14 ? la responsabilité civile de charest, weinberg et cinar - Soquij
Le nombre élevé de voies de transduction mis en jeu explique les effets
biologiques variés d'une cytokine au sein d'une cellule. .... anomalie pouvait être
corrigée par alloimmunisation était considérée comme hérétique en ...... A ce
stade d'examen des résultats, on se retrouve confronté aux mêmes limites ......
136, 1072-8.
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Robinson c. Films Cinar inc.2009 QCCS 3793 COUR SUPÉRIEURE(Chambre civile)CANADAPROVINCE DE QUÉBECDISTRICT DEMONTRÉALN° :500-05-021498-967DATE :Le 26 août 2009______________________________________________________________________SOUS LA PRÉSIDENCE DE :LHONORABLECLAUDE AUCLAIR, J.C.S.______________________________________________________________________CLAUDE ROBINSONLES PRODUCTIONS NILEM INC.Demandeursc.LES FILMS CINAR INC.CORPORATION CINARRONALD A. WEINBERGFRANCE ANIMATION S.A.CHRISTIAN DAVINCHRISTOPHE IZARDRAVENSBURGER FILM + TV GmbhRTV FAMILY ENTERTAINMENT AGPETER HILLEBBC WORLDWIDE TELEVISIONTHERESA PLUMMER-ANDREWSHÉLÈNE CHARESTMcRAW HOLDINGS INC.DéfendeursRONALD WEINBERG, ès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline CharestDéfendeur en reprise dinstanceetVIDEAL GESELLSCHAFT ZUR HERTELLUNG VON AUDIOVISUELLEN PRODUKTEN MHB3918203 CANADA INC.Mises en causeTABLE DES MATIÈRES1 INTRODUCTION 6
2 LES PARTIES 7
3 QUESTIONS EN LITIGE 9
4 CHRONOLOGIE 9
5 TITULARITÉ DU DROIT DAUTEUR 34
5.1 ANALYSE 36
5.1.2 Qualification de la convention d'actionnaires 36
6 LACCÈS À LUVRE 39
6.1 L'ACCÈS DE CINAR 40
6.2 LACCÈS DE CHRISTOPHE IZARD 43
6.2.1 Le témoin François Champagne 46
6.2.2 Le témoin Gaston Cousineau 49
6.2.3 Le témoin Françoise Tourtet 50
6.2.4 Le témoin Christophe Izard 53
6.2.5 Le témoin Luc Dionne 59
6.2.5.1 La SACD 61
6.2.5.2 Justification de lorigine du nom de Gertrude Van Boum Boum 71
6.3 LACCÈS DE PETER HILLE ET RAVENSBURGER 79
6.4 LACCÈS DE THERESA PLUMMER 79
6.5 LACCÈS DE CHRISTIAN DAVIN 81
6.6 LACCÈS DE FRANCE ANIMATION 82
7 CURIOSITÉ EST-ELLE UNE UVRE ORIGINALE? 83
8 LES EXPERTISES 94
8.1 Dr JEAN-YVES FRIGON et Dre RUTH CORBIN 95
8.2 Dr CHARLES PERRATON 97
8.2.1 La partialité 101
8.2.2 Les différences 101
8.2.3 Les inexactitudes 101
8.2.4 Labsence de priorisation entre les similitudes 102
8.2.5 La définition de luvre 102
8.2.6 La déficience de la méthodologie 102
8.3 Mme LOUISE DANSEREAU 102
8.3.1 La méthodologie et la rigueur 104
8.3.2 La partialité de Mme Dansereau 105
8.4 LA CONCLUSION 109
9 LES SIMILITUDES SUBSTANTIELLES 109
9.1 LES PERSONNAGES 113
9.1.1 Ressemblances entre Robinson Curiosité et Robinson Sucroë 113
i) Ressemblances graphiques 113
ii) Ressemblances des caractères 122
9.1.2 Ressemblances entre Vendredi Férié et Mercredi 125
i) Ressemblances graphiques 125
ii) Ressemblances des caractères 126
9.1.3 Ressemblances entre Boum Boum et Duresoirée alias Hildegarde Van Boum Boum 128
i) Ressemblances graphiques 128
ii) Ressemblances des caractères 129
iii) Le cheminement du pachyderme 130
9.1.4 Ressemblances entre Gertrude et Gladys 132
i) Ressemblances graphiques 132
ii) Ressemblances des caractères 132
9.1.5 Ressemblances entre Charlie le pilote et Courtecuisse 133
i) Ressemblances graphiques 133
ii) Ressemblances des caractères 134
9.1.6 Ressemblances entre Léon le caméléon et Petitevacances 134
i) Ressemblances graphiques 134
ii) Ressemblances des caractères 135
9.1.7 Ressemblances entre le Paresseux et Dimanchemidi 136
i) Ressemblances graphiques 136
ii) Ressemblances des caractères 136
9.1.8 Ressemblances entre Général Schloup et Capitaine Brisk 137
9.1.9 Le redoublement des personnages 138
9.2 LES LIEUX LENVIRONNEMENT 140
9.2.1 Les maisons 140
9.2.2 Le décor 141
9.2.3 La grotte 142
9.2.4 Les véhicules 142
9.2.5 Les animaux 143
9.3 LES ÉLÉMENTS SCÉNARISTIQUES 143
9.3.1 Le journal 143
9.3.2 Le logo 144
9.3.3 La poste 145
9.3.4 Les déguisements 145
9.3.5 Les colères 146
9.3.6 Le vacarme 146
9.3.7 Les contacts avec lextérieur 146
9.4 LES ANACHRONISMES 146
9.5 LES THÈMES 147
9.6 LES SIMILITUDES À ÉCARTER, SELON LES DÉFENDEURS 148
9.6.1 Les similitudes qui résultent dune source dinspiration commune. 148
9.6.2 Les similitudes résultant de techniques artistiques. 149
9.6.3 Les similitudes propres aux émissions pour enfants 149
9.6.4 Les similitudes communes avec les uvres originales de Christophe Izard 149
9.6.5 Les similitudes entre les personnages résultant de traits de caractère généraux 150
9.7 LES DIFFÉRENCES 150
9.8 LANALYSE DES EXPRESSIONS 153
9.9 LA CONCLUSION 154
10 LA CRÉATION INDÉPENDANTE 155
10.1 LA CRÉATION GRAPHIQUE 156
10.1.1 Jean Caillon 158
10.1.2 La crédibilité du témoin Peter Sander 163
10.2 LA CRÉATION LITTÉRAIRE 172
10.2.1 La crédibilité du témoin Blakeney 180
11 LA CONTREFAÇON 184
12 LA RESPONSABILITÉ DE CERTAINS DÉFENDEURS 185
12.1 Charest et Weinberg 185
12.2 Christophe Izard 186
12.3 Christian Davin 186
12.4 Peter Hille 186
12.5 BBC 187
13 LA RESPONSABILITÉ DE McRAW HOLDINGS INC. et HÉLÈNE CHAREST 187
14 LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE CHAREST, WEINBERG ET CINAR 191
14.1 La relation contractuelle Pathonic-NILEM-Claude Robinson 193
15 LA POSSESSION ET PROPRIÉTÉ ET LA REDDITION DE COMPTE 199
15.1 LA REDDITION DE COMPTE 200
16 LES DROITS MORAUX DU DEMANDEUR EN VERTU DE LA LOI SUR LE DROIT DAUTEUR 202
16.1 LE DROIT DE PATERNITÉ 203
16.2 LE DROIT DE LAUTEUR AU MAINTIEN DE LINTÉGRITÉ DE SON UVRE 205
17 LE PRÉJUDICE MORAL 208
17.1 Le quantum 217
18 LES DOMMAGES ET PROFITS 219
18.1 LES DOMMAGES ÉCONOMIQUES EN VERTU DE LA LDA 219
18.1.1 Les dommages compensatoires du droit dauteur 219
18.1.2 Les profits 220
18.1.3 Le calcul du profit 222
18.1.3.1 Les droits musicaux 222
18.1.3.2 Rachats de territoires 223
18.1.3.3 Contrats ne découlant pas de la contrefaçon alléguée (D-8). 223
18.1.3.4 Autres 223
18.1.3.5 Les revenus de Christophe Izard 224
18.1.4 Tableau récapitulatif 224
18.2 LENDETTEMENT DU DEMANDEUR 225
19 LES DOMMAGES EXEMPLAIRES 226
20 LES HONORAIRES 233
21 LES INTÉRÊTS ET LINDEMNITÉ ADDITIONNELLE 237
22 LES CONCLUSIONS 237
22.1 REMERCIEMENTS 238
______________________________________________________________________JUGEMENT______________________________________________________________________1 INTRODUCTION
Umberto Eco, sémiologue de réputation, a dit : « Assoyez un singe devant une machine à écrire et le hasard permettra peut-être quil écrive Roméo et Juliette de Shakespeare, mais cest peu probable.»
Les demandeurs poursuivent les défendeurs :
Pour la violation dun droit dauteur et de droits moraux dans une uvre intitulée Les Aventures de Robinson Curiosité, laquelle consiste en un projet démissions éducatives et divertissantes de télévision pour enfants. Les demandeurs prétendent que la série démissions Robinson Sucroë que les défendeurs ont coproduite et mise en circulation constitue un plagiat à leur uvre en ce quelle procède dune reproduction et dune adaptation dramatique et artistique de la série Les Aventures de Robinson Curiosité;
En responsabilité civile pour avoir agi déloyalement et de mauvaise foi.
Dans cette affaire, tout est contesté dès le début du procès : le statut dauteur du demandeur, la titularité de son droit, la reconnaissance dune uvre, les similitudes, le plagiat et, les dommages réclamés.
Les défendeurs, Mme Micheline Charest et M. Ronald Weinberg, nient dabord connaître le demandeur, M. Claude Robinson, et son uvre Les Aventures de Robinson Curiosité. Ont-ils oublié que le personnage central, Robinson Curiosité, est un être curieux?
Piqué, blessé et curieux, le demandeur se lance dans une enquête dont les détails peuvent parfois paraître démesurés, à la recherche de la vérité, pour faire la preuve du plagiat de son uvre, ce qui nous amène à laboutissement dune affaire qui aura duré 13 ans, nécessité les dépositions de plus de 40 témoins, 20 765 pages de documents divers, 23 interrogatoires au préalable déposés, 4 expertises, plus de 53 heures de visionnage dépisodes divers et une commission rogatoire en France.
Après la présentation des parties et la chronologie des faits, le Tribunal examinera les faits que Claude Robinson a le fardeau de prouver par prépondérance, soit :
Laccès à luvre par les défendeurs;
Les similitudes substantielles de son uvre Les Aventures de Robinson Curiosité avec celle de Robinson Sucroë (léquivalent du jeu « Cherchez les 7 erreurs » du journal La Presse ).
Si le demandeur franchit ces étapes, les défendeurs devront par prépondérance de preuve, établir une création indépendante de Robinson Sucroë et, à défaut, le Tribunal déterminera les redressements demandés.
La journaliste judiciaire de Radio-Canada, Isabelle Richer, la veille du début du procès, ne croyait pas si bien dire lorsquelle a terminé sa chronique judiciaire par les mots suivants : « Qui dit vrai? »
2 LES PARTIES
Le demandeur, M. Claude Robinson (« le demandeur »), est un artiste de 58 ans, oeuvrant principalement dans le domaine de la publicité où il est réputé pour sa grande créativité, sa vivacité et son efficacité. Il participe entre autres à la production dune bande dessinée nommée Errare Humanum Est.
Il crée son projet à compter de 1982, lequel consiste en :
Une série de 26 émissions de télévision éducatives et divertissantes pour enfants intitulée Les Aventures de Robinson Curiosité (« Curiosité ») qui comprend 7 personnages principaux : 4 humains et 3 marionnettes, savoir : Robinson Curiosité, professeur Vendredi Férié, Gertrude, Charlie le pilote, Boum Boum léléphant, Léon le caméléon et le Paresseux;
Des bandes dessinées représentant les sept personnages;
Un projet de film dont le synopsis détaille lapparition du général Schloup dans le film Les Kalimaliens;
Un projet de centre de divertissements thématique et de nombreux produits dérivés.
La codemanderesse Les productions NILEM inc. (« NILEM ») est une compagnie privée dont le demandeur est administrateur et seul actionnaire.
Corporation CINAR est le résultat de la fusion corporative des Films CINAR inc. (« CINAR »), compagnie de production et de distribution démissions télévisuelles. En 1994, CINAR coproduit une série de 26 émissions de télévision pour enfants, de style bandes dessinées, intitulée : Robinson Sucroë (« Sucroë ») dont la première diffusion au Québec a lieu au mois de septembre 1995.
Le défendeur M. Ronald A. Weinberg (« Weinberg ») est, à lépoque de la coproduction de Sucroë, président de la défenderesse CINAR, vice-président, secrétaire et deuxième actionnaire de McRaw Holdings inc. et producteur de la série Sucroë. Quant à feu Mme Micheline Charest (« Charest »), elle était présidente du conseil dadministration, chef de direction et actionnaire de CINAR et présidente et actionnaire majoritaire de McRaw Holdings inc. À la suite de son décès, son mari, Weinberg, reprend linstance à titre dunique liquidateur.
France Animation S.A. (« France Animation ») est une société française de production démissions de télévision. Elle coproduit avec CINAR : SOS Polluards, la série Albert le 5e Mousquetaire, Robin des bois Junior et, subséquemment, Sucroë. M. Christian Davin (« Davin ») en est le président-directeur général à lépoque pertinente et est le producteur exécutif de la série Sucroë.
Ravensburger Film + TV GmbH (« Ravensburger ») est coproductrice de la série Sucroë et distributrice allemande démissions de télévision. Son directeur général de lépoque, M. Peter Hille (« Hille »), est coproducteur de la série Sucroë.
RTV Family Entertainment AG (« RTV ») est née de la fusion le 29 mars 1999 de Ravensburger avec RTV Family Entertainment GmbH.
La défenderesse BBC Worlwide Television (« BBC ») est productrice et distributrice démissions de télévision. Elle coproduit Albert le 5e Mousquetaire mais nagit quà titre de distributrice de Sucroë. Mme Theresa Plummer-Andrews (« Plummer ») en est la « Head of Childrens Acquisition and Coproduction for Childrens Department » et coproductrice de la série Sucroë.
Le défendeur M. Christophe Izard (« Izard ») est le producteur exécutif de la série Sucroë chez France Animation et, selon le générique de la série, le concepteur de lidée originale. Il a personnellement produit en France diverses séries télévisées : Lîle aux enfants dont le personnage principal est la marionnette Casimir. Il y a eu plus de 1200 épisodes de 1974 à 1982; Les Visiteurs du mercredi, 290 émissions de 1975 à 1982; Le Village dans les nuages, 640 émissions de 1982 à 1986; Les Visiteurs de Noël, 70 émissions; et Les Poï Poï, 29 émissions. Il est aussi actionnaire principal de Calipa, sa compagnie de production.
La défenderesse Mme Hélène Charest, sur de Micheline Charest, apparaît au générique de Sucroë à titre de scénariste de huit épisodes canadiens sous le nom de plume dÉrica Alexandre.
La défenderesse McRaw Holdings inc. (« McRaw »), compagnie de gestion de Charest et Weinberg, détient un contrat de services de consultant à la scénarisation et à ladaptation de la série Sucroë.
3 QUESTIONS EN LITIGE
Le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
Les demandeurs sont-ils toujours détenteurs du droit dauteur revendiqué?
Curiosité est-elle une uvre originale?
Les défendeurs ont-ils eu accès à luvre?
Existe-t-il des similitudes substantielles de Curiosité dans Sucroë?
Existe-t-il une création indépendante de la part des défendeurs?
McRaw et Hélène Charest ont-elles une responsabilité en linstance?
Les défendeurs Hille, Davin, Izard et Plummer ont-ils une responsabilité personnelle en vertu de la violation de la Loi sur le droit dauteur (« LDA »)?
Existe-t-il une responsabilité civile de CINAR, Weinberg et Charest découlant de lexécution de leur contrat de services?
Quels sont les remèdes appropriés?
a) La possession et propriété de luvre Sucroë;
b) La reddition de compte;
c) Les droits moraux en vertu de la LDA :
Le droit à la paternité;
Le droit de lauteur au maintien de lintégrité de son uvre;
d) Les dommages économiques découlant de la LDA :
Les dommages;
ii. La perte de profits;
e) Le préjudice moral;
f) Les dommages exemplaires.
Les honoraires avocat-client.
4 CHRONOLOGIE
À lété 1982, le demandeur crée les premiers croquis et les caractères des personnages principaux de la série Curiosité. Il sagit de Robinson Curiosité, Professeur Vendredi Férié, Gertrude de Grandmaison, Charlie le pilote, le général Schloup, Boum Boum, Léon le caméléon et le Paresseux. Ces trois derniers personnages sont des animaux représentés par des marionnettes. Il prépare aussi des bandes dessinées avec ses personnages.
M Jacques Dick, comptable et ami du demandeur, confirme avoir vu le projet Curiosité dès le mois doctobre 1982. À cette époque, il est impliqué dans diverses compagnies de production de films publicitaires.
De 1982 à 1985, le demandeur peaufine son projet. À lautomne 1983, il présente son projet à Télé-Métropole qui le refuse le 15 octobre 1983, soulignant certaines faiblesses potentielles malgré les éléments enthousiasmants de lapproche.
En juin 1985, le demandeur fait une nouvelle présentation à MM. Gabriele et Veillet de Télé-Métropole et, le 12 juillet, il reçoit une lettre dintention de TéléMétropole, dans laquelle elle offre dacquérir 39 émissions de 30 minutes chacune pour diffusion à lautomne 1986, à raison de 4000 $ par émission, aux conditions suivantes :
Que le producteur Corpex Vidéo ltée sassure de détenir tous les droits dauteur et autres sur ce projet;
Que la série soit produite conformément au protocole dentente concernant la création du Fonds de développement et de production démissions canadiennes et, évidemment, sous réserve de lacceptation du contenu et de la qualité technique.
Pour ce faire, le 15 juillet 1985, le demandeur offre une séance de formation aux scénaristes de léquipe de NILEM sur Curiosité et le 18 juillet, Corpex Vidéo signe avec Cinédex une convention de réalisation.
Le 5 août 1985, Concept financier dAvant-Garde (CFA) fait rapport au demandeur des démarches quelle a entreprises pour la distribution de Curiosité tant au niveau américain queuropéen.
Le 9 août 1985, Video Voice de New York demande un épisode pilote à M. Sawyer de CFA. Ne pouvant compléter son financement, le pilote nest pas produit.
Le 26 septembre 1985, Téléfilm Canada confirme au demandeur le retrait de sa demande de financement à la suite de la communication du rapport de lecture de Téléfilm Canada.
Le 27 septembre 1985, Cinédex et Corpex signent une transaction par laquelle elles se donnent une quittance mutuelle et Corpex donne quittance au demandeur.
Le 2 octobre 1985, Pathonic avance à NILEM une somme de 16 000 $.
Le 11 octobre 1985, Corpex Video confirme à Téléfilm Canada :
Que la convention de réalisation entre Cinédex et Corpex est résiliée le 30 août 1985 vu labsence des fonds nécessaires;
Que le projet sera représenté ultérieurement avec une nouvelle structure de production et de nouveaux investisseurs.
En septembre 1985, le demandeur fait une présentation de son projet à M. Serge Lalonde de Pathonic et, à la suite de discussions entre Lalonde et Paul Vien, le président, Pathonic sassocie à NILEM sous forme dune coentreprise où les profits seront répartis à 50-50 après que Pathonic aura été remboursée de ses dépenses .
Le 16 octobre 1985, le Bureau des droits dauteur délivre un certificat denregistrement de Curiosité indiquant que lauteur en est le demandeur et NILEM, la propriétaire.
Le 17 octobre 1985, Téléfilm Canada fait parvenir au demandeur les commentaires des lecteurs indépendants de son uvre et, le 12 novembre, Téléfilm Canada retourne les documents déposés par Corpex.
Au cours des mois de novembre et décembre 1985, le demandeur rencontre Charest et Weinberg de CINAR, déménage ses bureaux dans les locaux de Pathonic et reçoit une avance de salaire de cette dernière.
Le 10 janvier 1986, CINAR offre ses services pour représenter Pathonic sur le marché américain dans luvre Curiosité. Cette offre est cosignée par M. Seth Willenson, représentant de CINAR aux Etats-Unis, et acceptée le 11 février par Pathonic.
Par cette offre de services, CINAR agira à titre de consultant en vente et marketing et conseillera Pathonic sur le développement de luvre Curiosité en la revue et lévaluation du projet quant aux scénarios et à léchéancier de production, le financement, les prétests, la coordination de la production et la promotion, le tout à raison de 5000 $ US par mois pour une durée de six mois. CINAR facturera pour ses services et sera entièrement payée par Pathonic.
Le 24 janvier 1986, SDA, productrice de films québécois, par lettre de son président M. Claude Champagne, indique à Pathonic son intérêt à participer au financement de la production de la série.
Le 6 février 1986, la Faculté déducation de lUniversité McGill approuve lobjectif éducatif de la série Curiosité, appui dont le demandeur se servira comme outil de promotion à Cannes en 1987.
Au mois de février 1986, le demandeur remet une copie de lensemble de son uvre Curiosité à Weinberg, Charest et Willenson (CINAR É.-U.) pour le démarchage. Willenson déclare se rappeler la quantité importante de la documentation remise à cette époque.
Le 3 mars 1986, Weinberg informe Pathonic de lidentité des diffuseurs à visiter à New York et Los Angeles dont la première ronde de rencontres est fixée dans la semaine du 17 mars à New York et, à Los Angeles dans la première semaine davril, rencontres à tenir avec Willenson (CINAR É.-U.).
Le 14 mars 1986, CINAR facture une première somme de 5000 $ à Pathonic en vertu du contrat de consultation pour Curiosité.
Le 25 mars 1986, le demandeur et Willenson (CINAR É.-U.) rencontrent les représentants de Lexington Broadcasting Syndication (« LBS »), MM. Paul Selig et John Bohach. Le même jour, ils rencontrent M. Eric Frankel de Warner Bros, vice-president East Coast Marketing. Ils rencontrent Mme Lucy Richardson, directrice de Family Programing de HBO.
Le 26 mars 1986, ils rencontrent Mme Ann Upson, directrice de la programmation chez CBS FOX, Mme Sue Solomon, vice-présidente des affaires chez CBS Broadcasting International et M. C.G. Ketler vice-président Children and Family Program de Vestron Video.
Le même jour, Pathonic et NILEM signent une demande de marque de commerce pour Curiosité, laquelle est déposée au bureau du registraire des marques de commerce. Les signataires déclarent faire affaire ensemble sous ce nom.
Le 4 avril 1986, Willenson (CINAR É.-U.) fait rapport à Lalonde de Pathonic du résultat des présentations faites à New York. Il indique que LBS est intéressée, que CBS et Fox aiment le projet et veulent plus dinformation quant au budget, que Warner Bros nest pas intéressée et que Vestron Video devrait suivre la même position que CBS.
Le 16 avril 1986, le demandeur, Weinberg, et Vien de Pathonic retrouvent Willensen à Los Angeles pour une rencontre avec M. Rosen de Columbia Pictures le lendemain et avec M. Bruce Ryder de Disney Channel, le 18 avril.
À son retour de Los Angeles, Vien informe le demandeur quil désire modifier les parts de leur entente de 50-50 à 70-30, ce que le demandeur refuse.
La foire internationale du MIP-TV, édition 86, se tient du 24 au 29 avril. Cette foire est la plus importante dans le domaine où tous les intervenants se rencontrent annuellement pour établir ou raviver des contacts ou vendre des produits conçus au cours de la dernière année ou soit en acheter ou en financer de nouveaux. Ce congrès international est la plaque tournante de cette industrie, doù la nécessité dy participer.
Charest et Weinberg participent au MIP-TV 86. Pour leur participation, le demandeur leur remet un ensemble de ses documents, dessins, scénarios et story-boards.
Le 28 avril 1986, Vien écrit à Disney les informant quil révise les budgets de production pour Curiosité pour 65 épisodes de 30 minutes au lieu de 26 épisodes et que linformation devrait être disponible le 9 mai suivant.
En mai 1986, une conférence téléphonique est initiée par Christian Davin et Jean Cazès à lépoque chez Initial Groupe en France avec Lalonde de Pathonic, alors accompagné de Charest, Weinberg et du demandeur. Après avoir pris connaissance de lensemble des story-boards du demandeur, Davin et Cazès manifestent leur intérêt pour réaliser un démo de Curiosité. Selon le demandeur, ladjointe de Lalonde aurait envoyé « un paquet de dessins additionnels » à Initial Groupe pour quils puissent préparer le démo, lequel na jamais été produit.
En juin 1986, à la suite des exigences de Pathonic daugmenter les pourcentages de sa participation, des discussions ont lieu entre Raymond Paquin pour NILEM et Lalonde de Pathonic pour solutionner limpasse.
Le 9 juin 1986, Me de Kinder prépare un projet de convention entre Pathonic et NILEM sur lutilisation et lexploitation des droits du demandeur, et ce, pour une durée de trois mois commençant le 15 juin et se terminant le 15 septembre 1986. Il y est stipulé :
ATTENDU que Les Aventures de Robinson Curiosité est un concept original et global rattaché à la personnalité de son auteur, Claude Robinson.
ATTENDU que le concept constitue une uvre de lesprit suivant les dispositions des conventions universelles en matière de droits dauteur (copyright).
(Le Tribunal souligne)
Le 19 septembre 1986, Paquin confirme à Lalonde quadvenant léchec des discussions avec Disney, Pathonic devra se retirer du dossier et il demande à négocier une séparation à lamiable.
Le 24 décembre 1986, le demandeur rencontre M. Gaston Cousineau de SDA et leur procureure, Me De Kinder, afin de discuter de son projet Curiosité.
À la suite de cette rencontre, Cousineau demande à Me De Kinder de préparer une opinion sur les droits dauteur et de lui faire rapport sur la propriété des droits dauteur du demandeur, sur les descriptions, dessins et noms respectifs des personnages exprimés dans Curiosité. Cette opinion est complétée le 5 janvier 1987 et remise à Cousineau.
En 1987, en France, Izard débute la production et la diffusion de 35 émissions de Zappe Zappeur.
Le 9 janvier 1987, Me De Kinder écrit au demandeur au sujet de la marque de commerce de Curiosité, dont copie est transmise au procureur de Pathonic. Elle requiert du demandeur de signer pour NILEM et dobtenir la signature de Pathonic International pour se désister de la demande conjointe denregistrement de la marque de commerce The Adventures of Robinson Curiosity.
Le même jour, NILEM transmet les documents à Pathonic pour signature et réaffirme quelle respectera les échéances prévues pour les remboursements de la reconnaissance de dette.
Le 22 janvier 1987, Pathonic, par lentremise de ses procureurs, informe le demandeur de la nécessité de maintenir la demande denregistrement de la marque de commerce, dune part, et dautre part, donne son accord à une rétrocession des droits lorsque la somme de 16 000 $ et les frais denregistrement de la marque de commerce lui auront été entièrement remboursés.
Le projet de rétrocession contient la clause suivante :
ATTENDU que les personnages décrits ou exprimés dans ce projet de série télévisuelle ainsi que les noms, dessins, descriptions et caractères respectifs de ceux-ci ont tous été conçus et créés par Claude Robinson, incluant, sans restriction ni limitation, les nom, dessin, description et caractères du personnage de Robinson Curiosité;
Le 16 mars 1987, le demandeur avise son procureur quil a reçu un projet dentente entre NILEM et SDA.
Le 26 mars 1987, Champagne de SDA incorpore deux compagnies : 155128 Canada inc. et 155129 dont les noms seront modifiés pour Les Productions de l'Île Curieuse et Entreprises de lÎle Curieuse.
Le 29 mars 1987, Films Transit, compagnie de démarchage de M. Jan Rofekam, propose dagir comme démarcheur pour SDA pour la série Curiosité au cours de la foire à Cannes.
Au début davril 1987, en prévision de la foire à Cannes, le demandeur et Cousineau préparent un outil promotionnel innovateur, un journal intitulé : The Adventures of Robinson Curiosity / Les Aventures de Robinson Curiosité, édition spéciale à distribuer au MIP-TV à Cannes pour faire la promotion du projet. On y retrouve la description de la bible de la série et certains dessins des personnages.
Au cours de son témoignage, Me De Kinder précise limportance de lacquisition des droits dauteur avant le voyage à Cannes, ce qui est concrétisé le 17 avril 1987 par la signature de la convention préincorporative par SDA et NILEM, à laquelle convention le demandeur intervient. Cette convention prévoit la dévolution des droits dauteur à la compagnie à être formée dans les 90 jours et à laquelle est assujettie également une autre condition, à savoir : la signature dune convention dactionnaires dans le même délai.
Le demandeur, Cousineau et Champagne de SDA se rendent à la foire internationale MIP-TV 87 à Cannes qui se tient du 21 avril au 26 avril. Au cours du congrès, un journal est publié quotidiennement par les organisateurs de la foire. Y apparaît une bande-annonce de Curiosité avec les coordonnées de Films Transit de M. Jan Rofekam référant le lecteur à son stand et à celui de SDA Productions.
Dans le journal numéro 6 du dimanche 26 avril 1987, un article est publié annonçant une entente entre Calipa, compagnie dIzard, et SDA, compagnie de Champagne. Cette entente fixe les bases dune association entre les deux sociétés destinée à mettre au point des projets de coproduction. Dans cet article, il nest pas question de Curiosité.
Le 30 avril, 1987, Me De Kinder fait parvenir au procureur de Pathonic un projet dacte de rétrocession à NILEM et un chèque de 16 500 $ tiré de son compte en fidéicommis largent provenant de SDA pour mettre un terme aux relations entre NILEM et Pathonic, tel que convenu entre elles.
Le 6 mai 1987, Plummer de BBC demande à Rofekam par télex de lui fournir un pilote de Curiosité dont le numéro apparaît à la publicité de Curiosité dans le journal promotionnel distribué à Cannes. Rofekam lui répond le 27 mai 1987 quil espère quun tel pilote sera prêt dici six à huit semaines. Dans les faits, aucun tel pilote ne sera produit.
Le 8 mai 1987, Films Transit reçoit une communication de Wagner Hallig Film Gmbh démontrant « a strong interest » dans Curiosité.
Le 15 mai 1987, Pathonic fait volte-face et informe Me De Kinder quelle renie leur entente et exige dorénavant, pour signer une rétrocession des droits, la moitié des frais encourus par elle, c'est-à-dire :
a) Des salaires versés au demandeur totalisant 37 000 $;
b) Les frais de production de 10 837 $;
c) Des frais danalyse de marché, de développement et de promotion par lintermédiaire de CINAR payés 30 000 $ US, soit 42 000 $;
d) Des frais de promotion, étant les frais de voyage et de séjour de Vien, Lalonde et Robinson à New York et Los Angeles totalisant la somme de 17 625,74 $;
plus le paiement de la reconnaissance de dette de 16 000 $.
À lautomne 1987, une convention dactionnaires est signée entre Productions SDA et NILEM et Curious Island Enterprises et Curious Island Production.
Le 26 octobre 1987, un avis de modification dadministrateurs et de changement de nom est adressé au directeur de Consommation et Corporations modifiant les noms pour Les Productions de l'Île Curieuse et Les entreprises de l'Île Curieuse et remplaçant Champagne par MM. Jacques Blain, Gaston Cousineau, Claude Robinson et Denis Richard.
Le 7 décembre 1987, Cousineau, sur la papeterie des Productions de l'Île Curieuse, adresse à M. Rick Bennett de Clark Work Pictures deux copies du projet du demandeur lui demandant son éventuelle participation comme directeur pour un pilote à être produit en mars 1988.
Le 8 décembre 1987, Les Productions de l'Île Curieuse, par lentremise de Cousineau, fait parvenir à Mme Suzie Roberge un chèque de 750 $ représentant son cachet pour sa participation à la scénarisation du pilote Curiosité, de même quune copie du scénario et du story-board, Cousineau linformant que le projet verra le jour en 1988.
En septembre 1988, vu le désintérêt de SDA et la surenchère de Pathonic relativement à sa réclamation, Me De Kinder retourne à SDA la somme de 16 500 $ quelle détenait dans son compte en fidéicommis et qui devait servir au paiement de la rétrocession de la marque de commerce avec Pathonic. Dailleurs, ceci est conforme à la position de SDA en mars 1989 lorsquelle envoie un changement dadministrateurs au directeur de Consommation Corporations linformant que depuis le 26 août 1988, Cousineau, le demandeur et Denis Richard ne sont plus administrateurs des Productions de lîle curieuse inc..
Les Productions de l'Île Curieuse et Les entreprises de l'Île Curieuse sont dissoutes le 12 décembre 1990.
En 1989, lors de la préparation dun voyage à Paris de Weinberg, sa secrétaire de lépoque, Mme Cheryl Blakeney, retrace dans une boîte certains documents de Curiosité. Au cours de son témoignage, elle reconnaît même certains dessins du demandeur.
À compter de 1990 et jusquen 1997, Izard produit et diffuse en France 230 émissions hebdomadaires de Hanna Barbera Dingue Dong.
Au début des années 1990 et jusquen 1996, Izard et France Animation produisent la série Albert le 5e Mousquetaire, selon une idée dIzard, qui consiste en une parodie de luvre de Dumas « Les trois mousquetaires ». CINAR et BBC se joignent à France Animation comme coproductrices de cette série.
En septembre 1990, la série SOS Polluards produite par France Animation et CINAR est mise en ondes sur Antenne 2, sous la direction aux programmes de Christophe Izard.
Au début de 1992, Davin, PDG de France Animation, demande à Izard de lui fournir des idées pour des coproductions avec le Canada.
Le 15 avril 1992, France Animation octroie un contrat pour la rédaction de la bible dAlbert le 5e Mousquetaire à MM. Pascal Mirleau et Philippe Terrail.
Le 1er juin 1992, Izard suggère un premier concept qui sintitule : Robinson a menti : son île nest pas déserte lequel décrit en cinq paragraphes des idées sur une série à venir, laction se déroulant sur une île du Pacifique dont les habitants, des Polynésiens, se nomment les Kéleuratus.
Vers la fin du mois daoût 1992, Izard apporte une deuxième version de son projet, toujours nommé : Robinson Crusoé a menti. Il y illustre les principaux personnages où Robinson sappelle Robinson Crusoé et les autres personnages : Dimanchemidi, Aubedulundi, Vendredi, Capitaine Brisk, Courtecuisse et Duresoirée. Il y a également une description des lieutenants pirates, la tribu se nommant toujours les Kéleuratus.
Plus tard, il est question dajouter des personnages tels que Jamaislesamedi, Jeudiprochain, Aprèsdemain et Jourférié. Les Kéleuratus changent de nom pour sappeler dorénavant les Touléjours.
Au mois de septembre 1992, le titre du projet dIzard devient : Plus on est de Robinson, plus on rit et une recherche graphique demandée à M. Jean Caillon est préparée au cours du même mois montrant un Robinson sans barbe et sans lunettes.
Dans ce document de présentation préparé par Caillon, les habitants de lîle sont toujours des Polynésiens, Robinson est toujours sans barbe et sans lunettes, et Friday est un jeune homme de 20 ans.
Le 8 octobre 1992, un contrat de droit dauteur est signé entre Izard et France Animation juste avant la tenue du MIP-COM du 13 au 16 octobre, autre foire importante à ne pas manquer dans ce domaine.
Le 13 octobre 1992, au cours du MIP-COM, Robinson Sucroë apparaît dans une annonce publicitaire, sans barbe et sans lunettes.
Le 21 octobre 1992, Mirleau soumet divers synopsis pour la série. Il est impossible que ce document daté du 21 octobre 1992 ait existé à cette date puisque le personnage dUglyston qui y apparaît est né de la suggestion du scénariste Michel Haillard, lequel na travaillé à la série quà partir du printemps 1993.
Notons aussi que le personnage de Vendredi est devenu Mercredi.
En décembre 1992, une rencontre a lieu entre Charest, M. Peter Sander, directeur du développement chez CINAR, et Izard relativement à Sucroë.
Le 7 janvier 1993, les scénaristes français, Mirleau et Terrail, signent un contrat pour lécriture de lépisode Courtecuisse 1er.
En janvier 1993, la série Robin des bois junior, coproduite par CINAR et France Animation est diffusée pour la première fois. Izard sinscrit comme scénariste dialoguiste au bulletin de déclaration télévision.
Le 14 janvier 1993, Charest, Sander et Izard se rencontrent.
Le 22 janvier 1993, Peter Landecker et Izard signent et déposent à la SACD un bulletin de déclaration. Ce bulletin répartit les droits à 90 % pour Landecker à titre décrivain et 10 % pour Izard à titre de scénariste dialoguiste.
Le 31 janvier 1993, une réunion des représentants de CINAR et de France Animation se tient à lHôtel Chanteclerc à Sainte-Adèle. Y participent les LaPierre, Izard, Sander, Charest, Davin et Weinberg et léquipe de production. Cette réunion a pour but déliminer les différends entre les deux équipes et améliorer la communication.
Au début de lannée 1993, à la suite dune rencontre tenue avant les Fêtes avec Charest et Weinberg, Sander fait parvenir une télécopie à Izard et à France Animation dans laquelle il signale une trop grande similarité entre Albert le 5e Mousquetaire et Sucroë.
Le 5 février 1993, Mirleau et Terrail signent un autre contrat pour lécriture de lépisode Lîle flottante.
Le 10 février 1993, une annotation dans son agenda indique que M. Thomas LaPierre de CINAR aurait reçu de France Animation certain matériel concernant Sucroë.
Quelques jours avant le 22 février 1993, au cours dune rencontre entre Sander et Charest où Sander lui fait des commentaires négatifs à propos de la série Sucroë, Charest lui exhibe des dessins dont deux quil identifiera comme étant reliés au demandeur.
Le 22 février 1993, Sander crée deux nouveaux personnages à la série Sucroë : Little Jim et Petitevacances, dont il envoie les dessins à Izard.
Le 31 mars 1993, Izard signe sept bulletins de déclaration télévision à la SACD, lesquels sont également signés par Érica Alexandre. Cependant, il est impossible que ces bulletins portent la date du 31 mars, tel quil sera expliqué plus loin.
Le 18 avril 1993, les représentants de France Animation et de CINAR participent au MIP-TV.
Au mois de mai 1993, une recherche graphique du personnage de Robinson Sucroë affichant une barbe apparaît pour la première fois .
Le 7 mai 1993, Mirleau et Terrail obtiennent de France Animation le contrat pour la préparation de la bible de Sucroë. Ils touchent des honoraires de 20 000 FF et renoncent aux droits dauteur sy rapportant.
Le 10 mai 1993, Haillard et Patrick Régnard, auteurs français, signent un contrat pour lécriture du scénario de Lîle du Tourteau. Le même jour, le scénario de LÎle flottante, 8e version, est finalisé.
Le 18 mai 1993, un contrat pour lécriture du scénario Mission Impossible est accordé aux auteurs français Olivier Massart et Gilles Taurand.
Le 24 mai 1993, le scénario, de Courtecuisse 1er, 6e version, est complété par Mirleau et Terrail.
Du 1er au 6 juin 1993, au Festival international du film danimation à Annecy, on retrouve Sucroë toujours sans barbe et sans lunettes et du 3 juin au 6 juin 1993, au cours du MIFA, France Animation annonce la production à venir de Sucroë. Est également présente au MIFA, Ravensburger. Quant au MIP-TV dAnnecy, on apprend que Davin et Izard y sont présents de même que Jean Cazès de France Animation.
Du 2 au 12 juillet 1993, Sander se rend à Londres et à Paris rencontrer Plummer, Izard et Davin.
Le 6 juillet 1993, Davin envoie un fax à Charest lui confirmant lentente sur Sucroë. Dans cette entente, Davin propose que CINAR produise Sucroë à la hauteur de 25 % et retienne 10 % des recettes brutes de la série en dehors des territoires Europe germanophone, francophone, Italie, Espagne et Portugal. Lentente indique que France Animation « apporte » à CINAR la somme de 565 000 $.
Le 29 juillet 1993, Haillard et Régnard terminent lécriture de la version 6 du scénario LÎle du Tourteau.
Le 30 juillet 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la version 9 du scénario de LÎle flottante.
Le 2 août 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la version 7 du scénario Courtecuisse 1er.
Le 3 août 1993, Massart et Taurand terminent lécriture de la version 5 du scénario Mission impossible.
Le 4 août 1993, LaPierre, directeur décriture chez CINAR, reçoit la confirmation de la participation de CINAR dans la production de Sucroë.
Le 6 août 1993, France Animation envoie à LaPierre les quatre premiers scénarios français et des éléments graphiques.
Le 10 août 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la version 5 du scénario La belle captive. Le même jour, ils terminent la 3e version de la bible et le scénario Lanniversaire du naufrage du Touléjours, version 4.
Le 17 août 1993, léchéancier de la production de la série Sucroë est terminé.
Le 20 août 1993, France Animation fait parvenir à LaPierre cinq scénarios en anglais et des éléments graphiques.
Le 31 août 1993, Stephen Ashton, scénariste canadien, propose le synopsis de Sucroe Evolution.
Le 7 septembre 1993, intervient un contrat de prévente de diffusion entre BBC et France Animation. Le même jour, Haillard et Régnard terminent lécriture du scénario La diva des îles, version 5.
Le 9 septembre 1993, LaPierre envoie douze synopsis dauteurs canadiens à Izard pour acceptation. Le même jour, Mirleau et Terrail terminent lécriture du scénario Le manuscrit volé, version 4.
Le 13 septembre 1993, LaPierre reçoit la confirmation de la participation de CINAR à la coproduction de Sucroë.
Le 15 septembre 1993, LaPierre écrit à Izard quil na pas encore reçu la bible de Sucroë. Le même jour, il sollicite divers pigistes pour des propositions de synopsis.
Le 21 septembre 1993, France Animation envoie à CINAR la version 4 de la bible, en français et en anglais. Le même jour, lauteur canadien Patrick Granleese envoie des suggestions de synopsis à LaPierre.
Le 23 septembre 1993, Ken Ross soumet une série de synopsis à LaPierre.
Le 27 septembre 1993, Rick Jones, Mary Crawford, Alan Templeton et Peter Landecker soumettent une série de synopsis à LaPierre. Le même jour, selon son agenda, LaPierre reçoit la carte et les character designs de France Animation.
Le 29 septembre 1993, LaPierre envoie douze story-boards pour les quatre derniers épisodes à être approuvés par Christophe Izard. Le même jour, Haillard et Régnard terminent la version 4 du scénario Embrouille et ratatouille.
Le 1er octobre 1993, Izard adresse ses commentaires à LaPierre sur le scénario Journalism School.
Le 5 octobre 1993, CINAR produit un état davancement des épisodes.
Le 11 octobre 1993, la version 2 du scénario Robinsons Beach est terminée par Mirleau et Terrail et la version 3, le 15 octobre.
Le 19 octobre 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la 5e version du scénario de Lépave du Touléjours.
Le 20 octobre 1993, Izard signe avec France Animation un contrat de coordonnateur décriture et de coscénariste.
Le 26 octobre 1993, France Animation signe avec Parade un sous-contrat danimation pour 26 épisodes de la série Sucroë au montant de 72 000 $ par épisode. Ce contrat est amendé le 15 novembre 1993, de sorte que 22 000 $ par épisode totalisant 572 000 $ US est transformé en investissement par le sous-traitant Parade.
Le 8 novembre 1993, Mirleau et Terrail signent un contrat de droits dauteur pour lépisode Un monstre dans lîle de la série Sucroë.
Le 17 novembre 1993, Joseph Mallozzi et LaPierre terminent lécriture du scénario de La vie de pirate, version 3.
Le 24 novembre 1993, Haillard et Régnard terminent lécriture du scénario Lîle en folie, version 3.
Le 30 novembre 1993, CINAR et France Animation concluent une entente de coproduction relativement à Sucroë, dans laquelle la participation de France Animation sélève à 75 % et 25 % pour CINAR. CINAR sera responsable de huit scénarios. Le même jour, ces dernières signent une contre-lettre modifiant leurs pourcentages de participation de sorte que ceux-ci ne rencontrent plus les minima requis et exigés par lentente France-Québec.
Le 1er décembre 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture du scénario Un monstre dans lîle, version 4.
Le 3 décembre 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la 2e version du scénario Le perroquet dUglyston.
Le 6 décembre 1993. Massart et Taurand terminent lécriture de la 3e version du scénario La guerre des Robinson.
Le 9 décembre 1993, Mirleau et Terrail terminent lécriture de la 4e version du scénario Le perroquet dUglyston.
Le 14 décembre 1993, Ravensburger et France Animation signent une entente de coproduction relativement à Sucroë.
Le 15 décembre 1993, France Animation signe un contrat avec Alain Sion pour la réalisation de Sucroë.
Le 12 janvier 1994, Haillard et Régnard terminent lécriture du scénario Bienvenue Mr. Floydd. Le même jour, Templeton et Crawford terminent lécriture du scénario Toute la vérité et LaPierre termine lécriture de la version francophone du scénario Lapprenti journaliste.
Le 13 janvier 1994, Mallozzi termine lécriture de la version française du scénario Maman a raison.
Le 20 février 1994, Jean Caillon, dessinateur de France Animation, signe un contrat de commande de travaux graphiques et de cession des droits dauteur pour la série danimation Sucroë, pour services artistiques se rapportant à la production et la réalisation de la série, tels que recherches graphiques des personnages principaux et secondaires, exécution de ces personnages et exécution des travaux graphiques complémentaires. Il faut noter que ce contrat est signé plusieurs mois après le travail exécuté par Caillon.
Au mois davril 1994, Izard signe des bulletins de déclaration télévision pour la série Albert le 5e Mousquetaire.
Le 4 mai 1994, Pierre Jullian de France Animation adresse un mémo à Mme Marie-Josée Corbeil de CINAR pour intégrer Érica Alexandre aux déclarations de droits à titre de scénariste.
Le 13 mai 1994, CINAR répond à Izard sur la répartition des droits, où on discute notamment dÉrica Alexandre et annexe la liste des auteurs scénaristes canadiens.
Le 16 mai 1994, Izard envoie un fax à Me Donald dans lequel il déclare et reconnaît que les droits de la SACD appartiennent aux auteurs et non aux sociétés et quil na donc aucune part de droits dauteur à toucher dans Richard Scarry. Il suggère la façon dintégrer le nom dÉrica Alexandre et écrit que cette dernière ne pourra apparaître sur les épisodes français, puisque tous les droits sont répartis entre les vrais auteurs.
Le 20 mai 1994, Me Donald prépare un mémo concernant les déclarations à la SACD pour la série Sucroë à la suite de lentente négociée avec Izard où il est convenu dun partage à 60-40, c'est-à-dire 60 % pour Érica Alexandre et 40 % pour Izard.
Le 1er juin 1994, Massart et Taurand terminent lécriture de la version française du scénario Coup de foudre et, le même jour, Ashton termine le scénario Drôles de bêtes.
Le 22 août 1994, Téléfilm Canada confirme quune aide financière est accordée à CINAR pour la production de la série Sucroë sur la foi des pourcentages révélés au contrat signé le 30 novembre. De toute évidence, Téléfilm Canada ignore lexistence de la contre-lettre qui modifiait les répartitions en deçà de la définition dune coproduction internationale.
Le 14 septembre 1994, le Centre national de la cinématographie de France (CNC) octroie pour la même série à France Animation, une somme de 800 000 FF basée sur des coûts totaux de 42 millions FF dont 31 500 FF assumés pour la part française :
- SAGISSANT DUNE COPRODUCTION INTERNATIONALE (est considérée comme coproduction internationale toute production dans laquelle la part de financement français est comprise entre 30 % et 80 % du budget total, et faisant lobjet de dépenses de production en France pour au moins 30 % du coût définitif de luvre) elle présente les caractéristiques suivantes :
COÛT TOTAL H.T. (en France) : 42 003.451 francs
(...)
PART DE FINANCEMENT FRANÇAIS : 75 %.
Du 10 au 14 octobre 1994, les défendeurs participent au MIP-COM 1994.
Le 19 octobre 1994, nouveau mémo de Me Donald concernant limplication dÉrica Alexandre pour la perception des redevances SACD.
Au mois de décembre 1994, le demandeur ressort ses caisses de documents de lentreposage et fait une présentation à sa conjointe et à divers associés et amis. Il se laisse convaincre par ces derniers de réactiver son projet Curiosité.
Le 6 janvier 1995, Izard cosigne avec Érica Alexandre les bulletins de déclaration télévision à la SACD pour obtenir les redevances sur les épisodes écrits par les auteurs canadiens de la série Sucroë. Le partage y indiqué est de 60 % pour Érica Alexandre et 40 % pour Izard.
Le 1er mars 1995, le demandeur fait une présentation de Curiosité à M. Bilodeau de Toon Boom pour évaluer les besoins informatiques pour la production de lanimation de Curiosité. À cette époque, Toon Boom conçoit et commercialise des logiciels et de léquipement pour lanimation assistée par ordinateur pour les producteurs et concepteurs.
Le 24 avril 1995, M. Chuck Richard, directeur général chez Philips, écrit au demandeur pour lui manifester son intérêt dans le projet Curiosité dans les termes suivants :
Dear Monsieur Robinson, As you are aware, Philips Electronics in Canada has recently created a catalog of software titles entitled « The Learning Library ». Following our investigation, Weinberg believe that your project for a collection of CD-i/CD-ROM titles based on « Robinson Curiosity » possess all the necessary criteria to participate in this marketing program.
Philips Media Canada is very interested in the possibility of acquiring the distribution rights of your series and would be prepared to negotiate a pre-sale agreement with guaranteed minimums. Naturally we would be interested in an agreement that would encompass world-wide rights. In view of this, I suggest that meeting with the President of our Childrens and Home titles division in the U.S., Ms. Sorina Simons, be arranged as soon as possible.
I would like to take this opportunity to congratulate you for the quality of your presentation. The extent to which you have researched and developed this project is impressive and is seldom seen in this marketplace.
I look forward to developing our relationship for our mutual benefit. Please contact me at your earliest convenience to further these discussions.
Cette lettre faisait suite à diverses rencontres entre le demandeur et MM. Yvon Legault et Chuck Richard de chez Philips.
À la même époque, le demandeur prépare un projet de son Curiosité avec une tiny touch camera quil présente à M. Albert Barbusci, fournisseur de Toys R Us.
Le 4 août 1995, Charest senregistre à lOPIC à titre dauteur de Sucroë.
Le 9 août 1995, Isabelle Viens de la SACD Montréal envoie à la SACD Paris la liste de tous les auteurs de la série Sucroë.
Le demandeur voit la première diffusion de Sucroë à Montréal le 8 septembre 1995 et une publicité à cet égard a lieu dans les jours précédents.
Après la diffusion du 8 septembre, le demandeur rencontre les gens de Philips, de Toon Boom et de Toys R Us et les informe de lexistence de la série Sucroë. Il leur demande de suspendre la production des CD-i de Curiosité et la programmation par ordinateur des jeux interactifs.
Après le visionnage dune émission, Barbusci est daccord pour arrêter le projet car il constate aux premières images que Sucroë est trop similaire à Curiosité pour développer un produit quil considère non viable.
Le 26 septembre 1995, le demandeur rencontre le sergent Serge Corriveau et le gendarme Luc Morin de la GRC. Il les informe de lobjet de sa plainte : le plagiat de son uvre Curiosité.
Le 2 octobre 1995, Sucroë est annoncée dans le journal du MIP-COM.
Le même jour, Me De Kinder fait parvenir une mise en demeure à CINAR lui reprochant lutilisation de composantes empruntées au projet de Curiosité lesquelles procéderaient dactes attentatoires aux droits dauteur et droits moraux des demandeurs.
Le 11 octobre 1995, CINAR répond à la mise en demeure et nie toute relation avec le demandeur.
Le 13 octobre 1995, le gendarme Morin de la GRC communique avec Willenson (CINAR É.-U.) à Los Angeles.
Le 25 octobre 1995, la SACD reçoit un document signé par Caillon dans lequel il confirme quil est le dessinateur des principaux personnages de Sucroë, à partir dune description écrite dIzard.
Le 26 octobre 1995, le gendarme Morin de la GRC communique par téléphone avec Charest. Cette dernière lui déclare ne pas connaître le demandeur, ni son projet, et lui fait parvenir une copie de la convention du mois de novembre 1993 signée avec France Animation. Elle prend soin de taire la contre-lettre signée le même jour avec Davin qui modifie les pourcentages de participation.
Le 3 novembre 1995, le demandeur signe une déclaration et dépose une plainte de plagiat auprès de la GRC.
Le 8 novembre 1995, la GRC procède à une perquisition chez Téléfilm Canada pour saisir les documents relatifs à la production de Sucroë.
Le 14 novembre 1995, la GRC rencontre Weinberg et prend sa déposition que ce dernier signe. Lors de cette rencontre, après avoir nié se souvenir du projet du demandeur, il reconnaît trois documents que le gendarme Morin lui exhibe, dont le contrat avec Pathonic. Cest à ce moment-là quil se souvient du projet du demandeur.
Le 22 novembre 1995, Izard signe trois bulletins de déclaration télévision pour la série Richard Scarry où 60 % des droits va à Hélène Charest et non pas à Érica Alexandre 35 % à Richard Scarry et 5 % à Iui-même. Cette déclaration vient contredire totalement son fax du 16 mai 1994 où il écrivait ne toucher aucune redevance sur la série Scarry.
Le 5 décembre 1995, les procureurs du demandeur font parvenir une mise en demeure à CINAR, Charest, Weinberg, France Animation et à tous les partenaires de coproduction et diffusion de Sucroë.
Le 12 décembre 1995, les procureurs de CINAR répondent à la mise en demeure, réaffirmant quil ny a pas de contrefaçon et que Sucroë a été développée de façon totalement indépendante de luvre du demandeur. Ils ajoutent que les idées sont de libre parcours et quil nest pas inhabituel que des uvres créées de façon indépendante à partir dun sujet commun présentent des similitudes, surtout dans le cas dune uvre qui appartient au domaine public.
Le 18 décembre 1995, Parade et France Animation modifient leur entente du 15 novembre 1993 pour la production de Sucroë et dautres productions. Elles déclarent quune entente de prêt est intervenue le 6 juin 1995 pour la somme de 200 000 $, portant intérêt au taux de 10 % lan et y annexent le calcul des intérêts. Le Tribunal note cependant que le calcul des intérêts seffectue à compter du 15 juin 1994 et non du 6 juin 1995, sans doute dans le but de tromper un éventuel lecteur.
Pourquoi payer des intérêts trois fois plus élevés que requis? Une telle entente nest-elle pas révélatrice dune manuvre concertée pour camoufler les montants dargent gonflés de sous-traitance et ainsi les ramener à leur valeur réelle?
Le 8 janvier 1996, France Animation, par ses procureurs, répond à la mise en demeure du demandeur. Elle nie toute responsabilité et déclare que Sucroë est une parodie de luvre de Daniel Defoe et que loriginalité des situations relève de lunivers créatif dIzard, coutumier de parodie duvres classiques revues à contre-pied. Elle donne lexemple dAlbert le 5e Mousquetaire.
Le 7 février 1996, Charest est reconnue auteur de Sucroë auprès de lOPIC, numéro de certificat : 449659.
Le 8 février 1996, Izard signe les déclarations de la SACD pour Sucroë dont une copie est signée par Érica Alexandre, datant de 1995, indiquant un partage modifié où apparaît le nom de Caillon pour les épisodes canadiens à 5 %, 57,5 % à Érica Alexandre et 37,5 % à Izard. Pour les épisodes français, la répartition est de 5,2 % à Caillon, 73,2 % aux scénaristes français et 31,6 % à Izard.
Le 12 mars 1996, la SACD écrit à Izard lui demandant de linstruire sur la répartition telle que décrite au paragraphe précédent.
Le 25 mars 1996, Izard écrit à Élise Colaze de la SACD et lui mentionne :
Lorsque jai questionné la société CINAR pour connaître le nom des auteurs cosignataires des bulletins de déclaration, cette société ma désigné Érica Alexandre comme seule auteur signataire. Jai donc négocié avec cette personne la part des droits me revenant.
Ce qui est contredit par le fax dIzard adressé à Me Donald le 16 mai 1994.
Au cours du mois de mars 1996, le demandeur consulte un médecin et laction est intentée le 16 juillet 1996.
Le 2 mai 1996, CINAR écrit à la SARDEC (Société des Auteurs, Recherchistes, Documentalistes et Compositeurs) linformant que les scénaristes de Sucroë sont Français et quen conséquence, la SARDEC na pas juridiction.
Le 4 septembre 1996, un mandat de perquisition est délivré à légard de CINAR.
Le 23 décembre 1996, les défendeurs produisent leur défense en linstance.
En 1997, le demandeur consulte le Dr Tata à lHôpital Douglas pour sa dépression et le 20 octobre 1997, il consulte le Dr. Louis Côté.
En décembre 1999, CINAR rembourse à la SACD la somme de 1 096 351,80 $ représentant les redevances perçues par lentremise dHélène Charest, alias Érica Alexandre, auxquelles elle navait pas droit, plus les intérêts.
Au mois de juin 2000, Luc Dionne rencontre Izard lors de lassemblée annuelle de la SACD. Au cours de cette rencontre, Izard lui avoue ne pas connaître les auteurs canadiens, ce qui soulève des questions dans lesprit de Dionne.
Le 22 juin 2000, Izard se plaint à Landecker, ancien directeur du développement chez CINAR et scénariste de Sucroë, des accusations quil porte à son endroit et lui dit :
Il mapparaît aussi que si vous voulez entrer dans un système, il faut en accepter les règles. Il est rare quil ny ait quun seul ayant droit dans une uvre et cette idée que le scénariste dun épisode doit recevoir la totalité des droits ne correspond pas à la réalité.
Le 13 août 2000, Izard écrit à Landecker, où il lui dit quil ne revendique que « des parts de droits correspondantes aux travaux que javais effectués », ce qui est en nette contradiction relativement aux droits dans Richard Scarry quand Izard déclare quil na pas droit aux redevances dans Scarry et finalement il obtient 5 % dans cette série.
Le 15 mars 2002, la Commission des valeurs mobilières du Québec émet un communiqué avisant la population quune entente est intervenue avec Charest et Weinberg. Cette entente prévoit que :
a) Charest et Weinberg renoncent à agir comme administrateurs et dirigeants de toute compagnie dont les titres sont négociés sur une bourse canadienne pour une période de cinq ans;
b) Ils nexerceront pas leur droit de vote sur toutes les actions de CINAR quils détiennent lors délection dadministrateurs pour une période de cinq ans;
c) Ils paieront chacun une pénalité de 1 M$ pour les reproches suivants que les défendeurs admettent pour les fins de la procédure devant la CVMQ, soit :
relativement aux abris fiscaux :
23. Entre 1993 et 1995, Micheline Charest et Ronald A. Weinberg ont fourni ou ont permis que des employés sous leur contrôle fournissent aux autorités compétentes pour le compte de CINAR ou de ses filiales, des informations en ce qui concerne certaines productions à leffet que lauteur du scénario était canadien, alors quil ne létait pas et que la limite autorisée du coût étranger était respectée alors que cette limite ne létait pas, le tout dans le but que CINAR ou ses filiales obtiennent le visa requis.
24. Lorsque les autorités compétentes ont appris ces informations, elles ont disqualifié ces productions comme admissibles à titre de « production portant visa ».
relativement aux crédits dimpôts :
35. CINAR devait également respecter les critères du contenu canadien ou québécois dune production ou dune coproduction pour être admissible aux programmes de crédits dimpôts remboursables.
36. Micheline Charest et Ronald A. Weinberg ont fourni ou ont permis que des employés sous leur contrôle fournissent, pour le compte de CINAR ou de ses filiales aux autorités compétentes, des informations en ce qui concerne certaines productions à leffet que lauteur du scénario était canadien, alors quil ne létait pas, que la limite autorisée du coût étranger était respectée alors que cette limite ne létait pas et que le « Story Editor » était de nationalité canadienne alors quil ne létait pas, le tout dans le but de bénéficier des programmes de crédits dimpôts remboursables.
37. Lorsque les autorités compétentes ont appris ces informations, elles ont disqualifié ces productions à titre de productions admissibles aux programmes de crédits dimpôts remboursables.
38. En conséquence, les crédits dimpôts reçus ont été remboursés par CINAR et ceux à recevoir ont été annulés.
relativement à Téléfilm Canada :
40. Entre 1993 et 1999, CINAR a bénéficié de différents programmes administrés par Téléfilm Canada.
41. Micheline Charest et Ronald A. Weinberg ont fourni ou ont permis que des employés sous leur contrôle fournissent, pour le compte de CINAR ou de ses filiales, des informations en ce qui concerne certaines productions à Téléfilm Canada à leffet que lauteur du scénario était canadien, alors quil ne létait pas et que la limite autorisée du coût étranger était respectée alors que cette limite ne létait pas, le tout dans le but que CINAR ou ses filiales bénéficient de ces programmes.
42. Lorsque Téléfilm Canada a appris ces informations, les bénéfices de ses programmes ont été retirés à CINAR.
43. En vertu dune entente intervenue entre CINAR et Téléfilm Canada, CINAR a remboursé à Téléfilm Canada la somme de 2 594 055 $, soit 1 595 580 $ pour les programmes refusés et des intérêts au montant de 998 475 $.
relativement aux droits dauteurs SACD :
47. Hélène Charest est la sur de Micheline Charest.
48. Entre 1993 et 1999, Hélène Charest a perçu des redevances denviron 980 278,90 $ de la SACD.
49. En vertu dun contrat de service intervenu le 18 octobre 1993 entre Hélène Charest et McRaw Holding Inc. (ci-après McRaw Holding), représentée par Ronald A. Weinberg, Hélène Charest conservait 16 % des redevances perçues de la SACD et elle en remettait 84 % à McRaw Holding.
(...)
51. Par la suite, cette entente a été modifiée verbalement de telle sorte que Hélène Charest conservait 16 % des redevances perçues de la SACD et elle en remettait 84 % à CINAR.
52. Entre 1993 et 1999, Micheline Charest et Ronald A. Weinberg ont fourni ou ont permis que des employés sous leur contrôle fournissent, pour le compte de CINAR ou de ses filiales, des informations à la SACD concernant certains scénarios à leffet que lauteur du scénario était Hélène Charest alors quelle ne létait pas et que les redevances étaient perçues par Hélène Charest alors que dans les faits Hélène Charest a remis 84 % des redevances à McRaw et CINAR.
53. En décembre 1999, CINAR a remboursé à la SACD la somme de 1 096 351,80 $ représentant les redevances versées plus les intérêts.
5 TITULARITÉ DU DROIT DAUTEUR
Le 16 octobre 1985, le demandeur est inscrit au Bureau du droit dauteur de Consommation et Corporations Canada à titre dauteur de luvre littéraire Curiosité et NILEM en est la titulaire. Les dessins sont luvre du demandeur et certains scénarios sont coécrits avec Suzie Roberge et/ou Bernard Carrez.
Or, les défendeurs invoquent labsence dintérêt des demandeurs car seul le titulaire du droit dauteur est admis à exercer un recours en cas de violation de ce droit. Ils sappuient principalement sur larticle 34.1de la LDA, lequel se lit comme suit :
34. (1) Lorsque le droit dauteur sur une uvre a été violé, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours, par voie dinjonction, dommages-intérêts, reddition de compte ou autrement, que la loi accorde ou peut accorder pour la violation dun droit.
(Le Tribunal souligne)
Les défendeurs invoquent trois raisons.
Les défendeurs prétendent que les demandeurs ont cédé par écrit leur droit dauteur en totalité aux Productions de l'Île Curieuse dans un contrat préincorporatif comportant deux conditions dont celle-ci : « quune convention dactionnaires soit signée dans les 90 jours ». Or, le Tribunal apprend au dernier jour de largumentation finale, et ce, par la production de consentement du compte dhonoraires des procureurs de lépoque, que la convention dactionnaires non datée na pas été signée dans le délai indiqué, ce qui amène les procureurs des défendeurs à délaisser ce motif.
Les défendeurs se rabattent sur la convention dactionnaires voulant que le droit dauteur ait été cédé à la compagnie par la signature de ladite convention dactionnaires. Or, les deux compagnies Les Productions de l'Île Curieuse et Les entreprises de lÎle Curieuse ont été dissoutes le 12 décembre 1990 par lémission dun certificat de dissolution. Il ny a donc aucune rétrocession écrite de la compagnie conformément à lexigence de larticle 13(4) de la LDA qui se lit comme suit :
13.4 : Le titulaire du droit dauteur sur une uvre peut céder ce droit en totalité ou en partie dune façon générale ou avec des restrictions territoriales pour la durée complète ou partielle de la protection. Il peut également concéder par une licence un intérêt quelconque dans ce droit mais la cession ou la concession nest valable que si elle est rédigée par écrit et signée par le titulaire du droit qui en fait lobjet ou par son agent dûment autorisé.
(Le Tribunal souligne)
Les défendeurs soulèvent donc que labsence de rétrocession écrite entraîne que le droit dauteur transféré à la compagnie soit dévolu à Sa Majesté du chef du Canada en vertu de larticle 228(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, lequel se lit comme suit :
228 (1) Sous réserve du paragraphe 226(2) et de larticle 227, les biens dont il na pas été disposé à la date de la dissolution dune personne morale en vertu de la présente loi sont dévolus à Sa Majesté du chef du Canada.
