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De 2001 à 2003 - Mouvement Démocratie Nouvelle

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De 2001 à 2003
Revue de presse partielle sur la réforme du mode de scrutin
Articles répertoriés par le Mouvement pour une démocratie nouvelle
Ce document représente une contribution à la recherche sur la réforme du mode de scrutin au Québec. Il présente, pour chacune des années couvertes, les articles répertoriés par le Mouvement pour une démocratie nouvelle à partir de diverses sources. Il répertorie des articles sur la question de la réforme du mode de scrutin, incluant ceux liés aux interventions du Mouvement pour une démocratie nouvelle. Selon la période, il contient également des articles portant sur la carte électorale, de même que sur diverses modifications à la Loi électorale du Québec, et parfois, sur les débats ayant cours durant les campagnes électorales.
De nombreux articles sont reproduits intégralement. Cependant, plusieurs articles ne sont plus accessibles par internet quelques années après leur mise en ligne initiale. Dans ces cas, seuls les titres, auteurs, dates et hyperliens initiaux sont mentionnés; ces derniers demeurent des références utiles pour effectuer des recherches.
Conçu pour rendre accessible le grand nombre d’articles plus rapidement possible, soit avant qu’ils ne soient plus en ligne sur les sites Internet des médias, ce document doit être considéré comme une base documentaire pouvant servir à des recherches plus approfondies. C’est donc l’accessibilité des données qui a été priorisée, et non les considérations de présentation et de mise en page. Les articles sont généralement présentés en ordre chronologique, avec plus ou moins de précision selon les années.
P.S. Pour l’intégrale des communiqués et publications du MDN, consulter la section  HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/documentation/" documentation de son site internet, puisque ce document ne contient que ceux qui ont été relayés par les médias.
La revue de presse des années 1997 à 2012 est répartie dans cinq fichiers; chacun couvre 3-4 années. Consultez celui qui s’applique à la période que vous souhaitez couvrir en accédant à la section correspondante sous  HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/jalons-historiques" Jalons historiques (à la fin de chaque année).
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/10/mdn1997-2000revue_de_presse_mode_de_scrutin.doc" De 1997 à 2000 (50 pages)
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/10/mdn2001-2003revue_de_presse_mode_de_scrutin.doc" De 2001 à 2003 (250 pages)
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/10/mdn2004-2006revue_de_presse_mode_de_scrutin.doc" De 2004 à 2006 (225 pages)
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/10/mdn2007-2009revue_de_presse_mode_de_scrutin.doc" De 2007 à 2009 (275 pages)
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/10/mdn2010-2012revue_de_presse_mode_de_scrutin.doc" De 2010 à 2012 (175 pages)
Sources principales :
Archives du Mouvement pour une démocratie nouvelle, ainsi que son site  HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca" www.democratie-nouvelle.qc.ca
Archives du site  HYPERLINK "http://www.vigile.net" www.vigile.net
 HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2012/11/gilberte_boilard_susanne_brillant-asssnat_bibliographie_no_67_modes_de_scrutin_1980-2001_fevrier_2002.pdf" Gilberte Boilard, Susanne Brillant – Assemblée nationale du Québec, Bibliographie no 67, Modes de scrutin 1980-2001, février 2002
En plus de la couverture de presse ci-bas, les médias suivants publient de façon régulière des informations du MDN et plusieurs ont même une section sur la réforme du mode de scrutin.
LBR – Le bulletin régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean :  HYPERLINK "http://www.lebulletinregional.com" www.lebulletinregional.com
Netfemmes :  HYPERLINK "http://www.netfemmes.cdeacf.ca" www.netfemmes.cdeacf.ca
La tribu du verbe :  HYPERLINK "http://www.latribuduverbe.com" www.latribuduverbe.com
La Gauche Web :  HYPERLINK "http://www.lagauche.com" www.lagauche.com
Sisyphe.info :  HYPERLINK "http://www.sisyphe.org" www.sisyphe.org
Le Citoyen :  HYPERLINK "http://www.lecitoyen.quebecblogue.com" www.lecitoyen.quebecblogue.com
2001






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Pour un scrutin à deux tours
Une nation se forge avec des outils
Il n'est pas trop tard pour instituer ce système, et vite
Denis Griesmar AGQ 16.9.01

Quos vult perdere, Jupiter dementat "Ceux qu'il veut perdre, Jupiter les rend fous".
Un observateur extérieur serait effaré de voir à quel point les partisans Québécois se déchirent alors qu'ils sont d'accord sur l'essentiel.
Certes, on peut, ou non, faire confiance au Parti québécois. On peut trouver qu'il a raté des occasions importantes de faire avancer la cause, et qu'il continue de le faire. On peut estimer que la volonté d'indépendance doit s'accompagner d'un projet de société, lequel risque d'être réduit à néant par la ZLEA. Inversement, on peut également dire que, dans l'état actuel des choses, le PQ est un outil dont on ne peut faire l'économie.
Mais l'essentiel est bien la volonté d'exister, et de persévérer dans l'être. Si l'on admet cette prémisse, comment ne pas voir qu'il faut y subordonner toute autre considération politique ?
Mais existe-t-il un outil pour cela ?
Face au risque de retour du PLQ, il ne faut pas faire la politique du pire.
Certains pensent que la réponse appropriée à une situation telle que nous avons vu dans Mercier consiste à établir le vote proportionnel. Mais cette arme risque de se retourner ensuite contre les autorités québécoises, en les empêchant de gouverner au moment où le pays aura besoin d'une direction claire, comme le démontre l'exemple des divers pays qui l'ont adoptée.
Or, il existe un autre moyen.
Celui-ci consiste à établir le vote *préférentiel*. Notre hypothèse est que l'électeur moyen, disons, M. Lafleur, électeur du PQ, s'il n'avait le choix qu'entre la gauche et le parti libéral, choisirait tout de même en majorité la gauche, car souverainiste comme lui. M. Labranche, lui, électeur de gauche (type RAP), aimerait bien voter pour un candidat de sa tendance, mais, dans sa circonscription, seuls sont en lice le PQ et le PLQ. Il choisira tout de même le PQ.
En pratique, comment procéder ?
En établissant le *scrutin à deux tours*, tel qu'il existe en France, où règne cet adage : "Au premier tour, on choisit, au second tour, on élimine". C'est la façon de faire qui, même en cas de présence d'un parti qui menace la cohésion nationale, permet de dégager une majorité de gouvernement. Il convient donc dans ce cas que chacune des deux tendances souverainistes annonce clairement sa volonté de se *désister*, dans chaque circonscription, en faveur du candidat souverainiste le mieux placé pour le second tour.
Est élu au premier tour tout candidat recueillant plus de 50% des suffrages exprimés.
Si dans une circonscription donnée, aucun candidat n'obtient la majorité absolue (50% des voix + 1) au premier tour, un second tour est organisé la semaine suivante.
Est élu au second tour le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix (majorité relative, en anglais "plurality").
Certes, cette façon de procéder n'est pas dans la tradition britannnnique. Et alors ? Faut-il donc se tirer une balle dans le pied, pour le plaisir de respecter un système politique qui ne mérite pas de l'être ?
Nous aurions là, non une porte de sortie, mais une porte d'entrée dans la souveraineté.
[...]
Le scrutin à deux tours est un outil beaucoup plus fort que la proportionnelle pour créer du consensus autour de l'essentiel. On ne s'engueule pas comme du poisson pourri quand on sait qu'on va appeler à se désister pour l'autre au deuxième tour. En Europe, et notamment en France, nous avons une grande expérience de tous les systèmes, et le résultat est très clair. Et, bien qu'au Québec, par manque d'expérience, ils ne s'en rendent pas encore compte, les partis ont intérêt à ce système. Il est temps d'accoucher les esprits, et vite. [..]
Je crois qu'il faut insister : si j'ai proposé un système de scrutin à deux tours, c'est parce que c'est un forceps permettant d'accoucher de la souveraineté. Je suis déçu de voir que la discussion dévie encore une fois vers la proportionnelle, qui ne sera jamais proposée spontanément par un parti dominant. L'unanimisme ne viendra pas non plus par incantation.
Il n'est pas trop tard pour instituer ce système, et vite. Dans de nombreux pays, les délais avant l'élection n'ont pas été plus grands. D'autre part, il faudrait faire faire des simulations. A quoi servent les étudiants en sciences politiques et en statistiques (et les instituts de sondage) ? Je parle ici simplement de technique, pour ne pas entrer dans d'autres controverses. Mais il est temps de faire un peu de maïeutique à la Socrate. En vue de l'action.
Salut et Fraternité.
D.G., 20.9.01
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Le Parlement de plus en plus marginalisé
JEAN-PIERRE CHARBONNEAU L'auteur est président de l'Assemblée nationale du Québec et président de l'assemblée parlementaire de la francophonie. LaPresse Le vendredi 16 novembre 2001

Nous savons tous que la perfection n'étant pas de ce monde, le fonctionnement des systèmes politiques de gouvernance des sociétés dites démocratiques comporte plusieurs failles. Toutefois, sommes-nous vraiment conscients que, chez nous comme ailleurs, certains signaux d'alarme ont passé depuis un bon moment déjà au rouge? Sommes-nous aussi conscients des causes qui ont déclenché ces signaux d'alarme? D'abord, que doit-on penser et conclure quand des chroniqueurs politiques chevronnés, des universitaires de renom et des observateurs attentifs de la scène politique présentent depuis des années maintenant nos chefs de gouvernement comme des «monarques élus», des «dictateurs tranquilles», des «empereurs», voire comme des «potentats»? Que penser et que faire quand un éminent politicologue comme Donald Savoie, titulaire de la chaire d'études Clément-Cormier sur le développement économique à l'Université de Moncton, président sortant de l'Association canadienne de science politique et Officier de l'Ordre du Canada, déclare que «le premier ministre canadien et ses homologues provinciaux sont des monarques des temps modernes qui, en régnant de façon autocratique à la manière de Louis XIV, sont en voie de tuer la démocratie»? Que penser et conclure quand le réputé chroniqueur politique du Globe and Mail, Jeffrey Simpson, dénonce, dans son livre The Friendly Dictatorship, qui vient de paraître, «la centralisation massive du pouvoir sous le contrôle d'un seul homme à travers les apparats du système parlementaire». (...) En ce début du XXIe siècle, il est assez troublant et paradoxal de constater, qu'à bien des égards, on est revenu à des situations semblables à celles qui ont fait naître et progresser l'idéal parlementaire. Il est sans doute à propos de rappeler que le combat pour la création et la suprématie juridique d'assemblées de représentants élus du peuple a été mené durement, et pendant des siècles, pour mettre fin au règne des gouvernements d'une seule personne ou d'une oligarchie exerçant l'autorité et faisant la loi de façon absolutiste et tyrannique. (...) Certes, on ne peut pas nier qu'il y a eu progrès puisque, aujourd'hui, l'idée démocratique, voulant que toute autorité de gouvernement émane des gouvernés, prévaut. Mais, est-ce suffisant pour parler d'une démocratie représentative? En ramenant sur la table de la discussion publique ces constats et ces interrogations de fond, il faut aussi mettre en relief les causes de cette crise de la démocratie représentative et du déclin du parlementarisme. Parmi les causes les plus souvent mentionnées pour expliquer cette crise de la démocratie représentative et le déclin du parlementarisme, figurent: - l'absence d'une véritable séparation des pouvoirs législatif et exécutif dans notre système de tradition britannique qui confère au gouvernement et surtout à son chef une très grande mainmise sur l'institution parlementaire; cela est surtout vrai quand le parti ministériel est majoritaire à l'Assemblée, ce qui a toujours été le cas au Québec depuis 1867; - le contrôle gouvernemental sur l'activité et la procédure parlementaires qui a donné au pouvoir exécutif un véritable monopole de l'initiative des lois et des règlements, ce qui a entraîné un transfert de la fonction législative du Parlement à l'Exécutif et à son chef et qui a fait de l'Assemblée parlementaire une simple chambre d'enregistrement où les délibérations ne sont, à bien des égards, qu'un mal nécessaire; - le règne des partis et l'utilisation par les dirigeants de ceux-ci de la ligne partisane ainsi que du droit de veto sur l'acceptation des candidats aux élections autant que sur les nominations et promotions pour imposer une discipline rigoureuse aux parlementaires de leur groupe, restreignant ainsi l'indépendance absolue des élus tout en s'assurant de leur grande loyauté; - la transformation des assemblées parlementaires en forum d'affrontement sans merci, selon les clivages partisans, pour la quête ou la conservation du pouvoir au détriment d'une véritable discussion publique dont la finalité est la recherche sérieuse du bien commun par la formulation des règles et par la prise de décisions; - les réalités techniques et économiques du monde moderne, qui s'accommodent mal de longs palabres parlementaires car elles exigent des décisions efficaces, et pour la plupart nécessairement rapides, de l'État, ce qui force d'ailleurs à une concentration de l'autorité politique et qui fait de la discussion publique une formalité passablement vide; - la multiplication des tâches de l'État et la complexité des problèmes qui favorisent et valorisent le rôle des experts et des technocrates spécialisés au détriment des députés, dans un contexte où l'importance des opinions cède de plus en plus le pas à la puissance des enjeux mis de l'avant par les multiples groupes d'intérêts; - la personnalisation accrue du pouvoir par l'avènement des moyens de communication de masse, la télévision en particulier, qui engendre (tout en se nourrissant d'elle) une culture de la «politique spectacle» laquelle favorise un vedettariat sélectif et restreint, sinon un culte des chefs, et une évaluation de l'efficacité en fonction des habiletés de communication; - la tendance croissante des gouvernements à la consultation privilégiée des «forces vives», ce qui a pour effet d'inciter l'opinion à voir peu à peu en ces leaders de la société civile des intermédiaires et des représentants aussi valables sinon plus que les parlementaires; - le mode de sélection des membres de l'assemblée des élus du peuple qui, au Québec et au Canada, ne permet pas encore une représentativité idéologique adéquate, laquelle valoriserait à plus d'un titre l'institution parlementaire; La situation actuelle est-elle acceptable et conciliable avec les principes de la démocratie? Voulons-nous, pour aujourd'hui et demain, une véritable démocratie représentative qui suppose que la société soit codirigée par une assemblée d'élus du peuple et un gouvernement lui aussi émanant de la population, les deux institutions ayant leur personnalité et leurs responsabilités propres bien que complémentaires et disposant chacune d'un pouvoir réel et d'une respectabilité acceptable? Ou bien, préférons-nous faire l'économie d'un parlement et de représentants politiques et confier ainsi la gouvernance et l'organisation du bien commun à un véritable «monarque élu», lequel pourrait être à la fois bien entouré et surtout bien branché sur la connaissance scientifique, sur les besoins et les attentes des gens? En termes plus directs, on pourrait se demander si l'on veut une démocratie parlementaire ou une «dictature démocratique éclairée»! Chose certaine, si la population souhaite vraiment un système politique de gouvernance conforme aux exigences de la démocratie, elle devra s'ouvrir à des changements majeurs tenant compte de la nature et de la portée des nombreuses causes identifiées précédemment.

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Réforme du mode de scrutin réclamée à Québec
André Duchesne La Presse Le mercredi 14 novembre 2001

Pressé de toutes parts de modifier en profondeur le mode de scrutin au Québec pour introduire le vote proportionnel, le gouvernement Landry se dit ouvert à la réflexion. Avec des réserves.
«J'ai étudié ou enseigné dans des pays à scrutin proportionnel et j'ai pu voir de près la qualité démocratique que ça peut donner. Cependant, dans un régime parlementaire britannique, si le gouvernement n'a pas la majorité en tout temps sur une question importante, il tombe. Alors, comment est-ce qu'on concilie cela?» a demandé le premier ministre Bernard Landry.
Il répondait alors à une question par le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, en Chambre, mardi. Plus tôt dans la journée, une coalition de 125 personnalités issues des milieux politiques, syndicaux, étudiants et autres tenait à Montréal une conférence de presse réclamant la tenue d'un débat public et d'une commission parlementaire avec pour objectif de modifier le système actuel, dit uninominal à un tour.
Au nombre de ces personnalités, on retrouve Claude Ryan, Claude Charron, Jean Allaire et le président de la CSN, Marc Laviolette. Selon eux, la formule du vote uninominal à un tour tel que nous la connaissons est non seulement non représentative des nouveaux courants d'expression populaire, mais provoque le désengagement des citoyens qui boudent leur devoir au moment de la tenue des élections.
«On commet un crime contre la démocratie de façon consciente. On doit, au contraire, pouvoir matérialiser la présence des voix de tous à l'Assemblée nationale, tonne Marc Laviolette. Le Québec sera-t-il le dernier à fermer la lumière sur ce système dépassé», ajoute-t-il en référence au fait que seuls le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada utilisent encore ce mode de scrutin.
Claude Ryan: «Un principe fondamental veut que chaque personne ait un droit de vote égal à une autre personne. Et il est important que ce principe soit respecté. Le mode de scrutin québécois est une des rares institutions à ne pas avoir fait l'objet d'une réforme majeure.»
Claude Charron: «Certains groupes n'ont pas le droit de parole qu'ils méritent à l'Assemblée nationale. Il est temps que le Québec passe d'une société en noir et blanc à une société en couleurs.»
Andrée Mayer-Périard, présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) fait quant à elle le constat que les jeunes sont à la fois informés, politisés ET qu'ils vont de moins en moins voter. «C'est grave.»
Le scrutin majoritaire uninominal se traduit par des situations comme celle des élections provinciales de 1998 alors qu'avec une majorité de 40000 voix dans l'ensemble du Québec, le Parti libéral s'est retrouvé dans l'opposition avec seulement 48 sièges, contre 71 au PQ.
Le Parti québécois, qui avait fait élire seulement 7 puis 6 députés à l'Assemblée nationale en 1970 et 1973 avait pourtant reçu l'appui de 23 et de 30% des électeurs. En 1998, l'Action démocratique, avec 11,8% des voix n'a fait élire que son chef, Mario Dumont.
Il n'y a pas si longtemps, le premier ministre souhaitait qu'une réforme soit entreprise uniquement après l'accession du Québec à la souveraineté. Mardi, ses propos étaient nuancés.
«Moi je suis partisan de la proportionnelle, a-t-il dit. Je l'ai toujours été (...) Nous allons attaquer de front la question et par un moyen ou l'autre -commission parlementaire, commission parlementaire élargie ou autre- parce qu'on prend en sérieuse considération la pétition multipartisane qui nous est soumise, nous allons au nom de notre société essayer de vider cette question de la proportionnelle et arriver à un meilleur régime de représentation démocratique.»
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Making every vote count
Advocates of PR say it would lead to wider range of opinion in Assembly
DON MACPHERSON Montreal Gazette Wednesday, November 14, 2001

When was the last time you voted in a Quebec election, not just out of a sense of a citizen's duty, but in the belief your vote would actually make a difference?
That you really voted for somebody, and not just against somebody else who was worse?
That you helped elect a member of the National Assembly who represented your views on more than just the sovereignty-or-federalism question and maybe one other big issue?
Probably about the same time we last had an Assembly that wasn't composed entirely of members of parties that were more or less nationalist and pro-business, shades of the same colour, huddled together in the middle of the political spectrum like sparrows on a wire on a cold morning.
Well, some pretty big names in Quebec society think it's time the voting system were changed to make every vote count and to broaden the range of views represented in the Assembly.
They want to do so by introducing at least an element of proportional representation, or PR. This is a voting system in which seats in, say, the Assembly would be distributed among the parties according to their respective shares of the province-wide vote instead of which candidates got the most votes in the individual ridings. Among other effects, PR makes it easier for small parties to get seats.
It also reduces distortions between a party's proportion of the vote and its share of the seats. In the last Quebec election, the Parti Québécois captured 61 per cent of the seats in the Assembly with only 43 per cent of the popular vote. In fact, it received fewer votes across the province than the Liberals, whose 44 per cent of the over-all vote gave them only 38 per cent of the seats.
And Mario Dumont's Action Démocratique party received more than 475,000 votes but elected only Dumont, while the PQ averaged fewer than 33,000 votes for each of its elected candidates and the Liberals fewer than 36,000.
As Claude Charron, former Parti Québécois cabinet minister, said yesterday: "Quebec is a society that lives in colour. So why should we have an Assembly that's only in black and white?"
Charron, now well-known as a television journalist and a successful producer, is one of 125 people who have signed a petition calling for a broad public consultation on changing the voting system.
Other signatories of the petition, being circulated by a non-partisan "rainbow coalition" called the Mouvement pour une Démocratie Nouvelle, include Claude Ryan, former Liberal leader and cabinet minister, and Jean Allaire, founder of Mario Dumont's Action Démocratique party.
The movement points out that the British "first-past-the-post" system we now use has been abandoned everywhere except Great Britain, the United States and Canada. And in Great Britain, the Blair government has commissioned a study on changing the system. "Will Quebec be the last to turn out the lights on the least bad of the bad voting systems," asked Marc Laviolette, president of the CNTU, another member of the movement.
All four MNAs elected in last month's by-elections, including cabinet minister Richard Legendre, signed the petition during their campaigns. Speaker Jean-Pierre Charbonneau has given the movement tangible encouragement in the form of a $5,000 grant. And all three parties in the Assembly are on record as favouring reform of the voting system.
But the closer a party is to power, the less interest its elected members have in changing a system that is serving them well. Premier Bernard Landry is opposed to reform. And Charron recalled that the PQ lost much of its zeal for reform after it went from being a victim of the system when it was a small third party to a "profiteer" when it took power 25 years ago tomorrow with only 41 per cent of the vote.
He remembered how his elation on election night was dampened when somebody told him the party's share of the vote. " 'Only 40 per cent?' I said. 'You mean 60 per cent of the people voted against us?' "
- The Web site of the Mouvement pour une Démocratie Nouvelle, in French only, is at:  HYPERLINK "http://pages.infinit.net/mdn" \t "_blank" pages.infinit.net/mdn
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Par intérêt, sinon par vertu
Michel David LeDevoir Le jeudi 15 novembre 2001

Il est assez paradoxal de penser que c'est grâce à un mode de scrutin que René Lévesque avait lui-même qualifié de «politiquement infect» qu'on peut célébrer aujourd'hui le 25e anniversaire de la victoire péquiste du 15 novembre 1976.
Claude Charron racontait cette semaine qu'il n'en était pas revenu, à l'époque, d'avoir pris le pouvoir avec 71 sièges sur 110 tout en recueillant seulement 41 % des voix. Remarquez qu'il ne s'en était pas plaint, y voyant sans doute un juste retour des choses après les résultats crève-coeur de 1970 et 1973.
Si le Québec avait eu un mode de scrutin à la proportionnelle, on peut toujours imaginer que le PQ aurait conclu une alliance avec l'Union nationale, qui avait créé toute une surprise avec ses 18 %, mais il aurait fallu faire une croix sur la loi 101, carrément incompatible avec le «libre choix» que préconisait l'UN. Sans parler du référendum sur la souveraineté-association, à laquelle Rodrigue Biron ne s'était pas encore converti.
Après une pareille aubaine, il n'est pas difficile de comprendre que le PQ n'a jamais voulu abandonner le système uninominal à un tour par la suite, même si le message inaugural du 9 novembre 1981 promettait de le réformer, comme le programme du PQ le prévoit toujours, 20 ans plus tard.
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Au Québec et, de façon moins unanime, au Canada anglais, on n'en finit plus de réclamer, dans une proportion qui reste à déterminer, l'introduction d'un élément de proportionnelle. Le Mouvement pour une démocratie nouvelle, qui a entrepris de susciter un débat public sur la question, est simplement le dernier en date.
Il devient presque oiseux de refaire le procès du système actuel et de vanter les mérites de la proportionnelle tant le consensus est large. Le premier ministre Landry a lui-même déclaré à l'Assemblée nationale mardi qu'il a toujours été un partisan de ce mode de représentation, expliquant qu'il avait eu l'occasion de constater, ailleurs dans le monde, «la qualité démocratique que ça peut donner».
Libéraux et péquistes ont cependant fait la preuve qu'à moins d'être pratiquement forcés par l'opinion publique, comme cela s'est produit - non sans difficulté - en Nouvelle-Zélande, l'opportunisme politique et la procrastination constituent la règle en cette matière. Or la population ne semble pas habitée d'un très grand sentiment d'urgence.
M. Landry a promis d'attaquer la question de front, s'empressant toutefois d'ajouter qu'une «action censée» suppose une «réflexion préalable». Compte tenu de ses considérations sur les exigences de la stabilité dans un régime parlementaire de type britannique et de la proximité des prochaines élections générales, l'exercice a toutes les chances de contribuer à enrichir une collection de voeux pieux déjà très riche.
Il est vrai que le passage à un mode de représentation proportionnelle, peu en importe le degré, nécessiterait un sérieux changement de culture, notamment l'assouplissement de la sacro-sainte «ligne de parti», mais personne n'a jamais proposé de transposer au Québec le modèle italien ou israélien.
Les députés devront également se faire à l'idée que certaines vedettes pourraient être élues et devenir ministres du seul fait que leur nom figure sur une liste alors que d'autres devraient traverser l'épreuve d'une campagne électorale avant d'aller moisir sur les banquettes arrière. Dans un milieu où les frustrations sont à la mesure des ambitions, ce n'est pas nécessairement évident.
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Il n'y a pas si longtemps, Jean Charest ne jurait que par une réforme du mode de scrutin. Les libéraux estimaient, non sans raison, qu'ils s'étaient fait voler les élections de 1998. La concentration de leur vote dans les circonscriptions à majorité anglophone était telle qu'on estimait à six ou sept points l'écart qui devait les séparer du PLQ pour prendre le pouvoir.
M. Charest répète sans arrêt qu'il ne croit plus aux sondages, ce qui ne l'empêche pas d'en commander, mais il faut bien constater que la ferveur de sa croisade pour réformer le mode de scrutin a été inversement proportionnelle à l'augmentation des intentions de vote dont son parti est crédité.
C'est précisément ce qui devrait inciter le premier ministre à accélérer les choses. L'expérience des 30 dernières années a démontré que les libéraux ne font pas les choses à moitié. Quand ils remportent la victoire, c'est un véritable balayage.Au lendemain des prochaines élections, le PQ pourrait très bien se retrouver avec 25 députés. Faute d'agir par vertu, l'intérêt peut être un excellent motif. Si le gouvernement Lévesque s'était décidé à modifier le mode de scrutin après les élections de 1981, son parti aurait pu éviter le désastre de 1985.
Le ministre responsable de la réforme électorale, Guy Chevrette, estime, comme l'a déjà dit M. Landry, qu'un mode de représentation proportionnelle siérait mieux à un Québec souverain. Et pourquoi donc? Absolument rien dans la Constitution canadienne n'interdirait au Québec d'affirmer ainsi son «caractère distinct» et de profiter dès maintenant de cette «qualité démocratique» que le premier ministre trouve si admirable ailleurs.
Mieux encore, un mode de scrutin comportant un élément de proportionnelle ouvrirait d'intéressantes perspectives dans la mesure où elle pourrait permettre de «dépéquiciser» la souveraineté. Certains au PQ rêvent secrètement, peut-être en couleur, d'un gouvernement de coalition où quelques ministères pourraient être offerts à l'Action démocratique. Cela suppose toutefois que l'ADQ cesse d'être le parti d'un seul homme. Au point où en est le projet souverainiste, pourquoi pas?
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Scrutin proportionnel et hypocrisie des partis
Michel Morin La Tribune Le vendredi 16 novembre 2001

Éditorial - Cela doit bien faire une décennie que tous les politiciens en parlent. Et le réclament. Mais comme les hommes et les femmes politiques n'en sont pas à leur premier souhait relégué aux oubliettes, le sujet n'est toujours qu'un sombre projet qui continue de trotter dans la tête des bien-pensants. Et pourtant, les exemples démontrant le bien-fondé d'une réforme du mode de scrutin sont légion. Il suffit de remonter à la dernière élection provinciale: le Parti libéral a obtenu plus de votes que le Parti québécois mais, compte tenu de la concentration du vote libéral dans quelques comtés, il n'a pas obtenu la victoire. Le même phénomène a également eu cours à plusieurs reprises dans le passé politique du Québec. En 1966 et en 1944, raconte l'histoire, le parti qui avait obtenu le plus de votes n'a pas formé le gouvernement. Dans les mois suivant sa victoire en 1976, René Lévesque s'était pourtant engagé à réformer le mode de scrutin. Et tous les premiers ministres ou les chefs de parti qui lui ont succédé en sont venus au même constat: le mode de scrutin uninominal à un tour actuellement en vigueur ne cadre plus. Mais que s'est-il passé depuis et que se passe-t-il encore pour que les principaux partis politiques du Québec refusent de souscrire au mode de scrutin proportionnel? Poser la question, c'est y répondre. Ni le Parti québécois, ni le Parti libéral n'ont jamais osé aller de l'avant parce que leurs dirigeants savent que, tÙt ou tard, l'actuel mode de scrutin finira par les avantager. Le mode uninominal à un tour, avec toutes les distorsions qu'il entraîne, devient le meilleur rempart qui soit pour une formation politique qui s'accroche au pouvoir. Dans le même sens, il permet à un parti d'enlever la victoire en dépit du fait que la pluralité des votes va à l'adversaire. En clair, c'est le mode idéal pour qui veut rester au pouvoir le plus longtemps possible. Et cette logique électoraliste n'est pas l'apanage d'une seule et même formation. À cet égard, libéraux et péquistes s'entendent comme larrons en foire. Tous les partis qui remportent la victoire grâce à l'actuel mode de scrutin lui trouvent alors une foule de vertus. Étonnamment, ils le décriaient avant de goûter enfin au pouvoir... Qui plus est, le mode de scrutin proportionnel que le Québec doit épouser sans plus attendre, permettrait à des tiers partis ou à tout le moins à des courants de pensée différents d'être représentés à l'Assemblée nationale. En toute honnêteté, il n'est pas logique que l'Action démocratique n'ait réussi qu'à faire élire son chef en dépit de l'obtention de 11,8 % des voix en 1998. Depuis les dernières années, la société québécoise a connu des bouleversements sociaux et démographiques importants. Au point où l'expression Québécois de souche fait maintenant partie du vocabulaire quotidien. C'est dire à quel point les choses ont changé et continuent de changer. Or, il se trouve chez l'électorat jeune et moins jeune des militants et militantes qui ne croient plus aux partis traditionnels incarnés par le PQ et le PLQ. À titre d'exemple, le RAP, ou Regroupement pour une alternative politique, ne peut espérer faire élire un ou quelques députés si le mode actuel de scrutin n'est pas réformé. Ce qu'il faut en fait, c'est adopter un mode de scrutin capable de traduire en sièges de députés un pourcentage assez élevé de votes exprimés en faveur de l'un et l'autre des partis en présence. Malheureusement, le mode uninominal à un tour ne le permet pas. Et heureusement, les péquistes, les libéraux et les adéquistes sont d'accord pour passer au mode proportionnel. Et même devant une telle unanimité, les choses ne changent pas. Allez comprendre pourquoi.

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Élections: instaurer le deuxième tour
JEAN-MARC LÉGER Journaliste
LeDevoir - 22.11.01

Voici un bon quart de siècle, et même un peu plus, que des universitaires, des politiciens (généralement à la retraite), des commentateurs de toutes origines et même, heureusement, de «simples électeurs», relancent le débat à propos de l'instauration de la proportionnelle dans notre système électoral. L'idée de cette réforme est aussi ancienne que justifiée: qu'elle reste aujourd'hui encore à l'état de projet est curieusement révélateur soit de la pusillanimité, soit du conservatisme de la classe politique et de l'opinion, telle du moins que celle-ci peut se refléter dans les médias.
L'hésitation (ou les calculs?) des gouvernements successifs, y compris ceux émanant de partis qui avaient un temps approuvé l'idée du recours à la proportionnelle, ne laisse pas d'étonner, d'autant qu'il ne s'agit pas d'instaurer un système de proportionnelle intégrale mais d'instiller, en quelque sorte, une certaine dose de proportionnelle dans notre système.
Il est urgent de corriger les trop grandes distorsions entraînées par le système actuel (scrutin uninominal majoritaire à un seul tour), la composition de l'Assemblée nationale n'ayant souvent que de lointains rapports avec la réalité de la répartition du suffrage universel à l'échelle du Québec.
Il ne faudrait pas, toutefois, faire une sorte de fixation sur la seule question de la représentation proportionnelle. A la faveur d'une nécessaire révision en profondeur du système électoral, il importerait tout autant et même davantage de réfléchir à l'intérêt de l'institution d'un deuxième tour, comme cela se pratique depuis longtemps dans plusieurs pays européens.
L'objectif essentiel et la justification du deuxième tour, c'est de faire en sorte que tous les parlementaires élus, lors d'un scrutin donné, aient véritablement été choisis par la majorité absolue des électeurs dans chaque circonscription. Cela ne s'applique évidemment que dans les circonscriptions où il y a plus de deux candidats.
À l'issue du premier tour, ne restent en lice ou bien que les deux candidats arrivés en tête, à supposer qu'ils entendent se maintenir, et c'est la règle générale, ou bien, selon l'une des variantes, peuvent rester en lice pour le deuxième tour les candidats ayant obtenu au premier tour au moins 10 % des suffrages exprimés. En pratique, il y a rarement plus de deux candidats lors du deuxième tour.
Avec une telle formule, chaque élu exprime réellement le choix de la majorité des électeurs de sa circonscription et l'Assemblée entière constitue alors un miroir fidèle de l'opinion du pays.
Au Québec comme au Canada en général, il y a depuis déjà longtemps trois ou quatre candidats dans la plupart des circonscriptions et souvent davantage, au titre des diverses formations politiques, sans compter les non-inscrits à un parti, appelés chez nous «indépendants». Il arrive dès lors qu'un nombre considérable d'élus ne représentent que la minorité des électeurs, parfois seulement de 30 à 40 %.
C'est également le cas, parfois, pour la Chambre des communes dans son ensemble: il est arrivé à quelques reprises depuis un demi-siècle que le gouvernement fédéral soit issu d'un parti qui ne représentait pas, loin de là, la majorité des électeurs canadiens mais bien la minorité de ceux-ci. Voilà qui est non seulement étonnant mais éminemment malsain dans un système dit démocratique.
L'évolution récente du paysage politique au Québec doit susciter une réflexion sérieuse sur les moyens de renforcer la réalité démocratique de notre système, notamment par l'institution d'un deuxième tour, et cela lors des complémentaires autant que des générales. Dès lors qu'il existe trois, quatre, cinq formations sérieuses, dont chacune a son idéologie, son orientation, son programme propre et qu'elles sont présentes dans une large part des circonscriptions, l'existence du deuxième tour s'impose.
En effet, la formule permet à toutes les tendances, à toutes les familles politiques de se manifester, de se compter: l'électeur n'a pas à craindre de «faire le jeu du pouvoir ou du principal parti d'opposition» en votant pour une autre formation que les deux partis principaux.
On favorise le jeu de la démocratie car le premier tour reflète vraiment la mesure de l'implantation de toutes les tendances dans les diverses régions du pays. Et puis, au deuxième tour, le choix ne peut plus s'opérer qu'entre deux candidats.
A ce moment, ou bien l'électeur confirme son choix du premier tour ou bien il choisit le candidat et la formation qui sont globalement les moins éloignés de ses convictions, ou encore entend surtout éliminer le parti ou le candidat -- ou les deux -- dont il ne veut à aucun prix.
Selon la formule célèbre, au premier tour, on choisit, au deuxième, on élimine. Ainsi, par exemple, je peux marquer au premier tour mon appui à une formation de gauche souverainiste, sans craindre de contribuer par là à favoriser un candidat ou un parti fédéraliste. Et au deuxième tour, j'opterai pour celui des deux partis en lice dont je me sentirai le moins éloigné.
Au total, dans un tel système, le citoyen a l'occasion de se prononcer réellement, à deux reprises, avec la possibilité de voter au moins une fois pour la formation qui a ses préférences, cependant que l'Assemblée ainsi élue reflétera véritablement les choix et le consensus du pays.
Au moins autant, et peut-être plus que l'instauration -- souhaitable -- d'une mesure de proportionnelle, l'institution du deuxième tour marquerait une nette et nécessaire avancée de la démocratie chez nous.

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Le Québec devra réviser son mode de scrutin, dit le DGE
Kathleen Lévesque LeDevoir Le vendredi 30 novembre 2001

Le Québec est prêt pour une révision de son mode de scrutin, soutient le Directeur général des élections, Marcel Blanchet.
Au sortir de «l'exercice très difficile» qu'est la confection de la nouvelle carte électorale, qui sera déposée mardi à l'Assemblée nationale, M. Blanchet estime que la consultation réclamée par le Mouvement pour une démocratie nouvelle doit être prise en considération. Le système actuel entraîne des distorsions, comme ce fut le cas en 1998, où la majorité des électeurs n'avaient pas voté en faveur du parti qui a par la suite formé le gouvernement.
«On pense que le temps est venu de faire une réflexion profonde sur le mode de représentation. La question se pose, et j'espère qu'il y aura un débat là-dessus», a déclaré hier au Devoir le Directeur général des élections (DGE) après avoir déposé son rapport sur la faisabilité d'instaurer une carte d'électeur numérisée avec photo. Le DGE croit qu'il s'agit d'une idée prématurée dont les coûts d'instauration sont prohibitifs.
Quant à la nouvelle délimitation des 125 circonscriptions du Québec, elle a nécessité deux projets et deux périodes d'audiences publiques tant les critiques ont été véhémentes. À quelques jours du dépôt de la carte électorale, les critiques fusent encore de toute part. À Laval, entre autres, les politiciens de diverses allégeances ont fait front commun pour revendiquer la création d'une sixième circonscription compte tenu de la croissance de la population, alors qu'en Gaspésie, où l'on note un dépeuplement, les quatre circonscriptions seront maintenues, devenant ainsi zone d'exception. Au delà du simple critère du nombre, le DGE doit tenir compte de la représentation effective, soit l'accès réel des électeurs à leur député et, inversement, l'accès du député à ses électeurs.
«La loi laisse beaucoup de souplesse et de marge de manoeuvre à la Commission de la représentation. Les possibilités sont tellement larges que lorsqu'on applique les critères prévus par la loi, ils peuvent être interprétés de façon différente ou revêtir une importance différente selon que l'on vive en milieu urbain ou rural. Ça crée beaucoup de critiques et de distorsions au chapitre du nombre d'électeurs par circonscription», reconnaît sans ambages M. Blanchet. Cette différence de la valeur du vote des électeurs joue en faveur d'une réforme du mode de scrutin, croit le DGE.
Avant lui, le DGE Pierre-F. Côté avait pris position en faveur de l'introduction d'une formule de proportionnelle territoriale. Aujourd'hui à la retraite, M. Côté milite au sein du Mouvement pour une démocratie nouvelle, tout comme plus d'une centaine de personnalités publiques dont Claude Charron, Claude Ryan, Marc Laviolette et Françoise David.
La semaine dernière, le premier ministre Bernard Landry s'est montré ouvert à l'idée d'instaurer une consultation sur la question et d'ainsi peut-être compléter la réforme électorale amorcée il y a 25 ans par René Lévesque.
Carte d'électeur: un projet prématuré
Pour ce qui est de la carte d'électeur réclamée à hauts cris par des militants du Parti québécois, notamment à la suite de la fraude électorale dans Anjou en 1998, le DGE s'est montré tranchant. Le projet est jugé prématuré car aucun avantage significatif n'a pu être dégagé.
Les prochaines élections générales au Québec auront vraisemblablement lieu sans carte d'électeur en raison de ses coûts prohibitifs. Le DGE a étudié deux scénarios où les coûts d'implantation prévus étaient de 290 millions dans un cas et de 150 millions dans l'autre. À cela s'ajouterait la mise à jour de la carte d'électeur, soit des frais récurrents de 30 millions sur une période de quatre ans, sans compter les coûts de la tenue d'un scrutin (en 1998, la facture s'est élevée à 50 millions).
Le ministre responsable de la réforme électorale, Guy Chevrette, pense qu'il sera «difficile dans les circonstances actuelles, voire impossible», de tenir le prochain scrutin général avec une carte d'électeur. Très étonné de ce que pourrait coûter une carte d'électeur numérisée avec photo, M. Chevrette refuse toutefois d'y voir une fin de non-recevoir de la part du DGE. Il s'accroche plutôt au bien-fondé de l'exercice actuel d'identification obligatoire des électeurs, qui a permis «d'atténuer beaucoup de problèmes» lors des élections partielles et municipales, a-t-il convenu. Le DGE Marcel Blanchet qualifie cette mesure de «pas de géant».
De plus, M. Blanchet souligne que l'intégrité du processus électoral repose d'abord et avant tout sur la liste électorale. «Il faut établir un juste équilibre entre le plus large accès possible à l'exercice du droit de vote et les contrôles exercés lors des élections», dit le DGE.
Si Guy Chevrette reconnaît l'absence de solutions alternatives, il entend continuer à se battre pour «renforcer le vote», notamment au nom des militants péquistes qui doivent travailler dans les bureaux de scrutin lors de situations controversées. Le ministre Chevrette songe notamment au système de carte en France, moins coûteux puisqu'il ne comporte pas de photo. «On fait face à une difficile réalité, mais je n'abandonne pas l'idée de rendre le vote plus sécuritaire», affirme-t-il.
Avec la collaboration de Mario Cloutier

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Scrutin proportionnel: pourquoi impossible?
Michel David LeDevoir Le mardi 04 décembre 2001

À en croire Louise Harel, il serait impossible d'introduire un mode de scrutin proportionnel au Québec sans réaliser d'abord la souveraineté. Vraiment? Et pourquoi donc? Quelqu'un aurait dû expliquer ça aux militants péquistes, qui le réclament depuis plus d'un quart de siècle.
J'ai eu beau relire à plusieurs reprises le compte rendu de l'entrevue que la ministre des Affaires municipales a accordée au Devoir, je ne saisis toujours pas où se situe cette impossibilité.
Toutes ces personnalités regroupées dans le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) seraient donc dans l'erreur? Un homme aussi réfléchi que Claude Ryan se serait-il engagé sans le savoir dans une voie où la souveraineté est un passage obligé? En tout respect pour Mme Harel, elle devrait peut-être s'inquiéter d'être la seule à avoir le pas.
«On est dans un régime constitutionnel où les gens sont élus dans une circonscription. Les gens sont attachés à leurs élus, leur territoire. Enlever cela va susciter un tollé pire que lorsqu'on a réduit le nombre de commissions scolaires», a-t-elle expliqué.
Si elle veut vraiment se lancer dans ce genre de comparaison, je suis prêt à parier que le tollé serait passablement moins grand que celui soulevé par les fusions forcées. Surtout que tous les partis politiques sont d'accord. Du moins en principe. Dans les circonstances, il est assez savoureux d'entendre Mme Harel évoquer l'attachement à des élus et à un territoire. Croit-elle sérieusement que les gens s'identifient davantage à un comté qu'à une municipalité?
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L'attachement des électeurs d'Hochelaga-Maisonneuve à la personne de sa députée-ministre illustre sans doute assez bien le phénomène d'identification que peut provoquer une longue pratique du scrutin uninominal à un tour, mais il ne faudrait surtout pas s'imaginer que c'est la règle. Les députés se plaisent à croire qu'ils constituent un lien indispensable entre le citoyen et l'État, mais plusieurs seraient cruellement déçus de leur faible taux de notoriété.
De toute manière, comme le reconnaît Mme Harel elle-même, personne de sensé ne suggère d'introduire au Québec une proportionnelle intégrale qui éliminerait toute référence locale au profit d'une liste établie à l'entière discrétion des partis politiques.
On peut souhaiter un peu plus ou un peu moins de proportionnelle, mais la dose serait sans doute assez limitée. Si la population y tient vraiment, on pourrait même conserver les 125 circonscriptions actuelles et y ajouter une vingtaine de députés choisis désignés au pro rata du nombre de voix obtenus par chacun des partis. Encore que l'opinion la plus répandue soit probablement à l'effet qu'il y a trop de comtés au Québec plutôt que l'inverse.
Il y a quelque chose d'un peu insultant à suggérer que les Québécois vont s'accrocher par simple habitude à un système qui produit des distorsions telles qu'on l'a abandonné presque partout ailleurs. Pourquoi toute réforme serait-elle impossible sans la souveraineté? Doit-on comprendre que la souveraineté nous rendrait plus démocrates ou simplement plus intelligents?
Si encore Mme Harel s'était inquiétée du danger d'introduire un mode de scrutin qui pourrait entraîner la formation de gouvernements plus fragiles, au risque d'affaiblir davantage le rapport de forces du Québec face aux autres provinces et surtout face à Ottawa. Déjà, il faut négocier avec les partis d'opposition le libellé de chaque motion dénonçant l'un ou l'autre empiétement du fédéral. Imaginez le marchandage si le gouvernement était minoritaire. La ministre n'y a cependant fait aucune allusion.
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Finalement, on en arrive à se demander si elle ne craint pas surtout que la souveraineté devienne impossible ou à tout le moins beaucoup plus difficile à réaliser après une réforme du mode de scrutin. Plus précisément, qu'il devienne impossible de former un gouvernement qui soit en mesure de tenir un référendum sur la souveraineté.
Élu avec seulement 41 % des voix en 1976, le PQ aurait pu difficilement tenir un référendum s'il avait dû compter sur l'appui de l'Union nationale pour conserver sa majorité à l'Assemblée nationale. En 1995, Mario Dumont aurait certainement imposé des conditions plus exigeantes que le «partenariat», si l'ADQ avait eu la balance du pouvoir. Remarquez qu'un référendum «gagnant» sur le rapport Allaire aurait pu produire des résultats très intéressants.
Il y a cependant des limites à profiter du système. Si jamais le PQ réussit l'exploit de remporter une troisième fois de suite les élections générales, ce sera à la faveur d'un scénario semblable à celui de 1998, qui lui a permis de conserver une majorité de sièges avec moins de voix que les libéraux. Pourrait-il prendre le risque de tenir un troisième référendum avec un mandat aussi faible? Bernard Landry est peut-être plus souverainiste que Lucien Bouchard, mais il n'est pas suicidaire pour autant.
Celui à qui René Lévesque avait confié le mandat de mettre en forme son projet de réforme du mode de scrutin, André Larocque, a toujours soutenu que le système uninominal à un tour était la pire façon de se préparer à cette consultation à la proportionnelle par excellence qu'est un référendum.
Selon lui, c'est particulièrement vrai au plan de l'organisation. D'élections en élections, il y a une trentaine de comtés acquis aux libéraux auxquels le PQ renonce dès le départ. Cet abandon ne porte pas à conséquence lors des élections, mais tous les votes comptent lors d'un référendum et on n'improvise pas une organisation là où pratiquement rien n'a été fait depuis des années.
«Que l'on soit pour ou contre la souveraineté, la démocratie n'est pas une conséquence, mais un préalable», disait M. Larocque. Dommage que ce soit impossible.

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Faut-il changer le mode de scrutin?
Dans la conjoncture actuelle, cette réforme pourrait affaiblir le Québec
Denis Monière Politologue
LeDevoir Le mercredi 05 décembre 2001

Opinion - La question du mode de scrutin revient épisodiquement frapper à la porte de l'opinion publique. Le sentiment d'injustice que suscite le mode de scrutin à majorité simple semble s'intensifier lorsque des élections produisent des résultats «aberrants», comme ce fut le cas en 1966 et en 1976, où l'Union nationale et le Parti québécois furent élus avec seulement 40 % des voix, ou encore en 1998, où le PQ fut élu avec moins de votes que son opposant.
Dans ces contextes particuliers, les tiers partis tentent de mobiliser l'opinion publique pour changer le mode de scrutin. De telles disparités entre le nombre de voix et le nombre de sièges existent aussi sur la scène fédérale, mais cela ne semble pas soulever beaucoup de protestations. Jusqu'à présent, la pression populaire n'a jamais été suffisante pour forcer un parti nouvellement élu à changer les règles du jeu électoral car une telle réforme est lourde de conséquences pour le fonctionnement d'un système politique.
Le changement du mode de scrutin se produit le plus souvent lorsqu'il y a une crise politique majeure qui déborde le problème des déséquilibres dans la représentation des partis. Un tel changement suppose aussi l'accord des principales forces politiques. La seule tentative, faite au Québec après l'élection du Parti québécois en 1976, ne satisfaisait pas à ces deux conditions et a été sabotée par les députés du PQ.
Le scrutin uninominal à un tour crée des distorsions entre le soutien électoral qu'obtiennent les partis et la proportion de sièges qu'ils détiennent à l'Assemblée nationale. Il favorise une inégalité de pouvoir entre les électeurs car tous les votes ne comptent pas sur la balance du pouvoir. Tous les votes exprimés en faveur des candidats défaits sont exclus de la représentation nationale, ce qui représente souvent plus de la majorité des électeurs d'une circonscription électorale. Le choix des électeurs est ainsi limité à deux ou trois partis, et le citoyen n'est pas tenté de voter pour le parti qui le représente le mieux mais pour le parti qui lui déplaît le moins car l'électeur, puisqu'il est rationnel, ne veut pas perdre son vote en votant pour un parti qui n'a aucune chance d'être élu. En fin de compte, cette logique du second meilleur choix pervertit même le sens de la représentation politique.
Mais ce système n'a pas que des défauts, sa principale qualité étant d'assurer l'élection de gouvernements stables qui seraient aussi moins dépensiers parce qu'ils n'ont pas à négocier l'attribution des ressources publiques entre les diverses composantes de la coalition gouvernementale, comme cela doit se faire dans les systèmes qui ont un autre type de mode de scrutin. Il assure aussi une plus grande cohérence dans les politiques publiques. Il permet enfin à l'électeur de choisir personnellement celui qui le représentera.
Coalitions et négociations
S'il est facile de critiquer le mode de scrutin à majorité simple, il ne faudrait pas pour autant ignorer les inconvénients des autres modes de scrutin qui pourraient le remplacer et rapprocher la proportionnalité entre les votes et les sièges. L'introduction d'un mode de scrutin majoritaire à deux tours ou d'une forme de proportionnelle a automatiquement pour effet de multiplier le nombre de partis et d'entraîner la formation de gouvernements de coalition; chaque parti membre de la coalition négocie les conditions de sa participation en fonction des ambitions de ses chefs et des intérêts sectoriels de son électorat. Il est rare que ces modes de scrutin produisent des gouvernements majoritaires à parti unique.
En conséquence, ces gouvernements sont moins stables et peuvent se défaire selon les jeux de pouvoir des partis. Dans les systèmes proportionnels, quelle que soit leur formule, la désignation des candidats est contrôlée par la direction des partis, ce qui donne lieu à des jeux de coulisses et réduit d'autant l'influence des militants de la base au profit des bureaucraties partisanes. Il n'y a rien qui garantisse que ce soit la bonne façon de revaloriser la démocratie. On constate d'ailleurs que la chute du taux de participation affecte autant les systèmes proportionnels que les autres types de systèmes électoraux, l'exemple de la Nouvelle-Zélande étant éloquent à cet égard. Enfin, les systèmes proportionnels ne facilitent pas l'imputabilité des gouvernants, l'électeur peut moins facilement déterminer qui est responsable des décisions ou des non-décisions gouvernementales puisque plusieurs partis sont impliqués dans le processus décisionnel.
Est-il opportun de changer le mode de scrutin au Québec? Quelles en seraient les conséquences? Si le Québec était un pays souverain ou s'il y avait consensus sur le statut politique du Québec, il serait souhaitable d'adopter un autre mode de scrutin et d'introduire un scrutin mixte comme ceux qui existent en Allemagne et au Japon. On pourrait élire 60 % de la députation selon le mode actuel afin de profiter des avantages du scrutin à majorité simple et 40 % des autres sièges pourraient être distribués à la proportionnelle pour compenser les écarts entre le pourcentage des voix et le pourcentage de sièges. Mais dans la conjoncture actuelle, nous estimons que cette réforme ne constitue pas un impératif catégorique et qu'elle pourrait affaiblir le Québec dans ses relations intergouvernementales avec le Canada.
On peut prévoir que le Parti québécois, formé d'une coalition de tendances idéologiques diversifiées, se fractionnerait en autant de partis car chaque courant aurait des chances de faire élire des députés et d'être représenté dans un éventuel gouvernement. Le Parti libéral ne serait pas directement menacé par la reconfiguration des forces politiques mais son aile anglophone pourrait être tentée de radicaliser ses positions et de faire bande à part, comme cela s'est déjà produit en 1989. Le Québec se retrouverait nécessairement avec un gouvernement formé par la coalition de deux ou de plusieurs partis qui devraient s'entendre sur un programme d'action commun. Les intérêts sectoriels des électorats représentés par les partis de la coalition détermineraient les paramètres du marchandage, ce qui pourrait en retour exacerber les tensions sociales, les laissés-pour-compte pouvant être tentés de recourir aux actions extraparlementaires pour faire valoir leurs intérêts.
Mais un gouvernement de coalition aurait des conséquences encore plus néfastes lorsqu'il serait obligé de négocier de nouvelles ententes fédérales-provinciales ou, scénario encore plus catastrophique, s'il devait négocier le statut politique du Québec avec le gouvernement canadien et ceux des autres provinces, qui, eux, seraient dirigés par des gouvernements majoritaires. Dans toute négociation, celui qui parle d'une seule voix et qui a une position cohérente est avantagé car sa résistance aux concessions est plus forte. Imaginons une situation où le gouvernement québécois serait formé par l'ADQ et le Parti québécois.
Ceux-ci doivent d'abord s'entendre sur une position commune qui sera forcément moins exigeante puisqu'elle devra concilier les positions des deux partis. Le gouvernement du Québec serait plus faible que ses homologues provinciaux car ce gouvernement serait formé par une coalition de partis qui voudraient faire valoir leurs différences. Il serait constamment soumis au chantage des partis, qui pourraient menacer de faire défection et de mettre en cause la majorité gouvernementale, ce qui ne serait pas très confortable pour établir un rapport de force.
Si la réforme du mode de scrutin est motivée par le sens de la justice, pourquoi alors la confiner au Québec? Ce qui est bon pour le Québec ne le serait-il pas aussi pour le Canada? Ne ménageons pas notre sens de la justice et étendons-le à l'échelle canadienne. Pourquoi ne pas négocier une réforme du mode de scrutin d'un océan à l'autre? Cela serait plus conforme à la logique des régimes fédéraux où, dans la quasi-totalité des cas, les diverses parties constituantes ont le même de mode de scrutin. Nous pourrons ainsi concilier notre désir d'instaurer une meilleure démocratie et notre besoin d'être sur un pied d'égalité dans les négociations avec nos partenaires canadiens.
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Changer le mode de scrutin? OUI
Le système actuel au Québec est «démocratiquement infect»
André Larocque L'auteur a été sous-ministre à la réforme électorale sous le premier ministre Lévesque. Il est présentement professeur associé à l'ENAP et porte-parole officiel du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN).
LP - Le mercredi 12 décembre 2001

«Démocratiquement infect»: les mots sont de René Lévesque. Notre mode de scrutin est hérité de l'Angleterre. Or, l'Angleterre est en voie de l'abandonner. D'autres pays à tradition britannique comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande l'ont déjà abandonné.
Bientôt, seulement trois pays dans le monde (Inde, É. -U. et le Canada) resteront pris avec ce système. À part la France qui recourt aux «deux tours», toutes les démocraties au monde utilisent une forme ou une autre de proportionnelle.
Le mode de scrutin actuel est foncièrement antidémocratique parce qu'il donne le contrôle du système politique aux partis politiques plutôt qu'aux citoyens. Cela se traduit par une crise profonde des citoyens dans leurs institutions. Aujourd'hui, 77% des Québécois disent avoir «peu ou pas du tout confiance» en leurs élus. Comme tout le monde sait, les chefs imposent la discipline de parti à leurs députés. Mais ce qui est bien plus grave, c'est que le mode de scrutin impose la discipline des partis à toute la société.
Un mode de scrutin, c'est une technique pour attribuer aux partis les sièges du Parlement conformément au vote populaire obtenu par ces partis: c'est la transposition de la volonté populaire en nombre de sièges à l'Assemblée nationale.
Le viol de principes démocratiques fondamentaux
Le système actuel fausse cette opération. Il déforme la volonté des citoyens, parfois même renverse carrément la décision populaire et produit l'invraisemblable résultat de créer plus d'électeurs «perdants» que de «gagnants».
Le système viole le principe fondamental de la démocratie: la volonté populaire. En 1998, le parti qui a fini second au vote populaire a gagné les élections! Quand cela est arrivé en 1966, René Lévesque avait parlé d'«un sabotage officiel et extrêmement pernicieux des fondements de la démocratie».
Le système viole un autre principe fondamental: l'égalité du vote de chaque citoyen. En 1998, ça prenait 22000 votes pour élire un député péquiste; 36000 pour un député libéral; et 475000 votes pour un député de l'ADQ.
Le système déforme systématiquement le vote populaire. En 1998, les Québécois ont accordé 42% du vote au PQ; le mode de scrutin lui a attribué 60% des sièges. On a donné 43% du vote au PLQ; le mode de scrutin lui a accordé 36% des sièges. Les électeurs ont procuré 12% du vote à l'ADQ, le mode de scrutin lui a attribué 0,8% des sièges.
Le système fait plus de «perdants» que de «gagnants». Quand un parti est élu avec 42% du vote, c'est que 58% des électeurs ont voté contre. Quand la majorité des députés sont élus avec moins de 50% du vote, c'est que la majorité des électeurs ont «perdu» leurs élections. Des centaines de milliers d'électeurs vivent dans des comtés où, de toute leur vie, ils ne gagneront jamais leurs élections... à moins de déménager!
Il faut changer le mode de scrutin parce que l'Assemblée nationale représente très mal les femmes, les jeunes, les travailleurs, les écologistes, les communautés culturelles.
Il faut changer le mode de scrutin parce que tous les partis (PQ, PLQ, ADQ, RAP, verts, PDS) se sont engagés à le changer.
Et pourquoi pas une proportionnelle «faite au Québec»? Le gouvernement actuel promet une consultation publique au cours de l'année 2002. Les Québécois auront l'occasion de définir eux-mêmes leurs institutions. Les modèles de proportionnelle ne manquent pas. Elles partent toutes du principe que chaque parti doit recevoir la proportion de sièges correspondant à la proportion du vote populaire reçu: 42% des sièges pour 42% du vote: c'est la volonté des électeurs qui est souveraine, et non pas celle des partis. Et pourquoi les Québécois n'inventeraient-ils pas leur propre forme de proportionnelle? Les Irlandais l'ont fait. Pourquoi pas nous?
La stabilité pour le vrai
Les opposants vous diront que la proportionnelle cause l'instabilité et on donnera en exemple Israël ou l'Italie. On oubliera de vous dire que proportionnelle et stabilité vont parfaitement de pair en Suisse, en Allemagne, en Suède, en Norvège, en Nouvelle-Zélande, en Irlande, en Australie, au Danemark, en Espagne, au Portugal, aux Pays-Bas, en Finlande, etc. Et bien sûr, on oubliera de vous dire que le scrutin anglais en Inde n'empêche pas l'instabilité.
En réalité, ce n'est pas d'abord le système électoral qui assure la stabilité, c'est le système politique. Si la stabilité doit être un objectif absolu, imitons le système américain où le gouvernement est stable depuis... 1787. Pourquoi? Parce qu'il est élu à date fixe. Comme le sont ici nos gouvernements municipaux. Rien dans la Constitution actuelle interdit de tenir les élections québécoises à date fixe, à la condition que ça ne dépasse pas cinq ans.
Discipline populaire au lieu de discipline de parti
Un résultat de 50,6% contre 49,4%... ça vous dit quelque chose? Le référendum, lui, c'est une proportionnelle: tous les votes comptent; tous les votes comptent également; la volonté populaire est respectée. Or, saviez-vous que le OUI, en 1995, avait gagné dans 80 comtés, et le NON dans 45? Et si on avait proclamé le soir du référendum la grande victoire du OUI, on aurait été au bas mot gêné. Mieux encore, on aurait crié au détournement de démocratie. Mais voilà justement la fraude qu'on nous passe à toutes les élections générales: le scrutin anglais ne base pas la victoire sur le vote populaire mais sur le nombre de sièges gagnés.
La démocratie exige que les partis soient au service des citoyens et non pas les citoyens pris en otage par les partis. Renversons la vapeur: imposons la discipline populaire aux partis politiques. La première façon de le faire, c'est de changer le mode de scrutin.

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Changer le mode de scrutin? NON
Rien n'indique que nous aurions une démocratie «meilleure»
Raymond Garneau L'auteur est président du conseil de l'Industrielle Alliance. Il a été, pendant huit ans, député à l'Assemblée nationale du Québec et quatre ans au Parlement canadien.
LP - Le mercredi 12 décembre 2001

Notre système de représentation parlementaire n'étant qu'une institution humaine, il ne fait pas de doute qu'on puisse lui trouver bien des défauts et qu'on veuille le réformer.
Il faut cependant faire attention aux miroirs aux alouettes. Le MDN «Mouvement pour une démocratie nouvelle» propose d'ajouter à notre députation actuelle un certain nombre de postes de députés qui seraient comblés, non pas par des élus, mais par des gens nommés députés, à partir d'une liste établie par les partis politiques et cela au prorata des votes obtenus lors des élections générales. Cette proposition, nous semble-t-il, ne réglera aucun des problèmes dont souffre notre démocratie parlementaire mais en aggravera les plus criants car, la direction vers laquelle les changements proposés nous entraînent, ne saurait en aucun cas être considérée comme menant à une démocratie meilleure sous prétexte qu'il s'agirait d'une démocratie nouvelle.
Parmi les myriades de facteurs et de problèmes dont souffrent présentement nos démocraties, certains sont liés aux relations entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire; d'autres au manque de pouvoir des députés et à l'affaiblissement de leur autorité morale, sans oublier évidemment la façon même dont le citoyen exerce son rôle. Ce que semble oublier la proposition du MDN est que l'élection, dans un système parlementaire de type britannique, n'a pas pour but de donner du pouvoir aux partis et à leurs idéologies, mais de donner le pouvoir aux représentants élus par la majorité des citoyens d'une circonscription électorale donnée.
Les partis, un mal nécessaire
Que les citoyens sentent le besoin de se rassembler en partis politiques pour défendre le bien commun et leurs idées est un mal nécessaire. Mais il y a une marge entre ce qu'on peut faire au niveau des partis pour favoriser l'implication des individus en politique, et ce que l'on doit faire au niveau des parlements pour sauvegarder l'autonomie des députés face à l'emprise des partis pris idéologiques ou des intérêts de toutes sortes.
Le rôle du député n'est pas uniquement de représenter le parti qui l'a aidé à se faire élire, mais aussi et surtout de représenter l'ensemble des électeurs de sa circonscription électorale, y compris celles et ceux qui n'auraient pas voté pour elle ou pour lui. Il y a tellement longtemps qu'on n'a pas réfléchi à ce genre de chose-là que, pour certains, les propositions du MDN semblent couler de source alors qu'elles ne font qu'aller dans le sens des vents corporatistes qui dominent notre conception présente de la démocratie et des représentants du peuple.
Nos députations parlementaires ne souffrent cependant pas que d'une érosion de leur pouvoir traditionnel. Elles souffrent aussi d'une érosion de leur autorité traditionnelle. Le problème à cet égard ne tient pas seulement au manque de diversité sexuelle, raciale, culturelle ou idéologique de nos parlements. Il tient surtout à la multiplication des espaces publics au sein de notre société et à une diminution marquée de l'autorité relative du Parlement par rapport à ces autres instances dans le débat public. En effet, il est plus facile de nos jours d'accéder aux pages de nos grands quotidiens ou aux ondes de la télévision et de la radio si on représente un groupe d'intérêt: syndicats, chambres de commerce, Société Saint-Jean Baptiste, environnementalistes, etc., que si l'on est simple député. Cela a pour effet de rendre la carrière de représentant du peuple passablement moins intéressante qu'elle ne l'était par le passé. (...)
Voilà le type de difficulté que rencontrent nos députés dans leur recherche du bien commun. Les puissants, qui représentent leurs intérêts corporatistes, ne se donnent même plus le trouble de se faire élire pour gouverner. Il ne faut donc pas se surprendre si des citoyens, intéressés par la vie publique, militent davantage dans des corps intermédiaires plutôt qu'au sein de partis politiques. On sait bien que ces derniers doivent s'exposer à la multiplicité des intérêts dans leur recherche du bien commun, et cela est beaucoup plus compliqué que de faire la promotion de l'intérêt spécifique d'un groupe quelconque.
Le pouvoir des idéologies
L'introduction d'une mesure de proportionnalité modérée dans notre système de scrutin a tellement peu à voir avec tous les problèmes dont nous venons de parler qu'on ne peut que s'étonner de voir que ce soit si souvent cette mesure qui occupe l'avant-scène du débat sur la réforme de notre démocratie. Loin de renforcer le pouvoir des individus au sein de notre parlement, l'introduction de la proportionnelle, même modérée, renforce encore plus le pouvoir des idéologies des groupes d'intérêt aux dépens du bien commun. Loin de renforcer le pouvoir concerté des parlementaires assumant entre eux la responsabilité de leurs charges au sein de l'assemblée législative, l'introduction de la proportionnelle donne plus de pouvoir aux «establishments» des partis. Ces «establishments» seront sans aucun doute désignés pour siéger au Parlement, mais ce ne seront pas des gens qui considéreront leur rôle comme étant de faire en sorte qu'une majorité réelle émerge autour de l'idée du bien commun, mais plutôt des gens qui considéreront leur rôle comme celui de faire respecter une orthodoxie préétablie du groupe qu'ils représentent.
Ce dont notre société a besoin, c'est d'une véritable redécouverte du pouvoir démocratique de l'individu non seulement le jour du scrutin, mais durant toute la durée du mandat d'un Parlement. C'est à ce prix que l'on pourra parler d'une démocratie «meilleure» plutôt que d'une simple démocratie «nouvelle».
Ce texte est cosigné par le fils de Raymond Garneau, Jean-François Garneau, qui est chargé de cours à l'École nationale d'administration publique (ENAP).

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Jeffrey Simpson
Les rênes du pouvoir
Frédéric Denoncourt VOIR 20.12.01

The Friendly Dictatorship de Jeffrey Simpson McClelland & Stewart Ltd. 2001, 238 pages
Un an après sa réélection pour un troisième mandat consécutif, le Parti libéral de Jean Chrétien apparaît aujourd'hui ancré au pouvoir plus solidement que jamais. Un sondage paru la semaine dernière sur les intentions de vote au fédéral accorde 54 % des appuis au PLC contre 16 % à son plus proche poursuivant, le Parti conservateur. Ce qui frappe avant tout dans ces résultats, c'est l'écart impressionnant favorisant les libéraux, plutôt inhabituel pour un parti depuis si longtemps en place.
Au pouvoir depuis 1993, Jean Chrétien est bien sûr le premier à profiter de cette situation particulière. Mais qu'est-ce qui peut expliquer une telle performance du PLC auprès de l'électorat après huit longues années? Une gestion particulièrement exceptionnelle de l'État ou... le manque de crédibilité et la faiblesse de toute autre option? Jeffrey Simpson, columnist au quotidien torontois The Globe and Mail, penche pour la seconde hypothèse dans son dernier ouvrage, The Friendly Dictatorship. Le Canada, de facto un pays à parti unique? "Oui. Une saine démocratie implique la possibilité de remplacer le gouvernement en place si on le juge nécessaire, ce qui ne semble plus être le cas aujourd'hui."
Un dictateur élu
Selon Simpson, nonobstant cette domination du PLC avec la déroute des partis d'opposition, deux autres éléments contribuent à l'affaiblissement de la démocratie canadienne: le désintérêt de la population, qui se manifeste par une baisse de la participation électorale, et les lacunes historiques de notre système parlementaire, qui accorde trop de pouvoir au premier ministre. "Tous les gens que j'ai rencontrés lors de la dernière campagne électorale étaient déçus de ne pas percevoir de solution de rechange au PLC. Cela a donné lieu à la plus faible participation à une élection fédérale depuis la Seconde Guerre mondiale." En considérant les citoyens en âge de voter, on arrive à un taux de participation de 52 ou 53 %, parmi les plus bas dans le monde occidental. Les distorsions quant à la représentation liées à notre système électoral contribuent peut-être à l'apathie de la population. "Il n'y a pas de lien entre le pourcentage de vote accordé aux partis et la représentation aux Communes. En Ontario, le PLC a balayé la province avec seulement 50 ou 55 % des votes."
Simpson ne mâche pas ses mots pour critiquer les faiblesses du parlementarisme. Le Sénat est docile et sans pouvoir réel, tandis que les députés - ces nobodies selon l'expression consacrée par Trudeau - sont réduits, en vertu de la discipline de parti, à jouer les figurants. "Le Parlement est perçu comme une institution ridicule où les députés se conduisent comme des enfants se battant dans une cour d'école. En d'autres mots, il n'existe aucun contrepoids au pouvoir du premier ministre, mis à part la bruyante et généralement inefficace période de questions. Une fois sa majorité parlementaire acquise, le premier ministre est l'équivalent d'un dictateur élu."
Chrétien bénéficie actuellement d'une conjoncture particulière et ce n'est certes pas parce qu'il est un grand visionnaire qu'il est depuis si longtemps en poste, de l'avis de Simpson. Pragmatique, il serait davantage un homme de pouvoir qui gouverne à la petite semaine, sans grandes idées. "Après 40 ans en politique, il n'a rien dit de mémorable à part sa formule préférée: "Le Canada est numéro un" [...] Le leitmotiv de Chrétien est de ne jamais engager le pays dans de grands débats d'avenir. Regarder en avant impliquerait d'admettre des problèmes, et cela entraînerait des débats qu'il risquerait de ne pas contrôler." Une illustration récente de ce trait de personnalité du premier ministre est le débat entourant le projet de loi antiterroriste. Même s'il s'agissait là d'un enjeu de taille qui a reçu beaucoup d'opposition, Chrétien aurait une fois de plus usé de toute la latitude dont il bénéficie pour faire valoir ses vues. "Il a rendu ses troupes absolument incapables de s'exprimer librement sur le sujet; Chrétien est un type qui demande la loyauté et qui décourage le vote libre en chambre pour ne pas perdre le contrôle." Le premier ministre a imposé le bâillon pour mettre fin aux débats en chambre après quatre heures et demie seulement. Il imposait cette pratique contestée pour la 72e fois depuis 1993!
Autre irritant non négligeable de notre système: le pouvoir de nomination très étendu du premier ministre qui implique qu'il devient en quelque sorte l'employeur de ceux dont le mandat est parfois d'avoir un regard critique sur ses activités. "Il nomme tous les gens qui comptent au sein du gouvernement fédéral: le juge en chef de la Cour suprême, le vérificateur général, le chef de l'armée canadienne, le président de CBC/Radio-Canada, le commissaire à l'éthique, le commissaire aux langues officielles, et j'en passe."
L'épisode du "Shawinigate" l'an dernier, alors qu'un parfum de scandale plana au-dessus de Chrétien - il pourrait s'être servi de son statut pour solliciter un prêt de la Banque centrale de développement pour un hôtel adjacent à un terrain de golf dans lequel il avait des intérêts - est un bel exemple de lacune des mécanismes de contrôle indépendants du gouvernement. "Chrétien a insisté sur le fait qu'il était, en tant que premier ministre, responsable des standards en matière d'éthique au gouvernement, incluant lui-même, bien sûr. Cela implique que le commissaire à l'éthique, au lieu de soumettre son jugement au Parlement, l'envoie au premier ministre, la seule personne à l'avoir nommé. Le premier ministre est donc juge et partie, faisant paraître le commissaire comme son pantin. Monsieur Wilson n'aurait pas gardé son travail s'il avait pris position contre Jean Chrétien dans son interprétation des événements. De même que tout député libéral qui exprimerait la moindre dissidence sur une question centrale comme la conduite du premier ministre serait marginalisé et peut-être expulsé du caucus. Aux États-Unis, la division des pouvoirs permet au Congrès de nommer des comités spéciaux pour éviter ce genre de problème. Regardez ce qui est arrivé dans le cas de l'affaire Clinton-Lewinski et de Reagan lors de l'Irangate. Ce dont nous avons un urgent besoin ici, c'est d'un commissaire à l'éthique indépendant. La justice doit être rendue et pour que les gens puissent le mesurer, elle doit se faire ouvertement avec une légitimité indépendante."
Accès à l'information
Chrétien serait aussi un chef particulièrement réticent à rendre compte des opérations de son gouvernement. "Il existe toute une machine à Ottawa pour le rendement public du renseignement. Cependant, elle est étroitement contrôlée par le gouvernement en place, et les informations que celui-ci ne veut pas voir divulguées, il les retient de toutes ses forces. C'est la raison pour laquelle il y a, depuis quelques années, une série de batailles de plus en plus féroces entre le cabinet du premier ministre et le commissaire à l'information. On a haussé le ton avec Chrétien dans les rapports annuels en se servant de mots de plus en plus sévères. Le commissaire et plusieurs autres députés réclament aussi une modification de la loi sur l'accès à l'information, mais à cause de la réticence du gouvernement à aller en ce sens, un groupe de députés s'est formé pour examiner la loi et pour proposer des changements. Mais le gouvernement a interdit à tous les bureaucrates de témoigner devant ce comité parce qu'il n'a aucun contrôle dessus; il a donc créé son comité officiel qu'il contrôle pour étudier la loi en parallèle."
Même dans la situation de crise qui a suivi le 11 septembre, alors que les enjeux nous concernaient tous et que le besoin de transparence était essentiel, Chrétien aurait usé de son pouvoir pour manoeuvrer seul. "Au début de la crise, il n'y a pas eu de réunion de la Chambre des communes; le premier ministre a participé à certaines activités mais le Parlement n'avait, tout au long de la première semaine, aucun rôle à jouer. Et regardez ce qui s'est passé au début des opérations en Afghanistan: l'administration américaine a donné des conférences tous les jours, mais ici on a été peu informés. Est-ce que le Parlement a été convoqué quand Chrétien a décidé d'envoyer des soldats? Non."
Le Canada est-il aujourd'hui moins démocratique que les autres pays? "Je dirais que le pays met plus de pouvoir dans les mains du premier ministre que tous les autres pays occidentaux, et toutes les tendances en ce moment vont dans le sens d'un renforcement additionnel."
"Ce qui rend encore plus inacceptable le système actuel pour les gens, c'est que dans les organisations pour lesquelles ils travaillent, ce genre de hiérarchie n'est plus populaire. On essaie d'encourager la participation, les idées et les initiatives dans un processus d'inclusion. Alors qu'à Ottawa, la ligne est clairement établie par le premier ministre et ses conseillers."
En conclusion, Simpson avance certaines pistes, dont l'assouplissement de la discipline de parti afin de laisser les députés voter librement sur certains enjeux. L'instauration d'un nouveau système électoral basé sur le vote alternatif favorisant une représentation plus fidèle (où l'électeur établirait son premier, deuxième ou troisième choix) et un Sénat élu pour contrebalancer le pouvoir du premier ministre pourraient aussi être envisagés. "Ce que je souhaite en fait, c'est que des groupes se forment dans la société civile et en politique pour étudier la question et formuler des options." Dans l'immédiat, il suggère surtout aux partis d'opposition d'abandonner la voie idéologique et les visions régionales, sous peine de voir le PLC encore longtemps en poste. "Les libéraux vont prier pour que le NPD n'apprenne pas de ses erreurs et que le Parti conservateur et l'Alliance canadienne continuent de croire qu'ils peuvent les battre à eux seuls." Parce que, ne soyons pas naïfs, les changements ne viendront pas d'en haut. "C'est le système que Chrétien connaît et contrôle et rien ne le fera changer. Il est le Roi-Soleil du gouvernement." Malade, la démocratie canadienne?

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Affaiblis par le scrutin majoritaire, les francophones retrouveraient leur force avec une proportionnelle
Pierre Serré Docteur en science politique
LeDevoir Le samedi 29 décembre 2001
Opinion - Le mode de scrutin majoritaire affaiblit considérablement l'influence électorale des francophones, qu'ils soient souverainistes ou fédéralistes nationalistes. Ce fait tient de l'articulation qu'il fait du vote divisé de la majorité francophone - laquelle est partagée entre plusieurs partis, à l'image de la plupart des autres sociétés occidentales - et du vote en bloc d'une minorité non francophone qui compte pour environ 15 % de l'électorat votant. S'il est évident que le vote de tout individu est parfaitement légitime, le mode de scrutin majoritaire a néanmoins des effets sur la représentation qu'il serait insensé de ne pas considérer.
Ainsi, avec le scénario le plus favorable au Parti québécois (PQ), soit un vote de 60 % pour le PQ contre 40 % pour le Parti libéral du Québec (PLQ), les candidats souverainistes ne se font élire que lorsque les francophones comptent pour au moins 79 % de l'électorat votant d'une circonscription à Montréal. Un vote plus faible en faveur du PQ, par exemple 55 % pour le PQ contre 45 % pour le PLQ, fait passer la proportion minimale de francophones nécessaire à l'élection d'un candidat souverainiste à 90 %. Hors Montréal, un tel clivage chez les francophones correspond au meilleur scénario pour le PQ.
Les avantages dont jouissent les candidats libéraux détenteurs de sièges sûrs sont énormes: mandats illimités, expérience parlementaire supérieure, visibilité et prestige dans l'électorat, réseautage entre députés en vue du partage des postes ministériels une fois au pouvoir, nominations et retraites dorées pour les plus doués. Tels sont les ingrédients qui les amènent à contrôler les échelons supérieurs du PLQ.
De fait, le poids relatif des députés libéraux redevables de leur élection ou liés aux non-francophones augmente au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie libérale. De 1970 à 1998, en moyenne, les non-francophones ont représenté de 25 à 35 % de l'électorat libéral. Lorsque dans l'opposition, les non-francophones ont influé directement sur l'élection de 90 % des députés libéraux. Au pouvoir, près des deux tiers des députés libéraux sont dans la même situation, 75 % des membres du conseil des ministres et la quasi-totalité des sept ou huit ministères les plus importants. Mesurer le pouvoir des non-francophones en fonction du nombre de représentants qu'ils ont relève d'un certain ethnicisme. Les élus sont d'abord liés à leur électorat.
L'alliance entre non-francophones et fédéralistes radicaux francophones leur donne le contrôle du PLQ autant au pouvoir que dans l'opposition. Le plus important demeure le fait que ces radicaux, qui ne représentent qu'un courant minoritaire chez les francophones, contrôlent l'un des pôles de définition du cadre de légitimité du Québec. Par l'amplification démesurée de leur influence, certaines idées et positions politiques contraires aux intérêts fondamentaux des francophones sont défendues, rendues tout à fait légitimes, banalisées et promues dans tout l'électorat. Les francophones sont ainsi affaiblis sur la scène provinciale, face à Ottawa et face aux autres gouvernements provinciaux.
Le mode de scrutin majoritaire fabrique la structure de pouvoir qui a procédé à l'assimilation des francophones hors Québec. Totalement évincés du pouvoir à Montréal, bâillonnés par les élus fédéralistes, les francophones n'ont plus qu'à apprendre le silence et à se désinvestir du politique. Alors que les tendances démolinguistiques font disparaître Montréal jour après jour des enjeux électoraux (le rythme de l'intégration linguistique actuelle ne suffit pas), alors que la gouverne politique des principales villes du Québec (Montréal, Longueuil, Laval, Gatineau, Sherbrooke) est dorénavant hors de portée des souverainistes (et que les libéraux fédéraux et provinciaux y trouveront bonne fortune à satiété), le risque d'une mutation de la culture politique des Québécois ne devient que plus réel. L'être humain s'adapte. La meilleure preuve en est fournie par les francophones de l'Outaouais, dont le comportement électoral a subi, depuis l'échec de l'Accord du lac Meech, une véritable rupture avec celui des francophones du reste du Québec. S'agit-il là d'un stade intermédiaire entre les francophones du reste du Québec et ceux du reste du Canada? Un stade vers lequel évolue maintenant Montréal?
Un mode de scrutin proportionnel libérerait de formidables forces politiques et permettrait une véritable conquête de la scène électorale par les francophones. Le PLQ éclaterait, les francophones fédéralistes nationalistes et les autonomistes seraient placés devant leurs propres contradictions: réclamer du Canada anglais des aménagements permettant aux francophones d'assurer leur survie, aménagement qu'il ne concédera jamais au Québec. Leur soumission aux fédéralistes radicaux et aux non-francophones serait éminemment inconfortable. Les allophones et les anglophones acceptant le fait français auraient à la fois la capacité et la possibilité de se soustraire à la tutelle des radicaux. Une situation plus favorable aux francophones en émergerait.
Quant au PQ, un éclatement éventuel ne le ferait pas disparaître, loin de là. Il permettrait - effet capital - de recentrer les débats entre souverainistes et nationalistes plutôt qu'avec les fédéralistes radicaux. Pour réussir une telle reconfiguration des rapports entre fractions politiques, aucune trace de ce qui produit une influence démesurée des non-francophones - le mode de scrutin majoritaire - ne doit subsister. Une proportionnelle régionale modérée, qui permettrait de préserver les liens entre élus et territoires, donnerait aux fédéralistes radicaux un poids politique correspondant à leur poids démographique.
Un mode de scrutin proportionnel aurait un formidable effet déclencheur: politisation et participation accrues et, surtout, transformation de la culture politique des Québécois en une culture de groupe majoritaire. À elle seule, cette transformation surpasse tous les inconvénients associés à tort ou à raison à une représentation proportionnelle. Loin d'affaiblir les francophones, cette dernière générerait beaucoup plus d'unité face à un Canada anglais qui, lui, ne changera pas. L'option la plus malheureuse serait de conserver le mode de scrutin actuel, après avoir livré le pouvoir municipal aux fédéralistes radicaux et au moment où le poids des francophones commence à décliner à l'échelle du Québec.

Commentaire
trois questions
Voici les questions que j'ai renvoyées à M. Serré :
Bonjour M. Serré,
J'ai lu il y a quelques jours votre article paru dans Le Devoir concernant l'affaiblissement des francophones dans le cadre du mode de scrutin majoritaire et l'éventualité de leur redonner de la force par l'adoption de la proportionnelle... et je dois dire que j'ai été renversé par l'éloquence de votre démonstration. À vous lire, on se dit : eureka! Voilà la solution, la meilleure façon de dénouer l'impasse identitaire des Québécois qui les divise et les paralyse. On se dit aussi que cela semble presque trop beau pour être vrai...
Cette lecture a suscité en moi trois questions. Primo : Pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant, au PQ ? Secundo : Si on y a pensé, pourquoi n'a-t-on pas encore agi? Tertio : La haute direction du PQ est-elle au courant de vos conclusions, et si oui, croyez-vous qu'elle garde ce plan secret dans sa manche comme une "sortie de secours" avant les prochaines élections?
Merci de prendre la peine de me répondre!
Jean-François Vallée Québec
Voici ce que M. Serré m'a répondu :
Bonjour M. Vallée,
Trois questions.
Primo : Pourquoi n'y a-t-on pas pensé avant, au PQ ?
Ce n'est pas au PQ mais aux scientifiques que l'on devrait poser la question. Or la science avance lentement. Comme la plupart des analyses de l'opinion publique sont basées sur les sondages, la conséquence en est que, jusqu'à présent, très peu d'études ont abordé l'impact du mode de scrutin sur l'expression électorale des groupes. Cet impact demeure encore largement sous-estimé. Par ailleurs, il était et demeure toujours difficile d'aborder quiètement les relations entre les groupes linguistiques. Ce secteur de recherche est «occupé», notamment par le biais du financement des activités de recherche, et par le financement d'organismes contribuant à l'avènement d'un climat idéologique peu propice. La nature délicate du sujet et les exigences considérables d'une description rigoureuse des relations entre les groupes linguistiques ont retardé la progression de la compréhension des rapports entre les groupes. Enfin, les gouvernements péquistes se sont, jusqu'à présent, révélés tout à fait vulnérables : pas de contrepoids au climat, une structure interne de pouvoir qui affaiblissait Montréal et diminuait la compréhension de la complexité des enjeux montréalais, etc. Pour la science, il reste un défi de taille : intégrer l'effet distordant du mode de représentation dans l'analyse des rapports sociaux au Québec.
Secundo : Si on y a pensé, pourquoi n'a-t-on pas encore agi?
Les découvertes scientifiques arrivent au moment où on ne les attend pas. L'idée d'une collectivité démographiquement majoritaire dont le pouvoir politique est considérablement diminué sur le plan électoral était totalement inattendue. Pour progresser et devenir partie intégrante de notre compréhension de l'évolution du Québec contemporain, il lui faudra compter plusieurs années, et sans doute combattre l'hostilité des agents qui ont des intérêts politiques et économiques opposés. Plus l'idée deviendra puissante, et plus elle sera combattue.
Tertio : La haute direction du PQ est-elle au courant de vos conclusions, et si oui, croyez-vous qu'elle garde ce plan secret dans sa manche comme une « sortie de secours » avant les prochaines élections?
La haute direction du PQ commence maintenant à être au courant. Mais, en politique partisane, la force et l'à-propos d'idées se mesurent à leurs appuis partisans. Les simples députés péquistes, plus que le chef ou quelques hauts gradés, constituent une force d'inertie en matière de changement au mode de scrutin. Le véritable moteur du changement démocratique est l'opinion publique. C'est là que se joue la bataille de la représentation dans un premier temps. Une victoire du PQ lors des prochaines élections, avec plus de sièges mais avec 5% moins de voix que le PLQ, créerait une situation de crise de légitimité politique capable de pousser tout gouvernement élu à la réforme. Tôt ou tard, cette perspective se produira. Les fédéralistes radicaux, actuellement favorisés, n'auraient pas le choix d'emboiter le pas à d'éventuelles modifications au mode de scrutin, laissant les simples députés péquistes seuls à défendre le statu quo. Et comme les intérêts particuliers ne sont pas ceux de l'ensemble de la population...
Rajoutez à ce qui est développé dans ce texte l'approfondissement du clivage entre Montréal et le reste du Québec et le renforcement d'une dynamique partisane de plus en plus centrée sur l'extérieur de Montréal (de moins en moins de circonscriptions vulnérables au changement d'allégeance partisane à Montréal et banlieues), et il sera de plus en plus difficile de combattre efficacement la réforme du mode de scrutin. Défenseurs du développement économique de Montréal, milieux syndicaux et communautaires qui promeuvent des enjeux sociaux, défenseurs de l'intégration des immigrants et de la langue française, souverainistes qui cherchent à affirmer les intérêts de la communauté majoritaire, milieux allophones et immigrants qui se sentent marginalisés, les appuis populaires ne manqueront pas.
Avec un changement de mode de scrutin, quoiqu'il arrive des partis politiques actuels, la force des Québécois réside dans leur patrotisme, compris comme une solidarité pan-partisane, face à un Canada anglais refusant toute concession permettant aux Québécois d'assurer leur avenir au sein du Canada. Cette rigidité est déjà largement responsable de l'existence du mouvement souverainiste québécois (imaginons un Québec disposant d'un véritable et consistant statut particulier à l'intérieur du Canada) et provoquera ultimement la sécession du Québec, pour peu que les francophones demeurent suffisamment nombreux et qu'ils mettent fin à l'influence indue des radicaux fédéralistes. La faiblesse du Canada actuellement au pouvoir réside dans son intransigeance, tandis que la force du Québec réside dans sa différence.

