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Thèse Lyon 2 - TEL (thèses

Le tourisme comme moyen pour renforcer la fonction internationale et les ..... du Plan neige, les logiques d'intervention relatives à l'urbanisme touristique, étaient ..... L'examen des conditions de l'aménagement touristique du territoire par les ...... développement des chaînes volontaires et intégrées : Ibis, Climat de France,  ...




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Université Rennes 2
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THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L UNIVERSITE RENNES 2
Discipline : linguistique française

Présentée et soutenue publiquement par
CAMUSSI-NI Marie-Armelle
Le 11 décembre 2006

Analyse formelle et conceptuelle des formes verbales du français contemporain : A la croisée du passé simple et de l’imparfait, du futur et du conditionnel, les concepts « (potentiel » et « (défini ».



Directrice de thèse : Mme LE BOT Marie-Claude


JURY

Mme LE BOT Marie-Claude
M. LE GOFFIC Pierre
Mme LEEMAN Danielle
M. VETTERS Carl







Je remercie Marie-Claude Le Bot pour sa confiance et son soutien.


























« Maintenant on aurait dit que tu travaillais mais au fond, tout et n’importe quoi pouvait se relier à la question du temps et tu ne savais vraiment pas jusqu’où il fallait explorer les niches et fissures sans nombre de ce sujet caverneux.
Bon, te dis-tu d’une voix intérieure dont la jovialité forcée ne parvenait pas tout à fait à te tromper, est-ce qu’il faudrait aborder la question du point de vue chronologique, géographique ou bien philosophique ? N’y aurait-il pas une manière élégante de combiner les trois approches ? » Nancy Huston. Cantique des plaines.
 TOC \o \h \z 
 HYPERLINK \l "_Toc148728579" Introduction  PAGEREF _Toc148728579 \h 9
 HYPERLINK \l "_Toc148728580" Première partie : Analyse formelle  PAGEREF _Toc148728580 \h 12
 HYPERLINK \l "_Toc148728581" 1- Etat des lieux de l’analyse formelle du futur et du conditionnel  PAGEREF _Toc148728581 \h 17
 HYPERLINK \l "_Toc148728582" 1-1 Une analyse qui sépare l’infinitif et un suffixe constitué du verbe avoir.  PAGEREF _Toc148728582 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc148728583" 1-1-1 Une analyse diachronique  PAGEREF _Toc148728583 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc148728584" 1-1-2 Une analyse synchronique sous-tendue par l’étymologie  PAGEREF _Toc148728584 \h 21
 HYPERLINK \l "_Toc148728585" 1-1-2-1 Identité remarquable du radical  PAGEREF _Toc148728585 \h 22
 HYPERLINK \l "_Toc148728586" 1-1-2-2 Prise en compte du temps des désinences  PAGEREF _Toc148728586 \h 24
 HYPERLINK \l "_Toc148728587" 1-1-2-3 Prise en compte de la signification lexicale du verbe avoir  PAGEREF _Toc148728587 \h 26
 HYPERLINK \l "_Toc148728588" 1-1-3 Une autre analyse diachronique  PAGEREF _Toc148728588 \h 26
 HYPERLINK \l "_Toc148728589" Bilan :  PAGEREF _Toc148728589 \h 31
 HYPERLINK \l "_Toc148728590" 1-2 Une analyse structurale qui sépare le R de la base.  PAGEREF _Toc148728590 \h 32
 HYPERLINK \l "_Toc148728591" 1-2-1 Le découpage d’une désinence –Ra au futur.  PAGEREF _Toc148728591 \h 34
 HYPERLINK \l "_Toc148728592" 1-2-1-1 Martinet, 1958  PAGEREF _Toc148728592 \h 34
 HYPERLINK \l "_Toc148728593" 1-2-1-2 Dubois,1967  PAGEREF _Toc148728593 \h 35
 HYPERLINK \l "_Toc148728594" 1-2-2 Le découpage au futur d’un suffixe -Ra + suffixes personnels.  PAGEREF _Toc148728594 \h 36
 HYPERLINK \l "_Toc148728595" Bilan :  PAGEREF _Toc148728595 \h 38
 HYPERLINK \l "_Toc148728596" 1-2-3 Le découpage d’un suffixe /R/+ désinence /a/.  PAGEREF _Toc148728596 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc148728597" 1-2-3-1 Pinchon et Couté, 1981  PAGEREF _Toc148728597 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc148728598" 1-2-3-2 Van den Eynde et Blanche-Benveniste (1970)  PAGEREF _Toc148728598 \h 41
 HYPERLINK \l "_Toc148728599" Bilan :  PAGEREF _Toc148728599 \h 44
 HYPERLINK \l "_Toc148728600" 2- Pour un autre découpage du futur et du conditionnel  PAGEREF _Toc148728600 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc148728601" 2-1-1 Faut-il séparer le –R- de la base ?  PAGEREF _Toc148728601 \h 45
 HYPERLINK \l "_Toc148728602" 2-1-2 Les analyses divergentes du futur et du conditionnel correspondent-elles à un simple problème d’allomorphisme ?  PAGEREF _Toc148728602 \h 48
 HYPERLINK \l "_Toc148728603" 2-1-2-1 Allomorphisme de la base ou allomorphisme du –R- ?  PAGEREF _Toc148728603 \h 48
 HYPERLINK \l "_Toc148728604" 2-1-2-2 Des suffixes du futur arbitrairement découpés ?  PAGEREF _Toc148728604 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc148728605" 2-1-3 Faut-il poser un morphème zéro ?  PAGEREF _Toc148728605 \h 53
 HYPERLINK \l "_Toc148728606" 2-1-4 Pour une analyse qui prenne en compte le zéro  PAGEREF _Toc148728606 \h 62
 HYPERLINK \l "_Toc148728607" 2-1-4-1 La distribution des zéros  PAGEREF _Toc148728607 \h 69
 HYPERLINK \l "_Toc148728608" 3- Bilan et perspectives  PAGEREF _Toc148728608 \h 71
 HYPERLINK \l "_Toc148728609" 3-1- De la nécessité de réinvestir en sens cette analyse morphologique :  PAGEREF _Toc148728609 \h 73
 HYPERLINK \l "_Toc148728610" 3-2- De la difficulté de prendre en compte les implications sémantiques d’une analyse morphologique qui pose deux morphèmes  PAGEREF _Toc148728610 \h 76
 HYPERLINK \l "_Toc148728611" 3-3- Une interrogation plus générale sur la validité des classifications habituelles.  PAGEREF _Toc148728611 \h 81
 HYPERLINK \l "_Toc148728612" Deuxième partie : Analyse sémantique  PAGEREF _Toc148728612 \h 82
 HYPERLINK \l "_Toc148728613" 1 Préalables à l’analyse sémantique  PAGEREF _Toc148728613 \h 83
 HYPERLINK \l "_Toc148728614" 1-1 Désignation et situation d’énoncé  PAGEREF _Toc148728614 \h 83
 HYPERLINK \l "_Toc148728615" 1-2 Réflexion sur la notion de procès  PAGEREF _Toc148728615 \h 84
 HYPERLINK \l "_Toc148728616" 2- Signification de l’opposition du R, propre au futur, au conditionnel et à l’infinitif, à son absence, propre à l’imparfait et au passé simple.  PAGEREF _Toc148728616 \h 91
 HYPERLINK \l "_Toc148728617" 2-1 Opposition du présent aux autres formes de l’indicatif  PAGEREF _Toc148728617 \h 92
 HYPERLINK \l "_Toc148728618" 2-2 Quel concept dénoté par l’opposition (R se combine avec le concept dénoté ai/a ?  PAGEREF _Toc148728618 \h 97
 HYPERLINK \l "_Toc148728619" 2-2-1 Valeur de l’opposition (R  PAGEREF _Toc148728619 \h 98
 HYPERLINK \l "_Toc148728620" 2-2-1-1 L’infinitif : un procès potentiel ?  PAGEREF _Toc148728620 \h 99
 HYPERLINK \l "_Toc148728621" 2-2-1-1-1 Le « sujet » de l’infinitif  PAGEREF _Toc148728621 \h 102
 HYPERLINK \l "_Toc148728622" 2-2-1-1-2 Infinitif et temps  PAGEREF _Toc148728622 \h 105
 HYPERLINK \l "_Toc148728623" 2-2-1-1-3 Valeur de l’infinitif  PAGEREF _Toc148728623 \h 107
 HYPERLINK \l "_Toc148728624" 2-2-1-1-4 Quelques exemples d’analyse de l’infinitif  PAGEREF _Toc148728624 \h 111
 HYPERLINK \l "_Toc148728625" 2-2-1-2 Procès attestés/procès potentiels  PAGEREF _Toc148728625 \h 116
 HYPERLINK \l "_Toc148728626" 2-2-2 Réinvestissement sémantique du morphème ai/a dans l’imparfait et le passé simple.  PAGEREF _Toc148728626 \h 120
 HYPERLINK \l "_Toc148728627" 2-2-2-1 Le trait sémantique « (défini »  PAGEREF _Toc148728627 \h 120
 HYPERLINK \l "_Toc148728628" 2-2-2-1-1 Le concept de rupture avec la sphère du locuteur dans l’opposition passé simple / imparfait  PAGEREF _Toc148728628 \h 120
 HYPERLINK \l "_Toc148728629" 2-2-2-1-1-1 Rupture avec le moment de l’énoncé :  PAGEREF _Toc148728629 \h 120
 HYPERLINK \l "_Toc148728630" 2-2-2-1-1-2 Rupture entre le procès et le locuteur  PAGEREF _Toc148728630 \h 128
 HYPERLINK \l "_Toc148728631" 2-2-2-1-1-3 L’imparfait et le trait de rupture avec la sphère du locuteur  PAGEREF _Toc148728631 \h 134
 HYPERLINK \l "_Toc148728632" 2-2-2-1-2 Un univers du procès défini ou indéfini  PAGEREF _Toc148728632 \h 138
 HYPERLINK \l "_Toc148728633" 2-2-2-1-2-1 Désignation d’une durée du procès.  PAGEREF _Toc148728633 \h 139
 HYPERLINK \l "_Toc148728634" 2-2-2-1-2-1-1 Repères de durée introduits par depuis.  PAGEREF _Toc148728634 \h 140
 HYPERLINK \l "_Toc148728635" 2-2-2-1-2-1-2 Repères de durée de x à y.  PAGEREF _Toc148728635 \h 144
 HYPERLINK \l "_Toc148728636" 2-2-2-1-2-2 « Définition » et « indéfinition » d’une série de procès  PAGEREF _Toc148728636 \h 148
 HYPERLINK \l "_Toc148728637" 2-2-1-3 Bilan  PAGEREF _Toc148728637 \h 152
 HYPERLINK \l "_Toc148728638" 2-2-2-2 Effets de sens découlant de la valeur opposant l’imparfait et le passé simple :  PAGEREF _Toc148728638 \h 160
 HYPERLINK \l "_Toc148728639" 2-2-2-2-1 Effets de sens aspectuels de l’opposition imparfait / passé simple.  PAGEREF _Toc148728639 \h 160
 HYPERLINK \l "_Toc148728640" 2-2-2-2-1-1 Mise en relation de l’imparfait ou du passé simple avec des repères temporels ponctuels  PAGEREF _Toc148728640 \h 164
 HYPERLINK \l "_Toc148728641" 2-2-2-2-1-2 Effets de sens de déjà et encore dans leur mise en relation avec des verbes à l’imparfait et au passé simple  PAGEREF _Toc148728641 \h 169
 HYPERLINK \l "_Toc148728642" 2-2-2-2-1-2-1 Déjà et encore « continuatifs »  PAGEREF _Toc148728642 \h 170
 HYPERLINK \l "_Toc148728643" 2-2-2-2-1-2-2 Déjà et encore itératif  PAGEREF _Toc148728643 \h 174
 HYPERLINK \l "_Toc148728644" 2-2-2-2-1-3 Mise en relation d’un verbe au passé simple et d’un verbe à l’imparfait - le schéma d’incidence :  PAGEREF _Toc148728644 \h 182
 HYPERLINK \l "_Toc148728645" 2-2-2-1- 4 Bilan  PAGEREF _Toc148728645 \h 188
 HYPERLINK \l "_Toc148728646" 2-2-2-2-2 Analyses textuelles de l’imparfait et du passé simple  PAGEREF _Toc148728646 \h 189
 HYPERLINK \l "_Toc148728647" 2-2-2-2-2-1 Premier plan /arrière-plan du récit  PAGEREF _Toc148728647 \h 190
 HYPERLINK \l "_Toc148728648" 2-2-2-2-2-2 Mise en relation de deux passés simples  PAGEREF _Toc148728648 \h 192
 HYPERLINK \l "_Toc148728649" 2-2-2-2-2-3 Mise en relation de deux imparfaits  PAGEREF _Toc148728649 \h 198
 HYPERLINK \l "_Toc148728650" La thèse anaphorique  PAGEREF _Toc148728650 \h 210
 HYPERLINK \l "_Toc148728651" 2-2-2-2-3 Les emplois dits « modaux » de l’imparfait  PAGEREF _Toc148728651 \h 218
 HYPERLINK \l "_Toc148728652" 2-2-2-3 Un emploi célinien de l’imparfait et du passé simple ?  PAGEREF _Toc148728652 \h 222
 HYPERLINK \l "_Toc148728653" 2-2-2-3-1 Le brouillage du récit par l’imparfait  PAGEREF _Toc148728653 \h 223
 HYPERLINK \l "_Toc148728654" 2-2-3 Comment futur et conditionnel combinent-ils le réinvestissement sémantique de l’opposition ±R avec celui de l’opposition ai/a ?  PAGEREF _Toc148728654 \h 236
 HYPERLINK \l "_Toc148728655" 2-2-3-1 Analyse du futur et du conditionnel  PAGEREF _Toc148728655 \h 237
 HYPERLINK \l "_Toc148728656" 2-2-3-2 Analyse des effets de sens du futur et du conditionnel  PAGEREF _Toc148728656 \h 242
 HYPERLINK \l "_Toc148728657" 2-2-3-2-1 Enoncés non complexes  PAGEREF _Toc148728657 \h 242
 HYPERLINK \l "_Toc148728658" 2-2-3-2-1-1 Au futur :  PAGEREF _Toc148728658 \h 242
 HYPERLINK \l "_Toc148728659" 2-2-3-2-1-2 Au conditionnel :  PAGEREF _Toc148728659 \h 249
 HYPERLINK \l "_Toc148728660" 2-2-3-2-2 Les énoncés hypothétiques en si  PAGEREF _Toc148728660 \h 261
 HYPERLINK \l "_Toc148728661" 2-2-3-2-2-1 Le conditionnel  PAGEREF _Toc148728661 \h 262
 HYPERLINK \l "_Toc148728662" 2-2-3-2-2-2 Le futur  PAGEREF _Toc148728662 \h 265
 HYPERLINK \l "_Toc148728663" 2-2-3-2-3 Futur et conditionnel dans le discours indirect.  PAGEREF _Toc148728663 \h 268
 HYPERLINK \l "_Toc148728664" 2-2-3-2-4 Bilan :  PAGEREF _Toc148728664 \h 274
 HYPERLINK \l "_Toc148728665" 2-2-3-3 Un emploi célinien du futur et du conditionnel ?  PAGEREF _Toc148728665 \h 277
 HYPERLINK \l "_Toc148728666" 2-2-3-3-1 Le brouillage de l’énonciation par le conditionnel  PAGEREF _Toc148728666 \h 277
 HYPERLINK \l "_Toc148728667" 2-2-3-3-2 Le futur comme moyen - parmi d’autres - de dénonciation de la parole  PAGEREF _Toc148728667 \h 281
 HYPERLINK \l "_Toc148728668" Retour à l’infinitif :  PAGEREF _Toc148728668 \h 288
 HYPERLINK \l "_Toc148728669" Conclusion  PAGEREF _Toc148728669 \h 289
 HYPERLINK \l "_Toc148728670" Bibliographie  PAGEREF _Toc148728670 \h 294















   

Introduction

Futur, conditionnel et imparfait ont en commun de susciter des débats sur leur statut : avons-nous affaire à des temps, à des modes, à des aspects, à des déictiques, à des anaphoriques … ? Si la diversité des débats s’explique par l’existence d’approches descriptives différentes, elle ne peut se résoudre à cette seule explication. En effet, l’étude des analyses morphologiques du futur et du conditionnel et leur mise en relation met en évidence la difficulté que pose l’identification du R que le conditionnel partage avec le futur et du ai qu’il partage avec l’imparfait. Autant de similitudes formelles qui ont amené à intégrer le conditionnel dans le mode indicatif. Intégration facilitée dans la mesure où les descriptions des valeurs modales du conditionnel trouvaient écho à des valeurs dites modales du futur et de l’imparfait dont le classement dans le mode indicatif n’a été discuté que de façon sporadique.
Notre intérêt s’est donc porté sur ce R : est-il un morphème identifiable ou l’élément d’une corrélation ? Pour répondre à cette question, nous avons mené jusqu’à son terme une analyse morphologique dont les résultats ne manquaient d’être problématiques tant ils se différenciaient des analyses précédentes.
En effet, notre analyse nous a conduite à poser l’existence de la combinaison de deux morphèmes au lieu d’un seul. Ce qui était reconnu comme une étrangeté formelle du conditionnel allait s’appliquer à tous les autres « temps » de l’indicatif ce qui fait que, paradoxalement, cette analyse morphologique devrait permettre, du moins est-ce notre ambition, d’unifier la multiplicité des analyses sémantiques en éclairant d’un jour nouveau la diversité des effets de sens.
D’un côté, nous aboutissons à l’éclatement des tiroirs verbaux, déstabilisant alors un système qui semblait satisfaisant, de l’autre, nous proposons une approche des valeurs dites temporelles qui rend compte aussi des valeurs modales.
Bien que consciente de la difficulté de la tâche, nous avons essayé de la mener jusqu’au bout en choisissant une voie de traverse entre la liberté et l’érudition, une voie qui consiste à chercher à établir un dialogue entre les résultats potentiels de notre analyse et les questions qui se posent de façon récurrente dans la littérature linguistique traitant du système verbal, ne suivant pas ainsi la mise en garde de Noreiko :
« Assurément, pour prétendre à démêler le problème de l’agencement temporel des formes verbales en français, là où tant de savants, et non des moindres, se sont déjà aventurés, il faut une dose de témérité dépassant l’ordinaire. »
Notre démarche consistera en un va-et-vient entre ces analyses et l’élaboration d’un système d’explications basé sur l’exploitation sémantique des oppositions morphologiques et sur le concept de combinaisons de variables.
Notre objectif final est d’identifier des valeurs fondatrices qui permettent de réduire l’atomisation des explications des formes verbales, de comprendre pourquoi leur usage permet une telle dispersion du sens. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier l’existence d’énoncés qui peuvent sembler paradoxaux mais de comprendre comment les valeurs fondamentales servent de tremplin à l’élaboration de sens en contexte -qu’il soit linguistique ou extra linguistique. Pour cela, nous tâchons d’explorer l’analyse des variantes que permet la convocation de l’un ou de l’autre paramètre de la situation d’énoncé dans la désignation d’un procès.
Le corpus que nous utiliserons est élaboré à partir du roman Voyage au bout de la nuit de Céline. Il sera complété d’exemples extraits de la vie quotidienne, de journaux ou empruntés aux analyses linguistiques qui ont précédé cette recherche. Le corpus célinien sera exploité également dans le cadre d’une stylistique qui postule que l’écrivain, par l’usage original qu’il fait du langage, en met au jour les possibles.
Après avoir mené l’analyse morphologique des « temps », nous examinerons le réinvestissement sémantique de la combinaison de deux imbrications d’une double opposition [Ø/(±R)] et [Ø/(ai/a)] : la première imbrication introduit à l’intérieur d’une opposition du présent aux quatre autres « temps » un morphème ±R qui, apparaissant également à l’infinitif, différencie le couple (futur-conditionnel) du couple (passé simple-imparfait). La seconde introduit à l’intérieur d’une opposition du présent aux quatre « temps » un morphème ai/a qui différencie le couple (conditionnel-imparfait) du couple (futur-passé simple).









Première partie : Analyse formelle

« Les sons, Monique, se déploient dans le temps comme les formes dans l'espace, et, jusqu'à ce qu'une musique ait cessé, elle reste, en partie, plongée dans l'avenir. » Yourcenar, M., Alexis ou le traité du vain combat.





Pourquoi s’attarder sur l’aspect formel des « temps » pour mener leur analyse ? Ne serait-il pas plus probant de lister les effets de sens possibles des variantes verbales et de les rapporter aux situations pragmatiques de leur emploi pour en saisir l’essence ? Ne s’agit-il pas d’un détour inutile ?
S’il nous paraît nécessaire de nous arrêter d’abord sur la forme, telle qu’elle a été analysée et telle qu’il est possible de l’analyser, c’est parce que le conceptuel ne s’énonce qu’à travers du matériau, plus précisément à travers des rapports formels marqués.
« Le signe est d’un ordre de réalité particulier, que nous appelons précisément le formel, lequel se met en œuvre dans de la matérialité. Le problème majeur de la linguistique contemporaine est toujours celui de l’émergence au formel, qui ne saurait être conçu comme une logique transcendante, ni, à l’inverse réifié. »
S’il est stérile de s’arrêter à l’analyse formelle sans la réinvestir en sens, il nous paraît également vain d’élaborer une recherche sémantique qui ne prenne pas en compte ce système de la langue, ces oppositions formelles que tout locuteur prend en compte et réaménage pour désigner ce qu’il est convenu d’appeler le « réel ».
Or, cette prise en compte n’aurait été sans doute qu’un simple rappel si l’on n’avait pas fait le constat que les linguistes, même au sein d’une seule théorie comme les structuralistes, n’adoptaient pas tous la même déconstruction morphologique du futur et du conditionnel sans pour autant remettre en cause l’idée que leur objet d’étude soit le même. Ils posaient un certain nombre d’analogies mais sans préciser l’ensemble de leur analyse. L’étude approfondie de certains d’entre eux permet de comprendre qu’on peut adopter une analyse morphologique avec des démarches sensiblement différentes et que ces différences conduisent à des résultats fort divers.
Malgré la diversité de ces analyses, il est frappant de constater la grande homogénéité des analyses sémantiques du conditionnel qui se réclament d’un fondement morphologique. En effet, tout en notant l’étrangeté de la construction sur laquelle ils basent leurs analyses sémantiques, les descriptions classiques partent d’un découpage du conditionnel qui cumule le morphème du futur et celui de l’imparfait, découpage qu’ils présentent comme une évidence. En témoignent ces quelques exemples :
« La recherche de l’invariant sémantique est fondée sur le principe de correspondance « une forme, un sens » et sur la conviction que les effets de sens d’une forme naissent de l’interaction du sens unique avec les éléments du contexte […]. Appliqué au conditionnel, ce principe incite à chercher un sens unique, stable, au morphème –rais, morphème composé – comme on sait – qui intègre les morphèmes de l’imparfait et du futur. »
On trouve cette figure de l’ajout, dans la grammaire de Riegel, par exemple :
«Le conditionnel présent est formé par adjonction de la désinence de l’imparfait (-ais, -ait, -ions, …) à la désinence spécifique du futur (-r-) : il chante-r-ait. Cette formation s’accorde avec le réseau de relations et les emplois du conditionnel : il peut marquer le futur et s’emploie souvent en corrélation avec un temps du passé. »
Ou encore chez Csecsy :
« Le Conditionnel Présent est vraiment à cheval sur les deux types de paradigmes [futur et imparfait], il représente comme la synthèse –ou la réconciliation des deux. »
C’est aussi l’analyse de spécialistes des temps verbaux comme Gosselin qui fait du conditionnel un temps spécifique, le seul pour lequel il postule deux intervalles de référence :
« Cette exigence est tout à fait singulière dans le système verbal du français. Elle peut être mise en rapport avec la constitution morphologique du conditionnel, qui articule deux morphèmes temporels (l’un qui exprime le passé, et l’autre la postériorité). »
ou Abouda :
«  Les deux informations (la prospection et la disjonction entre l’espace du locuteur et celui de l’autre énonciateur) sont directement lisibles au niveau morphologique (l’accumulation de deux morphèmes temporels du futur et de l’imparfait). »
Ou comme Vetters et Caudal, très récemment :
« le conditionnel associe la sémantique de l’imparfait en tant que marqueur du non-actualisé et celle du futur, en tant que marqueur de consécution.. […] Nous commencerons par étudier la sémantique des composants morphologiques du conditionnel, à savoir l’imparfait et le futur. » 

On pourrait multiplier encore les exemples, tant cette analyse est effectivement banalisée.
Dès lors, il nous a semblé nécessaire, dans un premier temps, de revenir sur les descriptions morphologiques du futur et du conditionnel. Devant le foisonnement des analyses, nous avons recouru à deux critères très généraux de classement : la diachronie et la synchronie. Le premier critère nous donne une classe dans laquelle sont évoquées les analyses qui se basent sur l’étymologie latine du futur et du conditionnel. Le second regroupe les analyses structurales.

