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DUCHARME - Comptoir Littéraire

Ils reçoivent un coup de téléphone de Laïnou, femme-peintre, «spécialiste de deux .... pour soigner le «mal de bloc» de Nicole, puis ont corrigé treize pages du texte. ...... «elle n'a pas arrêté de jouer avec les boutons de sa blouse» (page 25) - «les .... Mais, page 225, en parlant d'«un bon gros chandail de laine», Ducharme ...




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André Durand présente

‘’L’hiver de force’’
(1973)

roman de Réjean DUCHARME

(280 pages)

pour lequel on trouve ici un résumé

puis successivement l’examen de :

l’intérêt de l’action (page 9)

l’intérêt littéraire (page 12)

(la pagination est celle de l’édition originale)




Bonne lecture !










Résumé

‘’La zone des feuillus tolérants’’

Rester couchés assez longtemps pour «ne plus comprendre ce que le propriétaire veut dire par ‘’payer le loyer’’» est l’objectif d’André et Nicole.
Pourtant, ils s’offrent alcools, cigares et riches nourritures.
Ils reçoivent un coup de téléphone de Laïnou, femme-peintre, «spécialiste de deux sortes de taches : les bleus et les jaunes», qui leur fait part du succès que connaissent enfin ses œuvres, et de sa rencontre du joaillier Pierre Dogan, un Indien qu’elle appelle l’Idéaliste.
Alors qu’ils se promènent rue Mont-Royal, ils rencontrent Roger Degrandpré, qu’ils sollicitent depuis des mois pour qu’il leur trouve «une grosse job dans la publicité» ; il les invite à prendre avec lui un «snack», et leur présente sa compagne, l’actrice et cinéaste à l’allure hippie Petit Pois qui, aussitôt, sympathise avec eux.
Après l’avoir revue au ‘’Thalassa Bar’’, alors qu’elle était abattue pour avoir pris «une pincée de hasch», ils sont complètement désespérés parce qu’elle ne les a pas appelés, trouvent difficile de passer cette journée, et finissent par des injures contre elle, lui donnant alors le nom de «Toune».
Le lendemain, ils se lèvent «au milieu de l’après-midi», ne font rien «pendant quatre cinq heures», et, «fiers de n’avoir rien fait si longtemps», sortent, prennent le métro, mangent dans un casse-croûte, reviennent, et regardent à la télévision les films ‘’Le blé en herbe’’ (dont les deux adolescents les émeuvent tandis qu’Edwige Feuillère leur répugne) puis ‘’Comment qu’elle est’’ (avec Eddie Constantine et Françoise Brion).
On apprend qu’ils habitent un petit appartement (cuisine et «salon double») avenue de l’Esplanade, et que leur manque de soin déplaît à leur propriétaire, un Lituanien. Ne pouvant plus lire «‘’La flore laurentienne’’ du frère Marie-Victorin» parce que leur lampe a flanché, ils se rendent au «centre de la ville» acheter des ampoules, mangent dans un restaurant un «hot-dog» et des «patates frites», dont le prix les fâcherait s’ils ne décidaient, comme ils l’écrivent, vouloir «changer du tout au doux». Ils ne résistent pas à appeler la Toune, mais tombent sur Roger, et raccrochent.
De retour chez eux, ils veulent résister à la tentation, mais finalement André appelle la Toune. Elle répond, mais ne sait plus qui il est, et, comme il ne sait pas quoi lui dire, l’échange s’arrête. Pour eux, c’est la «catastrophe».
À la télévision, après avoir appris quelles sont les prévisions météorologiques, ils regardent le film ‘’Rendez-vous avec Callaghan’’ dont les répliques parsèment la séquence. On apprend qu’ils ont «enfin acheté le disque de Boris Vian» à la pharmacie Labow de la rue Mont-Royal, ‘’Le déserteur’’ étant, «depuis les Beaux-Arts», leur «plus belle chanson du monde». Ils écoutent religieusement les chansons avant de lancer «le disque dans le parc Jeanne-Mance». Ils regardent le film en goûtant une soupe, moment de bonheur.
Âgés de vingt-huit et vingt-neuf ans, plus vieux que la Toune, ils sont tout de même face à elle comme des enfants. Comme elle les invite à venir la voir, ils se précipitent chez elle, mais arrivent trop tôt, ce qui la contrarie. Elle leur expose tout de même sa conception de l’amour, d’une liberté sexuelle totale, qui fait qu’elle trompe Roger, ce sur quoi elle leur demande de garder le secret, tandis qu’ils n’osent pas parler d’eux-mêmes.
Attendant l’appel qu’elle doit faire à minuit, ils se meurent d’impatience, et, comme elle ne le fait pas, téléphonent chez Laïnou, en vain.
Alors que Nicole est «blottie dans les bras du fauteuil» et qu’André est «par terre, blotti entre ses jambes», «les cuisses de Nicole se serrent et se desserrent autour de [son] cou.» (page 24). Puis ils sont assis ensemble dans la douche où coule une eau glacée. Enfin, ils prennent un café.
Ces «correcteurs d’épreuves à la pige» (qui s’en enorgueillissent : «Notre genre c’est la grandeur. C’est les loisirs absolus ou une job payante») ont pu, grâce au «coup de piston» de la Toune, s’occuper de l’expédition d’exemplaires de la revue de Roger, ‘’La bombe Q’’. Mais ils ne peuvent la remercier car «ça n’a pas répondu». À la télévision, ils regardent un match de hockey entre les Canadiens de Montréal et les Rangers de New York, puis un film.
Le lendemain, ils se dépêchent de passer dans les rues, où règne un soleil qui leur déplaît, pour, au ‘’Café 79’’, où la barmaid, ce jour-là, est la «fraîche» Ginette, boire une telle quantité de bouteilles de bière qu’ils sont ivres, tandis que se produisent des danseuses «topless». Chez eux, il ne reste que du fromage et du pain, et Nicole court chercher du jus de tomate chez «le Grec de la rue Marianne qui fait crédit».
La Toune les ayant appelés, et s’étant «gémie» en eux, ils sortent et se livrent à diverses «extravagances».

Comme se sont passés trop de «minuits» sans qu’ils reçoivent des nouvelles de la Toune, qu’au hockey l’équipe des Canadiens a perdu, que les films «post-synchronisés en argot de Paris» les ennuient, André se force à différents exercices d’observation et de volonté.
‘’L’Imprimerie Mondiale’’ leur demande de venir corriger des textes de syndicalistes, ce qui les amène à nombre de remarques sur les fautes de français commises.
Ils assènent leurs injures à «Charles» [Charles Aznavour] dont un «one-man show spécial» est donné à la télévision. Roger leur confie la correction d’un texte de quatre cents pages, mais ils n’osent lui demander que vingt-cinq dollars, de peur de déplaire à la Toune qui, cependant, ne daigne pas leur parler au téléphone ; il leur en donne cinquante. Comme ils téléphonent à Laïnou, elle leur reproche de travailler, et leur offre de l’argent. Surtout, elle vient spontanément chez eux qui lui révèlent leur relation avec la Toune.
Après avoir reçu une douzaine d’oeillets envoyés par celle-ci, et s’être livré à des recherches sur les oiseaux dans des dictionnaires, ils reçoivent le texte de Roger, critiquent les idées politiques qui y sont exposées, et préfèrent alors lire à haute voix alternativement ‘’La flore laurentienne’’, jusqu’à ce que Nicole s’endorme ou s’évanouisse.
Ils sont allés acheter de l’aspirine pour soigner le «mal de bloc» de Nicole, puis ont corrigé treize pages du texte.
Se levant «vers sept heures», ils reprennent la correction du texte, se le partageant pour une compétition, voulant faire vite, non sans en remontrer aux «preux chevaliers de la survivance française» et, en particulier, à Roger, qui les dominait à l’école. Nicole finit la première, et, quand ils ont tous deux terminé, ils se hâtent de téléphoner pour apprendre la nouvelle à la Toune, mais elle n’est pas là, et ils ne l’annoncent pas à Roger.
Après être allé chercher leur paie, ils viennent en dépenser la moitié au ‘’Café 79’’ où la barmaid Terry leur sert des Bloody Mary. Ce qui leur fait dire du mal des gens, et même de la Toune, de sa conduite à leur égard, de sa prétention à être une «intellectuelle engagée», une «cinéaste de gauche». De retour chez eux, ils regardent d’autres films à la télévision, se moquent des publicités, et, soûls, chantent «les succès du bon vieux temps des Beaux-Arts».
C’est avec tristesse qu’ils regardent le film ‘’The Barefoot Countessa’’, parce que la Toune leur a annoncé son départ pour la région du lac Saint-Jean où elle se rend pour préparer son prochain film. Ils lui marquent leur mécontentement. Là-dessus, ils apprennent qu’ils perdent leur emploi à ‘’l’Imprimerie Mondiale’’, mais envisagent l’indigence avec plaisir, leur volonté étant «de ne rien faire du tout». Et ils se consolent dans la lecture de ‘’La flore laurentienne’’, du «Quillet Flammarion», du «Petit Larousse», de «l’encyclopédie Irolier» ou des «encyclopédies Alpha», ce qui les rend fiers de leur érudition.
Ils ont à prendre soin de Laïnou qui est négligée par «son beau sauvage». Ils se rendent chez elle, à Notre-Dame-de-Grâce, puis la font sortir, marcher à travers la ville, et l’amènent chez eux. S’étant rendu compte qu’il leur manquait des fascicules de l’encyclopédie, elle s’éclipse pour les leur acheter. Une pizza est commandée. La situation est commentée par les paroles de ‘’Hey Jude’’, chanson des Beatles.
Mais la vie dans l’appartement avec Laïnou ne manque pas d’être difficile, d’autant plus qu’elle ne sort pas de son «abîme existentiel» et de son désir de retrouver Pierre Dogan. Ils reçoivent un appel de la Toune qui, d’Alma [dans la région du lac Saint-Jean], les supplie de lui parler, ce qui les rend «fous».
Pendant toute la nuit, elle répand ses «lamentations» et sa culpabilité, leur demande de rendre visite à Roger, ce qu’ils font, le trouvant à Outremont dans une maison pleine de gens fumant et buvant à qui mieux mieux, tandis qu’il dort tout habillé. L’ayant réveillé, ils peuvent eux-mêmes se gorger de rhum. Roger les présente, au «Bordel des Patriotes», comme «les Confidents de Lady Chatterley».

‘’L’amarante parente (Amaranthus graecizans)’’

Ayant décidé de recommencer à zéro, André et Nicole poursuivent leur «rêve de ne rien avoir et de ne rien faire», et se mettent «à la tâche de perdre la Toune» et eux avec. Mais Nicole hésite encore, se demandant si elle ne les aimerait pas «d’amitié vraie».
Alors qu’ils s’emploient à se cultiver, ils reçoivent un paquet envoyé d’Alma qui contient deux disques des Beatles, qu’ils aiment, et une lettre qui est un «billet doux».
Ils passent leur journée à écouter les disques, sans toutefois en être très reconnaissants à «Petit Pouah» car ils lui reprochent son absence.
Mais le «pick-up» cesse de fonctionner, ce qu’ils fêtent par une tournée des bars. Chez eux, Nicole pèle avec soin une orange dont elle garde les pelures dans une enveloppe. Ils sont déçus des films annoncés par ‘’T.V. Hebdo’’ car ils ne veulent pas de chefs-d’œuvre.
Ayant été impérativement invités par Roger à venir accueillir la Toune à Dorval, ils se trouvent, dans la voiture, avec plusieurs célébrités, dont le romancier Louis Caron. Comme la radio diffuse une chanson d’amour d’un «crooner» québécois, Fernand Gignac, ces beaux esprits se déchaînent contre lui, tandis que Nicole, ayant été interrogée, ose prendre sa défense. À l’aéroport, la Toune, qui est si belle, après l’étreinte de Roger, se tourne d’abord vers André et Nicole. Au bar, elle montre le cadeau qu’elle fait à Roger : la création étrange d’un céramiste, qui porte les mots : «P.Q. mon Q», ce qu’André comprend mal, prenant «P.Q.» pour «Province de Québec» alors que c’est «Parti Québécois». Au retour, la Toune ayant dû s’asseoir sur les genoux de Louis Caron qui la chatouille, André et Nicole se disent : «Fuck !».
Pour leur «pick-up», après bien des tractations, ils ont obtenu, des «voleurs sur gages de la rue Craig», quinze dollars. Ils se demandent comment ils vont vendre toutes leurs autres affaires. Ils renoncent à confier leur chat à la S.P.C.A. car il risque d’y être gazé. Ils refusent la proposition de corriger un texte, même si elle est faite par «le bonhomme Bolduc» qui les considère les meilleurs correcteurs de Montréal.
Ils reçoivent un appel de la Toune qui leur dit seulement qu’elle souffre d’«absence aiguë» ; qu’elle trouve parfois que «c’est la vie qui est absente».
Ils se souviennent de ce copain des Beaux-Arts, Marcel Marsil, qui y était déjà très péremptoire, et qui est devenu un cinéaste «genre nouvelle vague», car Laïnou les appelle pour leur faire savoir que son dernier film lui a donné «un fameux coup de poing dans les tripes». Et, «pendant deux heures et demie», ils la relancent pour qu’elle s’explique.
Ils font venir de la nourriture de chez «le Grec». Ils savourent lentement des «bonbons creux au whisky» qu’on leur a donnés. Ils se réjouissent de la grève des «techniciens du canal 2» car sont projetés, «sans annonces», des «longs métrages».
La Toune étant venue les voir, ils se sont repus d’elle, ne cessant de l’interroger sur ses «carrières et professions», d’où de longues explications interrompues de temps en temps par un «Puis vous autres?» Finalement, ils lui ont fait part de leurs malheurs, mais elle n’a rien dit, et est partie en laissant un billet de vingt dollars, avec lequel ils sont allés au ‘’Thalassa Bar’’ puis au ‘’Café 79’’ où ils se sont soûlés de Bloody Mary et de bière.
Convoqués aux ‘’Petites Éditions’’ par Roger, ils vont à pied vers cette lointaine destination car elles sont «perdues dans l’est» de l’île de Montréal. Sur les lieux, ils doivent attendre, et s’évertuent à essayer d’agacer la secrétaire. Roger, se complaisant «dans sa veine de confidences», se dit débordé par les multiples tâches qu’il se donne, tandis que, selon lui, Petit Pois, un jour, est une femme d’affaires, un autre, une enfant qui joue avec son «nounours» ; un jour, elle remplit le réfrigérateur, et préfère ensuite manger au restaurant. Il les a fait venir parce qu’elle a besoin d’un chauffeur pour sa «tournée de financement», et André accepte, même s’il ne sait pas conduire, recevant une avance de cent dollars.
Or il a décidé depuis l’enfance qu’il ne «toucherait jamais à l’automobile». Aussi ne parviennent-ils pas à dormir, et vont marcher dans le parc Jeanne-Mance, et même, en passant par le Boulevard, jusqu’à Notre-Dame-de-Grâce, pour aboutir chez Laïnou, avenue Draper. Elle les fait coucher avec elle, mais son corps leur répugne. Elle décide d’apprendre à conduire à Nicole. Elle leur révèle que Pierre Dogan ne la touche plus, et préfère dormir par terre dans le salon.
Laïnou continue à faire part de ses malheurs, de sa crainte de perdre «la simplicité érotique» qu’elle a eu du mal à conquérir. Avec une voiture louée, ils se rendent à Maskinongé y chercher l’«extrait de baptême» avec lequel on peut obtenir un permis de conduire. Mais, en chemin, elle fait conduire Nicole qui «se débrouille bien», tandis qu’André, en arrière, se désole de constater qu’il a encore engraissé alors qu’ils vont voir leur père. Celui-ci a vendu sa terre, et n’a gardé que la maison qu’il tient à faire paraître présentable. Aussi faut-il s’annoncer au téléphone. Il leur sert du vin de cerises, et, comme Laïnou lui offre les dessins qu’elle vient de faire et lui fait des «mines de chat», il est émoustillé.
La Toune ayant décidé d’«aller toute seule voir le monde», de renoncer à prendre un chauffeur pour sa tournée, André et Nicole sont désemparés. Ils sortent et marchent dans la rue Mont-Royal, s’arrêtent à la tabagie Reynald-Perreault, reviennent pour regarder, «en macédoine, en tournant le bouton à mesure que les annonces surviennent», des films qu’ils ont tous déjà vus.
André, n’arrivant d’abord à ne terminer aucune phrase, parvient finalement à exprimer leur volonté de ne pas se laisser faire, leur constatation qu’il ne leur sert à rien de dire qu’ils ne trouvent pas la vie de leur goût.
Ils n’ont pas envie de sortir, ni de lire ‘’La flore laurentienne’’, ni de téléphoner à la Toune car cela les ferait souffrir. Ils le font pourtant, et elle se plaint du «gros meeting» qui se tient chez eux, «quarante-deux» personnes essayant de «fourrer» Roger. Elle leur demande de la rappeler. Ils disent se refuser à le faire, mais le font tout de même. Elle leur parle alors du «gros down épouvantable que traverse son gros bébé». Aussi ne lui ont-ils pas dit qu’ils faisaient, eux aussi, de l’angoisse. Comme elle doit accompagner Roger à Toronto, ils lui demandent de leur envoyer une carte postale. Leur propriétaire leur réclame le loyer qu’ils sont décidés à ne pas payer.
Dans la lecture de ‘’La flore laurentienne’’, ils restent bloqués à l’Amaranthus graecizans. Comme André constate que «tout le monde est obligé de se retenir, de s’empêcher de donner», il signale que, pour Laïnou, il s’agit de ne pas peindre plus d’une toile par semaine car, autrement, les connaisseurs estiment «qu’elle tombe dans la facilité». Et il rappelle que, «du 18 au 30 octobre 1966, Nicole et André Ferron exposaient à la Galerie du Début», qu’ils eurent droit à une critique de Claude Jasmin et à une subvention de cinq mille dollars du Conseil des Arts, tandis que certains de leurs camarades des Beaux-Arts y sont maintenant professeurs. Même s’ils savaient que la Toune était à Toronto, ils sont, une nuit, allés frapper à sa porte, en évitant que la police d’Outremont ne les interpelle.
Le lendemain, aussitôt réveillés, ils descendent voir s’ils ont recu une lettre de Toronto. Ils seraient prêts à suivre la Toune partout, à quatre pattes. Ils ne cessent de composer son numéro. Ils s’enlacent sous la douche, et se caressent (un jour, Nicole s’y est évanouie). Ils sortent de la douche pour marcher sur le rythme de chansons de Charlebois ou des Everly Brothers. Comme il leur reste soixante-deux dollars, ils décident d’en mettre de côté cinquante, enfilés sur la chaînette que Nicole a au cou.
Ils reçoivent d’autres œillets de la Toune, accompagnés d’un télégramme qui leur donne l’impression d’un poème adressé à l’humanité. Ne s’y laissant pas prendre, ils retournent à la lecture de ’’La flore laurentienne’’. Ils trouvent que «ça va bien», mais se préparent à ce que ça aille mal. Marcella, de ‘’L’Imprimerie Mondiale’’, les appelle, mais ils se contentent de lui envoyer des «smack» en guise de baisers, et elle raccroche. Ils ne supportent plus la ‘’Symphonie no 8’’ de Beethoven, et vont vendre le poste de radio au prêteur sur gages qui leur en donne cinq dollars. Cela les incite à tenter un appel à la Toune. Après plusieurs essais, elle répond, mais ne reconnaît pas André, et lui assène des injures. Se traitant de «perdants-nés», ils se reprochent de l’avoir réveillée. André envoie Nicole téléphoner à Laïnou ; elle revient en larmes : elle l’a dérangée alors qu’elle faisait l’amour. Mais elle n’en a pas moins décidé de venir les rejoindre. Et ils lui racontent leurs malheurs, la perte de leur emploi.
Alors qu’ils regardent le film ‘’Rome en flammes’’, l’appareil de télévision cesse de fonctionner. Ils le vendent donc dix dollars. Puis ils vendent leur poêle (après y avoir fait brûler leurs disques des Beatles) et leur réfrigérateur, achètent un petit réchaud. À minuit, le téléphone sonne, et la Toune se répand en plaintes sur son sort. Quand ils lui font part de leurs problèmes, elle leur reproche de la décevoir.

‘’Le fonne c’est platte (la chair est triste et j’ai vu tous les films de Jerry Lewis)’’

André et Nicole décident de «prendre d’assaut» la Toune. «Dans l’appartement déserté» (il ne leur reste que le matelas, le réchaud et le toaster), ils crient, mais se disent qu’ils devraient descendre dans la rue avec un fusil et tirer sur les gens. Les ventes de leurs objets leur ayant rapporté quatre-vingt quinze dollars, ils décident de les boire petit à petit, en cultivant l’angoisse, mais sans la montrer.
On leur annonce qu’on va leur couper le téléphone. Ils se rendent chez la Toune pour le lui dire, mais elle n’est pas là. Aussi se retournent-ils vers Laïnou qu’ils trouvent en plein travail. Ils lui demandent de servir de relais entre eux et la Toune. Revenus à Outremont, ils apprennent qu’elle est toujours absente. Ils vont donc s’adresser à Roger.

Alors qu’ils sortent, leur propriétaire les arrête, et «la chicane prend». Mais ils se rendent à Outremont, et montent la garde dans le parc en face de la maison de la Toune, tout en faisant des dessins. Ils la voient accepter les paquets qu’apporte un livreur. Ils assistent au retour de Roger. Revenus chez eux, ils constatent que la serrure a été changée. Le propriétaire leur accorde cependant une dernière nuit. Ils déchirent les fascicules de l’encyclopédie ‘’’Alpha’’. Mais il leur reste ‘’La flore laurentienne’’.
Leur chat sent qu’il va lui falloir quitter l’appartement. De nouveau, ils sont en faction devant la maison de la Toune, qui est sortie. André admire le dessin que fait Nicole, et surtout le titre qu’elle lui a donné : ‘’Le printemps regardé de très près’’. Et, soudain, la Toune est là, qu’ils n’ont pas vue descendre d’un taxi, et venir vers eux. Elle admire leurs dessins. Elle leur annonce que son film, ‘’As-tu fou ou froid?’’, a été choisi pour être présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, et qu’il va «montrer, aux Français, où qu’on se la met leur petite culture bourgeoise florisssante au Père-Lachaise», qui va être supplantée par le joual et les pièces de Michel Tremblay. Comme André lui révèle que c’est l’anniversaire de Nicole, elle les emmène pour le fêter à ‘’L’Accrochage’’, un restaurant en vogue où elle retrouve des célébrités. Ils voient un peintre qui était aux Beaux-Arts avec eux, mais qui feint de ne pas les reconnaître. La Toune annonce qu’elle a été sélectionnée. Comme les Ferron n’ont plus de logement, ils se retrouvent chez Laïnou, au grand déplaisir de Pierre Dogan.
Ils se lèvent tard, mais Laïnou, même si elle est matinale, leur fait un bon repas. Ils retournent à Outremont avec le prétexte de montrer à la Toune l’article qui lui est consacré à la une du journal ‘’Le Devoir’’. Mais il n’y a personne. Ils supposent qu’elle et Roger sont en «ouiquenne» dans les Laurentides. Ils retournent à ‘’L’Accrochage’’ pour essayer d’apprendre où elle pourrait être ; ils y trouvent Louis Caron, qui les snobe, et la secrétaire de Roger qui confirme qu’il est bien dans les Laurentides. Ils reviennent chez Laïnou.
Ils sont face à une Toune mal à l’aise, qui «digère mal son LSD», qui laisse entendre qu’elle les a assez vus. Elle voudrait qu’ils aillent à la pharmacie pour elle, mais a du mal à retrouver l’ordonnance. Quand ils sont dans la pharmacie d’Outremont, on leur indique que ce n’est pas la bonne, qui se trouve à Saint-Henri. De retour, ils assistent à la prise de la pilule, et sentent qu’elle veut qu’ils partent, ce qu’ils font, non sans confusion. De nouveau à ‘’L’Accrochage’’, ils y rencontrent Louis Chartrand, «un gars dans notre genre, un raté total plus ou moins volontaire». Dans la nuit, ivres et ayant vomi, ils reviennent chez Laïnou.
La Toune est partie à Cannes, mais ils se rendent tout de même dans le parc en face de sa maison. Leur chat a disparu. Peut-être a-t-il été tué par Pierre Dogan, auquel il donnait de l’asthme, et qui était parti? Pour tenter de le retrouver, ils se rendent avec Laïnou dans différents bars.
À ‘’L’Accrochage’’, une «chicane a pris entre Laïnou et deux jeunes intellectuels admirateurs de la Toune», elle défendant l’individualisme, les deux autres disant se soucier de la collectivité. Et, comme elle ne sait pas boire, elle provoque un esclandre. Si Nicole s’est remise de la disparition du chat, Laïnou regrette l’Idéaliste en dépit de toutes les avanies qu’il lui a fait subir. Comme elle ne peut dormir seule, André et Nicole se relaient dans le lit. Mais elle leur demande : «Si vous m’aimez tant pourquoi vous voulez pas faire l’amour avec moi?»
Ils passent leurs nuits à ‘’L’Accrochage’’ où ils ont appris le vrai nom de la Toune : Catherine. Ils mettent des fleurs devant sa maison, dont un crocus. Ils reçoivent une lettre où elle leur raconte ce qui lui arrive à Cannes où son film doit être présenté le lendemain, et où elle affirme : «Le plus important c’est vous».
Laïnou, voulant se remonter le moral, «s’est fait teindre en blonde», mais c’est complètement manqué. André et Nicole l’incitant à manger, ils se retrouvent dans un restaurant très cher, et, comme le couple lui fait remarquer qu’ils viennent de dépenser en une heure ce que les ouvrières de l’atelier d’en face gagnent en une semaine, elle exprime son mépris pour «les soumis».
Mais elle traite bien ses hôtes, leur ménageant toujours une surprise en matière d’aliments. André et Nicole en viennent à parler de Cendrars dont ‘’Bourlinguer’’ les a fait partir de leur village, tandis que Laïnou préfère Miller. Elle tente de les décourager d’aimer Catherine «en disant des énormités renversantes sur les différences de classe et de culture qui [les] guettent», mais ils l’accusent de jalousie. Soudain arrive un câblogramme d’Orly, de Catherine !

‘’Linen finish writing pad (tablette à écrire fini toile)’’

Dans ce câblogramme, Catherine parle de «désespoir», et demande à André et Nicole de venir seuls l’accueillir à Dorval où elle sera elle-même seule. Ils sont alors au comble de la joie. Dans le taxi, ils font du nom du chauffeur, Groleau, un «fétiche», et ils le paient avec un des billets gardés par Nicole. Dans l’aéroport, ils se hâtent, en ayant l’impression d’être méprisés par «les beauté fatales» des comptoirs. Ils trouvent Catherine dans l’‘’’Igloo Bar’’, seule, attendant «les petits vautours ravis et confus» qu’ils sont, dans les bras desquels elle pleure, avouant : «Je suis toute fuckée […] tannée de tout». Devant la maison, le crocus est mort : «Quel mauvais signe !» À l’intérieur, elle élimine une foule de papiers, disant avoir tout perdu, laissant le téléphone sonner. Après un bain, elle s’habille de la façon la plus simple, se traitant de «grosse conne chiante de Cannes». Et ils prennent l’autobus pour Notre-Dame-du-Bord-du-Lac de l’île Bizard.
Dans l’autobus, elle leur parle de sa mère, Poulette, de la façon dont elles s’amusent, au Café de l’Est, à se laisser courtiser par des «tarzans», et de son père qui est un «con élitiste fédéraste dégoûtant». Sa mère, pour s’émanciper de son milieu, acheta le chalet de l’île Bizard qu’elle appela «Sam-Su-Fi». André, qui a mis Nicole sur ses genoux, commente : «On est bien parce qu’on se sent très unis». Ils descendent au Manoir-du-Bord-du-Lac pour y prendre la clé. Arrivée au chalet, Catherine se réfugie aussitôt dans sa chambre, tandis que le couple découvre un ameublement de «style colonial».
Ne pouvant dormir, ils partent vers le village, intéressés par les panneaux publicitaires. Ils attendent l’ouverture de l’épicerie ‘’J.-G. Marchessault’’, afin d’y acheter ce qui conviendra à Catherine, qui veut perdre du poids. Mais, pour trouver du yogourt, il leur faut aller au ‘’East Bizard Shopping Center’’. Au retour, ils sont accueillis par une Catherine qui les «engueule», ne leur montre aucune reconnaissance, leur demande de faire du café, des toasts bien beurrés, leur expose encore son désarroi mais aussi sa détermination d’en sortir, les envoie acheter «trois bicycles».
Ils font ainsi une randonnée d’«au moins quinze milles» autour de cette île
Nicole s’affaire à réparer les moustiquaires parce que «les maringouins sont arrivés». Comme ils sont au bord du lac des Deux-Montagnes, Catherine propose de louer une barque. André et Nicole sont fascinés par le compteur d’électricité, le réservoir d’huile à chauffage et sa jauge. Catherine goûte le calme, et se sent «romantique», «toute dénouée», ajoutant : «C’est à cause de vous autres !», ce qui ravit André et Nicole.
Ils font encore une fois le tour de l’île, s’arrêtant à ‘’La Patate Dorée’’ pour des frites et des hot dogs. Catherine montrant «avec un air dégoûté ses mains tachées et poisseuses», comme il n’y a pas de «napkins», André lui offre sa chemise pour qu’elle s’y essuie. Mais ensuite «la bagarre a pris», et ils se sont tous «cochonnés». Plus tard, comme elle téléphone à Poulette depuis une cabine, elle les invite à l’y rejoindre, et, ainsi serrés, ils apprécient qu’elle leur donne «toute son attention corporelle». Catherine apprend ainsi que, pour le magazine ‘’Écho-Vedettes’’, elle est «portée disparue», et que Roger est «accablé». Plus tard encore, comme elle demande à l’employé de la compagnie de téléphone de venir le rebrancher, et qu’il s’adresse à elle en anglais, elle se met en colère, et évoque une nationalisation !
Comme Poulette doit venir au chalet, ils «peinturent» en blanc la cuisine, la chambre à coucher et le «vivoir». Mais Catherine, «grande parleuse et petite faiseuse», constate vite que l’odeur de la peinture «l’angoisse», que les deux autres vont bien plus vite qu’elle, «fait une des moues d’enfant que les femmes aiment tant faire quand elles se sentent particulièrement féminines». Comme elle est «habillée en petites culottes», elle semble à André «superbe», «une vraie Madone». Or elle leur fait «un sourire grivois» ; ils se demandent : «Qu’est-ce qu’on fait si le goût la prend de faire des choses?», et sont décidés à s’enfuir. Mais elle ne veut que fumer de la marijuana, ce qui pourtant les effraie aussi. D’où l’hilarité de Catherine, d’autant plus que Nicole avoue qu’ils vivent dans la peur depuis l’enfance, et reproche à André de ne rien faire pour qu’ils «se déniaisent».
Arrive Poulette, sorte de «comtesse passé mûre» des films italiens, qui se récrie aussitôt contre la blancheur qui «fait ressortir des ans l’irréparable outrage», demande constamment : «Je suis pas trop pokée?» Mais Catherine la trouve «belle à croquer», et lui fait dire à Nicole : «Tu es la plus jolie petite Colline des Laurentides». Poulette racontant en anglais ce qui arrive à Roger, les Ferron préfèrent aller brûler les herbes, se mettant «dans le plus gros des épaisses fumées blanches» qui leur rappellent leur enfance. Tandis que la mère et la fille partent prendre un «snack» «en amoureuses», ils doivent passer chez le voisin pour y arrêter l’expansion du feu, et y découvrent des iris dont ils font une gerbe à offrir à Catherine. Puis ils vont au village, reconnaissant des fleurs au passage. À l’épicerie, ils achètent des «chips» et de la bière, dont, au retour, ils boivent quatre bouteilles.
Après avoir exprimé sa conviction qu’il ne sert à rien de se hausser, André raconte, alors qu’inquiets ils ne dormaient pas, le retour de Catherine «à trois heures de la nuit», le choc, «mais pas aussi grand qu’on pensait», que lui donnèrent les iris, son désir de faire du café et de «discuter le coup» sans, étant pleine d’assurance, leur demander leur avis. Elle conseille alors à André de «se laisser pousser la barbe», à Nicole de «ne plus attacher ses cheveux en queue de cheval» ; elle dit «comment ça a swingé, avec Poulette, dans les petites boîtes de Sainte-Geneviève». Puis, ayant froid, elle va se coucher, tandis que les deux autres ne peuvent se rendormir, préfèrent sortir, et se jettent dans le lac pour y tomber «à plate figure» et risquer de s’y noyer. Aussi, sur le ponton, André prend-il le visage de Nicole dans ses mains, et l’embrasse-t-il partout, se sentant, «de tendresse, prêt à éclater». Et ils se promettent de ne jamais se quitter, de se suicider si l’autre meurt.
Dans leur lit, André empêche Nicole de s’endormir, et elle se met à le «flatter», lui caressant les épaules, la nuque. Mais elle veut dormir, en «calant ses fesses dans l’épaisseur de [son] ventre». Ils sont réveillés par le tapage que fait dans la cuisine une Catherine qui dit aller mal, «ne lève même pas les yeux pour [les] regarder», les envoie lui chercher de l’aspirine, ne pouvant, «quand elle se sent comme ça souffrir personne autour d’elle», et les menaçant : «On va baisser vite en Christ dans son estime si on se met à bouder à cause qu’elle est de mauvaise humeur». Pédalant «le plus lentement que ça peut», André se dit : «Si on lui plaît elle flippe, si on l’achale elle hallucine». Au retour, comme ils la trouvent en train de «se chicaner» avec sa mère au téléphone, ils vont se cacher, André envisageant ses «trente ans de vie comme une vaste platitude», Nicole cependant lui réitérant «que ça ne la dérange pas que ce soit épouvantablement ennuyant de vivre avec [lui]».
Catherine décide d’aller au Manoir-du-Bord-du-Lac pour assister au «show» de dix heures. Ils y vont «sur le pouce». C’est le curé qui les prend dans sa voiture, Catherine le traitant pourtant «de cléricaliste et de fédéraste», tandis qu’il se prévaut de la perpétuation des «valeurs françaises» par le clergé. Comme elle veut quitter ses «guenilles», ils entrent dans une «mercerie unisexe» où elle entend faire essayer à André «un pantalon à bavette», puis s’attaque à Nicole, l’incitant à renoncer à son soutien-gorge, lui achetant «deux longuettes», tandis que, pour elle, elle choisit «deux maxis» et «une perruque blonde». En taxi, ils gagnent un restaurant de Pointe-Claire ; comme c’est très cher aux yeux des Ferron, elle leur reproche de se prendre pour des «troudkus». Au Manoir-du-Bord-du-Lac, ils voient le numéro d’«une effeuilleuse fanée» que Catherine trouve «fellinienne» alors qu’André se dit que c’est elle qui l’est. Puis les spectateurs peuvent danser, et Catherine invite André qui est réticent mais se laisse faire après que Nicole lui ait donné «une petite tape sur les fesses». Catherine veut être serrée ; il se sent «persécuté», la repousse violemment, et elle, «dégrisée», le traite de «con», et s’en va. Ils partent à sa recherche. Ils la retrouvent dans le grenier du chalet, couchée tout habillée et voulant des valiums.
Au téléphone, Poulette apprend à Catherine que Roger veut se tuer. Mais elle «s’en sacre». Et c’est très joyeuse qu’elle savoure le petit déjeuner. Partis, ils passent à l’épicerie pour y acheter de la bière, vont chez un loueur de barques qui ne veut pas qu’on y monte avec de «la boisson». Mais Catherine lui achète une barque. Et ils y montent alors que menace «la tempête de la fin du monde». Ils sont à l’ancre au milieu du lac quand ça tonne, ça «fesse», «ça mouille». Catherine saute dans le lac, et les deux autres l’imitent, remontent dans la barque pour boire encore plus de bière. Aussi, voulant lever l’ancre, ils n’y parviennent-ils pas.
Le lendemain, André et Nicole font le ménage, alors que Catherine a disparu. Finalement, à quatre heures de l’après-midi, interrogeant le voisin, ils apprennent qu’elle est partie «droit devant elle dans les champs». Ils la trouvent endormie au pied d’un orme. Ils la couvrent de fleurs, et font marcher sur son visage une grenouille, qui la réveille. Elle veut d’autres valiums, et les invite «à s’allonger à ses flancs». La nuit survient, et le froid la réveille.
Le lendemain, André et Nicole découvrent une lettre où Catherine leur dit être retournée auprès de Roger. André fait une crise, qui effraie Nicole. Elle téléphone à Laïnou, ce qui le met encore plus en colère, au point qu’il la frappe, que le sang gicle, ce qui le fait se ressaisir. Dans cette lettre, Catherine, qui les appelle «mes anges, mes nuages», les quitte en ne voulant pas que se perpétue leur amitié, en constatant que «tout effacer» serait «se quitter soi-même», en leur annonçant que Roger pourra les faire travailler pour le Parti Québécois. Mais, pour eux, «demain, 21 juin 1971, l'hiver va commencer, une dernière fois, une fois pour toutes, l'hiver de force (comme la camisole), la saison où on reste enfermé dans sa chambre parce qu'on est vieux et qu'on a peur d'attraper du mal dehors.»