Les défendeurs demandent au Tribunal de ne pas tenir compte des scénarios écrits par Bernard Carrez et Suzie Roberge, arguant quils ne peuvent être considérés puisquils ne sont pas des employés de NILEM et quils nont pas cédé leur droit dauteur ni à NILEM ni au demandeur.
Les demandeurs répondent que les signataires de la convention dactionnaires ont prévu spécifiquement que les parties étaient remises en état, et ce, par son article16, sans nécessité de rétrocession écrite :
16. DURÉE DE LA CONVENTION
16.1 En ce qui concerne chacun des actionnaires, la présente convention est en vigueur et a plein effet tant quil na pas disposé de la totalité de ses actions conformément à la présente convention; (...)
16.2 La présente convention prend automatiquement fin et devient nulle et de nul effet quant à toutes les parties aux présentes :
16.2.1 si la Société est déclarée en faillite ou fait une cession autorisée de ses biens pour le bénéfice de ses créanciers en général, ou devient ou est déclarée insolvable, ou est dissoute ou liquidée volontairement;
(Le Tribunal souligne)
Quant au troisième point soulevé par les défendeurs, les demandeurs soumettent que Claude Robinson a coécrit les scénarios litigieux.
Les défendeurs ripostent par largument que la convention dactionnaires ne peut être annulée de façon rétroactive car il sagit dun contrat à exécution successive, entraînant non pas une annulation mais une résiliation dont les effets ne peuvent être que postérieurs. Ils exigent donc une rétrocession écrite du droit dauteur.
5.1 ANALYSE
Le Tribunal rappelle que la convention d'actionnaires est signée par Jacques Blain pour Les Productions SDA ltée (« SDA »), par le demandeur pour NILEM et par Gaston Cousineau pour Curious Island Enterprises et Curious Island Productions.
Le demandeur, personnellement, nest pas signataire de la convention d'actionnaires. Il est clair quil na donc pas cédé son droit dauteur par ce document et, en conséquence, lirrecevabilité quant à lui doit donc être rejetée.
Mais quen est-il pour NILEM? Quel est leffet de la clause dannulation quon retrouve à larticle 16.2?
5.1.2 Qualification de la convention d'actionnaires
Il est important de reproduire le contexte où le droit dauteur a été dévolu par cette convention d'actionnaires.
Les parties signataires à cette convention ont prévu ce qui suit à la page 2 :
ATTENDU que lapport de S.D.A. et de NILEM dans la Société est, respectivement, lexpertise de la production et le droit dauteur sur luvre et la série télévisuelle plus amplement décrites au sous-paragraphe 2.1 de la présente convention;
Également, il est important de souligner que les droits dauteur de la série cédés par NILEM à la Société sont précisés à la page 3 de 15, paragraphe 2 in fine de la convention d'actionnaires comme suit :
Pour les fins de la présente convention, la Société sera investie du droit dauteur et de tous les autres droits existants sur luvre et la série, (incluant, sans restriction ni limitation, du droit dauteur et de tous les autres droits existant sur les noms, les dessins, descriptions et caractères des personnages de luvre et de la série). La Société convient de céder et cède à sa filiale, le droits utiles et nécessaires à la production et à lexploitation de la série. NILEM reconnaît et accepte que la propriété entière et exclusive de tous les droits dont elle est titulaire et quelle détient de Claude Robinson, soit et est dévolue à la Société et soblige à cet effet à souscrire à tout document nécessaire à lexécution dune telle dévolution de droit.
(Le Tribunal souligne)
Or, les signataires de la convention d'actionnaires nont jamais produit ou exploité la série et la Société est demeurée inactive sauf pour lenvoi de deux lettres en 1987, dont une à la scénariste Suzie Roberge et lautre à Rick Bennett, et ce, jusquà sa dissolution le 12 décembre 1990, selon les informations apparaissant aux rapports annuels déposés pour les années 1988 et 1989.
De plus, la portée de la cession par NILEM de son droit dauteur dans la série en faveur des nouvelles compagnies était limitée à la production et/ou lexploitation de Curiosité.
Certaines clauses de la convention sont carrément de la nature dun contrat à exécution successive, c'est-à-dire quelles exigent lexécution des obligations en plusieurs étapes ou de façon continue. Le Tribunal réfère plus spécifiquement aux clauses de la convention :
numéro 4, ayant trait à la composition du conseil d'administration;
numéros 5 et 6, relatives à ses dirigeants et à leurs décisions;
numéro 7, relative au droit de veto pour certaines situations;
numéro 8, pour la conformité des règlements et la gestion qui doivent être compatibles avec la convention d'actionnaires quant aux nouvelles émissions dactions, quant à linterdiction de vendre ou de grever les actions, quant à lexercice du droit de premier refus, quant au nouvel actionnaire et quant à la clause de non-concurrence.
Dans ces cas, les effets du contrat cessent dexister pour lavenir seulement. Telle est la règle, puisque les parties ne peuvent être remises dans le même état, celles-ci ayant profité du contrat. Cest comme pour un bail où le locataire a occupé les lieux avant sa résiliation.
Dans leur ouvrage Les obligations, les auteurs Jobin et Vézina précisent :
Lors dune résiliation, une partie du contrat, normalement, a déjà été exécutée mais il ny aura donc pas de remise en létat pour lobligation de durée successive (le travail exécuté) ni pour son obligation corrélative (le salaire payé), en raison de linterdépendance des obligations dans un contrat bilatéral.
Le Code ne prescrit pas que la nullité dun contrat de durée successive ne produit deffets que pour lavenir. Même si, théoriquement, cette nullité rétroagit au moment de la formation du contrat, la restitution des prestations ne pourra pas seffectuer normalement pour toutes les obligations exécutées et qui, dans les faits, ne peuvent pas être effacées (la prestation dun service);
En lespèce, il est clair que la cession du droit dauteur peut être restituée car elle peut être aisément effacée, contrairement à une prestation dun service ou une relation de locateur-locataire où les prestations de part et d'autre sont exécutées au fur et à mesure.
NILEM est un actionnaire à 50 %, lautre 50 % est détenu par SDA. Cette dernière a fait lobjet dune acquisition par des tiers après la dissolution des nouvelles compagnies, rendant impossible toute rétrocession écrite aujourd'hui, 19 ans plus tard.
Cousineau et Champagne, ont réitéré devant le Tribunal et même par écrit que NILEM a conservé ses droits.
La conduite des parties signataires de la convention d'actionnaires est conforme en tous points à leur interprétation voulant que la convention soit nulle entre elles et que toutes les parties conservent leurs droits antérieurs.
Larticle 1439 du Code civil du Québec prévoit que les parties, de consentement, peuvent résoudre un contrat. Cest ce que les signataires de la convention d'actionnaires ont prévu en 1987.
Même dans le cas dun contrat à exécution successive où il y a résiliation, il est clair que les parties signataires en linstance désiraient se replacer avec les mêmes droits quavant la signature, ce qui concorde avec la preuve et la volonté des parties clairement exprimée. Il ny a pas dempêchement puisque les parties peuvent être replacées sans peine dans le même état.
Il y a plus. NILEM est actionnaire à hauteur de 50 % de la nouvelle compagnie qui a été dissoute et lopération de dissolution na pas pour but de se soustraire à des créanciers.
Mais encore, si pour les défendeurs le contrat nest pas clair, la recherche de la commune intention des parties est claire et conforme à larticle 1425 C.c.Q.
De plus, les parties lont interprété sans équivoque : NILEM conserve son droit dauteur et le tout est nul.
Dailleurs, les représentants de SDA signent le certificat de dissolution et déclarent quil ny a aucun actif dans Les Entreprises de lÎle Curieuse et Les Productions de lÎle Curieuse.
Les parties dans la présente affaire nont pas à signer une rétrocession puisque la dévolution nexiste plus et quils en ont ainsi convenu.
Même sil y avait doute ce que le Tribunal ne considère pas ce dernier sinspirera de la décision Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. dans laquelle la Cour suprême élargit la définition de lintérêt assurable pour permettre au seul actionnaire de la compagnie de poursuivre, malgré quil sagisse de biens assurés de la compagnie.
Le Tribunal retient de cet arrêt que la Cour suprême a tenté, par lélargissement de linterprétation de lintérêt assurable, de ne pas rejeter un recours sur un simple détail technique.
Sen inspirant, le Tribunal est davis que larticle 13(4) de la LDA nexige pas une rétrocession écrite en lespèce, compte tenu de la volonté clairement exprimée des signataires de la convention dactionnaires, et ce, à légard des effets de lannulation du contrat entre eux.
Le Tribunal conclut que larticle 16.2 de la convention est clair et sans équivoque et, en conséquence, le droit appartient à NILEM, la dévolution nexistant plus.
Sur le troisième point, les défendeurs plaident que les scénarios ont été écrits par dautres auteurs que le demandeur, soit Bernard Carrez et Suzie Roberge et donc que le demandeur ne détient pas le droit dauteur sur les scénarios déposés.
Il est en preuve que les scénarios ont été coécrits par le demandeur et Bernard Carrez et/ou par Suzie Roberge.
Cette preuve non contredite suffit pour conclure que le demandeur détient un droit dauteur sur les scénarios.
Le Tribunal conclut au rejet de largument dabsence dintérêt et dabsence de titularité soulevé par les défendeurs à légard des demandeurs.
6 LACCÈS À LUVRE
Pour réussir dans son action, le demandeur doit avant tout démontrer que les personnes quil poursuit en justice ont eu accès à son uvre ou aux uvres originales. Il doit donc établir que les similitudes ne résultent pas du hasard et que luvre originale est la source de la copie.
Les auteurs, à la lumière de la jurisprudence, concluent comme suit. Quant à Richard et Carrière :
Striking similarity between two works, alone, is insufficient to prove plagiarism. While it is recognized that infringement may result from unconscious copyright, there must be evidence of access to the copied work or a connection between the two works for a court to find that infringement has occurred.
Quant à lauteur Tamaro :
Comme le soulignait il y a déjà longtemps la Cour du Banc du Roi, la preuve de la contrefaçon peut se faire, outre la ressemblance, à laide dune preuve directe et dune preuve indirecte, comme des faits ou des circonstances qui, sans établir la contrefaçon, font présumer plus facilement que le contrefacteur sest emparé de luvre.
Et quant à lauteur McKeown :
In an action for infringement relating to the right to reproduce frequently direct evidence of copying is not available. In such cases the plaintiff must usually prove copying by circumstantial evidence. Evidence consisting of similarity and access to the plaintiffs work raise an inference of copying.
6.1 L'ACCÈS DE CINAR
Les défendeurs Charest et Weinberg de CINAR, Izard de Calipa, Hille de Ravensburger et Plummer de BBC et le groupe de SDA constitué du demandeur, de Cousineau et de Champagne sont tous inscrits et présents au MIP-TV 1987 qui se tient à Cannes du 21 au 27 avril.
À cette foire, SDA partage un kiosque avec dautres Canadiens tels que Télécopro. Transit, la compagnie de démarchage de Rofekam, occupe un autre kiosque qui est situé en face de celui de Hille et Ravensburger. Calipa, la compagnie dIzard, na pas de kiosque ni nen partage avec quiconque en 1987.
Il ne fait aucun doute dans lesprit du Tribunal que CINAR et ses administrateurs, Charest et Weinberg, ont eu accès à luvre Curiosité et à la pièce P-18, conditions essentielles pour lexécution de leur contrat de services.
Après que Charest eut nié connaître le demandeur et son uvre Curiosité à la suite dun appel téléphonique à la GRC le 27 octobre 1993 et que CINAR, en réponse à la mise en demeure du 2 octobre 1995 de Me De Kinder, procureure du demandeur, ait nié à cette date le connaître, finalement, le 14 novembre 1995, Weinberg déclare à la GRC se rappeler de lui dans les termes suivants :
Now I remember Claude Robinson, I met him, he had a project with a name similar I think it was Robinson Curiosity but nothing specific.
Seth Willenson is a former associate and a friend. I dont remember him representing us or Robinson in L.A.
1st letter is my writing;
2nd letter is my writing;
3rd letter is my writing;
Le demandeur témoigne quil a remis trois cartables rouges de documents à Charest et Weinberg dont il a reconstitué le contenu à la pièce P-18. Il nest pas contredit à ce sujet.
Un autre témoin, Willenson (CINAR É.-U.) a reconnu lenvergure et la quantité importante des documents que le demandeur leur a remis sur son projet Curiosité :
Q. We are showing you eight pages numbered 1 to 8. Each contains six images from the Robinson curiosity project. Please check the yes boxes next to those images you recall seeing during this particular CINAR mandate. We can show them to you enlarged if you like. What do you believe was the intended use of those images when you first SAW them?
R. I check the yes boxes that look like the stuff I saw in the presentation
Q. Can you tell us when and where you first saw those images you recognized? Who else was present?
R. At the same meeting with Micheline and Ron and Claude Robinson, at what I think was the Pathonic office.
Q. We are showing you documents now bound in numbered volumes P18A, B and C, pages 18.1 to 18.701, as well as under P30, pages 30.1 to 30.118, for identification purposes. After reviewing these documents, can you tell us if you recollect ever seeing anything found in them?
R. I have seen a lot of images, I dont remember the text. Claude Robinson was very prolific. There was an enormous amount of stuff. I remember his sense. I cant specifically remember any particular document.
(Le Tribunal souligne)
De plus, dans son interrogatoire hors Cour du 29 octobre 2001, Willenson (CINAR É.-U.) déclare ce qui suit :
Q Do you know if there were any recommendations that were made to Mr. Robinson concerning that project?
A I made some recommendations but I believe the primary creative input was coming from, you know, Ron and Micheline in regard to the project. (...)
(...)
Q Could you tell the Court on how many occasions you would have discussed this project in its entirety both with either Micheline Charest or Ronald Weinberg?
A I would say that over the time that I was working on it, probably somewhere between twenty-five (25) to fifty (50) interactions on the project.
(Le Tribunal souligne)
Quant aux recommandations formulées par Charest et Weinberg, celles-ci ont été consignées par le demandeur dans un document comme suit :
Liste des modifications proposées par Micheline Charest et Ronald Weinberg, tous deux de CINAR, dans le cadre de leur mandat de consultant sur le projet « Les aventures de Robinson Curiosité ».
Cest en insistant sur le faits que ces modifications naffecteraient en rien luvre des demandeurs, que Micheline Charest et Ronald Weinberg ont proposé entre autres :
de privilégier la version « en animation » pour commencer lexploitation de lensemble de luvre versus la version « live action »;
dajouter des pirates dans la série;
de modifier les vêtements de Robinson Curiosité;
de changer le nom de Robinson Curiosité en Robinson Sucroë, appelation qui fut prononcé en anglais par Ronald Weinberg, ce dans le but déviter un problème de traduction graphique obligatoire;
déliminer les grandes oreilles de Robinson Curiosité;
dattribuer un défaut à Robinson Curiosité;
de créer un personnage antagoniste à Robinson Curiosité;
que Vendredi Férié soit un blanc vs une personne de couleur;
de mettre un peu de bagarre et plus daction;
de délaisser laspect éducatif au profit de laction dans la série télévision tout en le maintenant dans les produits dérivés;
de transposer les animaux en humains sans pour autant changer le caractère des personnages si ce nest que ce qui touche laspect en découlant, cette transformation avait deux objectifs : le premier de rendre plus mobile les personnages et le second déviter que lémission soit trop infantile;
de produire une série démissions à diffusion quotidienne;
de recourrir à un script doctor anglophone pour les textes. (sic)
De plus, Charest et Weinberg ont participé au MIP-TV 87. Il est impensable quils naient pas eu connaissance du journal promotionnel distribué à Cannes moins dun an après lexpiration de leur contrat de démarchage sachant que le demandeur y était présent puisquils lont rencontré à deux reprises. Leur persistance à ne pas reconnaître le demandeur est un autre camouflage de leur tricherie.
Le Tribunal conclut quils ont eu accès aux dessins, aux scénarios et à la bible (P18 et P-27), étant tous les documents quils ont reçus du demandeur pour remplir leur contrat de services, de même quau journal promotionnel distribué à Cannes.
6.2 LACCÈS DE CHRISTOPHE IZARD
SDA et NILEM créent deux compagnies, à savoir Les entreprises de lÎle Curieuse et Les Productions de l'Île Curieuse dans lesquelles elles détiennent chacune 50 %.
Avant de partir pour Cannes, le demandeur et Cousineau impriment 5000 copies dun journal publicitaire pour la promotion de Curiosité, journal quils distribuent avec laide de tiers à tous les jours aux entrées du salon, en plus de mettre des copies à la disposition des participants à divers endroits stratégiques du salon, principalement au kiosque de SDA.
Personne de la délégation de SDA ne connaît Izard avant son voyage à Cannes en 1987.
Selon le demandeur, Champagne introduit Izard et une présentation du projet lui est faite en présence de son adjointe, Mme Françoise Tourtet dans le cubicule étroit où se rassemblent le demandeur, Champagne, Izard et Tourtet.
Q- O.K. Est-ce que vous avez fait de nombreuses présentations à Cannes?
R- Oui, il y en a eu beaucoup. Oui.
1 Q- D'accord. Et, donc, vous parliez hier d'une présentation que vous avez faite à monsieur Izard.
R- Oui.
2 Q- Donc, pouvez-vous, là, de façon détaillée nous dire comment ça s'est passé cette présentation?
R- Monsieur François Champagne m'est arrivé en me disant: "Claude, il faut que tu présentes... monsieur Izard, c'est un monsieur qui est un producteur et qui voudrait en prendre connaissance. Il a vu le journal, il veut prendre connaissance du dossier."
Ça fait que je lui ai fait une présentation. Ils ont rentré dans la pièce. Il y avait madame Tourtais(?) et... madame Tourtais est arrivée un petit peu en retard, mais monsieur Izard est rentré, monsieur Champagne. Madame Tourtais s'est jointe, puis j'ai commencé la présentation.
3 Q- D'accord. La présentation dont on parle, là, c'est quel genre de présentation?
R- J'ai présenté Curious Island Production, Curious Island Entertainment. Après ça, tous les boards, chacun des boards, l'articulation de chaque personnage. C'est une meilleure performance que ce que j'ai fait hier, mais c'était la présentation complète. Je me souviens, entre autres, des chandails que j'ai présentés. C'est un détail, là, mais...
9 Q- Adressez-vous à la Cour, monsieur Robinson.
R- Oui, excusez-moi. Désolé. Je me souviens que madame Tourtet a manipulé les chandails pendant que je parlais à monsieur Izard.
(...)
R- J'ai remis les cahiers. Monsieur Izard, je lui ai remis aussi une petite brochure, c'est-à-dire un petit assemblage broché qui était les comic strips.
(...)
Ça, c'est un exemple, mais les comic strips, il y avait des croquis. Il y avait quelques dessins mieux faits, là. Il y avait beaucoup, beaucoup de basic. Si vous voulez, je pourrais le retracer dans l'ensemble ici. Il y en avait cent trente-deux (132), si je me souviens bien. (sic)
Après la présentation du demandeur, ce dernier, Champagne, Cousineau, Izard,et Tourtet vont luncher à une sandwicherie située tout près du kiosque. Cousineau et le demandeur sassoient à une table voisine des trois autres personnes. Le demandeur témoigne comme suit :
Q- ... qu'est-ce que vous avez eu comme discussion?
R- Ce que... monsieur Champagne semblait bien enthousiaste de ce que monsieur Izard nous demandait. C'est que, eux autres, ils demandaient... ils parlaient de faire des... pour l'émission Zap Zappeur, de faire des petits sept (7) minutes, des petits clips autrement dit. De ramener ça... des shorts. Moi, ma série, c'était des demi-heures (1/2) et, là, tout à coup, on me demandait... pour m'adapter au format de Zap Zappeur, on me demandait des petits clips pour intercaler, sept (7) minutes ou encore beaucoup plus court pour que ça puisse faire des petits gags autrement dit, sauf que moi, mon produit, je voulais que ce soit un produit élaboré, puis qu'il fasse... Alors... et ils étaient prêts à annoncer ça, qu'on avait (inaudible) deal, que c'était l'enthousiasme, autrement dit, et monsieur Izard et monsieur Champagne disaient: "Il faut l'annoncer, Claude. Il faut qu'on ait de quoi dans le prochain MIP News, parce que moindrement qu'on a de la publicité là-dedans...". C'est un magazine qui est relativement lu, je dirais, au MIP-TV par les participants, il dit: "Plus on parle de nous, mieux c'est pour créer de l'enthousiasme et de l'awareness." L'awareness étant la notoriété, là.
Alors, moi, j'ai refusé qu'on en parle tout de suite parce que... pour une bonne raison. C'est que j'avais une visée de rencontrer monsieur Bruce Rider, de les revoir avec monsieur Seth Willenson au MIP-TV. Je savais que monsieur Bruce Rider de Disney allait être là et comme j'avais pas eu de contact avec monsieur Bruce Rider depuis le voyage de Los Angeles l'année précédente, c'est pour ça que j'ai repris contact avec monsieur Seth Willenson en disant: c'est vous qui m'avez présenté, on va aller rencontrer monsieur Bruce Rider pour reformuler le deal. Comme Pathonic n'est plus dans le portrait, il faut reprendre le contact.
Le demandeur confirme que la conversation a eu lieu entre Champagne et Izard et quil ny a pas participé.
Selon lui, Izard a effectué plusieurs visites à leur kiosque. Il était très intéressé par les gags.
Le demandeur dit avoir refusé que le nom de Robinson Curiosité soit mentionné dans larticle relativement à lentente avec Calipa paru dans le MIP-TV parce quil voulait contacter au préalable Bruce Rider de Disney quil avait rencontré un an auparavant à Los Angeles alors quil était partenaire avec Pathonic et dont les démarches de Vien, son président, étaient restées sans suite à lété 1986.
Il ajoute que Calipa était à la recherche dun producteur ayant de lexpertise dans le domaine de la marionnette et que lors de sa présentation à Izard, laquelle a duré une heure, il lui a montré ses story-boards, il portait son chapeau de style colonial et lui a présenté sa marionnette le Paresseux. De plus, à cette occasion, il lui a remis le cahier pièce P-30, de même quun assemblage de 132 bandes dessinées (comic strips). Certaines se retrouvent en bande-annonce dans le quotidien distribué au MIP-TV aux pages 2, 4 et 6.
Il dit que Champagne lui a demandé de considérer la transformation de Curiosité en dessins animés dune durée de sept minutes pour fournir des clips à Zappe Zappeur.
6.2.1 Le témoin François Champagne
Quant à Champagne, il témoigne quil se souvient très bien quIzard était à la recherche dun partenaire pour son projet de Mozart. Dailleurs, il est corroboré par Tourtet à ce sujet. Il se souvient dune présentation faite à Izard dans le cubicule et quen raison de lexiguïté de cet emplacement, Cousineau ny a pas assisté.
Il se rappelle que le journal de promotion a été remis à Izard. Il raconte que la présentation aurait été donnée dans le cubicule pour se protéger des indiscrétions.
Il confirme le quick lunch tel que décrit par le demandeur et quIzard était intéressé par Curiosité. Cependant, il ne se rappelle que dune seule autre rencontre avec Izard après le lunch, vu que ce dernier était très occupé. Il fournit une explication sur labsence dinformation des discussions relativement à Curiosité dans le communiqué de presse publié le 26 avril.
En contre-interrogatoire, Champagne ajoute que lexplication quil a donnée voulant quil soit prématuré dannoncer une entente sur Curiosité, cest quil fallait dabord sassocier avec Calipa pour voir de quelle façon le projet pourrait être réalisé ensemble. En rétrospective, il reconnaît que cétait une erreur et que ça aurait dû faire partie du communiqué. Voici comment il sexplique :
117Q Est-ce quil y a une raison particulière pourquoi on nen fait pas mention?
R Non, parce que, en fait, cétait de... premièrement, de sassocier pour voir de quelle façon effectivement on peut réaliser un projet ensemble. Et au Canada, il y a des règles au niveau de la coproduction, au niveau du contenu canadien donc, une partie doit être faite ici au Canada et lautre partie peut être faite avec le partenaire étranger. Donc, cétait à ce moment-là prématuré, là, daller plus loin dans ce projet-là et jai rencontré monsieur Izard par la suite à vos bureaux, là, à Paris. Je sais pas si vous vous en souvenez.
Le témoin sadressait directement au défendeur Izard lorsquil disait : « Je sais pas si vous vous en souvenez. » Champagne continue :
550Q Maintenant, dans cet article-là...
R Oui?
551Q ... nulle part on ne parle de Robinson Curiosité.
R Non.
552Q Donc, vous parliez de dautres choses. On fait référence à Zappe Zappeur, n'est-ce pas? On le voit ici, on parle de Zappe Zappeur.
R Oui, mais...
553Q Est-ce quon parle de Robinson Curiosité, non.
R Non.
554Q Exact?
R Cest le seul produit susceptible dintéresser monsieur Izard, à ce moment-là et...
555Q Donc, ce que vous dites, cest que le seul produit qui pouvait intéresser monsieur Izard, cest une coproduction ou, enfin, cest une entente relativement à Zappe Zappeur.
R Non, cest pas ce que je dis. De notre côté, le seul produit qui était intéressant pour nous de proposer à monsieur Izard, de coproduire avec monsieur Izard, cétait Robinson.
556Q Maintenant, est-ce quon retrouve une mention quelconque de Robinson Curiosité dans ce texte-là?
R Non, puis je constate que cest une erreur parce que ça aurait pu être mentionné parce que cétait le sujet de... cétait pas simplement de vendre la capacité de la boîte, là, à faire des choses avec un producteur français, mais cétait le produit sur mesure pour... étant donné le projet que monsieur Izard... sur lequel monsieur Izard a démontré un intérêt pour avoir assisté à toute la présentation.
557Q Alors, ce que vous dites, cest que monsieur Izard aurait eu un intérêt dans Robinson Curiosité?
R Oui.
558Q Il y a eu un intérêt, cest ça que vous dites?
R Oui, oui.
559Q D'accord.
R Mais pour passer autant de temps dans un cubicule chaud, bien là, il me semble quon perd pas son temps au MIP.
560Q Maintenant, vous souvenez-vous davoir eu une discussion avec Claude Robinson...
R Hum-hum.
561Q ... qui ne voulait pas supposément quon parle de Robinson Curiosité dans cet article?
R Non, je me souviens pas.
(Le Tribunal souligne)
Il précise que lentente entre SDA et Calipa était verbale et à développer. Il ajoute :
464Q Maintenant, après le MIP-TV quatre-vingt-sept (87) vous êtes-vous informé de qui était monsieur Izard?
R Oui, en fait, je suis allé à ses bureaux.
465Q Quand ça?
R Cest vague. Est-ce que cest lors dun voyage subséquent? est-ce que... je pense que cest lors dun voyage subséquent à Paris, mais jai pas connaissance effectivement du timing exact de...
466Q Et vous souvenez-vous de la raison de la rencontre?
R Cétait effectivement daller plus loin dans ce projet-là.
467Q Daller plus loin dans quel projet?
R Bien, dans les possibilités de coproduire avec monsieur.
468Q Dans les possibilités de coproduire avec monsieur. Est-ce quil est possible que vous ayez rencontré monsieur Izard dans un cocktail?
R Au MIP-TV, on se croise, oui.
469Q Est-ce que cest possible que ce soit là que vous layez rencontré?
R Non, je pense que monsieur Izard sest présenté au kiosque plutôt.
470Q Et est-ce que monsieur Izard vous a expliqué ce quil avait fait comme carrière avant le MIP-TV quatre-vingt-sept (87)?
R On a échangé, oui.
471Q Est-ce quil vous a expliqué ce quil avait fait dans sa vie avant quatre-vingt-sept (87)?
R Auteur et également producteur. La série dans laquelle il y avait la production sur Mozart quil était intéressé à coproduire avec nous.
472Q Alors, monsieur Izard vous a parlé dun produit quil avait...
R Oui.
473Q ... qui concernait, je pense que cétait Mozart raconté aux enfants.
R Oui, cest exact.
474Q Nest-ce pas?
R Oui.
475Q Bon! Et monsieur Izard vous a parlé de ce projet-là quil avait et quil voulait vendre.
R Oui.
476Q Il voulait vous le vendre, le projet.
R Coproduire
477Q Le coproduire...
R Oui.
(Le Tribunal souligne)
Par contre, il ne se souvient pas de lémission Zappe Zappeur, ni du fait quIzard voulait acheter des clips pour son émission, ni de la présence de Tourtet, ni si le demandeur portait son chapeau colonial lors de la présentation, ni de qui aurait préparé le communiqué de presse pour la parution dans le MIP-TV News, ni de la compagnie Les Productions de l'Île Curieuse dont SDA était actionnaire à 50 %, ni de la convention dactionnaires qui avait été conclue, ni de la dissolution des Productions de l'Île Curieuse et des Entreprises de lÎle Curieuse, ajoutant toutefois que les affaires corporatives ne relevaient pas de sa responsabilité dans la compagnie.
6.2.2 Le témoin Gaston Cousineau
Le témoin Cousineau déclare quil na pas participé à la présentation faite à Izard. Il se rappelle toutefois quIzard est entré dans le cubicule. Il ne lui a pas adressé la parole, ni au lunch, ni avant, ni après. Les discussions devaient avoir lieu avec Champagne et il na pas été impliqué dans le communiqué de presse.
Il ignorait que le demandeur désirait encore contacter Disney.
Cousineau a préparé un rapport à la suite des commentaires quil a reçus de Rofekam et de Champagne, lequel rapport a été produit partiellement. Autant Cousineau que Rofekam disent quil y manque des informations et que des noms de sociétés démarchées ny figurent pas.
Cousineau déclare quils avaient des cartes daffaires aux noms des Productions de l'Île Curieuse et du demandeur.
Quant à une présentation potentielle sur Mozart à laquelle il aurait assisté, il affirme :
Q Avez-vous assisté à une présentation par monsieur Izard concernant son projet des Grands compositeurs racontés aux enfants?
R Non.
Q Savez-vous si de tels projets ont été présentés par monsieur Izard?
R La relation entre monsieur Izard, Calypa (sic) et SDA, cest avec François Champagne quelle sest passée. Est-ce que monsieur Izard a présenté ces documents-là ou ces projets-là à monsieur Champagne? Sans aucun doute, puisquon a consenti à coproduire, c'est-à-dire je parle de SDA productions et...
6.2.3 Le témoin Françoise Tourtet
Mme Tourtet a travaillé de nombreuses années avec Izard à partir de 1982, au début comme conseillère artistique de la société française de production et, par la suite, pour Calipa, la société appartenant à Izard. Elle la suivi chez France Animation de 1989 à 2000.
Pendant son témoignage, le Tribunal na pas senti un très grand respect de ce témoin à son égard et la franchise ne semblait pas au rendez-vous.
Elle déclare que lobjectif de Calipa était de présenter le projet pilote de lémission Mozart et celui dIzard était de rencontrer des gens importants du monde télévisuel. Elle raconte avoir participé à la présentation du projet Mozart et du démo en compagnie dIzard, Champagne, Cousineau et Ghislaine Fiset au stand de SDA. Voici comment elle sexprime :
Me Lefebvre. - Est-ce que ce stand était identifié au nom de SDA ?
Mme Tourtet. - Je le pense, oui. Cétait SDA. Eux, ils étaient installés. Il arrive que certaines sociétés soient regroupées. Mais en ce qui me concerne, jai une image en mémoire : je vois un stand SDA.
Me Lefebvre. - Pouvez-vous nous dire, premièrement, qui assistait à cette rencontre-là ?
Mme Tourtet. - Je me souviens de MM. Cousineau et Champagne, Ghislaine Fizet (?) qui nous accompagnait, Christophe Izard et moi.
M. le Juge. Monsieur Cousineau, M. Champagne et qui dautre, madame ?
Mme Tourtet. Madame Ghislaine Fizet qui était la commerciale qui nous avait mis en contact avec cette société pour un rapprochement dune coproduction franco-canadienne.
Me Lefebvre. Ghislaine Fizet travaillait pour qui ?
Mme Tourtet. Pour Bayard.
Me Lefebvre. Puis, il y avait M. Izard et vous ?
Mme Tourtet. - Absolument.
Me Lefebvre. Que sest-il passé durant cette rencontre ? Etiez-vous assis ?
Mme Tourtet. Oui, absolument.
Me Lefebvre. - Assis autour d'une table ?
Mme Tourtet. Oui, assis autour dune table basse. Il y avait les magnétoscopes de lépoque, ¾ pouces, VHS plutôt en ¾ de pouces à lépoque dailleurs et un écran pour visualiser.
Me Lefebvre. - Etiez-vous dans une pièce fermée ou ouverte ?
Mme Tourtet. Une pièce ouverte. Il n'y a pas de pièces fermées pour les présentations de programmes au MIP sur les stands.
Me Lefebvre. Que sest-il passé, lors de cette rencontre ?
Mme Tourtet. On fait le discours de présentation, souvent on évoque une estimation du coût. Là, on a un pilote qui ne donne pas tout ce que lon peut mettre dans cette production. Les marionnettes réalisées sont les marionnettes essentielles. Sinon, on a traité avec des dessins de manière à faire une économie, parce quun pilote est dun coût élevé avant que cela ne soit produit. Le but était de peupler avec d'autres personnages et non d'avoir les personnages principaux en marionnettes. Cétait une présentation. Ce sont là des éléments que lon apporte et des éléments que j'avais dû chiffrer déjà un petit peu à l'époque. Il sagit de montrer ce pilote et de voir s'il y avait un intérêt ou une participation possible de la société SDA dans cette production. Nous cherchions aussi des diffuseurs. Il appartient à SDA davoir un diffuseur, sinon ces opérations ne peuvent pas se concrétiser.
Me Lefebvre. - C'est une rencontre qui a duré combien de temps ?
Mme Tourtet. - Le temps d'une présentation, cest-à-dire une petite heure. Cela nallait jamais au-delà.
Me Lefebvre. - Vous avez un monsieur sur votre gauche, à savoir M. Robinson. Est-ce que M. Robinson assistait à cette rencontre ?
Mme Tourtet. - Pas du tout.
En contre-interrogatoire, elle déclare :
Me Lucas. - En 1987, lorsque vous avez fait le visionnement du pilote des Grands musiciens sur le thème de Mozart, comment était configuré le stand ? Pouvez-vous le décrire ?
Mme Tourtet. Jai la vision dun stand qui faisait langle dune allée, donc dun stand assez vaste où nous étions installés pour visionner et parler de ce projet.
Me Lucas. - Sur un angle. Sur un coin ?
Mme Tourtet. Vous savez, ce sont des travées perpendiculaires. Certains stands sont côte à côte. Je ne sais pas pourquoi jai l'image d'un angle.
Me Lucas. - Comment étaient placés les sièges dans ce kiosque ?
Mme Tourtet. - Autour de la petite table basse.
Me Lucas. - Et l'écran, où était-il placé ?
Mme Tourtet. - En général, on ne le place pas face au public qui passe, de façon que tout le monde ne sarrête pas, fasciné par le produit. Par conséquent, on linstalle généralement dos aux allées de manière que les personnes qui sont là pour le visionner puissent le voir et que tout le monde ne puisse pas voir ce qui se passe. Cest en général ce qui se passe, mais je nai pas un souvenir précis de la façon dont il était cette année-là.
Me Lucas. Est-ce vous qui aviez amené ce petit écran ?
Mme Tourtet. Pas du tout. Chaque stand est équipé dun minimum de télévisions et de magnétoscopes.
Me Lucas. - C'était comme cela en 1986 ?
Mme Tourtet. Oui.
Me Lucas. Et l'écran était positionné sur la table ?
Mme Tourtet. - Oui.
Me Lucas. - Il était là en permanence pour recevoir des projets ?
Mme Tourtet. Sur chaque stand, il y avait un écran. Cétait le minimum que chaque société devait avoir pour pouvoir travailler.
Me Lucas. - Avez-vous le souvenir que, sur les murs de ce stand, on identifiait bien la compagnie SDA ?
Mme Tourtet. Oui. Nous avions rendez-vous avec SDA, donc cest bien SDA.
Me Lucas. Donc c'était identifié sur les murs du stand ?
Mme Tourtet. Certainement, mais je ne peux pas vous dire. Il y avait peut-être des images. On avait rendez-vous avec SDA et je nai pas souvenir d'avoir vérifié que SDA était bien écrit sur les murs. (sic)
(Le Tribunal souligne)
Or, malgré les erreurs de mémoire concevables après tant dannées, soit plus de 22 ans, Tourtet ne se rappelle pas des personnes quelle a rencontrées en 1986 au MIP, ni en 1988, mais se souvient des gens de SDA en 1987.
Elle dit se souvenir spécifiquement de la présentation de Mozart parce que cétait important pour Calipa qui était alors une jeune société et quil fallait trouver de bons partenaires et de bons diffuseurs. Elle déclare ne jamais avoir vu les pièces P-27 et P-30, ni avoir pris connaissance du journal quotidien et des bandes dessinées publicitaires de Curiosité.
Ce qui étonne le Tribunal cest que sa description des lieux ne correspond pas, mais vraiment pas, aux lieux décrits par les témoins en demande, lesquels sappuyaient sur des photos du kiosque prises par Cousineau. Ces photos démontrent sans nul doute que Tourtet se trompe car il ny a ni magnétoscope, ni télévision dans les kiosques en 1987.
Le Tribunal ne peut donc accorder une grande fiabilité à sa version des faits et de la rencontre Champagne-Cousineau-Robinson-Izard-Tourtet, cette dernière ne sen rappelant tout simplement pas.
6.2.4 Le témoin Christophe Izard
Izard dépose son curriculum vitae. Bien quil déclare avoir pris connaissance de toutes les pièces avant leur dépôt au dossier de la Cour, son curriculum vitae contient une fausseté à la page 2. En effet, il y déclare être directeur artistique de la société France Animation depuis 1991. Questionné à ce sujet, il reconnaît quil sagit dun faux titre et il ajoute que cest effectivement une erreur, puisquen 1991, il nétait que pigiste. Il contredit ainsi laveu judiciaire de France Animation sur son statut de directeur artistique.
Izard témoigne quà lépoque du MIP TV 1987, il ne connaît aucune des parties à laction, ni Champagne, ni Cousineau, sauf exception pour Plummer. Il déclare avoir rencontré Champagne dans un cocktail et avoir assisté à un dîner avec une dizaine de personnes, dont Cousineau et Champagne qui étaient assis à côté de lui. Il pense avoir projeté le démo de Mozart à Champagne sans se rappeler les circonstances, et cest à son initiative que son communiqué P-29 a été publié pour faire de la publicité après lavoir soumis à Champagne pour approbation. Cette affirmation présuppose quIzard est allé au kiosque de SDA au moins à deux reprises.
Lors de sa rencontre avec Champagne, il a fait état de son désir dobtenir des clips pas chers pour Zappe Zappeur mais il ne se rappelle pas avoir vu les pièces P27 et P-30, ni la publicité reproduite dans les bandes-annonces de P-28. Étonnant pour quelquun qui se donne la peine démettre un communiqué pour avoir de la publicité et de la visibilité et qui prétend ne pas avoir vu les bandes-annonces en question.
Il témoigne en ces termes :
82Q Avez-vous eu dautres contacts avec monsieur Champagne par la suite?
R Alors, très honnêtement, je pense que je lui ai projeté mon pilote mais je ne me souviens plus des circonstances exactes. Il faut dire que je cavalais pas mal à ce moment-là. Et donc, comme jai fait un certain nombre de projections de ce pilote, je ne me souviens plus exactement à quel moment cétait.
83Q Maintenant, outre Mozart dont vous avez discuté, avez-vous discuté de vos autres projets ou les autres projets de Calipa, notamment de « Zappe Zappeur »?
R Oh, pour « Zappe Zappeur », cétait très simple, je lui ai dit que si jamais il trouvait des petites séquences très courtes que je puisse acheter pas cher, bon, ça mintéressait. Mais cétait... limportant pour moi, là, cétait Mozart.
84Q Avez-vous rencontré monsieur Robinson durant ce MIP-TV quatre-vingt-sept (87)?
R Je nen ai aucun souvenir.
85Q Avez-vous eu une présentation par monsieur Robinson du projet Robinson Curiosité?
R Écoutez, tel que jai pu le voir au début de ce procès ou même comprendre quil maurait fait une présentation qui aurait duré une heure et demie (1 ½) dans un cagibi ou je ne sais pas comment... quel est lautre mot, cubicule, ça me semble absolument impossible.
86Q Et pourquoi?
R Pourquoi? Parce que, dune part, bon, je nétais pas intéressé par lachat de... par la coproduction sur des projets, parce que javais pas les moyens. Ensuite, je ne me vois pas, étant donné... quand on sait ce que sont les cagibis sur les stands, qui servent dailleurs je crois que monsieur Cousineau la souligné dans son témoignage essentiellement à mettre les cartons et les archives quon amène dans un lieu, un marché, or, ce que jai entendu dire, cest quils étaient au moins six (6) ou sept (7) sociétés québécoises à partager le même stand, ça fait donc beaucoup de cartons et de volumes.
Et je me demande comment on aurait pu tenir pendant une heure et demie (1 ½) dans un tel lieu pour écouter parler démissions que javais déjà faites, puisque ce type démissions, jen avais fait pendant douze (12) ans avec « Lîle aux enfants » et « Le Village dans les nuages ».
Alors, je navais plus besoin dentendre parler démissions à la fois distrayantes et éducatives, ce qui avait été mon refrain, si je peux dire, pendant huit (8) ans et même plus que ça, ah oui, douze (12) ans.
Et lautre point, cest que ce genre de programmes ne fonctionnait plus en France, plus personne nen voulait. Or, si on entre dans une coproduction, cest surtout parce quon peut amener le marché de son pays. Et donc, je navais strictement aucun intérêt à passer une heure et demie (1 ½) dans cette pièce-là.
87Q O.K. Jaimerais vous montrer la pièce P-27, qui est le journal.
(...)
Q Alors, monsieur Izard, avez-vous mémoire davoir jamais vu ce document-là lors du MIP-TV quatre-vingt-sept (87)?
R Non, pas du tout. Je lai vu depuis... depuis le procès, mais je lai pas vu au MIP-TV quatre-vingt-sept (87) ou alors si je lai vu, sil était posé sur un stand ou même si monsieur Champagne me la montré, je ne lai... comme ça ne mintéressait pas du tout, ce nest pas du tout resté dans ma mémoire. Et je dois dire que, si on regardait toutes les choses qui ne nous intéressent pas sur ces marchés, on ne pourrait plus... on aurait la tête complètement pleine. Donc, on fait une sélection très rapide. Mais, moi, je nen ai strictement aucun souvenir.
89Q Maintenant, jaimerais vous exhiber la pièce P-30.
(...)
90Q (...) Alors, monsieur Izard, est-ce que vous avez vu ces documents-là...
R Non, pas du tout.
91Q ... en quatre-vingt-sept (87)?
R Absolument pas.
(...)
100Q On voit, en bas de pages, « Les Aventures de Robinson Curiosité ». Est-ce que vous vous rappelez avoir vu ce type dencart, si on peut dire...
R Non.
101Q ... à lépoque?
R Non. Il faut dire que, quand on prenait un journal comme ça, on cherchait essentiellement ce qui parlait de nous, cétait lintérêt essentiel. Ensuite, vous aviez des pages et des pages de pub sur lesquelles on ne sarrêtait pas. Cétait pas... vraiment, cétait quelque chose quon feuilletait, on navait pas beaucoup de temps. Sil y avait un truc important, on regardait, mais les petites choses comme ça, surtout publicitaires, on ne les regardait pas...
102Q Outre...
R ... enfin, très rarement. Pas moi, en tout cas.
(Le Tribunal souligne)
Ce témoignage dIzard en 2009 nous surprend quand nous le comparons à sa version du 23 février 2001. Premièrement, sur le sujet de la coproduction, lorsque interrogé par le procureur du demandeur, il déclare :
Q Est-ce que vous pourriez dire à la Cour pourquoi vous aviez un intérêt à discuter avec SDA?
R Parce quen rencontrant François Champagne, on avait sympathisé, puis on a parlé. Je cherchais un producteur canadien et dautres producteurs étrangers pour essayer de coproduire ma série de marionnettes sur Mozart et les grands musiciens, et puis, donc, on sest vus comme ça, il ma dit quil pourrait peut-être mobtenir des petites séquences pour mon émission Zap zappeur, et voilà.
(Le Tribunal souligne)
Deuxièmement, dans sa version du mois de janvier 2009, il dit que les émissions à la fois distrayantes et éducatives navaient plus la cote en France. Plus personne nen voulait. Or, il se trouve que la série sur Mozart et les Grands musiciens en était une éducative et avec des marionnettes. Est-il besoin de rappeler que le projet du demandeur consistait, entre autres, en un projet éducatif, divertissant, avec marionnettes?
Finalement, il ne se souvient pas dune présentation faite par le demandeur et déclare comme justificatifs que :
il ne pourrait oublier le visage du demandeur;
il nen a pas le souvenir;
il est impossible quil ait assisté à une présentation dune heure dans un cagibi chaud et encombré au cours dune foire commerciale ;
Il nétait pas intéressé par la coproduction dautres émissions que les siennes puisquil nen avait pas les moyens;
le type démission proposé par le demandeur, une émission éducative avec enfants sur plateau avec marionnettes, il en avait fait pendant douze ans avec l'Île aux enfants et Le Village dans les nuages;
il recherchait des clips de marionnettes pour Zappe Zappeur ou Mozart.
Pourtant, il précise que ce genre démissions pour enfants ne fonctionnait plus en France. Alors pourquoi recherchait-il des intercalaires avec marionnettes? Cétait précisément le projet de Curiosité.
Il contredit son propre témoignage cité précédemment que son objectif était de vendre son projet démission Mozart dans lequel il avait investi et coréalisé le pilote et tenté dobtenir des clips pour Zappe Zappeur, précisant quil ne voulait pas coproduire une autre émission. Il ajoute que vu les ressemblances de genre entre Le Village dans les nuages, LÎle aux enfants et Curiosité, il lui semblerait étonnant quil ait assisté à une présentation dau moins une heure sans soulever cette ressemblance au demandeur.
Or, Izard déclare quil na assisté à aucune présentation du demandeur. Comment pouvait-il connaître le contenu de la présentation si, comme il le prétend, il na pas pris connaissance de P-27, ni de P-30, ni assisté à la présentation?
Son justificatif ne tient pas.
En effet, le Tribunal retient de la preuve que SDA sest présentée au MIP-TV 87 pour promouvoir Curiosité, son fer de lance, dans lequel elle a investi beaucoup de temps et dargent.
Pour ce faire :
Elle engage Me De Kinder, spécialiste en propriété intellectuelle, au mois de janvier précédent pour démêler les titres de droits dauteur du demandeur;
Elle prépare et signe un contrat précorporatif, incorpore deux compagnies et prépare un projet de convention dactionnaires;
Elle imprime 5000 copies dun journal promotionnel intitulé : « Curiosité pour le MIP »;
Elle paie la publicité pour la bande-annonce dans le journal du MIP;
Elle partage un kiosque avec Télécopro;
Trois personnes se rendent à Cannes pour la représenter.
Quant à Izard et sa compagnie Calipa :
Il na pas de kiosque;
Il est à la recherche de financiers pour son projet pilote Mozart et recherche des intercalaires au moyen de clips de cinq à sept minutes pour son émission Zappe Zappeur.
Le demandeur argumente que deux témoins indépendants sont venus confirmer la présentation quil a faite à Izard et quen conséquence, Izard et Tourtet ne sont pas crédibles.
Quant au défendeur Izard, il se rabat sur la preuve documentaire du rapport incomplet préparé par Cousineau à son retour du MIP-TV 87 et il conclut que vu labsence dune note dans le rapport indiquant quil aurait eu une présentation de Curiosité, cela signifie quil nen a pas eu. De plus, tel que précisé à la pièce P-34, seuls Zappe Zappeur et Mozart de la série Les Grands Musiciens faisaient lobjet des discussions avec SDA, ce dernier argument étant corroboré par larticle promotionnel quil a écrit dans le MIP News et il reprend les justificatifs énoncés ci-avant.
Rofekam et Cousineau sont des témoins complètement indépendants, même si Cousineau connaît bien le demandeur.
Pour sa part, le Tribunal est satisfait des explications données par Rofekam et Cousineau relativement aux prospects rencontrés et absents au rapport P-34.
Champagne, malgré les imprécisions dans son témoignage devant le Tribunal, a été catégorique quant à la présentation faite à Izard. De plus, le 16 novembre 1995 soit treize ans avant son témoignage devant le Tribunal et le 1er février 2001, dans deux déclarations écrites, il a réitéré à la GRC quIzard avait assisté à une présentation de luvre du demandeur et donc eu connaissance de celle-ci.
Quant à Tourtet, elle erre lorsquelle témoigne sur le contexte de la présentation de Mozart, car les photos du kiosque de SDA la contredisent spécifiquement. De plus, Izard lui-même na aucun souvenir davoir fait une telle présentation à Champagne
Pour le Tribunal, il est clair quil y a eu des discussions entre Champagne et Izard relativement au projet Mozart, puisque Champagne sen souvient.
Laffirmation dIzard voulant quil nait aucun intérêt à la présentation du demandeur parce quelle ne rencontrait nullement ses besoins à lépoque nest pas crédible puisque pour faire une telle affirmation, il lui a fallu nécessairement prendre connaissance de luvre du demandeur soit par la pièce P-27, le journal promotionnel de Curiosité, soit par la pièce P-30, la brochure des bandes dessinées, ce quil nie connaître.
Il est compréhensible que la mémoire des témoins qui ne sont pas impliqués personnellement dans la présente instance, tels que Champagne, Cousineau et Tourtet, soit imprécise vu le temps qui sest écoulé.
6.2.5 Le témoin Luc Dionne
Luc Dionne est un auteur réputé, sans aucun intérêt dans la cause et un témoin crédible. Il était président de la SACD au moment de léclosion du scandale CINAR, crise quil a dû gérer de 1999 à 2004.
La SACD est une société dauteurs compositeurs fondée par Beaumarchais il y a plus de 300 ans. Elle perçoit des droits dauteurs, négocie son répertoire dun million duvres par des forfaits avec les diffuseurs et distribue les redevances.
Seules les personnes physiques créatrices peuvent y adhérer et y inscrire la totalité ou une partie de leurs uvres et réclamer des redevances.
Chaque uvre doit donc faire lobjet dune demande par voie dun bulletin de déclaration télévision qui indique les pourcentages des redevances qui doivent être versées aux divers scénaristes et sur lequel ils apposent leurs initiales.
Dionne explique le fonctionnement de la SACD. Il dit que les stipulations contenues aux bulletins de déclaration télévision sont basées et faites sur lhonneur. On y lit ceci :
Je, nous, déclarons sous lhonneur être les seuls auteurs de luvre ci-dessus et que tous les signataires y ont collaboré. Cette uvre na été ni représentée, ni diffusée avant la date ci-dessus et ne fait lobjet daucune exploitation commerciale à ce jour, ni en salle, ni dans un festival à titre rémunérateur. Je, nous, certifions véritables les déclarations du présent bulletin qui nengage que ma/notre responsabilité.
(Le Tribunal souligne)
Certains contrats dauteur comportent la clause buy out qui signifie que lauteur cède tous ses droits au producteur et, en conséquence, il na pas droit aux redevances de la SACD.
Un autre genre de contrat est celui du droit dauteur continental, style utilisateurpayeur, de sorte que lauteur a droit à des redevances de la SACD.
Les personnes qui sont autorisées à compléter le bulletin de déclaration télévision sont celles qui y participent, soit les créateurs de la bible, celles qui ont développé les personnages et celles qui participent au tournage. Selon Dionne, il ny a aucune possibilité de collectif.
En octobre 1999, Dionne apprend avec étonnement du procureur de la SACD Canada quil a reçu un appel téléphonique du procureur de CINAR indiquant que cette dernière désirait rembourser des redevances quelle aurait perçues erronément. Il apprend que CINAR, par le biais dHélène Charest, alias Érica Alexandre, a perçu des droits qui étaient remis à CINAR ou à McRaw en contravention des règlements de la SACD. Étonnamment, cest CINAR qui court après la SACD pour connaître le montant à lui rembourser sans que la SACD nait réclamé quelque somme que ce soit.
Lon sait aujourd'hui que CINAR réglera la réclamation pour plus de 1 096 351,80 $, et ce, avant même davoir reçu une réclamation de la SACD.
Dionne témoigne quà lépoque, les bulletins de déclaration télévision étaient cosignés par Izard. Or, en juin 2000, lors dune rencontre fortuite avec ce dernier quil ne connaissait pas à une assemblée annuelle de la SACD, Izard lui déclare à sa grande surprise que :
Il ne connaît pas Érica Alexandre et ne lui a jamais parlé;
Il a perçu des droits pour son propre travail mais que pour le reste, il na aucun contrôle;
Il est harcelé par LaPierre qui veut obtenir sa part de redevances.
Au terme de sa conversation avec Izard, Dionne nourrit des doutes à son égard. Il trouve que quelque chose cloche dans ses dires. Selon lui, il est impossible quun codirecteur décriture ne connaisse pas lexistence des autres auteurs puisque, forcément, il est obligé de leur parler. Les auteurs doivent communiquer entre eux pour avoir une logique et une certaine concertation sur luvre. Il doit y avoir une continuité dans une télésérie. Selon lui, il est impensable, voire impossible, que lauteur principal nait pas communiqué avec les autres auteurs de la série. Il est impossible quil ny ait aucune communication entre eux.
Immédiatement, il effectue une vérification auprès de la SACD à Paris par lexamen de la correspondance échangée entre la SACD et Izard les 12 mars et 25 ars 1996. Il découvre alors quIzard est signataire des bulletins de déclaration télévision et quil devait non seulement connaître lexistence des autres auteurs mais, en plus, quil connaissait leur identité.
Dionne reproche à Izard de ne pas avoir dénoncé la situation et davoir manqué à son obligation dhonneur, puisque la déclaration est faite dans ce sens.
En contre-interrogatoire, Dionne mentionne quIzard sait depuis au moins le mois daoût 1995 quil y a dautres auteurs, autres que Érica Alexandre et quil connaît leur identité. Izard lui a donc menti. Il réitère que ça dépasse lentendement que les auteurs ne se connaissent pas entre eux. La preuve révèle que Izard connaît depuis le 13 mai 1994 lidentité des auteurs car Me Donald lui en a fourni la liste.
Notons que le fax dIzard en date du 16 mai 1994 est encore plus accablant à son égard quand il réfère « aux vrais auteurs » par rapport à Érica Alexandre.
En aucun moment au cours du procès Izard ne commente le témoignage de Dionne, ni celui de Champagne sur leurs rencontres à Paris.
6.2.5.1 La SACD
Le 25 mars 1996, Izard écrit à Mme Colazé de la SACD quil a négocié directement avec Érica Alexandre la part des droits lui revenant car elle était la seule auteur signataire. Lon sait aujourd'hui quÉrica Alexandre nexiste pas et quil sagit du nom de plume dHélène Charest.
Me Donald, alors avocate récemment reçue et employée chez CINAR, témoigne de la participation dIzard au stratagème de prête-noms utilisé par CINAR pour toucher des redevances de droits dauteur de la SACD auxquelles CINAR navait pas droit, malgré la cession des droits des scénaristes canadiens.
Selon Me Donald, Charest estimait injuste que CINAR ne puisse récolter de droits dauteur sur ses séries et donc il lui fallait trouver une façon daller chercher cet argent, doù le stratagème quelle a baptisé WASH. Cest ainsi que sa sur, Hélène Charest, agissant sous le nom de plume dÉrica Alexandre, a été désignée comme auteur des épisodes canadiens, lui permettant ainsi de toucher les redevances de la SACD, Hélène Charest conservant 16 % des redevances et 84 % se retrouvant dans sa compagnie de gestion McRaw détenue par elle et Weinberg.
Bien sûr que pour réaliser cette opération, lassistance dune une personne qui connaissait tous les rouages de la SACD était nécessaire. Il ny avait pas de meilleure personne que celle qui a déjà siégé au conseil d'administration de la SACD.
Voici comment Me Donald sexprime lors de son interrogatoire hors Cour :
Q. Vous dites que vous avez eu des contacts avec monsieur Christophe Izard, vous nous avez dit, concernant la SACD?
R Qui est un membre de la SACD et qui siégeait ou avait déjà siégé sur le conseil d'administration ou une société qui gérait la perception des droits dun auteur SACD.
Q En France?
R En France.
Q Et comment vous détenez cette information-là que monsieur Izard avait effectivement occupé ces fonctions, maître Donald?
R Par lui-même.
Q Cest lui-même qui vous en a fait part?
R Oui.
(...)
Q Est-ce que vous êtes en mesure de dire à la Cour un ordre de grandeur de combien de conversations que vous avez eues avec lui à ce sujet-là?
R Peut-être trois par année.
Q Et est-ce que vous avez évoqué avec monsieur Izard lexistence de Hélène Charest?
R Oui.
Q À quel moment?
R Encore une fois, les dates, je peux pas vous les dire. Mais vraisemblablement, avec les dates qui sont là, dans les dates postérieures à ces dates-ci.
Q Et quelle était la teneur des conversations que vous avez eues avec Izard concernant Hélène Charest?
R Le processus SACD est un processus qui semblait critique. Je mexplique. On ne devenait pas membre de la SACD simplement en déposant un contrat SACD. Monsieur Christophe Izard aidait la circulation pour madame Hélène Charest des scénarios, je veux dire des contrats et du formulaire type SACD dans lequel les auteurs doivent remplir les pourcentages auxquels ils sattribuent la rémunération.
Q Quand vous dites quil aidait la circulation, quest-ce que vous voulez dire factuellement? Ça représente quoi dans les faits ça? Que faisait-il à votre connaissance?
R À ma connaissance, ce quil faisait cétait de faire sortir le bulletin SACD, de commencer à le remplir et de le faire circuler à dautres scénaristes qui avaient droit à des redevances SACD.
Q Donc cest lui qui veillait à ce que le document soit rempli pour être ensuite produit à la SACD?
R Oui.
Q Cest exact?
R Oui.
Q Et à votre connaissance, maître Donald, est-ce que vous avez évoqué avec lui Érica Alexandre?
R Oui.
Q À quel moment?
R La même réponse que je vous donne tout à lheure, les dates postérieures.
Q Et quest-ce que vous avez discuté avec monsieur Izard concernant Érica Alexandre?
R Quelle était la scénariste de certains épisodes.
Q Et est-ce que monsieur Izard savait, à votre connaissance, que Hélène Charest navait rien écrit?
R Oui.
Q Est-ce quil savait également que Érica Alexandre était un nom de plume?
R Oui.
Q Vous en aviez discuté avec lui?
R Jen ai discuté avec lui suite aux conversations préalables qua eues Micheline Charest avec lui.
Q Bon. Est-ce que cest Micheline Charest qui vous a demandé dentrer en contact avec Christophe Izard?
R Oui. Il était co-producteur. Je ne communiquais pas avec les co-producteurs.
Q Donc cest à sa demande que vous êtes entrée en contact avec lui?
R Oui .
(Le Tribunal souligne)
Izard était la courroie de transmission de lopération WASH et il ne pouvait en ignorer lillégalité, ayant déjà siégé lui-même au conseil d'administration de la SACD.
Dailleurs, voici comment il comprend la situation le 16 mai 1994 dans un mémo quil adresse à Me Donald :
Merci de votre fax, mais je pense quil y a une grande confusion chez vous en matière de droits dauteurs.
Ici, ces droits sont sous haute surveillance de la SACD et appartiennent aux auteurs et non aux sociétés.
En ce qui concerne les droits des épisodes français des séries « ALBERT LE 5ème MOUSQUETAIRE » et « ROBINSON SUCROE », ceux-ci sont répartis à 100 % entre les différents auteurs. Il est donc impossible de verser 40 % à CINAR.
Jai moi-même une part de ces droits parce que je participe réellement et de façon importante à lécriture.
En ce qui concerne les épisodes écrits au Canada, je les ai considérablement réécrits et de plus je suis auteur de lidée de chaque série. Jestime donc ma part de droits à 40 % mais il sagit de moi en tant quauteur pour un vrai travail et non de FRANCE ANIMATION. Pour les 60 % canadiens, à vous de voir avec la SACD sils peuvent être versés à Érica Alexandre.
En ce qui concerne RICHARD SCARRY, je nai fait que lire les scénarios et les storyboards et donner quelques commentaires. Je nai donc aucune part de droits dauteur à toucher.
Pour le générique de ROBINSON, jignore qui est Pierre JULLIAN. Mais si je comprends bien, nous devons mettre sur les épisodes canadiens le nom de lauteur canadien, le mien et ajouter : « Avec la collaboration dÉrica Alexandre ».
Cette mention ne pourra pas apparaître sur les épisodes français puisque tous les droits sont répartis entre les vrais auteurs.
(Le Tribunal souligne)
Selon ce mémo, il est clair quIzard savait que les redevances de la SACD ne pouvaient être versées à une société et donc que CINAR navait pas droit aux redevances. Il connaissait tout le rouage mis sur pied pour que Charest et Weinberg encaissent des redevances au nom dÉrica Alexandre, nom de plume dHélène Charest.
Or, malgré son aveu quil navait aucune part des droits dauteur à toucher dans la série Richard Scarry, Izard obtiendra 5 % des redevances à compter du 22 novembre 1995 pendant lenquête de la GRC. Il faut se rappeler que Caillon a déposé à la SACD une lettre au mois doctobre 1995 attestant de sa conception graphique, ce qui lui permettra de toucher des redevances de 5 % sur la série Sucroë.
Pourtant, le 22 février 2001 lorsque interrogé par le procureur du demandeur, Izard déclare sous serment ce qui suit :
Q Est-ce que Érica Alexandre, ça vous dit quelque chose, monsieur Izard?
R Oui.
Q Est-ce que vous savez qui elle est ?
R Maintenant, oui.
Q À quel moment vous aviez appris qui était Érica Alexandre pour la première fois?
R Cest quand il y a eu des... Justement vers 1996.
Q Alors vous navez jamais connu Érica Alexandre avant 1996?
R Non.
Q Et qui était Érica Alexandre en 1996 pour vous, monsieur Izard?
R Disons quun peu avant 1996, jai vu la signature de Érica Alexandre, et en 1996...
Q À quel moment, ça, monsieur Izard, vous avez vu ça?
R Cest en 1995 ou 1996
(...)
Q Alors vous avez connu Érica Alexandre en 1995 ou 1996 pour la première fois?
R Oui.
Q Jamais auparavant?
R Je ne me souviens pas bien. Je ne me souviens pas bien. Je sais quà un moment, on ma dit que lauteur... le nom quil fallait mettre au niveau du Canada, ou qui allait représenter le Canada, cétait Érica Alexandre.
Q Qui vous a dit ça?
R Dans ma société de production... dans la société de production pour qui je travaillais.
Q Qui vous a dit ça?
R Franchement, je ne sais pas.
Q Mais vous parlez de votre société de production; vous parlez de quelle société?
R De France Animation.
Q Quelquun à France Animation vous a dit quil fallait mettre Érica Alexandre comme nom pour le Canada?
R À partir dun certain moment, oui, vers 1995, je crois.
Q Et est-ce quon vous a dit pourquoi on devait mettre le nom de Érica Alexandre?
R Non.
Q Et vous navez pas posé de questions?
R Je navais pas à poser de question. Je veux dire, je ne connais rien au système dauteurs au Canada, et je navais pas, moi, à aller faire la police et voir ce qui se passe et comment les auteurs canadiens se répartissent les choses. Érica Alexandre pouvait être aussi bien un nom global dauteur. Si vous voulez, il y avait une part pour les auteurs français, une part pour les auteurs canadiens, la part des auteurs canadiens ne me concernait absolument pas.
(Le Tribunal souligne)
Le 22 juin 2000, Izard écrit à Landecker, un auteur canadien :
(...)
De toutes façons, dans toutes ces séries la part des auteurs canadiens a toujours été préservée sur les feuilles de déclaration que jai établies. La preuve cest, quà posteriori, ces pourcentages ont été revendiqués par Érica Alexandre.
(...)
Si les pourcentages perçus au Canada ne sont pas tombés dans les bonnes poches je ny suis pour rien, et ceci ne peut remettre en cause les pourcentages normaux perçus par les auteurs français.
Je pense que tu tes trompé de cible.
(Le Tribunal souligne)
Encore là, Izard contredit son mémo du 16 mai 1994, croyant quil ne sera jamais découvert.
Le 12 janvier 2009, Izard apporte une nouvelle version de laffaire Érica Alexandre :
Me Pierre LEFEBVRE
Q. Est-ce que le nom d'Erika Alexandre apparaissait?
R. Il apparaît, oui, mais...
Q. Est-ce qu'il apparaissait lorsque vous avez rempli le bulletin?
R. Ah, non non non, il était pas là.
Q. 5A?
R. 5A... 5A... non, ça, c'est... il y avait mon nom, le nom des... je sais même pas si c'est mon nom sur le nom des épisodes.