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2002
De janvier à avril 2002
Par-delà le babillage idéologique
Mathieu Bock-Côté Étudiant en philosophie, Université de Montréal TRIBUNE LIBRE VIGILE 19.1.2002

Sous prétexte de s'accomplir, une idée en vient souvent à se nier. La politique n'est pas seulement affaire de logique. Une institution ne relève pas simplement de l'artifice. Elle n'est pas malléable à souhait. Toute situation est particulière. Il n'y a pas de pensée véritablement politique sans une conscience vive du particulier. L'universel est une catégorie morale, pas politique. On jauge moins une situation selon des principes que selon une tradition. Lorsqu'on entreprend de changer les institutions, il faut faire acte de prudence, de modestie. Il faut aussi se méfier de l'abstraction qui répond au fait par le souhait, qui substitue des mots à la réalité, et qui fait le choix de la norme par-delà les faits et les évidences indépassables.
C'est au nom d'une certaine idée de la démocratie que plusieurs voix se lèvent ces temps-ci pour exiger une réforme du mode de scrutin susceptible de favoriser une meilleure représentativité des institutions politiques québécoises. Par-delà les formations politiques marginales, toujours promptes à voir leur exclusion de l'Assemblée nationale comme un déni de démocratie, des porte-paroles de la "société civile" et des personnalités liées aux partis majoritaires se sont joints au concert des voix qui exigent une meilleure représentativité de nos institutions susceptibles de les démocratiser.
On identifie a priori deux notions qui ne sont pourtant pas équivalentes : démocratie et représentativité. L'une réfère à la nature du régime politique. L'autre à l'incarnation spécifique du régime démocratique une fois qu'on a commencé à lui accoler des adjectifs. Il peut y avoir des démocraties libérales. Des démocraties socialistes. On parla longtemps, en Europe, d'une démocratie chrétienne. Disons de l'exigence de représentativité qu'elle correspond à une certaine idée de la démocratie directe. On en fait souvent un projet sous le signe de la "démocratisation". On y postule qu'il doit y avoir une identité approximative entre la réalité du social et la composition de l'espace public. Il importe moins de structurer le pouvoir politique autour d'une autorité forte et disputée par une opposition reconnue que de permettre aux différentes composantes de la société de s'exprimer politiquement au sein de l'agora instituée, soit l'Assemblée nationale.
Un régime politique ne saurait se confondre entièrement avec sa forme spécifique. On ne peut démocratiser à l'infini la démocratie sans tenir compte de l'autorité nécessaire présupposée dans tout régime politique. Avant d'être représentative, une démocratie doit être politique. Fragmenter la représentation à l'infini peut paver le chemin à deux avenues : soit la paralysie du politique devant son incapacité à formuler une idée claire de la volonté générale, soit la consécration du pouvoir technocratique, qui se substituera à la cacophonie de l'Assemblée pour guider la politique de l'État par-delà les intérêts partisans.
Avant d'être démocratique, un gouvernement doit être capable de gouverner. En ce sens, les institutions politiques doivent toujours être commandées par une saine conscience de l'autorité avant de s'engager dans une forme particulière de régime politique. Lorsque la démocratisation rime avec l'aplatissement progressif de l'autorité, il faut méditer sur les conséquences politiques de ce mouvement. Lorsque la démocratisation consacre l'affaiblissement d'un gouvernement national et de sa capacité à défendre adéquatement l'intérêt général, il faut être méfiant. Il ne faut pas tout tamiser à la loupe démocratique. Il ne faut pas succomber au plaisir de l'abstraction et oublier le pays réel, qui lui, n'est jamais aussi parfait qu'une projection géométrique.
Le Québec n'est pas une abstraction. Il est composé de populations réelles, d'une majorité franco-québécoise, de la prolongation sur son territoire de la nation canadienne-anglaise, et de populations immigrées à l'identité ambivalente pour l'instant. On doit voir comment seront articulés les rapports de pouvoir entre ces groupes avant de se prononcer pour ou contre une réforme du mode de scrutin. On doit voir si ce nouveau mode de scrutin affaiblira le pouvoir franco-québécois sur l'État du Québec au nom d'une abstraite représentation équivalente de chaque citoyen dans l'espace public. Réduire la démocratie à une agglomération d'individus déracinés sans y intégrer des considérations identitaires n'est peut-être pas la meilleure façon de favoriser une démocratie authentiquement québécoise capable de concilier le Québec en tant qu'État national et le Québec en tant qu'État de droit. Nier le territoire, nier la culture, nier l'enracinement au profit d'un abstrait principe égalitaire révèle en vérité une démocratie purement formelle qui ne sera plus susceptible d'accueillir les projets politiques formulés par la nation.
Autorité, identité, représentativité, un ensemble de facteurs et de principes qui doivent commander notre lecture des projets de réforme institutionnels avancés dans le débat public. Une réforme du mode de scrutin pour qui? Et pourquoi? Est-elle conforme à la nécessité de préserver un pouvoir fort à Québec, capable d'assurer les intérêts du Québec dans la fédération? Est-elle à même de ne pas déformer l'identité québécoise dans le moule de l'obsession égalitaire? Est-elle à même de ne pas minoriser politiquement les francophones sur leur propre territoire? Est-elle à même de ne pas affaiblir la capacité de décision du gouvernement de Québec? Tout ce qui fragilise l'autonomie québécoise doit être interrogé avec sévérité. Tout ce qui diminue le lien organique entre la majorité francophone et le pouvoir québécois doit être discuté sans indulgence. Et possiblement rejeté.
Le babillage idéologique va normalement de pair avec l'esprit de la table rase. Lorsque la démocratie repose sur une extension indéfinie du principe égalitaire, elle se nie elle-même, en niant son indépassable enracinement dans un contexte politique spécifique. Le pays réel perce à travers le pays légal. Il faut oser faire appel au premier contre ceux qui veulent le réduire au second. Et rappeler que le second, s'il ne traduit pas dans les formes politiques le premier, n'est autre chose qu'une coquille vide qui déforme la réalité sans la corriger. mathieu_bockcote@hotmail.com

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Invitation à participer à l’assemblée de mobilisation et d’orientation du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN)
6.2.2002

Montréal, le 3 février 2002
Objet : Invitation à participer à l’assemblée de mobilisation et d’orientation du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN)
Bonjour,
Tout au long de l’année 2001, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) aura été le promoteur de toute une série d’actions politiques touchant la réforme du mode de scrutin au Québec :
·ð la tenue, le 30 mai 2001, d un débat historique sur la réforme du mode de scrutin avec la participation des 4 principaux courants politiques du Québec (PQ, PLQ, ADQ, Union des forces progressistes);
·ð une reconnaissance officielle du MDN par le président de l Assemblée nationale du Québec, Jean-Pierre Charbonneau, lors d une rencontre le 30 octobre 2001;
·ð la signature d une pétition par 125 personnalités de la société civile québécoise, toutes tendances politiques confondues, réclamant du gouvernement une commission pour consulter les citoyennes et citoyens au sujet de l’actuel mode de scrutin québécois. Cette pétition fut alors publiquement déposée par Claude Ryan, Claude Charron, Jean Allaire (fondateur de l’ADQ), Marc Laviolette (président de la CSN), Andrée Mayer-Périard (présidente de la Fédération Étudiante Universitaire du Québec) et Vincent Lemieux (politicologue émérite, spécialiste des modes de scrutin) au cours d’une conférence de presse tenue le 13 novembre 2001. Notons que cette pétition avait aussi été signée par les 15 candidats des quatre principaux partis politiques aux élections partielles du 1er octobre 2001 (dont le ministre Richard Legendre);
·ð la prise de position du Directeur général des élections en faveur d une réforme du mode de scrutin au Québec (29 novembre 2001).
Avec comme toile de fond ces actions couronnées de succès, la Commission des institutions parlementaires a décidé, le 19 décembre 2001, de répondre positivement à notre demande. C’est ainsi que, par l’entremise de cette commission, les citoyennes et les citoyens du Québec seront appelés à évaluer le mode de scrutin actuellement en vigueur au Québec et à proposer différentes avenues de réforme. En conséquence, l’année 2002 s'annonce comme l'année des réformes démocratiques au Québec.
Le Mouvement pour une démocratie nouvelle a bien l’intention de poursuivre son travail de mobilisation et de vulgarisation auprès de la population. Mouvement non partisan qui prône le dialogue et reflète la diversité idéologique et sociale du Québec actuel, le MDN est une coalition formée de l’ensemble des groupes sociaux et individus, toutes tendances politiques confondues, désirant qu’une sérieuse réforme du mode de scrutin voit le jour.
Devant ce projet immensément généreux et rassembleur, le MDN vous invite à participer à son assemblée d'orientation et de mobilisation qui se tiendra samedi le 23 février prochain au Cegep du Vieux Montréal 13h …. Cette assemblée vous donnera alors l’occasion de vous exprimer sur les principes fondamentaux qui devraient guider la prochaine réforme du mode de scrutin au Québec. Plusieurs personnalités et conférenciers seront présents pour expliquer les raisons de leur engagement en faveur d'une véritable réforme du mode de scrutin.
Espérant avoir le plaisir de vous rencontrer lors de cette assemblée historique, veuillez agréer, Madame, l’expression de nos salutations les plus respectueuses.
Paul-André Martineau Président
Pierre Véronneau Membre du c.a
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INSTAURER LE SCRUTIN PROPORTIONNEL COMPENSATOIRE AVANT LES PROCHAINES ÉLECTIONS EST DANS L’INTÉRÊT DU PQ
CHRISTIAN GAGNON Vice-président régional Parti Québécois de Montréal-Centre VIGILE 11.2.2002 (Texte publié dans LeDevoir du 11.2.2002)

Rendant publique sa démission, l’ex-ministre Jacques Brassard commentait le rôle de ministre responsable de la Réforme électorale que lui avait offert Bernard Landry dans son remaniement. «Réforme électorale? C’est de la frime. Il n`y a pas de réforme à l’horizon», a-t-il lancé. Osons espérer que Jean-Pierre Charbonneau, nouveau ministre responsable du dossier, n’est pas du même avis puisque le Premier ministre a promis un large débat pour 2002 sur l’opportunité d’introduire dans notre mode de scrutin une forme de représentation proportionnelle.
La nécessité d’une telle réforme est d’ores et déjà consensuelle, tant l’actuel système uninominal à un tour est imparfait. Cependant, si Bernard Landry a promis un tel débat, il n’a pas promis une réforme en vigueur avant le prochain appel aux urnes. Pourtant, le Parti Québécois pourrait bien y avoir tout intérêt. En 1998, le PQ avait fait élire 76 députés avec 42,9% des suffrages alors que le PLQ avait dû se contenter de 48 sièges malgré 43,6% d’appuis, soit 0,7% de plus. Cette année, le taux de satisfaction de 54% à l’égard du gouvernement pourrait finir par se concrétiser en intentions de vote et redonner l’avance aux péquistes. Mais l’inconfort qui avait été celui de Lucien Bouchard en 1998 pourrait aussi céder la place à un sérieux embarras si aux prochaines élections, le Parti Québécois de Bernard Landry forme à nouveau le gouvernement malgré un écart encore plus grand en faveur des Libéraux quant au nombre de voix. En effet, il est possible que le PQ reprenne le pouvoir malgré un vote populaire de 6 à 7% inférieur à celui des Libéraux. Sur la base des résultats électoraux de 1998, une projection(1) des résultats du sondage Léger Marketing paru dans Le Devoir du 14 décembre 2001 (36.9% au PQ, 43,9% au PLQ et 10,6% à l’ADQ) résulte en l’élection de 64 députés péquistes majoritaires contre seulement 60 libéraux et un seul adéquiste.
Si pareille distorsion se concrétisait à l’issue du prochain scrutin général, la population ne pourrait que réagir négativement, pointer du doigt le mode de scrutin en tant que grand coupable et remettre en question la légitimité d’un gouvernement. L’introduction du mode de scrutin proportionnel compensatoire avant les prochaines élections prémunirait le PQ contre une telle situation mais ne mettrait pas le PLQ à l’abri d’une défaite électorale malgré une avance au vote populaire. Effectivement, toujours par simulation basée sur 1998, si 30% des membres de l’Assemblée nationale (38 sièges sur 125) étaient élus par vote proportionnel, même avec 7 points d’avance (Léger Marketing du 14 décembre), le PLQ serait encore relégué aux banquettes de l’Opposition officielle, avec 58 députés, contre 59 pour un PQ minoritaire et 5 pour l’ADQ. Cela met en évidence le fait que notre système électoral n’est pas la véritable cause de la défaite des Libéraux de Jean Charest en 1998. En vérité, c’est la faiblesse de ses appuis auprès de l’électorat francophone (31% seulement contre 54% pour le PQ, selon le politologue Pierre Serré) qui a fait les malheurs du PLQ. Dans les faits, pour que le PLQ prenne le pouvoir en 1998, il aurait fallu que 122 des 125 sièges du parlement québécois soient comblés à la proportionnelle. Autant dire la proportionnelle absolue. Or, le rejet du mode proportionnel pur fait lui aussi la quasi-unanimité parce qu’il force trop souvent la formation de gouvernements de coalition instables, pris en otage par de très petits partis détenant la balance du pouvoir. La chute du gouvernement israélien d’Ehoud Barak en a été un éloquent exemple.
On doit donc en conclure que lorsqu’André Larocque, porte-parole du Mouvement pour une démocratie nouvelle, déclare à qui veut l’entendre que «les Libéraux se sont carrément fait voler l’élection» de 1998, il se trompe. Certes, il eut été plus équitable que le PLQ et l’ADQ obtiennent davantage de sièges. Mais pour le Parti Libéral du Québec, peu importe le mode de scrutin, il y aura toujours un prix politique à payer lorsqu’on tire à ce point de l’arrière chez la clientèle formant plus de 80% de l’électorat. Ainsi, en instaurant la proportionnelle compensatoire avant les prochaines élections, le PQ priverait le PLQ d’un faux prétexte pour expliquer sa défaite. Ce dernier n’aurait que lui-même à blâmer. Et un Bernard Landry élu Premier ministre avec un appui populaire global légèrement inférieur à celui de son adversaire libéral, malgré une forte avance chez les francophones, pourrait néanmoins gouverner sans remise en question de sa légitimité. Mais en tout pragmatisme, pour que MM. Charbonneau et Landry procèdent, avant le prochain rendez-vous électoral, à une réforme aussi complexe que celle des mécanismes fondamentaux de notre démocratie, le temps risque de manquer.
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Une simulation est obtenue en extrapolant par règle de trois, pour chaque circonscription, le nombre de voix de chaque parti en proportion du nombre de votes que lui avait valu le pourcentage national de 1998. Supposons par exemple qu’en 1998, le parti X avait obtenu 40% des votes au Québec et 30% dans une circonscription donnée. Alors, si le parti X recueille aujourd’hui 44% des voix à l’échelle nationale, il est estimé qu’il obtiendra 33% des suffrages dans cette circonscription. Cette méthodologie tient automatiquement compte de la polarisation linguistique de l’électorat d’une circonscription à l’autre mais néglige les changements démographiques et les modifications à la carte électorale. Elle est relativement fiable pour des variations de l’ordre de celles qui animent notre opinion publique.
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D'autres voix s'élèvent en faveur de la proportionnelle
Karim Benessaieh La Presse Le dimanche 24 février 2002
Parmi les invités, MM Claude Ryan et Pierre-F. Côté, l'ex-directeur général des élections, ont tour-à-tour fait valoir la nécessité d'instaurer une forme de scrutin proportionnel. En 1998, il a fallu 22 704 votes en moyenne pour élire un député péquiste, quelque 36 000 pour élire un libéral... et plus de 475 000 suffrages pour donner un siège à l'ADQ. C'est ce déséquilibre mathématique qui fait conclure aux membres du Mouvement démocratie nouvelle (MDN) que les voix ne sont pas d'égale valeur. Hier, quelque 300 personnes réunies au cégep du Vieux-Montréal ont réclamé encore une fois une modification du mode de scrutin québécois. Trois fois dans l'histoire politique de la province, le parti qui a formé le gouvernement avait fini deuxième dans le vote populaire. Ce phénomène, ont rappelé les organisateurs du MDN, René Lévesque l'avait décrit comme «un sabotage officiel et extrêmement pernicieux des fondements de la démocratie politique». Parmi les invités, Claude Ryan, l'ex-directeur général des élections, Pierre-F. Côté, et la présidente de la CSQ, Monique Richard, ont tour à tour fait valoir la nécessité d'instaurer une forme de scrutin proportionnel. Le MDN espère susciter un débat en vue des prochaines élections et appelle tous les citoyens à «se l'approprier et y participer». «Le système électoral sert à transformer le vote populaire en nombre de sièges à l'Assemblée nationale», soutient le président du MDN, Paul-André Martineau. Le mouvement précise qu'il n'est pas question de s'entendre sur la forme que prendra le prochain mode de scrutin, mais plutôt de «s'assurer que le débat ait véritablement lieu». L'autre volet de l'intervention du MDN concerne le rôle des députés à l'Assemblée nationale, que l'on veut revaloriser. Depuis décembre 2001, alors qu'une pétition signée par 125 personnalités québécoises a été déposée à l'Assemblée nationale, le MDN se prépare à la mise sur pied d'une Commission sur la réforme du mode de scrutin. Québec a annoncé le 20 décembre dernier qu'un mandat d'initiative avait été voté, engageant cette commission à évaluer le mode de scrutin et à étudier d'autres avenues. Aucun calendrier n'a cependant été adopté et les travaux semblent piétiner. Le 7 février dernier, les députés libéraux ont dénoncé la lenteur des travaux, accusant les péquistes de se «défiler à la première occasion».

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Changer le système politique avant la souveraineté
Jean-Pierre Charbonneau est favorable à un référendum sur la question Mario Cloutier LeDevoir Le mardi 26 février 2002
Jean-Pierre Charbonneau veut changer le système politique québécois et il pense que cela peut se faire dans les limites de la Constitution canadienne. Le mode de scrutin doit être modifié, mais ce n'est pas suffisant. Le nouveau ministre responsable des Réformes électorale et parlementaire milite en faveur d'un système où le premier ministre serait élu au suffrage universel et où le pouvoir du parlement serait séparé de celui du cabinet. «Il est temps de mettre en marche le quatrième chantier de la Révolution tranquille après le social, le culturel et l'économique, a-t-il déclaré au Devoir. Il faut changer le système politique. René Lévesque a relevé le niveau d'éthique des moeurs politiques, mais il voulait aller plus loin, notamment avec l'élection du premier ministre au suffrage universel. Ce n'est pas utopique comme enjeu, c'est exigeant et stimulant.» Dans la foulée de la commission parlementaire qui étudiera les changements à apporter au mode de scrutin, M. Charbonneau se fera un devoir d'animer «le large chantier du renouveau des institutions politiques». Cette réforme s'articule en cinq points: la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif (il prône l'approche américaine où les ministres sont redevables, mais choisis en dehors du parlement); l'élection du premier ministre au suffrage universel; des élections à dates fixes; la tenue de référendums sur des grands sujets d'intérêt; l'introduction du mode de scrutin proportionnel avec, peut-être, une chambre des régions. À l'automne, le premier ministre Landry avait estimé ce genre de réforme difficile avant que le Québec ne devienne un pays. Le ministre Charbonneau soutient que cette position a évolué puisqu'au cours du dernier conseil national du PQ, M. Landry a dit souhaiter «que le Québec devienne un modèle de gouvernance démocratique». M. Charbonneau souligne que sa nomination à un poste auparavant occupé par deux ministres, Guy Chevrette et Jacques Brassard, n'est pas insignifiant non plus. «Je ne suis pas du genre potiche. Je ne suis pas là pour faire semblant.» En lui donnant le feu vert, dit-il, M. Landry pourra faire d'une pierre deux coups, puisque «le projet du pays pourrait avancer avec la revalorisation du politique». Est-ce à dire qu'on pourrait tenir un référendum sur un tel projet de réforme? «Bien sûr. C'est un enjeu au-delà des lignes partisanes, plus rassembleur, plus unificateur. C'est plus porteur pour l'avenir que l'impasse politique dans laquelle on se trouve.» Il croit que le déséquilibre fiscal canadien doit continuer d'alimenter le débat politique. Il veut démontrer l'existence de ces iniquités par des exemples de la vie quotidienne, mais à choisir entre un référendum là-dessus et un autre sur «la révolution du politique», il choisirait le deuxième. «C'est une réflexion plus fondamentale et plus globale.» Ce faisant, M. Charbonneau prétend reprendre le message de René Lévesque. «Il croyait qu'avant la souveraineté étatique devait venir la souveraineté des institutions du peuple.» Le nouveau ministre se dit en faveur d'une réforme du mode de scrutin, mais comme élément d'un projet plus large. L'idée d'une Constitution québécoise lui sourit également, mais elle est moins urgente. «Je ne suis pas certain qu'il faille doter le Québec fédéré d'une Constitution. Il faut d'abord changer le coeur des institutions politiques et permettre aux citoyens de se les réapproprier. Et ce n'est pas nécessaire d'attendre l'autorisation d'Ottawa». Mouvements citoyens Comme en témoignent les mouvements en faveur de changements sur le mode de scrutin - Démocratie nouvelle - et d'une Constitution québécoise - MONOCQ - il pense qu'il faut profiter de la convergence actuelle dans l'opinion publique et dans la société civile. La commission parlementaire qui se penchera dans quelques semaines sur le mode de scrutin aura donc un rôle beaucoup plus large. M. Charbonneau croit que les travaux sortiront des sentiers battus avec, notamment, la tenue d'audiences itinérantes. «J'espère qu'on n'aura pas trop de mémoires savants, mais que les citoyens s'exprimeront. Je veux savoir ce qu'ils pensent sur l'élection du premier ministre et sur l'adoucissement des lignes de partis à l'Assemblée nationale.» Suivront ensuite certaines échéances politiques qui ne sont pas de son ressort. Mais ce projet pourrait faire partie du programme du PQ lors de la prochaine campagne électorale. Le ministre qui porte également le chapeau des Affaires intergouvernementales canadiennes souhaite cependant mettre en branle des changements rapides. «C'est une façon pour le Québec de dire qu'il est une société distincte à tous points de vue du Canada. Il y aurait sûrement des échos sur la scène internationale et la dynamique politique canadienne serait changée à jamais.»

Le sophisme de la proportionnelle
Michel Gauthier Le Droit Le mardi 26 février 2002

Éditorial - Le débat sur la représentation proportionnelle à l'Assemblée nationale du Québec ne s'est jamais éteint. Au contraire, le feu a toujours été entretenu et le Mouvement démocratie nouvelle (MDN), fort d'une réunion qui a regroupé 300 personnes, en fin de semaine, réclame de nouveau que soit modifié le mode de scrutin québécois. Les Claude Ryan, Pierre F. Côté et Monique Richard, ex-chef du Parti libéral, ex-directeur général des élections et présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), sont venus à tour de rôle insister sur la nécessité d'instaurer le scrutin proportionnel. Qu'il nous soit permis de douter d'une telle nécessité. Pour deux raisons. Tout d'abord, cela demeure une vue de l'esprit que d'affirmer que la démocratie québécoise ait souffert de la stricte application de la règle de la majorité électorale. Les seuls à en souffrir sont les partis politiques qui, à l'occasion, se retrouvent dans l'opposition tout en ayant obtenu le plus de voix au scrutin populaire, ou qui obtiennent un nombre de députés nettement inférieur à leur pourcentage des voix. Mais la plus importante des raisons demeure la stabilité électorale. Le système actuel a ceci d'efficace qu'il force un tiers parti à faire ses preuves avant d'obtenir véritablement la confiance de la population et une place équitable à l'Assemblée nationale. Qu'on prenne pour exemple le Parti québécois qui, à ses débuts, a souffert à cause de la règle de la majorité. Aujourd'hui, c'est à son tour d'en profiter et les résultats de la dernière élection générale le démontrent bien. À moins d'être simplement partisan ou de s'accrocher à un débat théorique, on peut très bien vivre avec cette situation. Aujourd'hui, c'est l'ADQ de Mario Dumont, comme le PQ du début des années 70, qui écope. Et puis? La population québécoise n'a toujours pas indiqué qu'elle considérait M. Dumont comme une réelle alternative politique. Le principal défaut du système électoral québécois a été corrigé lorsque la carte électorale fut révisée afin d'équilibrer le poids démographique de chaque circonscription. Ce que certains appellent la dictature de la majorité se veut dans les faits le fondement principal de la démocratie. On vote pour un candidat et celui qui obtient le plus de voix est élu pour représenter l'ensemble des électeurs. Le MDN verse dans le sophisme quand ses organisateurs parlent de «sabotage officiel et extrêmement pernicieux des fondements de la démocratie politique». En réalité, la proportionnelle tend plutôt vers l'anarchie en épousant la logique de «toutes les tendances» et en niant le principe de délégation de pouvoirs de l'électeur vers l'élu. Parce que la véritable démocratie, c'est en bout de ligne la confiance manifestée par cette délégation de pouvoir et le leadership que doit ensuite assumer le chef du parti porté au pouvoir. Le Parti québécois a épuré notre système politique de ses défauts les plus apparents. À ce moment-ci, il n'affiche aucun empressement, et on comprend pourquoi, à lancer les travaux de la Commission sur la réforme du mode de scrutin. Les libéraux, eux aussi pour des raisons qu'on comprend, dénoncent plutôt la lenteur des travaux. Dans les deux cas, l'intérêt immédiat relève strictement de la partisanerie politique. On comprendra donc que le besoin d'une réforme du mode de scrutin est à ce moment-ci un exercice sans utilité réelle.
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Tenir promesse
Bernard Descôteaux LeDevoir Le mercredi 27 février 2002

Éditorial - Vaste chantier que celui que veut ouvrir le ministre responsable des Réformes électorale et parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau. À son avis, la révision du mode de scrutin qu'étudiera bientôt une commission de l'Assemblée nationale doit s'accompagner d'une refonte générale de notre système politique. À trop vouloir en faire, il court toutefois le risque de ne rien faire... L'idée que lançait Jean-Pierre Charbonneau, hier dans nos pages, d'une vaste refonte de nos institutions politiques est séduisante. Il n'y a pas que notre mode de scrutin qui ait besoin d'un sérieux lifting. Pourquoi ne pas envisager aussi la tenue de scrutins à date fixe, l'élection du premier ministre au suffrage universel ou encore la création d'une chambre des régions? Que cette idée d'un débat sur nos institutions politiques vienne d'un ministre péquiste est encourageant. Au PQ, on refusait voici peu de temps encore de changer quoi que ce soit avant de réaliser la souveraineté. Peu importe les motifs expliquant ce retournement, prenons-en acte. Débattre ouvertement de tels changements brisera cet immobilisme auquel nous réduit depuis 20 ans l'impasse constitutionnelle. Au surplus, nous pourrons en profiter pour renforcer l'adhésion à nos institutions démocratiques. Au fil des ans, le respect pour nos institutions politiques, il faut le constater, s'est dégradé. En témoigne le cynisme généralisé à l'endroit de la politique et de ceux qui s'y consacrent. Ce n'est pas que notre système soit si mauvais, mais la perception voulant qu'il y ait deux classes de citoyens, les profiteurs et les exclus, gagne en importance. L'exercice de consultation qui s'amorcera bientôt autour des projets évoqués par M. Charbonneau sera une occasion d'atténuer cette perception, pour peu que les parlementaires se mettent à l'écoute de leurs concitoyens. C'est l'occasion pour les députés d'inverser leur pratique et d'aller vers les citoyens dans le cadre d'une commission parlementaire itinérante. Le débat que propose M. Charbonneau ne peut se faire de façon précipitée. Les sujets qu'il veut aborder sont délicats et il faut prendre le temps de bâtir de solides consensus. Ainsi, l'idée d'élire le premier ministre au suffrage universel n'a encore jamais été débattue. Il faut pouvoir en juger les mérites et les inconvénients et mesurer ses répercussions sur l'équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif. Parce qu'il est très vaste, ce débat pourrait toutefois se révéler paralysant, surtout si l'objectif était d'élaborer une réforme globale mise en place tout d'un bloc. Certains éléments sont plus urgents que d'autres. C'est le cas du mode de scrutin, dont la révision, ne l'oublions pas, constitue le mandat initial donné à la Commission parlementaire des institutions. Nos trois principaux partis politiques partagent, du moins en apparence, la même volonté de corriger les distorsions majeures inhérentes à notre système uninominal à un tour. Celui-ci a permis à trois reprises, en 1944, en 1966 et en 1998, que soient élus des gouvernements qui n'avaient pas obtenu l'appui majoritaire des électeurs. Au lendemain de chaque élection, les partis d'opposition se retrouvent toujours largement sous-représentés à l'Assemblée, ces iniquités contribuantà alimenter cette désaffection déjà évoquée envers la politique que les partis sont les premiers à déplorer. Il sera difficile de changer le mode de scrutin avant le prochain rendez-vous électoral. Diverses solutions sont possibles, mais aucune ne se réalisera en un tournemain. Néanmoins, les travaux qui débuteront bientôt doivent conduire à un solide engagement, aussi bien de la part du Parti libéral et de l'Action démocratique que du Parti québécois, à corriger au lendemain de la prochaine élection les distorsions les plus criantes du système actuel.
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Pas de scrutin proportionnel sans une réforme des institutions
André Duchesne La Presse Le mercredi 27 février 2002

S'il n'en tient qu'au nouveau ministre québécois des Réformes électorale et parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, un des fondements de la société distincte qu'est le Québec se trouvera un jour dans ses institutions parlementaires. Mais, attention dit-il, cela ne se réalisera pas uniquement dans le passage au scrutin proportionnel, comme le réclament les dirigeants du regroupement Démocratie nouvelle, mais dans une réforme beaucoup plus en profondeur du fonctionnement des institutions politiques. «Le discours de Démocratie nouvelle est de dire: passons à la proportionnelle et on verra plus tard pour le reste. Selon moi, tout est intimement lié», a indiqué M. Charbonneau au cours d'un entretien téléphonique hier. Le ministre ouvre par exemple la porte à l'adoption d'un mode de scrutin à l'américaine, c'est-à-dire où le premier ministre serait élu indépendamment de son parti et où les membres de son cabinet ne proviendraient pas nécessairement des bancs des élus. «C'est rendu que l'élection des maires se fait sur un mode plus universel que celle du premier ministre», déplore-t-il. Une réflexion s'impose donc, d'autant plus qu'elle survient à un moment où la confiance des citoyens à l'égard des politiciens se dégrade constamment. La séparation des pouvoirs exécutif et législatif permettrait de renverser la vapeur et susciterait une nouvelle confiance des électeurs à l'endroit de leurs représentants, croit M. Charbonneau. Son intervention survient à quelques semaines de l'ouverture d'une commission parlementaire permanente qui sillonnera les quatre coins de la province afin d'entendre les citoyens sur cette question. «S'il y a un endroit où l'on peut se distinguer, sans avoir rien à demander à personne, c'est bien dans ce domaine-là», ajoute le ministre. Avant le remaniement du 30 janvier, M. Charbonneau, qui a également hérité du portefeuille des Affaires intergouvernementales canadiennes, fut le président de l'Assemblée nationale durant six ans. Un poste qu'il considère avoir mis sous les feux de la rampe, entre autres par sa participation assez remarquée dans l'Association des parlementaires de langue française. Il croit pouvoir exercer le même travail avec les institutions politiques. Il n'y a pas si longtemps, le premier ministre Bernard Landry avait indiqué qu'une telle réforme électorale ne se fera pas avant l'accession du Québec à la souveraineté. M. Charbonneau est plus impatient et croit fermement avoir reçu le mandat de mettre le projet sur les rails. «Depuis quelques mois, M. Landry montre plus d'ouverture, plaide-t-il. Il en a fait la démonstration lors de notre conseil national de février alors qu'il a déclaré vouloir faire du Québec un modèle de gouvernance démocratique.» M. Charbonneau verrait même très bien la concrétisation des deux projets de front, c'est-à-dire amorcer le changement des institutions en parallèle avec la tenue d'un référendum gagnant. Pour lui, la réforme parlementaire constitue «le dernier grand chantier» de la Révolution tranquille qui s'est traduite par maints bouleversements dans les institutions québécoises.
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TIENS... UNE RÉFORME PARLEMENTAIRE !!!
(sommes-nous vraiment si faciles à berner?) Léo Laberge 27.2.2002
On sait tous comment les différents gouvernements qui se sont succédés au Québec depuis une trentaine d’années ont su habilement exploiter le thème du développement des régions sans jamais vraiment passer à l’action et faire en sorte que le Québec grandisse de ses régions et non seulement que celles-ci ne constituent qu’un vaste réservoir de ressources naturelles à être exploitées au profit de la seule région de Montréal. On assiste aujourd’hui, non pas à un développement harmonieux de toutes nos régions mais plutôt à un fossé qui s’en va en s’élargissant entre la grande région de Montréal et le reste du Québec quand ce n’est pas entre toutes les régions elles-mêmes. Diviser pour mieux régner - selon un vieil adage. Le texte qui suit a pour objectif de promouvoir un projet de société global qui pourrait nous entraîner (dans «l’honneur et l’enthousiasme» comme dirait l’autre) vers la création d’un véritable État québécois. Nous refusons que l’État québécois reproduise au Québec le modèle canadien avec ses provinces riches et ses provinces pauvres (lire ses régions riches et ses régions pauvres)... Et cela malgré que le gouvernement relance l’idée d’une réforme du mode de scrutin . Pour la nième fois, en effet, on nous promet de regarder de plus près à la représentativité, de faire en sorte que tous les citoyens soient mieux représentés. Tout le discours déjà entendu quoi!!! La proportionnelle, le conseil des régions, le rôle accru du député, la séparation de l’exécutif du législatif, le premier ministre élu au suffrage universel... et après? Il est un peu tard pour y penser, vous ne croyez pas M. Jean-Pierre Charbonneau? On sait ici que le comté de DUBUC a toujours été très profondément souverainiste et aussi très orthodoxe sur la notion de DÉMOCRATIE. Nous avons maintes fois fait faux bond à l’establishment du P.Q. qu’a toujours représenté Marc-André Bédard dans la région. Et, à chaque fois, ce sont les militants eux-mêmes qui commandaient notre action quand ce n’était pas la population elle-même. Nous avons toujours souhaité ce débat en profondeur sur tout notre système parlementaire et non seulement sur le mode de scrutin. Nous avons depuis longtemps espéré qu’un gouvernement du Parti Québécois, notamment, décide de tenir non pas une commission parlementaire même élargie mais des ÉTATS GÉNÉRAUX sur cette question fondamentale qui pourrait constituer l’ASSISE D’UN VÉRITABLE PROJET DE SOCIÉTÉ POUR UN QUÉBEC INDÉPENDANT. Nous avons entre autres mis de l’avant l’idée d’un GOUVERNEMENT RÉGIONAL. Nous voulions que la population se prononce sur autre chose que la monarchie actuelle (dictature civilisée!). Nous voulions un projet de société, pas une réformette des structures. Nous voulions que ce soit la population qui écrive SA CONSTITUTION. Une Constituante, des États Généraux, une Constitution du PEUPLE, voilà ce que nous réclamions, il y a une quinzaine d’années. Ce que le PQ continue de préconiser n’a rien à voir avec ce gouvernement régional que l’on réclame et que ses dirigeants assimilent au modèle canadien. C’est pourtant ce même parti qui reproduit plutôt le modèle canadien en voulant TOUT CENTRALISER À QUÉBEC. Nous, nous voulons décentraliser au niveau des régions, ce qui est justement la revendication historique du Québec face à Ottawa... Aujourd’hui, à la vapeur et dans un contexte de campagne électorale où le PQ risque de tout perdre, on s’apprête à nous refaire le coup de L’ANCIEN SERVI À LA MODERNE. Vive la REINE, vive la MONARCHIE CONSTITUTIONNELLE : le roi ou la reine sera élu(e) au suffrage universel et un Conseil Des Régions (peut-être?) donnera L’IMAGE d’une décentralisation. Le PQ a toujours adoré L’IMAGE. Et, pour embrouiller encore davantage, voilà que l’on s’éparpille, que d’aucuns veulent créer un Parti Des Régions pendant que d’autres veulent présenter des candidats indépendants qui sauront défendre leurs commettants plus que le parti, les ministres ou le «cheuf», que des femmes songent à former un Parti De Femmes, tout comme les tenants d’une certaine gauche d’ailleurs... Nous, nous ne voulons plus de partis politiques mais d’un front d’action politique et social qui obligera quelque gouvernement que ce soit à RÉINVENTER LA DÉMOCRATIE, à CRÉER UN MODÈLE DE DÉMOCRATIE TYPIQUEMENT QUÉBÉCOIS. Tout en estimant louable l’initiative de Jean-Pierre Charbonneau, son enthousiasme débordant («à ce moment-ci», comme dirait notre illustre Jean Chrétien) ne nous satisfait pas. Il se place lui-même en totale contradiction : il fait partie du système, il EST le système depuis nombre d’années. S’il est sincère, qu’il nous donne autre chose que la possibilité de se faire entendre lors d’une commission parlementaire dont les travaux ont l’habitude de se retrouver sur les tablettes. QUE CE SOIT LE GOUVERNEMENT QUI S’ENGAGE dans une action concrète où ce sera la population conduite par des gens autres que des parlementaires QUI DÉCIDERA. Alors nous croirons au sérieux de ces démarches plutôt tardives. Léo Laberge

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Vers une démocratie nouvelle
Laurent Laplante  HYPERLINK "http://cyberie.qc.ca/dixit/index.html" \t "_blank" DIXIT LAURENT LAPLANTE Québec, le 28 février 2002
Le Québec, qui a multiplié les efforts il y a un quart de siècle pour se donner le cadre électoral et les moeurs civiques d'un État démocratique, semble prêt à une nouvelle offensive. Il s'était si aisément persuadé d'avoir rédigé une fois pour toutes la meilleure loi électorale de ce côté-ci de la voûte céleste qu'il a fallu les impairs récents du démarchage pour lui rouvrir les yeux et lui rappeler que le chantier demeure inachevé. Ce n'est cependant pas des cénacles partisans ou gouvernementaux qu'est venu le souffle rénovateur, mais de la convergence d'analyses diverses en provenance de tous les horizons politiques. L'initiative n'en est que plus heureuse, car elle se donne ainsi les moyens de vaincre les craintes classiques et prévisibles et quelques autres encore.
Le Québec d'il y a vingt-cinq et trente ans avait le choix entre plusieurs réformes. L'assainissement des moeurs électorales disputait la priorité aux injustices et aux distorsions du système. Il était scandaleux que la carte électorale favorise un parti plus que l'autre et que telle circonscription compte 100 000 voteurs et l'autre moins de 10 000, mais il était plus honteux encore que l'argent puisse agir de façon souterraine et gaver certaines caisses occultes au point de téléguider le résultat électoral selon les volontés de quelques maquignons. Il était malsain qu'un certain nombre de comtés dits « protégés » obtiennent une représentation sans le moindre rapport avec leur poids démographique, mais il était carrément honteux que l'on puisse bricoler les listes électorales, dénaturer l'énumération et, si nécessaire, faire voter les morts. Autant dire que les réformateurs avaient un vaste choix de cibles. Autant dire aussi, ce qui est moins connu, que plusieurs personnalités politiques, et non pas seulement René Lévesque, durent mettre l'épaule à la roue. C'est à Robert Bourassa, par exemple, que l'on doit l'abolition des comtés dits « protégés ».
Les réformes furent si amples et nombreuses que le Québec se jugea vite exemplaire. Trop vite. Ainsi, la carte électorale traitait ruraux et urbains de façon raisonnablement équitable, mais la fourchette entre le minimum et le maximum s'ouvrait trop largement : si le comté idéal devait compter 32 000 voteurs, les circonscriptions réelles pouvaient fluctuer de 24 000 à 40 000. Battement considérable qui maintenait le biais favorable au monde rural. Le changement le plus radical et le plus cher à la fierté québécoise concerna l'argent : interdiction aux personnes morales de participer au financement des partis politiques et régime de grande transparence même pour les contributions des individus. Cela ne fit pourtant pas disparaître les tournois de golf, les dîners bénéfice et autres activités à la limite légale du financement politique. Le Québec, avec un certain bon droit, se rengorgea quand même et, à son tour, regarda de haut les pratiques électorales de l'autre Canada.
Il restait pourtant beaucoup à faire. Le mode de scrutin, par exemple, continua allègrement ses distorsions. On ressentit un certain malaise, en 1966, quand l'Union nationale de Daniel Johnson obtint moins de voix que le Parti libéral de Jean Lesage, mais s'empara quand même du pouvoir; puis on oublia. Le Parti québécois vécut coup sur coup deux scrutins frustrants : avec 23 pour 100 du suffrage universel en 1970, il obtenait sept députés; avec 30 pour 100 en 1973, il n'en avait plus que six. C'est dans ce contexte, ne l'oublions pas, que surgirent des doutes sur la rentabilité des solutions démocratiques et que naquit la tentation de la violence. Le Parti québécois, deux fois lésé par le scrutin uninominal à un tour, exprima dans son programme une prévisible sympathie pour la proportionnelle. L'accession au pouvoir en 1976 anémia la conviction et les travaux qu'avait dirigés Robert Burns aboutirent sur la légendaire tablette.
Heureusement, le plus récent scrutin québécois a ramené l'insatisfaction et la gêne à l'avant-scène. Comment bomber un torse démocratique quand le parti qui obtient le plus de voix, celui de Jean Charest, demeure dans l'opposition? Comment ridiculiser l'Action démocratique et son unique député quand un demi-million de voteurs ont opiné dans ce sens?
Bien sûr, la proportionnelle compte beaucoup d'adversaires, surtout parmi ceux qui s'autodécernent un diplôme de pragmatisme politique. Ce mode de scrutin engendrerait, selon eux, la prolifération des partis et donc l'instabilité politique. Des groupuscules, comme on le constate en Israël, profiteraient du fait qu'ils détiennent la « balance du pouvoir » pour faire chanter les partis majeurs. Bref, restons-en à un régime qui, s'il mécontente les éternels mécontents, réduit la vie politique à l'alternance de deux options, dispense de calculs trop subtils et maintient l'avenir dans les rassurantes ornières du passé. Résistance prévisible.
Il y a plus, cependant, et les démocrates qui militent en faveur d'une réforme doivent prévoir les coups. Les partis majeurs, favorisés à tour de rôle par un mode de scrutin déformant, ne parlent de proportionnelle qu'au lendemain d'un scrutin qui les pénalise. Dès qu'ils s'approchent du pouvoir, leurs plaies se cicatrisent et une confortable amnésie recouvre leurs passagères frustrations. En plus, la sagesse politique répandue en ces milieux a tôt fait de leur rappeler les risques du scrutin à la proportionnelle, en particulier celui d'une fragmentation de leurs clientèles. De fait, l'instauration d'un scrutin a la proportionnelle vaudrait des députés supplémentaires à l'Action démocratique, des députés en nombre peut-être considérable aux formations qui misent sur la jeunesse et le souci de l'environnement. Un scrutin à la proportionnelle induirait les anglophones québécois en tentation de constituer leur propre parti et de secouer la tutelle distraite du Parti libéral. Il suffit d'imaginer l'échiquier politique découlant de ce seul changement pour prévoir (et craindre ?) que les gouvernements minoritaires deviennent la règle et que les partis à la marge accèdent aux leviers de commande. Ces prévisions (et ces craintes), loin de bloquer l'évolution québécoise vers une plus grande démocratie, devraient nous révéler à quelle distance nous sommes encore du respect de chaque vote. La démocratie comporte des incertitudes que nous avions oubliées.
On se leurrerait pourtant si l'on restreignait au seul mode de scrutin l'empan des réformes. Le groupe des réformateurs ne commet d'ailleurs pas cette erreur. Il faut, par exemple, revenir avec une fermeté accrue sur la carte électorale. Des événements récents ont montré, en effet, qu'elle résistait mal à des pressions incompatibles avec ses objectifs et ses valeurs. Autant on doit souhaiter que la Gaspésie ou la communauté juive soient traitées avec la délicatesse souhaitable, autant il est aberrant de créer un équivalent moderne des comtés « protégés ». Un vote vaut un vote et rien ne justifie qu'on en décide autrement. Il serait d'ailleurs temps, puisque les comtés ruraux sont souvent près du minimum et les comtés urbains plus souvent proches du maximum, de resserrer la fourchette qui définit les extrêmes. Tout comme il serait temps de liquider l'étrange vestige de « l'arbitraire du prince » qui permet à un premier ministre de choisir la date du scrutin selon son caprice : un système politique qui accorde à un parti l'avantage de la surprise sur ses adversaires ne peut certes pas vanter sans nuances son esprit démocratique.
Heureuse initiative que celle qui, venant de convictions variées et pourtant convergentes, donne un deuxième souffle à notre évolution démocratique.
RÉFÉRENCES :  HYPERLINK "http://www.aceproject.org/main/francais/es/default.htm" Systèmes électoraux  HYPERLINK "http://www.dgeq.qc.ca/index_choix.html" Directeur général des élections du Québec  HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/" Mouvement pour une démocratie nouvelle  HYPERLINK "http://www.mri.gouv.qc.ca/la_bibliotheque/democratie/chronologie.html" Histoire des institutions et de la démocratie au Québec : Chronologie , Bibliothèque, Ministère des Relations internationales du Québec  HYPERLINK "http://www.cyberpresse.ca/reseau/politique/0202/pol_102020071256.html" Pas de scrutin proportionnel sans une réforme des institutions, La Presse, 27 février 2002.

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Pelleter des nuages
Katia Gagnon
La Presse Le vendredi 01 mars 2002

Au moment où les problèmes dans le réseau de la santé sont criants, où Québec peine à boucler son budget, où des méga-municipalités naissent partout dans la province, quel enjeu préoccupe le nouveau ministre des Affaires intergouvernementales, Jean-Pierre Charbonneau? Rien de moins que la réforme totale de nos institutions politiques. Scrutin proportionnel, élection du premier ministre au suffrage universel, ministres désignés, élections à date fixe, référendums sur des grands sujets et nouvelle Chambre des Régions: voilà en quelques phrases le vaste plan de M. Charbonneau pour mettre en marche, dit-il pompeusement, «le quatrième chantier de la Révolution tranquille après le social, le culturel et l'économique». Jean-Pierre Charbonneau a toujours eu une réputation de loose cannon. Quand il était président de l'Assemblée nationale, il a transformé cette fonction traditionnellement terne en quasi-ministère, traitant notamment les chefs d'État qui discutaient de la ZLEA de «monarques élus». Maintenant qu'il est ministre, M. Charbonneau a tout le loisir de s'inventer de grands mandats. Si on peut légitimement discuter des mérites du scrutin proportionnel, les réformes que M. Charbonneau suggère sont, pour la plupart, parfaitement superflues. Du moins dans le contexte actuel, où les priorités d'action sont nombreuses. Ceinture noire en karaté, M. Charbonneau devrait savoir qu'on ne peut mener douze combats de front. Plutôt que de pelleter des nuages, le nouveau ministre devrait se concentrer sur son mandat principal: avoir raison de l'obstination fédérale sur la question du déséquilibre fiscal.
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Pour en finir avec l'autoritarisme
Erick-Noël Bouchard Le Soleil Le mardi 05 mars 2002

Récemment, l'ancien président de l'Assemblée nationale du Québec, M. Jean-Pierre Charbonneau, soumettait à l'opinion publique ses positions sur une réforme en profondeur des institutions démocratiques au Québec. C'est avec étonnement, un brin de scepticisme, mais surtout avec espoir que j'accueille ses propos pour oser remettre en question le déficit démocratique de nos structures politiques. C'est un acte de courage pour un politicien que de dénoncer ces structures obsolètes, où la seule liberté du citoyen est de choisir son dictateur aux quatre ou cinq ans, où l'imputabilité des élus face aux citoyens n'est qu'une chimère qui masque fort mal le despotisme plus ou moins éclairé qui règne en notre nom. En tant que citoyens libres, conscients et responsables de nos actes, il est temps de reprendre le contrôle des institutions publiques de sorte que cesse sa gestion paternaliste de nos vies, l'État redevenant le serviteur neutre et loyal des citoyens, comme il aurait toujours dû l'être, et non le tyran affable, hypocrite et expansionniste qu'il est devenu. Voilà déjà longtemps qu'un philosophe français, Alexis de Tocqueville, avait souligné les mérites d'une démocratie à l'américaine axée sur la séparation des pouvoirs entre l'administratif, le juridique et le législatif — comme le dénonçait encore récemment le journaliste Jeffrey Simpson du Globe and Mail. Nous n'avons que trop tardé à instituer des garanties démocratiques comme le suffrage universel, la représentation proportionnelle et l'obligation légale des élus de respecter le verdict populaire des référendums à tous les référendums, y compris ceux où le peuple se prononce contre les intérêts de l'intelligentsia politique. Pour faire renaître la démocratie, il faut en finir avec les promesses usées d'un autoritarisme rose bonbon, vampirisé par les lobbyistes professionnels, et réclamer de forte voix ce qui nous revient de droit à notre souveraineté démocratique, comme citoyens de toutes couleurs et allégeances, sur nos propres institutions, fédérales comme provinciales.(...)
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Repenser nos institutions démocratiques n’est pas un exercice superflu
Simon Denault, étudiant Arrondissement St-Lambert TRIBUNE LIBRE 5.3.2002

Cynisme vis-à-vis de nos institutions démocratiques, perte de confiance envers les politiciens (les Québécois font davantage confiance aux vendeurs automobiles qu’à leurs représentants élus !), désaffectation envers la chose politique, de toute évidence l’exercice de la citoyenneté politique gagne à être valorisé et à être repensé. Une des solutions à ce problème fondamental qu’est l’exercice de la démocratie vient peut-être dans la redéfinition de nos institutions et de notre système politique. En réorganisant l’exercice du pouvoir politique, en le rendant plus conforme aux aspirations citoyennes que sont, entre autres, la représentativité proportionnelle, les bienfaits des contre-pouvoirs et de la séparation des pouvoirs, peut-être rendrons-nous la démocratie plus attirante. L’enjeu est fondamental, des choix importants de société doivent être débattus. Que ce soit concernant le système de santé, le statut constitutionnel du Québec ou pour l’éducation, les citoyens doivent se sentir concernés par ces débats et participer. Madame Katia Gagnon, dans son éditorial intitulé «Pelleter des nuages», somme le ministre Jean-Pierre Charbonneau (Affaires intergouvernementales, réforme électorale et parlementaire) et le gouvernement Landry, de s’occuper de questions criantes telle la santé. Certes la santé est un enjeu important, mais ce n’est pas le seul. Il serait dangereux d’accorder à la santé le monopole sur nos priorités. Oui, assurer des soins de santé est une mission importante pour nos gouvernements, mais n’oublions pas qu’une société doit aussi miser sur son développement, sur sa croissance. Le débat sur la santé doit se faire. Toutefois, on ne doit pas concevoir la santé comme une priorité exclusive, éliminant de facto toute autre priorité. Une société aura beau être en santé physique, elle doit aussi être éduquée, prospère et orientée vers l’avenir. On ne construit pas un avenir collectif seulement en réduisant les listes d’attente ! Bien entendu que c’est essentiel, la prestation de soins de santé à tous, et ce, dans des délais raisonnables, mais une bonne gouvernance doit aller beaucoup plus loin. Un gouvernement se doit d’être à la fois réaliste et visionnaire. En amenant sur la table la réforme des institutions démocratiques, monsieur Charbonneau n’a pas nié l’importance du dossier de la santé. Il a proposé d’entreprendre une réforme que plusieurs jugent impérative. Affirmer que repenser nos institutions démocratiques, c’est pelleter des nuages est réducteur, simpliste et déplorable. Ajouter que la démarche est superflue au moment où le réseau de santé est embourbé, c’est vouloir faire de la petite politique populiste. Je conviendrai avec vous que la réforme des institutions québécoise est une tâche pesante, mais elle est utile et méritoire.

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Répliques
Un jugement péremptoire
Jean-Pierre Charbonneau L'auteur est ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre responsable de la réforme électorale et parlementaire.
La Presse Le mardi 05 mars 2002

Sans s'interroger d'aucune façon sur la valeur des idées émises et sur les problèmes du fonctionnement de notre système de gouvernance démocratique, l'éditorialiste Katia Gagnon (La Presse, 1er mars) a décrété en une seule phrase d'un petit texte de cinq paragraphes que la réflexion sur nos institutions politiques est «parfaitement superflue». Pourquoi ce jugement péremptoire? Est-il si superflu que cela de se demander après les grandes fusions municipales qui ont donné des maires ayant une base d'appui populaire plus grande que les premiers ministres, élus seulement comme députés, s'il ne serait pas temps d'envisager l'élection du chef du gouvernement par tous les électeurs et toutes les électrices du Québec. Est-il si superflu que cela de se demander si un mode de scrutin proportionnel peut être compatible, dans le cas du Québec, avec le maintien du vieux système parlementaire britannique? Est-il si superflu que cela que l'on s'interroge sur l'intérêt que les ministres ne soient plus membres du Parlement tout en continuant d'être redevables devant lui surtout quand on tient compte du nombre restreint d'élus? Est-il si superflu que cela de se demander si le temps n'est pas venu de séparer nettement le gouvernement du Parlement afin de mettre fin à la marginalisation de l'Assemblée nationale dans notre système de gouvernance politique? Est-il si superflu que cela d'envisager la possibilité de rééquilibrer les responsabilités politiques du Parlement et du gouvernement et de se demander si le système parlementaire britannique est toujours adéquat en regard des attentes et des défis d'aujourd'hui et de demain? Est-il si superflu que cela de vouloir permettre aux populations des régions éloignées des deux grands pôles démographiques que sont Montréal et Québec d'être mieux représentées au coeur de l'appareil central d'arbitrage et de décision politique de notre société? Est-il si superflu que cela de vouloir que le Québec devienne un modèle de gouvernance démocratique dans un monde où le déficit démocratique est à chaque jour signalé et dénoncé? Est-il si superflu que cela de vouloir insuffler dans la vie publique québécoise des idées nouvelles, des réflexions, de l'audace et de tenter de donner ainsi un sens plus grand à la démocratie représentative? Aborder de front ces questions et quelques autres de même nature, c'est justement le mandat gouvernemental du ministre responsable de la réforme parlementaire et électorale. Le gouvernement du Québec n'entend pas ignorer les grands problèmes de gouvernance démocratique qui, depuis tant d'années, affectent la qualité de notre vie politique. Et, réfléchir sur ces questions puis, éventuellement proposer les changements qui s'imposent tout en continuant d'assumer la gestion des grandes affaires publiques, ne constitue pas du «pelletage de nuages», comme le prétend madame Gagnon, mais une démonstration de leadership face à des mouvements déjà en branle dans notre société civile.
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 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-3-4-pratte.html" Après l'astuce, la ruse  André Pratte - Éditorial La Presse Le lundi 04 mars 2002
Après l'astuce, la ruse
André Pratte
La Presse Le lundi 04 mars 2002
Le gouvernement Landry veut modifier la Loi sur les consultations populaires afin de permettre la tenue d'un référendum - sur autre chose que «le destin national» - en même temps que les élections. Dans le contexte préélectoral actuel, il faut craindre la ruse. Les citoyens, c'est vrai, demandent à être consultés davantage. Bien des pays profitent des élections pour prendre le pouls de la population sur divers sujets. Le gouvernement québécois devrait-il pouvoir faire de même ? Il y a des désavantages à la tenue simultanée d'une élection et d'un référendum, le principal étant le risque de contamination de l'une par l'autre. Par exemple, des Québécois pourraient être tentés de voter contre le rapatriement de points d'impôt parce que l'idée est défendue par un gouvernement qu'ils veulent battre. Toutefois, la formule comporte suffisamment d'avantages pour qu'on l'étudie attentivement. Comme on l'a dit, elle répond certainement à un désir populaire. De plus, elle permettrait de consulter les citoyens à moindre coût. La question devrait être abordée par la commission parlementaire qui se penchera ce printemps sur la réforme des institutions démocratiques québécoises. Mais le gouvernement a déjà fait son lit, et veut que la Loi sur les consultations populaires soit modifiée «le plus rapidement possible». Quelle urgence y a-t-il à apporter ce changement important à nos traditions ? Du point de vue de l'intérêt public, aucune. Il vaudrait donc mieux agir sans précipitation, dans un climat serein, avec l'accord des partis d'opposition. Toutes conditions qui sont impossibles à réunir à quelques mois d'élections générales. Pas d'urgence, donc... à moins que le gouvernement du Parti québécois n'ait à l'esprit une urgence partisane. C'est-à-dire qu'il envisage, dès les prochaines élections, de tenir un référendum qui améliorerait ses chances de l'emporter. Un référendum sur quoi ? «Sur toute question d'intérêt majeur pour notre vie sociétale», a dit M. Landry. Le Parti québécois a jonglé, il y a quelques mois, avec l'idée d'un référendum sur les points d'impôt. Il pourrait aussi proposer aux Québécois une réforme des institutions. D'une façon ou d'une autre, l'objectif serait de détourner l'attention des électeurs de ce qui les met en rogne contre le gouvernement actuel -santé, fusions municipales- et d'accrocher le wagon du PQ à une locomotive populaire. Si tel est le plan du premier ministre, il doit à la population d'ouvrir son jeu. D'autant plus que la manoeuvre est tentée sous prétexte de rendre notre société plus démocratique. Le débat qui s'amorce illustre le mérite de la suggestion faite par l'Action démocratique de Mario Dumont, selon laquelle la Loi électorale et la Loi sur les consultations populaires ne devraient pouvoir être modifiées qu'avec l'accord des deux tiers des députés. Ces lois fondamentales seraient ainsi à l'abri de tout triturage partisan. En 1994, peu avant les élections qui allaient les renvoyer dans l'opposition, quelques libéraux avaient songé à tenir une élection référendaire. Ils s'étaient alors fait rappeler à l'ordre par... Jacques Parizeau !

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Un délicat équilibre
Bernard Descôteaux
LeDevoir Le lundi 04 mars 2002

Éditorial - Le gouvernement du premier ministre Bernard Landry entend s'inspirer des lois référendaires américaines et permettre la tenue de référendums simultanément à une élection générale. Une idée intéressante en soi, mais qui doit être manipulée avec prudence. En annonçant vendredi son intention d'amender la Loi québécoise sur les référendums, M. Landry a reconnu que le prochain scrutin général pourrait s'accompagner d'une consultation sur le rapatriement de points d'impôt d'Ottawa. Depuis plusieurs mois, les péquistes sont tentés par cette perspective et, bien évidemment, c'est pour rendre la chose possible que le premier ministre ouvre ainsi la porte à des référendums «sur toute question d'intérêt majeur» pour notre société. Pour bien des péquistes, un référendum sur le rapatriement de points d'impôt est un succédané à un référendum sur la souveraineté. C'est la sortie de secours que certains recherchent pour sortir d'une impasse qui n'est pas seulement constitutionnelle. Car pour le Parti québécois, l'impasse est aussi électorale et un référendum sur ce sujet pourrait servir, du moins certains stratèges le croient, à la réélection du gouvernement Landry. Il est difficile de juger aujourd'hui de la pertinence d'un référendum sur le rapatriement de points d'impôt. En soi le débat sur le déséquilibre fiscal entre les deux principaux ordres de gouvernement au Canada est important, comme le savent bien tous ceux qui fréquentent notre système de santé. Mais il n'est pas suffisamment engagé pour déterminer s'il faudra un jour consulter les Québécois et sur quoi précisément. Si référendum il devait y avoir, ce devrait être non pas pour sonder l'opinion publique, puisque tous les partis politiques s'entendent à Québec pour revoir un partage fiscal qui désavantage les provinces, mais pour établir un rapport de force avec Ottawa. En ce sens, il est bon que Québec puisse utiliser ce recours... qu'il n'emploiera toutefois que si cela est nécessaire. L'arme référendaire est en effet à manier avec prudence. Tenu simultanément à la prochaine élection, un référendum portant sur le rapatriement des points d'impôt comporterait un fort risque de confusion dans l'esprit des électeurs. Ceux qui sont insatisfaits du gouvernement seront tentés de voter deux fois contre le Parti québécois. Est-il besoin de souligner par ailleurs que le sujet est complexe et qu'il se trouvera bien des économistes pour contester la rentabilité pour le Québec d'un transfert de points d'impôt. Tout comme on ne doit pas prendre le risque de perdre un référendum sur la souveraineté, on ne doit pas non plus prendre le risque de perdre un référendum sur un thème comme celui de la fiscalité. Si référendum il y a, ce devra être pour servir d'abord la cause du Québec et non celle d'un parti.
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Par ailleurs, la volonté du premier ministre de modifier la loi référendaire doit nous amener à réfléchir à la portée des changements envisagés. En évoquant l'exemple américain, M. Landry soulève plusieurs questions, notamment celle du droit d'initiative. Le gouvernement sera-t-il le seul à pouvoir proposer un référendum ou accordera-t-on un tel pouvoir aux citoyens? Le cas échéant, les résultats de tels référendums lieront-ils le gouvernement? Un peu plus de démocratie directe ne ferait certainement pas de tort à notre système politique, alors que la participation au débat public se fait de plus en plus anémique. Il pourrait être intéressant que des questions comme le virage à droite au feu rouge ou la coupe à blanc dans les forêts publiques soient tranchées par référendum. Il faut toutefois savoir que la multiplication des consultations populaires n'a pas que des effets heureux. En Californie, les référendums sont devenus moins l'affaire des citoyens que de groupes de pression bien structurés. Les modifications à la loi référendaire ne sont pas sans rapport avec cette réflexion plus large qu'on entreprend par ailleurs à Québec sur nos institutions démocratiques. Référendum, mode de scrutin, élection du premier ministre au suffrage universel, tout est lié. Avant d'ouvrir trop largement la porte des référendums, il faudra prendre le temps de bien mesurer l'effet des changements projetés sur l'équilibre d'ensemble de notre système démocratique.


Assembly reform ideas going nowhere
Like Bernard Landry before he became premier, Jean-Pierre Charbonneau finds it hard to resist an open microphone. DON MACPHERSON Montreal Gazette Wednesday, March 06, 2002
Even as speaker of the National Assembly, a position whose occupants are expected to maintain a cautious neutrality and refrain from making all but the most innocuous public statements, the former journalist and radio commentator was more publicly opinionated than his predecessors. Since Premier Landry removed him as speaker and appointed him to his cabinet in January, Charbonneau's tongue has been completely liberated. And after nearly six years as speaker, he seems to be trying to make up for lost time. So last week, in his capacity as minister of Canadian intergovernmental affairs, he plunged headlong into last week's brief drama over the short-lived announced cut in equalization payments from Ottawa to Quebec. Charbonneau accused the feds of deliberately sabotaging the province's public finances by announcing the $800-million cut for the current budget year barely a month before it ended. Fix was in Apparently, he had not picked up on the cues from Finance Minister Pauline Marois and Landry that the fix was already in for Marois's federal counterpart, Paul Martin, to cancel the cut (it was subsequently reported that Quebec had learned the cut was coming a few weeks before it received official confirmation). For unnecessarily dramatizing the situation, Charbonneau was publicly rebuked by Landry, who patronizingly described him as a new minister who had a few things to learn. It's not as though Charbonneau had reason to feel starved for attention. Earlier, as minister of electoral and parliamentary reform, he called for a public debate on nothing less than replacing the parliamentary system in Quebec with a presidential one. And oh yes, while we're at it, we might introduce proportional representation for good measure. Instead of the premier being the member of the Assembly who leads the party with the most seats, he or she could be elected directly, by all the province's voters, separately from the Assembly members. Elections could be held on fixed dates. At least some seats in the assembly could be distributed among parties according to their respective proportions of the over-all vote. The legislative branch of government, namely the Assembly, and the executive, that is, the cabinet, could be separated, with cabinet ministers no longer expected to be Assembly members. A second, upper house could be restored (Quebec had one, but abolished it in the late 1960s). In this one, the province's regions could be equally represented, as the American states are in the Senate. The general idea of electoral and parliamentary reform has been put on the agenda with the recent launching of two movements, one to change the voting system and the other, last weekend, to adopt a provincial constitution. Duty to talk it up And even if right now such reforms seem to be more of a priority for political scientists than for the general public, Charbonneau says it's his duty as the minister of electoral and parliamentary reform to talk them up, even if not many people seem terribly interested in listening. But one problem Charbonneau faces is timing. The government of which he is a member is nearing the end of its term. Politically, it can't unilaterally make the kind of sweeping changes about which Charbonneau is talking, especially not just before an election. Such changes would require the support of a real societal consensus. Before they could be adopted, they would also require lengthy debate and careful consideration of their implications. And the public would have to be educated about how the new system would work, and its role in it. Practically speaking, that puts off any serious discussion of Charbonneau's ideas until after the election - provided he's still minister of electoral and parliamentary reform in a re-elected PQ government that is committed to such a process and has obtained a mandate for it. That's quite a few big "ifs."

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Répliques
Des réformes essentielles
Marc-François Bernier L'auteur est professeur adjoint au département de communication de l'Université d'Ottawa.
La Presse Le mardi 05 mars 2002

Quand elle accuse le ministre Jean-Pierre Charbonneau de pelleter des nuages parce qu'il souhaite réformer des institutions démocratiques qui en ont un réel besoin, Katia Gagnon fait appel à un pragmatisme douteux. C'est le genre de «pragmatisme» qui menace les démocraties en cherchant à faire croire que le bon fonctionnement des institutions serait une abstraction, une illusion, une utopie à laquelle on pourra s'attaquer quand toutes les crises et urgences sociales seront réglées. On croirait entendre la rhétorique des régimes autoritaires, sinon dictatoriaux, qui remettent toujours à plus tard les réformes essentielles au bon fonctionnement d'une démocratie réelle, le temps de régler les crises politiques, économiques et sociales qui secouent le pays. Le fonctionnement équitable des institutions démocratiques et parlementaires semble un luxe qui devrait échapper aux Québécois. Il y a de quoi être stupéfié de voir La Presse se désintéresser ainsi des réformes essentielles à un meilleur fonctionnement des institutions démocratiques au nom d'un pseudo-pragmatisme qui a plutôt des airs de populisme. Ce qu'il y a d'étrange, également, c'est que l'éditorialiste reproche au ministre des Affaires intergouvernementales de s'occuper de ses responsabilités alors qu'il devrait, si on la comprend bien, se consacrer avant tout à régler les problèmes du réseau de la santé et des fusions municipales. Il faut aussi déplorer le fait que l'éditorialiste ait recours aux attaques personnelles pour discréditer le ministre en le qualifiant, à son tour, de loose canon, cédant à la facilité qui consiste à s'en prendre à l'individu dans le but de discréditer son point de vue. Est-ce à dire que ceux qui aspirent à réformer des institutions démocratiques désuètes doivent se résigner à ne trouver aucun support et se taire, au risque d'être eux aussi victimes d'attaques personnelles? Beau programme et belle façon d'encourager le débat public! La crise des institutions est réelle, concrète et quotidienne. Elle est constatée par bon nombre d'observateurs de toutes allégeances. Incapable de réfuter ni son existence ni son importance, l'éditorialiste a choisi de s'en moquer et voudrait nous persuader de l'ignorer au nom d'urgences sociales qui devraient occuper tout le terrain. Cette crise se reflète notamment, mais pas uniquement, dans le peu de crédibilité et de confiance du public à l'endroit des élus et de diverses institutions. Elle risque aussi d'accélérer la démobilisation de citoyens qui ne se sentent pas représentés adéquatement ou qui voient de moins en moins l'importance de leur vote dans le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire. Qui peut nier l'importance concrète et quotidienne, dans la vie de millions de Québécois, du pouvoir presque absolu d'un premier ministre élu avec seulement quelques dizaines de milliers de votes? Qui peut nier l'importance concrète et quotidienne que prennent des élus dont la représentativité peut être grandement améliorée afin de refléter les tendances de la société? Qui peut nier l'effet démoralisant d'une ligne de parti trop rigide? (...)
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Noyer le poisson
Katia Gagnon Dans ce court texte qui a tant déplu à M. Charbonneau, j'ai bien indiqué que le débat sur le scrutin proportionnel me semblait parfaitement légitime. Or, s'il voulait faire en sorte que cette réforme majeure du système politique ne se réalise jamais, le ministre des Affaires gouvernementales a choisi la technique la plus efficace: la noyer dans une multitude d'autres que pratiquement personne ne réclame au Québec. Outre M. Charbonneau, qui a-t-on vu réclamer des ministres désignés plutôt qu'élus? Quel groupe a demandé qu'on élise le premier ministre au suffrage universel? Quant à M. Bernier, qui m'accuse de menacer la démocratie par mon effroyable pragmatisme, eh bien, j'avoue: j'ai effectivement tendance à réclamer du gouvernement qu'il accorde priorité aux questions qui préoccupent les citoyens et qui sont réalisables dans un avenir prévisible. Or, ces critères ne s'appliquent malheureusement pas à la pléthore de réformes avancées par le ministre.
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La réforme prioritaire du mode de scrutin
Paul Cliche auteur du livre Pour une réduction du déficit démocratique: le scrution proportionnel. LE DEVOIR Le vendredi 15 mars 2002

Opinion - En liant l'instauration du scrutin proportionnel à l'adoption d'une réforme globale du système politique québécois, qui prendra certes plusieurs années à se matérialiser, le nouveau ministre responsable de la Réforme électorale et de la Réforme parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, risque fort de renvoyer de nouveau aux calendes grecques la réforme prioritaire du mode de scrutin qui alimente le débat politique québécois depuis quatre décennies et dont une partie de plus en plus large de la population est convaincue de la nécessité. En laissant savoir qu'il n'y aura pas de scrutin proportionnel sans une réforme en bloc de nos institutions politiques, le ministre a confirmé que la commission parlementaire qui devait consulter la population, cette année, sur les changements à apporter au mode de scrutin aura un mandat beaucoup plus vaste. Il a précisé que le projet d'ensemble émanant des travaux de cette commission pourrait être éventuellement soumis à un référendum pour adoption. Entre-temps, il serait probablement intégré à la plate-forme que le Parti québécois soumettra à l'électorat pour être réélu lors du prochain scrutin général. Un effet de levier Sans mettre en cause l'importance ni le bien-fondé des réformes préconisées par M. Charbonneau, on ne peut toutefois qu'estimer sa stratégie erratique et souhaiter que le gouvernement Landry ne la retienne pas. En effet, non seulement elle équivaudrait à noyer le poisson, mais aussi, en n'accordant pas priorité dans le temps à la réforme du mode de scrutin, on se priverait du puissant levier que constituerait le scrutin proportionnel afin de permettre la réalisation des autres réformes. Il faut en effet réaliser que l'instauration d'un mode de scrutin permettant une représentation équitable de toutes les tendances politiques significatives à l'Assemblée nationale et permettant à tous les votes de compter et d'avoir un poids égal corrigerait l'une des principales faiblesses de notre système démocratique. L'effet de levier serait inévitable et jouerait un rôle capital pour la suite des choses. Étant dorénavant représentés de façon effective, les citoyens sentiraient qu'ils peuvent s'approprier le champ politique et pourraient plus facilement se mobiliser pour qu'on complète la réforme du système. Le scrutin proportionnel, même s'il n'est qu'un mécanisme électoral, constitue en effet une forme concrète d'achèvement de nos idéaux démocratiques. Non seulement il transforme les assemblées élues en miroirs fidèles des forces en cours dans la société, mais aussi, en faisant en sorte que chaque vote soit gagnant, il comporte un élément mobilisateur déterminant pour que les citoyens s'intéressent à la chose politique. Il est évident qu'après quatre décennies de piétinement et de volte-face des formations politiques traditionnelles, il faut une mobilisation citoyenne, se plaçant au-dessus des aléas partisans, pour mettre fin à la saga et faire en sorte que le Québec cesse d'être la lanterne rouge des pays démocratiques dans ce domaine. C'est la mission que le Mouvement pour une démocratie nouvelle s'est donnée. De plus, la perspective de voir les travaux de la commission parlementaire servir avant tout à alimenter la plate-forme électorale du Parti québécois constituerait, aux yeux de plusieurs, un détournement de l'action accomplie par la coalition citoyenne non partisane qu'est le Mouvement pour une démocratie nouvelle. D'autant plus que la feuille de route de ce parti en matière d'engagements à propos de la réforme du mode de scrutin est loin d'être rassurante. Il n'a en effet respecté aucun de ceux qu'il a pris depuis 30 ans, notamment en reléguant aux oubliettes, de façon cavalière, les engagements contenus dans son programme avant ses victoires de 1976 et 1994 d'instaurer un mode de scrutin à forte composante proportionnelle «dans la première année du mandat» d'un gouvernement péquiste. Déficit démocratique et déficit budgétaire Comme on est en fin de mandat, plusieurs observateurs suggèrent que les partis prennent l'engagement de corriger, au lendemain des prochaines élections générales, les distorsions les plus criantes du système actuel pour donner suite à l'éventuel rapport de la commission qui doit bientôt débuter ses travaux. Qui sera assez naïf pour croire à de telles promesses électorales à la lumière de l'expérience des trois dernières décennies? Mais peut-être le principe d'une telle réforme et certaines de ses caractéristiques essentielles pourraient-ils faire l'objet d'un référendum du type que le premier ministre Landry songe à rendre possible lors des consultations générales? Ainsi, le gouvernement élu, qu'il soit péquiste ou libéral, se sentirait moralement obligé de matérialiser la réforme si le oui l'emportait. Personnellement, je suis persuadé que si les membres des trois partis représentés à l'Assemblée nationale accordaient une priorité aussi grande au déficit qui mine depuis longtemps les fondements de notre démocratie représentative que celle qu'ils ont accordée au déficit budgétaire depuis cinq ans, ils trouveraient facilement le moyen de s'entendre pour rendre possible l'instauration d'une réforme du mode de scrutin avant le déclenchement des prochaines élections générales. Il reste encore 20 mois avant novembre 2003, date limite pour la tenue des élections. La commission parlementaire, si elle se mettait enfin au travail, pourrait certes produire son rapport d'ici la fin de 2002 ou le début de 2003. Les premiersmois de l'an prochain pourraient ainsi être consacrés à la préparation, à la discussion et à l'adoption du projet de loi. C'est donc uniquement une question de volonté politique car les dirigeants politiques font fréquemment face à des échéanciers beaucoup plus serrés. D'autant plus que la réforme du mode de scrutin, qui a fait l'objet de multiples études, commissions et débats depuis 30 ans, est probablement l'un des dossiers les mieux documentés dans l'administration québécoise. Quoi qu'il en soit, si les prochaines élections générales sont régies par l'actuel mode de scrutin - comme tout indique que ce sera le cas -, il semble quasi inévitable que leurs résultats seront aussi aberrants d'un point de vue démocratiqueque ceux de dix des quinze dernières consultations électorales provinciales. Compte tenu du dérèglement du système, deux scénarios sont probables, en l'occurrence: - la réélection du Parti québécois, arrivé deuxième dans les suffrages, grâce à un quatrième renversement de la volonté populaire en un demi-siècle; - l'élection du Parti libéral avec une majorité parlementaire si écrasante qu'elle pourrait mettre en danger la survie de son adversaire souverainiste. Dans un cas comme dans l'autre, l'un des deux partis sera traité injustement; mais ne nous trompons pas, la principale victime sera la démocratie québécoise. Toutefois, cette prévision ne constitue pas une fatalité inexorable. Si les membres des partis représentés à l'Assemblée nationale plaçaient le bien commun au-dessus de leurs intérêts partisans, ils seraient habités par un sentiment d'urgence et s'uniraient pour enfin mener à bien cette réforme vitale pour l'avenir du Québec.

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Le premier ministre doit être élu au suffrage universel
André Larocque Professeur associé à l'École nationale d'administration publique.
Le Devoir - Le jeudi 07 mars 2002

Opinion - Depuis que le nouveau ministre responsable des réformes électorale et parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, a réitéré la conception d'une «révolution démocratique», qu'il défendait déjà comme président de l'Assemblée nationale, plusieurs personnes s'inquiètent que soit menacée la réforme longtemps attendue du mode de scrutin, décrite comme primordiale, prioritaire ou «catalysatrice» de toutes les autres réformes nécessaires. Or qu'en est-il de la place du mode de scrutin dans la vie démocratique d'une société? L'objectif central de la démocratie, c'est le gouvernement par les citoyens. L'objectif central du mode de scrutin, c'est la représentation des citoyens. Le coeur de l'affaire est le pouvoir populaire; la représentation n'est pas un objectif mais un moyen parmi d'autres. Bien sûr que la démocratie représentative est importante, mais elle ne constitue qu'une des démarches de la démocratie dans son ensemble. L'argument traditionnel derrière la démocratie représentative consiste à dire que les sociétés sont trop peuplées, trop complexes, les décisions à prendre trop difficiles pour que le peuple prenne ces décisions lui-même directement, d'où le besoin de se donner des intermédiaires, les représentants ou députés. Ainsi, c'est «par défaut» qu'on pratique la démocratie représentative. Mais c'est par démocratie directe qu'on règle le sort des référendums. C'est par démocratie directe que plusieurs pays recourent à l'initiative populaire. Enfin, et surtout, on peut fort bien, par démocratie directe, élire le gouvernement. N'est-ce pas précisément ce qu'on fait depuis toujours en élisant les maires de nos villes? Et aurait-on idée de les élire autrement? Si la démocratie veut dire quelque chose, c'est le contrôle du pouvoir par le peuple. Le pouvoir, en régime parlementaire britannique, est entre les mains du premier ministre et très certainement pas entre celles de l'Assemblée nationale. Prétendre faire oeuvre démocratique, et à plus forte raison parler de «démocratie nouvelle», sans ramener le pouvoir du premier ministre sous le contrôle du peuple, c'est se leurrer. OEuvrer à rendre l'Assemblée nationale plus représentative tout en la laissant aussi impuissante qu'aujourd'hui, c'est injurier d'avance les nouveaux élus. Imagine-t-on l'effet qu'aurait l'entrée à l'Assemblée de 50 % de femmes promues au rang de backbenchers? Régime de partis Le coeur du déficit démocratique au Québec ne tient pas d'abord au fait que les citoyens sont mal représentés dans les institutions du pouvoir: il tient au fait que le pouvoir des citoyens a été carrément usurpé par un régime de partis. Viser par une réforme du mode de scrutin à augmenter le nombre de partis à l'Assemblée ne redonne pas le pouvoir aux citoyens; ça ne fait que permettre de gérer autrement l'usurpation par les partis. À vrai dire, il serait important pour ceux qui croient fermement à la nécessité de réformer le mode de scrutin de réaliser que le meilleur chemin pour y parvenir est justement dans une véritable séparation des pouvoirs exécutif et législatif. Aussi longtemps qu'on cherchera un nouveau mode de scrutin tout en maintenant le parlementarisme britannique, on sera nécessairement limité par des questions comme celles-ci: les gouvernements seront-ils trop faibles? aura-t-on de l'instabilité chronique? à quel moment en arrive-t-on à un trop grand nombre de partis? comment faire pour débarrasser les députés de la discipline de parti? Dans ce contexte-là, on recherchera des formules hybrides de proportionnelle partielle, des correctives ou des compensatoires qui ne peuvent qu'adoucir le caractère pernicieux du scrutin majoritaire sans rien changer à sa nature propre. Si, au contraire, on commençait par régler la question démocratique fondamentale en remettant le vrai pouvoir au peuple, c'est-à-dire en élisant le premier ministre au suffrage universel direct pour un mandat fixe, c'est là que surgirait la liberté maximale d'assurer à l'Assemblée sa représentativité pleine et sans restriction. En effet, avec une Assemblée qui ne peut pas être dissoute par le gouvernement et avec un gouvernement qui ne peut pas être renversé par l'Assemblée (comme, là aussi, nous le pratiquons déjà depuis toujours sur le plan municipal), il devient tout à fait loisible de penser à une formule complète de représentation proportionnelle. Non seulement la séparation des pouvoirs n'est pas un obstacle à la réforme du mode de scrutin, elle est au contraire la clé même d'une véritable réforme du mode de scrutin. Rappelons les mots de René Lévesque: «Je crois que dans le cas d'un petit peuple comme celui du Québec, le système présidentiel serait fort probablement le système le plus efficace et le plus conforme à la démocratie politique. [...] Une fois débarrassé de cette encombrante présence gouvernementale, le Parlement peut alors se "revaloriser" sérieusement et non plus pour rire. Il a le loisir et la liberté de se désencarcaner des partisaneries mesquines, d'assumer pleinement et professionnellement son rôle de législateur, de scrutateur des comptes publics et de contrepoids populaire à la puissance exécutive.» S'il y a une réforme démocratique «catalysatrice» de toutes les autres, c'est de toute évidence celle qui fait que le pouvoir est contrôlé par le peuple. Rendons le premier ministre directement responsable envers l'ensemble de l'électorat: par le fait même, nous nous donnerons la liberté de penser une Assemblée capable de contrôler son administration, une Assemblée rigoureusement conforme à ce qu'aura déterminé la volonté des électeurs.

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André Larocque revient au PQ
L'ex-conseiller de Mario Dumont sera nommé sous-ministre de Jean Pierre Charbonneau KATHLEEN LÉVESQUE LE DEVOIR 13 mars 2002

Le gouvernement de Bernard Landry donnera une nouvelle impulsion à l'idée d'une vaste réforme des institutions démocratiques. L'ancien sous-ministre à la Réforme électorale sous René Lévesque, André Larocque, reprend du service, délaissant du coup l'Action démocratique et son chef, Mario Dumont, qu'il conseillait jusqu'à récemment sur cette question. Comme l'a appris Le Devoir de diverses sources, le conseil des ministres doit entériner aujourd'hui la nomination de M. Larocque comme sous-ministre responsable du dossier. A titre, il épaulera le nouveau ministre Jean-Pierre Charbonneau dont la fonction changera de nom; de ministre responsable de la Réforme électorale et de la Réforme parlementaire, M. Charbonneau deviendra ministre de la Réforme des institutions démocratiques. Au cabinet de M. Charbonneau, on se bornait hier à indiquer que l'annonce du nouveau sous-ministre sera faite à la sortie du conseil des ministres aujourd'hui, tout comme «le changement possible du nom du ministère». Chose certaine, le cabinet choisira également le nouveau président de la Commission des institutions qui doit étudier dans les prochaines semaines la réforme du mode de scrutin. Vraisemblablement, son mandat sera élargi. L'arrivée d'André Larocque vient renforcer l'idée que le gouvernement du Parti québécois pourrait être tenté de compléter la réforme électorale amorcée il y a 25 ans par René Lévesque. Déjà, la nomination de Jean-Pierre Charbonneau, qui appelle depuis quelques mois «une révolution démocratique» au Québec, refusant ainsi de se limiter à une réforme du mode de scrutin, avait marqué un changement de discours au sein du PQ. Partisan de la démocratie directe, André Larocque est un «lévesquiste» avoué depuis plus de 40 ans. Comme sous-ministre à la Réforme électorale sous le gouvernement Lévesque, M. Larocque a été l'un des artisans de la loi sur le financement des partis politiques, de la loi sur la consultation populaire, de la refonte de la loi électorale, de la télédiffusion des débats de l'Assemblée nationale et de la création d'une Commission de la carte électorale indépendante. De déception en déception Déçu que le PQ ait abandonné par la suite le projet de reprendre la réforme là où elle s'était arrêtée, André Larocque s'est associé à l'Action démocratique du Québec. Il y a milité entre autres en faveur de la représentation proportionnelle, de l'élection du premier ministre au suffrage universel et à date fixe ainsi que de l'adoption d'une loi sur l'initiative populaire. Ce fut d'ailleurs son programme lorsqu'il a été candidat pour l'ADQ à l'élection complémentaire de l'année dernière dans Mercier. M. Larocque a aussi conseillé Mario Dumont en matière d'institutions démocratiques jusqu'en juin dernier. Il a alors pris ses distances de l'ADQ, qui venait d'adopter un programme constitutionnel qui alimentait, selon M. Larocque, l'image ambiguë du parti et étirait son «manque de personnalité». Au cours de la même période, M. Larocque a participé à la mise en place du Mouvement pour une démocratie nouvelle. C'est ce mouvement qui a relancé le débat public sur la nécessité d'une réforme du mode de scrutin et qui a conduit le gouvernement à donner un mandat d'initiative à la Commission des institutions.
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Institutions: Charbonneau lorgne le modèle américain
Mathieu Boivin Presse Canadienne Le jeudi 21 mars 2002

Un mode de scrutin proportionnel, un parlement indépendant du gouvernement, des élections à date fixe et un chef de gouvernement élu par l'ensemble de la population: le nouveau Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, dont le ministre Jean-Pierre Charbonneau a annoncé la création, jeudi, s'intéressera beaucoup au système américain pour réformer le système politique québécois. «Les gens sentent que les choses ne vont pas très bien, qu'il y a un problème au niveau du politique dans notre société, analyse le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques. Il y a une crise de confiance importante et il y a un fonctionnement qui n'est plus adéquat par rapport aux standards démocratiques.» Pour remédier à cette situation, et fort de l'appui du premier ministre Landry, M. Charbonneau a confié la direction du nouvel organisme à André Larocque, un spécialiste de la représentation proportionnelle, ancien conseiller de René Lévesque et, plus récemment, candidat pour l'Action démocratique dans la circonscription de Mercier. MM. Charbonneau et Larocque désirent susciter «une grande réflexion nationale, (...) une grande discussion collective et de préparer des options de changement». Un document gouvernemental devrait être disponible d'ici un mois afin d'aider les citoyens à cibler leurs réflexions, pour ensuite entendre «la société civile (...) dans différents lieux à travers le Québec». La plupart des grandes orientations dévoilées jeudi prennent exemple sur le fonctionnement du système américain. M. Charbonneau indique que «quand on regarde la Constitution américaine, on se rend compte que les Américains ont analysé le système parlementaire britannique et ils ont bien vu les travers... «C'est pour ça qu'ils ont constitué un système où il y a une véritable séparation des pouvoirs et il y a une véritable co-gouvernance entre les deux institutions que sont le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, qui sont obligés de composer ensemble.» Le Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques se penche sur les propositions suivantes: - «que l'ensemble de l'électorat puisse être impliqué dans le choix du chef du gouvernement; — «que les députés se voient confier plus de pouvoir, plus de responsabilité et plus de liberté de parole et d'action; — «que le parlement et le gouvernement soient vraiment deux institutions distinctes donnant ainsi plus d'importance à l'Assemblée nationale; — «que les ministres soient choisis à l'extérieur du parlement tout en restant redevables devant celui-ci; — «que les citoyens puissent initier des consultations populaires tout comme le gouvernement ou l'Assemblée des élus du peuple; — «que les consultations populaires puissent se faire en même temps que les élections générales; — «que la composition de l'Assemblée nationale soit plus représentative, grâce à un mode de scrutin de type proportionnel; — «que le processus électoral soit totalement mis à l'abri de la fraude grâce à un système de contrôle de la qualité d'électeur; «que les élections générales puissent se tenir à date fixe. Le ministre Charbonneau résume la nécessité de revamper les institutions démocratiques québécoises en demandant: «Est-ce qu'on trouverait ça normal (...) qu'un conseiller municipal dans un quartier (devienne) chef de parti et se retrouve tout à coup maire de la ville de Montréal? On trouverait que ce ne serait pas très démocratique. Pourtant, c'est le système qu'on a, le système parlementaire britannique.' Chez les libéraux, le député de Westmount-Saint-Louis, Jacques Chagnon, a déclaré que l'initiative du gouvernement donnait l'impression d'un «pâté chinois de réformes démocratiques» et que «M. Charbonneau ne semble pas savoir qu'il est minuit moins cinq pour son gouvernement. La réforme démocratique ne peut pas s'effectuer en un temps record». «Le malheur du pâté chinois de M. Charbonneau, a-t-il ajouté, c'est qu'il n'y a aucune priorité. (...) Nous croyons que la priorité devrait être une modification du mode de scrutin, mais il faut au moins faire des études, et pour ajouter un mode proportionnel, il faut au moins regarder différents choix et consulter la population.' Quant aux inspirations américaines de M. Charbonneau, M. Chagnon a avancé que «le gouvernement est en train d'expérimenter des façons de faire américaines dans le cas de M. (David) Levine, (qui) prend des décisions pour les Québécois sans que la population, par ses représentants interposés, puisse lui poser des questions en chambre».
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André Larocque nommé sous-ministre à la Réforme des institutions démocratiques

Le ministre Jean-Pierre Charbonneau annonce la création d'un secrétariat à la Réforme des institutions démocratiques QUEBEC, le 21 mars /CNW/ - Suite à l'élargissement de son mandat, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, monsieur Jean-Pierre Charbonneau, annonce la création d'un Secrétariat à la Réforme des institutions démocratiques. Le premier ministre, monsieur Bernard Landry, a confié à monsieur Charbonneau la responsabilité de préparer une grande réforme qui permettra au Québec de devenir un modèle de gouvernance démocratique à travers le monde. De plus, afin de profiter de l'expérience déjà acquise, monsieur Charbonneau annonce aussi la nomination de l'ancien sous-ministre à la Réforme électorale, monsieur André Larocque, comme sous-ministre à la Réforme des institutions démocratiques. "Nous sommes mûrs pour une grande réflexion nationale. Tout doit être mis sur la table" a dit récemment le Premier ministre. Le nouveau ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, monsieur Jean-Pierre Charbonneau, aura donc la tâche de susciter et d'alimenter une grande discussion collective et de préparer les options de changements sur lesquelles le Conseil des ministres et, par la suite, la population, seront appelés à se prononcer. Aussi, MM. Landry et Charbonneau envisagent que, dans un avenir prochain, l'ensemble de l'électorat puisse être impliqué dans le choix du chef du gouvernement; que les députés se voient confier plus de pouvoir, plus de responsabilité et plus de liberté de parole et d'action; que le parlement et le gouvernement soient vraiment deux institutions distinctes donnant ainsi plus d'importance à l'Assemblée nationale; que les ministres soient choisis à l'extérieur du parlement tout en restant redevables devant celui-ci; que les citoyens puissent initier des consultations populaires tout comme le gouvernement ou l'Assemblée des élus du peuple; que les consultations populaires puissent se faire en même temps que les élections générales; que la composition de l'Assemblée nationale soit plus représentative grâce à un mode de scrutin de type proportionnel et peut-être à des règles permettant à plus de femmes d'avoir accès aux lieux de délibérations et de décisions politiques; que le processus électoral soit totalement mis à l'abris de la fraude et de la malversation grâce à un système de contrôle de la qualité d'électeur; que les élections générales puissent se tenir à date fixe. "Il s'agit bien sûr d'un grand et vaste chantier de réformes fondamentales" a reconnu monsieur Jean-Pierre Charbonneau, mais, a t-il ajouté, "c'est en abordant la réflexion et la discussion globalement que nous pourrons développer un nouveau système politique cohérent, équilibré, efficace et authentiquement démocratique." Par ailleurs, monsieur Charbonneau a indiqué que la prochaine échéance électorale ne serait pas un prétexte pour bousculer la population et précipiter indûment ces importantes réformes. Le ministre Jean-Pierre Charbonneau travaille depuis déjà un moment à la production d'un document gouvernemental visant à développer la complicité avec la population en permettant aux citoyennes et citoyens de pouvoir cibler leurs réflexions. "Il s'agit d'un vaste chantier de réformes fondamentales. La mission du Secrétariat vise à rehausser l'estime des citoyens à l'égard de la classe politique. Nous estimons qu'il faut aussi permettre à la population d'avoir une plus grande prise sur la direction des affaires de l'Etat."

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Pour réhabiliter l'Assemblée nationale
Michel Vastel Le Soleil Le mercredi 27 mars 2002

Chaque fois que je viens à Québec, je suis frappé par la petitesse de l'Assemblée nationale. En comparaison de la Chambre des communes, le Salon bleu ressemble à une assemblée de cuisine. Petite par sa taille et le ton de ses débats, l'Assemblée nationale est pourtant inutilement grande... Petite par le ton de ses débats ? Même si la nouvelle présidente, Louise Harel, semble mieux contrôler la longueur des questions de l'opposition et des réponses du gouvernement, elle ne peut en imposer la qualité. Hier par exemple, le député libéral, Jacques Dupuis, a consacré la toute première question de l'opposition officielle à une demande d'enquête publique sur les agissements de son propre organisateur en chef et le directeur de cabinet de son propre chef. Cela ne fait vraiment pas sérieux... On me dira que l'Assemblée nationale, en plus de questions essentielles comme la santé, l'éducation, la pauvreté, ne peut aborder la politique étrangère ou la défense nationale. Faux ! Hier par exemple, et ce fut l'objet d'un court échange entre le chef de l'Action démocratique et le ministre des Ressources naturelles, François Gendron, on a parlé du différend commercial entre le Canada et les États-Unis sur le commerce du bois d'œuvre. On a donc parlé, fort intelligemment d'ailleurs, de politique étrangère et de relations canado-américaines. La question ne se réglera pas à Québec bien sûr, mais pour les milliers d'ouvriers de la forêt menacés de perdre leur emploi, cet échange fut important. Il démontrait que les élus se préoccupent au moins de leur sort... Petite par sa taille, cette Assemblée nationale ? L'ancien chef du Parti conservateur de l'Ontario, Mike Harris, avait créé tout un émoi en annonçant, avant sa première victoire de 1995, qu'il réduirait le nombre de députés à Queen's Park au nombre des députés ontariens siégeant à la Chambre des communes — de 130 à 101. Et bien sûr, comme toutes ses autres promesses électorales, il a tenu celle-là aussi ! Pourquoi le Québec, avec une population de 7,2 millions de citoyens, aurait-il 125 députés — 50 de plus qu'à Ottawa — alors que l'Ontario, avec une population de 11,4 millions, n'en a que 103 ! Mario Dumont, avec qui j'évoquais cette question hier, pense que la dimension de certaines circonscriptions est telle qu'un député qui aurait six heures de voiture entre le premier et le dernier de ses électeurs n'aurait pas le temps de s'occuper sérieusement de questions « provinciales » comme l'éducation ou la santé. D'abord, disons que certaines circonscriptions de l'Ontario sont aussi grandes que celles du Québec. Et c'est une erreur de croire que les députés fédéraux ne s'occupent que de grandes questions, loin des préoccupations quotidiennes de la population. Les questions de chômage ou d'aide sociale tombent aussi souvent sur le bureau d'un député provincial, surtout lorsqu'il est de la même famille que le gouvernement provincial — bloquiste par exemple au Québec, ou conservateur en Ontario. Je pense que Mario Dumont, comme tous les membres de l'Assemblée nationale, craint la concurrence d'un député fédéral qui aurait exactement les mêmes électeurs que lui. Mais en réduisant le nombre de députés québécois à 75, ceux-ci y gagneraient en prestige. Et, autre bénéfice pour la population, le chef du gouvernement serait bien obligé de réduire la taille de son cabinet ! L'histoire du Sénat américain démontre que plus le nombre d'élus est réduit — deux pour chaque État aux États-Unis —, plus leur pouvoir devient grand. Il sera bien difficile de faire approuver, par une majorité de membres de l'Assemblée nationale, une réforme qui abolirait le poste de 40 % des députés. La majorité serait difficile à réunir. Pourtant, Mike Harris y est arrivé, lui. Si on tient vraiment à conserver le même nombre de fauteuils et de pupitres —malgré la surpopulation évidente d'un Salon devenu trop petit — on pourrait limiter le nombre de circonscriptions à 75 et faire élire la cinquantaine de députés supplémentaires à la proportionnelle. Là, Mario Dumont m'a regardé avec un grand sourire puisque c'est ce qu'il propose depuis la fondation de son parti. Avec 50 députés élus à la proportionnelle, les partis obtiennent un député pour chaque tranche de 2 % des suffrages recueillis. Ainsi, aux élections générales de 1998, 22 des 50 sièges comblés au scrutin proportionnel seraient allés au Parti libéral, 22 au Parti québécois, et six à l'Action démocratique. N'ayant pas les ressources des partis politiques ou des facultés des Sciences politiques, je ne peux dire comment les 75 sièges comblés au suffrage direct auraient été répartis (J'aurai une reconnaissance éternelle à quiconque a fait le calcul et me transmettra les résultats !) En se basant sur les résultats des élections fédérales de l'an 2000, on pourrait supposer que le Parti québécois (comme le Bloc) aurait obtenu 37 sièges, les libéraux 36 et l'ADQ deux sièges (j'attribue à l'Action démocratique le siège de Mario Dumont et celui du conservateur André Bachand, qui est autant anti libéral qu'anti Bloc). En ajoutant les sièges « proportionnels », les libéraux auraient alors obtenu 58 sièges à l'Assemblée nationale, le Parti québécois 58, et l'Action démocratique huit députés. Un gouvernement minoritaire et Mario Dumont qui détient la balance du pouvoir ? Je peux vous le confier, le chef de l'ADQ en rêve secrètement quand, dans un moment de déprime, il ne croit pas être capable de devenir premier ministre cette année ou l'an prochain. Reste à savoir vers quel parti la balance penchera. En pratique parlementaire, c'est le Parti québécois qui serait invité à former le gouvernement. Dès son premier Discours inaugural, l'opposition libérale déposerait une motion de blâme, obligeant ainsi Dumont et ses sept députés à se brancher. Je l'ai souvent vu à Ottawa: quand un gouvernement minoritaire doit écouter un tiers parti pour survivre, le peuple n'est jamais perdant...