Intérêt de l’action

Le résumé précis qui précède prouve l’absence d’habileté narrative et d’inventivité de Ducharme dans ce livre qui serait assez précisément autobiographique (André ayant vingt-neuf ans en 1971 est donc né en 1942, comme l’auteur !), qui porte d’ailleurs comme sous-titre : «Récit». Il tint au sur-place, refusa toute idée d’évolution ou de rupture, le roman se caractérisant par un tel immobilisme mouvant qu’il semble bien ne pouvoir n’être que la chronique d’évènements réels, qu’il aurait vécus, André Ferron étant d’ailleurs considéré par nombre de critiques comme son porte-parole, son pseudonyme, son alter ego.
‘’L’hiver de force’’ s’inscrit dans l’ensemble d’une oeuvre où, à la révolte d’enfants contre «l’adulterie» (‘’L’avalée des avalés’’), succéda l’inadaptation à la société d’adultes demeurés des enfants, ce qui fait qu’à l’énergie de l’enfance rêvée se substitua la mollesse de la vie adulte réelle !

En fait, on trouve, dans ‘’L’hiver de force’’, deux romans.
Le premier est celui qui commence par ce journal que, correcteur d’épreuves devenu scripteur, sinon écrivain, André justifie par un «understatement» laconique, sans saveur, dénué de signification : «On va se regarder faire puis je vais tout noter avec ma belle écriture. En tout cas c'est le début de notre vie enregistrée, il va falloir fêter ça.» (page 15). Il dit vouloir se livrer à «des travaux d’introspection pour trouver des solutions pour sortir de [son] trou» (page 17). Mais il n’est pas animé par la nécessité de communiquer, qui est à la base de toute activité littéraire : «On ne tient pas tellement à se faire comprendre. Il n'y a personne qui vaut la peine que tu te creuses la tête pour te faire comprendre, bonhomme, anyway.» (pages 172-173). Pourtant, par son entremise, Ducharme déversa un flot de réflexions, à travers lesquelles ses personnages se livrèrent, en particulier, à une entreprise de réduction de la vie, évoluèrent vers la recherche du vide, la volonté d’atteindre le rien.

À cet égard, peut-être Ducharme voulut-il suivre les traces de Flaubert qui déclara vouloir raconter une vie où il ne se passe rien, écrire «un livre sur rien et qui pût tenir debout par la seule force du style.» Il fit ainsi le récit de la vie ratée de Frédéric Moreau, de sa «passion inactive», de son amour idéalisé et insaisissable, dans son roman, ‘’L’éducation sentimentale’’, où, en effet, il n'y a pas de progression dramatique, pas de scène capitale, pas de coup de théâtre ; où rien de décisif ne se produit ; où les démarches succèdent aux démarches, les visites aux visites, les conversations aux conversations ; où les épisodes se suivent sans cette «fausseté de perspective» par laquelle le romancier, ordinairement, donne un sommet à son œuvre. L’action se caractérise donc par sa lenteur, son piétinement, rendant sensible l’émiettement de la vie en une poussière de menues circonstances. Flaubert attacha beaucoup d'importance aux objets, aux menus faits, aux petits incidents de la vie de ses personnages, aux dialogues et aux silences, à tout ce qui n'est pas dit, qu'on n'a pas osé dire. Il analysa longuement les sentiments, l’échec de Frédéric Moreau étant minutieusement et perversement observé, mais de l'extérieur car il ne partagea pas, ou ne partageait plus, ses pensées et ses opinions.
Au contraire, Ducharme partage jusqu’à la toute fin le désarroi des Ferron, s’appesantissant sur le compte rendu, à la façon du Nouveau Roman, de leurs menues activités :
- «Dévêtir une banane, la décrocher du bouton de la pelure. La rompre en deux. Donner la petite moitié à Nicole, garder la grosse. Mastiquer en se regardant mastiquer, les cinq bouchées molles. S’essuyer sur le haut de ses jeans» (page 37).
- «Les gouttes qui constellent ses jambes lisses glissent douces jusqu’au prélart, roulent grossir les îles où baignent ses pieds. Une goutte s’attache au bout de son nez ; après un grand effort pour briller comme un pendant d’oreille, elle tombe, s’écrase sur le bord du poêle.» (page 48).
- «Elle ne coupe pas en deux les rondelles de citron ; elle les laisse plein-soleil ; elle en donne une à chacun ; elle sait qu’on aime lécher tout le jus, puis à mâcher lambeau par lambeau les membranes puis picorer la pulpe, puis faire rouler sur la bakélite noire du comptoir le petit cerceau jaune qui reste» (page 74).
- «Avec son doigt, qu’elle mouillait sur sa langue, Nicole dessinait un drôle de mot sur le mur, disons FRISU. FRISU séchait, et séchant s’effaçait. Quand FRISU était disparu, elle remouillait son doigt sur sa langue et dessinait un autre mot bizarre, disons BORUL.» (page 152).
Il s’étendit sur les situations dérisoires et répétitives que leur fait subir l’aliénation dont ils sont victimes. C’est d’autant plus fastidieux qu’il n’y a guère de progression dramatique, de pénétration psychologique. Et à la déréliction des Ferron s’ajoute le mélodrame des amours de Laïnou.

On peut encore voir en André et Nicole, ces ratés, ces paumés, ces déviants, qui, sous le poids d’on ne sait quelle culpabilité, tiennent encore à s’exclure de la société, qui s’avilissent comme par plaisir, des personnage à la Dostoïevski.

Cependant, à ce premier roman se greffe, s’entrelace et finalement s’impose un second roman, qui est celui de la relation des Ferron avec Catherine, de la brève crise de leur illusion d’amour. Et ce pourrait être vraiment un roman tant paraît invraisemblable l’intérêt que porte une jeune et impétueuse actrice et cinéaste, compagne d’un éditeur de revue de gauche, à de minables correcteurs d’épreuves pleins de rancœur à l’égard de l’humanité, et d’amour-haine à son égard, dont elle fait des confidents puis des serviteurs. Ce roman est en fait un sursaut dans leur platitude perpétuelle, un intermède dans la monotonie de leur vie. Eux qui sont agis par les autres, les imprimeurs, le propriétaire de leur logement, devant les obstacles qu’ils leur opposent, se laisseraient couler s’ils n’étaient justement poussés à quelque activité par cet amour fou, soumis alors aux sautes d’humeur de la vedette.
Et cette passion illustre l’idée que la nature a horreur du vide : à mesure qu’ils se voulurent de plus en plus dépouillés, sans désirs et sans buts, s’accrut la présence de leur amie qui hanta de plus en complètement leur petit monde. Le signale bien cette indication : «La vie est contrecarrante / Les évènements courent après nous depuis qu’on a décidé de jouir de notre platitude, de mettre notre orgueil à ne rien trouver de plus beau que rien du tout.» (page 67). Alors qu’ils sont d’abord à la poursuite de Catherine qui n’a pas besoin d’eux, c’est l’inverse qui se produit ensuite. Le tragique, ou le comique, du livre tient principalement à la contradiction entre les deux directions prises par les uns comme par l’autre.
Dans la dernière partie du livre, quand Catherine en est le moteur, il y a enfin de l’action ; des évènements ont enfin lieu ; des péripéties surviennent. Ainsi, ayant subi une déconvenue, André et Nicole s’imaginent «petits comme des poux» dans un morceau (page 142) quelque peu fantastique et fantaisiste (l’imagination de «l’hôtel Samarkava de Colombo»). Ils décident de «prendre d’assaut» Catherine (page 171). Elle a besoin d’un chauffeur pour sa «tournée de financement», et André accepte alors qu’il ne sait pas conduire, ce qui pourrait donner lieu à une situation comique ou dramatique, mais qui est escamotée par une entourloupette. À son retour du festival de Cannes, le désespoir de Catherine (dont la cause n’est pas indiquée : on peut supposer l’échec de son film) est prolongé par le suspens entre deux chapitres (pages 215-219).
Le séjour dans le chalet de l’île Bizard, dominé par cette prévision : «quand elle sera partie pour toujours» (page 266), qui est répétée page 273, suscite des situations comiques :
- la menace d’algarade entre André et la tenancière du restaurant de l’île Bizard (page 240) ;
- l’arrivée de Poulette (page 250) ;
- le dialogue bilingue entre André et Nicole (pages 252).
Mais il suscite surtout des évènements dramatiques, dont le lecteur se dit qu’il y en aura bien un qui conduira à une issue quelque peu décisive, d’autant plus qu’il voit bien que le livre approche de sa fin.
Ainsi André déplaît profondément à Catherine par son refus des avances qu’elle lui fait (page 268) : cela va-t-il permettre une rupture de ce trio amoureux? Eh non ! le récit repart.
Ils s’engagent en barque sur le lac, le vent se lève, la tempête survient, ils se jettent à l’eau. Les deux femmes vont-elles se noyer, car ne faut-il pas qu’André survive pour que nous puissions lire ce récit? Non, ils se retrouvent, sans explication, dans la barque dont l’ancre, cependant, résiste toujours. Et la séquence est interrompue.
À la suivante (page 275), Catherine a disparu : est-ce pour de bon? Non : les Ferron la retrouvent, mais profondément endormie (page 276) ; ils la réveillent brutalement, provoquent sa colère, mais finissent par «gagner sa compassion» (page 278).
Avec enfin une certaine habileté narrative, Ducharme annonce «l’hostie de lettre sale» de Catherine, répète cinq fois «Après avoir lu…», fait éclater la «crise» d’André (pages 280-281) avant de révéler le contenu de la lettre d’adieu par laquelle les Ferron sont finalement platement abandonnés par leur protectrice, ce qui les oblige à se résigner à subir cet hiver existentiel qu’annonce la dernière phrase, hiver existentiel qui cependant durait depuis longtemps, et n’avait été interrompu que par un court printemps. Ducharme préféra donc une fin en queue de poisson, qui a cependant au moins le mérite de fournir au livre son très beau et très intrigant titre.

Le roman est organisé en quatre chapitres sans qu’on en voie la justification (et surtout pas celle des titres, dont les deux premiers sont empruntés à ‘’La flore laurentienne’’). Ces chapitres sont formés de séquences (ce que marque le résumé qui accorde un paragraphe à chacune) sans qu’elles soient nécessairement fondées sur une unité chronologique ou situationnelle. La forme fragmentée du récit, qui laisse souvent le lecteur dans l'expectative, l'apparente au «zapping» télévisuel ; par exemple, au début d’une séquence, on lit : «Ce capitaine des légions de Néron se révolte : "Assez verser le sang des chrétiens !"» (page 162), entrée en matière qui a de quoi étonner, d'autant plus que la séquence précédente se terminait dans un bar ; le lecteur comprend seulement ensuite qu’André retranscrit ce qu'il entend à la télévision où passe le film ‘’Rome en flammes’’. Il arrive même que, sans aucune transition, on passe d'un sujet à l'autre à l’intérieur d’un paragraphe. Aussi cela exige-t-il une attention constante.

Le déroulement de cette action est chronologique, à part quelques rares retours en arrière (le «coup de piston» de Catherine [page 50] - l’appel où elle «s’est gémie» [pages 56-57] - les tractations des Ferron avec «les voleurs sur gages» de la rue Craig [page 109] - la visite que leur a faite Catherine [pages 117-121] - la révélation de leur exposition et de ses suites [page 150-151] - le récit de leur acharnement sur la maison de Catherine [pages 151-152] - la conduite de Poulette autrefois [pages 228-229] - le récit par Catherine de son escapade avec Poulette [page 257]).
L'action est datée, par la fin : au dernier paragraphe du livre, le narrateur nous indique que le lendemain sera le «21 juin 1971» (page 282). Elle s'est donc déroulée tout au long du printemps ; d'autres faits incidents, tel la participation de Catherine au festival de Cannes, permettent de le confirmer.

Le point de vue est constamment celui d’André, le narrateur. Mais il y a un «tu» qui revient régulièrement, soit qu’il s’adresse à Nicole («T’en souviens-tu, chère, quand on faisait brûler l’herbe sur le bord du fossé en revenant du Mois de Marie?» [page 252-253]), dont on peut considérer qu’elle représente aussi la figure du lecteur, qu’elle permet d’établir avec lui une relation d’extrême connivence ; soit qu’il s’adresse à lui-même ; soit enfin qu’il s’adresse au lecteur qu’il interpelle souvent en l’appelant «bonhomme» (pages 37, 98, 111, 173, 174, 190, 226), en cédant au tutoiement généralisé au Québec.

Dans l’ensemble, ‘’L’hiver de force’’ présente donc une trame narrative très faible, qui ne semble qu’être le compte rendu d’évènements réels même s’ils sont quelque peu invraisemblables.

Intérêt littéraire

Si, dans ‘’L’hiver de force’’, Ducharme négligea «l’écriture d’une aventure», il privilégia au contraire «l’aventure d’une écriture», pour reprendre l’opposition établie par Jean Ricardou pour définir ces oeuvres contemporaines où c'est l'écriture elle-même, bien plus que la vérité, qui engendre le roman. Pour bien apprécier l’ampleur de cette aventure, on peut examiner successivement le lexique, la syntaxe et le style.

LE LEXIQUE

La narration est faite, par André, la plupart du temps dans la langue franco-québécoise populaire qu’on appelle le «joual», mot qui rend la prononciation québécoise du mot «cheval». Ce terme fut lancé dans les années soixante, au début de la «révolution tranquille», par le journaliste André Laurendeau et surtout l’enseignant Jean-Paul Desbiens qui, dans ‘’Les insolences du frère Untel’’ (1960), déplora la mauvaise qualité de la langue parlée et écrite au Québec, «une langue désossée parlée par une race servile». En même temps, beaucoup d'écrivains du Québec, en particulier ceux de la revue ‘’Parti pris’’, commencèrent à utiliser le joual dans leurs romans, leurs pièces de théâtre, leurs chansons. Ducharme rejoignit donc le courant alors dominant au Québec en utilisant le joual, que, dans une note, il définit d’une façon quelque peu fantaisiste : «Jargon montréalais raffiné par le théâtre puis exploité par la chanson et le cinéma québécois» (page 19). Comme, dans la plupart de ces oeuvres, l'action se déroule presque obligatoirement dans un milieu prolétaire, le joual, tout en mettant en valeur un certain réalisme social, en vint à symboliser l'avilissement vécu par le peuple à cause de la domination anglaise dans les domaines politique et économique.
Les traits phonétiques, orthographiques, grammaticaux, lexicaux et syntaxiques, de cette langue s’écartent plus ou moins fortement du français standard. Elle est particulièrement crue et riche en notations graveleuses, mais André se moque de la théorie qui veut qu’elle soit une «langue sauvage, donc indienne» (page 192).

