté et sincérité, dans le plus grand respect de lui-même et des autres ». Les affinités entre les pensées de More et de Kant sur le respect de la dignité humaine sont évidentes. Nous nous demandons si celui-ci ne s’est pas inspiré du premier dans sa philosophie qui accorde une place importante à l’autonomie et au respect réciproque.
Dekens a analysé la pensée de Kant sur le respect réciproque. Il dit que pour lui le respect réciproque est « la manifestation la plus nette de la morale ». C’est pourquoi pour agir moralement bien, nous devons respecter la dignité de l’autre. Dekens pousse plus loin encore sa réflexion sur le sujet en considérant que le respect mutuel se rapporte à la conception anthropologique de Kant pour qui « l’homme n’est défini ni par sa finitude, ni par l’infini qui se donne en lui, mais par le rapport de l’un à l’autre ». C’est dans ce rapport dynamique que se situent les enjeux éthiques concernant les actions que l’homme doit effectuer envers l’homme. Nous retrouvons cette idée aussi chez Coudarcher qui rattache le respect de l’homme au fait qu’il est une fin en soi. Pour lui, traiter l’être humain comme une fin en soi, c’est le respecter. Ce respect doit être mutuel car « on ne peut pas se respecter soi-même si on ne respecte pas autrui et réciproquement ». Selon lui, c’est là une conséquence de l’universalité de la loi morale qui s’adresse à tous sans distinction.
Cela correspond à la pensée de Kant qui considère l’amour et le respect comme « l’objet réel de notre volonté ». C’est-à-dire que c’est à cela que doit tendre notre volonté qui implique notre autonomie et notre liberté. C’est là que réside le sentiment moral et la bonne intention caractérisant l’action morale. Cette parole revient souvent dans la pensée de Kant: « Tout bien qui n’est pas greffé sur une intention morale bonne n’est que pure apparence et faux clinquant ». C’est pourquoi c’est sur elle que se fondent les devoirs moraux que nous devons accomplir envers nous-mêmes et envers les autres. En fait, ces devoirs se rapportent à la pensée de Kant affirmant: « Il ne faut retirer à personne le respect qu’il mérite ». L’homme a droit au respect parce qu’il est une fin en soi et est la source de toutes les valeurs morales. Il est le seul être qui puisse s’engager dans les pratiques raisonnables.

CONCLUSION
Nous venons d’analyser la philosophie morale de Kant sur le respect de la dignité humaine qu’il considère comme la référence pour les devoirs moraux de l’homme envers l’homme. Nous avons vu que sa pensée sur le sujet est liée à sa maxime nous invitant à traiter l’être humain toujours comme une fin en soi. Il emploie la notion de la dignité humaine pour parler de la valeur absolue de l’homme qui est au-dessus de tout prix. La dignité humaine s’exprime par le fait que l’homme est un être rationnel, c’est-à-dire qu’il possède la raison et la volonté lui permettant de penser et d’agir librement en tant que sujet moral. Elle s’exprime aussi par le fait que l’homme est une personne humaine. Kant considère cela comme la base de l’égalité entre les hommes, qui peuvent donner le sens à ce qui existe. Pour que cette égalité se traduise dans la vie pratique de manière concrète, il nous invite à reconnaître l’humanité dans chaque homme. Car cela est la condition du respect de la dignité et de l’autonomie de l’homme qui est une fin en soi et qui doit être traité comme une fin en soi.

Or pour Kant, dire que l’homme est une fin en soi, c’est dire qu’il est libre et autonome et est l’auteur de la loi qu’il se donne. Kant considère l’autonomie impliquant la liberté de la volonté humaine comme le principe de la moralité. C’est pourquoi il propose le respect de la dignité et de l’autonomie humaine comme le critère des devoirs que nous devons accomplir envers nous-mêmes envers les autres hommes. En ce qui concerne nos devoirs envers nous-mêmes, il dit que la loi morale nous exige de protéger notre propre vie et d’éviter le mensonge.