« entendant donc le temps geindre, cogner, ahaner, cheminer sans trêve dans le noir (et, dans les instants de silence, lugubrement ponctué par les lointains et sporadiques meuglements de bœufs oubliés sur une voie de garage) tandis que la lugubre et frivole pendule Louis XV détraquée pour toujours, aux aiguilles immobilisées pour toujours, et le fatidique et cyclopéen cadran lumineux emplissant la fenêtre comme un astre voyeur, se trouvent là pour imprimer avec insistance dans l’esprit du voyageur ou des amants clandestins cette furieuse et haletante angoisse du provisoire, du limité, conférant même au plaisir son caractère tragique –qui est d’avoir, bref ou long, une fin » C. Simon, L’Herbe.




1- Etat des lieux de l’analyse formelle du futur et du conditionnel 


Nous nous proposons, dans cette partie, de faire l’état des lieux des analyses formelles du futur et du conditionnel. Cet état des lieux prend tout son sens dans le constat d’une véritable diversité des résultats. Il est possible de classer ces résultats selon deux analyses morphologiques différentes de ces formes verbales : une présentation qui prend appui sur l’analyse diachronique de ces temps ou une analyse structurale qui aboutit elle-même à des découpages variables selon les postulats des auteurs. A travers les écrits des linguistes les plus représentatifs, nous verrons quels sont les principes d’analyse qui sous-tendent et expliquent cette diversité.
1-1 Une analyse qui sépare l’infinitif et un suffixe constitué du verbe avoir.
1-1-1 Une analyse diachronique

Aujourd’hui, la plupart des historiens de la langue (à l’exception notable de Lanly dont nous parlerons plus loin) considèrent que le futur et le conditionnel ont vu leur formation à partir de la périphrase latine habere + infinitif (« avoir à + infinitif »). Tous les ouvrages magistraux admettent cette étymologie du futur français sans discussion depuis Brunot, Dauzat, Bruneau et Brunot, Edouard Bourciez, P. Fouché, Wagner, entre autres.
Selon ces auteurs, mais aussi des linguistes plus récents comme Moignet, Zink et Burridant, le futur latin est tombé en désuétude du fait de son évolution phonétique qui tendait à le confondre avec d autres temps, comme le montre Zink :
« Au IIIe siècle, les évolutions de /b/ intervocalique en /²/ > /v/ et de /-/ bref en // entraînent la confusion de amabit (fut.3) avec amavit (parf.3) et de legis  it (prés.2-3) avec leges  et (fut. 2-3). »
De ce fait, ce sont des périphrases qui deviennent le moyen privilégié d’expression du futur du latin populaire. Zink cite par exemple lecturus sum (part. fut., ‘je me propose de lire’) ou legendus est (hic liber. Adj .vbal, ‘ce livre est à lire’) et les périphrases infinitives formées avec les auxiliaires de modalité debeo, venio, volo, incipio, possum et habeo. Ce dernier auxiliaire aurait eu une fortune tout à fait particulière puisque les historiens proposent de voir dans la désinence du futur simple de l’ancien français attesté pour la première fois au VIIè siècle, cet auxiliaire habeo. Le futur serait alors le fruit d’un phénomène de grammaticalisation de la périphrase Infinitif + habeo,( j’ai à chanter). Moignet souligne d’ailleurs qu’ « il n’est nullement nécessaire de supposer au syntagme une valeur d’obligation » et propose plutôt de traduire par « j’ai la perspective de chanter », justifiant ainsi par le caractère neutre de l’expression, le fait qu’elle ait été privilégiée par l’évolution.
Passer de habeo cantare à je chanterai demande d intervertir l ordre des constituants de la périphrase et de substituer à l auxiliaire postposé des formes contractées ou amputées du radical. Zink propose ces deux paradigmes intermédiaires : *ayyo, as, at, mus, tis, aunt pour le présent, am, as, at, emus, etis, ant pour le passé. Les linguistes sont contraints de les reconstituer car ils ne sont pas attestés, les premiers écrits en ancien français correspondant à un état déjà avancé de la langue. C est pourquoi l’époque à laquelle se sont figés les éléments du syntagme est difficile à préciser.
Pour présenter un récapitulatif de l’évolution du futur, la grammaire de Burridant offre l’avantage de présenter l’ensemble du paradigme :
habeo > canta’raio > chanterai
habes > canta’raes > chanteras
habet > canta’raet > chantera(t)
CANTARE + habemus >habumus > canta’raunt > chanterons
habetis > cata’retis >chanteroiz
habent > habunt > canta’raunt > chanteront

La forme ai est une forme attestée du verbe avoir en latin tardif. As et at correspondent à une réduction de habes et habet. Aunt demande de poser l’hypothèse d’une forme tardive habunt non attestée, mais qui pourrait venir d’une analogie avec sunt selon Burridant. Ce sont surtout les formes verbales des deux premières personnes du pluriel qui sont problématiques car elles imposent la chute du radical hab qui ne s’est pas produite pour le verbe avoir lui même : nous avons, vous avez et non* nous ons *,vous ez. Moignet l’explique ainsi :
« L’infinitif fournissant un radical de futur, la présence du radical du verbe auxiliaire est disconvenante là où il se distingue clairement la désinence : av-ons, av-eiz se réduisent ainsi à –ons, -eiz. C’est un fait d’ordre systématique dont les règles de la phonétique historique ne rendent pas compte. »
L’analyse diachronique du conditionnel est parfaitement symétrique de celle du futur. Les historiens de la langue postulent la synthétisation de la même périphrase à l’imparfait, cette fois. Ce qui amène à reconstituer ces paradigmes :
habebam > * cantaream > chantereie > chanteroie
habebas > * cantareas > chantereis > chanteroies
habebat > *cantareat > chantereit > chanteroit
CANTARE + habebamus >* cantareamus > chanteriiens > chanterions
habebatis > *catareatis > chanteriiez > chanteriez
habebant > *cantareant > chantereient > chanteroient

Si les désinences de l’imparfait sont aisément repérables, ce temps pose cependant une difficulté sur le plan sémantique pour justifier de son rapport avec le conditionnel. En effet, si  j’ai à chanter  offre une certaine équivalence sémantique avec je chanterai, il est diffcile de trouver une correspondance entre j’avais à chanter et je chanterais. Zink propose cette explication :
« En contexte hypothétique, le recul du projet dans le passé se veut une manière de suggérer qu’il n’est pas venu à réalisation : sanare te habebat Deus per indulgentiam, si fatereris (‘Dieu te guérissait par sa grâce, pour peu que tu passes aux aveux’. Pseudo-Augustin, Serm., 253, 4). De cet emploi dérive le conditionnel. »
Il est intéressant de remarquer que le phénomène de la grammaticalisation est perçu comme un phénomène cyclique par les historiens de la langue qui, tous, remarquent que la formation du futur de l’ancien français est la même qui avait générée celle du latin :
« Le futur s’est constitué dans les langues romanes selon les processus mêmes qui l’avaient généré en latin et pour des raisons identiques qui tiennent à la difficulté de se représenter l’avenir autrement que sous la forme d’un mouvement de pensée vers un procès souhaité mais retardé, ou déjà en voie de réalisation, ou simplement possible. Le latin a d’abord exprimé le futur par le biais du subjonctif : legam –es…, ero –is … (d’où les croisements avec amem –es… et legam –as) et par recours à la périphrase (thème + racine bhew = être, devenir) : ama –bo –bis … (littéralement ‘je suis pour aimer’) avant que l’usage ne grammaticalise les finales pour en faire des morphèmes spécifiquement temporels. »
Selon cette théorie de la grammaticalisation, expression synthétique et expression analytique du futur alterneraient dans le temps. 


1-1-2 Une analyse synchronique sous-tendue par l’étymologie

De cette analyse diachronique découle une première analyse du futur et du conditionnel en synchronie, cette fois : de nombreux linguistes considèrent que l’infinitif du verbe forme le radical des formes verbales du futur et du conditionnel et le verbe avoir conjugué le suffixe, ce qui aboutit à ce type de présentation :

Infinitif / radicalSuffixes du futur/verbe avoir au présentSuffixes du conditionnel /verbe avoir à l’imparfaitJe


chanteraiaisTuasaisIlaaitNousonsionsVouseziezIlsontaientFig.1
Ce tableau est tout théorique. Rares sont les linguistes qui en reprennent tous les critères pour justifier de leurs analyses, si ce n’est Yvon. Plus souvent, l’adhésion à l’explication diachronique est partielle et le linguiste ne la reprend que pour justifier une de ses analyses. Il est remarquable d’ailleurs de constater que l’on retrouve certains éléments de cette analyse imbriqués à une analyse structurale morphophonétique ou générativiste comme nous le verrons, plus loin.
1-1-2-1 Identité remarquable du radical

Cette formation, dans la mesure où elle postule un radical commun au futur et au conditionnel, rend compte du fait que futur et conditionnel présentent toujours une base identique, comme l’a souligné Yvon en 1952 :
« Pour la forme aussi le sauriez ressemble au saurez plus qu’il n’en diffère : la différence porte uniquement sur les syllabes finales, -ai, -as, -a, -ons, -ez, -ont d’une part, -ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient d’autre part ; mais il est remarquable que dans tous les verbes français la notion envisagée est exprimée dans le saurez et le sauriez par les mêmes phonèmes, si différents que ceux-ci soient de ceux qui figurent dans les autres tiroirs du même verbe, serez et seriez (êtes), aurez et auriez (avez), irez et iriez (aller), verrez et verriez (voyez), craindrez et craindriez (craignez) par exemple. Ainsi le saurez et le sauriez constituent dans le verbe français un groupe bien caractérisé. » 
Cette identité si remarquablement régulière entre radical-infinitif du futur et du conditionnel explique que certains descripteurs aient opté, au moins partiellement pour cette analyse même si l’infinitif ne correspond pas toujours au radical du futur et du conditionnel. C’est le parti que prend Hervé Curat dans son analyse du futur. Il montre tout d’abord à l’aide d’un tableau que l’infinitif ne correspond pas à la base de plusieurs futurs et conditionnels.
« Bien que simple, cette description est inadéquate car elle ne convient pas pour les verbes polyradicaux : même s’ils montrent bien un radical identique suivi d’un –r- au futur et au conditionnel, ce n’est pas le radical de l’infinitif  :
RADICAL 1RADICAL 2 Voir
Etre
Avoir
Aller
cueillirverras
seras
auras
iras
cueillerasverrais
serais
aurais
irais
cueillerais

Après quoi, il propose cette définition :
« La base sur laquelle sont construits le futur et le conditionnel doit être décrite [radical2 + -r-] et non [infinitif]. »
Autrement dit, il insère le –r- à la base de ces deux formes verbales, posant le radical d’un radical en quelque sorte.
Lui aussi insiste sur cette particularité du futur et du conditionnel:
« La description [radical2+ -r-] met en relief deux points communs entre les sémiologies du futur et du conditionnel : la présence du –r-, et aussi qu’ils ont, précisément, toujours un radical commun, qui pour certains verbes polyradicaux ne se rencontre même qu’à ces deux temps (ir-, fer-, ser-, aur-, etc.) »

1-1-2-2 Prise en compte du temps des désinences

L’étymologie peut aussi servir à justifier du classement du futur et surtout du conditionnel parmi les temps de l’indicatif. En effet, reconnaître un suffixe présent ou un suffixe imparfait conduit à accorder au futur et au conditionnel, le même statut qu’à ces deux formes verbales. C’est ainsi que, par exemple, Imbs justifie son classement :
« Du point de vue de son étymologie, le conditionnel est un imparfait de l’indicatif, comme le futur est un présent. La morphologie actuelle a laissé au conditionnel toutes ses caractéristiques d’imparfait. Il y a donc lieu, en morphologie pure, de classer le conditionnel avec les formes de l’indicatif, il est un imparfait à côté de ce présent d’un type spécial qu’est le futur français. »
Considérer le verbe avoir dans les désinences du futur et du conditionnel conduit certains auteurs à justifier cette présence sur le plan sémantique : il s’agit alors de retrouver les sèmes du présent ou de l’imparfait dans les formes synthétiques respectivement du futur et du conditionnel. Ainsi, Yvon cherche-t-il à faire coïncider parfaitement l’étymologie et le sens moderne :
« Les syllabes finales du saurez, continuation du présent de l’indicatif d’un verbe latin, situent au moment de la parole le point d’où l’esprit envisage, imagine ou suppose le procès à réaliser ; continuation d’un tiroir passé du même verbe, les syllabes finales du sauriez situent au contraire ce point dans le passé et contribuent ainsi à augmenter la dose d’hypothèse exprimée ; le locuteur qui emploie ce tiroir sait souvent au moment où il parle que l’événement supposé n’est pas, ne peut pas être réalisé. »
De même Maingueneau conclut-t-il à la proximité du futur simple et du futur périphrastique en montrant que tous deux sont constitués d’un présent :
« Le FS peut s’analyser comme la combinaison de l’infinitif boxer- et du présent de l’auxiliaire avoir : ai, as, a, av-ons, av-ez, ont (cette « coïncidence » s’explique diachroniquement puisque le FS est issu de la combinaison d’un infinitif et de l’étymon du verbe avoir, le latin habere). Cette analyse permet de voir que FS et FP sont morphologiquement identiques, étant constitués des mêmes éléments, mais combinés différemment :
FP = v-(((((, al-((((, v-(( + Infinitif
FS = Infinitif + (((((((((((((. »
Inversement, Guillaume, s’il se rallie apparemment au découpage d’un radical qui correspond à l’infinitif car il inclut le –r-, ne conserve que l’imparfait dans les désinences du conditionnel et pose une nouvelle analyse du futur qui inclut le suffixe du passé simple :
« Le conditionnel [est] une forme temporelle qui est au futur communément dit ce que l’imparfait est au parfait défini. Les indices de flexion : aim-ais, aimer-ais, aim-ions, aimer-ions, et aim-ai, aimer-ai, aim-as, aimer-as, aim-a, aimer-a en sont un indice.
1-1-2-3 Prise en compte de la signification lexicale du verbe avoir

Enfin, le parallélisme avec l’analyse étymologique impose de conserver la signification du lexème avoir intégré au futur. Il s’agit alors pour certains auteurs, comme Yvon, de justifier de cette signification dans celle du futur :
« On peut dire encore à ce propos que les deux séries de terminaisons, continuant un verbe latin qui exprimait en gros l’idée de posséder, détenir, occuper, dénotent l’effort de la pensée qu’a signalé M. Guillaume pour s’emparer de l’avenir, pour réaliser au maximum les faits imaginés et pour faire de l’époque future un pendant symétrique de l’époque passée. » 

1-1-3 Une autre analyse diachronique 

La plupart des historiens de la langue se rallient à l’étymologie du futur et du conditionnel exposée plus haut. Il est cependant intéressant de relever qu’elle a été soumise à controverse, dans les années cinquante, par un linguiste, Lanly, qui récuse cette analyse :
« C’est parce que l’on a cru voir dans le futur chanter-ai deux composants, l’infinitif chanter et la première personne du verbe avoir, que l’on a dit qu’il remontait à cette périphrase : puis on a essayé de justifier son sens et on a cherché des exemples dans le latin classique et le latin vulgaire. […] la règle commune qui a été pratiquée pendant tout le Moyen Age et le XVIème siècle, pour le verbe qu’on créait, c’était de tirer le futur de l’infinitif (suivant le type 2 [j’obéirai] en y ajoutant les désinences a, as, a, (av)ons, (av)ez empruntées au verbe avoir mais devenues de véritables flexions temporelles et personnelles. Cela n’était cependant pas une raison pour ériger ce procédé empirique, valable à une époque, en vérité scientifique. »
Même si l’analyse, originale, de Lanly n’a pas donné lieu à des analyses morphologiques en synchronie, il peut être utile de faire le résumé de ses arguments pour évaluer les perspectives qu’elle peut ouvrir ou mesurer la part d’incertitude de l’hypothèse diachronique habituellement retenue.
Au lieu de faire dériver le conditionnel de la forme « infinitif + habere » à l’imparfait par analogie avec la formation communément acceptée du futur, Lanly propose d’en établir l’origine au subjonctif imparfait latin. Selon lui, cette forme latine, au moment où elle menaçait de se confondre avec l’infinitif, se serait renforcée du suffixe imparfait par irradiation. Dès lors, il inverse le rapport analogique entre le futur et le conditionnel : ce serait le futur qui se serait créé, par analogie, sur le conditionnel. Ses principaux arguments sont d’ordre phonétique, syntaxique et sémantique.
Sur le plan phonétique, Lanly met en doute la formation « infinitif + habere ». En particulier, il souligne que la chute de la syllabe hab n’est pas justifiée par les historiens de la langue.
Selon lui, chantereie, première forme attestée du conditionnel en ancien français postule cantaréa, qui n’est pas attesté, qui permettrait de remonter à cantar(em), le subjonctif latin décadent  auquel s’ajoute le suffixe éa.
Ce suffixe éa est un suffixe de l’imparfait qui, selon lui, se serait ajouté au subjonctif imparfait décadent par irradiation -ou symétrie- du fait de l’emploi habituel de cette forme dans des corrélatives hypothétiques ou encore des complétives de discours indirect qui présentaient un imparfait dans la seconde proposition :
« La langue a pallié cette infirmité par un moyen assez simple : dans le couple hypothétique elle a étendu le morphème du verbe subordonné au verbe principal :
*Si voléa, cantar(em) ( *si voléa, cantar-éa
Si voléatis, cantarétis ( * si voléatis cantareatis »
Il aurait pu obtenir son morphème de renfort également dans la subordonnée complétive de discours indirect :
« Dicit quod veniet » (il dit qu’il viendra)
au passé :
Dicebat quod veniret.
Dans la lingua romana rustica cette phrase devenait sans doute :
Dicéat quod venir-éat (par extension du morphème –éat au second verbe)
Et en ancien français :
(il) diseiet que (il) viendreiet.
Français moderne : il disait qu’il viendrait. »

Sur le plan phonétique, cette solution permet d’expliquer aussi certaines formes aberrantes des bases au futur :  j’irais dérive plus logiquement de irem, subjonctif imparfait latin que de « je + aller + habebam », l’infinitif latin ire ayant disparu avant l’apparition de la forme synthétique du futur en ancien français. Cette base est la plus significative mais Lanly cite également : je serais, j’aurais, je viendrais, je tiendrais dans un article récent de L’Information grammaticale et je ferai, je donnerai, j’aurai et je saurai dont il détaille l’étymologie dans son article de 1958.
Sur le plan syntaxique, Lanly développe aussi tout un argumentaire selon lequel le passage d’une périphrase à une forme synthétique ne peut se faire aussi rapidement que le suppose l’analyse « infinitif + habere». Lanly compare l’évolution supposée du futur simple français à ce temps en anglais pour remarquer que sa grammaticalisation, dans cette langue n’est pas encore parfaitement opérée au bout de douze siècles :
« Certes, il est avéré que des périphrases peuvent être senties à la longue comme des futurs. Nous pensons d’abord à l’anglais : les sujets parlants qui ne sont pas grammairiens sentent en général « I shall sing, you will sing » … comme un futur. Mais dès que les auxiliaires sont inversés (I will sing, you shall sing…) ce n’est plus exactement un futur et will, en particulier, retrouve son sens propre. […]
Même dans l’ordre normal (I shall sing) « il suffit de la plus légère emphasis pour rendre à shall et will un peu de leur sens plein [shall : devoir, will : vouloir]. L’idée de futurité n’est presque jamais totalement dépouillée de ce sens originel de devoir et de vouloir… »
Il est donc surprenant, selon lui, que l’ancien français ait su synthétiser en si peu de temps (les données historiques ne permettent pas de situer précisément le figement de la périphrase) la périphrase « habeo + infinitif » d’autant que l’auxiliaire qui compose la périphrase n’a pas encore acquis la transparence sémantique d’un shall anglais qui permette de le fondre au lexème qu’il introduit.
Il résume plus tard cette idée ainsi :
« Nous nous fonderons aussi sur des nécessités linguistiques : il aurait fallu bien longtemps pour qu’une périphrase du type « elle avait à supporter » prît un sens modal (« elle supporterait »). Imagine-t-on que la langue ait pu se passer un siècle, un an, voire un seul jour, de la forme exprimant le procès imaginé ? A supposer qu’une forme nouvelle fût alors en voie d’évolution pour ce faire, ne devait-elle pas entrer en concurrence avec elle ? Nous n’avons pas soutenu une chose très différente, sauf toutefois que la forme nouvelle, en se greffant sur l’ancienne et en la revigorant physiquement, aurait fait l’économie d’une évolution sémantique nécessairement lente et longue et même d’une évolution phonétique complète. »
Lanly interroge également l’inversion de l’ordre que suppose la grammaticalisation de la périphrase verbale « j’ai à chanter » :
« A partir du moment où une préposition s’est introduite entre habeo et cantare, elle a été nettement distinguée du futur, sous sa forme définitive « (j’)ai à chanter ». Habeo cantare et cantare habeo n’auraient pas pu produire en même temps deux résultats –de formation aussi populaire- aussi différents de sens et de forme, situés à des degrés d’évolution aussi éloignés que « j’ai à chanter » et « je chanterai ». Si la préposition « à » introduite entre habeo et cantare, a été exigée en quelque sorte par la logique de la langue française pour orienter l’infinitif vers l’avenir (et marquer ainsi une différence avec j’ai chanté), l’expression serait devenue, dans l’ordre inverse des éléments :
à chanter (j’) ai.
Or, cet ordre n’est pas conforme au génie de la langue française. Nous savons bien que dans les textes latins du VIIIè siècle les termes figurent tantôt dans un ordre, tantôt dans l’autre et qu’à partir du VIIIè siècle, c’est plutôt l’ordre cantare habeo qui domine. Mais il serait surprenant que dans la langue parlée ce fût l’ordre qui n’était pas français qui eût triomphé, précisément dans une période où se manifestent les tendances de la nouvelle langue et particulièrement celle qui consiste à placer l’objet après le verbe et qui est fondamentale. L’ordre des termes cantare habeo ne pouvait pas s’installer dans le français en formation sous la forme « à chanter (j’)ai » ni sous la forme « (je) chanter + ai ».
Sur le plan sémantique, enfin, un contre-argument et un argument semblent particulièrement probants : Lanly souligne la difficulté que peuvent avoir les linguistes à trouver un lien sémantique entre la périphrase « infinitif + habebam », j’avais à chanter et la forme synthétique du conditionnel  je chanterais. Il cite à ce propos R.-L. Wagner :
« Il nous est impossible de fournir un seul exemple de infinitif + habebam qui soit par rapport à infinitif + habeo (= futur simple) dans la situation où notre forme en –rais se trouve vis-à-vis de la forme en –rai. » 
et aussi :
« Il faut jongler avec les hypothèses pour établir que la forme en rais, originellement forme du passé, a pu devenir une forme modale propre à engager le présent et l’avenir. »
A l’inverse, le conditionnel français correspond au sens du subjonctif imparfait latin –que Lanly requalifierait bien volontiers « conditionnel latin » - ou plus exactement à un syncrétisme entre l’irréel et le potentiel latins qui se serait produit au cours de l’évolution du latin à l’ancien français. Les premiers emplois attestés du conditionnel en ancien français paraissent étonnamment modernes ce qui attesterait aussi de cette filiation directe.
«Viendrait ou chanterais reproduisent de si près –valeur et forme- deux emplois caractéristiques du subjonctif latin qu’ils ne peuvent pas ne pas être le prolongement de cette forme verbale » 
Au total, le système explicatif de Lanly, s’il n’est généralement pas retenu, est de nature, nous semble-t-il, à remettre en cause une analyse diachronique qui fonde une analyse synchronique adoptée, en partie ou en totalité, par de nombreux théoriciens de la langue.