On trouve dans le roman ces mots et expressions du franco-québécois :
- «abîmer» («injurier copieusement») : «l’abîmer comme Pilate dans le Credo» (page 263).
- «à cause que» («parce que») : pages 50, 76, 191, 250, 260.
- «accoter» : - («poser contre») : «accotés sur la clôture» (page 254) - «on accote nos bicycles» (page 261) ;
- («égaler», «tenir tête à») : «on va pouvoir accoter n’importe qui dans n’importe quel quiz» (page 96).
- «s’accoter» : - «s’accoter avec quelqu’un» («s’unir à quelqu’un», «vivre avec quelqu’un sans engagement, voire par intérêt») : «il est bien intéressé à s’accoter avec moi» (page 19) ;
- «s’accoter sur quelqu’un» («s’appuyer») : «Catherine s’est accotée sur nous» (page 241).
- «achaler» («agacer», «contrarier») : «On va l’achaler jusqu’à tant [sic] qu’elle abandonne.» (page 171) - «Les gens n’aiment pas que tu les achales avec tes problèmes» (page 174) - «Nous trouve-t-elle corrects ou achalants? […] si on l’achale elle hallucine, c’est tout.» (page 260).
- «acide» («acide lysergique diéthylamide» ou «LSD») : «trois caps d’acide» (page 194).
- «à c’t’heure» («à cette heure», «maintenant») : archaïsme qui est d’ailleurs mis dans la bouche du père Ferron (pages 138, 139).
- «affaire» («raison», «motif») : «Pas d’affaire» (page 68 : «pas de quoi», «pas de raison») - «on n’a pas d’affaire à payer pour» (page 125) - «elle a eu affaire à nous parler» (page 175) - «Elle n’avait pas d’affairre à avoir peur» (page 280).
- «affaires» («choses») : page 263.
- «agace-pissette» (de l’anglais «prick-teaser», «aguicheuse», «allumeuse») : «C’est tous des crosseurs, des maquereaux puis des agace-pissette » (page 166 ; l’assemblage est étonnant puisque «agace-pissette» désigne des femmes alors que les deux premiers termes désignent des hommes) : page 141.
- «air bête» («méchant») : «une petite Allemande blonde qui a toujours l’air bête» (page 34) - «elle nous fait l’air bête» (page 75) - «notre air bête et maussade» (page 241).
- «aielle» («ait») : «Il n’y a pas de raisons qui justifisent qu’il aielle traité ainsi deux vieillards» (page 110).
- «allable» («où l’on peut aller») : «c’est pas allable» (page 60).
- «all-dressed» («tout garni») : «un hamburger all-dressed» (page 111) qui comporte tout ce qui a été éliminé page 30 : «relish», «moutarde», «oignons», «ketchup» ; inversement, alors que tout le Québec dit «pizza all-dressed», Ducharme s’amuse à parler d’une «pizza tout-habillée» (page 82) !
- «allô» («bonjour» mais ailleurs qu’au téléphone aussi) : «C’est Roger qui dit l’allô.» (page 37) - «Elle nous a dit allô» (page 186).
- «s’amener» («venir», sans connotation péjorative) : «Aux demi-heures il y en a une qui s’amène» (page 55) - «Catherine s’amène» (page 246).
- «en amour» («amoureux») : «être en amour» (page 43).
- «annonce» («message publicitaire») : À la télévision, «le black-out qui annonce les annonces» (page 31) - «Ces annonces sont si mauvaises qu’elles puent» (page 76) - «tournant le bouton à mesure que les annonces surviendront» (page 144) - «l’annonce de Brault et Martineau» (page 154), etc..
- «anyway» (mot anglais : «de toute façon») : pages 43, 67, 71, 125, 163, 271.
- «après» : «se mettre après quelqu’un» («à sa poursuite») : «Les gars se sont mis après moi pour que je leur monte une coopérative.» (page 126).
- «en arracher» («éprouver beaucoup de difficulté») : «Laïnou en arrache avec son beau sauvage» (page 80).
- «arrêtable» («qui peut être arrêté») : page 189.
- «aucuns efforts» (page 255) : on ne tient pas compte du fait qu’«aucuns», «aucunes» ne s’emploient que lorsque le nom qu’ils accompagnent n’a pas de singulier.
- «au plus sacrant» («le plus rapidement possible») : page 72.
- «autant comme autant» («beaucoup») : «Il m’a appris autant comme autant.» (page 133).
- «aux demi-heures» («toutes les demi-heures») : pages 55, 189.
- «bag» («genre», «chose qui intéresse») : «Si vous faites des huiles dans ce bag-là» (page 185) - «c’est pas son bag» (page 194) - «Notre bag, man, c'est le bag vide !» (page 203).
- «Bar-B-Q» («abréviation de ‘’barbecue’’, grillade») : page 102.
- «barré» («fermé à clé») : page 226.
- «bascule» («donner la bascule» : «saisir les bras et les jambes de quelqu’un dont c’est l’anniversaire, et lui faire frapper le sol du postérieur autant de fois qu’il a d’années révolues plus une») : page 186.
- «bavasseux»  («bavards») : «Et pendant que les bavasseux bavassent les vivants vivent la vie que les bavasseux leur ont bavassée en attendant qu’ils leur en bavassent une autre : communiste, fasciste, nudiste» (page 204) - «Quels bavasseux !» (page 263).
- «bec» («baiser») : «on lui a donné des becs» (page 82) - «Viens, cher, que je te donne un bec» (page 262) - «un bon gros bec sur le fouillon» (page 235) - «deux gros becs sur le fouillon» (page 64).
- «beurré» («couvert d’une couche de matière molle») : «tout tachés, beurrés, couverts de ‘’ça’’» (page 145).
- «bicycle» (anglicisme, «bicyclette») : «on accote nos bicycles» (page 261) - «acheter trois bicycles» (page 235) - «les fesses fondent sur les sièges des bicycles» (page 270).
- «bidoux» («argent», «dollars») : «ça coûte des dix vingt piastres, c’est des bidoux !» (page 16) - «les bidoux du Conseil des Arts» (page 16) - «Ils coûtent dans les vingt bidoux chaque» (page 43) - «Les bidoux ça tombe toujours à pic» (page 50) - «nos derniers bidoux» (page 79) - «Les femmes pensent que ce qu’elles ont de plus précieux à te donner, c’est leur cul, les hommes que c’est leurs bidoux.» (page 173 où, en note, Ducharme donne cette définition : «Dollars, contraction populaire de billets doux.», ce qui est évidemment fantaisiste).
- «blasphémer» («proférer des jurons» qui, au Québec, sont nombreux et font toujours référence à la religion) : «Il pissait en blasphémant tout son joual» (page 188).
- «blé d’Inde» («maïs») : «demander au bon Dieu que les corneilles ne mangent pas tout le blé d’Inde» (page 150).
- «bleus» (de l’anglais «blues», «idées noires», «cafard») : page 227.
- «bloc» («tête») : «mal de bloc» (page 70).
- «blonde» («amie de coeur», «amante», «fiancée», quelle que soit la couleur de ses cheveux !) : «sa blonde vient de le sacrer dehors» (page 19).
- «blouse» («chemisier») : «elle n’a pas arrêté de jouer avec les boutons de sa blouse» (page 25) - «les embouchures de sa blouse» (page 36).
- «bomme» (de l’anglais «bum» qu’on trouve pourtant page 37 et qui est la forme la plus couramment employée au Québec : «individu qui travaille le moins possible, et vit de la générosité d’autrui», «jeune déluré, voire délinquant») : «Hé les bommes de Maskinongé !» (page 20) - «ruches à bommes» (page 34) - «les bommes du bout» (page 111) - «des bommes ont craché des morceaux de poumons, pissé, chié» (page 130) - «un petit bomme de l’Accroc que j’ai couché avec par putasserie» (page 133) - «les comtesses passé mûres qui couchent avec des bommes encore verts» (page 250) - «des bommes de luxe» (page 273).
- «bommer» («obtenir en quémandant») : «il nous bomme un drink» (page 95).
- «bonhomme» («terme affectueux») : pages 37, 98, 111, 173, 174, 190, 226.
- «avoir du bon sens» («être acceptable, possible») : «ça n’est pas assez ordinaire pour que ça ait du bon sens» (page 17) - «du linge qui a du bon sens» (page 263).
- «bord» («côté») : «chacun de son bord» (page 57) - «deux silencieux (un de chaque bord) - «de tous bords tous côtés» (page 141, une de ces formules pléonastiques fréquentes au Québec) - «ni d’un bord ni de l’autre» (page 272).
- «bordée» («décharge simultanée») : «Quelle bordée d’euphémismes !» (page 260).
- «boss» («patron») : «O.K. boss !» (page 37).
- «bourse» («sac de femme») : «j’ai oublié ma bourse dans le petit bistrot» (page 207).
- «bout» («coin», «environs de») : «Dans le bout de Ville d’Anjou» (page 60) - «les bommes du bout» (page 111) - «dans le bout d’Outremont» (page 271).
- «broche» («fil de fer») : «la clôture de broche piquante» (page 138) - «les broches de la clôture» (page 276).
- «bûcheron» («être fruste, grossier» ; c’est une injure) : Ducharme lui donna un féminin : «Bûcheronne» (pages 28, 281).
- «ça a besoin» («il faut que») : «ça a besoin d’être bon» (page 16).
- «ça en prend» (anglicisme, «il en faut») : page 16.
- «ça fait que» («de sorte», «c’est pourquoi») : page 16.
- «ça prend» (anglicisme, «il faut») : pages 160, 164.
- «caler» («s’enfoncer») : «Nos cœurs […] calent.» (page 25).
- «calice» («vase sacré où, au cours de la messe, se fait la consécration du vin» ; c’est un juron) : «conne de calice !» (page 195).
- «calicer dehors» («expulser», «mettre à la porte», avec la connotation méprisante du juron qu’est «calice !») : page 83.
- «carculer», déformation de «calculer», qui est placée dans la bouche d’un «ramasseur de bouteilles» (page 72), mais est employée aussi par André : «On carcule» (page 73) !
- «casque de bain» («bonnet de bain») : page 174.
- «casseux de veillée» («qui détruit l’ambiance d’une soirée», «rabat-joie») : André refusant de danser avec Catherine se fait traiter de «casseux de veillée» (page 267).
- «c’est en plein ça» («c’est tout à fait ça») : page 13.
- «chaloupe» : «barque» (dédicace).
- «chambre de bains» (de l’anglais «bathroom» : «salle de bain») : page 76 ; mais l’emploi de ce mot est d’autant plus contestable que, dans cette prétendue «salle de bain», il ne se trouve même pas de baignoire ; se manifeste ainsi l’influence du puritanisme anglo-saxon qui se refuse à donner aux chiottes leur nom, et préfère parler de «rest-rooms» !
- «chandail» («maillot», «T-shirt») : pages 16 («chandail touristique»), 230, 264, 281. Mais, page 225, en parlant d’«un bon gros chandail de laine», Ducharme donna bien au mot le sens qu’il a en français standard : «gros tricot de laine» !
- «change» (anglicisme : «petite monnaie») : «Gardez le change !» (page 221).
- «char» («voiture automobile») : «L’hiver je serre mon char» (page 123) - «parler hockey, chasse, char, millage par gallon de gaz» (page 127) - «le plus beau char» (page 129) - «le char de l’année» (page 143).
- «chicane» («dispute») : «La chicane prend» (page 177) - une «chicane a pris entre Laïnou et deux jeunes intellectuels admirateurs de la Toune» (page 203).
- «se chicaner» («se disputer») : «Catherine se chicane si fort au téléphone» (page 261).
- «chien sale» (injure) : le dentifrice est traité de «chien sale» (page 52) - Pierre Dogan est «un hostie de chien sale» (page 134) - les facteurs sont des «chiens sales» (page 152) - les employés de la compagnie de téléphone sont des «hosties de chiens sales» (page 174) - l’employé de la Si Belle est traité d’«hostie de chien sale» (page 243) - Poulette est une «hostie de chienne sale» (page 251) - «les petits Québécois de la base» ne sont pas «des hosties de chiens sales» (page 257) - Catherine est une «chienne sale» (page 109) quand elle se laisse tripoter par Louis Caron, et elle a écrit une «lettre d’adieu d’hostie de chienne sale» (page 280).
- «chopine» («mesure de capacité pour les liquides valant 0,568 litre») : «trois chopines de térébenthine» (page 244).
- «se choquer» («se fâcher») : «Choquez-vous pas !» (page 139) - «McPherson […] se choque, baisse la tête, fonce sur nous» (page 271).
- «Christ» (juron) : le «Maudit Christ» que profère Catherine (page 259).
- «en Christ» («grandement») : «On va baisser vite en Christ dans son estime si on se met à bouder à cause qu’elle est de mauvaise humeur» (page 260).
- «chum» («ami de coeur», «amoureux», «copain») : se dit plutôt d’un homme, mais on trouve : «ma plus grande chum» (page 42).
- «cochon» (adjectif) :
- («méchant») : «ça aurait été trop cochon de ne pas avoir l’air de partager sa joie» (page 17) ;
- «vicieux») : «’’Le blé en herbe’’ […] C’est cochon» (page 31) - «farces cochonnes» (page 227).
- «cœur de pomme» («trognon») : «poubelles bourrées de cœurs de pommes» (page 61).
- «colon» («défricheur», «premier occupant d’une de ces ‘’terres de colonisation’’, attribuées lors de la crise économique des années trente par le gouvernement dans des zones lointaines, pour favoriser un retour à la terre») : «On va leur en faire des “colons”» (page 185), menace Catherine, qui reproche aux Français, qui n’y sont évidemment pour rien, cette injure qui se profère entre Québécois !
- «compléter» (anglicisme, «terminer») : «Nicole se dépêche de terminer ses croquis pour me les montrer. Je me hâte de compléter les miens pour qu’elle me dise comment elle les trouve.» (page 174).
- «coqueron» («petit local») : «le coqueron (pas plus grand que la table qui le meuble)» (page 60).
- «correct» - («d’accord?») : «Correct comme ça, man?» (page 45) ;
- («bien», «tout à fait») : «On s’est fait arranger correct.» (page 59) - «on se trouvait corrects» (page 255) - «Nicole si correcte !» (page 281).
- «couple» («deux choses de même espèce») : «une couple de fois» (page 175) - «une couple de minutes… ou d’heures» (page 261) - «une couple» [de robes] (page 264).
- «Cour du Banc de la Reine» («Court of Queen’s Bench», tribunal supérieur) : page 243.
- «Cré nom» (juron qui est la réduction de «sacré nom » [de Dieu]») : page 139.
- «creux» («profond») : «si c’est pas assez creux pour eux, on va creuser.» (page 33).
- «croche» («tordu», «de travers») : «On avance tout croche» (page 260).
- «crosseur» : - («masturbateur») : «Nous sommes tous des masturbateurs, des crosseurs» (page 114) ;
- («salaud», «qui joue de mauvais tours») : «C’est tous des crosseurs, des maquereaux puis des agace-pissette !» (page 166).
- «crotté» («sale», «pauvre») : le «gros tas de braves petits crottés qui forment l’humanité» (page 13) - «faire corps avec les crottés» (page 22) - «deux crottés» (page 46) - «il a fallu qu’on tète les crottés de toutes les boutiques» (page 109) - «te faire regretter d’être un crotté, de ne pas faire partie d’une ligue de bowling, d’être pris pour passer tes soirées avachi devant la T.V.» (page 117) - «Si tu ne marches pas pas à pas, tu passes pour un crotté» (page 221) - page 255.
- «couper un prix» (de l’anglais «to cut» : «le réduire») : page 40.
- «cute» (Ducharme donna une note fantaisiste : «Quioute : charmant, mignon, joli, poétique, trop too much» ; seuls les trois premiers mots conviennent) : page 229.
- «débarquer» : - («sortir d’un véhicule») : «Le métro […] Quand on en a eu assez on a débarqué» (page 30) - «l’autobus 51 […] On a débarqué» (page 81) - «elle débarquait où ça lui tentait» (page 228) ;
- («se dégager», «s’écarter») : «Je vais débarquer» (page 141) dit Catherine voulant quitter la «fausse mauvaise conscience» - «on peut naître dans un milieu con pourvu qu’on s’en aperçoive puis qu’on débarque» (page 228).
- «débarrer» («ouvrir une porte») : page 180.
- «se débarrer» («se libérer sexuellement») : «quand je vais me débarrer, y a pas personne dans l’État du Québec qui pourra dire qu’il a pas passé sur moi !» (page 242).
- «décoller» («partir au plus vite») : «Quand c’est l’heure du lunch ou du coffee-break, on ramasse nos petits puis on décolle» (page 62) - «Si t’es pas venu ici pour avoir du fonne, décolle, laisse la place aux autres.» (page 63).
- «de fou» («exagéré») : «des prix de fou» (page 19).
- «dégêner» («mettre à l’aise») : page 139.
- «de quoi» («quelque chose») : «faire de quoi» (pages 56, 73, 167, 198) - «tout ce qu’elle fait qui ressemble à de quoi» (page 139) - «quand qu’on décide de quoi» (page 140) - «voir s’il y a de quoi dedans» (page 152) - «quand elle a de quoi à dire» (page 175).
- «ne pas dérougir» («ne pas cesser» ; s’est dit d’abord du téléphone de la standardiste dont tous les voyants rouges étaient allumés) : «On n’a pas dérougi, injure sur injure» (page 63).
- «de tous bords tous côtés» («de partout») : page 141.
- «dézipper» («ouvrir la fermeture éclair») : devant les amours des adolescents dans le film ‘’Le blé qui lève’’, «on se prépare à se dézipper» (page 31), à baisser la fermeture éclair du pantalon pour se masturber, tandis que Michèle Morgan, dans ‘’Les yeux cernés’’, est «si grande dame» qu’elle ne donne pas envie de «se dézipper» (page 76).
- «diable» : - «il fait noir comme chez le diable» (page 273) ;
- «pas le diable» («pas beaucoup») : «ça ne swinge pas le diable» (page 25).
- «diguer» (de l’anglais «to dig», «aimer», «apprécier») : «vous allez le diguer» (page 18) - «Je la digue bien» (page 134).
- «dormable» («qui permet de dormir») : «À deux heures de l’après-midi ce n’est pas dormable.» (page 68).
- «dur» : - («très») : «On était choqués dur» (page 163) - «Elle dort trop dur» (page 277).
- «faire dur» («paraître maladroit») : «Ma grammaire underground fait dur» (page 194).
- «écoeurant» («honteux», «ignoble») : «Ça aurait été écoeurant d’abîmer une perle pareille» (page 111).
- «s’effoirer» («s’écraser», «s’affaisser») : «Je peux pas m’effoirer comme une grosse nouille conne !» (page 234).
- «embarquer» : - monter dans un véhicule (page 229), sur le trottoir (page 174), entrer dans une cabine téléphonique (page 241) ;
- faire monter dans un véhicule : «Le curé de Notre-Dame nous embarque» (page 262) - «personne ne va vouloir nous embarquer» (page 282) ;
- engager : dans un parti (page 68), dans une «mascarade» (page 264) ;
- «embarquer sur le dos de quelqu’un» («être sur le dos de quelqu’un», «l’attaquer») : «Personne ne perd jamais une occasion de t’embarquer sur le dos» (page 161).
- «envoyer» («y aller») : «Envoie !» (page 249) - «envoie donc !» (pages 147, 264) - «Qu’ils envoient fort» (page 166).
- «épais» («imbécile») : les hommes politiques «sont contents que nous restions épais comme nous sommes» (page 14) - «en téteux épais ravis et confus» (page 21) - «deux crottés, épais» (page 46) - «une bande d’épais» (page 61) - «on était les épais» (page 71) - «c’est pas de notre faute si on est nés épais» (page 125) - «Es-tu assez sans bon sens, donc, épais» (page 145) - «des épais envieux» (page 159) - «on est épais hein?» (page 159) - «avoir l’air aussi épais qu’on l’est réellement» (page 247) - «trop épais pour être bilingues» (page 251) - «on est trop épais...» (page 256).
- «face» («visage») : «il ne reconnaîtrait même plus vos faces» (page 20) - une horloge est «une grosse face noire» (page 35) - le «billet de 20» laissé par Catherine, «on l’a trouvé comme une claque dans la face» (page 120) - «sa face de grosse conne chiante» (page 226) - la «face craquelée» de Poulette (page 250).
- «faire» («aller» pour un vêtement, pour un accessoire) : «Je cours acheter d’autres verres fumés […] J’espère qu’ils vont lui faire.» (page 226).
- «farce» : - («plaisanterie») : pages 14, 15, 22, 23, 43, 65, 177, 266 ;
- «faire des farces» («rire») : page 180 ;
- «sans farce» («sérieusement») : page 116.
- «se fermer» («se taire») : page 205.
- «fesser» («frapper» : ce serait le vieux verbe «fescer» qui signifiait «frapper avec des faisceaux de verges») : André commande à l’orage : «fesse plus fort» (page 272).
- «final bâton !» («C’est terminé !») : page 271.
- «flatter» («caresser» un être humain) : pages 150, 259.
- «flau» («enfant», on écrit aussi «flo», «flot», «flow», le mot venant de l’anglais «fellow») : «des enfants (des stails, des flaux)» (page 130).
- «flipper» («s’exciter») : «Hier elle flippait à cause qu'elle était high» (page 24) - «Les amours d’adolescents c’est bien flippant» (page 31) - «ça m’a fait flipper» (page 84) - «Rare Earth, Grateful Death [sic], Led Zeppelin les font flipper» (page 146) - «On la fait certainement ‘’flipper’’ ou ‘’halluciner’’» (page 260).
- «fonne» (de l’anglais «fun», «plaisir») : pages 60, 69, 71, 73, 142, 143, 246 («on va se faire du fonne»), 263 («des affaires le fonne») ;
- «fonne noir» («grand plaisir») : pages 60, 69, 71, 73, 124, 136, 154, 157, 240.
- «se forcer le cul» («se donner du mal», «faire des efforts») : «Pas d’affaire à tant se forcer le cul pour vivre.» (page 68) - «Dire qu'il y a un Pied-Noir que ça lui forçait le cul, cet hostie- là, pour nous offrir $5 !» (page 110).
- «fort» («alcool fort») : «on boit du fort» (page 16).
- «fouillon» («groin», «bouche») : «deux gros becs sur le fouillon» (page 64) - «un gros bec sur le fouillon» (page 235).
- «fourrer» : - «pénétrer sexuellement : «elle a bien de la misère à se faire fourrer gratis» (page 66) - «Je la digue bien mais j’aime mieux fourrer le plancher» (page 134) - «fourrer tranquille leur petite femme» (page 142) - «Je sais pas comment Poulette a fait pour se laisser fourrer par ça» (page 227) ;
- «tromper», «berner» : «faisons-nous fourrer» (page 36) - «fourrer le public» (page 62) - «se faire fourrer» (page 111) - «les gens gentils, tout le monde les fourre, nous les premiers» (page 115) - «ils essaient tous de le fourrer» (page 147) - «À force de te faire fourrer tu deviens comme fataliste […] Après t’être bien fait fourrer, tu te sens comme mieux.» (page 158).
- «frais» («prétentieux») : «Ginette […] fait sa fraîche» (page 53) - «Roger fait son frais» (page 71) - «elle fait sa fraîche» (page 75) - «regarder les fraîches comme elle se fendre en quatre pour nous faire plaisir» (page 122) - Catherine «a le goût de faire un peu sa fraîche» (page 263).
- «frigidaire» («réfrigérateur») : page 55.
- «Fuck !» : juron très vulgaire en anglais («Baise !»), mais utilisé couramment au Québec dans le sens de «merde !» ; il revient régulièrement : pages 21, 24, 27, 32, 35, 42, 52, 61, 68 («égréner notre chapelet de fucks»), 79, 171, 248, 260, 278.
- «fucké» (de l’anglais «fucked» [«baisé»]) :
- «bizarre» : «sous-ministre qui est un gars fucké» (page 18) ;
- «perdu», «confus» : «ça l’a toute fuckée» (page 43) - «Je suis trop fuckée» (page 197) - «Je suis toute fuckée» (page 223) - «je suis fuckée. Fuckée fuckée fuckée !» (page 234).
- «fucker» («perturber», «détruire») : «ça fucke mon cosmos» (page 194).
- «gager» («présumer», «supposer») : «je gage» (pages 179, 191), formule très courante au Québec.
- «gallon» («mesure de capacité égale à 4,54 litres au Canada») : «millage par gallon de gaz» (page 127) - «trois gallons de peinture» (page 244) - «les gallons de gin-and-tonic» (page 257).
- «gang» (mot anglais : «bande», «groupe») : «on est pas de leur gang» (page 75).
- «garrocher» («lancer») : «des enfants […] ont lancé (pitché, garroché) des bouteilles» (page 130).
- «gâté-pourri» (redondance usuelle) : «des gâtés-pourris-crasse» (page 113) ;
- «gaz» : - («essence») : «millage par gallon de gaz» (page 127) ;
- («pédale d’accélération») : «il a pesé assez fort sur le gaz» (page 43).
- «avoir le goût» («désirer», «aimer», «vouloir») : pages 229, 263, 267 où, après «Je n’ai vraiment pas le goût», André ajoute «comme on dit», ce qui prouve qu’il connaît bien les différences entre le franco-québécois et le français standard.
- «goûter» («sentir») : «le jus de tomate que ça goûte» (page 74) - «ça goûte si bon» (page 253).
- «grand-visite» (forme archaïque qui subsiste aussi dans «grand-mère», «grand-messe», «grand-peine», «grand-rue», «grand-tante», «grand-voile») : page 138.
- «groove» («humeur») : «il n’y a rien pour la mettre dans le groove comme quelques bonnes sniffées de hasch» (page 194).
- «grouiller» («se dépêcher») : page 53.
- «guili» (terme affectueux) : page 189.
- «gyproc» («placoplâtre» dont on fait les cloisons) : page 77.
- «hostie» («petite rondelle de pain de froment utilisée dans le culte chrétien», sens qui n’apparaît dans le livre que lorsqu’il est question du compteur électrique dont «la roue dentée [est] mince comme une hostie» (page 238), tandis que partout ailleurs le terme est un juron («hostie de sacrement» [page 68]) ou une injure significatifs de l’emprise que la religion avait au Québec) ; l’injure est appliquée à :
- des êtres humains : «C’est tous des jaloux, ces hosties-là» (épigraphe) - «Ils veulent bien nous voler, ces hosties-là» (page 36) - «La petite blonde bêcheuse […], cette hostie-là.» (page 52) - «mon hostie d’énergumène» (page 60) désigne la secrétaire de l’’’Imprimerie Mondiale’’- «cette hostie-là» (page 75) désigne Catherine - «On va la [Catherine] forcer, l’hostie !» (page 171) - «ces hosties-là» désignent les «hairdressers» (page 208) - les «petits Québécois de la base» ne sont pas «des hosties de chiens sales» (page 257) - McPherson est «un hostie de chien sale» (page 271) -Poulette est, pour les Ferron, une «vieille hostie pourrite» (page 275) ;
- des choses : «un hostie de coup» (page 69) - «On fourre nos hosties de pieds dans des hosties de plats» (pages 83-84) - «les cheveux […] je les rase, les hosties» (page 111) - «le téléphone (on va pourtant finir par lui faire son affaire, cet hostie-là» (page 114) - les «petites hosties de chaloupes» de McPherson (page 271) - «l’hostie de lettre sale» de Catherine (page 279) - «sa lettre d’adieu d’hostie de chienne sale» (page 280).
- «hot dog» («sandwich chaud fait d’une saucisse de Francfort servie dans un petit pain» ; au Québec, on traduit parfois pas «chien-chaud») : pages 30, 35, 192.
- «immature» (mot anglais, «qui manque de maturité») : page 123.
- «insécure» (mot anglais, «qui souffre d’insécurité») : page 123.
- «itou» («aussi») : page 193.
- «jaser» («bavarder») : page 188.
- «jasette» («bavardage», «causette») : page 188.
- «job» : - «travail» : «la job qu’elle a faite» (page 60) - «une job de 400 pages» (page 63) ;
- «emploi» : «une grosse job dans la publicité» (page 20) - «une job payante» (pages 21, 51) - «La seule chose AU MONDE à quoi on tenait vraiment, tu le sais : c’était notre job» (page 162) ;
- «faire une job au chat» (page 189 : «l’abattre»).
- «joual» («cheval», «terme utilisé pour désigner la langue québécoise populaire», que, dans une note, Ducharme définit ainsi : «Jargon montréalais raffiné par le théâtre puis exploité par la chanson et le cinéma québécois» [page 19]) : aussi pages 188, 192.
- «justifise» (au lieu de «justifie», comme pour éviter un hiatus) : «Il n’y a pas de raisons qui justifisent qu’il aielle traité ainsi deux vieillards» (page 110).
- «kétaine» («démodé», «désuet») : page 105.
- «ketchup» («sauce à base de tomates, légèrement vinaigrée et sucrée») : page 30.
- «kodak» («nom d’une marque d’appareils photographiques», «appareil photographique») : pages 34, 180.
- «laisser faire» («ne pas tenir compte», «ne pas agir») : «on laisse faire la marde» (page 37).
- «linge» («vêtements») : page 263.
- «loger un appel» («téléphoner», anglicisme traduisant «to lodge a call») : «elle qui avait pris la peine de loger un appel interurbain» (page 17).
- «longuette» («jupe à mi-mollet») : pages 264, 275.
- «lot» (mot anglais, «grande quantité») : «mes points noirs […] j’en avais un lot.» (page 163).
- «lumière» : - «ampoule de lampe électrique» : «lumières Sylvania» (page 35) - «les gens éteignent leurs lumières à neuf heures» (page 243) ;
- «feu de circulation» : «Boulevard Saint-Laurent, la lumière est rouge.» (page 53).
- «luncheonette» («petit restaurant à l’intérieur d’un grand magasin») : «la waitress de la luncheonette» (page 111).
- «machine» : automobile (dédicace).
- «magané» («abîmé») : «Je ne suis pas trop laide? Pas trop maganée» (page 250).
- «magasiner» («courir les magasins», «faire des courses, des emplettes» ; en France, on dit : «faire du shopping» !) : page 174.
- «mal pris» («en difficulté») : «des chiens mal pris» (page 237).
- «man !» («homme») : interpellation qui scande les propos de Catherine (pages 22, 45, 59, 263), mais est reprise aussi avec insistance par les Ferron (pages 77-78, 193).
- «maquereau» («coureur de jupons» et non «proxénète» comme en France) : pages 132, 166.
- «marde» («merde») : «vaut pas de la marde» (page 17, «ne vaut rien») - «on laisse faire la marde» (page 37) - «manche da marde» (page 78, prononciation de «mange de la merde») - «Marsil était leur soleil de marde» (page 113) - «manche donc un char de marde» (page 177) - «on est tous dans la marde» (page 203) ;
- «maringouin» («moustique») : pages 237, 245, 249.
- «masse» - «en masse» («en grande quantité») : «avec encore en masse de tigre dans notre réservoir» (page 69).
- «maturer» («mûrir») : page 263.
- «maxi» («manteau long») : pages 82, 264.
- «M.C.» («maître de cérémonie») : page 266.
- «le méchant» («la nocivité») : «le méchant de tout l’alcool qu’elle a bu lui est monté au visage.» (page 268).
- «meeting» («réunion», «rencontre») : «Ici, on fait un gros meeting, c’est le bordel» (page 147).
- «meilleur» : - «notre meilleur» (de l’anglais «our best») : «le summum» ;
- «dans le meilleur» («au mieux») : page 68.
- «mêlant» («confondant», «compliqué») : «Ce n’est pas mêlant» (page 60, «c’est certain» - «je vous l’assure»).
- «mercerie» («magasin de vêtements pour hommes») : la «mercerie unisexe» de l’île Bizard (page 263).
- «millage» («nombre de milles parcourus) : «millage par gallon de gaz» (page 127).
- «mille» («mesure de longueur valant 1609 mètres») : pages 60, 120, 203, 257.
- «minoune» («chatte», «terme d’affection utilisé envers les enfants et les femmes») : page 95.
- «misère» ; «avoir de la misère» («avoir du mal») : «elle a bien de la misère à se faire fourrer gratis» (page 66) - «deux mots qui ont déjà de la misère à souffler !» (page 111).
- «moins quart» («moins le quart») : page 45.
- «monde» («les gens») : «écoeurer le monde» (page 71) - «aller toute seule voir le monde» (page 141) - «Tout le monde me déçoit […] Ils disent tous qu’ils aiment.» (page 166 où, quelques lignes plus bas, le mot a son sens habituel : «Ils sentent qu’ils sont prêts à virer le monde à l’envers») ;
- «comme du monde» («comme tout le monde») : «forcée d’aimer enfin… comme du monde» (page 86) - «je suis à pied comme du monde» (page 224) - «Je veux qu’on prenne l’autobus, comme du monde» (page 225).
- «montre» (le mot est expliqué par ce qui le suit : «vitrine» ; on dit le plus souvent «salle de montre», traduction de «show-room») : page 192.
- «mouiller» («pleuvoir») : «Il va mouiller» (page 271) - «ça mouille si dru, si gros, si lourd que ça remplit nos canettes» (page 272).
- «mourant» («qui fait mourir de rire») : page 99.
- «napkin» (mot anglais, «serviette en papier») : page 240.
- «niaiser» : - «ne rien faire», «perdre son temps», «glander») : «j’ai niaisé deux heures et demie» (page 25) - «Qu’ils niaisent» (page 68) ;
- «dire des niaiseries» : Laïnou déclare à propos des intellectuels engagés : «Laisse-les niaiser tout seuls», mais André commente : «C’est elle qui avait niaisé le plus» (page 204).
- «niaiseux» («niais», «imbécile») : «’’Grand niaiseux !’’ s’écrie Nicole.» (pages 31, 184, 249) - «on s’est sentis si […] niaiseux» (page 73) - «le style niaiseux de tout le reste de notre vie» (page 280).
- «noir» («très») : «fonne noir» (voir plus haut) - «fâché noir» (pages 248, 249).
- «noirceur» («obscurité») : page 282.
- «O.K. là?» («question qui sollicite l’assentiment, et contient la menace de représailles s’il n’est pas donné») : pages 49, 173, 189, 214.
- «once» («mesure de capacité correspondant à cinq millilitre») : page 225.
- «ordre» («commande» au restaurant) : «deux ordres de patates frites» (page 30) - «un ordre de bonnes toasts molles» (page 123).
- «pagée» («partie d’une clôture entre deux piquets» ; on dirait «traverse», «section» ou «traversine» en français standard) : «Ça a fini que j’ai fauché cinq pagées de clôture» (page 131).
- «papier sablé» («papier émeri») : «sa peau comme du papier sablé» (page 132).
- «pareil» (l’adjectif est utilisé à la place de l’adverbe «pareillement», signifie aussi «quand même») : «On a rappelé pareil» (page 148) - «je-vais-t’aimer-pareil» (page 262) ; dans «Les récoeurements attendent les rexaltations et les même espoirs suivent les déceptions pareilles» (page 255), le mot «pareilles» devrait s’écrire «pareil», mais l’éditeur français n’a pas compris l’usage franco-québécois, et a cru devoir rectifier !
- «partable» («qu’on peut faire partir, enlever») : la peinture «quand ça prend dans les cheveux, c’est plus partable.» (page 246).
- «parterre» («pré», «pâturage») : page 137.
- «partir à rire» («se mettre à rire», «s’esclaffer») : «C’est là qu’elle part à rire» (page 22).
- «passer au feu» («brûler», «être incendié») : «Les fils ont un peu passé au feu» (page 110).
- «passer tout droit» («ne pas être remarqué») : page 127.
- «pas pour rire» («sérieusement») : «Vous l’aimez pas pour rire votre Petit Pois» (page 175).
- «patate» («pomme de terre») : «patates frites» (pages 30, 35) - «la Patate Dorée» (page 239).
- «pâté chinois» («bœuf haché, maïs, pomme de terre en purée, superposés dans cet ordre, le plat étant cuit au four») : page 265.
- «peaker» (de l’anglais «to peak», «jeter un coup d’oeil») : «Elle vient voir de temps en temps […] si nous sommes plus avancés qu’elle. Elle appelle ça ‘’peaker’’.» (page 245).
- «peinturer» («recouvrir de peinture un mur, un meuble, etc.») : les Ferron ont peinturé leurs meubles (page 59), envisagent de «peinturer psychédélique» le «réservoir d’huile de chaufage» (page 238), se lancent dans «l’aventure de peinturer» en blanc la cuisine, la chambre à coucher et le «vivoir» du chalet (page 245).
- «pelé» («épluché») : «tomates pelées» (page 223).
- «pep» (mot anglais : «entrain») : «Pour se donner du pep» (page 68).
- «pepsi» («qualificatif péjoratif donné aux Québécois parce qu’ils se différencient des autres Nord-Américains par la préférence qu’ils accordent à Pepsi-Cola plutôt qu’à Coca-Cola») : page 105.
- «peser» («appuyer») : «il a pesé assez fort sur le gaz» (page 43) - «il faut peser pour qu’on ne lève pas» (page 219).
- «péter» («se casser») : «La TV est pétée» (page 163).
- «petites culottes» («culotte», le pluriel étant tout à fait injustifié) : «je n’ai jamais rien vu de moins sexy que ses petites culottes» (page 26) - «elle twiste en petites culottes roses transparentes» (page 55) - la maîtresse des Ferron et de Roger avait lu ‘’Trente arpents’’ «quatorze fois de suite les culottes mouillées» (page 71) - Au chalet, pour «peinturer», Catherine est habillée «en petites culottes» (page 246).
- «piastre» («dollar») : pages 16, 17, 261.
- «pied» («mesure de longueur correspondant à trente-trois centimètres») : pages 240, 273
- «pilou» (terme affectueux) : page 189.
- «pissant» («qui fait tellement rire qu’on en urine sur soi») : page 105.
- «pitcher» (de l’anglais «to pitch», «lancer») : «des enfants […] ont lancé (pitché, garroché) des bouteilles» (page 130).
- «piton» («bouton d’un appareil», «commande d’un appareil») : page 124.
- «place» (mot anglais, «endroit») : «aller à quarante-deux places» (page 23) - «l’Accroc […] la place correcte pour fêter ça» (page 186) - «une place où ils vendent du linge» (page 263).
- «platte», féminin de «plat» qui est un archaïsme («plattes rimes» [fin du XVe siècle], «les plus plattes raisons» chez Montaigne, les différentes rivières Platte de l’Ouest américain) : «vie platte» (pages 15, 163) - «farces plattes» (pages 35, 157) - «lettres plattes» (pages 95, 280) - «heure matutinale fuckante platte» (page 123) - «haie de chèvrefeuille rasée platte» (page 191) - «job platte» (page 205) - «affaires […] bien plattes» (page 224) - «histoires [...] plattes» (page 270) ; mais on trouve aussi des masculins : «c’est moins platte» (page 134) - «Le fonne, c’est platte» (page 169) ; mais Ducharme n’utilise pas toujours cette orthographe : «journée plate» (page 213) !
- «p’lote» («femme en termes sexuels» ; le mot est généralement orthographié «plotte») : «je suis comme toutes les autres, une femme, une peau, une p’lote, l’amour-toujours-l’amour» (page 76) - «Une p’lote c’est l’amour, de tous bords tous côtés» (page 141) - «le genre de p’lotes qu’ils peuvent emmener dans un motel» (page 227) - «Je suis une p’lote» (page 242).
- «plus pire» (alors que «pire» est déjà un superlatif) : page 173.
- «pochetée» («grande quantité») : Marsil sort des films «à la pochetée» (page 113).
- «poké» (de l’anglais «to poke» [«donner un coup»] : «abîmé», «amoché») : «Je ne suis pas trop laide? Pas trop […] pokée» (pages 250, 251).
- «poser un geste» («commettre un acte») : «chaque geste qu’elle pose» (page 242).
- «pour» : «être pour faire quelque chose» («être sur le point de faire quelque chose») : pages 192, 233, 261, 269.
- «pourrite» («pourrie) : «la vieille hostie pourrite» (page 275).
- «prélart» («linoléum») : «rouler sur le prélart» (page 24) - «Les gouttes […] glissent douces jusqu’au prélart» (page 48).
- «prendre» - «ça prend» («il faut») : «ça nous prend de bons correcteurs.» (page 64) ;
- («accepter une idée») : «’’Tout le monde’’, c’est trop, je peux pas le prendre» (page 213) - «Ça te mortifie d’être moins belle […] ? T’es pas capable de le prendre, hein?» (page 214) - «C’est tout ce que mon caractère susceptible peut prendre» (page 267).
- «prendre pour acquis» (de l’anglais «to take for granted», «considérer comme allant de soi») : «Elle a pris ça pour acquis une fois pour toutes» (page 256).
- «presse» («nécessité de se hâter») : «il n’y a pas de presse» (page 123).
- «puis» à la place de «et» : «au coin de Rachel puis de Saint-Urbain» (page 175) ; cet emploi est constant dans le livre.
- «puse» (au lieu de «pue», comme pour éviter un hiatus) : «on puse» (page 145).
- «en queue de chemise» («habillé très légèrement») : «courir jusqu’au village en queue de chemise» (page 234).
- «raboudineur» («rapiéceur», «raccommodeur») : «C’est un raboudineur de films antispectateurs» (page 113).
- «radio», l’appareil, est, au Québec, masculin : «notre radio […] on lui a prêté» (page 31) ; cependant, page 158, il est question de «la belle radio que nous a donnée la belle Toune» ; tandis que, plus loin dans la même phrase, on envisage d’«aller le vendre» !
- «ramasser ses petits» («quitter un endroit», l’expression s’expliquant par le grand nombre d’enfants qu’on avait autrefois au Québec) : «Quand c’est l’heure du lunch ou du coffee-break, on ramasse nos petits puis on décolle» (page 62).
- «se ramasser» («se retrouver») : «On s’est ramassé au Honey Dew» (page 30) - «une grande torpedo […] se ramasse dans les dunes.» (pages 31- 32) - «on va se ramasser à l’hôpital» (pages 47-48) - «On s’est ramassés chez Laïnou» (page 188) - «on se ramasse à Pointe-Claire» (page 265).
- «relish» («légumes marinés et hachés dont on garnit hot-dogs et hamburgers») : «Pas de relish» (page 30) - «un hamburger all-dressed pas de relish» (page 111).
- «ressortir» : «ressortir sur la tête» («être violemment expulsé») : page 158.
- «revirer» : «se faire revirer» («mal recevoir», «renvoyer») : «c’est par elles [les secrétaires] qu’on se fait revirer» (page 126).
- «rezipper» («fermer la fermeture éclair») : page 161.
- «ricaneux» («qui aime rire» mais sans méchanceté) : Nicole est «une ricaneuse» (page 136).
- «rise» (au lieu de «rie», comme pour éviter un hiatus) : «il faut qu’on rise» [«on rie»] : page 264.
- «roche» («caillou») : «une grosse roche» qu’on met «dans le sac de barda de G.I. de Catherine» (page 271).
- «roffe» (de l’anglais «rough» : «dur», «rude») : page 172.
- «sacrement» («très», «beaucoup») : «On fait sacrement bien de perdre tout le temps qu’on peut.» (page 255).
- «sacrer» : - («jurer») : «ça nous a révoltés, fait sacrer, fait maudire» (page 140) ;
- («jeter») : «elle sacre tout dans la poubelle» (page 128) ;
- «sacrer dehors» («mettre à la porte», «chasser de chez soi») : «sa blonde vient de le sacrer dehors» (page 19) - page 148 ;
- «sacrer là» («laisser») : «Je voudrais sacrer tout ça là» (page 127) ;
- «sacrer son camp» («partir», «foutre le camp») : «si elle n’était pas ‘’obligée’’ de le faire elle sacrerait son camp» (page 44) ;
- «sacrer un coup de pied» («donner un violent coup de pied») : page 206 ;
- «s’en sacrer» («ne pas s’en soucier», «s’en foutre») : «au fond elle s’en sacre» (page 25) - «on s’en sacre» (pages 26, 180) - «Quant aux sentiments des clients, tout le monde s’en sacre» (page 55) - «on s’en sacre, ça nous est catégoriquement égal» (page 189) - «je m’en sacre» (page 264).
- «salon double» («deux pièces ouvertes l’une sur l’autre, et dont l’une est souvent utilisée comme salle à manger») : page 33.
- «sans bon sens» («idiot») : «Es-tu assez sans bon sens, donc, épais» (page 145).
- «saut» : «faire un saut» («sursauter») : «On fait un gros saut quand Roger […] nous interpelle.» (page 20).
- «sauvages» (nom donné naguère aux Amérindiens) : «son beau sauvage» (page 80).
- «sauver» («épargner») : «Ça sauve du temps et de l’argent» (page 54).
- «scotch-tape» (mot anglais : «papier collant») : page 17.
- «scrap» (mot anglais : «rebut», «ferraille») : «un ramasseur de scrap» (page 235).
- «scrappé» («démoli») : «J’ai scrappé ma Mustang» (page 224) ; le doublement du «p» est injustifié.
- «seineuse» («prostituée») : Ginette est traitée de «seineuse» (page 54).
- «serrer» («ranger», mot aujourd’hui vieilli en ce sens dans le français standard [on le trouve chez Molière, Hugo, Péguy]) : «les oeillets […] on les serre dans le frigidaire» (page 71) - «L’hiver je serre mon char» (page 123).
- «shaké» (anglicisme : «secoué») : «elle est encore toute shakée par les mauvaises vibrations» (page 194).
- «show» (mot anglais : «spectacle») : pages 227, 244.
- «sièges des bicycles» («selles») : page 270.
- «sipper» (de l’anglais «to sip» : «boire à petites gorgées») : page 41.
- «skidoo» («motoneige», «scooter des neiges») : page 271.
- «sniffée» (anglicisme : «reniflement») : «il n’y a rien pour la mettre dans le groove comme quelques bonnes sniffées de hasch» (page 194).
- «soûlon» («ivrogne») : page 271.
- «stail» («enfant») : «des enfants (des stails, des flaux)» (page 130) ; on devrait plutôt avoir «stag», petit du chevreuil en anglais ;
- «sur» : - par traduction de l’anglais «on» : «sur l’assurance-chômage» (page 137) ; «sur la Côte Sainte-Catherine» (page 174) ;
- «sur le pouce» («en faisant de l’auto-stop») : «aller à Maskinongé sur le pouce» (page 19) - «On décide de voyager sur le pouce, c’est si excitant.» (page 262) - «On va retourner à Montréal sur le pouce» (page 282).
- «swinger» («être animé» ; l’orthographe habituelle est «swinguer») : «ça ne swinge pas le diable» (page 25) - «comment ça a swingé avec Poulette» (page 257).
- «tabagie» («marchand de tabac» mais aussi de journaux et de livres populaires) : «la tabagie Reynald-Perrreault» (page 142).
- «tabarnak» (déformation de «tabernacle» qui est un juron) : page 179.
- «tataouiner» («hésiter», «tergiverser») : Nicole «tataouine les leviers» de la voiture (page 136), Ducharme donnant au mot plutôt le sens de «tâter en hésitant».
- «T-bone» («côte à l’os») : pages 128, 209, 265.
- «T-shirt» («chemise en forme de T») : pages 225, 241, 264, 271.
- «temps» : «grand temps» («beaucoup de temps») : page 72.
- «téter» («solliciter», «quémander») : «il a fallu qu’on tète les crottés de toutes les boutiques» (page 109).
- «téteux» («profiteur», «quémandeur») : «en téteux épais ravis et confus» (page 21) - «deux crottés, épais, téteux» (page 46) - «téteux hypocrites» (page 59) - «on s’est sentis si […] téteux» (page 73) - «elle nous prend pour des téteux» (page 121) - «deux têteux comme nous» (page 176) - «les pauvres aspirants artisans téteux d’artistes» (page 192).
- le préfixe «ti» (diminutif de «petit») qu’on trouve dans «ti-gars» (page 137), «tizenfants» (page 212), «ti-coeur» (page 227) ; qui est souvent employé pour désigner des hommes : «Ti-Man (Herman)» (page 137).
- «ticket» («contravention») : pages 67, 104 (Roger déclare : «Les tickets c’est avec eux que je me torche !»), 135, 155.
- «tite» (diminutif de «petite») : «une tite poulette» (page 82) - «ma tite Colline» (page 144).
- «toast» est féminin : «bonnes toasts molles» (page 123) - «Quelles bonnes toasts !» (page 270).
- «toffe» (de l’anglais «tough», «solide», «dur», «résistant») : page 172.
- «toffer» (de l’anglais «to tough», «tenir bon», «affronter», «endurer», «résister», «passer au travers») : «on va toffer en attendant que ça passe» (page 24) - «on va les toffer» (pages 33, 173) - «toffer jusqu’à ce qu’il n’en [de l’argent] reste plus.» (page 50) - «On les a toffés» (page 73) - «si ça continue on ne pourra plus les toffer» (page 213).
- «tomate» («dollar») : «Vingt-cinq tomates» (page 64).
- «topless» («aux seins nus») : «deux danseuses topless» (page 54).
- «toune» (à la fois «jeune fille qui a de l’embonpoint» et, de l’anglais «tune», «air de musique populaire», «chanson») : surnom donné à Catherine à partir de la page 28.
- «toute seule de fille» («seule femme au milieu d’hommes») : page 25.
- «troudku» (prononciation de «trou de cul» : «pauvre», «indigent» «minable») : le désassujettissement des troudkus comme nous» (page 123) - «Pour qui vous prenez-vous? Pour des troudkus?» (page 265).
- «vaser» («faire du verbiage») : page 161.
- «s’en venir» («arriver») : «ça s’en vient» (page 48).
- «verres» («lunettes») : page 250 ;
- «verres fumés» (pages 226, 241) : «lunettes de soleil» ; on lit aussi : «lunettes fumées» (pages 243, 250).
- «virer» («tourner) :
- «virer de bord» («changer de direction») : pages 25, 30, 37, 199 ; («éconduire») : «nous que tant d’agences de publicité ont virés de bord» : page 185 ;
- «virer à l’envers» («retourner») : page 166 ;
- «virer les frais» («téléphoner en P.C.V.») : page 17.
- «vivoir» : «c’est-à-dire un living-room» (page 33) - «le salon, aussi appelé vivoir et living» (page 244) ; le mot est employé presque exclusivement au Québec.
- «avoir son voyage» («en avoir plus qu’assez», «être dépassé par la situation», l’expression pouvant avoir son origine dans ce que disait la personne dont les bras étaient suffisamment chargés de bûches à transporter du bûcher à la maison) : «je commence à avoir mon voyage» (pages 23, 148) - «Quand elle aura son voyage, elle raccrochera» (page 157) - «Ah on a notre voyage» (page 213).
- «wagonnette» («petite camionnette fermée») : page 67.
- «waitress» («serveuse») : «On a dit à la waitress ce qu’on voulait.» (page 30) - «La waitress pose la facture sur le comptoir» (page 35) - «La waitress n’a pas le temps d’encaisser» (page 36) - «la waitress de la luncheonette» (page 111).
- «zigonner» («bouger dans tous les sens») : Nicole «zigonne les pédales» (page 136) - «Zigonne, zigonne : c’est clair : la serrure a été remplacée.» (page 180).
- «zigonnage» («hésitation», «tergiversation») : «Pas de zigonnage» (page 66).
- «zipper» («fermeture éclair») : page 161.