Q. Pardon?
LA COUR:
Q. Pardon? Plus fort, monsieur Izard.
R. Pardon, pardon. Je réfléchis avant de parler, pardon. Excusez-moi, Monsieur le Juge. En tout cas, la ligne pour moi est de moi avec...
Me PIERRE Y. LEFEBVRE:
Q. La ligne... O.K., est-ce que vous dites... qu'est-ce que vous dites, là? Quand vous avez rempli le bulletin, qu'est-ce qu'il y avait sur...
R. Je sais plus. Je sais plus. Mais je sais que...
Q. Est-ce que le nom d'Erika Alexandre apparaissait?
R. C'est pas possible.
Q. Pourquoi vous dites que ce n'est pas possible?
R. Parce que, en quatre-vingt-treize ('93), je savais même pas si elle existait. J'ai jamais entendu parler d'elle à ce moment-là.
Q. D'accord. 6A?
R. 6A? Même chose.
Q. C'est-à-dire?
R. Bien, il y a moi et... là, c'est là où je mettais "Auteur canadien".
Q. Quand vous dites "là où je mettais "Auteur canadien'", vous mettiez "Auteur canadien" où?
R. C'est la première ligne, où il y a "Alexandre" et "Erika".
Q. D'accord. 7A?
R. 7A non plus.
Q. "Non plus", ça veut dire quoi?
R. Ça veut dire que j'ai écrit la première ligne et que la ligne d'après n'est pas écrite par moi.
Q. D'accord. Et 8A?
R. Ce qui peut être écrit par moi, c'est "scénariste-dialoguiste", parce que je le mettais de toute façon. Je mettais "Auteur canadien" et j'écrivais "scénariste-dialoguiste". Mais le "Erika Alexandre" n'existait pas quand je l'ai fait.
Q. Et 8A?
R. 8A, c'est pareil.
(Le Tribunal souligne)
Une simple observation et comparaison des bulletins de déclaration pour Sucroë et Robin des bois Junior à la SACD font mentir Izard et sa théorie de la falsification de son écriture est quasi-impossible, voire même loufoque .
Lindication de la SACD Paris de la réception des documents le 6 mai 1993 pour tous ces bulletins 2A à 8A inclusivement ne reflète pas la réalité. Le Tribunal retient plutôt que ces bulletins de déclaration ont été antidatés, comme cétait la règle chez CINAR à lépoque.
En effet, le témoignage de Me Donald du 26 mars 2003 est éloquent à ce sujet :
Me MARC-ANDRÉ BLANCHARD :
Q Mais vous êtes pas en mesure de laffirmer. Vous avez aucun souvenir de ça?
R Pas précisément. Mais je peux vous dire que cétait une pratique que la compagnie avait pour dater les contrats.
Q Dantidater ses contrats?
R Oui, certains contrats, là.
(Le Tribunal souligne)
Me Donald est corroborée par Hélène Charest qui admet dans ses notes et autorités que tous les contrats de scénarisation sont antidatés et ne peuvent pas avoir été signés aux dates y inscrites.
Cest la seule explication logique, dautant plus quà la face même du bulletin de déclaration 2A, la première date de diffusion est le 16 mai 1993 alors que le document porte la date du 31 mars 1993, on y voit linscription raturée : « janvier 93 ». Il en est de même pour les bulletins de déclaration 4A, 7A et 8A datés respectivement des 21 avril, 28 mars et 18 juillet 1993.
En plus dexaminer attentivement les bulletins de déclaration, le Tribunal a comparé lécriture qui apparaît à une lettre manuscrite dIzard. Bien entendu, le Tribunal nest pas un expert en graphologie. Cependant un examen visuel attentif est concluant. Dailleurs, le Tribunal est étonné de la tardiveté de cet argument dIzard, lequel na jamais évoqué ce moyen avant le 12 janvier 2009, soit plusieurs mois après le dépôt de la pièce P-152.
Tous ces facteurs rassemblés militent pour limpossible falsification de lécriture dIzard sur les bulletins de déclaration à la SACD.
Les mémos échangés entre Izard et Me Donald à lépoque militent en faveur de la thèse de lantidate. Et il y a plus. Le 12 janvier 2009, tentant dinfluencer le Tribunal, Izard se lance dans lexplication suivante :
Me Lefebvre
295Q Alors, est-ce que vous reconnaissez ce genre de document?
R Oui, cest un acte dadhésion à la Société des auteurs.
296Q Qui porte quelle date?
R Qui porte le six (6) juin quatre-vingt-quatorze (94), mais ce qui veut dire... cest que quand cest accepté, quil y a lacte dadhésion, laccord a été donné déjà depuis au moins deux (2) à trois (3) semaines.
297Q À votre connaissance, est-il possible de remplir un bulletin de déclaration sans être membre de la SACD?
R Ah, non, non. Normalement, non.
298Q Maintenant, à cette époque-là de mai juin quatre-vingt-quatorze (94), saviez-vous que Erika Alexandre nétait pas le véritable auteur de Robinson...
R Oui.
299Q ... Sucroë ou de Albert?
R Oui, oui. Je lai appris dans cette zone-là, oui.
300Q Et pourriez-vous expliquer à la Cour pourquoi vous navez pas tout simplement refusé de signer avec Erika Alexandre des bulletins de déclaration?
R Bon, cétait une période pour moi très difficile, parce que je navais aucun contact avec ni les auteurs dAlbert ni, dailleurs, aucun des scénaristes canadiens. Je ne pouvais même pas être sûr de leurs noms. Je ne savais pas qui ils étaient. Et, en plus, personnellement, si javais refusé de signer des bulletins ou si javais fait quelque chose, bon, je nétais quand même quun journaliste... pas un journaliste, pardon, un auteur pigiste et, donc, jaurais provoqué un drame. Ça aurait été... bon, jaurais sûrement perdu mon job à ce moment-là. Et, de toute façon, je ne voyais pas en quoi, nayant aucun moyen de contrôle et de comparaison, je pouvais aller me mettre en justicier dans une situation qui était purement canado-canadienne.
(Le Tribunal souligne)
Où est lhonneur du défendeur Izard, bénéficiaire de la Légion dhonneur? Pourtant, les déclarations de redevances à la SACD sont basées et faites sur lhonneur. Poursuivons son témoignage du 12 janvier 2009 :
323Q D'accord. Alors, pourquoi vous avez écrit que vous aviez négocié avec Erika Alexandre?
R Bien, parce que, quand ils mont proposé soixante pour cent (60%), jai rappelé en disant que, non, non, je voulais que quarante (40) et jétais avec... javais dit quil fallait que Erika Alexandre, la personne qui mavait été présentée par Marie-Louise Donald, soit acceptée par la SACD. Cette personne a été acceptée par la SACD et Marie-Louise Donald se présentait comme sa représentante. C'est-à-dire que mon seul interlocuteur existant, je dirais même pas valable, mais existant, était Marie-Louise Donald, qui se représentait comme aussi, pas agent, mais avocate dErika Alexandre.
Donc, dans cette situation où javais des auteurs tous droits cédés que je ne connaissais pas, et caetera, jai prévenu, si vous voulez, la SACD en France que CINAR mavait dit... mavait désigné Erika Alexandre comme seule signataire. Et jajoute ensuite que :
« Rien ne me permet de constater la désignation de tel ou tel autre... »
324Q « Rien ne me permet de... »
R Pardon. « ... contester pardon la désignation de tel ou tel auteur canadien par la société de production. »
Donc, je veux dire, je ne vois pas comment, moi, alors que les Canadiens sont quand même des grands garçons... je veux dire, je pense que les auteurs canadiens savent ce quils font. Ils pouvaient parfaitement ne pas signer tous droits cédés. Je savais pas sils lavaient fait volontairement ou en négociation avec CINAR. Et je navais aucune raison daller faire la police dans un conflit canadien.
325Q Est-ce que la SACD, suite à cette lettre-là, le service juridique de la SACD, madame Collasi, a répondu à votre lettre dune manière ou dune autre?
R Non, je nai pas eu de réponse.
326Q Alors, aucune nouvelle de la SACD?
R Non non non non. Dans mon sens, ça signifiait quelle avait accepté les termes de ma lettre.
Pourtant, en 2001, il déclare avoir négocié la répartition des pourcentages par lentremise de CINAR :
Me MARC-ANDRÉ BLANCHARD :
Q Monsieur Izard, vous nous avez dit que vous navez jamais parlé à Mme Érika Alexandre, cest exact?
R Cest exact.
Q Donc vous navez donc jamais pu négocier quoi que ce soit avec elle puisque vous navez jamais parlé avec elle, cest exact?
R Si vous voulez, cest exact. Ce quil y a eu...
(...)
R Elle proposait, par lintermédiaire de CINAR, 40 pour cent des royalties, et il y a eu une lettre qui est arrivée me proposant le pourcentage 60/40.
Q Donc vous navez jamais parlé...
R Je ne lui ai pas parlé.
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal ne retient pas la version dIzard mais plutôt celle de Me Donald, laquelle a témoigné clairement que cest grâce à Izard si le stratagème WASH a pu être utilisé.
Laffirmation dIzard quil ne connaissait pas les auteurs canadiens est fausse car tous les scénarios lui étaient envoyés et il devait savoir à leur lecture quil ne sagissait pas de la même plume, ni du même auteur. Précisément à la pièce D-75, le scénario qui lui a été envoyé portait linscription de Joseph Mallozzi et son adresse personnelle. De plus, LaPierre, son pendant canadien, auteur de trois scénarios, était en constante communication avec lui. La vérité cest quil connaît lidentité de tous les auteurs canadiens au 13 mai 1994.
6.2.5.2 Justification de lorigine du nom de Gertrude Van Boum Boum
Le Tribunal a examiné attentivement la lettre de Mirleau et Terrail adressée à Izard le 25 novembre 1997 concernant le personnage de Gertrude et cherché une explication logique à lexistence de cette lettre, laquelle se lit comme suit :
Cher Christophe,
Nous te confirmons après vérification dans les différentes versions du scénario, que le nom du personnage de Gertrude Van Boum Boum, dans lépisode « Lépave du Touléjours » de la série « ROBINSON SUCROE », a été successivement :
Dusoiromatin
Miss Poopoopeedoo
Gertrude Boumboum (en hommage au célèbre clown Boumboum du cirque Médrano),
avant de devenir sur ta suggestion Gertrude Van Boumboum.
Avec toutes nos amitiés.
Cette lettre a été requise par Izard quelques semaines avant le dépôt au dossier de la Cour de sa défense.
Il est quand même étonnant que deux personnages de Curiosité, Gertrude et Boum Boum, se retrouvent dans le nom : Gertrude Van Boum Boum de Sucroë. Rappelons que Gertrude Van Boum Boum est la mère de Duresoirée qui, elle-même, était précédemment le pachyderme de Sucroë.
Il faut savoir que Mirleau a copié la faute dorthographe que le demandeur a commise dans le mot « pachyderme » en lécrivant avec un « i » au lieu dun « y » Et ensuite, il a le culot de venir déclarer sous serment quil na jamais eu connaissance des documents du demandeur.
Dans son témoignage, Izard donne comme explication de ce personnage, la chanson dHenri Salvador. Alors pourquoi demande-t-il à Mirleau de fournir la lettre, pièce D263-D, sil a lui-même imaginé ce nom? Ne serait-ce pas plutôt que Van Boum Boum est apparu pour camoufler la trop apparente similitude entre Gertrude et Boum Boum, deux personnages créés par le demandeur? Il ny a pas de hasard et le Tribunal croit que la pièce D-263-D nest déposée que pour l'induire en erreur.
Me Lucas interroge Mirleau sur cette lettre D-263-D qui, soit dit en passant, nest pas signée :
Me Lucas.- Et avez-vous écrit cette lettre à la demande de M. Izard ?
M. Mirleau.- Oui, je pense.
(...)
Me Lucas.- (...) On a la couverture d'un magazine qui s'appelle « Boumboum ». Est-ce le clown Boumboum de Médrano ?
M. Mirleau.- Je ne pense pas.
Me Lucas.- Ici, on a Joé Petit Boumboum à la deuxième page. Est-ce le Boumboum de Médrano ?
M. Mirleau.- Non.
Me Lucas.- Et ici on a Henri Salvador avec M. Boumboum. Est-ce le Boumboum de Médrano ?
M. Mirleau.- Non.
Me Lucas.- Pourquoi avez-vous écrit dans la lettre « Boumboum de Médrano » ?
M. Mirleau.- En toute franchise, à l'époque où lon a écrit cette lettre, j'imagine que lon avait fait les vérifications avec Philippe. Je n'ai pas vraiment de souvenir.
(Le Tribunal souligne)
Quant à lui, Izard déclare au Tribunal que le nom de Boum Boum a pris son origine dans lémission Les Pierrafeu. Contre-interrogé le 14 janvier 2009 sur ce sujet, voici ce quil raconte :
2Q Alors, pour débuter, en fait, juste une petite précision avec vous. Vous nous avez parlé des Pierrafeu lors de votre interrogatoire en chef, vous vous souvenez?
R Oui.
3Q Oui. Est-ce que vous pourriez nous nommer les autres personnages des Pierrafeu?
R Je les mélange un peu, oui.
4Q Alors, avez-vous le souvenir des noms quon retrouvait dans cette émission-là?
R Pas vraiment. Boum-Boum, ça ma frappé, parce que ça ressemblait. Donc, automatiquement, ça mest revenu. Mais pour les autres, jai pas... jai pas le souvenir comme ça immédiat.
5Q Est-ce que vous vous souvenez de Fred Pierrafeu?
R Oui.
6Q De son épouse, Wilma Pierrafeu?
R Absolument, cétait le père et sa femme, oui.
7Q D'accord. Il y avait Barney, aussi?
R Il y avait Barney, le copain.
8Q Oui. Et puis, sa femme Betty?
R Betty, oui.
9Q Et puis, pour ce qui est de leur fils à monsieur Barney et à madame Betty, êtes-vous certain que le nom, cétait bien Boum-Boum, monsieur Izard?
R Dans la version française, oui, en tout cas, oui.
10Q Vous êtes certain que dans la version française cétait Boum-Boum?
R OUI.
11Q Monsieur Izard, en fait, si je vous dis que, éventuellement, cétait dans la version québécoise que cétait Boum-Boum et que dans la version française, cétait Bam-Bam, est-ce que cest possible, en fait, que vous ayez fait une erreur sur ce nom-là?
R Cest possible, parce quil y a eu des... bon, je crois, ladaptation avait été faite au Québec et je me souviens pas si ça avait été changé à Paris. Mais comme à lépoque, javais beaucoup de dessins animés dHanna Barbera pour mes émissions Les Visiteurs du Mercredi, je pouvais recevoir des projets qui venaient ou en version anglaise ou en version traduite ici ou en version française. Donc, jai plus de souvenirs très forts. Mais ce Boum-Boum, oui.
12Q Mais est-ce que vous aviez un souvenir de ce Boum-Boum-là avant que maître Lefebvre vous le suggère lors de votre interrogatoire?
R Bien, ça mest... je me souvenais, oui, quil y avait un Boum-Boum dans les... Si vous voulez, cest un peu comme tous les noms que vous mavez cités; quand je les entends, ça me revient tout de suite, je peux vous dire qui cest. Mais à froid comme ça, non. Mais oui, cest des noms que javais entendus.
13Q Bon. Alors, monsieur Izard, je vais le placer devant vous, en fait. Cest un site Internet qui sappelle « Wikipédia », que vous connaissez peut-être, et qui...
R Oui.
14Q ... en fait, retrace lhistoire des Pierrafeu en page 2 de ce site-là. Finalement, on fait comme vous, le retour sur les différents noms des gens des séries. Donc, Fred Pierrafeu...
(...)
16Q ... Betty Laroche et puis, malheureusement, la version française nous indique « Bam-Bam » tandis quau Québec, cest « Boum-Boum ». Donc, il y a peut-être une erreur, là, qui sest glissée lors de votre interrogatoire.
R Bien, écoutez, je... moi, je me souviens de ça. Cest quelque chose qui mest revenu. Comme je vous le dis, comme cest des émissions que je recevais pour faire des adaptations, donc, jai sans doute eu, à ma connaissance, une version faite à Montréal, avant quil y ait un redoublage en France et, bon, cest des choses qui peuvent arriver parce que je recevais tantôt des projets, des versions anglaises ou américaines et voilà. Donc, ça mest revenu comme ça.
(...)
21Q Alors, je dois comprendre que vous avez voyagé et que vous avez été aux États-Unis pendant deux (2) ans. Est-ce que cest bien ce qui sest passé (inaudible)?
R Non, cest très exagéré mais je suis allé aux États-Unis, oui, plusieurs fois.
22Q Plusieurs fois. Pendant un certain nombre dannées?
R Non, sans ça je parlerais mieux langlais. Non, mes voyages duraient, en général, quatre-cinq (4-5) jours.
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal ne croit pas Izard. Il ne dit pas la vérité et sa conduite est telle quon ne peut prêter foi à son témoignage. Bien sûr, dans le passé, il a réalisé beaucoup démissions. Cependant, la cupidité lui a rendu un bien mauvais service. Face à des versions contradictoires, le Tribunal ne retient pas son témoignage car il ne peut sy fier.
Si Izard est capable de signer sur son honneur lui, bénéficiaire de la Légion dhonneur des bulletins de déclaration à la SACD en fournissant des renseignements quil sait faux, ce nest pas lutilisation duvres dautres créateurs qui le ralentira. Dailleurs, son explication sur lorigine du nom de Gertrude en dit long.
Il est étonnant quIzard nait pas conservé ses notes personnelles. Pourtant, la lettre de mise en demeure na pas tardé à la suite de la première diffusion de Sucroë. Pourquoi, en novembre 1997, quelques semaines avant le dépôt de sa défense, requiert-il auprès de Mirleau un document écrit fournissant lexplication sur lorigine de ce nom? Pourquoi la demande à Mirleau si cest lui-même qui a trouvé le nom de Gertrude Van Boum Boum? Pourquoi dans son témoignage invoque-t-il la chanson dHenri Salvador comme inspiration pour le nom de ce personnage, si ce nest que pour justifier linjustifiable?
Le Tribunal a la nette impression que les défendeurs ne savent plus où donner de la tête. À un autre moment, Izard dit que le nom de Boum Boum est inspiré des Pierrafeu alors que dans la version française, il sagit de Bam-Bam. Il serait si facile de dire la vérité.
Ces explications tordues ne font que renforcer la conviction du Tribunal que Izard a copié le nom des deux personnages du demandeur : Gertrude et Boum Boum.
Devant cette absence de gêne ou de réserve, que penser de ses autres déclarations au Tribunal?
Il ny a pas de hasard en linstance.
Il va sans dire que le Tribunal ne croit pas Izard non plus lorsquil affirme ne pas avoir vu la présentation du demandeur à Cannes. Champagne et Cousineau nont aucun intérêt en linstance. Ils sont tous deux retraités et leur compagnie, SDA, a été vendue depuis fort longtemps. Leur témoignage est clair. Bien sûr, les commentaires au rapport de Cousineau sur Curiosité et sur Izard sont absents.
Par contre, le demandeur a témoigné que dautres clients ont vu sa présentation et ne sont pas davantage indiqués au rapport de Cousineau. Dailleurs, ceci a été confirmé par Rofekam.
Champagne donne la même version au Tribunal que celle quil a donnée à la GRC au mois de novembre 1995.
Le Tribunal retient que cest Izard lui-même qui a préparé le communiqué dans le MIP News dont la lecture révèle une satisfaction et un certain contentement à sa personne et à légard de ses productions antérieures. En voici des extraits :
CALIPA SDA : une nouvelle forme de partenariat Franco-Québécois
CHRISTOPHE IZARD, le célèbre producteur démissions jeunesse français (LÎle aux enfants, Le Village dans les nuages...) et François Champagne, président de SDA, lune des plus anciennes maisons de production canadienne ont jeté les bases, au cours de ce MIP TV dune association entre leurs deux sociétés, Calipa productions et SDA, destinée à mettre au point des projets de coproduction.
(...)
Christophe Izard se rendra à Montréal en juin pour finaliser cet accord dont la première manifestation devrait être lentrée de SDA dans la production de Zappe Zappeur qui obtient tous les dimanches matin sur TF1 un très grand succès auprès des jeunes téléspectateurs.
(...)
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal ne croit pas Izard lorsquil déclare quil na pas pris connaissance de la pièce P-27, ni des annonces, ni de P-30, ni des 138 bandes dessinées.
De toutes les versions sur la question de laccès par Izard à luvre du demandeur, le Tribunal retient celle du demandeur qui déclare que :
Il a fait une présentation à Izard;
À la suite de cette présentation, Izard a émis le désir de faire des intercalaires dans son émission Zappe Zappeur;
Cette proposition a emballé immédiatement Champagne qui lui a présentée;
Il a refusé cette proposition.
Le Tribunal a eu loccasion dobserver le demandeur pendant huit mois. Il a une personnalité particulière, unique et spéciale. Dailleurs, il nest pas étonnant quil ait refusé la proposition des intercalaires dans lémission dIzard quand on constate son entêtement et ses difficultés à gérer ses relations daffaires avec ses partenaires (ex : Pathonic).
Il est clair pour le Tribunal quil nest pas aisé de transiger avec le demandeur lorsquil sagit de son uvre. Il a refusé de modifier son concept pour Izard, de la même façon quil a refusé les recommandations de CINAR, au grand dam de ses anciens associés.
Le Tribunal ne croit pas Izard lorsquil affirme ne pas avoir discuté laspect artistique avec Charest. Dans un interrogatoire hors Cour en 2001, Izard déclare :
Q Est-ce que Micheline Charest et Ronald Weinberg étaient là à ce moment-là?
R Oui, sûrement.
Q Est-ce que vous en avez parlé à Micheline Charest ou Ronald Weinberg de Robinson Sucroë?
R Non. Vous savez, Micheline Charest et Ronald Weinberg nous parlaient très peu, parlaient très peu aux auteurs. Ils parlaient avec Davin. Les problèmes financiers les intéressent, pas tellement les problèmes dauteurs.
(...)
Q Est-ce que vous êtes en mesure de dire à la Cour à quel moment vous en avez discuté pour la première fois, de cette série-là, avec Micheline Charest ou Ronald Weinberg?
R Moi, jen ai discuté... Vraiment, je ne sais pas. Dabord, est-ce que jen ai discuté. Si vous voulez, Ron Weinberg et Micheline Charest ne sintéressaient pas du tout à lartistique. Donc, quand est-ce que Christian Davin leur en a parlé pour la première fois...
Q Je parle de vous, monsieur Izard.
R Bien, moi, sil y a eu une conversation... Je ne pense pas quil y ait eu une conversation, mais on a peut-être échangé quelques mots, je ne sais pas, six mois plus tard ou huit mois plus tard.
(Le Tribunal souligne)
Or, à ce sujet, Sander contredit nettement Izard sur limplication de Charest. Comme on le verra plus loin, des rencontres ont eu lieu entre Izard, Sander et Charest démontrant limplication de cette dernière tant au niveau financier quartistique dans le développement de Sucroë. Voici dailleurs comment le témoin Sander sexprimait devant le soussigné le 30 octobre 2008 :
4 Q- Okay. And if we look at D-8...
A- M'hm.
5 Q- ... on page 6.
A- Yes.
6 Q- Okay.
LA COUR:
Quelle page?
Me FLORENCE LUCAS:
6.
A- So now, it's without the beard.
7 Q- Yes.
A- So, I recognize both of them. To put them in a time frame would be during whatever discussion went on about whether he should have a beard or not a beard.
8 Q- Okay. And it's the same background?
A- Oh yes.
9 Q- So, in both drawings, we can see that it's...
A- Yes.
10 Q- ... the same background.
A- Yes. Yes.
11 Q- How is it possible to have like a different character like that, but with the same background?
A- Because they're all on cell levels, you just change the cell level of the character.
12 Q- Okay. You can like just withdraw...
A- Just lift off, yes.
13 Q- ... a character?
A- Background, next layer, next layer, next layer.
14 Q- Next layer, it means like something translucid?
A- Yes. Probably be the... probably the Natives were on an acetate. There are probably about three (3) acetates.
666 Okay. Trois (3)... Okay. Okay. Sorry, I can't read my client's notes, so. And you've discussed about these drawings with who?
A. With Christophe Izard. There was a whole... Micheline was involved. I remember they really all got themselves very worked up about this beard thing.
667 Q. Okay. Both of them with you
A. Oh, and other people joined them.
668 Q. Okay.
A. I remember Cassandra Shafhausen having some opinion.
(Le Tribunal souligne)
Comme on le verra plus loin, les propos de Sander sont corroborés par Mme Diana West.
Devant tant de contradictions le Tribunal na aucune hésitation à écarter le témoignage dIzard et à conclure que ce dernier a eu accès aux pièces P27, soit le journal, P-30 et P-18-U que sont les bandes dessinées. De plus, le refus dIzard dadmettre que Charest a été impliquée artistiquement dans le dossier amène le Tribunal à conclure quil a eu également accès à la pièce P-18, soit les documents que le demandeur avait remis à CINAR pour le démarchage de son uvre.
6.3 LACCÈS DE PETER HILLE ET RAVENSBURGER
Hille est le président de Ravensburger à lépoque du MIP-TV 87 jusquau moment de la diffusion du premier épisode de Sucroë. Il na aucun souvenir des événements survenus en 1987 au MIP-TV 87.
De leur côté, Rofekam et le demandeur attestent tous deux de la présentation détaillée qui lui a été faite par ce dernier, lequel ajoute quil lui a remis les cahiers P30 au moment de sa présentation.
Hille est aussi coproducteur de la série Sucroë et Ravensburger est également coproductrice pour avoir signé une entente à cet effet.
Quant à sa connaissance de la pièce P-27, il serait étonnant quil ne lait pas vue, puisque son kiosque se trouvait à côté de celui de Rofekam.
Devant les témoignages précis de Rofekam et du demandeur et vu labsence de souvenir de Hille, le Tribunal conclut que Hille, Ravensburger et RTV par la fusion ont eu accès à luvre P-27 et P-30.
6.4 LACCÈS DE THERESA PLUMMER
Mme Plummer était, à lépoque pertinente, présidente de BBC et head of Children acquisition and coproduction of Children Department. Elle témoigne quelle na aucun souvenir davoir vu les pièces P-27 et P-30. Elle dit quà la BBC, ils ont un registre quils complètent à chaque fois quun document est reçu à leurs bureaux et que ce registre nindique aucune entrée pour les documents du demandeur.
Elle ajoute que BBC est le leader mondial en matière de production télévisuelle et que tous et chacun tentent dobtenir delle une accréditation, une affiliation ou un accord de distribution ou de coproduction pour promouvoir leurs productions indépendantes et faciliter leurs ventes futures.
Elle se souvient vaguement davoir été abordée par Rofekam dans les corridors du MIP-TV 87 pendant quelques minutes et possiblement par le demandeur quelle ne connaissait pas avant ce jour.
Elle na aucun souvenir davoir reçu des documents mais ajoute que si elle en avait reçu, elle les aurait immédiatement jetés pour ne pas sencombrer inutilement, exigeant que toute documentation soit adressée directement à ses bureaux.
Le demandeur prétend quelle a eu connaissance de P-27 car elle a adressé un télex au numéro de Curiosité pour demander un démo et que cest uniquement dans ce journal qua paru cette référence téléphonique.
Elle déclare quelle na jamais reçu un tel démo et quelle reçoit et étudie des centaines de projets similaires tous les ans.
Vu les explications fournies par Plummer, le Tribunal ne peut retenir la position du demandeur face à cette défenderesse car la preuve nest pas convaincante, ni suffisante pour conclure quelle aurait eu accès au contenu de luvre Curiosité.
On retrouve parmi les moyens militant en faveur du témoignage de Plummer :
Sa crédibilité. Elle ne nie pas la possibilité davoir rencontré le demandeur et Rofekam dans le corridor ou de lavoir vu;
Elle est sincère dans son témoignage et il ny a pas de contradictions;
La procédure interne denregistrement des documents qui existe à la BBC;
À lépoque pertinente, BBC est le leader mondial et donc tout producteur veut sy associer. Sa version quelle ne conserve en main aucun document est plausible.
Le Tribunal conclut sur cet élément que la remise intempestive de documents à Plummer au congrès, dans un corridor, nest pas suffisante pour en prouver laccès. La prudence aurait exigé, à tout le moins, que le demandeur adresse les documents directement à la BBC compte tenu des circonstances reliées à ce leader.
Le Tribunal conclut que Plummer na pas eu accès à luvre du demandeur.
BBC nest pas un coproducteur au même titre que Ravensburger car son contrat nen est un que de distribution avec des pouvoirs plus larges de surveillance et dacceptation du contenu, vu son rôle de leader international. Elle na pas eu accès à luvre.
6.5 LACCÈS DE CHRISTIAN DAVIN
Le demandeur témoigne quil a rencontré Davin chez les Héroux à Montréal. Voici comment il explique les circonstances :
434 Q- On était à parler de votre voyage. On était à parler, en fait, de monsieur Davin...
R- Oui.
435 Q- ... à qui vous avez présenté.
R- A Cannes?
436 Q- Non, pas à Cannes.
R- A Montréal.
437 Q- Chez les Héroux.
R- Oui.
158 Q- Et comment... bon, là, vous avez raconté le fait que vous aviez un souvenir particulier de monsieur Davin, là, qui...
R- C'est-à-dire mon objectif était de présenter aux Héroux - je connaissais pas monsieur Davin - et c'est Justine Héroux qui a dit: "Ce genre de segment là, ça serait mieux que tu rencontres un monsieur qu'on a ici qui est un Français qui, lui, est plus dans ces contacts-là potentiels pour la coproduction à l'international", puis j'ai été présenté à ce monsieur-là.
169 Q- O.K.
R- Et on avait une relation commune, quelqu'un qu'on connaissait mutuellement. Quand on a parlé d'animation, tout ça, il m'a dit: "Je connais bien quelqu'un bien ici", un monsieur que je connais bien, et c'était monsieur Potterton(?) qu'on connaissait mutuellement, Gerald Potterton.
440 Q- O.K. Ça, c'est au moment où vous lui avez présenté?
R- Oui.
441 Q- Et cette présentation-là, à votre souvenir, c'était une présentation de combien de temps?
R- La conversation a été facilement une bonne heure.
442 Q O.K.
R- Dans son... en fait, cétait pas vraiment un bureau. Cétait une sale de conference qui sétait transformée en bureau parce quil était de passage quelque part dans ce bureau-là, dans ce local-là et cétait la sale de conference quil (inaudible) avec les deux (2) portes à petits carreaux, puois il sétait organize un bureau. Cest ça.
443 Q O.K. Très bien.
R- Si je me trompe pas, il était chez les Héroux à ce moment-là enrelation avec quelque chose concernant Le matou. Voilà. Le film Le Matou.
Davin nie avoir déjà rencontré le demandeur. Cependant, le demandeur ne lui remet aucun document, sauf la présentation dune heure quil nous relate.
Dans son témoignage, Davin confirme connaître Gerald Potterton et il confirme sa relation daffaires à lépoque avec les Héroux :
Me Lucas. Justement, vous étiez à Montréal, en 1984, pour le Matou.
M. Davin. Oui, jallais très souvent à Montréal parce que je collaborais beaucoup avec Denis Heroux.
Me Lucas. - Vous êtes à ses bureaux, au square Victoria ?
M. Davin. Place royale, plutôt. Non ?
Me Lucas. Oui, la place Royale. A ce moment-là, vous connaissiez déjà M. Potterton, auquel vous faisiez référence tout à lheure ?
M. Davin. - Gérald Potterton, c'était le contact sur SOS Polluards. Cela doit remonter à l'année qui précède
Non, SOS Polluards, cétait en 1984. Donc Gérald Potterton, ce devait être en 1985 ou 1986.
Le Tribunal retient le témoignage précis du demandeur par rapport à celui de Davin dont la crédibilité sera durement éprouvée et discutée plus loin.
Le Tribunal conclut donc que Davin a eu accès à l'uvre de Curiosité.
6.6 LACCÈS DE FRANCE ANIMATION
France Animation admet au paragraphe 6 de sa défense du 3 mai 2006 quIzard agissait comme directeur artistique au moment de la création et de la production de Sucroë.
Labondante correspondance échangée démontre quIzard utilisait les locaux et la papeterie de France Animation pour communiquer avec le personnel. Il a agi comme le représentant de France Animation. Dailleurs, Davin déclare ce qui suit à propos dIzard :
(...) L'arrivée de Christophe Izard dans la société que je dirigeais et tout ce quil a pu générer autour comme construction de talents a profondément modifié les relations, les a rendues plus difficiles, donc meilleures. (...).
France Animation est donc réputée avoir eu accès à luvre du demandeur par la connaissance et laccès quen a eu son représentant Izard et son PDG Davin.
7 CURIOSITÉ EST-ELLE UNE UVRE ORIGINALE?
Les défendeurs insistent sur la définition de luvre du demandeur et on comprend très bien pourquoi. Plus restrictive et fragmentée elle sera, moins de similitudes il y aura.
Le Tribunal rappelle que Curiosité nest pas encore une uvre terminée mais au stade de sa promotion. Plusieurs témoins, dont André Picard, Willenson (CINAR É.-U.), Champagne et Cousineau, ont indiqué au Tribunal que la documentation préparée à cette fin par le demandeur était nettement plus élaborée et détaillée que la moyenne dautres projets du milieu à ce stade de développement de leur création à cette époque.
La Loi définit diverses catégories duvres, entre autres : les uvres littéraires, artistiques, musicales, dramatiques et les uvres cinématographiques.
Larticle 2 de la Loi définit ces uvres comme suit :
« uvre littéraire »
literary work « uvre littéraire » Y sont assimilés à une uvre littéraire les cartes géographiques et marines, les plans, tableaux et compilations.« uvre artistique »
artistic work « uvre artistique » Sont comprises parmi les oeuvres artistiques les uvres de peinture, de dessin, de sculpture et les oeuvres artistiques dues à des artisans, ainsi que les uvres dart architecturales, les gravures et photographies.« uvre musicale »
musical work « oeuvre musicale » Toute combinaison de mélodie et dharmonie, ou lune ou lautre, imprimée, manuscrite, ou dautre façon produite ou reproduite graphiquement.« oeuvre dramatique »
dramatic work « uvre dramatique » Sont assimilées à une uvre dramatique toute pièce pouvant être récitée, les oeuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont larrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, ainsi que toute production cinématographiques lorsque les dispositifs de la mise en scène ou les combinaisons des incidents représentés donnent à luvre un caractère original.« uvre cinématographique»
cinematographic work « uvre cinématographique » Est assimilée à une oeuvre cinématographique toute uvre exécutée par un procédé analogue à la cinématographie.Dans leurs notes et autorités à la page 4, les défendeurs affirment que :
Plusieurs uvres peuvent coexister à lintérieur dune même uvre. À titre dexemple, dans une uvre cinématographique, comme un dessin animé, il coexiste diverses uvres indépendantes. Ainsi, si le dessin animé est ladaptation dun roman, lhistoire provient dune uvre littéraire, les scénarios sont des uvres dramatiques, la musique douverture est une uvre musicale, chacun des dessins sont des uvres artistiques, etc.
La série Robinson Sucroë est une uvre cinématographique. Le projet Les Aventures de Robinson Curiosité nayant jamais été réalisé nest jamais devenu une uvre cinématographique au sens de la Loi.
Larrêt de la Cour dappel dans laffaire Production Avanti Ciné Vidéo inc. résume bien les critères importants à prendre en considération dans lexamen dune uvre, et notamment lapproche globale préconisée par les tribunaux :
Ce critère de qualité dans l'examen de la notion de partie substantielle de l'uvre fut, encore récemment, mis en évidence dans l'arrêt Allen qui prend appui sur la décision Slumber-Magic Adjustable Bed Co c. Sleep-King Adjustable Bed Co. Dans ces affaires, la question était celle de savoir si une oeuvre découlant de la compilation d'éléments séparés pour lesquels l'auteur détient les droits peut être protégée parce qu'originale. Les deux Cours ont répondu affirmativement. Le juge Sedgwick écrit:
Copyright may subsist separatly in a compilation of elements which themselves individually be the subject of copyright. The issue of ownership of copyright in the compilation was considered by McLachlin J (as she then was) in Slumber-Magic Adjustable Bed Co. c. Sleep-King Adjustable Bed Co. (1984), 3 C.P.R. (3d) 81, [1985] 1 W.W.R. 112 (C.S.B.-C.).
In that case, the issue was whether copyright subsisted in the plaintiff's advertising even though a number of the element of the brochure (including photographs) were similar to those found in the brochures of competitors (the defendants). The court held that it did. McLachlin J. concluded (p. 85) :
...the fact that elements of [the plaintiff's] brochure were similar to elements of other brochures, does not negate the fact that it has copyright in the arrangement of ideas, original or otherwise, which was solely the product of its own work, skill and judgment.
She explained (pp. 84-85) :
The question is whether the plaintiff had copyright in the brochure? In my opinion, it did. The defendants suggest that there is no copyright in the brochure because it used ideas and elements which are also found in the brochures of other competitors. That, however, does not defeat a claim for copyright. It is well established that compilations of material produced by others may be protected by copyright, provided that the arrangement of the elements taken from other sources is the product of the plaintiff 's thought, selection and work. It is not the several components that are the subject of the copyright, but the over-all arrangement of them which the plaintiff through his industry has produced. The basis of copyright is the originality of the work in question. So long as work, taste and discretion have entered into the composition, that originality is established. In the case of a compilation, the originality requisite to copyright is a matter of degree depending on the amount of skill, judgment or labour that has been involved in making the compilation: Ladbroke (Football), Ltd. v. William Hill (Football), Ltd., [1964] 1 All E.R. 465 (H.L.). Where copyright is claimed in a compilation it is not the correct approach to dissect the work in fragments and, if the fragments are not entitled to copyright, then deduce that the whole compilation is not so entitled; rather, the court should canvas the degree of industry, skill or judgment which has gone into the over-all arrangement: Ladbroke, supra. See also T.J. Moore Co. Ltd. v. Accessoires de Bureau de Quebec Inc. (1973), 14 [page85] C.P.C. (2d) 113 (Fed. Ct. T.D.); Jarrold v. Houlston (1857), 3 K & J. 708, 69 E.R. 1294 (Ch.Div.); MacMillan & Co., Ltd. v. Cooper (1923), 40 T.L.R. 186 (P.C.).
The proposition that arrangements of common ideas may be copyright is subject to certain limitations. First, it appears that the compiler can claim no copyright unless he or she had a right to use the materials constituting his compilation: T.J. Moore Co. Ltd. v. Accessoires de Bureau de Quebec Inc., supra, at p. 116. Secondly, in so far as component ideas may be in the public domain, they themselves may be copied with impunity, without breaching the compiler's copyright, which rests not in the components, but in the over-all arrangement: Fox, The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 2nd ed.(1967), p. 118.
Deux éléments particuliers de la citation du jugement du juge McLachlin sont intéressants pour la solution de notre affaire. D'abord, à l'occasion de la qualification de l'uvre, une tâche essentielle et exigeante, le tribunal doit utiliser une approche globale pour déterminer si l'uvre produite est nouvelle et originale et ne résulte pas d'un simple collage de morceaux épars. Ainsi, la définition de ce qui constitue une partie essentielle et importante de l'uvre pourra plus facilement être dégagée. En second lieu, cette qualification doit être faite en étudiant l'uvre sous l'angle de l'intervention du labeur et de la créativité de l'auteur. Ainsi, sera une partie substantielle d'une oeuvre celle qui occupe une place importante dans l'ensemble et qui résulte du travail de l'artiste, de l'écrivain, du cinéaste, du dramaturge, etc.
Il est acquis que si l'uvre est ou peut être globalement protégée, ses parties peuvent aussi être sujettes aux droits d'auteur; la musique d'un film, par exemple, est sujette au droit d'auteur. Un autre exemple concret est celui de l'arrêt Allen, précité, où les droits de l'artiste sur les photographies incluses à l'uvre objet du débat étaient reconnus et non contestés.
(Le Tribunal souligne)
En linstance, les défendeurs reprochent au demandeur que certains documents déposés en preuve ne constituent pas des uvres, principalement la pièce P-18. Par contre, ils reconnaissent dans leurs notes et autorités les documents suivants comme étant une oeuvre :
le journal promotionnel distribué à Cannes qui, selon eux, est une uvre originale au sens de la Loi car celui-ci est constitué dune combinaison duvres littéraires et duvres artistiques (les dessins) et donc, ensemble, forment une uvre originale, soit un projet démission éducative pour enfants intitulé : Les Aventures de Robinson Curiosité;
Les divers documents remis à Cannes composés de diverses uvres telles que décrites par eux comme suit :
a) P-30A, pages 1 à 10, est léquivalent de P-27 en version anglaise. Cest une combinaison dune uvre littéraire et duvres artistiques;
b) P-30A, pages 18 à 28, est une uvre dramatique (scénario de Curiosity goes Hollywood) bien définie et circonscrite;
c) P-30A, pages 29 à 42, est une uvre dramatique (scénario de Lazybones wakes up sick) bien définie et circonscrite;
d) P-30A, pages 43 à 53, est une uvre dramatique (scénario de « Tip toes birthday surprise ») bien définie et circonscrite;
e) P-30B est la pièce P-27;
f) P-30C est une uvre dramatique (Storyboard de « Curiosity goes Hollywood ») bien définie et circonscrite. Il est à noter que lhistoire que lon retrouve au storyboard à la pièce P30C nest pas la même que celle que lon retrouve dans le scénario à P-30A, pages 18 à 28 (« Curiosity goes Hollywood »).
Par contre, pour la pièce P-30A, le chapitre intitulé : Show Themes aux pages 11 à 17, les défendeurs ne la reconnaissent pas. Ils affirment quil sagit dune énumération de thèmes possibles, peu ou pas développés.
Le Tribunal fait la distinction entre les 52 synopsis et les 30 titres démissions additionnelles, sur des thèmes additionnels qui pourront être développés ultérieurement compris dans cette section. Ces 52 synopsis doivent faire partie de luvre.
Les défendeurs allèguent que la pièce P-30 est luvre du projet démission éducative et divertissante pour enfants intitulée : Les aventures de Robinson Curiosité contenue à la pièce P-27, à laquelle certains documents ont été ajoutés tels quune liste de thèmes, trois scénarios et un story-board. Ainsi, les idées contenues à la liste de thèmes dans les scénarios et les story-boards confirment quil sagit bien dune émission éducative et divertissante pour les enfants âgés de 5 à 9 ans qui se déroule principalement sur lÎle Curieuse.
Quant à la pièce P-18, soit la documentation remise par le demandeur à Charest et Weinberg ainsi quà Willenson (CINAR É.-U.), les défendeurs plaident quil ne sagit pas là dune uvre, puisquelle ne résulte pas du jugement et du talent du demandeur. Ils vont jusquà prétendre quil sagit dun ramassis épars de toutes sortes de documents qui sont parfois des uvres et parfois rien de plus que des idées, des concepts ou des thèmes.
Les défendeurs demandent au Tribunal de les analyser séparément pour les comparer à Sucroë et reprochent aux experts du demandeur davoir consolidé tous les documents afin de déterminer sil y a reprise substantielle de Curiosité dans Sucroë.
Effectivement, la pièce P-18 est composée de plusieurs éléments qui peuvent aisément être regroupés pour constituer une uvre, elle-même constituée de plusieurs uvres.
La pièce P-18 a été divisée de A à Z pour en faciliter son usage et son étude. Elle est constituée comme suit :
ASynopsis anglais de The Adventures of Robinson Curiosity incluant un synopsis de la série; une description des caractères des personnages, savoir : Robinson Curiosity, Gertrude Greenhouse, Professor Friday Holiday, Charles The Pilot, Tiptoes (comprenant une série de dessins de marionnettes de cet éléphant); Lazybones (comprenant un dessin); Léon le Caméléon (comprenant un dessin de ce reptile, la langue sortie); Une section appelée Show Themes où on décrit en quelques lignes des idées pour 78 émissions; Un curriculum vitae des représentants de Pathonic et des membres de la production - 86 pagesBProjet de budget pour la sérieCScénario anglais intitulé : Lazybones wake up sick 39 pagesDScénario anglais intitulé : Tiptoes Birthday Surprise 30 pagesEScénario anglais intitulé : Curiosity goes Hollywood 30 pagesFScénario français intitulé : Le projet touristique 12 pagesGScénario français intitulé : Robinson Curiosité le fétiche 14 pagesHScénario français intitulé : Les élections sur lîle 26 pagesIScénario français intitulé : Le Boudarien 16 pagesJScénario français intitulé : Curiosité ouvre son agence de publicité 18 pagesKScénario français intitulé : La maladie du réveil coécrit avec Suzie Roberge 22 pagesLScénario français intitulé : La fête à Boum Boum 21 pagesMScénario français intitulé : Curieux cinéma 22 pagesNScénario français intitulé : Curiosité se lance dans le cinéma 28 pagesOSynopsis : Le professeur Férié invente un moyen de transport sur lîle coécrit avec Carrez 10 pages PScénario français intitulé : Le professeur Férié invente un moyen de transport sur lîle coécrit avec Carrez 23 pagesQSynopsis et série de dessins du Capitaine Schloup : La vallée des Karimaliens 8 pagesRSynopsis de Gobro 8 pagesSScénario français intitulé : Sans titre 14 pagesTSynopsis de lémission pilote : La petite sur de lîle Curieuse 4 pagesU132 bandes dessinéesVDivers dessins de présentation des Aventures de Robinson Curiosité sur panneaux, des dessins dun projet de produits dérivés dont un parc thématique représenté par une île de la curiosité et des jeux et des projets de livres pour enfantWChanson thème bilingue de : Curieux sur un texte de Claude Robinson et musique de Daniel Lussier 5 pagesXBible de 47 pages sur les sujets de 39 émissions avec un corrélatif des thèmes psychologiques à être traités dans chaque émission et une série de dessinsYSérie de dessins de Robinson 33 pagesZSynopsis et série de thèmes à développer 37 pages
À la lecture de la pièce P-18, on est loin du document de deux pages de laffaire Cummings citée à lappui des prétentions des défendeurs. Tous les scénarios, les synopsis et les thèmes, la chanson et les dessins forment un tout : luvre Curiosité. Chaque scénario, synopsis et dessin est une uvre littéraire, dramatique, artistique ou musicale.
Au cours de son interrogatoire du 29 octobre 2001, Willenson (CINAR É.-U.) déclare ce qui suit :
Q Could you show it to us, please?
A Yes. I remember in general seeing something like this but I don't have a firm memory of the image but it is consistent with what we saw. I remember seeing this newspaper before.
Q What is at 9.46?
A That is right. In general I would say all of the images in this document, you know, look familiar because they are reflective of the style of the, you know, presentation that Mr. Robinson, you know, did. It was the complexity of the project that made it interesting.
Q Okay. Could you try, Sir, and see if you could find in P18 a document which starts with 1.11?
(
)
Q Okay. Can you tell the Court turn it in front of you, Sir, please. Exactly, that is the same thing here. Okay. Could you tell the Court if you have seen this document before?
A It looks familiar, you know. I have a strong recollection of images and I have strong recollections of the complexity of the project. This looks like it was, you know, this looks like it was Claude ROBINSON's presentation on the project.
(Le Tribunal souligne).
Le Tribunal retient de ce témoignage que luvre du demandeur avait tellement de style et de caractère que, même quinze ans après le démarchage de Willenson aux États-Unis, il sen souvient encore.
Force est de constater le talent du demandeur et leffort considérable quil a déployé pour créer ses personnages, définir leur caractère, leur interaction, les lieux, les thèmes à développer, ainsi que la chanson.
Il est clair dans lesprit du Tribunal que le demandeur a exercé son talent et son jugement pour la création de ce projet dune série démissions pour enfants. Il a mis à profit ses connaissances personnelles et celles de ses coscénaristes. Le projet démontre lexercice du jugement quant au choix de lauditoire ciblé, quant à la définition du contenu de lémission lorsquil cible la curiosité, le caractère éducatif et divertissant. Il ny a quà penser au gag de la livraison du courrier qui tombe sur la tête et aux nombreux gadgets imaginés.
Picard, alors quil était vice-président aux opérations chez Téléfilm Canada, a vu la présentation graphique et littéraire de Curiosité par le demandeur. Invité à examiner les story-boards, il sest remémoré ceux-ci dans les termes suivants :
ME LUCAS:
Alors, vous nous parlez dune présentation M. Picard, en fait, je vais vous présenter la pièce P210, Monsieur le juge, dans sa forme originale. Je place la pièce 210 devant vous et puis je vous demande de le consulter et de me dire si ça vous dit quelque chose cette planche là?
ces boards là?
M. PICARD :
Wow
cest des originaux là, super. Moi, je suis un visuel, je sais lire et écrire mais cest pas surprenant que je suis dans ce métierlà donc, euh
et comme je vous dis javais un rôle déchantillonnage de pas faire, je ne faisais pas lanalyse moimême dautres le faisaient pour moi. Je peux en regarder quelques-unlà
ou
ME LUCAS :
Oui, oui, vous pouvez regarder ça. Alors, vous avez devant vous pi là je peux dire au juge questce qui en est, cest 210 toujours dépendant ce qui est regardé par le témoin, on est dans les pièces 2101 à 37 que vous avez devant vous. OK, estce que ça vous rappelle quelque chose?
M. PICARD :
Oui, oui
cest très clair.
ME LUCAS :
Ça vous rappelle quoi exactement?
M. PICARD :
Ça me rappelle que je les ai vus, cest très distinctif, reconnaissable, je reconnais même les couleurs. Estce que vous avez une autre question?
ME LUCAS :
Euh
oui. En fait, donc estce que ça fait état de la présentation qui avait été fait par M. Robinson?
M.PICARD :
Ben ça, jimagine ces certains élémentslà
cétait quand même assez exceptionnel comme présentation. Tsé juste ça en 1985 dans les projets qui étaient déposés à Téléfilm Canada, on voyait rarement ça là. Justement la position que jai occupée cétait un nouveau fonds qui avait été créé alors cétait lessor de lindustrie indépendante et aujourdhui cest des éléments quon retrouve de façon plus courante mais... mais davoir une illustration cestàdire des outils de visualisation qui font partie du vocabulaire aujourdhui le plus commun, cétait assez rare. Donc, cest peutêtre pour ça que je men souviens plus quune autre présentation. Je me souviens de lîle, très distinctement des trois huttes, des trois personnages. Or, particulièrement celuici avec
léprouvette, celui avec léprouvette jallais dire.
(
)
Et au risque de vous répéter M. Picard là, comparativement à dautres projets qui vous étaient soumis là, quelle était votre appréciation du projet de M. Robinson?
M. PICARD :
Exceptionnel.
(Le Tribunal souligne)
Cet extrait du témoignage de Picard révèle sa franchise, sa spontanéité et démontre sa sincérité. Il ajoute que les textes étaient cohérents avec le visuel. Ce témoin déclare que le demandeur était un visionnaire pour cette époque lorsquil parlait des produits dérivés qui pouvaient découler de la production de Curiosité.
Willenson (CINAR É.-U.), lorsque interrogé par la GRC, a reconnu que le projet Curiosité était une idée originale dans les termes suivants :
Q. Did the project « THE ADVENTURES OF ROBINSON CURIOSITY » seem to be an original idea?
A. It was an original idea.
Les défendeurs sont bien malvenus de venir plaider aujourd'hui le contraire.
Le Tribunal est davis que le demandeur a exercé son talent et son jugement pour écrire des scénarios et des synopsis, pour dessiner et planifier lensemble et pour écrire la chanson-thème et quil sagit bel et bien dune uvre originale telle que la Cour suprême lentend dans laffaire de CCH :
16 Jarrive à la conclusion que la juste interprétation se situe entre ces deux extrêmes. Pour être « originale » au sens de la Loi sur le droit dauteur, une uvre doit être davantage quune copie dune autre uvre. Point nest besoin toutefois quelle soit créative, cest-à-dire novatrice ou unique. Lélément essentiel à la protection de lexpression dune idée par le droit dauteur est lexercice du talent et du jugement. Jentends par talent le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de lexpérience pour produire luvre. Jentends par jugement la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire luvre. Cet exercice du talent et du jugement implique nécessairement un effort intellectuel. Lexercice du talent et du jugement que requiert la production de luvre ne doit pas être négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. Par exemple, tout talent ou jugement que pourrait requérir la seule modification de la police de caractères dune uvre pour en créer une « autre » serait trop négligeable pour justifier la protection que le droit dauteur accorde à une uvre « originale ».
(Le Tribunal souligne)
Voici comment les procureurs du demandeur définissent son uvre dans une seconde mise en demeure adressée aux défendeurs le 5 décembre 1995
Un format démissions de télévision pour enfants, dune durée de trente minutes (30) chacune, en formats « live » et dessins animés;
Un personnage central, ROBINSON CURIOSITÉ :
cest un personnage barbu, myope et curieux; journaliste, explorateur et homme des communications. Il est à laffût de découvertes et dexpériences de tous genres; ses relations avec autrui sont similaires à celles dun enfant ; il peut être à la fois généreux, boudeur, impatient, espiègle, sympathique, curieux, maladroit, colérique, rêveur, insouciant, inconséquent, cuisinier, tendre à ses heures, exhubérant et distrait;
des personnages de soutien dont les suivants :
VENDREDI FÉRIÉ (HOLIDAY) :
esprit scientifique, pédagogue, inventeur, il est calme et plein de bienveillance à légard de Robinson;
BOUM BOUM (TIPTOES) :
incarnation de lobèse type, à la fois complexé et très serviable au point den être irritant; généreux, il est exhubérant (sic) mais aussi susceptible; il éprouve de la difficulté à se faire comprendre;
CHARLIE
bourru, célibataire ramolli, cest un aventurier; il est borné et volontaire; également maladroit avec les femmes; les pires odeurs ne lincommodent point; il attache une grande importance à lopinion que ses parents peuvent avoir de lui; il possède un moyen de transport.
LÉON :
petit, il est un joueur invétéré de tours et facile à reconnaître, malgré ses déguisements;
PARESSEUX (LAZYBONES) :
il est lent; ses propos sont lents, sa bouche pâteuse et son air glauque; indolent, il est aussi un souffre-douleur; il aime la musique et la cuisine végétarienne;
GERTRUDE :
issue dune grande famille, elle est déterminée, autonome et délicate dans ses gestes; malgré son tempérament stable, elle a parfois des sautes dhumeur; sens inné de lorganisation, la discipline au travail est essentielle pour elle; féminité enviable avec une voix portante; défenderesse des opprimés; tendance à sindigner devant la bêtise; elle a également beaucoup voyagé.
thème principal ayant pour objet les aventures de Robinson Curiosité dans une île des mers du Sud, avec une végétation abondante, un volcan et, au nord-est, une plage en demi-lune; cette île où se déroule laction est habitée et est située non loin dune autre île plus petite; elle demeure en contact avec le continent;
en ce qui concerne lexpression artistique et visuelle de l'UVRE :
une documentation photographique et artistique dexpressions et mouvements de Robinson Curiosité; des dessins des autres personnages; une description artistique et visuelle de lîle avec ses habitants, sa végétation et autres composantes; des centaines de bandes illustrées de divers incidents; des dessins sous forme de planches et daffiches;
des études de positionnement au plan tant pédagogique que commercial et artistique;
(...)
en ce qui concerne lexpression dramatique et littéraire de l'UVRE :
cinquante-deux (52) synopsis et quatre-vingt-deux (82) thèmes démissions dont les suivants :
Robinson ouvre son agence de publicité;
La machine à voyager dans le temps;
Robinson fait du cinéma;
Le projet touristique;
Les jeux olympiques;
Les élections dans lîle;
Lorchestre symphonique;
Lirruption du volcan;
La fête de BOUM BOUM;
La maladie du réveil:
Curiosité est une série démissions qui sadresse aux enfants de 5 à 9 ans. Chaque émission de 30 minutes est indépendante lune de lautre et composée dêtres réels et de marionnettes. Lobjectif de lémission est dêtre divertissante, éducative en utilisant des gags servant au ressort scénaristique où on précise : On ne sennuie jamais à lÎle Curieuse avec ses habitants, il sy passe toujours des aventures aussi saugrenues que burlesques. Tout fait face à la découverte et à la connaissance.
Quant à Sucroë, cette oeuvre peut être décrite de la façon suivante : elle est une série démissions de dessins animés de type cartoon, rocambolesque et caricaturale, de pur divertissement dont les différentes thématiques constituent à tour de rôle le cur de chacune des 26 émissions :
Uglyston échafaude une nouvelle ruse pour démasquer Robinson et révéler à Floydd que lîle du Tourteau nest pas déserte;
Mercredi rédige les feuilletons du Herald à la place de Robinson en imaginant les pires horreurs pour éloigner les touristes;
De façon régulière, Robinson fait parvenir au capitaine Boomy une bouteille contenant le dernier récit destiné au journal.
Les deux clans de pirates ennemis trouvent le moyen de partir en guerre lun contre lautre;
Duresoirée, lacariâtre femme du chef des Touléjours Dimanchemidi, fait une colère, préférablement contre Robinson.
Les deux seuls enfants de lîle, Petitevacances et Little Jim samusent à jouer des tours à Robinson ainsi quaux autres habitants du Tourteau.
Dautre part, divers sujets sont abordés chaque semaine sous forme de chassés-croisés cocasses, souvent répétitifs. Il sagit dune série de dessins animés sadressant à un jeune public de 5 à 10 ans où lhistoire se déroule sur une île déserte des Caraïbes avec la présence de naufragés surnommés les Touléjours, et de pirates. Parmi les Touléjours, il y a le chef Dimanchemidi et son épouse Duresoirée, leur fille Aubedulundi, Mercredi, Petitevacances, Little Jim, Capitaine Boomy, Capitaine Courtecuisse le chef des pirates français et Capitaine Brisk, le chef des pirates anglais.
Tel que dit par Quatu'Art, à chaque semaine, de nouvelles intrigues mettent en vedette le héros, Robinson, et son fidèle compagnon Mercredi, aux prises avec les sordides manigances dUglyston, le caractère déplaisant de Duresoirée ou les prises de becs des pirates.
Dailleurs, les défendeurs ont eux-mêmes considéré lensemble de la documentation comme étant une uvre, luvre du demandeur, lorsquils ont demandé à leur experte Dansereau de répondre à la question suivante :
Est-ce quune partie substantielle de luvre Curiosité du demandeur, telle quelle est décrite aux pièces P-6, P-7, P-8, P-12, P-18, P-27, P-28, P-39 et P-39(sic), a été reprise dans les 26 émissions de la série Sucroë dIzard, tant dun point de vue qualitatif que quantitatif?
Après examen, le Tribunal est davis que Curiosité est une uvre littéraire composée de différentes uvres : dramatiques par les scénarios; artistiques par les dessins et musicale par la chanson-thème.
Le Tribunal na pas dhésitation à conclure que l'uvre Curiosité est une uvre originale au sens de la LDA et composée des dessins, des synopsis et des scénarios quon retrouve aux pièces P-18, P-27 et P-30 et que lensemble de cette uvre comporte diverses autres uvres telles que les dessins, les scénarios individuellement et la chanson-thème. Quant aux caractères des personnages créés, ils découlent de la globalité de la création.
8 LES EXPERTISES
Les parties ont fait témoigner quatre experts que le Tribunal a reconnus et qualifiés comme suit et dont il traitera dans lordre suivant :
En demande, le Dr Jean-Yves Frigon, docteur en psychologie, spécialisé en méthodologie de recherche et analyse statistique et en psychométrie.
En défense, la Dre Ruth Corbin, experte en statistic survey evidence and content analysis. Son témoignage a porté uniquement sur la méthodologie utilisée par le Dr Frigon.
En demande, le Dr Charles Perraton, expert en sémiologie spécialisé en analyse de production cinématographique.
En défense, Mme Louise Dansereau, experte en programmation, production, étude et analyse démissions de télévision pour enfants
8.1 Dr JEAN-YVES FRIGON et Dre RUTH CORBIN
À lorigine, le Dr Frigon a été mandaté par la GRC afin de préparer un rapport dexpertise et établir, le cas échéant, des ressemblances entre Sucroë et Curiosité; indiquer si les ressemblances relèvent dun pur hasard ou plutôt ont été vraisemblablement inspirées de Curiosité. Le demandeur a retenu cet expert avec le consentement de la GRC.
Le Dr Frigon a développé une série dunités danalyses et de comparaison à partir de la bible originale de Curiosité et de la bible reconstituée de Sucroë, et ce, afin de préparer des grilles danalyse servant de base aux analyses de comparaison.
Selon lui, il est impossible de comparer objectivement la bible originale soit les quatre volumes reçus de la GRC à la bible reconstituée de Quatu'Art ou encore à la série télévisée, et ce, à cause de la grande quantité dinformations. Il a développé des condensés tirés de la bible originale de quatre volumes (P-241) qui constituent sa bible A pour Curiosité, et sa bible B est tirée de la bible reconstituée de Quatu'Art pour Sucroë.
Voici comment Dr Frigon sexprime :
Donc, une des étapes fondamentales à la base de toute analyse de contenu valide concerne la réduction de la multitude des mots dun texte ou des différents éléments dun contenu donné à quelques catégories analytiques. Dans le cas présent, il sagissait de définir un certain nombre de catégories permettant de tenir compte de lensemble des centaines de pages des «Bibles » à létude; de plus, ces catégories devaient être suffisamment précises pour permettre des analyses quantitatives et des ressemblances possibles entre les différents éléments des deux « Bibles » à létude, de manière à pouvoir déterminer objectivement la signification des ressembles identifiées, sil y en a.
Subséquemment, le Dr Frigon a retenu cinq évaluateurs, dont quatre étudiants en psychologie et un professeur de psychologie au cégep. Il leur a remis ses grilles danalyse. De cette évaluation, il retient 30 similitudes à partir dun jugement unanime des juges exposés à sa méthodologie et à sa grille danalyse.
Il résume sa méthodologie comme suit :
Technique dAnalyse du contenu :
- réduction du texte en catégories analytiques objectives dunités quantifiables.
Définition des « Unités dAnalyses »
Construction des grilles danalyse
Application dun schème danalyse à laveugle
- 5 juges (évaluateurs) indépendants
Collecte, codification, saisie des données
- Analyses statistiques et interprétation des résultats
Le Tribunal ne met pas en doute la bonne foi et lhonnêteté du Dr Frigon. Il a été choisi par la GRC et a lui-même choisi des évaluateurs (juges) indépendants des parties pour effectuer des jugements en aveugle.
La Dre Ruth Corbin conteste la méthodologie du Dr Frigon sous trois angles précis : celui de la fiabilité, de la validité et de la pertinence.
Le Dr Frigon réplique que le test quil a développé nen est pas un de sondage, mais un test non paramétrique.
Certains descriptifs de la grille danalyse construite par le Dr Frigon amènent des éléments absents des données de Quatu'Art soit en ajoutant un qualificatif, soit en modifiant laffirmation que fait Quatu'Art.
Les défendeurs allèguent que la déviation du Dr Frigon, bien que sûrement involontaire, entache les résultats de son étude et lui retire toute la fiabilité nécessaire à son utilisation éventuelle par le Tribunal, puisquil est impossible den corriger leffet sur les résultats.
Le Tribunal est daccord avec cette allégation des défendeurs et ajoute que nous sommes loin dune analyse globale de Curiosité face au produit diffusé quest Sucroë. Or, cest ce que le Tribunal doit déterminer.
Le Tribunal retient de cette confrontation dexperts que les résumés de la bible reconstituée de Quatu'Art, reconstruite par le Dr Frigon, et à partir desquels il a préparé ses unités danalyses étaient dune troisième génération de luvre originale dont certaines questions et résumés orientaient les réponses, rendant ainsi le questionnaire partial. De ce fait, cela invalidait les réponses.
La modification involontaire des éléments comparatifs a pour effet de contaminer les grilles danalyse et, de ce fait, enlever toute fiabilité aux réponses données rendant le questionnaire partial. Il est impossible disoler de nouvelles réponses.
En conséquence, le Tribunal nutilisera pas le rapport du Dr Frigon. Il utilisera cependant le rapport méthodologique de Quatu'Art qui a été déposé de consentement et qui contient entre autres la reconstitution des scénarios et synopsis des 26 épisodes de Sucroë.
8.2 Dr CHARLES PERRATON
Le Dr Perraton dépose un rapport volumineux et appuie son témoignage dune présentation PowerPoint. Son mandat consiste à répondre à la question suivante :
Existe-t-il entre luvre de Robinson Curiosité et la série Robinson Sucroë des similitudes et des liens? Et, si oui, de quelle nature sont-ils?
Dans son rapport et son témoignage, le Dr Perraton décrit clairement la méthodologie quil a utilisée et informe le Tribunal que plus de 600 heures danalyses et de comparaison des différents documents ont été requises autant par lui que par sa collaboratrice, Mme Bonenfant, laquelle est signalée dans son rapport.
Au terme de son rapport volumineux de 132 pages, il conclut :
Grâce au relevé systématique des similitudes et des liens observés et inférés chez les personnages et leurs relations, ou sur le contexte spatiotemporel et sur les éléments scénaristiques qui organisent laction, lanalyse comparative a en effet atteint un degré dexhaustivité suffisant pour répondre dans laffirmative à la question de départ : oui, il existe, entre Robinson Curiosité et Robinson Sucroë, des similitudes et des liens, qui sont visibles non seulement en quantité par la reprise des formes perceptibles, mais aussi et surtout en qualité par la reprise de la forme intelligible.