Bilan :

Il ne s’agit pas dans le cadre de cette recherche de valider ou d’invalider la thèse généralement admise de la formation du futur et du conditionnel pour en tirer des conclusions en synchronie mais, dans la mesure où, comme nous l’avons montré, cette thèse est souvent reprise pour valider une analyse synchronique sous la forme d’un argument d’autorité, il paraît important de savoir la repérer et d’en mesurer les limites. D’une part, cette analyse diachronique n’est pas attestée par un corpus en ancien-français : il s’agit d’une reconstruction logique qui peut donc être soumise à contestation. D’autre part, comme nous allons le voir, admettre que futur et conditionnel diffèrent des autres temps de l’indicatif du fait qu’ils seraient composés de l’infinitif implique une déconstruction inaboutie dans la mesure où l’infinitif présente un morphème R dont on peut postuler qu’il est commun au futur et au conditionnel.

1-2 Une analyse structurale qui sépare le R de la base.

Les fonctionnalistes sont probablement les premiers à avoir proposé une analyse du futur qui sépare le R de la base. C’est parce que l’analyse structurale pose pour principe premier la prise en compte de la forme orale et qu’à l’oral, l’analyse du futur et du conditionnel construits sur la base de l’infinitif n’est plus aussi pertinente qu’elle pouvait le paraître à l’écrit qu’il est devenu nécessaire de revoir le statut de l’infinitif.
Ces linguistes remarquent que la présentation traditionnelle des conjugaisons « ne s’attache qu’aux formes écrites du verbe ». Or, « la conjugaison orale doit être considérée comme la conjugaison de base », la conjugaison écrite devrait correspondre à un simple passage du code oral au code écrit. Il y a inversion de l’analyse dans la présentation traditionnelle: on oublie que l’écrit n’est qu’une transcription de l’oral et ne permet donc pas de fonder l’analyse des formes. Suivant cette remarque, on constate, par exemple, que le tableau du futur que nous avions présenté plus haut n’est plus aussi valide si l’on opte pour sa transcription phonétique, infinitif et radical ne coïncidant pas pour le verbe présenté :

Infinitif / radicalSuffixes du futurSuffixes du conditionnel((


(((t(((((t(((((((((((((((((((((((((((((Fig.2
Le second principe adopté par les structuralistes est celui de la commutation entre les différentes formes pour en dégager les morphèmes. Selon la définition de Martinet,
« C’est l’opération dite de commutation qui permet de dégager les monèmes. La commutation réussit lorsqu’on constate qu’une différence de sens correspond à une différence de forme et vice-versa. L’utilisation de cette opération se fonde sur la notion saussurienne de signe qui suppose la coïncidence d’un signifié et d’un signifiant et dont on peut déduire que rien n’est proprement linguistique qui n’implique une telle coïncidence. L’opération commutative qui permet de dégager les différences de sens correspondant à des différences de forme sera poursuivie dans l’analyse de la langue jusqu’au moment où l’on aboutira à des signes qu’il n’est plus possible d’analyser comme la somme de deux signes distincts.»
Selon Hjelmslev,
« l’épreuve de commutation est un outil d’investigation indispensable qui permet non seulement de rendre compte de la structure d’une langue à un stade donné de son développement, et des changements linguistiques mais aussi d’établir une typologie des langues. »
Cette méthode scientifique appliquée aux formes verbales doit permettre d’aboutir à un résultat fiable sur le plan formel. Pour autant, nous constaterons que, pour le futur et le conditionnel, elle fournit des découpages variables selon les linguistes qui l’ont utilisée. D’une part, on trouvera les tenants d’une analyse du futur en base + désinence Ra (Martinet, Dubois, Touratier…), que cette désinence soit précisément définie ou non ; de l’autre, les tenants d’une analyse en base + R + A (Pinchon et Couté, Van den Eynde et Blanche-Benveniste…) dans laquelle le R est le suffixe du futur et le A un suffixe de personne. Ces résultats divergents sont également repris dans de nombreuses analyses ultérieures.

1-2-1 Le découpage d’une désinence –Ra au futur.
1-2-1-1 Martinet, 1958

Dans l’article intitulé « De l’économie des formes du verbe en français parlé » repris dans Le Français sans fard en 1969, Martinet cherche à montrer les phénomènes d’analogie qui aboutissent à simplifier les conjugaisons dans l’usage parlé de la langue. Il souligne en particulier que l’isolement de certaines distributions verbales conduit à en éviter l’emploi. Ce faisant, il s’attache à repérer les différents radicaux ou thèmes des verbes conjugués, ce qui le conduit à découper avant le –r- au futur et au conditionnel :
« On aura en pratique intérêt à choisir l’invariabilité comme critère pour déterminer ce que, dans le cas des modes personnels, nous considérons comme faisant partie de la désinence ; par exemple, la désinence de futur sg. 3, sera donnée comme /-ra/, et non comme /-a/, parce que /-ra/ est ce qui est commun à tous les futurs sg.3 »
Mais il ne s’attache pas à déconstruire ce qu’il nomme désinence : dans son analyse, la désinence du futur a pour initiale –r-, la désinence du conditionnel est constituée de –r- + les désinences de l’imparfait. Il n’entre pas dans son projet de les opposer pour déconstruire, il s’intéresse plutôt au « lieu » de découpage entre radical et suffixation. Enfin, il faut remarquer, qu’au moins dans cet article, l’objectif de Martinet n’est pas d’opérer une analyse systématique. Il le signale d’ailleurs :
« Il ne faudrait pas chercher dans l’étude qui précède ce qu’on n’a pas voulu y mettre, notamment une analyse formelle du verbe français visant à la présentation la plus simple compatible avec l’exhaustivité. »
C’est ce qui peut expliquer l’absence de déconstruction des désinences.
Cependant, dans sa Grammaire fonctionnelle du français, Martinet détaille plus précisément son analyse du futur :
« Le monème futur présente toujours un –r- /-r-/ qui apparaît seul dans nous chanter-ons /nu ((((-r-(/. Mais le /-r-/ n’est plus seul dans /il ((((-ra/. On verra toutefois dans /-ra/ plutôt une variante du monème futur qu’une combinaison de /-r-/ avec un élément personnel /-a/ inconnu par ailleurs. »

1-2-1-2 Dubois,1967

Contrairement à ce qui est affiché par Martinet, on trouve un objectif de présentation ordonnée des conjugaisons du verbe dans La Grammaire structurale du français de Dubois, dont on peut dire qu’il cherche à systématiser dans un but d’enseignement les propositions de l’article « De l’économie des formes du verbe en français parlé » de Martinet, propositions qui étaient plus de l’ordre de l’observation que de la prescription. Pourtant, Dubois reprend son découpage en [–ra] et en [-r(]  sans le justifier et consacre toute son analyse au classement par bases sans reconsidérer les désinences posées par Martinet.
Ce désintérêt s’explique surtout par le fait qu’il s’agit d’élaborer, pour la première fois, un classement par bases qu’il faut imposer en place du classement traditionnel par groupes fondé sur les désinences. La difficulté de la tâche est mesurable au fait que ce classement, à la fois plus probant et plus didactique, ne s’est toujours pas imposé dans l’enseignement du français langue maternelle aujourd’hui. Dubois s’est donc focalisé sur l’établissement des bases et a rejeté l’analyse précise de ce qu’il appelle, comme Martinet, les désinences, comme sans intérêt pour l’établissement d’un classement des verbes.
De fait, Dubois montre le caractère infondé du classement de la grammaire traditionnelle qui prend pour critère les désinences verbales :
« L’établissement des conjugaisons classiques […] repose fondamentalement sur la régularité des désinences, considérées comme l’élément essentiel ;les conjugaisons sont formées à partir des marques spécifiques des verbes. Cette régularité est envisagée en minimisant les oppositions singulier/pluriel à la 3e personne, ou les différences entre les 1ère et 3e personnes. »
Il souligne aussi que les groupes correspondent à un classement des verbes latins, ce qui s’adapte mal à la morphologie du français. On peut penser que cette critique que Dubois a menée de l’importance accordée par les grammairiens aux désinences a pu le conduire a occulter de l’analyse de la suffixation.
Ces raisons expliquent que ne soit pas prise en compte la comparaison entre les suffixes du futur et du conditionnel chez Dubois comme chez Martinet.
1-2-2 Le découpage au futur d’un suffixe -Ra + suffixes personnels.

Dans son ouvrage intitulé Le Système verbal français, Touratier se rallie à la thèse proposée par Martinet mais en prenant en compte les analyses différentes opérées depuis, en particulier les travaux de morphophonologie de Van den Eynde et Blanche-Benveniste et en analysant plus précisément la suffixation. Il part d’une comparaison entre le futur et le conditionnel pour définir ce dernier :
« Il est difficile de ne pas retrouver dans le conditionnel d’une part la marque de l’imparfait et d’autre part la marque /R/ du futur, comme le montrent les deux paires minimales :

/nu ((((-(R-i-((/ ~ /nu ((((-(R-((/ ; nous chant-er-i-ons ~ nous chant-er-ons
/nu ((((-(R-i-((/ ~ /nu ((((-i-((/ ; nous chant-er-i-ons ~ nous chant-i-ons

Ceci veut dire qu’au point de vue morphologique, le conditionnel dit présent a tout l’air d’être un futur imparfait et donc d’appartenir aux temps de l’indicatif. Car si le futur est un temps de l’indicatif et l’imparfait un autre temps de l’indicatif, on ne voit pas comment la combinaison de ces deux temps de l’indicatif pourrait ne pas appartenir aussi au mode indicatif. »
Chez Touratier, ces oppositions servent à définir le conditionnel et non le futur dont Touratier signale plus loin qu’il «est plus délicat à analyser». Il s’agit de faire apparaître des morphèmes communs à ces trois formes verbales, dans une sorte de logique de l’ajout : le conditionnel serait du futur auquel on ajoute de l’imparfait. A défaut de poser un zéro, ce dont il s’explique par ailleurs, Touratier doit prendre en compte le /a/ qui apparaît aux personnes 2 et 3, le /(/ qui apparaît à la personne 1 et le /((( qui apparaît à la personne 6. Comme Martinet, il se propose d’allier le /a/ au R pour en faire une variante du R du conditionnel. Mais il précise la formulation d’un suffixe –Ra en le rattachant, non seulement aux personnes 2 et 3, mais aussi aux autres pour lesquelles il propose des règles de réduction à la forme –Ra, règles dont on peut comprendre la nécessité, ici, quand on sait que Touratier pose, à l’instar de Martinet une hiérarchie des formes dans les cas d’allomorphisme :
« Le futur est marqué par un segment /(()Ra/, auquel s’ajouterait, pour les deux dernières personnes, la marque de la série d’allomorphes, à savoir /ty…(z)/ et /il…(t)/. La première personne, elle, ajouterait au segment /((()/ ce qu’on appelle une forme de remplacement, qui s’écrit : /( ( ¢ (a)/ et veut dire que la voyelle /a/ du segment /Ra/ de futur, comme celle du segment /a/ de passé simple de conjugaison est remplacée par une voyelle de timbre /(/. »
« On peut admettre que les désinences de ces formes [aux trois dernières personnes] du futur présentent des réalisations particulières du même segment /(()Ra/ qu’aux trois premières personnes. […]  /R/ est une variante de /Ra/ devant voyelle et que /il(z) …. (((t)/ est une variante de /il(z) …(t)/, qui apparaît précisément dans le contexte du futur. »
Par ailleurs, Touratier propose plusieurs variantes du suffixe /Ra/ qu’il a identifié comme étant le suffixe du futur :
la variante /(Ra/ après un radical s’achevant sur une consonne.
la variante /iRa/ pour un certain nombre de verbes qui ont un infinitif en –ir, où le i est la voyelle thématique. (offrir, mentir, partir, dormir…)
les variantes /dRa/ et /tRa/ 
Bilan :

Si le découpage du futur –Ra peut sembler identique chez Martinet, Dubois et Touratier, on constate cependant qu’on passe d’une désinence non identifiée à un suffixe allomorphique parfaitement défini, y compris sur le plan phonétique. De plus, il faut signaler la proximité de vue dans l’analyse structurale que développent ces trois auteurs : il y a, en particulier, communauté d’idées sur les questions de l’allomorphisme, du zéro, ce qui peut expliquer, nous le verrons plus loin, ce résultat commun.
Il faut souligner que ce découpage d’un suffixe –Ra, allomorphe du R du conditionnel, est passé dans la littérature linguistique et qu’on le retrouve notamment sous la plume de Wilmet, de Maingueneau, entre autres.
Pour autant, et nous l’avons déjà signalé, ce n’est pas la seule analyse que proposent les structuralistes et on trouve également un découpage en Base + R + a où le /a/ se combine cette fois avec les suffixes de personnes, pour composer une série allomorphique des marques personnelles.
1-2-3 Le découpage d’un suffixe /R/+ désinence /a/.
1-2-3-1 Pinchon et Couté, 1981

Pinchon et Couté reprennent, en le modifiant, le classement par bases de Dubois pour le didactiser, ce qui les amène à présenter aussi un découpage des désinences. Le terme de désinence qui amalgamait plusieurs notions chez Martinet et Dubois (désinence de l’indicatif présent aux trois premières personnes par exemple) se précise pour désigner la marque de la personne.
Ces auteurs procèdent à des commutations pour préciser les suffixes et logiquement, ils aboutissent à un découpage du conditionnel en base + 3 suffixes :
« vous liriez ;
[cette forme verbale a ] deux marques : /r/ + /j/ /vu li-r-j-ez/ vous li-r-i-ez. » 

Mais ils évitent une analyse similaire pour le futur en posant un allomorphe du suffixe de personne –a- :

« /il v(((dra/ : futur 3 comporte trois fois l’indication du futur :
l’élément caractéristique /r/,
la désinence /a/,
la base /v(((d/. »

Le /a/ est considéré comme une variante combinatoire du Ø, suffixe des personnes 1, 2, 3, au même titre que la variante de la base. Cette hypothèse se comprend si l’on considère, par exemple, que –mes et -tes sont les variantes combinatoires de –ons et -ez au passé simple, on convient qu’une variante allomorphique de la personne peut n’apparaître que pour une forme verbale unique.

Dans les tableaux que proposent Pinchon et Couté apparaissent bien trois suffixes à la suite de la base mais ces trois suffixes sont aléatoires : Pinchon et Couté excluent clairement que cette analyse en trois suffixes soit pertinente pour toutes les formes verbales de l’indicatif, c’est-à-dire qu’ils excluent la présence d’un suffixe zéro. C’est ce que signifie, sans équivoque possible le ou de leurs conclusions :

« Entre la base et la désinence peut s’insérer un élément ou deux éléments.
/j/ : /nu liz-j-(( / i- : nous lis-(-ons.
/r/ : /il li-r-a/ r- : il li-r-a
/r + j/ : /nu li-r-j-(( / r + i : nous li-r-i-ons.”


« Toute forme verbale régulière présente une succession de deux, trois ou quatre éléments selon le schéma suivant :
base /r/ /j/ désinence
1 2 3 4
(((((( ( ( (( /(((((((((((- nous conclurions
(((((( ( e /(((((((e( - vous conclurez
(((((( ( (( /(((((((((( - nous concluions
(((((y e /((((((e( - vous concluez »
Ainsi, la possibilité de découper trois suffixes ne serait propre qu’au conditionnel, le futur présentant deux suffixes : le /r/, commun au conditionnel et le /a/, allomorphe du / ((/ et du /e/.
1-2-3-2 Van den Eynde et Blanche-Benveniste (1970)

Dans un article paru dans Orbis en 1970, Van den Eynde et Blanche-Benveniste se proposent de réduire les oppositions entre les conjugaisons en assimilant les allomorphes combinatoires de façon à aboutir à la présentation la plus économique possible de la conjugaison française à l’oral, leur objectif étant de limiter la conjugaison à seulement deux classes de verbes.
Cet objectif les amène à considérer que le suffixe –r- est commun au futur, au conditionnel et à l’infinitif  :
« Il paraît intéressant dès lors de donner aux autres éléments –r- et –ir- un statut autonome et de leur trouver également une analogie. Les déclarer allomorphes du morphème de l’infinitif peut se faire, moyennant insertion des règles distributionnelles supplémentaires suivantes :
en position non finale,
- pour le morphème de la catégorie A
°eR_______ : /(r/
- pour le morphème de la catégorie B,

: /ir/ après °rC (autre que °d), °~ t, °Cr
 °r : / r/ dans tous les autres cas »

Dans l’analyse du reste de la suffixation du futur et du conditionnel, les auteures commencent par déconstruire un morphème supplémentaire :
« On peut reconnaître au conditionnel les marques de temps de l’imparfait et les marques des personnes y afférentes. On peut poser une marque de temps supplémentaire pour les allomorphes /-r/ et /-ir/, dont il est possible d’établir la distribution complémentaire. Cette dernière marque est commune d’ailleurs au conditionnel et au futur.
Pour l’analyse du futur, on peut distinguer les formes du singulier de celles du pluriel. La marque de temps du passé simple de la catégorie A ainsi que les marques de personne y afférentes se retrouvent au futur, pour le singulier. On y reconnaît le morphème °A et les marques de personnes : °zéro, °Z’, °T’.
(me (mre
(m-a (mra
(m-a-(t) (mra(t) »

Cependant, Van den Eynde et Blanche-Benveniste relèvent aussitôt l’absence de régularité du suffixe du passé simple pour les personnes du pluriel au futur, en particulier pour la troisième personne du pluriel dont le /((/ ne présente plus d’analogie avec aucune marque de temps. Cela les amène à préférer une autre analyse du futur plus économique en terme d’explications:
Remarquant que l’élément /-(((t)/ se retrouve dans /s(((t)/, /v(((t)/, /f(((t)/ et /(((t)/ et que la conjugaison de l’indicatif présent du verbe /avwar/ offre une analogie parfaite avec l’ensemble des désinences du futur, elles proposent de présenter :
« les finales du futur : e, a(z), (((z), e(z), (((t), comme n’étant que les formes de l’indicatif présent du verbe /avwar/, et de poser la règle distributionnelle suivante :  le radical –av n’est pas représenté, sauf en position initiale de forme ; autrement dit, s’il figure comme suffixe à une forme, il n’est pas représenté. » 

Ce qui les conduit à ce résultat d’analyse pour le conditionnel :
« Si l’on opte pour une analyse selon laquelle le futur est composé de radical + morphème infinitif + verbe avwar au présent, on peut opter pour une analyse analogue du conditionnel, sans devoir faire appel à une seule nouvelle règle : radical + morphème infinitif + verbe avwar à l’imparfait. »
En définitive, Van de Eynde et Blanche-Benveniste sont animées par la volonté de présenter les flexions verbales de façon économique. C’est ce qui leur fait rejeter la reconnaissance d’un suffixe supplémentaire au futur, car la série PS n’est pas complète et préférer une version qui correspond partiellement à l’analyse qui s’appuie sur l’étymologie car la liste des suffixes est alors complète.
On retrouve cette analyse chez Le Goffic qui prend en compte, dans Les Formes conjuguées du verbe français, les acquis de l’analyse structurale sans renier pour autant une analyse basée sur la diachronie. Le Goffic présente le futur de la sorte :
« Futur : suffixe [r] + désinences proprement dites. […] Les désinences proprement dites ne sont autres que les formes du présent du verbe avoir (sauf aux personnes 4 et 5) : ai, as, a, (av)ons, (av)ez, ont, ce qui s’explique par l’origine du futur : infinitif (d’où le [r]) + présent du verbe avoir, c’est-à-dire originellement une forme modale périphrastique proche de « j’ai à (Infinitif) ». »
Il fait une analyse parallèle du conditionnel :
« suffixe [r] + désinences proprement dites (qui sont exactement celles de l’imparfait, et tirent comme elles leur origine du verbe avoir).
Ce qui sépare cette analyse, comme la précédente, de celle qui est basée sur l’étymologie, c’est la prise en compte d’un suffixe [r] dans le découpage du futur et du conditionnel :
« La formation du futur d’après l’infinitif- fait historique- ne peut être érigée en règle du français actuel : synchroniquement il aim e ra [(((() ra] n’est pas formé sur l’infinitif [(((] non plus que il viendra, devra, courra, cueillera, ou d’autres, sur leurs infinitifs respectifs. »
Bilan :

Que ce soit pour ne pas contredire une analyse traditionnelle du futur ou au contraire parce qu’ils se battent sur d’autres fronts, les linguistes ont souvent laissé à l’arrière-plan aussi bien la question des suffixes du futur que l’analyse de leurs prédécesseurs. Il est particulièrement remarquable que l’analyse structurale ne parvienne pas à trancher entre les deux découpages : R+AS ou RA+S, chaque camp ayant de bonnes raisons de rejeter l’autre option. Martinet pense peu souhaitable d’établir un allomorphe de la personne qui n’ait cours que pour le futur et préfère établir un allomorphe du suffixe –r-, suivi en cela par de nombreux descripteurs ; Pinchon et Coute choisissent de découper le –a du –r- et de le poser comme allomorphe de la personne au futur…
Ce sont, entre autres, ces contradictions, ces silences qui nous ont conduite à mener notre propre analyse du futur et du conditionnel.
 « S'en aller, s'éloigner, regarder toute sa vanité, porter la main dans son vide, la voir repasser encore devant soi, et puis soi partir, être sûr qu'elle s'en est bien allée sa jeunesse et tranquillement alors, de son côté, bien à soi, repasser tout doucement de l'autre côté du temps pour regarder vraiment comment qu'ils sont les gens et les choses. » (L-F. Céline, Voyage au bout de la nuit)

2- Pour un autre découpage du futur et du conditionnel

2-1-1 Faut-il séparer le –R- de la base ?

En premier lieu, poser que la base du futur et du conditionnel est l’infinitif comme le fait la grammaire traditionnelle, c’est, de toute façon, noter leur différence radicale avec les autres temps simples de l’indicatif qui sont formés sur la base d’un lexème auquel on rajoute une suffixation.
Certains auteurs, d’ailleurs, ne s’y sont pas trompés qui investissent de sens cet infinitif, comme Yvon :
« Quant au premier élément du sauriez qui dans certains verbes reproduit exactement la forme usuelle de l’infinitif présent (aimer, marcher dans aimerez, marcherez ; finir, partir dans finirez, partirez) et dans les autres continue avec des transformations phonétiques l’infinitif présent du verbe ancien dont il dérive (mittere dans mettrez, videre dans verrez, sapere dans saurez par exemple), il exprime comme virtuel le procès dont le locuteur déduit, imagine ou suppose la réalisation. »
Cependant, il est difficile de soutenir la présence de l’infinitif dans le futur et le conditionnel dans la mesure où il n’y a pas toujours coïncidence formelle entre l’infinitif, d’une part et les deux autres formes verbales, de l’autre. On en a déjà fait la remarque, à travers les propos de Curat, mais cette absence de coïncidence peut aussi être illustrée par des exemples de la grammaire des fautes, comme le fait Sundell :
« La tendance qui veut que le futur se remodèle à la base de l’infinitif donne parfois signe de vie : je mourirai, il venira. On reconnaît les tendances, qui déjà à une époque antérieure, opposaient par exemple je cueillirai à je cueillerai et j’envoirai à j’enverrai. »
En réalité, tous les cas de combinaison sont possibles entre infinitif et futur. Il peut y avoir coïncidence de la base et du suffixe comme dans chant-er / nous chant-er-ons ; coïncidence de la base mais divergence du suffixe comme dans cour-ir / nous cour-r-ons ou cueill-ir/ nous cueill-er-ons ; coïncidence du suffixe mais divergence de la base comme dans achet-er/ nous achèt-er-ons ou voi-r/ nous ver-r-ons ou enfin divergence de la base et du suffixe comme dans ven-ir / nous viend-r-ons.
Cette latitude complète des combinaisons possibles entre une base allomorphique et des suffixes également allomorphiques pèse en faveur d’un découpage du suffixe –R. Puisque l’infinitif est lui-même composé d’une base et d’un suffixe, pourquoi ne pas prendre en compte ce suffixe dans l’analyse du futur et du conditionnel surtout quand on constate ces cas d’allomorphisme ?
A moins de reconnaître dans le futur et le conditionnel un cas de formation où ce qui était décomposable au moment de la formation ne l’est plus. Assimiler l’infinitif dans une nouvelle base est-il identique à la démarche d’analyse qui reconnaît, dans la base d’/(((((((( -(((, -((((, -(((( (institut/eur, /rice /ion), un suffixe latin /-((( (–ut) (ou /at/ (–at) dans /am-at-((( (am-at-eur)) sans le prendre en compte en synchronie ?
En réalité, il s’agit de cas différents car, si dans le cas d’amateur, ce découpage étymologique a perdu son sens, car on serait incapable de donner des significations différentes à une base am- ou une base amat- , il y a lieu de distinguer aujourd’hui, entre aim- et aimer- dans aimait et aimerait pour distinguer imparfait et conditionnel. En effet, la commutation entre l’ensemble des flexions de l’imparfait et du conditionnel met au jour une opposition minimale : la présence ou l’absence de /((/ (er, à l’écrit). Le matériau [(,( ] (ai,i) se retrouvant dans une distribution différente et la base également, on peut postuler la présence d’un suffixe [((], (er). Certes, il est également possible d’arguer une homophonie entre le matériau [(,( ], (ai, i), du conditionnel et celui qui entre dans la variante imparfait. Mais il y a une totale analogie entre les deux séries, et aucun énoncé ne vient rompre cette similitude. C’est cette absence totale de différenciation qui nous permet de soutenir l’hypothèse de l’existence d’un morphème x marqué par l’opposition : er / Ø à l’écrit, [((] / Ø à l’oral. Nous reviendrons sur cette commutation fondamentale dans l’analyse du conditionnel et du futur.
Pour autant, ce qui peut faire hésiter à isoler un suffixe R d’une base au futur et au conditionnel, c’est la similarité totale entre [base + suffixe R] du futur et du conditionnel qui peut donner le sentiment d’une unité. En effet, quel que soit le verbe étudié, on constatera que l’allomorphe de la base et celui du R sont tous deux identiques au futur et au conditionnel. On ne peut évidemment parler de hasard ou de coïncidence et il est tentant de prendre en charge cette similarité dans l’analyse synchronique. Pourtant, on peut penser que si l’un des deux temps s’est formé par analogie sur l’autre, cela pourrait suffire à expliquer cette similarité liée à un emprunt systématique.
En définitive, conserver le R dans la base, c’est créer un allomorphisme de la base qui ne se trouverait que dans deux variantes : le conditionnel présent et le futur. C’est affirmer la corrélation entre cet allomorphe +R et ces deux temps, ce qui équivaut à dire que le matériau R participe de la dénotation du futur et du conditionnel présent. Puisqu’il est pertinent d’isoler un suffixe dans l’infinitif, puisque le suffixe R du conditionnel est porteur d’un sème spécifique en français moderne comme le montre l’opposition du conditionnel et de l’imparfait, on ne voit pas l’intérêt qu’on peut avoir à éviter de le découper. On court plutôt le risque alors d’opacifier l’analyse du futur et du conditionnel.
C’est pourquoi nous postulerons le découpage du R qui peut permettre de poser un suffixe commun au futur, au conditionnel et à l’infinitif.
2-1-2 Les analyses divergentes du futur et du conditionnel correspondent-elles à un simple problème d’allomorphisme ?