Ducharme épingle le «joual d'élite» des usagers de «la Contre-Culture de Consommation», la C.C.C.» (page 194), langage farci d'expressions anglaises mis à la mode par une certaine bourgeoisie d'artistes et d'intellectuels. On trouve ainsi des mots et expressions anglais, qui ne sont pas d’usage courant au Québec, que, non sans ironie, il a mis surtout dans la bouche de Catherine, qui est nationaliste, mais aussi sous la plume d’André qui, pourtant, se récrie : «Parler en anglais ! Nous ! Tout est perdu ! Même l’honneur !» (page 42) ; qui dit au chauffeur de taxi : «Gardez le change !» («Gardez la monnaie !»), anglicisme notoire ; qui, aussitôt après, remarque la présence dans l’aéroport de «comptoirs d’information» [il voudrait «renseignements»] (page 221). Quand Poulette raconte en anglais ce qui arrive à Roger, les Ferron préfèrent aller brûler les herbes.

On peut, de ces mots et expressions anglais, faire ce relevé :
- «afro-look» («coiffure d’allure africaine») : «l’afro-look de Reinette DuHamel» (page 104).
- «all that stuffy stuff» («tous ces machin-trucs», pléonasme qui insiste sur l’accumulation) : page 72.
- «and» («et») : «Raide and dur» (page 45).
- «and all that drag» («et tout ce qui s’ensuit» - «et tout le tralala») : page 250.
- «And I don’t have to remind you what happened to the girl who always listened to her mother !» («Et je n’ai pas besoin de vous rappeler ce qui arriva à la fille qui écoutait toujours sa mère !») : page 270.
- «bad trip» («expérience de drogue qui tourne mal») : «ce soir elle était down à cause qu'elle faisait un bad trip» (page 24) - «elle a fait des bad trips» (page 194) ; mais le mot est employé aussi en son sens premier : «Elle a rapporté de son mauvais voyage (bad trip)» (page 223) : il s’agit du voyage en France.
- «ban-the-bomb» («bannissez la bombe» [nucléaire]) : page 263.
- «The Barefoot Countessa» (page 77) : ‘’La comtesse aux pieds nus’ ’.
- «beach-bum» («jeune homme qui exerce sa séduction sur les plages») : «j’ai flirté avec un beach-bum» (page 207).
- «beat» (en note, Ducharme indiqua : «Tempo») : «faut qu’on se cache dans les toilettes pour retrouver notre beat» (page 147).
- «beatnik» («à la façon des jeunes Américains en révolte contre le conformisme bourgeois et la société de consommation, qui vivaient d’expédients, sans domicile fixe) : «Elle s’habillait le plus beatnick qu’elle pouvait» page 228.
- «beauty-parlour» («institut de beauté») : page 208.
- «bedroom» («chambre à coucher») : page 77.
- «black-out» («écran noir») : «le black-out en étoile qui annonce les annonces» (page 31).
- «bowling» («jeu de quilles sur piste») : page 117.
- «branchy-branch» (dans une note, Ducharme traduisit l’expression inconnue par ailleurs par «cache-cache») : page 233.
- «brew» («brassage de la bière») :
- «péter de la brew» (page 127 où, dans une note fantaisiste, Ducharme indiqua : «Prononcer ‘’brou’’, anglicisme, sens propre : l’écume (de la bière), sens ici : parler avec passion (en postillonnant)», alors que l’expression signifie plutôt «se vanter», et qu’on trouve plutôt l’orthographe «broue».
- «bum» («individu qui travaille le moins possible, vit de la générosité d’autrui», «voyou») : page 37.
- «bungalow» («petit pavillon simple en rez-de-chaussée») : page 236.
- «business» («affaires») : «on parle business avec elle» (page 65).
- «business-college» («école de commerce») : pages 57, 176.
- «business lunch» («repas d’affaires») : page 212.
- «bye-bye» («au revoir») : pages 39, 175.
- «cap» («capsule») : «trois caps d’acide» (page 194).
- «cartoon» («dessin animé») : pages 21, 179 («le style cartoons : avec des dialogues en bulles et tout»).
- «cheap» («médiocre», «minable», «mesquin») : «La politique, on trouvait ça cheap» (page 203)
- «cheap and heavy» qui est traduit de façon fantaisiste par «grazéviskeux» (page 203).
- «cigar» dont l’orthographe n’est pas respectée dans «United Cigare Store» (page 30).
- «close-up» («gros plan») : page 31.
- «coffee-break» («pause-café») : page 61.
- «Coke» («marque déposée par The Coca-Cola Company pour désigner le Coca-Cola en Amérique du Nord et dans certains pays européens») : pages 61, 231.
- «cold-cream» («crème froide», «crème pour la peau obtenue par émulsion d’eau [ou d’eau de rose] dans un mélange de blanc de baleine, cire d’abeille et huile d’amandes douces») : «la couche quotidienne de cold-cream» que se met Laïnou (page 131).
- «computer» («ordinateur») : «je suis pas un computer IBM» (page 148).
- «crackers» («craquelins») : page 41.
- «crooner» («chanteur de charme») : «un crooner que les petites Québécoises osent adorer uniquement parce qu’elles le trouvent gentil» (page 105) - le «crooner Engelbert Humperdinck» (page 266).
- «dill pickles» : «Cornichons marinés à l’aneth» (note page 128).
- «dining-room» («salle à manger») : page 77.
- «don’t call us we’ll call you» («ne nous appelez pas nous vous appellerons») : page 126.
- «doorman» («portier») : page 265.
- «down» («abattu», «déprimé») : «ce soir elle était down à cause qu'elle faisait un bad trip» (page 24) - le «gros down épouvantable que traverse son gros bébé» (page 148) - «J’étais tellement down» (page 234).
- «drink» («verre d’alcool») : «il nous bomme un drink» (page 95).
- «Dutch Elm Disease» («maladie de l’orme hollandais», «graphiose de l’orme», une maladie fongique vraisemblablement d’origine asiatique) : page 238.
- «fan» («admirateur») : «on a fait nos fans et on l’a interviewée» (page 26).
- «fast-back» («voiture à arrière profilé») : pages 34, 48.
- «Feeling good was good enough for me and Bobby MacGee» (page 212), phrase d’une chanson de Janis Joplin qui est traduite littéralement en note par Ducharme : «Se sentir bien c’était bien assez pour moi et pour Bobby MacGee».
- «filler tablet» : page 94 où figure la traduction «paquet de feuilles de rechange».
- «flash» : - («information») : la vedette qu’est Catherine donne «quelques bons flashes» (page 26) ;
- («vision») : «C’est sur le hasch qu’elle a les meilleurs flashes» (page 194).
- «FLOWER POWER» («pouvoir des fleurs») : page 156.
- «french kiss» («baiser profond», «baiser avec la langue», «baiser florentin») : page 179.
- «freak» («personne extravagante», «drogué») : page 84 - «The Unsinkable Freaks» (page 140) - page 159 - «C’est un freak, speedy, les yeux pleins de courts-circuits» (page 195).
- «front-right» («en avant, à droite») : «le rond ‘’front-right’’ du poêle électrique» (page 27).
- «Game Park» («Réserve faunique») : «Matopos Game Park» (page 244).
- «G.I.» («government issue», «soldat de l’armée états-unienne») : page 271.
- «goaler» («gardien de but») : page 161.
- «grilled-cheese» (Ducharme indiqua en note : «Sandwich au fromage, grillé avec le fromage dedans» (note page 128).
- «hairdressers» («coiffeurs) : page 208.
- «hamburger steak» («sandwich chaud constitué d’un bifteck haché servi dans un pain rond») : page 265.
- «happy few» («les quelques privilégiés») : page 76.
- «hasch» («haschisch») : page 194.
- «Hatred gets you high !» (page 63) : «La haine vous excite !»
- «Health» qui est suivi immédiatement de sa traduction : «Santé», le titre de la publication ‘’Health-Sant钒 étant significatif du bilinguisme qui s’impose au Québec (page 109).
- «heavy» («lourd», «trop appuyé», «ennuyeux») : «nos singeries. C’est trop heavy» (page 125) - «Soyez pas si heavy» (page 148) - «on est rendus trop heavy pour qu’il nous porte» (page 176) - «La politique, on trouvait ça cheap and heavy» (page 203) ;
- «heavy feelings» («émotions, sensations, sentiments intenses et négatifs», «mauvaises vibrations») : Ducharme donne en note cette traduction : «sentiments grazéviskeux» (page 42).
- «Hell’s Angels» («Anges de l’enfer») : nom d’une organisation de motards (page 175).
- ‘’Hey Jude’’, chanson des Beatles, dont est citée et traduite, fragment par fragment (les vers ne sont pas respectés) la troisième strophe, traduction d’abord à peu près correcte mais qui déraille à la fin, Ducharme ayant alors voulu faire rimer ses propres vers : «‘’And any time you feel the pain Les jours où ça te fait trop mal - Hey Jude refrain Hé Jude laisse faire - Don't carry the world Prends pas l’univers - Upon your shoulders Sur tes épaules - For well you know Tu le sais bien - That it's a fool c’est un crétin. - Who plays it cool À marcher droit - By making his world Il rend son chemin - A little colder De plus en plus étroit…» (pages 82-83).
- «high» («excité», «exalté») : «Hier elle flippait à cause qu'elle était high» (page 24).
- «hit» («succès») : pages 175, 266 ;
- «hit parade» («palmarès des meilleures ventes dans le domaine des disques de variétés») : «trois chansons du hit-parade» (page 55) - «le hit parade de CJMS» (page 104).
- «hot dog» («sandwich chaud fait d’une saucisse de Francfort servie dans un petit pain») : pages 30, 35, 192, 271.
- «hyde-a-bed» (en fait, «hide-a-bed», qui est traduit dans le texte même : «divan [qui] cache un lit» [page 33]) : pages 27, 33, 46.
- «ice-box» («glacière») : page 164.
- «ice-cream» («crème glacée») : page 231 ; cet emploi du mot anglais est d’autant plus étonnant qu’au Québec on dit : «crème glacée».
- «I don’t see your point !» est traduit littéralement : «Je ne vois pas votre point !» (page 252).
- «I have a feeling that Ougi knows that I know, you know» (une traduction ironiquement littérale fut donnée en note par Ducharme : «J’ai un sentiment qu’il sait que je sais, tu sais?») : page 251.
- «illustrated» («illustrés») : page 143.
- «It made our brains reel» (une traduction fantaisiste et ironique suit immédiatement : «ça fit nos cerveaux tourner comme des toupies» (page 105) alors que «cela m’a tourné la tête» conviendrait mieux.
- «It’s totally irrelevant !» (page 252) est traduit de façon fantaisiste par «Ce n’est totalement pas révélateur !» alors que «ça n’a vraiment rien à voir» conviendrait mieux.
- «I want to get off !» (dans une note, Ducharme traduisit de façon fantaisiste : «Arrêtez la terre, je veux descendre.» alors que «Je veux descendre» suffirait) : page 166.
- «jumbo» («gros», «géant») : «jumbo-bateau garanti tout confort» (page 13) - «jumbo jets» (page 198).
- «kitchen» («cuisine») : page 77.
- «Last time !» («La dernière fois !») : page 180.
- «lazy-boy» (littéralement «garçon paresseux», «fauteuil inclinable») : page 227.
- «leatherette» («similicuir») : page 24.
- «let me go» («laisse-moi aller») : page 267.
- «Linen finish writing pad» (la traduction suit : «tablette à écrire fini toile») : page 217.
- «living-room» («salon») : page 77 ; Ducharme donne aussi ailleurs la traduction qui eut cours pendant une période au Québec : «vivoir».
- «LSD» («lysergic acid diéthylamide», drogue) : «Elle digère mal son LSD» (page 194).
- «lunch» («repas léger pris au milieu de la journée») : page 61.
- «make-up» («maquillage») : page 250.
- «man !» («homme !») : interpellation qui scande les propos de Catherine (pages 22, 45, 59, 113, 186), mais est reprise aussi par les Ferron (page 77).
- «might as well… can’t dance» («aussi bien le faire puisque je ne peux danser») : page 69.
- «mind» («esprit») : «donner plus que quinze pour cent de mon mind» (page 148 où, en note, Ducharme indiqua : «Attention et esprit», ce qui n’a vraiment pas grand-chose à voir !).
- «mood» («humeur», «disposition») : pages 42, 50.
- «milk-shake» («lait frappé et aromatisé) : page 192.
- «nervous breakdown» («crise nerveuse») : page 224.
- «Nine weeks, three days […] fourteen hours and seven minutes» (page 77) : «Neuf semaines, trois jours […] quatorze heures et sept minutes».
- «No can do» («ne peux rien faire» en mauvais anglais) : page 224.
- «No money !» («Pas d’argent !») : page 177.
- «no-parking» («zone de stationnement interdit») : page 135.
- «old-favorite» («préféré depuis longtemps») : page 154.
- «one-man show» («spectacle de variété centré sur une vedette») : page 63.
- «on-manual» («allumé - fonctionnement manuel») : page 40.
- «paperbacks» («livres brochés») ;
- «paperbacks for adults» (page 143) : «revues pornographiques».
- «passed-out» (en note, l’auteur indiqua : «Évanouie») : «je suis à moitié passed-out !» (page 147).
- «Pay !» («Payez !») : page 177.
- «peace and love» («paix et amour», devise employée comme signe de reconnaissance par les hippies dans les années 1960) : pages 156, 263.
- «peanuts» (arachides) ;
- «pick-up» («tourne-disques») : page 31.
- «Please !» («S’il vous plaît !») : page 177.
- «pocket-books» («livres de poche») : page 30.
- «poster» («affiche») : page 244.
- «product» («produit») : les «nouvelles, ce product» (page 72) - «l’horoscope, ce product» (page 73) - «l’humanité ! Quel product !» (page 207).
- «punk» («voyou») : «Elle me traite de con, de freak et de punk» (page 156).
- «quiz» («jeu-concours de questions») : page 96.
- «ready and eager» (dans une note, Ducharme donna cette traduction approximative : «Prêt et pressé.») : page 166.
- «’’Release Me’’» (dans une note, Ducharme donna cette traduction fantaisiste : «Fous-moi la paix», alors que «Lâche-moi» conviendrait mieux) : page 266.
- «right-on» («dans le vent») : la «boutique Right-On» (page 263).
- «rush» («urgence») : page 67.
- «scoop» («nouvelle exclusive») : page 188.
- «scotch-tape» («papier collant») : page 17.
- «sharp» : - («intelligent», «malin») : page 22 ;
- («original», «joli», «au goût du jour») : «me laisser pousser la barbe, ça serait plus ‘’sharp’’ (plus viril que ‘’cute’’)» (page 256).
- «sketch-book» («carnet à croquis») : page 177.
- «slack» («pantalon») : «slacks à pattes d’éléphant» (page 16).
- «smoked-meat» («Sandwich à la viande fumée cawchère» indiqua Ducharme dans une note) : page 127 ;
- «smoked-meat-bars» («restaurants où l’on sert du smoked-meat») : page 124.
- «snack» («repas léger») : pages 21, 72 ;
- «snack-bar» («restaurant où l’on sert des repas légers») : «ce snack-bar étroit comme un corridor» (page 123) - «quelque petit snack-bar de Sainte-Geneviève» (page 253).
- «Something like that» («Quelque chose comme ça») : page 152.
- «Sorry !» («Désolé !») : page 177.
- «special deliveries» («livraisons spéciales») : page 97.
- «speedy» («vif», «rapide») : «C’est un freak, speedy, les yeux pleins de courts-circuits» (page 195).
- «square-lipped» («aux lèvres carrées») : page 244.
- «Stand by !» («Attendez !») : page 185.
- «steak» («bifteck») : page 35.
- «stone» («sous l’influence de la drogue») : pages 194, 250.
- «stove» («poêle») : page 164.
- «stuffy stuff» («machin truc») : «all that stuffy stuff» (page 72) - «Enough of that stuffy stuff !» (page 147).
- «Surf’n Turf» (jeu de mots qu’on pourrait traduire par «mer et golf», qui est le nom d’une chaîne de restaurants où l’on sert du poisson et de la viande) : «le surf’n turf : des lingots de filet dans une enceinte de langoustines morts-nées au gratin» (page 265).
- «theme-song» («chanson principale d’un film») : page 40.
- «the shit s’gonna hit the fan» (Ducharme, soudain réservé, prétend que l’expression est «trop vulgaire pour souffrir la traduction», qui est : «la merde va frapper les pales du ventilateur» ; comme elle va ainsi se répandre partout, l’expression s’emploie pour indiquer qu’une situation déjà difficile sera encore plus compliquée) : page 213.
-«toaster» («toasteur») : page 27.
- «too much» («trop») : «trop too much» (pléonasme plaisant) : pages 185, 228, 229, 255.
- «topless» («aux seins nus») : «deux danseuses topless» (page 54).
- «trust» («fiducie») : page 227.
- «unsinkable» («insubmersible») : «The Unsinkable Freaks» (page 140).
- «U. S. patent» (aux États-Unis, enregistrement des objets en vente dans le commerce) : page 156.
- «vacuum» (pour l’anglais «vacuum cleaner», «aspirateur») : «un vrai vide, un qui aspire, un vacuum» (page 181).
- «Wake up !» («Réveillez-vous !») : page 51.
- «Watch your step» («Attention à la marche») : page 230.
- «What do you want?» («Qu’est-ce que vous voulez?») : page 243.
- «What is the matter?» (Duchame donna en note une idiote traduction littérale : «Qu’est-ce que la matière?» (page 252) ; il faudrait plutôt : «Qu’est-ce qu’il y a?»
- «White» («blanc») : page 244.
- «wet kleenex» («personne émotive») : page 71.
- «Wow !» (interjection qui marque l’étonnement, l’enthousiasme, l’admiration) : pages 166, 173.
- «YIELD» («Cédez le passage») : page 61.
- «You know… Maybe you don’t know… Maybe you’re just another continuous flow of unconsciousness…» («Vous savez… Peut-être ne savez-vous pas… Peut-être n’êtes-vous qu’un autre continuel flot d’inconscience…» ) : page 206 ; c’est une moquerie à l’égard du fameux «stream of consciousness» de Joyce, Virginia Woolf et William Faulkner.
- «young business executive» («jeune femme d’affaires») : page 128.
- «You pay you stay ! You no pay you go !» (dans une note, Ducharme donna une traduction littérale : «Tu pais tu restes. Tu paies pas tu t’en vas.») : page 180.

On remarque aussi des recours :
- au latin : «minus habens» («ayant moins», ce qui désigne un individu incapable ou peu intelligent) : page 164 - «sursum corda» («élevez vos cœurs», expression latine qui désigne le dialogue d’ouverture de la préface de la prière eucharistique ou anaphore dans certaines liturgies d’églises chrétiennes) : page 168 - «hosanna» («cri de triomphe») : page 172.
- à l’allemand : «winkelzüge» («esquive», mais Ducharme propose «zigonnage» !) : page 66 - «grosser Lärm» («grand tapage» ; c’est le titre d’un texte de Kafka) : pages 70, 84.
- à l’espagnol : «huevon» (augmentatif de «huevo», «œuf», donc «testicule», le mot désigne un macho) : page 38 - «entradas domesticas» («entrée de service») : page 106 - «momentito» («un petit moment» : page 241.