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Tell me another one
PQ's commitment to stronger democracy makes me want to laugh HENRY AUBIN Montreal Gazette Wednesday, March 27, 2002

Sometimes people say something so absurd that you think they can't possibly be serious. But in repeatedly saying that it wants to strengthen democracy in Quebec, and that will take radical steps to do so, the Landry government is keeping a very straight face. The minister responsible for electoral reform, Jean-Pierre Charbonneau, insists that, in order to better reflect the popular will, Quebec should adopt a republican form of government and accept proportional representation in the legislature. The zeal is contagious: Municipal Affairs Minister André Boisclair said this week he wants to launch a debate on improving democracy at the municipal level. Premier Bernard Landry is hardly modest about his ambition. A press release from Charbonneau's office says Landry wants "a great reform that will allow Quebec to become a model for democratic governance for all the world." It's hard not to laugh. Like the pompous gent who doesn't know he's got a sign on the back of his tux saying "Kick me," the premier seems to ignore that his Parti Québécois government has zero credibility on this issue. He might say he can turn Quebec democracy into a beacon for the world, but right now it deserves to be a pariah. It was less than three months ago that this same government imposed municipal mergers on Montreal Island, the South Shore and three other urban areas, thereby bulldozing grassroots democracy and erecting in its place party-dominated hierarchies remote from the public. If Landry sees Quebec as the political Athens of the new century, 34 nations in Western and Eastern Europe would have to smirk. They've ratified the Council of Europe's Charter of Local Government which explicitly bars what Quebec did - that is, amalgamating cities without first getting the population's assent through referendums or another form of consultation. Landry's goal would also tickle just about every state in U.S. Their constitutions also forbid forced mergers. Montrealers can attest that Quebec continues to let another hallowed aspect of democracy to be dragged in the mud: the idea of one person, one vote. Census results published this month show that Montreal Island's population in 2000 was 2.1 per cent larger than in 1996; that's double the growth rate for the rest of Quebec. If Landry really wanted a model democracy, you'd think the new electoral map the government approved in December would reflect this predictable trend. However, instead of correcting an earlier rural bias in the National Assembly, the new electoral map accentuates it. Rather than obtaining a greater share of the assembly's 125 seats, the island will get just 28 in the next Quebec election, a loss of two. A resident of St. Léonard or Montréal Nord who votes in Bourassa-Sauvé riding (51,089 voters) will have far less influence than a rural voter in Mirabel riding (35,575 voters) or Matane (28,143). Here's a third recent violation of democratic practices by our wanna-be Pericles, Premier Landry. It concerns the health sector, where 17 regional Régies de Santé, or health boards, across Quebec make recommendations to the province on spending priorities, budgets and English-language services. The Landry government last year abolished the right of local health institutions such as CLSCs and hospitals to elect representatives to each Régie's board of directors. To gain more control over policy and, one suspects, to slow the torrent of embarrassing information about crowded emergency rooms and other woes, Quebec gave itself the power to name all directors. This month, the government finished naming its appointees to Montreal's Régie. We find that just four of 17 directors are not old-stock francophones. If the board were to reflect roughly the city's population as well as local health institutions' leadership, anglophones and members of other minorities would have a greater voice. Also, some close observers are already seeing signs that the Régie is less transparent than before. This is the same government that now says it wants far greater "democratic reforms" than it has imposed so far. Its claim to be an authentic reformer is preposterous. If it is well positioned to be a model of anything, it as a manipulator of public opinion. Its ability to strike this hypocritical pose without prompting a sarcastic uproar fills me with wonder. - Henry Aubin is The Gazette's regional-affairs columnist. His E-mail address is  HYPERLINK "mailto:haubin@thegazette.southam.ca" haubin@thegazette.southam.ca.

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L'État, c'est nous !
Guy Saint-Pierre, président du conseil de la Banque Royale du Canada (Extraits d'une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain) Le Soleil Le vendredi 29 mars 2002

Commençons par le commencement. La première question, c'est : l'État est-il de moins bonne qualité qu'il y a 20 ou 30 ans ? Je ne connais pas de mesure objective qui permette de comparer la qualité de l'État d'aujourd'hui à ce qu'elle était il y a une génération. Mais les impressions et les anecdotes se multiplient. Les files d'attente dans les hôpitaux ou l'état de certaines de nos infrastructures sont des indicateurs parmi d'autres qui suggèrent une détérioration de nos services publics depuis quelques décennies ; nous avons tous vécu ou entendu des anecdotes mettant en lumière le comportement insensible, absurde, voire grossier de la bureaucratie ou d'un de ses représentants. Il est possible que la performance de l'État se détériore parce que celui-ci essaie d'en faire trop. La taille de l'État ne se mesure pas uniquement en proportion du PIB. Elle se mesure aussi en étendue des champs d'intervention. On dit volontiers qu'une entreprise privée ne peut exceller en tout : celle qui se diversifie à outrance risque de diluer son savoir-faire et de finir par être médiocre en tout. Pourtant, on se questionne rarement sur la capacité des gouvernements de se diversifier comme ils le font depuis un demi-siècle. La sagesse populaire a depuis longtemps appréhendé les problèmes que cela soulève, comme en témoigne le dicton qui affirme que « qui trop embrasse mal étreint ». Demande-t-on trop à l'État ? Deuxième question : en demandons-nous trop à l'État ? Peut-être la démocratie est-elle victime de ses propres succès. Nous attendons beaucoup plus de nos gouvernements maintenant qu'il y a une génération. Aujourd'hui, à ces gouvernements qui inspirent de moins en moins notre confiance, nous demandons pourtant de soutenir l'emploi, de réguler l'économie, de diminuer les iniquités socio-économiques, de protéger l'environnement, de défendre les femmes et les minorités, de favoriser le développement des entreprises et la protection des consommateurs, de garantir l'accès à l'éducation et à la santé — tout ça en protégeant jalousement nos libertés individuelles. Vaste programme ! Si nous demandons à nos gouvernements de nous assurer le beurre et l'argent du beurre, il est inévitable que nous soyons déçus. Prenons l'exemple de la santé. Nous rêvons collectivement d'un accès immédiat aux meilleurs soins de santé, pour tous ceux qui en ont besoin, sans nouvelles taxes, tout en minimisant le rôle du secteur privé, parce que c'est immoral de faire du profit avec la maladie. Ce n'est qu'un exemple. On pourrait formuler d'autres fantasmes de même type en éducation, en protection de l'environnement, en protection de la vie privée, bref avec n'importe quelle des multiples fonctions confiées à l'État. On oublie trop facilement que l'État ne fait pas de miracle. Il ne crée pas de ressources comme par enchantement. L'État, c'est nous ! Et c'est toujours notre argent. Je ne cherche pas à relancer une discussion sur la question de savoir s'il faut « plus d'État » ou « moins d'État ». Quand on aborde le rôle de l'État de cette façon, on tombe nécessairement dans le dogmatisme. Ce qu'il faut viser, c'est « mieux d'État ». Or cet objectif demande une approche pragmatique, et non dogmatique. Secteur privé, secteur public, il y a une chose qui ne change pas : toujours, c'est notre argent. Quelle que soit la nature des biens et des services que nous consommons, les approches sont assez limitées : soit nous payons le producteur directement ; soit nous le payons par l'intermédiaire d'un organisme privé, à but lucratif ou non ; soit nous payons par l'intermédiaire de l'État. Mais nous payons. La gratuité n'existe pas. C'est une illusion. Ce qui est en jeu dans le rôle de l'État, c'est simplement la meilleure façon d'organiser les choses pour atteindre deux grands objectifs : - D'abord utiliser nos ressources efficacement. Privée ou publique, aucune idéologie au monde ne mérite qu'on gaspille des ressources en son nom ; et aucune société n'a les moyens de gaspiller, car le gaspillage est une perte pour toute la société. - Ensuite, utiliser nos ressources d'une façon qui témoigne de la solidarité sociale dont les Canadiens sont si fiers, et à juste titre. Il est possible aux Canadiens de rester eux-mêmes, fidèles à des valeurs qui leur sont propres, tout en restant efficaces. Face à ces deux objectifs, j'évite moi-même d'être dogmatique. Au cours de ma carrière, j'ai dirigé des entreprises privées qui faisaient une partie de leurs affaires avec les gouvernements et les sociétés d'État non seulement au Canada, mais dans le monde entier ; et au Québec, j'ai été ministre responsable d'un réseau d'enseignements public qui comportait, et qui comporte encore, une importante portion privée. Au cours de ces années, j'ai appris, et j'en garde la conviction, que le privé et le public peuvent coexister. J'ai appris que l'intervention du gouvernement peut être compatible avec l'utilisation efficace des ressources. Mais j'ai aussi appris que l'intervention du secteur privé peut être compatible avec l'utilisation équitable des ressources. Permettez-moi de prendre pour exemple l'éducation. Au Québec, et dans toutes les provinces canadiennes, le secteur privé cohabite avec le secteur public. Non seulement cette cohabitation est-elle saine parce qu'elle donne aux parents un choix d'écoles pour leurs enfants, mais on peut prétendre que cette cohabitation est à la source d'une saine concurrence, dont bénéficie la qualité d'enseignement dans son ensemble. Il existe d'excellentes institutions publiques, comme il en existe d'excellentes dans le secteur privé. Et si notre réseau d'éducation n'est pas sans problèmes, il faut admettre que les comparaisons internationales les plus récentes sont encourageantes. Pour mémoire, je vous rappelle que, lors d'études effectuées par l'OCDE auprès de jeunes de 15 ans du monde entier, nos jeunes Canadiens ont offert une performance qui les classe parmi les meilleurs au monde quant à leurs habiletés de base en lecture, en mathématiques et en sciences. Comparons maintenant avec la santé. Nous avons un des systèmes les plus rigidement publics au monde. Et, selon l'Organisation mondiale de la santé, notre système se classe au 30e rang pour la qualité et l'accessibilité des soins. Trentième ! Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a place pour l'amélioration. Il y a place pour le changement. Il y a lieu de se poser des questions, de formuler des hypothèses, même d'expérimenter. Un 30e rang devrait se traduire par beaucoup d'ouverture aux idées nouvelles ou aux modèles qui fonctionnent ailleurs. Or, il demeure très difficile de remettre en question le statu quo en matière d'organisation des soins de santé au Canada. Bien sûr, on parle de rendre plus efficace notre système public, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'on cherche de nouvelles façons de placer les meubles sur le Titanic. Dès que quelqu'un évoque des changements de fond dans l'organisation des soins de santé, il est, encore aujourd'hui, trop souvent accueilli par une levée de boucliers. J'ai pris le système de santé parce que son actualité en fait une illustration de ma préoccupation. D'un problème d'allocation efficace des ressources, on fait encore un enjeu dogmatique. Il est pourtant légitime de poser la question des rôles respectifs de l'État et du privé. Mais quand on ne peut pas poser la question clairement, il est rare qu'on trouve la bonne réponse. Trop de promesses ? Troisième question : nos gouvernants promettent-ils trop ? Il est possible que les citoyens et leurs gouvernants aient créé une espèce de spirale coûteuse, où nous sommes complices. Après tout, quelqu'un a déjà dit que la parole d'un politicien n'engage que celui qui l'écoute... D'un côté, on peut déplorer que nous attendions trop de nos gouvernements ; mais de l'autre, on doit constater que les gouvernements se gardent bien de détruire nos illusions. Autant la bureaucratie aime étendre son pouvoir, autant les politiciens pratiquent volontiers la surenchère électorale. On doit déplorer que le discours politique s'articule encore autour de promesses qu'on ne pourra pas tenir, et de sursimplifications formulées en fonction des exigences du téléjournal. On doit déplorer que ce discours semble parfois infantiliser les électeurs. Il est normal et souhaitable que le discours politique repose encore sur des engagements des politiciens ; qu'il soit exposé dans un langage accessible à tous. Mais j'aime croire que l'électorat le plus instruit de notre histoire — et l'un des plus instruits au monde — s'intéresse plus aux choix politiques à faire qu'aux attaques personnelles ; j'aime croire que cet électorat est capable de comprendre les véritables enjeux et les véritables contraintes relatifs à ces choix. La chute des taux de participation aux élections devrait alerter la classe politique sur la façon de communiquer avec l'électorat. S'adapter à une société moins consensuelle Quatrième question : la désaffection de l'électorat indique-t-elle que notre système politique n'est plus adapté à une société qui est de moins en moins consensuelle ? Au cours des 50 dernières années, les progrès technologiques nous ont permis de passer de la consommation de masse hautement standardisée à la consommation sur mesure, qui exprime toute notre individualité. Qu'il s'agisse de voitures, de nourriture ou de littérature, le choix qui s'offre à nous, comme consommateurs, a littéralement explosé. Parallèlement, les campagnes de mise en marché sont aujourd'hui segmentées de plus en plus finement, si bien que le consommateur se sent interpellé presque personnellement. De façon plus fondamentale encore, l'individu d'aujourd'hui est en mesure de faire des choix de vie beaucoup plus nombreux qu'il y a une génération. En revanche, la sphère politique n'a pas suivi la même évolution. À cause des systèmes électoraux en vigueur en Amérique du Nord, les partis qui veulent accéder au pouvoir doivent tenir un discours conçu pour plaire à une très grande pluralité, sinon une majorité, de citoyens. À défaut de quoi ils ne peuvent faire entendre leur voix. En ce sens, les discours de nos grands partis sont l'équivalent politique de la Ford Model T : pour paraphraser ce que Henry Ford disait de son produit, on a le choix de la couleur, tant que c'est une variété de noir. Il est fort possible que les citoyens d'aujourd'hui, habitués d'être sollicités presque personnellement, s'identifient mal aux discours standardisés des partis politiques. Améliorer la situation ? Est-il possible de changer cette tendance ? Peut-on redonner au citoyen le goût de la chose publique ? J'aime croire que oui. Pour cela, je crois qu'il est important que les citoyens s'approprient leur État. Par cela, je veux dire deux choses. D'une part, il est important que les citoyens participent à la vie de leur État. Cela implique d'abord de voter. Aux élections municipales, provinciales, fédérales. Peu importent les imperfections du système, c'est trop facile d'être cynique et de se dire que votre vote ne change rien. On a encore moins d'impact quand on ne vote pas ! D'autre part, il est important de réaliser que l'État n'est pas un moyen de transférer à quelqu'un d'autre la responsabilité de nos gestes ; il est un moyen, et un des moyens seulement, d'assumer cette responsabilité. L'État ne fait pas de miracles. Il est illusoire de lui en demander. Il est cynique de nous en promettre. Il n'est pas inutile, non plus, de rappeler à nos gouvernants qu'ils sont les fiduciaires de notre État — pas ses propriétaires. Ils ne donnent rien à leurs électeurs qu'ils ne leur aient d'abord pris. Aussi, si j'exhorte mes concitoyens à être responsables, je me dois de demander à nos gouvernants de nous traiter en citoyens adultes. Il y a 150 ans déjà, John Stuart Mill écrivait : « Un État qui rapetisse les hommes, afin qu'ils puissent être entre ses mains les instruments dociles de ses projets (même bienfaisants), s'apercevra qu'on ne peut faire de grandes choses avec de petits hommes... » Notre démocratie n'est pas en crise. Pas encore. Mais à terme, l'érosion de la confiance des citoyens envers leurs institutions démocratiques peut dégénérer et entraver leur fonctionnement même. N'attendons pas la crise. Si nous voulons que nos enfants puissent, eux aussi, dire : « L'État, c'est nous », je crois qu'il est temps de nous en préoccuper.

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Plus d'interrogations que de solutions
Michel Bellavance, ex-professeur, ÉNAP Le Soleil Le samedi 30 mars 2002

Les médias d'information ont semblé, depuis le dernier remaniement ministériel à Québec, prêter une attention plutôt inhabituelle à la réforme de nos institutions politiques, une attention qui surprend d'autant plus que la nomination d'un ministre responsable des Réformes est arrivée un peu comme un cheveu sur la soupe et que les raisons pouvant justifier la création d'un tel poste n'ont guère été expliquées à la population, qui n'en ressent d'ailleurs ni l'urgence ni l'utilité. Il est difficile, en effet, à moins de faire partie du petit cénacle qui gravite autour du premier ministre, de connaître les véritables raisons qui ont amené M. Landry à désigner un ministre responsable du nouveau secrétariat qui est en voie d'être mis sur pied au sein du ministère du Conseil exécutif et qui porte — ou portera —, semble-t-il, le titre pompeux de Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques. Cela est d'autant plus vrai que, selon plusieurs sondages, nous serions visiblement en fin de mandat et que ce n'est habituellement pas dans un tel contexte que l'on décide de transformer de façon radicale des institutions dont nous avons hérité, il y a plus de 150 ans, et qui se sont avérées, somme toute, très utiles à l'usage et que nous avons su modifier au fil des ans pour les adapter à notre tempérament national... pour utiliser une expression chère à nos réformistes péquistes... Ce qui surprend par-dessus tout, cependant, c'est de voir un ex-président de l'Assemblée nationale choisir de délaisser la poursuite de la réforme des institutions parlementaires amorcée sous Jean-Noël Lavoie et poursuivie sous Clément Richard, à un moment où, au contraire, il faudrait maintenir le cap sur leur modernisation. Le nouveau ministre responsable de la soi-disant réforme institutionnelle préfère, semble-t-il, plutôt transformer nos institutions en adoptant d'abord une réforme de notre mode de scrutin, en voulant ensuite constituer, comme le mentionnent les médias, un Parlement indépendant du gouvernement, en obligeant tout futur premier ministre à déclencher des élections générales à date fixe et, enfin, en voulant que les futurs chefs de gouvernement soient non plus élus à l'intérieur d'une circonscription électorale mais le soient par l'ensemble de la population. Rien de moins ! Pour un gouvernement en phase terminale, le moins que l'on puisse dire, c'est que les idées « anciennes » ne manquent pas... Deux axes principaux En somme, si l'on décode bien le message qui nous est parvenu jusqu'ici à travers les médias, l'essentiel de la réforme envisagée tourne autour de deux axes principaux :
·ð une modification du mode de scrutin qui vise à introduire un mode de représentation proportionnelle en ajout au mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, mode de scrutin qui est préféré par la très grande majorité sinon par la totalité des pays qui se sont donné une forme de gouvernement parlementaire de type britannique (Grande-Bretagne, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.), mais qui, par on ne sait trop quel artifice, ne serait plus adapté à la réalité québécoise ;
·ð ensuite, une modification à la structure et au fonctionnement de nos institutions parlementaires en introduisant au sein de ces institutions des éléments du régime présidentiel américain, aucun pays n'ayant jamais tenté une telle expérience, à moins que ne soit invoqué le cas de la France, qui a emprunté en 1958 aux deux grands types (le britannique et l'américain) pour constituer son propre « modèle » hybride avec tout le succès relatif que l'on connaît... Ce « modèle » a d'ailleurs été transposé en Afrique francophone avec, là aussi, tout le « succès » que l'on sait... À vrai dire, lorsque le nouveau ministre responsable des Réformes affirme que « les gens sentent que les choses ne vont pas très bien et qu'il y a un problème au niveau du politique dans notre société », et qu'il soutient qu'« il y a une crise de confiance importante et un fonctionnement qui n'est plus adéquat par rapport aux standards démocratiques », l'on est en droit de s'interroger sérieusement sur ce qu'il a lui-même retiré de son passage à la présidence de l'Assemblée nationale, lui qui a eu l'occasion d'observer de très près le fonctionnement de nos institutions parlementaires, de visiter plusieurs pays membres de l'Union des parlementaires francophones et de côtoyer de nombreux parlementaires africains — qui ont sans doute beaucoup à dire sur le malfonctionnement des institutions parlementaires... En fait, quand le nouveau ministre soutient qu'il y a déficit démocratique au Québec, il a peut-être raison dans la mesure où il interpelle les comportements éthiques de certains membres du gouvernement, par exemple, mais il se leurre quand il impute au régime parlementaire les faiblesses qu'il observe sur le plan du rôle des représentants élus, de la faiblesse de la fréquence et du caractère plutôt restreint de la consultation populaire, des relations trop étroites que le gouvernement entretient avec le Parlement qu'il contrôle ou par le caractère pas suffisamment représentatif de notre mode de scrutin. Le nouveau ministre et ses conseillers, qui ont depuis longtemps flirté avec l'idée d'implanter chez nous un régime présidentiel soit à l'américaine, soit à la française — voir à cet égard les programmes électoraux du PQ depuis au moins 1972 ! —, peuvent donc désirer « susciter une grand réflexion nationale, une grande discussion collective et (...) entendre la société civile dans différents lieux à travers le Québec » ; en réalité, la démarche demeure fondamentalement problématique. La véritable réponse aux interrogations qu'ils soulèvent réside dans la modernisation de nos institutions parlementaires et, dans cette perspective, il revient davantage à Mme Harel, en tant que nouvelle présidente de l'Assemblée nationale, qu'à un ministre dont on a voulu récompenser les états de service à poursuivre dans la voie des véritables réformes. Madame la présidente, je vous en prie, ne vous laissez pas damer le pion...
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La place du mode de scrutin dans une «démocratie nouvelle»
André Larocque, Professeur associé à l'École nationale d'administration publique Le Soleil Le mardi 02 avril 2002

Depuis que le nouveau ministre de la Réforme électorale et parlementaire, Jean-Pierre Charbonneau, réitère la conception d'une « révolution démocratique » qu'il défendait déjà comme président de l'Assemblée nationale, plusieurs personnes s'inquiètent que soit menacée la réforme longtemps attendue du mode de scrutin décrit comme primordiale, prioritaire ou catalyseur de toutes les autres réformes nécessaires. Or qu'en est-il de la place du mode de scrutin dans la vie démocratique d'une société ? L'objectif central de la démocratie, c'est le gouvernement par les citoyens. L'objectif central du mode de scrutin, c'est la représentation des citoyens. Le cœur de l'affaire est le pouvoir populaire ; la représentation n'est pas un objectif, mais un moyen parmi d'autres. Bien sûr que la démocratie représentative est importante ; mais elle ne constitue qu'une des démarches de la démocratie dans son ensemble. L'argument traditionnel derrière la démocratie représentative consiste à dire que les sociétés sont trop peuplées, trop complexes, et les décisions trop difficiles à prendre pour que le peuple prenne ces décisions lui-même, directement ; d'où le besoin de se donner des intermédiaires, les représentants ou députés. Ainsi, c'est « par défaut » qu'on pratique la démocratie représentative. Mais c'est par démocratie directe qu'on règle le sort des référendums. C'est par démocratie directe que plusieurs pays recourent à l'initiative populaire. Enfin, et surtout, on peut fort bien, par démocratie directe, élire le gouvernement. N'est-ce pas précisément ce qu'on fait depuis toujours en élisant les maires de nos villes ? Et aurait-on idée de les élire autrement ? Le contrôle par le peuple Si la démocratie veut dire quelque chose, c'est le contrôle du pouvoir par le peuple. Le pouvoir, en régime parlementaire britannique, est entre les mains du premier ministre, et certainement pas entre celles de l'Assemblée nationale. Prétendre faire œuvre démocratique, et à plus forte raison parler de « démocratie nouvelle », sans ramener le pouvoir du premier ministre sous le contrôle du peuple, c'est se leurrer. Œuvrer à rendre l'Assemblée nationale plus représentative tout en la laissant aussi impuissante qu'aujourd'hui, c'est injurier d'avance les nouveaux élus. Imagine-t-on l'effet qu'aurait l'entrée à l'Assemblée de 50 % de femmes promues au rang de backbenchers ? Le cœur du déficit démocratique au Québec ne tient pas d'abord au fait que les citoyens soient mal représentés dans les institutions du pouvoir ; il tient au fait que le pouvoir des citoyens a été usurpé carrément par un régime de partis. Viser, par une réforme du mode de scrutin, à augmenter le nombre de partis à l'Assemblée ne redonne pas le pouvoir aux citoyens ; ça ne fait que permettre de gérer autrement l'usurpation par les partis. À vrai dire, il serait important pour ceux qui croient fermement à la nécessité de réformer le mode de scrutin de réaliser que le meilleur chemin pour y parvenir est justement dans une véritable séparation des pouvoirs exécutif et législatif. Aussi longtemps qu'on cherchera un nouveau mode de scrutin tout en maintenant le parlementarisme britannique, on sera nécessairement limité par des questions comme : les gouvernements seront-ils trop faibles ? Aura-t-on de l'instabilité chronique ? À quel moment arrive-t-on à trop de partis ? Comment faire pour débarrasser les députés de la discipline de partis ? etc. Dans ce contexte-là, on recherchera des formules hybrides de proportionnelle partielle, des correctives ou des compensatoires qui ne peuvent qu'adoucir le caractère pernicieux du scrutin majoritaire sans rien changer à sa nature propre. Si, au contraire, on commençait par régler la question démocratique fondamentale en remettant le vrai pouvoir au peuple, c'est-à-dire en élisant le premier ministre au suffrage universel direct pour un mandat fixe, c'est là que surgirait la liberté maximale d'assurer à l'Assemblée sa pleine représentativité et sans restriction. En effet, avec une Assemblée qui ne peut pas être dissoute par le gouvernement et un gouvernement qui ne peut pas être renversé par l'Assemblée (comme, encore une fois, nous le pratiquons depuis toujours au plan municipal), il devient tout à fait loisible de penser à une formule complète de représentation proportionnelle. Non seulement la séparation des pouvoirs n'est pas un obstacle à la réforme du mode de scrutin, mais elle est au contraire la clé même d'une véritable réforme. S'il y a une réforme démocratique catalyseur de toutes les autres, c'est de toute évidence celle qui fait que le pouvoir est contrôlé par le peuple. Rendons le premier ministre directement responsable à l'ensemble de l'électorat et, par le fait même, nous nous donnerons la liberté de penser une Assemblée capable de contrôler son administration, une Assemblée rigoureusement conforme à ce qu'aura déterminé la volonté des électeurs.

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La boîte de Pandore
Michel David Le Devoir Le jeudi 25 avril 2002

On ne peut certainement pas accuser le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, Jean-Pierre Charbonneau, de manquer d'imagination. S'il y a un reproche qu'on peut lui faire, c'est plutôt de vouloir prendre de trop grosses bouchées. Son ambitieux projet de réforme des institutions n'est pas dépourvu d'intérêt, mais le résultat le plus sûr serait sans doute de renvoyer celle du mode de scrutin aux calendes grecques. M. Charbonneau semble enfin vouloir se satisfaire d'horizons plus modestes et plus réalistes dans les circonstances. Par exemple, faire adopter d'ici les prochaines élections générales une loi qui permettrait la tenue de référendums sur divers sujets si un nombre suffisant de citoyens l'exigent, comme Le Devoir en faisait état dans son édition d'hier. Le projet n'est pas nouveau. Le nouveau sous-ministre de M. Charbonneau, André Larocque, le traîne dans ses valises depuis la fin des années 70 et a tenté de le vendre à chacun de ses patrons successifs, la version la plus achevée étant celle que Mario Dumont a présentée à l'Assemblée nationale le 9 mai 2000. En reprenant l'idée à son compte, M. Charbonneau a fait valoir que «ça pourrait permettre aux citoyens de sentir qu'ils vont avoir, dans les années qui viennent, un meilleur pouvoir dans le processus de changements et de décisionsde la société». Il est évidemment très difficile de s'opposer à la vertu, mais il faudrait bien s'assurer qu'une loi comme celle-là réglerait plus de problèmes qu'elle n'en créerait. Comme l'a si bien dit M. Charbonneau lui-même, il faut «bien cerner les problématiques que ça peut supposer». *** Il est tout à fait défendable de vouloir donner à la population la possibilité de déclencher la tenue de référendums sur des sujets qui la préoccupent, que ce soit le virage à droite, l'élimination des appareils de loterie vidéo ou encore l'emplacement du futur CHUM, mais il faut dès lors accepter que des groupes de pression se prévalent de ce pouvoir d'initiative pour faire triompher leurs vues. Dans une entrevue au Devoir, le président d'Alliance Québec, Brent Tyler, a indiqué sans détour qu'il en profiterait pour demander aux Québécois de se prononcer sur les conditions d'accès à l'école anglaise, le bilinguisme dans l'affichage commercial ou même l'adhésion à la Constitution de 1982. En ce qui concerne l'accès à l'école, il y a pratiquement unanimité au sein de la communauté anglophone sur le critère de la langue maternelle, comme le recommandait le rapport Chambers, ou, mieux encore, sur celui du libre choix. Alliance Québec n'aurait aucune difficulté à rassembler les signatures requises. Si on en croit les sondages, une majorité de francophones pourrait très bien se prononcer dans le même sens à l'occasion d'un référendum, même s'il est évident que les restrictions imposées par la loi 101 ont contribué plus que toute autre disposition à la francisation du Québec depuis 25 ans. Par souci de bonne entente, il n'est pas impensable non plus que la population se prononce en faveur du bilinguisme intégral dans l'affichage commercial ou même - pourquoi pas? - dans l'affichage public, sans égard à la «nette prédominance» du français. Même si le gouvernement n'était pas légalement tenu de respecter le verdict référendaire, il serait politiquement très difficile de faire autrement. Surtout s'il était issu du PLQ, qui subirait alors d'énormes pressions de sa clientèle anglophone. M. Charbonneau veut donner à la population le pouvoir de «forcer le jeu» si un gouvernement n'est pas disposé à aller aussi loin qu'elle le souhaite, mais cela peut aller aussi bien dans un sens que dans l'autre. *** Le projet comporte aussi des avantages. Dans l'immédiat, ce serait une façon d'évacuer la délicate question de la tenue d'un éventuel référendum sur la souveraineté sans l'exclure absolument. M. Landry pourrait s'engager à ce qu'il n'y ait pas de référendum durant le prochain mandat, à moins que la population ne l'exige. Si la conjoncture s'y prête, le PQ trouvera facilement les 500 000 signatures prévues au projet de l'ADQ. Remarquez qu'il serait peut-être préférable de prévoir un million de signatures si on ne veut pas risquer de perdre le contrôle de l'opération aux mains de souverainistes plus pressés. Au moment où le PQ a toutes les chances de perdre le pouvoir, ce pouvoir d'initiative offrirait surtout certaines garanties à caractère défensif en empêchant un gouvernement libéral de profiter de la lassitude de la population pour signer la Constitution en douce, sans la consulter formellement. Soit, une nouvelle ronde de négociations ne paraît pas imminente, mais qui sait ce que réserve l'avenir? Alors que Robert Bourassa avait présenté les dispositions de l'Accord du lac Meech comme des conditions «minimales», Jean Charest n'a jamais voulu présenter les propositions du rapport Pelletier comme un tout non négociable. Il s'agit plutôt d'une position de départ. Contrairement à des provinces comme l'Alberta et la Colombie-Britannique, le Québec n'a pas de loi qui impose la tenue d'un référendum en cas de modification à la Constitution. Jean Charest ne l'a pas exclu, mais il ne s'y pas engagé non plus. Quand on ouvre la boîte de Pandore, n'importe quoi peut en sortir. Tant qu'à y être, on peut toujours imaginer l'ADQ parrainer une pétition réclamant la tenue d'un référendum sur l'imposition d'un moratoire de dix ou même vingt ans sur la tenue d'un référendum sur la souveraineté. On peut parier que le OUI l'emporterait.

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Langue d'enseignement: Alliance Québec veut un référendum
Brent Tyler aimerait aussi obtenir la tenue d'une consultation populaire sur la langue d'affichage et sur le rapatriement de la Constitution Mario Cloutier Robert Dutrisac Kathleen Lévesque Le Devoir Le jeudi 25 avril 2002

Dès l'adoption de la loi sur les référendums d'initiative populaire, Alliance Québec formera une coalition d'anglophones et de francophones pour tenir un référendum afin de permettre le libre choix de la langue d'enseignement pour tous les Québécois, ce que la loi 101 empêche à l'heure actuelle. C'est ce qu'a indiqué au Devoir le président d'Alliance Québec, Brent Tyler, qui accueillait très favorablement la volonté exprimée par le ministre responsable de la Réforme électorale, Jean-Pierre Charbonneau, de donner aux citoyens le pouvoir d'enclencher la tenue d'un référendum sur un sujet d'intérêt public. Le ministre entend déposer un projet de loi en ce sens d'ici l'ajournement de juin pour adoption à l'automne, a-t-il confirmé au cours d'un point de presse en réaction à la manchette du Devoir d'hier. «S'il y avait une possibilité législative de procéder de cette façon, c'est évident qu'Alliance Québec, avec d'autres, ferait son possible pour que la question [du libre accès à l'école anglaise] soit posée à la population», a dit M. Tyler. Le président d'Alliance Québec est convaincu que les 250 000 signatures requises pour forcer la tenue de cette consultation populaire seraient «facilement» obtenues par cette coalition en faveur du libre choix de la langue d'enseignement au Québec. À ses yeux, il ne fait aucun doute qu'un tel référendum, qui rendrait caduc un pan majeur de la loi 101, serait gagnant. À cet égard, M. Tyler a cité des sondages indiquant qu'une nette majorité de Québécois favorise cette liberté de choix, notamment l'étude Sondagem-Le Devoir-CKAC du 1er novembre 1999. Selon ce sondage, 71 % des Québécois souhaitent que l'école anglaise soit accessible à tous les enfants, sans égard à la langue maternelle de leurs parents. En vertu de la loi 101, seuls les enfants dont les parents ont été instruits en anglais peuvent avoir accès à l'école anglaise. Alliance Québec visera d'autres cibles en militant pour la tenue d'un référendum visant à permettre l'affichage commercial multilingue sans la prédominance du français, a signalé M. Tyler. L'obligation de la présence du français serait maintenue, mais les autres langues pourraient côtoyer la langue de Molière sur un pied d'égalité. Là encore, M. Tyler ne doute pas qu'un tel référendum serait gagnant, compte tenu de l'opinion publique. La signature par le gouvernement du Québec de la Constitution canadienne de 1982, ce que l'Assemblée nationale a jusqu'ici rejeté, pourrait également faire l'objet d'un référendum. Mais l'issue en serait incertaine, a reconnu M. Tyler. Au cours de son point de presse, M. Charbonneau a expliqué que des référendums enclenchés par la population donneraient un «pouvoir sur les décisions politiques majeures». C'est ce que voulait le fondateur du Parti québécois, René Lévesque, qui considérait que la Loi sur la consultation populaire était lourde et onéreuse. «C'est permettre - ce qui se fait en Suisse et dans certains États américains - aux citoyens, à certaines conditions, avec certaines exigences pour ne pas que cela devienne farfelu, d'amorcer un processus de changement dans la société et d'obliger le Parlement à répondre à cette attente.» L'Assemblée nationale serait donc liée, d'une certaine façon, à respecter la volonté populaire exprimée. «La population pourrait forcer le jeu», selon le ministre. «Après un certain seuil et un certain délai, a expliqué le ministre Charbonneau, si le Parlement n'a pas répondu à une demande, il pourrait y avoir une consultation populaire pour permettre aux gens de dire ce qu'ils en pensent.» Les changements au mode de scrutin et l'élection du premier ministre au suffrage universel ne pourront pas être adoptés avant les prochaines élections, mais la possibilité de tenir des référendums enclenchés par la population, oui. Toutefois, il semble que même la commission parlementaire qui doit étudier le mode de scrutin ne sera pas prête à tenir des consultations avant l'automne prochain. Le recherchiste qui doit préparer un document de consultation n'entrera en fonction que le 1er mai. Sur le plan de la mécanique d'une éventuelle législation, le projet présenté en mai 2000 par l'ADQ est essentiellement celui qui sera déposé sous peu par Jean-Pierre Charbonneau. Ainsi, un référendum sera enclenché à partir du dépôt d'une pétition comptant au moins 250 000 électeurs (500 000 pour la question constitutionnelle). Il sera ajouté que les signatures devront être recueillies dans trois régions administratives différentes pour s'assurer que le problème soulevé est un problème qui concerne toute la société québécoise. La question serait soumise à la Commission des droits de la personne afin d'éliminer entre autres les idées farfelues ou discriminatoires. Le gouvernement ne serait pas tenu d'ordonner un référendum s'il adoptait, dans les 90 jours, le décret que la pétition requerrait. Contrairement à ce qui était prévu dans le projet de loi adéquiste, on ne limiterait pas le nombre de référendums sur le même sujet sur une période de dix ans. Dès le mois prochain, un document de consultation sera soumis à la population, permettant d'enclencher une réflexioncollective sur le sujet. Hier, le chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, s'est dit heureux de voir que le gouvernement du Parti québécois récupère son projet de loi. «Il n'est pas rare qu'un gouvernement en fin de mandat, quand il manque d'initiative, reprenne des éléments des programmes des autres partis. Et il ne peut pas s'inspirer des libéraux puisqu'ils ne font pas de propositions», a-t-il commenté. M. Dumont rejette la possibilité que les résultats d'un référendum issu d'une initiative populaire ne soient que consultatifs. «La voix du peuple est censée être respectée. Un référendum devrait engager les élus. Mais attendons de voir le projet», a indiqué le chef adéquiste. Du même souffle, M. Dumont a dit être inquiet que la réforme du mode de scrutin soit freinée, constatant que le gouvernement «danse le cha-cha sur cette question»: un pas en arrière et un autre de côté. En décembre dernier, les trois partis politiques s'étaient entendus pour enclencher la réflexion sur la réforme du mode de scrutin en commission parlementaire ce printemps, avec un rapport prévu pour l'automne prochain. Le député Jacques Chagnon, critique libéral en matière d'institutions démocratiques, abonde dans ce sens, critiquant «le ministre Charbonneau, qui fait des bulles». «Si le gouvernement était sérieux, il concentrerait ses efforts à sensibiliser la population sur la réforme du mode de scrutin. Quand on veut bâtir quelque chose, quand on veut changer des institutions, on les prend une par une. [...] Là, on s'en va dans toutes les directions», a-t-il souligné. Pour ce qui est du projet sur l'initiative populaire, le député Chagnon ne cache pas ses réticences. Il dit craindre que ce processus ne donne pas nécessairement la voix au peuple mais plutôt à des groupes organisés. M. Chagnon appelle donc à la prudence tout en précisant que le dossier mérite tout de même réflexion. «Jusqu'à quel point avantage-t-on les groupes de pression avec cette formule-là?, a demandé Jacques Chagnon. Il y a des écrans de fumée là-dedans, [et c'est] dangereux dans une démocratie, où on peut la manipuler ou la contrôler avec des instruments comme ceux-là. Il faut faire attention.»
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Référendums à la carte
Bernard Descôteaux LeDevoir Le samedi 27 avril 2002

Éditorial - À peine lancée, l'idée d'instituer des référendums d'initiative populaire bat déjà de l'aile. Réalisant à quoi pourrait servir la tenue de référendums à la carte proposée par le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, le premier ministre Bernard Landry, cette semaine, a vite repoussé le dépôt d'un projet de loi après les prochaines élections. Un projet qui pourrait bien être remis aux calendes grecques. Jean-Pierre Charbonneau n'a jamais caché, dès sa nomination au poste de ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, sa volonté de mettre en oeuvre une «révolution démocratique». On affirmera avec lui la nécessité de revoir le fonctionnement de notre système politique pour assurer un meilleur équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. À Ottawa comme à Québec, il n'est que trop évident que le seul pouvoir qui compte est celui de l'exécutif, et plus particulièrement celui du premier ministre. Encore plus urgente est la révision de notre mode de scrutin, dont on ne connaît que trop bien les distorsions qu'il engendre. Toutefois, il ne saurait être question, lorsqu'on touche à notre système démocratique, d'engager des changements de fond sur le mode de la précipitation. Tout au contraire, il faut mesurer et pondérer l'ensemble des éléments que l'on veut changer, y compris sur un élément comme celui des référendums d'initiative populaire. En faisant de façon inopinée, cette semaine, cette proposition sur des référendums d'initiative populaire, M. Charbonneau aura mal servi la réforme d'ensemble à laquelle il veut s'attaquer. Lançant l'idée sans avoir préparé le terrain auprès de ses collègues, il n'a fait que susciter des hésitations qui risquent de se transformer en opposition. Ses collègues, libéraux comme péquistes, n'y auront vu que des inconvénients et que des risques qui, il faut le dire, sont nombreux. La volonté aussitôt exprimée par le président d'Alliance Québec d'utiliser l'outil des référendums d'initiative populaire pour contester la loi 101 aura eu vite fait d'illustrer ces risques. On comprend la réaction qu'a eue M. Landry en insistant sur le fait que l'on est, d'ici les élections, sur un mode d'exploration sur ce sujet. Notre système politique est une démocratie représentative où les électeurs confient aux élus la conduite des affaires publiques. En instituant un pouvoir d'initiative populaire, les élus redonneraient aux électeurs une partie du mandat qu'ils ont reçu. Toute la question est de savoir si, en introduisant des éléments de démocratie directe, on ne viendrait pas entraver le bon fonctionnement du système actuel. Est-il souhaitable que des lois adoptées par le Parlement puissent être remises en cause sous la poussée de groupes d'intérêt? Le cas de la loi 101 est exemplaire. Elle est le fruit d'années de débats et représente un équilibre sociolinguistique jugé essentiel. De nombreux autres cas d'espèce de référendums à la carte peuvent être imaginés. Voudrait-on que la politique fiscale du gouvernement soit déterminée par voie de référendum? Faut-il rappeler que le gouvernement péquiste n'a pas voulu soumettre les fusions municipales à des référendums? Cette idée d'instituer des référendums d'initiative est régulièrement reprise par des politiciens sensibles à la qualité de notre vie démocratique. Leur souci est louable, mais on peut craindre que le mieux soit ici l'ennemi du bien. Les efforts ne devraient-ils pas plutôt porter du côté de la représentativité de notre système, où il y a un déficit à combler? Si l'ensemble des courants politiques de notre société étaient mieux représentés dans nos institutions, le débat public serait plus vigoureux. Le point de départ de cela est sans contredit une réforme de notre régime électoral. Si l'on a le moindrement le sens des priorités, c'est par là qu'il faut commencer.

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Priorité à la réforme du mode de scrutin
JACQUES CHAGNON Député de Wesmount-Saint Louis, porte-parole de l'Opposition en matière de réforme électorale et président du caucus libéral LeDevoir 30 avril 2002

LIBRE 0PINION - Les premières interventions du nouveau ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, ont soulevé plusieurs interrogations. Selon les déclarations du nouveau ministre, il ne saurait être question de modifier le mode de scrutin sans auparavant modifier profondément nos institutions démocratiques. En résumé, le ministre évoque la possibilité de remplacer le parlementarisme et le gouvernement élu d'inspiration britannique que nous connaissons par l'élection directe du chef de l'exécutif, la nomination d'un conseil des ministres non élus et un Parlement élu chargé essentiellement du contrôle de l'exécutif. On pourra donc par la suite discuter de modifications au mode de scrutin. Le ministre ne saurait faire oublier qu'il n'y a pas encore longtemps, le premier ministre déclarait qu'il ne saurait être question de modifier le mode de scrutin au Québec avant d'avoir réalisé la souveraineté. Doit-on comprendre que le parti ministériel voit dans la question de la réforme des institutions démocratiques un pis-aller destiné à redorer le blason du Parti québécois, qui n'éprouve aucun scrupule à former un gouvernement sans l'appui d'une majorité des votes et dirigé par un premier ministre désigné? De telles questions ne seront abordées sérieusement et ne donneront lieu à des changements respectueux de la volonté des élus et de la population que si on leur accorde du temps. Or, pour le gouvernement en place, le temps est compté. Le ministre pourra bien s'agiter dans tous les sens, redonner à André Larocque ses anciennes fonctions dans l'espoir d'affaiblir la crédibilité de l'ADQ, donner des contrats de recherche, voire amorcer une consultation, il est peu probable qu'il puisse saisir le Parlement des projets législatifs et les faire adopter de manière responsable d'ici les prochaines élections générales. Pire, la précipitation du gouvernement risque de nuire. Dans sa précipitation, le ministre a omis de nous dire quels problèmes au juste il voudrait bien corriger. Dans notre régime constitutionnel, c'est le lieutenant-gouverneur qui nomme ceux et celles qui seront appelés à former le conseil des ministres. La tradition parlementaire et démocratique, forgée depuis plus de 200 ans, lui fait une obligation d'inviter le chef du parti politique ayant remporté le plus de sièges à l'Assemblée à assumer la fonction de premier ministre et de désigner les ministres de son cabinet. Que reproche-t-on au juste à cette forme de gouvernement responsable? On peut bien penser que l'élection directe d'un premier ministre renforcerait son mandat démocratique à lui (ou à elle), mais un cabinet ministériel composé de non-élus réduit la légitimité démocratique de l'ensemble du gouvernement. C'est le pouvoir du premier ministre qui s'en trouve accru dans une telle approche, pas forcément le caractère démocratique de nos institutions. Est-ce là le choix véritable du gouvernement actuel? Dans notre système, il peut arriver qu'un parti politique forme un gouvernement minoritaire. II doit donc composer avec des alliances tacites ou explicites afin de gouverner. Il est aussi à la merci des alliances de ses adversaires qui risquent de provoquer sa chute et des élections anticipées. A cette forme d'instabilité du parlementarisme britannique, on oppose que l'élection directe du chef du gouvernement, séparé d'une chambre des élus, pour un mandat déterminé, donne un gouvernement plus stable. C'est vrai si le chef du gouvernement en question peut compter sur des élus en majorité de son parti. Or les exemples de cohabitation entre partis différents, l'un contrôlant l'exécutif et l'autre le législatif, ne sont pas rares. Ici aussi, les alliances et les manoeuvres sont nécessaires. En cas de blocage, c'est tout le mandat qui sera contre-productif. Au pire, les électeurs risquent de se retrouver pour cinq ans avec un gouvernement forcé d'appliquer les politiques de ses adversaires. Est-e plus démocratique? A vouloir apporter des solutions à des problèmes mal définis, le gouvernement risque plutôt de faire un tort considérable aux institutions. Il serait plus sage pour lui de suivre les conseils des nombreux observateurs de la scène politique qui lui suggèrent d'aborder avant tout le problème du mode de scrutin et de la représentation de la volonté des électeurs. Car le problème qui a déclenché la création d'un fort courant d'opinion en faveur d'une modification du mode de scrutin réside dans le résultat tronqué de l'élection de 1998 où, malgré une majorité de voix, le PLQ n'a pu remporter une majorité de siège et former le gouvernement et où l'ADQ n'a pas obtenu un nombre de sièges plus représentatif des votes obtenus. C'est cette distorsion dans la traduction des votes exprimés en nombre de députés qui porte atteinte à 1'intégrité du scrutin. Il est donc possible de miser sur cet intérêt pour amorcer une réflexion en profondeur sur les changements de notre mode de scrutin. L'introduction de modes de scrutin proportionnels, selon différentes variantes, n'exige pas a priori une remise en question de notre système de gouvernement responsable, comme en fait foi [sic] les systèmes électoraux de l'Australie, de l'Ecosse, de 1'Irlande et de la Nouvelle-Zélande. Bien sûr, les opinions sont multiples sur les avantages et les inconvénients des différents modes de scrutin pouvant améliorer ou remplacer le vote uninominal à un tour en vigueur. Par ailleurs, il serait illusoire de rechercher un mode de scrutin qui traduirait parfaitement en nombre de sièges les votes exprimés. Ce qu'on doit rechercher, ce sont des modalités de vote qui permettent de refléter le plus fidèlement possible les intentions exprimées par l'électorat et qui concordent avec nos institutions démocratiques et notre culture politique. C'est dans cet esprit que les députés membres de la Commission des institutions ont adopté, en décembre dernier, un mandat d'initiative suivant: que la Commission évalue le mode de scrutin actuellement en vigueur au Québec; qu'elle étudie les différentes avenues de réforme du mode de représentation; qu'elle en mesure les impacts sur la représentation, celle des régions notamment, sur le rôle et le fonctionnement des institutions parlementaires, sur la formation et la stabilité des gouvernements et de façon plus générale sur le système politique québécois. La plupart des questions qui intéressent le ministre seront abordées, sans toutefois présumer des résultats. Ce mandat traduit le souhait des députés d'étudier plus avant, d'une part, les tenants et les aboutissants du mode de scrutin actuel et, d'autre part, les avantages et les inconvénients des solutions possibles. Le mandat prévoit aussi des consultations afin de prendre le pouls de la population et des organismes intéressés. Nous croyons que le débat pourra se poursuivre sur des bases mieux documentées et mieux informées. La démarche de la Commission des institutions présente l'avantage d'impliquer directement les élus de tous les partis et la population dans un débat sur la réforme du mode de scrutin. Cette démarche doit se poursuivre malgré la volonté du ministre de précipiter les débats sur cette question d'une façon biaisée en faveur de modalités précises. Le ministre doit donc répondre à deux questions. La première: pourquoi démarrer un processus parallèle sous la seule autorité du ministre? La deuxième: pourquoi le ministre veut-il subordonner la réforme du mode de scrutin à un débat tous azimuts sur les institutions démocratiques?

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De mai à août 2002
Lettre ouverte au ministre Jean-Pierre Charbonneau
Vous tentez de noyer le poisson avec votre projet de réforme en bloc des institutions politiques
Paul Cliche L'aut'journal 8 mai 2002

Monsieur le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques,
En tenant mordicus à lier l'instauration du scrutin proportionnel à l'adoption d'une réforme globale du système politique québécois comptant plusieurs éléments nouveaux et controversés, qui va inévitablement prendre des années à se réaliser, plusieurs observateurs de la scène politique ont l'impression que vous allez réussir non seulement à reporter de nouveau aux calendes grecques un projet faisant l'objet d'un débat public depuis plus de trente ans et qui recueille de plus en plus d'adhésions, mais aussi que vous tentez délibérément de noyer le poisson. Pendant que les libéraux et les adéquistes, de même que de nombreux organismes de la société civile dont le Mouvement pour une démocratie nouvelle, réclament que priorité soit accordée à la réforme du mode de scrutin, vous vous entêtez à prétendre que, par souci de cohérence, votre projet de « révolution démocratique » doit être adoptée tout d'un bloc.
Personnellement, je suis d'accord avec la nécessité et le bien-fondé des réformes que vous préconisez. Mais, en politicien d'expérience, vous savez fort bien que la réalité politique se plie rarement à des schémas rationnels surtout quand ils sont élaborés par un gouvernement en fin de mandat qui bat de l'aile dans les sondages. Vous vous rappelez aussi que, lors du premier séjour au pouvoir du Parti québécois de 1976 à1985, la réforme du mode de scrutin est la seule qui soit restée sur le carreau du train de projets de revitalisation de la démocratie que l'histoire considère parmi les principales réalisations du gouvernement Lévesque et que c'est le caucus péquiste qui l'a malencontreusement torpillée. Vous savez aussi que cette réforme a constitué, pendant trente ans, un des principaux engagements contenus dans le programme de votre parti, et, qu'en 15 ans et demi d'exercice du pouvoir, ce dernier ne l'a pas tenu même si, à la veille des élections de l994 comme celles de 1976, il avait promis de s'exécuter « dans la première année de son mandat ». Vous savez enfin que, contrairement à René Lévesque, Lucien Bouchard l'a renié en le reportant après la réalisation de la souveraineté.
Autre fait susceptible de susciter de la méfiance : il y a quelques mois encore, le premier ministre Landry déclarait partager la position de son prédécesseur à ce sujet. D'ailleurs, n'arguait-il pas erronément, en septembre dernier lors d'une courte discussion que j'ai eue avec lui de façon impromptue, que scrutin proportionnel et système parlementaire de type britannique ne peuvent coexister, alors que c'est pourtant le cas en Nouvelle-Zélande par exemple.
Alors, monsieur le ministre, ne vous insultez pas si j'affirme qu'il est de plus en plus évident -- c'est d'ailleurs un secret de polichinelle -- que le premier ministre Landry vous a donné le feu vert pour la promotion de votre programme de réformes à la condition expresse que l'instauration du scrutin proportionnel n'ait pas priorité dans le temps sur les autres. Il calcule qu'une position du genre a un double avantage pour son gouvernement : se refaire une virginité avant les élections à ce chapitre tout en reportant effectivement la mesure aux calendes grecques. Vous me décevez beaucoup en jouant son jeu, vous qui aviez semé l'espoir avec vos prises de position courageuses alors que vous étiez président de l'Assemblée nationale.
D'autant plus qu'on pourrait espérer en toute logique que l'instauration du scrutin proportionnel aurait un effet de levier favorisant l'adoption des autres mesures que vous préconisez. En effet, les citoyens et citoyennes étant désormais représenté(e)s de façon équitable à l'Assemblée nationale seraient de plus en plus nombreux à réintégrer le champ politique et à se mobiliser pour qu'on complète la réforme du système politique. Car il ne faut pas penser que les politiciens laissés à eux-mêmes vont aller bien loin. La saga de la réforme du mode de scrutin qui dure depuis quarante ans le prouve éloquemment.
D'ailleurs, le gouvernement péquiste n'aurait fait preuve que d'une décence minimale en mettant le processus de réforme en marche aussitôt après les élections de 1998 où il a été reporté au pouvoir grâce à un renversement de la volonté populaire. Et si le gouvernement Bouchard-Landry et les deux autres partis d'opposition avaient accordé autant d'importance au déficit démocratique qu'au déficit budgétaire le nouveau mode de scrutin serait déjà en place pour les prochaines élections générales. Mais le gouvernement auquel vous avez été récemment invité à faire partie ne semble avoir aucun scrupule à exercer le pouvoir malgré l'affaiblissement de sa légitimité démocratique et il serait prêt à entreprendre un autre mandat dans les mêmes conditions ; ce qui constituerait d'ailleurs un précédent honteux dans les démocraties occidentales
Dernier point, monsieur le ministre : en publiant bientôt un livre vert vous allez démarrer, sous votre seule autorité grâce aux fonds publics, un processus parallèle à celui de la Commission parlementaire des institutions (où sont représentés tous les partis) qui devait consulter la population sur le sujet dès janvier dernier; mais qui, aux dernières nouvelles, ne le fera malheureusement pas avant l'automne prochain. Ne craignez-vous pas que cette façon de procéder ne soit interprétée comme une manœuvre préélectorale par vos adversaires politiques et ne crée un obstacle supplémentaire à l'atteinte du consensus parlementaire nécessaire dans les circonstances ?
L'impression que je retire de cet embrouillamini, comme simple citoyen, c'est que la politique politicienne est revenue en force dans ce dossier comme c'est malheureusement la règle dans presque tous les dossiers. Quant à l'espoir présent pendant quelques mois dans l'esprit de milliers de Québécoises et Québécoises, il a été de nouveau déçu par les partis traditionnels qui monopolisent indûment la représentation populaire à l'Assemblée nationale grâce à un mode de scrutin antidémocratique au sujet de la réforme duquel ils ne sont toujours pas prêts à s'entendre. Au-delà de leurs belles paroles, leur comportement indique qu'ils ne s'entendent en réalité que sur une chose : la préservation du statu quo qui assure artificiellement leur domination politique
Paul Cliche, Auteur du livre  HYPERLINK "http://pages.globetrotter.net/autjour/textes/publications/publication.htm" \l "cliche" Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel et membre de l'Union des forces progressistes

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Le pouvoir aux citoyens
Québec donne le coup d'envoi à une grande réflexion nationale sur la réforme des institutions démocratiques

QUEBEC, le 20 juin /CNW/ - Le premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, et le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, M. Jean-Pierre Charbonneau, donnent le coup d'envoi à une grande réflexion sur les institutions et les modes de fonctionnement qui encadrent la démocratie québécoise. A cette occasion, le gouvernement rend public un document de réflexion populaire intitulé "Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes", dans lequel sont présentés les différents questionnements soumis à la population. A partir de ce document, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques présidera et animera une tournée de l'ensemble du Québec durant l'été et l'automne 2002. Au début de 2003, un grand rendez-vous sera organisé sur le thème de la gouvernance démocratique du Québec, sous la forme d'états généraux. Il devrait en émerger un certain nombre de propositions, sur lesquelles le gouvernement comme les différents partis politiques pourront se positionner. Le gouvernement souhaite ainsi qu'au terme de cette réflexion majeure, des solutions soient présentées visant à donner plus de pouvoir aux citoyens et aux citoyennes. Les questionnements identifiés par le gouvernement concernent notamment le système politique, le mode de scrutin, la place des régions, le rôle des nations autochtones dans la gouvernance de l'Etat québécois, l'utilisation accrue des référendums, la place faite aux femmes en politique et l'extension du droit de vote des jeunes. Le document de réflexion populaire aborde également la possibilité d'élections à date fixe, la question de la limitation de la durée des mandats électoraux et le renforcement de l'intégrité du processus de vote. Le premier ministre a souligné l'importance des questions abordées, "des questions qui doivent être traitées dans leur ensemble, en prenant cependant tout le temps nécessaire pour y réfléchir et bien mesurer leurs implications". Pour sa part, M. Charbonneau a rappelé que "beaucoup de gens réclament depuis un bon moment de vrais débats de société, des débats d'idées, des débats sur la façon de gouverner et de faire de la politique. C'est justement ce qu'offre la réflexion qui s'annonce. C'est une occasion unique pour les citoyennes et les citoyens de changer fondamentalement le cours des choses". "Pour la première fois, le peuple québécois a ainsi son mot à dire dans le choix du mode de système politique utilisé et des institutions démocratiques qui en découlent. Les citoyens doivent s'emparer du dossier et se l'approprier, car ce qui est soumis à la discussion de tous, c'est notre façon de gérer collectivement notre vie en société et notre destin national", a conclu le premier ministre.

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Le pouvoir aux citoyens!
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/p/prattea.html" André Pratte La Presse Le mardi 25 juin 2002

Les Québécois, on le dit et le répète, en ont marre des politiciens et de la politique. Mais peuvent-ils faire autre chose que bouder et bougonner? Voici que se présente une occasion d'agir, de changer le système politique pour qu'il corresponde à leurs attentes. Les Québécois doivent la saisir. Il s'agit de la consultation lancée la semaine dernière par le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau. Cette consultation, qui doit mener aux «états généraux de la gouvernance démocratique», permettra aux électeurs de faire valoir leurs vues sur une grande variété de sujets, allant des principes mêmes du système politique (parlementaire britannique ou présidentiel) au mode de scrutin (majoritaire ou proportionnel), en passant par le pouvoir des régions. Lorsque M. Charbonneau avait d'abord évoqué ce projet, nous avions exprimé de fortes réserves, estimant qu'il embrassait beaucoup trop large et que son action risquait de détourner l'attention du gouvernement de problèmes plus importants. Ces craintes restent présentes, et sont accentuées par le moment choisi pour lancer ce débat: en fin de mandat, alors que la partisanerie est nécessairement exacerbée. Ceci dit, le ministre a bien fait ses devoirs. Plutôt que de lancer le gouvernement dans des réformes précipitées et à la pièce, il a choisi non seulement de lancer un vaste débat public, mais d'en favoriser la cohérence en publiant un document («Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes») dont la qualité pédagogique doit être notée (on en trouvera copie au www.mce.gouv.qc.ca). Notre scepticisme tient aussi de la conviction que la réforme des institutions, même si elle était radicale, ne viendrait pas à bout des faiblesses de fond du système, qui relèvent plus de la culture politique (la prépondérance de la langue de bois, par exemple) que des structures. Ceci dit, la consultation est lancée, et les citoyens ont le de-voir d'y participer, massivement et intelligemment. * * * À prime abord, nous ne sommes pas favorables à des bouleversements structurels qui accapareraient la machine gouvernementale pendant des années, sans produire de résultats probants. Ainsi de l'éventuel passage à un régime présidentiel. Rien n'indique que la démocratie est plus vibrante dans les pays où un tel système est en place. L'introduction d'un élément de proportionnalité dans le mode de scrutin est sans doute devenue inévitable, de crainte que les effets pervers du système actuel ne minent définitivement sa crédibilité. Si des élections générales avaient lieu demain, les Québécois pourraient se retrouver avec un gouvernement majoritaire adéquiste, et un Parti québécois rayé de la carte. Or, cela ne correspond sans doute pas aux attentes des citoyens. Par contre, un scrutin proportionnel aboutirait à la formation d'un gouvernement minoritaire. Est-ce que veulent les Québécois? On voit que les mesures envisagées par M. Charbonneau auraient des effets très concrets, auxquels il faut prendre le temps de réfléchir. La tenue des élections à date fixe, à tous les quatre ans, serait un changement simple et heureux. Cette mesure mettrait un terme aux jeux stratégiques qui, quel que soit le parti au pouvoir, nuisent à la qualité de la gouverne et de la démocratie. * * * Le gouvernement prévoit la tenue des états généraux au début de 2003, puis la formulation de propositions qui seraient soumises à la population à l'occasion des prochaines élections générales. L'exercice sera donc, d'une façon ou d'une autre, soumis au calendrier électoral. Si des élections surviennent dès l'automne, ce qui s'impose selon nous, le prochain gouvernement devra poursuivre la démarche amorcée par Jean-Pierre Charbonneau. La montée de l'Action démocratique satisfera peut-être quelque temps le goût de changement des Québécois. Mais cet appétit est plus profond, portant notamment sur l'état de la démocratie elle-même. Les partis politiques doivent se décider à y répondre. Quant aux électeurs, ils doivent transformer le goût du changement en volonté. M. Charbonneau offre le «pouvoir aux citoyens». C'est à eux de le prendre.

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Pour un pouvoir véritable des citoyens
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/charbonneaujp.html" Jean-Pierre Charbonneau Ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques Le Devoir mardi 2 juillet 2002

La démocratie, disait Abraham Lincoln, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. L'aventure humaine n'est pas une aventure solitaire. C'est une aventure collective, et la démocratie constitue une façon à la fois exigeante et valorisante de faire participer tous les membres de la collectivité au gouvernement de l'ensemble. Cette participation repose d'abord sur un principe fondamental : celui de la souveraineté populaire. La démocratie est fondée sur un double postulat : les citoyens sont propriétaires des institutions politiques et, en retour, ils doivent assumer la responsabilité d'être solidaires, de participer à l'évolution et à l'organisation du bien commun, ce qui est l'essence même de la fonction politique. La démocratie est un bien extrêmement précieux, qui se conjugue avec droits et libertés. Mais c'est aussi un bien fragile et vulnérable. Des abus de pouvoir individuels ou collectifs peuvent en effet facilement affecter la santé démocratique d'une société, surtout si le courage de réagir et de faire face font défaut tant chez les représentants et les dirigeants politiques que chez les citoyens. À cet égard, la démocratie se conjugue aussi avec la connaissance et la raison sur lesquelles se fondent non seulement les droits et libertés, mais également la démocratie qui est la nôtre, la représentative. Cela dit, des questions de base se posent : - Notre système politique et la culture politique qu'il génère sont-ils à la hauteur des attentes démocratiques qui doivent prévaloir en ce début de XXIe siècle ? - Les citoyens disposent-ils d'une emprise suffisante dans le processus politique ? - La relation de confiance nécessaire des citoyens envers le système de gouvernance politique est-elle satisfaisante ? - La participation citoyenne et la solidarité citoyenne sont-elles ce qu'elles devraient être -- sinon pourraient être ? *** À ces questions, force est de constater que les réponses sont plutôt négatives et cela, malgré les progrès considérables accomplis depuis la Révolution tranquille, progrès qui sont souvent ignorés ou sous-évalués. Le Québec vit, comme la plupart des autres sociétés démocratiques, une double crise : - Une crise de la représentation politique qui s'exprime par le sentiment de frustration et de désabusement ressenti par plusieurs citoyens envers la classe politique. D'où un écart croissant entre représentants et représentés, entre élus et citoyens. - Une crise de la citoyenneté qui conduit les individus et les groupes d'intérêt à surcharger de demandes le système, sans trop se préoccuper des capacités réelles de prise en considération de leurs demandes, ni s'inquiéter des conséquences de leurs propres requêtes sur les besoins des autres. La nature et le fonctionnement de nos institutions politiques n'expliquent pas complètement cette double crise. Mais ils ne sont pas étrangers aux difficultés identifiées, car ce sont eux qui produisent la culture politique que beaucoup de gens critiquent par les temps qui courent. La réflexion que le gouvernement lance aujourd'hui interpelle donc à la fois la nature et le fonctionnement de notre système de gouvernance : - D'abord, le système politique lui-même et le sens véritable de la démocratie représentative. - Le caractère centralisé de notre système. - L'absence de participation des 11 Premières Nations. - La participation plus directe et plus fréquente des citoyens. - De nouvelles initiatives souvent réclamées, notamment : - l'élection à date fixe; - la limitation du nombre de mandats électoraux au poste de premier ministre; - le droit de vote à 16 ans; - la carte d'électeur; - la possibilité de forcer les partis à assurer l'équilibre hommes-femmes. *** Les questionnements autant que le diagnostic ne sont pas exclusifs à notre équipe politique. Ils sont en bonne partie partagés par les autres formations politiques, du moins si l'on en croit leurs textes officiels. Cependant, c'est nous qui formons le gouvernement et c'est à nous d'assumer sans plus attendre le leadership qui s'impose. Il ne s'agit cependant pas d'une démarche partisane, mais d'une démarche citoyenne qui appartient fondamentalement au peuple tout entier. La démarche retenue par le gouvernement se veut donc axée à la fois sur la participation citoyenne et la volonté populaire. Elle comporte trois étapes : - Dans un premier temps, durant l'été et l'automne 2002, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques présidera et animera une tournée de l'ensemble du Québec, afin de stimuler la réflexion et d'engager un véritable débat populaire avec les représentants de la société civile. Des personnalités engagées de celle-ci seront d'ailleurs invitées à former un comité spécial de citoyens visant à garantir l'intégrité du processus et à stimuler autant que soutenir la participation populaire. - Au début de 2003, des états généraux seront organisés sur le thème de la gouvernance démocratique du Québec au XXIe siècle. Ce grand rendez-vous de participation citoyenne constituera l'aboutissement naturel des réflexions effectuées durant l'automne; il représentera une rencontre nationale majeure où tous les sujets liés au fonctionnement de nos institutions démocratiques seront abordés et traités. - La troisième étape du processus proposé découlera directement du prochain calendrier électoral. À la suite des états généraux, des choix seront définis et des propositions formulées. Le gouvernement, tout comme les différents partis politiques, devront alors se positionner, de telle sorte que le prochain rendez-vous électoral fournisse l'occasion aux électeurs de se prononcer sur les propositions concernant le modèle de gouvernance qu'ils privilégient. *** Encore une fois, le gouvernement est bien conscient de l'ampleur du défi et des questionnements qu'il présente à l'ensemble de la population. Pour préparer cette réflexion, j'ai rencontré plusieurs responsables des grandes forces vives de notre société. J'ai pris bonne note du grand intérêt manifesté ainsi que de la crainte ressentie en regard des volontés réelles de changement des dirigeants politiques. Sachez bien que je comprends le scepticisme ambiant. Durant toute ma vie politique, j'ai cherché à agir malgré lui. Il est plus fort ces temps-ci. C'est évident. Alors, quoi faire ? Baisser les bras ou faire face ? J'ai toujours pensé qu'il fallait faire face et se tenir debout. La cause de la revitalisation et de la revalorisation de notre vie politique est fondamentale. Plusieurs personnes réclament depuis un bon moment de vrais débats de société, des débats d'idées, des débats sur la façon de gouverner, des débats sur la façon de faire de la politique. Or, voici justement ce qu'offre la réflexion qui s'amorce. Une réflexion qui déjà s'oriente vers l'idéal démocratique d'un pouvoir véritable des citoyens. Nombreux sont ceux et celles actuellement qui souhaitent du changement sur la scène politique. À eux et aux autres, nous disons : impliquez-vous dès maintenant pour changer profondément l'ordre des choses et pour faire de notre démocratie un modèle dont nous serons tous et toutes fiers. Le chantier de la réforme des institutions démocratiques est l'une des ces causes politiques pour lesquelles la patrie doit passer avant les partis.

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Le pouvoir aux citoyens
Un beau défi d'ici les prochaines élections  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/b/bariteauc.html" Claude Bariteau, Anthropologue André Campeau, Anthropologue Jean-Pierre Roy, Avocat Le Devoir vendredi 12 juillet 2002

Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, a rendu public un document de réflexion sur nos institutions démocratiques. Accueilli tantôt avec réserve, tantôt avec intérêt, il met en avant des idées originales. Plusieurs de celles-ci sont partagées par une grande majorité de Québécois. Certaines se retrouvent dans le programme de l'Action démocratique du Québec (ADQ), notamment le recours à la proportionnelle, qu'appuient les dirigeants du regroupement Démocratie nouvelle. Au moment où, au Québec comme ailleurs, on s'interroge sur l'existence d'un certain ras-le-bol envers la politique et ses acteurs, ce document a le mérite de pointer des institutions en place et de suggérer, implicitement, des réformes qui assureraient une plus grande emprise des électeurs sur la politique québécoise. L'une d'elles est la séparation des pouvoirs, propre au système républicain. Une autre propose des élections à date fixe pour le premier ministre et les députés, ces derniers constituant, si la séparation des pouvoirs est acquise, une chambre de représentants responsables de l'adoption des lois alors que le premier ministre se doterait d'un cabinet pour assumer l'administration gouvernementale et dont les membres, moins nombreux que les ministres actuels, ne seraient pas des députés. Inspirée en partie du modèle républicain américain, lui-même issu des thèses de Montesquieu, la séparation proposée des pouvoirs aurait le mérite de renforcer le rôle des députés et d'obliger les membres du cabinet à répondre de leurs actions. Chose certaine, avec cette proposition, députés et ministres s'investiraient autrement dans leurs tâches respectives. Il importe toutefois de souligner, ce qu'a négligé le ministre, qu'une telle séparation des pouvoirs a du sens lorsqu'il y a simultanément refonte et renforcement du système judiciaire ainsi qu'une plus grande indépendance octroyée aux juges. Par ailleurs, -- ce qu'a aussi négligé le ministre --, aux États-Unis, on a créé deux instances législatives, le Sénat et la Chambre des représentants, dont les travaux sont l'objet d'une conciliation. Néanmoins, la proposition du ministre, si elle est actualisée, améliorera l'action des représentants du peuple. Dans le modèle britannique, nôtre depuis 1792, une telle amélioration est impossible. Plutôt que de laisser les coudées franches aux députés, ce modèle favorise le contrôle du pouvoir par le parti majoritaire, à commencer par son chef, à un point tel que les députés sont astreints à des contraintes partisanes visant à assurer la stabilité du parti au pouvoir. Quant à l'opposition, elle fait de même. Dès lors, en adoptant un modèle d'inspiration républicaine, on évacue du Québec le modèle britannique, du moins pour l'exercice des pouvoirs provinciaux. Si, un jour, le Québec devient un pays indépendant, nous aurons déjà franchi une étape dans l'institution d'un régime politique qui renforce le rôle des députés et le pouvoir des électeurs tout en encadrant celui du premier ministre. Diverses tendances Par ailleurs, avec le modèle républicain, des élections à date fixe deviennent implicites et l'élection du président, dont les mandats seraient limités à deux, se fait au suffrage universel. Reste alors la question de la majorité absolue pour l'élection du président et celle de la représentation des diverses tendances au sein de la chambre des députés. Il y a plusieurs modalités envisageables. L'une d'elles est un système uninominal à deux tours à la manière française. Il a l'avantage de forcer des alliances mais le défaut de ne pas favoriser la présence de partis représentatifs qui font piètre figure. Un dosage équilibré serait le bienvenu. À cette fin, le ministre aurait intérêt à consulter des spécialistes en la matière afin de déterminer les voies les plus appropriées au contexte québécois. Trois autres points nous apparaissent importants à souligner. Le premier est l'introduction d'éléments proportionnels à l'intérieur du modèle britannique. Cette introduction, parce qu'elle va à l'encontre des objectifs recherchés par ce modèle, débouchera toujours sur des ajustements qui ne résoudront que partiellement les problèmes qui lui sont propres. Avec elle, le rôle des députés demeurera le même. Seule en découlerait une meilleure représentation des tendances, ce qui ne corrigerait pas les difficultés découlant de la responsabilité ministérielle. Le deuxième point est la prise en compte des régions et des autochtones. Le ministre Charbonneau avance ici des propositions osées. Une chambre des régions, chaque région étant représentée par deux sénateurs élus, permettrait peut-être de favoriser un meilleur équilibre entre les grandes villes et les régions. Dans cette perspective, pourquoi ne pas créer une région administrative constituée des électeurs vivant en milieu autochtone ? Ces derniers, en très grand majorité des autochtones, auraient alors un pouvoir équivalent à celui des deux représentants de la région de Montréal. Il y a là une avenue prometteuse. Un travail de réflexion s'impose pour en délimiter les contours sans pour autant transformer ces régions en autant d'États locaux, comme c'est le cas aux États-Unis. Le troisième point a trait à la mobilisation des électeurs, la formation à une vie politique active et l'accessibilité aux institutions. Le ministre évoque ces points. Nous estimons que sa réflexion devrait porter principalement sur tous les sans-voix et aller au delà des mécanismes identifiés pour assurer une plus grande participation de certains groupes d'électeurs, d'une part, et du soutien aux organismes de la société civile pour faire des démarches en commission parlementaire, d'autre part. Ces points ne sont pas secondaires. Il en est ainsi de la création d'un conseil de la démocratie et de l'idée d'instituer une carte d'électeur. Dans ces deux cas, toutefois, il ne manque que l'audace d'agir. Un projet de loi Mais au fait, tout ce que ce document met en avant pourrait très bien se transformer en projet de loi dès le début de l'hiver 2003. Nous ne comprenons pas que le ministre ait opté en faveur de la préparation de plates-formes électorales. Sa consultation terminée, il aura en main tous les éléments pour procéder avant les élections. S'agissant d'ailleurs de cette consultation, le ministre aurait avantage à utiliser des moyens mieux appropriés que des états généraux. Ce mode de consultation appartient à une autre époque. Pourquoi ne pas se servir de la télévision et d'Internet pour lancer le débat et par la suite organiser des forums sur des points litigieux en vue de les clarifier ? Le ministre a les moyens de tirer avantage des façons de faire privilégiées par René Lévesque. Cela étant, il faudrait que le ministre Charbonneau précise clairement que son projet de réforme des institutions démocratiques du Québec ne modifie en rien le statut du Québec au sein du Canada. Ce statut demeurera celui d'une province aux pouvoirs délimités par la Constitution canadienne. Avec ce projet, les Québécois ne se transformeront pas en citoyens du Québec. Ils demeureront des citoyens du Canada. En d'autres termes, ce projet ne fait pas du Québec un pays indépendant. Il s'inscrit uniquement dans la foulée des attributs particuliers (Assemblée nationale, capitale nationale, etc.) auxquels bon nombre de Québécois aiment se référer. Pour ces seules raisons, le ministre devrait légiférer à l'hiver 2003, quitte à préciser que les nouvelles règles prendront effet après les prochaines élections. S'il procède ainsi, il laissera un héritage significatif. En livrant son projet aux aléas d'un scrutin, il prend le risque que celui-ci demeure à l'étape de simple projet ou, pire, qu'il se transforme en des ajustements quelconques du modèle britannique qui nous a été imposé en 1792 par un pouvoir à l'époque colonial, remplacé depuis 1867 par un autre : le Canada.

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Jews to put their views on Quebec
ALLISON HANES Montreal Gazette Friday, July 19, 2002
At least one group's interest has been piqued by Intergovernmental Affairs Minister Jean-Pierre Charbonneau's sweeping plans to reform democratic institutions, perhaps even transform Quebec into a presidential republic. The Quebec branch of the Canadian Jewish Congress has agreed to consult the community and present a brief at public hearings to be held in the fall. "These are questions that have never been asked and publicly debated before. Perhaps it's time," said Joseph Gabay, chairman of the Quebec region of the group. The decision to prepare a brief came after Charbonneau requested a meeting with the Canadian Jewish Congress leadership in Quebec. At the two-hour meeting held last week, Charbonneau outlined the reasons he thinks Quebec should consider reforming its British-modeled parliamentary democracy. He did not push replacing it with any particular model, Gabay said. In the reflection paper the minister unveiled with much fanfare in June, the hypothesis of moving to a presidential system is highlighted as an example in bold type on the first page. The Scottish parliamentary system, the German model and the Israeli Knesset, among many others, are all listed in the document as alternatives. Quebec's current parliamentary system, first past the post, is deeply flawed according to Charbonneau, because parties can win enough seats to govern without capturing the popular vote. Also groups like cultural communities, women and regions often don't have their needs voiced. Proportional representation or direct election of the premier (or president) are potential remedies, the minister suggests. Charbonneau is on vacation this week but a spokesman said the official consultation process has not yet begun. "It will likely kick off in August," Dominic Garneau said. So far this summer, the minister has been doing leg work to generate interest in what he called "the next great challenge" for Quebec society. Gabay said the Canadian Jewish Congress doesn't have a particular gripe with the current system or see any specific weakness in it but the organization is willing to enter the debate. - Charbonneau's reflection paper Le Pouvoir aux Citoyens et aux Citoyennes - Power to the Citizens - can be consulted online at: www.pouvoircitoyen.com - Allison Hanes's E-mail address is ahanes@thegazette.southam.ca.
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Démarche saine, calendrier inadéquat
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/laplantel.html" Laurent Laplante  HYPERLINK "http://cyberie.qc.ca/dixit/index.html" Laurent Laplante dixit Québec, le 25 juillet 2002

Même si la saison estivale plonge beaucoup d'entre nous dans l'inaction et même la torpeur, certaines réformes sont si nécessaires que rien, pas même la propension à un certain engourdissement, ne devrait empêcher la réflexion qu'elles réclament de se mettre en branle. C'est le cas de la réforme des institutions démocratiques du Québec. Même s'il est contraire à toutes les prudences politiques d'amorcer ce genre de débat au moment où un gouvernement achève son mandat, il est urgent, en effet, que la démocratie québécoise s'interroge enfin sur ce qu'il faut changer dans ses institutions et qu'elle départage la responsabilité des structures et celle de la nature humaine. Prendre prétexte d'un calendrier inadéquat pour se refuser à la discussion ne ferait que rendre plus improbable une réforme indispensable.
Le document proposé à la réflexion parle, avec une louable ambition, des institutions démocratiques dans leur ensemble et non de changements sectoriels et limités dans tel ou tel mécanisme, comme le mode de scrutin. Oui, la réflexion doit englober l'hypothèse d'un scrutin à la proportionnelle ; non, on n'aura pas touché au coeur du problème si l'on examine seulement cette composante de l'édifice institutionnel. Loin de faire peur, cette décision d'aborder la réforme de façon globale devrait rassurer. C'est, en effet, le seul moyen d'assurer la cohérence du prochain système et, plus encore, d'en fonder toutes les composantes sur les mêmes principes. Changer le mode de scrutin sans vérifier si la nouvelle procédure serait compatible avec l'établissement d'un régime présidentiel, ce serait plonger dans le morcellement et multiplier les difficultés d'arrimage.
Cela dit, le moment choisi pour mettre la consultation en marche amplifie les risques de malentendu. Au même titre que les lois à forte teneur linguistique, c'est au tout début d'un mandat que les délicates auscultations des institutions démocratiques peuvent et doivent débuter. En déclenchant quand même la consultation alors que des élections générales se profilent à l'horizon politique, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, M. Jean-Pierre Charbonneau, s'oblige à d'interminables et peu crédibles justifications. Ce n'est pas sa faute si le gouvernement du Parti québécois, sous M. Bouchard comme sous M. Landry, ont consacré plus d'énergie à encenser la démocratie qu'à en consolider les assises, mais c'est à M. Charbonneau qu'on reprochera de vouloir changer les règles du jeu au milieu de la neuvième manche. Espérons que la société et la classe politique accepteront, en dépit d'un calendrier aussi inadéquat que possible, d'ouvrir un chantier qui ne pourra malheureusement pas entraîner dès le prochain scrutin le rajeunissement éthique de nos institutions. Constatons d'ailleurs, pour le déplorer, que le document déposé par le ministre Charbonneau tient pour acquis un cheminement plutôt étonnant : « La troisième étape du processus proposé découlera directement du calendrier électoral. À partir du sommet du début de l'année prochaine, des choix seront définis et des propositions formulées. Le gouvernement, comme les différents partis politiques, se positionneront alors, de telle sorte que le prochain rendez-vous électoral fournisse l'occasion aux électeurs de se prononcer sur les propositions concernant le modèle de gouvernance qu'ils privilégient » HYPERLINK "http://www.pouvoircitoyen.com/fr/s2/doc_reflexion_conclusion.html" 1. Pareille conclusion pose plus de questions qu'elle n'en désarme. Qui, en effet, peut prédire quand se produira le prochain scrutin? Pour peu que la maturité démocratique soit au poste, l'ouverture du chantier doit néanmoins se produire.
On aurait apprécié que le document gouvernemental souligne davantage une certaine continuité dans les efforts québécois pour renforcer le caractère démocratique des institutions. Un survol historique plus étoffé aurait souligné un contraste qu'il importe de reconnaître. Pendant un temps, en effet, un Québec un peu honteux de ses moeurs électorales a vaillamment mené son nettoyage. Il a si bien comblé son déficit démocratique que ses institutions ont alors mérité tous les éloges. C'était le premier versant du contraste. Malheureusement, le Québec a vite pensé qu'il avait conquis à jamais le championnat mondial de la transparence et de l'équité et il a fait la sieste sur ses lauriers. L'essouflement et l'autocongratulation ont succédé aux efforts d'assainissement. Nous vivons encore ce deuxième versant du contraste. Le document aurait gagné à admettre que le Québec, après s'être propulsé dans le peloton des sociétés les plus démocratiques, traîne maintenant de la patte, ainsi qu'en témoignent les tristes législations improvisées récemment au sujet des démarcheurs.
Le document, sur ce terrain historique, aurait également gagné à mieux manifester la contribution des différents régimes en ce qui a trait à l'assainissement des moeurs politiques. Certes, il reconnaît les mérites indéniables de René Lévesque en ce domaine, mais il ne souligne guère la qualité des travaux menés autrefois par Robert Burns en matière de réforme électorale. Le document omet de reconnaître que c'est à Jean-Jacques Bertrand que le Québec doit l'institution du Protecteur du citoyen et qu'il doit à Robert Bourassa l'élimination des comtés protégés. C'est pourtant cette dernière décision, en plaçant enfin toutes les circonscriptions sur un pied d'égalité, qui a rendu possible une carte électorale rationnelle et équitable. C'est mal engager le débat que de laisser entendre que le Parti québécois fut le seul à professer un idéal démocratique.
À juste titre, le document insiste pour que tout, y compris les hypothèses oubliées, fasse partie du débat. On ne lui reprochera donc pas tel ou tel silence. On devra plutôt répondre à son invitation et combler les vides avec audace et rigueur. On devra même, le cas échéant, remettre en question certains des « accents » qui, consciemment ou inconsciemment, marquent le texte. Les auteurs du document, à titre d'exemple, se méfient des régimes hybrides ou à la carte. À leur avis, il est imprudent d'emprunter à divers systèmes. L'histoire américaine fournit pourtant l'exemple d'une constitution construite à partir de divers passés, y compris celui des « bourgs pourris ». De même, le document manifeste plus que de la sympathie pour le système présidentiel à l'américaine, alors même que les beautés de sa structure ne provoquent visiblement pas une participation démocratique valable, ni un respect accrû des droits fondamentaux, ni un meilleur contrôle de l'exécutif par le législatif. Autre exemple, d'omission cette fois, le document est d'un laconisme parfait en ce qui a trait à la sélection des candidates et des candidats. Qui, du chef et des militants, doit avoir le dernier mot? Quiconque croirait qu'il s'agit là d'un aspect bien secondaire de la vie démocratique ferait bien de se souvenir du comté de Mercier : c'est depuis que le premier ministre Bouchard a interdit la candidature d'Yves Michaud dans ce comté que le Parti québécois va de déconfiture en déconfiture...
Je répète, pour éviter tout malentendu, que l'invitation de M. Charbonneau mérite d'être entendue même si elle tombe au mauvais moment et même si le document qui nous la communique est perfectible. Le Québec, qui a déjà montré du courage dans la réforme des institutions démocratiques, accuse aujourd'hui un long temps de retard par rapport à d'autres sociétés. Qu'on en ait pris conscience est revigorant.

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Démarche saine, calendrier inadéquat
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/laplantel.html" Laurent Laplante  HYPERLINK "http://cyberie.qc.ca/dixit/index.html" Laurent Laplante dixit Québec, le 25 juillet 2002

Même si la saison estivale plonge beaucoup d'entre nous dans l'inaction et même la torpeur, certaines réformes sont si nécessaires que rien, pas même la propension à un certain engourdissement, ne devrait empêcher la réflexion qu'elles réclament de se mettre en branle. C'est le cas de la réforme des institutions démocratiques du Québec. Même s'il est contraire à toutes les prudences politiques d'amorcer ce genre de débat au moment où un gouvernement achève son mandat, il est urgent, en effet, que la démocratie québécoise s'interroge enfin sur ce qu'il faut changer dans ses institutions et qu'elle départage la responsabilité des structures et celle de la nature humaine. Prendre prétexte d'un calendrier inadéquat pour se refuser à la discussion ne ferait que rendre plus improbable une réforme indispensable.
Le document proposé à la réflexion parle, avec une louable ambition, des institutions démocratiques dans leur ensemble et non de changements sectoriels et limités dans tel ou tel mécanisme, comme le mode de scrutin. Oui, la réflexion doit englober l'hypothèse d'un scrutin à la proportionnelle ; non, on n'aura pas touché au coeur du problème si l'on examine seulement cette composante de l'édifice institutionnel. Loin de faire peur, cette décision d'aborder la réforme de façon globale devrait rassurer. C'est, en effet, le seul moyen d'assurer la cohérence du prochain système et, plus encore, d'en fonder toutes les composantes sur les mêmes principes. Changer le mode de scrutin sans vérifier si la nouvelle procédure serait compatible avec l'établissement d'un régime présidentiel, ce serait plonger dans le morcellement et multiplier les difficultés d'arrimage.
Cela dit, le moment choisi pour mettre la consultation en marche amplifie les risques de malentendu. Au même titre que les lois à forte teneur linguistique, c'est au tout début d'un mandat que les délicates auscultations des institutions démocratiques peuvent et doivent débuter. En déclenchant quand même la consultation alors que des élections générales se profilent à l'horizon politique, le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, M. Jean-Pierre Charbonneau, s'oblige à d'interminables et peu crédibles justifications. Ce n'est pas sa faute si le gouvernement du Parti québécois, sous M. Bouchard comme sous M. Landry, ont consacré plus d'énergie à encenser la démocratie qu'à en consolider les assises, mais c'est à M. Charbonneau qu'on reprochera de vouloir changer les règles du jeu au milieu de la neuvième manche. Espérons que la société et la classe politique accepteront, en dépit d'un calendrier aussi inadéquat que possible, d'ouvrir un chantier qui ne pourra malheureusement pas entraîner dès le prochain scrutin le rajeunissement éthique de nos institutions. Constatons d'ailleurs, pour le déplorer, que le document déposé par le ministre Charbonneau tient pour acquis un cheminement plutôt étonnant : « La troisième étape du processus proposé découlera directement du calendrier électoral. À partir du sommet du début de l'année prochaine, des choix seront définis et des propositions formulées. Le gouvernement, comme les différents partis politiques, se positionneront alors, de telle sorte que le prochain rendez-vous électoral fournisse l'occasion aux électeurs de se prononcer sur les propositions concernant le modèle de gouvernance qu'ils privilégient » HYPERLINK "http://www.pouvoircitoyen.com/fr/s2/doc_reflexion_conclusion.html" 1. Pareille conclusion pose plus de questions qu'elle n'en désarme. Qui, en effet, peut prédire quand se produira le prochain scrutin? Pour peu que la maturité démocratique soit au poste, l'ouverture du chantier doit néanmoins se produire.
On aurait apprécié que le document gouvernemental souligne davantage une certaine continuité dans les efforts québécois pour renforcer le caractère démocratique des institutions. Un survol historique plus étoffé aurait souligné un contraste qu'il importe de reconnaître. Pendant un temps, en effet, un Québec un peu honteux de ses moeurs électorales a vaillamment mené son nettoyage. Il a si bien comblé son déficit démocratique que ses institutions ont alors mérité tous les éloges. C'était le premier versant du contraste. Malheureusement, le Québec a vite pensé qu'il avait conquis à jamais le championnat mondial de la transparence et de l'équité et il a fait la sieste sur ses lauriers. L'essouflement et l'autocongratulation ont succédé aux efforts d'assainissement. Nous vivons encore ce deuxième versant du contraste. Le document aurait gagné à admettre que le Québec, après s'être propulsé dans le peloton des sociétés les plus démocratiques, traîne maintenant de la patte, ainsi qu'en témoignent les tristes législations improvisées récemment au sujet des démarcheurs.
Le document, sur ce terrain historique, aurait également gagné à mieux manifester la contribution des différents régimes en ce qui a trait à l'assainissement des moeurs politiques. Certes, il reconnaît les mérites indéniables de René Lévesque en ce domaine, mais il ne souligne guère la qualité des travaux menés autrefois par Robert Burns en matière de réforme électorale. Le document omet de reconnaître que c'est à Jean-Jacques Bertrand que le Québec doit l'institution du Protecteur du citoyen et qu'il doit à Robert Bourassa l'élimination des comtés protégés. C'est pourtant cette dernière décision, en plaçant enfin toutes les circonscriptions sur un pied d'égalité, qui a rendu possible une carte électorale rationnelle et équitable. C'est mal engager le débat que de laisser entendre que le Parti québécois fut le seul à professer un idéal démocratique.
À juste titre, le document insiste pour que tout, y compris les hypothèses oubliées, fasse partie du débat. On ne lui reprochera donc pas tel ou tel silence. On devra plutôt répondre à son invitation et combler les vides avec audace et rigueur. On devra même, le cas échéant, remettre en question certains des « accents » qui, consciemment ou inconsciemment, marquent le texte. Les auteurs du document, à titre d'exemple, se méfient des régimes hybrides ou à la carte. À leur avis, il est imprudent d'emprunter à divers systèmes. L'histoire américaine fournit pourtant l'exemple d'une constitution construite à partir de divers passés, y compris celui des « bourgs pourris ». De même, le document manifeste plus que de la sympathie pour le système présidentiel à l'américaine, alors même que les beautés de sa structure ne provoquent visiblement pas une participation démocratique valable, ni un respect accrû des droits fondamentaux, ni un meilleur contrôle de l'exécutif par le législatif. Autre exemple, d'omission cette fois, le document est d'un laconisme parfait en ce qui a trait à la sélection des candidates et des candidats. Qui, du chef et des militants, doit avoir le dernier mot? Quiconque croirait qu'il s'agit là d'un aspect bien secondaire de la vie démocratique ferait bien de se souvenir du comté de Mercier : c'est depuis que le premier ministre Bouchard a interdit la candidature d'Yves Michaud dans ce comté que le Parti québécois va de déconfiture en déconfiture...
Je répète, pour éviter tout malentendu, que l'invitation de M. Charbonneau mérite d'être entendue même si elle tombe au mauvais moment et même si le document qui nous la communique est perfectible. Le Québec, qui a déjà montré du courage dans la réforme des institutions démocratiques, accuse aujourd'hui un long temps de retard par rapport à d'autres sociétés. Qu'on en ait pris conscience est revigorant.