Kant entend par la protection de notre vie le fait de ne pas nous suicider ou d’autres actions qui visent à détruire en nous le sujet de la moralité. Car, pour lui, cela est un crime contre notre propre personne. Il condamne aussi le mensonge qui est indigne de l’homme qui doit s’accorder avec la déclaration qu’effectue en lui l’être moral. Nous devons développer aussi nos dons naturels et nos talents physiques et intellectuels. Car cela nous permet d’être un maillon utile au monde. Ce devoir est lié à celui de la connaissance de soi qui nous permet de mieux nous estimer, en prenant conscience de notre dignité et de celle des autres. Il considère la connaissance morale de soi comme le commencement de la sagesse.
Kant résume nos devoirs envers les autres à l’amour et au respect mutuels. Sa pensée morale sur l’amour est fondée sur la loi de la perfection éthique nous invitant à aimer l’autre comme nous-mêmes. Impliquant la bienfaisance, la reconnaissance et la sympathie, le devoir d’amour vise le bien-être des autres avec qui nous partageons la même humanité. La valeur morale du devoir de la bienfaisance réside dans le fait qu’elle ne rabaisse ni humilie ceux qui en bénéficient. D’où le lien étroit qu’il y a entre le devoir d’amour et celui du respect. Pour Kant, le devoir de respect consiste à ne pas nous élever au-dessus de l’autre qui est une fin en soi, qui est notre égal et qui, de ce fait, a droit au respect au même titre que nous. Le respect réciproque entre les sujets moraux qui sont libres et autonomes est un droit inviolable. Cela vaut tant pour les relations des hommes entre eux que pour celles des peuples entre eux. D’ailleurs, c’est ce qui favorise la vie fraternelle et la paix durable entre les hommes.

Les penseurs qui ont analysé la philosophie de Kant sur le respect de la dignité humaine n’accordent pas tous la même valeur à sa pensée sur le sujet. Pour Ruwen et Tappolet, l’autonomie se rapportant à la dignité humaine, est une notion ambivalente. Ils disent que dans le cas de l’euthanasie et du suicide assisté, elle peut servir dans un argument pour et contre. Les penseurs comme Reboul, Höffe et Renaut affirment le contraire. Selon eux, la pensée de Kant sur le suicide est claire. Le suicide est un crime qui vise à détruire l’humanité dans sa propre personne. Cela traduit un non-respect pour soi-même comme personne humaine. Derrida analyse la conséquence du non-respect de la personne humaine en reprenant la pensée de Jankélévitch sur le génocide nazi contre les Juifs. Il ressort de son analyse que le génocide, comme le suicide et le meurtre, est un crime de l’homme contre l’homme. Parce que cela détruit l’être même du sujet moral. Ce que Hannah Arendt considère comme la réification de l’essence de l’homme.

Ce faisant, Derrida et Arendt, rejoignent Kant pour qui le suicide, le meurtre et le génocide sont contraires à la dignité humaine. Car cela anéantit dans la personne humaine le sujet de la moralité. Donc, le non-respect de la dignité humaine a de graves conséquences sur la vie humaine. C’est pourquoi à la suite de Kant, des penseurs tels que Thomas De Koninck, Emmanuel Levinas et Paul Ricœur insistent sur le respect de la vie et de la dignité humaine. De Koninck dit que c’est une erreur de soutenir que la philosophie morale de Kant sur l’autonomie, découlant de la dignité humaine, permet de justifier le suicide assisté et l’euthanasie, sous prétexte qu’on veut soulager l’être souffrant. Selon lui, nous devons respecter la personne humaine dans toutes les étapes de sa vie de la conception à la mort. Sa pensée permet de mieux saisir celle de Kant qui affirme que la souffrance ne diminue pas la valeur de l’être humain, mais celle de son état.