De nombreux emprunts sont faits aussi au français familier, sinon à l’argot :
- «affaire» : - «faire son affaire à quelqu’un ou quelque chose» («détruire», «tuer») : «le téléphone (on va pourtant finir par lui faire son affaire)» : page 114 ;
- «l’affaire est dans le sac» («elle ne peut échouer») : page 212.
- «à la barbe de quelqu’un» («devant lui», «à sa vue», «sans se cacher de lui») : «à la barbe de Roger Degrandpré» (page 23).
- «anar» (diminutif d’«anarchiste», «qui veut éliminer de la société tout pouvoir disposant d’un pouvoir de contrainte sur l’individu») : page 203.
- «à qui mieux mieux» («à l’envi», «en cherchant à l’emporter sur d’autres») : page 104.
- «bâcler» («faire un travail à la hâte et sans soin») : page 43.
- «baiser» («avoir avec une femme une relation sexuelle») : page 132.
- «bander» («avoir une érection») : «quand je vais jusqu’à ‘’bander’’ et ‘’fourrer’’» (page 75) ; mais Ducharme attribue aussi ce phénomène à des femmes : «les fraîches […] ça bande rien qu’avec les grosses légumes» (page 122).
- «barda» («équipement du soldat») : Catherine porte un «sac de barda de G.I.» (page 271).
- «barder» («devenir dangereux», «prendre une tournure violente») : «ça bardait» (page 202).
- «bêcheur» («prétentieux», «snob») : «la petite blonde bêcheuse» (pages 34, 48, 52) - les actrices italiennes Lucia Bose et Cosetta Greco «ne sont pas bêcheuses» (page 76).
- «bête à manger du foin» («idiot, stupide» par analogie avec un animal) : page 252.
- «bistrot» («café», «restaurant modeste») : page 207.
- «bois» : - «montrer de quel bois on se chauffe» («montrer ce dont on est capable» [en matière de défense, etc.]) : page 173.
- «bordel» («grand désordre») : «Ici, on fait un gros meeting, c’est le bordel» (page 147).
- «ne pas bouger d’un poil» («ne pas bouger du tout») : page 161.
- «en boucher un coin» («remplir d’étonnement») : page 173.
- «boule» («tête») : «On perd la boule» (page 38).
- «bruit de friture» («par analogie avec le bruit produit quand on frit un aliment, le grésillement qui se produits par moments dans les transmissions radiophoniques ou téléphoniques») : page 229.
- «capito?» («compris?» en italien) : page 214.
- «carabiné» («fort», «violent») : «dépression carabinée» (page 32).
- «casser sa pipe» («mourir») : «Marta Toren, qui a cassé exprès sa pipe» (page 117).
- «se chamailler» («se quereller bruyamment pour des raisons futiles») : André avoue : «Je suis trop gauche pour me chamailler» mais Catherine veut simplement s’amuser ; le terme est donc plutôt impropre (page 185).
- «chaude lapine» (d’habitude, on désigne par l’expression «chaud lapin» «un homme porté aux plaisirs sexuels») : «la chaude lapine qu’elle [Catherine] se vante tant d’être» (page 247).
- «chiant» («qui ennuie, contrarie, embête») : «conne chiante de Cannes» (pages 225, 235).
- «chipie» («femme acariâtre, difficile à vivre») : Catherine est traitée de «chipie» (page 28).
- «chouette» («jolie») : page 175.
- «cinglé» («fou») : «Un vrai cinglé !» (page 19).
- «clapet» («bouche») : «fermer son clapet» («se taire») : «T’es mieux de boucler ton clapet» (page 59) est donné en exemple de dialogue de film «post-synchronisé en argot de Paris».
- «clouer le bec à quelqu’un» («le faire taire par intimidation, argumentation») : page 270.
- «coffrer» («emprisonner») : page 210.
- «collant» («personne dont on ne peut se débarasser») : «on a fait bien attention de ne pas se montrer aussi collants qu’on l’est tout naturellement» (page 146).
- «con» («imbécile», «idiot») : pages 18, 22, 65, 113, 131, 159, 180, 185, 132, 209, 225 et 235, 227, 268 surtout où l’injure est adressée par Catherine à André.
- «corniaud («imbécile», «sot»») : «Pauvres corniauds» dit Laïnou aux Ferrron (page 131).
- «couleurs» : «en faire voir à quelqu’un de toutes les couleurs» («lui faire supporter toutes sortes de choses désagréables») : page 243.
- «courir pattes aux fesses» («courir si vite que les pieds toucheraient les fesses») : page 53.
- «crâner» («affecter la bravoure, le courage, la décision») : page 42.
- «crasse» («grossier», «lourd») : «des gâtés-pourris-crasse» (page 113) ;
- «cul» : - le postérieur : «Leur gloire je l’ai de travers dans le cul..» (page 17) ;
- l’activité sexuelle : «Le cul c’est pas un incendie» (page 211) ;
- «film de cul» («film érotique», «film pornographique») : page 14 ;
- «mon cul», expression de mépris (héritée de la Zazie de Queneau?) : «Province de Québec, mon cul !» (page 108) - «Rappelez mon cul» (page 148) ;
- «faire cul sec» («boire d’un seul coup le contenu d’un verre de manière à sécher le fond») : Au ‘’Café 79’’, «chacun règle en quatre cul sec le cas de ses bouteilles» (page 54).
- «débander» («perdre son érection») : «tu aurais débandé» (page 139) - «c’est à celui qui te fait débander le plus vite !» (page 166)
- «débandant» (pages 75, 132).
- «déblatérer» («parler longtemps et avec violence contre quelqu’un, quelque chose») : page 252.
- «se défoncer» («atteindre en se droguant un état d’ivresse hallucinatoire») : «se défoncer avec rien qu’une pincée de hasch» (page 25).
- «se dégonfler» («manquer de courage au moment d’agir») : pages 18, 70.
- «dégueulasse» («sale», «répugnant») : pages 114, 132.
- «donner du fil à retordre» («donner des difficultés», «susciter des embarras») : «Tout ce qu’il lui donne c’est du fil à retordre» (page 80).
- «drelin» («onomatopée évoquant le bruit d’une clochette, d’une sonnette», dont Ducharme fit un nom») : page 38.
- «s’écraser» («s’affaler») : page 212.
- «s’emmerder» («s’embêter», «s’ennuyer») : Catherine «avait l’air résigné d’une condamnée à s’emmerder» (page 25).
- «engueuler» («adresser des injures, une vive réprimande») : pages 65, 111, 207, 233.
- «engueuler comme du poisson pourri» («accabler d’injures») : page 129.
- «enguirlander» («réprimander») : page 149.
- «estomac» : - «avoir de l’estomac» («faire preuve de courage, de hardiesse, d’audace») : «Comme un soldat qui a de l’estomac et qui ne se dégonfle pas !» (page 154).
- «états» : - «être dans tous ses états» («être affolé», «être agité») : «Dans ‘’tous les états’’ qu’elle est elle apprécierait qu’on la laisse un peu toute seule.» (page 235) ;
- «se mettre dans tous ses états» : «Petit Pois se mettait dans tous ses états de bonne samaritaine» (page 129) ; Ducharme ne donna donc pas à l’expression son sens habituel.
- «se fendre» («donner», «offrir») : «elle s’est fendue de ses plus obscènes confidences» (page 45) - «Claude Jasmin […] se fendait [d’un compliment]» (page 150).
- «se fendre en quatre» («faire tout son possible» - «se dépenser sans réserve») : «se fendre en quatre pour nous faire plaisir» (page 122) - «ceux qu’on ne peut pas avoir, on se fend en quatre pour leur plaire.» (page 210).
- «fermer sa gueule» («se taire») : pages 21, 65.
- «feu» - «avoir le feu au derrière, au cul, quelque part» («avoir des besoins sexuels intenses») : «Reinette Hamel avait tellement le feu quelque part qu’il fallait qu’elle se retienne pour ne pas défoncer le toit et partir en orbite.» (page 105).
- «fifrelin» («sou») : page 110.
- «foirer» («échouer lamentablement») : pages 140, 212.
- «fourrer» («mettre», «placer») : «ils fourrent les correcteurs dans le coqueron» (page 60) - «fourrer le nez dans l’afro-look» (page 104).
- «foutre» («faire») : page 214.
- «fric» («argent») : pages 18, 65.
- «froid aux yeux» : «ne pas avoir froid aux yeux» : «ne pas avoir peur») : page 264.
- «gaga» («gâteux») : «on devient gagas tous les trois» (page 211).
- «galipette» («cabriole», «culbute») : page 182.
- «se gargariser» («se rincer l’arrière-bouche, la gorge, avec de l’eau ou un liquide médicamenteux» ; de là , «se délecter», «savourer») : page 103.
- «grands chevaux» : - «monter sur ses grands chevaux» («parler avec autorité, prétention») : «Une fois montée sur les grands chevaux de toutes les carrières et professions qu'elle doit mener de front, elle n'est pas stoppable.» (page 119) - «montée sur ses grands chevaux, pédante» (page 249).
- «grosse légume» («personnage important, détenant des responsabilités de haut niveau») : «elle aime mieux faire corps avec les crottés qu’avec les grosses légumes» (page 22) - «les fraîches […] ça bande rien qu’avec les grosses légumes» (page 122) ; ces deux phrases sont de beaux exemples de cette fusion du joual et de l’argot français que réalisa Ducharme.
- «se grouiller» («se dépêcher») : page 23.
- «guili-guili» : «faire guili-guili» («chatouiller») : page 25.
- «guilleret» («gai», «folâtre») : page 174.
- «harpie» («femme méchante, acariâtre») : «je crie comme une harpie» (page 235).
- «hasch» («haschich», «chanvre indien» qui est une drogue) : page 25.
- «juteuse» («qui salive») : page 51.
- «lambiner» : - «agir avec une lenteur, une mollesse excessives») : «ils ne pourront pas dire qu’on a lambiné» (page 70)
- «louvoyer, tergiverser» (page 164) : «En revenant, on lambine encore plus» (page 254).
- «lèche» («action de flatter servilement») : page 214.
- «lécher le cul» («flatter servilement») : page 113.
- «loufoque» («fou») : pages 199, 220.
- «louper» («manquer») : «vous trouveriez ça con de louper tout ce beau soleil» (page 84).
- «macchabée» («mort») : page 40.
- «macédoine» («mets composé d’un mélange de légumes ou de fruits») : page 144.
- «marre» : - «en avoir marre» («être excédé») : «Y en a marre de Pierre Dogan» (page 132).
- «se marrer» («s’amuser», «rire») : «Vous me faites marrer !» (page 204).
- «mec» («homme») : «Tous les mecs ont lu Cendrars après Miller.» (page 211) - «le mec qui a fait le montage» (page 213).
- «menottes» («petites mains») : page 278.
- «se mettre à dos quelqu’un» («rendre quelqu’un hostile à notre égard») : page 66.
- «se mettre quelque chose» (sous-entendu : «au cul») : «où on se la met, leur petite culture» (page 185).
- «morpionner» (de «morpion», pou du pubis qui cause d’irritantes démangeaisons : «se gâter», «se détériorer», «tourner mal») : «Qu’est-ce que c’est que nous faisons qui a fini par morpionner complètement notre affaire?» (page 15) - «On se prépare à se dézipper en priant le bon Dieu que ça ne se morpionne pas.» (page 31) - «Tout se morpionne» (page 120) - «ça s’est morpionné» (page 188).
- «navet» («œuvre d’art sans valeur») : page 147.
- «nouille» («personne sans énergie») : «vieille nouille», donné en exemple de dialogue de film «post-synchronisé en argot de Paris» (page 59) - «je peux pas m’effoirer comme une grosse nouille conne !» (page 234).
- «œufs de Pâques» («confiserie en forme d’œuf, en chocolat ou en sucre, qu’on offre à l’occasion de Pâques») : page 267.
- «par-dessus la jambe» (en fait, on dit habituellement «traiter quelqu’un par-dessous la jambe», «sans aucun égard») : page 33.
- «parigot» (familièrement : «parisien») : «Maurice Chevalier […] son accent parigot» (page 144).
- «pas piqué des vers» («remarquable», «parfait») : «des ‘’idées’’ pas piquées des vers» (page 62).
- «paumé» («perdu») : page 18.
- «payer rubis sur l’ongle» («payer comptant et jusqu’au dernier sou») : page 265 où l’expression est tout à fait inadéquate puisqu’il s’agit de deux dollars de pourboire !
- «se payer la tête de quelqu’un» («se moquer de lui») : page 267.
- «peloter» («caresser», «toucher indiscrètement et sensuellement le corps de quelqu’un») : «il essayait de peloter Nicole» (page 197).
- «perdre la boule» («devenir fou», «s’affoler», «déraisonner») : page 280.
- «perdre la carte» («se troubler, s’embrouiller dans ses idées») : page 38.
- «petits souliers» - «être dans ses petits souliers» («être mal à l’aise», «avoir une impression d’inconfort») : Catherine «se met dans nos petits souliers» (page 22).
- «picoler» («boire de l’alcool») : «Il arrête pas de picoler» (page 18).
- «pige» («mode de rémunération d’un journaliste, d’un rédacteur, d’un correcteur, rétribué à la ligne, à l’article») : «Nous nous enorgueillissons d'être à la pige.» (pages 50-51).
- «piger» («comprendre») : «ils pigent» (page 18) ; en franco-québécois, «piger» signifie «prendre au hasard».
- «pique-assiette» («profiteur, qui se fait partout inviter, qui s’impose à l’heure du repas») : page 202.
- «piston» («appui, protection, recommandation qui décide d’une nomination d’un avancement») :
- «coup de piston» (page 50) ;
- «pistonner» (pages 20, 64).
- «pot de colle» («accrocheur», «importun», «raseur») : page 72.
- «poteau» («où l’on attache un condamné pour le fusiller») : «Au poteau !» (page 110).
- «pouces» : - «se mordre les pouces» («se repentir d’une chose qu’on a faite») : page 103 ;
- «se tourner les pouces» («ne rien faire», les mains croisées et les pouces tournant l’un autour de l’autre indiquant l’oisiveté) : page 51.
- «poufiasse» («prostituée», «femme vulgaire ou ridicule») : page 28.
- «perdre les pédales» («ne plus arriver à suivre un raisonnement, une discussion») : page 280.
- «prendre ses jambes à son cou» («courir très vite») : page 76.
- «prise de bec» («dispute», «altercation») : page 261.
- «putasserie» («action abjecte», «conduite analogue à celle d’une prostituée») : «un petit bomme de l’Accroc que j’ai couché avec par putasserie.» (page 133).
- «quéquette» («pénis») : «Grosse Corvette, tite quéquette» (page 176).
- «queue de poisson» : «finir en queue de poisson» («se terminer brusquement, sans donner les résultats attendus») : page 140.
- «râclée» («volée de coups») : «une râclée du joyeux calvaire» (page 63).
- «raffoler» («aimer à la folie», «avoir un goût très vif») : page 43.
- «ramener sa fraise» («arriver de nouveau», «revenir») : «Le képi des ‘’special deliveries’’ a ramené sa fraise» (page 99).
- «se rebiffer» («refuser avec vivacité et aigreur de se laisser mener, humilier») : page 214.
- «rendu» («devenu») : «te v’là rendu rond comme une boule» (page 137).
- «requin» («personne cupide et impitoyable en affaires») : «les requins» de la mythologie de Laïnou (page 18) - «deux requins de Famous Players» (page 127).
- «requinquer» («redonner des forces») : page 81.
- «rigoler» («rire») : page 271.
- «rouspéter» («protester») : page 103.
- «salope» («injure adressée à une femme qu’on méprise pour sa conduite») : page 281.
- «seriner» («répéter continuellement une chose à quelqu’un») : page 68.
- «snober» («traiter quelqu’un de haut, le mépriser, l’éviter par snobisme») : «Les gens qu’on peut avoir, on les snobbe» (page 210) ; pourquoi Ducharme a-t-il doublé le «b»?
- «taloche» («gifle») : «sa voix dure […] une vraie taloche» (page 159).
- «se taper» («consommer») : «se taper des Bloody Mary» (page 16) - «me taper un bon film» (page 213) - «Ça t’écoeure de pas pouvoir te taper des Hells’Angels, hein?» (page 214) - «on s’est tapé des frites et des hot dogs» (page 239) - «les gallons de gin-and-tonic qu’elles se sont tapés» (page 257).
- «tapette» («homosexuel») : pages 114, 205.
- «tirer les vers du nez à quelqu’un» («lui arracher adroitement des secrets») : page 251.
- «tomber des nues» («être extrêmement déçu par l’irruption inopinée d’un évènement») : page 247.
- «tomber à l’eau» («échouer») : page 140.
- «toper» («taper dans la main pour signifier qu’on conclut un marché») : «Tope là» (page 271).
- «se torcher» («essuyer ses excréments») : «Les tickets c’est avec eux que je me torche !» (page 104).
- «tordant» («très drôle», «très amusant») : page 131.
- «touche» et le diminutif «touchette» («bouffée» de fumée) : page 248.
- «toutou» («petit chien») : «toutou tout fou» (page 178).
- «trottoir» : «faire le trottoir» («se prostituer») : «On fait pas le trottoir mais c’est juste…» (page 20).
- «truc» («chose», «machin») : «Vous m’en cachez des trucs !» (page 66).
- «turne» («chambre sale et sans confort») : «cette sale turne» (page 58), donné en exemple de dialogue de film «post-synchronisé en argot de Paris».
- «tuyau» («indication confidentielle pour le succès d’une opération») : «Roger […] n’attend que le bon tuyau pour nous pistonner» (page 20).
- «vache enragée» (à partir de l’expression «manger de la vache enragée», «mener une vie de dures privations») : Laïnou a sauté «d’un coup sec de la vache enragée aux couche supérieures de la culture québécoise» (page 17).
- «vachement» («très») : «vachement amaigrissants» (page 233).
- «vacherie» («parole, action méchante») : «faire une bonne vacherie à quelqu’un» (page 244).
- «verte» (abréviation de «lumière verte», au sens de feu de circulation) : «Le taxi Diamond fonçait pour ne pas manquer sa verte» (page 26).
- «des vrais Z de Zorro !» («homme masqué, vêtu de noir, qui combat l'injustice en Californie espagnole au XIXe siècle, signant ses exploits à la pointe de l'épée, d'un Z qui veut dire Zorro») : page 273.

Mais on trouve aussi ces mots et expressions recherchés :
- «abominer» («avoir en horreur», «détester») : page 260.
- «acculturation» («processus par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d’un autre groupe humain») : page 178 ;
- «acculturel» («qui a subi l’acculturation») : «man […] on trouve ça complètement acculturel» (page 193).
- «acheté à tempérament» («à crédit») : page 34.
- «afghan» («grand manteau de tricot originaire d’Afghanistan») : pages 21-22.
- «agnus dei» («médaillon bénit portant en effigie l’Agneau mystique du culte catholique») : «Donne ton sein, agnus dei pour planter mes poignards» (page 154).
- «aigle éployée» («terme d’héraldique où le mot est au féminin) : page 20.
- «aliénant» («qui prive l’individu de son humanité») : «la forme la plus aliénante du travail» (page 150).
- «amarante parente» (plante) : page 91.
- «anathème» («condamnation totale») : «l'anathème, les potins, les farces» (page 14) - «C’était toujours des anathèmes épouvantables» (page 113).
- «aphasie» («trouble de l’expression du langage oral») : page 18.
- «apocalyptique» («à la façon de l’Apocalypse, livre du Nouveau Testament riche en visions symboliques, prophétiques et eschatologiques») : «nos visions apocalyptiques» (page 27).
- «apostasiaque» («qui abandonne une doctrine») : page 18.
- «arrogance» («insolence méprisante ou agressive») : page 272.
- «auréole» («cercle doré ou coloré dont les peintres entourent les têtes de Jésus-Christ, de la Vierge ou des saints») : page 249.
- «bakélite» («résine synthétique, matière plastique qui imite l’ambre») : page 47.
- «belladone» («plante toxique, contenant un alcaloïde, l’atropine, utilisé en médecine sous forme de teinture») : page 102.
- «bermudienne» (plante) : page 254.
- «bonne samaritaine» (allusion à la parabole du Bon Samaritain qui, dans l’Évangile, se montra secourable) : «Petit Pois se mettait dans tous ses états de bonne samaritaine» (page 129).
- «brassica» (plante) : page 278.
- «buissonnier» (mot qu’on trouve dans l’expression «faire l’école buissonnière» qui signifie «jouer, se promener au lieu d’aller en classe») : Catherine est vue comme «un ange qui fait le paradis buissonnier» (page 184).
- «cadogan» (en fait, «catogan», «nœud ou ruban qui attache les cheveux sur la nuque») : page 104.
- «calvaire» (par analogie avec le lieu où fut crucifié le Christ, «épreuve longue et douloureuse») : «une râclée du joyeux calvaire» (page 63).
- «camisole de force» («chemise à manches fermées garnie de liens paralysant les mouvements, utilisée pour maîtriser les malades mentaux») : page 283.
- «caramboler» («bousculer», «heurter») : «Une vague […] carambole nos crânes» (page 273).
- «cawchère» (l’orthographe habituelle au Québec est «cacher», ce qui se dit d’un aliment dont la consommation est autorisée pour les juifs) : page 127.
- «célère» («rapide») : «ses doigts, célères, véloces» (page 195).
- «cléricaliste» («partisan d’une immixtion du clergé dans la politique») : page 263.
- «cénacle» («lieu où se réunit une société limitée d’écrivains, d’artistes») : page 192.
- «chevalier» («noble qui, après avoir passé une épreuve, peut combattre») : «preux chevaliers» (page 71).
- «clystère» («lavement administré avec une seringue») ; le clystère étant souvent administré pour combattre la constipation, il fait aller aux toilettes ; de là, on peut conclure que «flanquer des clystères» (page 113) signifie pour Ducharme «faire chier».
- «concupiscence» («désir sexuel ardent pour une personne interditeou non prévenue») : Edwige Feuillère «dévisage Phil avec une savante concupiscence» (page 32) ; il est étonnant que Ducharme n’ait pas exploité les possibilités offertes par les trois premières syllabes de ce mot !
- «contre-culture» («culture définie en opposition à la culture dominante», notion en vogue dans les années soixante et soixante-dix) : pages 194 («Contre-Culture de Consommation»), 260.
- «contrevent» («grand volet extérieur») : «Elle a écrit "Sam-Su-Fi" avec son tube de rouge sur un contrevent» (page 222).
- «décarboniser» («retirer le carbone») : Catherine veut «décarboniser ses synapses» (page 235).
- «décombant» («qualifie un rameau rampant à la base puis redressé à l’extrémité») : «plante annuelle à tige décombante» (page 79).
- «dehors rebutants» («apparence rébarbative d’une personne») : «ces gens-là [les prêteurs sur gages], ça fait partie de leur métier d’avoir des dehors rebutants.» (page 158).
- «déréliction» («état de l’être humain qui se sent abandonné, isolé, privé de tout secours humain») : «Laïnou, la sainte patronne de nos dérélictions» (page 131).
- «désassujettissement» («affranchissement», «délivrance», «indépendance», «liberté») : page 123.
- «échelle sociale» («hiérarchie des conditions, des situations, dans une société») : page 21.
- «échoppe» («petite boutique») : page 158.
- «encaisser» («resserrer en bordant les deux côtés») : les «petits commerces qui encaissent la rue Mont-Royal» (page 20).
- «éployé» («déployé»), mot dont l’emploi est tout à fait justifié dans «une aigle éployée» (page 20) car c’est un terme d’héraldique, mais beaucoup moins pour qualifier Poulette (page 250) : «elle est entrée bras en l’air, tout éployée».
- «épervière» (plante) : page 278.
- «épitre» («dans la liturgie catholique, au cours de la messe, lecture solennelle faite à haute voix ou chantée sur un timbre psalmodique propre, variable selon la fête, tirée soit de l'Ancien Testament, soit des lettres [épîtres] d'apôtres») : page 69.
- «érigéron» (plante) : page 278.
- «esclandre» («tapage», «scandale») : page 204.
- «étapiste» («partisan d’une politique qui entend procéder à un changement de manière progressive») : «Pelletier est un étapiste» (page 68).
- «eucharistie» («cérémonie du culte chrétien où le pain et le vin sont censés devenir le corps et le sang du Christ») : «l’eucharistie de la dernière goutte» (page 16).
- «euphémisme» («expression atténuée d’une notion dont l’expression directe aurait quelque chose de déplaisant, de choquant») : «Quelle bordée d’euphémismes !» (page 260).
- «euphémique» : page 187 où le mot «Plaisir» ne semble pas mériter ce qualificatif («elliptique» aurait mieux convenu).
- «euphorie» («sentiment de parfait bien-être et de joie») : page 118.
- «félir» («menacer en soufflant à la manière des chats») : page 224.
- «feuillus tolérants» («qui peuvent pousser à l’ombre d’autres essences») : pages 13, 48.
- «fiel» («amertume qui s’accompagne de mauvaise humeur, de méchanceté») : page 198.
- «fin de non-recevoir» («refus catégorique et définitif») : page 271.
- «gaillet» (plante) : page 278.
- «ghâts» : On lit que ce sont «les immenses escaliers de la mosquée d’Aurangzed» (page 96), alors qu’en fait, d’une part, les ghâts sont des marches qui conduisent à des cours d’eau, et qu’on associe davantage au culte hindouiste que musulman ; que, d’autre part, la mosquée est celle d’Aurangzeb, nom d’un souverain moghol du XVIIe siècle.
- «gisant» («statue représentant un mort étendu») : page 40.
- «glèbe» (mot archaïque : «champ, sol cultivé») : les paysans qui ont vendu leurs terres travaillent encore sur «leurs anciennes glèbes» (page 137).
- «gothique flamboyant» («période de ce style architectual du Moyen Âge caractérisé par des ornements en forme de flammes») : selon Roger, Catherine est «le gothique flamboyant de la femme» (page 127).
- «Grand Inquisiteur» («chef suprême de l’Inquisition, tribunal religieux») : page 51.
- «guilleret» («qui manifeste une gaieté vive, pétulante») : page 174.
- «homard Thermidor» («homard cuisiné avec une sauce crème, de la moutarde, et du fromage gratiné, recette créée, en 1894, au restaurant Maire à Paris, en hommage à la pièce de Victorien Sardou, ‘’Thermidor’’) : page 186.
- «houppes des pissenlits» («aigrettes», «faisceaux de poils ou de soies dont sont munis certains akènes ou graines, permettant leur transport par le vent») : page 233.
- «hystérique» («excité») : «l’analyse hystérique géhennienne» (pages 70, 73).
- «identification» («processus par lequel un individu se constitue sur le modèle d’un autre») : «un phénomème d’identification schizophrénique doublé d’un transfert d’affection» (page 207).
- «introït» («dans la liturgie catholique, chant exécuté avant la messe, pendant l’entrée du célébrant et de ses ministres») : «dans le genre des curés quand ils prononçaient l’épître, l’introït…» (page 69).
- «Ionie» («ancien nom de la partie centrale du littoral de l’Asie Mineure» ; le nom n’est donc guère approprié : aujourd’hui, c’est la Turquie, et, pour les îles, il vaudrait mieux parler, par exemple, des Sporades ) : page 44.
- «isba» (mot russe, «petite maison en bois de sapin, particulière aux paysans du Nord de la Russie») : «la fausse isba en faux rondins» (page 239).
- «itou» («aussi», «de même», «également») : page 193.
- «jarreté» («muni d’une bande qui entoure») : page 67.
- «Jivaros» («peuple indien vivant dans la forêt amazonienne, célèbre pour couper et réduire les têtes de ses ennemis») : page 44.
- «jubiler» («se réjouir vivement de quelque chose») : page 56.
- «kafkaïen» («qui rappelle l’atmosphère absurde et inquiétante des œuvres de Kafka») : l’adjectif caractérise les réactions paradoxales des intellectuels québécois aux films de Marsil (page 113).
- «lansquenets» («soldats allemands du XVe et XVIe siècles») : page 51.
- «lapidaire» («qui évoque par sa concision et sa vigueur le style des inscriptions sur la pierre») : «phrases de feu lapidaires» (page 192).
- «leit-motiv» («phrase, formule qui revient à plusieurs reprises») : page 40.
- «limbes» («région mal définie», «état vague, incertain») : page 259.
- «litote» («figure de rhétorique qui consiste à atténuer l’expression de sa pensée pour faire entendre le plus en disant le moins») : «Je dis ‘’prier’’ en guise de litote.» (page 103).
- «malotru» («personne sans éducation, aux manières grossières») : pages 42, 61, 163, 204 (où Ducharme en fit un adjectif : «les regards malotrus»), 214.
- «marotte» («idée fixe, manie») : page 65.
- «matutinal» («qui appartient au matin») : «heure matutinale fuckante platte» (page 123).
- «mégalomanie» («désir excessif de gloire, de puissance») : page 17 ;
- «mégalomane» (page 66) est employé, de façon quelque peu impropre, pour critiquer la jalousie de Laïnou.
- «mercenaire» («salarié d’une entreprise») : «Les mercenaires de Graham Bell» (page 173).
- «monts et merveilles» : Catherine annonce aux Ferron : «Il m’arrive monts et merveilles !» (page 184), mais l’expression usuelle est «promettre monts et merveilles» («des avantages considérables», «des choses admirables, étonnantes»).
- «se morfondre» («être plongé dans l’inquiétude») : page 56.
- «munificence» («grandeur dans la générosité») : page 64.
- «mythologie» («conception, parfois inconsciente, que se fait un individu pour donner une explication du monde») : «les requins de la mythologie» de Laïnou (page 18) : les profiteurs qu’elle s’est inventés pour justifier son insuccès.
- «olivétain» («nom des moines bénédictins appartenant à l’ordre du Mont-Olivet, à Sienne) : page 211).
- «onomastique» («science des noms propres») : page 69.
- «pamphlet» («court écrit satirique qui attaque avec violence le gouvernement, les institutions, la religion, un personnage connu») : «un pamphlet de Roger sur les ‘’déserteurs sociaux’’» (page 127).
- «panatela» («cigare de La Havane long et mince») : page 18.
- «paranoïa» («méfiance excessive») : page 14.
- «pasionaria» («militante qui défend, de façon parfois violente et spectaculaire, une cause politique») : page 186.
- «pédant» («qui manifeste prétentieusement une affectation de savoir, d’érudition») : André juge : «Ce dernier paragraphe est très pédant» (page 181) - Nicole trouve Catherine «pédante» (page 249) ; mais, dans «C’est pédant de se battre pour s’empêcher de l’[Catherine] aimer» (page 49), le mot est impropre.
- «physiographie» («description géomorphologique et climatique d’une région») : page 69.
- «pimpant» («qui a un air de fraîcheur et d’élégance») : page 137.
- «placentique» («du placenta» ; on dit plutôt «placentaire») : page 146.
- «plèbe» (mot archaïque : «populace», «racaille») : page 40.
- «pléthore» («abondance», «excès») : «Une pléthore de pléonasmes superlatifs vicieux» (page 60).
- «preux» («brave», «vaillant») : «preux chevaliers» (page 71).
- «prévaloir» («avoir le dessus», «prendre l’avantage», «l’emporter») : page 32.
- «prismatique» («qui a la forme d’un prisme, polyèdre ayant deux bases égales et parallèles et dont les faces latérales sont des parallélogrammes») : «sels […] prismatiques» (page 274).
- «prote» («contremaître dans un atelier d’imprimerie au plomb») : page 111.
- «protozoaires» («être vivant unicellulaire») : page 250.
- «psychédélique» («qui évoque les visions résultant de l’absorption de drogues hallucinogènes») : «peinturer psychédélique» (page 238).
- «qui pis est» («ce qui est plus grave») : page 181.
- «rastaquouère» («étranger aux allures voyantes, affichant une richesse suspecte» - «personnage exotique qui étale un luxe suspect et de mauvais goût») : page 185.
- «réactionnaire» («qui, en réaction contre les révolutionnaires, est opposé au progrès social et à l’évolution des mœurs») : pages 13, 108, 205.
- «récépissé» («écrit par lequel on reconnaît avoir reçu des objets, de l’argent») : pages 67, 155.
- «rhombique» («qui a la forme d’un rhombe, losange sans angle droit») : «sels, rhombiques» (page 274).
- «rorripa» : plante (page 278).
- «sang bleu» («sang noble») : «la déchéance qui s’est emparée du sang bleu» (page 250).
- «saut-de-mouton» («passage d’une voie ferrée, d’une route au-dessus d’une autre, pour éviter les croisements») : le taxi descend l’avenue du Parc pour «passer sous le saut-de-mouton» (page 26), qui était l’échangeur entre l’avenue du Parc et la rue des Pins, aujourd’hui détruit.
- «schizophrénique» («qui relève d’une psychose caractérisée par la perte de contact avec la réalité, le repli sur soi») : «un phénomème d’identification schizophrénique doublé d’un transfert d’affection» (page 207).
- «séant» («derrière») : page 278.
- «sépia» («matière colorante d’un brun très foncé [d’abord extraite du liquide de la seiche], employée dans les dessins, les lavis») : l’autobus lâche ses «vesses de sépia» (page 230). 
- «Silva» («forêt») : ‘’The Silva of North America’’ (page 69).
- «structuralisme» («théorie selon laquelle l’étude d’une catégorie de faits doit envisager principalement les structures») : page 214.
- «suffragette» («femme qui, en Angleterre, militait pour l’obtention du droit de vote des femmes») : «notre Toune faisait de la bicyclette avant de faire la suffragette» (page 176).
- «suppôt» («employé subalterne») : «le suppôt de TV Bargains» (page 163).
- «survolté» («très excité») : Catherine parle de ses «synapses survoltés» (page 195).
- «sybillin» («dont le sens est caché») : «paroles sybillines» (page 87).
- «synapse» («région de contact de deux neurones») : pages 195, 235.
- «taoïste» («qui croit au ‘’tao’’, force fondamentale qui, selon une religion populaire d’Extrême-Orient, coule en toutes choses dans l’univers, vivantes ou inertes») : page 13.
- «transfert» («phénomème par lequel un état affectif éprouvé pour un objet est étendu à un autre») : «un phénomème d’identification schizophrénique doublé d’un transfert d’affection» (page 207).
- «underground» («souterrain», «propre à un mouvement culturel marginal») : page 194.
- «vecteur» («ce qui véhicule, transmet quelque chose») : page 48.
- «vermiculure» («strie qui est un motif ornemental») : les «vermiculures» d’un radiateur (page 33).
- «vesse» («gaz intestinal qui sort sans bruit et répand une mauvaise odeur») : l’autobus lâche ses «vesses de sépia» (page 230). 

Ne pouvant se contenter de ce que différentes langues lui offraient déjà, Ducharme inventa :

- des onomatopées :
- «bzzzzzzzzzz» (page 245) pour rendre le bruit que font des «maringouins» «au grand soleil».
- «cloc !» (page 157) «qui est le bruit que ça fait quand ton correspondant raccroche sec.»
- «cui-qui-kui comme les oiseaux» (page 15) où on se demande quelle est la raison des différentes orthographes.
- «crash» (page 25) pour rendre le bruit d’une porte qui s’ouvre.
- «GLURRP ! GLURRRRP !» (page 179) pour rendre le bruit du «french kiss».
- «hmmmm» (page 41) pour rendre le bruit que fait la bouche qui goûte un mets.
- «mip ! mip !» (page 182) pour rendre le cri du «Road-Runner» dans les films d’animation dont cet oiseau est le héros.
- «Smack ! smack !» (page 64, 157) pour rendre le bruit de baisers.

- des mots :
- «an-art» («art qui nie l’art») : «l’aphasie apostasiaque de l’’’an-art’’ de Laïnou» (page 18).
- «avionne» (page 28), féminin d’«avion», qui est une injure sans qu’on en voie la raison !
- «blanchoyer» («blanchir faiblement») : la lune «blanchoyait comme une dernière couche de neige» (page 26).
- «bran de pain» (page 61) alors que le mot «bran» désigne «la partie la plus grossière du son».
- «cramoisir» : «Catherine a cramoisi» (page 243).
- «cul de foudre» (page 18) qui désigne une relation sexuelle très rapide.
- «décadanser» (qui joue sur «décadence» et «dansent») : page 18.
- «se défrustrer» («se libérer», «se calmer») : page 252.
- «se déshabiter» : page 52.
- «dieselle» (adjectif créé à partir de «diesel», le nom du moteur) : «les fesses dieselles» par lesquelles sont pétés les gaz de l’autobus (page 81).
- «dragant», mot qui devrait s’écrire «draguant», et que Ducharme semble considérer comme ayant un sens péjoratif si on en croit le contexte : page 105.
- «les embouchures» d’une blouse (page 36).
- «extraspéciale» : page 145.
- «felliniste» («disciple de Fellini») : page 172, le mot intervenant après «socialistes, séparatistes» !
- «géhennienne» («qui aurait un rapport avec la géhenne [«séjour des réprouvés dans la Bible»]» ; mais, en fait, le mot n’a été créé que pour se moquer de «hégélienne») : «l’analyse hystérique géhennienne» (pages 70, 73).
- «hégélienne» («de Hegel, philosophe allemand qui promut l’idée d’un sens de l'Histoire») : «une analyse historique hégélienne» (pages 64, 67).
- «képi» n’est pas un mot inventé par Ducharme ; mais, alors qu’il désigne une «coiffure militaire rigide, à fond plat et surélevé, munie d’une visière», il l’utilisa, de façon en fait impropre, pour désigner des personnes qui n’en portent pas : un employé d’une compagnie de livraison (page 67), un employé des «Télécommunications du Canadian Pacific» (page 85), un employé des «postes de la Reine» (page 97), un chauffeur de taxi (page 196), un employé de «l’Hydro-Québec», la compagnie d’électricité (page 238), le chauffeur de l’autobus de l’île Bizard (page 230).
- «machiniste à écrire» («qui se sert d’une machine à écrire») : page 122.
- «mamoureuse» : fusion de «mamour» («démonstration de rendresse») et d’«amoureuse» (page 189).
- «la monde», André précisant bien : «oui oui, la monde» sans qu’on en voie la raison ! (page 111).
- «mouillure» (au sens de «personne qui pleure facilement») : page 281.
- «ouateur» (à partir de «ouate») : «Se ramasser, avec des pas comme amollis par la ouateur de l’aube, dans Notre-Dame-de-Grâce.» (page 129).
- «pathétiser» («donner dans l’émotion intense») : page 203.
- «pilou» - «guili» («termes affectueux») : page 189.
- «rachever» (page 259), verbe marquant la répétition, le redoublement ; comme «ravoir» (page 138), «réabattre» (page 32), «rebriser» (page 28), «recouper» (page 40, «couper de nouveau»), «recourir (page 268, «courir de nouveau»), «recoûter» (page 128), «se recrouler» (page 152), «se redéshabiller» (page 68), «relaisser» (page 114), «remarcher» (page 268), «rembarquer» (page 174), «remouiller» (page 152) - «renfouir» (page 273), «replonger» (page 273), «se retaper» (page 33, «se taper de nouveau»), «roffrir» (page 66).
- «rafistouillonnage» («rafistolage», «réparation») : «Pas de rafistouillonnage à coups d’X-Acto» (page 111).
- «réassexuer» («priver de nouveau de la sexualité») : page 134.
- «récoeurements» (page 255), nom marquant la répétition, le redoublement ; comme «rexaltations» (page 255). 
- «rollsroycer» : «on te rollsroyce un peu le chignon» (page 63).
- «slogante» (à la façon d’un slogan) : page 156.
- «speakerin» (page 271), création dont on pourrait croire qu’elle répond à la revendication d’une grammairienne québécoise féministe pour laquelle les mots masculins doivent être constitués à partie de la forme féminine !
- «suppossessions» (ne serait-ce pas une coquille à la place de «surpossessions»?) : page 93.
- des mots présentant le suffixe «super» : «superabandonnés» (page 120) - «supercon» (page 202) - «superinutiles» (page 120) - «superstupéfaite» (page 247).
- «sursaisie» (page 247).
- «téléphonable» («à qui on peut téléphoner») : page 84.
- «texticule» («texte minuscule») : page 151.
- «transcendantal» («qui s'appuie ou a la prétention de s'appuyer sur des données supérieures aux impressions sensibles et à l'observation») : «élan transcendantal vers le bas» (page 112), qui est un trait d’humour.
- «vibrations» («sensations que donnerait l’environnement») : page 197.
- «villégiature» («séjour de repos à la campagne ou dans un lieu de plaisance [ville d’eaux, plage…]») : page 193.
- «visque» (mot créé vraisemblablement à partir de «visqueux») : «les visques de Coke» (page 61).
- «voracer» («dévorer voracement») : «vorace-moi toute» (page 154).

Ducharme substantiva des adjectifs : des «écrasés du cœur» (page 27) - l’«écoeurée de champagne» (page 28) - «faire son impénétrable» (page 32) - «des vénaux» (page 64) - «deux neufs» (page 73) - «un dégueulasse» (page 132) - «Quel lent, […] quel pâle !» (page 215) - «la polissonne, l’impure, la lubrique» (page 247) - «une émancipée pareille» (page 249) - «une abusée» (page 280) - «cette dégoûtante qui fait la dégoûtée» (page 281).

Ducharme commit nombre d’impropriétés :
- André dit de Nicole qu’«elle n’inspire pas la fumée des cigares» (page 73), au lieu d’«inhale».
- Rapportant par un discours indirect des paroles de Catherine, qui est une adepte de «la Contre-Culture de Consommation», il note : «Ma grammaire underground fait dur» (page 194), alors qu’il s’agit plutôt de lexique.