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Réforme des institutions démocratiques -
Pourquoi pas un mode de scrutin innovateur?
Les Québécois ont enfin l'occasion de choisir les méthodes électorales les plus efficaces  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dutily.html" Yvan Dutil Astrophysicien Le Devoir lundi 5 août 2002

J'ai été déçu du peu d'imagination démontrée dans le document de réflexion populaire au sujet de la Réforme des institutions démocratiques lorsqu'il est question des changements possibles au mode de scrutin. Hormis l'introduction d'une forme de proportionnalité, on n'étend guère plus la discussion sur les très nombreuses possibilités s'offrant aux Québécois. L'usage et la théorie nous indiquent clairement que notre mode de scrutin est imparfait. En effet, il est mathématiquement démontré qu'il ne peut garantir l'élection du candidat voulu par la population, si plus de deux candidats sont en lice. Plus ennuyeux, il est impossible de concevoir une méthode de vote traduisant à coup sûr les volontés du peuple. La démonstration de cette impossibilité valut le prix Nobel au mathématicien américain Kenneth Arrow. Néanmoins, il existe des systèmes qui s'approchent de la perfection. Une méthode des plus populaires auprès de nombreux théoriciens est celle de Borda. Elle fut proposée en 1770 par le physicien français et héros de la révolution américaine Jean-Charles de Borda. Avec cette méthode, l'électeur classe les candidats suivant l'ordre de ses préférences. Les candidats reçoivent alors un nombre de points qui diminue avec leur rang. Ainsi, s'il y a cinq candidats, le premier reçoit quatre points, le deuxième trois points, le troisième deux points, le quatrième un point et le dernier aucun point. Le gagnant est simplement celui qui totalise le plus de points. Cette méthode a été utilisée par le sénat romain jusqu'en l'an 105 de notre ère, par l'Académie des Sciences pendant une certaine période et par les scientifiques de la mission spatiale Voyager pour la sélection de la trajectoire de ses sondes dans les années 70. Il ne faut toutefois pas confondre la méthode de Borda avec un autre mode de scrutin similaire : le vote préférentiel. Ici encore, l'électeur doit classer les candidats en ordre de préférence. La différence se trouve dans le dépouillement du scrutin. Si aucun candidat ne possède une majorité de voix, on élimine alors le candidat le plus faible et on redistribue ses votes suivant le deuxième choix indiqué sur les bulletins de vote. On répète cette procédure jusqu'à ce qu'un candidat obtienne la majorité absolue. Bien qu'en apparence ingénieuse, cette méthode souffre d'un grave défaut : en raison des transferts de vote, améliorer la position d'un candidat peut lui nuire ! Inutile de dire que cette méthode n'a pas la faveur de la communauté scientifique. Malgré tout, elle a été adoptée, probablement par ignorance, par l'Irlande et l'Australie. En plus de la méthode de Borda, il existe une autre méthode présentant de nombreux avantages théoriques : le vote par assentiment. Bien que proposée dans sa version moderne dans les années 70, son origine remonte au XIIIe siècle, alors que les Vénitiens l'utilisaient pour élire leurs magistrats. Avec cette méthode, l'électeur peut voter pour autant de candidats qu'il le désire et c'est tout simplement le candidat ayant le plus de votes qui l'emporte. Elle pourrait donc être mise en place sans trop modifier notre façon de voter. Cette méthode possède la qualité remarquable de forcer l'électeur à voter sincèrement dans le cas d'une élection à trois candidats. En effet, il a alors la possibilité de voter pour un candidat ou contre lui en votant pour ses deux autres adversaires. Une caractéristique très intéressante dans le contexte électoral québécois, alors que plus de 98 % du vote exprimé aux dernières élections est allé aux trois grands partis. Cette méthode est actuellement utilisée par de nombreuses sociétés savantes (Mathematical Association of America, American Statistical Association, Institute of Electrical and Electronics Engineers, etc). Le secrétaire général des Nations unies est aussi choisi grâce à cette méthode. À l'heure actuelle, les théoriciens du consensus ne s'entendent pas sur le meilleur mode du scrutin. Certains argumentent que la méthode de Borda permet à l'électeur de moduler son vote. Les supporteurs du vote par assentiment notent la facilité avec laquelle il est possible de voter de façon non sincère avec la méthode de Borda. Quoi qu'il en soit, ces deux méthodes représentent un net progrès par rapport au système actuel et il convient d'examiner sérieusement la possibilité de leur adoption. S'il n'y pas de consensus au sujet de la solution optimale à adopter pour l'élection simple, dans le cas de la représentation proportionnelle, le choix est clair. Bien qu'il soit impossible de repartir les sièges de façon parfaitement équitable, une méthode y arrive presque : la méthode de Webster-Sainte-Laguë. Cette méthode fut proposée pour la première fois en 1832 par le politicien américain Daniel Webster et redécouverte en 1910 par le Français Sainte-Laguë. Pour répartir les sièges avec cette méthode, on choisit d'abord un diviseur commun. On attribue ensuite pour chaque parti un nombre de députés égal à leur nombre de votes divisé par ce diviseur; le résultat étant arrondi à l'entier le plus proche. Cette méthode est équitable envers tous les partis politiques quelle que soit leur taille. Elle est utilisée au Danemark, en Suède et en Norvège. Toutefois, dans le cas d'un système proportionnel pur, il peut être souhaitable d'utiliser une méthode qui favorise la stabilité du gouvernement même si elle crée quelques distorsions. Une méthode présentant ces propriétés a été proposée Thomas Jefferson en 1792. Elle est aussi connue sous le nom de méthode de Victor d'Hondt, un avocat belge qui la redécouvrit en 1878. Cette méthode ne diffère de la méthode de Webster que par le choix de la règle d'arrondissement. Dans ce cas-ci, on arrondit à l'entier le plus bas. Cela a pour conséquence de favoriser les grands partis et d'encourager les coalitions. Elle est utilisée dans de nombreux pays (Argentine, Finlande, Israël, etc.). Les Québécois ont la possibilité de choisir parmi une très grande variété de mode de scrutin. Aujourd'hui il est possible d'en évaluer théoriquement les qualités respectives, plutôt que d'être condamné à découvrir leurs faiblesses avec l'usage. Les Québécois ont l'occasion de choisir les méthodes électorales les plus efficaces. Il s'agit d'une occasion rarissime qu'il ne faut pas rater. __________________________________________
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-8-18-proportionnelle.html" Le ministre Jean-Pierre Charbonneau est favorable au vote proportionnel PC 18.8.2002 +
MONTREAL (PC 18.8.2002) - Le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, s'est dit favorable, personnellement, à ce que le Québec adopte le mode de scrutin proportionnel. Le ministre a prononcé un discours à ce sujet, samedi, devant les jeunes péquistes réunis à Québec. M. Charbonneau a indiqué que le gouvernement péquiste a pris les devants, en amorçant pour la première fois un débat sur la question. Il précise que le gouvernement n'a pas encore pris position et indique qu'il irréaliste de croire qu'un changement de cette profondeur est possible pour la prochaine élection générale. Selon lui, le Parti québécois ne serait pas perdant en adoptant ce mode de scrutin. M. Charbonneau a estimé que le PQ pourrait profiter d'un changement dans la façon de faire la politique, puisque jusqu'ici, dans le cadre actuel des choses, il a échoué son premier objectif de faire du Québec un pays.

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Pourquoi ne pas avoir dit...
Jacques Bergeron TRIBUNE LIBRE 18.8.2002

Monsieur, J'ai lu avec une certaine surprise, (mais en était-ce vraiment une, si on se souvient de vos déclarations à votre retour «lorsque vous déclariez que finalement l'indépendance n'était pas si importante que ça) votre prise de position en faveur du vote proportionnel tout en soutenant que le Parti Québécois ne serait pas perdant et que de toute façon il lui avait été incapable de donner un pays au Québec. Je trouve effrayant de lire pareille déclaration sur «l'internet» ce matin, déclaration en plus faite devant les jeunes du PQ. N'aurait-il pas été plus indiqué [de dire] que notre combat pour notre idéal n'était pas terminé, mais que vous recherchiez des éléments pour y arriver Il aurait été plus juste de soutenir qu'il était urgent que le Québec se donne les outils pour faire son indépendance plutôt que de soutenir l'insoutenbale, soit le vote proportionnel tout en admettant votre incapacité et celle de votre parti, le mien aussi, à répondre aux attentes du peuple du Québec de se donner l'indépendance. Pourquoi ne pas avoir une fois soutenu que si le Québec n'était pas indépendant, c'est qu'il s'était fait voler ce droit par plus de 100,000 votes illégaux. Pourquoi ne pas avoir dit aux jeunes du PQ, que si le Québec n'était pas indépendant c'est parce que le gouvernement d'Ottawa avait faussé le jeu de la citoyenneté. Pourquoi ne pas avoir dit aux jeunes du PQ, que si on avait eu une carte d'électeur, accompagnée d'une carte de citoyenneté et d'une signature exprimant le vote exercé, le Québec serait aujourd'hui un pays indépendant «capable de participer au bonheur de son peuple et de celui du monde dans le concert des nations libres». Pourquoi ne pas avoir dit à nos jeunes, ceux que vous appelez les jeunes du Parti Québécois, qu'il est plus important de légitimer la présence des députés à «l'Assemblée nationale du Québec» que d'adopter le vote à la proportionnelle qui ne saurait répondre à l'exercice de la démocratie? Pourquoi ne pas leur avoir dit que seule une élection à deux tours dans laquelle les deux candidat-e-s ayant obtenu le plus grand nombre de votes au premier tour, pourraient avoir droit au deuxième tour et qu'il en ressortirait un-e élu-e ayant au moins 50% plus un vote des votes exprimés, ce qui justifierait sa présence à l'Assemblée nationale dans le respect de la démocratie? Pourquoi ne pas leur avoir dit que des pays comme la France et l'Italie ont abandonné ce mode de scrutin qui permettait à des partis extrémistes, de droite ou de gauche, d'être présents dans les parlements alors que le nombre de votes reçus de leurs électeurs ne légitimait pas leur présence? Pourquoi ne pas leur avoir dit que dans les pays anglo-saxons, en donnant les États-Unis d'Amérique et l'Angleterre comme exemples, que ces pays n'avaient aucun-e élu-e pouvant prétendre avoir été élu démocratiquement puisque moins de 50% des électeurs exerçaient leur droit de vote? Pourquoi M. le Ministre vous entêtez-vous à donner au Québec le vote à la proportionnelle qui n'apportera rien de plus et rien de mieux à la démocratie du Québec mais qui au contraire pourrait donner des armes à ses ennemis? Si vous tenez autant que vous le prétendez à la démocratie, acceptez qu'un parti n'ayant pas un-e élu-e à l'Assemblée nationale, mais ayant obtenu au moins 5% du vote exprimé, puisse y déléguer une personne de son choix. Ce sera déjà reconnaître une certaine forme de proportionnelle sans pour autant nuire à la démocratie puisque l'ensemble des élu-e-s l'auront été sous le principe du vote à deux tours, tel qu'exprimé ci-avant dans mon propos que je vous fais parvenir. Je m'en voudrais en terminant de ne pas vous exprimer ma déception de voir que vous avez abandonné l'idée de donner un «pays Indépendant de langue française» à votre peuple. Dès lors que vous adoptez cette façon de penser, comme la plupart des indépendantistes, je crois que votre présence dans notre parti, le Parti Québécois, n'est plus souhaitée. Jacques Bergeron, Article faisant suite à la déclaration du ministre devant l'assemblée des jeunes du Parti Québécois, le 17 août dernier, hier en l'occurrence.

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Tinkering with how we vote
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/m/macphersond.html" DON MACPHERSON  Montreal Gazette Tuesday, August 20, 2002

Parti Québécois governments have never been shy about using electoral reform for their own partisan purposes. The PQ's first and best-known reform, the political finances law, set the example. The law allows only Quebec voters, not businesses, unions or lobby groups, to make contributions and requires parties and candidates to disclose the names of their donors. It largely cleaned up provincial politics at a stroke by eliminating secret political slush funds (with the notable exception of those for party leadership campaigns). For the PQ, it also had the advantage of forcing the other parties to play by rules the PQ had already imposed upon itself and cutting them off from their traditional funding sources. And it didn't give them much time to adapt since it was adopted only a couple of years before the first sovereignty referendum in 1980. More recently, the current PQ administration responded to illegal voting by federalists in the 1995 referendum by tightening up voter-identification requirements. But it ignored a proposal by the chief electoral officer at the time to take control of the polls on voting day out of the hands of government supporters, after sovereignist scrutineers illegally rejected valid federalist votes. They Don't Hide It The PQ no longer bothers trying to conceal its partisan intentions. On the weekend, the minister for reform of democratic institutions, Jean-Pierre Charbonneau, told members of the party's youth wing that he favours the introduction of proportional representation at least partly because it would help the PQ. (Proportional representation, or PR, is a system of voting in which seats are distributed according to the parties' respective shares of the popular vote.) Even though the present plurality or "first past the post" system favours the PQ, Charbonneau explained that showing voters the PQ is willing to change the electoral system would make up for its inability to achieve sovereignty. But the voters will take some convincing that the system needs the radical overhaul proposed by Charbonneau, who wants nothing less than to replace Quebec's present British parliamentary system with an American presidential one. Poll results published yesterday suggest that of all Canadians, Quebecers least favour introduction of PR and most support keeping the present system. Those questioned in the survey, conducted by Environics/Focus Canada for the Montreal-based Association for Canadian Studies, were asked to choose the best electoral system for Canada. Only 30 per cent of Quebecers chose PR while 48 per cent preferred the present system. Support for PR was highest in the west, with 39 per cent of Albertans and 43 per cent of British Columbians preferring it. Charbonneau challenged the results, referring to findings of another survey, this one conducted in Quebec only in May, suggesting that 73 per cent of voters were in favour of introducing at least an element of PR. Also, he might have pointed out that the question in the later survey referred to Canada, not Quebec, and that the poll was conducted in late June and early July, when interest in politics is low. But observers offered the explanation that the wide difference between the results of the two surveys merely shows that Quebecers don't hold firm opinions on the question because they haven't thought about it. Indeed, the consistently high turnout of Quebecers in provincial elections and referendums suggests that they don't think the system is so badly broken it needs fixing. After Election Charbonneau said again on the weekend that any reform won't be introduced until after the next general elections, which must be held by the end of next year. But there is one badly needed change the parties can and should make before the next election. That's to address the under-representation of Quebec's linguistic and cultural minorities in the National Assembly. The minorities make up roughly one-sixth of the population, but minority members hold only about one-tenth of the 125 seats in the present Assembly. Since the parties have already begun choosing their candidate for the election, it's not too soon for them to say what steps they'll take to reduce minority under-representation in the next Assembly. - Don Macpherson is The Gazette's Quebec-affairs columnist, based in Montreal. His E-mail address is  HYPERLINK "mailto:dmacpher@thegazette.southam.ca" dmacpher@thegazette.southam.ca
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De septembre à décembre 2002

Quelques aspects méconnus du système électoral allemand
La proportionnelle a préservé la cohésion du pays en évitant la polarisation
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/m/massicottel.html" Louis Massicotte L'auteur est professeur agrégé au département de science politique de l'Université de Montréal LE DEVOIR jeudi 26 septembre 2002

Les élections allemandes, quinzièmes de l'histoire de la République fédérale, ont eu lieu dimanche dernier. Après un long suspense qui s'est prolongé jusqu'au milieu de la nuit, les résultats ont été connus: la coalition sortante SPD-Verts du chancelier Schröder a été reportée au pouvoir avec une majorité réduite (306 sièges sur 603), la plus courte de l'histoire récente du pays. Ce scrutin nous donne l'occasion d'examiner plus en profondeur le fonctionnement d'un système électoral que plusieurs voudraient transposer au Canada. Le système de proportionnelle personnalisée en vigueur en Allemagne prévoit pour l'essentiel que 299 députés seront élus dans autant de circonscriptions à la pluralité des voix, mais aussi qu'un nombre à peu près égal de sièges seront alloués aux partis de façon à produire un résultat global proportionnel au vote populaire. C'est pourquoi le parti du chancelier, vainqueur dans 171 des 299 circonscriptions, n'a obtenu que 80 sièges de liste. Moins chanceuse à ce niveau (125 sièges directs), la CDU-CSU s'est vu compenser par l'attribution de 123 sièges de liste. Laminés au niveau des circonscriptions (un seul élu direct, Vert, dans une circonscription berlinoise), les Verts et le FDP ont obtenu respectivement 54 et 47 sièges de liste. Les ex-communistes du PDS, faute d'avoir obtenu 5 % du vote dans l'ensemble du territoire, ne survivent au Bundestag que grâce à la victoire de leurs candidates dans deux sièges directs décrochés dans la partie orientale de Berlin. Un troisième siège direct leur aurait permis d'obtenir des sièges de liste malgré un vote populaire inférieur à 5 %, mais ils ont raté leur chance par 14 000 voix. Les nombreuses «particules» (une vingtaine) qui tentaient leurs chances n'ont pu franchir la barrière des 5 %. Participation électorale Seulement 79,1 % des électeurs se sont rendus aux urnes, un recul de trois points par rapport aux élections précédentes. On affirme souvent que les systèmes électoraux de type proportionnel génèrent une participation électorale supérieure, ce qui est vrai. On en déduit parfois que la proportionnelle immunise les démocraties contre les chutes de participation électorale observées ces dernières années au Canada, en Grande-Bretagne et en France, où prévaut un scrutin de type majoritaire. Ceci est faux : la baisse enregistrée en Allemagne cette année confirme en tous points les constats d'un mémoire de maîtrise soumis récemment à l'Université de Montréal : la participation est en baisse dans presque toutes les démocraties depuis dix ans, quel que soit le mode de scrutin en vigueur. De toute évidence, aucun système électoral ne constitue une panacée en ce domaine. On ne peut manquer d'être frappé à cet égard par la coupure qui oppose les länder de l'ex-RDA au reste du pays. Si l'Ouest affiche un score honorable au chapitre de la participation (80,7 %), celle-ci tombe à 73,5 % dans les länder de l'Est. Ce décalage a une conséquence très concrète. En effet, le système allemand opère une sorte de péréquation électorale au niveau de la représentation parlementaire, puisque le nombre total d'élus en provenance de chaque land dépend du nombre total de votes valides exprimés en faveur des partis ayant franchi le seuil des 5 %. Le nombre de circonscriptions uninominales est évidemment fonction de la population, mais celui des sièges de liste variera en fonction de l'ampleur de la participation. Les länder de l'Est incluent 22,1 % des électeurs du pays et une proportion équivalente des 299 circonscriptions, mais comme on n'y retrouve que 20,6 % des votants et qu'une proportion importante du vote s'y est exprimée en faveur d'un parti, le PDS, qui a glissé sous la barre des 5 %, ils ne comptent que 18,7 % des députés. Le mythe des deux classes de députés Puisque coexistent au sein du Bundestag des élus de circonscription et des élus de liste en nombre à peu près égal, on répète souvent que le système électoral allemand engendre deux classes de députés. Il s'agit là d'un mythe. Les observateurs de la vie parlementaire le soulignent, il existe peu de différences de comportement entre les députés et on ne rapporte pas de conflit, pour une raison bien simple : presque tous les candidats de circonscription figurent également en bonne place sur la liste de leur parti, de façon à maximiser leurs chances de succès. Ceci oblige les candidats de liste à faire campagne dans une circonscription comme les autres. En cas de défaite dans leur circonscription, ils conservent ainsi une chance d'être élus grâce à la liste et, si tel est le cas, ils s'occupent eux aussi des électeurs de la circonscription où ils ont été défaits. Loin de constituer une classe à part, ils font un travail très comparable à leurs collègues, trop heureux de voir quelqu'un leur donner un coup de main pour s'occuper des électeurs du parti adverse. C'est pourquoi il n'y a pas deux classes de députés en Allemagne. La plus récente élection a montré à quel point cette pratique de la double candidature est bien ancrée : seulement 22 des 603 députés élus (3,6 %) ne s'étaient pas présentés dans une circonscription. Même constat pour le Parlement local du land de Mecklembourg, élu en même temps que le Bundestag : seulement quatre des 71 députés élus s'étaient contentés d'une candidature de liste. Éviter les polarisations régionales Les Allemands auraient-ils été plus heureux si le scrutin avait été majoritaire ? Le SPD a remporté une majorité absolue de circonscriptions et aurait donc pu former à lui seul un gouvernement majoritaire. Mais regardons-y de plus près : ce succès aurait reposé sur un appui populaire de moins de 42 % des voix, contre 41,1 % pour la CDU-CSU (voix de circonscription). Et le pays aurait été littéralement coupé en deux, le parti gouvernemental ne recueillant que des miettes dans le sud du pays, où les chrétiens-démocrates ont remporté la très grande majorité des circonscriptions. La proportionnelle a préservé la cohésion du pays en évitant une polarisation aussi grave qu'artificielle. Elle a donné au SPD une solide représentation dans le Sud, et évité à la CDU d'être complètement rayée de la carte dans pas moins de six länder plus au nord. On reproche à la proportionnelle de permettre aux dirigeants des partis de négocier, après les élections, des coalitions gouvernementales qui ne correspondent pas nécessairement au voeu des électeurs. Ce reproche est parfois fondé, mais il n'est pas valide pour les élections allemandes récentes. En 2002 comme en 1998, il y avait un choix très clair entre deux coalitions bien avant le scrutin : SPD-Verts d'un côté, CDU-CSU et FDP de l'autre. L'écart entre les deux coalitions a été fort mince (environ un point de pourcentage) mais la victoire est allée à celle que préférait une pluralité de votants. Ce qui, à tout prendre, est bien préférable sur le plan démocratique à la victoire décisive d'un parti appuyé par moins d'électeurs que le parti adverse !

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La proportionnelle avant les prochaines élections ?
Il est tard, mais pas trop tard selon l'UFP
Pierre Dostie, Vice-président porte-parole Union des forces progressistes TRIBUNE LIBRE 30.9.2002

Lundi, le 30 septembre 2002. Lundi dernier, lors d'une assemblée publique tenue à Gatineau, le ministre Charbonneau n'a pas exclus la possibilité que l'Assemblée Nationale procède à l'adoption d'un mode de scrutin proportionnel avant les élections si les partis politiques représentés à l'Assemblée Nationale le souhaitent. Sous la pression de plusieurs participants, dont Paul Cliche, qui représentait l'UFP, le ministre semblait ouvert à cette perspective. Il faut saisir la balle au bond, de souligner Pierre Dostie, co-porte-parole de l'UFP, qui participait à un débat organisé par le Mouvement national des Québécoises et Québécois sur la réforme des institutions démocratiques dimanche le 29 septembre, près de Québec. «A la lettre de leur programme, les trois partis actuellement représentés à l'assemblée Nationale sont en faveur d'une telle réforme. Qu'est-ce qu'ils attendent ? C'est encore possible: il reste un peu plus d'un an avant l'échéance légale du mandat». Rappelons que la proportionnelle permettrait l'élection à l'Assemblée de députés de tiers partis qui ont de la difficulté à percer dans le mode actuel. Les électrices et électeurs pourraient davantage voter pour leurs convictions sans craindre de perdre leur vote. De plus, la dynamique parlementaire s'en trouverait changée, épurée en bonne partie de la «partisannerie» générée par le mode de scrutin actuel, et favoriserait des alliances entre les partis sur des questions d'importance. On pourrait même croire qu'une forte alliance des partis politique du Québec serait plus facilement atteignable par exemple face aux abus du fédéral ou à la montée de la droite qu'elle ne l'est dans le cadre actuel. Molly Alexander, co-porte-parole de l'UFP, explique que s'il reste une mince couche de vernis progressistes, un moindre souffle réformateur au PQ, c'est le temps qu'il mettre en oeuvre ce qui est inscrit dans son programme depuis sa fondation. «Ça suffit les promesses politiciennes non tenus de s'exclamer la jeune porte-parole de l'UFP».D'autant plus que le PQ a drôlement intérêt a procéder s'il ne veut pas risquer de voir sa députation complètement balayé par un système électoral qui offre une généreuse prime au vainqueur, de conclure un peu ironiquement Mme Alexander.

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De quoi parle-t-on?
Il est un peu naïf de penser que changer de mode de scrutin pourrait augmenter la participation électorale  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/levesquem.html" Michel Lévesque Politologue et historien LE DEVOIR vendredi 8 novembre 2002

Libre opinion: Deux consultations publiques ont actuellement cours au Québec. L'une, menée par la Commission des institutions de l'Assemblée nationale, porte sur la réforme du mode de scrutin; l'autre, conduite par le comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, porte sur l'ensemble des institutions politiques. En soi, ces exercices de consultation démontrent de façon éloquente que la société québécoise est une société démocratique bien vivante. En revanche, on peut très sérieusement s'interroger sur le sérieux de ces démarches. Ainsi, les deux documents de consultation, soit celui de la Commission des institutions de l'Assemblée nationale, intitulé La réforme du mode de scrutin au Québec, de même que celui du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques (SRID), intitulé Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, constituent de bons exemples d'un salmigondis indigeste. À un tel point qu'une chatte aurait de la difficulté à y retrouver ses petits. Tout y est mêlé et confondu, du rôle du député et de son lien avec les électeurs aux comportements électoraux de ceux-ci en passant par le découpage de la carte électorale, les caractéristiques du système électoral, la participation des citoyens, la question de la représentation des femmes, des régions et des autochtones, etc. À la lecture de ces deux documents et devant notre étonnement croissant, on peut donc se demander comment certains objectifs poursuivis, dont celui d'«informer les électeurs sur les modes de scrutin existants», pourra être atteint si l'information véhiculée demeure aussi incompréhensible en renvoyant à toutes sortes d'idées, d'institutions, de pratiques ou encore de concepts très différents les uns des autres, dans la confusion la plus totale. On peut également se demander comment le fait de changer de mode de scrutin pourrait augmenter la participation lors des élections ou encore donner plus de pouvoirs aux citoyens. Car il y a là comme un relent de pensée magique difficile à avaler. Il serait trop long ici de procéder à une analyse approfondie de ces deux documents en abordant tous les thèmes qui y sont traités. La définition du mode de scrutin et la question de la représentation des femmes suffiront à démontrer ce que j'avance. Qu'est-ce que le mode de scrutin ? Si on se fie aux définitions que l'on donne du mode de scrutin dans les deux documents à la base des consultations actuelles, on peut se demander sérieusement en quoi celui-ci consiste. La définition contenue dans le glossaire du document de la Commission des institutions, page 75, se lit comme suit : «Le mode de scrutin correspond à l'ensemble des règles qui régissent l'organisation d'un scrutin ou d'un vote. Plus simplement, le mode de scrutin correspond à une façon particulière d'élire des candidats lors d'une élection.» Or on confond ici deux éléments très différents relatifs au mode de scrutin. Le premier renvoie aux modalités entourant le scrutin : le jour, la durée du vote, la façon de voter, c'est-à-dire la remise du bulletin de vote, la façon de marquer son choix, etc. Quant au second élément, à savoir «la façon particulière d'élire des candidats lors d'une élection», on peut se demander à quoi on fait référence exactement. Est-ce la façon dont les gens votent ? Sont-ce les critères sur lesquels repose le mode de scrutin ? Ou serait-ce plutôt la formule mathématique retenue pour comptabiliser les bulletins de vote afin de déterminer le candidat gagnant ? Je ne saurais le dire. Chose certaine, ce sont là des aspects très différents, et cette définition ne permet pas de les cerner. De plus, que doivent (ou peuvent) bien comprendre les citoyens lorsqu'ils lisent, page 20 : «Cette formule [le mode de scrutin uninominal à un tour] requiert une division du territoire en circonscriptions électorales ayant chacune un nombre égal d'électeurs» pour découvrir à la page suivante que «chaque député doit représenter un nombre à peu près égal d'électeurs» ? (Dans les faits, aucune des 125 circonscriptions électorales que comptait la carte électorale du Québec lors des élections de 1998 ne totalisait le même nombre d'électeurs : leur nombre variait entre 10 348 dans la circonscription des Îles-de-la-Madeleine et 59 701 dans celle de Chauveau !) La confusion ne s'arrête cependant pas là. À la page 8, on mentionne que le mode de scrutin est «le mode de sélection de ceux qui siégeront» à l'Assemblée nationale. Quelques pages plus loin (page 19), les auteurs écrivent que «le mode de scrutin est la formule qui permet de déterminer les gagnants et les perdants». De quelle «formule» parle-t-on ? De qui parle-t-on ? Le candidat peut être gagnant dans une circonscription alors que son parti est perdant dans une région ou sur la scène provinciale. Il peut donc y avoir, lors des mêmes élections, des gagnants et des perdants qui ne réfèrent pas aux mêmes réalités. Aussi, deux lignes plus bas, on mentionne que «cette formule permet d'élire ceux qui représenteront les citoyens de chaque circonscription». Comment une «formule» peut-elle permettre d'élire le représentant des citoyens ? C'est le choix des électeurs d'une circonscription donnée qui permet d'élire un candidat. C'est cependant la formule mathématique de la majorité relative (ou simple) qui sert de critère pour déterminer le gagnant. La confusion se poursuit lorsque, page 22, on affirme que le «mode majoritaire uninominal vise moins à assurer une représentation reflétant fidèlement l'opinion de l'électorat à la Chambre qu'à créer une majorité parlementaire en assurant la formation d'un gouvernement par un seul parti». Le document du SRID reprend également cette thèse (page 13). Sont-ce les effets ou les impacts de ce mode de scrutin qui sont en cause ici ou bien les fondements du mode de scrutin ? Difficile à dire. Toutefois, comment peut-on avancer cette explication en ayant en tête que sur la scène fédérale, le même mode de scrutin a donné lieu à l'élection de sept gouvernements minoritaires ou de coalition depuis 1867 ? Et si on prend l'année 1957 comme point de départ, le constat est plutôt le suivant : au cours des 15 dernières élections générales fédérales, il n'a pas été possible de former un gouvernement majoritaire à au moins six reprises (1957, 1962, 1963, 1965, 1972 et 1979). Ainsi donc, dans 40 % des cas, le mode de scrutin uninominal à un tour a obligé la formation de gouvernements de coalition. C'est dire qu'il y a d'autres facteurs que le mode de scrutin qui influencent la formation d'un gouvernement majoritaire ou de coalition, contrairement à ce qu'on affirme dans les deux documents en question. Maintenant, pour ajouter un peu plus à la confusion, mentionnons que dans le document du SRID, le mode de scrutin est défini comme étant «la règle du jeu en matière d'élection des députés [...]. C'est elle qui permet de traduire les suffrages exprimés par les électeurs québécois lors du scrutin en un certain nombre de sièges à l'Assemblée nationale. Le mode de scrutin n'est pas simplement une méthode de calcul des votes pour la répartition des sièges, il est aussi le mécanisme qui détermine l'orientation ou le sens que l'on assigne à la notion de représentation» (page 13). En fait, le concept de représentation est très complexe et mériterait un traitement beaucoup plus important que celui que nous y accordons ici. Toutefois, l'exemple de la représentation des femmes, que nous avons retenu, mérite d'être signalé ici. La représentation des femmes En ce qui concerne cette représentation des femmes, on peut lire dans le document de la Commission des institutions (page 32) que «les modes proportionnels peuvent en outre favoriser une augmentation du nombre de députés issus des communautés culturelles et du nombre de femmes au Parlement. [...] En 1997, une comparaison internationale basée sur 162 pays a montré que les États dans lesquels la représentation des femmes est égale ou supérieure à 25 % disposent, sans exception, d'un système proportionnel ou mixte». Pourtant, en parcourant le tableau de la page suivante, on constate qu'en Autriche, en Belgique, en Suisse, au Portugal et en Israël -- pays qui ont un mode de scrutin proportionnel --, le pourcentage de femmes est en dessous de 25 %, atteignant même seulement 13,3 % en Israël. Curieusement, au Québec, avec un mode de scrutin uninominal à un tour, la proportion de femmes siégeant à l'Assemblée nationale est de 28 % ! En ce qui concerne la «place» des femmes, on considère, dans le document du SRID, qu'il y a «des raisons multiples» qui expliquent «la place insuffisante» des femmes en politique. Ici, il n'est pas question de la représentation mais plutôt de la place des femmes, ce qui est très différent. On parle de «blocage» dû à «la culture des partis ainsi qu'[à des] pratiques démocratiques profondément ancrées» (page 35). On se demande «s'il existe un lien entre le système actuel et la place des femmes en politique». Et on mentionne qu'il serait peut-être mieux, tout simplement, d'«apporter certains amendements et accommodements à la vie démocratique actuelle». Quelqu'un peut-il expliquer comment on apporte «des amendements et des accommodements à la vie démocratique actuelle» ? Peut-on également expliquer ce qu'on entend ou de quoi on parle lorsqu'il est question de «la vie démocratique actuelle» (page 35) ? En conclusion, bien que favorable au principe d'une réforme de notre mode de scrutin, il me semble important de savoir de quoi on parle lorsqu'on aborde ces questions complexes, sans prêter au mode de scrutin proportionnel des vertus qu'il n'a pas et sans attribuer au mode de scrutin uninominal à un tour des tares qui sont loin d'être démontrées. De plus, je m'interroge sérieusement sur l'importance des imprécisions véhiculées par les deux documents de consultation qui circulent actuellement. Mais faut-il se surprendre de cette confusion lorsqu'on est incapable de savoir si on fait référence à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 ou à la Loi constitutionnelle de 1982 ? C'est du moins ce qu'on peut constater à la page 36 du document de la Commission des institutions, où on fait mention des «18 circonscriptions [sic : en fait, il y en a 12] créées en vertu de l'article 80 de la Loi constitutionnelle de 1867 [sic]». Dans un document officiel émanant de l'Assemblée nationale du Québec, c'est pour le moins inquiétant...

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Le mode de scrutin actuel dévalorise l'exercice du droit de vote
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/m/martineaupa.html" Paul-André Martineau  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/chenierjf.html" J.-Félix Chénier Les auteurs sont respectivement président et vice-président du Mouvement pour une démocratie nouvelle (www.democratie-nouvelle.qc.ca). LE DEVOIR Le jeudi 14 novembre 2002

Libre opinion: En réplique au  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-11-8-levesque-reforme.html" commentaire de Michel Lévesque publié dans Le Devoir du vendredi 8 novembre, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) désire réagir et réaffirmer que l'actuel mode de scrutin doit être réformé en profondeur. Dans un premier temps, M. Lévesque blâme à plusieurs reprises les documents de consultation produits par la Commission des institutions et le Comité directeur de la réforme des institutions démocratiques pour leur manque de précisions sur les questions du mode de scrutin et de la représentation. En bon spécialiste de la question, M. Lévesque démontre qu'il y a confusion entre la loi électorale, le système électoral et le mode de scrutin. Du point de vue du MDN, les critiques de M. Lévesque, qui se voulaient sûrement constructives, risquent de décourager les citoyens qui ne sont justement pas des spécialistes de la question à se prononcer sur les enjeux de la réforme du mode de scrutin. Il faut rappeler que ces consultations ont précisément pour but d'entendre la population qui n'est pas nécessairement au fait des différentes nuances exposées par M. Lévesque et que, malgré quelques imprécisions possibles, les différents documents produits pour préparer les consultations en cours posent plutôt bien les différents enjeux d'une réforme du mode de scrutin. Les citoyens ne sont en effet pas des spécialistes, mais ils ont compris depuis longtemps que le mode de scrutin actuel ne respecte pas la volonté populaire. Pour ce qui est de la représentation des femmes, M. Lévesque laisse tomber son chapeau de spécialiste lorsqu'il oublie de mentionner que le mode de scrutin à lui seul ne peut garantir une plus grande représentation des femmes en politique. La culture politique de chaque pays est davantage responsable de la composition du Parlement. Mais il est tout de même prouvé que les systèmes proportionnels favorisent l'entrée au Parlement d'un plus grand nombre de femmes. Si nous regardons les statistiques différemment de M. Lévesque, nous pouvons constater que tous les pays qui ont plus de 30 % de représentation féminine fonctionnent dans le cadre d'un système proportionnel. De plus, dans les systèmes mixtes (50 % des élus selon le système majoritaire actuellement pratiqué au Québec et 50 % d'élus à la proportionnelle), on dénombre invariablement un plus grand nombre de femmes élues au moyen du bulletin proportionnel. Cette caractéristique du système mixte est valable autant en Allemagne qu'en Nouvelle-Zélande : les femmes sont de deux à trois fois plus nombreuses à se faire élire grâce au scrutin proportionnel que par le truchement du bulletin majoritaire... Une très grande partie de la population québécoise a l'impression que son vote ne compte pas dans le cadre du mode de scrutin actuellement en vigueur au Québec. Quand plus d'un député sur deux est élu alors que la majorité de l'électorat a voté contre, quand la majeure partie des gouvernements portés au pouvoir au Québec depuis 1960 ont été le souhait d'une minorité d'électeurs, quand des comtés et même des régions entières sont détenus invariablement par un même parti politique depuis des décennies, que vaut l'exercice du droit de vote ? Quelle est la valeur du vote péquiste dans le comté de Westmount ? Quelle est celle du sympathisant libéral au Lac-Saint-Jean ? De plus, dans la conjoncture actuelle où un troisième parti émerge dans la lutte politique, il est même envisageable que le prochain gouvernement québécois soit «choisi» par environ 35 % de l'électorat et que notre mode de scrutin, pour une quatrième fois dans l'histoire récente, permette au parti qui termine deuxième dans l'appui populaire de former un gouvernement majoritaire. Il est tout aussi possible que notre mode de scrutin actuel évacue de la représentation en chambre un parti qui obtiendrait autour de 25 % des voix. Si de tels résultats devaient se concrétiser, le vote de l'électorat serait non seulement kidnappé mais méprisé par notre mode de scrutin actuel. Affirmer ensuite qu'«il est un peu naïf de penser que changer de mode de scrutin pourrait augmenter la participation électorale» est un argument qui pose mal les enjeux. En effet, changer de mode de scrutin ne permettrait peut-être pas d'augmenter immédiatement la participation aux élections, mais une réforme en profondeur stopperait la constante hémorragie qui fait que de plus en plus de citoyens se désengagent et ne votent plus aux élections. Il est donc grand temps de modifier notre mode de scrutin afin qu'il respecte la volonté populaire et pour que l'Assemblée nationale soit le reflet des différentes forces politiques en présence sur la scène québécoise. On n'a pas besoin d'être spécialiste de la question pour comprendre que le mode de scrutin actuel dévalorise l'exercice du droit de vote. Les consultations en cours sont justement là pour demander à la population des pistes de solution qui permettraient de redonner confiance dans les institutions.

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Réplique à Henri Brun
Au Québec, le temps est venu d'être politiquement responsable
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/b/bariteauc.html" Claude Bariteau Anthropologue  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/campeaua.html" André Campeau Anthropologue  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/r/royjp.html" Jean-Pierre Roy Avocat LE DEVOIR mardi 26 novembre 2002

Fin connaisseur du régime parlementaire britannique et conseiller émérite de plusieurs gouvernements péquistes, Henri Brun étale rarement ses états d'âme. Deux articles ( HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-11-brun-reforme.html" Un mauvais moment et Changer pour changer) parus les 14 et 15 novembre dans La Presse font exception. L'objet visé: le projet de réforme des institutions démocratiques. Pour Brun, le document à l'appui de ce projet, Le Pouvoir aux citoyens et citoyennes, ose suggérer de remplacer le «régime parlementaire façonné au Québec» par un régime présidentiel à l'américaine. Qualifiant ce document de racoleur, il y voit plus la chimère d'un ministre qu'une politique du gouvernement Landry. Puis il charge. Les réformes envisagées, qu'il estime tout aussi importantes que celle de retirer le Québec du Canada, seraient à ce point capitales et radicales qu'il lui paraît inconcevable qu'un gouvernement y procède en fin de mandat. Brun a toujours été un promoteur du parlementarisme britannique. Déjà, plus jeune, il soutenait que le Québec pouvait devenir souverain tout en demeurant monarchiste. Qu'il persiste, rien de neuf. Qu'il le fasse en dénaturant la portée du document de réflexion, c'est étonnant. Contrairement à ce qu'il en dit, le document à l'appui de ce projet n'ose qu'une chose : présenter des options et demander l'avis des citoyens sur la façon dont ils entendent se gouverner. La suite demeure inconnue à ce jour. Alors pourquoi dramatiser de la sorte ? Pour mieux bloquer tout changement autre que des corrections mineures au système en place ? Brun ne fait pas que dénaturer le sens de ce document. Il joue avec l'histoire, banalise les fondements du parlementarisme britannique comme du républicanisme et caricature indûment le scrutin proportionnel en en faisant une fin en soi. Tout cela nécessite des mises au point. Au préalable, nous tenons à signaler que nous partageons l'idée selon laquelle choisir un régime politique implique d'en respecter la logique intrinsèque. Comme lui, nous estimons contre-indiqué d'élire le premier ministre d'un régime parlementaire britannique au suffrage universel et d'introduire un scrutin totalement proportionnel dans un tel régime. Il ne peut en découler que des aberrations, ce qui pourrait théoriquement être aussi le cas en régime républicain. Voilà pourquoi nous considérons important de réaliser des analyses plus approfondies dans l'un et l'autre cas avant d'introduire un scrutin proportionnel, analyses d'ailleurs en cours. Pour Brun, le parlementarisme britannique «ne peut être considéré [É] comme un signe d'aliénation puisqu'il est le fruit d'une histoire du Québec qui remonte aussi loin que 1791». Grâce à lui, dit-il, on a pu limiter «le nombre de porcheries», «garder les urgences ouvertes la nuit» et «fusionner des villes». Mieux, le parlementarisme britannique serait plus efficace que le républicanisme «pour un petit peuple qui doit subir la mondialisation à travers un fédéralisme étouffant». Revenons aux faits. En 1791, le territoire délimité par l'Acte de Québec de 1774 fut scindé par le parlement britannique qui y créa deux entités coloniales : l'une, le Bas-Canada; l'autre, le Haut-Canada. Pour W. W. Grenville, secrétaire aux colonies et aux affaires internes, l'objectif recherché était quadruple : - maintenir le pouvoir entre les mains de Londres; - éviter que les sujets britanniques francophones votent des lois visant à promouvoir leurs intérêts aux dépens de la minorité anglaise; - inciter les francophones à s'angliciser et à diriger leurs affaires à la manière britannique; - les préserver de l'influence néfaste des révolutions américaine et française. Les transformations politiques qui ont ultérieurement influé sur le Québec (1840, 1867 et 1982) se sont réalisées conformément au parlementarisme britannique et ont toujours fait en sorte que le Québec ne soit qu'une zone subalterne de pouvoir. On le sait mais on l'oublie trop souvent. Alors, avancer que le régime parlementaire dans lequel nous nous agitons en nous occupant de porcheries, d'urgences et de villes n'a rien d'aliénant, c'est lire l'histoire du Québec avec les lunettes de Grenville. Brun succombe à ce biais, même s'il tente de justifier sa position à l'aide d'une comparaison systémique. Pour lui, le régime britannique est un régime de collaboration entre le gouvernement (l'exécutif) et le parlement (le législatif) alors que le régime républicain sépare ces deux instances. Dans le premier cas, si la collaboration fait défaut, on peut dissoudre le parlement; dans le second, on doit attendre les prochaines élections, ce qui peut neutraliser l'efficacité de l'État. S'agissant de la discipline de parti, il souligne qu'elle n'est pas propre au parlementarisme britannique mais résulte des «façons de faire des partis et [des] comportements des députés [É] en attente d'une limousine ministérielle». Pour lui, cette discipline se retrouve aussi en régime républicain et a des conséquences néfastes lorsque la majorité parlementaire est du même parti que le gouvernement, ou l'inverse.
Des arguments théoriques
Les arguments de Brun demeurent théoriques. Prétendre que la séparation des pouvoirs affaiblit le gouvernement va à l'encontre des thèses selon lesquelles elle est un moyen puissant, notamment lorsqu'il y a une limitation réciproque des pouvoirs, d'éviter des formes de tyrannie. Par ailleurs, avancer que la discipline de parti est un produit des politiciens banalise l'effet des régimes sur eux. En régime parlementaire, cette discipline s'impose pour maintenir en place le gouvernement alors que ce n'est pas le cas en régime républicain. Aussi voit-on fréquemment aux États-Unis des républicains voter avec les démocrates sur la base du respect de leurs électeurs et de leurs convictions. En privilégiant une approche systémique, Brun ne fournit qu'un éclairage partiel de ces deux régimes. Pour mieux les comprendre, il est nécessaire d'en rappeler la genèse, la philosophie politique dont ils émanent et le statut de citoyens qui en découle. Le parlementarisme britannique dérive de la monarchie parlementaire. Il est une forme de monarchie mixte qui, avec le temps, a conduit à minimiser la portée des pouvoirs royaux sans pour autant assurer la prise en charge du politique par les citoyens. Il a donné lieu à un certain équilibre entre la royauté, l'aristocratie et la démocratie. Edmund Burke l'estimait d'ailleurs une protection contre la démocratie, celle-ci pouvant déboucher sur une tyrannie populaire évinçant du pouvoir la royauté et l'aristocratie. Thomas Paine a réfuté ses thèses, ne voyant en elles aucune légitimité issue de la société civile. Les arguments de Paine ont pris forme au moment où les treize colonies britanniques luttaient pour s'émanciper de la mère patrie. Ils ont contribué à la création d'une république préconisant le pouvoir de tous sur quelques-uns en réaction à un pouvoir d'un sur tous. L'une des idées de Paine, qui se méfiait du despotisme, fut d'introduire un lien de confiance entre le peuple et les élus. Le moyen utilisé fut la scission du pouvoir en trois instances distinctes (le législatif, l'exécutif et le judiciaire) et l'instauration d'une représentation des citoyens, qui sont les acteurs de la société civile. Sous cet angle, la séparation des pouvoirs assure un équilibre non pas entre la royauté, l'aristocratie et la démocratie, mais entre des niveaux de pouvoirs qui sont tous sous le contrôle des citoyens. En régime républicain, le citoyen est maître et les élus doivent lui rendre des comptes. Cette séparation faite, il devient possible d'imaginer des modalités qui peuvent renforcer le pouvoir des citoyens et l'expression de thèses variées qui ont cours au sein de la société civile. Par exemple, aux États-Unis où le bipartisme est en vogue, il existe deux chambres législatives qui doivent s'entendre pour faire les lois. Par tradition, le scrutin proportionnel ne fait pas partie des pratiques alors que bien d'autres régimes républicains y ont recourt. Bien sûr, le républicanisme n'est pas à l'abri de dérives même s'il renforce la responsabilité des électeurs, encourage les débats entre citoyens égaux et encadre les charges publiques. Aussi nécessite-t-il une vigilance constante de la part de la société civile afin : - de favoriser la participation citoyenne, notamment par des forums publics générateurs d'un jugement politique parce qu'ils transforment l'électeur en citoyen responsable plutôt qu'en consommateur de programmes; - de freiner le lobbyisme, le corporatisme et le patronage politique. Plus le contrôle des citoyens sera grand, ce qui est la visée même du républicanisme, moins ces dérives s'exprimeront.
Le pouvoir des citoyens
Ainsi présentées, les différences entre ces deux régimes vont au-delà d'une simple recherche d'efficacité. L'enjeu qu'ils soulèvent est d'un autre ordre. Il s'agit du contrôle des citoyens sur leur vie politique et du statut des députés. En régime parlementaire britannique, les citoyens ne sont qu'un des éléments du système et les députés, des délégués du pouvoir. En régime républicain, le citoyen est le coeur d'une vie politique qui transforme les députés en délégués au pouvoir. Cela étant, la question du scrutin proportionnel, qui est un problème de représentation des tendances sociopolitiques dans les instances du pouvoir, doit être mise en perspective dans chacun de ces régimes et en lien avec leurs autres éléments constitutifs. En clair, cela veut dire qu'il importe de présenter d'abord les tenants et aboutissants de chacun de ces régimes lorsqu'on veut renforcer le pouvoir des citoyens. Aussi considérons-nous heureuse la décision du ministre Charbonneau d'avoir enclenché une consultation qui débouchera sur des États généraux où seront soulevées des questions fondamentales plutôt que les raccourcis auxquels invitent les tenants du parlementarisme britannique. C'est uniquement de cette façon qu'il y aura un débat et que s'élaborera un jugement politique québécois. Personnellement, avec une table bien mise, nous serions surpris que les citoyens québécois se manifestent en faveur d'un régime qui participe à leur subordination et donne des pouvoirs disproportionnés au premier ministre. En somme, un régime qui conduit à l'expression d'un autoritarisme que seuls prisent, par confort intellectuel ou pour d'autres motifs, certains membres de l'élite francophone et anglophone du Québec. Est-ce le bon moment d'agir ? Pour Brun, non. Pour nous, oui. En politique, il n'y a pas de bon ou de mauvais moment lorsque l'enjeu consiste à revoir les institutions au sein desquelles nous nous agitons. Seul compte le contexte. Or, indépendamment du fait que les Québécois participent fortement aux élections et que les dernières aient fait ressortir une anomalie entre le nombre de votes obtenus par les partis et le nombre de leurs élus, un constat demeure : les électeurs québécois, comme ailleurs dans le monde, sont déçus et méfiants du politique.

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Au Québec, on vote avec sa langue!
Selon Pierre Serré, les non-francophones sont surreprésentés par le mode de scrutin actuel. Mathieu-Robert Sauvé FORUM UdeM. Édition du 9 décembre 2002 / volume 37, numéro 15

 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/s/serrep.html" Pierre Serré livre une analyse du vote des non-francophones du Québec qui a nécessité près de 15 ans de travail.  Si Jacques Parizeau avait évoqué le «vote non francophone» plutôt que le «vote ethnique» pour expliquer l’échec référendaire le 30 octobre 1995, le politologue Pierre Serré n’aurait rien eu à redire. «Il n’y a qu’un clivage politique au Québec, il est linguistique», estime le chercheur qui vient de publier sa thèse de doctorat chez VLB, Deux poids, deux mesures. En d’autres termes, les Québécois votent avec leur langue. Et depuis 30 ans, la minorité non francophone a fait la pluie et le beau temps à l’Assemblée nationale. Sans une réforme du système électoral basée sur le mode de scrutin proportionnel, cet effet va s’accentuer encore, menaçant même la survie du Parti québécois, prévoit l’ex-étudiant, aujourd’hui chercheur au ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration. «Le clivage linguistique s’accentue, lance-t-il. Et cette accentuation éteint non seulement le mouvement souverainiste mais aussi la volonté d’affirmation nationale.» Des trois groupes linguistiques présents au Québec (francophones, anglophones et allophones), seuls les membres du premier changent d’allégeance d’une élection à l’autre lorsqu’ils sont appelés aux urnes. Sur le plan provincial, de 1970 à 1998, anglophones et allophones ont appuyé dans une écrasante majorité (quelque 95 %) le Parti libéral. Sans réserve. Peu importe son chef, son programme, son bilan. Ce «vote bloc» n’est absolument pas répréhensible, souligne M. Serré. Tant en entrevue que dans les premiers chapitres de son livre, il insiste pour dire qu’en démocratie chacun est libre de voter comme il l’entend. Le problème, c’est que le mode de scrutin par circonscription donne à cette minorité comptant à peine pour 15 % de l’électorat un poids politique démesuré. Lors des victoires libérales de 1970, 1973, 1985 et 1989 par exemple, les non-francophones ont fait élire 75 % des ministres et 67 % des députés libéraux. Quand le Parti libéral a perdu ses élections en 1976, 1981, 1994 et 1998, plus de 88 % des députés de l’opposition lui devaient leur siège.
Les seuils linguistiques
Pierre Serré, qui a travaillé pendant plus de 15 ans sur l’analyse du vote au Québec, tant au cours de ses études en sciences politiques qu’à titre de chercheur indépendant (plusieurs de ses articles circulent parmi les députés et ministres du Parti québécois), a constaté un principe qui égratigne l’institution parlementaire: le seuil linguistique. Dès qu’une circonscription compte plus qu’un certain taux de non-francophones, elle est perdue d’avance pour le parti souverainiste. «Les francophones sont habituellement fortement divisés. Lorsqu’ils favorisent le PQ, la majorité qu’ils parviennent à dégager en faveur de ce parti reste modeste. À cause de ces divisions, le vote bloc des non-francophones assure automatiquement l’élection de tous les candidats libéraux dès que la proportion de francophones dans l’électorat est insuffisante.» À Montréal, le chiffre magique est de 79 % et, à l’extérieur de la métropole, de 90 %. Si votre circonscription n’atteint pas ces proportions de francophones, les dés sont jetés d’avance: votre député sera libéral. Cette hypothèse se base sur l’analyse des 30 dernières années, dans un système à prédominance bipartite. L’Action démocratique changera-t-elle les données? Seulement si ce parti accueille dans ses rangs un taux significatif de non-francophones. Il est encore trop tôt pour prévoir cet impact. Toutefois, Pierre Serré affirme que, si le Parti québécois n’arrive plus premier chez les francophones sur le plan national, il va être pour ainsi dire «rayé de la carte». «Il faudra rebâtir ce parti par des assemblées de cuisine, comme on a dû le faire après la crise politique des années 70.»
Qu’est-ce qu’un non-francophone?
À la surprise de tous, Pierre Serré avait affirmé en 1995 que les immigrants francisés avaient des comportements politiques très semblables à ceux des Québécois francophones «de souche». «Environ le quart des immigrants francisés sont suffisamment à l’aise avec le projet souverainiste pour voter oui au référendum, commente-t-il. Ils peuvent changer d’allégeance d’une élection à l’autre et ont donc une attitude comparable à celle des autres francophones. C’est une tendance qui se confirme après une ou deux générations.» Quand 25 % des immigrants votent oui, on ne peut pas dire que ce sont les votes ethniques qui ont causé l’échec référendaire. Or, qu’est-ce qu’un «ethnique»? Lorsqu’on regarde le comédien Normand Brathwaite animer un gala, note Pierre Serré, les téléspectateurs ne se disent pas: «Tiens! Voici un immigrant antillais.» Ils voient un Québécois. Là où le PQ a failli à sa tâche, prétend Pierre Serré, c’est en n’insistant pas suffisamment sur la francisation des non-francophones, tant dans les milieux de travail que dans les écoles et les lieux publics. Selon lui, un meilleur bilan au chapitre de la francisation aurait eu des effets certains sur les intentions de vote.
Pas n’importe quelle proportionnelle
Pour le chroniqueur du Devoir Michel Venne, lui-même à la recherche d’un nouveau modèle québécois, l’étude de Pierre Serré nous fait réaliser que le système actuel «accorde aux électeurs non francophones un poids politique plus important que leur poids démographique. Cela a entre autres pour conséquence de donner au “fédéralisme radical” une légitimité dans le discours public plus grande que ce que devrait lui conférer son enracinement dans la réalité québécoise.» Un mode proportionnel de répartition des votes serait souhaitable pour redonner du pouvoir à la majorité francophone. L’idée paraît étrange, car cette solution émane aussi des libéraux, qui estiment s’être fait voler deux élections. En 1995 et 1998, en effet, le Parti québécois a été élu même s’il a récolté moins de voix que le Parti libéral. C’est que la proportionnelle ne serait pas la même pour Pierre Serré que pour les libéraux. Le chercheur estime qu’il faudrait renoncer aux bonnes vieilles circonscriptions électorales et opter plutôt pour une liste de candidats par région, par exemple les régions administratives du Québec. Dans les urnes, à Montréal, les électeurs auraient devant eux des listes de 20 ou 30 noms de tel ou tel parti. Le travail d’équipe serait alors plus valorisé au détriment des batailles d’individus. De tels modèles existent au Danemark, en Suède et en Norvège. «Nul système n’est parfait, mais le mode proportionnel me semble une piste intéressante à suivre», dit l’auteur de Deux poids, deux mesures. Comment introduire une telle modification de nos mœurs politiques? Apparemment, l’idée fait son chemin, portée notamment par Jean-Pierre Charbonneau, ministre de la Réforme des institutions démocratiques. Mais son parti aura-t-il le courage de lui emboîter le pas? Pierre Serré, Deux poids, deux mesures, Montréal, VLB éditeur, 2002, 270 p., 24,95 $.

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Le politologue Christian Dufour dénonce la réforme Charbonneau
NORMAN DELISLE

QUEBEC (PC 9.12.2002) - Vouloir modifier le système politique québécois dans le sens proposé par le ministre Jean-Pierre Charbonneau serait "suicidaire", estime le politologue Christian Dufour. Dans un texte transmis à la commission parlementaire des Institutions, et dont la Presse Canadienne a obtenu copie, M. Dufour critique sévèrement les points de vue tirés du document du ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau. Ce document, intitulé "Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes", sert de base aux discussions entourant la réforme des institutions parlementaires québécoises. Il vante besaucoup le système présidentiel américain. Le professeur Dufour juge que le document Charbonneau "est injuste à l'égard d'institutions politiques qui ont historiquement bien servi le Québec et méritent mieux". Nos institutions québécoises "combinent les avantages de la démocratie et d'un gouvernement fort", note M. Dufour. Notre Assemblée nationale, qui a célébré son 200e anniversaire en 1992, " se rattache à la plus ancienne tradition démocratique des temps modernes". Par exemple, le principe de la responsabilité ministérielle "oblige les membres du gouvernement à rendre publiquement des comptes devant la Chambre élue, contrairement au système américain où des ministres, non élus et choisis par le président, ne répondent qu'à lui". C'est grâce à notre système politique que des réformes structurantes comme la Révolution tranquille ont pu être menées. Le document Charbonneau "diffuse une vision inexacte, tout en rose, du système américain", poursuit M. Dufour. Il ne parle pas des lobbies omnipotents aux Etats-Unis. Il ne mentionne pas la santé démocratique de notre système électoral, qui favorise une participation qui dépasse les 80 pour cent. Vouloir appliquer un système à l'américaine "au seul gouvernement contrôlé par une majorité francophone en Amérique du Nord serait suicidaire", affirme le professeur Dufour. On parle d'abandonner le mode de scrutin uninominal à un tour qui a toujours été utilisé au Québec. "Il a fait ses preuves depuis 1792. De plus, ce mode de scrutin favorise la majorité francophone et compense le fait que le Canada considère cette majorité comme une minorité depuis 1982", écrit le politologue. Enfin, M. Dufour signale que la démocratie québécoise "est bien vivante". Il y a notamment une "cruciale alternance politique", qui fait en sorte qu'aucun parti politique n'a pu gagner trois élections consécutives depuis plus de 50 ans. Notre système "repose sur un lien direct entre le député et ceux qui l'ont élu. En cinquième année de mandat, il serait irresponsable que le gouvernement du Parti québécois essaie d'engager l'avenir sur un sujet aussi important que nos institutions à partir d'une base si fragile, conclut le professeur Dufour. On pave la voie à l'affaiblissement de la seule majorité francophone en Amérique du Nord".

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Des institutions politiques qui ont bien servi le Québec
Une réforme profonde ouvrirait la voie à l'affaiblissement de la seule majorité francophone en Amérique du Nord  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dufourc.html" Christian Dufour Chercheur à l'ENAP et codirecteur de la Revue canadienne de science politique, l'auteur présentera demain son mémoire -- dont est tiré le texte ci-dessous -- au comité directeur sur la réforme des institutions démocratiques. LE DEVOIR Le mardi 10 décembre 2002

Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, le document du ministre québécois responsable de la réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, commence par une citation d'Abraham Lincoln, première manifestation de son fort préjugé pro-américain. L'approche proposée souffre de lacunes majeures, la première étant que le processus de consultation est biaisé: on présente comme une évidence le fait qu'une profonde réforme de nos institutions politiques est non seulement nécessaire mais demandée par les citoyens. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aucune de ces deux assertions n'est prouvée, nonobstant les prétentions représentatives des corporatistes États généraux convoqués pour l'occasion. Le document de réflexion est injuste à l'égard d'institutions politiques qui ont historiquement bien servi le Québec et méritent mieux. Il est absurde de placer sur le même pied -- «aux deux extrêmes» -- le mode de scrutin qui est le nôtre depuis 210 ans et cette aberration qu'est le scrutin proportionnel intégral. Le document idéalise de façon étonnante le système présidentiel américain, présenté comme un modèle sur lequel le Québec devrait s'aligner. Enfin, la démarche ne tient pas compte d'un élément crucial : le contexte canadien dans lequel évolue le Québec. Rappelons tout d'abord l'importance des institutions politiques pour le développement d'un peuple, le fait aussi que le mieux est souvent l'ennemi du bien en ce domaine. Les Québécois n'ont pas à regarder bien loin : le déclin de la France depuis deux siècles tient pour une part à sa difficulté à se doter d'institutions politiques durables. Après deux restaurations monarchiques, deux empires et cinq républiques, cela n'empêche pas certains beaux esprits de disserter maintenant sur la nécessité d'une sixième république ! Des institutions politiques, par définition imparfaites, doivent avant tout être jugées sous l'angle de la fonctionnalité. En vertu de ce critère, notre système de gouvernement de type Westminster passe bien la rampe. Il est troublant qu'après s'être révélés incapables de nous libérer des séquelles négatives de la Conquête, certains souverainistes s'attaquent maintenant à la partie clairement positive du legs britannique : les seules institutions politiques que nous ayons jamais connues, combinant les avantages de la démocratie et d'un gouvernement fort. L'Assemblée nationale du Québec, qui célébrait en 1992 son 200e anniversaire, est l'une des plus vieilles assemblées de type Westminster au monde. Nos institutions se rattachent à la plus ancienne tradition démocratique des temps modernes. Elles sont basées sur une confusion partielle du pouvoir législatif (les députés) et du pouvoir exécutif (le gouvernement), ce qui n'est pas une mauvaise chose comme on veut nous le faire croire : il faut disposer d'une majorité en Chambre et être membre de celle-ci si l'on veut former le gouvernement. Le principe de la responsabilité ministérielle, pour laquelle Louis-Hippolyte Lafontaine s'est battu dans les années 1840, oblige les membres du gouvernement à rendre publiquement compte à la Chambre élue, contrairement au système américain où les ministres sont des non élus choisis par le président et ne répondant qu'à lui. Notre système favorise la formation de gouvernements qui ont les moyens d'agir, dirigés par des premiers ministres disposant de pouvoirs considérables. C'est ce système qui a permis de faire les réformes structurantes de la Révolution tranquille. Le Québec n'est pas un État indépendant, mais il est dirigé par un chef de gouvernement puissant; ses institutions assurent aux Québécois un pouvoir politique et administratif fort, un atout majeur alors que monte une nouvelle loi de la jungle, quand les États constituent, en dépit de leurs imperfections, un irremplaçable facteur d'ordre et de justice. La réforme proposée ne tient pas compte du fait que le danger, aujourd'hui, est davantage la montée de l'impuissance par rapport aux effets non désirés de la mondialisation, que la concentration du pouvoir politique. Non content de dévaloriser systématiquement nos institutions politiques, le document de consultation diffuse une vision inexacte, tout en rose, du système présidentiel américain. Il réussit l'exploit de ne pas dire un mot du phénomène des lobbies, quelque chose de si important que les auteurs américains en parlent comme de la troisième Chambre, avec le Sénat et la Chambre des représentants. Le document ne fait mention nulle part du taux de participation électoral, beaucoup plus important au Québec que dans ces États-Unis dont on nous vante le système pour corriger les défauts de notre démocratie. Le document de consultation présente comme modèle la séparation étanche des pouvoirs à l'américaine, sans mentionner que ce système correspond à une culture politique où l'on s'est méfié dès l'origine d'un État que l'on a voulu affaiblir par cette séparation -- un système de pouvoirs et de contre-pouvoirs se neutralisant les uns les autres. Rappelons que les États-Unis ont été fondés par des dissidents religieux ayant gardé un mauvais souvenir d'un gouvernement britannique les ayant forcés à s'exiler, après des décennies de persécution. Vouloir appliquer un tel système anti-État au seul gouvernement contrôlé par une majorité francophone en Amérique du Nord serait suicidaire. C'est à se demander si certains souverainistes ne sont pas en train de suivre l'exemple de Louis-Joseph Papineau, le leader défait des Patriotes, qui prêchait carrément à la fin de sa vie l'annexion aux États-Unis. Au-delà de fragiles considérations de rectitudes politiques qui constituent l'assise du projet, cela nous amène à l'autre grand problème : on ne tient pas compte du fait que le Québec continuera à faire partie du Canada. On veut abandonner un mode de scrutin imparfait, mais qui a fait ses preuves depuis 1792, en oubliant un fait capital : ce mode de scrutin favorise la majorité francophone et compense le fait que le Canada considère structurellement cette majorité comme une minorité depuis 1982, à la suite de l'échec du projet souverainiste. On est prêt à enlever à notre premier ministre le plus important de ses pouvoirs -- celui de décider de la date des élections -- pour l'envoyer négocier, désarmé, avec des homologues canadiens qui conserveront, eux, tous les pouvoirs d'un chef de gouvernement de type Westminster. On est prêt à instaurer un système de séparation des pouvoirs à l'américaine, en totale contradiction avec la vision d'un État fort véhiculée par le Parti québécois. Si la démocratie québécoise n'est pas parfaite, elle est éminemment vivante. La cruciale alternance politique y est toujours possible, contrairement à Ottawa où il n'est pourtant pas question de changer les institutions. Notre système permet aux francophones de se comporter politiquement en majorité; il repose sur un lien direct entre le député et ceux qui l'ont élu, par opposition à la fidélité aux idéologies, aux négociations entre les partis avant l'élection pour décider des candidats que l'on permettra aux citoyens d'élire. En donnant plus d'importance à la représentation des femmes, des autochtones, des régions, des jeunes, des minorités, etc., on satisferait dans un premier temps tout le monde et son père. Mais ce beau monde deviendrait rapidement plus cynique que jamais quand il réaliserait que le prix à payer pour ce gonflement du pouvoir de la parole est la montée de l'impuissance, l'affaiblissement de l'aptitude collective à agir. En cinquième année de mandat, il serait irresponsable que le gouvernement du Parti québécois essaie d'engager l'avenir sur un sujet aussi important que nos institutions, à parti d'une base si fragile. Ce qui inquiète à terme, c'est la légèreté avec laquelle notre classe politique a laissé s'accréditer le sophisme qu'une réforme profonde de nos institutions politiques était nécessaire, ouvrant la voie à l'affaiblissement de la seule majorité francophone en Amérique du Nord.

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Réforme électorale égale constitution républicaine
Jocelyn Jalette LE DEVOIR lundi 16 décembre 2002

Joliette, 6 décembre 2002 Les actuelles consultations concernant la réforme des institutions démocratiques créent beaucoup d'attentes et ne devraient surtout pas être prises à la légère. Le ministre Jean-Pierre Charbonneau a entamé bien plus qu'un simple processus pour le choix d'un nouveau mode de scrutin. Il ne s'agit de rien de moins que de l'élaboration des fondements d'une constitution québécoise. Vous croyez que j'exagère ?... En somme qu'est-ce qu'une constitution, si ce n'est la loi fondamentale d'un pays. Généralement on y retrouve énumérés les droits inaliénables des citoyens; nous avons déjà la Charte québécoise des droits et libertés ! Ensuite, on y exprime le régime politique et le partage des pouvoirs; c'est ce que la présente consultation tente de renouveler. Si le ministre Charbonneau réussissait à convaincre son gouvernement de tenir un référendum lors des prochaines élections, le peuple québécois aurait ainsi une véritable occasion de s'affranchir de presque tous les vestiges désuets du vieux système colonial actuel. Claude Béland, le président de la commission des institutions sur la réforme électorale, confirmait la très grande volonté des participants de concrétiser les changements souhaités. Les élections à date fixe, une forme de vote à la proportionnelle et l'adoption d'un système républicain font presque unanimité dans leurs grandes lignes. Pour éviter qu'une fois de plus le rapport d'une commission finisse tabletté, il faut procéder à un référendum pour engager fermement le prochain gouvernement. Ce dernier, quel qu'il soit, élu par le système présent, aura naturellement tendance à conserver ce qui l'a favorisé. La réforme envisagée revalorisera le rôle de nos élus et fera en sorte que la volonté populaire soit beaucoup mieux reflétée dans les résultats des scrutins. Notre rapport de force devant le Canada sera décuplé ! Imaginons un instant la légitimité extraordinaire de notre premier ministre élu grâce au suffrage universel direct de tous les Québécois, par rapport à son homologue canadien élu dans une seule circonscription et chef d'un parti ayant récolté à peine 40 % du vote populaire...
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Réplique à Christian Dufour
Une réforme consacrant le caractère distinct du peuple québécois
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/charbonneaujp.html" Jean-Pierre Charbonneau Député de Borduas, ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques et président de l'Assemblée nationale du Québec (1996-2002) LE DEVOIR mardi 17 décembre 2002

La démarche gouvernementale à propos de la réforme des institutions démocratiques subit depuis quelque temps les assauts répétés de partisans «universitaires» du système de gouvernance démocratique hérité du colonialisme britannique. Après le professeur et constitutionnaliste Henri Brun, voici maintenant le  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-12-9-dufour-reforme.html" politicologue Christian Dufour de l'ENAP qui, à son tour, utilise le procédé des jugements péremptoires et des procès d'intention pour discréditer l'exercice de réflexion populaire en cours, lequel a déjà pourtant suscité l'intérêt et la participation de plusieurs milliers de personnes un peu partout à travers le Québec. Pour M. Dufour, la démarche que le gouvernement a entamée, est non seulement fondée sur «de fragiles considérations de rectitudes politiques» et des «assertions sophistes non prouvées», mais est également biaisée à l'encontre des systèmes politique et électoral britanniques qui sont les nôtres depuis 1792. Pourtant, n'en déplaise au professeur Dufour, qui prétend qu'il n'y a pas lieu de réfléchir et d'entreprendre des changements, tous les partis reconnaissent que notre système de gouvernance politique est affligé de déficits démocratiques et qu'il est devenu urgent de s'attaquer à cette problématique, laquelle est «au coeur des enjeux auxquels les Québécois et les Québécoises sont confrontés actuellement». Bien sûr, les citoyens ne se bousculent pas dans les autobus pour dénoncer les travers de notre vie démocratique, mais ils sont très nombreux à l'heure actuelle à montrer du doigt les failles de notre système de gouvernance conçu à une autre époque, dans un contexte socio-économique, culturel et politique totalement différent de celui d'aujourd'hui. On ne peut ignorer aussi que le Québec est affligé comme beaucoup d'autres sociétés démocratiques de deux crises importantes : une de la représentation et une de la citoyenneté. La première tourne autour de l'énorme fossé qui sépare maintenant les représentants politiques et les représentés : perte de confiance, cynisme et désintérêt des gens envers les politiciens autant qu'envers les institutions, sinon envers la fonction politique elle-même. La seconde concerne la prépondérance majeure de l'individualisme, du corporatisme, du clientélisme, du chacun pour soi au détriment de la solidarité, du sens civique, de l'engagement, du bien commun. Certes, il ne s'agit pas de faire croire qu'une réforme en profondeur des institutions démocratiques va seule résorber sinon résoudre ces crises. Il s'agit cependant de se demander si une modernisation et une démocratisation de notre système de gouvernance politique ne nous permettraient pas de mieux faire face aux défis et aux attentes du XXIe siècle, tout en augmentant les niveaux de conscience et de participation citoyennes.
Un exercice démocratique de base
Le gouvernement Landry a décidé que le temps était venu de faire cet exercice démocratique de base en procédant à une analyse critique du statu quo autant que des alternatives possibles. Le gouvernement n'a pas encore tranché et le document préparé par le ministre responsable n'est pas biaisé; il permet à tous et à toutes de se poser les bonnes questions. À ce propos, plusieurs commentateurs politiques ont reconnu que «le ministre a bien fait ses devoirs» notamment «en publiant un document dont la qualité pédagogique doit être notée» et en suscitant des consultations publiques qui «sont aussi importantes pour la démocratie au Québec que le sont les élections elles-mêmes». M. Dufour aurait, à l'évidence, préféré qu'on n'entreprenne pas ce questionnement car, selon lui, notre système de gouvernance est plutôt bon, il nous a bien servi et il ne faut procéder qu'à des ajustements mineurs. René Lévesque, lui, croyait le contraire. Élu avec ce dernier en 1976, je partage toujours son point de vue. Aux yeux du professeur Dufour, le document de réflexion populaire que j'ai présenté, Le Pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, idéalise de façon étonnante le système politique américain et le mode de scrutin proportionnel, et ne tient pas compte d'un élément crucial : le contexte canadien dans lequel évolue le Québec. Afin de prouver la supériorité du système britannique sur le système américain, il utilise des exemples faux ou trompeurs. Ainsi, il est faux de dire que les ministres américains ne répondent pas publiquement au Parlement de leur administration. Il est trompeur d'utiliser le faible taux américain de participation électorale pour établir la supériorité du système politique britannique. Il est incorrect de prétendre que le système de gouvernance, basé sur la séparation des pouvoirs, est fondé sur une philosophie anti-État alors que son fondement idéologique préconisait plutôt le pouvoir de tous sur quelques-uns en réaction à un pouvoir d'un sur tous, ce que semble clairement préférer M. Dufour quand il plaide pour «un chef de gouvernement puissant». Quant au contexte canadien, c'est justement parce qu'il a été pris en compte que le débat ne se résume pas uniquement au mode de scrutin. Les Québécois forment un peuple distinct et ils en sont conscients. Vouloir faire en sorte que le Québec se dote d'un modèle distinct de gouvernance démocratique est à la fois normal et peut-être même fondamental en regard de la préservation et de la consolidation de la conscience identitaire. Dire que seuls les systèmes politique et électoral britanniques permettent à notre peuple minoritaire de mieux résister et de tirer son épingle du jeu au sein de la fédération canadienne est de la foutaise. Comment prétendre d'ailleurs sérieusement qu'un chef de gouvernement du Québec élu par une majorité absolue de l'ensemble de l'électorat serait plus faible face aux autres chefs de gouvernement du Canada qui, eux, continueraient d'être élus par les gens d'un seul comté ou par les seuls membres de leur parti ? Outre les arguments satiriques et alarmistes du professeur Dufour et des autres tenants du mode de scrutin actuel (que René Lévesque qualifiait de son côté de «démocratiquement infect»), il convient de prendre aussi en considération ceux du politicologue Pierre Serré dont la thèse de doctorat démontre de façon percutante que la seule majorité francophone des Amériques a plutôt été desservie que bien servie par le mode de scrutin britannique. La plupart du temps, ce sont les anglophones minoritaires qui ont largement tiré profit du système qu'ils ont jadis imposé. Par ailleurs, pour ce qui concerne l'avenir et la protection du poids politique du Québec français, il faudra dorénavant tenir compte du nouvel échiquier qui voit présentement trois partis se disputer l'électorat francophone. Avec cette nouvelle donne, on peut raisonnablement se demander si le maintien du mode de scrutin actuel, qui favorise plutôt le bipartisme, est la voie à privilégier.

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Réplique
Le parlementarisme britannique à la Dufour : éloge de l'asservissement ou déni de responsabilité
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/lefebvrem.html" Marcel Lefebvre RIQ 23.12.2002

S'il est une chose que le temps peut modifier, c'est bien le sens donné à nos repères. Lorsque les institutions au sein desquelles nous nous agitons alimentent au quotidien des lectures de soi dans les termes de l'autre, ce ne sont pas seulement nos repères qui sont attaqués. Disparaît aussi notre capacité de nous lire et de nous définir dans nos termes. Le texte de Christian Dufour intitulé  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-12-10-dufour-reforme.html" Des institutions politiques qui ont bien servi le Québec (Le Devoir, 10-12-02) en est un bel exemple. D'entrée de jeu, ce chercheur à l'ÉNAP vilipende le document Le Pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, triture les systèmes politiques français et questionne la démarche du gouvernement du Québec visant à réformer nos institutions démocratiques. Selon lui, cette démarche repose sur un "sophisme", à savoir qu'une réforme profonde de nos institutions politiques est nécessaire et demandée par les citoyens. Rien à ses yeux ne permet une telle avancée. Il s'agirait plutôt d'une lubie de certains souverainistes qui, frustrés par les échecs référendaires, "s'attaquent maintenant à la partie clairement positive du legs britannique: les seules institutions politiques que nous ayons jamais connues". Après avoir révélé son penchant, il s'attaque au prétendu "préjugé pro-américain" du ministre Charbonneau en cherchant des puces au modèle républicain. Il insiste alors sur l'importance du lobby aux USA (comme si le phénomène n'existait pas chez nous) et vante la "responsabilité ministérielle" de notre système parlementaire sous le prétexte qu'il oblige les ministres à se rapporter à la Chambre des élus. À ses yeux, les ministres américains ne relèveraient que du président. Décidément ce chercheur manque de profondeur. Le cas récent du ministre des finances Paul O'Neil, que le président Bush n'a pas su maintenir en poste, témoigne de la force des critiques venant des élus et de la société américaine. Voulant visiblement dénigrer la démarche du ministre Charbonneau, il avance que son document de réflexion met sur un même pied notre mode de scrutin vieux de 210 ans et "cette aberration qu'est le scrutin proportionnel intégral". Or, quiconque a lu ce document a compris que le scrutin proportionnel, aucunement le scrutin proportionnel intégral, est présenté comme un mode de scrutin davantage présent dans les régimes qui ont instauré la séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif. Ayant ainsi créé un effet de vérité, Dufour se permet alors de banaliser les imperfections bénignes du système britannique. Pour lui, malgré la "confusion partielle du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif", ce système a bien servi le Québec en ce qu'il permet un "gouvernement fort" et un "premier ministre puissant". Et cette force comme cette puissance sont importantes pour ce politologue. Ici Dufour révèle son asservissement à Westminster. Les Britanniques nous (i.e. les francophones qui peuvent se comporter en majorité) auraient légué un gouvernement fort. L'histoire est tout autre. Ils ont tout fait pour que les francophones ne puissent précisément exercer le pouvoir. Tous les manuels d'histoire, y compris ceux écrits en anglais, le signalent clairement. Les seules zones de pouvoirs qui nous ont été léguées furent provinciales. C'est le Canada qui fut doté des pouvoirs déterminants en 1867.  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/997-2/chevrierprovincialisme.html" Louis-Joseph Papineau a alors avancé que la constitution de 1867 était la pire de toutes celles qui l'ont précédée, ce qui l'amena à valoriser une annexion aux Etats-Unis. Ici encore, Dufour déconstruit l'histoire. Pourquoi ? Il fournit lui-même la réponse. Il lui est impensable de concevoir le Québec indépendamment du Canada. Toute sa pensée, d'ailleurs fortement médiatisée, s'inscrit dans la mouvance canadienne. Aussi, reproche-t-il au ministre Charbonneau d'amorcer une "démarche (qui) ne tient pas compte du fait que le Québec continuera à faire partie du Canada". Pour Dufour, il importe d'abord et avant tout d'avoir un régime politique qui, fonctionnel qu'il est, ne nous distingue pas du reste du Canada. Après l'asservissement à la lecture des Britanniques, nous voilà dans l'assujettissement canadian. En clair, Dufour nous dit qu'il n'a rien à foutre du pouvoir des citoyens, de leurs désirs de transparence, de leurs volontés de contrôler leur destin. Pour lui, ce qui compte, c'est un régime qui contrôle une nation politique et permet aux francophones, minoritaires au Canada, de jouer aux provinciaux majoritaires avec un chef en cul-de-jatte, qu'il voit puissant. Rien ne vient étayer cette affirmation de puissance perçue par Dufour. C'est compréhensible. Ces dernières trente années, rien ne permet de lire ainsi le pouvoir du Québec et de ses chefs. Ces derniers se sont retrouvés plus souvent qu'autrement à genoux, quémandant, maugréant, déchirant leur chemise, etc. Le Canada a même rapatrié sa constitution sans l'accord du Québec. Aujourd'hui, loi C-20 en main, ce pays, qui encercle le Québec de partout, nie l'existence de la nation politique que nous formons toutes origines confondues et, surtout, ne reconnaît aucunement notre société civile. Alors, il faut vraiment être au service de ce Canada pour avancer que le régime politique britannique que nous avons a "bien servi le Québec". Derrière les propos de Dufour, il y a l'avancée suivante. Enfermés depuis plus de 210 ans dans un régime parlementaire imposé par l'Angleterre, nous, les francophones, avons pu nous reproduire en résistant. Nous avons même réalisé une révolution tranquille, ce qui nous aurait permis de refaire les assises de notre résistance. Aller plus loin, c'est-à-dire dépasser les balises ethniques et culturelles pour nous doter d'un régime politique, le républicanisme, devient à ses yeux une transgression de l'ordre établi dont il tire avantage. Pour Dufour, cette transgression serait suicidaire pour la "seule majorité francophone en Amérique du nord" car elle perdrait son "aptitude à agir collectivement". Plus ethnique que ça tu meurs ! Pourtant, aucun Taylor de ce monde ne l'attaquera. Au Canada, lorsqu'on chérit l'encerclement de notre tribu, on a tout l'espace pour véhiculer nos idées car on répond à l'une des attentes du pouvoir, soit de valoriser la résistance des francophones puisque leur présence assure le maintien d'élites locales au sein des institutions canadiennes. Dufour connaît tout cela. Il sait que, pour s'agiter dans ce petit monde, il doit être un accroc de la vieille résistance canadienne-française. Inquiet pour son avenir devant la stabilité du pourcentage des Québécois de toutes origines favorables à l'indépendance, il doit passer à l'attaque. Du lieu où il parle, il lui faut claironner que ces Québécois ne pourront jamais faire ce qu'il a toujours refusé de faire : se prendre en main. Son penchant est d 'aimer la soumission, ce qui explique ses objections au fait que les citoyens du Québec exercent un pouvoir responsable. Aussi n'a-t-il d'ambitions que de protéger la tribu en lui demandant de fermer l'oreille aux propos d'une classe politique (laquelle ?) qui travaillerait à l'affaiblissement "de la seule majorité francophone en Amérique du Nord". La résistance à la Dufour a quelque chose de masochiste. Personnellement, je me refuse à laisser à mes enfants et aux enfants des Québécois et Québécoises de toutes origines le destin de naître, de vivre et de mourir comme membres d'une nation politique minoritaire. Un des moyens pour y arriver est précisément de renouveler nos institutions dans le sens d'un gain démocratique. L'enfermement dans le passé empêche Dufour de participer à cette grande aventure de liberté, d'égalité et de fraternité. Je préfère de loin l'ouverture du ministre Charbonneau. Elle nous fournit une occasion unique de doter la nation politique québécoise d'institutions à son image.

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Le pouvoir aux citoyens maintenant
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/v/vennem.html" Michel Venne LE DEVOIR - Le mercredi 16 octobre 2002
À trois reprises dans l'histoire, notre mode de scrutin vicié a donné le pouvoir à un parti politique qui avait pourtant obtenu moins de votes que son adversaire à l'échelle du Québec. Dans ce système, les petits partis n'ont aucune chance de survivre, sauf rare exception. Le premier ministre y tient en laisse l'Assemblée nationale à cause de la discipline de parti. Le rôle des députés est sans cesse dévalorisé. Les femmes y sont trop peu nombreuses. Les régions sont muselées. Les simples citoyens n'y ont pas de pouvoir d'initiative. Il y a longtemps que bon nombre de Québécois ont conclu qu'il faut changer ce système. Faisons-le maintenant ! N'attendons pas après les prochaines élections générales. Le moment est propice puisque les trois partis représentés à l'Assemblée nationale ont exprimé leur accord de principe en faveur d'une réforme, ce qui représente un précédent historique. Il reste un an avant les élections. Il y a tout le temps voulu pour mettre en place de nouvelles institutions. En juin dernier, le ministre Jean-Pierre Charbonneau a annoncé la tenue d'une vaste consultation sur la réforme des institutions démocratiques. Ces jours-ci, une commission présidée par l'ancien patron du Mouvement Desjardins, Claude Béland, et composée de personnalités fortes et crédibles amorce une série d'audiences publiques dans toutes les régions du Québec. Le processus culminera en février par la tenue d'états généraux. Au terme de l'exercice, la commission devra formuler des recommandations. Mais ces recommandations risquent de tomber dans le vide et de se perdre dans de vagues promesses électorales dont on ne sait pas si elles seront tenues. Après tout, la réforme du mode de scrutin est au programme du Parti québécois depuis 30 ans. René Lévesque avait mollement essayé de mettre cet engagement en application en 1984 mais y avait renoncé, faute de combattants. Cette fois-ci, il ne faut pas commettre la même erreur. Imaginez l'effet si le fruit de cette consultation se retrouvait dans les annexes d'un rapport tabletté. Au lieu de redonner confiance aux citoyens dans les institutions politiques, on risque de nourrir encore davantage le cynisme et la désaffection. Effet pervers d'un processus qui ne remplit pas ses promesses. Il faudrait, dès cet automne, que le gouvernement fasse savoir s'il a l'intention de donner suite, à l'intérieur du présent mandat, aux recommandations des états généraux. Si les citoyens n'ont pas la conviction que la consultation publique sera suivie d'actions, je crains qu'ils boudent largement l'exercice. Pourquoi, en effet, iraient-ils jouer les figurants ? Si telle est leur réaction, cela va affaiblir la qualité des délibérations et, donc, celle des conclusions. Il risque de subsister des malentendus et des imprécisions dans le rapport de la commission. La discussion n'aura pas permis d'aller au fond des choses. L'exercice sera en partie à reprendre. Si, au contraire, les citoyens savent qu'on veut changer les choses pour vrai, leur participation sera plus authentique, plus enthousiaste, plus entière. Le débat sera plus vif et les solutions retenues résisteront mieux à l'épreuve du réel. C'est la qualité du processus qui est en jeu. Le gouvernement lui-même joue gros. Il ne peut pas susciter des attentes et ne pas y répondre. Les péquistes se réclament fréquemment de la mémoire de René Lévesque. Chacun sait que la réforme des institutions démocratiques, l'idée de remettre le pouvoir aux citoyens, était l'un des objectifs qui lui tenaient le plus à coeur. Ils ont donc là l'occasion d'exécuter un de ses voeux, de s'inscrire dans son sillage et d'honorer sa mémoire, en plus de répondre aux souhaits de la population actuelle et de combattre l'un des fléaux du siècle de la mondialisation : le déficit démocratique. En décidant de mener la réforme à son terme, après avoir écouté la population mais à l'intérieur du présent mandat, le gouvernement aurait l'occasion de casser cette «atmosphère de fin de règne» qui commence à s'installer. Il ferait montre de leadership. Il mettrait en branle un projet de société. Avant la souveraineté de l'État du Québec, la souveraineté populaire. Le Québec se remettrait en mouvement. Et si l'ADQ et le PLQ s'opposaient à cette réforme, le gouvernement pourrait toujours la soumettre au peuple dans un référendum le 23 juin. Ma préférence irait pour un régime où le premier ministre serait élu au suffrage universel, à date fixe, tous les cinq ans. Il pourrait choisir ses ministres en dehors ou au sein de la députation. Les députés seraient élus dans un système proportionnel, à date fixe, tous les quatre ans. Ainsi, le gouvernement ainsi que le Parlement jouiraient chacun de leur légitimité démocratique et agiraient, l'un en face de l'autre, comme des contrepoids indispensables. J'adopterais aussi une loi donnant aux citoyens le pouvoir de prendre l'initiative de réclamer la tenue d'un référendum sur des sujets d'importance, y compris sur la question nationale. Je n'oublierais pas les régions. On pourrait débattre longuement des modalités. J'attends de savoir si ça vaut la peine d'en discuter maintenant. vennem@fides.qc.ca Michel Venne est directeur de L'Annuaire du Québec chez Fides.

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Le vote en bloc des non-francophones amène les partis à courtiser les électeurs en dehors de Montréal
La province c. Montréal
«Le rôle moteur de métropole économique et sociale de Montréal ne correspond pas actuellement à son poids politique.»  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/s/serrep.html" Pierre Serré LA PRESSE - Le dimanche 27 octobre 2002
 HYPERLINK "http://www.edvlb.com/pagecat.asp?annee=2002&codecat=pv&no=12&saison=Automne&page=14" L'auteur est docteur en science politique de l'Université de Montréal. Ce texte est extrait de la conclusion du livre Deux Poids, Deux Mesures - L'impact du vote des non-francophones au Québec, qui sera publié cette semaine par VLB Éditeur. L'auteur y fait une étude détaillée du vote des Québécois anglophones et allophones depuis 1970. À la lumière des rapports de force réels existant entre les principaux groupes démolinguistiques du Québec (première mesure de structure de l'électorat), que traduirait d'ailleurs plus justement un mode de scrutin proportionnel, les conséquences concrètes découlant des distorsions que le mode de scrutin majoritaire introduit sont considérables.
Vote des non-francophones
Au Québec, le système partisan est profondément déformé par le vote bloc des non-francophones. Les deux principaux partis sont amenés à courtiser en priorité les électeurs hors de Montréal s'ils veulent accéder et demeurer au pouvoir. Dans l'île de Montréal, l'alternance partisane ne touche plus que quelques circonscriptions, tandis que la diminution du poids démographique des francophones en fera progressivement disparaître d'autres du nombre des circonscriptions susceptibles d'alternance partisane. Il est ici question des circonscriptions de Rosemont, Crémazie, Mercier, Gouin, Anjou, Sainte-Marie-Saint-Jacques. Les transformations démolinguistiques actuelles (migration des francophones vers la banlieue, homogénéisation du profil démolinguistique des circonscriptions à Montréal, progression fulgurante des allophones et déclin démographique des francophones) font en sorte que le phénomène, loin de se résorber, déborde déjà de l'île de Montréal. Sous peu, plusieurs autres circonscriptions de la couronne pourraient être retranchées de la liste des circonscriptions vulnérables (notamment Fabre, Vachon, Vimont). Rappelons que la région de Montréal ne comptait, en 1994, qu'un peu plus de 30% de tous les changements d'allégeance partisane. Dans l'état actuel des choses, ce pourcentage pourrait fort bien descendre sous la barre des 25% d'ici dix ans, voire en deçà de 20% d'ici vingt ans. À terme, cette dynamique sociopolitique constitue une source d'instabilité sociale pour Montréal et l'ensemble du Québec. Les problèmes propres à la métropole sont évidemment pris en compte par les divers gouvernements à travers le prisme de leurs intérêts partisans. Or, en politique comme en économique, la main invisible chargée de réguler les relations entre les groupes, de quelque nature qu'ils soient, n'existe pas. Il est à craindre, en effet, que certains dossiers, caractérisés par une gestion peu clairvoyante, aient réellement souffert de cette dynamique électorale. L'un de ces dossiers serait celui des relations intercommunautaires, notamment l'intégration des immigrants et de leurs descendants à la minorité anglophone et l'exode des anglophones vers les autres provinces du Canada. La problématique du développement économique de la métropole reflète également cette dynamique. D'autres problématiques sont aussi touchées par ce problème de représentation politique, notamment les clivages entre classes sociales, les problèmes de pauvreté, le décrochage scolaire, etc.
Délaisser Montréal
En toutes circonstances, le PLQ a pu compter, grâce au vote non francophone et surtout au mode de scrutin majoritaire, sur au moins la moitié des circonscriptions montréalaises, si bien que celles qui sont susceptibles de changer d'allégeance ne représentaient, en 1994, que 30% de l'ensemble. Les pressions sont donc fortes non seulement pour que le PQ délaisse Montréal pour l'Hinterland mais aussi pour qu'il s'adapte idéologiquement aux problématiques de cette dernière région, ce dont témoigne par ailleurs la forte popularité des tiers partis à l'extérieur de Montréal. Compte tenu de la progression des allophones dans les différents quartiers encore suffisamment francophones pour permettre l'alternance partisane à Montréal, le handicap péquiste risque fort de s'accentuer à moyen terme, si bien que les capacités de ce parti à accéder au pouvoir, s'il persévère dans ses positions idéologiques, pourraient s'en trouver éventuellement compromises. Ce parti est donc exposé à des tensions politiques et à une dynamique sociale qui risquent fort de le transformer, à terme, en un parti conservateur basé à l'extérieur de Montréal. En somme, le rôle moteur de métropole économique et sociale de Montréal ne correspond pas actuellement à son poids politique. Face à une dynamique partisane orientée vers le reste du Québec, source du faible poids politique de Montréal à l'Assemblée nationale, il y aurait lieu de s'interroger sur la capacité du système politique de procéder à des réformes susceptibles de rétablir une adéquation raisonnable entre l'expression de la volonté populaire et le profil des représentants politiques. À cet égard, les fusions municipales n'ont pas abordé cette dimension politique du développement. On sait pourtant que cette dynamique des partis a un prix: Montréal a le potentiel pour évoluer vers un modèle américain de métropole. Face à cela, l'établissement d'une représentation proportionnelle apparaîtrait comme un véritable progrès démocratique. Il permettrait le rétablissement de l'importance de Montréal en tant qu'enjeu partisan et la responsabilisation des élus par rapport à l'ensemble de la région montréalaise, et redonnerait à cette dernière une influence politique auprès des décideurs gouvernementaux à la mesurre de son poids démographique.
Des distorsions inquiétantes
Parce que les élus s'intéressent d'abord et avant tout à leur propre réélection, tous ceux qui dépendent des non-francophones, que ces derniers exercent ou non un vote décisif, recherchent activement leur appui. Individuellement, ces députés profitent d'un avantage structurel sur leurs collègues (attribuable à leur notoriété, à leur prestige et à l'expérience parlementaire qu'ils ont acquise dans l'opposition) pour se hisser aux postes les plus importants des députations libérales. Face à ces vieux routiers, les nombreux élus libéraux néophytes issus de circonscriptions entièrement francophones ne font pas le poids. Les députés élus dans des circonscriptions à composante non-francophone sont la plupart du temps francophones. Plus que l'origine ethnique ou l'appartenance linguistique individuelle, le lien de représentation apparaît plus déterminant quant à l'orientation politique de l'élu. Il se trouve coincé entre les convictions de ses électeurs et la direction du parti, instance décisive pour l'avancement de sa carrière politique. Collectivement, cet avantage structurel explique pourquoi les positions défendues par le PLQ, que ce dernier siège au gouvernement ou dans l'opposition, ont été et sont toujours marquées par la prédominance des éléments fédéralistes radicaux de la hiérarchie libérale. Cet ascendant influe sur la définition du cadre de légitimité dans lequel les débats politiques prennent place. Si l'impact du mode de scrutin n'est pas le seul facteur à considérer (le rôle des acteurs publics et privés - notamment de l'entreprise étrangère et des médias étrangers - ne doit pas être oublié), il n'en reste pas moins fondamental. Par rapport aux différents courants politiques qui constituent la société québécoise, l'influence du mode de scrutin multiplie la capacité d'influence des fédéralistes radicaux, effet direct du mode de scrutin majoritaire.
Le PLQ sur la défensive
Cette puissance se traduit aussi bien dans l'opposition qu'au pouvoir: un PQ aux prises avec le gouvernement fédéral dans le dossier de la santé, par exemple, cherche très souvent un appui politique que le PLQ lui refuse. De fait, les conjonctures politiques qui opposent le fédéral au PQ placent le PLQ sur la défensive: une critique éventuelle du fédéral alimente, croit-on, le discours du PQ et heurte ses alliés, son approbation laisse libre cours aux actions du fédéral, à la perte de pouvoir et de ressources pour le Québec, son silence amène à la dépolitisation et à l'auto-exclusion, qui conduisent à se faire complice de la dépossession politique de l'État québécois. Un mode de scrutin qui traduirait de manière étroite les voix recueillies en sièges, sans distorsion de la représentation (en introduisant, par exemple, un «mode de scrutin mixte» ou «compensatoire», qui combinerait l'élection de députés au scrutin majoritaire et l'élection d'un certain contingent de candidats à la proportionnelle), permettrait aux francophones de redéfinir le cadre de légitimité dans lequel eux-mêmes - et les non-francophones - évoluent. Cette reconquête de la scène politique québécoise non seulement ferait des francophones une véritable majorité, mais favoriserait aussi une confrontation des idées qui obligerait les fédéralistes nationalistes et autonomistes à préciser et à défendre des positions cohérentes face au Canada anglais. On pourrait ainsi s'attendre à ce que les fédéralistes radicaux en viennent à occuper encore moins de place sur l'échiquier politique du fait de la prédominance des nationalistes, autonomistes et autres souverainistes. Une scission entre anglophones et allophones sur la question de l'appartenance au Québec pourrait éventuellement se produire, de même que la création d'un parti représentatif des intérêts de la minorité anglophone (le fait que le PQ puisse accéder au pouvoir avec moins de voix que le PLQ, jusqu'à 7%, selon certains, est un argument de poids pour inciter le PLQ à revendiquer une réforme du mode de scrutin). Quoi qu'il advienne, le gouvernement canadien, demeurant élu au scrutin majoritaire, en s'appuyant sur les éléments fédéralistes radicaux du Québec et les nationalistes du reste du Canada, continuera sans doute à se préoccuper davantage d'unité nationale que d'intégration politique du Québec. Alors, la subordination du Québec au sein du Canada continuera à être l'une des sources motrices du mouvement souverainiste au Québec.