2-1-2-1 Allomorphisme de la base ou allomorphisme du –R- ?

Un certain nombre de difficultés dans la description du futur et du conditionnel vient de la nécessité de poser des allomorphes qui leur sont spécifiques, qu’on ne retrouve dans aucune autre distribution. Ce qui amène à des choix arbitraires dans le découpage, comme nous allons le voir.
Le premier cas d’arbitrarité se situe au niveau du découpage précédemment évoqué, celui qui permet de délimiter la base et le R. En effet, le R présente un allomorphisme qui, combiné à celui, éventuel, de la base, interdit de trancher de façon absolue entre plusieurs hypothèses. Le suffixe R peut se présenter sous différents allomorphes : -r- /r/ dans, par exemple, nous cour-r-ions, si on l’oppose à nous cour-ions ; -er- /((/ dans nous cass-er-ions, si on l’oppose à nous cass-ions ; -ir- /i(/ dans nous dorm-ir-ions si on l’oppose à nous dorm-ions.
Il s’agit là de variantes combinatoires dont la règle de distribution a été présentée par Marc Plénat. A la première conjugaison, il pose deux variantes phonologiques /R/ et /(R/ pour les verbes dont le radical se termine par une consonne. A la seconde conjugaison, il présente une variante combinatoire /iR/ que présentent « tous les verbes qui ont un infinitif en –ir, où i est la voyelle thématique », qui s’affaiblit en /(()R/ avec les verbes « dont le radical se termine par /j/ » et « dont la dernière voyelle du radical est [-arrière] » Cette variante se réduit à /R/ quand le radical se termine par une voyelle suivie de /n/ ou de /R/.

Touratier, quant à lui, propose deux autres allomorphes : le -dr- et le –tr- pour les verbes comme venir, tenir, paraître, à l’inverse de Dubois qui considère que ces consonnes s’ajoutent à la base. En réalité, ce sont des cas problématiques pour lesquels il est impossible de trancher autrement qu’arbitrairement : soit on pose un allomorphe de la base spécifique au futur et au conditionnel : /((((d/, /(((((/, /par(t/ (viend-, tiend-, paraît-) ce qui permet de conserver un suffixe /(/ qu’on retrouve dans de nombreux autres verbes, soit on opte pour un allomorphe du suffixe spécifique au futur et au conditionnel : /d(/, /t(/ de façon à conserver une base qu’on retrouve par ailleurs : /((((((/, /((t(((/, /((((((/, ( je vien-s ,tu tien-s, il paraî-t).
Le problème se pose d’ailleurs de la même façon pour le suffixe –ir- qui permet de conserver une base existante par ailleurs : /d(((/ (dorm-) dans /nud(((((/ (nous dorm-ons), ou /(((/ (offr-) dans /((((/ j’offr-e. On peut cependant opter pour un autre découpage qui permet de retrouver le suffixe /(/ à condition d’établir un allomorphe de la base spécifique au futur et au conditionnel  /d((((/ (dormi-), /((((/ (offri-).
Certains linguistes, comme Martinet, optent pour une troisième solution qui leur permet de ne pas trancher : il s’agit de poser un son intermédiaire (que Martinet dénomme lubrifiant) ainsi, -d- ,-t-, -i- ou -(- sont posés comme des phonèmes intermédiaires.
Quelle que soit l’option de présentation choisie, il nous semble surtout important de veiller à la cohérence du choix. Pour notre part, nous suivrons celle de Touratier en proposant cinq allomorphes du suffixe commun au futur et au conditionnel : /(/, ((((,((((, /((, /((/, (-r-, -er-, -ir-, dr-, -tr-) et en préservant l’homogénéité des bases. Nous symboliserons ensuite ces allomorphes par R.



2-1-2-2 Des suffixes du futur arbitrairement découpés ?

La divergence de découpage entre les suffixes du futur et du conditionnel que nous avons repérée chez les linguistes relève du même type de difficulté.
Martinet présente clairement cette alternative entre deux découpages :
« Le monème futur présente toujours un –r- /-r-/ qui apparaît seul dans nous chanter-ons /nu ((((-r-((/. Mais le /-r-/ n’est plus seul dans /il ((((-ra/. On verra toutefois dans /-ra/ plutôt une variante du monème futur qu’une combinaison de /-r-/ avec un élément personnel /-a/ inconnu par ailleurs. »
A l’inverse, Pinchon et Couté préfèrent poser un suffixe personnel spécifique au futur de façon à préserver l’homogénéité du suffixe R.
On peut en conclure que le choix entre ces deux présentations relève de l’arbitraire et qu’il ne s’agit pas d’un véritable problème.
Cependant, que ce soit l’une ou l’autre analyse du futur, elles amènent à poser une sorte de hiatus pour le conditionnel : que faire de ces deux suffixes R et ai unanimement reconnus, quand on les positionne dans un tableau en face du suffixe du futur, d’une part et du suffixe de l’imparfait, de l’autre ? Poser le suffixe du futur comme équivalent au suffixe de l’imparfait, dire qu’il s’agit de deux suffixes de « temps » implique qu’il n’y a qu’une case pour R et ai du conditionnel et l’on trouve donc des présentations de ce type qui posent pour le moins un problème de cohérence :


personne + basesuffixe de tempssuffixe de personneImparfaittu chantaisFuturtu chanter
(ou era)as
(as)Conditionneltu chanter-ais

En effet, le suffixe du conditionnel semble bien composé de deux suffixes. Touratier pose d’ailleurs le problème quand il commente la présence conjointe du suffixe futur et du suffixe de l’imparfait dans le conditionnel :
« On constate que l’unité morphologique d’Imparfait appartient à une autre classe que celle de Futur, pour autant que la présence de l’imparfait n’exclut pas celle du Futur, et que d’autre part le Futur appartient à la même classe que le Subjonctif, dans la mesure où le Futur et le Subjonctif se combinent également avec l’Imparfait. Si l’on considère que l’Imparfait est un temps, on doit admettre que le Futur n’est pas un Temps, mais, exactement comme le Subjonctif, un Mode. […] Le futur est non seulement un temps qui logiquement exclut le passé et le présent, mais aussi un temps qui, en latin, exclut l’imparfait. Mais, en français, le Futur a un fonctionnement différent : c’est un Mode et non un Temps, dans la mesure où il est compatible avec l’Imparfait. »
Cependant, accepter de séparer les suffixes apporte une autre difficulté, en obligeant à poser un zéro, à l’imparfait, et un autre au futur, au minimum pour les personnes 4 et 5.

personne + basesuffixe 1 suffixe 2suffixe de personneImparfaittu chant
nous chantØ
Øai
is
onsFuturtu chant
nous chanter
era (?)
Øs
onsConditionneltu chant
nous chanter
erai
is
ons
Le choix d’accepter de poser un zéro dans l’analyse du futur est central. En effet, si l’on oppose nous chanterons et nous chanterions, la non-reconnaissance du zéro dans quelques flexions du futur empêche de déconstruire le morphème R du morphème [a, ai, Ø] et l’analyse du conditionnel aboutit alors à l’ajout du suffixe de l’imparfait à celui du futur, alors que la présence de la série morphématique autorise l’échange du suffixe Ø du futur et du suffixe /j/ du conditionnel. Or, la question du morphème zéro a été et est encore très débattue. Il paraît donc nécessaire de revenir à ce sujet sur les positions des linguistes ayant abordé le sujet du futur et du conditionnel.

2-1-3 Faut-il poser un morphème zéro ?

De nombreux structuralistes considèrent qu’il ne faut pas prendre en compte tous les zéros que pose l’analyse structurale. C’est le cas de Martinet qui soutient la thèse que certains effets de sens ou même certaines catégories grammaticales qui correspondent à des zéros sont abusifs. S’il accorde l’existence de « signifiant zéro » dans certains cas « [où] l’insertion, dans un contexte, d’un nouvel effet de sens ou le remplacement d’un effet de sens préexistant par un autre, a pour résultat l’élimination, dans la chaîne parlée, d’un segment de l’énoncé de départ, [et où] il y a bien modification formelle de l’énoncé, donc monème», il dénonce l’existence de plusieurs catégories grammaticales fondées sur l’absence d’un matériau, comme par exemple le singulier qui est non-marqué et dont l’unicité de sens est, selon lui, contestable :
« si au signifié hypothétique, correspondait régulièrement une absence de réalisation formelle, on serait légitimement tenté de postuler, non seulement un signifiant zéro, mais également un signe zéro, c’est-à-dire l’inexistence d’un signe. […] On peut estimer, en principe, qu’un signifié hypothétique dont le signifiant est constamment zéro ne saurait avoir d’existence linguistique que si ses emplois attestent pour lui une existence sémantique incontestable : si, au signifiant zéro d’un singulier, correspondait toujours, effectivement, l’unicité, il conviendrait, sans doute, de poser l’existence d’un tel monème. » 
Martinet propose donc de se baser sur « des considérations sémantiques » pour examiner la pertinence du morphème zéro. Démarche qui l’amène à réfuter également certaines catégories verbales du classement traditionnel :
« En fait, l’expérience montre qu’il y a généralement coïncidence de zéro sémantique et de zéro phonique et que l’inexistence d’une marque formelle pour une certaine «catégorie» grammaticale établit une présomption du caractère sémantiquement non positif de la dite «catégorie». C’est ainsi que ce qu’on désigne traditionnellement comme l’indicatif, à quoi ne correspond d’ordinaire aucune marque formelle, représente les emplois les plus ordinaires du verbe, statistiquement les plus fréquents et ne mérite pas, de ce fait, qu’on l’identifie comme un signe linguistique distinct du monème verbal. Il en va de même, le plus souvent, du présent dont la forme zéro va de pair avec une absence d’effet de sens. Il va sans dire que là où, comme à un certain stade de l’évolution des langues indo-européennes, le présent est positivement marqué comme tel (adjonction d’un –i aux désinences verbales indo-européennes), la question se repose de savoir s’il s’agit ou non d’un monème particulier avec le sens positif de présent hic et nunc. »
L’absence de marque est donc analysée chez Martinet, non comme une marque zéro mais comme la forme de base à laquelle peuvent s’ajouter des suffixes : ainsi en est-il du présent, modèle basique auquel s’ajoutent les suffixes (ai, i) à l’imparfait, par exemple, ou de l’indicatif auquel s’ajoutent le morphème que et le suffixe –i- au subjonctif.
« Le « présent » est l’absence de temps spécifié, et l’« indicatif » l’absence de spécification modale, correspondant, l’un et l’autre, à la forme nue du monème verbal. Il n’y a donc pas plus de monème « présent » ou de monème « indicatif » que de monème de « singulier » : chante dans il chante, n’est pas, pour nous, la « 3è personne du singulier du présent de l’indicatif », mais le monème verbal nu. »
Il propose aussi cependant d’analyser comme des amalgames certaines absences, ce qui permet d’éviter de poser trop de zéros et donc d’éliminer trop de catégories :
« Il faut toutefois se garder de conclure hâtivement de l’absence de manifestation formelle identifiable d’un monème à son inexistence, puisqu’il est possible que son signifiant soit amalgamé avec celui de monèmes voisins. En italien et en espagnol, les troisièmes personnes du singulier, après la chute de –t latin final, apparaissent sous la forme du thème nu, et l’on pourrait être tenté de poser, pour une forme comme esp. quiere « il aime », un signifiant zéro de 3e personne. Un contexte comme quiere a su madre « il aime sa mère » montre que quiere englobe un sujet repris par le possessif su. Il y a donc sujet de 3e personne du singulier, et on peut préférer concevoir son signifiant comme amalgamé avec celui du verbe que d’opérer avec un zéro. En face d’une première personne quiero « j’aime », on pourrait d’ailleurs analyser quiere en /kier/ + /e/ et voir dans cet /e/ le signifiant de 3e personne. On notera qu’une fois admis le concept opératoire d’amalgame, on voit mal comment on pourrait, au nom de la forme, dénier l’existence linguistique à un signifié positivement bien établi comme l’est celui de la 3e personne dans l’exemple qui précède. » 
Cette analyse de Martinet et ses principes sont à la base de la démarche de Touratier dans Le système verbal du français. Ce n’est d’ailleurs sûrement pas un hasard si Touratier pose assez longuement le problème du zéro dans cet ouvrage car sa présentation du système verbal est tributaire de sa conception du zéro. Il soupèse deux choix opposés : la position maximaliste représentée par Nida et la position minimaliste pour laquelle il cite Martinet et Gleason :
« Pour éviter probablement la prolifération des morphèmes à signifiant zéro, certains linguistes prudents, comme Gleason (1969), se donnent la règle méthodologique suivante : « sauf s’il se révèle plus tard être un allomorphe d’un morphème qui a des formes visibles, il faudra toujours éliminer de la description finale » les zéros que l’on aura été amené à introduire provisoirement au cours de l’analyse. »
Cette démarche qui consiste à voir dans le zéro un outil d’analyse qu’on n’utilise que provisoirement pour l’éliminer ensuite du résultat, est celle qui est manifestement à l’œuvre dans l’analyse du futur et du conditionnel de Pinchon et Couté :
En effet, le zéro apparaît bien dans les paradigmes que posent ces auteurs :
« En chaque point (1, 2, 3, 4) de la suite syntagmatique apparaît la possibilité de procéder à des commutations qui établissent quatre paradigmes selon le schéma suivant :
 1 2 3 4


base lexicale /(( /(( /(((
Ø ((( (((
 Ø (((
 (((
Ø




Mais c’est pour disparaître dans les différents tableaux qu’ils présentent ensuite où les zéros sont remplacés par des cases grisées :

« Les tableaux suivants donnent toutes les combinaisons possibles des quatre éléments :
Base + marque 1 + marque 2 + désinence :



Code oral :

variable Eléments stables 1 2 3 4Séries formées base (() ( (i) ( (( e eCond. Prés. 4-5 base(() ( (Cond. Prés 4-5 base(() ((aFutur 1-2-3-4-5-6((e base(i) j(( eImp. 4-5 – Subj.prés. 4-5 base(Imp. 1-2-3-6 base(( eInd. Prés. 4-5 base(éroInd. Prés. 1-2-3-6
Subj. Prés. 1-2-3-6






Code écrit :
variableEléments stables1234Séries formées(ase(e) r ((ns/ezCond. Prés. 4-5(ase(e) r (((
(
(ntCond. Prés. 1-2-3-6(ase(e) r((
(s/ (
(ns/(nt
(zFutur 1-2-3-4-5-6(ase((ns/ez(ase(((
(
(nt(ase(ns/ezPrés. 4-5(ase(.(
(
(nt(
(s
(ntPrés. 1-2-3-6
Subj. Prés. 1-2-3-6 

Dans ces tableaux apparaissent bien trois suffixes à la suite de la base mais ces trois suffixes sont aléatoires : Pinchon et Couté excluent clairement que cette analyse en trois suffixes soit pertinente pour toutes les formes verbales de l’indicatif, c’est-à-dire qu’ils excluent la présence d’un suffixe zéro. C’est ce que signifie, sans équivoque possible, le ou de leur conclusion que nous avons déjà signalé :
« Entre la base et la désinence peut s’insérer un élément ou deux éléments. /j/ : /nu liz-j-(( / i- : nous lis-(-ons.
/r/ : /il li-r-a/ r- : il li-r-a
/r + j/ : /nu li-r-j-(( / r + i : nous li-r-i-ons.”

Pour revenir à Touratier, il fait, quant à lui, coïncider ce principe de Gleason avec l’analyse de Martinet :
« Appliquée au verbe français, cette consigne oblige à considérer que ni le présent ni l’indicatif ne sont des morphèmes, puisqu’ils ne voient jamais alterner leur absence de marque formelle avec une marque différente de zéro. C’est ce qu’on peut appeler la position minimaliste. »
C’est cette position qu’il fera sienne pour présenter le système verbal du français mais il présente également la thèse adverse :
« A l’opposé, d’autres linguistes, comme Eugène Nida, estiment qu’il existe deux sortes de morphèmes à signifiant zéro : à côté de l’absence significative dans une série de variantes, à laquelle Gleason reconnaît volontiers le statut de morphème et qu’Eugène Nida appelle « le zéro allomorphique », on doit admettre un « zéro morphémique » qui, lui, a toujours un signifiant zéro et qui se définit comme « une absence significative non dans une série de variantes, mais dans une série de morphèmes » (d’après Nida, 1967, p.46). Ce « zéro morphémique » correspond très exactement à ce que l’école genevoise a appelé « signe zéro ». Comme le dit en effet Bally :
« […] dans tout paradigme grammatical, lorsqu’une forme dépourvue de morphème est nécessairement liée à un ensemble de formes qui en sont pourvues, l’absence de signe dans le premier cas est interprétée comme valant, non pas zéro signe, mais signe zéro. » (1922, p.2)
Les tenants de cette position que l’on peut considérer comme maximaliste, sont alors conduits à admettre que le présent et l’indicatif sont des morphèmes, l’un temporel et l’autre modal, qui ont toujours un signifiant zéro, puisqu’ils appartiennent l’un à la série des temps et l’autre à la série des modes. Le présent s’oppose en effet au moins au morphème qui a pour signifiant l’imparfait, et l’Indicatif s’oppose à celui qui a pour signifiant le Subjonctif. »
Touratier, en définitive, réfute cette position maximaliste :
« Il est probablement faux que toute absence formelle qui commute avec des morphèmes soit nécessairement un morphème à signifiant zéro. Car cela reviendrait à assimiler abusivement tout paradigme à une classe de suites, et à récuser ainsi la notion de «modèle» d’un paradigme, les différentes suites qui appartiennent à un même paradigme étant forcément censées contenir le même nombre de morphèmes. »
Pour Touratier, l’idée d’un modèle, c’est-à-dire d’une hiérarchie entre les différentes variantes formelles est décisive. Cette notion de modèle est probablement à rattacher à celle d’allomorphes combinatoires ou non. Il y aurait, selon Touratier, des variantes phonologiques et des variantes morphologiques qui permettraient de poser des modèles de base. Il semble donc que la conception de l’analyse combinatoire soit une raison de la divergence dans les manières de poser le problème du zéro :
« On considère en effet comme le modèle d’un paradigme la suite la plus courte parmi les suites de morphèmes qui appartiennent à un même paradigme (cf. Wells, 1970, p.63 ; Dubois et al., 1973, p.322) ; par exemple, vous aimez dans le paradigme de la figure 16.
 vu(z) (m e(z) vu(z) (m Ø Ø e(z)
 vu(z) (m i e(z) vu(z) (m Ø i e(z)
 vu(z) (m (R e(z) vu(z) (m (R Ø e(z)
vu(z) (m (R i e(z) vu(z) (m (R i e(z)

Figure 15 Figure 16

Si toute absence qui commute avec des morphèmes était un morphème à signifiant zéro, le paradigme de la figure 15 serait alors une classe de suites, comme dans la figure 16, et n’aurait pas, à proprement parler, de modèle. »

En définitive, les arguments avancés par les tenants d’une utilisation minimale du zéro nous semblent infondés pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le postulat d’un modèle, d’une hiérarchie entre les variantes ne se justifie pas. Pourquoi ne pas admettre tout aussi bien que toutes les variantes sont combinatoires, même si l’on n’en perçoit plus aujourd’hui la logique phonétique et qu’elles sont donc toutes à égalité ?
La prise en compte de l’allomorphisme peut conduire à une focalisation sur la matérialité de la marque et ainsi à positiver cette marque. C’est ce qu’on peut déduire d’ailleurs d’analyses qui élaborent un modèle de base et ses allomorphes. Or, « la marque de l’opposition sémiologique n’est pas dans la diversité des variantes, mais dans la constance du rapport [d’opposition] quel que soit l’allomorphe. »
Par ailleurs, il semble bien que la nécessité que s’imposent les « minimalistes » d’éliminer certains zéros les conduisent à une aporie de l’analyse formelle puisqu’en définitive, Martinet et Touratier proposent de rechercher dans le domaine sémantique les critères pour justifier de la pertinence des zéros, ce qui renverse l’ordre de l’analyse :
« Seule une étude sérieuse au niveau des signifiés permettrait de savoir ce qu’il en est exactement, et donc de trancher en faveur de l’une des deux positions théoriques. « Dans les cas où l’absence de marque formelle correspond manifestement à une signification aussi repérable que précise, il faudra bien admettre que l’absence d’unité morphologique est le support de cette signification, et est par conséquent le signifiant d’un morphème qui est un zéro morphémique. Et dans les autres cas, on aura affaire à une absence de signifié qui va de pair avec une absence de signifiant, et par conséquent à une absence de morphème. »
Enfin et surtout, ces analyses aboutissent à positiver la marque. Par exemple, la démarche qui consiste à poser des zéros lors de l’analyse mais à ne pas les conserver lors du résultat en est caractéristique. On opère des commutations pour découper des morphèmes qui sont le résultat de l’analyse. Or, c’est l’opposition elle-même qui est marque et non le matériau qu’elle permet de découper, c’est donc l’opération qui est porteuse de sens et non son résultat. 
De même, juger de la pertinence du morphème zéro selon sa commutabilité avec un matériau dans un même paradigme ne suffit pas. Cette notion d’alternance de la marque se base sur un certain refus de l’existence du zéro. A un signifiant zéro correspondrait préférentiellement l’inexistence de signe. Derrière cette authentification de la marque par sa matérialité, on peut repérer une positivation : on s’appuie sur le matériau pour repérer la marque selon cette conception et non sur l’opposition de matériau qui constitue véritablement la marque.
C’est parce que la marque est assimilée à du matériau et non pas à un rapport entre matériaux qu’il paraît difficilement concevable que le matériau zéro soit une marque. Or, précisément le zéro n’est pas une marque, pas plus que ne l’est le matériau auquel il s’oppose, c’est l’opposition significative entre la présence et l’absence de matériau qui constitue la marque, telle que le souligne Urien :
« La marque est dans le rapport du silence au bruit, et non dans l’un ou dans l’autre. »
Pour nous, prendre en compte le zéro, ce n’est pas plus l’utiliser comme un outil opératoire que poser un morphème zéro en tant que tel mais c’est prendre en compte la différence de sens générée par l’opposition entre un matériau et son absence.