D’après Levinas et Ricœur, c’est surtout la personne qui est dans cette situation qui doit attirer davantage notre attention. Pour Levinas, lorsque nous la regardons, cela nous rappelle notre propre humanité et notre responsabilité envers l’autre que nous ne devons pas laisser seul à sa solitude mortelle. Remarquons que la majorité des penseurs qui réfléchissent sur la dignité humaine s’accordent avec Kant sur le fait que nous devons aimer et respecter chaque être humain, quelle que soit sa situation, parce qu’il est une fin en soi et qu’il partage la même humanité que nous. D’où la valeur de la philosophie morale de Kant qui propose le respect de la dignité humaine comme la référence pour nos devoirs moraux envers nous-mêmes et envers les autres. Car cela permet de lutter contre les formes d’abaissements de l’homme dans le monde. Non seulement cela permet de valoriser l’homme, cela permet aussi à ce dernier de défendre ses droits inaliénables à vivre dignement en tant que sujet moral. Donc voilà le résultat de notre analyse de la philosophie morale de Kant sur le sujet en question. Pour nous, sa pensée en la matière permet d’incarner l’humain dans les relations interpersonnelles.

Des études plus récentes sur la dignité humaine aboutissent à la même conclusion. Par exemple, pour Pierre Gire, l’éthique qui est fondée sur la dignité humaine est « un rempart contre les puissances de mort comme la violence, la corruption, la dérision, le mensonge…où la vie humaine risque d’être défigurée et emportée ». Cela s’accorde avec la pensée de Kant sur le sujet en question. Jean-Michel Hirt abonde dans le même sens en disant que la dignité humaine est « une haute autorité ». Pourquoi? Parce qu’elle peut protéger l’homme contre la violation de ses droits. Selon Hirt, elle a les qualités requises pour « affirmer et justifier la souveraineté de l’humain dans la conception scientifique du monde ». Cela montre à quel point la philosophie de Kant sur le respect de la dignité humaine imprègne et influence les penseurs qui s’interrogent sur les enjeux éthiques de l’action humaine. C’est-à-dire sur la manière de faire pour bien faire, pour bien agir envers l’homme. En fait, la pensée de Kant à ce sujet découle de son impératif catégorique nous invitant à traiter l’être humain toujours comme une fin en soi. Il dit que nous ne devons retirer à personne l’amour et le respect qu’il mérite en raison de sa qualité d’homme. N’est-ce pas là la condition pour une société de droit, pour la fraternité entre les hommes et la paix dans le monde?

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 « Il faut dire que sous l’Ancien Régime, la société donnait plus de valeur au noble qu’au serf, et plus au prince qu’au comte, plus au comte qu’au marquis, plus au marquis qu’au baron, etc. Elle donnait plus de valeur au membre du clergé qu’au bourgeois, et plus au cardinal qu’à l’évêque, plus à l’évêque qu’au curé, plus au curé qu’au bedeau, etc. Donc, tous les hommes n’avaient pas la même valeur ». Ibid, p. 99-100.
 Ibid, p. 141.
 « Dans le règne des fins, tout a un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut être remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, et par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. Ce qui se rapporte aux inclinations et aux besoins généraux de l’homme, cela a un prix marchand; ce qui, même sans supposer ce besoin, correspond à un certain goût, c’est-à-dire à la satisfaction que nous procure un simple jeu sans but de nos facultés mentales, cela a un prix de sentiment; mais ce qui constitue la condition qui seule peut faire quelque chose est une fin en soi, cela n’a pas seulement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une dignité ». Emmanuel KANT, Fondements de la Métaphysique des mœurs, trad. par Victor Delbos revue par Ferdinand Alquié, in « Œuvres philosophiques de Kant », sous la direction de Ferdinand Alquié, vol. 2, Paris, Gallimard, 1985, 2e section, p. 301-302 (IV, 435-435).
 Id, Doctrine de la vertu, in « Kant : Métaphysique des mœurs, doctrine du droit, doctrine de la vertu », trad. par Alain Renaut, Paris, Flammarion, 1994, 1ère section, p. 293(I, § 11).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 3e section, p. 322(IV, 452).
 « Toute connaissance rationnelle est ou bien matérielle et se rapporte à quelque objet, ou bien formelle et ne s’occupe alors que de la forme de l’entendement ou de la raison en eux-mêmes et des règles universelles sans distinction des objets. La philosophie formelle s’appelle logique, tandis que la philosophie matérielle, celle qui a affaire à des objets déterminés et aux lois auxquelles ils sont soumis, se divise à son tour en deux. Car ces lois sont ou des lois de la nature ou des lois de la liberté. La science de la première s’appelle physique, celle de la seconde s’appelle éthique; celle-là est encore nommée philosophie naturelle, celle-ci philosophie morale ». Ibid, Préface, p. 243 (IV, 387).