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Le Québec réel
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/v/vennem.html" Michel Venne LE DEVOIR - lundi 28 octobre 2002

Il y a déjà plusieurs raisons pour favoriser une réforme des institutions démocratiques au Québec et en particulier celle du mode de scrutin. Le politologue Pierre Serré met en lumière des motifs supplémentaires d'encourager nos dirigeants politiques à procéder à ces changements, dans un livre qui paraît ces jours-ci chez VLB Éditeur sous le titre Deux poids, deux mesures. L'introduction d'un mode de scrutin à la proportionnelle, on le sait, permettrait de mettre fin aux distorsions actuelles du système qui ont permis, à trois reprises depuis 50 ans, à un parti ayant obtenu moins de votes que son principal adversaire de prendre néanmoins le pouvoir. Cela faciliterait également l'émergence de tiers partis. De plus, on sait d'expérience que les systèmes proportionnels favorisent la venue des femmes en politique. L'étude de Pierre Serré (un condensé de sa thèse de doctorat) nous fait réaliser qu'un changement de système électoral aurait aussi pour effet de faire apparaître avec plus de justesse la réalité des rapports entre la majorité et les minorités qui composent le Québec. Le système actuel accorde aux électeurs non francophones un poids politique plus important que leur poids démographique. Cela a entre autres pour effet de donner au «fédéralisme radical» une légitimité dans le discours public plus grande que ce que devrait lui conférer son enracinement dans la réalité québécoise. Le sujet est explosif, surtout depuis la fameuse déclaration de Jacques Parizeau sur l'effet des votes ethniques sur le résultat du référendum de 1995. C'est pourquoi, d'emblée, le chercheur affirme que son travail est «fondé sur la reconnaissance de la pleine légitimité du vote de tout individu et de tout groupe habitant le territoire du Québec». Un vote en bloc des citoyens appartenant à un même groupement social, ajoute-t-il, «n'a rien de répréhensible». Serré ne fait donc pas de reproche aux anglophones et aux allophones de voter massivement (dans une proportion d'environ 95 % à chaque scrutin depuis 1970) contre le Parti québécois ou son option constitutionnelle. Le problème est l'égalité des votes. Or, la concentration des anglophones et des allophones dans la région montréalaise et en particulier dans un certain nombre de circonscriptions, a pour effet d'accorder à ces deux groupes un poids considérable. Les non francophones ne représentent que 15 % de l'électorat votant. Or, depuis 1970, leur vote monolithique assure l'élection de deux députés libéraux sur trois (67 %). Lorsque les libéraux sont au pouvoir, trois ministres sur quatre proviennent de circonscriptions où les non-francophones ont un impact décisif. Cette concentration du vote non francophone a entre autres pour effet de rendre prévisible l'élection dans la majorité des circonscriptions montréalaises où l'alternance ne joue plus. Cela mine la vie démocratique. Des électeurs s'abstiennent de voter parce qu'ils croient les dés pipés et les partis politiques ne prennent plus la peine de rendre visite aux électeurs de ces circonscriptions pour la même raison. Si le mode de scrutin était proportionnel, le vote d'un francophone nationaliste vivant dans une circonscription où le vote des anglophones est déterminant compterait vraiment. L'inverse est vrai pour l'anglophone fédéraliste vivant à Chicoutimi ! Cette situation engendre un autre effet pervers. Puisque les libéraux sont assurés de gagner la moitié des circonscriptions montréalaises, le PQ se voit incité à délaisser Montréal pour les régions rurales du Québec et à s'adapter idéologiquement aux préoccupations des habitants de ces régions. Selon Serré, le PQ est ainsi menacé à terme à devenir un parti conservateur basé hors la métropole. Avec le mode de scrutin actuel, l'opposition Montréal-Régions risque de s'accroître suivant les lignes partisanes. Les conséquences du système actuel ne portent pas seulement sur les nombres. En effet, comme l'écrit Serré, puisque les élus s'intéressent d'abord à leur réélection, tous ceux qui dépendent des non-francophones recherchent activement leur appui. Cela peut conduire les députés libéraux à donner aux revendications de la minorité plus d'importance qu'à celles de la majorité. Cette influence indue renforce entre autre la légitimité du courant fédéraliste radical aux dépens du courant nationaliste majoritaire au Québec et empêche le Québec réel d'apparaître dans le discours politique. La même remarque vaut pour les politiques linguistiques. Selon Serré, un mode de scrutin (proportionnel ou mixte) qui traduirait de manière étroite les voix recueillies en sièges redonnerait ses droits à la réalité des rapports entre majorité et minorité et permettrait aux francophones (qui composent 80 % de la population) de redéfinir le cadre de légitimité dans lequel ils évoluent. «Cette reconquête de la scène politique québécoise, écrit-il, non seulement ferait des francophones une véritable majorité, mais favoriserait aussi une confrontation des idées qui obligerait les fédéralistes nationalistes et autonomistes à préciser et à défendre des positions cohérentes face au Canada anglais. On pourrait ainsi s'attendre à ce que les fédéralistes radicaux occupent encore moins de place sur l'échiquier politique», ce qui serait plus conforme à la réalité. Les hypothèses de Pierre Serré méritent d'être débattues. Son livre est truffé de chiffres et de formules de calcul que d'autres experts devront examiner pour en vérifier la justesse. Il reste que l'argument général est valable : que nos institutions traduisent la réalité politique concrète. Il resterait à s'assurer que le système politique comporte les mécanismes appropriés pour protéger les droits des minorités dans une société démocratique. Michel Venne est directeur de L'annuaire du Québec, chez Fides.  HYPERLINK "mailto:vennem@fides.qc.ca" vennem@fides.qc.ca

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Une démarche qui change le monde
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/g/giguerej.html" Joseph Giguère Conseiller en économie sociale et en action coopérative, membre du Comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, présidé par Claude Béland LE DEVOIR jeudi 21 novembre 2002

Dans les enquêtes sur la confiance éprouvée par la population à l'endroit de ses élites et différents corps professionnels, les politiciens logent généralement en bas de la liste, en dessous des vendeurs de chars. Dans leur cas, l'aiguille de l'affectivité populaire semble osciller quelque part entre la méfiance et le mépris. On en rit parfois, mais dès qu'on y pense un peu, on rit jaune... De toutes les catégories envers lesquelles on vérifie ainsi notre appréciation, gens d'affaires, médecins, journalistes et autres, les politiciens ne sont-ils pas les seuls que nous ayons choisis ? Parmi bien d'autres frustrations et insatisfactions, une telle incongruité ne justifie-t-elle pas que nous réfléchissions un peu sur notre système démocratique ? La tournée de consultation à travers le territoire québécois que nous sommes en train de réaliser à titre de Comité directeur des états généraux de la réforme des institutions démocratiques nous permet d'aller au delà des sondages et de creuser un peu dans la consistance du sentiment populaire à l'endroit des politiciens et du système politique. Dans nos rencontres avec les citoyens, au cours d'échanges collectifs très ouverts et abondamment généreux, nous voyons défiler la séquence des états d'âme démocratiques. Toute la gamme y est, avec sa variété d'humeurs et de couleurs, depuis les teintes obscures de la désespérance bien ancrée jusqu'à l'optimisme méthodologique de ceux qui veulent bien continuer à y croire et même à faire le pari que le système peut encore être amélioré, en passant par la ferveur de certains qui voient dans la réforme l'espoir de changer le monde par la démocratie directe. À intervalles récurrents, l'un ou l'autre appelle l'assemblée à regarder l'horizon, y indiquant le profil spectral du déficit démocratique lié à la mondialisation et à la mouvance du tout-au-marché, et demande si tous les projets d'aménagement du système démocratique faisant l'objet de notre réflexion ne sont pas un peu morts-nés dans un tel univers. Notre processus de vérification de la pensée citoyenne sur la démocratie a été conçu comme une opération pratique, destinée à produire des changements concrets, dont la formulation culminera lors des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, prévus pour la fin février 2003. Tel un fluide distillé dans l'atmosphère, le projet de transformer le monde, de rebâtir notre société pour en faire une grande aventure fraternelle, enveloppe toutes nos audiences. Les uns et les autres, nos interlocuteurs et nous, sentent que la réflexion sur les différents éléments, même externes, de la démocratie rejoint rapidement les raisons intimes de coeur, d'âme et d'humanité profonde qui nous attachent les uns aux autres dans la consistance de la société québécoise. Le climat de dignité, de partage chaleureux, d'osmose intergénérationnelle et de participation intense et engagée qui baigne nos rencontres traduit à lui seul le fait que pour le monde à la base, le débat sur les moyens de la démocratie, même quand il devient pure technique, n'est jamais perçu comme la manipulation d'une quincaillerie triviale hermétiquement détachée des partis pris de l'âme. Hommes et femmes du peuple, aînés, gens d'âge mûr, jeunes (car ils y sont significativement nombreux), citoyens ordinaires se représentant eux-mêmes, militants de groupes sociaux, idéalistes d'un monde meilleur, tous deviennent pour nous des témoins-experts populaires de notre système démocratique. Dans une ambiance de mobilisation des intelligences, imprégnée par la chaleur humaine populaire, où les accents pathétiques de ceux qui ont mal à la démocratie depuis trop longtemps se mêlent aux élans de ceux qui cherchent en elle la luminosité du premier matin du monde, la maquette des pièces et du fonctionnement de notre système démocratique y est décortiquée, commentée et transformée. De Gatineau et Rouyn jusqu'en Gaspésie et aux Îles en passant par Baie-Comeau, Saint-Jean-sur-Richelieu, Trois-Rivières, Montréal, Saint-Jérôme, Saint-Hyacinthe et plusieurs autres chefs-lieux, les 17 à 77 ans, les Josué, René, Yvonne, Jules, Véronique, Frédéric, Michelle, etc., viennent eux-mêmes directement, avec leur bagout particulier et une impressionnante capacité d'expression, dire ce qu'ils pensent des politiciens et du système politique. Ils n'ont pas peur d'affirmer, s'interpellant les uns les autres. Devant le jeune Pascal, devant Caroline et beaucoup d'autres, qui avancent que la première opération du renouvellement de la démocratie doit être la mise en place d'une forme de scrutin proportionnel, Gérard et nombre d'interlocuteurs manifestent leur perplexité. Eux aussi veulent du changement, mais ils ont la conviction que seul le système majoritaire peut garantir la stabilité et la capacité de gouverner. Pour Marguerite et une quantité de gens comme elle un peu partout, il faut commencer par démocratiser la façon de choisir le chef du gouvernement en le faisant élire par l'ensemble de la population au suffrage universel. Par ailleurs, d'une assemblée à l'autre, ils sont une kyrielle à opiner dans le même sens qu'Émile et Line, pour qui tout le mal vient des partis et de la ligne de parti, qui réduit les députés au statut de quotients numériques, produit la désertification politique des régions et vide la démocratie représentative de son énergie la plus naturelle de progrès. Avec Raymond, ils sont également une assez longue suite à prétendre qu'il n'y a pas, dans notre système, de véritable démocratie en raison de l'absence de séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, certains allant même jusqu'à dire qu'une telle situation fait pratiquement du premier ministre un monarque. De façon systématique et sous une forme généralement bien articulée, ils sont tout un courant à prétendre que la solution est de faire massivement de la place aux femmes, car elles sont peut-être les seules à pouvoir résoudre l'équation de l'unité du pouvoir dans la diversité des opinions démocratiques autrement que par des scénarios verticaux, autoritaires et réducteurs. Et pour une longue séquence de jeunes et de moins jeunes, l'espoir est dans les référendums et l'initiative populaire, qu'ils voient comme la réforme la plus féconde, remettant les citoyens à la source de la démocratie. Enfin, les opinions les plus diverses, des plus courantes aux plus savantes, sont exprimées sur une foule d'autres objets de la démocratie avec, notamment, comme leitmotiv mélodique de fond, l'évocation des autochtones, auxquels il ne faut jamais arrêter de penser de faire de la place. En tant que groupe préposé à l'orchestration de cette grande animation populaire, nous, les membres du comité directeur, vivons cette expérience comme un immense privilège. Malgré notre ferme résolution d'écoute systématique et de rigueur objective, nous ne pouvons pas à la longue ne pas être contaminés par la lumière du regard et la ferveur de nos concitoyens qui nous semblent souvent vivre cette démarche en se demandant avec le mélange d'émerveillement et d'incrédulité propre aux grandes espérances s'il n'y aurait pas là enfin le chemin tant recherché pour changer le monde.

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Un mauvais moment
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/b/brunh.html" Henri Brun  Cyberpresse Le jeudi 14 novembre 2002

L'auteur est avocat et professeur de droit constitutionnel. Nous publions en deux parties, aujourd'hui et demain, le texte qu'il nous a fait parvenir, alors que siège cette semaine à Montréal le Comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Lors du dernier remaniement ministériel, le premier ministre a confié à un ministre la responsabilité de la réforme électorale et parlementaire. Ce mandat fut par la suite élargi, pour devenir celui de «la Réforme des institutions démocratiques». Fin mars 2002, le ministre responsable annonçait la création d'un Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques et il faisait savoir que lui-même et le premier ministre «envisagent que dans un avenir prochain» le droit constitutionnel québécois soit radicalement transformé. Un «document de réflexion populaire», lancé au début de l'automne et assorti du titre racoleur Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, suggère pour l'essentiel le remplacement du régime parlementaire façonné au Québec depuis 1791 par le régime présidentiel américain, l'introduction du mode de scrutin proportionnel et la multiplication des possibilités de référendums. Dans son introduction, le ministre se fait toutefois rassurant à l'effet que «... rien ne serait pire que d'ouvrir le grand chantier de nos institutions démocratiques dans la bousculade et la précipitation». Par la suite, une commission a été mise sur pied pour parcourir le Québec, la Commission de l'Assemblée nationale sur les institutions s'est faite elle-même itinérante, un autre document de consultation a été produit sur le mode de scrutin et des «états généraux» ont été annoncés pour février 2003. Tant d'agitation laisse perplexe. Il n'est pas facile en effet de savoir si l'on a affaire à une politique du gouvernement, que celui-ci veut mettre en oeuvre «dans un avenir prochain», ou à la chimère d'un ministre qu'on laisse courir. Il reste que le ministre, fin octobre, peut-être stimulé par quelques chroniqueurs et commentateurs, envoyait des signaux au PLQ et à l'ADQ afin que ceux-ci permettent au gouvernement d'accomplir ses réformes avant les prochaines élections générales. Quoi qu'il en soit au juste, les modifications constitutionnelles envisagées sont à ce point capitales et radicales qu'il est inconcevable qu'elles puissent être opérées en fin de mandat par un gouvernement qui ne traitait aucunement de ces questions dans le programme grâce auquel il s'est fait réélire il y quatre ans. Les décisions qu'impliquent ces changements constitutionnels ne sont pas moins importantes en effet que celle de retirer le Québec de la fédération canadienne: leur objet se situe au coeur de ce qu'est la démocratie. Or il est loin d'être évident qu'il soit souhaitable qu'elles soient prises. Régime parlementaire ou régime présidentiel? Le premier impératif qui devrait s'imposer à l'esprit au sujet du choix d'un régime constitutionnel donné est celui du respect de la logique intrinsèque de ce régime. Ainsi, par exemple, l'idée de faire élire le premier ministre par l'ensemble de l'électorat est tout simplement inconciliable avec le régime parlementaire. Alors que l'on se plaint d'une évolution de ce régime qui favorise le gouvernement au détriment du Parlement, il est bien difficile de voir en quoi une légitimité gouvernementale indépendante du Parlement pourrait contribuer à valoriser le rôle du Parlement. Le régime parlementaire est un produit de l'histoire. De l'histoire de l'Angleterre, certes, mais cela ne peut être considéré au Québec comme un signe d'aliénation puisqu'il est aussi le fruit d'une histoire du Québec qui remonte aussi loin que 1791. Ce régime parlementaire est essentiellement un régime de collaboration (plutôt que de séparation) entre le Parlement qui fait les lois et le gouvernement qui gouverne sous les lois. Chacun des deux dispose d'un ensemble de moyens d'action sur l'autre, de façon à ce que l'État ne puisse jamais se trouver en panne. Tant que le gouvernement jouit de l'appui du Parlement, ce qui est régulier lorsque la majorité parlementaire est du même parti que le gouvernement, l'État fonctionne. Lorsque tel n'est plus le cas, le gouvernement doit démissionner, par application du principe de la responsabilité ministérielle. Mais le gouvernement peut également, de son côté, dissoudre en tout temps le Parlement pour que l'électorat arbitre par des élections générales un différend qui l'oppose au Parlement. Par cet ensemble de moyens d'action réciproques le régime parlementaire cherche à concilier la souveraineté collective (la démocratie) et l'efficacité de l'État. Il fait en sorte que le gouvernement y jouisse de moyens lui permettant, jusqu'à un certain point, d'imposer sa volonté au Parlement. À défaut de quoi la collectivité est appelée à trancher. Le reproche le plus souvent adressé au régime parlementaire est celui d'avoir évolué dans le sens d'un déséquilibre, en faveur du gouvernement, qui est tel qu'il laisse le Parlement et ses membres, les députés, en situation de désoeuvrement. Ce reproche est en réalité doublement mal fondé. Il l'est d'abord en ce qu'il minimise injustement le rôle actuel des députés, y compris ceux du parti gouvernemental. En plus de représenter les intérêts de leurs électeurs, ceux-ci exercent leur influence sur le gouvernement à l'occasion des réunions fréquentes du caucus des députés du parti et ils jouent un rôle actif en commission parlementaire. Les députés de l'opposition, quant à eux, questionnent et critiquent constamment le gouvernement en Chambre et leurs propos sont nourris tant par la presse que par les instances de contrôle que s'est données le Parlement au fil des ans (Protecteur du citoyen, Vérificateur général, commission des droits...). L'opposition officielle jouit en régime parlementaire d'un statut juridique et de moyens d'action tout à fait enviables. Laisser entendre que le Parlement ne joue aucun rôle significatif dans le processus d'adoption des lois et dans le processus de contrôle de l'activité gouvernementale n'est tout simplement pas conforme à la réalité. Futilité du Parlement Plus fondamentalement, ce reproche concernant une supposée vacuité ou futilité du Parlement et de ses membres est sans fondement dans la mesure où il est adressé au régime parlementaire plutôt qu'aux façons de faire des partis et aux comportements des députés eux-mêmes. Ce reproche, en effet, est exprimé en lien avec ce qu'on appelle la discipline de parti: puisqu'en régime parlementaire le gouvernement doit toujours jouir de la confiance du Parlement, en raison du principe de la responsabilité ministérielle, le gouvernement serait automatiquement forcé de démissionner s'il devait subir un vote négatif en Chambre; partant, les députés gouvernementaux doivent nécessairement tous voter selon la ligne indiquée par le parti afin d'éliminer autant que possible les risques de voir le gouvernement placé en situation de devoir démissionner. Cette vue des choses, qui incrimine le régime parlementaire, n'a en réalité aucun fondement en droit constitutionnel contemporain. Seul le vote du budget et le vote explicite d'une motion de censure (ou de non-confiance) à l'endroit du gouvernement oblige aujourd'hui celui-ci à remettre sa démission. Toute autre défaite du gouvernement en Chambre ne pourrait, à la limite, que requérir la vérification de son sens à cet égard à l'aide d'une motion de confiance. Ce qu'il y aurait lieu de dénoncer en ce qui regarde la discipline de parti n'est pas le régime parlementaire, mais bien plutôt la frilosité des partis et le manque de courage de députés en attente d'une limousine ministérielle. C'est l'existence d'une discipline de parti trop constante et trop rigoureuse qui pose problème, non la continuation du régime parlementaire. En régime présidentiel, le Parlement et le gouvernement sont séparés en ce sens que chacun tire directement ses pouvoirs de la Constitution et sa légitimité de l'électorat. Aussi les moyens d'action de l'un sur l'autre sont-ils plus restreints qu'en régime parlementaire: entre autres, le Parlement ne peut faire tomber le gouvernement (par un vote de non-confiance) et le gouvernement ne peut dissoudre le Parlement (en déclenchant des élections générales). Cette séparation des pouvoirs est cependant relative. Elle n'empêche en rien que la discipline de parti y sévisse au Parlement. La discipline de parti est affaire de comportement et non affaire de régime constitutionnel. Quand la majorité parlementaire est du même parti que le gouvernement, la pratique du présidentialisme ressemble à la pratique du parlementarisme. Quand à l'inverse le Parlement est dominé par un parti autre que le parti gouvernemental, la collectivité risque de devoir se contenter d'un État minimal, dont l'intervention socioéconomique ne peut être que problématique. Pour la nation la plus puissante du monde, les États-Unis, cette situation peut peut-être convenir, d'autant plus que l'inaccomplissement en matière socioéconomique semble y être plutôt bienvenue. Mais pour un petit peuple qui doit subir la mondialisation à travers un fédéralisme étouffant, il est moins évident qu'un État gendarme puisse répondre à l'appel d'une justice sociale respectable. Or, on nous suggère ce que les États-Unis eux-mêmes n'ont jamais osé envisager sérieusement, soit d'assortir ce régime présidentiel d'un mode de scrutin proportionnel.
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Changer pour changer?
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/b/brunh.html" Henri Brun  Cyberpresse vendredi 15 novembre 2002
Le goût de se différencier du reste du Canada semble alimenter le débat sur l'avenir de nos institutions démocratiques Le Quel mode de scrutin choisir? Alors que le débat est amorcé sur ce sujet, le professeur Henri Brun soutient que des modifications constitutionnelles de l'envergure de celle «envisagée» ne peuvent tout simplement pas être adoptées en pleine campagne électorale. L'auteur est avocat et professeur de droit constitutionnel. Nous publions aujourd'hui la deuxième et dernière partie du texte qu'il nous a fait parvenir, alors que siège cette semaine à Montréal le Comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Un mode de scrutin majoritaire, de la nature de celui que nous connaissons présentement, distribue les sièges de députés du Parlement en fonction du territoire du pays. Celui-ci est divisé en un nombre de circonscriptions électorales correspondant au nombre de députés qui composent le Parlement et le candidat qui obtient le plus grand nombre de votes (la majorité relative) dans l'une de ces circonscriptions est élu député du Parlement pour cette circonscription. Le mode proportionnel, lui, distribue les sièges de députés en fonction de l'électorat du pays. Celui-ci est divisé par le nombre de députés qui compose le Parlement et chaque parti obtient autant de députés qu'il obtient de fois le quotient résultant de cette division. Pour un électorat de 2 millions de votants devant former un Parlement de 100 députés, un parti obtient ainsi un député par 20000 votes en sa faveur. Ce mode de scrutin a pour vertu première de réaliser l'égalité des votes. En proportionnel intégral, le vote de l'un est égal au vote de l'autre; chaque vote a le même poids politique. Alors qu'en mode majoritaire, même en supposant que les circonscriptions électorales comprennent toutes le même nombre d'électeurs, les votes n'ont jamais exactement le même poids. Ainsi, par exemple, les votes donnés en très forte majorité à un parti dans quelques circonscriptions sont dans une bonne mesure des votes gaspillés, qui ont peu de signification politique. Le scrutin proportionnel a aussi pour vertu seconde de favoriser l'émergence de nouveaux partis. En fait, il favorise le multipartisme, en ce qu'il suffit à un parti, pour être représenté au Parlement, d'obtenir à l'échelle du pays ne serait-ce que le nombre de votes équivalant au quotient dont nous avons parlé plus haut (le nombre d'électeurs divisé par le nombre de sièges de députés). Le mode de scrutin majoritaire, à l'inverse, favorise plutôt le bipartisme en ce qu'il n'attribue qu'une faible valeur élective aux votes disséminés sur le territoire en petites quantités. Ces votes permettent rarement à de petits partis de faire élire des députés. Moins démocratique? À première vue, le scrutin majoritaire apparaît donc moins démocratique que le scrutin proportionnel. Parce qu'il ne respecte pas pleinement l'égalité des votes comme le fait le proportionnel, on dit de lui qu'il engendre des «distorsions». Et, typiquement, l'on cite comme exemple de telles distorsions les dernières élections générales au Québec, où le Parti libéral n'a pu former le gouvernement même s'il avait recueilli une majorité de votes à l'échelle du Québec. Parce qu'il n'avait pas malgré cela fait élire un nombre suffisant de députés, il ne pouvait, en raison du principe de la responsabilité ministérielle, former le gouvernement. Au lieu de parler de distorsion, ne peut-on pas soutenir que le scrutin majoritaire a tout simplement eu pour effet de corriger les effets pervers qu'aurait eus alors l'application d'un principe d'égalité des votes absolu et aveugle? Si le Parti libéral n'a pas obtenu un nombre suffisant de députés pour former le gouvernement à la suite de ces élections, c'est parce que son vote se trouvait excessivement majoritaire au sein d'une minorité concentrée dans quelques circonscriptions territoriales. Or il n'eut pas été souhaitable qu'il forme le gouvernement dans de telles conditions. La réaction fort retenue et responsable manifestée en cette occasion par le parti montre que ce dernier comprenait bien qu'il ne convient pas que le principe de l'égalité des votes s'impose en absolu. L'équité électorale, en fait et en droit, ne se résume pas dans l'égalité des votes. La Cour suprême du Canada, pour une, a reconnu que cette équité n'impliquait pas un principe d'égalité absolue, même en ce qui concerne la détermination du nombre d'électeurs des différentes circonscriptions électorales. Elle a jugé valides des écarts de plus de 15% favorisant des circonscriptions rurales par rapport à des circonscriptions urbaines. Des facteurs comme la géographie, l'histoire et certains intérêts collectifs peuvent selon elle justifier l'existence de circonscriptions moins nombreuses que la moyenne, où les votes ont par conséquent plus de poids qu'ailleurs. En fait, la juste représentation de toutes les régions de l'ensemble du pays importe autant à l'équité électorale que l'égalité des votes. La seconde s'accomplit en définissant des circonscriptions électorales comprenant à peu près un même nombre d'électeurs, la première se réalise grâce au scrutin majoritaire. Dépendant des formules, un mode proportionnel pourrait à l'inverse laisser bien peu de poids politique aux votes des régions moins peuplées du territoire. Émergence des nouveaux partis Le mode de scrutin majoritaire peut aussi paraître moins démocratique que le proportionnel en ce qu'il ne favorise pas l'émergence de nouveaux partis, en ce qu'il ne favorise pas l'expression, au Parlement, d'un large éventail d'options politiques. Là encore, on peut fort bien considérer que cette apparence n'est rien d'autre en réalité qu'un choix délibéré en faveur d'une certaine efficacité étatique. Un choix en faveur d'un système qui favorise le bipartisme n'est en effet qu'un choix médian entre l'unipartisme et le multipartisme ou, si l'on veut, un compromis entre trop peu et trop de démocratie. Car la démocratie peut fort bien avoir pour effet de tuer la démocratie: une démocratie qui rend l'État impotent engendre la mort de la démocratie. En favorisant le bipartisme, le scrutin majoritaire offre à l'électorat un choix qui peut paraître quelque peu fruste, entre deux grandes tendances, entre deux équipes. Mais au moins ce choix est-il réel, et non pas noyé sous la somme des tractations entre partis qui ne manquent pas de suivre les élections en régime de multipartisme. Au moins n'est-il pas à la merci du chantage de petits partis. Au contraire, un lien demeure entre le vote du citoyen et la formation d'un Parlement et d'un gouvernement. Le scrutin proportionnel donne en réalité plus de pouvoirs aux partis que ne le fait le majoritaire. Il peut conduire à une partitocratie bien plus frustrante pour l'électeur que ne le fait une discipline de parti par trop rigide sévissant au Parlement. Un petit parti pourrait y dominer un gouvernement dont serait exclu le parti ayant obtenu le plus de votes et/ou le plus de sièges de députés. De par sa nature, le scrutin proportionnel entraîne une fragmentation de l'opinion au plus haut niveau de l'appareil étatique, soit au Parlement. L'efficacité du gouvernement, qui ne peut fonctionner longtemps sans l'assistance du législatif (le Parlement), s'en trouve d'autant compromise. En système proportionnel, de nombreux groupes d'intérêts, linguistiques, religieux ou socioéconomiques, peuvent en effet faire élire des députés. Or cette promotion se ferait alors qu'on en est à déplorer justement l'influence déjà excessive des lobbies sur les décisions du gouvernement. Si le régime parlementaire était conservé, il serait davantage possible d'envisager qu'un certain élément de proportionnel soit ajouté au mode de scrutin majoritaire actuel. Mais encore faudrait-il, avant de se diriger de ce côté, multiplier les simulations et les expertises afin d'évaluer le mieux possible le pourcentage de sièges de députés qu'il serait approprié de confier au mode de scrutin proportionnel compte tenu de l'intérêt général de l'ensemble du Québec. En tout état de cause, il y aurait probablement lieu, le cas échéant, de ne procéder que par étapes plutôt que massivement. ***** Parler démocratie n'a rien de mauvais. Pas plus que de parler de santé. Le Québec semble devoir ces temps-ci s'expliquer à lui-même le sens de certains acquis sociaux et politiques. Et cela n'est pas contre-indiqué. Décider, en matière de démocratie, est cependant une toute autre chose. Des modifications constitutionnelles de l'envergure de celles «envisagées» ne peuvent tout simplement pas être adoptées en pleine campagne électorale. Sur le fond, il ne peut être question en cette matière cruciale d'embrasser le changement pour le changement. Il ne faudrait quand même pas qu'il s'agisse seulement d'affirmer une différence artificielle par rapport au reste du Canada. Or ce qui est envisagé par le présent projet de réforme des institutions démocratiques ne correspond en rien, pour l'essentiel, aux besoins contemporains du Québec. Le régime présidentiel américain et le mode de scrutin proportionnel apparaissent à première vue hausser le niveau de la démocratie. En réalité ils ont surtout pour effet d'abaisser le niveau de l'efficacité étatique. Combinés, ils risquent fort d'engendrer une république de la palabre inédite, où une démocratie stérile étouffe à petit feu la démocratie tout court. Il est douteux que le Québec ait besoin d'un État incapable de fusionner des villes, de garder les urgences ouvertes la nuit ou de limiter le nombre de porcheries. Il étonne de constater que ces suggestions émanent d'un gouvernement social-démocrate et souverainiste. Dans un pays où le vote est libre et où l'électorat s'exécute à 80% aux élections générales et à 90% aux référendums, il serait exagéré d'alléguer péril en la demeure démocratique.

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Réplique aux dirigeants du Mouvement pour une démocratie nouvelle
Des questions laissées sans réponses
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/levesquem.html" Michel Lévesque Politologue et historien LE DEVOIR mercredi 27 novembre 2002

Dans leur réplique à mon article paru dans  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-11-8-levesque-reforme.html" Le Devoir du 8 novembre dernier, les dirigeants du Mouvement pour une démocratie nouvelle, P.-A. Martineau et J.-F. Chénier, affirment: - que je risque de décourager les citoyens à participer aux consultations qui ont actuellement cours en abordant des questions qui pourraient les rebuter; - que le mode de scrutin proportionnel permet une meilleure représentation des femmes; et, enfin : - que la réforme du mode de scrutin va favoriser une plus grande participation de la population et augmenter leur confiance à l'égard des institutions politiques ( HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-11-martineau-reforme.html" Le Devoir, 14 novembre 2002, page A 8).
Reprenons brièvement chacun de ces points.
MM. Martineau et Chénier prétendent dans leur texte que le fait de m'interroger sur l'information contenue dans les deux documents de consultation qui circulent actuellement sur la réforme du mode de scrutin et des institutions politiques risque de limiter la participation de la population en rebutant celle-ci devant ce qui semblerait être un débat de spécialistes. Permettez-moi d'en douter. D'une part, je tiens à préciser que bien avant la parution de mon article, le Comité directeur sur la réforme des institutions politiques a annulé une rencontre (voire plusieurs) avec les citoyens, faute de participants. D'autre part, je suis étonnamment surpris que MM. Martineau et Chénier mentionnent mon article mais passent sous silence le fait que les médias font écho aux déclarations du président du comité directeur, Claude Béland, qui laisse entendre, entre autres, que «les participants aux rencontres rejettent l'idée de la représentation proportionnelle à l'état pur pour explorer toutes sortes de modèles mixtes, mieux adaptés à la réalité québécoise» (La Presse, 13 novembre 2002, page A 12). La population québécoise connaît certainement bien différents modèles de scrutin proportionnel mixte ! Selon le raisonnement de MM. Martineau et Chénier, ce genre de déclaration ne risque-t-il pas également de décourager les citoyens, qui ne sont pas des spécialistes de la question, à se prononcer sur les enjeux de la réforme du mode de scrutin ? De plus, contrairement à ce qu'ils qualifient de «manque de précisions» ou considèrent être «quelques imprécisions possibles», je persiste à dire que les documents de consultation sont truffés d'erreurs, de faussetés et d'affirmations non fondées, voire incompréhensibles. En fait, je n'ai qu'effleuré la question dans mon texte en me restreignant au mode de scrutin et à la représentation des femmes.
Meilleure représentation des femmes
En ce qui concerne le fait que le scrutin proportionnel favorise la représentation des femmes, ils écrivent qu'«il est tout de même prouvé que les systèmes proportionnels favorisent l'entrée au Parlement d'un plus grand nombre de femmes». MM. Martineau et Chénier peuvent-ils alors expliquer pourquoi l'Autriche, la Belgique, la Suisse, le Portugal et Israël, pays qui ont un mode de scrutin proportionnel, ont tous un pourcentage de femmes élues inférieur, et dans une proportion importante, à celui du Québec, où le mode de scrutin n'est pas proportionnel ? Pour ma part, je soutiens que cela reste à démontrer. Cependant, tout comme eux, je constate que, effectivement, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, le pourcentage de femmes élues est légèrement supérieur à la situation qui prévaut au Québec. Il se peut que ce soit le type particulier de mode de scrutin proportionnel qui explique ce phénomène. Il se peut également que ce soit le nombre de candidates présentées par les partis qui soit la principale cause de cette situation. Mais le constat d'un fait ne l'explique en rien.
Participation et mode de scrutin
MM. Martineau et Chénier affirment également, et ce, de façon péremptoire, que la réforme du mode de scrutin contribuera à l'augmentation de la participation de la population aux élections et à une plus grande confiance dans les institutions politiques. En fait, ils reprennent ici ce qu'on affirme à la page 12 du document de consultation publié par la Commission des institutions de l'Assemblée nationale. Pourtant, la désaffection de l'électorat est remarquée presque partout dans les pays occidentaux depuis une dizaine d'années, peu importe le mode de scrutin en vigueur (à ce sujet, voir l'article de L. Massicotte, Le Devoir, 26 septembre 2002, page A 9). Curieusement, quoique le titre de cet article soit mentionné dans la bibliographie présentée à la fin de ce document, on passe sous silence ce constat en ce qui concerne les pays ayant un mode de scrutin proportionnel ! De plus, affirmer, comme MM. Martineau et Chénier le font, que la participation aux élections augmentera avec le scrutin proportionnel, c'est soutenir que les citoyens vont se déplacer pour aller voter à cause du mode de scrutin. Il est possible que ce facteur motive la décision de certaines personnes. Il faudrait cependant démontrer que c'est véritablement ce facteur qui explique ce constat. L'exemple qui précède démontre éloquemment le problème qui se pose avec l'information erronée ou incomplète qui circule actuellement. Celle-ci risque d'être reprise abondamment par des citoyens, croyant celle-ci véridique, alors qu'elle s'avère non fondée. Dans ces circonstances, est-il possible de discuter des véritables enjeux à partir d'affirmations non fondées ou de fausses prémisses ? D'ailleurs, l'absence d'études sur l'ensemble des questions qui font actuellement l'objet de discussions m'apparaît être une lacune importante dans le processus en cours. Les expériences récentes de réforme du mode de scrutin et des institutions politiques en Nouvelle-Zélande et en Israël devraient, à mon humble avis, être portées à la connaissance du public. En Nouvelle-Zélande, par exemple, quoique la réforme du mode de scrutin ait effectivement permis une meilleure représentation des différents partis, elle a néanmoins créé un grand désenchantement dans la population. Cette réforme, en effet, n'a eu aucun impact sur le déroulement des débats acrimonieux en Chambre, sur la domination de l'exécutif, sur la ligne de parti ou encore sur le rôle du député. Je déplore également qu'en tant que dirigeants d'un mouvement dont la mission «consiste à susciter un débat sur la pertinence de modifier le système électoral du Québec», MM. Martineau et Chénier s'inquiètent qu'un citoyen intervienne sur la place publique en s'interrogeant sur certains aspects du processus en cours. Somme toute, bien que je sois favorable à des changements au mode de scrutin et que je trouve éminemment démocratiques les consultations qui ont actuellement cours sur ces sujets, je demeure toutefois critique à l'endroit de l'information qui circule, notamment en ce qui a trait aux arguments avancés en faveur du mode de scrutin proportionnel. Il me semble y avoir un certain danger actuellement à faire croire que le mode de scrutin proportionnel aurait des vertus qu'il n'a malheureusement pas. Il faut d'ailleurs faire très attention à ne pas prendre des vessies pour des lanternes. Il n'existe malheureusement pas de réponses simples à des questions complexes.
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Réplique à Claude Bariteau, André Campeau et Jean-Pierre Roy
Une équation malveillante
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/b/brunh.html" Henri Brun Avocat et professeur de droit constitutionnel LE DEVOIR mardi 17 décembre 2002

Dans un texte publié dans  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs/02-11-26-bariteau-reforme.html" Le Devoir du 26 novembre 2002, messieurs Bariteau et Campeau, anthropologues, et Roy, avocat, ont répondu à mon article sur la réforme des institutions démocratiques que La Presse avait publié les 14 et 15 novembre. Ils y font la promotion du régime présidentiel et du mode de scrutin proportionnel, ce qui est bien, tout comme j'avais pris la défense du régime parlementaire et du scrutin majoritaire, ce qui ne devrait pas être mal. Tout au long de leur texte les trois auteurs font toutefois des allusions et emploient un vocabulaire qui donnent à penser qu'il y a, de nos jours, équation entre régime parlementaire et régime monarchique et entre régime présidentiel et régime républicain. Cela de façon à faire croire au lecteur qu'en prenant partie pour le parlementarisme et contre le présidentialisme, je défends la monarchie et m'oppose à la république, ce qui est malveillant. Je suis à peu près sûr en effet que mes amis détracteurs savent que cette équation a depuis longtemps perdu tout fondement, savent que parlementarisme et républicanisme peuvent parfaitement aller de pair. Il est vrai que le régime parlementaire s'est d'abord développé en Grande-Bretagne, en contexte monarchique, à titre de contrepoids à la monarchie absolue. Il est vrai que le régime parlementaire québécois, à ses origines de 1791, se situait en contexte colonial et était à la merci d'un gouverneur représentant un gouvernement impérial. Mais c'est justement à partir de cette date que des lignées de politiciens québécois sont parvenus à façonner au Québec un régime parlementaire québécois souvent en avance sur celui de la Grande-Bretagne et depuis longtemps indépendant de la monarchie et du gouvernement impérial. Depuis 1848, la valeur de ce régime n'a plus rien à voir avec la monarchie. Il est un produit de notre histoire, qu'il faut juger à l'aune de ses forces et faiblesses contemporaines. Pour ma part, la monarchie m'indiffère; elle est sans lien avec le débat qui nous rassemble. Le régime parlementaire, sauf à continuer de le parfaire empiriquement, concilie bien aujourd'hui la démocratie et l'efficacité étatique.
Un avis
Je n'ai fait, dans mon article de La Presse, qu'exprimer mon avis de professeur de droit constitutionnel sur des modifications constitutionnelles envisagées. Les enjeux de ces modifications sont nombreux, mais il est certain que les principales d'entre elles, soit l'adoption du régime présidentiel et du scrutin proportionnel, auraient pour effet d'affaiblir considérablement l'État du Québec, surtout si elles devaient s'accompagner l'une l'autre. Or, il me semble que face à la mondialisation, le Québec n'a rien à gagner en s'affaiblissant davantage lui-même, du moins tant qu'il demeure membre de cette fédération canadienne chaque jour plus envahissante. Les modifications que le Canada lui a imposées en 1982 l'ont déjà assez fait. Cette réforme des institutions, c'est un peu pour moi la charrue devant les boeufs. Il faudrait plutôt, avant d'en arriver là, s'occuper plus assidûment et plus vigoureusement de l'opportunité de la présence du Québec dans la fédération canadienne. Ainsi serait-il souhaitable que le ministre responsable consacre son précieux temps davantage à son secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes qu'à son secrétariat à la Réforme des institutions démocratiques. Il pourrait par exemple s'employer à expliquer avant la prochaine élection en quoi consistera institutionnellement cette confédération Canada-Québec dont parle le premier ministre et qui sera proposée à la population dans les deux ans qui suivront cette élection. J'espère en tout cas qu'en ce débat fraternel il ne sera pas interdit à ceux qui ont quelque expertise en la matière de penser autrement que le ministre responsable, sous peine d'être accusés de dramatiser. Car si le document de réflexion du Secrétariat présente des options, le ministre, lui, a pris fermement position, entre autres le 20 novembre dans mon université.

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2003
De janvier à avril 2003 (ordre non-chronologique)

Les citoyens progressistes auront une influence décisive
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche  TRIBUNE LIBRE 5.1.2003

 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" S’ils participent nombreux aux États généraux, fin février à Québec, les citoyens progressistes auront une influence décisive en faveur de l’adoption d’une réforme en profondeur du mode de scrutin On peut d’ores et déjà prévoir sans crainte de se tromper que les résultats des élections générales de 2003 seront aberrants et qu’ils illustreront encore une fois l’immense déficit démocratique dont est affligée la vie politique québécoise. En effet, quelle que soit l’issue électorale de la lutte serrée que se livrent depuis plusieurs mois les trois principaux partis en lice, une certitude existe : la volonté populaire exprimée par l’électorat sera substantiellement déformée par le mécanisme erratique d’un mode de scrutin (le majoritaire uninominal à un tour) qui n’est plus utilisé que par une poignée de démocraties dans le monde. Il ne reste qu’à connaître la version 2003 de la parodie démocratique à laquelle ont donné lieu 13 des 17 dernières élections québécoises, soit plus de 75% d’entre elles. Assistera-t-on, cette fois-çi, à un quatrième renversement de la volonté populaire où le pouvoir échoit au parti arrivé second dans les suffrages comme en 1998? Ou plutôt, un parti ayant recueilli moins de 40% des suffrages fera-t-il élire une majorité de députés comme ça s’est produit avec l’Union nationale en 1944? Ou bien, un parti ayant obtenu plus de 30% des votes ne se verra-t-il attribuer qu’une poignée de sièges parlementaires comme c’est arrivé aux libéraux en 1948 et au PQ en 1973? Ou pis encore, deux ou même ces trois possibilités se produiront-elles simultanément? La réforme du mode de scrutin ne pourra être prête pour les prochaines élections parce que les partis représentés à l’Assemblée nationale se sont traînés les pieds Malheureusement, la société civile sera impuissante à empêcher une nouvelle répétition d’un scénario aussi malséant. La faute doit en être imputée aux partis représentés à l’Assemblée nationale qui ont décidé beaucoup trop tard d’entamer le processus d’évaluation et de réforme d’un mode de scrutin vigoureusement contesté dans plusieurs secteurs de la société québécoise depuis plus de 30 ans. La plus élémentaire décence démocratique aurait pourtant exigé que le gouvernement péquiste, dont la légitimité était fortement affaiblie par sa victoire antidémocratique de 1998, prenne l’initiative de mettre un tel processus en marche dès les premières semaines de la nouvelle législature. Au contraire, le PQ, dont le programme contenait un engagement formel à ce sujet depuis 1970 et qui avait promis à la veille de ses victoires de 1976 et de 1994 de réaliser la réforme « dès la première année d’exercice du pouvoir », fit volte-face, lors de son congrès de mai 2000 tenu sous la gouverne de l’ex-premier ministre Bouchard, en décidant de reporter la réforme après l’accession du Québec à la souveraineté. Le ministre Guy Chevrette, responsable du dossier, estimait alors que, somme toute, le mode de scrutin actuel était « le moins pire de tous » et que les Québécois « n’étaient pas mûrs » pour l’instauration d’un scrutin proportionnel. Quel contraste avec l’ex-premier ministre René Lévesque qui considérait ce dernier comme « démocratiquement infect » et qui avait vu, à son grand dam, le caucus des députés péquistes bloquer, en 1984, le projet de loi qu’il voulait présenter pour instaurer un scrutin de type proportionnel afin de mettre en application la recommandation d’un rapport commandé par l’Assemblée nationale à la Commission de la représentation électorale. Il a fallu attendre la nomination de Jean-Pierre Charbonneau comme ministre, au début de 2002, pour que le dossier débloque enfin au niveau gouvernemental. Entre-temps, la Commission des institutions de l’Assemblée nationale avait répondu favorablement à une pétition présentée par un nouvel organisme non-partisan voué à la réforme du mode de scrutin, le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), en prenant l’initiative de se donner un mandat pour consulter la population. Cette commission parlementaire, composée de députés des trois partis, tiendra d’ailleurs des audiences publiques dans plusieurs villes cet hiver pour entendre les mémoires qui lui ont été présentés par les citoyens et les groupes au cours de l’automne qui vient de s’achever. Une prise de position sans équivoque des États généraux est nécessaire pour que le prochain gouvernement ne soit pas tenté de renvoyer de nouveau la réforme aux calendes grecques Quant au ministre Charbonneau, ayant obtenu l’aval du premier ministre Landry, il a convoqué, l’été dernier, ce qu’il a appelé des « États généraux sur la réforme des institutions démocratiques » devant se dérouler en deux étapes sous la gouverne d’un comité directeur composé d’une dizaine de citoyens et présidé par M. Claude Béland, ex p-dg du Mouvement Desjardins. La première étape a consisté en une tournée des régions du Québec où ont lieu une cinquantaine de séances de consultation ouvertes à l’ensemble de la population. Elle s’est déroulée de la mi-octobre à la fin de novembre. La deuxième phase des États généraux donnera lieu à un événement national auxquels doivent participer un millier de citoyens représentant les 125 circonscriptions québécoises. Ce dernier se déroulera à Québec la fin de semaine des 21, 22 et 23 février prochains. Les participants discuteront et se prononceront sur les propositions que le comité directeur aura dégagées des opinions exprimées lors des consultations tenues dans les régions. Puis les différents partis, en lice lors des élections qui seront déclenchées quelques semaines ou mois plus tard, seront invités à se positionner par rapport aux conclusions des États généraux afin que la population puisse avoir un portrait clair des enjeux de cet important dossier. C’est d’ailleurs lors de son congrès d’orientation du début mars que le PQ, qui a été le seul parti à ne pas présenter de mémoire à la Commission des institutions et au comité Béland, décidera s’il modifie son programme, qui depuis trois ans prévoit le report de la réforme après l’accession du Québec à la souveraineté, afin d’en préconiser l’adoption dès la prochaine législature. On sait que le Parti libéral et l’ADQ favorisent pour leur part un mode de scrutin mixte de type compensatoire où quelque 60% des députés continueraient à être élus localement au scrutin majoritaire comme maintenant, mais où le reste seraient élus sur une base régionale au moyen d’un scrutin proportionnel afin de corriger une partie des distorsions causés par le scrutin majoritaire. L’Écosse est déjà doté d’un mode de scrutin semblable. Lorsqu’il a lancé le processus de consultation, une première dans l’histoire politique du Québec où un système de démocratie parlementaire existe depuis 1792, le ministre Charbonneau a publié un document de réflexion remettant en question de larges pans de nos institutions politiques. On craignait que l’élargissement du débat à des sujets aussi controversés que la possibilité de changer notre régime parlementaire d’inspiration britannique pour un régime présidentiel à l’américaine ne fasse oublier la réforme du mode de scrutin où, après des décennies de débat, un consensus solide commençait à se former dans la population. Mais la consultation de l’automne a heureusement permis de constater que ce dernier sujet venait de loin en tête des préoccupations de la population. Espérons maintenant que les citoyens réunis en États généraux expriment un avis sans équivoque qui ne laissera aucune possibilité au gouvernement issu des prochaines élections, quel que soit le parti qui va le former, de se défiler et de renvoyer la réforme aux calendes grecques comme c’est arrivé à deux reprises avec le PQ malgré ses engagements formels. L’instauration d’un scrutin proportionnel pourrait servir par la suite de levier aux citoyens pour inciter les dirigeants politiques à procéder à d’autres réformes éminemment nécessaires. Afin que cet objectif soit atteint il faut toutefois que le plus grand nombre possible de citoyens convaincus de la nécessité d’accorder priorité à la réforme du mode de scrutin participent aux États généraux de février. Les personnes intéressées à participer peuvent le faire savoir au Comité directeur des États généraux (pouvoircitoyen@mce.gouv.qc.ca), mais il faut faire vite. Pour se tenir renseignés sur cet événement on peut aussi consulter le site internet  HYPERLINK "http://www.pouvoircitoyen.com" \t "_blank" www.pouvoircitoyen.com Le site internet du Mouvement démocratie nouvelle ( HYPERLINK "http://www.democratie-nouvelle.qc.ca" \t "_blank" www.democratie-nouvelle.qc.ca) fournit également une information exhaustive sur le dossier et permet d’établir des liens avec tous les autres sites consacrés à la réforme du mode de scrutin. Paul Cliche, Auteur du livre  HYPERLINK "http://pages.globetrotter.net/autjour/textes/publications/publication.htm" \l "cliche" Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel et membre de l'Union des forces progressistes

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Pas de grand changement sans référendum, prévient Béland
Valérie Lesage Le Soleil Le mardi 14 janvier 2003

Élection du premier ministre au suffrage universel, représentation proportionnelle, ministres non-élus : tous ces changements, s'ils étaient recommandés, devraient obtenir l'approbation de la population par référendum. C'est du moins l'avis de Claude Béland, le président du comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, qui doit remettre son rapport au gouvernement au début du mois de mars. « Ça fait 200 ans qu'on vit avec nos institutions, alors prenons le temps de bien faire les choses si on veut des changements », a indiqué M. Béland au cours d'une entrevue téléphonique. L'ancien président du Mouvement Desjardins a passé l'automne à entendre les opinions des citoyens sur les institutions québécoises à l'occasion d'une tournée à travers les régions. Avant de présenter le fruit de ses travaux, il partagera son interprétation et ses réflexions à quelque 1000 citoyens et représentants d'organismes nationaux à l'occasion des États généraux qui vont se dérouler au palais des congrès de Québec, du 21 au 23 février. Ce qui est déjà très clair, estime M. Béland, c'est que les citoyens veulent du changement face à une démocratie ébranlée par les effets de la mondialisation. « Les citoyens se mettent à rire quand on leur demande s'ils ont encore du pouvoir. Même au pouvoir du député, on n'y croit plus. Les gouvernements sont perçus comme autoritaires et fermés », constate le président du comité, mis sur pied par le ministre Jean-Pierre Charbonneau. Le rapport de M. Béland va donc indiquer au gouvernement ce que la population pense des institutions démocratiques du Québec. Quant aux solutions pour redonner du pouvoir aux citoyens, le comité va surtout s'en remettre aux experts. Mais avant d'apporter de grands changements, il faudra en étudier attentivement les impacts, faire de l'éducation populaire et décider ensemble, estime M. Béland. « Je pense qu'on n'a pas le choix de faire approuver les changements par référendum. » Même si certains experts, comme le constitutionnaliste Henri Brun, considèrent inutile de transformer nos institutions dans une province où l'électorat exerce son droit de vote à 80%, M. Béland estime que la participation citoyenne doit être plus active. « Ne peut-on pas se prononcer avant quatre ou même cinq ans pour dire que nous n'avons pas aimé une décision ? » demande-t-il. Puis, il donne en exemple la Colombie-Britannique qui a accordé l'an dernier le droit de refaire l'élection d'un député quand un nombre suffisant de pétitionnaires le réclament. « Ça ne s'est jamais produit jusqu'ici, on me dit que les députés font très attention ! Mais tout ça change le rapport de force. Ça a redonné du pouvoir aux électeurs », estime M. Béland. Même si au Québec la réforme ne pourra se faire cette année, Claude Béland juge que son rapport sera rendu public à un excellent moment. Ce sera vraisemblablement à la veille d'une campagne électorale et les trois partis devront prendre position, croit-il. « S'il fallait qu'il ne se passe rien ensuite, cela viendrait confirmer la fermeture face à ce que les citoyens ont à dire. Parce que là, ils ont parlé », soutient M. Béland. Les citoyens qui seront invités aux États généraux de février, à Québec, seront choisis parmi ceux qui ont répondu au questionnaire sur la réforme des institutions démocratiques lors des consultations de l'automne ou sur Internet (www.pouvoircitoyen.com). Chaque région sera représentée proportionnellement à son nombre de députés. On tentera également d'équilibrer le nombre d'hommes et de femmes, de jeunes et d'aînés, ainsi que le nombre de représentants des communautés culturelles. Les invitations seront transmises au début du mois prochain.

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Au colloque de Féminisme et démocratie Des femmes exigent leur place dans les institutions démocratiques
l’aut’journal N° 216 - février 2003
Élaine Audet et Micheline Carrier

Au Québec, le mouvement des femmes commence à manifester de l’impatience devant le peu d’efforts consenti jusqu’ici pour accroître la représentation féminine dans les institutions démocratiques. Il veut profiter de la réforme de ces institutions projetée par le gouvernement pour obtenir des changements notables et concrets. Cette détermination ressortait au colloque De la parole aux actes: regards de femmes sur la démocratie, qui s’est tenu à Montréal les 24, 25 et 26 janvier 2003, une initiative du Collectif Féminisme et démocratie. L’événement a réuni environ 200 femmes – et quelques hommes – de régions, de milieux et de groupes différents. La proposition la plus percutante du colloque concerne les mesures législatives ou incitatives favorisant une plus grande représentation des femmes. On exige impérativement l’introduction du principe d’égalité entre hommes et femmes dans l’exercice du pouvoir, et ce, à tous les échelons des institutions politiques et de l’appareil gouvernemental. L’égalité maintenant, partout et dans une loi La très grande majorité des participantes veulent une loi sur la parité comme moyen d’obtenir l’égalité entre hommes et femmes dans les instances politiques, et une loi assortie de sanctions sévères à l’endroit des contrevenants. Il s’est dégagé un consensus pour soutenir des candidates à même les fonds publics. Enfin, la possibilité d’assujettir le financement des services de recherche des partis politiques à la représentation féminine au sein de leurs structures a également reçu l’adhésion de la majorité. Diversité et compétence L’intégration de la diversité a été un des thèmes importants des discussions en plénière. On a insisté sur la nécessité de la prendre en considération, tant dans le mouvement féministe que dans toutes les institutions politiques. Des porte-parole de minorités ethniques ont estimé que l’expertise et la culture politique des femmes de ces minorités ne sont pas souvent prises en compte dans la société d’accueil, et cela tant dans les institutions publiques et gouvernementales qu’au sein du mouvement des femmes. D’autres ont souhaité l’instauration de quotas dans les institutions politiques afin de leur assurer, ainsi qu’à d’autres minorités, comme les lesbiennes, une représentation équitable. Quant à savoir s’il y aurait suffisamment de femmes compétentes pour investir les institutions et structures politiques, on a affirmé que oui. Si on a beaucoup de femmes compétentes dans tous les autres domaines, pourquoi en irait-il autrement en politique ? S’interroge-t-on autant sur la compétence des hommes qui s’y engagent ? a-t-on demandé. Parce que les responsabilités familiales incombent en priorité, et parfois exclusivement aux femmes, il faudra cependant des mesures pour soutenir les candidates, afin qu’elles ne soient pas défavorisées par rapport aux candidats (garderies à l’Assemblée nationale, télétravail, abolition des réunions le soir et les fins de semaine, fonds de soutien, etc.). Certaines propositions, comme la création d’un type de députation non partisane pour les élu-es dans les régions, d’initiative référendaire et de mise en place d’un observatoire indépendant ont soulevé des réticences. Au lieu de créer un observatoire, on suggère d’accroître le pouvoir, les moyens et l’indépendance du Conseil du statut de la femme (CSF). Pour passer de la parole aux actes, les participantes ont suggéré des campagnes de sensibilisation sur la représentation des femmes et sur la parité. Elles aimeraient qu’on lance une consultation populaire sur ces sujets, comme l’a fait le Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté, et qu’on évalue la pertinence de créer un parti féministe. Elles souhaitent l’élaboration d’une stratégie d’intervention des femmes pour la prochaine campagne électorale et expriment l’intention d’interpeller les partis sur les modes de financement des campagnes d’investiture dans tous les comtés. Elles ont demandé au gouvernement de passer lui aussi de la parole aux actes en instaurant le scrutin proportionnel que souhaite la majorité de la population québécoise. Assez d’incitations, de supplications: des actes ! Les supplications, les incitations et l’étapisme, c’est assez, ont affirmé une majorité de participantes à ce colloque. Il est temps d’agir pour réaliser l’égalité au sein des institutions démocratiques. Et elles ont fixé trois grandes priorités: changer la culture politique, s’engager en faveur du scrutin proportionnel et promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans la représentation politique. On ne changera la culture politique qu’en remettant en question la nature patriarcale des institutions politiques, ont-elles conclu. L’éducation civique à plusieurs stades de la vie, dans les écoles, dans divers groupes et associations, ainsi que l’intégration des acquis des cultures politiques féministes au sein des institutions politiques, pourraient y contribuer. Si la majorité des participantes adhèrent au principe d’un mode de scrutin proportionnel, plusieurs sont préoccupées des liens entre les éluEs et la population, de la place des régions et de l’instabilité gouvernementale que cette réforme pourrait engendrer. Le budget participatif Le budget participatif, une autre proposition originale de la plate-forme du Collectif Féminisme et démocratie, a suscité beaucoup d’intérêt au colloque. Cette mesure, en place notamment dans des municipalités du Brésil, consiste à prendre le pouls de la population sur les dépenses publiques qui ne sont pas engagées pour les conventions collectives et autres accords avec les employé-es ou pour le service de la dette. Il ne s’agit pas simplement d’enregistrer et d’additionner les préférences individuelles, comme dans les sondages, mais de former une véritable opinion publique et de procéder collectivement à l’examen des diverses alternatives. On a précisé l’encadrement nécessaire d’une telle mesure: débat public, éducation civique, prise en compte des points de vue et des besoins des groupes minorisés, nécessité de transparence dans le processus de préparation des budgets dont il faudrait savoir d’où provient l’argent (impôts, multinationales, etc.). Instaurer ce budget dans les municipalités, ont suggéré certaines, pourrait être plus facile et avoir un effet d’entraînement sur les autres niveaux de gouvernement. La nécessité de mesures d’imputabilité des éluEs a suscité un large consensus. On a réclamé également que l’imputabilité s’applique aux conventions et traités internationaux auxquels les gouvernements souscrivent, par exemple, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La menace d’une guerre contre l’Irak préoccupait beaucoup les participantes de ce colloque, qui ont souhaité que les femmes du Canada s’unissent pour la dénoncer et ont rappelé que si la guerre éclate, les espoirs suscités par ce colloque seront vains. Un large tour d’horizon Ce colloque offrait l’occasion de soumettre à la discussion une plate-forme pouvant servir de base aux interventions des femmes dans le débat public sur les institutions et les pratiques démocratiques. Diane Lamoureux, professeure de science politique à l’Université Laval et membre du Collectif Féminisme et démocratie, en a présenté les grandes lignes: examen critique des institutions politiques actuelles et du mode de scrutin, réflexion sur l’instauration des mesures d’égalité dans la représentation, création d’un type de députation non partisane, consultation par référendum, budget participatif, mesures de soutien aux candidates et aux élues. Lors de la soirée d’ouverture, le ministre responsable de la réforme des institutions politiques, M. Jean-Pierre Charbonneau, a expliqué les objectifs de la réforme projetée et félicité le Collectif Féminisme et démocratie de saisir la balle au bond. S’appuyant sur les ouvrages du collectif Clio (1) et de Simonne Monet-Chartrand (2), l’écrivaine Hélène Pedneault a retracé les grandes lignes du parcours des femmes qui ont lutté pour la reconnaissance de leurs droits sociaux et politiques depuis les débuts de la colonie. Michèle Asselin, coordonnatrice de l’R des Centres de femmes du Québec, a rappelé les étapes récentes qui ont amené les Québécoises à s’interroger sur les institutions politiques en soulignant l’importance cruciale pour les femmes de s’interroger maintenant sur les moyens de se faire entendre efficacement dans toutes les instances politiques. Selon la sociologue et chercheure Myrlande Pierre, des quotas seront nécessaires afin d’assurer une juste place aux minorités culturelles, tant dans les institutions politiques qu’au sein de la représentation féminine de ces institutions. Une suggestion qui pourrait s’appliquer également à d’autres minorités, notamment les Autochtones. Sandrine Dauphin, docteure en sciences politiques et chercheure associée au Centre de recherche sur les pratiques et représentations politiques de l’Université Paris VII, a fait la synthèse des législations européennes relatives à la place des femmes dans les institutions politiques. Elle a souligné que dans les États où existe le scrutin proportionnel, plus de femmes ont été élues. Qui sont-elles ? Créé en mars 2002 dans la foulée du débat public initié par le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) et dans la perspective de la réforme des institutions envisagée par le gouvernement du Québec, le Collectif Féminisme et démocratie réunit une quarantaine de militantes féministes issues de tous les horizons. Il a plusieurs réalisations à son actif. Outre l’élaboration de la plate-forme politique qui a été soumise au colloque, le collectif a déposé un mémoire à la Commission des institutions de l’Assemblée nationale, ainsi qu’au Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Il dispense également de la formation aux groupes de femmes afin qu’ils puissent prendre part aux débats publics sur cette réforme. Pour une version plus détaillée de notre article: http://sisyphe.levillage.org Pour des renseignements sur le Collectif Féminisme et démocratie &/48; Cybersolidaires, http://www.cybersolidaires.org/democratie/index.html (1) Le Collectif Clio, L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles, Montréal, Le Jour, 1992. (2) Simonne Monet-Chartrand, Pionnières québécoises et Regroupements de femmes d’hier à aujourd’hui, tomes I et II, Montréal, Remue-Ménage, 1990 et 1994. Archives de L'aut'journal sur le web

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L'ex-ministre Brassard a tout faux dans sa charge contre le scrutin proportionnel
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche  UFP lundi 17 février 2003

 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Ayant lu la chronique que M. Jacques Brassard a publiée dernièrement dans Le Quotidien concernant la réforme du mode de scrutin, ainsi que le résumé que Le Devoir en a fait, je ressens un impérieux besoin de réagir pour apporter les correctifs qui s'imposent. Suivant de près ce dossier depuis plus de 30 ans, je constate en effet que ce brûlot contre le scrutin proportionnel est farci d'erreurs factuelles ainsi que d'interprétations abusives sinon fausses. L'ancien ministre péquiste mentionne d'abord que la pétition déposée à l'Assemblée nationale "par une brochette d'intellectuels et de ministres pour qu'on jette dans les poubelles de l'Histoire notre système électoral, soit le scrutin (majoritaire) uninominal à un tour". En réalité, cette pétition a été présentée en novembre 2001 par le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), une coalition citoyenne non-partisane. Elle contenait la signature de quelque 125 personnalités venant de tous les milieux et non seulement d'intellectuels et de ministres. La liste ne comptait aucun ministre en exercice mais deux anciens ministres retirés de l'arène politique : un libéral, Claude Ryan ; un péquiste, Claude Charron de même que l'avocat Jean Allaire, fondateur de l'Action démocratique. La pétition demandait simplement qu'une commission parlementaire consulte la population sur la possibilité de réformer le mode de scrutin afin que les dirigeants politiques puissent éventuellement prendre une décision éclairée. Quelques semaines plus tard, la Commission des institutions, qui est composée de députés des trois partis représentés à l'Assemblée nationale, a pris l'initiative de se donner un mandat en ce sens. Ce mandat est en voie d'exécution et on espère que la commission, qui a reçu plus de 200 mémoires l'automne dernier, pourra déposer son rapport au Parlement avant le déclenchement des élections.
Les États généraux : une consultation historique
Ce n'est que plusieurs mois plus tard que le nouveau ministre Jean-Pierre Charbonneau a obtenu du premier ministre Landry le feu vert pour lancer une vaste consultation populaire sur de larges pans de notre système politique qui déborde de beaucoup la seule question du mode de scrutin : système parlementaire versus régime présidentiel, la place des régions, élections à date fixe, élection du premier ministre au suffrage universel, droit de vote à 16 ans, etc. Appelée de façon un peu grandiloquente États généraux sur la réforme des institutions politiques, cette consultation, qui est conduite par un comité directeur présidé par l'ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland, a permis de rencontrer dans une première étape plus de 2 000 citoyens lors d'une tournée des régions effectuée l'automne dernier. On sait que ces États généraux connaîtront leur point culminant lors d'assises nationales qui auront lieu à Québec les 21, 22, 23 février alors que quelque 1 000 citoyens représentant les 125 circonscriptions mettront le point final à cette consultation. M. Brassard prétend que ces États généraux ne servent "à rien". Il semble oublier, à moins qu'il n' attache aucune importance, qu'il s'agit d'une consultation citoyenne sans précédent et inédite dans l'histoire du Québec en matière d'institutions politiques. Ont veut ainsi tracer la voie à une consultation permanente qui pourrait être effectuée par un Conseil des citoyens et citoyennes qui pourrait être éventuellement créé. L'ex-ministre prétend aussi que "le gouvernement est affecté par la démangeaison de la réformite et qu'il a mandaté le ministre Charbonneau pour donner satisfaction aux démocrates purs et durs". En réalité, l'idée de ces États généraux a germé dans l'esprit de MM. Charbonneau et Landry comme une stratégie destinée à refaire, à la veille des élections, la virginité du gouvernement péquiste qui n'a toujours pas respecté, après près de 17 années d'exercice de pouvoir, l'engagement crucial de réformer le mode de scrutin que le parti avait pris dès sa fondation et qu'il a renouvelé à tous ses congrès pendant 30 ans. Cet engagement était d'ailleurs inclus dans la plate-forme électorale du parti lors de ses victoires de 1976 et 1994. Cette réforme sera effectuée "dans la première année d'exercice du pouvoir", y précisait-on.
Au Québec, le scrutin majoritaire dérape 75% du temps
Dans sa chronique, M. Brassard prend aussi la défense du scrutin majoritaire à un tour en disant que les distorsions qu'il produit entre le vote obtenu par les partis et le nombre de sièges parlementaires qui leur sont attribués ne le "scandalisent pas". Pourtant, en tant que militant péquiste, il a certainement été scandalisé, et avec raison, par les résultats des élections de 1970 et 1973 alors que le Parti québécois qui avait obtenu 23% et 30% des suffrages ne s'est vu attribuer que 6,5% et 5,5% des sièges (7 et 6 députés). René Lévesque avait alors qualifié le mode de scrutin actuel de "démocratiquement infect". Cette injustice flagrante envers le Parti québécois a d'ailleurs donné une impulsion majeure à la campagne en faveur de l'instauration du scrutin proportionnel. Fidèle à son idéal démocratique, le fondateur du PQ est demeuré un ardent promoteur de ce mode de scrutin jusqu'à son retrait de la vie politique en 1985. Par contre, une majorité des députés péquistes, constatant que le scrutin majoritaire s'était mis à favoriser leur parti à compter de 1976, ont vite succombé à l'opportunisme. En 1984, ils sont allés jusqu'à bloquer le projet de loi que le premier ministre Lévesque a voulu présenter pour instaurer le type de scrutin proportionnel recommandé par la Commission de la représentation électorale après avoir consulté la population, selon le mandat que lui avait confié l'Assemblée nationale. Mais le mode de scrutin majoritaire ne fait pas que causer quelques distorsions, comme le prétend M. Brassard. À trois reprises lors des 15 dernières élections (1944, 1966, 1998), il a même renversé la volonté populaire en portant au pouvoir le parti qui s'était classé second dans les suffrages. C'est ainsi qu'en 1998 les péquistes se sont assurés une confortable majorité parlementaire en faisant élire 61% des députés même s'ils avaient obtenu moins de votes que le Parti libéral. René Lévesque avait porté un jugement sévère lorsque pareille mésaventure était arrivé au Parti libéral en 1966 en écrivant : "Une telle situation constitue un sabotage officiel et extrêmement pernicieux de la démocratie politique. C'est un exemple typique du retard que prennent les institutions par rapport à la réalité, chaque fois qu'on laisse l'incurie donner la main au conservatisme qui s'agrippe à des privilèges désuets". Malgré l'affaiblissement de leur légitimité démocratique, M. Brassard et ses collègues ministres n'ont toutefois pas eu la décence de déclencher un processus de réforme comme ça s'était passé dans d'autres pays dans des circonstances semblables. Le gouvernement Bouchard a plutôt eu le réflexe de faire reporter la réforme après l'accession du Québec à la souveraineté lors du congrès de mai 2000. Entre-temps, plusieurs ministres comme le responsable du dossier, M. Chevrette, se sont mis à soutenir que le scrutin majoritaire était le système "le moins pire de tous" et que les Québécois "n'étaient pas mûrs" pour la proportionnelle. Ce n'est que lors de l'entrée en scène de la coalition citoyenne constituée par le MDN que le vent s'est mis à tourner. Pour clore ce sujet, il faut préciser que, depuis 60 ans, le scrutin majoritaire a dérapé 75% des fois lors des 17 élections tenues au Québec depuis 1936, soit en accordant une prime démesurée au parti vainqueur qui a failli parfois éliminer du Parlement une opposition qui avait recueilli près de la moitié des suffrages, soit par le renversement de la volonté populaire en portant le deuxième choix de la population au pouvoir. Des études comparatives ont aussi démontré que c'est au Québec que ces anomalies, tout aussi incohérentes les unes que les autres, sont les plus graves. Que faut-il de plus pour scandaliser M. Brassard ?
Le scrutin majoritaire favorise les affrontements ; le proportionnel les consensus
Comme on pouvait s'y attendre, le chroniqueur Brassard tire à boulets rouges sur l'alternative que constitue le scrutin proportionnel, mais il le fait malheureusement en agitant les préjugés les plus éculés. Ainsi décrit-il le scrutin proportionnel comme "un système perturbateur" qui permettrait aux "extrémismes de gauche et de droite" d'être représentés au Parlement. Puis il invoque le mythe de "gouvernements instables et impuissants" avant de brandir le spectre de l'expérience israélienne. Argument suprême qu'il qualifie de "vice particulier" : le scrutin proportionnel accorderait un "poids excessif" à la communauté anglophone ; ce qui serait "suicidaire" et "périlleux" pour la communauté francophone ! L'ex-ministre oublie d'abord que le scrutin proportionnel est utilisé, en tout ou en partie, par une forte majorité de pays démocratiques dans le monde ; le scrutin majoritaire à un tour ne subsistant que dans trois pays importants outre le Canada : le Royaume Uni, les États-Unis et l'Inde. Or, la catastrophe qu'il appréhende pour le Québec ne s'est produite nulle part ailleurs depuis un siècle. Il faut reconnaître que quelques expériences n'ont pas été fructueuses, notamment en France sous la 1Ve République et dans l'Italie d'après-guerre. Israël constitue aussi un cas particulier où la crise est exacerbée par la présence à la Knesseth de partis religieux fanatiques qui tiennent les gouvernements en otage. Mais partout ailleurs l'expérience a été positive. D'abord parce qu'un des effets principal du scrutin proportionnel est de favoriser une gouverne politique fondée sur les consensus entre les partis. Au contraire, le scrutin majoritaire nuit à la création de consensus en favorisant des affrontements souvent stériles entre les partis. On n'a pas besoin de suivre longtemps les débats qui se déroulent à l'Assemblée nationale et aux Communes pour s'en rendre compte… Il faut noter, d'autre part, que tous les pays qui ont adopté la proportionnelle, sauf Israël et les Pays-Bas, ont imposé des seuils minima de votes pour permettre aux partis de participer à la distribution des sièges. La plupart de ces derniers varient entre 3% et 5%. Ainsi, les formations marginales sont éliminées. Il faut mentionner aussi que l'adoption possible d'une proportionnelle de type régional où les circonscriptions seraient dotés d'un nombre limité de sièges imposerait de facto des seuils plus élevés que 10%. De toutes façons, même si le seuil minimum exigeait qu'un parti n'ait obtenu qu'environ 100 000 votes pour avoir un député il n'y aurait là rien de scandaleux lorsque l'on pense qu'en 1998 les 76 députés péquistes n'ont été élus en moyenne qu'avec 23 000 voix et les 48 députés libéraux qu'avec 37 000 voix tandis que ça a pris près d'un demi-millon à l'ADQ pour faire élire un seul député. Par ailleurs, je me demande pourquoi M. Brassard, ce militant souverainiste de la première heure qui a certainement subi des sarcasmes lorsque naguère il représentait un courant minoritaire en émergence dans la société québécoise, traite "d'extrémistes" les militants sociaux, féministes, écologistes, pacifistes, anti-mondialisation néolibérale qui, à l'instar des Françoise David, Richard Desjardins, Amir Khadir, Jean-Yves Desgagnés, Roméo Bouchard et bien d'autres, veulent faire évoluer la politique québécoise. En quoi la présence à l'Assemblée nationale, grâce au scrutin proportionnel, de députés représentant cette mouvance progressiste serait-elle catastrophique alors même que le scrutin majoritaire risque de mettre au pouvoir dans quelques semaines le parti de droite qu'est l'ADQ en lui accordant une généreuse prime ?
La gestion des gouvernements de coalition est aussi efficace que celle des gouvernements majoritaires
M. Brassard laisse planer le spectre d'un Québec ingouvernable à cause des gouvernements de coalition qu'amènerait la proportionnelle. Plusieurs pays sont actuellement dirigés par de tels gouvernement notamment en Allemagne où le renforcement du Parti vert, lors des dernières élections, a permis de maintenir au pouvoir les sociaux-démocrates en perte de vitesse et dont le ministre des affaires étrangères, un vert pacifiste, joue un rôle crucial dans la crise mondiale actuelle. Naturellement, la durabilité de ces gouvernements de coalition est en général un peu plus courte que celle des gouvernements majoritaires. Aaron Liphart, un politicologue de renommée internationale, s'est posé la question suivante devant ce phénomène : "Est-ce que les pays sont véritablement mieux gouvernés parce que leurs gouvernements durent plus longtemps ?" Ses études comparatives (taux de progression du PNB, taux de chômage et les autres indicatifs de bonne gouvernance) lui ont prouvé qu'il n'y avait pas de lien démontrable entre la durabilité des gouvernements et l'excellence de leur gestion économique et sociale. Le professeur Louis Massicotte, de l'Université, de Montréal, a fait compléter l'étude en abordant l'aspect budgétaire. Il a obtenu un résultat semblable. Voilà, nous l'espérons, qui fera disparaître un mythe qui a la vie dure.
Les systèmes mixtes n'amènent pas la création de deux "classes" de députés
Dans la perspective de l'adoption d'un système mixte, où une partie des députés seraient élus localement comme jusqu'ici selon le mode de scrutin majoritaire et l'autre partie sur une base régionale ou nationale en vertu d'un scrutin de type proportionnel destiné à corriger les distorsions causées par le scrutin majoritaire, M. Brassard n'a pas manqué de s'indigner de la création de deux "classes" de députés. "Vous voyez le tableau : deux classes de députés. D'un côté, les fantassins, les bouseux, les sans grande qui doivent gagner leur siège en besognant dur du matin au soir, chaque jour de campagne, sur le terrain, dans la boue et la grisaille des champs de bataille électoraux et qui, une fois élus, seront confrontés quotidiennement aux petits et aux gros problèmes de leur électeurs". Il poursuit ainsi sa tirade : "De l'autre côté, les têtes de liste des partis, les gradés, les planqués, les médaillés qui pérorent dans les meetings et qui se pavanent devant les médias mais qui, une fois désignés, vont se consacrer aux affaires sérieuses dans la capitale nationale". Je vais décevoir l'ex-ministre péquiste encore une fois, mais ça ne se passe pas du tout comme ça notamment en Allemagne où un système mixte fonctionne très bien depuis plus de 50 ans. Il n'y a pas de "classes' de députés, nous a appris le politicologie Louis Massicotte lors de son témoignage devant la Commission des institutions de l'Assemblée nationale qui a entendu des experts, le 14 novembre dernier, dans le cadre de son étude sur la réforme du mode de scrutin. Le professeur Massicotte s'est rendu en Allemagne, ainsi qu'en Nouvelle-Zélande, pour étudier le fonctionnement de leurs systèmes mixtes. Les Allemands ont évité qu'il y ait deux classe de députés, a-t-il expliqué, parc que la loi autorise la double candidature. Puis, dans les faits, les partis ont généralisé cette pratique. Les candidats sur la liste (scrutin proportionnel) sont en fait des candidats de circonscriptions (scrutin majoritaire). Ce sont des candidats qui ont préalablement été choisis comme candidats de circonscription et qui ont pu ensuite obtenir une place sur la liste. Les candidats de liste, a poursuivi M. Massicotte, sont donc des personnes qui ont fait campagne dans les circonscriptions comme les autres. En réalité, les députés élus qui se sont limités à figurer sur une liste sont très peu nombreux : moins de 4,5% pour les 13 dernières élections. De plus les élus à la proportionnelle sont encouragés par les partis à s'impliquer dans les circonscriptions et ils le font sans toutefois empiéter sur les prérogatives dévolues aux députés locaux. "Il n'y a pas de caste dans les Parlements d'Allemagne (landers comme national), a conclu M. Massicotte. L'idée suivant laquelle des personnes vont se faire élire en ayant le privilège de passer toute la campagne électorale en regardant la télévision., c'est une image qui ne correspond pas à la réalité". L'universitaire a précisé que cette constatation s'appliquait aussi à la Nouvelle-Zélande, à l'Écosse et au Pays de galles, eux aussi dotés de systèmes mixtes. Le professeur a aussi proposé à la commission parlementaire qu'au Québec la double candidature ne soit pas seulement facultative mais obligatoire. Ainsi les places les plus élevées sur les listes de parti ne pourraient être occupées que par les candidats de circonscriptions. Autre statistique intéressante : en Allemagne, 57 ministres détiennent des sièges de circonscriptions et 23 des sièges de listes.
Le scrutin majoritaire a affaibli les francophones ; le proportionnel les renforcerait
M. Brassard a encore tout faux lorsqu'il prétend qu'il serait "périlleux" voire "suicidaire" pour les francophones québécois d'adopter le scrutin proportionnel qui accorderait à la communauté anglophone, selon lui, "un poids politique excessif et démesuré". La thèse de doctorat que vient de publier le politicologue Pierre Serré, de l'Université de Montréal, dément non seulement cette assertion sans fondement, mais la contredit. [1] Les données de M. Serré, qui couvrent les huit élections qui ont eu lieu depuis l'arrivée sur la scène électorale du Parti québécois en 1970, établissent que 73% des sièges remportés par les libéraux ont été marqués par l'influence des votes non-francophones" ; les deux tiers de ces sièges se trouvant dans la région de Montréal, le tiers en dehors (Outaouais, Estrie, Montérégie). Il établit aussi que cette influence ira en augmentant surtout à Montréal ou l'élection de souverainistes deviendra de plus en plus difficile si le scrutin majoritaire est maintenu. Suite à ses analyses, l'universitaire se dit en mesure d'affirmer sans hésitation que "la puissance des fédéralistes radicaux (au sein du Parti libéral québécois) est nettement plus grande dans le cadre d'un mode de scrutin majoritaire par rapport à ce que donnerait un mode de scrutin proportionnel" Le scrutin majoritaire " y multiplie la capacité d'influence des fédéralistes radicaux", soutient-il. "En effet, l'alliance entre les non-francophones et les fédéralistes radicaux francophones permet aux radicaux de prendre en tutelle tous les fédéralistes francophones (radicaux et nationalistes) et d'en devenir le porte-parole tout en réduisant la légitimité des souverainistes et des autonomistes", explique-t-il. Ce phénomène se manifeste autant lorsque les libéraux sont au pouvoir que dans l'opposition" "Par contre, ajoute M. Serré, un mode de scrutin proportionnel, qui traduirait de manière étroite les voix recueillies en sièges, permettrait aux francophones de redéfinir le cadre de légitimité dans lequel eux mêmes- et les non-francophones- évoluent. Cette reconquête de la scène politique québécoise non seulement ferait des francophones une véritable majorité. Mais elle favoriserait aussi une confrontation des idées qui obligerait les fédéralistes nationalistes et autonomistes à préciser et à défendre des positions cohérentes face au Canada anglais". L'universitaire conclut : "On pourrait s'attendre alors à ce que les fédéralistes radicaux occupent moins de place sur l'échiquier politique du fait de la prédominances des nationalistes, autonomistes et souverainistes. Une scission entre anglophones et allophones sur la question de l'appartenance au Québec pourrait éventuellement se produire, de même que la création d'un parti représentatif des intérêts de la minorité anglophone". C'est sur conclusion optimiste que j'incite M. Brassard à mieux se renseigner à l'avenir lorsqu'il voudra se commettre sur des sujets qu'ils ne possède pas bien. Cela lui évitera de se livrer à de la désinformation grossière.

[1]  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/s/serrep.html" SERRÉ Pierre, "Deux poids, deux mesures- L'impact du vote des non-francophones au Québec" Livre publié à l'automne 2002 chez VLB Éditeur dont la conclusion a été publié par La Presse le 27 octobre 2002 et un résumé dans la revue  HYPERLINK "http://www.lautjournal.info/autjourarchives.asp?article=94&noj=208" L'Apostrophe au printemps 2002.

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N'oublions pas la diversité ethnoculturelle
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/a/anctilp.html" Pierre Anctil, Président du Conseil des relations interculturelles Le Devoir Le lundi 17 février 2003

Libre opinion: Soucieux de contribuer au rehaussement de notre vie démocratique, et à une démarche officielle visant à rendre plus efficaces les institutions politiques qui permettent aux citoyens de faire valoir leur opinion sur les grands enjeux de notre société, le Conseil des relations interculturelles se joint avec enthousiasme à la démarche entreprise par le Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques du Québec. Les membres du Conseil sont heureux de constater aujourd'hui que le Comité directeur a choisi d'introduire la diversité ethnoculturelle comme une composante incontournable de la réflexion sur la qualité de notre vie démocratique, au même titre que des facteurs identitaires tels que l'âge, le sexe, la région ou le fait d'appartenir à une première nation. L'origine nationale ou culturelle, la couleur, l'adhésion à une tradition religieuse ou le fait de se définir comme appartenant à une communauté visible, forment autant de réalités complexes et mouvantes qui méritent dans le contexte des États généraux une attention toute particulière. Dans ce dossier, des phénomènes sociaux trop souvent marquants entrent en ligne de compte qui menacent les acquis de notre vie démocratique, soit le racisme, la discrimination, les préjugés et les écarts socio-économiques entre communautés. Les événements du 11 septembre 2001 et le spectre d'une guerre imminente en Irak pèsent aussi de tout leur poids sur certaines couches visibles et nettement plus vulnérables de notre société, rendant plus incertaine leur participation pleine et entière au processus électoral ou au débat démocratique. D'abord une mise en garde : le système parfait n'existe pas. Ce sont les orientations politiques plutôt que la forme des institutions qui sont porteuses de progrès en matière de diversité. Cela dit, le Conseil ne croit pas qu'une transformation radicale des institutions politiques et démocratiques soit nécessaire à court terme et appuie le maintien du système politique actuel. Ce point de vue repose sur les raisons suivantes : le système actuel possède la flexibilité nécessaire permettant les réformes satisfaisantes aux yeux des Québécoises et des Québécois; la députation dans un régime présidentiel n'est pas nécessairement plus représentative des différents groupes qui composent la société; la prise en compte de la diversité ethnoculturelle serait probablement mieux assurée par un gouvernement stable disposant des moyens nécessaires pour la faire progresser, que par un président impuissant devant une chambre d'élus qui ne sont pas solidaires de ses politiques. Une réforme du mode de scrutin pourrait avoir une incidence sur la visibilité et la présence de la diversité dans les institutions politiques québécoises. Le scrutin de liste, permettant aux divers partis politiques de faire campagne sur la qualité, la représentativité et le rang accordé sur leur liste à des personnes provenant des diverses composantes de la société, est susceptible de constituer un levier favorisant une augmentation de la diversité parmi les élus. Le Conseil croit donc qu'il serait souhaitable d'introduire le scrutin proportionnel à l'intérieur du système électoral actuel, afin que l'Assemblée nationale soit davantage représentative du vote populaire et de la diversité ethnoculturelle. Un système mixte bien équilibré devrait préserver les marges de manoeuvre politique nécessaires à la stabilité gouvernementale tout en améliorant la représentativité. Par ailleurs, il y a deux approches pour répondre aux aspirations des régions : augmenter le pouvoir et l'influence des régions dans les institutions centrales de notre démocratie, ou décentraliser les pouvoirs vers les régions. La première approche privilégie une Chambre des régions à l'Assemblée nationale élue sur une base géographique plutôt que démographique, afin de renforcer le poids législatif des régions les moins peuplées. La deuxième approche, consiste à transférer vers des institutions régionales les pouvoirs réglementaires et les ressources financières requises, pour permettre une réelle prise en mains de leur développement par les populations locales. Le Conseil croit qu'il serait néfaste pour notre démocratie d'accentuer la disparité du poids politique du vote de chaque personne selon son lieu de résidence. Il est aussi d'avis qu'il est nécessaire de conserver un poids politique équitable à la population montréalaise au sein de laquelle se retrouve toujours la grande majorité des Québécois issus de l'immigration. Il appuie donc la seconde approche. Le Conseil des relations interculturelles est un organisme permanent et autonome de consultation et de recherche du gouvernement du Québec, composé de quinze citoyens nommés par le conseil des ministres. Il a comme fonction principale de conseiller le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration relativement à l'état des relations interculturelles au sein de notre société.