2-1-4 Pour une analyse qui prenne en compte le zéro

Notre analyse formelle qui s'appuie sur une série d'oppositions observées à partir du matériau oral et écrit, va nous permettre de montrer successivement que
le présent se différencie de l’imparfait par l’opposition Ø/ai.
l’imparfait se différencie du conditionnel par l’opposition Ø/R.
le conditionnel se différencie du futur par l’opposition ai/a.
Le futur se différencie du passé simple par l’opposition R/Ø
Le présent s’oppose à l'imparfait par l’opposition entre un zéro et le matériau /(,j/, (ai,i) qui se retrouve sur l’ensemble des verbes, compte tenu de l'allomorphisme possible de la base. C'est la seule opposition formelle entre présent et imparfait, considérée traditionnellement comme la marque du temps. Soit l’analyse suivante :
 Présent Imparfait :
P… Base Tps …P P… Base Tps …P
1 (( gard Ø Ø (( gard ( Ø
2 ty gard Ø Ø tu gard ( Ø
3 il gard Ø Ø il gard ( Ø
4 nu gard Ø (( nu gard j ((
5 vu gard Ø e vous gard j e
6 il gard Ø Ø ils gard ( Ø
Présent Imparfait :
 P… Base Tps …P P… Base Tps …P
1 je gard Ø e je gard ai s
2 tu gard Ø es tu gard ai s
3 il gard Ø e il gard ai t
4 nous gard Ø ons nous gard i ons
5 vous gard Ø ez vous gard i ez
6 ils gard Ø ent ils gard ai ent


La même démarche met en évidence l'opposition du conditionnel et de l’imparfait, à travers celle du zéro et du /(r/, (er). En effet, seule la présence du /(r/ permet de différencier le conditionnel de l’imparfait, compte tenu de l’allomorphisme de la base qui affecte un certain nombre de verbes français. De plus, quel que soit le verbe, on retrouve la série complète des suffixes de l’imparfait, à l’écrit comme à l’oral, série de suffixes à laquelle s’ajoute une série de suffixes de personnes qui est attestée aussi au présent.
Conditionnel Présent : Imparfait :
 P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 (( gard (r ( Ø (( gard Ø ( Ø
2 ty gard (r ( Ø ty gard Ø ( Ø
3 il gard (r ( Ø il gard Ø ( Ø
4 nu gard (r j (( nu gard Ø j ((
5 vu gard (r j e vu gard Ø j e
6 il gard (r ( Ø il gard Ø ( Ø

Conditionnel Présent : Imparfait :
 P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 je gard er ai s je gard Ø ai s
2 tu gard er ai s tu gard Ø ai s
3 il gard er ai t il gard Ø ai t
4 nous gard er i ons nous gard Ø i ons
5 vous gard er i ez vous gard Ø i ez
6 ils gard er ai ent ils gard Ø ai ent
Si, à présent, on oppose le conditionnel au futur, en respectant la métrique qu’impose le découpage du conditionnel, on aboutit à une analyse du futur qui combine à la base un suffixe –r-, un suffixe de temps ((, a, Ø), et un suffixe de personne.

Conditionnel Présent : Futur :
P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 (( gard (r ( Ø (( gard (r ( Ø
2 ty gard (r ( Ø tu gard (r a Ø
3 il gard (r ( Ø il gard (r a Ø
4 nu gard (r i (( nous gard (r Ø ((
5 vu gard (r j e vous gard (r Ø e
6 il gard (r ( Ø ils gard (r (( Ø
Ø ((
Conditionnel Présent : Futur :
 P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 je gard er ai s je gard er ai Ø
2 tu gard er ai s tu gard er a s
3 il gard er ai t il gard er Ø a
4 nous gard er i ons nous gard er Ø ons
5 vous gard er i ez vous gard er Ø ez
6 ils gard er ai ent ils gard er o nt
Ø ont

A l’écrit, cette analyse amène à découper une série allomorphique de suffixes de personne spécifique au futur : Ø, s, Ø, ons, ez, (o)nt. Cette spécificité pourrait être de nature à remettre en cause l’analyse si on oubliait la dimension arbitraire de l’orthographe. En effet, à l’oral, on retrouve la série des suffixes de personne la plus largement employée, Ø, Ø, Ø, ((, e, Ø (ou (().
Il est intéressant de remarquer aussi, comme l’a fait Guillaume, que ce découpage permet de recouper, dans sa première partie, celui du passé simple, du moins pour les verbes que nous appellerons, à la suite de Plénat, de la première conjugaison. En effet, l’opposition du passé simple au présent est matérialisée par celle d’un zéro à la série ((, a, (r), (ai, a, èr).
On peut émettre l’hypothèse que le futur partage avec le passé simple le même suffixe de temps pour lequel il présente des allomorphes aux personnes 4, 5, 6. Il s’en différencierait alors par la présence du suffixe R, de même que le conditionnel se différencie de l’imparfait par la présence de ce seul suffixe.


 Futur Passé simple :
P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 (( gard (r ( Ø (( gard Ø ( Ø
2 ty gard (r a Ø ty gard Ø a Ø
3 il gard (r a Ø il gard Ø a Ø
4 nu gard (r Ø (( nu gard Ø a m
5 vu gard (r Ø e vu gard Ø a t
6 il gard (r (( Ø il gard Ø (r Ø


Futur Passé simple :
 P… Base X Tps …P P… Base X Tps …P
1 je gard er ai Ø je gard Ø ai Ø
2 tu gard er a s tu gard Ø a s
3 il gard er a Ø il gard Ø a Ø
4 nous gard er Ø ons nous gard Ø â mes
5 vous gard er Ø ez vous gard Ø â tes
6 ils gard er o nt ils gard Ø èr ent


Le fait que la série identique ne soit pas complète empêche de présenter cette analyse autrement que comme une hypothèse. Si elle contredit le principe d’économie, il n’est pas évident que substituer à cette analyse, celle de la série conjuguée du verbe avoir au présent résolve l’ensemble des difficultés. En effet, que faut-il prendre en compte dans cette analyse : le temps présent et la personne ou également le lexème du verbe avoir, ce qui conduirait à déconstruire quatre sèmes dans la suffixation du futur ? Sans doute est-il plus raisonnable de considérer dans cette similarité parfaite entre les « terminaisons » du futur et celles du verbe « avoir » au présent, l’effet d’une formation par analogie qui n’affecte pas le sens de la forme verbale en synchronie.
En définitive, on constate que la spécificité des allomorphes des suffixes du futur conjuguée à la présence de plusieurs zéros brouille les frontières entre les différents suffixes et amène l’analyste à poser des découpages arbitraires entre la base et les suffixes ou des hypothèses qui ne sont pas entièrement vérifiables pour le découpage entre suffixe du temps et suffixe de personne. Si plusieurs indices convergent pour établir que la série (/(/, /a/) est commune au futur et au passé simple, aucun n’est véritablement décisif dans la mesure où l’analogie avec la série des suffixes de temps du passé simple est incomplète et où l’on pose des suffixes de personne spécifiques au futur à l’écrit.
De même, la série allomorphique des suffixes de l’infinitif ne coïncide pas exactement avec celle du premier morphème de flexion le +R du futur et du conditionnel. L’infinitif combine une base et un suffixe, soit le suffixe /e/ (er à l’écrit), soit le suffixe /(/ (r ou re à l’écrit), soit le suffixe /i(/ (ir) ou encore /wa(/ (oir). (Exemples: parler : /pa(l/ + /e/; ou croire : /k(wa/ +/(/, offrir : /(f(/ + /i(/, devoir : /(((/ + /(((/). On peut cependant s’appuyer sur l’identité partielle de cette série avec celle des allomorphes des suffixes /(/ (r), (((( (er), /i(/ (ir)(, /d(( (dr) , /((( (tr) que l’analyse permet de découper au futur et au conditionnel, pour avancer l’hypothèse que les suffixes de l’infinitif, du futur et du conditionnel sont allomorphes.
Pour autant, ce qui nous semble, à l’inverse, établi, c’est que le conditionnel ne se différencie pas du futur par l’ajout d’un suffixe de l’imparfait mais bien par l’opposition entre deux séries de suffixes dont certains allomorphes au futur ne sont matérialisés que par l’absence significative d’un suffixe qui apparaît au conditionnel.

2-1-4-1 La distribution des zéros

A cette étape de l’analyse apparaît donc ce bilan morphologique qui permet de transcrire l’ensemble des suffixes :
à l’oral :
PersonneBasesuff. 1suff. 2PersonnejeXØ/rØ/ai/aie,s,x,ØtuXØ/rØ/ai/aes,s,xilXØ/rØ/ai/ae,t,ØnousXØ/rØ/i/â (Ø)ons,mesvousXØ/rØ/i/â (Ø)ez, tesilsXØ/rØ/ai/è (Ø)ent,rent,ontà l’écrit :

PersonneBasesuff.1 suff. 2Personne((xØ/(Ø/(/(ØtyxØ/(Ø/(/aØil xØ/(Ø/(/aØnuxØ/(Ø/j/a (Ø)((, mvuxØ/(Ø/j/a (Ø)e, milxØ/(Ø/(/((Ø)Ø/(/((
Cette présentation de la suffixation met au jour la présence d’opposition à trois termes dans le tableau, le présent/l’imparfait/le passé simple - dont on peut résumer les paradigmes sous cette forme, par convention : [Ø/(ai/a)]. Le présent, qui est représenté dans ce tableau par trois Ø, s’oppose à l’imparfait et au passé simple qui, eux mêmes, s’opposent entre eux. Aussi, le présent n’entre-t-il pas dans l’opposition ai/a. Son Ø ne s’oppose pas à ai ou à a, il s’oppose à l’opposition ai/a. C’est ainsi que l’on peut désigner ce morphème par [Ø/(ai/a)].
Mais le premier Ø du présent, qui s’oppose au R du futur et du conditionnel, entre, comme le second zéro dans une opposition avec les quatre autres temps. En effet, s’il est matériellement le même que le Ø du passé simple et de l’imparfait, il n’est pas le même morphologiquement. En effet, il n’entre pas dans la même distribution. Le Ø du présent entre en distribution avec un autre Ø. Le Ø du passé simple et de l’imparfait entre en distribution avec un morphème ai/a. On ne peut donc pas dire, par exemple, que le présent, le passé simple et l’imparfait s’opposent au futur et au conditionnel par un morphème Ø/R. Le futur et le conditionnel s’opposent, d’une part, au passé simple et à l’imparfait sur la présence ou l’absence du R, qu’on notera (R et d’autre part au présent. Le Ø du présent est d’un autre ordre. Il s’oppose donc à l’opposition (R
Le morphème peut donc se noter [Ø/((R)] pour rendre compte de cette opposition à deux étages.
Par sa distribution, le présent s’oppose donc aux quatre autres formes verbales.
PrésentImparfaitPassé simpleConditionnelFutur[Ø / ((R)]Ø__++[Ø/(ai/a)]Øaiaaia
L’opposition ai/a qui différencie l’imparfait du passé simple et le conditionnel du futur et l’opposition (R qui différencie l’imparfait du conditionnel et le futur du passé simple sont subsumées par une autre opposition à un Ø qui distingue le présent des autres formes verbales.

« Mais on n'a pas encore acquis la force de sagesse qu'il faudrait pour s'arrêter pile sur la route du temps et puis d'abord si on s'arrêtait on ne saurait quoi faire non plus sans cette folie d'avancer qui vous possède et qu'on admire depuis toute sa jeunesse. » Céline, Voyage au bout de la nuit.
3- Bilan et perspectives

Au total, la double analyse par opposition et par différenciation que nous avons effectuée autorise à proposer l’existence d’un morphème dénoté par l’opposition : [Ø /((R)], et suggère qu'existent trois morphèmes de flexion :
un premier morphème de flexion dénoté par l'opposition à double étage [Ø /((R)] : Ø pour le présent, -R pour l'imparfait et le passé simple et +R (ou ses allomorphes : /(/, r dans /(((((((((, je finirai, ((((, er dans /(((((((((/, je garderai, /i(/, ir dans /((((((((((, je dormirai, /d((, dr dans /(((((((((/, je viendrai, /(((, tr dans /(((((((((( je paraîtrai) pour le futur et le conditionnel. Le +R pouvant également être postulé à l’infinitif.
un second morphème qu’on notera [Ø/(ai/a)] mis en évidence par un Ø s’opposant à deux séries d'opposition : l'absence significative du présent alterne avec deux séries exclusives l'une de l'autre : /(, j/ et /(, a, Ø/.
enfin, un troisième élément, fragment du morphème de personne.

Le présent se caractérisant par deux zéros qui subsument les oppositions relevées, il s’oppose en bloc aux quatre autres formes verbales. On peut le formaliser par ce schéma :
Ø (R+R-Rai/aafutur passé simpleaiconditionnelimparfaitØPrésentInfinitif

Ou si l’on préfère par la présentation linéaire et schématisée d’une forme verbale de l’indicatif :
tu + base + Ø + Ø + (es, s, x)
( R ai/a



3-1- De la nécessité de réinvestir en sens cette analyse morphologique :


L’analyse formelle originale que nous avons opérée conduit à la nécessité de réexaminer en fonction de cet éclairage les analyses sémantiques du futur et du conditionnel qui ont été posées jusqu’à aujourd’hui. En effet, comme le souligne cette citation de Dendale qui figure en exergue d’un recueil d’études sur le conditionnel, le rapport sémantique entre futur et conditionnel est établi aujourd’hui en fonction d’une analyse morphologique qui n’est jamais revisitée et qui semble être devenue un lieu commun :
« La recherche de l’invariant sémantique est fondée sur le principe de correspondance « une forme, un sens » et sur la conviction que les effets de sens d’une forme naissent de l’interaction du sens unique avec les éléments du contexte […]. Appliqué au conditionnel, ce principe incite à chercher un sens unique, stable, au morphème –rais, morphème composé – comme on sait – qui intègre les morphèmes de l’imparfait et du futur. »
Partant de cette définition, il s’agit, pour de nombreux auteurs, de comprendre en quoi le morphème –rais dénote du futur et de l’imparfait, c’est-à-dire en quoi le conditionnel cumule le morphème –réputé unique- du futur et celui de l’imparfait.
Wilmet, quant à lui, dans son article « L’architectonique du conditionnel » montre bien que cette figure de l’ajout du trait sémantique –réputé unique- du futur à celui de l’imparfait conduit à une impasse de l’interprétation car l’aspect du passé simple qu’il reconnaît dans le futur, à la suite de l’analyse symétrique de Guillaume, entre en opposition avec l’aspect de l’imparfait. Les réunir dans le conditionnel correspond alors à l’alliage du feu et de l’eau :
« Les indices [((], [(( ((], [(((] ne sont d’aucun secours [pour déterminer l’aspect du conditionnel], car ils laissent ouverte l’alternative d’un aspect global (celui du FUT et de l’infixe –r-) ou d’un aspect sécant (celui de l’IMP et des désinences –ais, -ais, -ait, -ions, -iez, -aient). » 
Mais il résout pour sa part la contradiction en proposant de démontrer la «neutralisation des deux aspects mutuellement exclusifs » :
« La résolution exige que l’on démontre (1) l’inadaptation du COND à l’aspect global pur de tout mélange d’aspect sécant (en excipant p. ex. de disparités avec le PAS), (2) sa réceptivité à l’aspect sécant (en soulignant par ex. des similitudes avec l’IMP). »
Cependant, la reconnaissance de deux valeurs différentes au futur, dénotées par les deux morphèmes +R et a/ai que nous avons mis au jour, permet l’économie de cette contradiction et de sa résolution puisque les deux valeurs opposées, aspect global et aspect sécant, si l’on veut reprendre la terminologie et l’analyse de Wilmet, ne sont pas en co-présence dans le conditionnel, ce dernier ne partageant avec le futur que le réinvestissement sémantique du +R et s’opposant à lui sur le réinvestissement sémantique du a/ai - trait sémantique de l’aspect global s’opposant au trait sémantique de l’aspect sécant-, nous y reviendrons.
La divergence d’analyse morphologique que nous avons présentée ne peut que conduire à une divergence d’analyse sémantique. En effet, le rapport qu’entretiennent futur et conditionnel, n’est pas un rapport d’ajout d’une valeur – celle de l’imparfait-, mais une relation d’opposition ; il correspond à un trait sémantique dénoté par l’opposition ai/ a dont nous postulons qu’il correspond aussi à l’opposition imparfait/passé simple.
Inversement, il faut s’interroger sur le rapport entre l’imparfait et le conditionnel. Là encore, le conditionnel n’est pas le fruit de l’addition d’un trait sémantique –celui du futur-, à celui de l’imparfait. Il entretient avec l’imparfait une relation d’opposition dénotée par celle qui oppose le R, qu’il partage avec le futur, et l’absence significative de R propre aux trois autres temps de l’indicatif.
Mais c’est sans doute le futur qui apparaît comme un abîme dans cette nouvelle analyse. On peut (à tort) avoir le sentiment que rien n’a changé pour le conditionnel qui combinait déjà deux traits sémantiques –ceux du futur et de l’imparfait. La différence qu’on propose ici, une combinaison d’un trait sémantique de l’imparfait et de « quelque chose du futur » peut sembler minime sauf quand on songe qu’on ne sait plus rien du futur qui apparaît non plus comme un temps à valeur unique, bien délimitée ( ?) mais comme une combinaison de deux valeurs qui, dès lors, apparaissent comme de complètes inconnues.
Si l’on pose l’hypothèse – comme Guillaume – que le morphème a du futur correspond à celui du passé simple, l’opposition du morphème a du futur au morphème ai du conditionnel se rapportant alors à celle du passé simple et de l’imparfait, les analyses qui ont pu être effectuées sur l’imparfait demandent alors à être réexaminées dans le cadre de son opposition avec ce morphème a. Car, si l’on retient cette hypothèse, comment ensuite prendre en compte le (R avec lequel se combine le ai/a  ? Parmi les analyses effectuées de l’imparfait et du passé simple, il devient nécessaire de déterminer celles qui sont susceptibles d’être transposées à l’analyse du futur et du conditionnel.
Dès lors, la question centrale qui se pose est bien celle qu’avait déjà posée, dans son temps, Imbs : « Que signifie ce R propre au futur et au conditionnel ? », question qui renvoie dans le système à ce qui est commun sémantiquement au futur et au conditionnel mais aussi à ce qui les différencie, ensemble, des autres temps simples de l’indicatif, présent, imparfait, passé simple.
Replacer futur, imparfait et conditionnel, non plus en termes de complémentarité mais en termes d’opposition conduit à repenser non seulement ces formes verbales mais aussi tout le réseau d’opposition dans lequel elles se trouvent, qui constitue le système verbal.


3-2- De la difficulté de prendre en compte les implications sémantiques d’une analyse morphologique qui pose deux morphèmes

Le fait de reconnaître l’opposition (R pose d’emblée un certain nombre de difficultés qui peuvent sembler insurmontables. On s’aperçoit rapidement que le conditionnel et le futur deviennent inclassables.
En effet, si l’on opte pour le classement généralement admis aujourd’hui qui conserve ces deux formes dans l’indicatif, on ne peut plus mettre sur le même plan d'analyse toutes les formes verbales de l'indicatif puisque deux morphèmes entrent en jeu : le futur, par exemple, s'oppose au présent selon deux modalités différentes, contrairement au passé simple et à l'imparfait qui ne s'opposent à lui que sur un morphème. On est alors amené à créer une ligne de partage supplémentaire à l’intérieur de l’indicatif. Cette ligne de partage correspond certes à des analyses déjà établies comme celle de Maingueneau qui souligne sur le plan sémantique l’absence de symétrie entre temps du passé et temps du futur :
« Le présent ne constitue pas […] une sorte d’ « axe de symétrie » temporel, comme si le passé était au présent ce que le futur est à ce même présent. Il serait faux de penser que la seule différence entre passé linguistique et futur linguistique est que le premier suppose un regard rétrospectif et le second un regard tourné vers l’avenir, en admettant implicitement que l’énonciateur a la même attitude à l’égard du passé et du futur et que son activité se borne à « situer » des énoncés dans le temps. La linguistique générale enseigne un fait révélateur à ce sujet : si, en règle générale, les différentes langues possèdent un passé, il est en revanche très fréquent que le futur soit marqué par des combinaisons du type (Présent + adverbe de temps) ou (vouloir, devoir,… + verbe à l’infinitif) et non par des « temps » spécifiques. Cette dissymétrie est significative : les faits révolus ne sauraient posséder le même statut pour un énonciateur que ceux à venir, lesquels n’existent en fait que comme le terme d’une tension de l’énonciateur à partir de son présent. Si le passé est par définition coupé du présent de l’énonciateur, le futur n’est supporté que par lui. Pour les événements passés, l’important c’est de déterminer comment ils ont eu lieu, (problème d’aspect) alors que pour les faits futurs l’essentiel est de savoir s’ils auront lieu ou non, de quelle manière l’énonciateur les pose (problème de modalité). »
Pour autant, cette ligne de partage ne correspond à rien de connu : s’inscrivant à l’intérieur d’un « mode », elle ne peut être un « mode », mais elle ne peut non plus être un « temps » déjà dénoté classiquement par l’opposition ai/a.
De plus, si l’on considère exacte l’hypothèse selon laquelle l’infinitif partagerait avec le futur et le conditionnel le morphème R, on voit mal comment adjoindre l’infinitif au sein de l’indicatif, du fait de l’absence de variation de cette forme.
Sur le plan sémantique, par ailleurs, certains linguistes comme Tassie refusent de classer le conditionnel parmi les temps de l’indicatif du fait des sens qu’il prend en emploi. Ce dernier soutient la thèse d’un conditionnel modal dans tous les cas de figure.
Si on joint cette résistance à un certain « brouillage » de l’analyse sémantique du futur et du conditionnel qui fait que les linguistes sont nombreux à détailler les valeurs modales et temporelles du futur et du conditionnel, et au constat chez certains auteurs d’un futur à valeur typiquement modal comme chez Maingueneau dans son ouvrage déjà cité :
 « La morphologie montre bien que le futur est le résultat de visées de l’énonciateur à partir de son présent.
Dans ces conditions, il n’est pas possible d’adopter la démarche de beaucoup de grammaires traditionnelles qui, après avoir défini la valeur déictique du FS, ajoutent quelques paragraphes consacrés à ses « valeurs modales ». En réalité, on ne doit pas considérer ces valeurs modales comme des emplois périphériques mais poser dès le départ qu’elles relèvent de plein droit du fonctionnement du futur et que ce sont plutôt les emplois non-modaux, « neutres » qui sont périphériques. Enoncer au futur, ce n’est pas situer un événement dans l’avenir, c’est désirer, ordonner, craindre, etc. Seule une vision réductrice du langage qui en fait un simple véhicule d’informations permet de rejeter dans les marges ce qui est en réalité l’essence même du futur : la tension modale. »
si l’on joint ces remarques sémantiques enfin à notre analyse formelle, on pourrait être conduit à remettre en cause les classements récents qui intègrent le conditionnel à l’indicatif du fait de sa proximité morphologique avec le futur et de sa valeur « futur  dans le passé» du discours indirect sans toutefois interroger l'homogénéité de l'indicatif.
Le morphème dénoté par l’opposition R/ Ø qui se combine, entre autre, avec un morphème dit de temps, serait-il un morphème de mode qui amènerait à exclure futur et conditionnel de l'indicatif pour constituer un nouveau mode dont le R serait la marque ?
Cette hypothèse n’est pas sans rappeler celle d’Yvon qui, relançant le débat multiséculaire sur le statut modal ou temporel du conditionnel, a proposé une solution originale qui consistait, au lieu d’adjoindre le conditionnel au futur dans le sein de l’indicatif, d’adjoindre le futur au conditionnel dans le cadre d’un mode suppositif qu’il qualifie de « voisin du subjonctif ».
Il se basait pour cela sur les rapprochements morphologiques, syntaxiques et étymologiques qu’on peut établir entre futur et conditionnel mais aussi sur les analyses sémantiques de Guillaume et en particulier sur la charge hypothétique qu’il reconnaît au futur :
« Le futur est essentiellement un temps qu’on ne tient pas encore, qu’on imagine. Il emporte ainsi avec soi une part d’hypothèse inhérente sans laquelle le futur ne serait pas lui-même. Or, de deux choses l’une : ou bien le futur ne porte que la part d’hypothèse inhérente, sans plus, et, dans ce cas, il se tient en incidence, sans décadence au-dessous de lui-même ; ou bien le futur porte une charge d’hypothèse dépassant celle inhérente, et en ce cas, par l’effet d’une surcharge d’hypothèse, il entre en décadence, il descend au-dessous de lui-même.
« Le futur tenu, soutenu en incidence, sur décadence nulle, c’est le futur proprement dit, celui que nous nommons le futur catégorique, et qu’on a, par exemple, dans vous réussirez. Le futur tenu en incidence sur décadence engagée, acceptée, c’est celui que la grammaire traditionnelle nomme conditionnel et que nous nommons futur hypothétique, celui qu’on a dans vous réussiriez. »
Pour Yvon, cette charge d’hypothèse que Guillaume reconnaît au futur catégorique et au futur hypothétique entre en contradiction avec leur classement dans la catégorie guillaumienne in esse, c’est-à-dire dans l’indicatif car ils correspondent à la définition des temps in fieri que fait Guillaume, d’un procès en voie de réalisation, comme les temps du subjonctif :
« L’avenir est du temps qui vient, du temps que l’on imagine, que l’on suppose, il n’est pas : il n’appartient donc pas au temps in esse et les tiroirs verbaux qui l’expriment ne sont pas à leur place au mode indicatif. M. Guillaume a signalé l’effort de la pensée pour réaliser au maximum les événements supposés pour l’avenir : il convient donc de rattacher l’époque future au temps in fieri, et de faire des tiroirs verbaux saurez et sauriez un mode voisin du subjonctif.
L’étiquette qui convient le mieux à ce mode est celle de suppositif, qui en indique la valeur essentielle. Ce qui distingue le saurez du sauriez, c’est la charge d’hypothèse que chacun implique ; on pourrait donc appeler le premier suppositif probable et le second suppositif incertain. »
Cependant, cette hypothèse d’un mode spécifique au futur et au conditionnel fondée sur l’opposition d’un suffixe au zéro pose, elle aussi, un problème logique, comme l’a souligné immédiatement Moignet dans « Pitié pour l’indicatif » :
« Il importe peu, en effet, que d’un point de vue spéculatif l’avenir soit d’une autre nature que le passé et le présent, si la langue, elle, réunit les trois époques dans une construction psychique où la symétrie est rigoureuse. M. G. Guillaume […] a démontré à maintes reprises qu’en français les passés et les futurs se font pendant de façon parfaite par rapport au présent unique ; le mode indicatif, en effet, est une construction à cinq postes :
passé simple futur
présent
imparfait conditionnel