 Ibid, 3e section, p. 324(IV, 453).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 333(II, § 38).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 3e section, p. 317 (IV, 448).
 Ibid, 3e section, p. 316 (IV, 447).
 Ibid, 2e section, p. 301 (IV, 434).
 Aristote, Éthique à Nicomaque, trad. par J. Tricot, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1997, IX, 8, 1168 b 35 et 1169 a 2, p. 458.
 Id, De Anima, trad. par J. Tricot, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 2010, 429a 10, p. 199.
 Aristote, Éthique à Nicomaque, op. cit., X, 7, 1177 b 23, p. 513-514.
 Épictète, De la liberté, précédé de De la profession de Cynique, trad. par Joseph Souillé avec la collaboration d’Amand Jagu, Collection Folio, Paris, Gallimard, 2012, p. 35.
 Ibid, p. 15.
 Thomas DE KONINCK, « Archéologie de la notion de dignité humaine », dans Yves Charles Zarka (dir.), La dignité humaine, philosophie, droit politique, économie, médecine, « Collection Débats Philosophiques », Paris, Presses Universitaires de France, 2005, p. 23.
 Critique de la raison pure, trad. par Alexandre J.-L. Delamarre et François Marty, in Œuvres philosophiques de Kant, sous la direction de Ferdinand Alquié, vol. 1, Paris, Gallimard, 1985, p. 1365.
 Ibid, p. 1365 (III, 523).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 1ère section, p. 250 (IV, 393).
 Ibid, 1ère section, p. 254 (IV, 396).
 Critique de la raison pratique, trad. par Luc Ferry et Heinz Wismann, in « Œuvres philosophiques de Kant », sous la direction de Ferdinand Alquié, vol. 2, Paris, Gallimard, 1985, 1ère partie, p. 645 (V, 31).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit, 2e section, p. 285 (IV, 421).
 Olivier REBOUL, «La dignité humaine chez Kant», in Revue de Métaphysique et de morale, no 1, 1970, p. 189.
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 750 (V, 117).
 Ibid, 1ère partie, p. 788 (V, 148).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 294 (IV, 428).
 Reprenons ici l’explication d’Olivier Reboul qui met l’accent sur le triple aspect de la personne humaine chez Kant. « La dignité est fondée sur la personnalité intelligible de chaque homme en tant que sujet autonome. Elle inclut tous les éléments empiriques, transcendantaux et moraux qui constituent notre personne. C’est-à-dire le corps, la vie avec ses instincts de conservation et de reproduction, la parole, les plaisirs, les biens, l’intelligence, la réputation, les dons naturels différents en chacun et les facultés physiques, psychiques et intellectuelles inhérentes à l’espèce. Le bonheur enfin, avec ce qu’il comporte d’affectif et d’intime pour chaque homme». Olivier REBOUL, art. cit., p. 207.
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 714 (V, 87).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 295 (IV, 429).
 Ibid, 2e section, p. 297 (IV, 431).
 Georg MOHR, « Personne, personnalité et liberté dans la Critique de raison pratique », in Revue Internationale de Philosophie, vol. 42, no 165, 1988, p. 309.
 Otfried HÖFFE, Introduction à la philosophie pratique de Kant : la morale, le droit et la religion, Fribourg, Castella, 1985, p. 179.
 Pour souligner le respect et le caractère inaliénable de la personne humaine, Höffe dit : « Il est proscrit d’utiliser l’homme comme simple moyen car il a « une personnalité innée » que, contrairement à la personnalité civile, il ne saurait perdre par le jugement d’un tribunal ». Otfried HÖFFE, Introduction à la philosophie pratique de Kant : la morale, le droit et la religion, op. cit., p. 242.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 291 (I, § 11).
 Ibid, 1ère section, p. 293 (I, § 11).
 La pensée suivante montre que pour Kant, c’est au sujet moral qu’il revient avant tout de défendre dans la mesure du possible sa dignité : « Celui qui se transforme en ver ne peut pas ensuite se plaindre qu’on le foule aux pieds ». Ibid, 1ère section, p. 294 (I, § 12).