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Un nouveau mode de scrutin : pourquoi pas ?
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/p/pelletier-rejean.html" Réjean Pelletier, département de science politique, Université Laval Le Soleil Le lundi 17 février 2003

Opinion - Du 21 au 23 février se réuniront ce que l'on a un peu pompeusement appelé les États généraux sur la gouvernance démocratique du Québec au XXIe siècle. Ce grand rendez-vous de la participation citoyenne, selon les termes du document ministériel de réflexion Le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes, est censé représenter « une rencontre nationale majeure où tous les sujets liés au fonctionnement de nos institutions démocratiques seront abordés et traités ». Sans préjuger des résultats de cette rencontre, il est probable que la plupart des recommandations s'inscriront dans le cadre et selon les orientations proposées dans le document ministériel. Il est à prévoir également que, compte tenu de l'imminence des élections, le projet de réforme va rester en plan. Ce qui ne serait pas une catastrophe puisqu'une réforme du système parlementaire que nous pratiquons au Québec depuis plus de 200 ans mérite certainement une discussion plus approfondie et, surtout, une implication plus grande des citoyens et des citoyennes que n'ont pas réussi à susciter jusqu'ici les seuls États généraux sous l'égide du comité Béland. Avant de troquer le système parlementaire pour le régime présidentiel ou d'élire le premier ministre au suffrage universel, il importe certainement d'en discuter plus en profondeur. Je voudrais me concentrer, dans le présent texte, sur une réforme qui me semble « plus mûre », soit celle du mode de scrutin. À cet égard, la première question à se poser est : à quoi sert une élection et quelle est l'utilité du mode de scrutin alors utilisé ? À peu près tout le monde répondra sans hésitation : à choisir nos représentants et représentantes appelés à siéger à l'Assemblée nationale. Une telle réponse, qui n'est pas fausse, découle de deux principes bien établis, celui de la souveraineté populaire qui confère la légitimité aux élus du fait que leur élection découle du choix effectué par le peuple souverain, et celui de la démocratie représentative qui sert de substitut, depuis longtemps, à la démocratie directe qui ne peut s'exercer que plus rarement. Mais, un tel énoncé ne répond que partiellement à la question. À l'heure actuelle, au Québec, le peuple souverain se prononce davantage, au moment d'une élection, en faveur d'un parti politique (ou contre) que pour le choix d'un candidat ou d'une candidate. En d'autres termes, la valeur personnelle d'un candidat ou d'une candidate compte moins (sauf exception) que la « valeur » du parti qui, selon le peuple, est le plus apte à gouverner le Québec. Il s'agit donc, pour l'électorat, de porter un jugement prospectif à l'égard des partis en lice, de faire une évaluation de chacun, de leurs engagements, de leur capacité à régler les problèmes qui se posent. Par la même occasion, l'électorat porte aussi un jugement rétrospectif sur le gouvernement en place et le parti qu'il représente. Mais, en même temps, je ne puis que constater, comme en témoignent entre autres les doléances des citoyens et citoyennes lors du remaniement de la carte électorale, l'attachement des électeurs à « leur » député, qui est nettement moins élevé dans les grands centres urbains (surtout à Montréal) qu'à l'extérieur de ces centres. Par exemple, lors des dernières propositions de modifications à la carte électorale, la levée de boucliers a été telle en Gaspésie que la Commission de représentation électorale du Québec a décidé de battre en retraite et de faire de chacune des circonscriptions de la Gaspésie une exception à la règle du 25 % (ce qui ne se justifiait pas, à mon avis). Les Gaspésiens voulaient conserver le même nombre de députés qu'ils avaient déjà pour protéger et défendre leurs intérêts. Partant de ce double constat – choix d'un parti appelé à former le gouvernement et attachement à son député – on peut alors se demander quel mode de scrutin convient le mieux pour résoudre ce qui peut apparaître comme la quadrature du cercle. Le système mixte allemand ? Il importe de préciser dès maintenant un point important : le système allemand n'est pas véritablement mixte, il est essentiellement proportionnel. Le nombre total de députés auxquels un parti a droit est déterminé en proportion des votes obtenus par ce parti dans le cadre d'un Land, à la condition de franchir un seuil fixé à 5 % des voix. Ce qui est « mixte », c'est la façon d'attribuer ces sièges, pour une moitié par un scrutin majoritaire à un tour, pour l'autre moitié en utilisant un scrutin proportionnel. Je serais prêt à me rallier à un système mixte — à la condition qu'il soit vraiment « mixte » — puisqu'il permettrait de répondre au double constat évoqué plus haut. À mon avis, un système mixte doit permettre de choisir un certain nombre de députés dans le cadre d'une circonscription électorale en utilisant le système majoritaire déjà bien connu (attachement à son député) et de choisir les autres députés selon une formule proportionnelle (choix d'un parti). Pour ce faire, l'électeur reçoit un bulletin de vote à double volet, lui permettant d'exprimer son double choix. On a déjà évoqué le partage suivant qui permet de conserver le nombre actuel de 125 députés : 75 députés élus dans des circonscriptions et 50 députés élus à la proportionnelle. Mais il faut être conscient que 75 députés élus dans des circonscriptions correspond exactement au nombre de députés fédéraux élus de la même manière. Il faudrait alors sacrifier l'une des deux Commissions de délimitation des circonscriptions électorales, l'une fédérale et l'autre provinciale. Il serait difficile de justifier le maintien des deux avec le même nombre de députés élus dans le même cadre territorial. Dans les circonstances, on peut prévoir que ce serait plutôt la Commission provinciale qui disparaîtrait. Les acteurs politiques du Québec, tous partis confondus, sont-ils prêts à faire ce saut ? C'est dans la distribution des 50 sièges à la proportionnelle que ma proposition se distingue du modèle allemand. Comme je préconise un système véritablement « mixte », c'est par l'utilisation de deux modes de scrutins fonctionnant en parallèle que l'on peut atteindre cet objectif. Dans ce cas, un mode de scrutin ne sert pas à corriger l'autre, mais vient s'ajouter à l'autre. Si le parti X avec 40% des voix dans les circonscriptions réussit à faire élire 50 députés et qu'il obtient le même 40% des voix sur le deuxième volet de son bulletin de vote (choix d'un parti), il obtient alors 20 sièges supplémentaires selon la répartition proportionnelle pour un total de 70 députés. Qui plus est, il faudrait pousser dans leurs derniers retranchements les différents partis politiques québécois pour voir s'ils sont vraiment sincères dans leurs discours sur les régions. Si tel est le cas, ceci devrait se traduire par une véritable reconnaissance des régions sur le plan électoral. Il conviendrait alors de faire jouer la proportionnelle dans le cadre de régions qui couvriraient entièrement le territoire québécois. Une douzaine de régions regroupant de quatre à six députés (ou même davantage en milieu urbain) devrait suffire pour appliquer une répartition proportionnelle en établissant un seuil d'au moins 5 % des suffrages. En outre, cette régionalisation devrait répondre aux craintes de certains quant à la concentration du vote anglophone et même allophone qui prend l'allure d'un vote ethnique, soit un vote massif et régulier d'un groupe ethnique pour un même parti politique, en l'occurrence le Parti libéral du Québec. Un tel mode de scrutin combinerait les avantages du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel, du maintien des circonscriptions électorales et de la reconnaissance des régions. Il produirait probablement des gouvernements plus souvent majoritaires que minoritaires, ce qui est aussi un avantage lorsqu'il s'agit de porter un jugement rétrospectif. Il éviterait ainsi toute forme de chantage d'un parti minoritaire auprès d'un gouvernement minoritaire ou dans le cadre d'une coalition. Il représenterait mieux que ne le fait le mode de scrutin actuel les différents courants de pensée qui traversent la population, sans provoquer un émiettement inutile de la représentation. Il combinerait, en somme, l'élection de son représentant ou de sa représentante, l'attachement à sa circonscription et à son député, le choix préférentiel d'un parti politique, la reconnaissance des régions, la possibilité de porter un jugement prospectif sur les partis en compétition et un jugement rétrospectif sur le gouvernement en place. Mais ces avantages ne sont finalement atteints que si le mode de scrutin proportionnel agit en complémentarité (ou en parallèle) au mode de scrutin majoritaire.

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Une démocratie de son temps
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/v/vennem.html" Michel Venne  LE DEVOIR mercredi 19 février 2003

Chronique - L'ancien ministre Jacques Brassard a fait une sortie remarquée contre le projet de réforme des institutions démocratiques. Les arguments qu'il invoque sont périmés ou mythiques. La proportionnelle ne crée pas deux catégories de députés. Lorsque le système est bien équilibré, avec des seuils (ce qui est le cas de la plupart des systèmes mais pas en Israël), les partis extrémistes ne peuvent pas faire de chantage contre les partis dominants. Enfin, franchement, puisque les francophones composent 80 % de la population, comment pourraient-ils, si les députés sont élus partiellement à la proportionnelle, perdre le contrôle de leur assemblée nationale? M. Brassard traîne avec lui de vieux épouvantails. De plus, il semble restreindre la démocratie à l'exercice du droit de vote et au choix d'un gouvernement. Il a oublié d'écouter ce qui se passe autour de lui depuis quelques années. Deux phénomènes ébranlent les institutions démocratiques dans les sociétés développées. D'abord, le pluralisme, l'éclatement des représentations, la montée des droits individuels et des droits catégoriels (ceux des femmes, des enfants, des autochtones, des homosexuels, des handicapés). Ensuite, la prise de conscience du fait que nos sociétés, que l'humanité, forment des communautés de risques partagés dans lesquelles il ne suffit pas de faire les arbitrages entre des groupes d'intérêt. L'objet de la démocratie ne se limite pas à désigner un gouvernement mais aussi à déterminer le mieux possible ce qui constitue le bien commun. Ces deux phénomènes ont suscité, chez nous comme ailleurs, des demandes de cinq ordres. Certaines de ces demandes peuvent paraître contradictoires. Le défi est de les réconcilier dans un faisceau d'institutions. 1. Une meilleure représentation. Les citoyens appartiennent désormais à différents univers. Leur identité se construit en fonction de divers réseaux d'appartenance ou par rapport à certaines valeurs. La pluralité des identités et des idéologies est un fait, et il est souhaitable que celle-ci soit représentée le mieux possible dans les institutions démocratiques. C'est pourquoi on tend à vouloir augmenter le nombre de femmes au Parlement, à recruter des candidats dans divers groupes ethniques, à veiller à ce que les idéologies qui se partagent le marché politique soient présentes au sein de l'assemblée parlementaire. Un mode de scrutin qui fait place à des éléments de proportionnalité est celui le mieux indiqué pour varier la représentation et la rendre plus conforme à la diversité de la société. 2. Un leadership. Les citoyens veulent en même temps un gouvernement qui gouverne. L'élection du chef du gouvernement au suffrage universel, dans un régime dit présidentiel, comme il en existe dans plusieurs pays du monde (je ne sais pas pourquoi on nous parle toujours des États-Unis), refléterait mieux ce souhait que le système actuel. Ce type de régime nous est familier. Il existe au palier municipal. Si on opte pour un mode de scrutin partiellement proportionnel, susceptible de provoquer une certaine instabilité, il serait pertinent que le chef du gouvernement soit élu séparément, que sa désignation échappe au jeu des coalitions partisanes de manière à garantir la stabilité du gouvernement. Les citoyens tolèrent de plus en plus mal que des décisions soient imposées unilatéralement par l'exécutif. On a vu les réactions à la politique des fusions municipales, jugée antidémocratique. Un parlement élu avec des éléments de proportionnalité, représentant plusieurs tendances politiques, risque de ralentir le processus d'adoption des lois. Cela serait une bonne chose. Cela n'empêcherait pas le gouvernement de gouverner mais l'obligerait à convaincre et à négocier non pas derrière des portes closes au sein d'un caucus partisan, avec tous les marchandages qui s'ensuivent en secret, mais à visière levée. 3. La délibération publique et l'évaluation des risques. Une réforme du mode de scrutin et l'élection du premier ministre au suffrage universel ne répondraient pas à toutes les exigences modernes. Il faut élargir la possibilité pour les citoyens non élus de participer aux processus de décision entre les élections. Le fonctionnement actuel des commissions parlementaires est inadéquat. De même, il faudra raffermir le rôle de certains organismes d'évaluation des risques comme le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, la Commission d'accès à l'information et la Régie de l'énergie. Le fonctionnement des divers conseils (sur l'éducation, la santé, la famille ou la jeunesse) pourrait être revu afin de favoriser l'expression des citoyens. 4. La décentralisation des pouvoirs. Les gens qui habitent en région sont déjà représentés au parlement par leur député. Ils désirent néanmoins exercer des pouvoirs plus importants sur ce qui les concerne. Plutôt que d'alourdir le processus législatif en créant une chambre des régions, il serait préférable de décentraliser des pouvoirs (avec les moyens financiers adéquats) vers les régions. 5. Une gouverne au delà des nations. Les citoyens sont conscients du fait que certains problèmes ne peuvent être réglés qu'à l'échelle internationale. À cet égard, la mondialisation renvoie les nations à elles-mêmes. Pour participer à la gouverne supranationale, il faut être un pays. La mondialisation est une raison de plus de vouloir faire du Québec un État souverain. Michel Venne est directeur de L'Annuaire du Québec chez Fides. vennem@fides.qc.ca

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Une nouvelle démocratie à l'horizon?
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dorinn.html" Nicole Dorin La Tribune Le jeudi 20 février 2003

Éditorial - "Comment peut-on penser qu'il s'agit d'un projet dépassé? Le pouvoir aux citoyens est toujours aussi nécessaire, d'autant plus qu'ils sont déçus. Ils n'ont pas voix au chapitre. Le gouvernement gouverne au-dessus de la tête du monde", dit André Larocque, sous-ministre sur la réforme des institutions démocratiques, poste qu'il occupait auprès de René Lévesque, et il poursuit: "On reprend-là où le dossier a été suspendu... près des gens". La grogne et la morosité montent au Québec depuis un certain nombre d'années. La population a l'impression depuis longtemps que son seul pouvoir, elle l'exerce tous les quatre ans quand elle garde ou met dehors ceux et celles qui la gouvernent. Ce pouvoir lui est apparu petit à petit bien ténu d'autant que les effets de la mondialisation sont venus accroître son sentiment d'impuissance face à des forces économiques, dont elle sent les effets sans pouvoir en identifier clairement la provenance et le visage. À plusieurs reprises dans le passé, les gouvernements ont pensé, sans y donner suite, à modifier sinon le régime parlementaire au complet, tout au moins certains aspects. Cependant, aucun des partis au pouvoir n'a fait de démarches sérieuses pour y parvenir, ne pouvant peut-être pas en mesurer tous les effets possibles pour l'ensemble du Québec et pour le parti au pouvoir. Cette fois-ci, le Parti québécois semble bien décidé à aller au bout de sa démarche et dans ce sens il reçoit l'appui de l'Action démocratique qui par la voie de son porte-parole en la matière, Éric Caire, candidat de l'ADQ dans La Peltrie, qui estime que ce que le PQ propose correspond plus ou moins à leur programme. Le PQ autant que l'ADQ estime que la population est prête pour un changement. Le week-end prochain se tiendront à Québec les états généraux sur la réforme des institutions démocratiques. En septembre, les membres de la commission sur cette réforme, présidée par Claude Béland, ancien président du Mouvement Desjardins, avaient sillonné le Québec et s'étaient arrêtés à Sherbrooke. L'objectif de cette rencontre était de permettre à la population de s'exprimer sur les changements souhaités. Plus ou moins une centaine de personnes avaient participé à l'exercice. En fin de semaine prochaine, la Commission fera part des constats exprimés suite à ces consultations et environ 1000 citoyens et citoyennes et une centaine de représentants et représentantes d'organismes nationaux (syndicats, associations diverses) délibéreront en vue de suggérer des orientations au comité directeur sur les changements les plus importants et appropriés à apporter à notre système politique. Les personnes présentes ont été choisies parmi les 2000 qui ont participé à l'une ou l'autre des 27 audiences dans 20 villes du Québec et parmi les 2508 qui ont répondu au questionnaire du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques. Aujourd'hui, les choses changent vite, si vite que les élections tous les quatre ans ne permettent pas aux citoyens et aux citoyennes de s'exprimer sur des enjeux majeurs qui les concernent au premier chef. La population souhaite avoir prise sur les décisions qui influenceront sa vie. Elle ne veut pas que ce pouvoir soit concentré entre les mains de quelques personnes. Notre système a certes des avantages. Selon Jean Herman Guay, professeur en sciences politiques à l'Université de Sherbrooke, "il est connu, il est simple, il permet une forte identification entre le citoyen et le député à cause de la proximité géographique, il donne au parti gagnant une solide majorité surtout en chambre et un gouvernement robuste et stable". Il comporte aussi des inconvénients, poursuit M. Guay: "Il peut y avoir un écart important par rapport au suffrage obtenu, les petits partis sont absents de la scène électorale, il est aussi plus difficile d'y faire circuler des idées émergentes et nouvelles". Plusieurs questions se posent: Voulons-nous que le premier ministre soit élu au suffrage universel comme aux États-Unis et en France plutôt que simplement choisi par les représentants et représentantes d'un parti comme ici? Souhaitons-nous que les députés aient plus de pouvoir plutôt que celui-ci soit concentré dans les mains de quelques ministres quand ce n'est pas dans celle du premier ministre? Voulons-nous, par une formule comme la proportionnelle mixte et/ou régionale, permettre un meilleur reflet de la réalité? Voulons-nous avoir des droits d'intervention entre les élections? Sur quels sujets et selon quelles règles? Que pensons-nous au sujet de la fameuse ligne de parti et de ses contraintes? Le vote à 16 ans, prématuré, peut-être? Comment les femmes pourront-elles être mieux représentées? Nous voulons sortir de la morosité politique, faisons-en notre affaire. Lisons, réfléchissons, discutons et agissons.
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Mode de scrutin: Gare à une réforme cosmétique
Paul Cliche TL 22.2.2003
Des journaux ont publié récemment un texte de M. Réjean Pelletier, du Département de science politique de l'Université Laval, où ce dernier propose l'instauration au Québec d'un mode de scrutin mixte où 75 députés seraient élus dans des circonscriptions locales selon le mode de scrutin majoritaire actuel et 50 autres sur une base régionale en se servant du scrutin proportionnel, soit une proportion 60%/40%. Il faut noter que la proposition de M. Pelletier diffère radicalement du scrutin mixte de type allemand qu'on a évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois en ce qu'elle ne contient pas de principe compensatoire pour que le scrutin proportionnel vienne corriger les distorsions entre les votes et les sièges provenant du scrutin majoritaire. C'est donc dire que les deux modes de scrutin fonctionneraient en parallèle; leurs résultats s'ajouteraient simplement l'un à l'autre. Il s'agit là d'un système mixte à finalité majoritaire (mixed-member majoritarian) du type qui est utilisé présentement en Italie et au Japon. Par contre, les systèmes mixtes utilisés en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, au Vénézuela, en Écosse, et au Pays de Galles sont de type compensatoire ou dits à finalité proportionnelle. Au Québec, la proposition de M. Pelletier a été étudiée, sous le nom de "scrutin mixte indépendant", dans le livre vert sur la réforme du mode de scrutin publié en 1978 par le gouvernement Lévesque. Or, les simulations reproduites dans ce document, à partir des résultats des élections de 1976, démontrent que cette formule a pour effets de réduire quelque peu la prime accordée parti vainqueur par le système actuel, ainsi que de corriger en bonne partie la sous-représentation du principal parti d'opposition. Par contre, les tiers partis continuent de se voir dénier le droit à une représentation le moindrement équitable. J'ai moi-même effectué une simulation à partir des résultats des élections de 1998 en établissant une proportion de 60%/40% pour respecter la répartition 75/50 proposée par M. Pelletier. Encore là, la prime du Parti québécois aurait été quelque peu réduite, mais il aurait continué à former un gouvernement majoritaire même s'il s'est classé second dans les suffrages. Quant à l'injustice causée au Parti libéral elle aurait été presque complètement annulée en terme de sièges, l'Action démocratique aurait continué à être la grande perdante en ne voyant sa sous-représentation réduite de moins de moitié. J'en viens à la conclusion que le genre de réforme proposée par M. Pelletier n'est que cosmétique parce qu'elle n'aurait pour principal effet que de consolider la domination parlementaire assurée en bonne partie par un mécanisme électoral à laquelle la volonté populaire a malheureusement été subordonnée jusqu'ici. La réforme projetée doit, au contraire, rendre possible une représentation équitable à l'Assemblée nationale des principales composantes qui caractérisent notre société pluraliste. On n'atteindra pas cet objectif par une pseudo réforme servant de paravent à un système qui continuera à tenir la dragée haute aux partis politiques en émergence qui sont représentatifs de cette diversité comme, par exemple, l'Union des forces progressistes et le Parti vert.  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche, auteur du livre "Pour la réduction du déficit démocratique: le scrutin proportionnel

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La grande illusion
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/s/salvetjm.html" Jean-Marc Salvet  Le Soleil Le samedi 22 février 2003

Éditorial - Ne nous berçons pas d'illusions : la réforme de nos institutions démocratiques ne fera pas tomber le cynisme ambiant. La « crise de la citoyenneté » n'est pas liée à nos institutions politiques ou à notre mode de scrutin. La méfiance envers la classe politique existe aussi dans les États dotés d'un système parlementaire différent du nôtre. Elle existe également dans ceux où l'on vote à la proportionnelle. Il n'y a pas de système parfait. Le régime parlementaire de type britannique que l'on connaît au Québec comporte des avantages et des inconvénients. Les autres modèles aussi. Ne nous leurrons donc pas sur l'effet qu'aurait chez nous l'adoption d'un régime de type présidentiel. On ne voit pas en quoi le taux de participation aux présidentielles américaines peut faire rêver qui que ce soit. Ne nous méprenons pas non plus sur les vertus de l'introduction d'éléments de proportionnalité lors des scrutins. Allez demander aux Allemands ce qu'ils pensent de leurs dirigeants politiques... La crise de confiance est partout la même, quels que soient le système parlementaire et le mode de scrutin. Pourquoi ce débat aujourd'hui ? Parce que près de 1000 délégués participent en ce moment à Québec aux « États généraux sur la réforme des institutions démocratiques ». C'est l'épilogue d'un processus amorcé voici plusieurs mois. L'ancien président du mouvement Desjardins, Claude Béland, qui a piloté ce navire, prête évidemment beaucoup de vertus aux propositions de remodelage. Peut-être un peu trop. « S'il fallait qu'on ne donne pas suite à la volonté des citoyens, le mépris d'une grande partie de la population à l'endroit des institutions serait encore plus profond », a-t-il indiqué cette semaine. Même si, comme nous le croyons, Claude Béland se méprend sur les causes de ce mépris, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas toucher aux institutions. Cela signifie qu'il faut le faire pour de bonnes raisons. On s'évitera ainsi de cruelles désillusions. À nos yeux, les meilleurs arguments en faveur d'une réforme concernent tout simplement l'évolution normale des choses et l'équité entre les partis. Ces arguments sont suffisants pour faire un bon bout de chemin. Nous avons déjà écrit que plusieurs propositions emportent d'emblée notre adhésion. C'est le cas de la levée de la stricte discipline de parti, de l'idée de tenir des élections à date fixe, de l'instauration du droit d'initiative populaire (en autant qu'il soit sérieusement balisé) et de l'introduction d'une formule proportionnelle lors des élections générales. Mais d'où vient le peu d'enthousiasme devant ces questions — hors les cercles d'initiés ? Probablement du fait que bien peu de gens estiment que ce débat est une priorité. En fait, il captive les passionnés et semble laisser indifférents bon nombre de citoyens. Malgré la bonne volonté qui anime les États généraux, on peut donc craindre que tout ce remue-ménage mette du temps à dépasser le stade du remue-méninges.

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Sagesse populaire
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/descoteauxb.html" Bernard Descôteaux LE DEVOIR mardi 25 février 2003

Éditorial - D'avance, les tenants du statu quo jugeaient inutiles les états généraux sur la réforme des institutions démocratiques du week-end dernier. Ce rare exercice de démocratie participative aura néanmoins permis de dégager des voies de changement justes et modérées que les professionnels de la politique ne devraient pouvoir ignorer. Pratiquée à large échelle au niveau local où les citoyens peuvent exiger d'être consultés sur tous les grands projets de développement affectant leur communauté, la démocratie participative ne l'est qu'exceptionnellement au niveau national. Une fois les élections passées, le système politique redevient le monopole des professionnels de la politique. On ne peut qu'applaudir à la réussite de cet exercice où a pu s'exprimer la sagesse populaire. Ces états généraux, qui ont réuni près de 1000 citoyens, constituent une réponse éloquente à ceux qui prétendent que la réforme de nos institutions démocratiques n'intéresse pas le grand public. Tout au contraire, le simple citoyen est préoccupé par le «décrochage démocratique», pour reprendre le vocabulaire adéquiste, mais aux grands bouleversements il préfère d'emblée les corrections. On préfère rénover plutôt que de faire table rase. Ainsi, il est heureux que l'on ait rejeté l'idée d'instituer au Québec un régime présidentiel de type américain. Il est vrai que notre régime parlementaire accorde à l'exécutif trop de pouvoirs qui, dans les faits, sont concentrés entre les mains du premier ministre. Il suffirait, par exemple, d'alléger la discipline de parti, notamment en permettant des votes libres, pour que l'Assemblée nationale retrouve un peu de son autorité. De simples changements aux règles parlementaires en vigueur à Québec suffiraient. L'Assemblée nationale serait d'autant plus forte si elle était davantage représentative. On dira qu'elle ne l'a jamais été, mais il existe aujourd'hui un souci de représentativité beaucoup plus grand que par le passé. Il est inacceptable que les femmes y soient aussi peu représentées, tout comme les communautés culturelles. L'évolution démographique du Québec fait en sorte que l'on s'éloigne de plus en plus de l'idéal du poids égal de chaque vote. Notre mode de scrutin est ici clairement en cause. Que faire ? Les états généraux ont renvoyé dos à dos partisans du statu quo et adeptes d'un système de représentation proportionnelle pure, optant pour l'introduction d'un élément de proportionnalité permettant de corriger les défauts du scrutin uninominal à un tour. Un tel changement comporte des risques qui sont toutefois moindres que ceux que l'on court en laissant les distorsions engendrées par le présent mode de scrutin se perpétuer et s'accroître. Le risque d'instabilité gouvernementale, par exemple, n'est guère plus grand dans la formule proposée que dans le système actuel qui, au lendemain du prochain scrutin, pourrait bien nous donner un gouvernement minoritaire. Quant à ceux qui craignent que la présence d'un élément de proportionnelle n'entraîne une fragmentation du vote défavorable aux francophones, il faut leur rappeler que ceux-ci continueront de constituer plus de 80 % de la population québécoise. Par contre, un système électoral plus équitable revaloriserait la voix des électeurs et permettrait l'expression d'une pluralité de points de vue. Les positions adoptées au cours de la fin de semaine ressemblent plus à des orientations qu'à des propositions. Il appartiendra maintenant aux membres de la commission des états généraux de leur donner corps dans le rapport qu'ils s'apprêtent à rédiger. À eux de qualifier le degré de proportionnalité que l'on veut introduire dans le mode de scrutin et de soumettre ce qui leur semble la meilleure formule. Il faut que le débat puisse se poursuivre autour de propositions concrètes. Sinon, les partis politiques qui auront à prendre le relais pourraient être tentés de prolonger indéfiniment les discussions, ce qui ne serait rien d'autre qu'une façon d'ignorer la voix populaire qui s'est exprimée ce dernier week-end. Il faudra au cours de la campagne que chacun d'entre eux annonce clairement ses couleurs. bdescoteaux@ledevoir.ca

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Aristotle meets Alex Trebek
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/m/macphersond.html" DON MACPHERSON  The Gazette Tuesday, February 25, 2003

What do you get when you cross democracy with a game show? Something that resembles the final session of Quebec's latest estates-general, on overhauling the political system. The 825 invited participants who showed up at the Quebec City convention centre on Sunday in spite of the storm (out of the 1,000 expected) were to answer 10 questions about proposed changes. They were to enter their answers on computer keypads. When it was time for them to answer each question, a 20-second digital clock on the large projection screens around the room would start to count down, and Double-Jeopardy-type "thinking music" would begin to play: Aristotle meets Alex Trebek. Almost immediately after the clock reached zero and the music stopped, the computer would post the results on the screen. In democracy, the right answer is whatever the most people say it is. In a game show, it's the one the judges want to hear. And the organizers of the estates-general dropped some helpful hints as to the right answers, either in the background material distributed to the hand-picked participants or in the wording of the questions. For example, the question on introducing the electoral system known as proportional representation offered three choices: the status quo, pure PR or the current system with elements of PR to "reduce distortions." Sixty-six per cent of those who keyed in their votes before the music stopped agreed that distortions are not good,and chose the option that would reduce them. But sometimes, since they thought they were participating in a democratic exercise and not a game show, the participants ignored the suggestions and chose the wrong answers. They strongly rejected proposals to give sparsely populated regions more power, even though many of them were from those regions. And in a surprising setback for Jean-Pierre Charbonneau, the Parti Québécois minister responsible for the estates-general and a big fan of the United States presidential system, they voted narrowly (53 per cent) in favour of keeping the British parliamentary tradition. But since they were for the most part ordinary citizens who had only recently begun considering such questions and not political scientists, they occasionally contradicted themselves. After rejecting the presidential system, they voted 82 per cent in favour of a fixed election date, which is incompatible with the parliamentary system since a government can fall at any time on a confidence vote. No matter, for the answers they gave weren't the final ones anyway. They're not binding on the estates-general committee, much less the government. And their opinions are only one element, along with the conclusions of earlier regional meetings, briefs and expert opinions, that the committee will consider before it hands in its report early next month. So the committee, which is headed by retired businessman Claude Béland and includes such political veterans as Monique Vézina, a former Conservative minister turned sovereignist activist, and Jean Allaire, founding leader of the Action Démocratique du Québec, has plenty of room in which to "interpret" the vote results. Some of the committee members were already playing spin doctor at their wrap-up news conference, talking about how the voters had been easily influenced and confused by new arguments and how they had reversed positions they had taken at regional meetings. So when the participants left to return home on the buses and planes chartered for them by the organizers, they left without having had the final say in revamping the political system. On the other hand, they did get a crash course in political science. Those from outside the Quebec City region also got an expenses-paid weekend in the provincial capital; it turned out that any of the 2,000 people who turned out for the regional meetings had a 50-50 chance of being selected for the final session. And everybody took home souvenir parting gifts: a shoulder bag, a ballpoint pen and a lapel pin, each bearing the logo of the estates-general. They had to leave the keypads, however. dmacpher@thegazette.canwest.com

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Keep Vote Reform Simple
The Gazette Sunday, March 02, 2003

Éditorial - After months of stage-managing, Quebec's electoral-reform crusader did finally get a little of what he wanted out of a hand-picked crew of "representative" Quebecers last weekend. As a result, we're now in greater danger than before of being saddled with some form of proportional representation. Pulling the strings at this estates-general on the reform of democratic institutions was Jean-Pierre Charbonneau, a cabinet minister whose only job seems to be agitating for change. He and estates-general director Claude Béland, a retired businessman, have now retreated to their offices to assess the results of last week's exercise, before making recommendations. There were supposed to be 1,000 "delegates" to the event, most of them drawn from those who had chosen to attend previous regional meetings. We may presume, then, that these were largely people with pet schemes to promote or partisan agendas to push. Of these, only about 775 actually stayed around to vote. And even they surprised Charbonneau by giving the back of their hand, by a slim majority, to his cherished scheme to set up a presidential system in Quebec. Other proposals met varying fates with the group - participants liked the idea of fixed terms in office, although nobody suggested what might happen in a minority Assembly if a government lost a confidence vote. They liked measures to get more women into politics. And they liked some kind of proportional representation. We don't. True, there is something fundamentally unfair about a system in which the Liberal Party can get more votes than any other but far fewer seats in the National Assembly than the Parti Québecois - which is exactly what happened in our last election. But consider this: In a proportional-representation system, there might be no Action démocratique du Québec today. Such systems make it very hard for an independent to get elected, and that's how Mario Dumont started. We're wary, in general, of talk about "reforming" our electoral system, federal or provincial. When it comes to campaign spending, or advertising, or qualifying for official party status, or any of the system's other major aspects, the net effect of too many reform proposals is to strengthen the stranglehold on power of existing major parties. As with pay raises for MNAs or MPs, those who can enact such proposals are the ones who stand to benefit; it's the clearest conflict-of-interest scenario you can imagine. Proportional representation is just the opposite: It doesn't serve the interests of the big parties but in fact is a hothouse for the forced growth of a proliferation of special-interest parties. This can lead to agonizing minority-government coalitions and paralysis. We have a better idea: Premier Bernard Landry and Charbonneau and anyone else who really wants to reform elections should put aside their various schemes and pay attention to two easily fixed problems: First: vote-counting should not be in the hands of party hacks. Charbonneau, for all his preaching about democracy, has shown little concern about the persistence of the practices that led to the scandalous disallowance of thousands of No votes in the 1995 referendum. Second, and going to the very core of democratic legitimacy: Ridings need to have equal populations. The huge variations allowed under current law mean rural people speak more loudly in the National Assembly than urban voters. Fixing this absurd and dishonest denial of democracy would go a long way toward making sure that the party that wins the popular vote wins the election. Quebec's regions vary widely. Each has distinct interests and unique problems. Each needs its own voices in the National Assembly. That's why we need individual ridings to elect regional champions. But the current over-weighting of rural votes works systematically against the cities, which are the mainsprings of Quebec's economy and society. All of Charbonneau's brave talk about improving democracy is just fraudulent carnival patter until the day he provides us with uniform riding populations. One person, one vote out-ranks all his cunning proposals. One person, one vote is too important to be obscured, ignored or denied.

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Proportionnelle: attention!
Le scrutin proportionnel ferait éclater de façon permanente l'électorat francophone entre plusieurs partis  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dufourc.html" CHRISTIAN DUFOUR  L'auteur est politologue a l'École nationale d'administration publique du Québec. La PRESSE 4.3.2003

UN GROS MERCI aux citoyens qui ont participé aux récents États généraux sur la réforme des institutions démocratiques : le pire a été évité. Tout indique que l'événement a définitivement enterré le présidentialisme à l'américaine au Québec. Si ce type de gouvernement n'a pas été capable de s'imposer dans un forum aussi manifestement biaisé en sa faveur, ses chances de l'emporter ailleurs sont nulles. Espérons par ailleurs que, dans la campagne électorale qui s'annonce, les trois chefs de parti résisteront à l'invitation qui leur sera faite de se castrer eux-mêmes, en renonçant au plus grand pouvoir de notre premier ministre, celui de décider de la date des élections. Pour le reste, la discussion portera avant tout dans l'avenir sur la réforme du mode de scrutin. À ce sujet, les programmes des trois partis ont incorporé des propositions de nature proportionnelle qu'on nous présente comme modérées sinon mineures, nécessaires pour corriger le caractère supposément non démocratique du mode de scrutin actuel.
Diminution de rôle
Force est donc de constater qu'après la déroute constitutionnelle de 1982, les éléments sont réunis pour un nouvel affaiblissement du pouvoir politique québécois. Car on est clairement en face de changements structurants majeurs, des modifications de nature constitutionnelle qui diminueront le contrôle de la majorité francophone sur le gouvernement québécois - le seul qu'elle contrôle -, de même que la force intrinsèque de ce dernier. Il est troublant qu'on en soit arrivé à un soi-disant consensus là-dessus sans avoir réellement évalué l'impact des changements proposés sur ces deux éléments, sans avoir même démontré que cela augmenterait réellement le pouvoir des citoyens. Pourtant, le fardeau de la preuve dans cette affaire appartient à ceux qui veulent modifier substantiellement nos institutions, dans un contexte où on ne peut parler de crise électorale, comme le rappelait en novembre 2002 un document du Parti libéral du Quebec. Le scrutin majoritaire à un tour qui est le nôtre depuis plus de 200 ans présente de grands avantages. Pour le citoyen, il est facile à comprendre; il est également « groundé », basé sur un lien direct - presque charnel - avec celui ou celle qui est choisi pour représenter la population d'un territoire donné (centres communautaires et AFEAS compris...). Dans un monde croulant sous les technocraties et les bureaucraties, on doit choisir non pas un parti, un programme ou une idéologie, mais bien des hommes et des femmes: imparfaits, pleins de bonne volonté, ineptes ou efficaces. Comme nous. Sans empêcher l'émergence de nouveaux partis et de nouveaux débats comme l'ADQ le démontre ces temps-ci, le système actuel pousse à la constitution de quelques grands partis peu homogènes idéologiquement. A l'intérieur de ces derniers, il incite aux compromis pragmatiques et aux coalitions, en retour d'une chance réelle de former un gouvernement disposant du pouvoir d'agir - au pire un gouvernement minoritaire. Fait crucial pour quiconque s'intéresse au caractère intrinsèquement majoritaire de l'identité québécoise moderne, une des caractéristiques principales du système est d'octroyer à la majorité une prime dont a toujours bénéficié la majorité francophone, de même les régions québécoises. Le PQ a pu efficacement gouverner pendant quatre mandats en s'appuyant essentiellement sur cette majorité, les non francophones ne disposant pas d'un droit de veto sur la constitution d'un gouvernement dont l'essence même est d'être le seul en Amérique à être contrôlé par une majorité francophone. Sans s'en rendre compte, on est en train de renoncer à ce pouvoir qui compense le fait que le Canada a constitutionnellement tendance, depuis 1982, à traiter cette majorité comme une minorité. Le ministre Jean-Pierre Charbonneau avouait candidement dans Le Devoir du 17 décembre : « Il faudra dorénavant tenir compte du nouvel échiquier qui voit présentement trois partis se disputer l'électorat francophone. Avec cette nouvelle donne, on peut raisonnablement se demander si le maintien du mode de scrutin actuel, qui favorise plutôt le bipartisme, est la voie à privilégier. » De fait, le scrutin proportionnel fera éclater de façon permanente l'électorat francophone entre plusieurs partis, renversant la situation actuelle et octroyant aux non francophones un pouvoir plus grand que ne le justifie leur pourcentage de la population.
Scandale inexistant
Certains se scandalisent que, trois fois en 113 ans, notre système ait permis à un parti ayant obtenu moins de voix que son rival de former un gouvernement majoritaire. Pourtant, dans la mesure où elles restent exceptionnelles, ces aberrations qui existent dans tous les systèmes politiques ne constituent pas un problème : des institutions doivent être jugées sur le long terme selon des critères de fonctionnalité. George W. Bush a été élu avec moins de voix qu'Al Gore sans qu'aucune demande de modification du système électoral américain n'ait été formulée. Pourtant, il s'agissait de quelque chose de passablement plus grave, l'essence même du pouvoir du président américain lui venant du suffrage universel. Au surplus, le fait que le PLQ n'ait pu former le gouvernement en 1995 avec une pluralité des voix, rendait compte de la mauvaise intégration politique des non francophones. Ce sont ces résultats qui obligent maintenant le PLQ à faire des efforts en direction de la majorité francophone, ce dont il pourrait se dispenser si un électorat massivement concentré dans un nombre limité de circonscriptions lui avait permis de prendre le pouvoir. Le scrutin proportionnel favorisera le multipartisme, l'émergence de partis plus petits et plus homogènes idéologiquement. Après l'élection, ils négocieront leur appui à des gouvernements de coalition ne correspondant pas nécessairement aux voeux des électeurs, des gouvernements fragiles parce que dépendants de l'appui de formations objectivement marginales mais idéologiquement motivées. Une conséquence perverse sera l'apparition d'une classe politique professionnelle dont les membres ne seront pas là parce qu'ils représentent un territoire spécifique, mais parce qu'ils se rattachent à des partis plus sacralisés que dans le système actuel.
Prisonniers des dogmes
Loin d'être davantage redevables à des citoyens qui ne les auront pas élus personnellement, ces députés sans enracinement territorial seront plus prisonniers des partis, des dogmes et des idéologies. A-t-on oublié l'abaissement politique de la France sous la IIIe et la IVe Républiques, cette « dictature des partis » dont l'élimination fut l'une des choses dont de Gaulle était le plus fier ? Certains trouveront ces craintes exagérées face à une réforme modérée, limitée à l'introduction de certains éléments de proportionnalité pour corriger les abus les plus flagrants du système actuel. On nous dit qu'appliquée aux dernières élections, la réforme n'aurait pas empêché le Parti québécois de prendre le pouvoir, «juste donné suffisamment de sièges à l'ADQ pour permettre la formation d'un gouvernement minoritaire ». Belle réforme mineure qui laisse dans l'opposition le parti qui a obtenu le plus de voix, en mettant le gouvernement à la merci d'une formation nettement marginale en 1998 ! L'heure juste est donnée par les documents des différents partis : ils montrent clairement que c'est un changement majeur qui est envisagé. Le programme de l'ADQ parle de 50 députés sur 125 élus selon uni mode proportionnel : 40%, c'est énorme Au PLQ, la fourchette se situe entre 30% et 50%. Quant au ministre Charbonneau, il voulait abandonner le système de gouvernement qui est le nôtre pour lui substituer carrément le modèle américain. Le scrutin proportionnel enlèvera du pouvoir à la majorité francophone sur le gouvernement québécois alors qu'elle vient de perdre le combat structurant dans un Canada qui la considère de plus en plus comme un groupe ethnique. Et alors que monte une nouvelle loi de la jungle, quand les États constituent en dépit de leurs iniperfections un irremplacable facteur d'ordre et de progrès, il est pour le moins malavisé de vouloir affaiblir le gouvernement québécois pour satisfaire de complaisantes considérations de rectitude politique.

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Nouvel épisode dans la saga de la réforme du mode de scrutin
Le déclenchement hâtif des élections expédiera aux oubliettes les travaux inachevés de la commission parlementaire  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche  TRIBUNE LIBRE 4.3.2003

Lors de la séance de clôture des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, le 23 février dernier, les tenants de la représentation proportionnelle ont remporté une victoire éclatante en obtenant l'appui de 90% des 778 citoyens qui ont participé au vote pris sur cette question ne laissant que 10% aux partisans du statu quo, le scrutin majoritaire à un tour. Des 10 questions soumises lors de ces assises, ce fut l'option qui a reçu l'appui le plus massif. On espère que ce résultat, qui confirme l'appui que le scrutin proportionnel avait obtenu dans une proportion de 72% lors d'un sondage effectué au printemps 2002 dans l'ensemble du Québec, convaincra le prochain gouvernement et l'ensemble des députés de placer cette réforme en tête de liste de leurs priorités et de se mettre à pied d'oeuvre dès le début de la prochaine législature afin de ne pas manquer de temps pour la compléter avant la fin de leur mandat comme c'est malheureusement le cas pour celle qui se termine. Il faut en effet que les prochaines élections soient les dernières au Québec où la volonté populaire soit faussée de façon aberrante par le mécanisme électoral que constitue le scrutin majoritaire, comme c'est arrivé 75% des fois lors des 17 élections qui ont eu lieu depuis 1936. Mais revenons au présent. Les observateurs sont unanimes à prévoir le déclenchement des élections le 12 mars en vue d'un scrutin qui sera tenu le 14 avril. Ce geste, qui va automatiquement signifier la dissolution de l'Assemblée nationale, aura aussi pour effet d'expédier aux oubliettes les travaux inachevés de la Commission des institutions qui, suite à une pétition présentée par le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), avait pris l'initiative de se donner, le 19 décembre 2001, le mandat d'étudier la réforme du mode de scrutin. Depuis près de 15 mois, en effet, ces travaux, entrecoupés de multiples remises inexpliquées, ont progressé à un rythme tellement lent que, non seulement la commission ne mènera-t-elle pas son mandat à terme, mais qu'elle n'entendra même pas les nombreux citoyens et organismes qui lui ont présenté des mémoires, l'automne dernier. Le manque de transparence qui a entouré ce processus n'est pas non plus de nature à redonner confiance aux citoyens dans le fonctionnement de nos institutions démocratiques. Fait paradoxal et contradictoire; ces manœuvres dilatoires survenaient en coulisses au moment même où le gouvernement décidait, par l'entremise de ce qu'il a appelé pompeusement des États généraux, de consulter la population québécoise sur l'avenir de ces mêmes institutions "pour la première fois en 400 ans d'histoire", se targuait-il. Espérons que le sort qu'attend les résultats de cette dernière consultation ne soit pas semblable à celui réservé à ce qui devait être une consultation sur la réforme du mode de scrutin. Mais laissons parler les faits.
Un mandat essentiel pour faire progresser le dossier
Le mandat d'initiative que s'était donné la Commission des institutions, en décembre 2001, était pourtant essentiel à l'avancement du dossier. Il ne prévoyait pas seulement l'évaluation du mode de scrutin actuellement en vigueur, mais aussi l'étude des différentes avenues de réforme et la mesure de leurs impacts. C'était donc beaucoup plus que la simple approbation de principe donnée par les États généraux aussi massif a-t-elle été. Un peu comme l'a fait le comité directeur des États généraux présidé par Claude Béland, la commission se proposait également de se rendre dans une dizaine de villes pour écouter les citoyens et les groupes ayant préalablement présenté des mémoires. Les travaux de la commission, composée de députés appartenant aux trois partis représentés au Parlement, s'étaient d'abord présentés sous d'excellents augures. Le premier ministre Landry avait apparemment donné sa bénédiction à cette façon de procéder même s'il s'agissait d'une initiative venant de simples députés. Signe d'affranchissement de la part de ces derniers elle dérogeait à l'usage voulant que le leader du gouvernement, en l'occurrence le ministre André Boisclair, soit le seul à confier des mandats prioritaires aux commissions parlementaires. Un premier échéancier prévoyait que les travaux de la commission débuteraient dès le retour des vacances des Fêtes en janvier 2002; ce qui laissait présager le dépôt des mémoires et la tenue des audiences publiques le printemps suivant. Si cet échéancier avait été respecté la commission aurait pu remettre son rapport à l'Assemblée nationale l'automne dernier. Mais dès janvier, le président de la commission, le député péquiste Roger Bertrand, était pressenti puis nommé ministre; ce qui a eu pour effet de la paralyser pendant de nombreuses semaines. Ce dernier n'a été remplacé qu'à la reprise de la session en mars. Entre-temps, le nouveau ministre de la Réforme des institutions démocratiques, Jean-Pierre Charbonneau, rendait publique une nouvelle stratégie gouvernementale: la tenue, au début de 2003, d'États généraux qui risquaient de lier l'instauration d'un scrutin proportionnel à l'avènement d'une série d'autres réformes majeures qui n'avaient encore jamais fait l'objet de débats publics au Québec, telle l'adoption d'un régime de type présidentiel pour remplacer le système parlementaire actuel. On sait maintenant que les citoyens qui ont participé aux États généraux ont majoritairement refusé cette proposition parce que la jugeant prématurée. Mais, il y a un an, cette stratégie risquait de noyer le poisson au moment même où un sondage indiquait que 72% de la population étaient en faveur du scrutin proportionnel. Maintenu au pouvoir grâce aux distorsions causées par le scrutin majoritaire, le gouvernement péquiste voulait-il encore une fois renvoyer aux calendes grecques l'engagement que son parti avait pris, il y a 30 ans au moment où ce dernier l'avait défavorisé gravement en 1970 et 1973, d'introduire des éléments de proportionnalité dans le système électoral ? Cette hypothèse semble loin d'être farfelue lorsqu'on se rappelle comment le leader parlementaire Boisclair, un adversaire déclaré du scrutin proportionnel, a surchargé la Commission des institutions de mandats dits prioritaires au cours du printemps 2002 ne lui laissant pas la possibilité d'entreprendre son mandat sur la réforme du mode de scrutin.
Un second échéancier n'est pas plus respecté
Ce n'est qu'après l'ajournement de la session pour l'été que cette dernière a finalement donné signe de vie au MDN qui attendait de ses nouvelles depuis six mois. Selon son nouvel échéancier, elle devait publier son avis de consultation à la mi-août, tenir ses audiences publiques à l'automne et déposer son rapport à l'Assemblée nationale au début de 2003 avant le déclenchement des élections qui ne devaient pas avoir lieu avant le printemps, selon les dires mêmes du premier ministre. Mais encore une fois, cet échéancier n'a pas été respecté. Même si les documents de consultation préparés par les recherchistes de la commission étaient de fort bonne qualité, l'avis, lui, n'a été publié que le 28 octobre, soit 10 semaines plus tard que prévu. Et les citoyens, ainsi que les groupes, ne se sont vus allouer qu'un délai de 24 jours pour présenter leurs mémoires. Malgré tout, la commission en a reçu plus 250 sans compter les nombreuses expressions d'opinions, pétitions, etc. Mais un voile opaque s'est de nouveau abattu sur les travaux de commission après l'unique séance qu'elle a tenue, le 14 novembre dernier, alors qu'elle a entendu des politicologues experts en mode de scrutin. Pourtant, lors de cette séance, le président de l'organisme parlementaire, le député péquiste Claude Lachance, a déclaré qu'il "ne faudrait pas que, cette fois-ci, étant donné qu'il y a un consensus parmi les partis représentés à l'Assemblée nationale, ça se termine de la même façon que les années antérieures". Il faisait sans doute allusion au rapport de la Commission de la représentation électorale qui, après avoir consulté la population en 1983, selon le mandat que lui avait confié l'Assemblée nationale, avait recommandé l'instauration d'un scrutin où tous les députés seraient élus au scrutin proportionnel. Fidèle à ses idéal démocratique, le premier ministre Lévesque avait préparé un projet de loi pour mettre cette recommandation en application; mais le caucus péquiste l'avait bloqué avant qu'il ne soit présenté au Parlement. "La souveraineté d'abord; la démocratie ensuite", était-ce écrit crûment dans le compte-rendu de la réunion du caucus. Un témoin a affirmé que le fondateur du PQ avait bondi en prenant connaissance de cette malencontreuse mais si significative mention. Lors de cette séance du 14 novembre dernier, on avait aussi entendu un son de cloche rassurant de la part du principal représentant libéral sur la commission, l'ex-ministre Jacques Chagnon: "C'est un sujet extrêmement important pour faire en sorte que notre démocratie soit, non seulement plus représentative, mais plus près de la volonté de chacun des citoyens du Québec (…) Je pense qu'il y a lieu de continuer à travailler comme nous le faisons et d'inviter les gens à venir nous rencontrer le plus possible".
"Tu penses que je m'en aperçois pas"
Selon l'annonce faite par la Commission le 28 octobre, les audiences publiques devaient débuter le 29 novembre. Il y avait encore espoir à ce moment-là qu'un rapport puisse être présenté à l'Assemblée nationale avant les élections si ces dernières n'avaient lieu qu'à la fin du printemps. Puis on a su, en allant péniblement à la chasse aux informations, que les audiences avaient été reportées à la mi-janvier puis à la mi-février puis enfin la mi-mars afin "de ne pas porter ombrage aux États généraux" qui ont eu lieu du 21 au 23 février. Ces audiences doivent finalement avoir lieu entre le 14 et le 21 mars prochains. Mais c'est un secret de polichinelle depuis un bon moment, en fait depuis que les sondages, ont ramené le PQ en tête, que les députés risquent fort d'être en campagne électorale à ce moment-là. Devra-t-on recommencer tout le processus à zéro sous le prochain gouvernement ? Cette perspective est décourageante quand on pense toute l'énergie qu'ont dû dépenser pendant des mois plusieurs dizaines de citoyens pour rendre possible la consultation avortée. C'est ainsi qu'on tue la démocratie à petit feu. Depuis plusieurs semaines, les travaux de la Commission des institutions portent exclusivement sur l'entente de principe signée entre le gouvernement et les Innus, un sujet que le ministre Boisclair considère sans doute comme beaucoup plus prioritaire que la réforme du mode de scrutin qui recueille pourtant l'appui d'une forte proportion de la population. En résumant ce nouvel épisode de la réforme du mode de scrutin, les paroles d'une chanson de Gilles Vigneault me reviennent à l'esprit et j'ai envie de les dédier à certains de nos dirigeants politiques. C'est celle d'une lettre écrite à son premier ministre par un personne que notre barde national a affublé du nom de Tit-Cul Lachance au cours des années soixante-dix. "Tu penses que je m'en aperçois pas", lançait Tit-Cul au politicien comme refrain en lui rappelant toutes les "entourloupettes" auquel ce dernier s'était livré au détriment du peuple québécois. La chanson se terminait ainsi: "Je ne peux pas croire que tu sois si bas. Je ne peux pas croire que tu sois si rat. Faudrait que tu sois si bête. À semer du vent de c'te force-la Tu te prépares une joyeuse tempête. Peut-être bien que tu t'en aperçois pas" Paul Cliche, auteur du livre "Pour réduire le déficit démocratique: le scrutin proportionnel"

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Réforme suicidaire?
La proportionnelle constituerait un progrès pour la démocratie québécoise  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/g/guayjh.html" Jean-Herman Guay  L'auteur est professeur titulaire de science politique à l'université de Sherbrooke LA PRESSE jeudi 6 mars 2003

LORS DES récents états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, les participants ont rejeté le système majoritaire dans une proportion de 90%. Le plus grand nombre estime qu'il faut combiner des éléments du système proportionnel (50 sièges) au système qui est le nôtre. Cette position mixte est celle de bien des spécialistes. L'objectif est clair: avoir une Assemblée nationale plus représentative. Des voix s'élèvent cependant pour alerter la classe politique et le grand public. Danger ! crie-t-on devant cette possibilité de réforme. Instabilité, fragilité, vulnérabilité: voilà des teintes associés à la gouvernance politique découlant d'un régirne proportionnel ou mixte. La mondialisation serait si dangereuse que le statu quo serait éminemment préférable. Plusieurs de ces arguments ne résistent pas a une analyse systématique. Premièrement, beaucoup de pays ou régions, pas moins exposés à la mondialisation que le Québec, ont adopté au cours des dernières décennies des modes de scrutin mixtes ou proportionnels. Ainsi en est-il de l'Écosse. Mais il convient surtout d'examiner la carte des systèmes électoraux adoptés en Amérique latine et en Europe de l'Est pour s'en convaincre. Se sont-ils tous "affaiblis" devant les puissances régionales ou mondiales? Voyons donc! Deuxièmement, les gouvernements assis sur un régime mixte ne sont significativement pas moins stables que ceux fondés sur le bon vieux système majoritaire. Par ailleurs, ils ne sont pas plus incohérents dans la gestion des deniers publics: les déficits budgétaires n'y ont pas été pires qu'ailleurs. Les études l'attestent. Troisièmement, le danger de créer deux classes de députés, ne résiste guère à l'analyse. Les Allemands, les Finlandais ou les Italians ont développé des mécanismes empêchant cet effet pervers que l'on retrouve parfois avec l'adoption de la proportionnelle intégrale. En adoptant un régime mixte, le Québec pourrait largement profiter de toutes ces expertises.
Une réforme suicidaire ?
Mais l'argument qui frappe le plus est celui-ci : les francophones tirent profit du système actuel. Avec notre système, l'électorat anglophone et allophone "perd" des votes dans les circonscriptions de l'Ouest et du centre de Montréal. En 1944, 1966 et 1998, les partis nationalistes (Union nationale et Parti québécois) ont ainsi gagné avec moins de votes que le Parti libéral. Les francophones auraient donc tort d'établir un système plus proportionnel ; "suicidaire" serait cette réforme. Notre réponse est simple : primo, il est éthiquement dangereux de maintenir un système électoral lorsqu'on estime qu'il est à l'avantage d'une communauté linguistique. La démocratie constitue un principe trop grand pour qu'on le soumette à des impératifs partisans ou ethniques. Cette évaluation n'est pas un argument pour le statu quo mais pour une réforme en profondeur. Secundo ce diagnostic est-il juste? À notre avis, cette évaluation est fausse dans la mesure où elle ne tient compte que de la moitié de la réalité. Les électeurs anglophones sont certes "perdants" mais leurs représentants, une fois élus, ont les coudées franches pour influencer leur parti. Dans sa thèse de doctorat, Pierre Serré explique que le personnel politique issu de ces circonscriptions jouit d'une longévité politique exceptionnelle, d'une influence singulière et de possibilités de rayonnement que les députés libéraux issus des circonscriptions francophones n'ont aucunement. Tellement sûrs de leur victoire, ils ont plus de temps et plus de ressources pour oeuvrer à l'échelle de tout le parti. À la limite, si l'électorat non-francophone est perdant avec notre mode de scrutin, son personnel politique est quant à lui gagnant. Sur une longue période, notre mode de scrutin n'avantage, ni ne désavantage, une communauté linguistique. II donne par contre une prime au gagnant, un excès de sièges. II étouffe les petits partis. Comment se fait-il donc que l'Assemblée nationale ne compte ni parti vert, ni parti de gauche, comme dans d'autres grandes démocraties? Le mode de scrutin bloque ou retarde l'émergence des nouveaux courants d'opinion.
Toujours en retard
Tout le débat se produit dans la société civile et dans les médias. La classe politique semble continuellement en retard. Toujours à la remorque, elle est la dernière qu'on écoute. Les débats ont lieu, mais dans les caucus, derrière les portes closes. Les partis ont intérêt à trouver leurs adversaires en chambre: le débat est plus clair et plus transparent. Il est plus facile de combatte des idées affichées que de traquer des idées absentes des tribunes. La force d'un gouvernement ne réside pas tellement dans le nombre de sièges mais dans son arrimage avec l'opinion publique. Robert Bourassa, avec plus de 100 sièges en 1973, a-t-il été particulièrement fort? Évidemment non; ce fut un des gouvernements les plus faibles de notre histoire. Les souverainistes qui craignent une telle réforme devraient regarder à long terme. À notre époque, un projet politique, quel qu'il soit, est mieux défendu lorsqu'il repose sur la pluralité de porte-parole. Le score du OUI en 1995 n'est pas étranger au fait que trois partis incarnaient alors cette position politique : le PQ, le BQ et l'ADQ. La situation du Québec dans le Canada ne justifie aucunement un retard démocratique. Le gouvernement québécois sera d'autant plus fort qu'il reposera sur un corprs législatif qui incarne adéquatement le grands courants d'opinion. Et si ceux-ci (sont) moins compacts et moins homogènes qu'autrefois, nous devrions nous en réjouir. Le nationalisme moderne n'en est pas un de repli, mais d'avancement; il ne repose pas sur la défensive mais sur la créativité. Enfin, il y a ceux et celles qui avancent que notre système majoritaire est plus près des gens, plus simple. C'est l'argument du statu quo. Changer implique une adaptation. En sommes-nous moins capables que les Néo-zélandais ? Et puis quiconque peut lire les affiches de stationnement à Montréal est tout à fait capable de comprendre un mode de scrutin mieux adapté à la complexité et à la diversité de notre société.

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Des états généraux productifs
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-constitution/index-qc.html" Marc Brière Président du Mouvement pour une nouvelle constitution québécoise  LE DEVOIR jeudi 6 mars 2003

Lettres: Nous étions plusieurs, du Mouvement pour une nouvelle constitution québécoise (MONOCOQ), à participer aux états généraux sur la réforme de nos institutions politiques. Ces grandes assises citoyennes ont été un franc succès. À 82 %, les participants se sont prononcés en faveur de l'adoption d'une constitution (loi fondamentale) québécoise. En plus de rassembler les diverses dispositions constitutionnelles actuellement éparpillées dans diverses lois, cette constitution incorporerait les propositions de réforme adoptées par les états généraux, notamment l'adoption d'un mode de scrutin partiellement proportionnel (mixte). Celui-ci pourrait permettre l'élection du premier ministre et du chef de l'opposition au suffrage universel si les chefs de partis reconnus étaient placés en tête de chaque liste soumise au vote proportionnel. Ces listes devraient comprendre autant de femmes que d'hommes et pourraient faciliter la représentation des communautés autochtones et ethnoculturelles à l'Assemblée nationale. Tout en conservant notre régime parlementaire avec suffisamment de stabilité gouvernementale, l'élément proportionnel ajouté compenserait en partie les distorsions résultant d'élections à la pluralité dans les comtés. Un tel système dégagerait les chefs de parti de l'obligation de se faire élire dans un comté, de même qu'un certain nombre de députés ministrables, féminins ou membres de minorités ethniques. En maintenant la responsabilité ministérielle tout en permettant la nomination de ministres non élus dans des circonscriptions électorales, on maintiendrait le régime parlementaire auquel nous sommes habitués, qui évite les inconvénients d'une cohabitation difficile entre le chef de gouvernement et le parlement dans les régimes présidentiels. Au surplus, en conservant la tenue d'un seul tour de scrutin, on évite tous les marchandages possibles entre les partis et les candidats entre les deux tours. L'objectif premier de tout ce branle-bas est de rendre le pouvoir aux citoyens du Québec. Notre nouvelle constitution devra donc établir juridiquement et politiquement la citoyenneté québécoise et la souveraineté populaire, source de toute démocratie. La balle est maintenant dans le camp de nos partis politiques et de leurs candidats. Quel que soit le prochain gouvernement, il devra donner suite à ces états généraux. Pour notre part, nous, du MONOCOQ, y veillerons.

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Le rapport Béland opte pour la proportionnelle
GILLES NORMAND LA PRESSE 7 mars 2003

QUÉBEC - En plus des élections à date fixe, le rapport Béland sur la réforme des institutions démocratiques recommande au prochain gouvernement d'abandonner le régime politique majoritaire actuel pour le remplacer par un système de représentation proportionnelle. Le rapport, qui sera rendu public lundi, propose un choix entre deux modèles, a appris La Presse : un système mixte, avec 75 députés élus selon le mode actuel et 50 autres selon le mode de représentation proportionnelle; un régime à représentation régionale, soit des députés élus sur la base des régions. Lors des audiences de consultations publiques tenues aux quatre coins du Québec, une très forte majorité de citoyens se sont dits favorables au système proportionnel. Au moment des états généraux proprement dits, tenus à Québec les 21, 22 et 23 février, 90% des délégués ont voté pour une forme de représentation proportionnelle. C'est-à-dire que 66 % se sont prononcés pour un système majoritaire actuel avec diminution des distorsions par l'introduction d'éléments de proportionnalité, tandis que 24% préféraient la pleine représentation proportionnelle. Le système de représentation proportionnelle constitue la recommandation numéro 1 du rapport Béland, a-t-on appris de source sûre. Le Comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, présidé par l'ex-président du Mouvement Desjardins, a parcouru plus de 250 mémoires et pris connaissance d'avis plus spécialisés de politologues et de constitutionnalistes qui ont examiné la question et qui auront encore à le faire. Aux états généraux, seulement 39 % des délégués étaient favorables à la représentation régionale, tandis que 61 % étaient contre. II ne semble pas que le Comité directeur propose une deuxième chambre législative ou chambre des régions. Lors des consultations, plusieurs citoyens ont suggéré plutôt l'élection des députés sur la base de circonscriptions régionales, c'est-à-dire non plus l'élection d'un député par circonscription électorale, mais, pour une région donnée, le même nombre de députés qu'il existe aujourd'hui de circonscriptions. Ainsi, à titre d'exemple, la région de la Gaspésie et des Îles serait globalement représentée par quatre députés. Comme ils l'ont exprimé devant les participants aux états généraux, les membres du Comité directeur estiment que la réforme qu'ils proposent ne pourra être laissée pour compte par le prochain gouvernement. Ils prévoient même un comité du suivi dont ils recommandent la formation pour veiller à ce que le fruit de cette réflexion collective soit pris au sérieux et mené à terme. D'autant plus que les trois partis politiques représentés à l'Assemblée nationale se sont déjà prononcés en faveur d'une telle réforme des institutions. Et si on se fie au cahier des résolutions qui seront présentées en fin de semaine, au congrès d'orientation du Parti québécois, à Montréal, le mode électoral proportionnel y sera débattu.
Élections à date fixe
Quant aux élections à date fixe, que recommandera aussi le comité Béland, comme nous l'annoncions cette semaine, il s'agit d'une préoccupation qui remonte au moins à une bonne centaine d'années. En 1912, selon une recherche effectuée par l'historien Gilles Gallichan, le conservateur Joseph-Mathias Tellier, alors chef de l'opposition, s'était prononcé en faveur des élections générales à date fixe. Le 13 janvier de la même année, l'éditorialiste du quotidien Le Devoir, Omer Héroux, écrivait à ce propos : « Nous nous en réjouissons d'autant plus vivement que, depuis des années, nous réclamons cette réforme. » Il y avait eu un important débat à l'Assemblée législative. M. Tellier avait soutenu que le choix de la date des elections par le premier ministre créait de l'incertitude et assurait « l'avantage au parti dominant ». En mars de la même année, c'était au tour du député nationaliste Armand Lavergne de proposer des élections générales à date fixe et des élections partielles dans un délai déterminé par la loi après qu'un siège fut laissé vacant. En janvier 1922, le chef de l'opposition conservatrice, Arthur Sauvé, réclamait des élections générales à date fixe. Le premier ministre libéral, Louis-Alexandre Taschereau, s'y est opposé de tout son poids, s'en remettant à la « sagesse des Pères de la Confédération ». « La question que soulève l'honorable chef de l'opposition n'est pas nouvelle, M. l'Orateur. Elle est presque aussi vieille que cette Chambre », avait-il riposté. En février 1926, un autre député conservateur, Pierre-Vincent Faucher, revenait vainement à la charge, de même que le chef de l'opposition, Arthur Sauvé, le mois suivant. La motion fut encore une fois rejetée, sur division.

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Rapport Béland - les principales recommandations
LE COMITÉ DIRECTEUR DES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LA RÉFORME DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES RECOMMANDE UNE PROPORTIONNELLE RÉGIONALE 11.3.2003

Québec, le 10 mars 2003 - En conférence de presse aujourd'hui, M. Claude Béland, président du Comité directeur, a présenté les principales recommandations du rapport sur la réforme des institutions démocratiques remis au ministre responsable de la réforme des institutions démocratiques, M. Jean-Pierre Charbonneau. Avant de présenter les principales recommandations, M. Béland a déclaré que les membres du Comité ont constaté avec grande satisfaction que la réforme des institutions démocratiques est un chantier déjà vigoureusement occupé par de nombreuses initiatives de citoyens et de citoyennes et que les résultats de cet exercice posent les premiers jalons d'une démarche systématique de réforme de nos institutions démocratiques.
Révision du mode de scrutin actuel
Le Comité considère que l'adoption d'un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale est la meilleure façon de réussir à instaurer un nouveau rapport de confiance avec les élus, de favoriser la participation des régions et de donner plus de pouvoir au vote des citoyens et des citoyennes du Québec et de favoriser le pluralisme politique. Il recommande au gouvernement de réviser le mode de scrutin actuel en soumettant aux Québécois et aux Québécoises la possibilité d'adopter par référendum et ce, avant la fin de la moitié du prochain mandat gouvernemental, un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale.
Les autres recommandations
Insérer toute mesure relative à la forme de gouvernement dans une loi fondamentale soumise à la décision populaire exprimée lors d'un référendum. Cette loi deviendrait la Constitution du Québec. - Adopter une loi reconnaissant aux citoyennes et citoyens le droit à l' initiative populaire. - Changer les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif afin d' opérer une séparation du pouvoir entre le gouvernement et l'Assemblée nationale, de façon à créer une gouvernance de type ouvert et participatif. - Adopter une loi fixant la date des élections au mois de mai, tous les quatre ans. - Réviser le rôle du député et former un comité de députés de tous les partis qui soit associé à la démarche. Le Comité recommande un assouplissement de la discipline de parti afin que le député puisse voter sur toute question en tenant compte de la volonté de ses électeurs. - Créer un comité de citoyennes et de citoyens pour étudier plus à fond la pertinence pour le Québec d'instaurer un régime politique typiquement québécois, en s'inspirant d'un mode de gouvernement de type présidentiel et permettre aux citoyennes et aux citoyens d'élire le chef du gouvernement au suffrage universel. - Créer un Conseil national de la citoyenneté et de la démocratie, indépendant de toute politique partisane, afin d'assurer la qualité et l' évolution de la démocratie au Québec. - Accélérer la décentralisation des pouvoirs vers les régions. - Adopter des mesures favorisant la participation des femmes et des représentantes et représentants des communautés ethnoculturelles. - Maintenir le droit de vote à 18 ans. - Informer, former et sensibiliser l'ensemble de la population, particulièrement les jeunes, à la citoyenneté et à la démocratie. Vers une démocratie moderne et exemplaire ! Une consultation sans précédent et inédite dans l'histoire du Québec en matière de démocratie et d'institutions politiques se termine avec le dépôt de ce rapport. Pour la première fois de l'histoire du Québec, les citoyens ont pu exprimer leurs attentes à l'égard de leurs institutions démocratiques. M. Béland a terminé en rappelant que le Comité a toujours eu pour leitmotiv : le pouvoir aux citoyens et aux citoyennes. « Nous pouvons dire mission accomplie. Les citoyens et les citoyennes ont pris leur place. Ils sont devenus les maîtres d'ouvre de l'amorce de la réforme de leurs institutions démocratiques. Les travaux sont lancés et les suites sont prometteuses », de conclure M. Béland. Vous pouvez consulter le texte intégral du rapport (PDF, 882 ko) en allant sur le site  HYPERLINK "http://www.pouvoircitoyen.com" www.pouvoircitoyen.com
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On verra maintenant si le gouvernement...
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche  TRIBUNE LIBRE 11.3.2003

Le Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, qui a rendu son rapport public aujourd'hui, recommande l'instauration au Québec, d'ici deux ans environ, d'un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale. Il s'agit là de la principale recommandation du comité présidé par M. Claude Béland suite à une démarche de consultation populaire qui a duré six mois permettant, dans une première étape, de rencontrer plus de 2 000 citoyens et citoyennes lors d'une tournée de toutes les régions du Québec, ainsi que de recevoir plus de 250 mémoires. Lors de la deuxième étape des États généraux, qui a donné lieu à des assises nationales tenues à Québec les 21, 22 et 23 février derniers, près de 1 000 citoyens et citoyennes ont étudié et se sont prononcés sur une dizaine de propositions de réforme de nos institutions démocratiques. La formule de représentation proportionnelle régionale, recommandée par le comité Béland, est soumise au débat public depuis plus de 30 ans. Elle avait obtenu la faveur du Commission de la représentation électorale qui avait consulté la population, en 1983, pour exécuter un mandat que lui avait confié de l'Assemblée nationale. Par la suite, le premier ministre René Lévesque avait préparé un projet de loi pour l'instaurer, mais ce dernier avait été bloqué par le caucus des députés péquistes en 1984. J'ai moi-même relancé une proposition en ce sens dans le livre que j'ai publié en 1999 sur le scrutin proportionnel. On peut donc se réjouir vivement de cette recommandation. Il restera toutefois à en préciser les modalités pour que le degré de proportionnalité soit le plus élevé possible afin que la volonté populaire exprimée par les votes soit déformée le moins possible par sa traduction en sièges parlementaires. Le Comité Béland précise dans sa recommandation que le projet de réforme devrait être soumis à un référendum "avant la fin de la moitié du prochain mandat gouvernemental". On verra maintenant si le gouvernement qui sera élu le 14 avril prochain donnera suite au dossier dont l'Assemblée nationale a été saisie dès le début de la décennie soixante-dix, mais qui n'a jamais abouti. Les trois partis présentement représentés au Parlement sont en faveur d'une réforme de scrutin en introduisant des éléments de proportionnalité dans le scrutin majoritaire actuel. Voir le  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-democratie/docs3/03-3-11-beland-reforme.html" fichier attaché pour prendre connaissance du texte du communiqué publié par le Comité Béland où il est question de l'ensemble de ses recommandations. Merci de votre attention. PAUL CLICHE, auteur du livre "Pour réduire le déficit démocratique: le scrutin proportionnel"
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De mai à août 2003
Au pouvoir pour toujours ?
La proportionnelle fera du PLQ le parti permanent de gouvernement au Québec Christian Dufour La Presse samedi 3 mai 2003

INDÉPENDAMMENT de leurs opinions politiques, les Québécois ont pu jouir ces dernières jours du spectacle de quelque chose d'éminemment précieux, qui est à la base de toute démocratie: l'alternance politique, le remplacement d'une équipe gouvernementale par une autre qui n'est pas du même parti. L'une des forces de notre système de gouvernement est que l'opposition- encore l'ennemi à abattre dans bien de sociétés- est non seulement dotée d'un statut officiel, mais elle constitue aussi un gouvernement en attente. Apprécions cette situation, qui n'existe plus à Ottawa, parce que cette alternance politique risque d'être la dernière que nous vivrons avant longtemps au Québec. Ce qui créera cette situation, c'est cette proportionnelle qui fait maintenant partie du programme de tous les partis politiques au Québec et dont on nous dit qu'elle est inévitable sans en avoir mesuré les conséquences. Elle est en train de remplacer la souveraineté comme panacée politique dans cette mouvance souverainiste de gauche qui en fera de toute évidence les frais. La proportionnelle fera du PLQ le parti permanent de gouvernement au Québec pour deux raisons. Elle donnera tout d'abord un supplément de députés au PLQ, revalorisant une clientèle non francophone concentrée massivement dans un nombre trop limité de comtés pour que cela soit actuellement rentable. Mais la proportionnelle n'aura pas que cet avantage pour les libéraux: elle fera aussi éclater l'opposition, en particulier cette mouvance souverainiste de gauche qui n'attend que la réforme du mode de scrutin pour se fragmenter en plusieurs partis idéologiques: un parti vert, un vrai parti indépendantiste, un vrai parti de gauche, etc. Le fait crucial à retenir est que cela affectera beaucoup moins le PLQ, son électorat non francophone continuant à voter en bloc pour lui à cause de la nature ethnique et défensive de ce vote. Gouvernement de coalition à tous les 30 ans On se retrouvera donc avec un parti libéral nettement plus gros que les autres, et une opposition fragmentée qui prendra le pouvoir à tous les 30 ans, à la faveur d'un gouvernement de coalition du genre "Front populaire" comme celui que la France a connu en 1936. Cela sera d'autant plus paradoxal qu'à l'origine, la proportionnelle n'a été demandée ni par le PLQ ni par les non-francophones, conservateurs en ce qui a trait à nos institutions politiques d'origine britannique, y compris le mode de scrutin. C'est le PQ et une opinion publique francophone incroyablement naïve qui auront fait l'essentiel du travail. Le gouvernement libéral peut maintenant invoquer le supposé consensus général pour essayer de réformer notre mode de scrutin et verrouiller le pouvoir en sa faveur, au détriment d'une opposition qui a été assez sotte pour permettre cette situation. La seule chose qui aurait rendu inévitable une réforme du mode de scrutin aurait été que, pour la deuxième fois d'affilée, le PLQ n'ait pas formé le gouvernement tout en ayant obtenu la pluralité des votes. Parce qu'il sera difficile de procéder à une telle réforme constitutionnelle sans l'appui des trois partis, Bernard Landry a encore la possibilité d'empêcher un changement qui provoquera la marginalisation sinon l'éclatement du PQ, une réforme qui n'est pas dans l'intérêt des Québécois parce qu'elle mettra fin à l'alternance politique dans notre société. Mais il est déjà très tard: s'est accrédité le sophisme qu'une réforme du mode de scrutin est un nécessaire progrès démocratique. Pour beaucoup, c'est devenu un article de foi: ils veulent la proportionnelle comme ils tiennent à regarder leurs 50 chaînes de télévision et à devenir spectateurs de leur propre destin. On peut se demander si, sous leurs belles paroles, les souverainistes et les gens de gauche ne sont pas fatigués d'avoir exercé le pouvoir au Québec durant une bonne partie des années qui ont suivi la Révolution tranquille. Aux vicissitudes du pouvoir, ils préfèrent inconsciemment le confort de l'opposition, bien au chaud dans des partis idéologiques où l'on n'a pas à faire les compromis qui vont avec l'exercice de la gouvernance. Incontestablement, il y a eu quelque chose d'éprouvant dans ces quatre gouvernements du PQ passés à essayer de concilier les dures exigences du pouvoir avec l'idéal de la souveraineté. Il y aurait quelque chose de bien québécois- et de bien déprimant- dans cette installation volontaire en permanence de toute une partie de notre société dans l'opposition. S'ils réussissent à imposer la proportionnelle, les souverainistes et les gens de gauche ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes de ses conséquences, ayant fait par leur irréalisme la démonstration qu'ils n'étaient plus aptes à gouverner. Quant aux jeunes Québécois qui voudront exercer du pouvoir, ils auront tout intérêt à acheter leurs cartes du PLQ.

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Le prix de la vertu
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/davidm.html" Michel David LE DEVOIR mardi 6 mai 2003

Alors que la proportionnelle était la grande mode du jour, il fallait être politologue,  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-actu/docs3/03-5-4-1.html" \l "lpcd" comme Christian Dufour, pour faire fi de la rectitude politique et justifier le maintien du mode de scrutin actuel, parce qu'il donne un poids relatif plus important aux électeurs francophones, en raison de la concentration des voix non francophones dans un nombre limité de circonscriptions. De la même manière, personne n'aurait été choqué, en 1995, que les commentateurs expliquent la victoire du NON par l'appui massif des communautés culturelles, alors que c'est devenu un scandale sans nom venant de Jacques Parizeau. De nombreux souverainistes estiment, sans oser le dire ouvertement, que l'introduction d'une composante proportionnelle dans le mode de scrutin rendrait beaucoup plus difficile, sinon impossible, la formation d'une majorité parlementaire qui pourrait permettre la tenue d'un autre référendum sur la souveraineté. C'est peut-être même l'élection d'un gouvernement péquiste qu'exclurait pratiquement la proportionnelle. Le même Christian Dufour écrivait, en fin de semaine dernière, qu'elle assurerait le pouvoir en permanence au PLQ, tout en faisant éclater l'opposition. Il ajoutait que le PQ n'aurait qu'à se mordre les pouces d'en avoir bien imprudemment fait la promotion.
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On ne saura jamais ce qu'il serait réellement advenu du grand projet de réforme des institutions démocratiques de Jean-Pierre Charbonneau, si le PQ avait été reporté au pouvoir, mais Bernard Landry était sûrement conscient du risque. Il ne pouvait pas ignorer non plus qu'en laissant un énergumène comme M. Charbonneau suivre son inspiration, il s'assurait de multiplier les écueils sur lesquels il serait toujours temps de faire échouer le projet. Sa première réaction, en devenant premier ministre, avait été de déclarer, en entrevue au Devoir, que l'introduction d'un mode de scrutin comportant des éléments de proportionnelle n'était envisageable qu'à l'intérieur d'un Québec souverain. Louise Harel avait eu le même réflexe, quand une collègue lui avait posé la question à brûle-pourpoint. Quand le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), qui regroupait des dizaines de personnalités issues des diverses familles politiques québécoises, du monde syndical, du milieu universitaire et du mouvement étudiant, a lancé une campagne tous azimuts en faveur d'une réforme du mode de scrutin, il devenait assez gênant de s'opposer à la vertu. M. Landry a donc changé de discours et soutenu -- six mois après le fait -- qu'il avait été mal interprété par Le Devoir. Certains membres du MDN ont cependant été très surpris, pour ne pas dire inquiets de voir M. Charbonneau donner une telle ampleur au projet. Que M. Landry ait voulu distraire un incorrigible gaffeur, en l'expédiant sur une voie de service, on l'aurait très bien compris, mais l'opération semblait préparer un enterrement de première classe.
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Le premier ministre Charest n'a pas été très précis sur ses intentions. Au lendemain des élections du 14 avril, il a simplement dit que la question du mode de scrutin serait «abordée» dès la première année du mandat. Le nouveau ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, aura tout le loisir de s'y consacrer, si tel est le désir de M. Charest. Généralement, le leader parlementaire du gouvernement est titulaire d'un «vrai» ministère, alors que M. Dupuis ne s'est vu confier aucune autre responsabilité. Cette fois-ci, le mode de scrutin n'a pas desservi le PLQ, qui a remporté 61 % des sièges avec 46 % des voix, mais rien n'assure que l'ADQ servira aussi bien sa cause la prochaine fois. On a calculé qu'en conservant seulement 16 212 voix perdues à l'ADQ dans les 16 circonscriptions où les majorités libérales ont été les plus faibles, le PQ aurait pu former un gouvernement minoritaire. Une réforme comme celle-là nécessite l'accord de l'opposition, mais M. Charest n'a rien à perdre à l'entreprendre. Au mieux, il jette les bases d'un régime où le PLQ tiendra continuellement le haut du pavé et qui exclut pratiquement tout référendum sur la souveraineté dans l'avenir. Au pire, il laisse au PQ la responsabilité de se faire le fossoyeur de ce qu'il a lui-même présenté comme le nec plus ultra de la vertu démocratique.
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Les discussions sur le statut qu'il conviendra d'accorder à l'ADQ dans la prochaine législature seront très révélatrices. En principe, un parti doit obtenir 20 % des voix ou faire élire douze députés pour être reconnu comme parti officiel, avec les droits et privilèges qui y sont attachés en termes de ressources et de visibilité. Avec ses 18,2 % et ses quatre députés, le parti de Mario Dumont ne répond pas à ces critères. Pour respecter l'esprit de la réforme du mode de scrutin, il conviendrait toutefois de reconnaître à l'ADQ une importance proportionnelle aux 696 972 votes qu'elle a reçues, qui représentent plus de la moitié de celles recueillies par le PQ. Malheureusement, les députés péquistes ne semblent pas être dans des dispositions très favorables, ces jours-ci. Plusieurs se souviennent avec amertume de la bienveillante attention que Lucien Bouchard manifestait à Mario Dumont, qui en a profité pour s'incruster dans le paysage politique. S'il fut une époque où l'ADQ pouvait être considérée comme une alliée potentielle, qu'il convenait de ménager dans la perspective d'un prochain référendum, ce n'est plus le cas. Le pire a été évité, le 14 avril, mais il est maintenant clair que c'est le PQ qui a le plus à craindre de l'ADQ. Si mal en point qu'elle paraisse, il serait imprudent de lui permettre de se refaire une santé. C'est bien beau la vertu, mais pas à ce prix. mdavid@ledevoir.com
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Un chantier de société urgent et non partisan
Jean-Pierre Charbonneau Député de Borduas, ex-président de l'Assemblée nationale (1996-2002) et ex-ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Réforme des institutions démocratiques (2002-03) LE DEVOIR jeudi 8 mai 2003

Parmi les rares questions sur lesquelles tous les partis politiques en lice durant la dernière campagne électorale se sont entendus, il y en a une fondamentale: la réforme du mode de scrutin. Il est utile de rappeler que celle-ci est discutée au Québec depuis le mois de janvier 1902 et que si rien n'a été décidé depuis, c'est que tous les partisans du changement ont viré leur capot de bord une fois installés confortablement au pouvoir. Cette fois-ci, les choses vont-elles être différentes puisque, pour la première fois de l'histoire, tous les partis se sont non seulement entendus sur le principe mais en ont tous fait un engagement électoral ferme ? Il va être intéressant de voir comment se comporteront Jean Charest et son ministre responsable du dossier, le nouveau leader parlementaire libéral, Jacques Dupuis. Vont-ils décider de reprendre tout à zéro pour une énième fois ou vont-ils s'appuyer sur le travail solide qui a été fait au cours de la dernière année par le nouveau Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques du Conseil exécutif et par le Comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques, le comité Béland ? Déjà, le choix qui sera fait nous donnera une indication significative de l'importance que le gouvernement libéral entend donner au dossier. Des engagements Toutefois, la vraie question qui se pose aujourd'hui est celle-ci : les élections générales du 14 avril 2003 ont-elles été les dernières avec le mode de scrutin hérité du colonialisme britannique et qui n'existe plus que dans quatre pays, l'Angleterre, les États-Unis, l'Inde et le Canada ? Durant la campagne électorale, Bernard Landry avait répondu oui. Au lendemain de sa victoire, au cours de son premier point de presse, Jean Charest n'a pas voulu répéter l'engagement qu'il avait pris de régler la question au cours des deux premières années de son mandat gouvernemental. En donnant les mandats à ses ministres lors de la présentation de son conseil, il n'a pas soufflé mot de ses intentions à cet égard. Quand on considère qu'avec un mode de scrutin de type proportionnel, le PLQ aurait eu au mieux une très faible majorité de sièges ou, plus démocratiquement, aurait été minoritaire avec ses 46 % de vote populaire, on peut penser que Jean Charest devra bientôt dire clairement s'il partage toujours l'opinion de René Lévesque selon laquelle notre mode de scrutin actuel est «démocratiquement infect». Nous verrons bien ce qu'il nous dira lors de son message inaugural, le 4 juin prochain. Quant au Parti québécois, il est évident qu'il devra faire savoir s'il maintient son engagement politique ou s'il abdique sous la pression de certains analystes qui prétendent que la proportionnelle fera du PLQ le parti permanent de gouvernement au Québec en rendant quasi impossible l'alternance politique. Personnellement, j'entends rester fidèle au combat démocratique que je mène depuis plusieurs années, combat auquel se sont ralliés une forte majorité des participants au dernier congrès d'orientation du Parti québécois, les 8 et 9 mars derniers. À cet égard, je crois que le politologue Christian Dufour -- qui, depuis des mois, mène une croisade pour le maintien du statu quo sur tous les aspects majeurs de la réforme des institutions démocratiques -- trompe les gens en agitant l'épouvantail du «pouvoir pour toujours» pour les libéraux avec un scrutin proportionnel. La réalité pour le Parti québécois et pour les souverainistes est qu'il n'y aura jamais de pays du Québec sans un appui majoritaire de la population et que c'est à l'obtention de cette majorité qu'il faut travailler et non à la seule reconquête du pouvoir provincial, lequel, on le sait bien, ne garantit aucunement l'atteinte de l'objectif désiré. Bien sûr qu'un mode de scrutin proportionnel ouvre toute grande la voie à des coalitions politiques pour assumer la gouverne de l'État québécois. Mais de toute façon, la réalisation de la souveraineté du Québec devra dorénavant passer par une coalition politique dans laquelle le Parti québécois devra accepter de partager le pouvoir. Au coeur des enjeux Par ailleurs, le nouveau premier ministre devra aussi nous dire s'il partage l'opinion de son nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes voulant que «la revitalisation des institutions démocratiques se situe au coeur des enjeux auxquels les Québécois sont confrontés». Dans son rapport final Un projet pour le Québec, publié en 2001, le député de Chapleau, Benoît Pelletier, reprenait la proposition de 1968 de la Fédération libérale du Québec qui mettait en avant le projet d'une véritable constitution du Québec. Cela «nous permettrait collectivement, écrivait le nouveau ministre, de faire le point sur l'ensemble des caractéristiques considérées comme fondamentales pour les Québécois, toutes tendances confondues». Un peu plus loin, le ministre Pelletier ajoutait : «Aussi nous semble-t-il important [...] d'affirmer la nécessité de se pencher à brève échéance sur la qualité de nos institutions démocratiques, sur leur fonctionnement et, le cas échéant, sur leur réforme en fonction des objectifs fondamentaux que constituent la participation effective des citoyens à la vie démocratique, leur représentation concrète plutôt que simplement cosmétique, au sein des institutions, l'expression autant que possible de la pluralité des courants idéologiques ainsi que le respect des libertés et des droits fondamentaux de chaque citoyen.» Le gouvernement sortant avait donné suite à la recommandation Pelletier en confiant un mandat d'analyse et d'écoute à un comité de citoyens provenant de tous les horizons idéologiques, comité présidé par Me Claude Béland, l'ancien numéro un du Mouvement Desjardins. À la veille des élections, le comité a présenté publiquement son rapport intitulé Prenez votre place -- La participation citoyenne au coeur des institutions démocratiques québécoises. L'ensemble des recommandations formulées vont dans le sens du rapport Pelletier autant que des programmes politiques du Parti québécois et de l'Action démocratique du Québec. M. Charest a-t-il l'intention de faire avancer le Québec dans la bonne direction ou va-t-il le faire stagner ? Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, attendent la réponse avec impatience.

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Une régression
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/v/vennem.html" Michel Venne LE DEVOIR lundi 12 mai 2003
Christian Dufour est professeur à l'École nationale d'administration publique. Spécialiste de science politique, il est un admirateur de Céline Dion, ce qui fait déjà de lui un personnage. Il était apôtre de l'ADQ lorsque ce parti était à son apogée. Il a prédit, en se trompant, la disparition prochaine du Parti québécois. La semaine dernière,  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-actu/docs3/03-5-4-1.html" \l "lpcd" il réitérait, dans La Presse, son opposition à une réforme du mode de scrutin au Québec. L'argument principal qu'il évoque pour promouvoir le statu quo est totalement impertinent et, surtout, profondément dangereux quant à la conception que se font les Québécois de leur collectivité. Selon Dufour, en introduisant une part de proportionnalité dans le mode de scrutin actuel, les Québécois francophones commettraient un suicide politique. D'après ses calculs douteux, la proportionnelle donnerait aux non-francophones, donc aux Anglais et aux immigrants, le contrôle de l'Assemblée nationale pour toujours. Dans son dernier texte, il prédisait la réélection perpétuelle du Parti libéral du Québec. L'argument de Dufour est fallacieux. Les francophones de langue maternelle française constituent 83 % de la population québécoise. Comme ils forment la majorité, il est évident que, dans un système proportionnel, ce sont eux qui détermineraient à tout coup le résultat du scrutin. Le politologue Pierre Serré a prouvé dans sa thèse de doctorat (publiée chez VLB sous le titre Deux poids deux mesures) que c'est dans le système actuel, au contraire, que le poids des minorités exerce une influence démesurée sur le résultat des élections et sur la longévité des députés libéraux élus dans des circonscriptions où le vote non francophone est déterminant. En outre, personne ne peut prédire comment le système partisan se recomposerait si les tiers partis voyaient augmenter leurs chances de faire élire des députés ni comment se répartirait le vote francophone. Dufour évoque une vision figée de la vie politique. Mais le pire est ailleurs. C'est dans la conception que promeut Dufour du Québec comme communauté politique. Selon lui, au Québec, il y a et il y aura toujours les francophones nationalistes d'ascendance canadienne-française d'un côté et les autres. Il nie les progrès réalisés depuis 50 ans vers la formation d'une société globale ou d'une nation québécoise pluraliste bien que de langue commune française. Il stigmatise le groupe francophone comme s'il était homogène et que les opinions politiques de ce groupe devaient être dictées uniquement par un héritage ethnique. Concevoir le Québec ainsi constitue déjà une régression. Dans un autre texte paru dans La Presse le 15 avril, Dufour appelait les Québécois à se réfugier dans le nationalisme «y compris son ancienne version canadienne-française», écrit-il. Cet appel équivaut à inviter les Québécois à se replier sur le seul statut que leur confère la constitution canadienne, soit celui de membres d'une minorité linguistique au sein du Canada. C'est une approche frileuse, dont on constate la résurgence dans les écrits de plusieurs paroliers du Québec contemporain. Dufour exalte l'insécurité des Québécois. Je croyais qu'on avait fini d'être nés pour un petit pain. Le rapport entre l'héritage canadien-français et la société québécoise pluraliste d'aujourd'hui n'est pas encore complètement clarifié. Le débat tenu récemment dans ces pages entre Gérard Bouchard et Jacques Beauchemin en témoigne. Mais Dufour invite à reculer de cinquante ans.
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Les incantations du politologue médiatique me rappellent celles de l'historien Jocelyn Létourneau qui plaide contre le concept et l'idée d'une nation québécoise dont il ne reconnaît ni l'existence même partielle, ni le besoin qu'elle advienne (voir la revue Argument, automne 2002 hiver 2003). Les commentaires de Létourneau se situent dans un courant en expansion qui tend à nier l'importance du pouvoir politique dans la société moderne, une aberration malheureusement en train de s'accréditer et qu'une réforme des institutions démocratiques contribuerait à contredire. Dufour renvoie les Canadiens français à leur statut de minoritaires au sein du Canada. Létourneau invite ses concitoyens à se replier sur leur individualité, leur culture, leur langue et sur les mouvements sociaux pour assurer leur bonheur, comme si le pouvoir politique n'était pas essentiel pour préserver les cultures, protéger et promouvoir les langues et mettre en oeuvre les revendications des mouvements qui réclament le respect de l'environnement, la justice sociale ou une mondialisation à visage humain. En refusant aux siens la formation d'une volonté politique légitimée par la nation démocratique, Létourneau se trouve à consentir à la distribution du pouvoir telle qu'elle existe aujourd'hui (en est-il seulement conscient ?). Comme tous ces postmodernes patentés qui s'imaginent que la fin de l'histoire est survenue, Létourneau se trouve à défendre le pouvoir des puissants actuels qui, eux, sont restés conscients de l'importance des rapports de force et de l'influence déterminante du pouvoir politique dans le bonheur des individus. En refusant que les Québécois se définissent comme une communauté politique autonome, pluraliste et nationale, Dufour et Létourneau consacrent et acceptent l'étendue du pouvoir de l'État fédéral canadien sur nos existences individuelles et sur le destin de notre société. Ils refusent également que se déploie ici une volonté politique capable de s'opposer aux invasions barbares faites au nom du pouvoir économique. Bref, ils nous proposent une régression formidable, un repli dans la survivance culturelle et le bonheur individuel, laissant à d'autres le soin de définir et de dominer l'espace politique. Ces invitations au ratatinement ne peuvent pas rester sans écho. Michel Venne est directeur de L'annuaire du Québec, chez Fides. vennem@fides.qc.ca Rectificatif (article du 14.5.2003) Dans ma chronique de lundi, j'ai commis deux erreurs à propos de Christian Dufour. Je l'ai décrit comme professeur à l'ENAP et spécialiste en science politique. Trois professeurs m'ont écrit pour me dire que je me suis trompé. M. Dufour n'est pas professeur mais «chercheur», comme le précise le curriculum vitae affiché sur le site Internet de l'école; il n'est pas non plus politologue mais avocat, titulaire d'une licence en droit de l'Université Laval et membre du Barreau du Québec, comme le stipule le même CV. Mes excuses aux lecteurs et à M. Dufour. Dans La Presse du 15 avril dernier, celui-ci était toutefois présenté comme «politicologue à l'ENAP».
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Pour la poursuite de l'alternance politique au Québec
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dufourc.html" Christian Dufour Politologue, ENAP, Codirecteur de la Revue canadienne de science politique LE DEVOIR mardi 20 mai 2003

Dans des textes me mettant en cause publiés dans Le Devoir  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-actu/docs3/03-5-8-1.html" \l "ldjpc" du 8 mai et du  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-actu/docs3/03-5-12-1.html" \l "ldmv" 12 mai, il est révélateur que ni l'ancien ministre Jean-Pierre Charbonneau ni le chroniqueur Michel Venne ne prennent la peine de réfuter l'argumentation -- pourtant assez simple -- qui m'amène à conclure que la proportionnelle n'est pas dans l'intérêt des Québécois parce qu'elle mettra fin à l'alternance politique dans notre société. Je m'excuse à l'avance de perturber leur beau consensus progressiste mais leur rappelle que ce sont eux qui demandent que l'on apporte des changements fondamentaux à nos institutions politiques: ce sont donc eux qui ont le fardeau de la preuve que leurs beaux projets ne feront pas plus de mal que de bien. Au-delà de mon intérêt pour Céline Dion, qui semble déranger M. Venne mais dont je ne vois pas très bien le rapport avec la réforme du mode de scrutin, au-delà des attaques personnelles de M. Charbonneau voulant que je «trompe les gens», qu'il me soit permis de recentrer le débat sur le contenu et de rappeler mon argumentation. La proportionnelle fera du PLQ le parti permanent de gouvernement au Québec, comme le sont les libéraux fédéraux depuis la fragmentation de l'opposition à Ottawa, tout d'abord parce qu'elle donnera un supplément de députés au PLQ, revalorisant une clientèle anglophone concentrée massivement dans un nombre trop limité de comtés pour que cela soit actuellement rentable. Mais la proportionnelle n'aura pas que cet avantage pour les libéraux : elle fera surtout éclater l'opposition, en particulier cette mouvance souverainiste de gauche qui n'attend que la réforme du mode de scrutin pour se fragmenter en plusieurs partis idéologiques : un parti vert, un «vrai» parti indépendantiste, un «vrai» parti de gauche, etc. Le fait à retenir est que cela affectera beaucoup moins le PLQ parce que son électorat anglophone continuera vraisemblablement à voter en bloc pour lui à cause de la nature défensive de ce vote. En outre, la clientèle libérale en général est moins portée sur l'idéologie que l'électorat péquiste et aura donc moins tendance à embarquer dans la fragmentation politique que la proportionnelle implique. On se retrouvera donc avec un Parti libéral nettement plus gros que les autres -- un parti enraciné dans l'histoire du Québec depuis la Confédération -- face à une opposition fragmentée sur des bases idéologiques qui prendra le pouvoir à tous les 25 ans à la faveur d'un gouvernement de coalition du genre Front populaire, comme celui que la France a connu en 1936. Au besoin, il sera facile pour le PLQ de faire alliance avec un petit parti auquel il sera seul à pouvoir offrir le pouvoir, comme la Démocratie chrétienne en Italie dans les cinquante années de l'après-guerre. Désolé, mais il ne suffit pas de décréter comme M. Venne que cette argumentation est «totalement impertinente [sic], fallacieuse et dangereuse» pour escamoter le débat sur ce qui remet en cause la base même de la démocratie québécoise : la poursuite de l'alternance politique. Les tentatives d'excommunication ne sauraient faire oublier que l'on présente comme un nécessaire progrès démocratique une réforme qui risque au contraire de provoquer dans les faits une formidable régression politique, dans la mesure où elle mettra fin à l'alternance. La réalité, c'est que nos institutions politiques sont peut-être d'origine britannique, au grand déplaisir de M. Charbonneau, mais elles ont historiquement bien servi le pouvoir québécois, y compris un mode de scrutin qui favorise de facto la majorité francophone -- mes excuses pour l'emploi de ces deux mots désormais tabous pour les tenants de la proportionnelle. La réalité, c'est qu'on n'a pas les moyens pour l'heure de renoncer à cet avantage qui compense le fait que cette majorité est structurellement considérée comme un groupe ethnique dans le contexte canadien depuis les changements constitutionnels de Trudeau et le rejet de la société distincte. Cela, faut-il le rappeler, à la suite en grande partie de l'échec souverainiste. Cet échec et ses conséquences négatives pour le Québec sont évidemment des choses dont MM. Charbonneau et Venne ne veulent pas entendre parler. Au difficile mais incontournable contexte canadien, ils préfèrent plus que jamais le «grand soir à venir» pour cette idéale société pluraliste où n'existent déjà plus -- dans leurs rêves -- une majorité francophone et une minorité anglophone aux comportements électoraux différents. Sous leurs bons sentiments, ils incarnent une irresponsable fuite en avant au détriment des intérêts les plus élémentaires du Québec.