[…] et il nous est imposé de voir les choses ainsi par les données mêmes de la morphologie, qui, dans la catégorie des verbes de beaucoup la plus nombreuse, comporte des correspondances et des oppositions de morphèmes éclairantes

-ai -rai
(zéro)
-ais -rais
et qui, d’ailleurs, souligne, dans l’indicatif, la spécificité des futurs par l’utilisation d’un signe spécial, l’indice –R-. »
Ce que Moignet fait remarquer ici c’est que le futur a parti pris avec le passé simple et le conditionnel avec l’imparfait, dans une symétrie parfaite. Si le rapprochement que la morphologie permet d’opérer entre futur et conditionnel empêche de les disjoindre, celui entre conditionnel et imparfait ou celui entre passé simple et futur devrait de même empêcher de disjoindre futur et passé simple, conditionnel et imparfait. Ces quatre temps ont partie liée.
Il continue en explorant la catégorie de mode, question dont on ne peut faire l’économie, effectivement, si on veut s’interroger sur la pertinence de l’appartenance d’un temps à un mode :
« En fait, c’est hors du domaine des modalités qu’il faut chercher la définition des modes, c’est dans celui de la représentation du temps, qui est à la base de toute la construction linguistique du verbe. »
De plus, cette hypothèse d’un mode « suppositif » se heurte lui aussi au problème de l’infinitif dont le suffixe R pourrait, comme nous l’avons suggéré, à l’instar de Van den Eynde et Blanche-Benveniste, être commun au futur et au conditionnel ? On ne peut, en effet, l’adjoindre à ces deux formes verbales dans un même mode, qu’il soit indicatif ou suppositif, du fait de son absence de marque personnelle qui en font une forme figée.
« cherchant à me rappeler depuis combien de temps nous étions dans ce train un jour et une nuit ou une nuit un jour et une nuit mais cela n'avait aucun sens le temps n'existe pas. » C. SIMON, La Route des Flandres
3-3- Une interrogation plus générale sur la validité des classifications habituelles.

Ces questionnements, apparemment sans issue, nous amènent à réinterroger l’hermétisme des catégories du classement traditionnel. Le terme de « tiroir verbal » proposé par Damourette et Pichon est significatif d’une organisation stratifiée et figée. Or, l’éventualité d’intersections entre catégories conduit à imaginer un système des temps plus dynamique où les formes verbales résulteraient de combinaisons non-limitatives de suffixes, où les catégories ne seraient plus emboîtées les unes dans les autres mais entreraient en combinaison.
Dans ce cadre, le trait résultant du réinvestissement sémantique de l’opposition ±R se combinerait à celui de l’opposition a/ai, et au trait sémantique de la personne. S’il s’agit d’une valeur modale, dont il faudrait d’ailleurs alors examiner l’équivalence au subjonctif, il ne s’agit pas d’un concept englobant mais combinatoire, c’est pourquoi la notion de « mode » mériterait d’être réinterrogée dans ce cadre. On peut aussi penser qu’il s’agit de combinatoire de concepts qui entrent en jeu avec ceux de procès et de personne.
L’examen du réinvestissement sémantique des oppositions que nous avons mises au jour ou dont nous avons posé l’hypothèse devrait nous permettre de mieux appréhender ce système de combinatoires dont nous postulons l’existence.




Deuxième partie : Analyse sémantique

  « … le monde arrêté figé s’effritant se dépiautant s’écroulant peu à peu par morceaux comme une bâtisse abandonnée, inutilisable, livrée à l’incohérent, nonchalant, impersonnel et destructeur travail du temps. » C. Simon, La Route des Flandres
1 Préalables à l’analyse sémantique

L’analyse sémantique que nous allons mener ne s’appuie pas sur un modèle théorique préalablement établi mais sur la mise à l’épreuve des descriptions existantes au filtre de notre analyse formelle. Dans le va-et-vient empirique entre les différentes analyses et notre propre réflexion s’est façonné peu à peu un outillage conceptuel qui nous a permis de donner sens à la combinatoire d’oppositions formelles que nous avions dégagée.
Un principe fondamental nous a permis de baliser le cheminement de notre réflexion : la situation d’énoncé est inséparable de l’objet dans la désignation.
1-1 Désignation et situation d’énoncé

Notre analyse se bornera à l’étude du langage dans sa fonction de désignation, et non dans sa fonction de communication qui s’inscrit pour nous dans une perspective sociolinguistique. Pour autant, la désignation de l’objet est, pour nous, inséparable de celle de la situation d’énoncé. L’objet, en effet, ne peut être identifié qu’en relation avec les paramètres de la situation d’énoncé qui sont convoqués dans l’énoncé. Nous entendons, par situation d’énoncé, non seulement les paramètres de la situation où l’acte de langage est produit (je, ici, maintenant) mais aussi le contexte linguistique auquel il réfère. Comme le précise Allaire à propos des « circonstances énonciatives » :
« S’il faut reprendre ce terme passe-partout lors même qu’il isole arbitrairement, dans la saisie des processus rhétoriques, le texte du hors-texte. A nos yeux, [investir en sens un énoncé…] consiste, nécessairement, à le mettre en rapport soit avec un élément du contexte, phrastique ou non, soit avec un élément du « réel », en d’autres mots à dire le monde, que ce monde soit déjà verbalisé ou non. Nulle raison donc, dans l’étude de la visée du dire, de privilégier le réel, et la référence au réel, comme le veut la pragmatique, ou tout au contraire les mots et la référence au contexte (immédiat) comme le voulait la tradition en construisant une grammaire de la phrase. Quel que soit son point d’ancrage, c’est toujours, dans l’opération d’investissement, de référence qu’il s’agit. »
Il sera donc nécessaire de prendre en compte cette situation d’énoncé dans le réinvestissement sémantique des formes verbales. Que signifie la situation d’énoncé quand l’énoncé est constitué d’un verbe ? Quels sont l’objet et les paramètres de la situation d’énoncé désignés par un énoncé verbal ?
1-2 Réflexion sur la notion de procès

Si l’on interroge les linguistes sur ce qui fait la spécificité du verbe, on rencontre des réponses fort divergentes. Ainsi, chez les guillaumiens, c’est le temps qui est spécifique au verbe :
« Le propre du verbe est d’être sous-tendu de temps. » 
Chez Benveniste, à l’inverse, l’accent est mis sur la personne :
« Le verbe est, avec le pronom, la seule espèce de mots qui soit soumise à la catégorie de la personne. »
Rémi-Giraud, en s’appuyant sur l’importance donnée à la personne dans le verbe par Benveniste, remarque, elle aussi, que les formes verbales personnelles contiennent une référence à la « situation d’énonciation » :
« Comme on le sait le verbe s’accorde en personne (et en nombre) avec son sujet, c’est-à-dire que la personne représente la réinscription, au niveau de la forme verbale, d’une catégorie appartenant au constituant nominal en fonction sujet. Or le fait de considérer un constituant nominal sous l’angle de la personne, c’est-à-dire de l’introduire dans un système qui distingue le locuteur (première personne), l’auditeur (deuxième personne) et « [la] personne ou [la] chose autre que l’auditeur » (troisième personne), revient à identifier le référent de ce constituant nominal comme un « acteur » de la communication et donc à le situer dans le cadre fourni par la situation d’énonciation. On peut donc dire que les formes verbales personnelles sont des formes qui, à la différence des formes verbales non personnelles, contiennent une référence à la situation d’énonciation. »
On peut en effet souligner que je, tu, il ne prennent de sens qu’en référence à un je de la situation d’énoncé et qu’ainsi la forme verbale qui, morphologiquement porte la marque discontinue de la personne, subit dans le procédé de réinvestissement sémantique le même processus de référenciation à la conjoncture qui est plus large que le simple « objet » à dire. Mais cette définition des rapports entre une situation d’énonciation et la conjugaison des verbes à une forme personnelle pose un problème pour ce qui est du statut des modes dits impersonnels, l’infinitif et le participe, problème qui se pose aussi d’ailleurs pour les tenants d’une définition temporelle du verbe. On sait que Guillaume fait de l’infinitif et du participe des modes quasi-nominaux pour échapper à cet écueil. De son côté, Rémy-Giraud est conduite à introduire, d’une manière un peu artificielle, le trait de « dynamisme » pour qualifier le procès verbal, de façon à distinguer l’information véhiculée par le nom et celle véhiculée par l’infinitif qui tous deux peuvent renvoyer à un procès.
Il nous semble qu’interroger l’opposition morphologique entre verbe et nom peut nous éclairer dans cette analyse.
Sur le plan morphologique, ce n’est pas le lexème qui permet de catégoriser un verbe, car ce lexème ne lui est pas spécifique mais peut être isolé aussi bien dans le nom, l’adjectif ou l’adverbe. Ex : je porte - la porte.
Il s’agit donc de prendre en compte l’ensemble du paradigme verbal. Ainsi, sur le plan morphologique, c’est la combinaison de morphèmes spécifiques avec un lexème qui permet de catégoriser le verbe par rapport à un nom : morphèmes de personne (je, me, lui…), morphèmes dits « de temps » (ai, a…), etc.
Sur le plan sémantique, si on appelle procès l’objet désigné par le verbe, on constate que le procès, terme englobant une action ou un état, peut tout aussi bien être désigné par un verbe que par un nom. Je choisis ou mon choix réfèrent tous deux au même objet de l’énoncé que nous appelons procès. On peut dire que ces deux énoncés sont synonymes. Mais pour désigner la même réalité, le locuteur choisit des biais différents dans la mesure où mon et je entrent dans des listes d’opposition différentes, dans la mesure aussi où je choisis peut être opposé à je choisissais, par exemple. La différence entre le verbe et le nom, c’est que le locuteur peut choisir quand il désigne un procès dans une situation d’énoncé soit de combiner les sèmes lexicaux du procès avec des morphèmes nominaux, soit de les combiner avec des morphèmes verbaux ce qui lui permet, pensons-nous, de désigner des aspects différents de la conjoncture. Le déterminant nominal permet de dire par exemple, par l’opposition un choix/le choix si le procès est identifié ou non. Mon choix permet de référer le procès directement au locuteur par rapport à le choix. Il semble bien que la sélection du nom mon choix ne permette pas de combiner un trait sémantique avec le maintenant de la situation d’énoncé, de situer le procès par rapport au moment de l’énoncé, ce que permet le choix du verbe : je choisis permet de dire, par exemple, en opposition avec je choisissais, que le procès se déroule en coïncidence avec le moment de l’énoncé. Je choisis, en opposition avec tu choisis, que le sujet du procès est identifiable avec le locuteur de l’énoncé. Quelle que soit la personne déterminant le verbe, elle identifie le procès selon la relation qu’elle entretient avec le locuteur. Je choisis identifie un autre choix –c’est-à-dire un autre procès- que celui de tu choisis. Ici, tu est un corrolaire de je. Il n’a de sens qu’en fonction du locuteur. Mais il en est de même de il, qui prend sens par opposition avec je, c’est un non-je. Le procès désigné par un verbe personnel est donc identifié par référence au locuteur et à son univers. Le procès est identifié également par la façon dont il réfère au moment du locuteur. Le choix que je désigne par je choisis n’est peut-être pas le même que celui que je désigne par je choisissais. Le locuteur cherche donc à rendre le procès identifiable par le rapport qu’il pose avec des paramètres de la situation d’énoncé : locuteur, moment de l’énoncé.
C’est ainsi que, quand un locuteur emploie un verbe conjugué, il désigne un procès, c’est-à-dire non seulement une action -ou un état- mais une action qui est identifiée par son agent, par le moment où elle est effectuée, autant d’éléments qui ne prennent de sens que dans leur rapport à l’univers du locuteur, à la situation d’énoncé que le verbe conjugué désigne en même temps. Le procès, son agent et sa durée interne, un moi-ici-maintenant, tout se cristallise, se combine dans cette visée sémantique, dans cette visée d’adéquation au réel, pour causer le monde. C’est ainsi que le terme « procès » employé alors, recouvre ce qu’on pourrait appeler tout aussi bien « l’univers du procès », ensemble de paramètres par lesquels on peut l’identifier et qui prennent sens en référence avec les paramètres de la situation d’énoncé.
Ainsi un énoncé verbal renvoie-t-il non seulement à un procès mais à la situation d’énoncé. Enoncer un verbe n’est pas désigner un « objet temporel en soi» mais désigner en même temps qu’un procès un  maintenant de l’énoncé et un je de l’énoncé avec lequel se combinent les traits sémantiques spécifiques au verbe. Ainsi, dans un énoncé verbal, la référence à un moi-ici-maintenant déborde-t-elle le simple problème du temps tel qu’on l’imagine couramment : on circonscrit souvent le verbe à la notion de temporalité, à la coïncidence ou à la non-coïncidence du procès avec le maintenant de l’énonciation considérée de façon extérieure à l’énoncé, alors que cette notion temporelle n’est qu’un élément de la situation d’énoncé et qu’elle est désignée dans l’énoncé. En réalité, énoncer un verbe, c’est désigner l’accomplissement d’un procès et la situation d’énoncé tout à la fois. Si ce qui différencie le verbe du nom, c’est le rapport au temps toujours énoncé dans l’énoncé verbal, ce rapport au temps est un des paramètres de la situation d’énoncé. Temps et personne sont intriqués dans la désignation de l’énoncé verbal.
La limite d’une telle analyse peut apparaître dans le fait que l’on s’appuie sur les formes personnelles pour définir le verbe, évacuant l’infinitif et le participe dont le statut peut alors sembler problématique. Pourtant, il faut considérer que la place de la personne et du temps y est figurée par un vide du fait de l’opposition possible avec les formes personnelles. Sur le plan sémantique, ce vide est réinvestissable en fonction du contexte, ce qui signifie que le procès désigné par un verbe à l’infinitif ou au participe est identifié lui aussi en fonction de l’univers du locuteur même si l’identification n’en est pas aussi directe. Comme l’a bien montré Allaire dans son article « L’infinitif a-t-il un sujet ?», le fait que le verbe subisse un blocage des personnes et de temps à l’infinitif n’empêche pas, sur le plan sémantique, la référence à la situation de l’énoncé. Seulement, ce blocage indique que le rapport entre situation d’énoncé et procès n’est pas contraint par la morphologie, il est laissé libre à l’interprétation selon un contexte qui peut être plus ou moins large. C’est pourquoi le statut des formes verbales impersonnelles n’est pas si problématique qu’on veut le croire ; si l’on prend en compte leur fonctionnement particulier, ils permettent, par d’autres biais que les verbes personnels d’identifier un procès en fonction des paramètres de la situation d’énoncé.
Parmi les traits sémantiques d’un procès, il sera souvent nécessaire de prendre en compte sa durée interne impliquée lexicalement par la notion de procès, ainsi que le sujet sémantique du procès ou actant qui est désigné dans sa référence à la situation d’énoncé. On peut, par ailleurs, attribuer d’autres traits lexicaux aux procès. L’opposition lexicale perfectif/imperfectif nous paraît la plus pertinente dans les imbrications avec les traits sémantiques et en particulier avec l’aspect accompli. Mais de nombreuses autres oppositions lexicales ont pu être relevées. Notre analyse d’un énoncé verbal prendra en compte la combinaison de ces traits avec ceux qui correspondent au réinvestissement sémantique des sèmes grammaticaux mis au jour.
Nous nous proposons d’essayer de circonscrire les concepts à l’œuvre dans les énoncés verbaux au futur et au conditionnel, ce qui implique de les circonscrire préalablement dans l’imparfait et le passé simple. Nous avons choisi d’élaborer notre corpus à partir du premier roman de Louis-Ferdinand Céline : Voyage au bout de la nuit auquel nous joindrons des énoncés extraits de journaux ou de la vie quotidienne ou des exemples des grammaires.
Le choix d’une œuvre littéraire pour établir un corpus d’énoncé peut sembler contestable au premier abord, dans la mesure où c’est un rapport singulier au langage qui fait de chaque écrivain, un écrivain. Ainsi constaterons-nous que certains emplois des temps relèvent de la langue de Céline dans ce qu’elle de plus originale. Dès lors, il ne s’agit plus de l’analyse du français mais d’une langue au sens littéraire.
Pourtant, il nous semble précieux d’interroger les écrivains qui sont, au même titre que les linguistes, des spécialistes de la langue qu’ils travaillent, eux aussi, en profondeur. S’il leur est possible de faire un usage singulier de la langue, c’est bien parce qu’ils ont conscience de ses possibilités, des écarts qu’on peut produire par rapport à la norme, des moyens de l’infléchir en un sens ou un autre pour tenter, encore et toujours, de désigner, par la parole, l’indicible.
Il nous semble donc légitime, à condition de faire la part des choses entre un emploi courant et un emploi propre à l’écrivain, à l’aide d’un autre corpus, d’écouter ce que les écrivains ont à nous dire de la langue et de mettre à l’épreuve de la stylistique les analyses linguistiques que nous pourrons mener.


« Du temps, du passé et du temps encore et puis un moment vint où je subis nombre de chocs et de révulsions nouvelles et puis des secousses plus régulières, celles-là berceuses... couché, je l'étais encore certainement, mais alors sur une matière mouvante.. » Céline, Voyage au bout de la nuit.




2- Signification de l’opposition du R, propre au futur, au conditionnel et à l’infinitif, à son absence, propre à l’imparfait et au passé simple.

A l’orée du réinvestissement sémantique des morphèmes [Ø/(±R)] et [Ø/(ai/a)], on peut se demander par quel biais aborder des « objets » qui se caractérisent par une combinaison d’éléments inconnus, du moins dont nous avons montré que nous ne savions plus rien. Nous avons pris le parti d’examiner d’abord ce qui pouvait différencier le présent des quatre autres « temps » de l’indicatif. Nous distinguerons un premier trait sémantique « (coïncident avec la situation d’énoncé ».
Par la suite, nous chercherons à déterminer quelle valeur permet de réinvestir l’opposition (R opposant le couple (conditionnel-futur) au couple (imparfait-passé simple). Puisque nous postulons que le +R est commun à l’infinitif, nous choisirons le biais de l’analyse de l’infinitif pour appréhender ce concept. Nous distinguerons alors le trait «( potentiel » dont il nous faudra vérifier par la suite s’il peut d’une part, correspondre à la dissociation du trait « non-coïncident à la situation d’énoncé » et d’autre part à l’opposition entre les « temps » dits du « futur » auxquels nous attribuerons le trait « +potentiel » et les « temps » dits du « passé » auxquels nous attribuerons le trait « non-potentiel » ou « avéré ».
Il restera alors à identifier la valeur qui réinvestit l’opposition ai/a. Nous examinerons, à travers sa combinaison avec le « non-potentiel », le sens qu’il peut prendre dans le passé simple et l’imparfait. Après avoir démontré que l’opposition imparfait/passé simple correspondait au concept « (défini », nous verrons comment celui-ci se décline en fonction de la situation d’énoncé à travers différents types d’énoncé.
Il ne restera plus qu’à réinvestir les traits « +potentiel » et « (défini »dans l’analyse du futur et du passé simple.