Il maintint trop d’imprécisions : «une photo des arts et lettres de La Presse» (page 104) n’est guère compréhensible si on ne sait que le journal ‘’La Presse’ publiait un cahier intitulé ‘Arts et lettres’’.

Il s’amusa à :
- des orthographes fantaisistes : «hérotique» (page 32) pour une fusion de «héros» et d’«érotique» - «kon» (page 145) pour «qu’on» - «propisse» (page 211) pour «propice»).
- des transcriptions de la prononciation, à la façon de celles de Queneau. Certaines sont celles mêmes qu’on entend au Québec, Ducharme donnant en même temps, du joual, une représentation et une mise à distance ironique : «artisse» (page 211) - «Bostonnnnn» (page 69) - «da» pour «de» (pages 52, 134, 159) - «J’horreur» (pages 65, 82, 133, 250) - «ka» (pages 148, 250) pour «qu’elle» - «ki» pour «qu’ils» (page 52, 134, 159, 270) - «leu zexpliquer» (page 71) pour «leur expliquer» - «mamoiselle» (page 71) pour «mademoiselle» - «manche» pour «mange» (page 52, 134, 148, 159) - «marde» pour «merde» (page 52, 134, 148, 159) - «sucions» (page 104) à la place de «eussions» - «Parles-moi-z-en pas» (page 138) - «pauv» pour «pauvre» (pages 31, 78) - «pwendwe» (page 171) pour «prendre» - «slave» (page 145) pour «se lave» - «tite» (page 31, 176) pour «petite» - «tizenfants» (page 212) pour «petits enfants» - «tu peux têtre sûr» (page 111) pour «tu peux être sûr» - «twiste» (pages 171, 173), «twistesse» (page 145) pour «triste», «tristesse» - «wendus» (page 171) pour «rendus» - «ze Boulevarde» (page 131) pour «the Boulevard» tel que prononcé par les anglophones - «zyeux violets» (page 23). Mais d’autres transcriptions sont propres à l’écrivain : «grazéviskeux» (pages 42, 146, 253) pour «gras et visqueux» - «LAY ZOMM SADAPP» (page 79) qui pourrait correspondre à «Les hommes s’adaptent», d’autant plus qu’au Québec le son «pt» est souvent réduit à «p» - «les deux Zantoutaipourtoux» (page 54), pour «En tout et pour tout», mots dont, au-delà de la liaison, l’orthographe aurait bien pu être respectée - «ouiquenne» (page 191) pour «week-end» - «SASPER - TULPER, - TUTPER» pour «ça se perd, tu le perds, tu te perds» (page 145) - «Squel sbon spourboire !» (page 179) pour «Quel bon pourboire !», ce qui, en fait, ne correspond pas à une prononciation - «stomaké» (page 141) pour «estomaqué» - «strordinères» (page 141) pour «extraordinaires» (pourquoi «ères» et pas «aires»?).

Le texte est donc travaillé par un laborieux dynamitage de la langue parlée et écrite, qui joue et se déjoue des mots.

LA SYNTAXE :

Le franco-québécois, dont usa abondamment Ducharme dans ‘’L’hiver de force’’, diffère du français standard non seulement par le lexique mais aussi par des constructions particulières, et il s’employa encore à triturer, sinon torturer, la syntaxe.

En ce qui concerne les verbes, on constate que :
- Des verbes transitifs ou pronominaux en français standard sont intransitifs au Québec : «on paralyse» (page 21) - «Minou […] étouffe» (page 23) - «nos entrailles tordent […] lèvent» (page 25) - «nos artères […] fouetteraient» (page 25) - «on va fendre» (page 27) - «la peau […] fend» (page 47) - - «la tête lui fend» (page 259) - «Je vide plus vite que Nicole» (page 54) - «Les autobus arrêtent» (page 60) - «elle évacue, débarrasse» (page 83) - «Mes yeux transfigurent» (page 114) - «on fatigue» (page 172) - «elle fige» (page 197) - «on ne lève pas» (page 219) - «la couleur épaissit» (page 249) - «le plancher balance» (page 263) - «Catherine […] exalte, excite» (page 264) - des sels «cristallisent» (page 274) - «je traverse chez l’horticulteur» (pages 275-276) - «la joncher» (page 278).
- Des verbes transitifs directs en français standard sont transitifs indirects au Québec : «son Idéaliste ne lui touche plus» (page 133) - «ça lui tenterait» (page 210) - «ça lui tentait» (page 228).
- Des verbes transitifs directs en français standard sont pronominaux au Québec : «On va pour s’allumer» (page 247), au lieu de «On est sur le point d’allumer des cigares». Mais Ducharme innova en disant de Catherine qu’elle «s’est gémie» (page 57).
- Des verbes intransitifs en français standard sont transitifs au Québec : «elle téléphone tout ce qui est téléphonable» (page 84, «elle téléphone à toutes les personnes auxquelles elle peut le faire»). Mais Ducharme créa : «On a glissé l’escalier» (page 56) - «hurlé nos poumons» (page 57) - «nous glousser à qui mieux mieux dans leurs bouches tièdes» (page 104 ; a-t-il voulu dire : «se gausser de nous»?) - «éclater mes obus» (page 154, au lieu de «faire éclater») - «blasphémant tout son joual» (page 188).
- Des verbes sont au Québec construits de façons différentes : «se fier sur» (page 261) au lieu de «se fier à».

Le choix de l’auxiliaire peut être étonnant : «le cœur lui a levé» (page 81) - «On n’a pas sorti» (page 96) - «le chat est disparu» (page 199) - «Catherine a cramoisi» (page 243).
Des conjugaisons sont aberrantes : «on puse» au lieu d’«on pue» (page 145) - «il faut qu’on rise» au lieu de «qu’on rie» (page 264) - «Il n’y a pas de raisons qui justifisent [au lieu de «justifient»] qu’il aielle [au lieu de «qu’il ait»] traité ainsi deux vieillards» (page 110). Cela traduirait une tendance à éviter tout hiatus. On trouve aussi cet étrange participe passé : «la vieille hostie pourrite» (page 275).

Les constructions négatives sont presque constamment incorrectes :
- «Ne» est généralement absent : «Ça a pas l’air» (page 16) - «mon œuvre vaut pas de la marde» (page 17) - «Il arrête pas de picoler» (page 18) - «j’en ai rencontré qu’à Paris» (page 19) - «On fait pas le trottoir» (page 20) - «On regardait pas» (page 20) - «Le P s’allume pas» (page 21) - «Je sais pas trop» (page 26) - «ma mère les sait pas» (page 44) - «Moi je me lève plus.» (page 52), etc.. Pourtant, tout à fait paradoxalement, on lit «Ce n’est pas mêlant» (page 60), alors que tout le Québec dit : «C’est pas mêlant» !
- On trouve : «pour ne pas qu’on se fâche» (page 35). Inversement, «pas» manque dans : «il n’était assez pressé» (page 68). Si, dans : «On ne peut pas se fier sur rien» (page 261), «pas» est présent, c’est que, selon un usage archaïque, au Québec, «rien» signifie encore quelque chose» (exemple : «On peut pas rien faire»), de même que «personne» signifie encore «une personne» : «Y a pas personne qui répond» (page 159) - «y a pas personne dans l’État du Québec» (page 242) - «pour pas que personne nous voie» (page 249).
- On préfère souvent, dans les phrases négatives, les formes toniques aux formes atones : «Parles-moi-z-en pas» (page 138) - «Choquez-vous pas !» (page 139) - «mets-moi-le-pas sous le nez.» (page 180).

L’orthographe de certaines constructions interrogatives est étonnante. On lit en effet : «c’est-u correct?», «ça fait-u votre affaire?», «on pourrait-u» (page 64), et, plus étonnant encore, «je peux-t-u» (page 71). Or, d’habitude au Québec, pour «ti», «t-il», on dit et écrit «tu».

Le pronom complément est oublié : «notre radio […] on lui a prêté» (page 31).

Les accords ne sont pas toujours faits :
- entre le nom et le verbe : «c’est des menteurs» (page 15) ;
- entre le nom et l’adjectif : «comtesses passé mûres» (page 250) ;
- entre les pronoms : «elles s’allument, chacune leur tour» (page 126) - «on a rien que notre derrière à s’occuper» (page 126) - «On se sent comme si c’était nos visages qui…» (page 160) - «en explorant le remblai chacun de notre côté de la route» (page 254) - «on reprend notre souffle» (page 268) - «nous inviter à s’allonger» (page 279).

De nombreuses constructions sont boiteuses, Ducharme ayant d’ailleurs fait dire à Mille Milles, dans ‘’Le nez qui voque’’ : «J’aime les phrases qui boitent. Je suis sadique : je les regarde boiter et je trouve cela drôle.» Ainsi, on lit : «Ça nous rend fous, mais si fous que gais, que soûls» (page 49) : n’aurait-il pas fallu écrire : «mais moins fous que gais»? - «Il y a un Pied-Noir que ça lui forçait le cul» (page 110).
Dans cette syntaxe très parlée, certaines constructions rendent le bégaiement que provoquent le manque de répartie ou l’indignation : «J’espère que que que» (page 38) - «On lui a demandé s'il voulait qu'on rise ou qu'on qu'on qu'on.» (page 110) - «Une grosse séparatiste que que que c’est tellement affairé que que que ça a pas assez de place dans la tête pour se rappeler de quoi ta voix a l’air» (page 161) - «Si ça ne fait pas son affaire, qu’il qu’il qu’il» (page 189) - «Si t’arrêtes pas, je je je…» (page 267) ; pour traduire le balbutiement précipité du timide adorateur : «Enfin toi ah tu tu tu on était en train de de de ça nous rendait fous on a pas arrêté d’appeler téléphone téléphone on se réveillait trois fois par nuit pour t’appeler puis après on allait se recoucher comme on mon mon monte à l’échafaud on est épais hein?» (page 159) ; pour marquer l’hésitation : «Catherine, je je je…- Moi aussi je je je» (page 269).

On remarque ces syllepses : «Comme toutes les waitresses nerveuses, pressées et débordées, les embouchures des poches de sa blouse…» (page 36) - «Partis chercher un extrait de baptême, j’ai comme des prémonitions qu’on va revenir avec trois certificats de décès» (page 136) - «Donne ton sein, agnus dei pour planter mes poignards» (page 154) - «Salopette, gants, casque de bain, on frappe Laïnou en pleine inspiration» (page 174).

La coordination est souvent rudimentaire sinon absente :
- l’emploi de «genre» comme conjonction : «genre conjugal» (page 43), «genre nouvelle vague» (page 113) - «genre grand genre. Genre : je porte des beaux vêtements» (page 119) - «genre extirper la saleté» (page 154) - «genre fais-moi pas» (page 149) - «genre flatte-moi le dos» (page 149) - «genre va chier» (page 150) - «genre peace and love» (page 156) - «genre n’aie-pas-peur» (page 262) ;
- «paranoïa de quand tu souffres […] paranoïa de quand tu as peur» (page 14) ;
- «un hamburger avec rien dedans» (page 30) - «un hamburger all-dressed pas de relish» (page 111) ;
- «Sacré Sinatra de sous les jupes de Paris» (page 63) ;
- «des affaires le fonne» (page 263) ;
- «L’abbé pas parent avec Gilbert Perreault» (page 263) ;
- «un restaurant de prix de fous» (page 265) ;
- «crache un peu ta foudre que les vagues nous éclatent comme des bombes en pleine figure !» (page 272).
Au contraire, on peut trouver une accumulation inutile de pronoms : «son petit chapeau qu’on croit qu’on va se mettre à pleurer» (page 32) - «c’est comment qu’elle trompe Roger» (page 43) - «comment qu’elles peuvent tenir» (page 55) - «comment que c'est» (page 110) - «quand qu’on décide de quoi» (page 140) - «comment qu’on» (page 144) - «comment est-ce que c’est» (page 151) - «où que c’est» (page 177) - «comme qu'on en connaît» (page 198) - «Sais-tu comment que tu parles?» (page 270).

L’article peut avoir été négligé : «avoir touché fond» (page 273). S’il l’est aussi dans : «elle a dédain qu’on s’attache» (page 45), cela peut passer pour une tournure archaïque. L’affectation de la secrétaire Sex-Expel est rendu par : «J’en toucherai mot» (page 193). Curieusement, «en guise de» devient «guise de politesse» (page 35), «guise de récompense» (page 64), «guise de gag» (page 77).

Prépositions ou conjonctions sont utilisées de façons étonnantes :
- comme souvent au Québec, le complément d’appartenance est construit avec «à» : «bock à bière» (page 107) - «les fédérastes à Trudeau» (page 248) ;
- «de» est inutile dans «à part de ça» (page 111) - «Les froufrous et pépiements des arbres de quand ils se lèvent et qu’ils s’habillent» (page 231).
- «de» serait utile dans «une chose qu'on n'est pas capables prendre» (page 129), et Ducharme l’utilise ailleurs : «On est capables de le prendre.» (page 140).
- «en» étonne dans «être habillé en guenilles» (page 263).
- «si» étonne dans : «On hésite si on va vendre nos affaires» (page 110), mais André se justifie : «c’est un [sic] tournure gidienne».

Nombre de phrases calquent la syntaxe de l’anglais :
- «jouir de combien il les cochonne» (page 61)
- «son nounours de quand elle avait huit ans» (page 127) - «la petite plainte stridente et égale de quand nos sens demandent.» (page 229).
- «Notre premier filler tablet n’était pas tout écrit» (page 94) - «Il est presque tout fondu» (page 116) - «tout le manger» (page 248).
- «du gazon que tous les bommes du bout pissent dessus» (page 111).
- «on n’a pas d’affaire à payer pour» (page 125).
- «un petit bomme de l’Accroc que j’ai couché avec» (page 133) - «des gars qu’on allait aux Beaux-Arts avec» (page 151).
- «le genre de table que les bancs sont pris après» (page 239).
- «les comtesses passé mûres» (page 250) : sur le modèle de «passé dû» (de l’anglais «past due»).
- «partir à courir» (page 257).

Bien des constructions sont elliptiques. Des propositions subordonnées ne sont pas précédées de la proposition principale qui s’imposerait : «On démolit les acteurs des films annoncés. Que c’est des plus putains que leur cul.» (page 29) - «Qu’elle peut être tendre mais qu’elle ne peut jamais» (page 75). Le sujet du verbe est parfois escamoté : «Va pas falloir» (page 32) - «Les locataires du rez-de-chaussée : ni vu ni connu.» (page 34) - «Mange le hot dog, mange les patates frites, regarde.» (page 35). Cependant, certaines de ces ellipses s’avèrent efficaces : «Hier, ardente. Aujourd’hui, pas là» (page 25) - «Rame, rame, la barque n’avançait pas.» (page 274).

La liaison des idées n’est pas toujours assurée. Fréquemment surgissent des paragraphes intempestifs (comme celui où sont mentionnés «Pompidou, Baudoin, Trudeau» [page 14]). Dans un même paragraphe, peuvent se trouver ac colées des idées très différentes !

La liberté prise avec la syntaxe pousse certaines phrases à la limite de la compréhension. On bute parfois sur des passages incohérents  :
- «Mets ta main devant ta bouche quand tu souris, si tu te dépêches pas tes comptes courants vont courir après toi, manche da marde, skie, police pas des cuisses numéro trente-six.» (page 78).
- «nous défilerons comme des majorettes marinées à l’aneth puis rote puis pète…» (page 144).
- «Quand tu es cocu il faut que tu sois content, sinon ça se perd, tu le perds, tu te perds. SASPER – TULPER, - TUTPER. Guillaume Tell Quell !» (page 145) : que viennent faire ici le héros suisse et, peut-être, la revue d’avant-garde française?
- «Tous ces maringouins qui font bzzzzzzzzzz au grand soleil puis nous qu'on est pas là comme des lézards pour les attraper en déroulant d'un coup sec nos langues à ressort !» (page 245).
- «sa lettre de salut les culs vous ne me reverrez plus» (page 280).

La ponctuation est assez généralement déficiente :
- soit que manque une virgule : «intelligents eux» (page 13) - «Ça l’excitait la chienne sale.» (page 109) - «Ça me fait peur ces affaires-là» (page 25) - «Ça jappe des outardes» (page 237) ;
- soit qu’il y en ait une de trop : «on a envie de vomir sans pouvoir, des bouts de dialogue» (page 37) - «TULPER, - TUTPER» (page 145).
La ponctuation peut aussi être choisie d’une façon fantaisiste : «Qu’elle peut être tendre mais qu’elle ne peut jamais, qu’elle est trop occupée pour s’occuper de ça. Qu’elle a beaucoup de cœur mais que c’est à faire carrière qu’elle donne tout son cœur. Qu’elle est belle mais qu’elle le sait puisqu’elle n’est pas gênée de jouer les jeunes premières dans ses propres films, que tant de manque de modestie c’est bien débandant.» (page 75) : les cinq propositions ne devraient-elles pas être organisées de la même façon?
Mais l’absence de ponctuation est expressive dans :
- «On répond on vient on court on vole» (page 60) pour rendre la rapidité.
- «Ça te traite comme Ponce Pilate dans le credo quand tu te mets pas à genoux merci beaucoup de travailler pour la décolonisation du Québec et le désassujettissement des troudkus comme nous !» (page 123) pour télescoper la plainte pour le mauvais traitement et le remerciement conventionnel.
- «débordé débordé débordé» (page 126) pour faire sentir la vaniteuse satisfaction de la grande activité.
- «Enfin toi ah tu tu tu on était en train de de de ça nous rendait fous on a pas arrêté d’appeler téléphone téléphone on se réveillait trois fois par nuit pour t’appeler puis après on allait se recoucher comme on mon mon monte à l’échafaud on est épais hein?» (page 159) pour traduire le balbutiement précipité du timide adorateur.
- «une grosse séparatiste que que que c’est tellement affairé que que que ça a pas assez de place dans la tête pour se rappeler de quoi ta voix a l’air» (page 161) pour marquer le frémissement de colère.
- «Si ça ne fait pas son affaire, qu’il qu’il qu’il» (page 189) ou «Si t’arrêtes pas, je je je…» (page 267) pour marquer la menace contenue.
- «Catherine, je je je…- Moi aussi je je je» (page 269) pour marquer l’hésitation.

On remarque l’utilisation particulière des traits d’union pour lexicaliser un syntagme, lier ironiquement des mots dont l’ensemble est présenté comme une sorte de formule : «bombe je-sais-plus-cul-con-quoi» (page 65) - «l’amour-toujours-l’amour» (page 76) - «des gâtés-pourris-crasse» (page 113) - «vache-qui-regarde-passer-les-trains» (page 138) - «connaisseur-averti-en-vaut-deux» (page 185) - «les pas-intéressés, les au-dessus-de-ça» (page 185) - «what-do-you-want» (page 243) - «yeux marron-avec-du-miel-dedans» (page 254) - «genre n’aie-pas-peur-d’être-épais-je-vais-t’aimer-pareil-mon amour-n’est-pas-égoïste-moi» (page 262) ;
Ou, au contraire, pour une syllabation : «fan-tas-tik» (page 185), dont «Je ! m’en ! sacre !» (page 270) est une variante.

Les divergences dans lesquelles le franco-québécois se complaît une fois acceptées, il n’en reste pas moins que le texte présente de nombreuses incorrections ou négligences, qui sont d’autant plus étonnantes que le narrateur, qui est correcteur d’épreuves, (et donc certainement Ducharme), revendique une «belle écriture» (page 15), et se prétend très scrupuleux à cet égard. Lui et Nicole «connaissent par cœur la grammaire Grevisse» (page 50). Ils se promènent «en corrigeant les fautes des enseignes» (page 20), et, dans leur travail, tiennent à «donner de la copie en vrai bon français» (page 162).
S’opposant à «la langue des hot dogs et des milk shakes» (page 192), André fustige le massacre du français commis par les francophones (il voudrait faire, aux ‘’Petites Éditions’’, des «réserves qui concernent surtout la tenue grammaticale et typographique» [page 50]) ; il se moque des «preux chevaliers de la survivance française» qui «méconnaissent leur grammaire» [page 71]), et par les anglophones (il veut refuser de payer un télégramme pour une erreur : «’’Explose’’ au lieu d’’’expose’’» [page 102]) ; il se plaint du fait que le beurre est «sale (c’est-à-dire ‘’sal钒 ; les Anglais sont tout perdus dans nos accents)» (page 115 : ils ne sont pas «perdus», ils ne s’en soucient pas, les méprisent !) ; il cite un autre télégramme «rédigé par une machine anglaise, c’est-à-dire sans accents, sans ponctuation, sans orthographe», texte où les fautes sont d’ailleurs multipliées à plaisir [page 156]). Il s’en veut d’avoir employé «man !» qui est «complètement acculturel» (page 193), d’avoir dit au téléphone : «”Gardez la ligne !”, un anglicisme épouvantable» (page 269) ; mais, parlant de ses «points noirs», il avoue en avoir «un lot» (page 163), il déclare à un chauffeur de taxi : «Gardez le change !» (page 221), qui sont d’autres anglicismes ! Il connaît bien les différences entre le franco-québécois et le français standard, puisqu’il indique : «Je n’ai pas vraiment le goût, comme on dit» (page 267). Par ailleurs, il raille les films américains «post-synchronisés en argot de Paris» (page 58).

Quant à l’éditeur français, Gallimard, il aurait dû confier la correction du texte de ‘’L’hiver de force’’ à André et Nicole car, ce qui ajoute encore aux problèmes que pose le texte, il y a du travail qui n’a pas été fait, et il faut regretter de nombreuses coquilles : «’’Admiral Cascode’’» (page 30, en fait ‘’Cascade’’) - «Lui, ayant besoin de lui» (page 44 : il s’agit évidemment d’«elle», Catherine) - «bande d’ignorant» (page 61, dans un passage où il est question du travail de correcteur ! est-ce qu’André ne se livrerait pas au plaisir mauvais de collectionner les fautes?) - «l’encyclopédie Irolier» qui est en fait la bien connue encyclopédie Grolier (page 67) - «suppossessions» (page 93) - «Wigwan» au lieu de «Wigwam» (page 98) - «un tournure gidienne» (page 110) - «la rue Graig» (page 120) qui est évidemment en fait la rue Craig - «cawchère» (page 128) pour «cachère» - «princesse Soroya (page 142, en fait Soraya) - «’’Grateful Death’’» (page 146) au lieu de «Dead» - DICOURIR [sic]» (page 156) - «la polythène» (page 158) - «On va l’achaler jusqu’à tant qu’elle abandonne.» (page 171) - «qelle» (page 178) - «hongkongnaises» (page 190) - «Jane Russel» (page 239, en fait, Russell) - «on est écoeurés d’être si épaisser» (page 247) - «on se remasse à Pointe-Claire» (page 265) - «elle s’est jetée sur le téléphone en poussent des cris de mort» (page 280). Mais l’éditeur français, trop heureux d’avoir Ducharme dans son écurie, où il fallait dans les années soixante avoir un poulain québécois, reçut un texte au sujet duquel il n’osa pas poser de question et qu’il publia tel quel, craignant de faire quelque objection que ce soit à un de ces écrivains québécois ombrageux et au français bizarre dont, de toute façon, les ventes sont assurées dans «la Belle Province» où le premier critère de choix d’une œuvre est le patriotisme (comme le prouve Ducharme lui-même : «le public montréalais n’a pas de talent, ou il n’est pas patriote» s’il ne préfère pas à l’essai de Germaine Greer, ‘’La femme eunuque’’, l’article du ‘’Devoir’’ consacré à Catherine, et intitulé «Petit Pois et la femme fœtale») !



LE STYLE 

On pourrait considérer que Ducharme s’est appliqué à bien respecter le fait que le narrateur, André, n'a pas l'habitude d'écrire. Il annonce : «On va se regarder faire puis je vais tout noter avec ma belle écriture», ce qui est une manière de ramener le travail de l’écrivain aux dimensions de la graphie, ou une façon d’afficher un degré zéro du style, conçu comme un artisanat et une transcription / imitation. Il va écrire comme on parle, notant tout sur le même ton, sans la moindre variation d'intensité ou de rythme, comme sans effort, le futile déteignant sur le tragique, les larmes sur le sourire.

Cet amateurisme pourrait justifier les nombreuses incorrections et négligences déjà signalées, sinon les maladresses de style qui parsèment le texte. On bute sur de pénibles répétitions : «Le black-out qui annonce les annonces.» (page 31) - Catherine «part pour plusieurs jours pour le lac Saint-Jean pour repérer des sites pour son prochain film» (page 77) - «après avoir donné tout ce qu’on avait dans le ventre pour donner de la copie en vrai bon français» (page 162) - «dérouler jusqu’en bas son bas» (page 265) ; sur des lourdeurs : «on n’avait osé être aussi superlatif quant à la modeste personne matérielle de Nicole» (page 251). On s’étonne de tournures boiteuses comme «régler le cas […] à la Néron, à la décadent» (page 273). On s’amuse de cette impossibilité : «ce que j’aime moi, c’est, les poumons bien remplis de fumée, y faire couler une bonne grosse lampée de bière» (page 73, de la bière dans les poumons?), de la naïveté d’un «pourboire versé d’avance et rubis sur l’ongle» à un portier de cabaret (page 265).
Mais, en fait, André est, comme on l’a déjà indiqué, le porte-parole, le pseudonyme, l’alter ego de Ducharme. C’est donc bien à lui qu’il faut attribuer non seulement les défauts du texte, mais aussi ses qualités.

Or le roman présente ce qu’un critique appela «une texture primesautière». Elle est due à des ruptures de ton et de niveaux de langue qui sont, en fait, significatives de la diglossie qui règne au Québec, qui fait qu’une personne qui s’exprime en français standard, qui parle «en termes» comme on dit non sans mépris, peut soudain passer au franco-québécois. Ainsi, page 260, après ce membre de phrase qui relève d’un français recherché : «elle abomine toutes les susceptibilités», on trouve celui-ci : «on va baisser vite en Christ dans son estime si on se met à bouder à cause qu’elle est de mauvaise humeur» !
Si André peut se montrer aussi soucieux et capable de belle langue, se lancer même dans des développements marqués d’intellectualité (le morceau sur la puissance de la télévision [pages 48-49], l’analyse psychologique de Catherine [page 167], la méditation sur les sens [page 225]), ce qui domine, ce sont la banalité et la médiocrité des propos, surtout la crudité, la scatologie, car sont souvent «lâchés» «les gros méchants mots bruns» (page 177). Si André déclare : «Le grand avantage de l’alcool c’est qu’on peut dire cul et chier sans manquer s’étouffer» (page 75), c’est bien à jeun qu’il profère la plupart de ses grossièretés, d’autant plus qu’il aime provoquer «le petit tremblement étincelant que ça produit dans les yeux de Nicole quand je vais jusqu’à ‘’bander’’ et ‘’fourrer’’.» (page 75). On constate :
- Le retour du mot «chier». André dégage cette loi du comportement humain : «Les gens qui réussissent réussissent exprès pour te faire chier» (page 37). Il statue : «Ils veulent tous nous faire chier» (page 75). Il se plaint : «Cette fameuse interview nous a assez fait chier qu’à la fin ils auraient pu nous plier en deux et nous ranger sur un cintre.» (page 76). Il constate, alors qu’il veut téléphoner, qu’«un bum ou un plaisantin a chié au fond de la boîte» (page 37). Il s’étonne que Catherine ne les «a pas encore envoyé chier» (page 146), tandis qu’elle-même dit que «tout le monde parle pour se faire chier» (page 147). Il s’emploie avec Nicole à faire «chier Sex-Expel» (page 176). Il édicte ce dicton : «Fais pas manger le cochon, il va venir chier sur ton perron» (page 213). Il proteste contre la revendication de liberté de Catherine : «tu te sentiras libre d’aller chier !» (page 260).
- Le retour du mot «cul» : les acteurs sont «des plus putains que leur cul» (page 29) - la «fille des ‘’Petites Éditions’’» est «plus putain que son cul» (page 74) - André fustige «les bons gros culs comme [lui]» (page 44).
- Le retour du mot «marde» : «vaut pas de la marde» (page 17) - «on laisse faire la marde» (page 37) - «manche da marde» (page 78, 116, 260) - «on est tous dans la marde» (page 203) - «que toute la marde gicle !» (page 171) - «va donc chier puis manche donc un char de marde» (page 177) - «Marsil était leur soleil de marde» (page 113), éclair de poésie qu’on pourrait rapprocher du «soleil noir» de Nerval !
- Le retour de «fuck» (pages 21, 24, 27, 32, 35, 42, 52, 61, 68 («égréner notre chapelet de fucks»), 79, 171, 248, 260, 278).
- L’indication par André que, devant une scène «cochonne» : «On se prépare à se dézipper en priant le bon Dieu que ça ne se morpionne pas.» (page 31).
Toutes les réalités physiologiques de l’être humain sont évoquées.

Cependant, l’originalité de Ducharme se donna aussi libre cours dans tout un festival d’effets langagiers, où on peut distinguer :

- Des répétitions expressives : «Nie, nie, nie» (page 29) - «La waitress est du genre nerveux, pressé et débordé. Comme toutes les waitresses nerveuses, pressées et débordées…» (page 36) - la répétition du verbe «vouloir» page 59 - «On a sonné, frappé, appelé […] Nous avons sonné, frappé et appelé […] Sonne, frappe, appelle» (page 151) - «vite, plus vite, au plus vite» (page 184) - «Le téléphone sonne, sonne, sonne.» (page 224) - «Catherine rit fort. Catherine parle vite. Catherine remue comme une queue de veau. Catherine est heureuse.» (page 266) - «Pourquoi qu’elle reste pas avec nous autres? Elle reste pas avec nous autres parce qu’elle s’ennuie pas assez avec nous autres.» (page 276). À la fin, ménageant le suspense au sujet de la lettre de Catherine, Ducharme fit revenir l’antienne «Après avoir lu…» (page 280). L’effet le plus saisissant est obtenu par : «Et pendant que les bavasseux bavassent les vivants vivent la vie que les bavasseux leur ont bavassée en attendant qu’ils leur en bavassent une autre : communiste, fasciste, nudiste…» (page 204).

- Des allitérations, assonances et rimes qui se veulent amusantes : «artistes, journalistes, taoïstes, nudistes» (page 13) - «armées de micros, de typos, de photos, de labos» (page 13) - «solitaires médiocres, malsains et malpropres» (page 14) - «tordants, tordus, tortillés du cul» (page 27) - «poètes, vedettes, anachorètes, tous visionnaires, révolutionnaires, extraordinaires, qui se déploient, qui te coudoient, que tu tutoies» (page 46) - «lisses glissent douces» (page 48) - «on se soûle assez pour qu’on roule» (page 52) - «petit titan plein de petits tics» (page 63) - «La bombe Q», nom d’une revue militant pour la cause de l’indépendance du Québec, devient, pour Laïnou, la «bombe je-sais-plus-cul-con-quoi» (page 65) - «nos cœurs maigrissent, pâlissent, pâtissent» (page 72) - «une peau, une p’lote» (page 76) - «Œillets, nos oeils !» (page 78) - «Une bonne indigence va nous rendre la vigilance de notre adolescence.» (page 78) - «Petit Pois» devient «Petit Pouah» (page 100) pour marquer le dégoût qu’elle inspire à ce moment-là - «engagés enragés» (page 108) - l’«absence aiguë» (page 112) dont dit souffrir Catherine, qui est donc l’«absente aiguë» (page 112), variation sur «accent aigu» - «ironique, satirique, sardonique !» (page 129) - «désunie, diminuées, déshonorée» (page 129) - «cet instrument puant, étouffant et asphyxiant» (page 129) - «Marmonnant, bégayant, soupirant» (page 131) - «des attitudes vexantes, humiliantes, débandantes» (page 132) - «ajouter du sens à ce que nos sangs peuvent écouter» (page 138) - «c'est final, fatal, brutal.» (page 140) - devant les magazines pornographiques, les Ferron ont «fait tourner leur tourniquet comme une terre heureuse» (page 143) - «majorettes marinées à l’aneth puis rote puis pète» (page 144) - «Pendouillants, dégoulinants, placentiques» (page 146) - «COURIR CONCOURIR, DICOURIR [sic]» (page 156) - «doux, mou sous les coups» (page 158) - «Ça coule, ça roule, ça déboule» (page 160) - «des socialistes, des séparatistes, des fellinistes.» (page 172) - «notre Toune faisait de la bicyclette avant de faire la suffragette» (page 176) - «Grosse Corvette tite quéquette» (page 176), mise en doute de la virilité des chauffeurs de cette voiture de sport ! - «son toutou tout fou» (page 178) - «la revue Caméra Améra» (page 188) - «Pas de DS et plus de frein à notre détresse» (page 191) - «ce super-pique-assiette de la plus piètre espèce» (page 202) - «communiste, fasciste, nudiste» (page 204) - «des olives cueillies […] dans l’oliveraie […] d’un monastère olivétain» (pages 210-211) - «tizenfants tannants» (page 212) - «Fais pas manger le cochon, il va venir chier sur ton perron… / Quel dicton !» (page 213) - «Les oisifs se rebiffent» (page 214) - «sonnerie (connerie)» (page 224) - «conne chiante de Cannes» (page 225) - «au lieu de demander des ‘’aller-retour’’ je demandais des ‘’pour-toujours’’» (page 229) - «Quand on est stone on trouve tout drôle.» (page 250) - «Ça te ferait un bon bedon tout rond !» (page 264) - «Catherine exulte, exalte, excite» (page 264) - «Elle quitte la piste, quitte la salle, quitte le Manoir» (page 268) - «téléphone […] tonne» (page 269) - «Tope là, Lope !» (page 271, la majuscule de «Lope» impliquant que serait ainsi désigné le dramaturge espagnol Lope de Vega (pour quelle raison?), et non la «lope» de l’argot français) - «Mal à la tête, mal au cœur, mal au ventre» (page 274).