Le Dr Perraton présente ses conclusions comme suit :
5.1 Notre étude nous a permis de démontrer que :
5.1.1 La structure de base a été reprise
Comme dans Robinson Curiosité, tous les personnages de Robinson Sucroë gravitent autour du personnage Robinson. Sans la reprise du personnage central de Robinson Curiosité, toute la série Robinson Sucroë s'écroule.
5.1.2 Le personnage central a été repris
Robinson est le personnage dont l'expression a été la plus ouvertement reprise. On le retrouve dans toutes les émissions de la série Sucroë. La reprise ne se limite pas aux similitudes de son expression manifeste (l'âge du personnage, ses attributs ce qui comprend le port du chapeau, le nez, la barbe et les lunettes rondes), elle s'étend également à la reprise de son caractère (boudeur, de caractère enfantin, de personnalité changeante, curieux, naïf et insouciant, maladroit et désordonné, parfois colérique et impatient, ayant parfois du mal à apprécier l'humour des autres, mais étant toujours généreux). Que ce soit le Robinson de l'île Curiosité ou celui de l'île Tourteau, il reste cet explorateur et homme des communications qui doit apprendre à vivre avec les autres n'étant pas seul sur son île.
5.1.3 Les autres personnages principaux ont été repris
Tous les personnages principaux de Robinson Curiosité ont été repris et tous les personnages principaux de Robinson Sucroë (sauf deux personnages sans grande importance) sont des reprises de Robinson Curiosité. On retrouve ces autres personnages dans la presque totalité des émissions de la série Robinson Sucroë. Les similitudes entre les autres personnages principaux de Robinson Curiosité et ceux de Robinson Sucroë sont remarquables, nombreuses et essentielles, et elles se remarquent à l'apparence et aux expressions, aux traits de caractère et à la nature des relations des personnages.
5.1.4 Les personnages ont été repris et redoublés
Quatre principaux personnages de Robinson Curiosité ont été repris puis redoublés dans la série Robinson Sucroë, c'est-à-dire qu'à partir de quatre personnages principaux de Robinson Curiosité, quatre personnages principaux de la série Sucroë sont repris, puis quatre autres sont également repris des mêmes personnages, redoublant ainsi une seconde fois l'opération de reprise (de quatre personnages de Robinson Curiosité, huit personnages de la série Sucroë leur sont similaires). Dans les cas de redoublement, les personnages ainsi redoublés le sont à partir d'une reprise directe de Robinson Curiosité, comme c'est le cas pour Little Jim Léon le Caméléon) et surtout pour Boomy Paresseux), ou d'une reprise édulcorée, comme c'est le cas pour Floydd (Vendredi Férié) et pour Aubedulundi (Gertrude). Tous ces personnages remontent au personnage principal de Robinson Curiosité en passant par un autre qui en est la reprise dans Robinson Sucroë.
5.1.5 Les relations entre les personnages ont été reprises
Non seulement y a-t-il similitude entre les personnages, mais il y a aussi reprise et redoublement des liens qu'entretiennent chacun des personnages entre eux. Ce faisant, Robinson Sucroë reprend un élément essentiel de Robinson Curiosité, puisque le caractère des personnages détermine les rapports qu'ils entretiennent entre eux et donne tout son sens à Robinson Curiosité et au développement des émissions de la série Sucroë.
5.1.6 L'environnement a été repris
Les lieux et les décors de Robinson Sucroë reprennent, dans l'esprit et dans la forme, l'essentiel de Robinson Curiosité.
5.1.7 D'importants éléments scénaristiques ont été repris
L'accumulation des similitudes entre certains éléments scénaristiques importants de Robinson Curiosité et de Robinson Sucroë contribue à répondre dans l'affirmative à la question de départ. Ces similitudes s'actualisent notamment dans l'utilisation récurrente (à toutes les émissions) du gag de la poste et l'exploitation du journal, tant dans sa forme perceptible que dans sa forme intelligible. De tels éléments scénaristiques font progresser l'histoire ou lui servent d'appui. S'ils ne construisent pas entièrement le scénario, ils n'en forgent pas moins l'esprit, puisque, l'action ne compte pas tant sur la dynamique de l'histoire que sur le caractère des personnages. La somme de ces éléments scénaristiques dans Robinson Sucroë reprend l'essentiel de Robinson Curiosité et on reproduit la forme intelligible (identité de structure). Nos observations et l'analyse ont permis de retrouver la forme intelligible similaire derrière les apparences trompeuses de la forme perceptible.
5.2 Notre étude nous a aussi permis de démontrer que certaines apparences trompeuses ont rendu moins perceptibles les similitudes de la forme intelligible, parmi lesquelles :
5.2.1 Le redoublement
Malgré les apparences, les personnages ajoutés qui se distinguent apparemment par leur singularité ne sont, en fait, que la copie de personnages déjà repris.
5.2.2 L'humanisation
Malgré l'incarnation humaine des personnages de nature animale de Robinson Curiosité dans Robinson Sucroë, la reprise s'est faite en pur respect de l'intelligibilité de ces personnages. L'humanisation de ces derniers ne change en rien leurs caractéristiques essentielles, de sorte qu'on y retrouve les mêmes attributs physiques et psychologiques.
Du reste, la présence de marionnettes ou d'humain dans la version finale de Robinson Curiosité ne change en rien la forme intelligible des personnages créés. L'âme du personnage et son originalité peuvent s'incarner dans des formes perceptibles différentes sans jamais mettre en péril leur intelligibilité.
5.2.3 Le changement d'époque
Le relevé des anachronismes permet de montrer que la série Sucroë est largement contemporaine de Robinson Curiosité. Comme l'a démontré le comparatif, il y a non seulement des similitudes importantes entre les personnages, leurs relations et l'environnement dans lequel ils évoluent, mais il y en a aussi sur le plan de la temporalité.
5.2.4 La construction des noms
Comme nous l'avons souligné dans l'argumentaire, le nom de Mercredi est symptomatique, puisqu'il est le seul à ne pas reprendre la logique idiomatique qu'instaure celui dont il est la reprise, « Vendredi Férié », personnage de Robinson Curiosité.
5.2.5 Les titres des épisodes
Certains titres d'épisodes de la série Robinson Sucroë ne réfèrent pas aussi bien que les autres aux contenus des émissions. En résumant davantage les contenus, certains titres d'épisode de Robinson Sucroë se seraient davantage rapprochés des titres de certains épisodes de Robinson Curiosité. Le titre du scénario est différent, mais la dynamique reste la même que celle retrouvée dans le titre original.
5.2.6 L'ajout de personnages
À la reprise des huit personnages principaux de Robinson Curiosité ont été multipliés plusieurs autres personnages dans la série Sucroë. Or comme nous l'avons démontré, seuls deux de ces quinze personnages sont originaux. Les treize autres reprennent la structure de base et doivent tout aux personnages de Robinson Curiosité. Il en est de même d'Uglyston qui doit entièrement son existence au personnage central, Robinson, à l'égard duquel il entre constamment en opposition..
Au cours de son témoignage, il explique ce qui suit :
Q. Jai peut-être une question dabord. Dans vos analyses de productions culturelles, est-ce que vous avez eu loccasion de constater si ça existe régulièrement ce genre de reprise, de redoublement là au niveau des uvres, des productions culturelles ou des uvre?
R Bien oui, cest très fréquent, cest une forme que lon se donne pour différents motifs. Je vais reprendre, puisque cest devenu un peu notre exemple, notre exemple à nous, le Métropolis de Fritz Lang, je le disais tout à lheure, va se construire sur le motif du double et sur le redoublement (...). (sic)
On comprendra quavec une telle conclusion, les procureurs des défendeurs tirent à boulets rouges sur le Dr Perraton.
8.2.1 La partialité
Dans leurs Notes et Autorités et Réplique, les défendeurs suggèrent que le Dr Perraton a un parti pris qui se manifeste notamment lorsquil utilise dans son rapport les mots « reprise » et « uvre originale » ad nauseam et quà certaines questions, il est difficile dobtenir une réponse claire de sa part.
Le Tribunal nest pas de cet avis. Le Tribunal na pas constaté de partialité de la part du Dr Perraton le disqualifiant. De lui-même, le Dr Perraton a souligné un abus de langage dès la première occasion quil a eu de corriger lerreur qui sétait glissée dans son rapport. Il sen est excusé.
Il est évident quil nest pas facile de faire admettre au savant professeur certaines inexactitudes ou erreurs, mais cela nentache pas sa prestation.
8.2.2 Les différences
Les défendeurs reprochent au Dr Perraton de ne pas avoir analysé les différences entre les deux uvres.
Pourtant le Dr Perraton a été clair et précis sur cet aspect et il a répondu dans les limites de son mandat. La stratégie des défendeurs est évidente : améliorer leur position en faisant faire le travail par l'expert du demandeur. Est-ce une reconnaissance de la faiblesse du rapport de leur propre expert, Mme Dansereau?
8.2.3 Les inexactitudes
Les défendeurs soumettent que des inexactitudes se sont glissées dans son rapport, ce à quoi le Tribunal acquiesce. À titre dexemple : le Dr Perraton utilise lillustration dun parc thématique au lieu de prendre le dessin de lÎle Curieuse, ce qui lamène à comparer les deux îles erronément.
Cette erreur ne fait pas en sorte que le Tribunal ne puisse pas utiliser lexpertise du Dr Perraton avec les réserves quil se doit.
8.2.4 Labsence de priorisation entre les similitudes
Les défendeurs reprochent au Dr Perraton de ne pas avoir catégorisé ou priorisé les similitudes énoncées. Or, lorsque contre-interrogé, il na pas hésité à admettre que toutes les similitudes nont pas la même importance.
8.2.5 La définition de luvre
Les défendeurs lui reprochent de ne pas avoir défini luvre du demandeur. Pourtant, le Dr Perraton a clairement précisé les documents avec lesquels il a travaillé et le Tribunal a déjà conclu au précédent chapitre que luvre du demandeur est constituée des pièces P-18, P-27 et P-30.
Plusieurs reproches sont faits au Dr Perraton. Le Tribunal les considère plutôt comme des remarques adressées à son intention pour lui signaler les réserves dont il devra tenir compte dans lappréciation du rapport.
Le Tribunal ne considère pas le rapport du Dr Perraton comme un amas de similitudes entre les deux uvres mais plutôt comme une étude réfléchie, sérieuse quoique contenant certaines erreurs mineures.
8.2.6 La déficience de la méthodologie
Les défendeurs ne peuvent attaquer la méthodologie du Dr Perraton puisquils nont fait témoigner aucun sémiologue qui aurait pu relever une erreur méthodologique quelconque dans son étude et dans son approche. Le Dr Perraton a, à plusieurs reprises au cours de son témoignage, insisté sur la validation de son approche et de ses constats et conclusions au fur et à mesure de son étude, conjointement avec Mme Bonenfant.
Son témoignage est impressionnant, tout en subtilités et en nuances, parfois moins, mais dont les conclusions du rapport sont percutantes.
Son étude ne fait quajouter aux témoignages de Sander qui parle dabsence de structure, de Lalonde et Lévesque qui constatent les ressemblances au visionnage du premier épisode de Sucroë et de Picard et LaPierre à la vue des dessins.
Seule Mme Dansereau en arrive à une conclusion différente.
8.3 Mme LOUISE DANSEREAU
Mme Dansereau a été qualifiée dexperte en programmation, production, étude et analyse démissions de télévision pour enfants. Elle dépose son rapport le 29 juin 2004.
Elle a reçu le mandat des procureurs des défendeurs de répondre à cinq questions :
1 Est-ce quune partie substantielle de luvre Curiosité du demandeur, telle quelle est décrite aux pièces P-6, P-7, P-8, P-12, P-18, P-27, P-28, P-39 et P-39(sic), a été reprise dans les 26 émissions de la série Sucroë dIzard, tant dun point de vue qualitatif que quantitatif?
2 Est-ce que la série démissions Sucroë comporte des similitudes avec le roman Robinson Crusoé écrit par M. Daniel Defoë et, le cas échéant, de quelle nature sont ces similitudes?
3 Est-ce que la série démissions Sucroë comporte des similitudes avec les séries réalisées par Izard, antérieurement à sa réalisation de la série Sucroë et, le cas échéant, de quelle nature sont ces similitudes?
4 Les conclusions du rapport dexpert préparé par Dr Charles Perraton au soutien de laction en justice des demandeurs.
5 Est-ce que les dommages réclamés au paragraphe 131 de la déclaration précisée ré-amendée du 13 septembre 2000 sont conformes aux usages et pratiques dans lindustrie de la télévision?
Voici comment elle conclut :
Dune part, les quelques similitudes réelles sur les dizaines alléguées que nous avons relevées entre les deux Robinson sont mineures et non significatives et dues pour une part à leur appartenance commune au monde de la télévision pour enfants et pour une moindre part à leur inspiration commune, le roman Robinson Crusoé de Defoë. Quant au reste des similitudes alléguées, des similitudes fausses, elles sont dues principalement à la méconnaissance de lunivers de la télévision, qui a empêché une analyse « en contexte ». Ce qui étonne ici, cest que jamais cet aspect limitatif de lanalyse ne soit évoquée ou mentionnée. Plus encore, les multiples clips qui illustrent les propos du Rapport sont eux aussi, présentés et analysés ! hors contexte. Alors quil suffisait, pour les mettre en contexte, de visionner chaque épisode en continu. Aussi, la lecture du Rapport laisse à croire quil ny a pas davant-Curiosité (!) et que, sil y a un après-Curiosité, il nest que reprise et redoublement. Ironiquement, les quelques originalités spécificités quon accorde à lémission Sucroë sont présentées comme servant essentiellement à déguiser reprise et redoublement, comme si elles étaient réactions à la créativité de lauteur de Curiosité, comme si lauteur de Sucroë navait jamais écrit.
Dautre part, mes mises en parallèle de Robinson Sucroë avec luvre de Defoë et dautres autres de Christophe Izard qui lui sont antérieures mont permis de relever un grand nombre de similitudes significatives, de fond et de forme, avec ces différentes uvres.
En somme, toutes choses qui mamènent à conclure que la série Robinson Sucroë est bien luvre originale de Christophe Izard, et non une reprise du projet Robinson Curiosité de Claude Robinson.
8.3.1 La méthodologie et la rigueur
La crédibilité de Mme Dansereau est durement attaquée sur deux plans précis, à savoir : labsence de méthodologie et de rigueur; et une partialité évidente.
Les demandeurs reprochent à Mme Dansereau ce qui suit. Sa facturation démontre quelle a consulté la documentation au mois doctobre 2002 mais quelle na débuté son analyse quen mai 2003 et quelle la poursuivie en septembre 2003, ce qui constitue un laps de temps écoulé trop important dans les circonstances. De plus, Mme Dansereau admet quelle na fait aucun autre visionnage de Sucroë entre le mois doctobre 2002 et le mois de septembre 2008.
Mme Dansereau manque de rigueur dans son rapport aux points suivants :
À la page 3, elle parle de 26 épisodes de 30 minutes alors quil sagit dépisodes de 22 minutes;
Aux pages 5 et 21, quant à Robinson, elle oublie le qualificatif maladroit et colérique alors quelle le qualifie comme tel à la page 21, paragraphes 2 et 5;
À la page 5, quant au personnage de Mercredi, elle omet décrire quil est éduqué alors quelle utilise ce qualificatif à la page 11;
À la page 16, elle parle de convention aux règles sans les établir;
Aux pages 16, 27 et 28, elle définit erronément substantiel puisquelle confond avec significative;
Elle témoigne sur les dessins et les techniques de dessins, sans avoir été reconnue experte en dessin et elle introduit le livre de Blair;
À la page 18, elle parle des chapeaux de soleil pour les Touléjours alors quils nen ont pas;
À la page 19, elle dit quIzard est lauteur de la bible alors que la preuve démontre que cest Mirleau qui en est lauteur;
Elle ne définit pas les similitudes de convention, ni nen fournit aucun exemple. Pourtant, elle les utilise avec la pièce D-6, aux pages 2 et 3, dernier paragraphe, et page 4, deuxième paragraphe;
Aux pages 11 et 23, elle nie la relation pédagogique de Mercredi (référence à son parler impeccable) et elle se contredit;
À la page 27, à son chapitre VII, elle qualifie daberrante lattribution à une même personne de tous les postes pour lesquels le demandeur réclame des dommages alors quelle avoue ne pas le connaître ni connaître ses capacités;
Elle porte des jugements de valeur sans en établir la base tels que les similitudes relatives aux émissions pour enfants;
À la page 15, elle affirme que les anachronismes sont présents chez Izard alors que dans la bible déposée par les défendeurs (pièce D-6), il nest pas censé y avoir danachronismes.
Il est certain que la rigueur nest pas au rendez-vous. Bien sûr, des erreurs peuvent se glisser dans un travail de cette envergure mais il faut y avoir mis les efforts nécessaires, ce que Mme Dansereau na pas fait. Elle a pris son travail à la légère et elle veut maintenant que le Tribunal lui accorde la moindre crédibilité
Après des mois de préparation, daudition, et de délibéré, le Tribunal est bien placé pour constater lampleur de la tâche. Malgré tout le talent de Mme Dansereau, elle ne peut, en si peu de temps consacré, avoir accompli un travail sérieux. Le Tribunal y voit là une lacune importante à son étude, à son rapport et à son témoignage.
8.3.2 La partialité de Mme Dansereau
Mme Dansereau déclare connaître les défendeurs Charest et Weinberg depuis ses débuts dans lindustrie de la télévision et elle a développé des liens étroits avec eux.
En effet, au début des années 90, elle a été lune des 50 personnes invitées à une réception au chalet des Charest-Weinberg pour fêter le 40e anniversaire de naissance de ce dernier.
De plus, elle a agi à titre de consultante pour CINAR dans les années 1995-96.
Pour la préparation de son rapport, Mme Dansereau déclare que tout comme le Dr Perraton, elle a eu laide de « sa petite Maude Bonenfant » ceci en référence à lassistante du Dr Perraton, étudiante au doctorat en sémiologie, qui a travaillé avec lui dans cette affaire. Cependant, jamais Mme Dansereau ne précisera lidentité de son aide si importante. Voici comment elle sexprimait :
17 Q- Puis c'est la même chose aussi, vous avez préparé tous les commentaires que vous nous avez faits pour les fins de votre interrogatoire (inaudible).
R- Oui. Qui venaient, en fait, appuyer ce que je disais encore plus, parce que ça venait d'ailleurs.
18 Q- D'accord.
R- Et ça, c'est une personne engagée par, je pense, Chubb, qui avait fait la recherche. On m'avait demandé à moi de faire une recherche iconographique. A quelque moment, maître Mikus m'avait approchée et j'avais pas le temps de le faire, alors, on a assigné quelqu'un d'autre pour faire les recherches qu'on m'a ensuite soumises.
19 Q- Une recherche de robinsonnades, par exemple, c'est ça?
R- Je ne sais pas si c'est de robinsonnades parce que, comme je vous dis, j'avais refusé le travail, je n'avais pas le temps et tout. Mais on vous l'a apporté. Donc, j'ai eu peut-être ma petite Maude Bonenfant à moi-même, dans le sens que quelqu'un a fait une recherche qui m'a...
192 Q- D'accord. Et donc, on vous a fourni ces documents-là...
Oui.
(Le Tribunal souligne)
La preuve ne révèle cependant pas lidentité de « laide si importante et si précieuse » de Mme Dansereau.
Mme Dansereau manque de franchise lorsquelle affirme avoir accompli seule son mandat et rédigé seule son rapport dexpertise quand elle nous déclare :
Q- Le mandat que vous avez fait, Mme Dansereau, est-ce que vous l'avez fait seule?
R- Absolument seule.
20 Q- D'accord. Il n'y a pas d'autres personnes qui vous ont aidée?
R- Non, j'étais seule comme un pauvre et je n'en ai parlé à personne.
21 Q- Est-ce que vous avez des fois confronté vos opinions ou vos interprétations ou vos visions de ressemblances ou de similitudes avec d'autres personnes?
R- Jamais.
22 Q- Jamais. Donc, dans votre rapport, c'est votre...
R- Absolument.
23 Q- ... opinion à vous, unique.
R- Oui. Oui.
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal a constaté pendant son témoignage limmense différence entre son rapport écrit et les nombreux ajouts quelle a faits oralement de même que les ajouts des expressions graphiques alors quelle nest pas experte en ce domaine.
De plus, un examen minutieux de sa facturation est troublant. En effet, la facture du 4 octobre 2002 révèle ceci :
Elle a visionné pendant près de onze heures les 26 épisodes de Sucroë et elle a visionné pendant 50 minutes lépisode # 473 de LÎle aux Enfants et lépisode 1 des Poï Poï;
Elle a lu pendant 7 ½ heures les tomes 1 et 2 de Robinson Crusoé;
Elle a pris connaissance des pièces D-6, 8, 9 et 10 pendant 4 ½ heures;
Elle a pris connaissance des pièces du projet Curiosité P-6, 7, 8, 12, 18, 27, 28, 30, 39 pendant 8 ½ heures.
Jamais, par la suite, elle ne revisionne Sucroë.
Un an plus tard, sa facture du 1er octobre 2003 indique quelle a visionné un épisode dAlbert le 5e Mousquetaire et quelle a préparé un projet de rapport sans toutefois avoir visionné à nouveau les épisodes de Sucroë ni consulté les pièces.
Le Tribunal reproduit ici deux autres factures de Mme Dansereau :
FACTURE 12-03-04FACTURE 05-01-05Rencontre du 14.01.04 avec Me Mikus3hRencontre du 14.01.04 avec Me Mikus3hÉtude des réclamations de Robinson1hRapport 3e version (incluant Chap.VII)6hRapport, 3e version5hRencontre 27.01.04 avec Me Mikus7hRencontre 27.01.04 avec Me Mikus7hrapport 3e version, modifications10hRencontre 30.01.04 avec Me Mikus6hRencontre 30.01.04 avec Me Mikus3hRapport version finale(?) remis 06.02.04 (sic)4hRévision finale du rapport avec Me Mikus 21.06.04Signature du rapport 29.06.042hTOTAL :36hTOTAL :21h
Ces factures sont troublantes à plus dun égard. En effet, leur lecture nous dévoile :
Que dans la facture du 5 janvier 2005, plus de 71 % du temps comptabilisé est passé avec Me Mikus;
Que dans la facture du 12 mars 2004, 13 heures sur 36 (36 %) du temps comptabilisé est passé avec Me Mikus;
Que plus de 31 heures sur les 57 heures facturées sont passées en compagnie de Me Mikus, soit presque trois fois plus de temps que ce que Mme Dansereau a facturé pour lanalyse et le visionnage de Sucroë;
Quil y a labsence du rapport du 6 février 2004 et du 29 juin 2004. Aucune explication de Mme Dansereau à ce sujet, bien que les deux factures soient réclamées.
Mme Dansereau a-t-elle étudié les réclamations du demandeur après avoir préparé son rapport ou tout simplement na-t-elle jamais étudié la réclamation du demandeur avant de préparer son rapport? Ou, encore, quelquun dautre a-t-il préparé ce chapitre?
Sa facture du 5 janvier indique 24 heures de travail pour la rédaction du chapitre V de son rapport, celui-ci ayant trait à Sucroë vs Izard. Pourtant, Mme Dansereau déclare sous serment ne jamais avoir pris connaissance des 967 épisodes de LÎle aux Enfants, ni les 650 épisodes du Village dans les Nuages quelle décrit pourtant abondamment dans son rapport. Comment peut-elle ainsi commenter luvre dIzard?
De plus, Mme Dansereau fait une remarque fatale sur la valeur probante de son témoignage lorsquelle affirme sans gêne que :
24 Q- Mais ici au paragraphe 4, vous avez limité quand même votre description à l'objet d'apprentissage.
R- Oui, mais l'objet d'apprentissage, comme je vous dis, pour un enfant de cet âge-là, ça inclut le... ça inclut qu'il y ait une petite aventure, un petit côté enrobé. Ça va de soi. Peut-être que j'ai pris pour acquis... je vous ai dit, j'ai un esprit de synthèse dangereux. On me l'a déjà dit, les professeurs me l'ont dit, mais ça n'entache pas la teneur de la chose.
(Le Tribunal souligne)
Cette remarque est peut-être anodine pour Mme Dansereau mais son esprit de synthèse dangereux entache la fiabilité que le Tribunal doit accorder au témoignage dun expert.
De plus, elle avoue navoir fait aucun autre visionnage de Sucroë avant le mois daoût 2008. Mais aussi, sa facturation ne concorde pas avec ses affirmations, entre autres celle apparaissait à la page 16 de son rapport, où elle déclare avoir fait une deuxième lecture du rapport du Dr Perraton.
Le rapport Dansereau a été préparé plus de 6 mois après le visionnage des 26 épisodes de 22 minutes, auquel elle a consacré 11 heures, incluant la prise de notes et la manipulation des 26 vidéocassettes. Vraiment, elle travaille vite, Mme Dansereau ! Pourtant, lorsquelle révise le dossier à louverture du procès, elle y consacre 13 heures.
Il semble impossible quelle puisse commenter de façon vraisemblable luvre dIzard après seulement cinq heures de rencontre avec lui et le visionnage de seulement deux épisodes dautres séries et commenter son oeuvre comme elle le fait à son rapport.
8.4 LA CONCLUSION
Le Tribunal conclut quil ne peut se fier au témoignage de Mme Dansereau pas plus quà son rapport.
9 LES SIMILITUDES SUBSTANTIELLES
Dentrée de jeu, le demandeur admet quil ny a pas de reprise de lhistoire mais plutôt reprise des personnages principaux et de leurs caractères et de certains dessins.
Voici comment le demandeur sexprimait le 8 septembre 2008 :
Q- Maintenant, est-ce qu'il y a parmi l'un ou l'autre... est-ce que l'un ou l'autre du texte de ces scénarios a, selon vous, été repris dans Robinson Sucroë?
R- Des petites scènes, des petits gestes, des attitudes entre les personnages, le comportement, les allures de Robinson Curiosité au niveau de son faciès, son physique, ses expressions. L'histoire comme telle, non.
Q- Ni le texte ni l'histoire?
R- Mais il va falloir décortiquer. Il y a des experts qu'on a mis là-dessus au niveau s'il y a des reprises d'éléments. Au niveau de l'histoire globale, non.
Dans la revue Les cahiers de propriété intellectuelle, lauteure Hélène Messier écrit :
Lanalyse de la jurisprudence démontre que les juges ont traité différemment la question de la protection des personnages fictifs représentés graphiquement ou sous une forme sculpturale et ceux issus dune uvre littéraire. (...)
I LES PERSONNAGES FICTIFS REPRÉSENTÉS GRAPHIQUEMENT
Les juges des tribunaux anglais et canadiens se sont penchés à quelques reprises sur cette question dans le cas des poupées et des broches « Popeye » des montres « Popeye » des poupées « Strawberry Shortcake/Fraisinette » des figurines et des porte-clés « E.T. », des oursons « Care Bears/Câlinours » des circulaires et des autocollants illustrés du coq des Rôtisseries Saint-Hubert et même des personnages « California Raisins » reproduits sur des chandails.
Dans chacune de ces décisions, luvre dorigine est un dessin ou une sculpture et se qualifie donc comme une « uvre artistique » au sens de la Loi sur le droit dauteur. Nul doute alors que les personnages fictifs de Popeye ou de Fraisinette peuvent à titre duvres artistiques bénéficier en soi de la protection de la Loi sur le droit dauteur. Le tribunal na quà comparer visuellement le modèle original avec la reproduction qui en a été faite soit en deux ou en trois dimensions pour déterminer sil sagit dune copie exacte de luvre ou dune partie importante de celle-ci ou encore dune imitation déguisée. Il sattardera sur la ressemblance entre le produit dérivé et luvre originale. « The test is purely visual... ». Une fois que le tribunal a établi quil est en présence dune reproduction substantielle ou identique de luvre artistique originale, la partie défenderesse peut réfuter la présomption de contrefaçon en démontrant quelle a créé son uvre tout à fait indépendamment de la première. Autant prouver que la partie défenderesse habite une autre planète notamment dans le cas de E.T. et de Popeye, un autre continent ne suffirait pas considérant la notoriété des personnages.
(...)
Donc, les personnages fictifs représentés graphiquement ou sous forme de sculptures et qui se qualifient comme « uvre artistiques » bénéficient sans réserve de la protection de la Loi sur le droit dauteur.
(Renvois omis) .
Quant aux personnages fictifs issus dune uvre littéraire, elle écrit :
Dans Preston c. 20th Century Fox Canada Ltd., le demandeur réclame du réalisateur George Lucas et du distributeur la somme de 5 millions de dollars pour violation du droit dauteur. Preston affirme que pour réaliser Return of the Jedi, Lucas a utilisé une partie substantielle de son scénario intitulé Space Pets, notamment en reproduisant le nom, les caractéristiques, lapparence, le costume, les armes et le style de vie des personnages, Les Ewoks, quil avait lui-même créés. Preston ajoute que Lucas avait facilement eu accès à son scénario puisquil le lui avait fait parvenir en 1979.
Le juge MacKay de la Cour fédérale examine les deux uvres et affirme que : Many of the detailed similarities, in my view, can be traced to the common store of folklore about primitive species with human characteristics upon which Lucas was as free to draw as were Preston and Hurry. Yet drawing upon a common store of information does not in itself answer to the claim of infringement. It is the expression of ideas, not the ideas themselves, that is the subject of copyright
(...)
Le juge utilise le test de la « substantial similarity ». Les éléments de comparaison entre les uvres include plot, themes, dialogue, mood, setting or scenes, pace, sequence and characters, so far as these are within the recognized limits of copyright in the protected work. [...] the test is ultimately whether the average lay observer, at least one for whom the work is intended, would recognize the alleged copy as having been appropriated from the copyrighted work.
Après lapplication de ce test, le juge MacKay en vient à la conclusion que, malgré lexistence de quelques ressemblances générales au sujet des personnages, la plus importante étant celle du nom Ewoks, il ny a pas de ressemblance substantielle entre le scénario Space Pets et le film Return of the Jedi.
Cette conclusion aurait dû disposer des prétentions de Preston et cest dailleurs ce que le juge affirme lui-même. Il décide cependant de poursuivre son analyse en se demandant si les personnages Ewoks peuvent en soi bénéficier de la protection de la Loi sur le droit dauteur et, le cas échéant, sils ont été substantiellement reproduits par Lucas :
While generally there cannot be copyright in a mere name (..), where the name identifies a well known character, copyright in the name and associated character may be recognized (...). For such recognition it is said the character must be sufficiently clearly delineated in the work subject to copyrights that it become widely known and recognized (...).
Après avoir examiné le script Space Pets, le juge estime que les Ewoks ne sont pas assez définis et il rejette les prétentions du demandeur. Précisons que le juge MacKay a cru les affirmations de Lucas et de ses employés à leffet quils navaient jamais reçu le script de Preston et que les Ewoks apparaissant dans The Return of the Jedi étaient le produit du travail de léquipe artistique qui assistait Lucas.
À la lumière de ces arrêts, essayons maintenant didentifier certains éléments qui doivent exister pour quun titulaire de droits sur un personnage fictif issu dune uvre littéraire puisse avoir gain de cause dans une poursuite en contrefaçon en vertu de la loi sur le droit dauteur.
On doit préalablement établir que le personnage reproduit est inclus dans une uvre littéraire protégée par la Loi et quil constitue une partie importante de luvre originale au sens de larticle 3. Le personnage doit donc occuper une place prépondérante dans luvre.
(...)
Les tribunaux canadiens accordent plus aisément le statut de « partie importante » au personnage issu dune uvre littéraire.
Une fois cet élément établi, lauteur devra aussi démontrer quentre le personnage fictif et sa reproduction, il existe une similarité substantielle. Pour quon puisse comparer loriginal et le personnage qui en dérive, il faut que le premier soit suffisamment développé. Si seulement les caractéristiques générales du personnage ont été reprises, les juges auront tendance à rejeter laction en sappuyant sur la théorie de luniversalité des idées. Plus lauteur aura défini ses personnages, plus il séloignera des stéréotypes généraux en introduisant de la nouveauté dans ses personnages, plus il lui sera facile de prouver la contrefaçon.
Comme le mentionnait le juge Hand dans un arrêt de la Cour fédérale dappel américaine : It follows that the less developed the characters, the less they can be copyrighted; that is the penalty an author must bear for marking them too indistinctly.
Le demandeur aura évidemment plus de facilité à établir sa preuve si plusieurs éléments propres au personnage sont repris : ses expressions, ses manies, son apparence, son nom, ses caractéristiques psychologiques... On devra ultimement convaincre le juge quun individu « ordinaire », un profane, reconnaîtrait dans luvre dérivée un sous-produit de luvre originale. Il ne sagit pas ici dune vague ressemblance mais dune similarité certaine.
(...)
La jurisprudence anglaise, canadienne et américaine est unanime sur un point : sil est relativement facile pour un auteur de faire valoir ses droits sur un personnage représenté graphiquement, il en va tout autrement lorsquil appartient à une uvre littéraire. Le droit dauteur apparaît alors semé dembûches. (...).
(Le Tribunal souligne)
9.1 LES PERSONNAGES
9.1.1 Ressemblances entre Robinson Curiosité et Robinson Sucroë
Quen est-il du personnage central de la série? Quatu'Art décrit Robinson Sucroë comme le personnage principal de ce dessin animé et décrit son physique comme suit :
Robinson est de stature moyenne. Il a de petites lunettes rondes, des cheveux et une barbe autant bruns quhirsutes, et porte un costume assez bizarre qui na rien à voir avec le 17ième siècle : pantalon vert, chemise beige à manches courtes et chapeau à large bord mou... intemporel!
i) Ressemblances graphiques
Sucroë et Curiosité sont deux personnages principaux et centraux. Dailleurs, la série porte leur nom.
Sucroë et Curiosité sont de stature moyenne et ont le même âge. Sucroë porte des monocles alors que Curiosité porte des lunettes rondes. Leur nez est arrondi. Quant aux oreilles, celles de Curiosité sont plus grandes que celles de Sucroë. Ils portent tous deux un chapeau. Sucroë a une barbe hirsute alors que celle de Curiosité est taillée.
Quant à la similitude graphique, LaPierre, représentant de CINAR à titre de directeur décriture au moment de la production de la série, associe le personnage Sucroë au demandeur. Il déclare ceci :
Q Ça, c'est depuis octobre 96, cest exact?
R Oui, que je fais ça, pigiste.
Q À titre de pigiste?
R Oui.
Q Avant octobre 1996, que faisiez-vous?
R Jétais employé à temps plein chez CINAR comme producteur associé, producteur délégué, scénariste, directeur décriture et toutes autres choses.
(...)
Q Aviez-vous déjà vu monsieur Robinson avant de le rencontrer pour la première fois?
R Non.
Q En aucun moment?
R Non.
Q Et quand vous lavez vu pour la première fois, est-ce que vous lavez reconnu?
R Oui.
Q Pourquoi?
R Il ressemble assez comme Claude Robinson comme Robinson Sucroë.
Plus loin, LaPierre précise :
LE TÉMOIN :
Oui, jai vu limage de gauche et, oui, cest très semblable au dessin final de Robinson Sucroë.
(...)
Q Est-ce que vous voyez une similitude entre P-30, Robinson Curiosité et Robinson Sucroë, monsieur LaPierre?
R Entre ça et ça?
Q Oui?
R Oui, oui très clairement.
Q Quand vous dites « ça et ça », vous mavez montré du doigt Robinson Sucroë et Robinson Curiosité dans P-30 et dans la déclaration, cest exact?
R Exactement.
Q Et vous avez dit oui.
R Oui.
Q Très clairement?
R Très clairement, cest très clair.
(Le Tribunal souligne)
Quant à Picard, tout comme LaPierre, il déclare sans hésitation associer Curiosité au demandeur.
Lalonde, un ancien de Pathonic, connaît bien le projet du demandeur puisquil la accompagné à New York et Los Angeles pour en faire la promotion et participé aux présentations qui y ont été faites. Ce dernier nest plus chez Pathonic depuis longtemps et na aucun intérêt dans linstance.
Le 23 octobre 1995, il déclare à la GRC:
Après visionnement, Serge Lalonde dit que le personnage principal ressemble drôlement à celui de Claude Robinson de même que les maisons.
Cinq ans plus tard, réinterrogé par la GRC, il signe cette fois-ci une autre déclaration en ces termes :
Q72 Connaissez-vous luvre de Robinson Sucroë?
R Oui.
Q73 Comment en avez-vous pris connaissance?
R par le biais de la télévision par hasard.
Q74 Quelle fut votre réaction première?
R Surprise de voir le personnage, lenvironnement, le titre. Je me souviens même davoir cherché au générique le nom des gens que je connaissais, dont Claude Robinson.
Ce témoignage est fort révélateur. Et il sajoute au témoignage de Mme Lévesque, lex-assistante de Champagne chez SDA qui na pas assisté à une présentation du demandeur mais qui connaît les documents pour les avoir préparés pour le voyage à Cannes. Elle en reconnaît certains dont les pièces P-30A et P-30B et reconnaît la façon originale de présenter son projet. En référant aux pièces, elle reconnaît spécifiquement léléphant, le Paresseux, Robinson, Friday Holiday et le méchant pilote. Elle se souvient davoir vu Sucroë à la télévision avec ses enfants :
10 :52
Me Lucas :
Q Et vous, chez SDA, est-ce que vous avez eu loccasion de voir du matériel qui était lié au projet de Robinson Curiosité?
R Oui. Oui.
Q Alors quest-ce que vous avez souvenir davoir vu comme matériel, par exemple?
R Du matériel de présentation pour... des matériels de présentation, je me souviens dun MIP qui se préparait, sûrement des pitchs aux diffuseurs, mais ce quon appelle des bibles de présentation.
Q D'accord. Alors si je place devant vous, Mme Lévesque, la pièce P-30. Je vais vous demander de regarder. Il y a trois aspects en fait. Il y a A, B et C. Alors dabord, avez-vous souvenir davoir vu des documents...
R Oui.
Q ... de cette nature-là?
R Oui. Particulièrement, bon, le titre, la typographie, le personnage principal, Robinson. Oui.
Q D'accord. On est dans la version A du document. Vous vous souvenez davoir vu ce genre de document-là?
R Oui. Tout à fait.
Q Des écrits de cette nature-là. Là, spécifiquement, aujourd'hui, êtes-vous en mesure de vous souvenir spécifiquement de ces écrits-là?
R Bien, c'est-à-dire, je ne pourrais pas dire quel était le synopsis de lépisode 18, mais oui, je me souviens très spécifiquement du projet, définitivement.
Q De ce document-là.
R Oui. Oui.
Q D'accord. Et puis, en B, en fait là, vous avez une version plus réelle qui se trouve un journal comme ça. Avez-vous le souvenir...
R Oui.
Q ... de ce journal-là?
R Oui.
Q Oui? Vous souvenez-vous à quelles fins ce journal-là avait été (inaudible)?
R Cest écrit MIP-TV, donc cest clair, mais cétait un rajout aux documents, une façon originale de présenter le projet.
Q D'accord.
R De ce que je me souviens.
Q D'accord. Et si on regarde le C de la pièce P-30. Je vais vous laisser le temps.
R Cest un story-board.
Q Oui?
R Ça, je me souviens pas spécifiquement mais cest sûr que cest un story-board du projet. Oui.
Q D'accord. Vous navez pas un souvenir spécifique de ce document-là?
R Non. Non.
Q Avez-vous vu autre chose que ces documents écrits là, à votre souvenir? Est-ce quil y avait des choses plus...
R À mon souvenir, spécifiquement, non. Cest ça, cest des... étant lassistante du président, comme jai dit, cest des choses qui me passaient dans les mains mais sur lesquelles je ne travaillais pas nécessairement directement. Surtout pas au niveau du contenu, pas à cette époque-là.
Q D'accord. Avez-vous vu des dessins, des choses plus colorées que ce que je viens de vous montrer? Ou avez-vous le souvenir davoir vu ce genre de choses-là?
R Sûrement, dans la salle de conférence, des présentations avec des, probablement des (inaudible), de pitch de présentation pour le projet.
Q D'accord. Je vais placer devant vous, Mme Lévesque, en fait, certains (inaudible) quon retrouve à la pièce P-210. Est-ce que ça vous rappelle quelque chose?
R Oui.
Q Est-ce que ça pourrait être le genre de boards que vous avez vus à lépoque?
R Oui. Oui.
Q Puis reconnaissez-vous certains personnages?
R Oui. C'est surtout lui et puis le...
(...)
Me Lucas :
Cest le Robinson.
R Cest lui, cest Robinson. Et Friday, Vendredi. Oui, lavion, oui, le méchant, oui. Je ne me souviens plus le nom. Lui.
Q Alors Friday, cétait lui?
R Oui.
Q Vous vous souvenez de lui. Puis quand vous identifiez ici le personnage ici, le pilote, le méchant, cest la pièce P-210-12. Très bien. Je peux peut-être vous laisser regarder sil y a autre chose qui vous remémore. Mais vous, est-ce que vous avez assisté à la présentation de M. Robinson dans la salle de conférence?
R Quand lui a présenté à SDA?
Q Hmm, hmm.
R Non. Pas à mon souvenir.
Q Dans dautres circonstances, est-ce que vous auriez eu lopportunité de voir cette présentation-là avec les...
R Pas à mon souvenir. Pas lors de la présentation. Les matériels, oui, par après. Peut-être que je suis allée dans la salle de conférence mais pas de... non. pas moi personnellement.
Q Vous souvenez-vous de lui?
R Je ne me souviens plus de son nom, lui.
Q Alors on est sur 210-21. Vous souvenez-vous de ce personnage-là?
R Oui. Oui. Et le paresseux ici.
Q Alors P-210-17. Léléphant. Et le paresseux, P-210-15.
(...)
Q Mme Lévesque, en fait, pouvez-vous nous dire dans quel contexte est-ce que vous connaissez Robinson Sucroë?
R Oui.
Q Et dans quel contexte vous avez connu Robinson Sucroë pour la première fois?
R Alors que jétais à la maison avec les enfants et que je lai vu à la télé.
Q D'accord. Et quelle a été votre réaction?
R Bien, jai cru immédiatement quil sagissait du projet de Claude et quil avait réussi finalement à le faire produire.
Q D'accord. Et donc vous vous souveniez du projet de Claude Robinson?
R Tout à fait, oui, oui.
Q Vous naviez pas oublié ce projet-là...
R Non.
Q ... au fil des années?
R Non.
Q Non. Très bien.
(Le Tribunal souligne)
Au procès, lorsque contre-interrogée, Mme Lévesque ajoute que cétait clair pour elle quil sagissait du projet du demandeur par le contexte, le concept, le personnage principal et les lieux.
11 :02
Me Lefebvre :
Q Et quand vous dites que ça vous a frappée...
R Hmm, hmm.
Q ... quest-ce qui vous a frappée quand vous regardiez Robinson Sucroë?
R Il y a rien qui ma frappée en tant que tel. C'est-à-dire que cétait clair pour moi. Il y a eu aucun doute pour moi, cétait lémission de Claude. Cétait le projet de Claude.
Q Et vous avez vu quoi? Vous souvenez-vous de quoi?
R Cétait les personnages surtout. Surtout le personnage principal.
Q C'est-à-dire le personnage de Robinson Sucroë?
R Oui, oui.
Q À part le personnage de Robinson Sucroë, est-ce quil y a dautres personnages qui vous ont frappée dans la série Robinson Sucroë?
R Cétait le contexte, le concept. Et comme jai dit, le personnage, en fait, principal, qui ma vraiment frappée.
Q Et quand vous dites le contexte, vous parlez de quoi?
R Le lieu.
Q Le lieu?
R Le concept de lémission. Le fait quil était... où il était.
Q Et il était où?
R Sur une île.
(Le Tribunal souligne).
Plusieurs années auparavant, soit le 1er février 2001, Champagne avait déclaré à la GRC :
Q66 Avez-vous des commentaires à ajouter?
R Oui. Mon adjointe, Madeleine Lévesque, ma fait part de sa réaction lorsque de retour du travail. Elle entra chez elle pour constater que ses enfants regardaient une émission de télévision. Elle sest assise avec ses enfants pour senquérir de ce quils regardaient et sexclama : « Claude Robinson a finalement fait son projet. » Elle avait vu tous les dessins à lépoque.
M. Claude Dagenais, dans le cadre de ses fonctions chez Hydro-Québec, a eu loccasion de travailler avec le demandeur, qui était à ce moment directeur artistique pigiste, et est devenu son ami. Il connaît le projet Curiosité et il témoigne de la similitude importante quil trouve entre Sucroë, Curiosité et le demandeur :
Me Lucas
Q Y avait-il un intérêt pour votre entreprise de poursuivre, en fait, le projet avec Claude Robinson?
R Claude nous la jamais offert, puis cétait clair pour lui quil nous a tout de suite dit : « On arrête ça là. » Ça, cétait ça. Mais, comment dire, cest un projet qui, à partir de la diffusion, il est devenu radioactif, cest pas compliqué. Cest un projet qui est devenu radioactif dans le sens que cétait clair que cétait tellement proche, le personnage quon a vu à la télé, on croyait que cétait Claude.
(Le Tribunal souligne)
Lorsque contre-interrogé par le procureur des défendeurs, il déclare :
Q Est-ce que vous avez fait des vérifications sur le fait que CINAR pourrait vous poursuivre? Est-ce que vous avez fait quelconque vérification relativement à ça?
R Comment dire, cétait tellement évident quand on a vu. Cétait Claude, limage. parce que vous, tantôt, je trouvais ça intéressant le débat que vous avez essayé douvrir. Limage que javais à la télé, là, cétait pas le personnage de Claude. Cétait Claude que je voyais. Ça fait que cétait très clair pour moi que si on allait de lavant, les deux personnages puis Claude, cétait tout attaché ensemble. Cétait un morceau. Ça fait que non, je nai pas fait de vérification, puis je ne pense pas que mon entreprise de toute façon aurait voulu investir à faire ces vérifications-là, cétait lévidence même.
Q O.K. Vous, vous navez fait aucune vérification à savoir si ce projet-là pouvait aller de lavant ou pas.
R Non.
Q C'est exact?
R Cétait pas lobjectif.
Q C'est exact. Quand vous dites que vous avez vu limage, vous parlez du personnage de Robinson Sucroé, cest ça?
R Le dessin.
Q Le dessin du personnage de Robinson Sucroé.
R Cétait vraiment Claude.
Q Pour vous, cétait le même visage que celui de Claude Robinson, c'est exact ?.
R Ça y ressemblait.
Q Puis cétait ce personnage-là?
R Vous parlez de Robinson, celui quon a vu, cest celui à la télé.
Q O.K. Cest lui.
R (inaudible) celui-là
LA COUR :
Quelle pièce?
Maître Lucas :
P-212-i2.
(...)
Q Donc quand vous regardez Robinson Sucroé en septembre 95, ce qui vous frappe quand vous dites : « C'est pareil, cest la face de Claude Robinson » et puis 212-i2, c'est ça?
R Cest la face de Claude Robinson et puis cest... c'est cas.
Q O.K.
R Cest plus que la face. Cest la physionomie au complet quon regardait. Un bedon comme Claude. Cétait vraiment comme Claude. Ça allait un petit peu plus loin.
Q O.k. Ça fait que ça va même au-delà de juste son visage. Tout son corps.
R Bien, en se comprenant que cest un personnage animé.
Q Parce que le personnage est petit.
R Oui, mais cest un personnage animé...
Q Oui.
R ... puis petit, là ça tombe assez intéressant parce que vous mavez jamais demandé ce que je faisais dans la vie. Je suis photographe. Ça fait quon peut faire passer les choses de manière différente selon le point de vue quon prend. Puis quand on fait le portrait dune personne, quand je regarde ça ici, ça peut très bien être le portrait de Claude. On peut...
Q Non, je comprends mais...
R ... cest la vision de la personne qui va faire les choses. O.K.?
Q Je comprends, monsieur.
R Mais c'est ça.
Q Mais ce que je vous ai dit, c'est que je vous ai dit : la face de Claude. puis là, vous mavez dit : « Pas juste la face »
R Pas juste la face.
Q Le reste du corps.
R Bien, je vous avais dit quil était un peu bedonnant, oui.
Q Alors il a une bedaine.
R Une bedaine.
Q Autre chose?
R Il y avait des éléments comme ça. Dans le détail, si vous voulez savoir si les ongles étaient pareils, puis si chacun des poils...
Q Vous ne vous en souvenez pas.
R ... là, on exagère. Je pense que cest pas... mais il y avait des éléments-clés. Dans ce que je voyais là, cétait Claude.
Q Donc Claude, lhomme.
R Cétait Claude, lhomme.
Q D'accord.
R Cétait Claude méchant.
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal ne peut quacquiescer à cette évaluation.
ii) Ressemblances des caractères
Boudeur. Le Dr Perraton affirme que Sucroë est boudeur tout comme Curiosité est décrit comme un boudeur professionnel. Mme Dansereau nie cette affirmation. La scène 18 de lépisode 10 la contredit, de même que le clip fournit par le Dr Perraton.
Caractère enfantin. Dr Perraton affirme que Sucroë a un caractère enfantin, sappuyant sur le fait que Mercredi déclare être un père pour lui et que Sucroë refuse de se laver, tout comme les enfants. Quant à Curiosité, il est décrit comme représentant lenfant-type.
Personnalité changeante. Le Dr Perraton affirme que Curiosité a une personnalité changeante. Il écrit que : « Robinson est le personnage avec la personnalité la moins stable. Son caractère est variable et parfois même contradictoire. Dans Sucroë, Robinson a aussi un caractère variable dont les deux extrêmes sont représentés par la mère et le père Sucroë... » À ce sujet, Mme Dansereau affirme quil sagit dune similitude de convention sans avoir de définition et reconnaît que la personnalité changeante est un déclencheur daction dans ce genre dépisode.
Robinson doit réaliser quil nest pas seul au monde. Le Dr Perraton affirme que les deux Robinson doivent réaliser quils ne sont pas seuls au monde et quils doivent saccorder avec ceux qui vivent dans leur entourage. Ils doivent tous deux apprendre à faire des compromis et entretenir des bonnes relations même si parfois ça leur semble difficile. Le Dr Perraton constate et souligne ce trait chez Curiosité. Quant à Sucroë, le Dr Perraton réfère au premier épisode où il sattendait à vivre seul sur une île pour effectuer ses reportages, alors que dans les faits, il devra vivre sur lîle avec les Touléjours et les pirates. Il ne pourra donc pas être seul au monde.
Robinson est maladroit. Ce trait de caractère est admis par les deux experts et Mme Dansereau ajoute que Sucroë est toujours maladroit.
Robinson est naïf. Mme Dansereau a fait grand état que Sucroë nétait pas naïf mais niais, ce que Quatu'Art a également constaté. Pour sa part, le Dr Perraton affirme que Sucroë est naïf et insouciant comme Curiosité. Sa démonstration est exacte. Or, beaucoup de verbiage, puisque ces mots sont synonymes selon Le Grand Druide. Le Dr Perraton écrit que les deux Robinson sont insouciants et, dans leur naïveté, écrivent des événements inédits et souvent loufoques.
Robinson est polyvalent. Curiosité peut exercer tous les métiers du monde dont journaliste et cinéaste. Quant à Sucroë, il exerçait le métier de balayeur avant dêtre promu journaliste. On le qualifie même das reporter.
Robinson est désordonné. Ce trait de caractère apparaît clairement aux pièces P-30 et P-56 et est démontré par le Dr Perraton. Il faut ajouter la scène où Sucroë, en manque dinspiration, lance un paquet de feuilles en boule, sans les mettre à la poubelle.
Robinson est curieux. Curiosité porte bien son nom : son principal trait de caractère est la curiosité tel quil appert de la description à la bible (P-27). Par contre, les scénarios illustrent dautres traits de caractère de Curiosité. Le Dr Perraton écrit que les deux Robinson font preuve de curiosité principalement en ce qui concerne la découverte de leur environnement. De son côté, Mme Dansereau reproche lexemple retenu au clip #7. Par contre, au dernier jour de son témoignage, le Dr Perraton indique un extrait où il est dit : « Ça va passionner Robinson », faisant appel à un esprit curieux. Effectivement, le premier exemple du Dr Perraton nétait pas concluant, mais le deuxième sen rapproche plus.
Concernant ce trait de caractère, Mme Dansereau écrit : « Dans lextrait élargi 1.1t : Dimanchemidi, enthousiasmé par le spécimen quil a découvert, provoque une curiosité chez le placide Robinson », elle qualifie cet exemple dinexact et ponctuel, que le Dr Perraton aurait transformé en caractère permanent.
Même sil ne sagit pas dun trait de caractère prédominant, Sucroë est très intéressé à découvrir le fonctionnement des pièges.
Robinson a de la difficulté à apprécier lhumour des autres. Bien que ce trait de caractère ait été nié par Mme Dansereau, le Tribunal le retrouve dans la démonstration du Dr Perraton lorsquil affirme que les deux Robinson samusent habituellement des blagues de Léon le caméléon ou de Petitevacances mais que parfois, ils ne trouvent pas à rire de lhumour des autres. Mme Dansereau conteste lexemple du Dr Perraton. Elle se trompe puisquon retrouve ce trait de caractère au scénario de lépisode 7, tandis que Curiosité est présenté comme étant parfois abusif ou impatient.
Robinson est tendre à ses heures. Les deux Robinson le sont. Sucroë lest aussi et Curiosité lest aux synopsis Le Fétiche (P-18) et Curieux pas curieux.
Robinson est parfois colérique et impatient envers les autres. Le Dr Perraton en fait une démonstration claire. Mme Dansereau reconnaît que Sucroë est toujours maladroit, colérique elle le qualifie dextrêmement colérique et de soupe au lait.
Robinson est généreux. Le Dr Perraton avance que les deux Robinson sont généreux sappuyant sur la scène où Sucroë vient libérer Gladys prisonnière dans le camp des pirates. Mme Dansereau réplique que ce nest pas par générosité quil veut libérer Gladys mais uniquement pour cacher son identité et éviter dêtre découvert. Le Tribunal retient plutôt la version du Dr Perraton.
Le Tribunal conclut à une similitude substantielle entre ces deux personnages.
9.1.2 Ressemblances entre Vendredi Férié et Mercredi
Quatu'Art décrit le personnage de Mercredi comme suit :
Personnalité attachante, Mercredi se présente comme « le sauveur » par excellence en toutes circonstances. Doté dune imagination et dune créativité sans limite, il sera pour Robinson un ami et un allié fidèle, la clef de chaque énigme et la réponse aux problèmes de tous les instants. Bonhomme grassouillet et jovial et bon vivant, aux cheveux dorés, bouclés et ébouriffés, vêtu dun simple maillot bleuté et un dun pantalon marine, il connaît tous les secrets de lîle et des lieux environnants.
Au fil des aventures, cest lui qui rédigera les articles de Robinson à sa place, des récits daventures et dépouvantes au sujet de lîle du Tourteau qui seront apportés par le Capitaine Boomy à Mr Floydd afin dêtre publiés dans le New York Herald... tout en éloignant les éventuels touristes.
i) Ressemblances graphiques
À la description de Quatu'Art, le Tribunal ajoute que Mercredi est de type caucasien et que le mercredi est un jour de congé pour les étudiants français.
Ce personnage sappelle Professeur Vendredi Férié dans Curiosité. En anglais, il se nomme Professor Friday Holiday. Il est un Afro-américain, corpulent, portant lunettes, sarrau et cravate. Il est dun âge indéfini mais quon pourrait dire du même groupe dâge que Mercredi. Il est un inventeur cultivé et érudit, que tout le monde aime écouter et il possède toutes les sciences du monde. À P-27, il est décrit comme lantithèse du Vendredi classique.
Mme Dansereau écrit que la forte corpulence est chose courante chez les personnages dans les émissions pour enfants où elle associe rondeur à douceur et chaleur. Pourtant, sa théorie ne sapplique pas à Duresoirée et Boum Boum. Elle reconnaît par contre cette similitude comme étant ténue et non significative. Les deux personnages sont des personnages principaux dans les deux uvres.
ii) Ressemblances des caractères
Le Dr Perraton résume ainsi le personnage de Vendredi Férié face à Mercredi
4.1.2 Vendredi Férié et Mercredi représentent la figure paternelle de la série. Lun et lautre incarnent le personnage vers lequel les autres se tournent lorsquun problème surgit. Grâce à leur intelligence et à leur ingéniosité, ils ont réponse à tout et trouvent des solutions à tous les problèmes, particulièrement lorsquil sagit de créer de nouvelles inventions. Comme de vrais professeurs, ils sont bons pédagogues ; ils sexpriment bien et ont la patience quil faut pour faire comprendre leurs idées. De nature calme, ils essaient de ne pas sauter trop vite aux conclusions et demeurent bienveillants avec les autres, surtout avec Robinson avec qui ils partagent une relation particulière. Robinson est leur complice, mais aussi leur assistant, leur élève et leur bon ami.
Le personnage est intelligent, savant et ingénieux Cette caractéristique se retrouve dans tous les épisodes. Mercredi invente des pièges de toutes sortes pour protéger Sucroë, il conçoit une poudre à canon spéciale, prend une plante carnivore et en fait un piège qui senroule autour des bras des intrus et les propulse dans les airs, utilise des pièges activés par des interrupteurs manifestement électriques, invente une catapulte. Pour sa part, Vendredi Férié invente le laryngophonix un appareil de communication traduisant les sons des animaux en sons humains et en français, et une machine à voyager dans le temps.
Mercredi conçoit un moyen de transport propulsé par un canon alors que Vendredi Férié conçoit un moyen de transport sur lîle propulsé par de lalcool de bananes.
Mme Dansereau tente de minimiser les inventions de Mercredi en le réduisant à un inventeur de pièges, un génial bricoleur, roi des pièges et du camouflage et de la stratégie. Quant à Vendredi Férié, elle le qualifie de responsable dinventions scientifiques.
Pour sa part, le Tribunal trouve que ce trait de caractère est fort similaire chez ces deux personnages.
Le personnage est érudit et sexprime bien. Vendredi Férié est un érudit et il sexprime bien. Mme Dansereau décrit Mercredi comme ayant plutôt une imagination débordante versus Vendredi Férié qui a une culture dérudit. Pourtant, dans son rapport, elle affirme que Mercredi est éduqué, adulte et pédagogue. Mme Dansereau admet la similitude dans le parler de Mercredi versus Vendredi Férié. Elle reconnaît que tous les personnages de Robinson Sucroë sexpriment bien. Le Tribunal retient cette similarité.
Le personnage est pédagogue. Vendredi Férié a un bon sens pédagogique tout comme Sucroë, tel que confirmé par le Dr Perraton. Mme Dansereau dit plutôt que Mercredi est stratège. Le Tribunal retient la position du Dr Perraton et il apparaît clairement au visionnage des émissions que Mercredi a un rôle de pédagogue dans la série. À titre dexemple, lorsquil enseigne le fonctionnement de ses pièges.
Robinson est lassistant et le collaborateur du personnage. Le Dr Perraton écrit que Robinson est lélève et lassistant de Vendredi Férié et de Mercredi. Il les assiste dans leurs projets. Il peut arriver que la situation sinverse, montrant combien ils sont de véritables collaborateurs. Cest alors au tour de Vendredi Férié et de Mercredi daider Robinson à réaliser ses idées, plans et projets.
Mme Dansereau déclare quil sagit dune relation égalitaire. Par contre, Quatu'Art dit quils sont de fidèles amis et le Tribunal est du même avis. La chimie lie les deux personnages.
Le personnage est bienveillant et calme. Le Tribunal retient cette similarité ayant constaté cette caractéristique tout au long des épisodes. Vendredi Férié est une personne calme, tout comme Mercredi.
Le personnage est celui qui trouve des solutions aux problèmes. Dans le scénario La maladie du réveil, Vendredi Férié identifie les symptômes de la maladie du Paresseux et trouve une solution pour le guérir par linjection de mouches tsé-tsé lui permettant de redevenir paresseux et de pouvoir dormir. Quant à Mercredi, il trouve une solution au problème de la présence de Brisk, soit par lusage de ses pièges ou de ses inventions telles que ses chaussures gonflables. Il aide Robinson à se cacher, à se sauver, tout comme le fait Vendredi Férié.
Le personnage est paternaliste avec Robinson. Dans le scénario Le fétiche, Vendredi Férié console Robinson et le rassure sur ses peurs. Il est paternaliste à son endroit, tout comme Mercredi qui remonte le moral à Robinson en lui disant quil est presque un père pour lui.
Mme Dansereau se rabat sur le caractère égalitaire des deux personnages mais le Tribunal y voit plus dans cette relation damitié une relation dominante de la part de Mercredi, tout comme Vendredi Férié lest dans Curiosité.
Bien sûr, les deux personnages ne sont pas vêtus de la même façon mais il nen demeure pas moins que leurs caractéristiques sont frappantes et le Tribunal retient la conclusion du Dr Perraton voulant que le personnage de Mercredi soit une reprise de Vendredi Férié.
Soulignons que le mercredi est un jour de congé pour les écoliers en France, alors que dans Curiosité, le personnage sappelle Vendredi Férié. Quel hasard !
Le Tribunal conclut à une similitude substantielle entre ces deux personnages.
9.1.3 Ressemblances entre Boum Boum et Duresoirée alias Hildegarde Van Boum Boum
SHAPE \* MERGEFORMAT
i) Ressemblances graphiques
Un personnage physiquement gros. Duresoirée, de son vrai nom, Hildegarde Van Boum Boum, est décrite par QuatuArt comme ayant un caractère très difficile, elle se montre désagréable, désobligeante, vaniteuse, autoritaire, soupe au lait. Bref, tout ce quil faut pour être détestée de tous, sauf de son mari, qui semble avoir peur delle. Or, elle est aussi une excellente cuisinière. Dans toute sa rondeur déployée, plus en largeur quen longueur, voici la description quen a faite QuatuArt .
DURESOIRÉE Femme de Dimanchemidi, et mère de Petitevacance et de Aubedulundi, Duresoirée est reconnue pour ses piètres talents de chanteuse qui lui ont valus dêtre la cause du naufrage du navire des Touléjours. En effet, la voix de Duresoirée déclencha dix ans plus tôt un orage en pleine collaboration qui fit échouer le navire et tous ses passagers sur lîle du Tourteau... où tous décidèrent de sinstaller pour de bon.
Duresoirée possède un caractère très difficile. En tout temps, elle se montre désagréable, désobligeante, vaniteuse, autoritaire, soupe au lait... bref tout ce quil faut pour être détestée de tous, sauf de son mari qui semble avoir peur delle. Or, elle est aussi une excellente cuisinière, voire même hors pair, et fait la cuisine pour tous les habitants du village. Une vraie bénédiction quoi... mais hélas ce don senvolera à partir de lémission 23 (sans que lon sache pourquoi!).
Dans toute sa rondeur déployée plus en largeur quen longueur, Duresoirée shabille dune simple robe lilas sans manche et sans collaboration, rehaussée dun collier doré et dune coiffe bleue en forme de plumeau, avec pour tout maquillage un soupçon de rouge sur ses lèvres pulpeuses. Au village, elle prend beaucoup de place et adore gueuler presque autant que chanter!
Rappelons-nous que dans le premier synopsis de Mirleau, Duresoirée était un pachyderme. Son aspect physique est celui dune grosse femme, alors que Boum Boum, lui, se trouve trop gros. Le dessin nous la montre dans toute sa rondeur déployée. Boum Boum joue au cuisinier dans lépisode Boum Boum au grand resto, alors que Duresoirée est réputée comme cuisinière dont les services sont appréciés.
Or, le nom de Gertrude Van Boum Boum est particulièrement similaire au nom choisi par le demandeur pour deux de ses personnages, savoir : Gertrude et Boum Boum.
Dans Curiosité, Boum Boum est un animal (éléphant) alors que dans Sucroë, Duresoirée est humaine.
ii) Ressemblances des caractères
Un personnage susceptible, irritable, émotif. Duresoirée est susceptible et irritable, tout comme Boum Boum lest, tel que le décrit le Dr Perraton. Les deux font des colères qui ressemblent à des tremblements de terre. Les deux sont émotifs et les deux ont une relation potentiellement conflictuelle avec Robinson.À titre dexemple, Boum Boum se fâche contre Robinson dans le scénario Curiosité ouvre son agence de publicité. Dans Sucroë, Duresoirée se retrouve régulièrement vexée et fâchée lorsque Robinson oublie de la saluer. Les deux personnages ont de lamitié pour Robinson. Les deux cherchent à faire reconnaître leurs talents, Duresoirée est heureuse que Brisk reconnaisse son talent de chanteuse, alors que dans Curiosité se lance au cinéma, Boum Boum désire devenir un grand acteur.
Le personnage de Boum Boum est également redoublé dans celui de Gertrude Van Boum Boum, la mère de Hildegarde Van Boum Boum. Elle est plantureuse et rondelette dans toutes ses formes.
iii) Le cheminement du pachyderme
Pendant son témoignage à Paris, Mirleau a indiqué au Tribunal quil a changé dordinateur à maintes reprises, de sorte quil na pas pu conserver intégralement les fichiers qui concernent notre affaire. Cependant, le Tribunal a été à même de constater le malaise et linconfort éprouvés par ce témoin lorsquil a déposé des documents issus des quelques notes quil a réussi à récupérer de son actuel ordinateur.