2-1 Opposition du présent aux autres formes de l’indicatif

Avant d’analyser le réinvestissement sémantique des morphèmes ±R et ai/a, il faut tout d’abord déconstruire ce qui relève dans l’analyse du réinvestissement sémantique de leur opposition avec les zéros du présent. Si nous reprenons le tableau que nous avons élaboré à la fin de la première partie :

PrésentImparfaitPassé simpleConditionnelFutur Ø /((R)Ø--++Ø /(ai/a)Øaiaaia
On peut constater une opposition du présent aux valeurs qui opposent le couple (passé simple, imparfait) au couple (futur, conditionnel) d’une part, et le couple (passé simple, futur) au couple (imparfait, conditionnel) d’autre part. Le présent s’oppose donc à l’ensemble de ces quatre formes verbales selon deux modalités différentes.
Il est difficile de préciser ces modalités à ce stade de l’analyse mais on peut faire deux remarques :
Tout d’abord, si l’imparfait est souvent associé au présent dans les analyses linguistiques, au point que l’imparfait est considéré parfois comme un présent dans le passé, les exemples ne manquent pas qui contredisent ce lien et notent la possible « perfectivité » du présent. Touratier, par exemple, fait la démonstration de son indifférence à l’opposition imparfait/passé simple à partir d’un exemple de Le Cid de Corneille. Il montre, en effet, que le présent de narration peut servir à « trame événementielle », c’est-à-dire à remplacer le passé simple dans certains passages :
« J’en cache les deux tiers, aussitôt qu’arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure,
Brûlant d’impatience autour de moi demeure. »
Mais qu’il est possible aussi de mettre au présent narratif « les subordonnées ou les phrases qui correspondent à des parenthèses narratives », c’est-à-dire les passages qui seraient à l’imparfait, et ce, dans la même tirade de Rodrigue :
« Et je feins hardiment d’avoir reçu de vous
L’ordre qu’on me voit suivre et que je donne à tous.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles. »
Touratier conclut :
« Le présent de narration correspond donc aussi bien à un imparfait qu’à un passé simple ; il nous met ainsi dans une situation comparable à celle de l’allemand par exemple, où le même prétérit est utilisé pour la trame événementielle et pour les parenthèses à cette trame événementielle, et où la distinction entre ces deux rôles dans le récit n’a pas d’expression grammaticale. »
Aussi pouvons-nous penser que l’opposition imparfait-passé simple n’est pas pertinente pour le présent. Le présent serait indifférent à l’opposition ai/a que nous définirons plus précisément par la suite.
La deuxième remarque consiste à dire que si l’on oppose en bloc les quatre autres temps de l’indicatif au présent, leur point commun sur le plan sémantique est de désigner l’accomplissement d’un procès non-coïncident à la situation d’énoncé. Cette absence de coïncidence paraît a priori évidente si on se réfère au moment de l’énoncé –puisque ces formes verbales sont traditionnellement classées comme « passé » et « futur » soit antérieures ou postérieures au moment de l’énoncé. On peut comprendre ainsi la distinction opérée à l’intérieur de ces quatre « temps » par l’opposition (R : les temps –R désigneraient du passé, quand les temps +R désigneraient du futur, l’ensemble désignant une absence de coïncidence avec le moment de l’énoncé. Mais dans la mesure où il y a d’autres paramètres en jeu que le moment dans la situation d’énoncé, puisque nous incluons l’infinitif aux temps +R, cette première distinction entre les formes verbales non-coïncidentes à la situation d’énoncé est toute provisoire. C’est pourquoi nous choisirons la dénomination « (coïncident à la situation d’énoncé », le mot coïncident étant ouvert à d’autres interprétations que l’interprétation temporelle (coïncidence spatiale du puzzle, coïncidence d’idées…). On postulera, inversement, que le présent correspond à une coïncidence entre l’accomplissement du procès et la situation de l’énoncé auquel le procès fait référence.
Ainsi, le présent est une forme verbale qu’il faut différencier totalement des autres formes verbales de l’indicatif. Cette conclusion est riche de potentialités qu’il faudrait explorer plus avant. Ce n’est pas l’objet de notre recherche mais l’on peut signaler, d’une part, les analyses de linguistes comme Touratier qui considèrent que le présent est un « temps » non marqué, qui, comme tel, peut exprimer tous les temps, futur, passé, etc. Dans le cadre de cette analyse, les quatre autres formes verbales seraient marquées. Nous ne suivrons pas Touratier jusque là puisque, nous l’avons dit, nous ne considérons pas le zéro comme une absence de marque mais les conclusions que tire Noreiko de cette théorie nous semble intéressantes :
Noreiko donne des exemples où le présent convient pour exprimer des actions passées ou d’autres situées dans un avenir plus ou moins lointain, des laps de temps plus ou moins longs, des temps ponctuels ou duratifs, des actions uniques ou habituelles. Mais il précise que :
« dans de telles phrases la référence temporelle n’est pas une fonction de la forme verbale, mais de l’expression adverbiale, ou de ce que l’auditeur peut déduire du contexte. […] Le point commun de ces différentes références se trouve dans l’optique que l’énoncé leur impose, et le manque de relief temporel qu’implique cet emploi du présent.
De toutes les observations qu’on peut faire sur l’emploi du temps présent en français, il ressort que celui-ci est un temps non marqué, que sa spécificité est cette absence de référence temporelle. C’est en effet une forme qui ne pose pas de séparation entre le moment de l’énoncé et le moment de l’action. Tout en pouvant se construire avec différents adverbes de temps indiquant les différentes interprétations possibles, la forme verbale par elle-même n’indique pas le jalonnement dans le temps.
De ce fait le temps présent du verbe français convient à l’expression du moment présent, c’est-à-dire, dans les contextes où le moment de l’action et le moment de l’énoncé coïncident. Mais il se prête également au discours qui ne tient pas compte d’une séparation des deux moments, où le locuteur choisit de ne pas se prononcer à ce sujet, du moins dans la forme du verbe. »
L’analyse du présent devrait réussir à délimiter, en effet, ce qui ressortit de sa valeur propre et ce qui ressortit de mises en relation avec des éléments du contexte linguistique, entre autres les adverbes de temps. Ce qui permettrait d’examiner s’il s’agit d’une forme omni-temporelle, d’une forme totalement « neutre », ou d’une forme dont la valeur peut se combiner de façon différente à des valeurs variées qui peuvent sembler antagonistes.
On peut aussi chercher à relier cette représentation du présent à certains concepts philosophiques et en particulier, comme le propose Le Goffic, à la théorie de Minkowski, selon laquelle passé et futur sont « d’une autre contexture » que le présent. Le Goffic déduit les conséquences cette théorie philosophique pour l’analyse linguistique du présent :
« Minkowski nous propose une phénoménologie du temps où seul le présent existe. Le langage qui y correspondrait comporterait au surplus, non pas des « temps du passé et du futur », mais des temps du souvenir et de l’attente, différenciés selon les modalités de leur intégration à notre présent. »
Sans aller plus loin, nous conviendrons que le présent implique une analyse d’un autre ordre que celle des quatre temps qui nous intéressent ici.
2-2 Quel concept dénoté par l’opposition (R se combine avec le concept dénoté ai/a ?

Admettre que le futur et le passé simple partagent un morphème commun, de même que l’imparfait et le conditionnel, n’est pas sans poser des problèmes d’interprétation comme le montre le questionnement de Leeman à l’égard du postulat de Wilmet selon lequel le futur partagerait avec le passé simple l’aspect global. Klum se pose la même question et son impossibilité d’y répondre est symptomatique de la difficulté de ce problème. Après avoir fait un résumé des interprétations parfaitement contradictoires que les linguistes de son temps tirent de la comparaison du futur et du passé simple, Klum fait la description de son propre sentiment dont l’ambivalence est très révélatrice de l’impossibilité de statuer sur l’interprétation durative ou non-durative du futur :
« Comme on le verra, notre position est quelque peu ambivalente au sujet de l’aspect du futur et du conditionnel. On peut dire que par leur valeur structurale fondamentale, […] le futur et le conditionnel sont en principe non-duratifs. Mais à part les « reformulations » qui nous occuperont dans la discussion qui va suivre, il y a d’autres facteurs qui viennent troubler la netteté aspectuelle de ces formes. On pourra invoquer le fait que le futur cumule, pour l’avenir, les fonctions que remplissent, pour le passé, l’imparfait, le passé composé, le passé simple […]Ce qui pourrait bien expliquer l’estompement de la valeur non-durative du futur, c’est sans doute le manque d’un terme oppositionnel caractérisé par l’aspect duratif. Il n’y a que le présent, dans son emploi particulier d’évoquer un avenir généralement lointain, qui puisse constituer une opposition aspectuelle de quelque netteté, mais, même là, on ne sent pas nécessairement l’aspect non-duratif du futur. Pour résumer - et anticiper – disons qu’il y a des indices qui parlent en faveur de l’aspect non-duratif ; mais si la situation structurale […] rend l’aspect univoque, le manque d’un terme oppositionnel et la possibilité d’une « reformulation » vectorielle font de cette série verbale une entité aspectuelle équivoque. Le futur est sans doute le plus souvent non-duratif ; seulement on ne le sent pas nettement. »
On le voit, les positions sont radicalement opposées, entre les tenants d’un « futur duratif » et ceux d’un « futur non-duratif » et Klum hésite à trancher. On s’aperçoit qu’on est très loin d’un consensus comme il peut en exister pour d’autres formes verbales, ce qui ne saurait nous étonner dans la mesure où notre analyse morphologique est différente. La difficulté tient sans doute à la définition de l’aspect duratif mais au fait aussi que la combinaison d’un trait sémantique de l’imparfait et du passé simple avec un trait différent de celui avec lequel il est combiné au futur ou au conditionnel, conduit très certainement à des effets de sens difficilement comparables du trait sémantique commun.
Notre objectif sera donc d’identifier la valeur du morphème (R qui se combine à celle du morphème ai/a, valeur elle-même à redéfinir en tenant compte de cette combinatoire et du fait qu’il est commun à deux oppositions : passé simple/ imparfait d’une part, futur/conditionnel, d’autre part.


2-2-1 Valeur de l’opposition (R

La question du réinvestissement sémantique du (R a déjà été reconnue comme cruciale par certains linguistes :
«C’est un fait dès longtemps reconnu que le « conditionnel » a tantôt une valeur temporelle, tantôt une valeur modale ; nous trouverons la même ambiguïté dans le futur. La question se pose naturellement de savoir laquelle des deux est la valeur fondamentale : la plupart des grammairiens s’accordent pour dire que dans le cas du futur, c’est la valeur temporelle ; quelques-uns cherchent à réunir les valeurs temporelle et modale sous une valeur unique (par exemple un concept logique celui de « probabilité ») leur servant de dénominateur commun. La question serait grandement éclairée si l’on réussissait à élucider la valeur exacte de –r-. »

Déterminer la valeur exacte du morphème (R, c’est déterminer ce qui, commun au futur et au conditionnel, s’oppose au passé simple et à l’imparfait. C’est aussi éventuellement prendre en compte le fait que ce morphème (R puisse être commun également à l’infinitif. Nous nous proposons de partir de l’analyse de l’infinitif pour tenter de circonscrire cette valeur. Cette analyse explorera la question du sujet et du temps de l’infinitif pour montrer que la latitude interprétative de l’infinitif, la potentialité de le relier à la situation d’énoncé est liée non seulement aux vides désignés par les zéros de cette forme verbale mais aussi au +R qui participe, dans la distribution à ce réinvestissement sémantique des zéros. Ce cheminement nous conduira à attribuer la valeur « potentiel » à l’infinitif.


2-2-1-1 L’infinitif : un procès potentiel ?

La particularité de l’infinitif est d’être une variante verbale qui ne dénote ni « temps » au sens traditionnel, ni personne. Morphologiquement, les places de la personne et du « temps » ont pour particularité d’être marquées par un zéro, comme le montre, par exemple, l’opposition du futur et de l’infinitif du verbe prendre :
personnebase ( R« temps »personneInfinitif/ Ø
Øp(((
pren((
dreØ
ØØ /
ØFutur/ ((
tup(((
pren((
dra
aØ /
s

Le verbe à l’infinitif ne désigne pas de sujet par lui-même et donc, ne permet pas à lui seul d’identifier le procès par le rapport posé entre l’agent du procès et le locuteur. Cette forme verbale présente également un zéro au niveau de ce qui est appelé traditionnellement la marque du « temps », c’est-à-dire le morphème ai/a. S’agit-il du même zéro que celui du présent ? On ne peut en être sûr dans la mesure où la distribution du présent est différente. Le Ø/(ai/a) du présent entre en distribution avec un autre Ø qui s’oppose au ( R et avec une marque de la personne. Impossible donc d’opposer ces deux formes verbales par une variation minimale.

personnebase ( R« temps »personneInfinitif/ Ø
Øp(((
pren((
dreØ
ØØ /
ØPrésent/ ((
tup(((
prendØ
ØØ
ØØ /
s
Est-ce donc ce zéro de l’infinitif qui empêche le verbe de désigner une coïncidence ou une absence de coïncidence avec le maintenant de l’énoncé, comme le prétendent certaines descriptions de l’infinitif ? A ce stade de l’analyse, puisque nous n’avons pas mené notre analyse du réinvestissement sémantique du morphème Ø/(ai/a), nous sommes bien en peine de définir ce Ø de l’infinitif. En effet, on peut admettre provisoirement que ce zéro dénote une absence de désignation d’une opposition temporelle. Mais nous avons vu aussi que pour nous le +R renvoyait à une non-coïncidence à la situation de l’énoncé qui pouvait éventuellement se gloser par une « postériorité au moment de l’énoncé » si on sélectionnait le paramètre temporel de la situation d’énoncé. Une valeur temporelle peut apparaître aussi dans la dénotation par le morphème R. Surtout, on peut considérer qu’en absence de marque morphologique de la personne, l’infinitif interdit la désignation d’une référence à un locuteur, et que l’absence de référence au locuteur implique l’absence de référence à toute la situation d’énoncé.
Au total, sélectionner un verbe à l’infinitif, équivaut donc à ne pas désigner, du moins par ce verbe, de situation pour l’opération de référence, puisque le repérage d’un sujet par rapport au locuteur est impossible, et de ce fait, celui du procès par rapport au moment de l’énoncé et même à l’ensemble de la situation d’énoncé. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de situation d’énoncé, bien entendu, ni non plus, qu’il n’y ait pas de relation entre le verbe à l’infinitif et la situation d’énoncé. Seulement, la relation entre la situation d’énoncé et le procès n’est pas exprimée par le verbe mais par d’autres moyens dans l’énoncé. Imbs ne dit d’ailleurs pas autre chose quand il définit le verbe à l’infinitif :
« L’infinitif est la forme que prend le verbe lorsque, pour des raisons d’économie, on peut ou veut faire abstraction des actualisations de la personne, du nombre et, dans une large mesure, du temps du verbe. Mais comme ces déterminations sont toujours nécessaires à la pleine représentation d’un processus verbal, l’infinitif ne peut être employé qu’appuyé sur un verbe dans lequel ces déterminations sont actualisées ou dans un contexte affectif ou expressif qui supplée par le ton (emplois exclamatif et impératif de l’infinitif) à ces actualisations. »
2-2-1-1-1 Le « sujet » de l’infinitif

A défaut de sujet grammatical, l’on peut toujours trouver un sujet logique à l’infinitif, que ce sujet soit lié au verbe à l’infinitif par la syntaxe, c’est le cas dans un exemple comme :
(1)« Elle était forcée de se courber »
où l’infinitif se courber est mis en relation prépositionnelle avec un verbe à la forme personnelle, qu’il soit en simple relation de co-référence avec un élément du contexte linguistique, comme dans :
(2) « Mais alors où aller ? Droit devant moi ? »
où la deuxième interrogation permet de poser pour sujet logique de l’infinitif le je, le narrateur de Voyage au bout de la nuit ou avec du contexte extra-linguistique, comme dans cet exemple, où le soupir du locuteur peut servir à désigner la relation de sujet logique qu’il faut établir entre lui et l’infinitif dormir:
(3) Dormir enfin !
Comme le montre Allaire, en analysant les opérations de réinvestissement sémantique dans des « subordonnées infinitives » restreintes aux systèmes corrélatifs en pour,« l’infinitif est là, toujours gros de sujets éventuels ». Elle insiste, en particulier sur l’impossibilité de restreindre le sens ouvert que proposent les énoncés ambigus tels que celui-ci : « L’état a là un adversaire trop roué pour se mesurer avec lui » où l’on ne se sait pas qui ne peut pas se mesurer avec qui : L’état ? L’adversaire ?
Allaire commente ainsi cet exemple :
« chacun voit bien que le repérage des sujets possibles (soulignons l’adjectif) n’est pas pris en charge par la syntaxe mais assumé entièrement par le descripteur. […] Qu’il n’y ait dans l’énoncé aucune indication permettant de désigner pour l’infinitif tel sujet plutôt que tel autre, mais des virtualités offertes à l’explicitation linguistique, voilà qui constitue à nos yeux le point fondamental. Car, à moins de prendre l’ambiguïté, ou pour mieux dire l’impropriété inhérente à la structure pour un défaut du langage, et d’évacuer le problème de sa constitution en travaillant d’emblée à la réduire, on est tenu de constater que l’activité du sujet parlant ne se déploie dans le cas de l’exemple cité qu’à partir d’une organisation syntaxique où la présence de l’infinitif est source d’ambivalence »; une ambivalence que le subjonctif permet certes de contourner s’il est porteur de son sujet de verbe conjugué : « L’Etat a là un adversaire trop roué pour que cet adversaire se mesure avec lui ». Mais si d’aventure ce sujet n’est pas exprimé devant le subjonctif, il apparaît que le vide de l’anaphorique recrée pour le second membre de la phrase la même ambivalence : « L’Etat a là un adversaire trop roué pour qu’il se mesure avec lui. » Tout est donc bien problème de vide grammatical et de vide établi par la forme dans le modèle qu’elle impose au langage – par la forme, et non par le sujet parlant, locuteur-récepteur-descripteur de l’énoncé. »
Allaire démontre que le sujet de l’infinitif dans les propositions infinitives n’est pas pré-établi par la syntaxe comme le prétendent les grammaires mais libre car il est de l’ordre du réinvestissement sémantique ; « le locuteur qui s’attache à construire, ou plutôt à reconstruire, sélectivement le verbe par rapport à un sujet a toute latitude pour tirer de la conjecture du message les types de sujet qu’elle lui propose » 
Cette description de l’infinitif est confortées par d’autres analyses, comme celle de Rémi-Giraud ou de Riegel, qui récusent également un sujet grammatical de l’infinitif pour le fonder uniquement en sémantique. Rémi-Giraud pose, pour cela, l’hypothèse d’un « actant interne » purement virtuel des formes verbales non personnelles, grammaticalisé par la personne dans les formes verbales personnelles, ce qui lui permet, à sa façon, de rendre compte du « sujet de l’infinitif »:
« L’infinitif en fonction nominale n’est pas mis en relation par le locuteur avec un constituant nominal en position de thème : il ne devient donc pas prédicat d’une proposition infinitive, c’est-à-dire qu’il n’exploite pas la possibilité que lui donne cette structure d’apporter la « complétude discursive » au référent d’un constituant nominal, mis, lui, en situation d’« incomplétude discursive ». Mais il conserve l’actant interne qui s’attache de toute façon à son système aspectuel ; on ne parlera donc pas dans ce cas d’un « sujet », mais seulement d’une « implication actantielle » de l’infinitif. […] Cette hypothèse me permet d’expliquer certaines variations observées lors du processus de co-référenciation, ainsi que les effets de sens qui peuvent en découler. Comme nous l’avons vu, alors que la personne est nécessairement un morphème référentiel, ce qui donne d’ailleurs au verbe son incomplétude morphologique, l’actant interne est purement virtuel, et n’a, par lui-même aucune fonction référentielle. Mais il peut toujours être identifié contextuellement.»
Et Riegel considère que :
« le  sujet [de l’infinitif est] de toute façon inexistant, mais latent et donc récupérable. »
Rémi-Giraud, en posant l’existence d’un actant interne, un sujet purement virtuel qui ne prend de sens que contextuellement, Riegel, en parlant de « sujet latent et donc récupérable» rejoignent Allaire dans son analyse sémantique. En effet, l’ « actant interne » de Rémi-Giraud ou le « sujet latent » de Riegel ne sont autres que la face positive du « vide formalisateur » d’Allaire, vide qui autorise tous les réinvestissements sémantiques :
« Le sujet n’appartient pas à la syntaxe de l’infinitif- lors même qu’il relève de son expansion rhétorique. […] Le linguiste [… peut] lire, dans la réévaluation propositionnelle de l’infinitif, l’œuvre d’un locuteur qui, confronté à l’évidemment formalisateur de la structure syntaxique, et contraint d’en récuser la négativité pour l’adapter au sens à dire est appelé par là même à doter performantiellement l’infinitif d’un sujet qu’instanciellement il n’a pas. »


2-2-1-1-2 Infinitif et temps

Allaire suggère, par ailleurs, et nous la rejoignons là-aussi, que le rapport au temps du procès désigné par un infinitif se fait tout pareillement par co-référence avec des éléments du contexte linguistique ou extralinguistique :
« Soulignons plutôt, concernant l’infinitif, le parallèle qui s’impose entre l’opération qui lui donne un sujet, et celle qui lui attache des valeurs temporelles – valeurs d’emprunt toujours, liées à son environnement, verbal ou non verbal, et toujours explicables par la contestation de ses silences syntaxiques : « C’est, c’était, ce sera, ce serait trop tard pour partir. »
C’est ce que détaille Imbs de son côté en fournissant des exemples pour chaque référence temporelle :
« Dès qu’un mot indique que la phrase a une application actuelle, le champ temporel de l’infinitif se rétrécit. Ce mot peut être un mot à valeur temporelle : « Promets-moi de te coucher ce soir de bonne heure, de te reposer. (F.Carco)
Il peut être aussi un mot à simple valeur démonstrative : 
« C’est à prendre ou à laisser. »
Ou un pronom personnel :
« Causer avec vous me porte malheur, dit Porthos » (Al.Dumas Père)
« Mais il faut m’obéir et ne pas perdre une minute. » (J. Cocteau)
Ou simplement le temps du verbe (par ex. le passé simple, indiquant une action unique) :
« D’écouter les doléances du vieil ouvrier, de le remonter par de bonnes paroles, détourna le cours de ses idées. » (P. et V. Margueritte) »
Il est particulièrement intéressant de constater qu’Imbs prend pour indice de valeur temporelle, non seulement des repères temporels mais tous les paramètres de la situation d’énoncé, ce qui rejoint la notion d’« univers du locuteur » et d’ « univers du procès » que les paramètres déterminent de façon interdépendante.
Imbs ajoute que, quand le contexte ne permet pas d’actualiser l’infinitif, il prend la valeur d’une forme omnitemporelle. Il propose pour exemple des proverbes et des maximes :
« Vouloir, c’est pouvoir.
Partir, c’est mourir un peu.
Regarder l’horizon, c’est regarder loin, mais c’est aussi regarder quelque chose de faux. (J. Renard). »
Dans ce cas, la potentialité d’actualisation du procès à l’infinitif reste ouverte, présenter ces procès comme vrais tout le temps, c’est aussi les présenter comme vrais à chaque moment où on les met en œuvre. On retrouve pour « le temps de l’infinitif » la latitude d’interprétation relevée pour « le sujet de l’infinitif ».

2-2-1-1-3 Valeur de l’infinitif

L’interprétation sémantique de l’infinitif n’est pas contrainte formellement, comme nous venons de le voir.
Autrement dit, par l’opération de réinvestissement sémantique, nous remplissons les zéros exhibés par l’infinitif, zéros qui correspondent à autant de potentialités. C’est bien pourquoi un infinitif n’est pas un nom, sauf si on en fait pleinement un nom en lui attribuant un déterminant, comme dans le parler des Français, par exemple. Pour tous les autres cas, il est aisé de montrer que, quelle que soit la fonction attribuée à un infinitif, il se construit toujours selon le schéma verbal et garde donc sa nature verbale. Ainsi de la « fonction sujet » : « Y aller me coûte », de la « fonction objet » : « Il demande à t’en parler », de la « fonction complément de nom » : « la peur d’en rire » etc. Inversement, un exemple, extrait de Voyage au bout de la nuit de Céline, montre combien le fait de conserver le voisinage de l’adverbe à un nom construit ainsi –par attribution d’un déterminant nominal à un verbe à l’infinitif- frôle la transgression :
« Ils maigrissaient à force de fièvre soutenue par le manger peu, le vomir beaucoup, l’énormément de vin, et le travailler quand même, un jour sur trois à vrai dire. »
Le néologisme tient non seulement au fait de conserver le suffixe de l’infinitif quand existe un nom concurrent (le travail/ le travailler) mais surtout au fait de conserver la relation avec l’adverbe.
Une remarque de Rémi-Giraud qui parle « du sentiment « incontournable » que l’infinitif, s’il est bien en fonction de constituant nominal, ne peut pour autant être assimilé à un nom, et qu’en particulier, à la différence du nom d’action ou d’état, il implique une relation actancielle du même type que celle du verbe avec son sujet » confirme aussi cette séparation entre nom et infinitif.
Les zéros de l’infinitif ne s’opposent pas à une marque de genre ou de nombre comme peuvent le faire les zéros du nom, ils ne sont pas non plus de simples silences, ils s’opposent aux pleins du verbe conjugué, c’est-à-dire aux marques de personne, de « temps », comme le montre le parallèle entre ces tableaux du nom (fig.1) et du verbe (fig.2) :


/(
un ((((((
travailØ/
Ø /(
un ((((((
travaill((
eurØ
Ø
 /((
une ((((((
travaill(z
euseØ
Ø
 /de
des((((((
travaill((
eursØ
s
 Fig.1
/ Ø
Ø((((((
travaille
erØ
ØØ
Ø/ty
tu((((((
travaill((
era
aØ
s Fig.2
Le zéro de la personne désigne donc en creux un sujet potentiel, c’est-à-dire un rapport potentiel avec le locuteur, mais aussi un rapport potentiel du procès avec une situation d’énoncé, un rapport potentiel du procès avec le maintenant du locuteur. C’est grâce au « vide formalisateur » que tous les réinvestissements sémantiques sont autorisés, le blocage du verbe à l’infinitif ouvre tous les possibles pour l’identification du procès en référence à une conjoncture qui sera identifiée. C’est pourquoi le concept de « potentiel » déjà employé par Guillaume nous paraît le terme adéquat pour qualifier sémantiquement le figement du verbe à l’infinitif. Selon ses termes,
« A l’instant initial, la chronogénèse n’a pas encore opéré, elle est seulement en pouvoir d’opérer : l’image-temps saisie sur cet instant de la chronogénèse est le temps in posse (c’est-à-dire une image que la pensée n’a aucunement réalisée, mais qu’elle est néanmoins, en puissance de réaliser). »
Nombreux, d’ailleurs, sont les termes signifiant le « potentiel » chez Allaire, le terme gros dans :
« l’infinitif est là, toujours gros de sujets éventuels » 
le terme riche dans :
« Pour être par rapport au subjonctif grammaticalement privé de « nominatif », l’infinitif n’en est que plus riche de tous les sujets qui peuvent lui advenir dans la conjoncture du message. »
le terme virtualités dans :
« Qu’il n’y ait dans l’énoncé aucune indication permettant de désigner pour l’infinitif tel sujet plutôt que tel autre, mais des virtualités offertes à l’explicitation linguistique, voilà qui constitue à nos yeux le point fondamental. ».
Ce terme est employé aussi par Rémi-Giraud dans l’expression « actant virtuel » et elle insiste par ailleurs sur la subjectivité de l’infinitif « coupé de toute réalité » :
« Au niveau sémantico-pragmatique, on peut dire que l’infinitif se trouve plutôt dans des phrases à modalité « subjective » exprimant le souhait et l’indignation, le doute et la volonté – qui donnent à l’infinitif une valeur modale qui le rapproche respectivement du subjonctif, du conditionnel et de l’impératif. Cela peut s’expliquer par la nature même de l’infinitif qui, posant le procès comme un pur objet de pensée, coupé de toute référence à la réalité, le prête davantage à l’expression des différents mouvements de la subjectivité. »
Si l’on admet que le blocage de l’infinitif désigne une valeur de potentialité, qu’en est-il du R de l’infinitif dans la désignation du potentiel ? Notre analyse morphologique nous interdit d’en faire, à l’instar de Berrendonner par exemple, un suffixe amalgamant une opposition à la personne et au temps des formes finies du verbe. Le R, dans la mesure où il peut se combiner avec a et s, par exemple dans tu parleras n’entre pas en opposition avec les marques du « temps » et de la personne. L’infinitif s’y oppose, nous l’avons vu, par des zéros. On peut penser, à la première réflexion, que ce sont ces zéros de l’infinitif – ou au moins le zéro de personne- et uniquement ces zéros qui dénotent la valeur « potentiel ». Or, la prise en compte non seulement de l’opposition des zéros mais aussi de leur distribution montre qu’il n’en est rien : le +R de l’infinitif participe au blocage du verbe, à son figement.
En effet, formellement, le suffixe R, associé à l’absence significative de déterminant nominal, dénote la catégorie verbale par opposition au nom :
/(
un ((((((
travailØ/
Ø/ Ø
Ø((((((
travaille
erØ
ØØ
Ø
C’est donc ce R qui permet de désigner les zéros qui entrent en distribution avec lui comme des zéros qui s’opposent à des marques de la personne et du « temps » et non à des marques de genre ou de nombre. Nous pouvons donc en conclure que le suffixe R de l’infinitif participe de la désignation du « potentiel ». Combiné avec le lexème et deux zéros, il désigne un procès possible, c’est-à-dire un procès dont l’accomplissement peut être mis en relation avec la situation d’énoncé.