 Ibid, 1ère section, p. 291 (I, § 11).
 Considérant l’importance que Kant attache à la loi morale et au devoir moral dans sa philosophie morale, Zivia Klein dit que la personne morale est de loin la plus importante dans le système kantien. « C’est le centre autour duquel gravitent tous les autres éléments ». Voir Zivia KLEIN, La notion de dignité humaine dans la pensée de Kant et de Pascal, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1968, p. 28.
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 790-791 (V, 152).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 336 (II, § 42).
 Kant explique comment l’humanité est représentée dans l’homme : « L’humanité est représentée dans l’homme non pas comme une fin purement humaine ou subjective, c’est-à-dire comme un objet dont on se fait en réalité une fin de son propre gré, mais comme une fin objective, qui doit, quelles que soient les fins que nous nous proposions, constituer en qualité de la loi la condition suprême restrictive de toutes les fins subjectives ». Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 297 (IV, 431).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 333 (II, § 38).
 Ibid, 1ère section, p. 333 (II, § 38).
 Dans sa réflexion sur la notion de la dignité humaine, Thomas de Koninck a analysé le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui abonde dans le même sens : « La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » Thomas DE KONINCK, « Archéologie de la notion de la dignité humaine », op. cit., p. 14.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 293 (I, § 11).
 Notons la pensée de De Koninck que nous estimons intéressante: « Quand je reconnais l’humanité d’autrui, je le fais grâce à une connaissance antérieure de cette humanité qui ne peut être au bout du compte que celle que j’ai de ma propre humanité ». Thomas DE KONINCK, « Archéologie de la notion de la dignité humaine », op. cit., p. 37.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 293 (I, § 11).
 « D’un côté, l’homme a conscience d’être affecté par le monde sensible. De l’autre côté, il a la conscience de lui-même comme intelligence, c’est-à-dire comme être indépendant, dans l’usage de la raison, des impressions sensibles. Autrement dit, l’homme a conscience de faire partie du monde intelligible ». Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 329 (IV, 457).
 Olivier REBOUL, art. cit., p. 190.
 Kant explique la distinction de la manière suivante. « Les êtres dépourvus de raison n’ont qu’une valeur relative, celle de moyens, et voilà pourquoi on les nomme des choses. Car leur existence a une valeur pour nous, de ce fait, elles sont des fins subjectives, elles ne sont pas des fins en soi. Au contraire, les êtres rationnels sont appelés des personnes parce que leur nature les désigne comme des fins en soi, c’est-à-dire comme des fins objectives ». Fondements de la Métaphysique des mœurs, op.cit., 2e section, p. 294 (IV, 428).
 Ibid, 2e section, p. 296-297 (IV, 430-431).
 Cf. Ibid, 3e section, p. 325 (IV, 454).
 Ibid, 2e section, p. 293 (IV, 428).
 Critique de la raison pratique, op.cit., 1ère partie, p. 701 (V, 76).
 « Que dans l’ordre des fins, l’homme, et avec lui tout être raisonnable sont une fin en soi… que par conséquent l’humanité dans notre personne doive nous être sacrée pour nous-mêmes, c’est ce qui va de soi, puisque l’homme est le sujet de la loi morale, partant de tout ce qui est saint en soi, de ce qui permet seul d’appeler sainte une chose qui est considérée par rapport à lui et en accord avec lui. Car cette loi morale se fonde sur l’autonomie de sa volonté comme d’une volonté libre qui, d’après ses lois générales, doit pouvoir nécessairement s’accorder avec ce à quoi elle doit se soumettre ». Zivia KLEIN, op. cit., p. 33-34.
 Il s’agit d’un proverbe akan, qui reflète la culture et les mœurs de Ghana. Il fait partie des textes recueillis par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture de différents pays et de diverses traditions, sous la direction de Jeanne Hersch, afin de montrer que la notion de la dignité humaine qui est présente dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a été déjà bien ancrée dans la conscience humaine avant la dite déclaration. Le texte qui attire notre attention porte sur la valeur absolue de la vie humaine. Il dit : « Seul l’homme compte; je m’adresse à l’or et il ne répond pas; je m’adresse à l’étoffe et elle ne répond pas; seul l’homme compte. L’homme n’est pas une noix de palmier : il n’a pas de raison d’être centré sur lui-même ». Le droit d’être un homme, recueil de textes préparé sous la direction de Jeanne Hersch, publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (l’Unesco) et par les Éditions Robert Lafond, Paris, 1968, p. 43.