- Un recours fréquent aux structures ternaires, utilisées en fait pour se moquer de ce précepte de la vieille rhétorique pour laquelle elles donnent une impression de sens complet, total, d'équilibre ; présentent une valeur oratoire : «trouvé, vu, nommé» (page 14) - «médiocres, malsains et malpropres» (page 14) - «trouvé, vu, nommé» (page 14) - «fous, partis, paumés» (page 18) - «des chiens fous bâtards et galeux» (page 20) - «sollicité, dérangé, tanné» (page 20) - «épais ravis et confus» (page 21) - «tordants, tordus, tortillés du cul» (page 27) - «clous, écrous, boulons» (page 35) - «se fâche, éclate, casse» (page 35) - «nerveux, pressé et débordé […] nerveuses, pressées et débordées […] grandit, pousse, pèse.» (page 36) - «J’insiste, je presse, ça urge» (page 38) - «on perd la carte, les pédales, la boule» (page 38) - «essoufflés, hagards, blêmes» (page 42) - «tranquilline, équanil, valium» (page 46) - «au fond du cachot, du placard, de la poubelle» (page 47) - «écrasé, défoncé, déclassé» (page 51) - «terrifiés, puis déprimés, puis catégoriquement découragés» (page 52) - «sortir, partir, voyager, tout de suite, tels quels, pieds nus» (page 56) - «glissé l’escalier, sauté le perron, survolé la rue» (page 56) - «pour abattre le mur, pour sortir, se déshabiter» (page 52) - «maigrissent, pâlissent, pâtissent» (page 72) - «mous, flous, flasques» (page 78) - «traiter de ‘’crottés’’, de ‘’freaks’’, de ‘’cons dégueulasses’’» (page 84) - «ma choute, ma moutonne, ma lapine !» (page 118) - «superflus, superinutiles, superabandonnés» (page 120) - «on s’est plaints, on a vagi, vasé» (page 120) - «outrée, cavalière, mordante» (page 122) - «ironique, satirique, sardonique !» (page 129) - «cet instrument puant, étouffant et asphyxiant» (page 129) - «désunie, diminuées, déshonorée» (page 129) - «lancé (pitché, garroché) des bouteilles» (page 130) - «Marmonnant, bégayant, soupirant» (page 131) - «Il me sort pas ! Il me parle pas ! Il me baise pas ! C’est un con, un dégueulasse, un maquereau» (page 132) - «des idées noires, hideuses, haineuses» (page 132) - «des attitudes vexantes, humiliantes, débandantes» (page 132) - «c'est final, fatal, brutal.» (page 140) - «tout le monde se veut, tout le monde se prend, tout le monde jouit» (page 143) - «tout tachés, beurrés, couverts de ‘’ça’’» (page 145) - «Pendouillants, dégoulinants, placentiques» (page 146) - «On a sonné, frappé, appelé […] Nous avons sonné, frappé et appelé […] Sonne, frappe, appelle» (page 151) - «COURIR CONCOURIR, DICOURIR [sic]» (page 156) - «Con freak punk» (page 159) - «Ça coule, ça roule, ça déboule» (page 160) - «une façon méprisante, accusatrice, pleine de reproches» (page 161) - «griffer, mordre, déchirer […] les barbes des socialistes, des séparatistes, des fellinistes.» (page 172) - «l’angoisse, l’anxiété, la nervosité» (page 173) - «mamoureuse, baveuse, toute mouillée» (page 189) - «on n’a plus d'âge, d'usages, de visage» (page 190) - «communiste, fasciste, nudiste» (page 204) - «la bourrer d’aspirines, de valiums et de mensonges» (page 205) - «comme exclus, comme à part, comme dans un ghetto.» (page 213) - «moins belle, moins riche, moins connue qu’elle» (page 214) - «Quel lent, quel flou, quel pâle !» (page 215) - «Tout figer, empêcher, taire» (page 219) - «Plus de danger pour mon cul, pour Trudeau puis pour mon Royal Canadian Trust» (page 227) - «lésés, trahis, abandonnés» (page 241) - «on se lève, on court, on se sauve» (page 247) - «Il crie, il insiste, il menace…» (page 251) - «immense, inouïe, infinie» (page 253) - «frappés, émus, déçus» (page 257) - «se dépasser, s’échapper, sortir…» (page 257) - «me gifler, me griffer, me mordre» (page 268) - «Elle quitte la piste, quitte la salle, quitte le Manoir» (page 268) - «Notre ancre de fortune, de fête, de liesse» (page 272) - «Mal à la tête, mal au cœur, mal au ventre» (page 274).
À signaler dans le même ordre d’idées, cette bouffonne progression : «envie qu’elles zé, qu’elles zécla, qu’elles zéclatent, que toute la marde gicle !» (page 171).


Ducharme cultiva encore, dans ‘’L’hiver de force’’, ces calembours qui ont fait sa célébrité.
Certains sont plutôt débiles : «Ils se sont tous pris par la main et ils ‘’décadansent’’ !» (page 18) - «La vraie vie, ça vie-bre !» (page 48) - «J’ai posé mes laid-vres sur vos bonnes figue-ures» (page 99) - «Éros, notre Cul Tout-Puissant qui êtes aux Dacieux» (page 84) - «Quelle somme ! De quoi assommer un bœuf !» (page 151) - «As-tu fou ou froid?» (page 185) - «Sam-Su-Fi» (page 226) - «la Si Belle», la désignation de la compagnie de téléphone Bell (page 241).
On peut y ajouter certains messages publicitaires : «Kotex, les serviettes sanitaires ‘’sang-suelles’’» (pages 61-62 ; effet que Ducharme put avoir emprunté à Jules Laforgue qui parla des «femmes sangsuelles», des «hontes sangsuelles»), «Wonder Bra [une marque de soutiens-gorges], ça met vos seins en ‘’évi-danse’’» (page 63).
Sont plus efficaces les calembours suivants :
- «C’est le cul de foudre» (page 32), variation sur «le coup de foudre».
- «Avoir le dernier rot» (page 34), variation sur «avoir le dernier mot».
- «Changer du tout au doux» (page 36), variation sur du «tout au tout».
- Si André dit : «nous on est des petits calembourgeois» (page 62), c’est que, pour les syndicalistes de gauche dont les textes sont corrigés par les Ferron, ceux-ci sont de petits bourgeois, tandis que leurs corrections ne sont considérées que comme des calembours.
- Avec «quhébétude» (page 68) se fait la fusion du terme revendicateur qu’est «québécitude», créé sur le modèle de la «négritude» de Senghor et Césaire, et de l’hébétude prêtée au Québec.
- «Méat coule pas» (page 110) caricature le «mea culpa» (en latin : «par ma faute») catholique (que, d’ailleurs, on ne trouve pas dans l’Évangile comme le prétend André !).
- La désagréable secrétaire des ‘’Petites Éditions’’ est d’abord appelée «Sex-Expel» (elle expulse le sexe au lieu d’avoir du «sex appeal»?), mais pourrait aussi être appelée «‘’La castreuse de Parme’’» (variation sur le titre du roman de Stendhal, ‘’La chartreuse de Parme’’), devient «Mal-Située», et, mieux, «Mal-Struée», «mal menstruée» (page 124).
- Le «Manifeste global des Automartyrs» désigne, en fait, le texte intitulé ‘’Refus global’’ des «Automatistes» (page 187).
- «Femme fœtale» (page 191) est une variation sur «femme fatale».
- Les verbes «polytechniaiser, sciencesocialiéner, hautesétuliser et marketyriser» (page 192) dénoncent le fait de «niaiser» à Polytechnique (ce que fit Ducharme lui-même pendant six mois dans les années soixante !), d’apprendre à se servir de sa connaissance de la société pour mieux l’aliéner, d’aller à l’École des Hautes Études Commerciales et y étudier le marketing pour mieux «utiliser» le consommateur.
Et le romancier fait remarquer le calembour qu’est le titre du film ‘’Cinq gars pour Singapour’’, André demandant à son interlocuteur : «saisis-tu l’astuce?» (page 117).

Plus intéressants que les calembours sont les jeux de mots :
- Laïnou est «montée sur ses grands chevalets» (page 19), expression qui joue sur «monter sur ses grands chevaux» et sur les «chevalets» du peintre.
- Catherine «se met dans nos petits souliers» (page 22), façon de partager la timidité de ses amis.
- «C’est Roger qui dit l’allô.» (page 37).
- André se plaint du «peu de vie que nous gagnons» (page 50).
- Il déclare : «On a essayé de se perdre corps et maux l’un dans l’autre.» (page 52), alors qu’habituellement on se perd corps et biens.
- Au ‘’Café 79’’, «chacun règle en quatre cul sec le cas de ses bouteilles» (page 54), expression qui joue sur «régler en quatre coups de cuillère à pot» et «faire cul sec».
- Catherine a «blanchi toute la nuit» (page 56) parce qu’elle a fait passer aux Ferron une nuit blanche.
- En évoquant la peinture «pop» des meubles, André s’écrie : «pop-nous pas !» (page 59) qui joue aussi sur l’anglais «to pop», «faire éclater».
- Laïnou est «une athée enragée de l’argent» (page 65), du fait qu’elle s’en désintéresse complètement.
- «entendre de vive oreille» (page 72) reste du côté de l’auditeur, à la différence de l’expression «entendre de vive voix».
- «on est amers à gros bouillons» (page 172) joue sur le fait que les «gros bouillons» sont ordinairement produits par un liquide qui bout, qui est agité.
- «on frappe Laïnou en pleine inspiration (mais c’est de l’expiration, bonhomme, si tu veux savoir)» (page 174).
- «on est rendus trop heavy pour qu’il nous porte» (page 176).

Ducharme procéda souvent à des détournements d’expressions et de citations :
- «Tout est perdu ! Même l’honneur !» (page 42) est un souvenir du «Tout est perdu, fors l’honneur» de François Ier à la suite de sa défaite de Pavie.
- «On ramasse nos petits» (page 61) détourne l’expression qu’emploient des parents au Québec.
- «Quintes de rire» (page 62) modifie la traditionnelle «quinte de toux».
- «Cent fois sur le métier…» (page 69) est une allusion à la célèbre formule de Boileau, dans ‘’L’art poétique’’, qui est en fait : «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage».
- «Tigre dans notre réservoir» (page 69) est la reprise du slogan publicitaire d’Esso : «Mettez un tigre dans votre moteur», adapté de l’anglais où le tigre était dans le «tank», ce qui était plus logique pour une marque de carburant.
- C’est l’expression ironique de l’incrédulité «Mon œil !» qu’André adapte dans «Oeillets nos oeils» (page 78) pour exprimer son mépris des œillets offerts par Catherine, tout en se moquant du pluriel habituel du mot «œil».
- «On fourre nos hosties de pieds dans des hosties de plats» (pages 83-84) joue sur l’expression «mettre les pieds dans le plat» («gaffer», «faire un impair»).
- «Éros, notre Cul Tout-Puissant qui êtes aux Dacieux» (page 84) parodie le ‘’Credo’’ et le ‘’Notre Père’’ des chrétiens.
- «On ne voulait rien faire qui aurait pu lui mettre le morpion à l’oreille» (page 115) est une variation sur l’expression «mettre la puce à l’oreille» («éveiller l’attention, la méfiance»).
- «Ça te traite comme Ponce Pilate dans le Credo» est une modification de l’expression québécoise «connu comme Barabbas dans la Passion», qui est d’autant plus comique que Ponce Pilate, le procurateur romain qui condamna le Christ, ne figure évidemment pas dans le ‘’Credo’’, texte qui contient les articles fondamentaux de la foi catholique ! (page 122).
- «Les connaisseurs-avertis-en-vaut-deux» (page 150) est une version de l’adage «Un homme averti en vaut deux».
- «La vengeance est douce au cœur des Maskinongéens» (page 157) détourne l’adage québécois : «La vengeance est douce au cœur de l’Indien».
- «La chair est triste et j’ai vu tous les films de Jerry Lewis» (page 169) est un clin d’œil au vers célèbre de Mallarmé : «La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres !».
- «Gros Jean par-devant comme par-derrière» (page 177) - «grosses Jeannes comme devant» (page 274) sont des adaptations du vers de La Fontaine dans ‘’La laitière et le pot au lait’’ : «Je suis gros Jean comme devant», qui est devenu une expression usuelle qui signifie «être frustré d’un avantage espéré», «subir une désillusion».
- «Tu te laves les mains dans des larmes de crocodile !» (page 203) joue à la fois sur la phrase de Ponce Pilate disant se laver les mains de la condamnation du Christ, et sur les larmes que verseraient les crocodiles du Nil pour attirer leurs victimes.
- «Sésame, ferme-toi puis dors» (page 205) retourne la formule des ‘’Mille et une nuits’’ : «Sésame, ouvre-toi !».
- La question que posent à Catherine et à sa mère les hommes qu’elles rencontrent au Café de l’Est : «à qui le ti-cœur après neuf heures» (page 227) reprend le titre d’une chanson de Roger Miron composée en 1956.
- «Ça fait ressortir des ans l’irréparable outrage» (page 250) est un souvenir de ce passage d’’’Athalie’’ de Racine : «Même elle avait encore cet éclat emprunté / Dont elle eût soin de peindre et d'orner son visage / Pour réparer des ans l'irréparable outrage» (Acte II, scène 5).
- «Tomber à plate figure» (page 258) dérive de l’expression «battre à plates coutures» («complètement»).
- Dans «Flipper ou halluciner, that is the question» (page 260), la phrase en anglais reprend celle qui suit «To or not to be» dans ‘’Hamlet’’ de Shakespeare.
- «Si Pie XII n’avait pas donné sa bénédiction à Mussolini le nez de Cléopâtre n’aurait pas été si long» (page 263) retourne la fameuse pensée de Pascal : «Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face du monde en eût été changée», du fait de la séduction qu’il aurait exercé sur César et sur Marc-Antoine. Et, dans un retournement du sens de l’Histoire, André, reprenant une hypothèse sur le rôle de ce pape dans la politique italienne, imagine que cet évènement survenu au XXe siècle aurait eu pour conséquence un évènement du premier siècle avant Jésus-Christ.
- «Il lui répond du tic au tac» (page 263) déforme la formule traditionnelle, «répondre du tac au tac».
- «Là, nous mangeons les vagues par les racines» (page 273) parodie l’expression populaire «manger les pissenlits par la racine», qui signifie «être mort».
- «Se déchire le voile du Temple» (page 273) est une reprise du texte de l’évangile de Matthieu (27 - 51) où on lit qu’au moment de la mort du Christ, «le voile du temple [de Jérusalem] se déchira en deux, depuis le haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent.»

On pourrait encore distinguer des traits d’humour, André affirmant d’ailleurs : «C’est le sens de l’humour qui nous tient.» (page 173), et en en faisant preuve chaque fois qu'il s'agit d'exprimer quelque chose d'important :
- «Si on reste couché assez longtemps on va finir par ne plus comprendre ce que le propriétaire veut dire par ‘’payez le loyer’’» (page 15) ; d'ailleurs, «payer le loyer, personne ne fait plus ça» (page 149).
- «On va rester assis tranquilles au pied de l'échelle sociale» (page 21).
- «On n’a plus rien à dire avant de commencer à parler» (pages 25-26).
- «Nos yeux écoutent trop le téléphone pour voir ce qu’ils regardent.» (page 45).
- «Ne soyons plus inquiets du reste de nos jours. Jetons-les ; que les pauvres les ramassent. Brûlons-les.» (page 57).
- «Les peureux ont toujours raison et toujours à leur détriment» (page 64).
- La mention «la compagnie limitée» (page 67) se moque du «limited» anglais.
- «Sept heures» est, avoue André, «une heure que nous ne connaissons pour ainsi dire que par ouï-dire» (page 70).
- L’«analyse historique hégélienne» dont parle Roger (page 64) devient «l’analyse hystérique géhennienne» (pages 70, 73).
- La maîtresse des Ferron et de Roger avait lu ‘’Trente arpents’’ «quatorze fois de suite les culottes mouillées» (page 71), alors que ce sévère roman de la terre n’a évidemment rien d’érotique !
- «L’analyse hystérique géhénienne» de Roger, les Ferron ont «bien failli la publier dans la cuvette des toilettes» (page 73).
- «Ces annonces [publicités] sont si mauvaises qu’elles puent. Elles puent si bien qu’on les sent venir de loin.» (page 76).
- Les «voleurs sur gages» (page 109) de la rue Craig sont, en fait, des prêteurs sur gages.
- «Le pain tranché Weston» est «enrichi de vitamines M, A, S, T, I et C» (page 115), lettres qui accollées indiquent bien sa consistance !
- Le «lait» est «hypnotisé» (page 115) plutôt qu’homogénéisé.
- La «grande politesse» de Catherine «l’incitait à clore ses discours en nous passant le micro : ‘’Puis vous autres?’’» (page 120).
- André exprime sa crainte : «Partis chercher un extrait de baptême, j’ai comme des prémonitions qu’on va revenir avec trois certificats de décès» (page 136), où l’humour est peut-être involontaire, Ducharme ne s’étant pas rendu compte que ce ne sont évidemment pas les morts qui reviendraient avec leurs certificats !
- «élan transcendantal vers le bas» (page 112) où la contradiction des mouvements annule l’élan.
- À Maskinongé, «Laïnou bourdonne autour du père avec ses mines de chatte, ses mines de crayons» (page 138) car, si elle tente de le séduire, elle fait aussi des dessins.
- «Ça tombe à l’eau en queue de poisson» (page 140) est une redondance d’autant plus amusante qu’il y a concordance.
- Sont de prétendues nouvelles : «La princesse Soroya [en fait Soraya] accouchée par le docteur Barnard» [alors qu’elle fut répudiée du fait de son incapacité à donner au shah d’Iran un héritier, et que le docteur Christian Barnard est un cardiologue] - «San Antonio [le héros de Frédéric Dard] est un cosmique» - «Eva Braun [la fiancée de Hitler] cousait à Berchtesgaden» - «Jordaens [peintre hollandais du XVIIe siècle] au Musée d’Art contemporain» (page 142).
- Les couvertures des revues pornographiues inspirent ce commentaire : «Tout le monde jouit la bouche ouverte comme sainte Thérèse d’Avila» (page 143), alors qu’elle fut une mystique qui imposa aux couvents du carmel une règle d’une grande sévérité !
- André se moque de son propre idéalisme : «T'imagines-tu qu'à force que tu vas dire que tu ne trouves pas la vie de ton goût, ils vont te rendre ton argent et t'en offrir une toute neuve, tout autre, tout extraspéciale tout exprès pour toi, donc, épais?» (page 145).
- À un fictif journal de quartier est donné ce titre conventionnel : ‘’Le réveil de Montréal-Nord’’ (page 143).
- Les films, dit André, «nous les savourerons en macédoine, en tournant le bouton à mesure que les annonces surviendront» (page 144).
- Les tabeaux de Laïnou sont appréciés par «les connaisseurs-avertis-en-vaut-deux» (page 150).
- Les facteurs «ne passent que les jours où ils sont payés, les chiens sales.» (page 152).
- Du livreur de fleurs, il est dit qu’il porte «sur son dos, de façon bassement slogante, les mots FLOWER POWER» (page 156).
- La mention de «la Huitième de Bétove, comme on dit» (page 158) se moque du maniérisme des mélomanes.
- Néron donne «rendez-vous à son bureau» au «capitaine de ses légions» «pour l’interviewer» (page 162).
- Les Ferron pratiquent «le transport individuel à pied» (page 178).
- Catherine habite une «grosse maisonnette» (pages 183, 223), contradiction dans les termes !
- Elle «ne trouve pas le homard Thermidor si frais que ça, croit qu’il a marché tout le long depuis le Maine» (page 186), depuis cet État du Nord-Est des États-Unis qui en est un important producteur.
- L’autobus de l’île Bizard lâche des «vesses de sépia» (page 230) : ses gaz d’échappement !
- «Il y en [des maringouins] a plus de 42 000 (assez en nombre de personnes pour emplir trois fois le Forum) qui zézaient devant la porte, organisés en masses mouvantes pour mieux revendiquer leur droit de se désaltérer.» : page 237.
- Catherine a, du fait du vent, tantôt «un air de haute-couture» tantôt «un air de charrette-à-foin» (page 239).
- Nicole étant surnommée Colline, Poulette lui dit : «Tu es la plus jolie petite Colline des Laurentides» (page 251).
- La formulation : «Si c’est ça une mère cool, vive les orphelines» (page 251) est une invitation au meurtre de Poulette !
- Les Ferron, menant «une sorte de gigue frénétique» comprennent «comment ont pu naître les danses iroquoises» (page 253).
- André reproche à Catherine son goût de «l’amour (avec un grand Q)» (page 255), de réduire l’amour à la sexualité.
- Elle reproche à Nicole d’attacher ses cheveux «comme en mil neuf cent cinquante-et-con» (pages 256-257).
- André se plaint : «la voix [d’Engelbert Humperdinck] «est d’une douceur telle que mes dernières dents saines se gâtent chaque fois que je l’entends.» (page 266).
- «Catherine se brosse les dents ; c’est son violon d’Ingres ; elle se les brosse dix fois par jour.» (page 270).
- On s’amuse des tics langagiers de Catherine : le retour de «man», de «halluciner» («J’hallucinais, comme dirait la Toune» (page 111), pages 228, 233, 245, 257, 280), du nombre «quarante-deux» pour désigner une grande quantité (pages 23, 147, 148, 227, 237 [où il est fait mention de «42 000 outardes» puis de «42 000» maringouins], 227, 242, 243, 265, 269, 271 ; le chiffre étant cependant prêté aussi à Louis Caron [page 192], adopté encore par André [pages 150, 211, 251]).

Ducharme pratiqua le décrochage ironique :
- André déclare : «Je suis un désespéré mais je ne me découragerai jamais ; ça fait qu’on laisse faire la marde» (page 37).
- Après le couplet sur l’intérêt que les femmes porteraient aux grossièretés, il termine par : «Je n’y connais rien, remarque.» (page 75).
- La mention de l’entourage de la cinéaste, «son scénariste, son décorateur, son producteur», se termine par «quoi encore…» (page 77).
- Les «annonces» sont destinées à «faire regretter d’être un crotté, de ne pas faire partie d’une ligue de bowling» (page 117).
- Après son envolée sur l’indifférence des gens, qui l’attriste, André demande : «Puis vous autres, comment ça va?» (page 166).
- Après une dizaine de lignes où il indique la découverte que lui et Nicole ont faite de leur vraie nature : le vide, il commente : «Ce dernier paragraphe est très pédant» (page 181).
- Des listes sérieuses de personnes aboutissent à un dernier terme burlesque : «socialistes, séparatistes, fellinistes» (page 172) -  «communiste, fasciste, nudiste» (page 204).
- J.-G. Marchessault, le commerçant de l’île Bizard «est très gentil, très familier, très drôle mais il ne tient pas de yogourt.» (page 232).

Le décrochage ironique est encore obtenu par les notes en bas de page, système insolite qui donne au livre une originalité par rapport aux romans antérieurs. Apparemment produites dans le souci de Ducharme d’être bien compris des lecteurs français, pour expliquer et traduire certains mots et expressions, certaines sont sérieuses. Mais d’autres ont une connotation ludique, ou participent d’une volonté de brouiller la lisibilité du texte, dans la mesure où elles entretiennent une activité de lecture qui empêche le lecteur de croire à l’information qui lui est communiquée, où elles constituent une modulation du texte dans la mise en valeur d’un jeu langagier, où elles rendent floue l’identification de l’instance d’énonciation, qui s’apparente à une voix hors-champ ou a-synchrone, comme au cinéma.

Sont sérieuses :
- l’explication du «joual» (page 19) ;
- les traductions à peu près correctes de mots ou expressions anglais : «grilled-cheese», «dill pickles» et «smoked-meat» (page 128), avec cependant la fantaisiste orthographe «cawchère» - «It’s the same difference» (« C’est la même différence » [page 135]) - «I was here» («Je fus ici» [page 143]) - «ready and eager» («Prêt et pressé» [page 166] - «You pay you stay ! You no pay you go !» («Tu paies tu restes. Tu paies pas tu t’en vas.» [page 180]) - «I have a feeling that Ougi knows that I know, you know» («J’ai un sentiment qu’il sait que je sais, tu sais?» [page 251, ce qui est un peu trop littéral]) - «Get out of your ghetto…» («Sors de ton ghetto.» [page 265]).

Sont fantaisistes, sont souvent des impertinences qui prennent très vite une connotation ludique :
- d’autres traductions de mots ou expressions anglais : «heavy feelings» («sentiments grazéviskeux» [page 42], alors que «pesants» conviendrait mieux) - «péter de la brew» («parler avec passion (en postillonnant)» [page 127] alors que c’est plutôt «se vanter») - «I want to get off » («Arrêtez la terre, je veux descendre» [page 166], la demande étant évidemment exagérée) - «anyway» («ennéoué» [page 173]  : c’est la prononciation !) - «You don’t have to rub it in» («Pas besoin de frotter pour que ça pénètre» [page 223] alors qu’en fait cela signifie : «Vous n’avez pas à en remettre») - «cute» («Quioute : charmant, mignon, joli, poétique, trop too much» [page 229], les trois premiers qualificatifs seuls convenant) - «What goes up must come down» («Plus tu vas haut plus tu vas descendre» [page 255], ce qui trahit complètement le sens qui est : «Ce qui monte doit descendre»).
- la traduction de l’expression québécoise : «monde ordinaire» («cheap people» [page 128]).

On trouve aussi, dans le texte même, des traductions :
- de l’anglais au français : «I don’t see your point !» («Je ne vois pas votre point !») [page 252, ce qui est un peu trop littéral] - «I feel bad, that’s all !» («Je sens mauvais, c’est tout !» [page 252] qui se traduitait plutôt par «Je me sens mal») - «What is the matter?» («Qu’est-ce que la matière?» [page 252] alors que «Quel est le sujet?» conviendrait mieux) - «It’s totally irrelevant !» («Ce n’est pas totalement révélateur !» [page 252] alors que cela signifie plutôt «ça n’a vraiment rien à voir»).
- du français à l’anglais : «enfants» («stails, flaux» [page 130]) - «lancé» («pitché, garroché» [page 130]) - «grazéviskeux» («heavy feelings» [page 146]) - «toutes les susceptibilités» («heavy feelings» [page 260]).
Signalons encore qu’avec «une bonne pizza tout habillée» (page 82), Ducharme s’amusa à traduire littéralement le «all dressed» anglais.
D’autres moqueries fusent :
- «C’est les éliminatoires mondiales du hockey ! C’est pas la ‘’Pavane pour une Infante défunte’’» (page 51) s’écrie André déçu par la performance des ‘’Canadiens’’.
- «Sacré Sinatra de sous les jupes de Paris» (page 63) caricature Charles Aznavour.
- «L’école Saint-Pierre du rang Saint-Louis de la paroisse Saint-Joseph» (page 71) est une moquerie à l’égard de la profusion de noms de saints dans la toponymie du Québec.
- La secrétaire des ‘’Petites Éditions’’ a un «fort accent parisien de Lavaltrie» (page 122).
- Le roman, ‘’L’ensanglot钒, qui aurait paru chez Gallimard (page 109), est attribué au Louis Caron du roman, «l’être joual supérieur» (page 192), alors qu’existe un réel romancier québécois nommé Louis Caron et auteur de ‘’L’emmitoufl钒 (publié par Robert Laffont), mais qui n’est pas du tout un tenant du «joual» ! En fait, à partir des traits qui lui sont attribués page 192, («il porte un bandeau à plumes, se fait appeler Raton Rêveur et répand la théorie que le joual est une langue sauvage, donc indienne»), on peut penser que Ducharme visait plutôt le Français émigré au Québec Patrick Straram qui, en effet, en plus des caractéristiques précédentes, s’adonnait à la drogue («je suis parti. Puis je sais rien où je suis. Vous devriez venir, man, on est tellement bien !» [page 193]).
- «l’effeuilleuse fanée, une blonde usée, une horreur. Sur l’air gras d’un “Harlem Nocturne” dont elle a perdu le tempo, dans le faisceau rouge d’un réflecteur qui fait fondre à gros plis les masses blanchâtres de sa chair [...] elle a comme en décombres son visage de bébé.» (pages 265-266).
- Pour Catherine, la rébellion de 1837 ne fut que l’occasion de «quelques pets oraux d’avocats tout de suite repentants» (page 263).
- Les «frères Wright» «n’ont pas été loin» (page 274) puisque les vols de ces pionniers de l’aviation furent très courts.