Il lui est impossible de donner une date de création au synopsis quil dépose La course au trésor, car celui-ci aurait survécu à ses nombreux changements dordinateur.
Selon lui, ce document a évolué et des corrections y ont été apportées, de sorte que la date qui y apparaît nest pas la date réelle de création.
Cependant, à sa lecture, le Tribunal constate lexistence du personnage dUglyston. Donc ce synopsis doit forcément être postérieur à larrivée du scénariste Haillard puisque le premier contrat de celui-ci remonte au 7 mai 1993 et quil nous a affirmé avoir participé à la création du personnage dUglyston.
Il faut savoir que mai 1993 est une date postérieure à lintervention de Sander et de Charest.
Il est intéressant de lire lextrait suivant de ce synopsis La course au trésor :
Qui sait, peut-être nest-ce pas lui qui écrit ses aventures? Uglyson nen veut pour preuve que les sobriquets ridicules dont Robinson affuble les animaux quil est parvenu à domestiquer : Dimanchemidi, son iguane fétiche, Aubedulundi, son oiseau de paradis et jusquà un gros pachiderme (sic) velu qui lui sert de bête de somme et quil a baptisé Duresoirée. Robinson na pas assez dimagination pour inventer de pareilles sornettes.
(Le Tribunal souligne)
Ny aurait-il pas dans cet extrait un clin dil à Izard, très révélateur aux yeux du Tribunal?
Et quen est-il de ces deux personnages Dimanchemidi et Duresoirée? Mirleau identifie Dimanchemidi à un iguane mais dans la version finale de Sucroë, il devient un humain. Or, dans Curiosité, le personnage de Léon est un caméléon. Deux personnages reliés à la famille des lézards.
On retrouve aussi dans Curiosité, léléphant Boum Boum dont le demandeur dit dans le synopsis : « Mais ma foi, ce pachiderme (sic) parle ».
Mais, on nen reste pas là. Ce gros pachyderme, selon Mirleau dans son synopsis La course au trésor, se nomme Duresoirée, nom de baptême octroyé par Sucroë. Mirleau écrit que même Uglyston trouve ce nom ridicule. Or, dans la série, le gros personnage qui a les caractéristiques de Boum Boum devient humain et sappelle Duresoirée. Cest donc dire quon a personnifié léléphant à partir des mêmes caractéristiques.
Qui plus est, Mirleau reproduit la faute dorthographe commise par le demandeur au mot « pachyderme » en écrivant la lettre « i » plutôt que « y ». Pure coïncidence? Et il a laudace de jurer devant le Tribunal ne jamais avoir eu accès aux documents du demandeur.
Il y a plus. Non seulement il y a ce reptile associé à Dimanchemidi, et Duresoirée associée à léléphant, mais que penser du nom de la mère de Duresoirée qui est une cantatrice de forte stature? On lui donne le nom de Gertrude Van Boum Boum. Il faut se rappeler quIzard a demandé à Mirleau de lui confirmer par écrit lorigine du nom de ce personnage. Et un des personnages principaux de Curiosité sappelle Gertrude de Grandmaison. Et dans les scénarios et synopsis, il ny a toujours que Gertrude et Boum Boum léléphant. Quelle similitude ! Il ny a pas de hasard. Il sagit bel et bien dune reprise, et de léléphant, et des noms.
À la lecture du synopsis La belle captive, le Tribunal constate quil porte la date du 21 octobre 1992. Or, il est impossible que ce document ait existé à cette date parce quà cette époque : a) Duresoirée nétait pas encore un personnage humain; b) Uglyston nexistait pas encore, Mercredi non plus; c) il est question de Petitevacances alors quon sait que ce personnage est arrivé plus tard dans la série de laveu même de Mirleau dans son témoignage du 3 décembre 2008 :
M. Mirleau.- Je me souviens que, pour Petitevacances, Christophe nous a dit « on est obligé d'avoir des personnages enfantins dans la série », alors que l'on avait déjà écrit quelques textes, très concrètement. Il a donc fallu rechanger, et cela explique dailleurs un certain nombre de versions sur les premiers épisodes, en y repensant. Effectivement, les personnages de Petitevacances et du petit garçon dont jai oublié le nom sont apparus plus tardivement dans la série, très nettement.
Me Lefebvre.- Savez-vous dans quelle circonstance ?
M. Mirleau.- Il me semble que c'est à la demande des partenaires canadiens.
Le Tribunal conclut quil existe une similitude substantielle entre ces deux personnages de Duresoirée et de Boum Boum.
9.1.4 Ressemblances entre Gertrude et Gladys
i) Ressemblances graphiques
Le personnage de Gertrude, selon le Dr Perraton, est repris dans celui de Gladys. Il dit quelles se ressemblent en ce quelles sont jeunes, jolies, grandes, minces et élégantes. Elles ont toutes les deux des taches de rousseur.
ii) Ressemblances des caractères
Elles sont des femmes de caractère qui savent ce quelles veulent, aux idées bien précises et mettent tous les efforts pour les mener à terme. Indépendantes et autonomes, elles voyagent. Le grand cur et la compassion de Gertrude lui permettent de toujours tirer une leçon positive des événements et elle se fait volontiers défenderesse des opprimés. Quant à Gladys, on la retrouve à lépisode 6, pleine de compassion, elle est charmée par les Touléjours et se fait complice de bon gré de Robinson affirmant que son père nen saurait rien. Elle a le même trait de caractère lorsque comme Gertrude, elle hausse la voix à loccasion sans perdre le contrôle de ses actes.
Les deux sont grandes et déterminées, Gladys en se rendant sur lîle pour chercher Robinson et Gertrude pour devenir la chef de lîle lors des élections.
Le Tribunal ne retient pas laffirmation du Dr Perraton que les deux sont organisatrices. Quant à la caractéristique quelles sont voyageuses, et puisque Gladys a un rôle très limité, il est vrai quelle part en voyage sur lîle du Tourteau alors que dans le scénario Le fétiche, on sait que Gertrude part pour le continent dans lavion de Charlie.
Gladys est tout de même un personnage secondaire dans Sucroë.
9.1.5 Ressemblances entre Charlie le pilote et Courtecuisse
i) Ressemblances graphiques
Quatu'Art décrit Courtecuisse de la façon suivante : pirate bourru par excellence avec ses expressions du type « Mille milliards descopettes rouillées ». Il est un homme taciturne, au visage mal rasé et au regard louche dont le caractère bouillant et imbu de lui-même le met toujours dans des situations inextricables, se plaisant à simaginer le pirate parmi les pirates du monde. Le chef des pirates français incite régulièrement ses hommes à se battre en son nom pour son honneur ou pour toutes autres raisons plus farfelues les unes que les autres. Il est bedonnant, ronflant et lennemi tant de Robinson que des pirates anglais.
ii) Ressemblances des caractères
Charlie et Courtecuisse représentent tous deux un personnage négligé. Leur barbe est mal rasée et Courtecuisse mange en se laissant de la nourriture autour de la bouche. Ils dégagent des odeurs nauséabondes. Ils ont des goûts alimentaires et culinaires étranges que certains trouvent dégoûtants. Alors que Courtecuisse aime la soupe au camembert, Charlie, lui, a au menu un ragoût aux petits pois verts charlinois. Charlie est qualifié de bourru tout comme Courtecuisse. Charlie perd ses moyens devant Gertrude et devant Duresoirée, Courtecuisse se met à bégayer et devant Duresoirée, il perd son caractère bourru et ramollit. Il a peur de Duresoirée. Charlie est un pilote alors que Courtecuisse est le capitaine du navire échoué des pirates français. Les deux sont des célibataires maladroits. Courtecuisse est attiré par Aubedulundi, alors que Charlie, le pilote, devient un « célibataire ramolli » à la seule vue de Gertrude. Les deux ont le même aspect physique : mal rasés et tenue débraillée. Les deux sont aux commandes dun moyen de transport, soit pilote ou capitaine de bateau.
Le Tribunal conclut à une similitude substantielle entre ces deux personnages.
9.1.6 Ressemblances entre Léon le caméléon et Petitevacances
i) Ressemblances graphiques
Graphiquement, on ne peut dire que ces deux personnages se rapprochent, Léon étant un animal et Petitevacances, une fillette.
ii) Ressemblances des caractères
Le personnage est joueur de tours et se déguise pour jouer ses tours. Petitevacances est décrite comme une petite peste. Quatu'Art la décrit en ces termes : « Elle possède tous les défauts et le peu de qualités de sa mère Duresoirée, mises à part sa bonne humeur et son espièglerie, allant du fusil à leau à toutes sortes dautres tours pendables. Elle est reconnue pour ses tours fumants. Elle est agréable et vive desprit. ».
Curiosité décrit Léon le caméléon comme ayant la particularité de se métamorphoser en prenant des formes diverses et inusitées. Les objets dont il épouse les formes lui permettent de faire comprendre ses états desprit donnant lieu à un petit jeu de charade. Il se sert de ses métamorphoses pour jouer des tours. Il est facile à reconnaître malgré ses déguisements car tous les objets sont comme lui, tachetés.
Dans Curiosité, Léon le caméléon a un sens de lhumour qui na dégale que la longueur de sa langue. Curiosité ajoute le trait de caractère suivant : en plus de changer de couleur, il prend la forme quil désire, tirant la langue et riant fort grassement. Ce joyeux farceur répondant au nom de Léon aura tôt fait de dérider les plus stoïques. Tout comme PetiteVacances.
Petitevacances utilise plusieurs déguisements, tire la langue après ses espiègleries tout comme Léon.
Le personnage se porte à laide de Robinson. Tant Léon le caméléon que Petitevacances se portent à laide de Robinson tel que le démontre le Dr Perraton.
Les deux personnages se ressemblent quant à leurs interventions et à la place quils occupent dans lhistoire.
Le Tribunal conclut à une similitude substantielle entre ces deux personnages.
9.1.7 Ressemblances entre le Paresseux et Dimanchemidi
i) Ressemblances graphiques
Le Paresseux est un animal dans Curiosité et Dimanchemidi est un humain dans Sucroë.
Quatu'Art définit Dimanchemidi comme suit :
« Grand chef et rassembleur des habitants de lîle du Tourteau, les Touléjours, Dimanchemidi est présenté comme un homme avenant, calme, doux et complaisant, tout le contraire de sa femme Duresoirée.
Souvent, Dimanchemidi officiera comme porte-parole ou médiateur auprès des Touléjours ou des pirates. Et, chaque fois, il aura à ramasser les « pots cassés » de sa tendre moitié, en plus dessayer en vain de convaincre celle-ci que Robinson est amical.
ii) Ressemblances des caractères
Le personnage lutte contre le sommeil ou dort carrément. Autre personnage animal dans Curiosité. Sa première caractéristique est quil a des mouvements très lents et il éloigne le travail. Pour lui, le sommeil est dor et ses propres mouvements le dépassent. Il réussit à sendormir rapidement. Son parler est lent. Sa bouche est pâteuse et son air glauque. Ami, confident et souffre-douleur de Robinson. Il aime beaucoup la musique classique et porte un walkman. Il se compare à Dimanchemidi, personnage endormi et flemmard. Le Dr Perraton décrit Dimanchemidi comme un personnage avec les yeux à moitié ouverts comme le Paresseux. Il lutte contre le sommeil et le démontre par lépisode du Concours de sieste où il joue le rôle de larbitre et est incapable de résister au sommeil et sendort. Il choisit de toujours dormir et dort même pendant le spectacle de Duresoirée, son épouse.
Le personnage est paresseux. Dimanchemidi est carrément paresseux, sexprime lentement et est toujours assis à ne rien faire, malgré quil soit le chef des Touléjours. Quant au Paresseux, il est élu ministre du Travail et il affiche en permanence le même sourire que Dimanchemidi.
Le Tribunal conclut quil y a reprise substantielle du Paresseux dans le personnage de Dimanchemidi.
9.1.8 Ressemblances entre Général Schloup et Capitaine Brisk
Mme Dansereau dit que le Général Schloup est un fourbe de grande classe et nest pas décrit comme un habitant de lîle et quil napparaît que dans « Robinson Curiosité, projet de film » qui relate une aventure dans la vallée des Kalimaliens. Elle ajoute quil est étranger à Curiosité. Rappelons que le Tribunal a déjà statué que le projet de film, une uvre en soi, fait partie de lensemble de luvre de Curiosité.
Quatu'Art définit Capitaine Brisk comme suit :
Très coloré, ce personnage on ne peut plus British, qui est tout de même un vulgaire pirate. Hautain, voleur, prétentieux, obséquieux, il fera tout afin dobtenir le bien dautrui, y compris celui de Courtecuisse et les hommes de lautre clan. Toutes les occasions et les raisons sont bonnes à ses yeux pour déclencher une dispute ou même une guerre avec tout ennemi qui se présente.
Fier et distingué dans son costume dapparat anglais typique dun rouge flamboyant, le Capitaine Brisk dans toute sa maigreur et son flegme britannique, lissant sa fine moustache ou ajustant son tricorne sur sa perruque poudrée, fait suer tous ses sujets en les inondant de verbiages ponctués daccent british... accent quil perdra dailleurs tout à coup au cours dune émission (pourquoi??).
Le Dr Perraton relève les similitudes suivantes entre les deux personnages :
Les deux sont grands, minces et élégants, un visage allongé et les joues creuses;
Les deux sont malhonnêtes;
Les deux aiment diriger leur personnel et donner des ordres.
Le Tribunal est daccord avec le Dr Perraton et conclut quil y a reprise substantielle du Général Schloup dans le personnage de Brisk.
9.1.9 Le redoublement des personnages
Gertrude et Aubedulundi. Le Dr Perraton écrit dans son rapport que le personnage de Gertrude a été repris dans celui dAubedulundi puisquelle reprend ses caractéristiques. Elles sont deux jolies femmes, élégantes, minces et grandes, ayant du caractère, indépendantes et autonomes.
Quatu'Art la décrit comme suit :
Jeune adulte racée et élégante. Est née de Dimanchemidi et de Duresoirée. Cest elle qui apporte une bouée de sauvetage de bienvenue et de paix à Robinson. Douce, réservée et tranquille, son charme lui attirera quelques intérêts de la part de ses congénères mais lui causera aussi quelques tourments particuliers de la part dUglyston et des pirates.
Quatu'Art oublie la demande en mariage de Courtecuisse. Le Tribunal conclut à la similitude de ces personnages.
Léon le caméléon et Little Jim. Le Dr Perraton écrit que le personnage de Léon le caméléon a été redoublé en celui de Little Jim en ce quil est un autre petit personnage espiègle qui affectionne particulièrement les déguisements. Il se métamorphose en prenant réellement laspect de lobjet de son déguisement. Et tout comme Petitevacances et Léon le caméléon, cest davantage à Robinson quà toute autre personne que ses taquineries sadressent. Il lui joue des tours mais il est toujours là pour lui apporter son aide. Il est en parfaite complicité avec Petitevacances dans toutes ses opérations.
Le Tribunal conclut à leur similitude.
Le Paresseux et Capitaine Boomy. Le Dr Perraton écrit que :
Boomy est aussi endormi et flemmard que le sont Paresseux et Dimanchemidi. Les yeux mi-ouverts, il reste souvent à ne rien faire quand il ne dort tout simplement pas. En fait, il adore dormir et a de la difficulté à rester éveillé. Cette paresse est perceptible de bien des façons. Leur corps lexprime de toutes les manières : que ce soit dans leur posture ou dans leur façon de parler, lente et pâteuse.
Boomy dort la majorité de ses apparitions, même lorsquil est à la barre du bateau ou lorsque Uglyston lui crie dans les oreilles ou lorsquil sendort en lisant sur son bateau.
Mme Dansereau nie le redoublement car elle nie la reprise et elle trouve la démonstration particulièrement difficile. Dans son rapport, elle écrit :
Que « Robinson... [soit] le personnage central, celui par qui tous les autres personnages sidentifient et prennent tout leur sens dans le récit... [et que] sans la présence signifiante de Robinson, [les autres] nauraient aucun contact entre eux », c'est la « dynamique scénaristique » de 90 % des émissions de fiction pour enfants, dynamique simplissime (sic) et efficace.
(Le Tribunal souligne)
De plus, elle reconnaît comme une demi-vérité laffirmation du Dr Perraton que « le caractère des personnages détermine les rapports quils entretiennent entre eux et donne tout son sens à Robinson Curiosité et au développement des émissions de la série Sucroë. ».
Le Tribunal conclut à leur similitude.
9.2 LES LIEUX LENVIRONNEMENT
9.2.1 Les maisons
La maison. Quatu'Art décrit la maison de Sucroë comme suit :
Cette maison est un immense bungalow en forme de « L », rehaussé dun observatoire conique (muni dune lunette dapproche et protégé par un dôme rétractable) et dun mince tuyau servant de cheminée.
Quatu'Art aurait dû ajouter que la maison est également éclairée par un il-de-buf quon décèle aisément en examinant les dessins des personnages et décors élaborés par France Animation. Or, on retrouve justement dans les documents que le demandeur a remis à CINAR le dessin de la maison de Robinson en forme de « L », munie dun observatoire avec une ouverture pour le télescope et dun il-de-buf.
La maison de Robinson est omniprésente dans la série.
Lobservateur moyen en arrive facilement à la conclusion quil sagit là dune similitude substantielle qui ne découle pas du hasard mais bien dune imitation à peine déguisée par les défendeurs.
Un dessin de la façade de maison dans Curiosité se retrouve substantiellement reproduit dans la façade de la maison de Sucroë. Sur les deux maisons en forme de « L », on y retrouve lobservatoire et la tour du côté gauche et, à proximité, un potager.
Les défendeurs plaident que le dessin de la maison en « L » ne représente pas la maison de Robinson mais celle de Vendredi. Que ce soit lune ou lautre, cet argument nest pas pertinent puisquil sagit du dessin de la maison dun des principaux personnages. Le rôle du Tribunal est de déterminer par un simple examen visuel si le dessin est substantiellement repris dans Sucroë, ce qui est le cas.
La tour dobservation. Pour ce qui est de la tour dobservation, les défendeurs ont cherché à faire une différence entre observatoire et tour dobservation. Encore là, ils échouent car on y retrouve les mêmes éléments, soit le toit ouvrant et le télescope ou une lunette dapproche pour Sucroë.
Le Tribunal na aucune hésitation à conclure que le dessin de la maison en « L » et de la tour d'observation ont été substantiellement repris.
9.2.2 Le décor
Les deux uvres se déroulent sur une île des mers du Sud en forme de crabe et ayant une plage en demi-lune. Une végétation abondante sy trouve composée dune multitude de variétés de plantes et de fleurs et sy trouve aussi une faune constituée de nombreuses espèces. Il y a un volcan et une île voisine. Ces similitudes peuvent aisément être reliées à une source dinspiration commune, soit Robinson Crusoé, que les défendeurs veulent soustraire de lensemble des similitudes.
Sil sagissait des seules similitudes entre les deux oeuvres, le Tribunal ne pourrait certainement pas conclure à un plagiat Mais elles seront tout de même considérées comme des similitudes mineures.
La plante carnivore. Dans son témoignage et son rapport, le Dr Perraton relève la présentation comparable de la plante carnivore dans les deux uvres et y voit une similitude entre la plante carnivore de Curiosité et la plante piège de Sucroë. Il relie même la plante de la 14e émission à celle du synopsis de Curiosité : Une fleur gourmande.
9.2.3 La grotte
Dans Curiosité, un thème avait été annoncé : la grotte hantée. Dans Sucroë, on retrouve une grotte hantée. Dans Curiosité, Vendredi Férié a une grotte qui lui sert de laboratoire alors que dans Sucroë Mercredi a une grotte où y circule le train souterrain en cas dévacuation précipitée.
Les défendeurs plaident que la grotte représente seulement une idée exprimée par le demandeur bien que sa grotte soit également illustrée par un dessin. Il nen demeure pas moins que cette similitude doit être soulignée.
9.2.4 Les véhicules
Le cerf-volant. Au visionnage de lémission 16, alors que Sucroë utilise un cerf-volant géant, celui-ci reproduit le même bruit que celui dun avion. Ce dessin ressemble étrangement à celui du demandeur.
Le sous-marin. Dans Curiosité, le demandeur dessine un sous-marin dont le périscope est muni de deux yeux. Or, le sous-marin de Sucroë reprend cette même caractéristique.
Nest-ce pas étonnant de retrouver cette similitude distinctive?
Le scooter des mers. Quant au scooter des mers de Curiosité quon retrouve à la première page de la pièce P-27, une similitude existe avec la photo 2.6c du rapport Perraton où Mercredi conduit son engin non pas en pédalant mais propulsé par un moteur quon entend lors du visionnage de lémission # 15.
Les rails. Le synopsis de Curiosité intitulé : Professeur Férié invente un moyen de transport sur lîle explique la présence de rails et dun métro qui passe sous les maisons. On reprend dans une forme similaire le train utilisé dans Sucroë.
Les bananes. Dans Curiosité, au scénario Curiosité ouvre son agence de publicité, Boum Boum mange une quantité impressionnante de bananes et le fait aussi dans le scénario Transport sur lîle. Dans Sucroë, Robinson mange abondamment, et en quantité, des bananes, celles-ci étant omniprésentes sur lîle.
Les bananes sont quand même une similitude mineure compte tenu des lieux où se déroule lhistoire.
9.2.5 Les animaux
Le lézard géant (ou dinosaure). Il existe une similitude intéressante mais non supportée par un scénario ou un synopsis dans Curiosité lorsquun lézard géant menace dun côté Robinson et, de lautre, le pirate, ceci dans le même angle et le même profil du lézard.
9.3 LES ÉLÉMENTS SCÉNARISTIQUES
9.3.1 Le journal
Le demandeur établit un parallèle entre le journal promotionnel quil a édité pour le salon du MIP-TV 87 qui montre à sa première page, sur deux colonnes, un dessin de Curiosité et la première édition du New York Herald où Sucroë apparaît. Le New York Herald publie sur quatre colonnes et la photo de Sucroë sur deux colonnes, cette fois-ci à gauche.
Les défendeurs veulent minimiser limpact du journal sous prétexte que Curiosité nest pas journaliste..
Le Tribunal retient cette comparaison comme étant une similitude valable bien quelle nait pas été développée dans des scénarios, sauf aux deux thèmes qui sont annoncés, soit Robinson écrit ses mémoires et Boum Boum au restaurant, dans lequel on demande à Boum Boum de confier la rédaction de la chronique du gourmet dans le journal local. Rien naurait empêché le demandeur de se servir du journal comme élément scénaristique au moment de la production.
Le Tribunal ne partage pas lopinion du Dr Perraton lorsquil prétend que dans Curiosité, tout tourne autour du journal, principal élément dexpression, contrairement à Sucroë où la préparation et lenvoi des articles de journal constituent un lélément scénaristique important.
9.3.2 Le logo
Dans son rapport dexpertise, le Dr Perraton écrit :
Le logo reprend un autre élément important de lidentification et de la promotion du projet Robinson Curiosité. Dans Robinson Curiosité, lÎle Curieuse est plus quune île déserte, cest aussi une entité à part entière, c'est-à-dire le lieu principal du déroulement de laction des personnages et une entreprise dont on fait la promotion. LÎle Curieuse appartient au concept qui chapeaute toute une série de produits dérivés (par exemple, une série télé, des cahiers à colorier, des accessoires de tout genre, etc.). Le logo identifie le projet et lensemble de ces produits. Cest pour ainsi dire limage de marque du projet. Or, cest exactement ce que reprend la série Sucroë : non seulement lidée, mais le concept au sens quon lui donne en design et en marketing (« définition dun produit par rapport à sa cible »), c'est-à-dire le parapluie sous lequel une série de produits et services sont offerts. Dans lémission #25, le logo sert à identifier lentreprise touristique de Uglyston, à représenter le lieu de destination vacances, le lieu où se trouve le personnage que lon veut observer de près, bref : un élément de promotion pour une série de produits et services. Le logo donne une idée à lîle dite « déserte » et lui confère un statut commercial.
Il est intéressant de noter que le logo a été repris sur le devant du bateau, le moyen de transport offert aux touristes dans Sucroë, alors que dans Curiosité, le demandeur la affiché sur le devant de lavion.
9.3.3 La poste
Dans Curiosité et dans les bandes dessinées du demandeur, on retrouve comme blague récurrente que Robinson reçoit sur la tête le courrier en provenance de lavion de Charlie. Or, à chaque épisode de Sucroë, divers personnages sur le bateau reçoivent à tour de rôle la bouteille qui contient les articles de Robinson, laquelle est expédiée à laide dun bâton de golf.
9.3.4 Les déguisements
Dans Curiosité, Léon le caméléon se déguise pour jouer des tours, ce que font abondamment Petitevacances et Little Jim dans Sucroë, sous leurs déguisements de lion, de pirate ou de crocodile.
9.3.5 Les colères
Les colères de Boum Boum dans Curiosité sont reprises par celles de Duresoirée et de sa mère, Hildegarde Van Boum Boum.
9.3.6 Le vacarme
Le Dr Perraton ajoute la similitude du vacarme que les habitants de lîle ne veulent pas entendre. À titre dexemple : Duresoirée qui chante au grand malheur des insulaires ou Petitevacances qui chante aussi mal que sa mère et fait fuir les pirates. Dans Curiosité, Boum Boum se met des bananes dans les oreilles pour ne pas entendre de bruit. Il y a une scène similaire dans Sucroë où Brisk a des bananes dans les oreilles pour ne pas entendre de bruit. Ce dernier exemple convainc le Tribunal quil y a là une similitude.
9.3.7 Les contacts avec lextérieur
Dans Curiosité, les contacts avec lextérieur sont constants, soit par le ravitaillement de Charlie, soit par les transports de voyageurs. À titre dexemples, Gertrude qui donne une conférence aux Nations-Unies ou les nombreux voyages annoncés dans les différents pays dans les thèmes.
Dans Sucroë, rappelons quil y a des contacts constants avec lextérieur par le bateau de Boomy qui fait la navette entre New York et lÎle du Tourteau pour prendre livraison régulièrement des articles de Robinson et amener occasionnellement divers personnages sur lîle, tels que Gladys. Il y a aussi dans lépisode Adieu Robinson, où Sucroë qui se rend à New York pour rencontrer le propriétaire du journal, Floydd.
9.4 LES ANACHRONISMES
Le Dr Perraton a relevé un nombre important danachronismes quil énumère dans son rapport, soit plus dune trentaine.
Pourtant, dans la bible de Sucroë, il est clairement indiqué que les dessinateurs doivent éviter à tout prix les anachronismes. On y lit les mots : « Les anachronismes sont à éviter.»
Ceci étant, malgré la similitude temporelle démontrée par les anachronismes dans les uvres Curiosité et Sucroë, ceux-ci ne peuvent être considérés par le Tribunal comme des similitudes utiles dans son évaluation.
9.5 LES THÈMES
Le Tribunal doit rejeter les ressemblances aux thèmes des synopsis de Sucroë puisquil sagit de thèmes communs développés par différents auteurs. Quil suffise de mentionner :
THÈMEAUTEURPIÈCEArrivée de touristesThomas LaPierreD-39(2) et D-68(5)Plante carnivoreStephen AshtonD-39(6)DéguisementsStephen Ashton D-39(6)
Un chercheur venu dEurope débarque sur lîle (Dawin)Stephen AshtonD-39(6)Joseph MallozziD-89AMontgolfièreStephen AshtonD-39(8)Peter Landecker D-56A(4)Mary Crawford et Alan TempletonD-57(4)Volcan sur lîleStephen Ashton D-39(8)Ken Ross D-53(3) (4)Mary Crawford et Alan TempletonD-57(3)Monstre marinStephen AshtonD-39(9)Rick JonesD-55(4)Épave de bateauStephen Ashton D-39(9)Une vedette débarque sur lîlePatrick GranleeseD-46(4)Joseph Mallozzi D-89A (2)Chanson / OpéraPatrick GranleeseD-46(3)Monstre gentilKen Ross D-53(3)Mal du paysKen RossD-53(4)OlympiquesKen RossD-53(4)Mary Crawford et Alan TempletonD-57(3)Joseph Mallozzi D-89A(4)Maison hantéRick JonesD-55(5)PotionPeter Landecker D-56A(4)Mary Crawford et Alan TempletonD-57(2)CavernesMary Crawford et Alan TempletonD-57(5)
De plus, certains thèmes ont déjà été exploités par Izard dans les épisodes de LÎle aux enfants tels que : Lorchestre de Casimir et Casimir compositeur, Lorchestre de lîle et Robinson musicien; La Fête de Robinson et lAnniversaire de Casimir; Les élections, numéro 471, Casimir est candidat, Casimir et Crusoé Numéro 473; Casimir au restaurant numéro 563; Les couturiers, numéro 611 pour le défilé de mode; un autre couturier qui porte le nom de Les deux mannequins, numéro 936; La potion magique pour M. Dusnob émission numéro 920i.
9.6 LES SIMILITUDES À ÉCARTER, SELON LES DÉFENDEURS
Les défendeurs plaident que le Tribunal doit écarter les similitudes quils regroupent comme suit :
Les similitudes qui résultent dune source dinspiration commune;
Les similitudes résultant de techniques artistiques;
Les similitudes propres aux émissions pour enfants;
Les similitudes communes avec les uvres originales de Christophe Izard;
Les similitudes entre les personnages résultant de traits de caractère généraux;
Les défendeurs sappuient sur lauteur Jim T. McKeown qui écrit :
Similarity between two works may be merely a matter of coincidence or may be due to both having been derived from a common source or sources. In the absence of an objective similarity and causal connection mere similarity between two works does not constitute infringement. (21-36)
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal est dopinion que ce principe ne sapplique quen labsence dune objective similarity and causal connection. En lespèce, laccès à luvre a été démontré.
Or, les cinq catégories de similitudes ci-haut décrites devraient donc être étudiées dans le cas où le lien de causalité ou des similitudes objectives est observé.
Les similitudes qui résultent dune source dinspiration commune.
Les défendeurs plaident dans cette section les mots : «Robinson; des îles dans un climat tropical; une plage en demi-lune; des fruits exotiques; des volcans; des grottes; des naufragés; des jardins; des habitations; des accessoires; des outils rudimentaires; Robinson avec une barbe et un chapeau habillé en naufragé; des personnages avec des noms de jour : Vendredi, samedi, dimanche; des aventures reliées à larrivée de visiteurs inconnus; des pirates; des occupations typiques de naufragés seuls sur lîle reliés à leur survie et à sa protection; le fait que Robinson veut rester seul sur son île; quil est un naufragé volontaire qui chasse les intrus dont des touristes; une relation damitié entre Robinson et Vendredi et des variations sur le même thème; des moyens de transport pour quitter lîle, tels que bateau, radeau, hélicoptère et sous-marin.
Le Tribunal a déjà fait le tri de ce quil considère soit général, soit similitudes de moindre importance.
Il ne faut pas oublier que les défendeurs doivent faire la preuve des similitudes quils demandent au Tribunal décarter tel que lauteur Vincke lécrit :
Le défendeur devra prouver à la satisfaction de la cour lexistence de ces uvres ou informations accessibles à tous. Il devra montrer de plus quil a réussi à créer son uvre à partir de ces sources sans un usage illégitime de luvre du demandeur.
(Le Tribunal souligne)
Cest donc au chapitre de la création indépendante que les défendeurs devront démontrer la création de Sucroë à partir de robinsonnades et non de Curiosité.
Les similitudes résultant de techniques artistiques.
Comme exemple, les défendeurs affirment que lusage des anachronismes est une technique utilisée fréquemment dans les cartoons. Cette affirmation contredit la bible que les défendeurs ont choisi de déposer et qui prescrit déviter les anachronismes.
Il en est de même des exemples quon veut tirer du livre de Preston Blair. La seule preuve sur des techniques artistiques est fournie par le témoignage de Mme Dansereau qui na jamais été reconnue comme experte en techniques artistiques et encore moins en dessins. Le Tribunal rappelle quil a déjà émis de grandes réserves quant à la fiabilité et la valeur probante de son témoignage.
Les similitudes propres aux émissions pour enfants
Les défendeurs soulignent que ces similitudes ne peuvent être significatives dans le genre duvre qui fait lobjet de létude présente et soulignent le sujet des thèmes.
Le Tribunal a déjà tranché cette question.
Les similitudes communes avec les uvres originales de Christophe Izard
Les défendeurs plaident que les similitudes communes avec les uvres originales dIzard doivent être automatiquement écartées. En linstance, il appartiendra aux défendeurs den faire la preuve et de convaincre le Tribunal quIzard sest inspiré de ses propres uvres, sujet qui sera traité dans le chapitre de la création indépendante.
Les similitudes entre les personnages résultant de traits de caractère généraux
Les défendeurs sappuient sur la décision Preston. Or, dans cette affaire, laccès est loin davoir été démontré; la crédibilité de Lucas napparaît pas comme déficiente; et, de plus, cette affaire a fait lobjet dune preuve de création indépendante par Lucas.
9.7 LES DIFFÉRENCES
Les défendeurs plaident les différences et veulent que le Tribunal en tienne compte. Selon eux, une telle approche devra le conduire à conclure à une absence de reprise et donc de similitudes substantielles.
La prétention est attrayante. Le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
Retrouve-t-on une partie substantielle de certains dessins de Curiosité dans Sucroë?
Retrouve-t-on une partie substantielle des personnages de Curiosité dans Sucroë?
Les auteurs Richard et Carrière écrivent :
In order to determine if a partial copy is an « infringing copy », one need not look at the percentage or quantity of an original work which has been copied, but rather examine the qualitative aspect when comparing the second work to the original one. This assessment must be made by examining the essential feature of the presumably copied work in order to determine if it is found in the second work: see Joy Music Ltd. V. Sunday Pictoral Newspaper (1920) Ltd. [1960] 1 All E.R. 703, McNair J. at 707 (Q.B.D.); Canadian Performing Right Society Ltd. V. Canadian National Exhibition Assn., [1934] O.R. 610, Rose J. at 613514 (Ont. H.C.J.).
The question to be resolved is not whether the copy constitutes a substantial part of the infringers work but rather whether the copy is a substantial part, in quantity or quality, of the copyright owners work.
À titre dexemple, est-ce que le personnage de Curiosité est repris substantiellement dans celui de Sucroë?
Dans La Loi sur le droit dauteur annotée, lauteur Tamaro écrit :
Les droits sont donc violés même lorsque le contrefacteur rajoute des éléments à luvre contrefaite [créant ainsi des différences]. En fait, il importe peu quil ait ajouté plus ou moins déléments. La question importante est de savoir si le contrefacteur a repris sans autorisation une partie importante de luvre originale.
(Le Tribunal souligne)
Le professeur Gauthier, pour sa part, écrit :
Pour toutes ces oeuvres [secteurs scientifique, artistiques, plastique], les défendeurs/prévenus font plaider leurs avocats sur les différences existant entre les deux oeuvres. La réponse des juges est invariablement la suivante : la contrefaçon sapprécie dabord par le groupement et laddition des points de ressemblance, après quoi, lon passera aux différences. Si celles-ci ne détruisent pas limpression densemble de démarquage, la condamnation sensuivra. De ce point de vue, elles ont souvent pour but de masquer lintention de fraude.
Dans laffaire British Columbia Automobile Association, le juge écrit :
176. The test, the plaintiff says, is not whether there are differences between the plaintiffs and defendants work, but whether the defendant has reproduced a substantial part of the plaintiffs original expression.
(
)
185. The initial step is to determine if there has been substantial copying and whether in the case of either the first or the second Union website that element of the claim of breach of copyright has been established.
(
)
201. On the second Union website, the CAA logo was removed and the BCAA logo was changed to lower-case letters. Nevertheless, the colour scheme, page layout and other aspects of the graphic design remained the same. There has still been copying. The question I think is whether it has been shown that there was substantial copying. I similarly conclude that there has been and the second Union website, despite those changes, also infringed the plaintiffs copyright.
(Le Tribunal souligne)
En l'instance, il faut se rappeler que la presque totalité des différences soulevées par les défendeurs sont en fait les recommandations de CINAR au demandeur énumérées comme suit:
Privilégier la version « animation » pour débuter lexploitation de lensemble de luvre plutôt que la version « live action »;
Ajouter des pirates;
Modifier les vêtements de Robinson Curiosité;
Changer le nom de Robinson Curiosité en Robinson Sucroë appellation prononcée en anglais par Weinberg pour éviter une traduction graphique obligatoire;
Éliminer les grandes oreilles de Robinson Curiosité et lui attribuer un défaut;
Créer un personnage antagoniste à Robinson Curiosité;
Que Vendredi Férié soit un blanc et non une personne de couleur;
Mettre un peu de bagarre et plus daction;
Délaisser laspect éducatif au profit de laction dans la série télévisée tout en le maintenant dans les produits dérivés;
Transposer les animaux en humains sans pour autant changer leur caractère, si ce nest que ce qui touche laspect en découlant. Cette transformation avait deux objectifs : rendre plus mobiles les personnages et éviter que lémission soit trop infantile;
Produire une série démissions à diffusion quotidienne;
Recourir à un « script doctor » anglophone pour les textes.
Dans son rapport, Mme Dansereau soulève quil ne peut y avoir en linstance une imitation, même déguisée, pour le motif suivant :
Dun point de vue pratique, le travail de moine quexigerait pour lauteur ce procédé de « déguisement » de personnages danimaux en personnages humains est impensable en télévision. Les délais serrés à ce type de production rendent une telle démarche impossible, sans compter les dépenses extravagantes quelle entraînerait.
Le Tribunal na pas la preuve que les échéanciers nont pas été respectés et que la modification aurait provoqué des coûts extravagants. Mme Dansereau réfère aux personnages de Petitevacances et Little Jim pour démontrer son point. Or, Izard lui-même ne connaissait pas ces deux jeunes personnages avant que Sander ne les crée. Pourtant, bien avant, le personnage de Duresoirée, en éléphant, avait été étudié sérieusement puisquil faisait partie des premiers synopsis de Mirleau.
Par contre, il est en preuve que des personnages de Sucroë ont bel et bien été modifiés en cours de route avec une facilité déconcertante. Rappelons-le, Duresoirée était un pachyderme au début de la création de Sucroë, ce que Mme Dansereau semble avoir oublié. Quant aux dessins, il ny a aucune preuve que des traits de crayon additionnels ou différents soient plus coûteux. D'ailleurs, les défendeurs ont fait la démonstration de modifications des personnages principaux en cours de production, tels que les Polynésiens devenus caucasiens, Vendredi, jeune homme mince de 20 ans est devenu d'âge moyen ayant une stature corpulente, Dimanchemidi est passé d'un iguane à un humain, tout comme Duresoirée, de pachyderme à grosse dame.
La LDA, à son article 2, reconnaît l'imitation déguisée comme étant une contrefaçon:
« contrefaçon » À l'égard dun exemplaire dune uvre sur laquelle subsiste un droit dauteur, toute reproduction, y compris limitation déguisée, faite ou importée contrairement à la présente loi.
Que le chapeau, la barbe ou les oreilles soient légèrement différents ne change rien, puisqu'il ne s'agit que de maquillage et de déguisement ayant pour objectif de confondre un observateur.
Comme l'exprimait le juge Buffoni dans laffaire Thibault:
Et la jurisprudence donne des illustrations nombreuses de défendeurs qui ont vainement tenté de déguiser leur plagiat, en y mettant, selon l'aphorisme classique, suffisamment de ressemblances avec l'original pour confondre les acheteurs, et suffisamment de différences pour confondre le Tribunal.
9.8 LANALYSE DES EXPRESSIONS
Le demandeur déploie une série de dessins et une étude dexpressions. Le Tribunal retient de cette pièce, lélément suivant : la lorgnette où Curiosité reproduit un il au bout de la lunette, ce qui est très original. Cette image a été reproduite par le dessinateur de Sucroë démontrant encore une fois laccès aux dessins du demandeur.
Le dessin de Curiosité ayant une île sur la tête se compare grandement avec celui de Sucroë ayant lîle sur son doigt. Il en est de même de Curiosité avec des fruits sur la tête et Sucroë avec des bananes sur la tête. Ces deux dessins démontrent une imitation déguisée de Curiosité et le Tribunal les retiendra comme éléments fort similaires.
9.9 LA CONCLUSION
Plusieurs témoins ont fait part des problèmes de structure et de la désorganisation totale de la production de Sucroë.
Pour sa part, Sander déclare à la GRC le manque de structure et la totale désorganisation de Sucroë. Mais il nest pas le seul. Haillard, témoin des défendeurs, reconnaît aussi la désorganisation, le manque de structure et les difficultés qui en ont découlé. Cest ce qui a justifié Sander à avancer que la seule explication à cette désorganisation était le plagiat en ces termes:
62. Q What are the odds that the main characters of a series end up in another series?
A. It is more likely if the characters are based on a classic story but I would say that the risk of coincidence based on a minor classical character the odds of coincidence are very high. I would say that the odds of two persons coming up with similar concepts are very low. After hearing Claude Robinsons description of his project Robinson Curiosity, my immediate reaction was So thats where Robinson Sucroë came from. It explained the fact that the show had only bones and no flesh. It was just disorganized.
Le Dr Perraton témoigne comme suit :
(...) Jai insisté sur la quantité des similitudes. Jai fait un relevé systématique des similitudes. Jai déjà dit que toutes navaient pas le même poids, mais que la coprésence de toutes ces similitudes avait du poids. Je pense que la quantité est importante à prendre en compte et je crois surtout que la qualité est importante. Quest-ce que jentends par la qualité? La qualité des similitudes, cest celles qui se fondent sur les formes intelligibles, celles qui nous parlent de ce qui est structurant dans le projet.
Selon moi, il est possible que le hasard explique la présence de certaines similitudes, cest possible. Mais il est de moins en moins probable quil y ait coprésence dautant de similitudes. Je ne dis pas plus, mais je ne vois pas comment nous pourrions dire moins. Que lon trouve dans dautres uvres une barbe ici ou une barbichette là, une paire de lunettes ici, un volcan là, un gorille ici, une chèvre là, etc., tout ça peut être le fruit du hasard.
Mais que nous retrouvions coprésents dans les deux uvres qui ont été ici étudiées, la question se pose de la probabilité que sy trouvent réunis autant déléments.
Ajoutons la déclaration de Lalonde, le témoignage de Picard et de LaPierre sur la ressemblance entre les Sucroë Curiosité et demandeur, le témoignage de Mme Lévesque, il se profile une forte unanimité, à lexception de Mme Dansereau, évaluant tous dans la même direction que les similitudes sont substantielles. Pourtant Mme Dansereau, tout en refusant dadmettre les similitudes, précise tout de même que pour éviter la confusion, elle aurait changé le titre de la série.
Ajoutons la déclaration dHaillard sur les difficultés de Mirleau, Terrail et Izard à conceptualiser et à écrire le premier épisode de la série. Et, par-dessus tout, le graphisme plus que ressemblant.
Après un examen attentif et minutieux, le Tribunal conclut que les personnages de Curiosité ont été repris substantiellement dans Sucroë de même que certains dessins du demandeur, tels que, entre autres, celui de Robinson et de la maison en « L », et que le caractère des personnages suivants a été repris substantiellement, soit celui des personnages fictifs de Sucroë et Curiosité, de Mercredi et de Vendredi Férié, du Paresseux et Dimanchemidi, de Léon le caméléon et Petitevacances, de Duresoirée et Boum Boum, et de Schloup et Brisk.
10 LA CRÉATION INDÉPENDANTE
Rappelons que ce sont les défendeurs qui doivent, par prépondérance de preuve, convaincre le Tribunal dune création indépendante. Dans laffaire Duff, la Cour dappel concluait ainsi :
[40] Avec égards pour l'opinion contraire, je crois que l'appelant pourrait avoir partiellement raison sur cet aspect: la jurisprudence, en effet, reconnaît que, en l'absence de preuve directe ou contraire, la preuve circonstancielle résultant d'un nombre substantiel de similitudes, sinon même d'expressions, formules et termes identiques ou d'erreurs communes aux deux textes, peut effectivement créer une présomption de contrefaçon (Cadieux c. Beauchemin). La présomption renverse alors le fardeau qui incombera au défendeur d'établir qu'il n'a pas contrefait l'uvre du demandeur et que son ouvrage constitue une création indépendante.
(Le Tribunal souligne)
10.1 LA CRÉATION GRAPHIQUE
Sur laspect graphique du dossier, les défendeurs nont présenté quun seul témoin, soit Jean Caillon, le dessinateur des séries Albert le 5e Mousquetaire et Sucroë.
À ce sujet, le rapport méthodologique de Quatu'Art reprend le générique français de Robinson Sucroë et y ajoute des explications comme suit :
CRÉATION DES PERSONNAGES PRINCIPAUXJean Caillon
Danielle De Blois
Jacques Stoll
Patrick Claeys
Michel RodriguesExplication : Il est ici question de créer des personnages principaux, de finaliser la présentation et lapparence de chacun daprès la bible originale et/ou les planches à dessins fournies par le concepteur. La question à se poser ici serait : ces cinq personnes ont-elles eu à élaborer et développer davantage les personnages que Christophe Izard avait déjà imaginés au départ?RECHERCHES GRAPHIQUES ET PERSONNAGES ADDITIONNELSJacques Stoll et Thierry Gérard
Jean Caillon et Arnold Gransac
Ghislain Cloutier et Alban Le Luel
David Foret et Frédéric RaducanouExplication : Ces personnes procèdent à la recherche graphique (design) des lieux : la ville et le port de New York, lédifice du New York Herald et le bureau de Floydd, lîle des Touléjours, le navire, etc. ainsi que des personnages secondaires ou ponctuels, exemple : la fille de Floydd, le cuisinier français Troistoques, lespion Triplezéro, les pirates espagnols et autres.STORYBOARDFrançois Brisson et Arnold Cransac
Jean Caillon et Michel Notton
Marcos D'ailleurs Silva et Louis Piché
Gilles Dayez et Jean-Christophe Roger
Frédéric Desgranges et Jean Sarault
Éric Bergeron et Norman Le BlancExplication : Le storyboard (ou histoire en tableaux) est formé desquisses ou de dessins présentant les personnages dans un lieu et une situation donnée. Les dessins placés à la suite les uns des autres sur un grand carton présente lensemble du déroulement général de laction et lhistoire comme telle sous un aspect schématisé. Cette étape précède toujours lexécution réelle du tournage. (sic)
La preuve révèle que les scénaristes français se plaignaient de la ressemblance des personnages avec ceux dAlbert le 5e Mousquetaire, pour ne pas dire quils étaient presque identiques ou « cousins » selon lexpression employée par le témoin Haillard.
À ce sujet, en réinterrogatoire, Haillard déclare ce qui suit :
M. Haillard.- Concernant les personnages, il y a eu des dessins. Je me souviens précisément, et cest dailleurs ce qui est resté pendant toute lécriture de la série, que les dessins ressemblaient à ceux dAlbert le Cinquième Mousquetaire, ce qui nétait pas étonnant, puisque cétait le même créateur de personnages, Jean Caillon. On trouvait que cétait un peu trop semblable, un peu le même style et que cette série avait du mal à se discerner de la première, et notamment Robinson, qui était très proche dAlbert. On trouvait que cétait un cousin.
(Le Tribunal souligne)
Avant lintervention des Canadiens dans la présentation, les Touléjours étaient des Polynésiens et Vendredi était un jeune homme au début de la vingtaine et nexistaient pas les deux jeunes enfants Petitevacances et Little John, comme on le sait du témoignage de Sander qui déclare en être le créateur graphique.
Les défendeurs ont préparé un tableau fort intéressant intitulé : Dessins réalisés par Jean Caillon. Que nous révèle ce tableau? Une analyse exhaustive des documents attire notre attention sur trois dessins et une prise d'image. Toutes des représentations graphiques de Robinson portant une barbe mais parfois avec ou sans lunettes.
Il faut savoir que les documents de présentation de la série Sucroë, dès le début et pendant une longue période de temps, montraient un Robinson sans barbe et sans lunettes.
Les recherches graphiques additionnelles déposées par les défendeurs nous montrent le même Sucroë dont les yeux ressemblent à ceux de Caillon lui-même, de lavis du Tribunal pour lavoir observé à Paris. On est loin du personnage de Sucroë tel que la série nous le montre. Il porte une barbe, na pas de lunettes, na ni les yeux, ni le nez, ni la barbe de Sucroë version finale. Il a des sourcils droits. On dirait quil sagit encore dune première génération de la version dAlbert auquel on aurait ajouté la barbe. Nous sommes loin de la dernière version de Robinson Sucroë.
La page 2 de la pièce D-226, nous montre une prise d'image de la série Sucroë. Caillon affirme:
Me Dussault Je vous montre la deuxième page de la pièce D-226. Cest une prise?
M. Caillon Cest une prise de film, oui.
Me Dussault Oui. Reconnaissez-vous le personnage?
M. Caillon Oui, cest le personnage de la série, je pense.
Me Dussault Qui a dessiné ce personnage-là?
M. le juge. Pouvez-vous parler un peu plus fort?
M. Caillon Cela représente un Chinois.
Me Dussault Le modèle du personnage?
M. Caillon Le modèle, normalement, cest moi qui lai dessiné.
Me Dussault En êtes-vous certain?
M. Caillon À 99,9 %, cest vraisemblablement moi qui lai dessiné.
Or, cette prise d'image de Sucroë est très différente des autres dessins de Caillon quant à: a) les yeux; b) l'apparition de lunettes; c) le nez rond.
La pièce D-29 est une représentation graphique de tous les personnages principaux de la série Sucroë, quatorze en tout, y compris Little John et Petitevacances. Caillon, sans aucune réserve, témoigne quil en est le créateur :
Me Dussault Je vais vous montrer la première page de la pièce D-29. Pouvez-vous me dire, par rapport aux personnages que lon retrouve sur cette page-là, en page 1, quels sont ceux dont vous avez dessiné les modèles?
M. le Juge Vous êtes à la page 1, maître Dussault?
Me Dussault Oui.
M. Caillon Tous.
Me Dussault D'accord.
M. Caillon Jai dessiné les modèles, mais je nai pas fait le tracé .
10.1.1 Jean Caillon
Voici pourquoi le Tribunal ne croit pas le témoin Jean Caillon.
Notons dabord quau cours de son interrogatoire, le témoin regarde souvent dans la direction du défendeur Izard.
Son explication sur la transformation de lapparence de Robinson est, pour le moins, nébuleuse. Rappelons que Caillon est celui qui a planifié et dessiné les personnages principaux de la série Albert le 5e Mousquetaire. Or, pour justifier les circonstances qui ont entouré la modification de lapparence du personnage, il nous apprend quil sest rendu à la bibliothèque pour chercher dans des vieux livres et danciens romans sur lhistoire de Robinson Crusoé.
Pourtant, il savait depuis le début quil sagissait dune parodie de Robinson Crusoé. Contre-interrogé, il affirme :
M. Caillon. Jai trouvé de vieilles illustrations dans ces vieux livres. J'avais trouvé un livre sur des films de Robinson. On y voyait des photos dacteurs que je ne connaissais pas. Il y a eu de nombreux films réalisés sur Robinson.
Me Lucas. Quels films, par exemple ?
M. Caillon. Je nai pas de souvenir précis. On en fait tous les ans. Jai un copain qui a fait un long métrage de Robinson, il y a peu de temps. Cest un classique.
Me Lucas. Vous dites avoir trouvé des films à la bibliothèque ?
M. Caillon. Un livre de photos de films sur Robinson, je ne sais plus dans quel cadre. Cétaient des choses en couleur.
Me Lucas. - Je pensais que vous aviez repris le personnage à partir dAlbert. Tout à lheure, cest ce que vous nous avez dit.
M. Caillon. Oui, de la structure non pas dAlbert, mais de DArtagnan dans Albert.
Me Lucas. Daccord. Cest donc cela lorigine de votre dessin ?
M. Caillon. Après, il faut savoir à quoi ressemble un bonhomme. Nayant jamais vu Robinson, il fallait bien que jaie une image. Il faut trouver le stéréotype. Dans une série comme celle-là, on fait une satire, donc il faut bien savoir de quoi on se moque. Le principe de la série est de dire : « Le roman que vous avez lu, cest du pipeau. La réalité, on va vous la raconter. » Cest exactement le même thème quAlbert, la même idée de base. Pour ce faire, il faut bien trouver des éléments. Pour les mousquetaires, je suis allé à la bibliothèque, où jai trouvé de vieux livres sur le thème des mousquetaires. Même si ce sont trois croquis ou trois bricoles, cest ce sur quoi on part pour avoir le stéréotype du personnage .
(Le Tribunal souligne)
Or, ce nest que plusieurs mois après et à la suite de lintervention des Canadiens que Robinson apparaît avec un nouveau visage et portant une barbe.
Me Lucas poursuit son contre-interrogatoire :
Me Lucas. Cest donc vous qui avez pris linitiative
M. Caillon. Cest pour prendre linitiative sur la barbe. Il faut savoir que ces personnages-là nont ni mâchoire ni épaules. C'est ce que j'appelle la structure du personnage, cest ce qui est derrière et qui fait son identité.
Me Lucas. Mais est-ce vous qui avez pris l'initiative de mettre une barbe au personnage ?
M. Caillon. Oui, je pense. Non, j'ai pris l'initiative de ne pas en mettre au début, dessayer de ne pas en mettre et cela pour deux raisons. Premièrement, la barbe longue qui est le stéréotype de Robinson en animation, cela coûte très cher. Pourquoi ? Parce quil faut que cela bouge, que cela bouge après le mouvement : vous faites tourner la tête, la barbe bouge et pendouille. Cela coûte très cher. En outre, c'est inutile, c'est mal fait et cela ne peut pas fonctionner.
Au début, puisque cétait un premier jet, avoir un dossier pour lancer lidée, jai pris l'initiative de proposer un personnage sans barbe. Dans les photos d'acteurs que javais vues, certains acteurs Robinson n'avaient pas de barbe.
Me Lucas. Tout à lheure, monsieur Caillon, vous nous avez dit que aviez pris le croquis de D'Artagnan et que vous l'aviez recopié tel quel, mis à part quelques modifications pour faire les personnages de Robinson.
M. Caillon. Oui, la structure. Je vous ai expliqué que javais enlevé la panoplie de mousquetaire que jai remplacée par la panoplie de Robinson. La panoplie de Robinson implique davoir une barbe ou pas, davoir un chapeau, de porter un short.
(...)
Me Lucas. - Mais en bout de ligne, vous êtes arrivé à faire une barbe et des lunettes ?
M. Caillon. - Parce qu'on me l'a demandé, je suppose, ou parce qu'il fallait aller dans une direction de ce type-là. Après, je nen ai plus le souvenir. Lune des difficultés du personnage est qu'il n'a pas de mâchoire inférieure. Dès lors, la barbe est un élément graphique difficile à maîtriser.
(Le Tribunal souligne)
Qui tirait donc les ficelles?
Au cours de son interrogatoire, il affirme :
M. Caillon. Je suis comme vous, cest trop éloigné, je nai absolument aucun souvenir. Je ne me rappelais même pas qu'il y avait autant de directions. En fait, il y a eu tâtonnements. L'idée était qu'il fallait faire comme le design cest la même idée, cest la même série et jai travaillé à peu près tout en décalquant des personnages dAlbert. Robinson, au départ, cest d'Artagnan. Je suis repassé par-dessus : on enlève la panoplie du mousquetaire et on met la panoplie de Robinson à la place. Le personnage de Vendredi (je ne sais pas sil sappelle comme cela dans la série), cest Porthos, et selon la même technique. Je pense que cela vaut pour la plupart des personnages. Le but était de faire dans le même style. Pour être rapide et efficace, il fallait partir de ce que qui avait été fait, le rapide et lefficace pour tout le monde. Après on joue, on jongle, on ajuste.
Me Dussault. - C'est vous qui avez fait ce travail-là ?
M. Caillon. Absolument, c'est ce qu'on m'a demandé.
Me Dussault. Vous avez fait référence à cette première étape-là pour le dossier de vente. Ensuite, vous avez dit quil y a une autre étape dite de production, si le projet est vendu.
M. Caillon. - C'est ce que je décrivais lorsque je disais avoir le souvenir d'avoir travaillé à peu près une dizaine de jours, deux semaines, pour finaliser les personnages, pour que les personnages satisfassent tout le monde : le réalisateur, M. Izard, etc., tous ceux qui avaient des décisions à prendre ou des choix à faire en la matière et que jignore. A la place où je me trouve, je nai pas ces informations.
(Le Tribunal souligne)
Caillon déclare être lauteur des dessins à la pièce D-287. Or, dans cette pièce, le Tribunal constate que :
il y a toujours la présence dautochtones de couleur;
Mercredi est un jeune homme de couleur, âgé de 20 ans;
Il y a absence dUglyson;
Il est donc plus que probable que ses dessins existaient avant lintervention de Sander.
Or, dans la pièce D-287, le Tribunal constate que :
Or, le témoin Sander, ex-directeur du développement chez CINAR à lépoque pertinente, déclare devant le soussigné :
A Because I said, Were going to have huge problems, were going to have the same problems as we have with Albert, the Fifth Musketeer, which was inevitably going to be a problem. This show looks exactly like... you know, we dont need another one of those, all right?
459Q Okay.
A And we still need kids characters, proper kids.
460Q Okay.
A So, I said, What we need is to take the sea captain and we will have him have a cabin boy on his ship...
461Q It was a discussion that you had with?
A Micheline.
462Q Micheline.
A Micheline. I dont know if I had it in front of Izard.
463Q Okay.
A Maybe I thought about it afterwards.
464Q Okay.
A You know, I definitely wouldnt have just blurted it out. I probably, you know, hoped it would go away and then, Micheline came back and said, What did you think? What do you think?
465Q Okay.
A So, I said, Okay, well create two (2) characters: a cabin boy, like Treasure Island, and well give the captain a daughter and then, I can see a North American network living the show.
466Q Okay.
A So, Micheline said, Can you do some drawings? and I sand, Yes, I could, but Ive got a schedule... Im just looking at this (inaudible)...
467Q Okay.
A So, she said, Well... I said, Look, if Im going to do them, Ill have to do them at the house in the morning, because when I come in here, my life just gets sucked away from me. So, I got up earlier, I did some drawings and I dropped them off at her office.
468Q Okay. When were we in 1993? At the beginning...
A About... this is all in the same period.
469Q Okay.
A Because at the time, you see, Id been in to see Ron and she called me into her office and she said, You know, youve got to stop being negative about Robinson Sucroë.
470Q Okay.
A And I said, God, you should hear me on Arsène Lupin, I mean, I was never very quiet about what I thought.
471Q Okay.
A There werent paying me to be nice.
472Q Okay.
A And I said, I really... this whole style is wrong right?
473Q Okay.
A Its crap. And she said Oh, you think thats crap? You should see this crap.
474Q Okay.
A And she showed me some other drawings. And I said, Look, yes, yes, yes, yes. But you know. So, I actually did two (2) new drawings, they were faxed to Paris. Now, by doing this, this would have changed the actual structure of the plot lines, the show, because it would have to be about the two (2) kids and Robinson Sucroë.
10.1.2 La crédibilité du témoin Peter Sander
Les défendeurs attaquent la crédibilité de Peter Sander parce que devant la GRC, ce dernier na pas reconnu les dessins du demandeur alors que pendant le procès, il reconnaît deux dessins danimaux, à savoir léléphant et le paresseux.
Sander déclare dans un premier temps que les dessins ne seraient pas les mêmes que ceux quil aurait vus lors de son interrogatoire à la GRC. Placé devant les mêmes dessins en Cour, il constate quil sagit des mêmes dessins et voici ce quil déclare :
Q. But at the time, when you were with the RCMP...
A- M'hm.
Q- ... I guess you took the time to look at the drawings that were before you.
A- No, I looked at them quickly. What's to take the time? You look at this stuff, you say, "No, I haven't see this". This...
Q- This. Let's start talking about the elephant.
A- Yes.
Q- You're referring to the elephant...
A- Yes.
Q- ... at P-18.
A- Yes. Okay, I think I get your point.
Me ALAIN DUSSAULT:
P-18, page 19.
A- That I didn't recognize this as what I'd seen on Micheline's desk some years before?
Me PIERRE Y. LEFEBVRE:
Q- Right. Yes.
A- No. I wouldn't have recognized it. It's only when I came back to remember the content of the meeting, I remembered her putting the stuff on the table.
Q- When did you refresh your memory about this?
A- When I started to... when I was asked about the actual meetings with Micheline on Robinson Sucroë, when my partner reminded me, "Oh, you had that meeting, then you came back and you did the drawings" and I said, "Yes, that's right, there was those animal things she showed me". It was about at that point, this is some months ago. Not that long ago.
Q- Yes, at the time, in 2001, you'll recognize with me that it was seven (7) years ago...
A- No, but hold...
Q- ... you didn't recognize this.
A- No, but what I did remember, because I remember a monkey thing. I think that when Monsieur Robinson first called me and said, "I hear you've done a deposition or whatever, did you ever see something... - I'm just trying to remember - that didn't look like the rest of Robinson Sucroë", I think that was the way he phrased the question. And I said I remembered seeing some weird drawings of a monkey and an elephant. And then, I forgot about it. That's, you know, when you... this is some years ago.
(Le Tribunal souligne)
Lexplication de Sander est suffisante pour convaincre le Tribunal de sa véracité. Ce témoin dit la vérité et il est un témoin crédible. Devant la GRC, il na pas hésité à dire que le plagiat pouvait expliquer la désorganisation du projet et labsence de structure:
(...) There were changes made to Robinson Sucroës appearance during the pre-production, possibly in June of that year, as it was very bland. My impression is that it was very badly organized and it seemed that it had no strong initial creative thinking and that they were making it up as they went along.
(...)
I also remember calling Christophe Izard in France to suggest making all the characters of the story animals. Izard flatly replied No.
(Le Tribunal souligne)
Son témoignage a été appuyé par celui de West et par leurs agendas respectifs. De plus, Sander na absolument aucun intérêt dans la cause et Izard ne le contredit pas sur ses rencontres et sur ses lunchs avec lui. Son explication est crédible et le Tribunal le croit.
De son côté, West déclare :
A Specifically, the thing that I remember, because its inappropriate for the North American audiences, Friday and this is what I remember seeing, this character. I was not goig to do anything as a writer, so I didnt need the series concept, but I did see this, because Peter was working at home on it.
96Q And do you remember kids characters?
A I remember this character as well.
97Q Which one?
A Dawn Monday.
98Q Dawn Monday?
A Because I liked the name. I thought that was a cute one. And actually I remember her too.
99Q And do you remember kidss characters in...
A There were no childrens characters, because that was the one thing that we... for the North American audience, we have to have children, especially at that point, in programming children in animation, because animation was always programmed for children.
100Q Okay. So, yourself, what is your recollection of Peter Sander with respect to those kids?
A Well, the one thing he added to it creatively was he designed a cabin boy and he designed a captains daughter. He created the notion of those two (2) characters and he drew two (2) designs for those characters.
101Q Okay. And do you remind the design? Do you remind him drawing? What do you...
A Do I... I remember him physically drawing. I remember the... I can see in my minds eye, as it were, the actual drawings when they were completed. There were just two (2() characters.
102Q Okay.
A It would have taken him two three (2-3) days.
103Q Okay. Do you remember if Peter Sander traveled or did anything, with respect to Robinson Sucroë, else?
A Yes, he traveled with respect to everything that was on the slate, the development slate. So he had a two (2) week, I believe, ten (10) day trip in the middle of the year of 1993 to meet basically with everybody we were co-developing with or discussing rights with, and very specifically with France Animation about Robinson Sucroë. And if they talked about other things, then they talked about other things.
(Le Tribunal souligne)
Le scénariste Michel Haillard confirme larrivée des deux personnages en ces termes :
M. Haillard.- Ils avaient recréé une communauté complètement par hasard sur lîle. Les Touléjours avaient chacun leur personnalité et les pirates ont toujours existé, mais il y a eu l'apport d'une petite fille espiègle et d'un petit chien, qui ont été parachutés en cours de route, mais je ne sais pas bien à quel moment.
Me Lefebvre.- Et la petite fille espiègle, savez-vous dans quel contexte elle a été ajoutée ? De qui s'agit-il ?
M. Haillard.- J'ai l'impression que, la production avançant, des coproducteurs ont imposé, notamment au Canada, une certaine vision des choses et ont voulu apporter certains éléments qui nétaient pas dans la série au départ, notamment cette petite fille et ce petit chien, qui ne faisaient pas partie des personnages endémiques à la série.
Me Lefebvre.- Vous rappelez-vous du nom de cette petite fille ?
M. Haillard.- Petitevacances. Il y avait la fille du chef qui jouait le rôle de l'espiègle, Aubedulundi, Petitevacances et le petit chien Truffe, qui a aussi été apporté et qui était le compagnon de Mercredi. Il y avait besoin d'un petit animal un peu « rigolo », mais on trouvait que cela faisait quand même beaucoup de choses à gérer dans l'écriture de la série ; ce n'était pas simple.
(Le Tribunal souligne)
Cest dailleurs Haillard et son partenaire Terrail qui écrivent le premier épisode de la série Sucroë.