 Critique de la faculté de juger, trad. par Jean-René Ladmiral, Marc B. de Launay et Jean-Marie Vaysse, in Œuvres philosophiques de Kant », Paris, Gallimard, 1980, vol. 2, p. 1247 (V, 442, § 86).
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 787 (V, 147).
 Aristote, Éthique à Nicomaque, trad. par J. Tricot, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1997, IX, 4, 1167 a 30-31, p. 445.
 Paul RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1996, p. 225.
 « C’est la dimension de valeur qui fait que chaque personne est irremplaçable dans notre affection et dans notre estime. À cet égard, c’est dans l’expérience du caractère irréparable de la perte de l’autre aimé, que nous apprenons le caractère irremplaçable de notre propre vie. C’est d’abord pour l’autre que je suis irremplaçable ». Ibidem, p. 226.
 Ibid, p. 226.
 Emmanuel LEVINAS, Éthique comme philosophie première, Paris, Payot, 1998, p. 94.
 Ibid, p. 101.
 Ibid, p. 97.
 « L’humanité parle directement dans le visage sous la forme d’un commandement inconditionnel adressé à un moi singulier. Car si le visage ouvre à l’universel, l’universalité humaine se révèle à travers la singularité du visage», Pierre HAYAT, Emmanuel Kant, éthique et société, Paris, Kimé, 1995, p. 76.
 Ibid, p. 53.
 « L’humanité en moi, c’est-à-dire l’humanité comme moi, signifie, malgré sa contingence ontologique de finitude et de mortalité, la primogéniture de l’unicité de non-interchangeable. Primogéniture et élection d’une excellence irréductible aux traits qui peuvent marquer ou constituer des « étants » singuliers et les personnes, dans le rôle joué sur la scène sociale de l’histoire, comme personnage, c’est-à-dire dans le miroir de la réflexion ou dans la conscience de soi ». Paul RICOEUR, Soi-même comme un autre, op. cit., p. 101-102.
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 302 (IV, 435).
 Ibid, 2e section, p. 303 (IV, 436).
 Ibid, 2e section, p. 310 (IV, 441).
 Ibid, 3e section, p. 309 (IV, 450).
 « Tout homme a la conscience morale et se trouve observé, menacé et, en général, tenu en respect par un juge intérieur, et cette puissance qui, en lui, veille sur les lois n’est pas quelque chose qu’il se forge lui-même arbitrairement, mais elle est incorporée dans son être. Elle le suit comme son ombre s’il songe à lui échapper. Il peut certes par des plaisirs et des distractions se rendre insensible ou s’endormir, mais il ne peut éviter par la suite de revenir à soi-même ou de se réveiller dès qu’il perçoit la voix terrible de sa conscience…Il ne peut éviter de l’entendre ». Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 295 ( I, § 13).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 298 (IV, 432).
 Ibid, 2e section, p. 308 (IV, 440).
 Ibid, 1ère section, p. 261 (IV, 402).
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 647 (V, 33, § 8).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2e section, p. 299 (IV, 432).
 « Je soutiens qu’à tout être raisonnable qui a une volonté nous devons attribuer l’idée de la liberté et qu’il n’y a que sous cette idée il puisse agir. Car dans un tel être nous concevons une raison qui est pratique, c’est-à-dire doué de causalité par rapport à ses objets ». Ibid, 2e section, p. 317-318 (IV, 448).
 Éthique à Nicomaque, op. cit., III, 7, 1113 b 18, p. 141.
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 1ère section, p. 262 (IV, 403).
 Ibid, 3e section, p. 333 (IV, 460-461).
 Ibid, 2e section, p. 305 (IV, 437).
 Ibid, 1ère section, p. 263 (IV, 403).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 346 (II, § 47).