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L'alternance
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/v/vennem.html" Michel Venne LE DEVOIR mercredi 21 mai 2003

Il ne suffit pas de s'auréoler du prestige universitaire, comme le fait  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dufourc.html" Christian Dufour, pour faire accepter comme fondées des théories douteuses. Selon lui, en introduisant une part de proportionnalité dans le mode de scrutin, les Québécois francophones commettraient un suicide politique : la proportionnelle donnerait aux non-francophones le contrôle de l'Assemblée nationale. Dans ma dernière chronique, c'est à cette conception de la communauté politique que je m'attaquais, de même qu'aux appels de M. Dufour en faveur d'un retour du nationalisme canadien-français, qui constituerait, à mes yeux, une régression. En s'opposant à la réforme du mode de scrutin sur cette base, M. Dufour utilise les divisions ethnolinguistiques non pas pour mesurer le comportement électoral mais pour fixer la norme démocratique. Plutôt que d'étayer son argumentation, celui qui se présente comme politologue à l'ENAP fait bifurquer la discussion, dans sa réplique publiée hier, sur une autre de ses lubies. Selon lui, la proportionnelle mettrait fin à l'alternance politique en confirmant le Parti libéral comme «le parti permanent de gouvernement au Québec» face à une opposition idéologiquement fragmentée qui ne pourrait plus accéder au pouvoir qu'une fois tous les 25 ans en formant une coalition. Deux arguments soutiennent cette vue de l'esprit : - la proportionnelle revaloriserait la clientèle anglophone du PLQ et lui procurerait un supplément de députés; - la naissance de tiers partis ferait «éclater» l'opposition, et on se retrouverait avec un Parti libéral nettement plus gros que les autres partis. Le premier argument ne tient pas la route. C'est, au contraire, le système actuel qui survalorise le vote anglophone. Dans sa thèse de doctorat, le politologue Pierre Serré a montré (Deux poids, deux mesures, VLB) que depuis 1970, le vote monolithique des anglophones et des allophones (qui représentent au total seulement 15 % de l'électorat) assure l'élection de deux députés libéraux sur trois (67 %). Lorsque les libéraux sont au pouvoir, trois ministres sur quatre proviennent de circonscriptions où le vote des non-francophones a un impact décisif. Ce phénomène a entre autres pour effet de rendre prévisible l'élection dans la majorité des circonscriptions montréalaises, où le vote non francophone est concentré. Résultat : dans une bonne trentaine de circonscriptions, l'alternance, si chère à M. Dufour, ne joue plus depuis longtemps.
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Le deuxième argument n'est guère plus solide. M. Dufour affirme que la fragmentation du système partisan affecterait moins le PLQ dont l'électorat serait «moins porté sur l'idéologie». C'est un fantasme des libéraux de croire qu'ils ne sont pas idéologiques. Comme si le libéralisme n'était pas une idéologie (et que le fédéralisme pur et dur n'en était pas devenu une au Québec). Le Parti libéral a beau avoir traversé le siècle, c'est au prix d'une fragmentation de son électorat, qui a donné naissance, à au moins trois reprises, à un parti politique qui, seul ou avec d'autres, lui a fait perdre le pouvoir par la suite. Ce sont de jeunes libéraux qui, avec Paul Gouin, ont fondé l'Action libérale nationale, alliée au Parti conservateur dans l'Union nationale aux élections de 1935. Ce sont des libéraux dissidents qui, avec René Lévesque, ont fondé en 1968 ce qui allait devenir le Parti québécois. Ce sont encore de jeunes libéraux qui, en 1992, ont claqué la porte du PLQ, avec Mario Dumont et Jean Allaire, pour fonder l'Action démocratique du Québec. En 1989, ce sont des électeurs que le PLQ croyait acquis qui, déçus des politiques linguistiques libérales, ont créé le Parti Égalité et fait élire quatre députés. En outre, sur quels faits M. Dufour s'appuie-t-il pour affirmer qu'un parti vert ou qu'un parti de gauche ne porterait ombrage qu'au Parti québécois ? À l'époque, le NPD comptait sur une forte base militante au sein de la communauté de langue anglaise dans laquelle les mouvements écologistes recrutent facilement des adeptes. L'une des deux porte-parole de l'UFP s'appelle Molly Alexander. En outre, c'est lorsque le système partisan a «éclaté», au début des années 70, que le Parti québécois a pris le pouvoir. En 1976, quatre partis s'étaient partagé les suffrages. Le PQ avait obtenu la pluralité des voix, avec 41 %. Il faut aussi retenir le fait que le PLQ retient une part moindre du vote que par les années passées. Cette fois-ci, il a pris le pouvoir avec 46 % des votes mais l'appui de seulement 32,5 % des électeurs inscrits, ce qui le rapproche du niveau le plus bas d'appui obtenu par ce parti dans l'histoire, soit 29 %. Depuis 1989, le PLQ n'a jamais obtenu l'appui de plus de 37 % des électeurs inscrits, ce qui laisse passablement d'espace à un parti adverse pour exercer un rôle dominant dans le système. Enfin, le scrutin majoritaire uninominal à un tour, actuellement en vigueur, n'est en rien une garantie d'alternance. La domination du Parti libéral à Ottawa en est la preuve éloquente. Au début du siècle, le PLQ a gagné dix élections de suite. L'unioniste Maurice Duplessis a gagné les élections quatre fois consécutives. En revanche, les avantages d'une réforme du mode de scrutin sont bien connus, sachant que ce n'est pas une panacée non plus, en tenant compte du fait que personne ne propose la proportionnelle intégrale. Mais une proportionnelle compensatoire, sur une base régionale ou nationale, permettrait de corriger les effets pervers du système actuel et de tendre plus concrètement vers l'égalité entre les citoyens. Il n'est certes pas nécessaire d'attendre le Grand Soir pour appuyer ce progrès. Michel Venne est directeur de L'Annuaire du Québec chez Fides. vennem@fides.qc.ca

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Le liniment de la proportionnelle
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/h/hebertc.html" Chantal Hébert LE DEVOIR lundi 26 mai 2003

Depuis 1993, les libéraux règnent en maîtres à peu près absolus sur le paysage fédéral. À gauche comme à droite, leurs adversaires se retrouvent de plus en plus dans la marge de l’échiquier canadien. On pourrait même croire qu’ils y prennent goût. À tour de rôle, l’Alliance canadienne et le NPD se sont dotés de chefs à fort profil idéologique depuis les dernières élections. En fin de semaine, les conservateurs vont choisir un chef plus obscur et moins rassembleur que Joe Clark. Tout cela pour dire que le jour où on assistera de nouveau à un duel fédéral dans les règles n’est pas pour demain. La perspective d’une scène fédérale plus concurrentielle est tellement lointaine qu’au moins un parti s’intéresse davantage à rendre le malaise plus supportable qu’à continuer de s’acharner à régler le problème sur le fond. Quelque part entre Ed Broadbent et Jack Layton, le Nouveau Parti démocratique fédéral a cessé d’aspirer au pouvoir à Ottawa. Au fil de sa traversée du désert, cette formation s’est découvert sa passion actuelle pour un mode plus proportionnel de scrutin. Ébranlé par la perte de son statut officiel aux Communes à l’issue des élections de 1993, le NPD a ouvertement renoncé à faire campagne pour le pouvoir à l’occasion de la campagne de 1997. Alexa McDonough avait alors expliqué qu’il en allait de la crédibilité du NPD. Il est exact que les partis qui emploient leur inépuisable véhémence à nier les évidences ne font rien pour s’aider. Quelqu’un croit-il vraiment le Parti conservateur quand il prétend que le règlement de la succession de Joe Clark en fin de semaine l’amène à choisir un futur premier ministre du Canada ? Dans le cas du NPD, le virage auquel a présidé Mme McDonough était également un détour pour contourner une troisième voie à la Tony Blair. Le NPD a ainsi fait l’économie d’une révision en profondeur de son credo, un exercice auquel se sont astreints ceux de ses cousins socio-démocrates européens qui aspirent encore à l’exercice du pouvoir.
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S’il ne fait pas de doute que l’instauration d’un système plus proportionnel apporterait un certain soulagement à un système fédéral guetté par l’anémie chronique, on peut se demander si, en changeant le mal de place, on ne retarderait pas la recherche d’une cure à la carence d’une solution de rechange aux libéraux. Dans le cas précis du NPD, ce serait certainement une nouvelle raison de continuer à se donner congé de devoirs et de leçons. Les efforts de plus en plus pressants du NPD fédéral sur le front de la proportionnelle sont essentiellement un liniment à appliquer sur une articulation à laquelle on a renoncé à redonner sa flexibilité plutôt qu’un remède pour un mal qui rend le système de moins en moins fonctionnel. Mais au moins peut-on croire qu’on ne rendrait pas nécessairement le patient plus malade. Comme chacun sait, les onguents n’ont pas des effets positifs sur toutes les plaies. À l’extérieur du Québec, c’est en Colombie-Britannique que le débat sur la réforme électorale est le plus avancé. Le gouvernement libéral du premier ministre Gordon Campbell a de bonnes raisons partisanes de s’intéresser à l’introduction d’un élément de proportionnalité dans le mode de scrutin électoral. Dans cette province, le système uninominal à un tour a largement profité au NPD. Avant d’arriver au pouvoir, M. Campbell avait vu la victoire lui filer entre les doigts une première fois quand la configuration électorale avait donné une majorité de sièges à ses adversaires néo-démocrates alors qu’il avait remporté la pluralité des voix. Comme beaucoup d’autres formations de gauche, le NPD de la Colombie-Britannique doit composer avec des chapelles à vocation particulière. Aux dernières élections provinciales, les Verts avaient pris 12 % des suffrages contre 21 % pour le NPD. En instaurant un mode plus proportionnel de scrutin, le premier ministre Campbell aurait toutes les chances de se retrouver à la tête de la seule formation susceptible de remporter suffisamment de sièges pour former un gouvernement en Colombie-Britannique pour l’avenir prévisible.
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En politique, les partis qui sont cimentés par une cause plutôt que par l’attrait du pouvoir ont tendance à être plus friables. Le Parti libéral de la Colombie-Britannique — qui n’a d’ailleurs de libéral que le nom puisqu’il s’agit en gros d’une réincarnation du discrédité Crédit social — est un véhicule qui carbure davantage au pragmatisme de ses dirigeants qu’aux aspirations idéalistes de ses membres. Le PLC, dont deux des candidats actuels au leadership ne dépareraient pas le Parti conservateur tandis que la troisième tient un discours à forte saveur néo-démocrate, ne s’est jamais tellement embarrassé de grandes considérations idéologiques. Sur ses banquettes, des transfuges de tous les autres partis, exception faite du Bloc québécois, cohabitent actuellement sans difficulté apparente. Au Québec, l’immense élasticité idéologique du PLQ — qui lui a même permis d’importer un chef conservateur fédéral comme leader il y a quelques années — a de quoi le rendre moins vulnérable aux tiraillements existentiels que le Parti québécois qui est tributaire de son objectif fondamental pour sa cohérence interne. L’introduction d’un mode de scrutin plus proportionnel à Victoria ou à Ottawa aurait pour effet de diversifier les voix en présence à l’Assemblée législative de cette province ou au Parlement, ce qui est fort louable. Mais, à court terme, la réforme ne ferait rien pour restaurer ou même maintenir la compétitivité qui est au moins sinon plus essentielle à un système démocratique en santé. Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.

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Le gouvernement Charest doit accorder priorité à la réforme du mode de scrutin sur celle des institutions
8 juin 2003
par Paul Cliche
Lagauche.com

Parmi les rares nouvelles annoncées par le premier ministre Charest lors du discours inaugural de la 37e législature, il a été question de la présentation "au printemps 2004, d’un projet global de réforme des institutions démocratiques". Ce dernier a confirmé du même souffle l’engagement libéral "d’apporter des modifications au mode de scrutin actuel afin que la distribution des sièges parlementaires respecte davantage les votes exprimés". C’est la première fois que le gouvernement élu le 14 avril indique son intention de donner suite aux travaux des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui a mobilisé les énergies de milliers de citoyens l’automne et l’hiver derniers. On se souvient que cet événement s’est échelonné sur six mois et s’est clôturé par des assises nationales réunissant un millier de personnes de tous milieux et de tous âges représentant les 125 circonscriptions québécoises. Lancés par l’ex-ministre péquiste Jean-Pierre Charbonneau la réalisation de ces États généraux avait été confiée à un comité dirigé par l’ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland. Cette annonce constitue probablement la seule nouvelle réjouissante pour les esprits progressistes dans ce discours d’orientation marqué au coin de la plus pure idéologie néolibérale. Le souhait que la démarche initiée par les États généraux se poursuive avait fait l’objet d’un large consensus parmi les citoyens participants dont plusieurs n’espéraient toutefois pas que le nouveau gouvernement exaucerait leur voeu. Il ne faudrait toutefois pas, qu’à l’instar de M. Charbonneau, le nouveau ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, M. Jacques Dupuis, soit tenté de noyer le poisson en liant la réforme du mode de scrutin au "projet global de réforme des institutions". Les deux questions sont en effet bien différentes. La réforme du mode de scrutin alimente le débat politique québécois depuis la décennie soixante. Les sondages et les consultations publiques effectués ces dernières années démontrent que la question, malgré son caractère un peu ésotérique qui rebute certains, intéresse de plus en plus de citoyens et que l’instauration d’un scrutin proportionnel rallie une bonne majorité d’entre eux. Le sujet s’est naturellement retrouvé au coeur du débat des État généraux où 90% des participants se sont prononcés en faveur de l’’instauration d’un scrutin en tout ou en partie proportionnel ; 10% seulement appuyant le statu quo. Dans son rapport rendu public le 10 mars dernier, le comité Béland en a d’ailleurs fait sa première recommandation. Notant "la volonté populaire très ferme de réviser le mode de scrutin actuel" ce dernier a préconisé un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale qu’il voulait voir instaurer avant la fin de la première partie du mandat du gouvernement élu le 14 avril. Quant au projet de réforme de l’ensemble des institutions démocratiques la discussion publique n’a fait que commencer lors des État généraux. Elle devra certes se poursuivre encore quelques années avant d’aboutir à un consensus aussi probant que celui entourant la réforme du mode de scrutin. Le ministre Dupuis, qui a su s’entourer de conseillers forts compétents en la matière, devrait donc agir avec célérité et publier, dans les meilleurs délais, un échéancier établissant les diverses étapes devant conduire, d’ici deux ans, à l’adoption de la réforme promise. Au cours de la dernière campagne électorale, 16 des 25 membres du cabinet Charest dont le premier ministre lui-même se sont d’ailleurs engagés, à la demande du Mouvement pour une démocratie nouvelle, à respecter cet échéancier de 48 mois qui, seul, peut garantir la mise en place du nouveau système électoral par le Directeur général des élections à temps pour la tenue des prochaines élections générales. Répondant à une question qui lui a été posée durant la campagne, via le site internet de Radio-Canada, le chef du gouvernement avait d’ailleurs noté que "le début d’un nouveau mandat est la période la plus propice pour discuter, consulter et implanter une telle réforme". Par ailleurs, ce dossier est probablement devenu le mieux documenté de toute l’administration gouvernementale au fil des nombreuses études et commissions dont la question a été l’objet depuis 30 ans. Le gouvernement possède donc toutes les données nécessaires pour faire son lit. Il peut, s’il le veut, présenter un projet pour consultation publique d’ici deux à trois mois. Quant à son projet global de réforme des institutions démocratique il aura tout le temps voulu pou le fignoler.

Paul Cliche, auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel

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Réforme du mode de scrutin, le ministre Dupuis agira-t-il bientôt?
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche Auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique: le scrutin proportionnel LE DEVOIR mardi 8 juillet 2003

Lettres: Lors du discours inaugural de la session, le 5 juin, le premier ministre Charest a confirmé que son gouvernement entendait donner suite à l'engagement libéral «d'apporter des modifications au mode de scrutin actuel afin que la distribution des sièges parlementaires respecte davantage les votes exprimés», en plus d'annoncer la présentation, au printemps 2004, d'un projet global de réforme des institutions démocratiques. On attend, depuis, que le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, précise les intentions du gouvernement en rendant public, par exemple, un échéancier comportant les diverses étapes qui mèneront à la réalisation de la réforme du mode de scrutin. Car même si on est en début de mandat, le temps presse. Des informations en provenance du bureau du Directeur général des élections indiquent, en effet, que la réforme devra être adoptée par l'Assemblée nationale d'ici deux ans afin que cette dernière puisse apporter les changements nécessaires, à la carte électorale notamment, pour que le nouveau système puisse s'appliquer lors des prochaines élections générales. Il ne faudrait pas que se répète le cafouillage du début des années quatre-vingt. Le premier ministre Lévesque, au début de son second mandat, avait alors fait la même annonce que M. Charest lors du discours inaugural de la session de 1981. Mais aucune décision n'avait été prise lors de la dissolution du Parlement quatre ans plus tard, malgré de nombreux palabres parlementaires et une consultation populaire qui s'était montrée favorable à un scrutin de type proportionnel. Le ministre Dupuis faisant ses premières armes comme leader parlementaire du gouvernement, on comprend qu'il n'a pu consacrer de temps à ce dossier au cours d'un début de session mouvementé. Mais la suspension des travaux de l'Assemblée lui permet maintenant d'agir avec célérité, d'autant plus qu'il a su s'entourer de conseillers compétents. M. Charest avait lui-même noté durant la campagne électorale que «le début d'un nouveau mandat est la période la plus propice pour discuter, consulter et implanter une telle réforme». D'ailleurs, ce dossier est probablement devenu un des mieux documentés de toute l'administration gouvernementale au fil d'une saga de 30 ans marquée par d'innombrables études et commissions. Le Parti libéral en est bien au fait, ayant lui-même pris position et présenté un mémoire sur la question au cours des derniers mois. Le gouvernement possède donc toutes les données nécessaires pour faire son lit. Il peut, s'il le veut, présenter un projet pour consultation publique d'ici quelques semaines. Quant aux autres éléments de la réforme des institutions, tous s'entendent pour dire qu'ils ne revêtent pas la même urgence. Ils peuvent facilement attendre au printemps prochain, selon l'annonce faite par le premier ministre le 29 juin 2003.

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Le prochain scrutin sera proportionnel
Karim Benessaieh La Presse vendredi 11 juillet 2003

Québec - Débattu depuis plus de trois décennies, le mode de représentation proportionnelle fera son entrée au Québec dès les prochaines élections générales, a annoncé hier le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis. "Le temps des discours est révolu, a-t-il assuré en point de presse, à l'occasion de l'étude des crédits budgétaires à Québec. Il me semble y avoir un consensus suffisamment large au sein de la société pour que nous allions de l'avant. C'est le mandat que j'ai reçu du premier ministre et j'entends le mener à bien." Le ministre prévoit introduire des éléments de représentation proportionnelle tout en conservant la structure de base, l'élection de députés représentant des circonscriptions. Concrètement, il n'a pas voulu s'engager dans une formule précise, comme celle des 75 circonscriptions calquées sur le fédéral auxquelles s'ajouteraient 50 députés élus à la proportionnelle. "Il y a des décisions à prendre effectivement. Comment va s'exercer cette compensation? Il va y avoir des discussions avec tout le monde avant que nous déposions un projet." Il n'y aura pas de consultations formelles lors de la première étape, soit l'élaboration d'un projet de loi qu'on veut déposer au printemps 2004. "Nous allons avoir des rencontres de travail avec les différents partis et avec les différents experts, groupes intéressés." Par la suite, la commission des institutions se penchera sur les modifications proposées et donnera l'occasion aux citoyens concernés de s'exprimer. Pas question, a précisé le ministre, de déclencher un référendum sur le mode de scrutin proportionnel. "Nous estimons que l'Assemblée nationale, les députés ont la légitimité nécessaire pour procéder aux changements." Les libéraux favorisés Au Québec, les partis politiques et la quasi-totalité des experts s'entendent pour corriger le mode de scrutin actuel, dit uninominal à un tour, "qui n'assure plus que l'Assemblée nationale soit représentative de la volonté des électeurs, concrètement", reconnaît le ministre Dupuis. En 1998, le Parti libéral a lui-même été victime de ce biais qui fait que le pourcentage d'appuis ne correspond pas au pourcentage de sièges obtenus. Avec 43,55 % des voix, et alors que le PQ avait reçu 42,8 % des appuis, les libéraux n'avaient fait élire que 48 députés, soit 38,4 % des sièges. Cependant, le 14 avril dernier, le mode électoral québécois a nettement favorisé les libéraux et, cette fois, traité injustement les adéquistes. Avec plus de 18 % des voix, le parti de Mario Dumont a dû se contenter de 3 % des sièges, soit quatre sur 125. Les libéraux et les péquistes, eux, ont respectivement eu droit à 60 % et 36 % des sièges, alors qu'ils n'ont récolté que 45 % et 33 % des voix. La "proportionnelle" permettrait d'introduire un mécanisme de correction: en plus des députés élus dans les circonscriptions, un certain nombre de députés seraient choisis en fonction du pourcentage de voix recueilli par leur parti. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement nouvellement élu annonce son intention de modifier le mode de scrutin: en 1981, dans son discours inaugural, René Lévesque avait promis la même chose. Les modifications à la loi électorale qui seront proposées au printemps 2004 toucheront également la pratique du droit de vote, a précisé le ministre délégué. De façon générale, "nous voulons favoriser l'exercice du droit de vote en toute circonstance et quelle que soit la situation personnelle des électeurs". Il a notamment donné l'exemple du vote itinérant auquel les personnes âgées dans les foyers publics ont accès, mais pas celles dans les foyers privés. Par contre, pas question de donner suite à certains volets du rapport Béland, déposé en mars 2003, et qui recommandait, entre autres, qu'on étudie la possibilité d'élire le chef du gouvernement au suffrage universel. "Le rapport Béland embrassait un certain nombre de réformes que, très clairement, nous ne sommes pas prêts au gouvernement à embrasser, a admis M. Dupuis. Entre autres, le changement du système politique, régime présidentiel, les ministres choisis plutôt qu'élus, nous considérons qu'on n'est pas prêts pour ces changements-là."

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Seul le mode de scrutin trouve grâce aux yeux des libéraux
Toutes les autres recommandations du rapport Béland resteront lettre morte Tommy Chouinard LE DEVOIR vendredi 11 juillet 2003

Québec - La réforme des institutions démocratiques n'aura pas l'ampleur attendue. Exit la tenue d'élections à date fixe, le droit à l'initiative populaire, la création d'une constitution québécoise ainsi que les mesures pour encourager les femmes et les membres des communautés culturelles à se lancer en politique. Québec entend mettre en oeuvre, et seulement en partie, une seule recommandation du rapport Béland sur la réforme des institutions démocratiques, rendu public en mars dernier, soit celle portant sur la révision du mode de scrutin, dont un projet à ce sujet sera déposé au printemps 2004. C'est ce qu'a annoncé hier le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis. Le ministre délégué a par ailleurs indiqué qu'il modifiera la loi électorale pour faciliter l'exercice du droit de vote et se conformer à une récente décision de la Cour suprême qui rend inconstitutionnel le fait d'obliger les partis politiques à présenter un nombre minimum de candidats pour être reconnus par l'État et bénéficier d'avantages, notamment financiers, une situation qui afflige les petits partis et privilégie les grands. Les conclusions des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, tenus en février dernier, n'ont pas l'écho attendu à Québec puisque le gouvernement actuel met de côté la quasi-totalité du rapport du comité directeur de la réforme des institutions démocratiques, qui a été présidé par l'ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland. Celui-ci recommandait une foule de changements, notamment de tenir des élections à date fixe et de permettre à des citoyens de déclencher la tenue de référendums sur des enjeux importants. «Le rapport Béland embrassait un certain nombre de réformes que nous ne sommes pas prêts à embrasser. Le gouvernement n'a pas l'intention de donner suite à ces recommandations», a déclaré Jacques Dupuis à la sortie d'une commission parlementaire. Québec entend toutefois aller de l'avant avec une réforme du mode de scrutin. «Il y a un consensus entre les partis et la société [selon lequel] le mode de scrutin uninominal à un tour n'assure plus que l'Assemblée nationale soit complètement représentative de la volonté des électeurs. Il y a eu beaucoup de discours là-dessus au cours des 30 dernières années. Le temps des discours est révolu», a affirmé le ministre. Le rapport Béland proposait d'adopter un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale. Le ministre n'a pas voulu indiquer si cette formule sera retenue mais il a indiqué qu'un élément de proportionnelle sera ajouté au mode de scrutin actuel. «Il y a des décisions à prendre sur comment on va exercer cette compensation. Mais il va y avoir des discussions avec tout le monde avant que nous déposions un projet», a-t-il dit. Québec consultera tous les partis politiques, les experts et les groupes intéressés avant qu'un projet ne soit déposé, au printemps 2004. Une consultation publique sera ensuite réalisée à l'Assemblée nationale mais aucun référendum n'aura lieu pour faire entériner par la population les changements retenus, comme le voulait Claude Béland. «Nous estimons que l'Assemblée nationale a la légitimité nécessaire pour procéder aux changements», a affirmé M. Dupuis. Le ministre a par ailleurs indiqué que la loi électorale sera modifiée pour se conformer à un jugement rendu en juin qui déclare inconstitutionnel le fait d'obliger les partis politiques à présenter un nombre minimum de candidats pour être enregistrés auprès de l'État. La loi québécoise exige qu'un minimum de 20 candidats soient présentés par une formation afin que celle-ci soit reconnue comme parti politique et puisse en tirer les avantages en matière de financement. Ce seuil serait donc éliminé. Jacques Dupuis souhaite également modifier la loi électorale pour faciliter l'exercice du droit de vote, notamment par les personnes âgées. Aucun vote itinérant ne se tient le jour d'un scrutin dans les foyers privés, contrairement aux centres d'hébergement publics. « C'est quelque chose qu'il faut changer», a-t-il dit.

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La réforme des institutions démocratiques: l'éléphant accouchera-t-il d'une souris ?
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche et Molly Alexander et Pierre Dostie au nom de l'Union des forces progressistes TRIBUNE LIBRE 24 juillet 2003

Lors du discours inaugural de la session, le premier ministre Charest a annoncé qu'en plus de réformer le mode de scrutin, conformément aux engagements pris par son parti, son gouvernement présenterait, le printemps prochain, "un projet global de réforme des institutions démocratiques". Les observateurs se sont alors réjouis croyant que les libéraux avaient l'intention de donner suite au chantier entrepris par les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui a mobilisé les énergies de milliers de citoyens l'automne et l'hiver derniers. Mais ils ont déchanté lorsque le ministre responsable du dossier, Jacques Dupuis, a précisé dernièrement que ce "projet global de réforme" se limiterait somme toute à une "révision" du mode de scrutin majoritaire auquel on ajouterait des éléments de représentation proportionnelle afin de compenser en partie pour les déficits de représentation souvent substantiels que subissent les partis d'opposition avec le système actuel. Le ministre a ainsi mis de côté la quasi-totalité des recommandations du rapport présenté en mars par le comité directeur des États généraux présidé par M. Claude Béland, notamment celles qui sont les plus intéressantes d'un point de vue progressiste: élections à date fixe; droit à l'initiative populaire pour la tenue de référendums; adoption d'une constitution québécoise suite à une consultation populaire; établissement de mesures pour assurer une meilleure place aux femmes et aux membres des communautés ethnoculturelles dans les institutions politiques. Une réformette pour jeter de la poudre aux yeux ? L'intention des libéraux de "réviser" le mode de scrutin, après 30 ans d'atermoiements de toutes sortes, constitue certes une bonne nouvelle en soi. Mais l'usage du vocable "compensatoire" utilisé par le ministre est de mauvais augure. Compenser dans un tel contexte signifie, en effet, apporter des correctifs partiels et parfois simplement cosmétiques aux distorsions de représentation aberrantes engendrées par le scrutin majoritaire actuel. Les systèmes mixtes, où une majorité de députés continuent à être élus au scrutin majoritaire de façon uninominale alors qu'une minorité de sièges sont pourvus à la proportionnelle, peuvent même contribuer à consolider le bipartisme en rendant moins pénible le séjour dans l'opposition des partis déjà en place au détriment des formations émergentes qui continuent à être aussi pénalisées qu'auparavant. C'est donc dire que les forces sociales soutenant ces dernières ne sont pas plus représentées au Parlement qu'avant la présumée réforme. Le déficit démocratique demeure aussi colossal. Le principe de la proportionnalité, au contraire, fait référence à l'adéquation la plus fidèle possible entre, d'une part, l'expression de la volonté populaire et, d'autre part, la représentation parlementaire. C'est la forme moderne que prend le vieux principe une personne un vote ou, dit autrement, pour que chaque vote compte. Cet objectif peut être atteint pleinement en adoptant la proportionnelle intégrale où l'ensemble du territoire d'un pays se confond avec une seule circonscription, comme en Hollande où ce modèle semble bien fonctionner. Mais, à cause de raisons socio-politiques et géographiques, nous ne croyons pas que la transposition d'une telle formule ici donnerait des résultats satisfaisants: le Québec est avant tout un pays de régions diversifiées et doté d'un vaste territoire. Mais entre cet "idéal-type" qu'est la proportionnelle intégrale et l'orientation faiblarde que semble privilégier le ministre Dupuis, il existe de nombreuses possibilités. À l'instar du rapport Béland, nous favorisons une proportionnelle de type régional qui donnerait un sens politique réel aux régions. C'est aussi la formule qui avait été recommandée par la Commission de la représentation électorale suite à une consultation populaire puis retenue par le premier ministre Lévesque en 1984 pour préparer son projet de loi qui n'a jamais pu être présenté à l'Assemblée nationale parce qu'il a été bloqué par le caucus des députés péquistes après des débats internes déchirants. Par ailleurs, le modèle allemand est aussi intéressant. Appelé système mixte à correction complète, une moitié des sièges y seraient comblés localement au scrutin majoritaire comme présentement et l'autre au scrutin proportionnel sur une base régionale. Cette formule aurait l'avantage de conserver le scrutin majoritaire familier aux citoyens; mais il comporterait l'inconvénient de devoir ajouter des sièges parlementaires aux 125 existants pour assurer une véritable proportionnalité. Que le gouvernement permette un débat public immédiatement Le ministre Dupuis a déclaré, le 10 juillet dernier lors de l'étude des crédits, qu'il y aurait des consultations informelles durant les prochains mois, notamment auprès des partis politiques. Puis il y aurait, le printemps prochain, présentation d'un projet de loi qui serait étudié en commission parlementaire avant son adoption par l'Assemblée nationale. Cette façon de procéder manque de transparence; elle n'est pas acceptable. Si le gouvernement veut vraiment consulter avant de mettre au point son projet de loi, en effet, qu'il le fasse publiquement devant une commission parlementaire (à laquelle) auront accès tous les citoyens et groupes qui désirent se faire entendre et non pas lors de tractations en coulisses avec ceux qu'il voudra bien entendre. Il faut se rappeler à ce sujet que la dissolution de l'Assemblée nationale en vue de la tenue des élections, le 12 mars dernier, a eu comme effet d'envoyer aux oubliettes parlementaires quelques centaines de mémoires sur la réforme du mode de scrutin que des groupes et citoyens ont présentés à la Commission des institutions l'automne dernier. À cause de son opposition à la réforme du mode de scrutin, le leader parlementaire péquiste, l'ex-ministre André Boisclair, qui contrôlait alors l'échéancier des commissions parlementaires, a fait en sorte que cette dernière n'ait pas le temps d'entendre ces mémoires et encore moins de présenter un rapport même si elle s'était saisie de la question 15 mois auparavant. La plus simple décence démocratique voudrait donc que le nouveau gouvernement entende au moins ceux qui ont consacré du temps et de l'énergie, en pure perte jusqu'ici, à lui faire connaître leurs opinions sur la question, s'il estime avoir besoin d'un éclairage supplémentaire avant de faire son lit. Mais les précisions fournies par M. Dupuis lors de l'étude des crédits budgétaires indiquent, au contraire, que le gouvernement a bel et bien fait son lit et qu'il pourrait présenter un projet de loi dès la reprise de la session à la fin de l'été. Mais en reportant la présentation de ce dernier au printemps prochain, il espère écourter le débat public en évoquant alors l'urgence d'agir pour que le nouveau mode de scrutin puisse s'appliquer lors des prochaines élections générales. Il espère aussi que, d'ici là, l'opinion publique oublie quelque peu ce dossier névralgique puisque, dans l'expectative d'un projet officiel qui se fait attendre indûment, c'est le flou qui prévaut. Il faut noter aussi que lors du débat qui a eu lieu le 10 juillet, le porte-parole péquiste dans ce dossier, le nouveau député Luc Thériault, qui remplace l'ex-ministre Jean-Pierre Charbonneau, initiateur des États généraux, a évité soigneusement d'aborder le sujet de la réforme du mode de scrutin dont son parti s'est pourtant fait le champion pendant des décennies. Il ne s'est pas prononcé non plus sur la poursuite du processus d'une réforme globale des institutions démocratiques. Ce comportement bizarre démontre que les parlementaires péquistes sont toujours aussi divisés sur la question que lorsqu'ils étaient au pouvoir ces dernières années. Par ailleurs, l'Action démocratique, qui s'est prononcée en faveur d'une réforme du mode de scrutin, brillait alors par son absence. Il apparaît donc clair qu'après une saga qui dure depuis 40 ans, les véritables propositions réformistes concernant la réforme du mode de scrutin viendront des forces sociales progressistes et des mouvements citoyens. On ne peut toujours pas se fier aux députés qui nous représentent à l'Assemblée nationale.

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Réforme du mode de scrutin: principes et mythes
Optons pour le système le plus ouvertement démocratique, et laissons donc le peuple en disposer comme il l'entend.  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/larocquea.html" André Larocque Professeur associé à l'ENAP. Sous ministre à la réforme des institutions démocratiques, 1977-85, 2002-0 LE DEVOIR mardi 12 août 2003

Il n'est pas vrai que le premier but du mode de scrutin soit d'assurer une juste représentation. La représentation est un moyen, non pas une fin. En démocratie, la fin poursuivie est que le peuple décide, par l'entremise de ses représentants au besoin, mais que la décision lui appartienne. La démocratie -- on l'oublie trop souvent -- c'est le gouvernement par le peuple. Si on n'y est pas encore arrivé optimalement aujourd'hui c'est que les partis politiques substituent leur volonté à la volonté populaire. Depuis toujours ce sont les partis dominants qui ont décidé pour le peuple. Ils ont décidé que deux partis c'est assez; que les deux nécessaires sont ceux déjà en place; que le peuple peut participer indirectement mais ne doit pas décider; que les gouvernements artificiellement surpuissants, c'est bon; que les oppositions artificiellement faibles, c'est bien; que le peuple ne veut pas de gouvernements minoritaires (même si neuf sur dix de nos gouvernements n'ont l'appui que d'une minorité populaire); que la fonction de député c'est une affaire de mâles; que les députés doivent soumission à leurs partis et non pas à leurs électeurs, etc., etc. Tout le monde sait que le référendum de 1995 s'est terminé par 50,6 % pour le NON et 49,4 % pour le OUI. Beaucoup moins savent que le camp du OUI avait remporté 80 des 125 circonscriptions : celui du NON 45 : soit une «victoire» du OUI par 66 % contre 34 % ! Le premier résultat constitue l'enregistrement direct d'une décision populaire. Le second est un arrangement mathématique fallacieux produit par un mode de scrutin antidémocratique. Réformer le mode de scrutin, cela signifie en tout premier lieu s'axer sur l'intégrité de la décision populaire. Dans un système où déjà le gouvernement n'est pas élu directement par le peuple, il est primordial que l'Assemblée nationale, tout au moins, corresponde à la décision du peuple. Conserver la volonté populaire Le premier résultat absolu d'une vraie réforme du mode de scrutin doit donc être de consacrer cette volonté populaire. Comme nous le faisons déjà pour les référendums, chaque vote doit compter, chaque vote doit compter également, la décision populaire -- même avec des marges très minces -- doit être respectée. Le référendum, cela se fait «à la proportionnelle». 59,6 %, 49,4 %, ce sont des proportions ! Personne n'accepterait qu'une décision référendaire se prenne autrement. Pourquoi accepterait-on que nos gouvernements soient érigés à partir d'une déformation de la volonté populaire ? Or c'est présentement la règle. Le mode de scrutin actuel permet aux partis dominants non seulement de contrôler les règles du jeu mais même, en toute apparente bonne foi, de déterminer les objectifs poursuivis. Il devrait appartenir aux électeurs de décider de la stabilité du gouvernement, de la nécessité ou non d'un gouvernement de coalition, de la facilité pour le gouvernement de décider avec beaucoup ou peu d'opposition. Or, présentement, les partis ont érigé la stabilité en dogme, les coalitions en repoussoirs, l'omnipotence gouvernementale en vertu. La stabilité du gouvernement est érigée en mythe. C'est pourtant la stabilité de la société qui est essentielle. Il se peut que le peuple souhaite des gouvernements prolongés ou un parti gouvernemental unique comme à Ottawa présentement. Il se peut tout autant que le peuple souhaite des gouvernements talonnés de près par une opposition forte. C'est à lui d'en décider. Il n'appartient pas aux partis déjà en place de fignoler des règles pour contorsionner la décision populaire de façon à assurer leur propre stabilité. Y a-t-il sociétés plus stables sur la planète que l'Allemagne et la Suisse ? Ou entend-on que soient instables la Suède, la Norvège, le Danemark, la Finlande, l'Autriche, l'Espagne, le Portugal ? Or tous recourent à des modes de représentation proportionnelle qui forcent les partis à s'adapter à la volonté de l'électorat. Au Québec, le mythe veut, à l'inverse, que c'est la stabilité des partis qui produit celle de la société ! Les coalitions, atout ou impasse ? Le mode de scrutin au Québec est si imperméable que nous n'avons jamais connu de gouvernement de coalition. Ça n'empêche pas les partis en place de nous mettre en garde contre cette plaie pourtant inconnue. Or, depuis longtemps et en particulier sur le plan fédéral où les gouvernements de coalition sont connus, les sondages indiquent que les électeurs ne sont pas du tous réfractaires, loin de là, à cet aménagement du pouvoir. La Commission Jenkins a fait ressortir la faveur très claire que l'électorat britannique entretient pour les coalitions. Ici, nos partis traditionnels nous disent que coalition égale tractations entre partis... comme si la pratique nous était inconnue. Ici cela se passe en coulisse plutôt que face au public. C'est en coulisse justement que les partis traditionnels, ensemble, ont depuis toujours torpillé les tentatives de démocratiser le mode de scrutin. La réalité c'est que la quasi-totalité des gouvernements démocratiques dans le monde sont des gouvernements de coalition. La coalition est bien plus la norme que l'exception. Il se peut que les Québécois veuillent rejoindre cette norme. Il se peut qu'ils préfèrent des gouvernements très forts (encore qu'ils ne l'ont manifesté que très rarement; le gouvernement le plus fort de notre histoire a dû se contenter de 55 % d'appui populaire). Encore une fois, il dépend d'eux d'en décider. Ils n'ont pas besoin des partis politiques pour piper les dés. Un système simple L'autre mythe persistant de notre vie politique, c'est que les électeurs tiennent absolument à un système d'une simplicité totale. Ils ne sauraient, semble-t-il, maîtriser l'art complexe d'exprimer deux votes à la fois (ce qu'ils font pourtant depuis toujours au niveau municipal); ou celui de choisir une liste de candidats (comme le font pourtant la vaste majorité des pays démocratiques du monde); ou encore, de choisir librement parmi des listes de candidats de partis (comme pourtant le font, par exemple, les Suisses depuis plus d'un siècle). Au vingtième siècle, au coeur de l'ère des communications, des ordinateurs et des guichets automatiques -- pour ne pas parler des «gratteux» -- il faut être carrément mal intentionné pour prétendre que l'électeur québécois est incapable d'un vote nuancé, articulé, diversifié. En plus, le risque n'est même pas grand. Le système de vote le plus ouvert, le plus permissible qui soit n'empêchera pas l'électeur qui le souhaite d'accorder librement son vote à un seul parti comme il y est contraint présentement. Mais à l'inverse, le système du «X» unique paralyse tous les électeurs qui souhaiteraient, par leur vote, refléter le pluralisme du Québec d'aujourd'hui. Ici comme pour le reste, optons pour le système le plus ouvertement démocratique, et laissons donc le peuple en disposer comme il l'entend.

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De septembre à décembre 2003
Pas de proportionnelle au prochain scrutin
Les Québécois devront patienter jusqu'aux élections suivantes Kathleen Lévesque Le Devoir jeudi 11 septembre 2003

Le gouvernement du Parti libéral n'entend pas mettre en place un mode de représentation proportionnelle lors des prochaines élections générales. Les Québécois devront patienter jusqu'au scrutin suivant. Se disant confronté au réalisme politique, le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, refuse d'adopter à toute vapeur des changements aussi profonds. Il maintient toutefois son engagement de présenter au printemps prochain un projet de loi. Le ministre Dupuis a apporté hier ces précisions alors qu'il prenait la parole devant les participants au colloque sur la réforme des institutions démocratiques organisé par l'Institut de recherche en politiques publiques. Mais là où d'aucuns verront un recul compte tenu de ses déclarations de juillet dernier au moment de l'étude des crédits budgétaires, Jacques Dupuis assure qu'il s'agit plutôt d'une mauvaise interprétation médiatique de ses intentions. «Les journaux ont conclu que c'était pour une application lors des prochaines élections. Ce que je dis aujourd'hui, c'est que ce qui m'importe, c'est que les changements soient bien faits, qu'il y ait le plus large consensus possible. On va prendre le temps qu'il faut pour mettre les changements en force avant de faire une élection avec un nouveau mode de scrutin. En tout réalisme, il m'apparaît plus probable qu'on ne pourra pas tenir la prochaine élection avec un nouveau mode de scrutin mais que ce soit le cas pour l'élection suivante», a soutenu aux journalistes M. Dupuis. Or, dans son discours inaugural, le premier ministre Jean Charest a présenté la réforme des institutions démocratiques, y compris la modification du mode de scrutin, comme l'un des grands travaux à réaliser en cours de mandat. Quoi qu'il en soit, M. Dupuis assure qu'il ne faut rien bousculer afin de faire une «application soignée» du changement. Pour étayer sa position, ce dernier rappelle que le Directeur général des élections aura besoin d'au moins un an et demi, une fois que le projet de loi sera adopté, pour faire les ajustements qui s'imposent. Le ministre s'est fixé comme échéance la fin de 2004 pour l'adoption d'une réforme du mode de scrutin. En juillet, il affirmait que «le temps des discours est révolu». Hier encore, M. Dupuis affirmait à la centaine de participants au colloque qu'il n'est pas question de faire une vaste consultation populaire avant le dépôt du projet de loi. Le ministre a toutefois commencé à rencontrer des groupes intéressés par le dossier, dont le Mouvement pour une démocratie nouvelle qui a relancé le débat public il y a deux ans. Après le dépôt du projet de loi, qui comportera une formule mixte avec compensation (régionale ou nationale), un débat sera enclenché en commission parlementaire. Cette dernière pourrait devenir itinérante, question de permettre aux citoyens des régions d'y participer plus facilement. Outre la modification de l'actuel mode de scrutin uninominal à un tour, le projet du ministre Dupuis entraînera des changements à la loi électorale. Il s'agit entre autres de faciliter l'exercice du droit de vote notamment auprès des personnes en perte d'autonomie ou à l'étranger. M. Dupuis veut également revoir le vote par anticipation, qui est trop fréquenté selon lui. Il est aussi question d'intégrer les nouvelles technologies dans le processus électoral.

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Retard dans la mise en oeuvre d'un nouveau mode de scrutin
Ce n'est pas le PQ qui bousculera le PLQ Kathleen Lévesque Le Devoir vendredi 12 septembre 2003
Le Parti québécois ne trouve rien à redire sur la décision du gouvernement libéral de ne pas introduire un nouveau mode de scrutin avec la proportionnelle lors des prochaines élections générales. Le député péquiste Luc Thériault, critique de l'opposition officielle en matière de réforme des institutions démocratiques, estime que la date d'application d'un tel changement n'est pas l'enjeu central de ce dossier dans l'immédiat. «Peut-être qu'il y a des gens fâchés de ça mais, pour l'instant, le temps n'a pas d'importance», a affirmé hier au Devoir M. Thériault. La veille pourtant, le ministre responsable du dossier, Jacques Dupuis, avait fait sursauter les participants à un colloque sur la réforme des institutions démocratiques en déclarant qu'il est plus probable que la mise en place d'un tel changement se fasse pour le scrutin suivant les prochaines élections. Du coup, plusieurs participants ont interprété cette annonce comme une volte-face, sauf le Parti québécois. Pour sa part, Paul-André Martineau, du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN), n'a pas caché sa déception. «On ne peut pas dire que les libéraux ont effrontément menti. Mais on joue avec les mots. Le MDN a été sincère dans sa démarche; je ne sais pas s'ils l'étaient autant», a commenté M. Martineau. Selon ce dernier, ça tombait sous le sens que la réforme promise par le Parti libéral s'appliquerait pour les prochaines élections, sinon à quoi bon adopter une réforme en début de mandat? Cela apparaît d'autant plus clair à M. Martineau que le ministre Dupuis a dit vouloir adopter d'ici la fin de 2004 une loi modifiant l'actuel mode de scrutin uninominal à un tour et qu'il estime que le DGE peut faire les ajustements nécessaires en un an et demi. Ainsi, le dossier pourrait être réglé d'ici l'automne 2006, soit avant la tenue du prochain scrutin. Hier, le sous-ministre André Fortier, du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, a soutenu que les délais pour la refonte de la carte électorale et la révision du financement des partis politiques, entre autres, étaient d'au moins deux ans et demi. M. Fortier a également assuré que le premier ministre Jean Charest n'a jamais donné de garantie que son engagement de réforme serait prêt pour les prochaines élections. Chose certaine, à l'Union des forces progressistes (UFP), on estime que le gouvernement du Parti libéral nage en pleine contradiction. C'est un prétexte quand on sait que la réforme du mode de scrutin est à l'ordre du jour depuis plus de 30 ans au Québec, rappelle l'UFP, qui dénonce «l'absence de volonté politique». Au PQ, on s'inquiète davantage de la transparence du processus, car le ministre Dupuis entend tenir des consultations seulement lorsque la formule privilégiée sera connue. Selon Luc Thériault, les récents états généraux sur la question étaient de l'ordre des principes alors que la réflexion doit se poursuivre sur un modèle à adopter.

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La mauvaise foi
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/davidm.html" Michel David Le Devoir samedi 13 et dimanche 14 septembre 2003

Même après 20 ans de couverture politique, il y a un degré de cynisme et de mauvaise foi auquel il est difficile de s'habituer, à défaut de s'en étonner. Depuis les élections du 30 novembre 1998, qui avaient encore une fois donné lieu à de sérieuses distorsions, la réforme du mode de scrutin avait pris l'allure d'une véritable urgence nationale. La classe politique semblait unanime : la démocratie québécoise était en péril. Aujourd'hui, libéraux et péquistes s'entendent plutôt sur l'urgence de ne rien précipiter. Quant à l'ADQ, qui s'en soucie encore ? Mercredi, à l'occasion d'un colloque organisé par l'Institut de recherche en politiques publiques, le ministre responsable de la Réforme électorale, Jacques Dupuis, a invoqué le réalisme politique pour justifier le report à un prochain mandat de l'entrée en vigueur d'une réforme qui introduirait un élément de proportionnalité dans le système. À moins que le premier ministre Charest n'ait déjà décidé de dissoudre l'Assemblée avant la fin de son mandat normal de quatre ans, on ne voit pourtant pas où est le problème. M. Dupuis prévoit lui-même que la réforme sera adoptée d'ici la fin 2004, ce qui laisserait au Directeur général des élections plus que les deux ans nécessaires à sa mise en oeuvre. D'ailleurs, M. Dupuis pourrait se grouiller un peu. Entre nous, on ne peut pas dire qu'il soit débordé de travail. Par définition, le poste de leader parlementaire est un emploi à temps partiel, l'Assemblée nationale ne siégeant que six mois par année. Son titulaire détient généralement un autre portefeuille, plus substantiel. À titre d'exemple, sous l'ancien gouvernement, André Boisclair cumulait les Affaires municipales, la Métropole et l'Environnement. Le porte-parole du PQ, Luc Thériault, un ancien «pur et dur» que la perspective de devenir député de Masson avait déjà considérablement ramolli, estime également que «le temps n'a pas d'importance». Remarquez, le PQ aurait d'excellentes raisons de préférer le système actuel, qui augmente le poids relatif des francophones en raison de la concentration du vote anglophone et allophone dans un nombre limité de comtés. Il est sans doute un peu gênant de le crier sur les toits, mais c'est surtout la contradiction entre le discours et la réelle volonté de changer les choses qui est choquante.
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Il est vrai que les libéraux n'ont jamais pris l'engagement absolument formel que les prochaines élections seraient régies par les nouvelles règles, mais ils ont tout fait pour le laisser croire. La résolution que le conseil général élargi du PLQ avait adoptée en septembre 2002 stipulait qu'un gouvernement libéral «procédera, dans les deux ans suivant l'élection et après consultation, à une réforme du mode de scrutin afin d'introduire des modalités de représentation proportionnelle». La réaction de la présidente de la Commission jeunesse, Stéphanie Trudeau, qui se dit déçue du report annoncé par M. Dupuis, atteste qu'elle-même avait conclu que les nouvelles règles seraient en vigueur dès les prochaines élections. M. Dupuis soutient que les journalistes ont également mal interprété ses propos en juillet quand il avait déclaré : «Le temps des discours est révolu. Il me semble y avoir un consensus suffisamment large au sein de la société pour que nous allions de l'avant. C'est le mandat que j'ai reçu du premier ministre et j'entends bien le mener à bien.» Sur la foi de ces paroles, La Presse s'était crue autorisée à titrer : «Le prochain scrutin sera proportionnel». À ce moment-là, le ministre n'avait pas jugé utile de dissiper ce malentendu. Après les élections de 1998, alors que son parti s'était une fois de plus retrouvé dans l'opposition malgré une pluralité de voix, M. Charest avait crié à l'injustice pendant des mois. Au cours de la dernière campagne, il avait déclaré : «Le début d'un mandat est la période la plus propice pour discuter, consulter et implanter une telle réforme.» Là encore, il était difficile d'imaginer qu'il entendait la laisser sur la glace jusqu'en 2011.
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D'une certaine façon, on peut dire que M. Dupuis est animé par le réalisme politique. Le report annoncé est bien un acte de realpolitik. Depuis 1970, tous les partis qui ont gouverné le Québec ont été réélus pour un deuxième mandat avec une proportion de sièges nettement supérieure au pourcentage de leurs voix. C'est toujours au troisième mandat que la proportion s'inverse. C'est donc à ce moment-là que l'introduction d'un élément de proportionnalité pourrait devenir avantageuse pour les libéraux. Dans un moment de franchise, Bernard Landry avait laissé échapper qu'il était impensable de songer à réformer le mode de scrutin avant que le Québec ne soit souverain, précisément parce que la souveraineté risquerait de devenir irréalisable. C'est sans doute pourquoi il a encouragé Jean-Pierre Charbonneau à se lancer dans un projet que sa démesure condamnait à l'échec. Il ne faut pas compter davantage sur les principaux aspirants à la succession de M. Landry pour bousculer les libéraux. L'annonce de M. Dupuis les aura plutôt soulagés. Dans l'immédiat, le statu quo a l'avantage de régler le cas de l'ADQ. Avec les règles actuelles, Mario Dumont a toutes les chances de redevenir le seul député de son parti, ce qui signifierait pratiquement sa mort. Sa présence a sans doute nui davantage au PQ qu'aux libéraux le 14 avril dernier, mais le PLQ a tout aussi intérêt à éliminer pour de bon ce concurrent potentiel. En revanche, dans la perspective de 2011, il pourrait être intéressant d'introduire un élément de proportionnalité favorisant l'émergence d'un parti de gauche, qui pourrait alors enlever de précieuses voix au PQ. C'est exactement ce que François Mitterrand avait fait en France pour favoriser l'ascension du Front national au détriment de la droite classique. Finalement, M. Dupuis ne manque pas de vision ! mdavid@ledevoir.com

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Report de la réforme du mode de scrutin:
Le gouvernement Charest nage dans une mer de contradictions
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche  TRIBUNE LIBRE 13 septembre 2003

S'il ne met pas en place une réforme du mode de scrutin instaurant la représentation proportionnelle à temps pour les prochaines élections générales, tel que l'a annoncé hier le ministre Jacques Dupuis, le gouvernement Charest nagera dans une mer de contradictions où il risque de se noyer, ont réagi aujourd'hui les porte-parole de l'Union des forces progressistes Molly Alexander et Pierre Dostie de même que Paul Cliche, responsable du dossier de la vie démocratique au sein de ce parti. D'une part, ont souligné ces derniers, l'annonce faite mercredi par le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques lors du colloque de l'Institut de recherche en politiques publiques contredit l'engagement pris par le Conseil général du Parti libéral, en septembre 2002 de "procéder dans les deux ans (après la prise du pouvoir) à une réforme du mode de scrutin afin d'introduire des modalités de représentation proportionnelle". Or, le respect de cet engagement a été non seulement confirmé par le chef Jean Charest lors de la campagne électorale, mais il a été officialisé par le nouveau premier ministre lors du discours inaugural de la session au début de juin. D'autre part, ont noté les porte-parole de l'UFP, le gouvernement libéral refuse de reporter de deux ans l'application du projet de loi 9 ouvrant la porte aux défusions comme lui ont demandé les principaux dirigeants municipaux. Il justifie sa précipitation dans ce dossier par l'engagement de consulter les citoyens même si les résultats de cette opération, faite au nom de la démocratie, risque de semer la pagaille un peu partout au Québec. Mais lorsqu'il s'agit de respecter l'engagement encore plus fondamental d'instaurer une mesure positive, désirée par une grande partie de la population, ayant pour but de réduire l'immense déficit démocratique affligeant nos institutions démocratiques, comme la représentation proportionnelle, le ministre responsable du dossier se réfugie derrière "le réalisme politique". La peur que dit ressentir le ministre Dupuis "d'adopter à toute vapeur des changements aussi profonds", est un prétexte lorsqu'on sait que la réforme du mode de scrutin est à l'ordre du jour de l'agenda politique depuis plus de 30 ans au Québec, qu'il a fait l'objet de multiples études, articles, commissions parlementaires, consultations publiques et plus récemment d'une recommandation prioritaire des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. En fait, c'est probablement le dossier le mieux documenté et qui a été le plus discuté sur la place publique parmi tous ceux sur lesquels doit se pencher le gouvernement à l'heure actuelle, soutiennent les porte-parole de l'UFP. Par ailleurs, notent-ils, le ministre Dupuis s'est engagé à déposer, le printemps prochain, un projet de loi qui sera immédiatement référé à une commission parlementaire servant de tribune devant laquelle les groupes et les citoyens pourront témoigner. Ce processus laisse prévoir que l'adoption de la loi réformant le mode de scrutin devrait normalement survenir vers la fin de 2004. Un tel scénario laisse amplement de temps pour mettre au point une nouvelle carte électorale avant les élections générales prévues pour 2007. Pourquoi le ministre déclare-t-il aujourd'hui, avant même que le processus de révision n'ait débuté, qu'il "lui apparaît plus probable qu'on ne pourra pas tenir la prochaine élection avec un nouveau mode de scrutin mais que ce soit le cas pour l'élection suivante"? Aussi bien dire qu'en reportant l'entrée en vigueur de la réforme à des élections qui n'auront pas lieu avant 2011 il la reporte aux calendes grecques. Cela n'est pas sérieux et démontre de la part de M. Dupuis une absence de volonté politique inquiétante qui devrait inciter le premier ministre Charest à lui enlever la responsabilité de ce dossier névralgique. Depuis trois décennies, les partis traditionnels se sont livrés à de cyniques volte-face dans ce domaine. Ainsi, après ses victoires de 1976 et de 1994, le Parti québécois a mis de côté l'engagement contenu dans sa plate-forme électorale de réformer le mode de scrutin "dans l'année suivant la prise du pouvoir". L'ex-premier ministre Lévesque a été menotté par le caucus des députés péquistes lorsqu'il a voulu l'honorer au cours de son deuxième mandat.. En bout de route après 213 mois de pouvoir, les péquistes n'ont même pas enclenché la réalisation de cet engagement important qui est dans le programme de leur parti depuis 1970. L'histoire se répètera-t-elle avec les libéraux? Ils feraient alors preuve d'un manque de réalisme politique flagrant, car il ne faudrait pas qu'ils oublient que leur parti a compté parmi les principales victimes du mode de scrutin actuel qui l'a privé du pouvoir à trois reprises (en 1944, 1966 et 1998) même s'il s'était classé premier dans les suffrages. Exclure la répétition d'un tel scénario serait bien présomptueux de leur part, ont conclu les porte-parole de l'UFP.
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Lettre au Premier ministre Charest:
Clarifier les intentions de son gouvernement
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/ds-constitution/index-qc.html" MARC BRIÈRE Président du Mouvement pour une nouvelle constitution québécoise.  TRIBUNE LIBRE 13 septembre 2003

Le président du Mouvement a adressé dernièrement au Premier ministre Charest la lettre ci-dessous lui demandant de clarifier les intentions de son gouvernement au sujet de la réforme des institutions politiques du Québec. Montréal, le 5 septembre 2003, L’Honorable Jean Charest Premier Ministre Conseil exécutif Edifice Honoré-Mercier 835, boul. René-Lévesque Est 3e étage Québec (Québec) G1A 1B4 Cher Premier ministre, Dans le discours inaugural de la session en cours, vous avez annoncé que votre gouvernement avait l’intention d’amorcer en 2004 la réforme de nos institutions démocratiques. Par la suite, votre ministre responsable de cette réforme a annoncé qu’il entendait la limiter à une réforme du mode de scrutin. Auriez-vous l’obligeance de clarifier la position de votre gouvernement à ce sujet et de rassurer ainsi les Québécois qui, comme les membres du Mouvement pour une nouvelle constitution québécoise (MONOCOQ), que j’ai l’honneur de présider, pensent qu’on ne peut pas retarder davantage ce projet, d’autant plus que l’adoption de la Loi constitutionnelle fédérale de 1982 le rend nécessaire et urgent. Permettez-moi de vous rappeler la lettre publique que je vous ai adressée à cet égard le 3 mai 2003 et que je joins à celle-ci. Cette lettre s’appuyait sur des citations de René-Lévesque, de Gil Rémillard, du rapport Pelletier et de Robert Bourassa qui affirmait : « un gouvernement qui se respecte ne doit pas en rester là. » Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, mes vœux de succès dans les politiques que vous avez entreprises concernant l’amélioration de nos institutions politiques, tant fédérales que provinciales et locales, et veuillez recevoir l’assurance de ma considération distinguée.

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Le Mouvement pour une démocratie nouvelle demande à Jean Charest d'agir avec célérité
Tommy Chouinard Le Devoir vendredi 19 septembre 2003

Québec - Le Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) exhorte le premier ministre Jean Charest à mettre en place un nouveau mode de scrutin pour les prochaines élections générales. Dans une lettre expédiée hier au premier ministre, le président du MDN, Jean-Félix Chénier, se dit déçu de la «volte-face» du ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis. La semaine dernière, M. Dupuis a affirmé qu'un projet de réforme du mode de scrutin sera déposé au printemps 2004, comme prévu, mais qu'il ne sera pas mis en application avant les prochaines élections générales. «Lors de la campagne électorale, le Parti libéral s'était engagé à réaliser une réforme du mode de scrutin dans les deux premières années de son mandat. Et le ministre Dupuis a déjà affirmé que les prochaines élections se dérouleraient selon un nouveau mode de scrutin. On dénonce le fait que le ministre soit en train de reculer», a affirmé M. Chénier en entrevue au Devoir hier. Contrairement à ce que prétend le ministre Dupuis, le MDN estime qu'«il est possible de réformer, d'implanter et de préparer la population au nouveau modèle à l'intérieur de l'échéance électorale actuelle», et ce, sans précipiter indûment les étapes. À preuve, plaide M. Chénier, la Nouvelle-Zélande, qui dispose aussi d'un système parlementaire, est parvenue à compléter une réforme du mode de scrutin, semblable à celle envisagée ici, en trois ans. «Entre 1993 et les élections de 1996, ils ont eu amplement le temps de mettre la réforme en place, de procéder à des consultations, de redécouper la carte électorale, d'éduquer la population au nouvel exercice du droit de vote. Les raisons invoquées par le ministre ne sont pas crédibles», a-t-il souligné. La semaine dernière, Jacques Dupuis a signalé que le Directeur général des élections aura besoin d'au moins un an et demi, une fois le projet de loi adopté, fin 2004, pour apporter les modifications souhaitées. Jean-Félix Chénier croit cependant que le processus pourrait être facilité si on adoptait le projet de réforme qui circule le plus actuellement. Ce modèle propose de faire élire 75 députés selon le mode de suffrage actuel, le scrutin uninominal à un tour, et de créer 50 circonscriptions régionales dont les députés seraient élus à la proportionnelle. Or, fait valoir M. Chénier, il existe justement 75 circonscriptions fédérales au Québec, ce qui faciliterait le redécoupage de la carte électorale. Le MDN fait aussi appel à l'expertise d'avocats spécialisés, dont Julius Grey, pour étayer sa position. En vertu d'un jugement rendu par la Cour suprême en juin dernier, qui stipule que les petits partis politiques doivent disposer des mêmes avantages que les grandes formations politiques, ces experts ont indiqué au MDN qu'il serait possible de déclarer inconstitutionnel le mode de scrutin actuel puisque celui-ci ne respecterait pas l'égalité des votes des citoyens. «Les recours juridiques ne sont pas une démarche qu'on envisage pour le moment. Si jamais le gouvernement ne fait pas de réforme ou en propose une qui ne change que trop peu de choses, on va envisager ça plus sérieusement», a indiqué M. Chénier. Le MDN s'inquiète d'autant plus des récentes affirmations du ministre Dupuis que «chaque fois que la réforme du mode de scrutin a été promise, ç'a été repoussé aux calendes grecques puis annulé», a expliqué M. Chénier. Dans son discours inaugural, Jean Charest avait présenté la réforme des institutions démocratiques comme l'un des grands travaux à réaliser en cours de mandat.

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La vigilance s'impose pour arriver à bon port
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/r/ryanc.html" Claude Ryan Ancien chef du Parti libéral du Québec et ex-ministre libéral Le Devoir mercredi 24 septembre 2003

Je favorise depuis longtemps la réforme du mode de représentation parlementaire en vigueur au Québec. Même si le mode actuel a joué en faveur du Parti libéral du Québec aux élections d'avril dernier, mon avis n'a pas changé. Je crois toujours qu'une réforme s'impose afin de permettre une représentation plus juste à l'Assemblée nationale de divers points de vue exprimés à l'occasion d'élections générales. Je fus heureux de l'engagement précis pris à cet égard par le PLQ lors de la dernière campagne électorale. Je fus également heureux d'entendre Jean Charest affirmer dans le discours inaugural que le gouvernement était résolu à donner suite à son engagement dès le présent mandat. Le ministre d'État à la Réforme électorale, Jacques Dupuis, s'étant récemment déclaré incapable de garantir qu'un nouveau mode de scrutin sera en vigueur pour les prochaines élections, je me suis demandé, comme bien d'autres observateurs, si ces propos n'étaient pas l'annonce voilée d'un éventuel renvoi du projet aux calendes grecques. Je ne rejette pas entièrement cette hypothèse. Instruit par les nombreux échecs qu'a connus le dossier de la réforme du mode de scrutin, je considère en effet que la plus grande vigilance sera requise pour le mener à bonne fin, quel que soit le parti au pouvoir. Après examen des propos du ministre et de certaines implications juridiques et techniques du dossier, je conclus toutefois qu'il n'y a pas lieu de tirer tout de suite une conclusion aussi pessimiste. Jusqu'à nouvel ordre, il faut plutôt chercher à mieux comprendre le processus qui devra être suivi pour obtenir le résultat souhaité. On sera ainsi mieux en mesure de préciser les attentes qu'il faut nourrir à l'endroit des principaux acteurs et l'action qui doit être envisagée pour inciter le gouvernement à respecter sa promesse. Deux étapes Le processus qui doit conduire à une réforme du mode de scrutin passe obligatoirement par deux étapes distinctes et également indispensables, une étape politique et une étape administrative. L'étape politique comprend la conception et la présentation du projet de réforme, le débat public à son sujet, puis l'adoption d'une loi par le législateur. Elle relève du gouvernement et de l'Assemblée nationale. L'étape administrative consiste à assurer que la volonté définie par le législateur se traduise dans la manière dont se dérouleront concrètement les futures élections. Elle relève de la Commission de la représentation électorale et du Directeur général des élections, lequel préside aussi cette commission. Comme la première étape doit précéder la seconde, il incombera d'abord à l'autorité politique d'agir. Elle devra le faire avec réalisme, clarté et diligence. Le réalisme consistera à concevoir un projet de réforme qui aura des chances sérieuses d'être largement accepté par les élus et la population. Un système de représentation proportionnelle intégrale serait attrayant sous l'angle de la justice pure. Il serait toutefois inacceptable au Québec, vu l'attachement de la population pour les députés de comté et les résultats peu probants que cette formule a produits dans d'autres sociétés. De même, une réforme qui n'apporterait que des améliorations cosmétiques sans viser à procurer une meilleure justice serait un trompe-l'oeil. Le choix du gouvernement semble devoir se faire entre un mode de représentation régionale et un mode de représentation compensatoire à l'échelle nationale. La formule retenue, quelle qu'elle soit, devra fournir l'assurance que des écarts grossiers entre la volonté exprimée par les électeurs et la représentation des partis à l'Assemblée nationale ne seront plus possibles. Par réforme réaliste, il faut aussi entendre une réforme dont on aura soigneusement prévu les implications pour l'ensemble de la législation électorale, l'organisation des partis, le fonctionnement de l'Assemblée nationale, etc. Dans son discours à l'Institut de recherche en politiques publiques, M. Dupuis s'est montré conscient de ces exigences et s'est engagé à présenter un projet «réaliste et réalisable». Il lui restera à passer de la parole aux actes. Le projet gouvernemental devra être le plus simple et le plus clair possible. Il devra viser à ce que tous les courants d'opinion soient traités avec équité, non à favoriser indûment le parti au pouvoir ou les partis établis. Les formules équivoques et floues devront être évitées. Il faudra qu'à toutes les étapes, on sache clairement ce que veut le gouvernement. Si le gouvernement veut éviter que le doute et la méfiance ne s'installent au sujet de ses intentions, il devra enfin procéder avec diligence. Conformément à ce que le ministre a laissé entrevoir, le gouvernement devrait dévoiler son projet de réforme dès le printemps 2004. Vu les innombrables débats qui ont déjà eu lieu à ce sujet, une période de quelques mois suffira amplement pour permettre des consultations sérieuses et un débat concluant. En supposant toujours que sa volonté d'agir soit réelle, le gouvernement devra viser à ce que l'Assemblée nationale soit appelée à adopter le projet de réforme avant la fin 2004. Convaincre le gouvernement de présenter un échéancier précis et raisonnable et le contraindre par tous les moyens de pression démocratiques à s'y conformer, tel devrait être le premier objectif des tenants d'une réforme du mode de scrutin. Ceux-ci y gagneraient, pour cette fin précise, à regrouper leurs forces autour d'un organisme de vigilance qui pourrait fort bien être le Mouvement pour une démocratie nouvelle, à condition que cet organisme soit lui-même plus transparent et mieux appuyé. À l'abri des ingérences Après que le gouvernement et le législateur auront fait leur travail, il restera à la Commission et au Directeur général des élections à faire le leur. La phase politique comportera par définition des choix dictés par des préférences souvent discutables. La phase administrative devra surtout obéir, au contraire, à des normes d'efficacité, de neutralité et d'impartialité échappant le plus possible à la contestation et aux pressions. Le législateur a doté la Commission de la représentation électorale et le DGE d'une indépendance qui les met à l'abri des interventions indues du gouvernement et des partis. Exception faite du choix de la date des élections, l'échéancier de réalisation d'une éventuelle réforme du mode de scrutin relèvera surtout, à ce stade, de la Commission et du DGE. Il ne pourra être dicté par le gouvernement. La première tâche de la Commission de la représentation électorale consistera à mettre au point une nouvelle carte électorale et à soumettre celle-ci aux nombreuses et complexes consultations prévues par le législateur. Selon la loi, les consultations de cette nature doivent certes être tenues à l'intérieur de délais précis, sans quoi elles risqueraient de traîner indûment en longueur. Certains délais actuellement prévus dans la loi pourront vraisemblablement être abrégés afin de sauver du temps. Par contre, on risquerait, en rognant trop sur ces délais, de compromettre la qualité des consultations. Des observations semblables s'imposent à propos des nombreuses tâches qui relèveront en propre du DGE. Une fois un projet de réforme adopté par l'Assemblée nationale, il faudra en effet veiller à ce que les instructions et la documentation relatives aux élections soient modifiées en conséquence. Il faudra voir à ce que le personnel chargé de la bonne marche des élections reçoive une formation appropriée. Il faudra aussi veiller à ce que les partis politiques disposent du temps voulu pour adapter leur organisation et leurs modes de travail à toute nouvelle délimitation des circonscriptions électorales. Pour assurer l'implantation réussie de la réforme, il faudra que toutes ces étapes soient franchies de manière efficace et ordonnée, à l'abri de toute ingérence du pouvoir politique. Tout cela pourra-t-il se faire dans le temps qu'il restera entre le jour où la loi de réforme aura été adoptée par l'Assemblée nationale et le jour du futur scrutin? Il est difficile d'en avoir l'assurance à ce moment-ci. Si M. Dupuis pensait surtout à ces conditions, sur lesquelles le pouvoir politique n'aura pas un contrôle entier, quand il a laissé entendre qu'un nouveau mode de scrutin ne pourrait peut-être pas entrer en vigueur pour le prochain scrutin, il faudrait, au lieu de lui reprocher ses propos, le féliciter d'avoir tenu un langage prudent et réaliste. Le parti au pouvoir s'est engagé lors de la dernière campagne électorale à procéder dès un premier mandat à une réforme du mode de scrutin. Il a réitéré cet engagement au lendemain de sa victoire électorale. Il faut l'aider à tenir son engagement en exerçant sur lui les moyens de pression normaux en démocratie. Il faut viser en premier lieu à ce que la législation réformatrice qu'il a promise soit déposée à l'Assemblée nationale, débattue et adoptée dans les délais qu'il a lui-même laissé entrevoir. Il faut aussi veiller, au besoin par des modifications législatives, à ce que soit évitée toute perte injustifiée dans la mise en oeuvre d'une éventuelle réforme.

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Vraie réforme ou opération cosmétique?
Le projet du ministre voudrait dire qu'un parti devra obtenir au moins 15 % des votes pour être représenté de façon équitable au Parlement  HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/c/clichep.html" Paul Cliche Auteur de Pour réduire le déficit démocratique: le scrutin proportionnel (Éditions de L'Aut' Journal, 1999) et responsable du dossier de la vie démocratique à l'Union des forces progressistes (UFP) Le Devoir mercredi 24 septembre 2003

Même s'il ne prévoit pas présenter avant le printemps prochain le projet de loi censé réformer le mode de scrutin, Jacques Dupuis, ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, a fait connaître les grandes lignes de la formule qu'il privilégie lors d'un colloque organisé récemment par l'Institut de recherche sur les politiques publiques (IRPP). Il s'agit d'un système mixte où une majorité de députés continueraient à être élus sur la base de circonscriptions locales en vertu du scrutin majoritaire actuel tandis qu'une minorité seraient élus au scrutin proportionnel à partir de listes de candidats établies par les partis en lice. Un principe de compensation s'appliquerait lors de l'attribution des sièges proportionnels pour corriger en partie les distorsions de représentation que cause automatiquement le scrutin majoritaire. Le ministre n'a pas précisé la proportion des sièges qui seraient réservés à l'un et l'autre des modes (60 % - 40 % ou 70 % - 30 %, etc.). M. Dupuis a donc écarté d'emblée les deux formules qui recueillent le plus d'appui parmi les partisans d'une réforme parce qu'elles permettent d'atteindre une proportionnalité quasi parfaite. - Premièrement, la proportionnelle régionale avec correction au niveau national utilisée en Scandinavie depuis le milieu du XIXe siècle, dont différentes moutures ont été soumises à la discussion publique au Québec depuis 1971. Cette formule a notamment fait l'objet d'une recommandation de la Commission de la représentation à l'Assemblée nationale en 1984. Cette dernière a été suivie d'un projet de loi préparé par le premier ministre René Lévesque et qui a été bloqué par le caucus des députés péquistes. En mars dernier, il a aussi fait l'objet d'une recommandation prioritaire du comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques. Précisons que, selon ce système, l'Assemblée nationale continuerait à compter 125 députés mais que ces derniers seraient regroupés dans 17 circonscriptions régionales épousant les frontières des régions administratives actuelles. - Deuxièmement, le système mixte avec correction complète à l'allemande, qui prévoit l'élection de 50 % des députés au scrutin majoritaire dans des circonscriptions locales et de l'autre moitié au scrutin proportionnel sur une base régionale. L'application d'un rigoureux principe de compensation permet d'atteindre un haut degré de proportionnalité. Ce système que l'Allemagne a implanté après la guerre y donne pleine satisfaction. Il a été adopté par la Nouvelle-Zélande en 1994. Il est le choix de la CSN et de l'ex-ministre libéral Claude Ryan, notamment. M. Dupuis disqualifie le scrutin proportionnel régional parce qu'il prétend que ce dernier ne permettrait pas de conserver le lien électeur-député favorisé par le mode de scrutin actuel. En réalité, ce lien serait préservé mais redéfini sur une base régionale plutôt que locale. Les citoyens y gagneraient au change parce que des élus de différents partis seraient forcément en concurrence dans la circonscription alors qu'aujourd'hui, plusieurs d'entre eux ont de la difficulté à obtenir l'écoute d'un élu pour lequel ils n'ont pas voté. Le ministre disqualifie par ailleurs le système allemand parce que celui-ci nécessiterait probablement l'ajout de quelque 25 sièges aux 125 existants afin d'obtenir une correction complète tout en ne réduisant pas en bas de 75 le nombre de circonscriptions locales pour qu'elles ne soient pas trop populeuses ni trop étendues géographiquement. Une possibilité: le système écossais? Le ministre a dit que la formule qu'il favorise ressemblerait plutôt au système implanté en Écosse et au pays de Galles en 1997 par le gouvernement travailliste de Tony Blair dans le cadre de sa politique de dévolution. Si cette formule était appliquée au Québec, cela ferait en sorte que 60 % des députés, soit 75, seraient élus au vote majoritaire sur une base locale et 40 %, soit 50 députés, à la proportionnelle. Cette formule a obtenu la faveur des politologues Louis Massicotte, André Blais, Vincent Lemieux et Henry Milner lors de leur témoignage devant la Commission des institutions de l'Assemblée nationale le 14 novembre dernier. M. Dupuis a d'ailleurs annoncé qu'il avait choisi le professeur Massicotte comme conseiller. À l'appui de cette formule, on souligne que le Québec et l'Écosse partagent plusieurs caractéristiques communes: des parlements d'une dimension semblables (125 et 129 députés), une carte électorale comportant à la fois de vastes et de petites circonscriptions d'un point de vue géographique, le partage des compétences avec un gouvernement central et la présence d'un régime parlementaire de type britannique. Mais l'inégalité démographique entre les régions est beaucoup plus prononcée au Québec qu'en Écosse, qui ne compte pas d'agglomération aussi populeuse que Montréal. En plus des 73 députés élus au scrutin majoritaire (57 %) sur une base locale, on a divisé le territoire écossais en huit régions, apparemment homogènes et assez égales démographiquement, qui disposent de sept députés chacune pour un total de 56 sièges (43 %). Cette amplitude suffit à assurer une certaine proportionnalité grâce à l'application du principe de la compensation et du double vote. Il est évident qu'avec 17 régions, il est impossible de procéder ainsi au Québec pour pourvoir les 50 sièges proportionnels prévus pour effectuer la compensation. «Les petits partis feraient les frais d'une régionalisation de la compensation», a d'ailleurs prévenu l'expert Massicotte lors du colloque de l'IRPP après avoir dit qu'il y aurait «des dilemmes difficiles à trancher». Cela voudrait dire en pratique qu'un parti devrait obtenir au moins 15 % des votes pour être représenté de façon équitable au Parlement. Ainsi, on risquerait d'aboutir tout au plus à la consécration d'un système tripartiste qui équivaudrait à une opération cosmétique et non pas à une vraie réforme. Il vaudrait peut-être mieux alors procéder à une distribution des 50 sièges proportionnels au niveau national en s'efforçant d'obvier à la surreprésentation des régions populeuses, comme Montréal et de Québec, en incluant dans la loi électorale, par exemple, une clause obligeant les partis à y inclure des représentants de toutes les régions dans leurs listes de candidats. Mais c'est loin d'être l'idéal. Voilà à quoi mène le choix du ministre Dupuis. La situation serait encore bien pire si les tenants de la proportion 70 % - 30 % (87 sièges locaux majoritaires, 38 sièges proportionnels) réussissaient à faire prévaloir leur point de vue. Il en serait de même si le système était dénaturé en ne permettant pas aux électeurs de voter deux fois (pour son député local au majoritaire et pour assurer une compensation à la proportionnelle). Les vertus de la compensation deviendraient alors pratiquement illusoires car il est évident que les candidats des partis traditionnels sont favorisés lors du scrutin majoritaire, et ce sont ces résultats dont on se servirait pour l'attribution des sièges proportionnels. Un projet de loi dès cet automne Le ministre Jacques Dupuis a récemment déclaré que les délais d'implantation du nouveau mode de scrutin pourraient bien faire en sorte que ce dernier ne serait pas en vigueur à temps pour la tenue des prochaines élections prévues pour 2007 même si le projet de loi révisant le mode de scrutin était adopté à la fin 2004. Une suggestion: comme le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques a fait son lit puisqu'il est décidé à proposer un système mixte avec compensation, il pourrait présenter son projet de loi dès cet automne. Les nombreux experts qui l'entourent pourraient l'aider à définir les modalités qui restent. La consultation publique en commission parlementaire pourrait avoir lieu avant la fin 2003 et la loi pourrait être adoptée dès le début 2004. Il resterait alors trois ans à la Commission de la représentation électorale pour découper la nouvelle carte électorale et au Directeur général des élections pour mettre les autres dispositifs administratifs en place. Autrement, le tout risque fort d'être reporté à des élections qui n'auront pas lieu avant 2011, ce qui équivaudrait à un renvoi aux calendes grecques. Si on compare avec le projet de loi sur les défusions, qui a pu être déposé à l'Assemblée nationale en juin après quelques semaines de pouvoir seulement, cet échéancier semble réaliste. À condition certes qu'il existe une volonté politique au sein du gouvernement Charest de réduire le déficit immense qui affaiblit notre démocratie de représentation.

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Réforme du mode de scrutin: vers quel modèle se tourner? Les avantages d'un système mixte compensatoire
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/m/massicottel.html" Louis Massicotte Professeur de science politique à l'Université de Montréal Le Devoir mercredi 24 septembre 2003

Les dés sont jetés. Les déclarations du ministre Jacques Dupuis, dans le droit fil du programme du Parti libéral du Québec et du discours d'ouverture de la session parlementaire, ne laissent pas de place au doute. À moins d'un revirement majeur, l'Assemblée nationale sera saisie au printemps 2004 d'un projet de réforme du mode de scrutin. Et ce projet sera de type proportionnel mixte compensatoire. Nous continuerons d'élire des députés à la pluralité des voix dans le cadre de circonscriptions uninominales, mais s'y ajouteront désormais des députés élus à partir de listes de parti pour que la représentation de chaque parti à l'Assemblée corresponde au partage du suffrage populaire. Les systèmes mixtes en tant que solution alternative au système actuel ont une longue histoire au Québec. Un compromis de ce type a été proposé pour la première fois au milieu des années 60 par mon collègue Robert Boily et a été inscrit au programme du Parti québécois en 1969. L'idée d'une formule mixte a été avancée à plusieurs reprises durant les années 60 et 70 par de nombreuses sources (Denis de Belleval, Denis Laforte, Jean-Charles Bonenfant, la Société nationale des Québécois du centre du Québec, Fernand Potvin, les professeurs Florent Verreault et Guy Bourgeault, le député Marcel Masse). À l'époque où il dirigeait l'Union nationale, Gabriel Loubier avait tenté sans succès de déposer un projet de loi prévoyant la création d'une vingtaine de sièges en sus des 110 circonscriptions uninominales créées en décembre 1972. En 1982-83, l'exécutif du Parti québécois accoucha d'une formule de proportionnelle compensatoire. Le programme de l'Action démocratique du Québec prévoit également un système mixte. Les quatre experts consultés par la commission des institutions de l'Assemblée nationale le 14 novembre 2002 ont tous opiné en faveur de cette approche, qui a également recueilli la faveur d'une forte majorité des délégués aux «États généraux» du ministre Charbonneau. Un modèle à deux versions Une analyse de ces propositions suggère que malgré de fréquentes références au système en vigueur pour l'élection des députés au Bundestag allemand, les réformateurs sont partagés entre deux versions du modèle, sans toujours se rendre compte de l'importance de la distinction entre les deux. Pour plusieurs, les députés de liste devraient être répartis en fonction du suffrage populaire, sans considération du nombre de sièges de circonscription déjà remportés par chaque parti. Les deux séries de sièges seraient pourvues de façon parallèle, la seconde se superposant à la première. Réjean Pelletier a récemment proposé une solution de ce type. Une telle formule est à mille lieues du système allemand. Elle n'existait nulle part il y a 30 ans mais prévaut aujourd'hui dans une bonne douzaine de pays, dont le Japon et la Russie sont les principaux. Dans ce cas de figure, les distorsions produites par le scrutin majoritaire sont un peu réduites mais subsistent largement. Si cette formule était retenue, il y a gros à parier que les réformateurs resteraient sur leur faim. En employant le mot «compensatoire», le ministre Dupuis révèle qu'il a en tête une tout autre idée, et il faut s'en réjouir. Car l'essence du système allemand, c'est que les députés de liste sont répartis de façon à corriger les inégalités et à produire une répartition globale des sièges proportionnelle à la force de chaque parti dans l'électorat. Si un parti a réussi un balayage quasi total au niveau des circonscriptions, il aura peu ou pas de sièges de liste, ces derniers allant en priorité aux partis moins chanceux dans les circonscriptions. Un peu comme la péréquation canadienne, où les plus prospères obtiennent peu ou pas, alors que des milliards de dollars vont aux provinces plus pauvres. On vient d'en avoir une belle illustration dans le land de Bavière aux élections de dimanche dernier. Avec 60 % des voix, la CSU a obtenu la totalité des 92 sièges de circonscription. Cependant, la répartition des 88 sièges de liste a permis aux autres partis d'obtenir une représentation plus équitable. Le système allemand est «mixte» dans la mesure où subsiste le principe de l'élection à la pluralité des voix pour une proportion importante de députés, mais si on s'en tient aux résultats globaux qu'il produit, il est rigoureusement proportionnel -- réserve faite de la barrière des 5 % et de l'importance du vote accordé aux partis qui n'ont pas réussi à la franchir. Il s'agit, selon la terminologie qui s'est imposée là-bas, d'une «proportionnelle personnalisée». La compensatoire constitue la façon idéale de corriger les distorsions du scrutin majoritaire à moindre coût. Un bref calcul révèle que pour corriger à peu près intégralement les distorsions issues du scrutin québécois de 2003, il suffirait d'ajouter une trentaine de sièges compensatoires aux 125 actuels. Pour obtenir le même résultat avec un système mixte non compensatoire, il faudrait ajouter près de 900 sièges de liste. Présence active du député Quand on propose une formule mixte, c'est souvent dans l'espoir d'avoir le meilleur des deux mondes. Il ne s'agit pas ici de proposer une proportionnelle au rabais mais d'en arriver au contraire à un système où les partis obtiendront une représentation proche de leur proportion du suffrage populaire. Ce qu'un système compensatoire conserverait du système majoritaire, c'est l'élection de la moitié ou de 60 % des députés à la pluralité des voix dans des circonscriptions locales. La présence active du député dans un comté constitue un acquis de notre tradition politique, un contrepoids à l'anonymat des listes provinciales ou régionales. La plupart des intellectuels sont indifférents à cette dimension de la représentation, mais tout indique que les députés et leurs commettants y tiennent. La compensatoire me paraît infiniment préférable à la proportionnelle successivement dite «modérée», «régionale» puis «territoriale» dont s'était entiché le Secrétariat à la réforme électorale en 1982 et qu'on s'était entêté à faire ingurgiter à des députés qui n'en voulaient pas. Ses principaux protagonistes de jadis se sont maintenant ralliés à l'idée d'un système mixte. Au cours des années 90, la proportionnelle personnalisée à l'allemande a fait des gains importants. Dans des sociétés comme la Nouvelle-Zélande, le Mexique, l'Écosse et le pays de Galles, habituées au scrutin uninominal, cette formule a permis d'aménager la transition vers un système plus juste. Un intéressant mouvement en sens inverse s'est esquissé ces dernières années : des pays pratiquant depuis longtemps la proportionnelle classique se sont quant à eux lassés de députés anonymes sans lien évident avec un territoire particulier. Ils ont cherché à personnaliser leurs proportionnelles en faisant élire un important contingent de députés dans des circonscriptions uninominales comme les nôtres. C'est le cas de l'Italie, du Venezuela et de la Bolivie. Le Portugal et les Pays-Bas ont envisagé ou étudient actuellement un mouvement en ce sens. Dans le land de Hambourg, un des rares endroits où subsiste la proportionnelle classique en Allemagne, une initiative citoyenne vise actuellement à provoquer la tenue d'un référendum sur l'introduction de 70 sièges pourvus à la pluralité des voix dans de petites circonscriptions, auxquels s'ajouteraient une cinquantaine de sièges compensatoires destinés à rétablir la proportionnalité du résultat. Cette convergence est éclairante. Partagées entre leur souci d'équité électorale et leur préférence pour une représentation plus territorialisée, nombre de sociétés s'orientent vers le genre de compromis qui fonctionne avec succès depuis 1949 pour l'élection des députés au Bundestag et qui existe également dans 13 des 16 länder. En optant pour cette approche, le Québec s'inscrirait dans un courant international indiscutable.