Or, pas plus Caillon quIzard ne nous expliquent le changement du personnage Vendredi à Mercredi, des changements à son âge, à la couleur de sa peau et à sa corpulence. Bien sûr, Izard nous dira quaprès une recherche, il sest inspiré de la relation des personnages Laurel et Hardy. On est loin du Dr Bouchon dans lépisode : Nest pas Robinson qui veut, pourtant une autre de ses explications. De son côté, Caillon reste silencieux quant à Mercredi après nous avoir informés de sa recherche à la bibliothèque sur le personnage de Robinson Crusoé pour arriver à la version finale de son Robinson Sucroë. Et il y a plus. Voici lexplication dIzard sur lorigine du nom de Mercredi :
230Q Quand vous dites « ça vient classiquement », de quels vous parlez, là, quand vous dites « le classique de Robinson »?
R Bien, cest que, comme Robinson avait appelé son... lautochtone dont il était devenu ami Vendredi donc, comme le jour de congé en France, cest le mercredi... Au début, je lavais appelé Vendredi. Là, je cherchais pas encore vraiment les noms. Et puis, pour les autres, je métais dit : Bon, bien, on va pas mettre des choses trop banales. Alors, cétait devenu Dimanche Midi, Aube du lundi. Dure Soirée. Petitevacance nétait pas encore là. Et il y avait les pirates anglais avec le Capitaine Brisk, et Courtecuisse pour les pirates français.
(Le Tribunal souligne)
Or, dans le premier synopsis de Sucroë, le personnage de Vendredi porte ce même nom et il est autochtone. Pourquoi donc Izard fait-il cette référence à un jour de congé? Le vendredi nest pas un jour férié en France. Pourquoi faire un lien avec un jour de congé en France si ce nest pour déguiser le nom de Vendredi Férié en celui de Mercredi? Car il faut savoir que les étudiants français ont congé le mercredi. Le Tribunal ne voit aucune autre explication logique.
Or, à cette époque, entre mars et juin 1993, Caillon ne pouvait pas sinspirer de la bible (pièce D-6) qui est datée du 10 août 1993, pas plus de sa troisième version qui porte la même date (pièce D-265).
Il est en preuve également que la bible nest pas prête au 15 septembre 1993, tel quen fait foi la lettre de LaPierre (pièce D-42) adressée aux scénaristes canadiens les informant de labsence dune bible et leur disant quils devront sinspirer des scénarios des Français.
Caillon ne dit pas la vérité lorsquil affirme quil a créé et dessiné les personnages apparaissant à la pièce D-29.. En effet, on constate quil ny a plus de Polynésiens, que Robinson porte maintenant une barbe et des lunettes, les enfants Little Jim et PetiteVacances y apparaissent et lallure de Mercredi a drôlement changé, passant dun jeune homme mince de 20 ans à un homme plus mature de stature imposante.
À cette époque, Caillon na pas dautre descriptif écrit provenant dIzard, et ce, malgré ses représentations du 21 octobre 1995 adressées à la SACD où il confirme quil a réalisé la création graphique des personnages principaux de la série Sucroë à partir dune description écrite dIzard.
Or, dans la lettre de Caillon du 21 octobre 1995, reçue à la SACD le 25 octobre et dans le descriptif des personnages principaux, Caillon fait sciemment une déclaration inexacte à la SACD, puisque Little Jim et PetiteVacances ne sont pas ses créatures mais celles de Sander.
Il témoigne devant le Tribunal sur cette lettre comme suit :
Me Lucas. Je voudrais donner lecture dun paragraphe, je cite :
« Je vous confirme que j'ai bien réalisé la création graphique des personnages principaux de la série Robinson Sucroé à partir d'une description écrite de Christophe Izard ».
Est-ce bien exact ?
M. Caillon. Oui. En tout cas, cest ce que je pense. Je peux le déduire. Si ce nest pas écrit, cest que cétait verbal. Si c'était verbal, cela voudrait dire que j'ai noté la description de 50 personnages, physiquement et en caractère. Si tel avait été le cas, croyez-moi, je men souviendrais !
Me Lucas. Ici, en octobre 1995, vous aviez quand même un souvenir assez récent des événements puisque la série venait dêtre diffusée. Si vous avez écrit que cest à partir dune description écrite
M. Caillon. Cela me dit quelque chose, mais je ne sais pas ce que cest et je ne peux le situer.
Me Lucas. - Avez-vous retrouvé cette description écrite ?
M. Caillon. Non, jamais. Cela fait partie des choses dont je ne me souviens pas.
(Le Tribunal souligne)
Bizarrement, ni Izard, ni Caillon, ni France Animation nont la description écrite.
Cette lettre apparaît tout à fait par pure coïncidence au moment où la GRC effectue des vérifications avant quun mandat de perquisition soit délivré. Dans les faits, cette perquisition du 7 novembre 1995 a été effectuée tant chez CINAR que chez Téléfilm Canada.
Laffidavit à lappui de la demande de perquisition indique que le 13 octobre 1995, le gendarme Morin de la GRC a communiqué par voie téléphonique avec Willenson (CINAR É.-U.).
Or, le 26 octobre 1995, treize jours plus tard, Charest téléphonait au gendarme Morin. Voici comment laffidavit relate la communication téléphonique :
18. À la même date, Micheline Charest a informé par téléphone le gend. Morin que la série Robinson Sucroë est une co-production France Animation et CINAR et que le projet de série leur a été soumis par France Animation comme ayant été conçu et développé par Christophe Izard. De plus, elle nous fait parvenir une copie de la convention internationale et bilatérale de coproduction concernant « Robinson Sucroë » convention entre FRANCE ANIMATION et LES PRODUCTIONS CINAR INC., ayant son siège social et sa principale place daffaires sis au 1207, rue St-André, Montréal. Cette convention a été signée en date du 30 novembre 1993. Elle dit finalement navoir aucun souvenir de Claude Robinson, ni de son projet.
(Le Tribunal souligne)
Étonnant que Caillon ait déposé justement le 25 octobre 1995 sa déclaration de création graphique des personnages. Mais il y a plus. Le 17 décembre 2008, il affirme ce qui suit :
M. Caillon. Je nen suis pas certain. Mais si cest un document à la SACD, cela rentre dans ce schéma-là. La SACD, je nai pas demandé. Les droits dauteur, je nai pas demandé. Ce sont des choses dont on est venu me parler. Un jour, M. Izard est venu me dire que j'avais des droits, mais je n'ai rien demandé. On a fait les papiers, jai signé toutes les listes quon a vues. Pour moi, cela s'arrête là. Après, pour que cela fonctionne, je pense quil a dû y avoir ce type de démarche administrative de faite.
Me Lucas. Là, vous vous en souvenez. C'est comme cela que ladhésion sest faite ?
M. Caillon. Je le déduis, en fait.
Me Lucas. - C'est M. Izard qui est venu vous voir pour l'adhésion à la SACD ? Cest lui qui vous la proposée ?
M. Caillon. Oui. On ma expliqué par la suite quune loi avait été votée et mise en place, une loi spécifique aux dessins animés, qui intégrait le graphique dans la création. Dès lors quil y a création, cela implique quil y ait des droits d'auteur. Je ne peux pas vous dire davantage.
Me Lucas. Mais vous ne vous souvenez pas, à ce moment-là, avoir écrit ce document-là ?
M. Caillon. Sil y a cette demande, cest parce quil leur fallait des éléments.
(Le Tribunal souligne)
Cest encore sur les représentations dIzard quil adhère à la SACD.
Jamais ce prétendu changement de loi ou de règlement à la SACD ne sera déposé. Encore plus troublant, Caillon na touché aucune redevance pour la recherche graphique du personnage dAlbert le 5e Mousquetaire, pourtant produite de façon contemporaine.
Mais il y a plus. Le 15 mars 1996, il sinscrit à la SACD et signe des bulletins de déclaration télévision en février 1996.
Or, le 20 février 1994, Caillon signe avec France Animation un Contrat de commande de travaux graphiques et de cession de droits dauteur dans lequel il se déclare membre de la SACD. Alors pourquoi cette invention « de loi spécifique aux dessins animés, qui [intègre] le graphique dans la création » alors que dans le contrat de février 1994, il se déclare membre de la SACD?
Son contrat prévoit une rémunération de 25 000 francs pour ses travaux graphiques à la signature du contrat et « la rémunération de lAUTEUR étant alors constituée par les seules redevances à lui revenir de ladite société [SACD] quil percevra seul et directement. »
Pourquoi Caillon est-il ignoré au début dans les bulletins de déclaration télévision alors qu'il était spécifiquement prévu le contraire? Est-ce encore une histoire inventée pour cacher la vérité?
À la suite des représentations dIzard, Caillon déposera et signera un bulletin de déclaration auprès de la SACD, daté du mois de février 1996 pour obtenir 5 % des droits, et ce, à compter de la première diffusion de Sucroë.
Par cette manuvre, Izard réduit ses propres droits à la SACD mais également réduit les droits des autres auteurs qui, ultérieurement, signeront le formulaire approprié. Cest ce que nous apprend la série de déclarations de droits déposée au dossier de la Cour. Rappelons qu'entre le 25 octobre 1995, date de la lettre de Caillon à la SACD et le mois de février 1996, Izard recevra une compensation de 5 % relativement à la série Richard Scarry alors qu'il écrit à Me Donald qu'il n'y a pas droit.
Lexplication fournie par Mirleau relativement au conflit entre les scénaristes et les réalisateurs sur les quote-parts ne change en rien la situation du graphiste.
Il faut noter que Caillon touchera 40 850 ¬ à la suite de cette opération.
De plus, il n a pas créé Little Jim, ni Petitevacances et le Tribunal s appuie sur les témoignages non contredits de Peter Sander et de Diana West. Il ne peut donc affirmer qu il a dessiné les modèles de ces deux personnages, ni celui de Robinson. Le Tribunal ne le croit pas,
Quant à son histoire de recherche à la bibliothèque, celle-ci est plutôt farfelue et le Tribunal ny croit pas. Pourquoi aller à la bibliothèque si, comme le prétend Izard, on sinspirait de lépisode Nest pas Robinson qui veut et du Dr Bouchon de sa série les Poï Poï?
Rappelons que ce témoin a été interrogé à Paris, à la suite dune requête pour commission rogatoire présentée par les défendeurs selon laquelle il détenait des originaux de documents et parce quil nétait pas en mesure de se déplacer à Montréal car il souffrait «de crise d'anxiété aiguë ce qui l'empêchait même de quitter sa résidence pendant plusieurs jours.».
Pourtant, lors de sa comparution, il na apporté aucun document et le Tribunal na constaté aucun signe danxiété de la part du témoin.
À la pièce P-1, soit à la fin de chacun des 26 épisodes de Robinson Sucroë, le générique indique : «Création des personnages principaux Jean Caillon, Jacques Stoll et Daniel Deblois; Model Sheets personnages principaux Patrick Claeys Michel Rodrigues; Recherches graphiques et personnages additionnels Jacques Stoll Jean Caillon David Foret Thierry Gerard Arnold Gransac Alban Le Luel Ghislain Cloutier; Model sheets additionnels Frédéric Rabucanou; Recherches et models couleurs Daniele Chaponet Lucie Belec Patricia Heurtin Joelle Leral Nancy Simard.»
Il est assez étonnant, surprenant et même scandaleux de constater que toutes ces personnes ont été omises des déclarations de droits préparées par Izard, alors quon a fait bénéficier Caillon dun 5 %. Pourquoi favoriser uniquement Caillon et pas les autres créateurs graphiques, si ce nest que pour obtenir son témoignage?
Le Tribunal souligne quaucun concepteur graphique ou dessinateur na témoigné, à lexception de Caillon. Pourtant, là réside toute la cause.
Il est aussi étonnant que ni France Animation, ni Caillon, ni Izard, ni CINAR naient conservé les dessins originaux.
Il ne faut pas oublier que la première mise en demeure après la première diffusion en septembre na pas tardé. Comment expliquer que personne ne conserve les documents pertinents et originaux pour appuyer une éventuelle défense? On ne peut que se dire que cest tellement compromettant, quil faut inventer nimporte quoi.
Par le dépôt des documents non datés et la quantité importante de photocopies diverses, les défendeurs ont tenté de distraire le Tribunal.
Mais encore plus surprenant, les défendeurs nont fait témoigner aucun autre dessinateur ou graphiste qui aurait pu justifier les dessins des décors ou même de Robinson.
Et encore plus surprenant, aucune description écrite des personnages existant à lépoque et qui aurait normalement dû être remise aux graphistes na été déposée en preuve. Pourtant, Caillon, dans sa lettre du 21 octobre 1995 à la SACD, écrit quil a reçu une description écrite de Christophe Izard. Ni Izard, ni Caillon ne dépose telle description. Étonnant !
Il ny a pas de hasard en linstance. Les défendeurs ont tenté par tous les moyens possibles de cacher la vérité. Les défendeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve quant à cet aspect majeur de la cause quest la création graphique indépendante.
Pour toutes ces raisons, le Tribunal na aucune hésitation à conclure quil ny a pas de création graphique indépendante en linstance, les défendeurs nayant pas repoussé le fardeau qui était le leur.
10.2 LA CRÉATION LITTÉRAIRE
Les défendeurs plaident que luvre Sucroë est une création indépendante.
À compter de 1974, Izard a conçu et développé en France une émission éducative pour enfants nommée Lîle aux enfants. Cette émission sur plateau a été diffusée sur TF1 pendant huit ans.
Izard en a écrit les 100 premiers scénarios et a contribué à lécriture de certains autres sur les 1200 émissions produites dans cette série.
Il témoigne quil a écrit les premiers scénarios de cette série afin de définir lémission et de paver la voie à ses futurs coauteurs, déclaration reprise par ses procureurs dans leurs notes et autorités.
Cependant, il ne fait pas le même exercice pour la série Sucroë et il nécrit même pas la bible, ni le premier épisode
Les défendeurs sappuient sur le personnage central de lémission Lîle aux enfants, Casimir, décrit comme suit :
Casimir, cest un enfant avec aspects multiples, à la fois très proche deux et intervenant comme un ami, un conseiller, il commet aussi les pires sottises. En fait, il a tous les défauts et les qualités de lenfant, pas foncièrement beau car il faut supprimer cette idée du beau égale gentil et du laid égale méchant.
Parmi les thèmes et sujets abordés dans lémission Lîle aux enfants, il y a les élections, le défilé de mode, le mal du pays, le restaurant, lanniversaire, le déguisement, le jardin des sports.
En 1980, Izard conçoit, développe et écrit de nombreux scénarios dune émission hebdomadaire intitulée Les visiteurs du Mercredi dont 29 de la série des Poï Poï, toujours une émission sur plateau avec marionnettes.
Lun des épisodes de cette série sintitule : Nest pas Robinson qui veut. Voici comment les défendeurs décrivent cette émission :
évocation directe du roman historique de Robinson Crusoë de Daniel Defoe;
représentation du Professeur Bouchon et de deux autres personnages en Robinson Crusoë, avec le déguisement typique, un chapeau et une barbe tel que choisi par les costumières
évocation de deux personnages déguisés en Robinson Crusoë ayant vendu le droit dauteur de leurs aventures à leur éditeur;
volonté de devenir un naufragé volontaire pour écrire ses mémoires et devenir célèbre;
évocation du naufrage dun navire;
évocation que le naufrage résulte du chant de lune des passagères du navire;
arrivée sur la plage dune île à la végétation luxuriante;
construction dune modeste maison avec une pancarte indiquant « Maison de Robinson »;
évocation que lîle nest pas déserte et deviendra surpeuplée au grand déplaisir du faux Robinson;
évocation dun promoteur de club de vacances qui a construit un complexe touristique.
En 1982, Izard conçoit et développe une autre émission pour enfants sur plateau avec comédiens et marionnettes nommée Le Village dans les Nuages dont il écrit encore une partie des scénarios. Plus de 600 émissions seront alors diffusées et des sujets tels que les olympiques, la cuisine sont repris.
En 1983, Izard produira Salut les Mickeys, en 1987, Zappe Zappeur et Hanna-Barbera Dingue Dong en 1990.
En 1991, il joint France Animation et conçoit et développe une parodie historique du roman dAlexandre Dumas Les trois mousquetaires quil nomme Albert, le 5e Mousquetaire. Le dessinateur Caillon travaille sur ce projet de même que les scénaristes Haillard et Mirleau.
Fait étonnant, lécriture de la bible dAlbert le 5e Mousquetaire est confiée à Mirleau, laquelle est créée à la fin de la scénarisation des épisodes.
À la demande de Davin, président de France Animation, Izard imagine une nouvelle histoire, ce qu'il fait au début de lété 92, une histoire en dessins animés de type cartoon quil dit être basée sur lhistoire de Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Le titre de sa première émission est : Robinson Crusoe a menti : son île nétait pas déserte.
À lété 1992, il sadjoint les scénaristes Mirleau et Terrail afin de collaborer à la rédaction du premier scénario de Sucroë. Ces derniers auront beaucoup de difficulté à rédiger un premier scénario. Le premier projet : Une petite île pas si déserte sera refusé par Izard.
Au MIP-COM tenu en octobre 1992, France Animation annonce larrivée prochaine de la série Sucroë, dans laquelle le personnage de Robinson ne porte pas de barbe, ni de lunettes.
Contrairement à ce quécrivent les procureurs des défendeurs dans leurs Notes et Autorités, ce nest pas en janvier 1993 que Haillard et Terrail développent le personnage dUglyston mais plutôt à la fin du printemps 1993, puisque ces derniers signent leur premier contrat pour LÎle du Tourteau, le 10 mai 1993.
En effet, dans son témoignage, Haillard déclare :
Me Lefebvre.- Quand vous dites que vous êtes arrivé en cours d'élaboration de la série Robinson Sucroë, pourriez-vous être un peu plus précis ?
M. Haillard.- Il existait déjà un concept bien défini et un scénario avait déjà été écrit, car le premier scénario, c'est celui qui est mis à l'épreuve du feu, qui détermine le ton de la série et qui permet de voir si ce qui a été écrit de manière hypothétique marche dans la réalité -dans la réalité du scénario en tout cas- et si la série est exploitable.
Je me souviens que le premier scénario avait été écrit par Pascal Mirleau et Philippe Terrail et ce sont eux qui avaient eu le premier contact avec Christophe Izard sur le développement de la série. Et, a priori, ce scénario ne convenait pas, ils avaient du mal à s'en sortir. On est donc arrivé un peu à leur secours et on a pris un peu le relais finalement.
Cest par la suite quil a créé le personnage dUglyston, toujours selon son témoignage :
Me Lefebvre.- Vous dites que vous avez participé à développer le personnage Duglyston. Pourriez-vous en dire un peu plus ?
M. Haillard.- Sans le personnage dUglyston, on avait du mal à écrire et à trouver un ressort qui permette de provoquer une histoire. En effet, pour l'écriture d'un scénario, on a besoin d'éléments antagonistes qui luttent les uns contre les autres pour que l'histoire soit intéressante. Sinon, on fait du soap opera ; et lon avait besoin d'un ressort comique. En bref, on avait besoin d'un personnage méchant et bête qui fasse tout pour mettre en danger la crédibilité de Robinson.
En conséquence, le Tribunal ne retient pas la date manuscrite inscrite sur la pièce D-219 qui sont des documents dactylographiés et dont on peut fortement douter de leur exactitude compte tenu du témoignage de Mirleau.
LaPierre avait déjà eu une rencontre avec Izard en janvier 1993 dans les Laurentides avec tout le personnel de CINAR et de France Animation et Izard lavait informé quil était à développer le projet Sucroë et quil lui demanderait son implication éventuelle. Izard lui aurait également remis de la documentation sur ce projet à lépoque.
Puisque les Touléjours, les autochtones de lîle, nétaient pas caucasiens, Sander de CINAR, pour être politiquement correct, exige de les rendre plus européens.
Sander, qui est responsable du développement créatif des projets chez CINAR à lépoque du projet Sucroë fait ajouter deux personnages : un jeune garçon et une jeune fille du capitaine nommés respectivement Little Jim et PetiteVacances.
Poursuivons le témoignage de Michel Haillard :
M. Haillard.- Dans le cours de lécriture de Robinson Sucroë, il y a eu des changements de cap et des personnages additionnels ont été apportés. Ce n'était pas évident pour nous, car nous écrivions sans bases solides, et nous avions donc besoin de certaines réunions pour remettre les choses au point.
(...)
Me Lefebvre.- Vous avez dit que le document énonçait les bases et vous avez parlé du contexte. Quel était-il ?
M. Haillard.- Le contexte, c'était... Attendez, car c'est très difficile pour moi de me rappeler l'origine de la chose. Beaucoup de documents ont été lus par la suite et une bible écrite a posteriori remettait notamment les bases mais, grosso modo, le principe tenait en une phrase : « Et si l'île de Robinson n'était pas déserte ? » Un petit personnage envoyé sur l'île pour écrire des épisodes pour un journal tombe sur une île qui est plus qu'habitée et doit montrer que cette île est déserte et prouver sa bonne foi.
(Le Tribunal souligne)
Pourquoi était-il nécessaire de lire des documents aux scénaristes si de la documentation écrite leur était disponible? Haillard continue sa réponse :
Je m'explique mal, mais c'était un principe un peu confus au départ pour nous, car nous devions prouver la non-existence de quelque chose. C'est toujours compliqué à manier et l'idée de la série n'était pas simple.
Vu labsence de bible, il faut se rappeler que les auteurs canadiens créeront à partir des cinq premiers scénarios français quils recevront de LaPierre, accompagnés d'une lettre résumant la série. Ces renseignements leur seront utiles et nécessaires pour lécriture de leurs scénarios.
Me Lefebvre.- Vous avez fait référence tout à lheure à une bible dans la rédaction de lIle du Tourteau par exemple. Avez-vous utilisé une bible, outre les documents que vous avez obtenus auparavant ?
M. Haillard.- Je nai pas de souvenir précis dune bible. Justement, quand on a écrit lIle du Tourteau, j'ai l'impression que l'on était un peu en train de défricher la série et dessayer de ramener les choses dans un contexte dans lequel on pourrait avancer en simplifiant, rassemblant des idées et surtout en les mettant en scène car, ensuite, avec le même principe, il fallait tenir sur 26 épisodes, sur 26 histoires basées sur un même mécanisme. Il fallait donc que le mécanisme soit à la fois simple et efficace pour que cela puisse exister..
(Le Tribunal souligne)
Haillard ajoute :
M. Haillard.- Dans le cours de lécriture de Robinson Sucroë, il y a eu des changements de cap et des personnages additionnels ont été apportés. Ce n'était pas évident pour nous, car nous écrivions sans bases solides, et nous avions donc besoin de certaines réunions pour remettre les choses au point.
(Le Tribunal souligne)
La version 6 de lépisode Lîle du Tourteau a été terminée le 29 juillet 1993. Les scénaristes français prépareront dix-huit scénarios et huit scénarios seront écrits au Canada à partir, non pas dune bible comme il est dusage, mais à partir de cinq scénarios complétés et envoyés à LaPierre, le codirecteur décriture.
Tant LaPierre quIzard déclarent quils ont remis la documentation graphique aux scénaristes. Cependant, aucun document nest déposé en preuve pour confirmer cette allégation.
Tout ce quon sait, cest que LaPierre a adressé une lettre le 15 septembre 1993 à plusieurs scénaristes pigistes quil connaissait afin quils lui fournissent des idées de scénarios, lesquels lui ont été acheminés.
Au moment où il sollicite des scénaristes, LaPierre obtient plus dune quarantaine de synopsis qui font état de toutes sortes didées et dintrigues, fruits de leur limagination. Après une sélection, LaPierre adresse à Izard des synopsis pour commentaires, approbation et décision et une abondante correspondance par fax sensuivra, puisque les scénaristes retenus verront leurs scénarios maintes fois modifiés et corrigés par Izard.
Définitivement, Izard est au centre de toute la production intellectuelle.
Izard déclare ne jamais avoir eu de contact avec Sander ou Charest sur laspect créatif de la série Sucroë. Cette affirmation surprend le Tribunal. En effet, Sander retrace dans son agenda de lépoque des notes dun lunch avec Izard et Charest; diverses communications avec eux; une rencontre à lété 1993 en France avec Izard. Sander est très précis sur la teneur des diverses communications quil a eues.
Personne de chez CINAR naurait parlé à Izard? Foutaise ! Des changements importants ont été apportés aux personnages. À titre dexemples : la couleur de peau des autochtones; la stature de Robinson et lapparition dune barbe et de lunettes; laspect physique du jeune et svelte Vendredi qui devient un Mercredi dâge moyen et rondelet; lajout de deux personnages, cette dernière modification provenant du Canada, selon les dires dHaillard.
Selon Willenson (CINAR É.-U.), Charest était très impliquée au niveau de la créativité.
Malgré les négations de Charest voulant quelle nait pas participé à la facette création de Sucroë, elle est contredite sur ce point par Sander et son épouse Diana West.
En effet, lors dune rencontre entre Sander et Charest, cette dernière désire connaître son opinion sur le projet Sucroë de France Animation. Sander lui répond quil sagit de crap (merde, saloperie). À cet instant même, elle sort dun tiroir une liasse de documents qui consistent en des dessins, dont Sander en reconnaît deux à laudience :
25 Q- Okay.
A- And I said, "I really... this whole style is wrong", right?
26 Q- Okay.
A- "It's crap". And she said, "Oh, you think that's crap? You should see this crap".
27 Q- Yes.
A- And she showed me some other drawings. And I said, "Look, yes, yes, yes, yes."
(...)
488 Q Okay. And so, at tat specific meeting, youve seen the drawings of Robinson Sucroë, but you said that you saw other drawings.
A- Yes.
489 Q She was referringyou to other drawings.
A- Yes, she took them out of the drawer, she threw them on the table.
490 Q- What kind of drawings?
A Black and white drawings.
491 Q- Black and white. And do you remember if they were similar, if it was the same style or...
A- They were in a sort of style, a broader style. You know, there were obviously things from... I just... I mean, I dont think there was text that I could judge. They obviously looked like the same kind of show.
492 Q- Okay.
A- There was a difference in style. There was a lot of animals. I remember the animals.
493 Q- Okay.
A- Ive looked at if for ten (10) seconds. I mean, to be honest, any meeting with Micheline that went longer than five (5) minutes was a real crisis.
494 Q- Okay. And on which format were those drawings?
A- I remember them as Xerox, so, they'd be eight and a half by eleven (8 1/2 X 11). Eight and a half by eleven (8 1/2 X 11), letter size.
28 Q- Okay. So, if I show you P-27 first and you think about animals, if I look at page 4.
A- This is what I remember, the sloth and the elephant.
29 Q- The sloth and the elephant.
A- Yes.
30 Q- Was it in that format?
A- No, I think... I don't remember type, I remember just drawings.
31 Q- Just drawings?
A- Yes.
32 Q- In black and white like that.
A- Yes.
33 Q- Okay.
A- Because the rest of the stuff she had on the desk was in colour, it was there in colour.
34 Q- Okay. And do you remember if the black and white drawings, there was only two (2) drawings?
A- No, no, no, there was a pile of them.
35 Q- A pile of drawings.
A- Yes. They were probably clipped together and she'd taken the clip off.
(...)
A- I remember that they were... the ones on the top are the ones I show. She threw this stuff on the desk. There could have been a lot of other stuff, I wasn't actually looking.
36 Q- But do you remember it because of the style of the designs...
A- Yes, yes
37 Q- ... or because of the animals?
A- I remember it more because there was a difference in style.
38 Q- Okay. Than Robinson Sucroë.
A- Than Robinson Sucroë, yes.
39 Q- Okay. And what was the comment of Micheline Charest with respect to these drawings?
A- Well, as I said, the comment, the way I remember it, was I said that the France Animation stuff was crap and I'm cleaning that up. And she said, "If you think that's crap, look at this".
40 Q- Okay. That's the reason why you saw those drawings.
A- That's the only reason and that briefly. I mean, I was moving on.
(Le Tribunal souligne)
Ce faisant, Sander discrédite et contredit Charest et Weinberg quand ils prétendent que les documents ont été détruits en 1987 au moment du déménagement de CINAR à lappartement quils ont occupé sur la rue Alexandre-de-Sève.
De fait, Sander est corroboré par West, son épouse, laquelle agissait aussi comme secrétaire et employée de CINAR aux époques où Sander y a travaillé comme vice-président au développement. Cette dernière a pris des notes de la participation de Charest et de ses commentaires lors de sa rencontre avec Sander et des réponses adressées à Izard.
Un autre témoin, Mme Cheryl Blakeney, ex-assistante de Weinberg, vient témoigner que lors de la préparation de cartons et de boîtes pour un voyage daffaires de Weinberg en France où il devait rencontrer Davin, Cazès et Izard, elle se souvient quil a apporté avec lui une copie des documents du demandeur.
10.2.1 La crédibilité du témoin Blakeney
Les défendeurs ont bien tenté de diminuer la crédibilité de Blakeney au motif quelle aurait été congédiée de chez CINAR. Elle a cependant continué à travailler à titre de pigiste pour Crayon Animation, une filiale de CINAR, au su de Sander et Landecker, sur la série Robin des bois Junior.
Les défendeurs lui reprochent de ne pas se souvenir du but du voyage de Weinberg en France. Elle nest pas le meilleur témoin à ce sujet car elle ne se souvient pas précisément qui lui a demandé de préparer les boîtes de documents. Elle ne se souvient pas non plus de la présence ou non des bandes dessinées ni davoir vu le titre, et le nom de Claude Robinson, ni des textes de scénario. Son seul souvenir étant le visage de Curiosité et le « tropical background » représenté par les photos 4 et 8 et le personnage de Curiosité, photo 5.
Cest beaucoup demander à une personne qui, vingt ans plus tard, se retrouve témoin dans un procès qui ne la concerne pas personnellement.
Dans lensemble, Blakeney a dit essentiellement la même chose quelle a déclaré antérieurement à la GRC en 2001 relativement à la présence dIzard lors du voyage de Weinberg en 1989. Elle affirme quil a rencontré Davin mais ajoute quant à Cazès et Izard : « I believe », ce quelle a également réaffirmé en contre-interrogatoire au procès.
Ce nest pas parce que Landecker a témoigné au procès et nié avoir discuté de Curiosité à quelque moment que ce soit que Blakeney na pas mis les documents de Curiosité dans une boîte. Elle na aucun intérêt dans cette cause et il na pas été démontré quelle avait un souci de vengeance à légard des défendeurs Weinberg et Charest.
Le Tribunal croit Blakeney.
Le Tribunal ne croit pas Izard quand il prétend ne pas avoir parlé de son projet à personne dautre que LaPierre lors de sa visite au Canada à Sainte-Adèle.
Le témoignage de Sander est précis lorsquil relate son voyage en France dont un des buts était de convaincre Izard de la possibilité de faire des personnages sous forme danimaux, ce que ce dernier a refusé.
Une chose est certaine : Izard a eu accès à luvre du demandeur et les représentants de CINAR ont également exigé des modifications. Izard est le chef dorchestre de toute la production littéraire et il dirige Caillon. Compte tenu de sa contamination par laccès certain quil a eu à luvre du demandeur, il ne peut prétendre être indépendant et diriger une production indépendante.
Les défendeurs avaient le fardeau détablir par une preuve prépondérante et probante la création indépendante littéraire.
Par ailleurs, les cinq scénarios français ont été préparés à la suite de réunions avec Izard, sans quon en connaisse véritablement le contenu et sans aucun document écrit en résultant, comme en a témoigné Haillard.
Izard a bien tenté dexpliquer que lorigine du titre de la série était un verlan. Or, les procureurs du demandeur plaident que lors de son interrogatoire au préalable, IZARD a expliqué que le nom Sucroë constituait du verlan et quil a eu cette idée dès le début quand il a eu le projet:
Q Et ça vous est venu quand, ça, pour la première fois, cette idée-là?
R Cette idée, elle m'est venue à peu près quand on a décidé de faire la série, j'ai cherché un titre et j'ai pensé à ça.
Q. Et ça, c'était connu pour le MIP COM de 1992?
R. Je ne sais plus. Je ne sais pas si c'était à ce moment-là, juste avant ou juste après.
Q. Vous n'en avez aucun souvenir?
R. Je pense que j'ai dû le trouver avant.
Q. Vous pensez ou vous en êtes sûr?
R. Je pense.
Les souvenirs dIzard sont pour le moins hésitants sur cette question. Or, les documents en français produits par Mirleau et les pièces D-219 et D-220 démontrent que ce titre de la série Sucroë était inconnu en France jusquen octobre 1992. Pourtant, le premier titre choisi par Izard pour la série était: Robinson Crusoé a menti: son île n'était pas déserte, selon le synopsis qu'il a déposé et qui est daté du 1er juin 1992.
Pourquoi Izard aurait-il utilisé un verlan dans le cas de Crusoé alors qu'il n'en a pas utilisé pour Albert le 5e Mousquetaire, ni pour Robin des bois junior?
Ni les scénaristes Mirleau et Haillard, ni personne en fait nest venu témoigner que l'idée du nom Sucroë venait dIzard ou qu'il avait été témoin de cette inspiration ou de discussion autour du nom ou quil avait été question de verlan.
Izard nen aurait discuté avec personne, pas même avec ses scénaristes? Cest étrange. Cest surtout peu plausible.
Dans la chronologie des faits, le premier document qui réfère au nom de Sucroë est le Dossier de présentation en anglais, distribué au MIP-COM 92 entre le 12 et 16 octobre 1992 et, de toute évidence, ça ne peut avoir été écrit par Izard qui, de son propre aveu, a une connaissance très limitée de l'anglais.
Lensemble de ces documents met clairement en doute le fait quIzard soit à lorigine du nom Sucroë. Mais il y a plus. Il ne sagit pas de verlan, il sagit dune fausse justification. En effet, le dictionnaire Le Petit Robert définit le mot « verlan » comme suit :
verlan [vDYlS] n. m. v. 1970; verlen 1953, Le Breton; inversion de (à) l'envers Argot conventionnel consistant à inverser les syllabes de certains mots (ex. laisse béton pour laisse tomber, féca (café), tromé (métro), ripou (pourri), et, avec altération, meuf pour femme). »
Tel que souligné par le demandeur, la démarche intellectuelle de convertir en verlan Crusoé ne mène pas à Sucroë. Tout ceci explique les souvenirs très vaporeux et les justifications contradictoires dIzard sur son inspiration et la création du nom Sucroë. Somme toute, personne, ni aucune preuve matérielle ne corrobore ses dires.
Le demandeur soumet que la source la plus plausible du nom, non contredite par les défendeurs, est lexplication suivante :
R. Robinson Sucroë, pourquoi je men rappelle? Parce que, moi, jétais pas daccord. Vendre des barres Mars, ma famille, il y a du diabète dans ma famille et il est pas question que je massocie à du sucre pour les enfants. On en surconsomme. Depuis mon enfance que, dans ma famille, on est sensibilisés au problème du sucre. Appeler ça Sucro, no way. Et je men rappelle.
Or, même en italien, Sucro a été utilisé voulant dire « sucre », le demandeur associant cette découverte à Weinberg.
De plus, il sagit du nom que les défendeurs ont suggéré au demandeur lors de leurs recommandations en tant que consultant.
On sait également quau moment de lécriture du premier synopsis de Mirleau, il est question de Robinson avec ses animaux dont son pachyderme nommé Duresoirée et liguane nommé Dimanchemidi. On sait quà lorigine, Duresoirée, maintenant un humain, était un éléphant. On sait aussi que la mère de Duresoirée se nomme Gertrude Van Boum Boum dont lorigine du nom, malgré la lettre de Mirleau adressée à Izard, ne peut être que la Gertrude du demandeur et Boum Boum son éléphant, sans oublier que Mercredi remplace Vendredi Férié, tout en se rappelant que le mercredi est un jour férié pour les étudiants en France.
Il ne faut pas oublier non plus que Mirleau a reproduit dans son synopsis la même faute dorthographe que celle commise par le demandeur dans le mot « pachyderme » en lécrivant avec un « i ».
Comment croire Izard dans toutes ses explications qui évoluent au fil de la preuve? Si la création découle de ses anciennes uvres, comment se fait-il quaucun scénariste nen a parlé, ni aucun graphiste? Quand on est un spécialiste de ladaptation comme la été Izard au cours de sa longue carrière, il est certainement très aisé pour lui de prendre les textes et les dessins des autres pour les adapter.
Lorsque interrogé par la GRC, Sander avait raison de dire :
There were changes made to Robinson Sucroes appearance during the pre-production, possibly in June of that year, as it was very bland. My impression is that it was very badly organized and it seemed that it had no strong initial creative thinking and that they were making it up as they went along.
(Le Tribunal souligne)
Et il ajoute :
62 Q. What are the odds that the main characters of the series end up in another series?
A. It is more likely if the characters are based on a classic story but I would say that the risk of coincidence based on a minor classical character the odds of coincidence are very high. I would say that the odds of two persons coming up with similar concepts are very low. After hearing Claude Robinsons description of his project Robinson Curiosity, my immediate reaction was So thats where Robinson Sucroë came from. It explained the fact that the show had only bones and no flesh, it was just disorganized.
(Le Tribunal souligne)
Le Tribunal croit Sander et le commentaire quil a émis à la GRC démontre labsence de création indépendante.
Le Tribunal conclut quil ny a pas de création indépendante, les défendeurs nayant pas rencontré le fardeau de la preuve.
11 LA CONTREFAÇON
Dans Problèmes de droit dauteur en éducation, les auteurs écrivent:
Ce qui est bien établi, cependant, c'est le fait que la reproduction littérale d'une oeuvre dans sa totalité constitue toujours une contrefaçon. Par contre, lorsque la reproduction ne couvre qu'une partie d'une oeuvre protégée le juge refusera de considérer le critère quantitatif pour retenir plutôt le critère qualitatif. Le critère qualitatif exprime l'idée que dès que l'on reproduit ce qui est lessence même, la substance ou la partie vitale d'une oeuvre protégée il y a contrefaçon. Cette situation peut se réaliser même si l'on ne reproduit que quelques lignes d'un texte par ailleurs important ou un seul caractère d'une bande dessinée, ou quelques mesures d'une oeuvre musicale. A chaque fois, le juge s'appliquera à situer la reproduction par rapport à l'ensemble de l'uvre originale. S'il constate que la reproduction reprend l'essence même de l'uvre originale il conclura à la contrefaçon.
Considérant l'existence des similitudes substantielles, entre autres:
Des dessins du personnage principal Curiosité;
De la maison en « L » et de sa tour d'observation;
Des caractères des personnages principaux déguisés en humains, tels que Boum Boum en Duresoirée; le Paresseux en Dimanchemidi, Léon le caméléon en Petitevacances;
Du camouflage de Vendredi Férié en Mercredi, de Charlie en Courtecuisse, de Schloup en Brisk;
Considérant la conclusion du Dr Perraton que le Tribunal fait sienne et qui se lit comme suit:
Grâce au relevé systématique des similitudes et des liens observés et inférés chez les personnages et leurs relations, ou sur le contexte spatiotemporel et sur les éléments scénaristiques qui organisent laction, lanalyse comparative a en effet atteint un degré dexhaustivité suffisant pour répondre dans laffirmative à la question de départ : oui, il existe, entre Robinson Curiosité et Robinson Sucroë, des similitudes et des liens, qui sont visibles non seulement en quantité par la reprise des formes perceptibles, mais aussi et surtout en qualité par la reprise de la forme intelligible.
Le Tribunal conclut que les défendeurs ont reproduit l'essence, la substance et la partie vitale de l'uvre Curiosité.
Vu l'absence de création indépendante et vu la démonstration de l'accès à l'uvre Curiosité par CINAR, Charest, Weinberg, Izard, Davin, France Animation, Hille et Ravensburger, le Tribunal n'a aucune hésitation à conclure à la contrefaçon de l'uvre Curiosité, le tout en contravention des dispositions de la LDA.
12 LA RESPONSABILITÉ DE CERTAINS DÉFENDEURS
Les défendeurs soumettent que Davin, Plummer et Hille, agissant soit à titre demployé ou administrateur ou officier de leurs compagnies respectives, nont pas engagé leur responsabilité personnelle, même si leur employeur avait commis un acte de violation de droit dauteur, à moins dune implication personnelle de leur part dans le plagiat.
Quant à BBC, elle plaide quelle ne peut être tenue responsable que de la diffusion de la série et des dommages qui peuvent en découler, sil y a lieu. Le Tribunal est daccord avec cet argument.
Quant à Plummer, vu la conclusion du Tribunal quant à labsence daccès, elle ne peut être tenue responsable.
Restent les Charest, Weinberg, Izard, Davin et Hille.
12.1 Charest et Weinberg
Il est clair que ces deux administrateurs de CINAR ont agi en toute connaissance de cause. Ils ne peuvent absolument pas se cacher derrière le paravent corporatif pour échapper à toutes les fautes quils ont commises tant en vertu de la LDA quen vertu du Code civil. Ils sont également responsables, tout comme CINAR.
12.2 Christophe Izard
Izard est un complice de la violation du droit dauteur, un acteur de première ligne. Par ses agissements, il a encouru sa responsabilité personnelle et entraîné celle de France Animation pour qui il agissait à titre de directeur artistique, selon laveu judiciaire de France Animation dans la défense du 3 mai 2006.
La correspondance échangée à lépoque démontre clairement quil agissait pour France Animation et liait cette dernière par ses actes. Il agissait pour et au nom de cette dernière et à son bénéfice. Il occupait les locaux de France Animation et avait du personnel de celle-ci sous sa responsabilité.
12.3 Christian Davin
Davin est le PDG de France Animation au moment pertinent, soit de 1989 à 1997. Il est le personnage teflon dans cette affaire. Jamais il nest accusé directement mais il nen demeure pas moins quil est impossible quil soit resté dans lignorance des manuvres de violation du droit dauteur, tant par les relations quil entretenait avec Weinberg et Charest que par son lien hiérarchique avec Izard.
Dailleurs, Izard a témoigné quil avait été traité généreusement par Davin lors de son embauche. Il a aussi déclaré quil avait eu peur « de perdre son job » sil ne participait pas au stratagème WASH, c'est-à-dire faire bénéficier McRaw par lentremise dÉrica Alexandre des redevances de la SACD auxquelles elle navait pas droit.
Qui donc pouvait lui faire « perdre son job », sinon celui qui lui octroyait ses contrats?
Davin est un complice des manuvres de CINAR et de France Animation dans les ententes bilatérales par lesquelles ils ont faussé les pourcentages de participation, sans lesquels les deux corporations étaient inadmissibles à des subventions parce que non conformes aux exigences et conditions de lentente bilatérale France-Québec.
Il est impossible que Davin nait pas été au courant de ces manuvres et du plagiat et sa responsabilité personnelle doit être retenue ainsi que celle de France Animation.
12.4 Peter Hille
Hille a eu accès à luvre Curiosité mais sa participation personnelle na pas été démontrée. Il ne peut être condamné personnellement, puisquil na pas été impliqué de fait dans la création de Sucroë autrement que par son statut de coproducteur.
En résumé, Charest, Weinberg, CINAR, Izard, France Animation, Davin et Ravensburger sont responsables conjointement et solidairement des dommages subis par les demandeurs et qui découlent de la LDA.
Laction est rejetée quant à Plummer et Hille, sans frais.
12.5 BBC
Quant à BBC, elle ne peut être déclarée responsable quen contravention à une violation secondaire parce quelle a continué à diffuser Sucroë après avoir reçu la mise en demeure. Seules les conclusions en injonction peuvent être retenues contre elle.
13 LA RESPONSABILITÉ DE McRAW HOLDINGS INC. et HÉLÈNE CHAREST
Le demandeur poursuit les défendeurs McRaw Holdings inc. et Hélène Charest et allègue ce qui suit à sa déclaration précisée ré-ré-amendée :
167. Il en résulte que de tels stratagèmes frauduleux ont été élaborés par les défendeurs pour frustrer les demandeurs, tout comme de nombreux autres auteurs, de tous leurs droits dauteur;
168. Ainsi, il appert que cette pratique de faux prête-noms pour « Érica Alexandre » et de vrais prête-noms pour M. Thomas LaPierre, le tout sous de faux prétextes, a pour conséquences de mettre en lumière le caractère continu et récidivant des actes intentionnellement frauduleux des défendeurs;
169. Desquels actes frauduleux les demandeurs ont été victimes, notamment de la part des défenderesses Hélène Charest et McRaw Holdings inc., par leur participation aux faits dommageables;
170. En participant de la sorte avec les autres défendeurs au plagiat de luvre du demandeur, les défenderesses Hélène Charest et McRaw Holdings inc. ont donc contribué à priver celui-ci de la reconnaissance de sa création artistique et littéraire et, dautre part, à le frustrer de ses droits dauteurs et de ses droits moraux dans ladite uvre;
171. Enfin, les défenderesses Hélène Charest et McRaw Holdings inc. ont également manqué à leur obligation dagir selon les exigences de la bonne foi, comme le prévoient les articles 6 et 7 C.c.Q.;
Hélène Charest signe avec la défenderesse CINAR un contrat de scénarisation portant la date du 10 octobre 1993, afin de concevoir, préparer et rédiger les huit scénarios suivants :
Lapprenti journaliste
La vie de pirate
Drôles de bêtes
Élixir damour
Maman a raison
Toute la vérité
Voyage organisé
Coup double
Ce contrat prévoit le versement dune somme de 5550 $ par épisode pour un total de 44 400 $.
Hélène Charest retient les services de McRaw, une société de portefeuille appartenant aux défendeurs Charest et Weinberg qui accepte de fournir des services de consultant à la scénarisation. Ses services seront rémunérés à raison de 44 000 $ plus 84 % des redevances que touchera Hélène Charest de la SACD.
Hélène Charest ne participe en aucune façon à lécriture des scénarios ci-haut mentionnés, selon une admission judiciaire par le demandeur au paragraphe 148 de sa déclaration, lequel se lit comme suit :
148. En deuxième lieu, il appert que ni la défenderesse Hélène Charest, ni la défenderesse McRaw Holdings ont participé de quelque façon que ce soit à lécriture des scénarios des huit épisodes dont il sagit dans la série Robinson Sucroë.
Entre juillet 1995 et septembre 1999, Hélène Charest a reçu de la SACD des redevances sous le nom dÉrica Alexandre pour les huit épisodes précités, alors que dans les faits, Thomas LaPierre a expliqué avoir :
écrit au complet les scénarios des épisodes « Journalism School » et « Crab Island Tour »;
participé à la création du scénario de lépisode « Its a Pirates Life » et en avoir ensuite confié lécriture à un scénariste-pigiste, M. Joseph Mallozzi;
confié lécriture du scénario de lépisode « Love Hurts » aux scénaristes-pigistes Peter Landecker et Lucie Lortie et lavoir ensuite simplement révisé;
confié lécriture du scénario de lépisode « Sucroes Evolution » au scénariste-pigiste Stephen Ashton;
confié lécriture du scénario de lépisode « Mother Knows Best » au scénariste-pigiste Joseph Mallozzi;
confié lécriture du scénario de « The Whole Truth » aux scénaristes-pigistes Alain Templeton et Marie Crawford;
confié lécriture du scénario « Double Trouble » au scénariste-pigiste Rick Jones.
Le nom dÉrica Alexandre apparaissait au générique des huit épisodes canadiens de la série Sucroë ce qui lui a permis de faire une demande de redevances auprès de la SACD.
Dionne, président de la SACD de 1999 à 2004, a décrit cette entité comme étant essentiellement une société de perception et de gestion des droits dauteur dont les activités incluent les négociations et les forfaits avec des diffuseurs, que ce soit au théâtre, au cinéma, à la télévision, la perception des redevances ainsi négociées et leur distribution aux titulaires des droits dauteur. Il ajoute que la SACD gère des uvres et seules les personnes physiques peuvent en faire partie et avoir droit de percevoir des redevances .
Or, les auteurs canadiens ont signé des contrats de scénarisation « tous droits cédés » en faveur de CINAR. Voici ce que Me Corbeil du contentieux de CINAR à lépoque déclarait dans un interrogatoire hors Cour:
R. Bien, en fait, cest des discussions générales avec Micheline Charest à leffet quen vertu des contrats de scénarisation que CINAR avait avec les auteurs, qui étaient des contrats usuels dans lindustrie, et nos contrats standards, (sic) les auteurs canadiens navaient pas accès aux redevances de la SACD et, en effet, cétait CINAR qui détenait le droit dauteur dans ces séries-là et dans les scénarios. Par conséquent, Micheline Charest voulait que CINAR puisse accéder à ces redevances-là auxquelles comme je vous dis, les auteurs canadiens ne pouvaient de toute façon pas accéder.
Donc, cétait pas du tout fait dans le but dusurper les droits de ces auteurs-là ou de Claude Robinson, cétait fait pour accéder à des redevances auxquelles normalement la maison de production pensait avoir droit.
De son côté, Me Donald, avocate au contentieux de CINAR, déclare dans son interrogatoire hors Cour :
R Donc, Micheline était formelle, en fait, à leffet quelle avait droit aux sommes, aux redevances provenant de la SACD. Pour elle, le producteur avait droit à ces sommes-là. Ça, cétait son argumentation, daccord? Et, croyez-moi, on discutait pas avec Madame Charest. Même si jétais pas daccord, il y avait aucune place pour que je lui donne mon opinion.
Alors, à ce moment-là, elle ma dit : « Je sais comment je vais pouvoir faire pour percevoir ces sommes-là. Je vais faire en sorte que ma sur, qui est une proche de moi physiquement » - et je pense aussi dans ses relations familiales « je vais lui faire signer un contrat de scénarisation » - mais comme je vous dis, cest pas juste Micheline Charest là, cest lensemble du quatuor (Micheline Charest, Ronald Weinberg, Marie-Josée Corbeil et Hasanain Panju) dont je vous ai parlé tout à lheure et on va faire en sorte quil y ait un contrat qui fasse quelle soit payée comme consultante pour écrire des scénarios et elle va garder une certaine somme pour elle comme incitatif à signer ces contrats-là et par la suite, on va faire en sorte que ces sommes-là soient versées dans notre compte » qui était, selon ce que je sais, un compte personnel à Ron et Micheline, soit le compte de McRaw Holding. Cest ce quon appelait le « wash » dont je vous ai parlé tout à lheure.
Cest ce qui explique la signature des deux contrats mentionnés ci-avant.
Or, il est admis judiciairement quils nont jamais participé à lécriture et que leur rôle consistait à encaisser les redevances de la SACD.
Il est clair également que Hélène Charest na jamais eu connaissance, ni accès à luvre du demandeur. Aucun droit en faveur du demandeur ne découle du contrat de scénarisation signé par Hélène Charest, ni du sous-contrat quelle a donné, bien quils soient des contrats fictifs.
Le demandeur reproche à Hélène Charest de lavoir frustré, davoir touché des droits dauteur par le stratagème décrit précédemment.
La simulation ne nuit pas au demandeur et aucun droit nest créé de cette relation, quant à lui.
Il faut savoir que les redevances touchées frauduleusement par CINAR ont été remises à la SACD et cette dernière a remis à son tour aux auteurs personnellement autorisés la portion qui leur revenait après que ceux-ci aient signé de nouveaux contrats en remplacement des contrats « tous droits cédés ».
Quant à la deuxième revendication du demandeur, à savoir que linscription du nom dÉrica Alexandre au générique la privé de la reconnaissance de sa création artistique et littéraire et la frustré de ses droits dauteur et de ses droits moraux, celle-ci ne peut être retenue.
Neut été du stratagème ou de la manuvre ourdie par Charest pour que Hélène Charest et McRaw touchent des redevances auxquelles elles navaient pas droit, aucun scénariste canadien nen aurait perçu. Les droits moraux du demandeur ne sont pas affectés par cette opération car cest aux titres de concepteur et de coscénariste que son nom aurait paru. En conséquence, le nom du demandeur naurait pas plus paru au générique puisque celui dÉrica Alexandre aurait été remplacé par celui des vrais scénaristes.
Il ny a aucun lien entre le stratagème et la réclamation des demandeurs. Dailleurs, NILEM, naurait pas davantage le droit de réclamer des redevances. En conséquence, laction doit être rejetée à légard dHélène Charest, sans frais vu sa participation au stratagème « WASH ». Cest le prix à payer et le risque à assumer lorsquon participe à de tels stratagèmes.
Quant à McRaw, la même logique sapplique. Elle est sous-traitante dHélène Charest. La responsabilité de cette dernière nest pas retenue, encore moins celle de McRaw. Le Tribunal na pas à vérifier si McRaw a totalement remboursé CINAR, ce nest pas son rôle.
Laction à lencontre de cette défenderesse, McRaw, sera donc rejetée de la même manière, sans frais, et pour les mêmes motifs. Dautant plus que Charest et Weinberg en sont les actionnaires, sont des codéfendeurs et des acteurs principaux en linstance, et ce, bien quils soient représentés par des procureurs différents.
14 LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE CHAREST, WEINBERG ET CINAR
Le demandeur invoque lobligation dagir de bonne foi et le devoir de loyauté de CINAR, Weinberg et Charest et il allègue que par leurs agissements ils nont pas respecté cette obligation envers lui.
En quoi consiste cette obligation? Le Code civil du Québec édicte :
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.
Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
Cette obligation de conduite de bonne foi a été étendue à des tiers. Voici comment la Cour suprême a élargi la notion de responsabilité dans Banque de Montréal c. Bail:
Un manquement à une obligation contractuelle, en tant que fait juridique, peut constituer la base d'une action en responsabilité délictuelle d'un tiers contre le contractant fautif. Une partie à un contrat doit en effet se conduire tout aussi raisonnablement et avec la même bonne foi à l'égard des tiers qu'à l'égard des autres parties contractantes. Un sous-traitant peut donc invoquer en sa faveur un manquement du maître de l'ouvrage à son obligation de renseigner l'entrepreneur, dans la mesure où le maître de l'ouvrage a failli aux normes de comportement d'une personne raisonnable.
À ce sujet, dans son ouvrage Les obligations, Jean-Louis Baudouin écrit :
En effet, il arrive parfois que linexécution ou lexécution déficiente dune obligation contractuelle constitue en même temps une faute extra-contractuelle vis-à-vis un tiers, toute partie au contrat doit se comporter de façon prudente à légard des tiers et, selon les circonstances (incluant lexistence et le contenu du contrat), il peut savérer prévisible que la violation du contrat causera à un tiers un préjudice direct. Linexécution de lobligation contractuelle constitue alors pour le tiers une faute, source de responsabilité, et lui donne un Droit de recours en vertu des dispositions générales relatives aux obligations légales.
(Le Tribunal souligne)
Le demandeur soumet également que le contrat de consultation est assujetti aux obligations de loyauté :
CONSIDÉRANT, toutefois, que si le contrat de travail est assujetti à une obligation de loyauté, spécifiquement prévue par le législateur, la chose na pas, pour autant, leffet dexclure cette obligation pour le contrat de service, eu égard aux articles 6, 7 et plus particulièrement 1376 C.c.Q. prévoyant que tout contrat doit être exécuté de bonne foi;
CONSIDÉRANT que la preuve révèle de la part de lintimé une conduite, tant durant la dernière phase de lexécution de son engagement que postérieurement à celleci, contraire à la bonne foi, fait dailleurs abondamment constaté par la Cour supérieure;
Les défendeurs plaident quil ny a pas de lien contractuel entre le demandeur, NILEM et CINAR puisque le contrat de consultation a été signé avec Pathonic et, en conséquence, CINAR ne représentait pas les demandeurs. De plus, il ny a pas de clause de non-concurrence dans le contrat et par la distribution du journal de promotion à Cannes en 1986, (pièce P-27), les documents étaient publics et donc, ils nauraient enfreint aucune règle de confidentialité.
14.1 La relation contractuelle Pathonic-NILEM-Claude Robinson
En janvier 1986, CINAR, par lentremise de Weinberg et Willenson (CINAR É.U.), propose à Pathonic une offre de services pour :
Démarcher le projet de Curiosité auprès du marché américain;
Effectuer une analyse du projet et faire des recommandations;
Effectuer certains sondages auprès des gros joueurs aux États-Unis.
Coordonner la production.
À ce sujet, Willenson (CINAR É.-U.), Charest et Weinberg rencontrent le demandeur et Vien et Lalonde de Pathonic afin de leur présenter une offre de services, le demandeur ayant demandé expressément dimpliquer CINAR. Cest à ce moment quil présente son projet à tous les participants.
Le 11 février 1986, Pathonic accepte loffre de services de CINAR pour une rétribution mensuelle de 5000 $ US d'une durée de six mois, payée par Pathonic au fur et à mesure de lexécution.
Selon Willenson (CINAR É.-U.), ce contrat de démarchage et de consultation tombe au bon moment pour CINAR car celle-ci en est à ses premiers balbutiements en production et cela lui assure des revenus pour six mois.
Le 3 mars 1986, Weinberg envoie une lettre à Lalonde précisant les réalisations passées de CINAR.
Du 25 au 27 mars 1986, le demandeur, Weinberg et Willenson (CINAR É.-U.) se rendent à New York rencontrer plusieurs producteurs et diffuseurs américains dont CBS, Fox et LBS.
Le 26 mars 1986, NILEM et Pathonic déposent une demande de marque de commerce au bureau des marques de commerce sous le numéro : 559750 et précisent quils feront affaire sous les nom et raison sociale de : Les Aventures de Robinson Curiosité.
Le 4 avril 1986, Willenson (CINAR É.-U.) fait rapport aux parties dont copie est adressée à Charest et Weinberg. Un deuxième voyage, cette fois-ci à Los Angeles, est effectué par Vien, Lalonde, Willenson (CINAR É.-U.) et le demandeur les 15, 16 et 17 avril 1986 où ils rencontrent entre autres des gens de Disney Channel.
Au cours de ces deux voyages à New York et Los Angeles, le demandeur fait des présentations de son projet aux diffuseurs potentiels et reçoit une bonne réponse des producteurs, ce qui justifie des communications entre Disney et Vien pendant lété 1986.
Le 5 mai 1986, lors dune entrevue à la Revue Commerce, Vien parle de ses projets dont Curiosité et fait part de son désir de devenir le Disney Channel québécois.
Lassociation avec Pathonic consistait en le développement et la production de Curiosité doù la demande de marque de commerce conjointe au nom de NILEM et Pathonic pour fins de commercialisation de tous produits dérivés dont la longue énumération se retrouve à la demande de marque de commerce.
Les relations entre le demandeur et Vien se détériorent. Le demandeur dit que Pathonic exige dorénavant un partage à 70-30 au lieu de 50-50 ce quil refuse. Au mois de septembre 1986, le divorce entre Pathonic et lui se concrétise.
À compter du 13 janvier 1987 jusquau mois de septembre 1988, le demandeur tente dobtenir une rétrocession de tous les droits de la marque de commerce que les parties avaient déposée. Elle sera par la suite déclarée abandonnée par le registraire.
Lalonde et Vien reconnaissent dans leur déclaration à la GRC la coentreprise et la rupture de leur relation daffaires.
Le Tribunal retient la reconnaissance dune coentreprise à 50-50 entre NILEM et Pathonic faisant affaire sous les nom et raison sociale de Les Aventures de Robinson Curiosité, ce qui est confirmé par la réclamation de Pathonic de 50 % des frais et débours qui totalisent près de 106 000 $ dont entre autres la moitié des débours payés à CINAR, étant lexigence pour signer une rétrocession.
Le 23 octobre 1996, Lalonde déclare à la GRC quil est impossible, à son avis, que Charest ne connaisse pas limplication de CINAR dans Curiosité
Dans sa déclaration à la GRC le 14 novembre 1995 et seulement après que la GRC lui a exhibé le contrat de service quil a signé, Weinberg reconnaît que le demandeur «was in business with Pathonic. I remember meeting him and discussing the project but nothing else.»
Quant à Charest, dans la même déclaration non signée par elle, elle reconnaît avoir vu le demandeur à Cannes et chez Pathonic, et ce, après avoir dit le contraire à la GRC le 27 octobre 1995 et à son contentieux. À ce sujet, Me Donald, alors procureure interne chez CINAR, déclare lorsque interrogée hors Cour :
Me Marc-André Blanchard :
Q Alors, est-ce que cest vous-même qui avez procédé à ces vérifications dans les archives de CINAR, maître Donald?
R Non.
Q Est-ce que vous savez qui a procédé à ces vérifications?
R Madame Charest.
Q Micheline?
R Micheline Charest.
Q Uniquement?
R Oui.
Q Et donc je présume que pour répondre, vous vous êtes fiée à ce que madame Micheline Charest vous a dit?
R Oui.
Q Est-ce quelle vous a dit quelle était la nature des vérifications quelle a faites?
R Elle a regardé dans ses dossiers.
Q Cest ce quelle vous a dit quelle a fait?
R Oui.
Q Et au moment où vous avez reçu chez CINAR la mise ne demeure de monsieur Robinson, je comprends que cest un dossier qui vous a été confié ça?
R Quel, quel dossier?
Q La réponse à la mise en demeure de monsieur Robinson?
R Oui, oui. La réponse qui est là, oui, bien sûr.
Q Est-ce que vous avez eu des conversations avec madame Charest sur lexistence de monsieur Claude Robinson?
R Avant denvoyer la lettre?
Q Oui.
R Sur lexistence?
Q Oui.
R Avant denvoyer la lettre, non.
Q Madame Charest, est-ce quelle vous a dit préalablement à lenvoi de cette lettre-là si elle connaissait ou pas monsieur Robinson?
R Oui, elle me la dit avant que jenvoie la lettre.
Q Oui.
R Si elle le connaissait ou pas.
Q Oui. Est-ce quelle vous a dit si elle le connaissait ou pas?
R Elle ma dit quelle ne connaissait pas monsieur Robinson.
Q Daucune façon?
R Oui.
(Le Tribunal souligne)
Le contrat CINAR-Pathonic nest pas signé avec les demandeurs et il mentionne la coentreprise Les Aventures de Robinson Curiosité. Le Tribunal constate tant pour Weinberg, Charest et Willenson (CINAR É.-U.) que :
On étudiait et on faisait la promotion de Curiosité;
NILEM était partenaire avec Pathonic dans le projet Curiosité.
Pathonic reconnaissait que NILEM était partenaire à 50-50 avec le demandeur;
CINAR, Charest et Weinberg ont assisté à une présentation du demandeur et Weinberg a même assisté à sa présentation faite à New York;
Willenson (CINAR É.-U.) a participé aux présentations du demandeur tant à New York quà Los Angeles et a fait des recommandations, en plus de celles verbales de Weinberg et Charest faites directement au demandeur;
Weinberg reconnaît que le demandeur faisait affaire avec Pathonic en coentreprise;
CINAR a fait des recommandations au demandeur;
CINAR na pas remis les documents au demandeur à lexpiration du contrat de services.
Ni Charest ni Weinberg ne sont crédibles. Ils ont clairement utilisé les documents du demandeur à lexpiration de leur contrat de services.
Le contrat de services de CINAR prenait fin le 30 juin 1986. À lexpiration, CINAR devait remettre les documents que le demandeur lui avait remis et ne pouvait plus les utiliser à ses fins personnelles, même six ou sept ans plus tard.
Le contrat pièce P-17 ne conférait aucun droit de propriété à CINAR dans les droits dauteur des demandeurs dans Curiosité et encore moins le droit de sapproprier de tels documents pour les utiliser ou les copier.
Dans son ouvrage Loi sur le droit dauteur annotée, lauteur Tamaro résume lobligation de léditeur ainsi :
Un auteur parfait son obligation en livrant son manuscrit à un éditeur et, en contrepartie, léditeur doit lui retourner son manuscrit sil refuse de publier luvre. Léditeur doit être conscient que la réputation ou la renommée dun auteur sont entre ses mains.
CINAR avait lobligation de remettre tout le matériel au demandeur sans en faire de copie. Elle ne pouvait pas lutiliser ou le proposer à dautres car elle nétait que le gardien de ces documents aux fins de promotion de Curiosité et de recommandations à ses propriétaires. Elle ne pouvait pas non plus lutiliser pour servir de base à une copie éventuelle. CINAR avait la même obligation de loyauté quun éditeur.
À cette époque en 1986, Charest, Weinberg et CINAR ne formaient quune petite compagnie et cétait avant quelle ne devienne publique. Ils nétaient en quelque sorte que les gardiens du trésor et ils ne pouvaient pas le montrer à personne après lexpiration de leur mandat, sans une autorisation expresse du demandeur. Le Tribunal ne croit pas non plus quils laient détruit après lexpiration de leur contrat.
Les défendeurs plaident longuement sur lobligation de confidentialité rappelant au Tribunal que le journal de promotion (P-27) a été distribué à plusieurs milliers dexemplaires. Il faut savoir cependant que certains dessins, tels que la maison en « L », nont pas été distribués à Cannes et, de ce fait, étaient donc protégés par lobligation de confidentialité.
En trahissant leur loyauté envers le demandeur et Pathonic, CINAR, Charest et Weinberg commettaient une faute grave entraînant leur responsabilité civile.
La Cour suprême le rappelle dans laffaire Prud'homme c. Prud'homme : tout est fonction des circonstances.
Weinberg navait pas le droit dapporter les documents appartenant au demandeur pour un voyage daffaires en Europe, tel que confirmé par Blakeney.
Charest navait pas le droit dutiliser des dessins ou des photocopies des dessins du demandeur lorsquelle révisait le dossier Sucroë avec Sander quil avait qualifié de crap Elle navait pas le droit de lui montrer une liasse de documents parmi lesquels il a reconnu deux dessins.