 Ruwen OGIEN, L’éthique aujourd’hui : maximalistes et minimalistes, Paris, Gallimard, 2007, p. 130.
 Ibid, p. 130.
 Ibid, p. 191.
 Christine TAPPOLET, « Le droit au suicide assisté et à l’euthanasie : une question de respect de l’autonomie?», in Revue Philosophique de Louvain, tome 101, no 1, 2003, p. 44.
 Ibid, p. 45.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 274 (422, I, § 6).
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 681 (V, 60).
 Thomas DE KONINCK, « Archéologie de la notion de dignité humaine », op. cit., p. 49.
 Gilbert LAROCHELLE, « La dignité du mourir : un défi pour le droit », dans Yves Charles Zarka (dir.), La dignité humaine, philosophie, droit politique, économie, médecine, Collection « Débats Philosophiques», Paris, Presses Universitaires de France, 2005, p. 63.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 275 (423, I, § 6).
 Olivier REBOUL, art. cit., p. 200.
 Ibid, p. 200.
 Otfried HÖFFE, Introduction à la philosophie pratique de Kant : la morale, le droit et la religion, op. cit., p. 110.
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2ème section, p. 288 (IV, 424).
 Emmanuel KANT, Recherche sur l’évidence des principes de la théologie naturelle et de la morale, trad. par Jean Ferrari, in « Œuvres philosophiques de Kant », sous la direction de Ferdinand Alquié, vol. 1, Paris, Gallimard, 1985, p. 245 (II, 298).
 Critique de la raison pratique, 1ère partie, p. 713 (V, 86).
 Ibid, 1ère partie, p. 713 (V, 86).
 Ibid, 2e partie, p. 796 (V, 157).
 Ibid, 1ère partie, p. 707 (V, 81).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2ème section, p. 309 (IV, 440).
 Otfried HÖFFE, Introduction à la philosophie pratique de Kant : la morale, le droit et la religion, op. cit., p. 77.
 « À travers toute notre expérience, nous ne connaissons aucun être qui soit capable d’obligation active ou passive si ce n’est uniquement l’homme. L’homme ne peut avoir de devoir envers un être quelconque si ce n’est uniquement envers l’homme… Son prétendu devoir envers d’autres êtres n’est qu’un devoir envers lui-même. C’est par méprise qu’il confond son devoir en considération d’autres êtres avec un devoir envers ces êtres ». Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 301 (I, § 16).
 Ibid, 1ère partie, p. 273 (I, § 5).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2ème section, p. 295 (IV, 429).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 284 (I, § 9).
 Fondements de la Métaphysique des mœurs, op. cit., 2ème section, p. 286 (IV, 422).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 284 (I, § 9).
 Ibid, 1ère partie, p. 299 (I, § 14).
 Ibid, 1ère partie, p. 299 (I, § 14).
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 713 (V, 86).
 Ibid, 1ère partie, p. 652 (V, 36).
 « L’être humain se doit à lui-même, comme être rationnel, de ne pas laisser inutilisées, et pour ainsi dire, de ne pas laisser se rouiller les dispositions et les facultés naturelles dont sa raison peut un jour faire usage. Au contraire, à supposer qu’il puisse être satisfait de ce qu’il y a d’inné dans sa capacité de prendre en charge ses besoins naturels, il faut cependant que sa raison instruise d’abord par des principes cette satisfaction procurée par le degré plus développé de ses capacités. Parce que l’être humain, en tant qu’être capable de concevoir des fins, doit être redevable de l’usage de ses forces, non seulement à l’instinct de la nature, mais bien à la liberté. […] C’est un commandement de la raison moralement pratique et un devoir de l’homme envers lui-même de cultiver ses facultés et d’être, du point de vue pragmatique, un homme conforme à la fin de son existence ». Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 306 ( I,§ 19).
 Ibid, 1ère partie, p. 307 (I, § 20).
 Ibid, 1ère partie, p. 315 (II, § 25).
 Ibid, 1ère partie, p. 316 (II, § 27).
 Ibid, 1ère partie, p. 319 (II, § 29).
 Emmanuel LEVINAS, Totalité et infini: essai sur l’extériorité, Paris, Martinus Nijhoff / La Haye, 1965, p. 201.