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Une étape vers l'égalité
Geneviève Dorais Au nom du collectif Féminisme et Démocratie Le Devoir mercredi 24 septembre 2003

La réforme du mode de scrutin, annoncée lors du discours inaugural de Jean Charest pour le printemps 2004 et confirmée par le ministre Dupuis, pourrait être une bonne nouvelle pour les Québécoises. Cependant, pour que ce soit le cas, il faudra que le nouveau modèle de scrutin soit élaboré en respectant certains principes, que la portion de proportionnelle qui y sera intégrée soit significative et non seulement décorative et, finalement, qu'il soit accompagné de mesures en faveur de l'égalité des sexes dans la représentation politique. Depuis sa formation en mars 2002, le Collectif Féminisme et Démocratie milite pour l'obtention d'un mode de scrutin qui permettrait une meilleure représentation des femmes à l'Assemblée nationale. Si le lien entre mode de scrutin et représentation égalitaire des femmes et des hommes ne semble pas évident pour certains, il l'est pour nous. Un examen, même sommaire, des différents parlements dans le monde révèle que les pays où les femmes sont le mieux représentées ont tous un mode de scrutin proportionnel: Suède, Danemark, Finlande, Norvège, Belgique, Costa Rica, Islande, Pays-Bas, etc. Si la proportionnelle n'est pas suffisante pour garantir une représentation égalitaire à l'Assemblée nationale, nous croyons qu'elle est un premier pas vers l'atteinte de cet objectif. Représenter la diversité Dans un système représentatif comme le nôtre, l'élection est le principal mécanisme par lequel les citoyennes et les citoyens exercent leur pouvoir démocratique. Un nouveau mode de scrutin devrait donc permettre l'élection d'un gouvernement qui représente réellement la diversité de la population québécoise. Pour qu'il soit juste et démocratique, nous croyons que l'élaboration de ce mode de scrutin doit être faite en respectant les quatre principes suivants: refléter obligatoirement et le plus fidèlement possible la volonté populaire; viser une représentation égale entre les femmes et les hommes; incarner la diversité québécoise et permettre le pluralisme politique; assurer l'importance des régions dans la réalité québécoise. Les hommes monopolisent actuellement 70 % des sièges de l'Assemblée nationale. La situation est certes moins scandaleuse qu'à d'autres moments, puisque, jusqu'en 1961, ils occupaient tous les sièges de cette Assemblée. Cependant, cette érosion du monopole masculin de la représentation politique est lente et fragile. Parce que les changements sociaux ne sont pas le fruit de l'évolution «naturelle» des choses, mais le produit de décisions politiques, nous refusons d'attendre et nous demandons au ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques des mesures concrètes visant une augmentation du nombre de femmes à l'Assemblée nationale. Certes, nous croyons que ces dispositions devraient également favoriser une meilleure représentation des femmes de groupes minoritaires. Des dizaines de mesures sont actuellement en vigueur dans autant de pays, allant par exemple de l'obligation pour les partis de placer leurs candidates en position d'éligibilité sur la liste qu'ils présentent, aux bonifications financières de toutes sortes. Il est temps que le Québec passe à l'action en prenant lui aussi les moyens nécessaires afin que la moitié de sa population soit mieux représentée.
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Pas de proportionnelle au prochain scrutin
Jacques Bergeron Montréal Le Devoir mardi 30 septembre 2003

Libre opinion: Est-il vraiment nécessaire que le mode de scrutin du Québec soit modifié? Est-ce qu'il ne serait pas important que le mode de scrutin soit d'abord modifié au Canada avant qu'il ne le soit au Québec, si on considère que la majorité des députés siégeant à la Chambre des communes n'ont pas obtenu une majorité de voix de la part de leurs électeurs? Avant de modifier le mode québécois de scrutin, ne devrions-nous pas nous poser quelques questions ? - Est-ce que le mode de scrutin actuel ne nous a pas bien servis, même si c'est un mode de scrutin à l'anglaise ? - Est-ce que la démocratie sera mieux servie par le mode de scrutin que l'on veut nous proposer ? Même si le mode de scrutin actuel n'est pas parfait, loin de là, puisqu'il permet que des députés siègent à l'Assemblée nationale sans avoir obtenu une majorité des voix de leurs électeurs, il nous a tout de même donné une stabilité politique que plusieurs pays nous envient, même de la part de ceux qui se targuent de bénéficier d'un mode de scrutin à la proportionnelle. Il nous a même permis d'élire régulièrement le Parti québécois, ce que le mode proposé ne nous garantit aucunement. Bien sûr que les tiers partis, comme l'ADQ et l'Union des forces progressistes, y trouveraient leur compte. Il faudrait cependant voir jusqu'où ce nouveau mode de scrutin ne jouerait pas contre la liberté, les intérêts des individus et ceux du Québec ? Il me semble que toute démarche visant à modifier le mode de scrutin actuel devrait s'articuler autour des valeurs démocratiques si chères aux citoyens occidentaux, et aux Québécoises et Québécois en particulier. Ainsi il nous semble préférable de nous assurer de légitimer la présence des députés à l'Assemblée nationale par l'obligation qu'ils et elles obtiennent au moins 50 % plus une voix de leurs électeurs afin de pouvoir siéger comme député. Pour y arriver, le mode de scrutin à deux tours, qui verraient les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au premier tour participer seuls au deuxième tour, nous apparaît comme le meilleur garant de la sauvegarde de la démocratie. S'il n'assure pas que le parti ayant obtenu le plus grand nombre de voix des électeurs et électrices sera au pouvoir, il a le mérite de nous assurer que les députés siégeant à l'Assemblée nationale y siégeront avec une légitimité vraiment démocratique, seule garante d'une démocratie nouvelle. Il nous semble que, dans l'état actuel de la pensée politique au Québec, tout renouvellement de mode de scrutin devrait se construire dans le respect des diverses tendances en leur permettant de s'exprimer à l'intérieur de l'Assemblée nationale, dans la mesure où ces partis pourraient se prévaloir d'un pourcentage suffisant du vote populaire exprimé lors d'une élection générale. Ainsi, nous croyons qu'un parti politique ayant obtenu 5 % de ce vote populaire exprimé lors d'une élection générale au Québec et n'ayant pas un candidat élu pourrait, dans ces conditions, déléguer un député à l'Assemblée nationale pour y siéger comme un de ses membres en bénéficiant des droits qui sont conférés à l'ensemble des membres de cette assemblée. Cette mesure devrait être considérée comme un enrichissement pour les débats de l'Assemblée nationale et pour l'ensemble des Québécois en légitimant la pluralité de la pensée politique chez nous. Loin d'affaiblir notre démocratie, cette mesure l'enrichirait par le respect que le Québec reconnaît à ses concitoyens, de quelque pensée qu'ils s'inspirent. Réforme des institutions démocratiques Même si la réforme du mode de scrutin peut paraître très importante, nous croyons qu'elle devrait être précédée de la mise sur pied d'une constitution du Québec qui définirait le pays dans lequel ses concitoyens veulent vivre. À quoi servirait-t-il de créer un nouveau mode de scrutin, si l'ensemble de nos concitoyens ne sont pas heureux dans les structures politiques et administratives actuelles ? Nous nous permettons de recommander à nos élus d'analyser toutes les facettes de la vie de l'ensemble des Québécois avant d'aller de l'avant avec une modification du mode de scrutin qui ne correspondrait pas aux attentes de leurs concitoyens. Cet enjeu est trop important pour épouser la pensée du Mouvement pour une démocratie nouvelle et de partis minoritaires, qui ne visent qu'à enfermer le Québec et ses concitoyens dans un carcan duquel ils ne pourront plus sortir. Si nos députés devaient décider d'aller de l'avant avec cette modification, nous souhaitons qu'ils retiennent le mode de scrutin à deux tours, en tenant compte du mode compensatoire suggéré qui est, dans les faits, un mode proportionnel ne laissant pas le gouvernement à la merci des tiers partis politiques.

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Réforme du mode de scrutin - L'indispensable Directeur général des élections
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/l/levesquem.html" Michel Lévesque Politologue et historien Le Devoir lundi 6 octobre 2003

Le projet global de réforme des institutions politiques auquel le nouveau ministre, Jacques Dupuis, entend donner suite consistera essentiellement en une réforme du mode de scrutin comportant des éléments de représentation proportionnelle. «Le temps des discours est révolu, passons aux actes», a lancé le ministre à l'occasion de l'étude des crédits du Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, le 10 juillet dernier, en invoquant le fait qu'«il y avait eu beaucoup de discours là-dessus au cours des 30 dernières années». Depuis lors, il a réitéré l'intention du gouvernement de présenter un projet de loi au printemps 2004 et a indiqué qu'un nouveau mode de scrutin entrerait en vigueur non pas lors des prochaines élections générales, mais plutôt au scrutin suivant. Le Directeur général des élections (DGE) doit jouer un rôle de premier plan dans le processus de réforme en cours et se voir confier un mandat en vue d'entreprendre des études étoffées et de préparer des propositions de modes de scrutin proportionnel. Il s'agit là, à mon sens, de la première action à entreprendre si le nouveau gouvernement souhaite mener à bien cette entreprise. La crédibilité du DGE : un atout Les projets de modification du droit électoral sont très souvent soupçonnés de manipulation, ce qui les discrédite et rend leur réalisation très précaire. Bien que le nouveau ministre ait fait part de sa volonté de procéder à cette réforme en établissant un consensus avec tous les partis politiques, un des écueils sur lesquels risque de se heurter son projet de réforme tient précisément au fait qu'il appartient à un parti politique et qu'il risque éventuellement d'être soupçonné, même à tort, de proposer tel mode de scrutin plutôt que tel autre dans le but de favoriser sa formation politique. Ou encore, de proposer la mise en vigueur d'un nouveau mode de scrutin à un moment qui apparaisse plus favorable à son parti. Devant le risque d'un tel dérapage, il m'apparaît important de confier au DGE un rôle important afin d'assurer la neutralité du processus en cours. L'intervention du DGE ne constitue en rien un gage absolu de succès en ce qui a trait à cette éventuelle réforme. Il apporte toutefois une forte dose de neutralité extrêmement importante pour la suite des choses et, surtout, au regard de la qualité des débats qui ne manqueront certainement pas. Mais il n'y a pas que la neutralité du DGE qui est importante. Des études entreprises sous les auspices du DGE apporteraient également une plus grande crédibilité et permettraient de présenter des analyses approfondies, d'une part, et de contrer les analyses superficielles qui ont été présentées jusqu'à ce jour, d'autre part. Études plus crédibles Quoiqu'une réforme électorale ait été l'objet de nombreuses discussions au cours des dernières décennies, force est de constater le peu d'études étoffées portant sur cette question depuis la publication, par la Commission de la représentation électorale, en 1984, du projet d'un mode de scrutin proportionnel territorial. [...] Les derniers articles en liste présentant une analyse superficielle et souffrant de nombreuses lacunes sont ceux du professeur de l'École nationale d'administration publique (ÉNAP) et ancien haut fonctionnaire responsable de la réforme électorale, André Larocque, parus dans Le Devoir du 9 juin et du 12 août derniers. [...] La thèse de l'universitaire de l'ÉNAP, à l'effet que «les gouvernements ont rarement des mandats clairs» en raison de l'actuel mode de scrutin uninominal à un tour à majorité relative, ne tient tout simplement pas la route. Utilisant les résultats des élections générales de 1944, de 1966 et du 14 avril dernier comme preuve à l'appui de sa démonstration, l'universitaire conclut que la distribution des sièges aux différents partis politiques ne respecte pas «la volonté du peuple» et que chaque élection produit de «faux résultats». [...] Lorsqu'on prend en considération l'ensemble des résultats des 37 élections générales qui ont eu lieu au Québec depuis 1867, on constate que 28 gouvernements ont été élus en obtenant plus de 50 % des votes des électeurs et que deux gouvernements ont été très près d'atteindre ce chiffre. Il s'agit du Parti libéral du Québec (PLQ) lors des élections de 1989, avec 49,95 %, et du Parti québécois (PQ), en 1981, avec 49,2 % du total des votes. Quant aux sept autres élections, ce sont trois formations politiques différentes qui ont dirigé le Québec sans qu'une majorité de l'électorat leur en ait donné le mandat. Ce fut le cas de l'Union nationale à deux reprises (1944 et 1966). Dans ces deux cas, ce parti avait obtenu moins de votes que le PLQ. Pour sa part, le PLQ a dirigé les destinées du Québec à trois occasions sans mandat majoritaire de l'électorat (1970, 1989 et 2003). Le PQ a, quant à lui, connu la même situation à quatre reprises (1976, 1981, 1994 et 1998) et n'a jamais obtenu la majorité des votes dans l'ensemble du Québec. Lors des élections de 1998, les candidats du PQ obtenaient même moins de votes que ceux du PLQ. Ainsi donc, compte tenu des résultats qui précèdent, je peux infirmer la thèse d'André Larocque et affirmer que les gouvernements élus au Québec depuis 1867 ont obtenu des «mandats clairs», c'est-à-dire qu'ils ont obtenu l'appui de plus de 50 % des électeurs qui se sont rendus aux urnes, dans plus de 75 % des cas. Cependant, même si mon analyse tient compte d'un plus grand nombre d'élections que celle d'André Larocque, elle demeure tout aussi superficielle. Car ne retenir qu'un seul aspect entourant une élection, soit le total des votes, ne permet pas de tirer des conclusions très solides. Les résultats bruts ne font pas référence aux forces en présence, aux enjeux internationaux, nationaux, régionaux et locaux, aux chefs, aux candidats, aux programmes, au taux de participation, aux élections par acclamation avant 1940, etc. En fait, seule une analyse circonscription par circonscription sur une longue période pourrait permettre de présenter des résultats plus crédibles. Quant à l'affirmation voulant que la distribution des sièges aux différents partis politiques ne respecte pas «la volonté du peuple», le professeur Larocque prétend que les médias et les milieux académiques ont tort de s'attarder à tirer des conclusions à partir du nombre de sièges que les partis obtiennent, plutôt que de s'intéresser au nombre de votes obtenus par les partis, qui serait, selon lui, la seule façon de tenir compte de la volonté populaire. Or il est tout à fait adéquat de s'intéresser au nombre de députés élus dans chacune des circonscriptions, puisque c'est là l'objet même de la nature de notre mode de scrutin, à savoir déterminer l'élection d'un représentant dans chacune des 125 portions du territoire québécois délimitées par la Commission de la représentation électorale. En fait, c'est plutôt lui qui a tort d'interpréter les résultats obtenus en fonction d'une logique qui ne sied pas à ce mode de scrutin. Quoiqu'il puisse être intéressant d'additionner le nombre total de votes obtenus par les candidats des diverses formations politiques pour l'ensemble du Québec, il faut cependant se garder d'en tirer des conclusions générales et faire très attention dans l'interprétation qu'on veut bien faire desdits résultats. Car leur donner un sens qu'ils n'ont pas à l'origine pose un très grave problème. Par exemple, sur quoi se base l'universitaire pour dire que les votes obtenus par les candidats dans les 125 circonscriptions électorales du Québec, le 14 avril 2003, étaient tous favorables au parti qu'ils représentaient ? Et qu'en était-il lors des élections de 1944 et lors de celles de 1966 ? On peut facilement estimer qu'un certain pourcentage de ces votes étaient d'abord favorables à la personne plutôt qu'au parti. Un certain nombre d'électeurs ont pu voter pour le chef plutôt que pour un parti, pour ou contre une mesure législative adoptée par le gouvernement. Bref, les raisons à l'origine du choix des électeurs peuvent être nombreuses et ne pas reposer sur un appui à un parti politique. Enfin, considérer que chaque élection produit de «faux résultats» est une idée saugrenue. Les résultats sont exacts. C'est son interprétation qui lui fait dire qu'ils sont faux et qui leur donne un sens qu'ils n'ont pas à l'origine, ce qui est très différent. Est-il besoin de préciser que plusieurs partis politiques dirigent les destinées de leur pays en ayant obtenu moins de 50 % des votes de l'électorat, alors que des modes de scrutin proportionnel sont pourtant en vigueur. Dans certains de ces pays, le pourcentage des voix permettant d'obtenir une majorité de sièges au parlement se situe en moyenne autour de 46 à 47 % des voix. Selon la thèse d'André Larocque, faudrait-il en conclure que les partis au pouvoir dans ces pays n'ont pas de «mandats clairs» et que les résultats ne respectent pas la volonté populaire ? Les textes du professeur Larocque constituent une preuve éloquente, il me semble, de la nécessité de confier au DGE la tâche d'entreprendre des recherches et des analyses substantielles afin de voir plus clair en ce domaine. Si un universitaire et haut fonctionnaire, qui, par surcroît, a été responsable de la réforme du mode de scrutin, peut commettre deux textes aussi peu fondés, on peut alors se demander quelle compréhension la population en général et les parlementaires ont des différents modes de scrutin ? Fouillis de propositions Une troisième raison qui justifie que le DGE joue un rôle important dans la réforme en cours consiste à présenter des propositions de modes de scrutin proportionnel qui soient exemptes d'intérêts partisans et qui varient au gré des événements ou des personnes, comme en témoignent les quelques exemples qui suivent. Dans un article publié dans La Presse en novembre 2002, le président du comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions politiques, Claude Béland, indiquait que les participants aux rencontres de consultation exploraient «toutes sortes de modèles mixtes». Pourtant, dans le rapport final, intitulé Prenez vote place ! et rendu public le 10 mars dernier, la première recommandation propose l'adoption d'«un mode de scrutin de représentation régionale». S'agit-il d'un modèle mixte ? Pour sa part, le nouveau premier ministre, Jean Charest, aurait déjà exprimé un intérêt pour le mode de scrutin de l'Écosse (Le Soleil, 12 juillet 2003). Le 10 septembre dernier, le ministre Jacques Dupuis soulignait que le gouvernement «entend proposer un mode de scrutin proportionnel mixte, de type compensatoire. Ce choix, explique-t-il, apparaît déterminant si on considère l'expérience, les consultations récentes [...] et un certain consensus des experts.» De quelle expérience s'agit-il ? Qui sont ces experts et quand ont-ils établi un «certain consensus» à ce sujet ? Enfin, toujours en septembre, le président du Mouvement pour une démocratie nouvelle préconisait l'adoption d'un mode de scrutin prévoyant l'élection de 75 députés avec le mode de scrutin actuel et 50 députés régionaux, et il affirmait qu'il s'agissait du modèle qui circule le plus actuellement, sans toutefois préciser sur quoi s'appuie cette affirmation. Comme on peut le constater, la confusion règne et les questions sont nombreuses. Aussi, des propositions de réforme du mode de scrutin présentées sous les auspices du DGE apporteraient sans aucun doute une plus grande crédibilité et éviteraient à tout un chacun de proposer son propre modèle, évitant ainsi qu'on se retrouve dans un débat de modèles à n'en plus finir et de suspicion à l'égard d'un mode de scrutin qui aurait été proposé par telle personne ou par telle autre. La détermination d'un nouveau mode de scrutin sera également liée à la crédibilité de l'institution qui en sera le parrain. Le DGE est sans doute le mieux placé pour présenter des propositions qui soient exemptes de suspicion. Ces propositions pourraient d'ailleurs être accompagnées de scénarios qui permettraient à la population et aux parlementaires d'être plus à même de se faire une meilleure idée.

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Quelles distorsions cherche-t-on à corriger?
Éric Alvarez Étudiant-chercheur, Faculté de foresterie et géomatique, Université Laval Le Devoir mardi 7 octobre 2003

Depuis qu'en 1998 le Parti québécois a gagné l'élection avec moins de voix que le Parti libéral, il est beaucoup question de modifier notre système de représentation actuel pour en diminuer les «distorsions». Le problème, c'est que dans ce débat on perd de vue ce qui devrait pourtant être la question de base, à savoir: quelle est notre vision du Québec? Question fondamentale car notre système électoral se doit d'être en accord avec cette vision. Si on fait l'analogie avec les États-Unis, le président actuel a été élu avec moins de voix que son opposant. Cela le rend-il moins légitime ? Est-ce que les gens ont crié à l'injustice ? De façon générale non, car les élections se sont déroulées conformément à la vision commune qu'ils ont de leur pays, à savoir qu'il est l'union de 50 États et que chacun a voix au chapitre. Si on appliquait l'argumentation en vogue ici qui veut que chaque vote devrait compter, l'élection du président américain se ferait sur une vision du pays qui considérerait qu'il n'y a qu'un seul État et non pas 50. Il est probable que cela serait inacceptable pour les Américains. Pourquoi cela devrait-il être acceptable pour nous ? En 1998, le Parti libéral avait gagné le vote populaire à l'échelle du Québec avec approximativement 20 000 voix d'avance sur le Parti québécois. Toutefois, sa prédominance lui était due principalement à la «distorsion» causée par l'ouest de l'île de Montréal. Il était perdant à l'extérieur de cette «région». Si notre vision du Québec en était une, en analogie avec les États-Unis, d'un amalgame de différentes régions ayant chacune une valeur en soi, on arrêterait d'analyser les résultats des élections selon le dénominateur le plus simple, à savoir la proportion de votes à l'échelle du Québec. On regarderait les résultats par région. Actuellement, il n'y a aucune vision en ce sens, il n'y en a que pour le principe «un électeur, un vote». Or, si on transpose en vision du Québec ce principe, qu'est-ce que cela nous donne ? Un Québec unitaire, «aplati» dans ses différences où, paradoxalement, les gens des régions n'auraient plus vraiment d'intérêt à aller voter car, une fois que ceux des régions de Montréal et Québec seraient passés au bureau de scrutin, les jeux seraient faits. On aurait beau leur vanter les mérites du «un électeur, un vote», s'ils savent pertinemment que les ficelles vont être tirées par les deux grosses régions, à quoi bon ? Ce système serait-il démocratique ? Oui, tout à fait. Comme le système actuel en fait ! Il n'y a rien d'anti-démocratique tant que les gens peuvent s'exprimer et voter librement. Il y a seulement différents modes de scrutin, chacun avec ses forces et ses faiblesses. Mais l'important n'est pas de les juger au mérite, mais plutôt de répondre à la question de base. Une fois que nous y aurons répondu, le système s'imposera de lui-même.

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La proportionnelle a peu d'impact sur la représentation
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/d/dutily.html" Yvan Dutil Sainte-Foy Le Devoir vendredi 10 octobre 2003

Dans une lettre publiée dans Le Devoir du 24 septembre, Geneviève Dorais, au nom du collectif Féminisme et Démocratie, énumère de nombreux arguments en faveur de l'utilisation du scrutin proportionnel. Malheureusement, ceux-ci dénotent plus sa vision du monde que la réalité objective. Par exemple, il est généralement admis que la proportionnelle augmente la participation féminine. Toutefois, la grande majorité des études sur l'impact du mode de scrutin sur la représentation féminine sont de piètre qualité en raison de la taille de leur échantillon et de leur méthode. Par conséquent, les résultats d'une étude à l'autre sont contradictoires. La seule étude un tant soit peu crédible du point de vue statistique a été produite récemment par Rob Salmon, étudiant au doctorat à UCLA. Elle porte sur le résultat de 321 élections tenues depuis 1945 dans 23 pays membres de l'OCDE. D'après cette étude, l'effet principal de la proportionnelle est d'accélérer les processus d'accès à la parité pour la représentation féminine. Le gain sur la vitesse est toutefois faible, soit de l'ordre de 20 %. Un système mixte donne des résultats environ moitié moindres. Voulant en savoir plus, j'ai moi-même de nouveau analysé ces données. Ceci m'amène à avoir de très sérieuses réserves sur l'impact positif possible de la proportionnelle sur la représentation féminine au Québec. En effet, le Québec est actuellement l'endroit dans le monde où le système majoritaire produit la plus grande proportion d'élues féminines ! La participation féminine y a évolué d'une façon comparable ou même supérieure à ce qui est observé dans les démocraties utilisant un système proportionnel. Le résultat des dernières élections confirme une fois de plus la progression des femmes à l'Assemblée nationale, qui se poursuit sans interruption depuis 27 ans. Loin d'être fragile, cette progression est remarquablement robuste. Elle est même rapide, notamment face à des pays qui sont donnés en exemple, comme la Suède ou la Norvège ! Dans le groupe des nations ayant atteint 30 % de femmes dans leurs assemblées législatives, le Québec n'est significativement dépassé en matière de taux de croissance que par l'Allemagne, l'Islande, l'Espagne et la Nouvelle-Zélande. Et ce n'est que parce qu'elles ont entrepris leur révolution féministe plus tôt que certaines sociétés montrent une avance marquée sur le Québec en matière de représentation féminine. C'est ainsi que des pays comme la Suède, la Finlande, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas ont connu leur révolution féministe peu après la Seconde Guerre mondiale. Le Québec et le Canada, quant à eux, font partie d'un second groupe de nations (Autriche, Allemagne, Islande, Espagne, Nouvelle-Zélande) qui ont entrepris leur transition dans les années 70. Ces facteurs indiquent que la proportionnelle n'aurait vraisemblablement que très peu d'impact sur la représentation féminine à l'Assemblée nationale. En effet, si, dans le meilleur des cas, le taux de croissance rejoignait celui de l'Espagne, on aurait seulement une femme de plus à l'Assemblée nationale à partir de 2011. On devancerait aussi la date de la parité d'environ deux ans, soit vers 2020. Autre mythe mis à rude épreuve, la même analyse permet de montrer que les quotas volontaires ne semblent pas avoir d'impact important sur la croissance de la représentation féminine, sauf peut-être en Espagne. D'autre part, dans les pays où des quotas coercitifs sont appliqués, la représentation féminine n'est guère supérieure à ce qu'on observe au Québec à l'heure actuelle (de 30 à 35 %, comparativement à 30,4 %). Dans les faits, le mode de scrutin à lui seul semble avoir peu d'impact sur la représentation féminine. En effet, il a souvent fallu des dizaines d'années après l'adoption de la proportionnelle et du vote des femmes pour observer une progression rapide du nombre d'élues. Contrairement à l'affirmation de Mme Dorais, ce sont plutôt des phénomènes sociologiques qui déterminent le rythme de progression de la représentation féminine. Deux facteurs semblent entrer en jeu : le rythme naturel de renouvellement de la société, qui se mesure en générations, et l'espérance de vie des politiciens, qui, lui, détermine le rythme de remplacement des législatures, celui-ci variant significativement d'un pays à l'autre. Au Québec, la grande majorité des députés n'occupent pas leur siège au delà de deux mandats. C'est aussi le cas des conseillers municipaux. Dans ces deux cas, la progression des femmes est rapide. Par contre, il est de notoriété publique que les maires occupent leur poste pour de très longues périodes. Le renouvellement étant très lent, il n'y a encore que peu de mairesses (10,4 %). Alors, quand limiterons-nous la durée des mandats des maires ?

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Real electoral change awaits Quebecers
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/g/gibsons.html" Gordon Gibson  National Post Saturday, October 11, 2003
From a political point of view, the province of Quebec is today, hands down, the most interesting place in Canada. Yes, it is true that during the election the formerly staid Ontario surpassed the long-time champ, British Columbia, for sheer amusement, farce and chaos -- but that was froth and bubbles. In Quebec, real things are happening. To the general astonishment of the French-language media, the Charest government is actually proceeding with its electoral promises. Most notably at the moment, they look poised to take on the Quebec labour movement on the explosive (for Quebec) topic of contracting out to the private sector work currently done by public servants. A huge fight has been promised over this issue by all of the unions, and on the surface the electoral arithmetic looks difficult. At a rate of about 45%, the province is by far the most unionized place in Canada -- indeed, in North America. Taking into account friends and families of union members, this is perilously close to the size where a special interest group can actually control governments. Who would dare tangle with such a politically powerful opponent? So, will this lose the next election for Mr. Charest? Not if electoral reform goes ahead. This is the really interesting thing going on in Quebec City. Through its Minister for the Reform of Democratic Institutions, Jacques Dupuis, the government has made its intentions on a new election law quite clear. They are moving to a German or New Zealand style "compensatory mixed member proportional" (MMP) system. The Quebec National Assembly has 125 seats and this is unlikely to change. The government thinks direct contact with constituencies is an essential feature to retain, and so that will continue to be the main form of representation -- 75, 80 or 85 of the seats are numbers suggested by the Minister. Say it is 75 -- as this would conveniently match the number of federal ridings and boundaries, as Ontario has done -- leaving 50 seats to be filled from lists provided by the parties in such a way that in the end result, each party would have the same percentage of seats in the legislature as it obtained in the popular vote. There would be two big winners and one big loser from this system. The Liberals would be winners. Their problem for years and years has been one of "wasted votes" -- immense majorities piled up in large urban anglophone districts, while the Parti Québécois was able to win the overall game through narrow majorities in smaller and rural constituencies. In fact, in the 1998 election, the PQ got a healthy majority of seats in the Assembly even though the Libs got more actual votes. With MMP, every Liberal vote will count -- none will be wasted. The old game will be over. The other, even bigger winner would be Mario Dumont's Action Démocratique. In the last election it received 20% of the votes but only four seats. Under the new system, the party would have received 25 seats. Nice bonus. The big loser would be the PQ. It is hard to conceive they could ever form a majority government again. What then of their dream of sovereignty, lacking the reins of government? So their interest in preserving the current system is very obvious, but there is a huge embarrassment in this. The PQ has for 30 years had a platform plank calling for some sort of proportional representation. True, when in power they have never gotten around to making that happen (for obvious reasons) -- but the promise is there. It was discussed even more in the run-up to the last election at a time when some Péquistes feared a total wipeout, with some sort of proportional representation being the only hope of retaining a respectably sized rump. So now what are they to do? They have to talk a reform game while trying to insert some sort of poison pill to make sure it doesn't happen. That is why the PQ is insisting that any change in the electoral system must be approved by a referendum -- hoping against hope that said referendum would fail. The government, for its part, has not decided. For many democrats, an electoral system belongs to the people and changing it without popular approval by way of a referendum is unthinkable. For pragmatists within the government, the fact is that changes in electoral systems, in Canada and around the world, have typically been made by legislatures acting alone. But with the referendum tradition in Quebec and the Canadian experience with the Charlottetown Accord, we live in a new world. And if there is to be a referendum, will it be at the time of the next election (as will be the case in British Columbia), meaning the next election would be under the old system? This would require a change in the Quebec referendum law, or else a special, early vote could be called. One thing is clear. If Quebec moves to MMP, it will be a new political world. Minority governments, never before seen in Quebec, will become the norm, as single parties rarely win 50% of the overall vote. Third parties such as the ADQ will become important powerbrokers, making and breaking governments, and new parties will arise. This is big stuff. Gordon Gibson is a Vancouver commentator.; ggibson@bc-home.com

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La samba de la proportionnelle
 HYPERLINK "http://archives.vigile.net/auteurs/a/allairej.html" Jean Allaire Membre du Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques et premier chef de l'Action démocratique du Québec Le Devoir mardi 14 octobre 2003

Libre opinion: Quelques pas en avant. Quelques pas en arrière. Et on recommence pour rester au même point. Aboutirons-nous enfin? C'est maintenant au tour du ministre Jacques Dupuis d'entrer dans la danse. On nous dit qu'on «étudie»! Quelqu'un qui étudierait autant et aussi longtemps en serait rendu à un cinquième doctorat... au moins. Effectivement, depuis plus de 30 ans, tout a été dit au sujet du mode de scrutin. Le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) depuis longtemps en ont étudié toutes les formes : la proportionnelle pure, la proportionnelle régionale, les modes de scrutin mixtes, etc. Le PQ dans son programme est en faveur d'un scrutin avec des éléments de proportionnelle. Plus récemment, l'Action démocratique du Québec (ADQ) a fait connaître ses vues sur le mode de scrutin dans le même sens, ainsi que le PLQ et l'UFP. Les professeurs d'université spécialisés dans ce domaine en ont traité abondamment dans le passé et encore tout récemment. En effet, la Commission des institutions de l'Assemblée nationale et les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques ont fait des tournées des principales villes du Québec, et ont consulté et réentendu des experts dans ce domaine, en plus des simples citoyens. La conclusion très majoritaire dans chaque cas : il faut un mode de scrutin avec des éléments de proportionnelle, en écartant la proportionnelle pure. Il y a déjà une certaine convergence qui s'impose d'elle-même. Nous avons aussi l'exemple de plusieurs pays démocratiques qui utilisent un mode de scrutin mixte, qui s'en portent bien et qui connaissent une bonne stabilité gouvernementale. Que voulons-nous de plus ? Là est la question. Politicaillerie et démocratie Individuellement, la majorité des députés se prononcent pour un régime mixte... jusqu'à ce que cela les touche. Les partis politiques au pouvoir et dans l'opposition officielle se prononcent pour la vertu, donc pour une meilleure représentation des différents courants politiques dans notre société, donc pour un mode de scrutin avec des éléments de proportionnelle. Mais ils cherchent par la suite à faire dévier le processus allant dans ce sens. Pourquoi, disent-ils, changer une méthode qui nous a si bien servis dans le passé à nous échanger aimablement le pouvoir ? Les deux plus gros partis politiques se gargarisent avec l'idée du pluralisme des partis, mais ne font rien pour que ces partis soient représentés à l'Assemblée nationale et fassent valoir l'opinion de leur groupe de citoyen-ne-s. Sans une forme de proportionnelle, il n'y aura pas de tiers parti. Comment se surprendre ensuite que la majorité de la population ne fasse plus confiance aux politiciens ? Comment se surprendre que les gens et les jeunes de la relève se désintéressent de la politique ? Comment se surprendre que tant de gens disent : «À quoi bon voter, si mon vote ne fait élire personne et ne sert à rien ?» ou «À quoi bon voter, si je dois voter pour mon deuxième choix pour que mon vote compte réellement ?» L'intérêt partisan aidant, on laisse courir toutes sortes de renseignements alarmistes et fallacieux sur la proportionnelle, allant jusqu'à brandir la crainte d'instabilité gouvernementale, alors qu'ici, personne ne veut de cette proportionnelle pure pour l'ensemble du Québec. Maintenant, on vient nous dire que nous n'aurions pas le temps de tout organiser pour la prochaine élection, retardant ainsi indûment une correction démocratique qui s'impose depuis longtemps. Si nous attendons encore, ce sera vrai, il sera trop tard. Ce n'est pas le temps qui nous manque, mais le courage politique en tout premier lieu. Le côté légal et technique suit toujours les décisions et l'impulsion politiques. On a eu plusieurs exemples de lois présentées avec célérité, être discutées et adoptées démocratiquement en quelques mois. C'est mésestimer la compétence du directeur général des élections que de penser qu'en trois ans, ce dernier ne peut mener à bien les travaux techniques de la Commission de la représentation pour que cette loi s'applique dès le prochain scrutin. Cette façon de procéder sans délai raviverait l'intérêt des gens pour la politique, leur respect pour les politiciens et les gouvernements, et ce, pour le plus grand bien de la démocratie. Qu'est-ce qu'un mode de scrutin mixte ? C'est un système qui fait élire un certain nombre de députés, une majorité habituellement, au scrutin majoritaire comme maintenant, les autres étant élus suivant un système de proportionnelle. Ce système proportionnel peut prendre plusieurs formes, et faire l'objet de différentes discussions. Plusieurs sont d'opinion que 75 députés ou 60 % devraient être élus au scrutin majoritaire comme maintenant, et les autres, soit 50 députés ou 40 %, à la proportionnelle. Mais une fois la décision politique prise par l'Assemblée nationale en faveur d'un tel régime mixte et du nombre de députés à élire au scrutin majoritaire, les experts du domaine de la proportionnelle pourraient éclairer facilement les discussions. Quant aux 75 députés à élire à la majorité simple, on pourrait facilement s'inspirer de la carte électorale fédérale qui prévoit déjà 75 comtés, déjà délimités et connus. L'Assemblée nationale devra aussi décider si une seule option ou plus d'une doit être soumise au peuple par référendum ou non. Il semble qu'une bonne majorité de la population soit en faveur d'un tel régime mixte, ainsi que d'un nombre minimum de votes pour qu'un parti puisse bénéficier d'un partage proportionnel de députés (seuil minimal de 5 %, par exemple). Avons-nous le courage ? Avons-nous la maturité politique, mais surtout le courage, de nous élever au-dessus de la politique partisane, et au-dessus des petits calculs électoralistes ? Le parti au pouvoir aura-t-il le courage de faire en sorte que le Québec rejoigne enfin la majorité des pays démocratiques qui utilisent un régime mixte, c'est-à-dire un scrutin en partie majoritaire associé d'éléments d'une proportionnelle, malgré certains opposants qui crient au loup ? Il y a un mouvement en ce sens au Canada, en Colombie-Britannique et à l'Île-du-Prince-Édouard. Plusieurs pays dans le monde y sont venus récemment. Dans les grands pays démocratiques, il ne reste que l'Inde, l'Angleterre, le Canada et les États-Unis qui utilisent uniquement le scrutin majoritaire. Cependant, même en Angleterre, un comité spécial a étudié, depuis un certain temps, des méthodes alternatives au scrutin majoritaire. Et aux États-Unis, de plus en plus de voix s'élèvent contre la façon actuelle de voter et d'élire les politiciens. Seules une décision et une impulsion politiques peuvent mettre rapidement en marche le processus nécessaire pour qu'à la prochaine élection, on puisse donner une voix significative à tous les électeurs. Cessons de parler de multipartisme, si on ne se décide pas enfin. Sans un système avec des éléments de proportionnelle, il n'y aura pas de tiers parti et une portion importante de la population ne sera pas représentée.

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Le projet de réforme du mode de scrutin devra attendre au printemps
Gilles Normand La Presse mardi 14 octobre 2003

Québec - En dépit des fortes pressions qui sont exercées sur le gouvernement Charest pour qu'un projet de réforme du mode de scrutin soit présenté dès la reprise des travaux parlementaires, cet automne, le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, n'en fera rien, bien déterminé qu'il est à soumettre un projet de loi au Parlement au printemps 2004, et pas avant. "Je me suis engagé à confectionner un projet de loi réaliste, réalisable et qui s'attire un consensus le plus large possible. Je ne le rentrerai pas de force dans la gorge des Québécois, ce serait tuer le projet de réforme", explique Jacques Dupuis dans une entrevue accordée à La Presse. Donc, selon le plan de travail que s'est donné le ministre, il ne faudra pas s'attendre à ce que la réforme du mode de scrutin soit en place pour les prochaines élections générales, prévues en 2007. Jacques Dupuis nie que lui-même ou le premier ministre Charest se soient engagés à compléter la réforme globale des institutions démocratiques avant les prochaines élections, comme l'ont cru certains, notamment l'Union des forces progressistes (UFP), un jeune parti politique de gauche qui vient d'annoncer son intention d'entreprendre bientôt une vaste campagne de mobilisation dans ce but. "On ne retrouve rien de tel non plus dans les engagements électoraux du Parti libéral du Québec (PLQ)", explique M. Dupuis, assurant qu'il n'avait toutefois "pas l'intention de se traîner les pieds". Le ministre a entrepris une série de rencontres consultatives auprès de ce qu'il appelle "la majorité des éléments de la société qui sont intéressés à la réforme". Il a déjà rencontré la direction de Démocratie Nouvelle, et Paul Cliche, responsable de ce dossier pour l'UFP, était présent. Il a rencontré Claude Béland, président du comité directeur des états généraux sur la réforme des institutions démocratiques- dont la travaux ont conclu, en septembre 2002, à la nécessité de réformer entre autres le mode de scrutin-, John Adams, président de l'Administration régionale Kativik, la chambre de commerce du Montréal métropolitain, le Collectif féminisme et démocratie, et il a entrepris des démarches auprès du PQ, de l'ADQ et de l'UFP. "J'essaie de voir sur quoi on fait consensus", explique-t-il. Un mode de scrutin proportionnel mixte Quoi qu'il en soit, le projet de loi auquel travaille Jacques Dupuis comportera trois axes: une réforme du mode de scrutin, des amendements à la Loi électorale pour favoriser l'exercice du droit de vote et une réforme des institutions. Il a arrêté son choix sur un mode de scrutin proportionnel mixte, de type compensatoire. Ce mode de scrutin permet l'élection de députés de circonscription (il n'en connaît pas encore le nombre), tout en prévoyant l'élection d'un certain nombre de députés dits "de liste" ou "de compensation". Pourquoi un mode de scrutin proportionnel mixte? "Tous les experts qui sont venus devant la Commission des institutions, en novembre 2002 (Henry Milner, Louis Massicotte, Vincent Lemieux et André Blais) jugent que la seule formule viable au Québec est le mode de scrutin proportionnel mixte, de type compensatoire", répond Jacques Dupuis. Il précise que ce modèle a ceci de particulier qu'il conserve en grande partie le système nominal à un tour que les Québécois connaissent bien, tout en ajoutant un élément de compensation qui est relativement simple. "Il offre aussi l'avantage de garder un lien assez direct entre l'électeur et son élu, et les citoyens veulent garder un lien avec leurs élus", ajoute-t-il. Lorsque le projet de loi sera déposé, au printemps, il sera soumis à une consultation publique dans le cadre des commissions parlementaires. La commission chargée d'en faire l'étude pourra aussi se déplacer pour entendre les citoyens dans leur milieu, un peu comme l'avait fait la commission Bélanger-Campeau, durant le dernier mandat de Robert Bourassa. Le projet de loi devra contenir le nombre de circonscriptions et le nombre d'électeurs maximum par circonscription, explique-t-il. Actuellement, les circonscriptions, au nombre de 125, doivent contenir un nombre idéal d'électeurs, soit 43 000 avec un différentiel de plus ou moins 25 %. Cela, en vertu d'une décision de la Cour suprême. Ce qui fait que la circonscription la plus populeuse compte 52 000 électeurs. Les circonscriptions ont en moyenne 39 000 électeurs, à l'exception des Îles-de-la-Madeleine qui n'en ont que 10 000. Le ministre tient à ce qu'il y ait encore 125 députés. Ceux-ci proviendront d'une part des circonscriptions- y en aura-t-il 75, 80 ou 85? Qui sait-, et d'autre part du régime de compensation. Mais on n'a pas encore déterminé comment seront élus les députés de compensation. Dans les circonscriptions? On s'interroge encore à ce sujet. Une nouvelle carte électorale "Une fois le projet de loi adopté et uniquement à ce moment, il faudra procéder à la confection d'une nouvelle carte électorale, ce qui se fait indépendamment des élus. C'est le directeur général des élections qui fait ça. Et obliger le DGE à tout conclure pour les prochaines élections serait injuste. Il faut aussi prendre en compte l'adaptation des partis politiques au nouveau mode de scrutin", indique le ministre responsable de la Réforme des institutions parlementaires, pour expliquer qu'il y aura plusieurs étapes à franchir avant d'arriver au bout du processus. Cela demandera du temps. Ensuite, la Commission de la représentation électorale devra elle-même aller en consultation pour la nouvelle carte. On verra alors s'activer un grand nombre de groupes et de lobbies dont les points de vue varieront. Est-ce qu'il faudra soumettre la réforme aux électeurs par référendum? Il faut se rappeler qu'aux états généraux tenus à Québec en septembre, plusieurs participants, dont le président du comité directeur, Claude Béland, favorisaient ce procédé. Le directeur général des élections, Marcel Blanchet, et son prédécesseur Pierre-F. Côté, ont aussi pris part aux débats. Ils estimaient qu'à la condition de s'y engager immédiatement après les élections, le gouvernement disposerait d'une marge de temps suffisante pour que le mode de scrutin soit modifié pour les élections de 2007. Pierre-F. Côté a cependant nuancé cette évaluation: "Ce qui est surprenant dans l'évolution des réformes démocratiques, c'est la lenteur proverbiale à mettre cela en place." Et il a rappelé qu'il a fallu 15 ans pour se donner une nouvelle carte électorale et deux ans pour une liste d'électeurs. La réforme, quand elle sera réalisée, réduira l'écart entre la volonté du peuple et la représentation au Parlement. Cela éviterait, par exemple, une répétition des scénarios de 1944 et de 1966, où les libéraux n'ont pu former le gouvernement bien qu'ayant remporté la pluralité des votes.

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Nouveau mode de scrutin: pas avant décembre 2007
Québec révèle une ébauche de son échéancier Tommy Chouinard Le Devoir samedi 22 et dimanche 23 novembre 2003
Québec - Rien ne sert de courir, il faut partir à point, plaide Québec, n'en déplaise à ceux qui souhaitent la mise en place d'un nouveau mode de scrutin dès le prochain appel aux urnes. Pour prouver ses dires, le gouvernement Charest a révélé au Devoir une ébauche de son échéancier: les étapes menant à l'application du nouveau mode de scrutin ne seront totalement franchies qu'en décembre 2007 au plus tôt. Il ne pourra donc être mis en vigueur aux prochaines élections générales, lesquelles se tiendront entre les mois d'avril 2007 et avril 2008. «M'enferrer dans une mise en application rapide d'un nouveau mode de scrutin pour les prochaines élections, ce serait irresponsable de me part, parce qu'il y a des délais que je ne contrôle pas», a affirmé au Devoir, hier, le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, en réponse à l'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté. Les prochaines élections générales peuvent se dérouler selon un nouveau mode de scrutin, croit M. Côté, parce que cette réforme peut être réalisée en «un an et demi, deux ans au maximum». D'après André Fortier, secrétaire adjoint au Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, Pierre-F. Côté «tourne les coins un peu rond». Les délais seront beaucoup plus importants, compte tenu des «travaux techniques» qu'exige l'opération, a-t-il fait savoir. Un premier échancier André Fortier a expliqué au Devoir le premier échéancier défini par le gouvernement, échéancier qui, a-t-il précisé, n'est pas définitif, puisque des étapes échappent à son contrôle. Le projet de loi sera déposé au printemps 2004, comme l'a promis le ministre Dupuis. Québec tiendra ensuite une consultation générale pour recueillir l'avis des citoyens sur le sujet. Cette consultation pourrait prendre la forme d'une commission itinérante ou alors d'une commission parlementaire qui pourrait utiliser la vidéo-conférence pour rejoindre les citoyens de toutes les régions du Québec. L'adoption du projet de loi devrait ainsi survenir en décembre 2004 «dans le meilleur des scénarios», estime André Fortier. Puis, la Commission de la représentation électorale (CRE) devra élaborer une nouvelle carte électorale en fonction du modèle choisi. Si l'on se fie à la dernière réforme de la carte, la CRE devra disposer d'au moins deux ans pour accomplir sa tâche, croit Jacques Dupuis. En décembre 2006, le Directeur général des élections et les partis politiques devront avoir une année pour s'ajuster à la nouvelle carte électorale. Au cours de cette même année, une campagne d'information, dont la forme reste à définir, se tiendra afin de renseigner la population sur les changements apportés au mode de scrutin. Trop serré Bref, la mise en application du nouveau mode de scrutin ne sera possible qu'en décembre 2007 au plus tôt. Or, en vertu de la loi, les prochaines élections générales se tiendront entre les mois d'avril 2007 et avril 2008. «C'est bien trop serré pour que l'on applique un nouveau mode de scrutin. Et non seulement c'est très borderline, mais ça ne tient pas compte du fait que ça peut prendre plus de temps pour faire la consultation, que ça peut prendre plus de temps à la CRE pour préparer la nouvelle carte électorale, ce qui n'est pas impensable. Il y a une réalité administrative quant à la mise en place de changements de cette nature, et on ne peut pas passer à côté de ça», a affirmé André Fortier. D'après Jacques Dupuis, les étapes qui doivent être franchies rendent inconcevable une mise en application du nouveau mode de scrutin dans le cadre du prochain appel aux urnes. «Je ne peux pas supputer sur le moment des élections. La seule chose que je peux faire, c'est avoir une marge de manoeuvre suffisante pour nous permettre de bien légiférer et de s'adapter à ce mode de scrutin qu'on aura décidé. Je ne veux pas fixer une échéance précise pour la mise en application, car je me mettrais dans les pattes un élément pour que la réforme ne fonctionne pas», a-t-il souligné, tout en précisant que le choix des éléments de proportionnelle à introduire au mode de scrutin actuel, uninominal à un tour, le préoccupe bien davantage. Le gouvernement Charest prépare un projet de loi qui proposera un mode de scrutin mixte compensatoire dont les caractéristiques restent encore à déterminer.

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Pierre-F. Côté contredit le gouvernement Charest
Tommy Chouinard Le Devoir vendredi 21 novembre 2003
Québec - Quoi qu'en dise le gouvernement Charest, il est possible et même souhaitable de mettre en place un nouveau mode de scrutin en vue des prochaines élections générales, estime l'ex-Directeur général des élections (DGE), Pierre-F. Côté. «Le gouvernement dit qu'il n'y a pas possibilité de régler ça avant les prochaines élections générales car on en demanderait trop au Directeur général des élections et à son personnel. Moi, je ne crois pas ça du tout. Une réforme du mode de scrutin peut être faite en un an et demi, deux ans au maximum», a affirmé M. Côté au Devoir lors d'un entretien téléphonique. Le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, entend déposer au printemps 2004 un projet de loi sur un nouveau mode de scrutin à la proportionnelle, mais il refuse de l'appliquer en vue du prochain appel aux urnes. «En tout réalisme, il m'apparaît plus probable qu'on ne pourra pas tenir les prochaines élections avec un nouveau mode de scrutin mais que ce soit le cas pour les élections suivantes», avait-il affirmé en septembre dernier. Pierre-F. Côté, qui a été DGE du Québec pendant 19 ans, rejette ces allégations. «Si on traîne les pieds, on va dire qu'il n'y a pas possibilité de réviser le mode de scrutin avant les prochaines élections générales sous prétexte que la mécanique est longue, que les consultations sont longues à faire. Je dis non, ce n'est pas exact. Il y a déjà, par exemple, des consultations et des débats qui ont été faits sur le sujet», a expliqué M. Côté, qui a lui-même déposé un rapport proposant un mode de scrutin proportionnel territorial il y a 20 ans. Selon lui, il faut changer le mode de scrutin dès maintenant parce que la question fait l'objet de débats depuis maintenant plus de trois décennies et que les distorsions causées par le système actuel sont bien connues. Québec doit cesser de tergiverser et passer aux actes, croit-il. Si le gouvernement Charest souhaite reporter la mise en application de l'un de ses engagements électoraux en prétextant des difficultés techniques, M. Côté estime qu'il s'agit là d'une mauvaise justification. Introduire un nouveau mode de scrutin pour les prochaines élections générales n'est pas agir de façon précipitée pour autant, assure M. Côté. D'après lui, Québec devrait tenir un référendum sur le nouveau mode de scrutin ou organiser une vaste campagne d'information. «Quand le gouvernement aura fait son lit et que l'Assemblée nationale aura choisi le mode de scrutin qu'on veut à l'avenir, je pense qu'il faut qu'il y ait un référendum sur un changement aussi fondamental. S'il n'y a pas de référendum, il faut qu'il y ait deux vastes tournées d'information qui dureraient au moins un an, une faite par le gouvernement et l'autre par le DGE, car la plupart des gens ne savent pas de quoi on parle quand on dit qu'on va introduire un élément de proportionnelle au mode de scrutin. Ça fait 200 ans qu'on est dans le même système», a indiqué M. Côté. Dans son discours inaugural prononcé en juin dernier, le premier ministre Jean Charest avait présenté la réforme des institutions démocratiques comme un des grands travaux à réaliser en cours de mandat, une position qui a par la suite été modifiée par Jacques Dupuis.

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Pas de nouveau mode de scrutin avant 2007
Le Droit Actualités, samedi, 22 novembre 2003, p. 34
PC
Montréal - Il n'y aura pas de nouveau mode de scrutin avant 2007 et non dès le prochain appel aux urnes, selon le gouvernement Charest, a appris le quotidien Le Devoir.
Les étapes menant à l'application du nouveau mode de scrutin ne seront totalement franchies qu'en décembre 2007 au plus tôt. Il ne pourra donc être mis en vigueur aux prochaines élections générales, lesquelles se tiendront entre les mois d'avril 2007 et avril 2008.
"M'enferrer dans une mise en application rapide d'un nouveau mode de scrutin pour les prochaines élections, ce serait irresponsable de me part, parce qu'il y a des délais que je ne contrôle pas", a affirmé au Devoir, hier, le ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, en réponse à l'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté.
Les prochaines élections générales peuvent se dérouler selon un nouveau mode de scrutin, croit M. Côté, parce que cette réforme peut être réalisée en "un an et demi, deux ans au maximum".
D'après André Fortier, secrétaire adjoint au Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, Pierre-F. Côté "tourne les coins un peu rond". Les délais seront beaucoup plus importants, compte tenu des "travaux techniques" qu'exige l'opération, a-t-il fait savoir.
André Fortier a expliqué le premier échéancier défini par le gouvernement, échéancier qui, a-t-il précisé, n'est pas définitif, puisque des étapes échappent à son contrôle.
Le projet de loi sera déposé au printemps 2004, comme l'a promis le ministre Dupuis. Québec tiendra ensuite une consultation générale pour recueillir l'avis des citoyens sur le sujet. Cette consultation pourrait prendre la forme d'une commission itinérante ou alors d'une commission parlementaire qui pourrait utiliser la vidéo-conférence pour rejoindre les citoyens de toutes les régions du Québec.
Le projet de loi devrait ainsi être adopté en décembre 2004 "dans le meilleur des scénarios", estime André Fortier.

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Controverse sur l'échéancier d'implantation d'un scrutin proportionnel:
Pour l'UFP, l'ex-directeur général des élections Côté est plus crédible que le ministre libéral Dupuis
MONTREAL, le 23 nov. /CNW Telbec/
Qui croire ? L'ex-directeur général des élections du Québec, Pierre-F. Côté, qui affirme que l'implantation d'un mode de scrutin proportionnel peut se faire dans un délai de 18 à 24 mois s'il existe une volonté politique du côté gouvernemental ou le ministre libéral Jacques Dupuis qui, revenant sur l'engagement du premier ministre Jean Charest d'implanter cette réforme d'ici deux ans, soutient que ce ne sera pas possible avant décembre 2007 et donc pas avant les prochaines élections ?, se demande l'Union des forces progressistes (UFP) dans un communiqué émis aujourd'hui. M. Côté a fait connaître son point de vue à ce sujet lors de l'assemblée annuelle du Mouvement pour une démocratie nouvelle (MDN) le 15 novembre. Pour leur part, M. Dupuis, responsable du dossier de la réforme du mode de scrutin à titre de ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques dans le gouvernement Charest , ainsi que M. André Fortier, secrétaire adjoint au Secrétariat à la réforme des institutions démocratiques, ont déclaré que l'échéancier qu'ils ont mis au point prévoyait que l'implantation de la réforme du mode de scrutin ne serait pas terminée avant décembre 2007 lors d'une entrevue publiée samedi dans un quotidien montréalais. Références crédibles Paul Cliche, porte-parole de l'UFP dans le dossier de la réforme des institutions démocratiques, n'hésite pas à faire confiance dans l'expertise et la probité de M. Côté qui a agi pendant 19 ans comme directeur général des élections du Québec (DGEQ). Ce dernier a aussi présidé, au début des années quatre-vingt, une commission mandatée par l'Assemblée nationale qui, suite à une consultation publique, a recommandé l'instauration d'un scrutin proportionnel de type régional. Le porte-parole de l'UFP précise que l'estimation de l'ancien DGEQ est corroborée par une expérience semblable vécue, ces dernières années, dans trois pays, la Nouvelle-Zélande, l'Ecosse et le Pays de Galles, qui ont adopté un scrutin mixte compensatoire comme le gouvernement libéral s'est engagé à le faire au Québec. Absence de volonté politique Le premier ministre Charest a confirmé durant la campagne électorale qu'un éventuel gouvernement libéral respecterait l'engagement de son parti de réformer le mode de scrutin pour y introduire des éléments de proportionnalité "dans les deux premières années de son mandat". Il a confirmé cet engagement lors du discours inaugural de la session au début de juin dernier, puis le ministre Dupuis s'est engagé à l'appliquer lors d'une déclaration faite en commission parlementaire le 10 juillet. Mais deux mois plus tard, il a fait volte-face en reportant la mise en vigueur de la réforme après les prochaines élections générales. L'UFP a demandé à M. Dupuis, à la fin de l'été, de présenter son projet de réforme à l'Assemblée nationale dès cet automne plutôt que le printemps prochain puisqu'il en avait rendu publics les principaux éléments le 10 septembre dernier. Ce dernier a rejeté cette requête du revers de la main. " Soit qu'il est incompétent ou qu'il fait preuve de mauvaise foi", commente le porte-parole de l'UFP en demandant l'intervention dans le dossier du premier ministre Charest qui, pour sa part, n'a jamais indiqué qu'il revenait sur son engagement d'implanter la réforme "dans les deux premières années de son mandat".

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Merci Jean Pierre!
Lessard, Denis
La Presse Politique, mardi, 25 novembre 2003, p. A6
Analyse
Le teint cramoisi, Bernard Landry quitte souvent la période quotidienne des questions à l'Assemblée nationale avec cette remarque bien sentie à l'intention de son député de Borduas, Jean-Pierre Charbonneau.
En fait, bien davantage que les éventuels successeurs de Bernard Landry, François Legault ou Pauline Marois, c'est le vigoureux député Charbonneau qui cause des maux de tête au chef du Parti québécois.
Le PQ tient même deux caucus cette semaine dans l'espoir de vider les questions que soulève l'ancien président de l'Assemblée nationale, qui est parvenu à rallier une bonne partie du caucus des députés derrière lui sur la question du mode de scrutin proportionnel. Même s'il a plusieurs supporters- notamment Jean-Claude St-André (L'Assomption) et Jonathan Valois (Joliette)- l'impétueux Charbonneau s'est fait bien des ennemis au sein de son propre caucus.
Le vase a débordé il y a quelques semaines lorsque le leader péquiste à l'Assemblée nationale, André Boisclair, a fait la moue devant un projet de question du député Charbonneau sur l'enquête Scorpion touchant la prostitution juvénile à Québec. "Arrête de faire le baveux!" a lancé le bouillant Astérix de Borduas au légiste sans diplôme. Même Bernard Landry, qui a ses sautes d'humeur, était estomaqué.
"Je ne me laisse imposer par personne une règle de terreur. Je dis ce que j'ai à dire, je sais que cela dérange parfois, mais je ne me sens pas seul, je sais que d'autres collègues pensent comme moi", a soutenu M. Charbonneau, joint hier par La Presse.
Dans une entrevue percutante à La Presse, en juin dernier, le député Charbonneau avait expliqué la déconfiture du PQ aux élections par son attitude dans le dossier des fusions municipales. "On ne peut pas penser que l'on va gouverner les gens de façon autoritaire et autocratique sans qu'il y ait une réaction. Même si le bien commun dictait les fusions, le bien commun veut aussi dire d'écouter les gens", avait soutenu M. Charbonneau. Cette tirade, évoquée à satiété par Jean Charest à l'Assemblée nationale, est venue plus d'une fois couper les jambes de l'opposition péquiste dans sa guerre aux défusions municipales.
Le député de Borduas avait prédit qu'il retrouverait "le pouvoir de la parole" revenu sur les banquettes de l'opposition: "c'est le seul pouvoir que j'ai... c'est un pouvoir de changement. Il est clair que je suis un peu le leader d'opinion d'une certaine tendance, mais cette tendance n'est pas structurée", résume-t-il. Mais bien davantage que les frasques de l'incorrigible globe-trotter André Boulerice, les interventions à l'interne de Jean-Pierre Charbonneau indisposent Bernard Landry.
Que veut donc le député Charbonneau? Que son parti travaille activement à la mise en place d'une formule proportionnelle pour les prochaines élections générales.
Le PQ s'y était engagé quand il était au pouvoir, mais semble bien heureux que le gouvernement Charest ait remis cet objectif sinon aux calendes grecques, tout au moins au-delà du prochain rendez-vous électoral.
"Il y a deux tendances au PQ, celle que je représente, dans la lignée de Lévesque et des états généraux sur la démocratie. Dans le programme du PQ, on s'engage à ce que les récentes élections soient les dernières sans mode de représentation proportionnelle", explique le député. "L'autre tendance pense que s'il y avait un mode de scrutin proportionnel, cela compliquerait pas mal les choses pour le PQ, et rendrait difficile de tenir un référendum dans un prochain mandat. C'est assez pour avoir la frousse", explique-t-il. "Les députés et le parti sont partagés sur cette question", résume M. Charbonneau.
Aussi, Jean-Pierre Charbonneau est un farouche partisan d'une reconnaissance plus explicite de l'Action démocratique à l'Assemblée nationale. "Ce débat n'est pas terminé au caucus du PQ, je fais le nécessaire pour que ce débat se fasse. Il y a 700 000 électeurs qui ont appuyé l'ADQ. Si on ne reconnaît pas ce parti, cela pose un problème de cohérence démocratique", souligne-t-il.
On peut aimer ou pas les politiques du parti de Mario Dumont, réprouver l'orientation de ce parti, "mais il y a 700 000 personnes qui ont voté pour eux et ils n'ont pas un poids suffisant à l'Assemblée nationale", dit M. Charbonneau. Il y a quelques semaines, le chef de l'ADQ avait admonesté le Parti québécois, lui attribuant toute la responsabilité du refus de l'Assemblée nationale de lui reconnaître un rôle- et une allocation de temps- de chef de parti à l'Assemblée nationale.
Selon lui, comme la route de la souveraineté passe nécessairement par une coalition de plusieurs partis, le PQ ferait mieux de respecter ses principes de démocratie pour miser sur l'avenir. Or, pour plusieurs péquistes, plus de temps à l'ADQ signifie simplement moins de temps de glace pour le PQ.
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Le PQ boycotte les consultations du ministre Jacques Dupuis
Gilles Normand La Presse vendredi 5 décembre 2003

Québec - Le Parti québécois boycotte les consultations que tient en privé le ministre délégué à la réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, auprès de divers organismes publics et partis politiques, avant de déposer au printemps un projet de loi comportant une réforme du mode de scrutin. Interrogé en Chambre par le député péquiste de Masson, Luc Thériault, qui lui demandait d'"ouvrir les portes du parlement" pour consulter les Québécois dans le cadre des commissions parlementaires avant que le projet de loi ne soit rédigé, M. Dupuis a confirmé et déploré l'absence du PQ aux consultations qu'il tient et il a instamment invité le parti de Bernard Landry à y prendre part. "Le seul parti politique qui refuse de participer à ces consultations, c'est le Parti québécois. Je prie les représentants du Parti québécois d'accepter de venir à cette consultation, elle va être enrichie et le projet de loi qui sera déposé en sera d'autant enrichi", a indiqué le ministre. Cela lui a valu la réplique suivante du leader parlementaire du PQ, André Boisclair: "... Ce n'est pas dans son bureau qu'on veut s'exprimer; l'endroit où on veut s'exprimer, c'est l'Assemblée nationale, c'est dans une commission parlementaire puisqu'on n'ira pas faire des deals derrière des portes closes sur cette importante question." Le ministre Dupuis, comme il le déclarait dans une entrevue à La Presse, en octobre, a arrêté son choix sur un mode de scrutin proportionnel mixte, de type compensatoire. Ce mode de scrutin permet l'élection de députés de circonscription, tout en prévoyant l'élection d'un certain nombre de députés dits "de liste" ou "de compensation". Il précisait à l'époque que "tous les experts qui sont venus devant la Commission des institutions, en novembre 2002 (Henry Milner, Louis Massicotte, Vincent Lemieux et André Blais) jugent que la seule formule viable au Québec est le mode de scrutin proportionnel mixte, de type compensatoire". Hier, le député Thériault lui a reproché de "faire son nid à partir du modèle élaboré par Louis Massicotte qui, lors du congrès général du Parti libéral, faisait la démonstration que son modèle servirait les intérêts électoralistes du Parti libéral". Il lui a demandé où et quand les citoyens du Québec avaient accepté le modèle Massicotte. Jacques Dupuis a expliqué qu'en plus de la consultation qu'il mène en privé, il y aurait une consultation publique dans le cadre des commissions parlementaires une fois que le projet de loi aura été déposé. Ce projet de loi, prévoit le ministre, comportera trois axes: une réforme du mode de scrutin, des amendements à la loi électorale pour favoriser l'exercice du droit de vote et une réforme des institutions. La consultation populaire, a-t-on appris, ne se tiendra pas uniquement au Parlement, puisque la commission parlementaire pourra se déplacer pour entendre les citoyens dans leur milieu, comme l'avait fait la commission Bélanger-Campeau sur l'avenir du Québec, durant le dernier mandat du gouvernement de Robert Bourassa. Après la période des questions, le député Luc Thériault a soutenu que "la population du Québec doit être consultée avant, pendant et après le dépôt de son projet de loi". "Si une véritable consultation publique est mise en place, avant le dépôt du projet de loi, nous y prendrons part activement", a assuré M. Thériault, porte-parole de l'opposition officielle en matière de réforme des institutions démocratiques.

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Le bulletin ministériel
Le Devoir LES ACTUALITÉS, mardi 16 décembre 2003, p. A3
David, Michel
C'est dans la tempête qu'on reconnaît les bons capitaines. Depuis sa nomination à la Santé, Philippe Couillard avait déjà impressionné par sa tranquille assurance et la rapidité avec laquelle il avait assimilé les rouages d'un réseau aussi complexe. La façon dont il a traversé la crise de Saint-Charles-Borromée force l'admiration. Un talent politique rare. A
Aux Affaires municipales, Jean-Marc Fournier avait hérité du dossier le plus explosif à court terme. La promesse de tenir des référendums sur les défusions était irresponsable, mais son projet de loi était sans doute la moins mauvaise façon pour les libéraux de respecter leur engagement sans détruire les nouvelles villes. B
Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Chagnon, a fait d'utiles rappels à l'ordre, que ce soit à son collègue de la Justice, qui voulait imposer des frais aux détenus, soit encore à la SQ, qui faisait enquête sur des groupes défusionnistes. Il a eu le bon sens d'exclure toute enquête publique sur une possible ingérence de l'administration municipale dans le dossier de la prostitution juvénile à Québec. B
Line Beauchamp n'a pas la verve de Louise Beaudoin, ni la flamme de Liza Frulla. Jusqu'à présent, elle s'est surtout fait remarquer par son absence (à Cannes) ou son silence (à l'Unesco). Le seul fait d'avoir réussi à maintenir à peu près intact le budget consacré à la culture n'en demeure pas moins une sorte d'exploit. B-
Thomas Mulcair fait la preuve qu'il est possible de refaire son image. Le spécialiste des «jobs de bras» est devenu un écologiste modèle, qui s'est empressé de reconduire le moratoire sur le développement de l'industrie porcine et veut installer des compteurs d'eau. L'ancien Mulcair est brièvement remonté à la surface dans une tentative de liquidation du président de Recyc-Québec. B-
Certains s'imaginaient à tort que la responsabilité des Finances rendrait Yves Séguin moins bavard. Préparer les esprits au pire, après avoir promis des baisses d'impôt, est une tâche passablement ingrate. Ses efforts pour rejeter la responsabilité du cul-de-sac budgétaire sur le PQ seraient plus crédibles si lui-même n'avait pas déclaré, dès septembre 2002, que le cadre financier du PLQ n'était pas réaliste. B-
Première femme nommée à l'Agriculture, Françoise Gauthier pouvait s'attendre à un rude apprentissage. Elle a néanmoins fait preuve d'un certain cran et n'a pas ménagé ses efforts pour dédommager les producteurs de bovins victimes de la crise de la vache folle. B-
Quand Michelle Courchesne a atterri à l'Immigration, alors qu'elle se voyait à la Culture, tout le monde comprenait qu'elle aurait besoin d'une période d'apprentissage, mais elle semble vouloir se prolonger. Le plan d'action promis pour l'automne a été reporté au printemps. Certains se demandent si la ministre sait bien où elle va. C
Personne n'a jamais soupçonné le gouvernement Charest d'avoir une véritable politique en matière de relations internationales. Dès lors, Monique Gagnon-Tremblay était toute désignée pour l'appliquer. On lui souhaite de bien beaux voyages. C
Le ministre des Ressources naturelles, Sam Hamad, sembler vouloir se laisser mener par Hydro-Québec, plutôt que l'inverse. Il aurait pu s'épargner le ridicule de qualifier André Bourbeau, nommé président du conseil d'administration, de «gestionnaire de taille». C
Compte tenu des attentes, Pierre Reid constitue une grosse déception. Le contexte budgétaire ne l'aide pas, mais cela n'excuse pas une maladresse qui ne se dément pas. Annoncer sans crier gare le report de la réforme au niveau secondaire constituait un très mauvais départ. Accuser les commissions scolaires de mauvaise gestion et prétendre créer un Ordre professionnel des enseignants pour les soustraire de la tutelle du ministère n'était pas génial non plus. C-
Michel Audet a été complètement pris au dépourvu quand son homologue péquiste, Daniel Turp, lui a demandé quelle était la position de son gouvernement sur la ZLEA. Manifestement, il n'en avait aucune idée. Son projet de loi, qui aura pour effet de confier le développement régional aux seuls élus municipaux, rompt avec une longue tradition de concertation. C-
Monique Jérôme-Forget n'est pas une politicienne naturelle, c'est le moins que l'on puisse dire. Sa déclaration maladroite sur la qualité de l'eau potable a confirmé qu'elle n'était pas la personne idéale pour vendre la «réingénierie». Elle a beau multiplier les bons mots à l'endroit des fonctionnaires, elle donne l'impression d'être tout simplement allergique à l'État. Sa crise dans une boutique de luxe n'a rien fait pour améliorer son image. D
À aucun moment, le ministre du Travail, Michel Després, n'a semblé en mesure, ni même désireux de démontrer l'urgence de modifier l'article 45 du Code du travail pour faciliter la sous-traitance. Il lui suffisait de savoir que cela faisait partie du programme libéral. Tant pis pour la paix sociale! D
Tout le monde s'accorde à dire que Claude Béchard a du talent, mais il a connu une session misérable. La hausse du tarif des garderies viole ouvertement une promesse électorale. Seul le tollé soulevé par le projet de créer une banque d'absences de 26 jours a entraîné le retrait d'une mesure odieuse. L'objectif de retirer 25 000 ménages de l'aide sociale s'est révélé totalement irréaliste. Le plan de la lutte contre la pauvreté a vraisemblablement été reporté pour ne pas créer encore plus de mécontentement. D
Jamais on n'avait vu un ministre de la Justice entreprendre son mandat d'une façon aussi controversée. Après être venu à un cheveu de faire avorter le mégaprocès des motards, Marc Bellemare a réussi à semer la zizanie au ministère. Les révélations concernant sa fille lui ont valu une certaine sympathie, mais il demeure un candidat logique à un éventuel remaniement. E
Aucun leader parlementaire ne peut se réjouir d'avoir à imposer le bâillon pour faire adopter un projet de loi, mais c'est parfois nécessaire. Il y a cependant des limites. Forcer l'adoption de l'essentiel du menu législatif dès la première session relève davantage de l'abus de pouvoir. Jacques Dupuis ne doit pas être très fier. Déjà, sa volte-face sur la réforme du mode de scrutin n'était pas très édifiante. E
mdavid@ledevoir.com

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Bulletin de l'opposition
Le Devoir LES ACTUALITÉS, jeudi 18 décembre 2003, p. a3
David, Michel

Le passage du pouvoir à l'opposition requiert souvent une certaine période d'adaptation. Élu pour la première fois le 14 avril dernier, le député de Joliette, Jonathan Valois, a immédiatement trouvé le ton juste et n'a fait qu'une bouchée de la ministre déléguée à la Famille, Carole Théberge, dans le dossier des garderies. La recrue de l'année au PQ. A.
En qualité de leader parlementaire de l'opposition, André Boisclair a connu une fin de session éblouissante. Un collègue malicieux l'a déjà qualifié de «juriste sans diplôme», mais il a totalement éclipsé son vis-à-vis ministériel, Jacques Dupuis, un avocat chevronné. Si seulement il pouvait se trouver un peu moins bon! B.
Il arrive que certains se révèlent dans l'opposition. Maxime Arseneau a eu la chance d'hériter du dossier de l'article 45 et il a su en profiter. Il est vrai que l'attitude butée du ministre du Travail, Michel Després, qui n'a même pas essayé d'expliquer les raisons d'une modification aussi importante au Code du travail, lui a donné beau jeu. B.
Bernard Landry a fait une fleur à François Legault en lui confiant les finances. Son vocabulaire simple - simpliste, disent ses détracteurs - a le mérite d'une clarté qui contraste avec l'extrême confusion des propos d'Yves Séguin, dont chaque explication rend les choses un peu plus incompréhensibles. B.
La députée de Taschereau, Agnès Maltais, qui n'avait guère impressionné dans les diverses fonctions qu'elle a occupées dans les cabinets Bouchard et Landry, démontre une fougue qu'on ne lui connaissait pas. Son chef pourrait lui confier des responsabilités plus importantes que celle de porte-parole en matière d'habitation. B-.
En revanche, Diane Lemieux est demeurée égale à elle-même. Elle avait un dossier en or avec les défusions municipales, mais elle n'a pas beaucoup dérangé Jean-Marc Fournier. En adoptant une position de refus absolu alors qu'il s'agissait à l'évidence de trouver le moindre mal, comme l'avait très bien compris le maire Tremblay, elle s'est en quelque sorte marginalisée. C.
La «réingénierie» offrait une cible de choix à Sylvain Simard, mais Monique Jérôme-Forget l'a envoyé au plancher dès le départ lorsqu'il a voulu y voir une opération de patronage à grande échelle. Il s'est fait rappeler qu'à l'époque où lui-même était président du Conseil du trésor, il avait suggéré à un entrepreneur de s'adresser à une firme de consultants péquiste. C.
Au pouvoir ou dans l'opposition, Richard Legendre a toujours été une énigme pour moi. Sur papier, il a tout pour réussir en politique, mais on dirait que cet ancien champion de tennis ne réussit jamais à marquer le point de match. Il lui manque peut-être ce qu'on appelle l'instinct du tueur. Ses interventions passent pratiquement inaperçues. C.
Camil Bouchard est une autre vedette dont on attend beaucoup. Il avait Claude Béchard dans les câbles sur la question de la lutte contre la pauvreté, mais il s'est contenté de le picosser de façon inoffensive. C.
Normalement, le dossier de la santé est du bonbon pour l'opposition, et Louise Harel est une politicienne accomplie. C'était sans compter avec Philippe Couillard, qui l'a charmée dès le départ. Elle a même dit à tout le monde qu'elle le trouvait formidable. Il lui a cloué le bec dans le dossier de Saint-Charles-Borromée en lui soulignant que l'exploitation politique d'un drame humain était un terrain extrêmement glissant. Elle n'a pas insisté. C-.
Pauline Marois semble être restée marquée par la malheureuse phrase qu'elle avait laissé échapper à la toute fin du film de Jean-Claude Labrecque, À hauteur d'homme. On dirait qu'elle a tellement peur d'être accusée de vouloir «faire de la marde» qu'elle préfère se faire le plus discrète possible. Elle connaît parfaitement le dossier de l'éducation. Normalement, Pierre Reid aurait dû être une proie facile pour elle. Il est vrai qu'il ne semble avoir besoin de personne pour se caler. C-.
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Mario Dumont a mis beaucoup de temps à se remettre de la dégelée que l'ADQ a prise le 14 avril dernier. Jusqu'à présent, toutes ses tentatives pour rehausser le statut de son parti à l'Assemblée nationale ont échoué. On peut comprendre qu'il recherche désespérément un peu de visibilité, mais il n'améliore pas sa crédibilité en s'associant de façon démagogique à ceux qui réclament la réouverture de l'enquête sur la prostitution juvénile à Québec. C-.
Jean-Pierre Charbonneau continue de cultiver les défauts de ses qualités. C'est très bien d'avoir son franc-parler, mais il a depuis longtemps la détestable habitude de l'utiliser pour marquer dans le but de son équipe. Pendant toute la session, Jean-Marc Fournier a pris un malin plaisir à rappeler sa vive critique des fusions forcées. Son chef a beau laisser clairement paraître qu'il ne veut plus rien savoir de la réforme du mode de scrutin, le député de Borduas s'entête à en faire la promotion. D.
André Boulerice a agi de façon inqualifiable avec ses voyages «sur le bras» en Chine et au Maroc, qui le plaçaient à l'évidence dans une situation de conflit d'intérêts. Ses explications ont été d'une mauvaise foi grossière. E.
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Depuis son élection à la présidence, Michel Bissonnet a confondu tous les sceptiques qui doutaient de sa capacité à assurer la bonne marche des travaux de l'Assemblée nationale. Son style très personnel, qui allie la bonhomie, la fermeté et l'humour, lui ont valu le respect et l'estime de ses collègues. A.
P.-S.: il y avait deux omissions regrettables dans ma chronique de mardi, consacrée au bulletin du gouvernement. J'accorde ainsi un B au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, qui a vu ses patients efforts récompensés par la création du Conseil de la fédération. En revanche, Lawrence Bergman mérite un D pour son entêtement à créer une «police parallèle» au ministère du Revenu, malgré l'opposition de la Commission d'accès à l'information, de la Protectrice du citoyen, du Barreau du Québec et de l'Ordre des comptables agréés.
mdavid@ledevoir.com

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Que reste-t-il de l'idéologie péquiste? Voir, no. Vol: 17 NO: 51 Actualité, jeudi 18 décembre 2003, p. 10
Parti pris
Giguère, Claude
Que reste-t-il de l'idéologie de ceux qui nous ont gouvernés pendant près de 20 ans? Malgré un récent virage vers la gauche, des critiques continuent de prétendre que le PQ s'est éloigné à tout jamais de ses bases idéologiques traditionnelles. JEAN-PIERRE CHARBONNEAU, député péquiste réélu sans interruption depuis 1976, s'est avancé pour commenter l'état de la réflexion dans le parti, alors que l'auteur JACQUES B. GÉLINAS (Le Virage à droite des élites politiques québécoises) est venu défendre sa vision de l'échiquier politique.

Tout:
Jean-Pierre Charbonneau
Député de Borduas, Parti québécois

"D'abord, il nous faut reconnaître que l'objectif obsessionnel de l'atteinte rapide du déficit zéro a conduit le gouvernement du Parti québécois à adopter, après 1996, des mesures qui ont durement frappé les gens faibles et vulnérables, ce qui était en contradiction avec notre credo social-démocrate. D'autre part, prisonnier d'une culture politique générée par notre mode de scrutin et notre système politique qui est en fait une monarchie élective s'appuyant sur une majorité parlementaire et non sur une majorité populaire, le gouvernement du Parti québécois a tombé, de temps à autre, dans le travers de l'autoritarisme, imposant brutalement et de force certaines de ses principales politiques. Toutefois, à notre décharge, plusieurs mesures progressistes assurance-médicaments, politique de la petite enfance, renforcement de la place de la société civile dans le développement régional, révision des normes du travail pour des catégories d'employés vulnérables, loi sur l'équité salariale, loi de lutte contre la pauvreté, politique de reconnaissance et de financement des organismes communautaires, réforme scolaire, création d'un observatoire de la mondialisation, etc. ont été adoptées. Le Parti québécois n'a donc pas constamment navigué à droite, même s'il a parfois louvoyé dans cette direction. Néanmoins, le courant dominant au Parti québécois demeure, et de loin, celui de la gauche modérée ou centre-gauche.

Le vrai défi du PQ ne sera pas tant de proposer une alternative de gouvernement très tranchée par rapport à l'approche conservatrice de Jean Charest que de constituer une coalition politique capable de rallier une majorité du peuple pour régler une fois pour toutes la question nationale. Une nouvelle prise de conscience est indispensable. Quant à l'action, elle devra dorénavant se fonder sur une pratique politique différente faisant une large place à la démocratie participative. Sans quoi ce sera à nouveau l'échec et le cul-de-sac."

Rien:
Jacques B. Gélinas
Auteur du livre "Le Virage à droite des élites politiques québécoises", Éditions Écosociété

"En prenant fait et cause, dès les années 80, pour le libre-échange à l'américaine, les dirigeants du PQ nommément Parizeau et Landry, et par la suite Bouchard se sont coincés dans une logique néolibérale qui les a amenés, une fois au pouvoir, à appliquer des politiques de droite, malgré une tradition et un discours soi-disant de centre-gauche.

Pourquoi l'Accord de libre-échange Canada/États-Unis (1989) ainsi que l'ALÉNA (1994) qui s'en est suivi ont-ils conduit les gouvernements qui les ont ratifiés à embrasser les valeurs néolibérales qui caractérisent la nouvelle droite politique contemporaine? Parce que ce libre-échange nouveau genre, proposé et mis en oeuvre par les États-Unis, n'est pas un simple mécanisme destiné à faciliter la libre circulation des marchandises, mais un système dominé par la déréglementation et la privatisation.

Cela explique pourquoi les gouvernements Bouchard-Landry ont pratiqué, au grand désarroi de leurs partisans et d'une grande partie de la population, un néolibéralisme de facto. On les a vus opter pour le laisser-faire dans des domaines aussi vitaux que l'environnement, l'agriculture, le logement social, le transport en commun, la concentration des entreprises, la concentration de la presse, la surexploitation des forêts et le sous-développement des régions périphériques."

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Le grand défi du Comité national de la citoyenneté et de la démocratie
Ranimer la discussion sur le mode de scrutin
Kathleen Lévesque Le Devoir lundi 22 décembre 2003

Non content du manque d'empressement du gouvernement Charest pour réformer le mode de scrutin, le Comité national de la citoyenneté et de la démocratie organise une consultation populaire en février prochain pour le forcer à passer à l'action. Mis sur pied à la suite des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui se sont tenus l'hiver dernier, le Comité national souhaite ranimer la discussion et surtout se pencher sur des scénarios concrets. «À Québec, c'était un cri du coeur. On s'est entendu sur les principes. Maintenant, il faut continuer et réfléchir sur les vrais changements», explique André Larocque, représentant du comité régional de Québec, un des dix comités qui composent le Comité national. M. Larocque, qui était sous-ministre responsable du dossier de la réforme des institutions démocratiques dans le précédent gouvernement, estime que la société civile doit se saisir immédiatement du projet de «proportionnelle mixte corrective» que le ministre Jacques Dupuis entend présenter à l'Assemblée nationale le printemps prochain. Il en est d'autant plus convaincu que le ministre Dupuis a retenu les services d'un spécialiste reconnu dans ce dossier, le professeur Louis Massicotte, de l'Université de Montréal. La position de M. Massicotte est connue depuis longtemps, et il l'a d'ailleurs exposée en commission parlementaire l'année dernière. Le modèle Massicotte s'apparente à la proposition faite depuis des années par l'Action démocratique du Québec. Il s'agit d'un système mixte pour une Assemblée nationale comportant 125 députés comme maintenant : 75 élus selon le mode de scrutin actuel (uninominal à un tour), dans des circonscriptions calquées sur le découpage fédéral, et 50 élus choisis par liste. L'électeur exprimerait donc un double vote. Le Comité national, qui est présidé par celui-là même qui a mené les États généraux de Québec, Claude Béland, dit avoir toutes les raisons de croire que le modèle Massicotte sera au coeur du projet du gouvernement. «C'est pour ça qu'il faut impliquer la population tout de suite», affirme André Larocque. Mais il y a quelques hics. D'abord au sein même du gouvernement, où l'engagement, pris en pleine campagne électorale, d'agir dès le premier mandat dans ce dossier semble s'être émoussé. En septembre dernier, le ministre Dupuis a indiqué qu'il n'entendait pas mettre en place un mode de représentation proportionnelle lors des prochaines élections générales, question de réalisme politique. Quelques mois plus tôt, Jacques Dupuis avait pourtant dit que «le temps des discours est révolu». Résistance L'ancien directeur général des élections, Pierre-F. Côté, est intervenu dans le débat au cours de l'automne pour expliquer que, selon lui, une période d'un an et demi à deux ans au plus est nécessaire pour la mise en oeuvre des changements. Le ministre Dupuis a répliqué que toutes les étapes ne pourront être franchies avant 2007. Aussi, il semble que M. Dupuis affronte beaucoup de résistance au sein du caucus du Parti libéral. Des députés ne verraient pas une véritable amélioration dans un changement de mode de scrutin. Pourtant, en 1998, les troupes libérales ont été confrontées aux effets pervers du mode de scrutin uninominal à un tour. Le PLQ a obtenu plus de voix que le Parti québécois, mais, en raison de la concentration de ses votes dans certaines circonscriptions montréalaises et dans l'ouest de la province, il a dû se contenter de former l'opposition officielle. Ce même genre de situation s'est produite en 1944 et 1966, chaque fois au détriment des libéraux. Aussi, la pression ne peut venir que de la population puisque, même du côté du Parti québécois, il n'y a guère d'enthousiasme pour une modification du mode de scrutin. D'ailleurs, l'ancien ministre responsable du dossier, le député Jean-Pierre Charbonneau, semble se battre contre des moulins à vent. L'héritage de René Lévesque en matière d'amélioration de la vie démocratique, que M. Charbonneau souhaitait voir complété, ne semble pas être un argument important au PQ. La consultation populaire du Comité national se tiendra à Drummondville les 28 et 29 février prochains. Quelque 300 représentants des différentes régions y sont attendus. Outre la réforme du mode de scrutin, trois autres thèmes seront abordés, soit l'initiative populaire, la décentralisation et la mise au point d'une Constitution du Québec. L'idée de l'initiative populaire avait été avancée par l'ancien ministre Charbonneau, qui s'est vite fait rabrouer par le premier ministre de l'époque. La décentralisation est un sujet qui fait déjà partie des préoccupations du gouvernement libéral. Pour ce qui est d'une Constitution québécoise, certains souverainistes la réclament depuis quelques années.
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N.B. flirts with idea of altering electoral system
By KEVIN COX, Tuesday, December 23, 2003 - Page A4

HALIFAX -- New Brunswick, the scene of several lopsided election outcomes in recent years, has joined the growing list of provinces studying proportional representation.
Tory Premier Bernard Lord has asked a nine-person commission to spend a year studying an array of issues, including establishing fixed dates for elections and increasing voter turnout. The commission is also being asked to look at a system in which the number of seats a party holds in the legislature would be based on its share of the popular vote. But Mr. Lord isn't saying whether he wants to turf the present system.
He said in an interview yesterday that the current system of "first past the post wins" has served the province and Canada well for a long time, but it is time to look at ways of broadening representation in the legislature.
Fair Vote Canada, a citizens group pushing for change in the system, has said New Brunswick voters are the least likely in the country to get the government they cast ballots for because the number of representatives in the legislature has not reflected the popular vote over the past two decades.
In 1987, the Liberals under Frank McKenna won all 58 seats in the province with 60 per cent of the popular vote.
In 1999, Mr. Lord and the Tories came to power with 53 per cent of the vote and 44 of the 55 seats; the Liberals got 37 per cent of the vote and only 10 seats. The NDP had almost 9 per cent of the vote and one seat. Earlier this year, Mr. Lord and the Tories were re-elected with 45.5 per cent of the popular vote and only a two-seat edge on the Liberals, who had 44.3 per cent of the vote.
"I want to make sure that the people of New Brunswick have the opportunity to participate in this debate. . . . to give us their points of view and give us their solutions," Mr. Lord said in an interview.
"The current system has worked well for Canada and New Brunswick for decades, if not centuries, but there is nothing wrong with looking to see what else might be out there."
British Columbians are scheduled to vote on proportional representation in 2005, and Quebec has vowed to move toward a type of proportional representation in which the number of seats each party holds in the National Assembly would reflect the popular vote.
Earlier this week, a report on the Prince Edward Island electoral system by retired judge Norman Carruthers recommended more hearings and debate before proportional representation is considered in that province.
The notion of proportional representation and increasing grassroots citizen involvement in government is popular in Western Canada, particularly among supporters of the former Canadian Alliance, which recently merged with the Progressive Conservatives at the federal level.
Mr. Lord is being courted as a leadership candidate for the new party, but he only laughed when it was suggested that changes in the electoral system could make him a more attractive leadership choice.
"I have a great job now and I have a great mandate from the people of New Brunswick and I can do exciting things in moving things forward. . . . I want to continue that work," he said. "At the same time, a lot of people are calling me from across the country and saying, 'We like what you're doing in New Brunswick, and we want you to do something similar across the country.' The very least I can do is listen to what these people have to say."
But Conde Grondin, a retired political science professor in Fredericton, said the province isn't taking the idea of proportional representation very seriously.
"It could give you a different slant in the legislature, but it would also give you many minority governments, and whether that's good for the people, I'm not sure," Prof. Grondin said. "This is just [being done] so it looks like they're doing something; . . . it's an awful lot of smoke and mirrors."
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Redonner au politique sa dignité avant toute «réingénierie»
Joseph Giguère Conseiller en économie sociale et action coopérative Le Devoir lundi 29 décembre 2003
Libre opinion: Les propos entendus du gouvernement libéral, et particulièrement du ministre délégué à la réforme des institutions démocratiques, Jacques Dupuis, au cours des derniers mois, révèlent que la grande transformation de notre système démocratique n'est pas pour demain. La perspective d'une réforme globale des institutions démocratiques est en effet écartée. Il ne reste sur la table que l'annonce du dépôt en 2004 d'un projet de loi sur une modification du mode de scrutin pour y introduire des éléments de proportionnelle, dont l'adoption ne serait pas en vigueur pour les prochaines élections. Doit-on voir là une séquence normale ou s'agit-il d'une dilution pour encore une fois repousser subrepticement cette réforme vers les limbes des projets politiques mort-nés ? Mon malaise citoyen n'est pas tant d'avoir à gérer mes doutes ou tempérer mon ardeur devant une démarche plus lente et différente de celle que j'avais prévue. Je suis plutôt préoccupé d'observer que, pendant que, d'un côté, on semble amenuiser l'importance et l'urgence d'une réforme des institutions démocratiques, d'un autre côté, on manifeste fébrilité, ardeur et détermination pour une «réingénierie» de l'État. Pas d'osmose J'ai eu le privilège, à titre de membre du comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, connu dans le public sous le vocable de commission Béland, de participer à la tournée de consultation sur la réforme en question sur l'ensemble du territoire québécois ainsi qu'aux états généraux sur le même sujet qui ont réuni 1000 personnes à Québec en février 2003. Encore profondément imprégné de ce qui m'a été communiqué par cette extraordinaire démarche où nous avons écouté avec lucidité et affection les aspirations et les jugements de la sagesse populaire, j'ai la forte conviction que toute «réingénierie» ou modernisation de l'État ne serait que quincaillerie gestionnaire sans âme et sans horizon, voire une sorte de détournement partisan, si elle ne commençait pas par un grand chantier de modernisation des canaux de la démocratie et de leur rebranchement sur la souveraineté du peuple citoyen. Tel un leitmotiv, chacune de nos rencontres avec la population, lors de notre tournée, commençait par la même question : «Puisque la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, considérez-vous que le gouvernement vous représente, que vous êtes au pouvoir en tant que citoyens ?» La réponse, quels que fussent l'âge et l'expérience particulière des interlocuteurs, était régulièrement la même. Elle était négative. [...] Une autre réaction à notre questionnement sur l'état de santé du gouvernement du peuple était plus pessimiste encore : «Ne venez pas nous dire que nous contrôlons quelque chose comme peuple; ce sont les grandes transnationales qui mènent; nos gouvernements ne dirigent rien; ils ne font pas autre chose que de s'ajuster et nous ajuster.» Sans prétendre à des considérations sociologiques scientifiques, les échanges in vivo avec des Québécoises et des Québécois de toutes les régions du Québec ont permis d'observer que quelque chose ne passait pas entre la société politique et la société civile. Malgré l'utilisation des techniques et outils les plus modernes et sophistiqués de sondage et d'auscultation, le système politique semble être devenu incapable de traduire la société civile, de se couler dans le flot de cette dernière pour en être l'aura, le harnacheur et le phare. Devant des gens de plus en plus éduqués, qui ont un discours et une pensée sur leur situation, qui s'approprient leur problématique territoriale, qui possèdent des compétences professionnelles de classe mondiale, qui assimilent des informations de toutes sortes, qui se sont donnés des associations et des mouvements de tous genres [...], notre démocratie représentative n'est plus adéquate. Entre une société civile participative et de plus en plus autonome et un système politique cherchant à appliquer unilatéralement dans la population des recettes concoctées dans des alcôves partisanes, l'osmose ne circule plus. L'incroyable mépris populaire à l'égard de la classe politique [...] devrait être suffisant pour que nous admettions que notre démocratie, que nous croyons parfois être parmi les meilleures au monde, est en situation d'échec. Quand le menu ordinaire et courant de n'importe quel gouvernement peut consister à défaire minutieusement les constructions édifiées par le gouvernement antérieur, cela étant dit en dehors de tout jugement partisan, ne s'agit-il pas là également, au plan objectif, d'une illustration pathétique de la déconnexion de nos institutions ? Est-ce le peuple lui-même qui se fourvoie ainsi, perdant le fil de ce qu'il veut, de quatre ans en quatre ans ? Ou ne serait-ce pas plutôt son système politique qui le trahit, lui donnant une représentation fallacieuse et altérée de lui-même, de sorte qu'il n'est jamais réellement protagoniste de son destin ? La légitimité politique se bâtit chaque jour Le ministre Dupuis justifie son intention d'ajourner la réforme à un prochain mandat en disant que ce qui importe c'est que les changements soient bien faits. Ce qui importe avant toute chose, c'est de comprendre qu'en raison du rythme d'évolution et de la complexification de la société, notre démocratie représentative est dans l'impasse. Un gouvernement ne peut plus, dans une attitude monolithique, prétendre à une totale légitimé politique simplement parce qu'il a été élu un jour. Cette légitimé s'acquiert et se bâtit jour après jour dans une interaction assidue, intense, multiforme, consistante, vivante, chaude, entre peuple et élus, entre société politique et société civile. Notamment, comment prétendre qu'un mandat coiffé d'un nom aussi énorme que celui de «réingénierie» de l'État pourrait passer en marge du creuset d'une telle légitimation. L'histoire de la démocratie est celle d'une synthèse en constante recomposition entre démocratie directe et démocratie représentative, au fil de l'évolution de la société civile et de sa capacité d'exercer son autonomie à travers l'amélioration de ses conditions matérielles et culturelles. Quand la démocratie représentative freine ou mystifie la souveraineté populaire, il faut revenir au peuple instituant. Sans magnifier l'événement, c'est un peu le sens qu'avaient les états généraux de février dernier. Comme citoyen, dont l'idéal démocratique n'a pas été modifié par le changement de gouvernement, j'invite le ministre Dupuis, dans un esprit de faire de la politique autrement, à s'élever au dessus des intérêts partisans et à poursuivre dans la voie de réforme globale ouverte par cette symbolique constituante. À l'heure où la diplomatie des bombes et la marchandisation de tout ce qui existe sont en train d'effriter tout espoir de fraternité humaine et de bonheur collectif, s'il est un devoir absolu qui nous incombe entre tous, c'est bien celui de redonner au politique toute sa dignité.
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