Les nombreuses similitudes dans les dessins de Sucroë révèlent que Charest les a montrés aux représentants de France Animation.
Autant de gestes posés par les défendeurs sont révélateurs de leur mauvaise foi. Ils appliquent à Sucroë quelques-unes des recommandations quils ont faites au demandeur, ensuite, ils nient le connaître ou minimisent leur connaissance du demandeur et de son uvre dune manière carrément choquante et ils persistent à plaider quils nont pas eu accès à luvre.
La tricherie était la règle. Que penser des témoignages de Weinberg et de Charest sur leur implication dans Sucroë quand on les compare au témoignage de Willenson (CINAR É.-U.) qui dit quils sont impliqués dans la création et quil y a eu entre 25 et 30 rencontres et appels téléphoniques divers relativement au projet Curiosité?
Willenson a déclaré :
Ron and Micheline were involved in all aspects of this project.
Primary creative input was coming from Ron and Micheline.
Que dire des commentaires quils émettent à Ashton et que ce dernier rapporte au demandeur comme suit :
The letter to Jeff Wise was at his request. He said he wanted all the writers to provide a one page description of their involvement with Robinson Sucroe. This was when he was telling me you were a complete kook just trying to make some quick money off of good honest Cinar.
Le demandeur était en droit de sattendre à mieux de quelquun qui a touché 30 000 $ US pour démarcher son uvre. Il reste que la franchise et la loyauté nont jamais été au rendez-vous.
Devant tous ces faits, le Tribunal conclut que :
le contrat de services de CINAR a eu pour seul objet Curiosité et NILEM y est associée avec Pathonic;
Le demandeur est un tiers à légard duquel CINAR devait se comporter de façon prudente, puisquelle savait quil était lauteur et fortement impliqué dans Curiosité;
Charest, Weinberg et CINAR savaient que toute inexécution contractuelle ou toute déloyauté nuirait au demandeur, constituant ainsi une faute civile entraînant leur responsabilité.
Les défendeurs Charest, Weinberg et CINAR, agissant de mauvaise foi, sont responsables des dommages compensatoires à légard des demandeurs.
15 LA POSSESSION ET PROPRIÉTÉ ET LA REDDITION DE COMPTE
Puisquen principe, le contrefacteur ne peut continuer la possession dune uvre qui ne lui appartient pas, le demandeur réclame la possession de luvre Sucroë et sappuie sur larticle 38.1 de la LDA qui prévoit que :
Le titulaire du droit dauteur peut, comme sil en était propriétaire, recouvrer la possession de tous les exemplaires contrefaits de luvre ou de tous autres objets de ce droit dauteur et de toutes les planches qui ont servi ou qui sont destinées à servir à la confection de ces exemplaires.
En plus de nier la contrefaçon, les défendeurs répliquent à cet argument que la musique, les paroles des chansons, la trame dramatique sont différents de ceux de Curiosité et que même si les demandeurs récupéraient les copies, plusieurs autres droits dauteur subsisteraient et, en conséquence, les demandeurs ne pourraient légalement les exploiter sans lautorisation de ces titulaires.
Dans l'éventualité où le Tribunal constate la contrefaçon, les défendeurs proposent de remettre au demandeur, sous serment, dans les trente jours du jugement à intervenir, tous exemplaires de Sucroë afin quil procède à leur destruction dans les quinze jours de la remise.
Le demandeur a témoigné et a déposé quil a refusé toutes les modifications à de son uvre, même si les opinions de tous les experts concordaient en ce quune émission pour enfants doit comporter de laction (ex : pirates) pour obtenir un succès commercial.
De plus, il a témoigné quil ne pouvait supporter le visionnage des épisodes de Sucroë et que cela le rendait malade.
Ce serait perpétuer son tourment que de lui permettre dexploiter luvre Sucroë.
Le Tribunal conçoit très bien les différends qui pourraient survenir avant même que le demandeur puisse exploiter la série Sucroë par les multiples ententes sur les droits dauteur qui devraient être concrétisées avec les autres créateurs.
La suggestion des défendeurs comme moyen subsidiaire nous apparaît raisonnable, sauf quant au délai de destruction allégué de quinze jours. Ce délai devra être de 60 jours de la remise des exemplaires de Sucroë. Cela permettra au demandeur, sil le désire, dorganiser une fête privée pour leur destruction et ainsi mettre fin à son cauchemar. Il pourra saisir cette occasion pour tourner la page, retrouver la joie de vivre et rendre heureux ses proches, eux qui ont beaucoup souffert avec lui au cours des treize dernières années.
15.1 LA REDDITION DE COMPTE
Le demandeur sappuie sur larticle 34 (1) de la LDA qui prévoit que le titulaire dun droit violé peut exiger une reddition de compte en plus dobtenir, à la discrétion du Tribunal, une proportion des profits réalisés par les défendeurs qui ont commis cette violation.
Il plaide notamment le fait que le titulaire du droit dauteur a le droit de savoir dans quelle mesure son uvre a été utilisée illégalement et de connaître limpact de lutilisation non autorisée. Il dit en plus que le recours sajoute à tous les autres recours.
Sappuyant sur lauteur Tamaro, il argumente que la reddition de compte est accordée presque systématiquement :
To this day, Canadian courts systematically order the taking of accounts in the context of a claim for damages for infringement of copyright.
Le demandeur allègue quil a de la difficulté à établir clairement les recettes que les défendeurs ont retirées de lexploitation illicite de son uvre.
De plus, il plaide quil na pas les moyens financiers de payer une expertise comptable et quau surplus, il a reçu tardivement une partie de la documentation comptable pour ce faire.
Le demandeur ajoute que linsuffisance des documents qui lui ont été transmis rend une reddition de compte incontestablement nécessaire et il plaide que les défendeurs nont produit aucune preuve probante quant au coût déductible des revenus que lui-même établit à 15 M$ US.
De leur côté, les défendeurs se retranchent sur la position quils ont maintenue tout au long des procédures, c'est-à-dire que le Tribunal na pas à calculer les profits mais quil doit accorder une reddition de compte conformément aux articles 532 et suivants du Code de procédure civile.
En lespèce, les défendeurs recherchent une scission de linstance ou, à tout le moins, que le Tribunal accorde la reddition de compte afin détablir le montant exact des profits.
Lors de laudition des requêtes en cassation de subpoena au printemps 2008, les défendeurs ont demandé que la question des profits soit réglée après lactuel procès, au moment dune enquête et audition sur une reddition de compte.
Le Tribunal a alors statué sur ces requêtes et ordonné aux défendeurs de produire et de remettre aux demandeurs tous les contrats et documents comptables requis pour établir les recettes découlant de la diffusion et de lexploitation de la série Sucroë.
Aujourd'hui, les défendeurs invoquent le fait quils sont pris par surprise car, selon eux, le jugement sur la requête pour cassation des subpoena ne réglait pas définitivement la question parce que le Tribunal a utilisé le mot « dommages » plutôt que « profits » dans son jugement, bien que toute la discussion et les représentations sur les profits eurent lieu lors de ce débat.
Cet argument des défendeurs est pour le moins surprenant car ultérieurement, en août 2008, ils ont déposé le tableau de leurs témoins et y ont indiqué les noms suivants :
M. Patrice Jouanin, de chez France Animation, pour une durée dun jour. Son témoignage devait porter sur les revenus et les dépenses associés à la production Sucroë et à sa mise en marché et sur le succès commercial de la série.
Plummer comme témoin sur labsence de revenus et les dépenses associées à la production de la série Sucroë.
M. Henry Rosencheck de Ernst & Young comme témoin pour une demi-journée sur la vérification des dépenses associées à la production de la série Sucroë, à sa mise en marché et sur le succès commercial de la série.
Hille de Ravensburger comme témoin qui devait discuter des dépenses associées à la production de la série Sucroë.
En ce qui concerne Jouanin, celui-ci na témoigné que quelques minutes et, à la suite dune objection de la procureure du demandeur, laquelle a été maintenue, les défendeurs nont posé aucune question additionnelle. Quant à Rosencheck, les défendeurs ont renoncé à le faire entendre et les autres témoins nont pas déposé sur les coûts ni sur les revenus.
La procédure de reddition de compte est un processus lent puisquelle ouvre la porte à un second procès, car à la suite du dépôt des comptes par les défendeurs, leur contestation se fait de la même manière que la contestation dune action ordinaire.
Les parties se sont affrontées âprement depuis presque quatorze ans. Considérant les articles 4.1 et 4.2 C.p.c. sur la proportionnalité, il nest pas dans lintérêt de la justice ni des parties de les retourner dans un débat, la procédure prévue aux articles 532 et suivants C.p.c.étant lourde.
Au surplus, le Tribunal constate que la réclamation des avocats du demandeur pour leurs honoraires extrajudiciaires à jour est de 2 433 836 $ et il serait contre-indiqué dautoriser une telle reddition de compte entraînant de perpétuer procédures judiciaires, coûts, émotions et passions.
Bien sûr, le Tribunal pourrait ordonner une reddition de compte qui ferait bien laffaire des défendeurs. Une telle décision entraînerait des délais additionnels injustifiés. Les défendeurs ont choisi de ne pas faire entendre de témoin sur ce point litigieux. Peut-être ont-ils craint davoir à révéler en contrepartie lensemble de tous les revenus? Ils ont préféré se satisfaire des revenus déclarés et ajouter une contestation sur la portion des revenus dont nous discuterons plus loin.
Le Tribunal, exerçant sa discrétion judiciaire, rejettera cette conclusion.
16 LES DROITS MORAUX DU DEMANDEUR EN VERTU DE LA LOI SUR LE DROIT DAUTEUR
Le demandeur réclame la somme de 250 000 $ pour atteinte à ses droits moraux en vertu de la LDA. Deux droits moraux découlent de la LDA : celui où lauteur a le droit de voir son nom associé à luvre appelé « droit de paternité »; et le droit à lintégrité de luvre.
Cette loi précise à son article 34 (1.1):
Le tribunal, saisi dun recours en violation des droits moraux, peut accorder à lauteur les réparations quil pourrait accorder, par voie dinjonction, de dommages-intérêts, de reddition de compte, de restitution ou autrement, et que la loi prévoit ou peut prévoir pour la violation dun droit.
La loi décrit ce que sont les droits moraux et une atteinte à ces droits aux articles suivants :
Droit moraux
14.1 (1) Lauteur dune uvre a le droit, sous réserve de larticle 28.2, à lintégrité de luvre et, à légard de tout acte mentionné à larticle 3, le droit, compte tenu des usages raisonnables, den revendiquer, même sous pseudonyme, la création, ainsi que le droit à lanonymat.
Incessibilité
(2) Les droits moraux sont incessibles, ils sont toutefois susceptibles de renonciation, en tout ou en partie.
Portée de la cession
(3) La cession du droit dauteur nemporte pas renonciation automatique aux droits moraux.
Effet de la renonciation
(4) La renonciation au bénéfice du titulaire du droit dauteur ou du détenteur dune licence peut, à moins dune stipulation contraire, être invoquée par quiconque est autorisé par lun ou lautre à utiliser luvre.
Durée
14.2 (1) Les droits moraux sur une uvre ont la même durée que le droit dauteur sur celle-ci.
Décès
(2) Au décès de lauteur, les droits moraux sont dévolus à son légataire ou, à défaut de disposition testamentaire expresse, soit au légataire du droit dauteur, soit, en labsence dun tel légataire, aux héritiers de lauteur.
Atteinte aux droits moraux
28.1 Constitue une violation des droits moraux de lauteur sur son uvre tout fait acte ou omission non autorisé et contraire à ceux-ci.
16.1 LE DROIT DE PATERNITÉ
Le premier droit revendiqué par le demandeur est celui de voir son nom associé à luvre, droit appelé de paternité.
Après que le Tribunal ait conclu quune partie de son uvre Curiosité se retrouve dans Sucroë, le demandeur revendique le droit de retrouver son nom au générique à linstar dIzard et dHélène Charest, et ce, sappuyant sur le commentaire du juge Binnie dans laffaire Théberge :
19 La preuve en lespèce laisse croire quau moins dans certains cas, le nom de lintimé a été enlevé et quil ne figurait plus sur les affiches lorsque celles-ci ont été offertes en revente. Lintimé aurait pu faire valoir à cet égard le droit moral dêtre reconnu publiquement comme lauteur de son oeuvre artistique.
La Cour dappel, pour sa part, décrit le droit de paternité comme suit :
(...) En parlant du droit à la paternité, Claude Colombet mentionne qu'il s'agit « d'un rapport de parenté et de filiation entre l'être humain et la production de son esprit ». Le droit de se voir justement attribuer la paternité d'une uvre tout comme le droit au respect du nom revêtent une connotation purement morale tenant à la dignité et à l'honneur du créateur de l'uvre. »
En linstance, le demandeur aurait pu voir son nom paraître au générique comme créateur des personnages principaux, créateur de la recherche graphique et des personnages principaux et créateur de lidée originale.
Les défendeurs plaident que luvre du demandeur na jamais été publiée et argumentent que toutes ses tentatives de commercialisation depuis 1982 ont échoué. Ils plaident également le long délai écoulé entre la dernière présentation de Curiosité et la première diffusion de Sucroë. Ils prétendent que le demandeur avait abandonné son projet.
Ces arguments sont trompeurs et ne changent rien au droit du demandeur. Ou bien les défendeurs ont copié ou adapté luvre du demandeur et, le cas échéant, ils devaient acquérir ses droits, le désintéresser et accepter dinscrire son nom à luvre pour utiliser ses droits, lécoulement du temps nenlevant aucun droit moral au demandeur, ou bien ils nont pas plagié.
Le fait que Curiosité nait jamais été diffusée nest pas un moyen de défense.
Par ailleurs, on ne peut oublier le témoignage de Mme Lévesque, ladjointe de Champagne, ni la remarque de Lalonde qui cherchaient le nom du demandeur au générique.
Le Tribunal retient que le personnage principal Sucroë, lui-même associé au demandeur, des dessins et les caractères des principaux personnages ont été repris substantiellement dans Sucroë. Pour ces raisons, le demandeur aurait dû bénéficier dune reconnaissance publique qui aurait pu propulser sa carrière durant les treize années qui ont suivi la diffusion au lieu de lobliger à rechercher la vérité.
Dautre part, le demandeur a toujours refusé les modifications proposées par CINAR qui, prétendait-elle, favoriseraient le démarchage de la série.
Alors que le demandeur désirait créer un produit bénéfique aux enfants, il reproche à CINAR de ridiculiser à plusieurs reprises le personnage de Van Boum Boum et dHildegarde Van Boum Boum, le cliché dune grosse dame, ce quil trouve odieux. De plus, ils ont ajouté un gros défaut à Robinson en ce quils en ont fait un menteur, ce quil nest pas. Et il a reproché lajout du personnage dUglyston.
La reconnaissance que le demandeur désire obtenir par cette réclamation nest pas judicieuse, compte tenu quil est en désaccord avec luvre produite et, deuxièmement, quil a obtenu une reconnaissance face au public des erreurs et des agissements des défendeurs.
Il demeure toujours que Sucroë nest pas le produit auquel il veut sassocier.
Bien sûr, il ne peut inscrire dans son curriculum vitae la réalisation et la production dune uvre à succès diffusée dans plus de 100 pays où on aurait vu son nom au titre de lidée originale et de la conception graphique.
16.2 LE DROIT DE LAUTEUR AU MAINTIEN DE LINTÉGRITÉ DE SON UVRE
Le demandeur, sappuyant sur la décision Théberge :
17 Selon la loi actuelle, une caractéristique importante des droits moraux tient au fait quil ny a violation de lintégrité de luvre que si celle-ci est modifiée dune manière préjudiciable à lhonneur ou à la réputation de lauteur (par. 28.2(1)). Compte tenu de limportance de cette condition dans linterprétation de lensemble du régime législatif, je cite ci-dessous les dispositions pertinentes :
28.2 (1) Il ny a violation du droit à lintégrité que si luvre est, dune manière préjudiciable à lhonneur ou à la réputation de lauteur, déformée, mutilée ou autrement modifiée, ou utilisée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution.
(2) Toute déformation, mutilation ou autre modification dune peinture, dune sculpture ou dune gravure est réputée préjudiciable au sens du paragraphe (1).
(3) Pour lapplication du présent article, ne constitue pas nécessairement une déformation, mutilation ou autre modification de luvre un changement de lieu, du cadre de son exposition ou de la structure qui la contient ou toute mesure de restauration ou de conservation prise de bonne foi.
Par conséquent, dans laffaire Snow c. The Eaton Centre Ltd. (1982),70 C.P.R. (2d) 105 (H.C. Ont.), un sculpteur sest opposé avec succès à ce que le Eaton Centre décore avec des guirlandes de Noël sa création consistant en un vol de 60 bernaches du Canada sapprêtant à jamais à se poser dans lentrée sud dun centre commercial du centre-ville de Toronto. Lavocat de lartiste a dit, à la p. 106, que son client :
[TRADUCTION] . . . était fermement convaincu quon avait rendu sa création naturaliste ridicule en y ajoutant des rubans et a indiqué que cétait comme si on accrochait des boucles doreille à la Vénus de Milo.
18 Par conséquent, même si les bernaches en vol avaient été vendues et payées, lartiste a pu franchir la barrière du droit de propriété et intenter une action contre un propriétaire ultérieur, non pas parce que celui-ci avait porté atteinte à ses droits économiques, mais bien parce quil avait violé ses droits moraux, c.-à-d. parce quil sétait livré à ce que lartiste et le juge considéraient comme une atteinte à lintégrité artistique du vol de bernaches sapprêtant à se poser.
À ce chapitre, les parties ne sentendent pas sur la portée de larticle 28.2(1) de la LDA.
Nature du droit à lintégrité
28.2 (1) Il ny a violation du droit à lintégrité que si luvre est, dune manière préjudiciable à lhonneur ou à la réputation de lauteur, déformée, mutilée ou autrement modifiée, ou utilisée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution.
Présomption de préjudice
(2) Toute déformation, mutilation ou autre modification dune peinture, dune sculpture ou dune gravure est réputée préjudiciable au sens du paragraphe (1).
Non-modification
(3) Pour lapplication du présent article, ne constitue pas nécessairement une déformation, mutilation ou autre modification de luvre un changement de lieu, du cadre de son exposition ou de la structure qui la contient ou toute mesure de restauration ou de conservation prise de bonne foi.
Les défendeurs plaident que le demandeur doit rencontrer trois conditions, savoir :
la déformation de luvre;
que celle-ci est préjudiciable à la réputation de lauteur;
quil jouissait précédemment dune réputation dans le domaine dans lequel se trouve luvre.
Ils ajoutent que sur ce dernier point, le demandeur, bien quayant une excellente réputation dans le domaine de la publicité, navait pas encore établi sa réputation en tant que créateur démissions pour enfants, son projet Curiosité ne sétant jamais matérialisé.
Le demandeur plaide le contraire en revendiquant le droit à lintégrité de luvre. Le Tribunal est davis quil fait erreur et partage lopinion du juge dans laffaire Prise de parole inc. :
[26] Mais j'estime que l'appréciation du caractère préjudiciable à l'honneur et à la réputation d'un auteur requiert également une évaluation objective du préjudice, basée sur l'opinion du public ou d'experts. Dans l'affaire Snow la requérante avait fait une telle preuve. En l'instance, la preuve révèle certes que Doric Germain s'est senti frustré par la publication d'une version tronquée de son uvre. Il a longuement discouru, lors de son témoignage, sur les modifications que la défenderesse a apportées à son texte: une quantité fort importante de son roman a été reproduite mais avec des omissions essentielles dont l'intrigue secondaire et plusieurs détails du nord ontarien qui formaient une partie importante de son uvre originale sans compter l'ordre de présentation de l'intrigue qui a été changé et les divisions et subdivisions du roman qui ont été omises ou modifiées. Bref, l'auteur a largement démontré que son uvre a été déformée, mutilée ou autrement modifiée.
[27] Il reste à voir si l'uvre a été déformée d'une manière préjudiciable à l'honneur et à la réputation de l'auteur. Doric Germain a bien fait part de sa profonde déception de voir son uvre ainsi déformée au point qu'il aurait préféré que son nom ne fût pas associé au recueil de la défenderesse. Il a aussi indiqué être bien connu dans son milieu, jouir d'une bonne réputation comme auteur, ayant déjà quatre romans à son actif. Boursier du Conseil des arts de l'Ontario, il a été invité par la province de l'Ontario au Salon international du livre de Le Mans en France en 1989, et sa photo a été publiée en page couverture de la revue Liaison, principale revue des arts en Ontario. Il a déjà été invité à faire une tournée des écoles du Manitoba et il donnait, à l'occasion, des entrevues à la radio et à la télévision. Souvent invité à prononcer des conférences dans les écoles, il a cependant reconnu, à une question du procureur de la défenderesse qui voulait savoir si le nombre de conférences qu'il était appelé à donner avait diminué après la publication du recueil Libre expression: "Je ne pense pas que ça ait nui". Doric Germain a aussi reconnu qu'il n'avait pas été ridiculisé ou fait l'objet de railleries par ses collègues ou par les journaux, et qu'il n'avait personnellement entendu aucune plainte après la publication du recueil Libre expression.
[28] En résumé, bien que l'auteur a démontré que son roman a été profondément modifié, à son insu, et qu'il en a été choqué et bouleversé, la preuve n'a pas établi qu'objectivement, comme l'exige le paragraphe 28.2(1) de la Loi, son uvre fut modifiée de façon préjudiciable à son honneur ou à sa réputation. À défaut de cette preuve, le demandeur n'a pas droit à des dommages-intérêts moraux.
Le Tribunal est davis que le demandeur ne peut bénéficier non plus de la présomption prévue à la loi qui ne sapplique quaux éléments suivants, savoir : la peinture, la sculpture ou la gravure.
Il y a absence de preuve quant à ce que lhonneur et la réputation du demandeur ont été entachés par les modifications apportées à luvre.
Le Tribunal ne peut retenir largument de latteinte à lintégrité.
17 LE PRÉJUDICE MORAL
À ce chapitre, le demandeur réclame la somme de 500 000 $ pour des dommages non pécuniaires découlant de la contrefaçon et sappuie sur lauteur Tamaro :
« Sometimes there is nonfinancial harm suffered by the copyright owner which must be compensated.
(...)
The Act protects not only the exclusive rights in the work (s.3), but also rights regarding the authors personality, notably his reputation.
(
)
Whether the remedy be of common law or civil law origin, it may be applied in matters of copyright. The wording of the section seems to leave the door open to the application of all remedies existing in provincial law which are not specifically prohibited in federal law.
Il invoque limpact de la découverte du plagiat sur sa capacité fonctionnelle et sur ses activités intellectuelles et sociales.
La preuve révèle le caractère très créatif du demandeur avant sa connaissance du plagiat. Il soumet quen raison du choc émotif que cette découverte lui a causé, les treize années qui ont suivi ont été des années infernales pour lui et ses proches.
Plusieurs témoins sont venus déclarer devant le Tribunal quavant le mois de septembre 1995, date de la première diffusion de Sucroë, le demandeur était une personne joyeuse et passionnée par son travail, un concepteur extrêmement créatif et innovateur. Il était un homme travaillant et respecté dans son milieu et qui entretenait de bonnes relations avec sa clientèle.
Cest avec beaucoup démotion et de nervosité que le demandeur a témoigné le 3 septembre 2008, tel quen font foi les extraits suivants :
Q Donc, vous nous avez expliqué brièvement, monsieur Robinson, l'état physique dans lequel vous vous êtes retrouvé au moment...
R Oui.
Q ... de la première... en fait, même pas de la première diffusion, mais de la constatation, là, de l'annonce, puis qu'est-ce que ça... est-ce que ça a changé autre chose au niveau de votre caractère par exemple?
R Ça a tout changé, Monsieur le Juge. Je suis tombé malade carrément et j'en ai encore des séquelles aujourd'hui. Ça a été vraiment des problèmes, là, de plusieurs angles, c'est-à-dire et physiques et psychologiques, des états dépressifs, de crises et de tout ce que vous voulez.
(...)
Parce que moi, avoir (inaudible) quatre (4) petites nationales qui se sont mises ensemble pour me violer mes droits d'auteur, allez expliquer ça à une Cour, là. Vous arrivez, là, puis vous allez parler de ça, là, verbalement, là. Tu sais, ils vont dire, bien, pas très crédible. Surtout que c'était toutes des compagnies bien connues, puis bien respectées, puis tout. Vous, vous êtes un tipit. On pouvait, en plus, passer pour un fou les premières années, en plus, puis longtemps.
Alors, il a fallu tout que je trouve, chaque petit document, chaque petite affaire, puis le mettre en preuve. Tu sais, quand la police est venue à mes bureaux, là, j'étais vert, je veux dire c'est pas compliqué, là. Il m'arrive, tu sais: "Oui, monsieur Robinson, vous prétendez que vous vous êtes fait violer vos droits d'auteur. C'est quoi cette histoirelà?"
R Donc, je savais ce que je cherchais visuellement, mais va chercher trois (3) magazines quelque part. Je les ai trouvés. Ça m'a pris je sais pas combien de semaines, mais c'est que je suis malade, là, tu sais. Je suis pas dans un état normal. Quand je fouille les caisses, là, ça a pas d'allure. Tu sais, c'est... en tout cas.
Q Qu'estce que vous voulez dire...
R Bien, j'étais knockout.
Q ... en (inaudible): "ça n'a pas d'allure?"
R J'étais knockout. Tu sais, c'était comme... ma femme, j'étais plus capable de lui parler. J'étais plus capable de parler au monde. Tu sais, je suis allé souper... je pense que c'est le vendredi, après qu'on ait tapé les émissions, je suis allé souper dans un petit restaurant justement avec Claude Dagenais, sa conjointe, je me suis mis à brailler à la table, là. Tu sais, tout le monde m'a (inaudible). Mais c'est devenu totalement incontrôlable, chez moi, làdessus.
(Le Tribunal souligne)
Le témoin Claude Dagenais a corroboré cette version du demandeur. Ce dernier continue son témoignage :
Q Dans votre recherche de documents...
R Parce que, comprenez une affaire, ces genslà me connaissaient, là. Tu sais, c'est pas juste me piquer une affaire. Du monde que tu connais pas, puis qui te prenne ton oeuvre, puis s'en vont faire de quoi, ça, c'est du business, tu comprends. C'est un viol de droit d'auteur, mais c'est juste pour la piastre, la business, mais eux me connaissaient. Ils m'ont vu me présenter. Ils m'ont vu... ils me connaissent personnellement. Ils savaient mes objectifs que j'avais avec ça, cette oeuvrelà.
R Micheline Charest, Ronald Weinberg, c'est pas des inconnus, là. Ils savaient l'âme que j'y ai mise. Ils savaient le coeur que j'y ai mis. Six (6) mois de temps, si vous passez ça avec moi, vous allez vous fatiguer de moi, je le sais, mais en bout de ligne, ce que je veux dire, vous pouvez pas ignorer comment je m'étais investi làdedans. De me violer mes droits làdessus, de m'arracher ça, de savoir qu'on m'arrache l'âme de même.
R C'est la cruauté de ces genslà qui étaient absolument insupportables pour moi. Tu dis: "Ça se peut pas être aussi méchant que ça, là." Tu sais, c'est pas juste... c'est écurant, excusez, là. Puis, en plus, c'est que tu te voies, c'est ta face. Tu sais, c'est... aïe, j'ai mis du labeur làdedans. Quand tu dis: "Mon oeuvre, c'est (inaudible) une oeuvre." Un petit dessin, là, n'importe quel... j'en prendrai pas parce qu'il faut que je nomme le numéro, puis je serais pas capable dans la seconde, mais n'importe quel petit dessin qui est là, combien d'heures vous pensez que c'est un dessin.
R C'est pas juste faire (inaudible), c'est pas vrai, là. Il y a du temps, il y a de la réflexion. Chaque dessin est un investissement de... tu sais, il y a quelque chose derrière ce dessinlà. Il fait partie d'un ensemble, mais chacun des dessins est autonome.
R Je meurs demain matin, ma femme, elle prend un des petits dessins, là, qu'elle le mette à l'encan, il est autonome, elle est capable de le vendre comme tel. C'est une oeuvre. Ce dessinlà est une oeuvre. L'autre est une oeuvre. Chaque petite bande dessinée est une oeuvre. C'est ça. Mais qu'on me dise que c'est pas une oeuvre (inaudible) en plus, c'est comme ça a plus d'allure, là.
R Mais c'est pas juste chaque pièce. C'est qu'il y avait un concept global en plus. Il y avait une réflexion profonde. Il y avait un engagement personnel dans toute cette affairelà. Tu sais, tu es en plein en démarche, puis ça roule bien avec Dansou, avec... tu sais, toute cette ganglà. Tu es sur le bord, là, que, enfin, ça marche (inaudible), puis tu vois ça à l'écran, puis tu vois qui c'est qui t'as fait ça.
R Tu sais, ils sont tous là. Il y a pas d'étrangers làdedans, là, puis tu vois ton Jean Pilote en plus. Tu sais, le gars qui te demande: "Astu déjà présenté ça à Cinar?" Là, tu dis: Tabarnouche, c'est quoi qui se passe, là? Tu tombes dans un autre monde complètement.
(...)
R Le gars, je lui dis: "Tu sais, je suis en dépression, je suis suicidaire, carrément." Disonsle, ça a été le problème que j'ai depuis treize (13) ans. C'est que j'ai un problème làdessus depuis treize (13) ans. Et il y a une procédure à toutes les fois qu'il y a une maudite merde qui m'arrive comme ça de... je replonge à toutes les fois. En tout cas.
(...)
Q Monsieur Robinson, estce que vous avez quelque chose à ajouter?
R Oui, oui, beaucoup de choses. Il y a bien des affaires. Tu sais, j'ai eu la chance, moi, de naître avec un talent; dessiner, créer. J'ai gagné ma vie à créer. Pour moi, c'est un plaisir créer. C'est ce qui m'a toujours défini comme tel, puis je me suis jamais limité à faire uniquement du dessin, de l'écriture, de la chanson ou n'importe quoi. J'ai joué au théâtre. J'ai fait toutes sortes de choses parce que, pour moi, tu sais, la notion de... comment je dirais ça, j'ai jamais essayé de comprendre c'est quoi la réussite. J'ai toujours essayé de réussir à comprendre parce que ce qui est plus difficile dans la vie c'est comprendre ce qu'on fait, comment les choses se font.
R Dessiner, faire de la sculpture. J'ai de la sculpture sur du métal. De la sculpture c'est à peu près tout (inaudible). Aujourd'hui, j'haïs mon talent. C'est une chose absolument écoeurante. C'est comme comment je dirais ça? c'est à cause de ça que je suis dans la situation aujourd'hui. Si j'avais pas créé mon petit bonhomme, j'aurais pas eu à vivre tout ce que j'ai vécu là. Donc, principalement, le problème c'est moi, en bout de ligne.
R Tu sais, depuis treize (13) ans, c'est quotidien. En plus, c'est que si ces genslà avaient été honnêtes avec moi, ils seraient venus s'asseoir le premier jour quand je leur ai écrit. On se serait assis. Je leur ai envoyé des lettres de mise en demeure en disant: "Bien, là, écoute bien...", non, ils me connaissent pas, ils m'ont jamais vu. Il y a pas de trace de moi, il y a pas de trace de relation, de (inaudible). Après ça, ils me font passer pour un fou.
R Il y a même des avocats qui m'ont fait passer pour un fou, dire que je suis un kook à des gens. Ils ont même dit à un témoin de pas se présenter en Cour. Le témoin m'a écrit en disant: "Tel avocat a dit de me pas me présenter en Cour, que vous étiez un kook, un fou." KOOK. Tu sais, il faut le faire, là.
R Le nombre de procédures, à tous les... avant Noël, ils ont toujours fait une saloperie. Tu sais, j'ai reçu leur défense le 23 décembre '97, juste avant Noël. Tous les ans, miner le moral, miner, miner, miner, année après année. Ils auraient jamais dû m'envoyer ça le 23 décembre parce que, là, j'ai été obsédé par ça. Je t'ai analysé ça, ce documentlà, une brique, leur défense. Le premier faux document c'est là que je l'ai trouvé, juste au début de janvier. Ils auraient jamais dû faire ça.
R Tous le début des troubles de Cinar, c'est ça,c'est là, quand j'ai trouvé ce premier faux document là. A partir de là, ça a parti. Mais c'était pas possible, tu sais. Si ces genslà avaient reconnu m'avoir connu, puis qu'on s'en va... tu sais, pendant onze (11) ans, ils ont prétendu qu'ils me connaissaient pas. Ils ont fini par faire des admissions grâce à l'ordonnance du Juge Mongeau, puis de l'insistance du Juge Wery. Là, il y a des obligations qu'ils fassent des admissions enfin. Là, ils en font. Là, tu prends une admission, puis c'est encore tout trafiqué. Tu sais, c'est pas vraiment une admission toute l'affaire.
R Je suis encore obligé de faire la preuve. J'ai sept (7) mois à faire aujourd'hui pour prouver encore là, quoi, là, que mon oeuvre est une oeuvre, que ci, que ça. Tu sais, ça a pas de sens. J'ai sept (7) mois... je suis fait fort, mais il y a des maudites limites. Excusez le terme. Je m'excuse, Monsieur le Juge. C'est la profondeur de la cruauté de mes adversaires que je trouve effrayante et qui est, pour moi, plus difficile que tout. J'ai à me relever. J'ai à réapprendre à vivre. Je sais pas si je vais pouvoir dessiner, créer. (Sic)
(Le Tribunal souligne)
Le demandeur a fait témoigner son médecin, le Dr Louis Côté, psychiatre. Il dépose son rapport dévaluation sur la condition psychologique du demandeur. Le Tribunal en reproduit ici quelques extraits :
Depuis la constatation du viol et de la spoliation de son uvre, M. Robinson est dans un état de détresse psychique très important. Dès la première constatation de cette spoliation de son uvre personnelle, il a été dans un état de choc. Pendant les six premières heures, il se sentait "knock out" ne se sentait plus là. Il était incapable de parler de façon normale, ne pouvant s'exprimer qu'avec un mince filet de voix. Dans les jours qui ont suivi, il a perdu l'appétit, faisant de l'anorexie pendant deux mois, ayant perdu 22 livres en quelques jours. Les poils de sa barbe ont blanchi également en quelques jours. Il a également présenté des vomissements importants contenant du sang. Il présentait également dés le début des problèmes de sommeil sous la forme d'une insomnie initiale, où il ne pouvait s'endormir que très tard la nuit et par épuisement. Il faisait également une insomnie sous la forme de 3 à 5 réveils par nuit accompagnée de cauchemars importants au cours desquels il rêvait qu'il se faisait tuer ou qu'il étouffait quelqu'un. Accompagnant cette réaction initiale, M. Robinson avait et a toujours le sentiment d'être comme une femme violée.
En plus de la stupeur initiale ressentie ainsi que des symptômes d'anorexie, d'amaigrissement. de vomissements, de réaction physiologique de blanchiment de sa barbe ainsi que des troubles de sommeil avec cauchemars persistants qu'il a présentés, M. Robinson est également affecté de la symptomatologie suivante: il présente de la reviviscence de son état de choc initial sous la forme d'un sentiment de détresse émotive très intense accompagnée de pleurs et d'un sentiment de paralysie à chaque fois qu'il essaie de s'installer devant son ordinateur de travail, associé très directement à toute son uvre plagiée. La détresse psychologique est suffisamment intense pour le paralyser et lempêcher de travailler à son ordinateur. Il ressent des symptômes de la même nature lorsqu'il essaie de regarder la télévision, l'appareil étant également intimement lié au choc qu'il a subi. Ses sensations de détresse psychologique prennent la forme entre autres de sentiments d'anxiété importante, de trouble de concentration, de confusion, d'inhibition de sa capacité de concentration et de sensations physiques très pénibles.
Il présente également une symptomatologie de type évitement de stimuli associés au traumatisme subi de même qu'un émoussement de sa réactivité générale. Ceci se traduit entre autres par une réduction très nette de ses intérêts pour ses activités professionnelles importantes de même que pour diverses activités de sa vie quotidienne; ceci s'accompagne également d'un effort pour éviter la situation directement liée au traumatisme en ce sens qu'il n'arrive pas à travailler actuellement à l'ensemble de ses projets: non seulement il n'arrive pas à s'asseoir à son ordinateur pour y travailler, mais en plus il n'arrive pas à faire des démarches auprès de ses clients ni auprès de clients potentiels ne pouvant ainsi établir des liens d'affaires et obtenir de nouveaux contrats. De plus, il a un sentiment d'avoir un avenir bouché: en effet, il a l'impression que l'avenir ne lui apportera plus rien, quil ne retrouvera plus jamais sa créativité, il a l'impression qu'il s'est fait rentrer dedans et qu'il est dorénavant complètement déphasé, comme en état de choc.
Il présente également des symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative tel qu'en témoignent non seulement les difficultés d'endormissement, le sommeil interrompu, mais également des symptômes dirritabilité et d'accès de colère qui se traduisent chez lui par des crises d'agressivité au cours desquelles il lui arrive de casser des objets à la maison, comportement qu'il n'a jamais eu dans le passé. Il présente également des difficultés de concentration lorsqu'il essaie de s'atteler à une tâche professionnelle.
Cette perturbation symptomatique dure depuis plus de deux ans. Elle entraîne une souffrance cliniquement significative dans la mesure où elle altère gravement son fonctionnement professionnel ainsi qu'une perturbation importante de ses relations personnelles de part son état de détresse importante et d'irritabilité, ce qui affecte sérieusement ses proches, notamment sa conjointe.
À cette symptomatologie de type post-traumatique, s'ajoute également la symptomatologie à caractère dépressif: la perte de poids, l'anorexie, les difficultés de concentration de même que le découragement, la tristesse ainsi que des idées suicidaires passives qu'il a éprouvées pendant plus d'un an, sous la forme d'espérer mourir subitement.
L'affect est caractérisé par un état de tension affective important, fait des nombreuses préoccupations suscitées par la situation de viol et plagiat de son uvre. Ayant entrepris des démarches judiciaires pour obtenir justice, il est en même temps très angoissé, car ces démarches l'amènent à s'opposer à des sociétés multinationales au pouvoir économique et politique énormes, et est également angoissé par te fait que chaque étape dans te processus judiciaire le met à risque de faire faillite financièrement s'il perd une étape et qu'il est condamné à défrayer les coûts judiciaires, le plongeant non seulement dans la faillite, mais le rendant incapable d'assurer la poursuite de ses revendications judiciaires. Il appréhende comme conséquence de cette possibilité un effondrement personnel important Il présente également un affect modulé avec des affects adéquats de tristesse, de sentiment de profonde injustice, avec des périodes de découragement. Tel que noté plus haut, l'affect est également caractérisé par le sentiment qu'il n'a plus d'avenir, et que sa capacité de création est définitivement prise en otage par le choc et par le viol de sa création dont il a été l'objet.
Le contenu de la pensée est occupé presque entièrement par ces préoccupations. Il n'y a pas d'idées morbides. Le cours de la pensée est normal
Il n'y a pas d'atteinte des fonctions intellectuelles supérieures; toutefois, sa capacité de concentration et de création est actuellement entravée par toute la mobilisation requise par la défense de son dossier juridique.
M. Robinson présente une bonne autocritique dans la mesure où il se sent en détresse émotive et quil reconnaît avoir besoin d'une aide pour se sortir d'une situation exceptionnellement difficile.
M. Robinson présente des signes caractéristiques de ceux présentés dans les états de stress posttraumatique, bien qu'il n'ait pas fait l'objet de menaces contre sa vie physique ou de son intégrité physique, il n'en demeure pas moins qu'il est tout aussi souffrant que dans les cas d'état de stress posttraumatique. Il présente également un état dépressif associé.
Le diagnostic retenu dans ces cas doit être celui d'un trouble d'adaptation avec humeur anxiodépressive.
Le demandeur a également témoigné quau début de son enquête personnelle après avoir visionné la première émission, lorsquil se présentait à divers organismes pour chercher et trouver des réponses à ses questionnements, il sest vu frappé dostracisme et qualifié de méchant-qui-ose-contester-CINAR-la-magnifique.
En effet, plusieurs témoins sont venus déclarer que depuis lincident, le Claude Robinson quils connaissaient nétait plus le même et que son état dépressif était constant et il pleurait souvent après de grosses colères. Il est maintenant irritable et a perdu confiance en lui-même. Il a de la difficulté à se concentrer.
En contre-interrogatoire, les défendeurs ont fait ressortir le fait que le demandeur na pas suivi la thérapie prescrite par le Dr Côté et na pas non plus continué le suivi.
Le Tribunal constate que le demandeur réagit parfois avec impétuosité pour des événements mineurs en réalité mais auxquels il attribue une grande importance.
À titre dexemple, le reproche quil fait aux défendeurs pour avoir signifié leur défense juste avant la période des Fêtes, ce qui a entraîné chez lui un certain découragement après quil en eut pris connaissance et constaté, selon lui, dénormes faussetés dans cette procédure. Il faut savoir que ce sont ses propres procureurs qui ont exigé cette procédure avant Noël.
Les procureurs du demandeur le soulignent avec raison, il faut prendre la victime telle quelle est, invoquant la théorie du crâne fragile (thin skull rule) cest-à-dire quil faut tenir pour acquis que les dommages subis doivent être compensés entièrement, peu importe que la victime ait subi des dommages plus importants quune autre personne.
Le demandeur est plus vulnérable quune autre personne. La Cour suprême, dans laffaire Athey c. Leonati expose bien le fondement de la théorie du crâne fragile ou thin skull rule :
[
] la règle de la vulnérabilité de la victime, qui repose sur le principe assez simple que lauteur du délit est responsable des dommages subis par le demandeur, même sils sont dune gravité imprévue en raison dune prédisposition. Lauteur du délit doit prendre sa victime comme elle est, et il est donc responsable même si le préjudice subi par le demandeur est plus considérable que si la victime avait été une personne ordinaire.
Dans son ouvrage Pour une approche plus méthodique des dommages psychologiques non pécuniaires, lauteur Jean-François Lehoux explique que ce principe est intimement lié à celui de la restitution intégrale et quil doit sappliquer en cas de préjudice psychologique :
« Cette théorie est basée sur le concept de restitutio in integrum, dont nous avons déjà traité. Étant donné lapplication claire du principe de réparation intégrale du préjudice en matière de dommages non pécuniaires, il va de soi que la théorie du crâne fragile sapplique autant à légard de ces dommages.
[
]
Les tribunaux ont accepté sans difficulté de mettre en application ce raisonnement à légard de la causalité dans les cas où des dommages psychologiques étaient réclamés. En 1983, la Cour suprême se penche sur un jugement de la Cour dappel de lOntario et applique la théorie du « thin skull » aux dommages psychologiques. Étant donné quil est reconnu que cette théorie sapplique en droit civil, il semble pertinent de citer un extrait de ce jugement :
It is, of course, well established that damages for aggravated injuries consequent on some pre-existing infirmity of the plaintiff are recoverable even if the infirmity is of a psychological nature : see, e.g., Love v. Port of London Authority, [1959] 2 Lloyds Rep. 541 (Q.B.) ; Gray v. Cotic, 1983 CanLII 57 (S.C.C.), [1983] 2 S.C.R. 2. As Geoffrey Lane J. said in Malcolm v. Broadhurst, [1970] 3 All E.R. 508, at p. 511, there is no difference in principle between an egg-shell skull and an egg-shell personality. Indeed, it would seem that the locus classicus of the thin skull rule, the decision of Kennedy J. in Dulieu v. White & Sons, [1901] 2 K.B. 669, was in fact a case of aggravated injuries which were triggered by the impact of the defendants tortious act on the plaintiffs inchoate psychological hypersensitivity.
Les défendeurs ont choisi de ne pas faire entendre de psychiatre pour contredire ou amenuiser le témoignage du Dr Côté. Leurs Notes et Autorités sont laconiques à ce sujet. Ils tentent de minimiser limpact psychologique des événements sur le demandeur et allèguent quil exagère puisquil a refusé de suivre le traitement approprié. Ils invoquent quil sagit dun refus de mitiger ses dommages. De plus, ils ajoutent que le Dr Côté na prescrit aucun médicament au demandeur.
Le Tribunal a été à même de constater au cours des huit mois qua duré le procès les réactions vives du demandeur sur des éléments parfois de moindre importance dans le déroulement de sa cause. Une telle attitude démontre clairement linsécurité qui lhabite et confirme lapplication de la règle de la vulnérabilité.
La particularité en lespèce est que le demandeur dit avoir subi léquivalent dun viol, surtout lorsquil considère que cest son visage qui est reproduit dans Sucroë, personnage tricheur. Cest par un cri du cur quil témoigne au Tribunal quil veut « ravoir sa face ».
La réaction du demandeur qui, à première vue, peut paraître exagérée, nest pas justement la réaction dune personne flouée lorsquon considère que Charest, Weinberg et CINAR ont représenté Curiosité pour en faire la promotion, le démarchage et les recommandations. N'est-ce pas là un facteur aggravant que de se faire traiter de kook par ceux qui ont empoché des honoraires pour le démarchage?
Le Tribunal rappelle que le demandeur est corroboré par le témoin Ashton et jamais les défendeurs nont offert une preuve contraire.
Le fait que Charest et Weinberg, à la première mise en demeure et, par la suite à la GRC, nient connaître le demandeur est un facteur aggravant.
Bien sûr, le demandeur a investi beaucoup de temps et dénergie dans la préparation de laffaire qui nous occupe. Peut-on len blâmer? Nest-il pas pour autant un homme blessé?
La preuve par son entourage de son atteinte psychologique est non contredite, claire, précise et concordante.
Il y a un lien direct entre le dommage et la faute des défendeurs.
Le demandeur a dû attendre plus de treize ans avant de connaître laboutissement de cette odyssée judiciaire. Comme son médecin traitant la déclaré et il est non contredit, cette odyssée a un aspect thérapeutique malgré tout.
17.1 Le quantum
Dans laffaire Chiasson, la Cour a accordé la somme de 100 000 $ et écrit :
Dans l'arrêt Radiomutuel, cité précédemment, la Cour d'appel sous la plume de Mme la juge RousseauHoule mentionne que le juge de première instance jouit d'une grande discrétion dans l'estimation de ces dommages :
Le juge de la Cour supérieure jouit d'une grande discrétion dans l'estimation des dommages. Ce principe ne pourrait être mis de côté que si le juge de première instance avait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste dans l'indemnisation.
La détermination des dommages à la réputation ne comporte aucune règle précise. Chaque cas est un cas d'espèce.
Le demandeur invoque larrêt Hill où la Cour suprême a accordé une somme de 300 000 $ à un substitut du Procureur général pour atteinte à sa réputation et diffamation par des allégations non fondées dabus de confiance criminelles.
Les procureurs du demandeur invitent le Tribunal à faire le même parallèle en matière de droit dauteur en plaidant le lien juridiquement protégé unissant le créateur à son uvre et lui conférant des prérogatives souveraines à légard de celle-ci, allant même à classer ce droit dans la catégorie des droits de la personnalité au côté des droits à lhonneur et à la réputation, à limage et à la vie privée.
Dans Néron, la Cour dappel du Québec a octroyé une somme de 300 000 $ à ce chapitre dans une affaire où la Cour constate cinq années dadversité et de souffrance pendant le processus judiciaire.
La juge Mailhot, dans ce jugement majoritaire, écrit :
[102] De même, en l'espèce, en situant les dommages moraux accordés en 2000 par le premier juge dans l'ensemble des autres dommages octroyés, je ne trouve pas de motif d'intervenir. Un simple survol des pièces P-92 et P-89 permet de comprendre l'état d'esprit de M. Néron tout au long des mois qui ont suivi les événements, ses souffrances profondes, ses espoirs en l'avenir déçus par la réalité qui ne lui a réservé qu'une perte de plus en plus aiguë dans sa situation financière et dans sa situation personnelle. Les douleurs et le désarroi de M. Néron sont réels et le juge de première instance, dont c'est la fonction première d'apprécier cette preuve, l'a, à mon avis, correctement fait.
[103] Je confirmerais donc les dommages moraux de 300 000 $.
La Cour suprême nest pas intervenue sur cet aspect.
Le Tribunal fait siens les propos de la juge Mailhot et naurait pas pu mieux dire.
Les défendeurs soumettent un parallèle de quantum assimilé à la mort dun enfant, ce qui nest pas notre cause. En lespèce, nous sommes devant un viol si on considère la relation très personnelle qui existe entre le personnage de Curiosité et le demandeur, son lien de paternité étant directement inspiré de sa vie, de sa famille et de ses proches et de lintimité avec le personnage principal dans la mesure où celui-ci a été inspiré de sa propre personne, tant par son caractère que par ses attributs physiques et son patronyme.
Le Tribunal retient également que plus de quatorze ans se sont écoulés depuis laffaire Hill et quil y a lieu dactualiser cette somme de 300 000 $.
Le Tribunal conclut quil est raisonnable doctroyer une somme de 400 000 $ à titre de préjudice moral en linstance.
18 LES DOMMAGES ET PROFITS
18.1 LES DOMMAGES ÉCONOMIQUES EN VERTU DE LA LDA
18.1.1 Les dommages compensatoires du droit dauteur
Sous ce thème, le Tribunal regroupe les réclamations suivantes des demandeurs :
Perte de droit dauteur500 000 $Perte dhonoraires en tant quauteur principal200 000 $Perte dhonoraires en tant que producteur associé200 000 $Perte dhonoraires en tant que storyboardiste, character design, directeur artistique, démarcheur aux ventes, infographiste et directeur graphique573 000 $SOUS-TOTAL :1 473 000 $Gains manqués pour NILEM :200 000 $TOTAL :1 673 000 $Combien vaut la violation du droit dauteur en linstance? La doctrine est unanime : le dommage est difficile à quantifier.
En lespèce, le Tribunal a conclu à la contrefaçon tant sur des dessins du demandeur que sur les personnages fictifs.
Les défendeurs plaident quil est dusage que les montants accordés à ce chapitre correspondent au montant de loctroi dune licence. Ils précisent cependant que dans la présente affaire, aucune licence na été octroyée et ils avancent comme hypothèse de solution de compenser en appuyant sur les montants octroyés au créateur Caillon.
Le Tribunal est daccord en partie avec le principe de sarrimer avec le montant octroyé au créateur non limitativement à Caillon mais aussi à Izard.
Les défendeurs ont calculé les montants qui ont été attribués à Izard à titre de coauteur de 26 épisodes et détenteur de « lidée originale ».
Les défendeurs plaident que le Tribunal ne devrait octroyer, le cas échéant, que le montant net et non le montant brut.
Les déductions de charges sociales françaises sont un avantage pour la personne bénéficiaire et il ny a pas lieu de priver le demandeur qui doit lui aussi faire face aux charges fiscales, si applicables.
Voici les montants perçus par Izard :
BRUTNETCoauteur de 26 épisodes122 598 $116 468 $Redevances de la SACD394 490 $305 324 $Travail créatif30 649 $29 117 $TOTAL :547 730 $
Quant à Caillon, en plus de son salaire, il a touché une somme de 51 152,32 $ et 5 599,47 $ pour un total de 56 750 $.
Même si lhistoire na pas été reproduite, la contrefaçon des personnages principaux est suffisante et déterminante.
Vu la conclusion du Tribunal à une contrefaçon non seulement des dessins mais également des personnages, le demandeur a donc droit de recevoir un montant au moins égal à ce quIzard et Caillon ont reçu, soit 607 489 $.
18.1.2 Les profits
Les demandeurs réclament des défendeurs lensemble des profits réalisés découlant de la diffusion de la série Sucroë et de la vente de tous les produits dérivés de celle-ci. Ils omettent cependant den fixer le montant et se contentent den réclamer lentièreté.
NILEM réclame la somme de 200 000 $ pour avoir été privée de revenus importants en relation avec la série télévisée Curiosité quelle espérait produire, tels que les revenus découlant de la copropriété des négatifs, la copropriété de la maison de production et des profits découlant de la vente de produits dérivés. Cette réclamation doit faire partie et est incluse dans la réclamation « profits » indistinctement.
Larticle 35 (1) de la LDA mentionne :
Violation du droit dauteur : responsabilité
35.(1) Quiconque viole le droit dauteur sur une uvre protégée en vertu de la présente loi est passible de payer, au titulaire du droit dauteur qui a été violé, les dommages-intérêts que ce titulaire a subis du fait de cette violation, et, en sus, telle proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits que le contrefacteur a réalisés en commettant cette violation du droit dauteur.
Détermination des profits
(2) Dans la détermination des profits, le demandeur nest tenu détablir que les recettes ou les produits provenant de la publication, vente ou autre utilisation illicite de luvre, ou dune représentation, exécution ou audition non autorisée de luvre restée protégée; et le défendeur doit prouver chaque élément du coût quil allègue.
Le demandeur réclame la totalité des profits sappuyant principalement sur la décision de la Cour dappel dans laffaire Éditions JCL inc. où la Cour écrit :
Bref, il ne sagit pas ici dun cas où le plagiat est en quelque sorte divisible et où lon peut séparer les parties contrefaites des parties originales et utiliser dune quelconque manière ces dernières. À cet égard, il ne mapparaît pas souhaitable ni possible de recourir à la règle rusticum judicium. Il serait bien malheureux dans des cas comme celui-ci que les tribunaux se mettent à calculer au mot près latteinte portée aux droits dun auteur.
Selon le demandeur, il se trouve que tous les documents pertinents ne lui ont pas été fournis mais il a réussi à établir un calcul des revenus à 16 656 715 $. Aucune preuve na été faite sur les coûts de production, autre que les documents que le demandeur lui-même a déposés pour établir ces coûts à 9 912,233 $.
Les défendeurs soumettent que le Tribunal doit éviter le double emploi ou le recoupement entre les chefs de dommages.
Le recours aux profits est cumulatif. Voici comment la juge Rayle parle des dommages cumulatifs dans une décision interlocutoire rendue en linstance :
Lorsque comme dans le présent cas, le demandeur se dit victime de contrefaçon, la Loi sur le droit dauteur lui reconnaît une double réclamation. Non seulement, a-t-il droit à compensation pour les dommages causés à son uvre propre et à lui-même mais en plus, étant réputé propriétaire de tous les exemplaires contrefaits, il a aussi droit aux profits (ou à une proportion de ceux-ci) réalisés par le contrefacteur suite à son exploitation illicite des uvres contrefaites. (
) Le Tribunal conclut que par leurs conclusions, les demandeurs ne cherchent tout simplement quà faire valoir tous leurs droits à lencontre des défendeurs, comme le permettent les dispositions spécifiques.
Lauteur Tamaro réfère au jugement de la juge Rayle :
To this day, Canadian courts systematically order the taking of accounts in the context of a claim for damages for infringement of copyright. Contrary to the prevailing situation in British law where the principle of co-existing remedies were motivated by jurisprudence, to our knowledge, our courts did not have an occasion to account for their decisions. The Quebec Superior Court recently had the opportunity in Les films Cinar (
) In fact, the taking of accounts was a consequence of the damages claim. The Court pointed out that a right to claim compensation arises in the context where the plaintiff is the reputed owner of all infringed models and has a right to a proportion of the profits made by the infringers exploitation of this work. Therefore, the plaintiff could not be ignorant of the extent of his illicit exploitation.
18.1.3 Le calcul du profit
Le demandeur établit le montant total des revenus à 16 656 715 $. De ce montant, les défendeurs contestent la somme de 8 308 292,03 $ composée comme suit :
1- Droits musicaux1 450 092,31 $2- Rachats de territoires de Ravensburger 864 066,72 $Contrats ne découlant pas de la contrefaçon alléguée (D-8) :3- A) France 21 596 000,00 $4- B) Canal +592 800,00 $Autres :5- A) Investissement Ravensburger (avance payée par Ravensburger à France Animation) :684 000,00 $6- B) Investissement Jaffa Road (avance payée par CINAR Films à Jaffa Road)1 853 333,00 $7- C) Contrat CINAR Films CINAR Productions (avance payée par CINAR Films à CINAR Productions312 000,00 $8- Investissement Coffimage 5456 000,00 $9- Quote-part garantie préventes internationales (avance payée par France Animation à CINAR)500 000,00 $10- Revenus de Christophe Izard A) Contrat de droits dauteur (dépense pour France Animation)30 649,71 $B) Contrat de coordinateur décriture / coscénariste (dépense pour France Animation)122 598,84 $C) Revenus SACD (double emploi avec les dommages)394 490,55 $
Les défendeurs ne contestent pas le montant des dépenses établies à 9 912 233 $ mais prétendent que si on soustrait les revenus contestés, il ny a pas de profit mais une perte de 2 111 549,13 $.
18.1.3.1 Les droits musicaux
Les défendeurs utilisent un sophisme lorsquils soustraient les droits musicaux sous prétexte que le demandeur nallègue pas le plagiat quant aux droits musicaux. Comme ils ne contestent pas les dépenses qui incluent les frais reliés à la musique, la logique veut que lon conserve également les revenus corrélatifs, dautant plus que les revenus musicaux ne peuvent être dissociés de lensemble de luvre attaquée.
Cette somme de 1 450 092,31 $ doit donc demeurer dans la colonne « Revenus ».
18.1.3.2 Rachats de territoires
Cet élément totalisant 864 066,72 $ sera traité en même temps que linvestissement de Ravensburger de 684 000 $. Ce dernier montant est relié à des droits de distribution conformément à larticle 2d) et annexe F du contrat pièce P-93-FA-1A-1 et, en conséquence, ce revenu doit rester dans les calculs de revenus. Il ne sagit pas dinvestissement comme les défendeurs le prétendent.
Cependant, après vérification des pièces P-93-FA-1A-4FA, P-102-A-2A-4A, P102-RA-2A-4B, les rachats de territoires doivent être déduits des revenus puisquils réduisent linvestissement de Ravensburger de 864 066 $, somme qui devra être retranchée des revenus.
18.1.3.3 Contrats ne découlant pas de la contrefaçon alléguée (D-8).
Les défendeurs demandent de déduire des revenus la somme de 1 596 000 $ provenant de France 2, alléguant quil sagit dun investissement de coproduction. Cependant, à la lecture des pièces P-95-FA-1C-1 et P-95-FA-1C-5 et de larticle 1.18 du contrat de Coffimage à P-95-FA-1C-3, ce dernier article précise que France 2 investit 4 000 000 FF pour la coproduction et 3 000 000 FF pour les droits de diffusion. Seront donc soustraits des revenus, les 4 000 000 FF réajustés au taux de conversion convenu entre les parties, soit .235767 pour un montant de 943 068 $.
Quant à la somme à déduire de 592 800 $ pour Canal +, les défendeurs errent puisquil sagit de droits de distribution, de sorte que ce montant ne sera pas déduit des revenus.
18.1.3.4 Autres
Quant à Jaffa Road, les défendeurs commettent une erreur. Premièrement, sils avaient raison, la déduction devrait se lire 1 111 158 $ au lieu de 1 853 333 $. Ce montant doit rester dans les revenus puisquil sagit dune reconnaissance dune garantie de revenus. Le Tribunal na pas de preuve des défendeurs quant à un dédoublement de revenus.
Les défendeurs nont pas raison de soustraire la somme de 312 000 $ reliée à une avance payée par CINAR Films à CINAR Productions puisquil sagissait dune prévente tel quexpliqué au tableau remis par les défendeurs en argumentation finale, intitulé : « Calcul de la différence entre le contrat CINAR Films CINAR Productions et le total des contrats de distribution de CINAR Films ».
Quant à linvestissement Coffimage 5, les défendeurs ont raison de soustraire ce montant de 456 000 $, il sagit dun investissement de coproduction
Finalement, les défendeurs ont raison de soustraire la quote-part de garantie de préventes internationales, celle-ci étant une avance payée par France Animation à CINAR, sinon il y aurait redoublement.
18.1.3.5 Les revenus de Christophe Izard
Ces revenus ne doivent pas être inclus dans le calcul des revenus et pertes. Ils établissent cependant ce quIzard a touché pour sa participation et le montant de 547 739,10 $ doit être soustrait.
18.1.4 Tableau récapitulatif
RÉCAPITULATIFÀ SOUSTRAIREREVENUSPROFITSMontant réclamé par les demandeurs16 656 715,00 $Rachats de territoires864 066,72 $France 2 : 4 000 000 FF ajustés au taux de .235767 :943 068,00 $Investissement Coffimage 5456 000,00 $Quote-part garantie de présentation-ventes internationales500 000,00 $Revenus de Christophe Izard 547 739,10 $Total des ajustement des revenus3 310 873,82 $Revenus totaux ajustés13 345 841,18 $Coûts 9 912 233 $3 433 608,18 $
Quel est le pourcentage des profits à être attribué au demandeur, ce dernier en réclamant 100 %.
Sappuyant sur la décision de Sheldon et al c. Metro Goldwyn Pictures, les défendeurs soumettent quun pourcentage de 20 % des profits est souvent accordé, ce quils considèrent équitable dans les circonstances.
Il est en preuve que le demandeur avait besoin dassociés pour financer son projet ou pour assurer une mise de fonds nécessaire à sa rentabilité.
Le demandeur était partenaire à 50 % avec Pathonic et à 50 % avec SDA. Le Tribunal retiendra donc que la portion des profits à laquelle il a droit est de 50 %, soit 1 716,804 $.
18.2 LENDETTEMENT DU DEMANDEUR
Les demandeurs réclament la somme de 609 443 $ au poste de remboursement de lendettement du demandeur à légard de sa compagnie, cette somme représentant le salaire quaurait versé NILEM à Claude Robinson par sa société Virtuelle Création. Celle-ci estime que le demandeur, depuis la découverte du plagiat, a été incapable de travailler, sauf pour une portion de 20 % et que toute sa créativité en a été ainsi réduite.
Le demandeur est un actionnaire majoritaire de Virtuelle Création, compagnie détenue par sa compagnie NILEM.
Les défendeurs soumettent à la Cour que le salaire versé par Virtuelle Création au cours des treize dernières années est en réalité la valeur du travail exécuté par lui pour la préparation de son dossier en Cour et quà ce titre, en vertu du droit québécois, il ne peut réclamer quelque somme que ce soit.
Le Tribunal est du même avis que les défendeurs. Sappuyant sur larrêt Société Radio-Canada c. Néron :
[289] The trial judge dealt, under the same chapter heading ( Frais davocats et frais de préparation du dossier) with a claim by Néron for $717,125.00 representing la valeur du temps quil a investi pour la constitution du dossier et la préparation de sa cause. On this branch of the matter, the judge concluded as follows :
Pour les motifs déjà mentionnés, ce serait contraire à la règle générale que de compenser ce dommage direct en accordant le plein montant réclamé, soit 717 125 $ pour 5,737 heures.
C'est pourquoi le Tribunal croit devoir accorder un montant symbolique et par définition discrétionnaire de 50 000 $, ce qui représente 400 heures à un taux horaire de 125 $, ce qui est bien en deçà du montant réclamé. Ce montant doit être ajouté au montant déjà accordé pour les frais extrajudiciaires, ce qui porte le total à 246 311,54 $, mais qui, pour les raisons expliquées plus loin, sera réduit du tiers, soit à 164 207 $.
[290] With the greatest of respect, I do not believe that trial judges are empowered to award litigants symbolic amounts of this sort for the time they have spent helping their counsel to prepare the file and the proceedings in court: in Quebec, time spent this way has not been treated by the Courts as a direct damage, in either contractual or extra-contractual matters.
[291] The judge's award, moreover, appears to me incongruous in at least two respects.
[292] First, if this work had instead been done by Nérons lawyer, the Court as earlier explained could not compensate him by condemning the appellants to pay his solicitor-client costs.
[293] Second, if Néron had done all of the very same work and then appeared without counsel, the Court would again be powerless to compensate him for the time and effort he had expended in the process.
[294] In any event, Néron's very substantial award for loss of income is meant to compensate him for the revenue he would have earned professionally had he not been obliged instead to help prepare his case.
[295] Sensitive as I am to the concerns so eloquently expressed by the trial judge, I am driven to the conclusion that his award to Néron for his work on the file must, like the award for solicitor-client costs, be set aside.
Ce poste de réclamation est donc refusé.
19 LES DOMMAGES EXEMPLAIRES
Les demandeurs réclament des défendeurs 1 000 000 $ pour dommages exemplaires. À cet égard, les auteurs écrivent :
These damages will usually be awarded when the defendant has shown a cynical disregard for the plaintiffs rights and where the defendant has taken a calculated risk that the money he could make through his infringing activities would exceed the damages obtainable by the plaintiff. Punitive or exemplary damages are awarded to punish and make an example of a defendant in order to deter others (
) Various adjectives describing the type of conduct that would warrant punitive damages are found in the jurisprudence: high-handed arrogance callous, disgraceful, willful and malicious conduct, offending the courts sense of decency (
) The rationale for providing for exemplary damages is that much of the value in copyright is intangible and it is often difficult to demonstrate clearly the damages which have been suffered by the copyright owner. Further, it is often difficult to prove the profits of the infringing party.
(Le Tribunal souligne)
Les défendeurs argumentent que des dommages punitifs ne doivent être accordés que lorsque les dommages compensatoires ne sont pas suffisants pour accomplir lobjectif de dissuasion de la conduite malhonnête dun contrefacteur. Ils appuient leur argumentation sur larrêt Hill de la Cour suprême.