 Ibid, p. 188.
 Éthique comme philosophie première, op. cit., p. 97.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 320 (II, § 30).
 Ibid, 1ère partie, p. 314 (II, § 23).
 Ibid, 1ère partie, p. 323 (II, § 32).
 Ibid, 1ère partie, p. 328 (II, § 36).
 Ibid, 1ère partie, p. 324 (II, § 34).
 « Être bienfaisant, c’est prendre pour fin le bien-être d’autrui. Être reconnaissant, c’est honorer une personne à cause d’un bienfait qu’elle nous a procuré. Être sympathique, c’est prendre part aux émotions de joie et de peine d’autrui. S’y opposent les vices de la misanthropie comme l’envie qui est le fait de ressentir avec la douleur le bien d’autrui. L’ingratitude qui est le manque de reconnaissance à son bienfaiteur ou même le haïr. La joie maligne qui est le fait de trouver plaisir à la peine d’autrui ». Michel COUDARCHER, Kant, pas à pas, Paris, Ellipse, 2008, p. 269.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 315 (II, § 25).
 Dans Le droit d’être un homme, nous lisons un texte de Simone Weil qui explique en quoi consiste l’égalité entre les hommes. « L’égalité est un besoin vital de l’âme humaine. Elle consiste dans la reconnaissance publique, générale, effective, exprimée réellement par les institutions et les mœurs, que la même quantité de respect et d’égards est due à tout être humain, parce que le respect est dû à l’être humain comme tel et n’a pas de degrés ». Le droit d’être un homme, op. cit., p. 270-271.
 Ibid, 1ère partie, p. 332 (II, § 38).
 Olivier REBOUL, art. cit., p. 196.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 315 (II, § 25).
 Ibid, 1ère partie, p. 334 (II, § 39).
 Jacques DERRIDA, Pardonner l’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012, p. 56.
 Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, trad. par Georges Fradier, Paris, Calmann-Lévy, 1994, p. 238.
 Ibid, p. 272.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 334 (II, § 39).
 Ibid, 1ère partie, p. 338 (II, § 43).
 Emmanuel KANT, Doctrine du droit, in « Kant : Métaphysique des mœurs, doctrine du droit, doctrine de la vertu », trad. par Alain Renaut, Paris, Flammarion, 1994, 1ère partie, p. 82-83 (§ 28).
 Ibid, 1ère partie, p. 83 (§ 29).
 Ibid, 1ère partie, p. 83 (§ 29).
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ère partie, p. 703 (V, 78).
 Emmanuel KANT, Histoire universelle, trad. par Luc Ferry, in « Œuvres philosophiques de Kant », sous la direction de Ferdinand Alquié, vol. 2, Paris, Gallimard, 1985, p. 199 (VIII, 26).
 Histoire universelle, op. cit., p. 199 (VIII, 26).
 Emmanuel KANT, Projet de paix perpétuelle, trad. par J. Gibelin, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 2002, p. 43 (no 354).
 Ibid, p. 87 (no 369).
 Doctrine du droit, op. cit., p. 129 (II, § 46).
 Projet de paix perpétuelle, op. cit., p. 115, no 380.
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère partie, p. 339 (II, § 44).
 Pierre Allard, Thomas More, une vie pour les autres, Paris, Médiaspaul, 2011, p. 93.
 Ibid, p. 93-94.
 Ibid, p. 95.
 Olivier DEKENS, Comprendre Kant, Paris, Armand Colin, 2003, p. 99.
 Ibid, p. 101.
 Michel COUDARCHER, Kant, pas à pas, op. cit., p. 137.
 Critique de la raison pratique, op. cit., 1ere partie, p. 757 (V, 122).
 Histoire universelle, op. cit., p. 199 (III, 26).
 Doctrine de la vertu, op. cit., 1ère section, p. 338 (II, § 44).
 Pierre GIRE, L’éthique à l’épreuve de la vie, Paris, Cerf, 2010, p. 161.
 Jean-Michel Hirt, La dignité humaine, Paris, Desclée de Brouwer, 2012, p. 172.
 Ibid, p. 172.









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