Ducharme se lança dans des hyperboles, des exagérations plus ou moins folles, allant parfois jusqu’au fantastique :
- André déclare que «Fuck !» est «une injure, portée comme une bulle par ma bave bouillante» (page 24).
- Aux yeux des Ferron, «L’avenue du Parc gondolait, craquait, morcelait ses asphaltes, nous les lançait à la figure.» (page 27).
- La douleur d’avoir perdu Catherine inspire aux Ferron des «visions apocalyptiques» (page 27).
- Pour s’encourager à regarder le film ‘’Comment qu’elle est’’, André s’exclame : «Loin de fuir l’abîme, descendons dedans !» (page 33).
- Sa colère, à la fois contre sa voisine, qu’il considère comme «une petite blonde bêcheuse», et contre la nécessité de faire fumiger leur appartement, lui fait proclamer : «C’est les petites blondes bêcheuses qu’Extermination National Chemical devrait fumiger.» (page 34).
- «Quelle cruauté ! Quelle bassesse !» s’écrie André devant le prix de hot-dogs (pages 35-36).
- Comme Catherine les convoque, ils sont «affolés» : «On ne prend jamais de taxi, on avait envie d’en prendre deux, douze, vingt-deux !» (page 42).
- Catherine voudrait échapper au Québec : «Elle volerait en Amazonie inoculer les Jivaros contre la typhoïde […] elle volererait en Ionie se cacher dans une petite île pour ne plus rien savoir» (page 44).
- Dans l’attente impatiente d’un coup de téléphone de Catherine, les Ferron ne se tiennent plus : «Nos freins cèdent ; le besoin et la peur, attelés ensemble, nous emportent, nous descendent, comme ils veulent ; jusqu’à l’échéance nous dévalons à tombeau ouvert une pente qui s’incline de plus en plus, pour devenir flanc d’abîme.» (page 45).
- Puis ils sont «tout ouïe, ouïe des pieds à la tête, et ça grandit, s’amplifie. […] Notre intention est si forte d’entendre sonner le téléphone que nos fibres produisent une sorte d’avant-écho hypnotique, et ça agit si bien sur le combiné que nous voyons toute sa bakélite noire se retenir, trépigner, qu’elle va éclater comme une vessie d’un instant à l’autre.» (page 46).
- «On met au défi Dieu, Diable, Homme, Bête, Minéral, Végétal, de nous faire fermer jamais notre TV.» (page 49).
- Pour échapper à l’éclatement du printemps, ils courent «pattes aux fesses», ne s’occupant pas de «la lumière rouge» : «Si on s’arrête, les pieds s’embourbent, germent le temps de le dire, poussent des racines, plus moyen de grouiller.» (page 53).
- Catherine téléphonant aux Ferron leur donne «les petits cris de tous les vautours, rats, cafards fatigués de tourner dans la cage de son lit, de sa chambre, de sa nuit. […] fait bruisser une par une à nos oreilles toutes les feuilles de son arbre malade […] Elle a habité jusqu’au ciel la place que nous lui avions laissé faire dans nos cœurs et que la longueur des jours sans nouvelles d’elle avait multiplié en désert » […] Elle les gonfle «d’assez d’amour pour que la maison en chavire, la montagne nage, qu’on renfloue toute la ville de Montréal» (page 56).
- Cela a sur eux cet effet : «On descendait du ciel, on était venus se répandre, déborder, gicler, tomber partout par terre» (pages 56-57).
- La maîtresse de l’école de Maskinongé avait lu ‘’Trente arpents’’ [roman du terroir de 1938, œuvre de Ringuet] «quatorze fois de suite les culottes mouillées» (page 71).
- Les Ferron, qui, à vingt-huit et vingt-neuf ans, se disent «vieux», se plaignent de la rudesse d’un prêteur sur gages : «Il n'y a pas de raisons qui justifisent qu'il aielle traité ainsi deux vieillards, cet hostie-Ià ! Au poteau !» (page 110).
- «Quand la Toune est partie, tout nous faisait mal : nos yeux saignaient de l'avoir tant regardée sans trouver où loger, où se reposer assez, comme pour toujours ; nos mains étaient couvertes d'ampoules de n'avoir rien pu saisir, posséder, garder, d'un si grand bonheur si proche.» (page 118).
- «Ces annonces [publicités] sont si mauvaises qu’elles puent. Elles puent si bien qu’on les sent venir de loin. De si loin qu’on a le temps de prendre nos jambes à nos cous et d’alller se cacher dans la chambre de bains.» (page 76).
- Les Ferron, se rendant à Dorval en taxi, le font «passer par Notre-Dame-de-Grâce», et André prétend : «Ça aurait pris deux fois moins de temps à pied.» (page 103).
- De Reinette DuHamel, il est dit qu’elle «avait tellement le feu quelque part qu’il fallait qu’elle se retienne pour ne pas défoncer le toit et partir en orbite.» (page 105).
- Après s'être défait de tout ce qui meuble leur appartement, les Ferron parlent de manger, mais pas n'importe quoi : «nos dents, c'est fantastique comment que c'est nourrissant : calcium, fer, fluor.» (page 110).
- À l’école des Beaux-Arts, aux Ferron, Marcel Marsil «flanquait des clystères tels qu’on n’arrivait pas à dormir, on passait nos nuits aux toilettes» (page 113).
- Le film de Marsil a donné à Laïnou «un fameux coup de poing dans les tripes ; je ne me sens plus comme avant ; je est une autre. Je ne savais pas qu’on pouvait entrer dans un cinéma dans une peau et ressortir dans une autre.» (page 114).
- N’aimant pas le printemps, les Ferron se plaignent : «On sent que les bourgeons s’ouvrent partout, même le long des antennes des Ford Torino.» (page 145).
- Pour s’empêcher de peindre, Laïnou «met ses tubes sous verrou, avale la clé» (page 150).
- Comme ils sont déçus de ne pas recevoir de lettres de Catherine, leurs os «se récroulent, plus mous que nos viandes, nos viandes plus molles que nos morves.» (page 152).
- Pour la suivre, ils sont prêts à «marcher à quatre pattes, nos ventre râpés par l’asphalte et le ciment», ce qui «serait épatant» (page 153).
- Peu pressés après n’avoir pu trouver Catherine chez elle, de revenir chez Laïnou, ils se disent «Si on n’arrive pas aujourd’hui à Notre-Dame-de-Grâce, on arrivera en 1997.» : vingt-six ans plus tard ! (page 174).
- Ils injurient leur propriétaire : «Va donc chier puis manche donc un char de marde» (page 177) avec une truculence qui sera aussi celle de Catherine à l’égard de Roger : «Ki manche un char de marde avec des baguettes à riz !» (page 270).
- Apportant à Catherine de l’eau qui s’avère tiède, Nicole est décidée «à la laisser couler jusqu’à ce qu’il n’en reste plus dans le robinet» (page 196).
- Regarder le film ‘’To Catch a Thief’’, «c’est comme faire trois mille milles en autobus pour aller regarder un mégot de cigarette !» (page 203).
- Pour les Ferron, Laïnou «est réactionnaire, nazi, tout ça.» (page 205).
- Elle leur sert «des olives cueillies exprès pour vous par des chauve-souris châtrées dans l’oliveraie engraissée au caca d’ange d’un monastère olivétain hanté par le souvenir de la Religieuse Portugaise.» (pages 210-211).
- À la réception du message de détrese de Catherine, les Ferron ressentent «une joie, une vraie, qui monte […] que la terre entière escalade l’air comme un ascenseur rapide» (page 219).
- «Il y a plus que [sic : combien y en avait-il auparavant?] 42 000 [maringouins] assez en nombre de personnes pour emplir trois fois le Forum» (page 237).
- Catherine prétend que, quand elle était petite, «le lac des Deux-Montagnes était si limpide que les poissons devaient porter des verres fumés quand il faisait soleil, que le sable était fin et dru comme du sel de table.» (page 241).
- Elle affirme : «Quand je vais me débarrer, y a pas personne dans l’État du Québec qui pourra dire qu’il a pas passé sur moi !» (page 242).
- Dans les petites boîtes de Sainte-Geneviève, Catherine et Poulette se seraient «tapés» des «gallons de gin-and-tonic» (page 257).
- À «la mercerie» de l’île Bizard «qui fait jouer Pink Floyd», «le plancher balance» «tellement fort» que «Nicole et moi, il faut qu’on s’agrippe aux gros sautoirs peace-and-love et aux larges ceintures ban-the-bomb pour ne pas chavirer» (page 263).
- Quand Catherine veut enlever son soutien-gorge à Nicole, elle crie, et «les commis unisexes brandissent leurs extincteurs chimiques» (page 264).
- Lors du «show» au Manoir du Bord-du-Lac, «les bretelles du gros batteur nageaient dans la sueur» (page 265).
- La vedette du «show» est «une effeuilleuse fanée, une blonde usée, une horreur. Sur l’air gras d’un ‘’Harlem Nocturne’’ dont elle a perdu le tempo, et dans le faisceau rouge d’un réflecteur qui fait fondre à gros plis les masses blanchâtres de sa chair, elle juche son pied sur une chaise pour dérouler jusqu’en bas son bas. […] elle a comme en décombres son visage de bébé.» (page 265).
- Catherine demande à André : «Ça te tentait pas de te me respirer… ? Et elle verse ses cheveux dans mon cou» ; puis, pesant «de toute sa poitrine» sur lui, elle s’enquiert : «Ça te tentait pas de te blottir dans la chaleur du lait de mes deux cœurs…?» ; enfin, son ventre le pressant, elle l’interroge encore : «Mon ventre est un plein lit d’oiseaux, ça te tenterait pas qu’ils te couvent…?» (page 267).
- À la recherche de Catherine, ils courent, marchent, crachent «une salive si épaisse qu’elle s’étire jusqu’à terre […] puis le cœur qui nous cogne sur les os» (page 268).
- André porte «du lit jusqu’au téléphone» «une tonne de sommeil» (page 269).
- Alors qu’«il fait chaud», «les fesses fondent sur les sièges des bicycles» (page 270).
- Les trois personnages affrontent, sur le lac des Deux-Montagnes, «la tempête de la fin du monde» ; où «les nuages encore entrebâillés se ferment avec vacarme» ; où André interpelle le tonnerre : «Tonne mieux que ça, grand veau, fesse plus fort, qu’on entende, qu’on dialogue ; arrête de gronder comme un chien fou et crache un peu ta foudre que les vagues nous éclatent comme des bombes en pleine figure !» ; où, après que Catherine ait plongée, «ses cheveux lâchent tant d’eau que c’est d’eux que le lac des Deux-Montagnes tire sa source maintenant» (page 272).
- Plus loin, «le lac est monté au ciel et le ciel est tombé dans le lac ; on croit bien que ça y est, que la bière qui gicle entre nos dents est du sang et qu’on va mourir de rire.» (page 274).
- Enfin, Catherine et Nicole utilisent un «vélo volant» qui leur permet, «risquant leurs vies», de s’élancer «comme les frères Wright» (page 274).

Ducharme ne résista pas au plaisir des accumulations bouffonnes :
- Les Ferron disent du mal «de tous les hippies, artistes, journalistes, taoïstes, nudistes» (page 13).
- Nicole, se plaignant du manque d’initiative d’André, menace : «Je vais craquer, péter, crever, mourir» (page 24).
- André s’écrie : «Aberrant, effarant, tordant, pissant, puant, dégradant, pepsi, kétaine, dragant» (page 105), Ducharme ajoutant : «Quelles épithètes trilingues !» sans qu’on puisse déterminer quelle serait, au-delà du français standard et du franco-québécois, cette troisième langue !
- Le cadeau que fait Catherine à Roger est «une espèce de genre de sorte de bock à bière» (page 107)
- «La grève des techniciens du canal 2» est qualifiée de «rotative, perlée, du zèle, sur le tas, sauvage (en veux-tu en voilà)» (page 117).
- «En pleine euphorie», les Ferron ne sont «pas du tout ironiques, satiriques, sardoniques» (page 118).
- Cependant, bien vite, ils avouent : «On se sent superflus, superinutiles, superabandonnés» (page 120).
- André condamne «ceux qui ne se trouvent pas hideux, visqueux, encombrants, salissants, vraiment pas serviables, utilisables, lavables, repassables, portables» (page 159).
- Ayant beaucoup marché, les Ferron sont «revenus gonflés, bouffis, bleus, tout étranglés en dedans» (page 171).
- Sa colère fait d’André Ferron un émule d’André Breton : il veut en effet que Nicole et lui «descendent dans la rue avec chacun un fusil, tirer dans les pneus des autos, les jambes des petits vieux de l’Hospice, les barbes des socialistes, des séparatistes, des fellinistes» (page 172).
- Il se plaint «des adolescents longs et pâles de Pointe-Claire et Baie-d’Urfé qui viennent sous nos nez apprendre à nous polytechniaiser, sciencesocialiéner, hautesétuliser et marketyriser dans la langue des hot dogs et des milk shakes» (page 192).
- Les Ferron se demandent si Catherine «est vraiment la polissonne, l’impure, la lubrique, la chaude lapine qu’elle se vante d’être» (page 247).
- Nicole avoue : «Depuis qu’on est ça de hauts qu’on craint, qu’on fuit, qu’on redoute, qu’on se cache partout, qu’on se serre l’un contre l’autre dans les petits coins pour pas que personne nous voie !» (page 249).
- Poulette s’inquiète de savoir si elle n’est «pas trop maganée, ravagée, marquée, pokée?» (page 250).
- André propose une «équation», et affirme : «Aucuns [sic] efforts, courages, jeûnes, ne peuvent donner à personne, mendiant, gendarme, ferblantier, crotté, trois testicules, pas de testicule, d’y échapper.» (page 255).
- «Nicole n’a pas le temps de ne pas lever les bras pour ne pas se faire dépouiller de son chandail et de ne pas lever une jambe puis l’autre pour ne pas se faire extraire de ses jeans.» (page 264).
- Quand le frère et la sœur découvrent Catherine dans le champ, «alors, épervière, érigéron, gaillet, muguet, brassica, rorripa, on déverse tout sur son corps.» (page 278, où l’énumération est répétée quelques lignes plus bas).
- André traite Laïnou de «mouillure sentimentale», de «larve baveuse toujours en train de traîner son cul par terre», de «dégoûtante qui fait la dégoûtée», de «bûcheronne qui fait semblant de souffrir que personne ne l’aime d’amour» (page 281).

On remarque aussi des oxymorons : «vertigineusement quelconque» (page 35) - «une râclée du joyeux calvaire» (page 63).

Ducharme déploya surtout des comparaisons souvent étonnantes :
- «Nicole tord le flasque devant sa langue tendue, c’est l’eucharistie de la dernière goutte» (page 16) car, dans le culte chrétien, le prêtre boit le vin du calice.
- «Chaque cigare est enfermé dans un genre de petit cercueil en papier d’aluminium, doré par-dessus le marché» (page 16).
- Les Ferron marchent «en criant comme à l’encan les noms des autos stationnées» (page 20).
- Ils se collent à Roger «comme des chiens fous bâtards et galeux» (page 20).
- Catherine porte «un afghan ouvert jusqu’à terre comme la porte d’une chambre de fourrures vivantes» (page 22).
- Les Ferron «voyaient les autos tournoyer, glisser, capoter et gicler des sangs de toutes les couleurs, comme des cancrelats» (page 27).
- André dit : «Nous avons trop peur que notre hyde-a-bed se referme sur nos corps comme un cercueil» (page 27).
- Il affirme : «Notre mépris et notre orgueil vont nous lancer comme des moineaux hors des tunnels d’égout» (page 27).
- «Les derniers restes de l’hiver, des sortes d’os sales, achevaient de fondre sur le béton du trottoir» (page 30).
- Dans le film ‘’Le blé en herbe’’, le visage de Vinca leur paraît «un barrage de colère que lézardent les larmes» (page 31), tandis que la conductrice de la voiture fait à Phil «des signes qui ouvrent comme des ailes les longs plis de sa cape» (page 32).
- Ils pensent : «Ça ne servirait à rien qu’on se recouche» entre deux deux films, «on se retournerait dans notre hyde-a-bed comme des poulets à la broche» (page 33).
- Catherine, au téléphone, «attend et puis c’est tout, comme les gobe-sous des postes de péage de l’autoroute» (page 38).
- Pour elle, «être en amour c’est être comme une quantité inépuisable de papillons et mourir (chaque fois) tout de suite après qu’on a fécondé l’autre, n’importe quel autre» (page 43).
- Elle dit, de ses «plus grands secrets», qu’elle confie aux Ferron, qu’ils sont les «plus grosses amarres que j’avais pour vous accoster» (page 44).
- «La pomme [de la douche] crache comme une tuyère.» (page 47).
- Les Ferron s’administrent leurs «deux sacrements : prendre un café et lire ‘la ‘’Flore laurentienne’’.» (page 48).
- Ils sont perdus dans des «moignons de pensée» (page 48).
- Pour André, la télévision même éteinte «est un appel qui nous tire, un vecteur irrésistible, comme un train ininterrompu qui nous passerait sous le nez.» (pages 48-49).
- Après une tentative de communion entre lui et Nicole, «chacun a ravalé comme un vomi sa personnalité.» (page 52).
- Pour eux, «la rue Rachel est une piscine […] le soleil la remplit à ras bords […] a effacé les enfants, les a tous bus dans sa colle» (page 53).
- Leur course pour échapper à l’éclatement du printemps «est le sprint où s’écorche le vampire quand il est allé chasser trop loin pour rentrer avant l’aube dans son sépulcre.» (page 53).
- «Les Canadiens [équipe de hockey] se sont fait éliminer comme des grands veaux, [ont] joué comme des cochons, [ont] traîné la patte comme s’ils se l’étaient laissé graisser.» (page 58).
- Les bouteilles que ramenait Tarzan Retournable «sonnaient fort dans la caisse de son tricycle, comme les bancs de glace quand ils descendent tous ensemble des Grands Lacs» (pages 71- 72).
- Pierre Dogan se couche «devant la porte, comme une grande masse de flan» (page 80).
- Laïnou, mise au lit par les Ferron, «s’est relevée aussi sec, comme avec un ressort dans le derrière.» (page 82).
- Dans la voiture en route vers Dorval, la cuisse de Nicole, pressée contre celle d’André, «émettait, comme d’une autre réalité, des signaux capables de péter comme des pustules tous les sens que pouvaient se donner ces gens assez trop sûrs d’eux pour jouer (entre autres choses) avec la mort» (page 104), la fin de cette phrase étant incompréhensible !
- Du «bonhomme Bolduc», il est dit : «Ça aurait été écoeurant d’abîmer une perle pareille» car il est «délicat comme une femme, droit comme l’épée du roi [expression traditionnelle au Québec]» (page 111).
- Marsil était, pour les autres élèves de l’École des Beaux-Arts, «leur soleil de marde» (page 113).
- Dans le film ‘’Violence charnelle’’, «Cosetta Greco […] soulève son pull-over ; sous cette cage deux colombes dormaient ; elles remuent, dressent le bec, comme pour s’envoler ; elles n’en font rien, elles sont trop bien près du cœur de Cosetta Greco.» (page 117).
- Catherine est «montée sur les grands chevaux de toutes les carrières et professions qu'elle doit mener de front» (page 119).
- Son indifférence devant le désarroi de ses amis fait dire à André : «Le fer tourne dans la plaie comme la clé dans la serrure» (page 119).
- Le «billet de 20» qu’elle a laissé, les Ferron l’ont «trouvé comme une claque dans la face» (page 120).
- «Une sorte de flaque de jambon [est] grise et triste comme la figure du premier ministre Bourassa sur Montréal-Matin» (page 123).
- Roger, «porté comme un avion par le souffle de sa pensée, n'a rien entendu.» (page 127).
- Catherine est, selon lui, «le gothique flamboyant de la femme» (page 127).
- La peau de Laïnou est «comme du papier sablé» (page 132).
- Le reel chanté par le père Ferron, «comme une boîte à musique au ressort un peu mou, finit par se déclencher» (page 139).
- Les Ferron font «tourner leur tourniquet [celui des revues pornographiques] comme une terre heureuse» (page 143).
- ‘’La Chinoise’’, film de Jean-Luc Godard est du «genre ‘’quand je sors avec Hildegarde c’est toujours moi qu’on regarde’’», phrase d’une chanson de Boris Vian (page 143).
- Les Ferron savourent les films «en macédoine, en tournant le bouton à mesure que les annonces surviendront» (page 144).
- Comme ils espèrent triompher de Catherine, André prévoit : «Après la victoire nous défilerons comme des majorettes» (page 144).
- Catherine dit avoir à ramasser à terre Roger «comme une grosse potée de nouilles» (page 147).
- André demande à Nicole : «Donne ton sein, agnus dei pour planter mes poignards» (page 154).
- Comme ils marchent «un coup», André signale : «On respirait le soleil comme des nageurs épuisés avalent de l’eau.» (page 171).
- Aux yeux des Ferron, les maisons de la Côte Sainte-Catherine forment «une double file de tombeaux» (page 177).
- Lors de leur dernier retour à leur appartement, «l’obscurité de la Côte-Sainte-Catherine nous caressait le visage, comme du vent. Le ciment des trottoirs feutrait nos pas, comme un tapis de Turquie.» (page 180).
- Catherine, dans sa nervosité, «joue avec le deuxième bouton de sa blouse», «boutonne puis déboutonne, comme une petite machine» (page 194).
- Elle craint un livreur de la pharmacie qui est «un freak, speedy, les yeux pleins de courts-circuits» (page 195).
- Pour André, regarder le film ‘’To Catch a Thief’’, «c’est comme faire trois mille milles en autobus pour aller regarder un mégot de cigarette !» (page 203).
- Selon Laïnou, «Cendrars après Miller c’est de la moutarde après dîner !» (page 211), expression qui signifie qu’une chose désormais inutile se présente alors qu’on aurait eu besoin d’elle avant.
- Elle est «haletante et trépignante. Comme un petit chien.» (pages 214-215).
- Voulant rejoindre Catherine le plus vite possible, les Ferron souhaitent «que cette route vers un aéroport ne se mette pas debout comme un chemin de fusée» (page 219).
- Le chauffeur du taxi se nommant Groleau, ils répètent «comme un fétiche ce nom complètement loufoque.» (page 221), qui est pourtant répandu au Québec.
- La Suisse est traitée d’«hôpital pour millionnaires malades à l’idée de payer des impôts» (page 222).
- Dans le ravissement où les met leur intimité avec Catherine, les sens des Ferron sont «serrés comme un soleil au centre de nos nouveaux espaces» (page 225).
- Catherine proclame : «Je peux pas m’effoirer comme une grosse nouille conne !» (page 234).
- Elle avoue : «Je crie comme une harpie […] je me fais servir comme une grosse conne chiante de Cannes.» (page 235).
- Pour elle, «Montréal, c'est l'homme jeté en bas de son nid !...» (page 236).
- Intéressé par le compteur d’électricité, André observe «la roue dentée mince comme une hostie» (page 238).
- «Les plus hautes lumières de Sainte-Geneviève» sont «comme les pierres d’un collier» (page 238).
- Dans leur exploration de l’île Bizard, les Ferron s’arrêtent «sur les remblais pour souffler sur les houppes des pissenlits, comme la fille du dictionnaire Larousse» (page 233).
- Catherine tient à «un vieux poster» «comme à un fétiche» (page 244).
- Elle tend aux Ferron une cigarette de marijuana «braquée comme un revolver» (page 247).
- Nicole est assise «sous une auréole de maringouins» (page 249).
- Regrettant de ne pas goûter à la drogue, elle en a «assez de rester plantée là pendant que tout le monde part en orbite» (page 250).
- La bouche de Poulette est un «groin tout mou et tout entrouvert […] ses yeux papillotèrent comme deux protozoaires ciliés mal pris» ; elle s’inquiéta : «Je sens mon make-up qui cuit et qui forme des grumeaux comme une mayonnaise ratée.» (page 250).
- Les iris sont «comme des flambeaux qui mettraient des jours à prendre complètement feu» (page 253).
- Alors que Catherine ouvre la porte de leur chambre, les Ferron ont «attendu comme des tortues dans leur carapace» (page 256).
- Ils sont réveillés par «des castagnettes d’assiettes […] des cabrioles d’assiettes» (page 259).
- Ils se rappellent que Laïnou venait avec eux «traverser les sortes de limbes du dernier petit somme» (page 259).
- À la cuisine, «un sac de pain rend ses tranches comme on sort la langue» (page 259).
- «Catherine […] s’amuse comme une enfant qui découpe des patrons dans un catalogue» (page 264).
- Son nombril est «comme un oeil effronté» (page 264).
- Elle «remue comme une queue de veau» (page 266).
- Elle est «montée comme une horloge [«remontée» conviendrait mieux], piquée par une aiguille de gramophone.» (page 270).
- «Le soleil se glisse, roulant comme une soucoupe volante, sous la banquise noire de la tempête de la fin du monde. […] Le vent peigne des cheveux blancs aux vagues et fait claquer comme des fouets nos vêtements. [Le tonnerre] gronde comme un chien fou […] les vagues nous éclatent comme des bombes en pleine figure !» (page 272).
- Sous l’eau du lac, «il fait noir comme chez le diable» (page 273).
- André admire de «beaux éclairs d’affilée : des vrais Z de Zorro !» (page 273).
- «Ça tonne comme un éboulis sur des tambours et se déchire le voile du Temple» (page 273).
- Catherine et Nicole, sur leur «vélo volant», s’élancent «comme les frères Wright» (page 274).
- Catherine ayant mangé des toasts, les Ferron trouvent «des bouts de croûte» qui sont «comme des ossements» (page 275).
- Elle a qualifiée la cuisine de «soue à cochons» (page 275).
- De «grosses mouches […] vrombissent comme des avions» (page 275).
- Catherine «a continué droit devant elle dans les champs, comme une somnambule» (page 275).
- Les Ferron la découvrent, «les seins pointés vers le soleil comme s’ils voulaient fleurir» (page 277).
- Ils s’emploient à «la joncher comme une gitane le matin de son mariage» (page 278).
- La lettre de Catherine est «comme un coup de poignard entre les omoplates» (page 280).
- Catherine est considérée «comme une putain courue, qui n’a pas de temps à perdre, qui fait des grosses affaires, comme une hostie de p’lote sale qui n’est pas sur la terre pour chômer» (page 280).
- «L’hiver de force» est «comme la camisole» du même nom (page 283).

Les métaphores sont moins nombreuses :
- Les Ferron regagnent «les jardins qu’a fanés la paresse du cœur de la Toune.» (page 37).
- Catherine leur indique que les secrets sur sa vie conjugale qu’elle leur révèle sont «les plus grosses amarres que j’avais pour vous accoster» (page 44).
- Ils s’administrent leurs «deux sacrements : prendre un café et lire ‘la ‘’Flore laurentienne’’.» (page 48).
- Alors que «le soleil coule à flots», ils pataugent «déjà jusqu’aux genoux dans sa boue blanche.» (page 52).
- Dans cet «enfer» qu’est le Café 79, «trois Perséphones se relaient» (page 53), Perséphone étant, dans la mythologie, la reine des Enfers.
- Catherine «a fait bruisser une par une à nos oreilles toutes les feuilles de son arbre malade» (page 56).
- Les Ferron, accourant auprès d’elle à l’aéroport, sont «les petits vautours ravis et confus, les joyeux charognards au bec trop dur pour embrasser et pas assez pour déchiqueter» (page 222).
- Une imagination maritime fait dire à André : «du cognac plein les voiles, nous abordâmes au Manoir du Bord-du-Lac» (page 265).

Il faut encore signaler des personnifications :
- «L’avenue du Parc gondolait, craquait, morcelait ses asphaltes, nous les lançait à la figure.» (page 27).
- «Le soleil a effacé les enfants, les a tous bus dans sa colle» (page 53).
- L’autobus est doté de «fesses dieselles» (page 81).
- «L'haleine du lac relevait l'un après l'autre les larges bords du chapeau de Catherine.» (page 239).
- Les Ferron écoutent «les froufrous et pépiements des arbres de quand ils se lèvent et qu’ils s’habillent» (page 231).
- «Montréal lance un pont pour faire passer l’excès de bungalows de sa banlieue nord.» (page 236).
- «Les algues prospèrent, visqueuses, tentaculaires, telles qu’on [les Ferron] n’a pas osé les regarder de travers de peur qu’elles se mettent à courir après nous.» (page 240).
- «Les gens éteignent leurs lumières à neuf heures, c’est tellement lugubre que les fenêtres pleurent» (page 243).
- Les Ferron avouent que, devant la menace de «l’érotique», leurs «coeurs fuient ce danger avec des battements de grandes ailes blanches» (page 247).
- André raconte : «On connaît le nom de quelques fleurs et quand on les rencontre c'est comme si c'était elles qui nous reconnaissaient.» (page 254)
- «La cuisse de Nicole chuchote à ma cuisse» (page 263).
- «Les pissenlits nous lancent leur mille parachutes. Les fraisiers se blotissent contre le sol pour qu’on n’écrase pas leurs premières fleurs. Les marguerites, au bout de leurs tiges grêles, serrent comme des petits poings leurs boutons. Les touffes d’herbe que les pas de Catherine ont abattues n’ont pas fini de se redresser.» (page 276).
- Catherine «laisse, en pleine confiance, en total abandon, la vie marcher toute seule, se penser elle-même… comme si la vie n’avait plus absolument besoin de Petit Pois pour faire ça…» (pages 276-277).

Parfois, le texte offre de véritables morceaux de poésie :
- Ce portrait de Catherine, qui a les accents mêmes avec lesquels Bérénice évoquait sa mère dans ‘’L’avalée des avalés’’ : «Caché comme un oiseau malade dans le feuillage noir des cheveux, son visage est trop pâle, trop tragique, trop beau dans la lumière trop claire de ses yeux trop grands.» (page 21) - «Soudain, tout à coup, brusquement, de nulle part, comme portée par sa robe longue, qui roule des vagues blanches à ses pieds, notre belle amie traverse la rue. C’est beaucoup trop, c’est trop magique, ça coupe le souffle, ça brouille la vue : avec des ailes noires, en désordre sur son dos, c’est un ange qui fait le paradis buissonnier» (page 184).
- Le buveur regarde la bière «lui monter à la tête : gravir le sang en le ralentissant, dissoudre les vagues dans le gouffre où les fleuves du sang rebondissaient en tempêtes […] s’absorbe pour guetter le moment où le courant ne passe plus, où l’usine ferme, où les choses s’arrêtent comme pour ne plus recommencer ; c’est comme une bonne mort.» (page 54).
- Une promenade permet de «broyer le noir des arbres nus dans la nuit de la première herbe» (page 130).
- Les Ferron imaginent le texte d’une lettre qui aurait été envoyée par Catherine : «Viens, toi fée fille ; viens, toi, petit gros ; venez me voir à Toronto ; il est cinq heures moins zéro ; mais mon désir est un galop, à cinq heures moins cinq il ne sera pas trop tôt !» (page 152).
- Surgit un moment d’exaltation érotique : «Sous la douche, on se couche en chien de fusil, chacun pour soi. Puis on s’enlace, pour former un tout bien rond, n’offrir aucune prise au rabot. Sous les fouets glacés, on se serre, on se roule. L’étreinte, aveugle, s’exaspère, tourne au combat. […] Donne ton sein, agnus dei pour planter mes poignards, pour éclater mes obus, pour que ma bouche pourrie morde et loge son venin, pour emmitoufler mon cri, l’endormir, le faire rêver. Mange mon nez, mange mes pieds, vorace-moi toute ; que tes dents crèvent les ampoules qui soulèvent ma peau, que tu lèches les gousses éclatées de tout ce mal. L’extrémité des caresses, c’est la mort.» (pages 153-154).
- «On a regardé le soleil se coucher, reposer ses ailes rouges d'un bout à l'autre de l'horizon, colorer les érables en arbres de Noël.» (page 179).
- «Les jeux de l'habitude avaient tissé des toiles où faire courir des idées et des sentiments.» (page 180).
- «Nos pissenlits, les tiges molles comme des spaghettis, les fleurs fermées comme des yeux tout en cils, gisaient tristement […] En fouillant […] pour en trouver un autre plant, un aussi idéal, un en dôme bien rond, aux fleurs dodues cachant entre leurs jambes nues des boutons suant d’impatience leur lait…, nos regards sont tombés - quel étonnement ! c’était comme une coupe à boire vivante ! - sur un crocus, tout pâle, tout seul, tout bas, tout recueilli dans ses voiles transparents autour de ses sexes plus délicats que des antennes de papillon» (page 206).
- L’évocation de l’effet qu’eut sur les Ferron la lecture de ‘’Bourlinguer’’ de Cendrars est empreinte de ferveur : «Tous ces trains, bateaux, routes, ils étaient à la porte, ils se pressaient là, tout de suite, dehors, ils nous pressaient de sortir pour les prendre !» (page 211).
- Ils admirent le paysage de l’île Bizard : «Les champs s’étirent dans leur fourrure : l’herbe neuve qui descend, petite et folle, la colline longue et lente où une petite troupe éparse d’ormes s’est arrêtée pour mourir» (page 238).
- Au bord du lac, «les cailloux portent des chevelures de mousses où béent comme des bouches de sangsues, il ne leur manque que des yeux ; les algues prospèrent, visqueuses, tentaculaires, telles qu’on n’a pas osé les regarder de travers de peur qu’elles se mettent à courir après nous.» (page 240).
- Le feu mis au pré à l’arrière du chalet est l’occasion d’une grande scène : «L’herbe morte l’automne dernier, battue, tassée et pourrie par la neige, étouffe le sol ; les petits couteaux de l’herbe percent mal cette épaisse bourre. Que c’est beau du chiendent quand c’est haut, quand c’est assez dru et profond pour que le vent y roule comme sur l’eau / Aussitôt l’allumette tombée dans les pailles, la flamme, si petite et si seule, lance autour d’elle, comme des enfants plus grands qu’elle, dix autres flammes, puis chacune aussitôt dansée en rond avec les autres autour du charbon tordu de l’allumette, saute en cheval rapide, et ça court, loin déjà, avec des galops qui craquent, qui pètent, qui fument. Et ça nous laisse derrière, aveuglés par tant de parfums trop forts et de souvenirs trop loin, à ne pas oser avancer de peur de briser le tapis noir que tissent les fils fragiles de cendre.» (page 252).
- À l’épicerie, André est ému par une «fille à la bouche fraîche éclose et aux yeux marron-avec-du-miel-dedans» (page 254).
- Les Ferron admirent la bermudienne qui «est une minuscule étoile, bleue comme celles des ciels des enfants» (page 254).
- Ils apprécient le petit matin : «C’était beau : il ne restait plus de ténèbres que dans l’herbe et les arbres, qu’elles enrobaient comme de la peinture. Tout l’azur était tendu mais aucun soleil n’était encore levé.» (page 257).
- Quand la tempête s’annonce, «le vent peigne des cheveux blancs aux vagues» (page 272).
- Le roman se termine sur l’évocation de la valeur symbolique d’un hiver qui est «la saison où on reste enfermé dans sa chambre parce qu’on est vieux et qu’on a peur d’attraper du mal dehors, ou qu’on sait qu’on ne peut rien attraper du tout dehors, mais ça revient au même.» (page 283).

Cependant, le quatrain consacré à l’ancolie (page 254), qui n’est pas identifié, n’est pas de Ducharme : il s’agit des derniers vers de ‘’L’ancolie’’, poème de Joséphin Soulary, poète lyonnais du XIXe siècle, dans son recueil ‘’Pastels et mignardises’’.

Et, pour goûter les rares éclats de poésie que recèle ‘’L’hiver de force’’, il faut traverser un texte trop marqué de vulgarité complaisante, trop entaché de négligences diverses (il est difficile de croire que les manuscrits de Ducharme sont abondamment raturés : on a souvent l’Impression d’un texte «lancé (pitché, garroché)»), qui oscille constamment entre une variété de langues quelque peu confondante car leurs caractéristiques ne sont pas toujours maintenues, qui présente des jeux de langue souvent trop appuyés, qui pousse à bout la dérision et l’autodérision.

André Durand

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