Le Tribunal tiendra compte des dommages compensatoires octroyés et examinera aussi la situation telle quelle se trouve devant lui.
Les défendeurs invoquent comme deuxième argument que tous les défendeurs nont pas eu la même conduite. Effectivement, le Tribunal est daccord avec cet énoncé. Hille, BBC, Ravensburger et Plummer nont pas eu le même comportement que les Charest, Weinberg, CINAR, Izard, Davin et France Animation. En conséquence, les dommages exemplaires ne sappliqueront pas aux premiers.
Les circonstances du présent litige sont exceptionnelles.
Un auteur qui remet son uvre à un consultant est en droit de sattendre légitimement que celle-ci ne sera jamais utilisée sans son autorisation à lexpiration du contrat de services et que ses documents lui soient remis.
Jamais CINAR na fait la preuve de manière crédible de cette alternative. Bien au contraire. CINAR a eu une conduite immorale et souvent illégale dans ses affaires.
Sans aucun scrupule, elle fraude les autorités pour rencontrer les conditions dadmissibilité en vertu de la convention bilatérale France-Canada sur les pourcentages minima qui doivent être observés dans les productions France-Québec.
Sans gêne, Davin de France Animation et Charest de CINAR signent la convention qui servira de document pour lapprobation officielle où ils déclarent que France Animation exécute les travaux pour 80 % et CINAR pour 20 % alors que dans les faits, le rapport est de 90 % pour France Animation, le tout tel que modifié par une contre-lettre signée le même jour.
Ils continuent dadopter une conduite répréhensible lorsquils nient connaître le demandeur dans une déclaration à la GRC, malgré que Willenson (CINAR É.-U.), lui, sen souvienne, ce dernier alléguant quil y a eu entre 25 et 50 communications et/ou réunions et/ou conférences téléphoniques entre les trois personnes relativement au projet Curiosité. Dailleurs, Lalonde de Pathonic déclarera à la GRC quil est impossible que Charest ne se souvienne plus de ce projet.
Ils poussent larrogance et laudace au point que Charest, le 26 octobre 1995, fait parvenir à la GRC une copie du contrat de coproduction avec France Animation en omettant la contre-lettre signée le même jour qui modifie les pourcentages, sans quoi le projet aurait été disqualifié et non assujetti aux subventions des pays de chaque côté de lAtlantique.
Il en est de même pour les redevances à la SACD où CINAR et Charest, sachant quelles ne peuvent réclamer les droits dauteur, bien que CINAR se soit fait céder ces droits par les scénaristes canadiens, mettent en place lopération WASH.
Ils fraudent la SACD pour obtenir des redevances, sachant clairement que CINAR ny a pas droit, en mettant sur pied un subterfuge de prête-noms avec la collaboration d'Hélène Charest, sur de Micheline, et la complicité dIzard.
Léchange de correspondance démontre la créativité de CINAR. En effet, pour recevoir les redevances de la SACD, CINAR invente le prête-nom dÉrica Alexandre, porté par la sur de Charest, Hélène Charest.
Par ce stratagème, les droits que CINAR ne peut toucher transitent entre les mains dHélène Charest, alias Érica Alexandre, laquelle conserve 16 % des redevances et en remet 84 % à la corporation de gestion de Weinberg et Charest, McRaw.
Lorsque le stratagème est sur le point dêtre découvert et alors que les services policiers tournent autour des bureaux de CINAR, cette dernière se hâte, par lentremise de ses avocats, de communiquer avec les procureurs de la SACD pour connaître le total des sommes en capital et intérêts quelle a touchées et ce, à la surprise des représentants de la SACD. Rapidement, elle rembourse les sommes reçues illégalement.
CINAR, Weinberg et Charest agissent dune façon déloyale à légard du demandeur, malgré le fait quils ont été engagés par son partenaire Pathonic et quils ont été payés largement pour faire le démarchage de son uvre.
Lorsque CINAR traite le demandeur de kook, encore là, ce comportement témoigne du mépris total dont ils ont fait preuve à légard du demandeur depuis le début de leurs relations, grâce à qui pourtant ils ont touché 30 000 $ US de frais de consultation.
Izard, Davin et France Animation sont tout aussi responsables et seront également condamnés aux dommages exemplaires pour leur participation à lacte de contrefaçon et pour avoir adopté, tout au long de linstance, une conduite mensongère. De plus, ils nont pas dit la vérité en déclarant ne pas avoir eu accès à luvre du demandeur, ayant même été jusquà reproduire la faute dorthographe au mot pachyderme, lécrivant avec un « i » au lieu dun « y ».
Pourtant, Davin, dans une attitude angélique, affirme que tout est nickel chez France Animation. Sans gêne, il signe des contrats de sous-traitance gonflés artificiellement afin de permettre à CINAR dobtenir des subventions plus importantes. Et pour justifier un autre document qui ne sert quà camoufler de fausses dépenses, il utilise un contrat dont les calculs sont tellement erronés quil est impossible darriver au maquillage escompté par un calcul des intérêts aux dates y inscrites et dautant plus que les montants et les dates ne correspondent pas entre eux.
Une telle justification ne sert que de paravent à la fraude ourdie par eux.
Lorsque questionné sur les sommes dargent différentes payées pour la sous-traitance en Chine, Davin déclare ce qui suit :
Me Lucas. Quest-ce qui permettait, dans la réalité dune production comme celle-là, que lon puisse retrouver deux contrats qui aient des coûts différents au niveau des services d'animation ?
M. Davin. - Je suis à peu près sûr que ce contrat n'est pas chez nous pour la bonne raison qu'il est dun niveau de prix inférieur à celui annoncé, ce qui permettait à CINAR de faire valoir une participation aux dépenses plus élevée que dans la réalité. Je ne leur en veux pas parce que cela fait partie des petites choses que les producteurs se font entre eux.
Me Lucas. Je dois comprendre que vous n'avez pas été informé de la situation ?
M. Davin. Probablement pas.
Me Lucas. Et que vous navez pas non plus déposé ce contrat-là en remplacement de celui déposé au CNC ?
M. Davin. - Probablement pas, et ils sont pardonnés.
Me Lucas. - On trouve là 60 000 $US par demi-heure, cest déjà un peu moins cher que celui que vous avez signé.
M. Davin. On sapproche peut-être des prix du marché du moment, surtout quils ont certainement pu les négocier du fait quils avaient d'autres productions chez cette personne-là.
Me Lucas. Là, on est en 1998 et 60 000 $US, cela vous paraît logique ?
M. Davin. - Sur la Chine, cela paraît raisonnable. Mais tout dépend des studios. Cela dépend des séries aussi, si elles sont compliquées ou pas. Pour la série A dont on parle, le prix qui est là me paraît mieux négocié que celui que jai vu tout à lheure, qui serait plutôt un prix coréen du sud.
Me Lucas. Et il est mieux négocié que celui que vous avez payé pour Robinson Sucroë ?
M. Davin. Rappelez-moi ?
Me Lucas. 72 000 $US la demi-heure.
M. Davin. Sagissant de celui qui figure sur le contrat Robinson Sucroë, on voit apparaître très clairement qu'il y a un investissement ou une réduction du prix faite par le postulant. Je pense que le prix qui figurait dans notre contrat est le vrai seul et unique. A ma connaissance, on n'a jamais eu besoin de majorer. Les Canadiens, oui, parce que le fonctionnement du financement national au Canada n'est pas le même quen France. En France, on va appeler cela les aides que nous recevons. Ce ne sont pas des aides, mais on va simplifier.
(...)
M. Davin. (...) Vous voulez que je dise que CINAR sont des vilains ou il y a une question derrière ?
(...)
Me Lucas. Vous naviez pas connaissance du fait que finalement les services auprès dAnimation Services
M. Davin. Sur la série A, vous voulez dire ?
Me Lucas. -
avec qui vous aviez fait plusieurs fois des séries, finalement, étaient au montant de 45 000 $US ?
M. Davin. - Bien sûr que non, mais cela ne me gêne pas énormément puisque ma part de production, ma part de recettes et mon financement me convenaient très bien. C'est dailleurs cela qui a fait la force de nos relations, à savoir que nous nallions pas voir chez l'autre. En revanche, je vous ai expliqué pourquoi ils ont probablement affiché un prix plus fort au début, sans doute pour nous faire porter une partie plus importante du financement ou, pourrait-on dire, pour réduire notre part des recettes. C'est de bonne guerre.
(Le Tribunal souligne)
À la lecture de ces lignes, il est aisé de conclure que la moralité de celui qui prétend être nickel nest pas au rendez-vous. Dautant plus lorsquil ajoute :
M. Davin. - Je ne pourrais pas me rappeler, mais pour vous être agréable et aller dans votre sens, il est vrai quau moment où CINAR répondait, sur la série A, pour nous la porte sest refermée sur CINAR. Nous avions un doigt dedans qui sappelait la série A. Le CNC a pris le temps, avec Téléfilm, danalyser la situation pour sassurer que nous étions en parfaite régularité côté français. Je le dis dautant plus que nous avons eu peur. La série a finalement eu son agrément, sans problème. Cela a pris quatre à cinq mois, cela a été un peu long.
(Le Tribunal souligne)
« Je le dis dautant plus que nous avons eu peur ». Pourquoi? Poser la question, cest y répondre.
Charest, Weinberg et Izard ont également voulu tromper le Tribunal quant à leur implication dans la créativité de Sucroë prétendant quils soccupaient seulement de laspect financier. Cétait oublier les témoins Sander, West et Willenson (CINAR É.-U.).
Leur conduite des affaires est basée sur la tricherie, le mensonge et la malhonnêteté. Ils nhésitent pas à trafiquer les contrats afin den gonfler les coûts de production pour obtenir des subventions et modifier les pourcentages de leur participation afin de se qualifier en vertu de la convention bilatérale France-Québec.
Ils ne se gênent pas pour faire de fausses déclarations quant au contenu canadien et aux auteurs canadiens.
Comment qualifier de tels comportements?
Il faut envoyer un message clair aux contrefacteurs que la cupidité sera punie et qu'ils devront s'attendre à plus qu'une simple condamnation de dommages compensatoires sans pénalité, s'ils sont découverts.
En lespèce, la conduite des défendeurs est outrageante, préméditée, délibérée. Même au cours du procès, ils ont persisté à dissimuler leurs actes répréhensibles.
Lobjectif de loctroi de dommages punitifs est de prévenir des cas semblables et de punir ces bandits à cravate ou à jupon, afin de les décourager de répéter leur stratagème et sanctionner leur conduite scandaleuse, infâme et immorale.
En linstance, loctroi de dommages exemplaires enverra un message clair aux producteurs que: la fraude, la contrefaçon, la copie, les mensonges à la Cour ne sont pas tolérés et que les créateurs sont protégés, ces derniers étant souvent démunis financièrement, nayant pas la ténacité, lénergie ni la détermination nécessaire pour faire face à une guérilla judiciaire, sans compter les coûts que ça implique.
Les défendeurs Charest, Weinberg et CINAR savaient et connaissaient limportance de luvre Curiosité pour le demandeur, la passion et lénergie qui lanimaient et tous les efforts quil y avait consacrés. Cest sans scrupule quils se sont moqués de lui.
Rares sont les individus qui, dans ladversité, continuent leur combat et sacharnent à vouloir faire triompher la vérité. Ce facteur milite également en faveur de loctroi de dommages exemplaires au demandeur.
Les défendeurs Charest, Weinberg et CINAR connaissent la vulnérabilité du demandeur.
Le demandeur a témoigné de la difficulté quil a éprouvée à établir les revenus découlant de la série Sucroë, appuyé en cela par le comptable Dick. CINAR na pas offert de preuve sur les revenus, se limitant à contester les revenus établis par le demandeur. Il y a tout lieu de croire que les montants réels sont supérieurs à ceux que le demandeur a pu établir, sans quoi les défendeurs se seraient empressés de réfuter ses chiffres. Cet élément milite également en faveur de loctroi de dommages exemplaires importants.
Dans laffaire Whiten, la Cour suprême a maintenu loctroi de 1 000 000 $ à titre de dommages exemplaires :
32 Relativement au quantum des dommages-intérêts punitifs accordés par le jury (un million de dollars), le juge Laskin a rejeté largument de Pilot selon lequel le jury avait vraisemblablement gonflé cette somme en raison derreurs commises par le juge de première instance dans son exposé et que, quoi quil en soit, cette somme était beaucoup trop élevée. Bien que cette somme de un million de dollars soit élevée, il y avait lieu de faire preuve de déférence envers la décision du jury, dautant plus quen lespèce le juge de première instance lavait considérée [traduction] « entièrement raisonnable ». De lavis du juge Laskin, la conduite de Pilot avait été [traduction] « exceptionnellement répréhensible ». Lobjectif de dissuasion est particulièrement important dans les affaires mettant en cause des assurés en raison du très grand nombre de demandes dindemnité qui sont présentées chaque année aux assureurs. De plus, pour que les dommagesintérêts punitifs soient utiles, ils [traduction] « doivent faire mal »; il ne faut pas quils soient assimilés à des frais de permis ou dexploitation. Au cours des dernières années, tant les tribunaux que les législateurs ont haussé le montant des amendes imposées aux entreprises qui agissent de façon irresponsable ou contraire à lintérêt public. Cette tendance témoigne du fait que [TRADUCTION] « des amendes plus substantielles sont nécessaires pour punir les entreprises qui ont des comportements socialement inacceptables et les dissuader dadopter de tels comportements. »
De lavis du Tribunal, un tel montant de 1 000 000 $ est approprié et raisonnable en linstance.
20 LES HONORAIRES
Larticle 34(2) de la LDA accorde discrétion au Tribunal pour octroyer des frais sur une base avocat-client.
Les demandeurs réclament la somme de 2 433 836,16 $ pour honoraires, débours et travaux en cours non facturés et, à lappui, déposent le relevé des travaux en cours et des factures déjà payées
NON FACTURÉS :2 327 892,00 $DÉJÀ PAYÉS - HONORAIRES ET DÉBOURS :105 944,16 $TOTAL :2 433 836,16 $
Seul le demandeur témoigne sur une partie de cette réclamation. Quant aux défendeurs, aucune preuve à son contraire nest administrée.
En lespèce, il ne sagit pas dun cas dapplication stricte de larrêt Viel qui exige labus dester en justice, puisquil y a autorisation législative au paragraphe 34(2) de la LDA.
Les défendeurs invoquent lauteur Laurent Carrière pour faire valoir que la réclamation se limite aux seuls cas où il est établi que la contrefaçon a été délibérée, a relevé de la piraterie ou que la preuve démontre un véritable abus de procédures :
Or, malgré la grande latitude que permet ce texte, les tribunaux ont jusquici beaucoup hésité sauf, peut-être, dans les cas doutrage au tribunal à rendre une telle ordonnance portant sur des dépens hors tarif, assujettissant généralement leur octroi à une violation délibérée relevant parfois de la piraterie , dun rapport de force disproportionné entre les parties ou encore lorsquest rapportée « la preuve dun véritable abus de procédure pouvant consister, par exemple, en la défense dun droit inexistant, en la multiplication de procédures dilatoires et futiles, ou encore en une prolifération de recours visant à faire encourir des frais inutiles à ladversaire».
En tant que tel, le caractère évident ou injustifiable de la violation ne devrait peut-être pas constituer un motif justifiant en soi loctroi de tels dépens : cest plutôt par loctroi de dommages punitifs quune telle conduite serait sanctionnée. Le tribunal pourra cependant prendre en compte le caractère abusif de linstitution et du maintien de procédures alléguant contrefaçon ou lattitude générale dun défendeur pour augmenter le montant des dépens.
Or, ce commentaire, en tout respect pour Me Carrière, doit être examiné dans le cadre et la perspective dun recours exercé en Cour fédérale. Or, en vertu des règles de pratique de celle-ci, ladjudication des dépens aux parties est beaucoup plus généreuse quen vertu du Tarif judiciaire du Code de procédure civile qui sapplique en linstance.
Les défendeurs plaident que la réclamation de plus de 2,4 M$ est totalement disproportionnée en fonction des montants des dommages réellement en jeu. Ils reprochent principalement que lors des vingt interrogatoires au préalable, tous déposés par le demandeur, un nombre important de questions nont pas porté sur le plagiat mais sur dautres sujets non reliés à la cause de laction et ont suscité objections et débats prolongeant ainsi les procédures.
Le Tribunal nest pas de cet avis, puisque de nombreuses questions qui ne portent pas sur le plagiat ont servi à saper la crédibilité des défendeurs et de leurs témoins.
Les défendeurs ont choisi de produire séparément leurs défenses , soit une défense pour les défendeurs Charest, Weinberg et CINAR, une défense pour France Animation, Davin et Izard, une défense pour les défendeurs BBC et Theresa Plummer et une autre défense pour Hille et Ravensburger.
Comme le Tribunal la souligné, toutes les personnes interrogées au préalable par le demandeur ont vu leur déposition produite au dossier de la Cour pour en faire partie et ainsi réduire le temps daudition. Les défendeurs, quant à eux, ont choisi de ne pas déposer linterrogatoire hors Cour du demandeur, comme le Code de procédure civile le leur permet. Ils sont donc irrecevables à se plaindre du temps consacré pour laudition.
Au cours de ces interrogatoires au préalable, plus de 311 objections ont été formulées par les procureurs des défendeurs et plus de 60 % de celles-ci ont été rejetées, entraînant par le fait même une reprise et une continuation desdits interrogatoires.
Que dire également des requêtes en cassation de subpoena qui ont entraîné une enquête et audition de près de quatorze jours au printemps 2008?
Que penser du fait que les défendeurs ont tenté à trois reprises de scinder linstance afin de reporter ultérieurement la discussion sur la reddition de compte et létablissement des profits? Une scission dinstance a été demandée aux juges Rayle et Tessier, lesquels l'ont refusée. Et le Tribunal a également refusé cet argument au moment de laudition des requêtes en cassation de subpoena.
Les défendeurs sont revenus à la charge en plaidoirie finale sur la reddition de compte sous prétexte quils nont pas fait entendre de témoin comptable.
Encore au début du procès en septembre 2008, les défendeurs contestaient tous les aspects de cette instance, la qualité dauteur du demandeur, l'originalité de luvre, et évidemment les similitudes et le plagiat.
Les défendeurs reprochent au demandeur de faire une enquête pointilleuse. Pourtant, on le ferait à moins, lorsque les défendeurs Charest, Weinberg et CINAR affirment au paragraphe 140 de leur défense du 3 mai 1986 :
140. Les défendeurs ont tous en effet acquis des réputations dintégrité et de professionnalisme construites pendant de longues années de travail de création et de liens et navaient vraiment pas besoin de plagier le demandeur, Claude Robinson, ni son projet, sil en est un, pour faire une production et surtout navaient aucun intérêt à le faire.
(Le Tribunal souligne)
Les défendeurs sont mal avisés de reprocher au demandeur de vouloir produire la documentation de la Commission des valeurs mobilières du Québec qui, elle-même, à la suite de son enquête, a obtenu un règlement avec les défendeurs et dans lequel, Charest et Weinberg renoncent à agir comme administrateurs dune corporation publique, sengagent à payer une amende et reconnaissent pour les fins du dossier de la CVMQ des actes malhonnêtes dont nous avons discuté précédemment.
Quand la tricherie est la règle, quand on se gargarise dhonneurs Izard portant fièrement au revers de sa veste linsigne de la Légion dhonneur à toutes ses présences en Cour et que le mensonge et les versions contradictoires sont la règle, on ne peut reprocher au demandeur limportance et lamplitude de son enquête dans sa recherche de la vérité.
Bien sûr, le demandeur a multiplié ses enquêtes. Mais qui peut le lui reprocher quand il apprend une communication de Charest avec la GRC où elle nie le connaître et que Weinberg fait de même jusquà ce quil soit confronté à son contrat de démarchage pour lequel il avait obtenu 30 000 $ US en 1986? Dautant plus que Lalonde de Pathonic déclare à la GRC le 23 octobre 1995 et le 30 novembre 2000 quil est impossible que Charest ne connaisse pas limplication de CINAR dans le projet de Curiosité.
On peut comprendre linsécurité du demandeur devant les révélations de tels personnages, surtout quand on sait que Willenson (CINAR É.-U.), se rappelle très bien du dossier Curiosité neuf ans plus tard.
Après les interrogatoires au préalable et le jugement sur les requêtes en cassation de subpoena, les défendeurs auraient dû savoir que leur jeu serait découvert et ils ont persisté dans leur tromperie et ont tout fait pour épuiser le demandeur, tant moralement que financièrement.
Seuls la persévérance du demandeur et le soutien de ses procureurs lui ont permis de tenir et de se rendre à la fin de cette saga judiciaire.
Ne pas faire droit à la réclamation du demandeur quant aux honoraires avocat-client sanctionnerait le fait que les tricheurs et les menteurs puissent perpétuer leur conduite immorale et leurs manuvres illégales en toute impunité, car aucun individu ne pourrait se permettre seul une telle dépense et de tels débours.
La LDA a pour but de protéger les auteurs mais encore faut-il quils puissent se rendre jusquà un jugement final. Ici, le rapport de force économique est inégal : dun côté, des géants, CINAR et France Animation appuyées par leurs assureurs; de lautre côté, le demandeur sans grandes ressources financières.
Le but de la LDA est de protéger les auteurs et de leur assurer des revenus, de protéger leur énergie créatrice et leur réputation. La Cour fédérale le rappelait ainsi :
[373] Autrement dit, si le droit dauteur nest pas respecté et protégé, lénergie créatrice utilisée par les auteurs et les artistes dans la promotion de la diversité des idées ne sera pas adéquatement rémunérée ou reconnue.
[376] Le droit dauteur favorise la troisième valeur [de la liberté dexpression qui est la diversité des idées par lencouragement de lépanouissement personnel] en protégeant les auteurs et en les incitant à créer des uvres expressives, parce que leurs uvres seront protégées par la Loi sur le droit dauteur contre la reproduction non autorisée.
[378] [...] si la demanderesse perd son droit de contrôler lutilisation de luvre faisant lobjet de son droit dauteur, il reste peu de chose de son droit de propriété privée.
Pour atteindre ces buts, laccessoire est donc de protéger le principal, soit le droit de lauteur, et pour le faire respecter, lauteur doit être en mesure dutiliser des services de procureurs de qualité pour affronter des adversaires tout aussi compétents. Lauteur na pas à retenir les services dun avocat au plus bas taux horaire pour faire valoir ses droits.
Le Tribunal tient compte aussi du fait que les procureurs du demandeur soutiennent financièrement le dossier depuis plus de dix ans et dans leurs états de compte, aucuns frais dintérêt nest réclamé.
Cependant, ce poste de réclamation nest pas un bar ouvert où lon ne peut choisir que champagne, caviar et filet mignon. Malgré lautorisation législative permettant une telle réclamation honoraires avocat-client, on ne peut se voir rembourser en totalité les honoraires quand celui qui les paie na aucun contrôle sur les taux horaires réclamés, ni sur la proportionnalité des actes posés.
Le demandeur sest réservé le droit de renégocier avec ses procureurs leurs honoraires, selon lissue du procès.
Le Tribunal, exerçant sa discrétion judiciaire et devant labsence de preuve contraire, octroie aux demandeurs la somme de 1 500 000 $, plus TPS et TVQ.
21 LES INTÉRÊTS ET LINDEMNITÉ ADDITIONNELLE
Les articles 1618 et 1619 C.c.Q. prévoient que les dommages-intérêts portent intérêt au taux légal depuis la demeure ou toute autre date postérieure que le Tribunal estime appropriée, eu égard à la nature du préjudice et aux circonstances.
En lespèce, la défenderesse CINAR a reçu une mise en demeure au mois de septembre 1995 et tous les défendeurs, y compris CINAR qui en a reçu une seconde, ont reçu une mise en demeure le 5 décembre 1995. Cest cette date que le Tribunal retiendra pour le calcul des intérêts et de lindemnité additionnelle, tel que prévu à larticle 1619 C.c.Q. aux chapitres des dommages économiques en vertu de la LDA et du préjudice psychologique.
Les condamnations en vertu de la LDA et celle pour préjudice psychologique porteront intérêt au taux légal et lindemnité additionnelle.
Les condamnations pour dommages exemplaires, frais davocat et frais dexpertise porteront intérêt à compter de la date du présent jugement.
22 LES CONCLUSIONS
Le Tribunal conclut que les défendeurs Charest, Weinberg, CINAR, Izard, France Animation, Davin, Ravensburger et RTV ont plagié luvre du demandeur et, en conséquence, octroie aux demandeurs les sommes suivantes :
1- RÉPARATION DES DOMMAGES ÉCONOMIQUES EN VERTU DE LA LDAa) DROIT DAUTEUR607 489 $b) PORTION DES PROFITS :1 716 804 $2 32 293 $2- PRÉJUDICE PSYCHOLOGIQUE400 000 $400 000 $3- DOMMAGES EXEMPLAIRES1 000 000 $1 000 000 $4- FRAIS DAVOCAT1 500 000 $ + tx1 500 000 $ + txTOTAL :5 224 293 $
22.1 REMERCIEMENTS
Le Tribunal désire remercier la greffière, qui est également son adjointe, laquelle a été dune précieuse aide tout au long du déroulement de cette cause et dans la tâche colossale que fut le délibéré.
Également, le Tribunal désire remercier lhuissier-audiencier, M. Réal Tremblay, pour son dévouement auprès du Tribunal, des procureurs et des parties.
Nos remerciements sadressent également aux procureurs pour leur ponctualité, leur professionnalisme et le respect mutuel quils ont su démontrer au cours de ce long procès, tout en défendant avec vigueur les intérêts de leurs clients respectifs.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie laction des demandeurs;
REJETTE laction des demandeurs contre McRaw Holdings inc., Hélène Charest, Theresa Plummer-Andrews et Peter Hille, sans frais;
DÉCLARE que luvre intitulée : Les Aventures de Robinson Curiosité est une uvre protégée et que les droits exclusifs de celle-ci ont été violés par les défendeurs CINAR, Ronald A. Weinberg, tant personnellement quès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline Charest, Christophe Izard, Christian Davin, France Animation, Ravensburger FILM + TV Gmbh et RTV Family Entertainment AG;
ORDONNE aux défendeurs de :
cesser de produire ou reproduire luvre intitulée Robinson Sucroë ou une partie importante de celle-ci sous forme matérielle quelconque, ou dutiliser celle-ci de quelque façon;
cesser de produire et mettre en circulation à quelque titre que ce soit, la série Robinson Sucroë ou copie de celle-ci de même que tous produits dérivés de cette série;
cesser de diffuser Robinson Sucroë;
DÉCLARE le demandeur Claude Robinson, propriétaire de tous les exemplaires contrefaits de luvre Robinson Sucroë de même que de toutes les planches, tous les négatifs ou autres instruments qui ont servi ou sont destinés à servir à la confection dexemplaires contrefaits;
ORDONNE aux défendeurs de remettre au demandeur Claude Robinson, sous serment, dans les trente (30) jours du présent jugement, tous exemplaires de Robinson Sucroë, originaux, dessins, toutes bandes magnétiques ou autres et ORDONNE aux demandeurs de les détruire dans les soixante (60) jours de leur remise.
CONDAMNE les défendeurs CINAR, Ronald A. Weinberg, tant personnellement quès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline Charest, Christian Davin, France Animation, Christophe Izard, Ravensburger FILM + TV Gmbh et RTV Family Entertainment AG, conjointement et solidairement à payer aux demandeurs la somme de 2 724 283 $ avec intérêt au taux légal, plus lindemnité additionnelle depuis le 5 décembre 1995;
CONDAMNE les défendeurs CINAR, Ronald A. Weinberg, tant personnellement quès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline Charest, Christian Davin, France Animation et Christophe Izard, conjointement et solidairement, à payer aux demandeurs la somme de 1 000 000 $ à titre de dommages exemplaires, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement;
CONDAMNE les défendeurs CINAR, Ronald A. Weinberg, tant personnellement quès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline Charest, Christian Davin, France Animation, Christophe Izard, Ravensburger FILM + TV Gmbh et RTV Family Entertainment AG., conjointement et solidairement, à payer aux demandeurs la somme de 1 500 000 $, plus TPS et TVQ, à titre dhonoraires avocat-client avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement;
CONDAMNE les défendeurs CINAR, Ronald A. Weinberg, tant personnellement quès qualités dunique liquidateur de la Succession de feu Micheline Charest, Christian Davin, France Animation et Christophe Izard, conjointement et solidairement, à payer aux demandeurs la totalité des frais dexpertise, avec intérêt au taux légal à compter de la date du présent jugement;
Le tout, avec dépens limités aux débours judiciaires.
__________________________________
CLAUDE AUCLAIR, J.C.S.Me Florence LucasMe Francine MartelMe Jeanne Tugault Procureures des demandeursMe Pierre Y. LefebvreMe Alain Y. DussaultMe Silviu BursanescuProcureurs des défendeurs Les Films CINAR inc., Ronald A. Weinberg, Micheline Charest, France Animation, Christian Davin, Christophe Izard, Ravensburger Film + TV Gmbh, rtv Family Entertainment AG, Peter Hille, BBC Worldwide Television et Theresa Plummer-Andrews Me Stephen W. HamiltonProcureur de la défenderesse Corporation CINAR Me J. Vincent ODonnellProcureur de la défenderesse McRaw Holdings inc.Me Michel BernierProcureur de la défenderesse Hélène CharestDates daudience :2-3-5-8-9-10-11-17-18-19-24-25-26 septembre 2008; 1-2-3-20-21-27-28-29-30-31 octobre 2008; 3-4-5-6-10-11-12-13-14-17-18-19-20-21 novembre 2008; 1-2-3-4-5-8-9-10-11-12-15-16-17-22 décembre 2008; 6-7-8-9-12-13-14-15-19-23-27-28 janvier 2009; 2-3-16-23 février 2009; 9-10-11-16-17-18-19-20-23-24-25-26-27 mars 2009; 22 et 23 avril 2009.
Interrogatoire du Dr Perraton, le 21 novembre 2008, p. 50.
Lettre de Fasken, Martineau au procureur des demandeurs, 15 février 2007, p. 7, paragr. 15.
Loi sur le droit dauteur, L.R. 1985, ch. C-42.
Interrogatoire de M. Jacques Dick, le 3 octobre 2008.
Pièce P-9.
Corpex Vidéo est une compagnie du demandeur.
Pièce P-10.
Société en commandite mise en place pour le financement et la réalisation du projet du demandeur.
Pièce P-47.
Pièce P-62.
Pièce P-63.
Pièce P-11.
Pièce P-12-A, B, C.
Pièce P-46; Pièce P-47; Pièce P-48.
Pièce P-35.
Pièce P-11.
Pièce P-118-3 : Déclaration de Paul Vien à la GRC, Q. 7.
Pièce P-14.
Pièce P-64.
Pièce P-65.
Pièces P-17 et P-89 ERW11.
Pièce P-66.
Pièce P-24.
Pièce P-218, p. 18.
Pièce P-18.
Pièce P-118, p. 3 et 5.
Pièce P-20.
Pièce P-66.
Pièce P-21.
Pièce P-19.
Pièce P-22.
Pièce P-118-3, Déclaration de Paul Vien à la GRC p. 6, Q.41.
Pièce P-259, p. 66.
Interrogatoire du demandeur, 2 septembre 2008, pages 212 à 215.
Pièce P-118-15, p. 86.
Pièce D-247.
Pièce P-222.
Pièce P-218, p. 10 et suiv.
Pièce P-35, p. 1.
Pièce P-35, p. 3.
Pièce P-35.
Pièce P-218, p. 7.
Pièce P-218.
Pièce P-27.
Pièce P-25, clause 2.2.
Pièce P-28, A, B, C.
Pièces P-29.
Pièce P-35, p. 16 et suiv.
Pièce P-32.
Pièce P-33.
Pièce P-221.
Pièce P-239, p. 8 et suiv.; Pièce P-279.
D-255.
D-256.
Pièce D-246, p. 11.
Pièce D-246, p. 12.
Pièce D-254 : Déclaration de Cherly Blakeney à la GRC, 14 mai 2001; interrogatoire le 3 novembre 2008.
Pièce D-219, p. 1 et 2.
Pièce D-219, p. 3 et 6.
Pièce D-220.
Pièce D-221.
Pièce D-233; Pièce P-199-13.
Pièce D-8; Pièce P-72, p. 5, 17 et 55; Pièce D-222; Pièce D-224.
Pièce P-72-B2, p. 5 de 71.
Pièce D-263-C.
Pièce P-272-A-3.
Pièce D-236; Pièce D-267; Pièce P-199.
Pièce P-152.
Pièce D-234.
Pièce P-152A-1A.
Pièce P-91-1, p. 14.
Pièce P-272-A, p. 1 et 2; Pièce P-272-B.
Pièce P-272-A, p. 3; Pièce P-272-C.
Pièce D-234; Pièce D-277; Pièce P-199-27.
Pièce P-91-4D.
Pièce P-234, p. 11; Pièce D-223, p. 7 et 8.
Pièce P-157; Pièce P-152A-2A à 8A.
Pièce D-287-B; Pièce D-223, p. 1 à 6; Pièce D-224; Pièce D-286, p. 1, 2, 4 et 5.
Pièce D-225; Pièce D-226, p. 1, P-84-3-2, p. 13; Pièce D-286, p. 3.
Pièce D-264; Interrogatoire de Mirleau, le 3 décembre 2008, p. 54.
Pièce D-199-10.
Pièce D-9; Pièce D-238; Pièce P-34; Pièce P-103.
Pièce D-237; Pièce P-199-16.
Pièce D-238, p. 139; Pièce D-267.
Pièce P-72, p. 35.
Pièce P-72-h1, p 35 et 36.
Pièce P-72, p. 22.
Pièce P-262.
Pièce D-30.
Pièce P-199, p. 43; Pièce D-9, p. 106; Pièce D-238, p. 34.
Pièce D-271; Pièce P-199, p 54.
Pièce P-199, p. 55.
Pièce D-238, Pièce P-67; Pièce P-199, p. 50.
Pièce P-32.
Pièce P-33; Pièce P-34A; Pièce D-9 p. 172 à 203.
Pièce D-269.
Pièce D-265.
Pièce P-199, p. 51.
Pièce D-35.
Pièce D-36.
Pièce P-252.
Pièce D-23; Pièce P-199-an-6, p. 1 à 7.
Pièce P-199, p. 52.
Pièce D-39.
Pièce D-268; Pièce P-199, p. 47.
Pièce D-41.
Pièce D-42, p. 11.
Pièce D-42.
Pièce D-44.
Pièce D-46.
Pièce D-53.
Pièce D-55; Pièce D-57; Pièce D-56A.
Pièce P-91-4d.
Pièce D-60.
Pièce P-199, p. 53.
Pièce D-65.
Pièce D-69.
Pièce D-272.
Pièce P-199 p. 45.
Pièce P-199, p. 49.
Pièce D-227; Pièce P-199, p. 14.
Pièce P-93-FA-1a-9.
Pièce D-277.
Pièce P-199-42.
Pièce P-199-61.
Pièce P-199-36.
Pièce P-93-FA-1a-7, p. 5.
Pièce P-199-62.
Pièce P-199-60.
Pièce P-199, p. 57.
Pièce P-199, p. 60.
Pièce D-22; Pièce P-93-FA-1a-1.
Pièce P-199-8.
Pièce P-199-44.
Pièce P-199-59.
Pièce P-199-41.
Pièce P-199-63.
Pièce D-297.
Pièce P-152-1b-6e.
Pièce P-225.
Pièce P-226.
Pièce P-227.
Pièce P-228.
Pièce P-199, p. 48.
Pièce P-199, p. 58.
Pièce P-199; Pièce P-202-80.
Pièce P-93-FA-1a-8, p. 6.
Pièce P-72, p. 41; Pièce P-260.
Pièce P-230.
Pièce P-154-4.
Pièce P-37.
Pièce P-50.
Pièce P-88-6, IMC-4, p. 9; Pièce P-206-4.
Pièce P :223, p. 4 à 7.
Pièce P-1.
Témoignage de Claude Dagenais, le 30 septembre 2008; témoignage de Claude Robinson; témoignage de André Duquenne, le 1er octobre 2008.
Pièce P-72, p. 46.
Pièce P-40.
Pièce P-41.
Pièce P-79, paragr. 15.
Pièce P-152-11.
Pièce P-79, paragr. 18; Pièce P-88-6 IMC-5, p. 3.
Pièce P-45.
Pièce P-201, p.50 de 131.
Pièce P-79.
Pièce P-225; Pièce P-152-1b-6a, p. 3, 4 et 5; Pièce P-227.
Pièce P-42.
Pièce P-43.
Pièce P-93-FA-1a-5.
Pièce P-44.
Pièce P-206-1, p. 2; Pièce P-206-4.
Pièce P-151-1B; Pièce P-152-4B.
Pièce P-223, p. 6 de 8.
Pièce P-223, p. 8 de 8; Pièce P-84-ICI-12.
Pièce P-227.
Pièce P-79-1.
Pièce P-78-2.
Pièce P-78-1.
Pièce P-152A, 1C, 2C, 3C; Pièce P-227.
Pièce P-83-1.
Pièce P-14.
LDA, art. 34.1.
Pièce P-279 : facture des avocats Piché, Emery.
Pièce P-239.
Pièce P-246, p. 11.
Pièce D-246.
L.R., 1985, ch. C-44, art. 228(1).
Pièce P-239.
Pièce P-239.
Pièce D-246; Pièce D-255; Pièce D-256.
C.c.Q., art. 1606 (2).
Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, 6e éd. Cowansville, Éditions Yvon Blais, p.829-830.
Pièce P-239.
Pièce D-246.
Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co., [1987] 1 R.C.S. 2.
Pièce P-18; Pièce P-30.
Interrogatoire de Claude Robinson, 8 septembre 2009, p. 196 et 205.
Hugues RICHARD, Laurent CARRIERE et al. (Léger Robic Richard), Canadian Copyright Act annoted, volume 2, Thomson Carswell, mise à jour continue, page 27-7 et 27-8.
Normand TAMARO, La Loi sur le droit dauteur annotée, 7e édition, Thomson Carswell, 2006, p. 596.
MCKEOWN, Fox on Canadian law of copyright and industrial designs, Fourth Edition, Thomson Carswell, Édition à feuilles mobiles, p. 24-54.5 et suiv.
Pièce P-79 : affidavit au soutien dun mandat de perquisition.
Pièce P-41.
Pièce P-118 (17) : Déclaration de Ronald Weinberg à la GRC, le 14 novembre 1995.
Pièce P-118(1) : Déclaration de Seth Willenson à la GRC, p. 3 à 6.
Interrogatoire de Seth Willenson du 29 octobre 2001, page 10
Pièce P-219.
Pièce P-27.
Pièce P-219.
Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p. 4, 5 et 6.
Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p. 9 et 10.
Interrogatoire de Claude Robinson, 2 septembre 2008, p. 195.
Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre, p. 26 et 75; interrogatoire de Claude Robinson, 19 janvier 2009, p. 198.
Pièce P-222 Lettre de Raymond Paquin de septembre 1986; Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p. 17 à 19; 11 septembre 2008 p. 232; et 3 septembre 2008, page 24.
Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p.75
Pièce P-18-U, p. 6, Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p. 11, 30, 72.
Pièce P-28.
Interrogatoire de Claude Robinson, 3 septembre 2008, p. 17; interrogatoire de Claude Robinson, 11 septembre 2008, p. 70.
Interrogatoire de François Champagne, 17 septembre 2008, p.195.
Pièce P-27.
Interrogatoire de François Champagne, 17 septembre 2008, p. 78.
Pièce P-29.
Contre-interrogatoire de François Champagne, 17 septembre 2008, p. 60.
Contre-interrogatoire de François Champagne, 17 septembre 2008, p. 185 et 186.
Contre-interrogatoire de François Champagne, 17 septembre p. 172 et 173.
Pièce P-34.
Interrogatoire de Jan Rofekam, le 19 septembre 2008; Interrogatoire de Gaston Cousineau, le 4 novembre 2008.
Interrogatoire de Gaston Cousineau, le 4 novembre 2008, p. 139.
Interrogatoire de Françoise Tourtet, le 11 décembre 2008, p. 10.
Id. p. 9, lignes 34 à 50; p. 10, lignes 1 à 23.
Id. p. 16, lignes 8 à 39.
Id. p. 13.
Pièce P-68-C, D, E, H.
Pièce D-2.
Pièce P-84-1 : Interrogatoire de Christophe Izard, 22 février 2001, p. 10.
Id., p. 10 ligne 6.
Défense de France Animation du 3 mai 2006, paragr. 6.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 9 janvier 2009, p. 41et 42.
Id. p. 42.
Interrogatoire hors Cour de Christophe Izard, le 23 février 2001, p. 45 et 46, lignes 3 à 9; p. 48, lignes 5 à 18.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 9 janvier 2009, p. 43 à 45 et 48.
Interrogatoire hors Cour de Christophe Izard, le 23 février 2001, p. 8.
Pièce P-84-1, p. 69 et 70.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 9 janvier 2009, p. 43.
Id., p. 44 et 45.
Id., p. 43.
Id., p. 35 et 36.
Id.
Id.
P-84-1, p. 70 et 71.
Interrogatoire de Gaston Cousineau, 4 novembre 2008, p. 49, et contre-interrogatoire, p. 119 lignes 22 à 25 et p. 120, lignes 1 à 6.
Pièce P-28.
Pièce P-152-A.
Pièce P-223, p. 6 et suiv.; et p. 8
Pièce P-157-A et P-152A-1a et suiv.
Interrogatoire de Luc Dionne, le 24 septembre 2008, vers 11h41.
Pièce P-223.
Pièce P-226, p. 2.
Pièce P-227.
Pièce P-152-9.
Interrogatoire de Me Donald, le 25 septembre 2008.
Pièce P-87-3, p. 34 et 35 : Interrogatoire de Me Donald du 29 janvier 2004;.
Pièce P-87-2, p. 178,179, 181, 182, 183 : interrogatoire de Me Donald du 26 mars 2003.
Id. page 181, lignes 16 à 23.
Pièce P-227.
Pièce P-87, p. 186, lignes 10 à 12.
Pièce P-201, p. 50; Pièce P-225; Pièce P-151.1b; Pièce P-152-4b; Pièce P-152-11; Pièce P-152-6A, p. 3, 4 et 5.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 22 février 2001, p. 28 à 31.
Pièce P-78-3.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 12 janvier 2009, p. 132 et 134.
P-152-B.
P-152-A.
Contre-interrogatoire de Christophe Izard, le 12 janvier 2009, p. 134.
Pièce P-87-2.
Notes et autorités dHélène Charest, p. 22, paragr. 81.
Pièces P-152A-1A à 8A.
Pièce D-103.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 12 janvier 2009, p. 145 et 146.
Id., p. 154 et 155.
Interrogatoire hors Cour de Christophe Izard, le 22 février 2001, p. 119.
Pièce P-223; Pièce P-224; Pièce P-225; Pièce P-227.
Pièce D-263-D.
Pièce D-263-A.
Interrogatoire de Pascal Mirleau, le 3 décembre 2008, p 75-76.
Contre-interrogatoire de Christophe Izard, le 14 janvier 2009, p. 4, 5, 6, 7 et 9.
Pièce P-34.
Pièce P-121, paragr 20 de laffidavit au soutien du mandat de perquisition; Pièce P-118 : déclaration de François Champagne à la GRC.
Pièce P-29.
Témoignage de Christophe Izard, le 9 janvier 2009, p. 43, 44, 45, 46 et 48.
Interrogatoire hors Cour de Christophe Izard, le 22 février 2001, p. 141 et 160.
Interrogatoire de Peter Sander, le 30 octobre 2008, p. 119 à 121.
Pièce P-272-A : notes personnelles de Diana West.
Interrogatoire de Peter Hille, le 2 décembre 2008.
Interrogatoire de Jan Rofekam, le 19 septembre 2008, p. 50 et 51.
P-102-RA-2a-1-FA.
Témoignage de Claude Robinson, le 3 septembre 2008, p. 123 à 125.
Témoignage de Christian Davin, le 10 décembre 2008, p. 22.
Id. p. 18.
LDA,, art. 2, 5.
Production Avanti Ciné Vidéo inc. c. Favreau [1999] R.J.Q. 1939 (C.A.) p. 8 à 13.
Pièce P-27.
Pièce P-30.
Cummings c. Global Television Network Quebec et al, 2007 QCCA 338 (CanLII).
Interrogatoire de Seth Willenson, le 29 octobre 2001, p. 25 à 29.
Interrogatoire dAndré Picard, le 24 septembre 2008, entre 14h20 et 14h38.
Pièce P-118-1, p. 8.
CCH Canadienne ltée c. Barreau du Haut-Canada [2004] 1 R.C.S., 339, paragr. 16.
Pièce P-42 : lettre de Taillefer, Sheitoyan.
Pièce P-27, p. 12.
Id.
Pièce P-240 : rapport de Quatu'Art sur la méthodologie, onglet M, p. 3 et 4.
Id. p. 3.
Pièce P-241, p. 2.
Pièce P-241, annexe 3.
Pièce P-241, annexe 2.
Pièce P-241, p. 6 de 33, paragr. 2.
Pièce P-241A, p. 3.
Témoignage de Jean-Yves Frigon, le 12 novembre 2008, vers1 5 :16.
Pièce P-242 : rapport Dr Perraton, p. 129 et suiv.
Id. conclusions, p. 129, 130 et 131.
Interrogatoire du Dr Perraton, le 10 novembre 2008, p. 195 et 196.
Pièce D-258, p. 1 et 2.
Id. p. 27 et 28.
Pièce D-310.
Interrogatoire de Louise Danserau, le 8 janvier 2009, p. 81-83.
Interrogatoire de Louise Dansereau, le 7 janvier 2009, p. 32, questions 189 et suiv.
Id. page 66.
Pièce D-310, p. 4
Id., p. 5.
Id., p. 7 et 8.
Interrogatoire de Louise Dansereau, le 8 janvier 2009, p. 99.
Facture du 26 septembre 2008.
Pièce D-258, p. 11 à 16.
Contre-interrogatoire de Claude Robinson, le 8 septembre 2008, p. 201, 202, 216.
MESSIER, Hélène Les cahiers de propriété intellectuelle Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1994, vol.7 numéro 2, p. 220.
Id., p. 224 à 229.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 26, figure 1.1.a.
Pièce P-240, onglet N, p. 1.
Pièce P-91-2 : Interrogatoire de Thomas LaPierre, le 14 octobre 1999, p. 6.
Id., p. 58.
Id., p. 95, lignes 16 à 18.
Id., p. 98.
Pièce P-118-19.
Pièce P-118-15, page 6.
Pièce P-210-15; Pièce P-210-17; Pièce P-210-21; Pièce P-210-12.
Interrogatoire de Madeleine Lévesque, le 3 octobre 2008. entre 10 :52 et 11 :01
Id. entre 11 :02 et 11 :03.
P-118-14, p. 8.
Interrogatoire de Claude Dagenais, le 30 septembre 2008, vers 10h25.
Contre-interrogatoire de Claude Dagenais, 30 septembre 2008, vers 11h08.
Pièce P-240(Q) : scénario, épisode 10, scène 18, p. 20.
Pièce P-242C : rapport Dr Perraton, clip # 3, émission 23, figure 1.1.p.
Pièce P-242C : rapport Dr Perraton, clip # 2, émission 4, figure 1.1.0.
Pièce P-27.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 32.
Pièce P-30; Pièce P-56; Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip #5, émission 1, figure 1.1.r.
Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip # 10, émission 1, figure 1.1.w; 1.1x et 1.1.y.
Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip # 8, émission 2, figure 1.1.u; clip #9, émission 9, figure 1.1.v.
Pièce P-27.
Pièce P-240-J : épisode 10, scène 18, p. 20
Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip # 12, émission 11, figure 1.1.z.
Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip # 7, émission 18, figure 1.1.t.
Pièce P-240-J : Rapport Quatu'Art, épisode 7, pages 3 et 4, scène 5.
Pièce P-30, p. 56.
Pièce P-240-J, épisode 23, scène 4, p. 6.
Pièce P-242C : Rapport Dr Perraton, clip # 14, émission 1, figure 1.1.bb.
Pièce P-27, p. 8 de 12.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 40, figure 1.2.a.
Pièce P-240-N : Rapport Quatu'Art, p. 2.
Pièce P-18A, p. 13 de 86; Pièce P-30A, p. 5.
Pièce D-258 : rapport Dansereau, p. 22, 1.2.a.
Rapport Dr Perraton, page 40.
Pièce P-27, p. 12; Pièce P-18.
Pièce D-258 : Rapport Dansereau, p. 11; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 44, figure 1.2.e; 1.2.f.
Pièce D-258 : Rapport Dansereau, p. 23; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 45, figure 1.2.9.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 61, figure 1.6b.
Pièce P-240N, p. 2 et 3.
Pièce D-263-A.
Pièce P-30, p. 9 et 58.
Pièce P-18Z, p. 7 de 37; Pièce P-18Z, p. 18 de 37.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 62, figures1.6c et 1.6d.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, page 63, figure 1.6e.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, page 64, figure 1.6f.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, page 64, figure1.6g
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, page 65, figure 1.6h.
Pièce P-240-N, p. 8, 5e paragraphe.
Pièce D-263-A.
D-263-A.
Pièce P-18X, p. 10.7.
Pièce P-240-N, p. 8, paragr. 5.
Pièce D-263-C.
Interrogatoire de Pascal Mirleau, le 3 décembre 2008, p. 31, lignes 18 à 25
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 50, figure 1.3.a.
Pièce P-30, p. 57.
Pièce P-240-N, épisode 6, scène 5, p. 29 et scène 6, p. 30.
Pièce P-240-J, épisode 6, scène 36, p. 29 et 30.
P-30, p. 57; pour Gladys; Pièce P-240-J, épisode 6, scène 19, p. 18.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 50, figure 1.3b.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 53, figure 1.4.a.
P-30, p. 57; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 54, figure1.4c.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 54, figure1.4b.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 54, figure 1.4d.
P-18B; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 54, figure1.4e.
Pièce P-18- (ancien P-18B) Scénario de Curieux Cinéma; P-18-M, p. 3 de 22; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 56.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 57, figure 1.4f.
Pièce P-240-J, épisode 3, p. 23.
Id.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 66, figure 1.7.a.
Pièce P-240-N, p. 3.
Pièce P-27.
P-18X, p. 7.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 66, figures 1.7d, 1.7c;
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 66, figures 1.7e et 1.7f.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 69, figure 1.8a.
Pièce P-240-N, p. 2.
Cet épisode a été modifié et son titre est devenu : Lanniversaire du naufrage du Touléjours, épisode 5.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 72, figure 1.8g
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 70, figure 1.8d.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 71,figures 1.8e et 1.8f.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 59, figure 1.5.a.
Pièce P-18-Y, p.30 de 33; P-18-Q, p. 4 de 21.
Pièce P-240-N, p. 4.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 59.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 59, figure1.5b.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 591.5c.
Pièce P-240-N, p. 3.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 79, Section 4.1.12.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 81, Section 4.1.13.
Pièce D-258 : Rapport Dansereau, p. 24.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 130, Section 5.1.5; Pièce P-258 : rapport Dansereau, p. 24.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 87 et 88, figures 2.2a; 2.2c; 2.2d.
Pièce P-240-N, p. 14.
Pièce D-29, p. 137, 138, 139, 142, 143 et 145.
Pièce P-18Y, p. 11 et 12 de 33; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 87, figures 2.2.a et 2.2.b et p. 88 figure 2.2.d.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 85, figure 2.1.e.
Pièce P-30, p. 17.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 95, figure 2.6.a.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 95, figure 2.6.b.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 96.
Pièce P-18Z, p. 12.5; Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 96, figure 2.6.e.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 97, figure 2.7.a.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 92, figure 2.5.d et 2.5.f.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 98, figure 3.1.1.a.
Pièce P-30-A, p. 16 de 53.
Pièce P-30 numéro 51.
Pièce P-18-Z, p. 18 de 37.
Id.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 100, Section 4.3.1.2.
Pièce P-242 : rapport Dr Perraton, p. 100 et 101, figures 3.1.2.a et 3.1.2.b
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 101 à103, figures 3.2.a, 3.2.b, 3.2.c, 3.2.d et 3.2.e.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 104.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 105.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 108.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 113 à 128.
Pièce D-6, p. 11.
Pièce D-10, numéros 16 et 20.
Piece D-10, numéro 34.
Pièce D-10.
Jim T. McKEOWN, Fox on Canadian Law of Copoyright and Industrial Designs, 4e ed. Toronto, Thomson Carswell, 2007-, p. 21-36.
Christian VINCKE, (Pierre A. CÔTÉ et Victor NABHAN) Problèmes de droit dauteur en éducation, Éditeur officiel, Québec, 1974, pages 40 et 41.
Preston v. 20th Century Fox Canada Ltd. (1990), 33 C.P.R. (3d) 242 at p. 247, 38 F.T.R. 183, 24 A.C.W.S. (3d) 1141 (T.D.).
Hugues RICHARD, Laurent CARRIERE et al. (Léger Robic Richard), Canadian Copyright Act annoted, volume 2, Thomson Carswell, mise à jour continue, page 2322.3 et suiv.
Normand TAMARO, La Loi sur le droit dauteur annotée, 7e édition, Thomson Carswell, 2006, page 481.
Pierre Yves GAUTIER, Propriété littéraire et artistique, 6e édition, 2007, Collection droit fondamental Classiques, Presses universitaires de France, paragraphe 754.
British Columbia Automobile Association v. Office and Professional Employees International, Union, Local 378, 2001 BCSC 156, paragr. 176, 185, 201.
Pièce P-219.
Pièce D-258 : Rapport Dansereau, p 23.
Pièce D-263.
Loi sur le droit dauteur, L.R. 1985, ch. C-42, art. 2.
Bernard Thibault, c. Les importations Géocan inc., C.S. Montréal, no. 500-05-054166-994, 6 juin2003, j. Buffoni, paragr. 36.
Pièce P-39, p. 15.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 30, figure 1.1.m.
Pièce P-242 : Rapport Dr Perraton, p. 28, figure 1.1.h.
Pièce D-253, déclaration de Peter Sander à la GRC.
Interrogatoire du Dr Perraton, le 21 novembre 2008, p. 42 et 43.
Contre-interrogatoire de Mme Dansereau, le 8 janvier 2009, p. 68 et 69.
Duff c. Québec (Procureur général), 2005 QCCA 661 (C.A.).
Id. paragr. 40.
Pièce P-240-O.
Réinterrogatoire de Haillard, le 5 décembre 2008, p. 21, lignes 29 à 25.
Pièce D-29; Pièce D-225; Pièce D-226.
Pièce D-225; Pièce D-226.
Interrogatoire de Caillon, le 17 décembre 2008, p. 16 et 17.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 23, lignes 18 à 25.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 35, lignes 29 à 33.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 36, lignes 1 à 21.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 36 et 37, lignes 20 à 24.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 19, lignes 12 à 30.
Pièce D-287, p. 11.
Interrogatoire de Peter Sander, le 30 octobre 2008, p. 75 à 77.
Id., p. 203, 204 et 205.
Pièce D-253 : Déclaration à la GRC, réponse à la question 20.
Interrogatoire de Diana West, le 19 janvier 2009, p. 24 et 25.
Interrogatoire de Haillard, le 5 décembre 2008, p. 23.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 9 janvier 2009, p. 99.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 23, ligne 25.
Pièce P-152-11.
Pièce D-29.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 39, lignes 6 à 20.
Pièce P-79, paragr. 17,18, 19, 20.
Pièce P-79, paragr. 15.
Pièce P-79, paragr. 18.
Interrogatoire de Jean Caillon, le 17 décembre 2008, p. 38, lignes 19 et suiv.
Pièce P-152-2, p. 4.
Pièce P152A-1B; Pièce P-152A-4B; Pièce P-152A-3B.
Pièce D-297, art. 5., paragr. B.
Pièce P-152A-3B; Pièce P-152A-4B.
Pièce P-152.
Requête pour la tenue d'une commission rogatoire, 16 octobre 2008, paragr. 21 et 22.
Pièce P-152 et suiv.
Pièce D-3, p.1, 3e colonne.
Pièce D-276, 1er septembre 1992; Pièce D-264.
Pièce D-275; Interrogatoire de Pascal Mirleau, le 3 décembre 2008, p. 56 et 57.
Pièce P-72-b.2.
Interrogatoire de Michel Haillard, le 5 décembre 2008, p. 9.
Id., p. 24.
Interrogatoire de Peter Sander, le 30 octobre 2008, p. 87 et 146.
Id., p. 14, lignes 2 à 5.
Id., p. 22.
Id., p 22.
Id., p. 21, lignes 29 à 37 et p. 22 et 23
Interrogatoire de Michel Haillard, le 5 décembre 2008, p. 14, lignes 2 à 5.
Pièce D-6.
Pièce D-42.
Pièce P-234; Pièce P-272-D.
Interrogatoire de Peter Sander, le 30 octobre 2008, p. 90 à 93 et 95 à 96.
Interrogatoire de Ronald Weinberg, le 1er février 1999, p. 137, 224 et 225.
Pièce P-272.
Pièce P-118-2 : Déclaration à la GRC de Cheryl Blakeney, le 14 mai 2001.
Interrogatoire de Peter Sander, le 30 octobre 2008, p. 103, 104, 181, 182; Pièce P-273 : itinéraire de voyage de Sander.
Interrogatoire au préalable de Christophe Izard, le 22 février 2000, p. 43.
D-275 : scénario refusé Une petite île pas si déserte; Pièce D-263B p. 5; Pièce D-299.
Pièce D-219.
Pièce D-8.
Interrogatoire de Claude Robinson, le 2 septembre 2008, p. 114 et 115.
Pièce P-219.
Pièce D-253 : Déclaration de Peter Sander à la GRC, question 20.
Pièce D-253 : Déclaration à la GRC question et réponse 62.
Christian VINCKE, (Pierre A. CÔTÉ et Victor NABHAN), Problèmes de droit dauteur en éducation, Éditeur officiel, Québec, 1974, p. 36 et 38.
Pièce P-242 : rapport Dr Perraton, p. 129 et suiv.
Interrogatoire de Christophe Izard, le 12 janvier 2009, p. 145 et 146.
Pièce P-182.
Pièce P-183.
Interrogatoire de Luc Dionne, le 24 septembre 2008, p. 14 et 15.
Interrogatoire hors Cour de Marie-Josée Corbeil, le 11 février 2003, p. 78 et 79.
Interrogatoire de Marie-Louise Donald, le 29 janvier 2004, p. 34 et 35.
Interrogatoire de Luc Dionne, le 24 septembre 2008, p. 111.
Banque de Montréal c. Bail ltée [1992] 2 R.C.S. 554, p. 6.
Jean-Louis BEAUDOIN, Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 5e édition, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1998, p. 398.
Stageline Mobile Stage inc. c. Richard (C.A., 20021008), J.E. 20021900 p. 3.
Pièce P-17.
Pièce P-66; Pièce P-89 ERW11.
Pièce P-118.
Pièce P-21.
Pièce P-19.
Pièce P-23.
Pièce P-118-15, p. 86.
Pièce P-16.
Pièce P-19, paragr. 18.
Pièce P-118-15, p. 86 : Lettre de Paquin à Lalonde en date du 19 septembre 1986.
Pièce P-35.
Pièce P-118-15, question 29.
P-118-15, questions 29 et 54; Pièce P-118-19.
Pièce P-36.
Pièce P-118-15, question 36.
Pièce P-79.
Interrogatoire de Marie-Louise Donald, le 26 mars 2003, p. 194 à 196.
Pièce P-219.
Normand TAMARO, Loi sur le droit dauteur annotée, 6e édition, Thomson Carswell, 2003, p.67-68, cité tel quel dans Normand TAMARO, The 2009 Annoted Copyright Act, Thomson Carswell, 2009, p. 140-141.
PrudHomme c. PrudHomme, [2002] 4 R.C.S. 663.
Pièce P-118-2, interrogatoire de Cheryl Blakeney, le 14 mai 2001.
Pièce P-118-1, p. 5.
Pièce P-90-1, p. 7.
Id. p. 10.
Me Wise était avocat interne chez CINAR à lépoque.
Pièce P-217. p. 1.
LDA, art. 38.1.
Normand TAMARO, The 2009 Annoted Copyright Act, Thomson Carswell, 2009, p. 618.
Tableau des recettes préparé par Jacques Dick, Pièce P-207 et P-207A.
Jugement prononcé par le Tribunal séance tenante le 20 mars 2008.
LDA, art. 14.1, 14.2, 28.1.
Théberge c. Galerie dArt du Petit Champlain [2002] 2 R.C.S. 336, paragr. 19.
Desputeaux c. Éditions Chouette (1987) inc., [2001] R.J.Q. 945 (C.A.) paragr. 40.
Théberge c. Galerie dart du Petit Champlain, [2002] 2 R.C.S. 336, paragr. 17.
LDA, art. 28.2 (1).
Prise de parole Inc. c. Guérin, éditeur ltée (1995), 66 C.P.R. (3d) 257, at 265-266 (C.F.).
Normand TAMARO, The 2009 Annoted Copyright Activités, Thomson Carswell, 2009, p. 645, 581 et 583.
Interrogatoire de Yves Gougoux, le 29 octobre 2008; Interrogatoire de Pierre Audet, le 29 octobre 2008; Interrogatoire de Marc Gaudreau, le 28 octobre 2008; Interrogatoire de Claire Robert, le 27 octobre 2008; Interrogatoire de Claude Dagenais, le 30 septembre 2008.
Interrogatoire de Claude Robinson, le 3 septembre 2008, p. 137 à 151.
Pièce P-233 : Évaluation médicale datée du 20 octobre 1997, p. 4, 5, 7 à 9.
Interrogatoire de Claire Robert, le 27 octobre 2008 14h01-14h55); Interrogatoire de Marc Goudreau, le 28 octobre 2008 15h06-15h37; Interrogatoire de Claude Dagenais, le 30 septembre 2008 10h28-10h39.
Pièce D-311.
Athey c. Leonati, [1996] 3 RCS 458.
Jean-François LEHOUX, Pour une approche plus méthodique des dommages psychologiques non pécuniaires, dans Service de la formation continue du Barreau du Barreau 2006, volume 252, p. 76, 78 et 79.
Chiasson c. Fillion, [2005], R.J.Q. 1066 (C.S.); [2007] R.J.Q. 867 (C.A.).
Chiasson c. Fillion, [2005], R.J.Q. 1066 (C.S.), paragr. 74. (maintenu par la Cour dappel).
Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S., 1130.
Société Radio-Canada c. Gilles E. Néron Communication Marketing inc. [2002] R.J.Q. 2639, paragr. 126 (C.A.).
Néron, Id.
Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec, [2004] 3 R.C.S. 95, 2004 CSC 53.
Interrogatoire de Claude Robinson, le 2 septembre 2008, p 22 et 23; le 8 septembre 2008, p. 172.
Pièce P-233, p. 1 et 2.
Pièce D-309-A; Pièce D-322; Pièce D-233; Pièce P-207-A2 et P-152-5, p. 8 de 13.
P-155-7, p. 4.
Pièce D-297.
Éditions JCL Inc. c. 91439 Canada Ltée, [1995] 1 F.C. 380, p. 2-3 (C.A.).
Pièce P-207-A2, p. 10.
Robinson c. Les films CINAR inc. C.S. Montréal, no. 500-05-021498-967, 26 novembre 1998, j. Rayle (C.S.).
Normand TAMARO, The 2009 Annoted Copyright Act, Thomson Carswell, 2009, p. 669.
Pièce P-207-A2, p. 10.
Pièce P-110-CI-CO3_C2; art. 8.3.
Pièce P-110-CI-CO3_1, art. II.
Pièce P-95-FA-1C-3, art. II.
Pièce P-207-D.
Sheldon et al. v. Metro-Goldwyn Pictures Corp. et al., No. 482 Supreme Court of the United States, 309 U.S. 390.
Société Radio-Canada c. Néron [2002] R.J.Q. 2639, paragr. 289-295.
Hugues RICHARD, Laurent CARRIERE et al (Léger Robic Richard), Canadian Copyright Act annoted, volume 3, Thomson Carswell, Toronto, mise à jour continue, p. 34-15 et 34-16.
Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1139 paragr. 196 et197.
Pièce P-93FA-1a-7.
Pièce P-79, paragr. 18 de laffidavit au soutien du mandat de perquisition.
Interrogatoire de Luc Dionne, le 24 septembre 2008.
Pièce P-217, p.1.
Pièce P-93-FA-1A-5 annexe.
Interrogatoire de Christian Davin, le 10 décembre 2008, p. 54 et 55.
Id. p. 56.
Id. p. 57.
Whiten c. Pilot Insurance Co., [2002] 1 R.C.S. 595, paragr. 107 à 142.
Pièce P-207; Pièce P-275-A.
Pièce P-207.
Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée [2002] R.J.Q. 1262 (C.A.).
Laurent CARRIÈRE, Voies et recours civils en matière de violation de droit dauteur au Canada, dans Développements récents en droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, p. 463-464.
Pièce P-83-1.
Pièce P-118-19.
Pièce P-118-15.
Cie générale des établissements Michelin-Michelin & Cie. c. CAW-Canada (1996), [1997] 2 C.F. 306 (1re inst.).
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