2-2-1-1-4 Quelques exemples d’analyse de l’infinitif

La réduction du potentiel propre à l’infinitif dans le cadre de son réinvestissement sémantique peut être contrainte par la relation syntaxique dans laquelle entre l’infinitif. C’est le cas des formes comme :
(4)  J’aime partir en voyage
où l’infinitif, d’ailleurs obligatoire, ne peut avoir pour sujet logique que je, le sujet grammatical du verbe auquel il est lié. Pour autant, la syntaxe ne contraint pas le sens de façon prévisible, comme le montre cet exemple d’Allaire :
(5) Il est trop tôt pour te baigner 
où elle rappelle que le sujet tu n’est pas le seul concevable. Chaque mise en syntaxe de l’infinitif implique donc un « parcours d’interprétation » qui peut différer pour un même énoncé selon son contexte, donc à fortiori pour une même syntaxe jusqu’à autoriser parfois l’ambiguïté. C’est ce que montre très bien l’article d’Allaire.
D’ailleurs, inversement, le contexte linguistique peut fort bien contraindre l’interprétation en absence de syntaxe. Ainsi l’interrogation où aller dans :
(2bis) « Mais alors, où aller ? »
permet un réinvestissement sémantique du sujet logique en toute liberté, y compris celle d’un sujet général comme l’être humain mais cette latitude est réduite à je par le contexte immédiat qui fait apparaître un moi :
(2) « Mais alors, où aller ? Droit devant moi ? »
On conçoit que l’énoncé suivant aurait pu se décliner en droit devant eux, droit devant nous, droit devant elle, droit devant soi dans des contextes différents.
Ailleurs, l’infinitif dont Rémi-Giraud signale fort justement qu’il « peut produire l’ambiguïté, mais peut aussi favoriser une stratégie discursive fondée sur l’implicite » peut conserver, en contexte une latitude interprétative. Le choix de l’infinitif peut donc être un choix du locuteur de conserver une part d’ambiguïté dans son dire. Ce type de démarche est particulièrement valorisé en littérature et notre corpus est susceptible de nous en fournir de multiples exemples. Nous en analyserons quelques-uns :
Suite à l’attentat raté de Robinson, sa victime, la vieille Henrouille revit :
(5) « Etre vieux, c’est ne plus trouver de rôle ardent à jouer, c’est tomber dans cette insipide relâche où on n’attend plus que la mort. Le goût de vivre lui revenait à la vieille, tout soudain, avec un rôle ardent de revanche. Elle n’en voulait plus mourir du coup, plus du tout. De cette envie de survivre, elle rayonnait, de cette affirmation. Retrouver du feu, un véritable feu dans le drame. »
Retrouver ne se rapporte à rien, syntaxiquement. Pour qu’il se rattache à rayonnait, il faudrait qu’un de lui soit préposé. C’est comme un cri de délivrance et on lui attribuera pour sujet la vieille Henrouille. Mais il peut aussi être une révélation de la part du narrateur à la recherche de la manière de manœuvrer sa propre mort. Comment parvenir au bout de sa vie, au bout de la nuit ? C’est la problématique majeure de ce roman. Ce cri fait pendant à la réflexion de Bardamu à la mort dramatique de Robinson, son double, à la fin du roman :
« j’avais même pas été aussi loin que Robinson moi dans la vie !… J’avais pas réussi en définitive. J’en avais pas acquis moi une seule idée bien solide comme celle qu’il avait eue pour se faire dérouiller. Plus grosse encore une idée que ma grosse tête, plus grosse que toute la peur qui était dedans, une belle idée, magnifique et bien commode pour mourir… Combien il m’en faudrait à moi des vies pour que je m’en fasse ainsi une idée plus forte que tout au monde ?[…] c’était pas à envisager que je parvienne jamais moi, comme Robinson, à me remplir la tête avec une seule idée, mais alors une superbe pensée tout à fait plus forte que la mort et que j’en arrive rien qu’avec mon idée à en juter partout de plaisir, d’insouciance et de courage. Un héros juteux. »
Ainsi, le réinvestissement sémantique « potentiel »de l’infinitif retrouver autorise à construire du lien aussi bien avec la situation d’énoncé inscrite dans la narration, la scène d’imprécations de la vieille Henrouille comme dans une situation d’énoncé plus large : celle du narrateur.
De même, la symétrie de la maxime de Bardamu fait cöincider les deux verbes mourir à l’infinitif et dans son intemporalité renvoie à priori à une généralité qui concerne tous les êtres humains :
(6) « Quand on a pas d’imagination, mourir c’est peu de chose, quand on en a, mourir c’est trop. »
Mais quand on lit les énoncés qui suivent, on est amené à réinvestir en sens ces infinitifs :
« Le colonel n’avait jamais eu d’imagination lui. Tout son malheur à cet homme-là était venu de là, le nôtre surtout. Etais-je donc le seul à avoir l’imagination de la mort dans ce régiment ? Je préférais la mienne de mort, tardive … »
Le premier mourir renvoie dans une interprétation possible au colonel qui vient de mourir d’une attitude follement inconsciente :
« Et je repensais encore au colonel, brave comme il était cet homme-là, avec sa cuirasse, son casque et ses moustaches, on l’aurait montré se promenant comme je l’avais vu moi, sous les balles et les obus, dans un music-hall, c’était un spectacle à remplir l’Alhambra. »
Le second mourir renvoie au personnage-narrateur, à Bardamu, qui a toujours une conscience aiguisée de la mort mais il désigne en même temps tous les soldats entraînés vers la mort par l’absence de conscience de leurs supérieurs, en particulier le messager tué avec lui et qui, lui, avait conscience aiguë du danger :
« arriva vers nous au pas de gymnastique, fourbu, dégingandé, un cavalier à pied (comme on disait alors) avec son casque renversé à la main, comme Bélisaire, et puis tremblant et bien souillé de boue, le visage plus verdâtre encore que celui de l’autre agent de liaison. Il bredouillait et semblait éprouver comme un mal inouï, ce cavalier, à sortir d’un tombeau et qu’il en avait tout mal au cœur. Il n’aimait donc pas les balles ce fantôme lui non plus ? Les prévoyait-il comme moi ? »
Ainsi, le « potentiel » des infinitifs de la maxime (6) « quand on a pas d’imagination, mourir c’est peu de chose, quand on en a, mourir c’est trop » autorise-t-il à relier sémantiquement les verbes mourir soit à la situation très générale de l’être humain dans une parfaite intemporalité comme à la situation très particulière des deux militaires qui viennent d’être fauchés par les tirs adverses, comme, encore, à la situation de Bardamu dans la guerre.
Céline invite le lecteur à faire des rapprochements, à reconstruire le(s) sens de l’infinitif dans ce contexte. De même, l’interprétation de l’énoncé :
(7) « Mais il fallait se méfier… »
qui fait suite au portrait du général des Entrayes est problématique du fait que l’infinitif est pris en charge par une forme impersonnelle :
« On m’envoyait souvent avec cinq hommes, en liaison, aux ordres du général des Entrayes. Ce chef était petit de taille, silencieux, et ne paraissait à première vue, ni cruel, ni héroïque. Mais il fallait se méfier… »
Est-ce Bardamu qui doit se méfier, lui et ses cinq hommes, les soldats en général, le lecteur, de ce premier portrait ? Encore une fois, l’interprétation est ouverte.
Au total, l’analyse de ce petit corpus de Voyage au bout de la nuit montre que le potentiel de l’infinitif, qui correspond à une latitude de la référence à une situation d’énoncé, autorise non seulement le lecteur à rechercher un « sujet logique » ou un « actant virtuel » dans le contexte et à faire son miel de l’ambiguïté possible mais avec le sujet logique, c’est toute une situation qui est convoquée et qui permet d’éclairer le rapport que l’on peut poser entre l’infinitif et la situation d’énoncé.


2-2-1-2 Procès attestés/procès potentiels

En explorant la question du statut du « sujet de l’infinitif » et de son « temps », notre analyse nous a conduit à considérer que le R de l’infinitif participait à la désignation d’un « vide formalisateur » susceptible de se réinvestir librement dans une relation à la situation d’énoncé. Nous avons convenu de désigner cette latitude interprétative qu’autorisait l’infinitif par le trait sémantique « (potentiel ».
Si l’on admet que le +R est commun à la morphologie de l’infinitif, du futur et du conditionnel, on peut postuler que sa présence dans le futur et le conditionnel correspond également à un procès potentiel. Ce rapprochement entre infinitif, futur et conditionnel est présent dans les thèses de Guillaume, comme l’atteste Curat, même si elle ne se base pas sur une identité morphologique :
« Que les –r- du futur et du conditionnel ne soient pas le –r- de l’infinitif n’en fait pas pour autant de simples morphèmes homonymes. Guillaume voit l’indice d’une parenté sémantique dans le fait que l’infinitif est la forme potentielle du quasi-nominal, que le conditionnel traite d’événements dont la réalisation est hypothéquée, aléatoire, et que le futur parle de procès encore à venir, c’est-à-dire, toujours, incertains. Le morphème r marquerait cette incertitude.
La profonde parenté sémiologique entre futur et conditionnel ne saurait donc être accidentelle. Son absolue cohérence – elle ne souffre aucune exception, alors que la sémiologie est, par essence, le domaine des exceptions- interdit par ailleurs d’y voir le reliquat de quelque système antérieur, et incite à chercher les relations sémantiques qui lient ces deux temps dans le système moderne. »
La « parenté sémantique » de l’infinitif, du futur et du conditionnel que postule Guillaume est basée sur la valeur « potentiel » que nous proposons également.
L’opposition du couple (futur-conditionnel) au couple (passé simple-imparfait) correspond alors à la valeur « -potentiel », c’est-à-dire à la représentation d’un procès avéré, d’un procès attesté par le locuteur. On le voit, l’opposition entre les « temps » dits « du futur » et les « temps » dits du « passé » n’opère pas sur un concept de temporalité. Cette remarque qui récuse une représentation purement linéaire des « temps » verbaux, nous ne sommes pas, naturellement, la première à la faire. Maingueneau, par exemple, a signalé que ce qui oppose les procès exprimés au futur et au conditionnel de ceux exprimés à l’imparfait et au passé simple était d’un autre ordre que la pure temporalité :
« Le présent ne constitue pas pour autant une sorte « d’axe de symétrie » temporel, comme si le passé était au présent ce que le futur est à ce même présent. Il serait faux de penser que la seule différence entre passé linguistique et futur linguistique est que le premier suppose un regard rétrospectif et le second un regard tourné vers l’avenir, en admettant implicitement que l’énonciateur a la même attitude à l’égard du passé et du futur et que son activité se borne à « situer » des énoncés dans le temps. La linguistique générale enseigne un fait révélateur à ce sujet : si, en règle générale, les différentes langues possèdent un passé, il est en revanche très fréquent que le futur soit marqué par des combinaisons du type ( présent+adverbe de temps) ou(vouloir, devoir…+verbe à l’infinitif ) et non par des « temps » spécifiques. Cette dissymétrie est significative : les fait révolus ne sauraient posséder le même statut pour un énonciateur que ceux à venir, lesquels n’existent en fait que comme le terme d’une tension de l’énonciateur à partir de son présent. Si le passé est par définition coupé du présent de l’énonciateur, le futur n’est supporté que par lui. Pour les événements passés, l’important c’est de déterminer comment ils ont eu lieu alors que pour les faits futurs l’essentiel est de savoir s’ils auront lieu ou non, de quelle manière l’énonciateur les pose. »
Poser que ce qui distingue le couple (futur-conditionnel) du couple (passé simple-imparfait) est une valeur « (potentiel » qui décline une valeur plus générale « -coïncident à la situation d’énoncé » remet effectivement en cause la prédominance de la temporalité dans l’explication des « temps ». En effet, l’absence de coïncidence à la situation d’énoncé peut, certes, se faire sur le plan temporel mais elle peut aussi correspondre à un autre paramètre de la situation d’énoncé. Aussi postulons-nous une valeur « potentiel » qui soit plus large que la simple antériorité/postériorité au moment de l’énoncé.
Il est possible aussi de rapprocher de ces remarques, l’analyse de Gosselin qui oppose les temps de l’« irrévocable » aux temps « possibles ». Pour qualifier le futur de « possible », il part du chapitre 9 du traité De l’interprétation d’Aristote, selon lequel « si une proposition portant sur l’avenir est nécessairement, au moment où je parle, soit vraie, soit fausse, c’est que les événements qu’elle prétend décrire sont prédéterminés de toute éternité », ce qui aboutit à nier la liberté de l’homme. Ainsi, « les propositions qui décrivent des événements futurs (à part ceux qui sont inéluctables ou impossibles) ne sont actuellement ni vraies, ni fausses ; elles sont simplement possibles. En revanche, les événements présents et passés, et par voie de conséquence, les propositions qui les expriment sont considérés comme irrévocables. » Cependant, Gosselin se refuse à reprendre telle quelle l’analyse jugeant que les « énoncés au futur ne présentent nullement les propositions qu’ils expriment comme simplement possibles (c’est-à-dire comme n’étant, au moment où elles sont énoncées ni vraies ni fausses). » Nous pensons également que le futur ne présente pas les procès « comme simplement possibles » car nous postulons que ce trait « potentiel » se combine avec un autre trait sémantique, celui qui est dénoté par le morphème Ø/(ai/a).
Au total, la valeur « potentiel » que nous avons postulée pour l’infinitif peut être réinvestie dans l’analyse sémantique de l’opposition dénotée par (R. Soulignons encore que si le concept « +potentiel » peut signifier l’ultériorité par rapport au moment de l’énoncé, nous pensons qu’il peut aussi désigner le possible en référence à un autre paramètre de la situation d’énoncé. On pourra dire la même chose de façon symétrique pour les « temps » avérés. Nous postulons donc un concept « potentiel » plus général que celui qui s’appliquerait simplement à la temporalité.

« Les vivants qu'on égare dans les cryptes du temps dorment si bien avec les morts qu'une même ombre les confond déjà. » L-F. Céline, Voyage au bout de la nuit.

2-2-2 Réinvestissement sémantique du morphème ai/a dans l’imparfait et le passé simple.

Passé simple et imparfait se définissent par opposition avec le présent : ils désignent des procès non coïncidents avec la situation d’énoncé. Cette absence de coïncidence se décline en une opposition au futur et au conditionnel dénotée par le morphème (R, c’est-à-dire que les procès que désignent les verbes à l’imparfait et au passé simple sont des procès avérés, contrairement à ceux qui sont désignés par des verbes au futur et au conditionnel. Mais ils se définissent aussi par opposition l’un par rapport à l’autre. C’est à cette opposition à laquelle nous allons nous intéresser dans les pages qui viennent, à la valeur qui correspond au réinvestissement sémantique de l’opposition ai/a sans pour autant oublier que cette valeur se combine avec celle de l’« avéré », trait sémantique « non-coïncident » avec la situation d’énoncé.

2-2-2-1 Le trait sémantique « (défini »

2-2-2-1-1 Le concept de rupture avec la sphère du locuteur dans l’opposition passé simple / imparfait
2-2-2-1-1-1 Rupture avec le moment de l’énoncé :

Depuis les travaux de Benveniste, toute analyse du passé simple prend en compte le constat que cette forme verbale introduit une rupture entre le procès et le moment de l’énoncé alors que le passé composé implique une conséquence du procès sur le moment de l’énoncé. Cependant, si l’on voit bien que c’est la valeur « accompli du présent » qui explique le lien entre un procès au passé composé et le présent de l’énoncé, la coupure du passé simple paraît plus problématique dans la mesure où, si l’on admet que le passé simple s’oppose au présent, dont le passé composé est la forme accomplie, c’est le cas également de l’imparfait pour lequel on ne relève jamais le trait de rupture avec la sphère du locuteur. En effet, le passé simple, le plan morphologique le montre, peut être opposé au passé composé en tant que présent accompli mais il en est de même de l’imparfait. On peut le figurer sous cette forme :

Passé ComposéPrésent Passé simpleImparfait
Ainsi, si le trait sémantique « non coïncident » qui oppose le passé simple au présent peut sembler propre à cette rupture très souvent décrite entre le passé simple et le maintenant de l’énoncé, cette hypothèse implique d’inclure l’imparfait dans l’analyse du passé simple car il partage avec lui ce trait de « non-coïncidence » avec le moment de l’énoncé. Il faudrait donc attribuer aussi à l’imparfait le trait sémantique de « rupture avec le présent », alors que ce n’est jamais fait. On le constate au hasard de toutes les lectures que l’on peut faire sur le passé simple et le passé composé : l’imparfait est le grand absent de ces analyses, le passé simple est systématiquement décrit seul, en opposition avec le passé composé. Témoins ces quelques exemples :
« Le priscal [= le passé simple] apparaît quand on a à marquer le surgissement d’un fait nouveau dans une époque précise, mais sans mettre nullement ce fait en relation avec le présent. Tandis qu’au contraire, l’antérieur [=le passé composé] apparaît quand on tient à marquer la trace au moins mémorielle que le fait passé a laissé dans l’époque présente. […] On voit donc qu’ici encore l’antérieur est employé pour mettre le passé en relation avec le présent, pour le présenter à titre d’acquêt, comme une manière de présent, qu’au contraire, le priscal présente les faits passés comme appartenant en propre à une époque autre que l’époque présentée. »
Pour autre exemple, dans la Grammaire du sens et de l’expression de Charaudeau, l’analyse du passé composé suit immédiatement celle du passé simple en des termes communs qui définissent l’opposition de ces deux formes verbales :
« Passé simple : le processus, déjà réalisé, est complètement coupé de la sphère du « présent actuel » du sujet parlant, et n’a plus aucune répercussion psychologique sur celui-ci. »
« Passé composé : le processus vient de s’achever et, tout en faisant déjà partie du passé, il garde encore une présence (physique ou psychologique) dans l’actualité du sujet parlant. Le « présent accompli » appartient en fait à la catégorie de l’  « accomplissement » : il a déjà un pied dans le passé et encore un pied dans le présent. »
Mais cette opposition apparaît aussi chez Benveniste :
« De la forme de parfait j’ai lu ce livre, où j’ai lu est un accompli de présent, on glisse à la forme temporelle de passé j’ai lu ce livre l’année dernière ; j’ai lu ce livre dès qu’il a paru. Le discours est alors pourvu d’un temps passé symétrique de l’aoriste du récit et qui contraste avec lui pour la valeur : il fit objectivise l’événement en le détachant du présent ; il a fait, au contraire, met l’événement passé en liaison avec notre présent. »
Face à cette contradiction de la description du passé simple, il n’existe que deux solutions : soit le trait « rupture avec la sphère du locuteur » ne correspond pas à l’opposition au PS / présent mais à une opposition PS / imparfait. Soit ce trait est également attribuable à l’imparfait mais il faut alors déterminer pourquoi on n’analyse pas habituellement l’imparfait de cette façon, déterminer ce qui l’oppose, en définitive, au passé simple.
C’est dans cette perspective que nous nous proposons de revenir sur cette analyse sémantique du passé simple et sur ses implications déjà observées.
C’est surtout depuis la théorie de Benveniste, qui en a fait un pivot de sa dichotomie énonciative, le double système histoire/récit que l’analyse sémantique du passé simple comme marquant une coupure avec le moment de l’énoncé a été largement exploitée par de très nombreux théoriciens de la linguistique ou de la littérature. Benveniste place en effet le passé simple au cœur du système de l’énonciation historique dont il précise qu’il « se reconnaît à ce qu’il impose une délimitation particulière aux deux catégories verbales du temps et de la personne prises ensemble. » Ces délimitations sont ainsi définies : « […] On ne constatera dans le récit historique constitué que des formes de « 3è personne ». […] L’énonciation historique comporte trois temps : l’aoriste (= passé simple ou passé défini), l’imparfait (y compris la forme en –rait dite conditionnel), le plus-que-parfait ». 
Benveniste oppose le plan historique au plan du discours, constitué par « toute énonciation supposant un locuteur et un auditeur ». Si l’imparfait apparaît aux côtés du passé simple dans la définition du plan historique, il n’empêche que Benveniste fait du passé simple un temps à part qui concentre le concept de « rupture avec la sphère de l’énonciation » alors que l’imparfait semble seulement lui faire pendant. En effet, non seulement il dit que le passé simple est le temps fondamental de l’histoire :
« Le temps fondamental est l’aoriste qui est le temps de l’événement hors de la personne d’un narrateur. »
Mais il remarque plus loin :
« [ dans le discours] tous les temps sont possibles, sauf un, l’aoriste, banni aujourd’hui de ce plan d’énonciation alors qu’il est la forme typique de l’histoire. »
Cette analyse est pleinement confortée par le fait que le passé simple peut difficilement être mis en relation avec des déictiques qui renvoient à la situation d’énoncé. Dans les statistiques de Klum, la mise en relation des marqueurs temporels déictiques avec le passé simple obtient des scores de 0%. Ces statistiques peuvent être facilement vérifiées aujourd’hui par le recours à des logiciels d’analyse de discours comme Frantext. Ainsi, un test de co-occurrences de hier avec le passé simple dans 487 œuvres de 1950 à 2000 donne-t-il un résultat très limité : seulement onze occurrences. Parmi ces occurrences, certaines peuvent sembler erronées ou, tout au moins, relever de l’hyper-correction. C’est le cas des citations suivantes :
« Il montra à Gregor à son tour la feuille de papier trouvée dans la loge de Rita, lui raconta les manifestations d’hier au soir comme s’il se délivrait de tout cela en le confessant à son collègue. »
« Ce fut, hier, la montée sur Merlette d’un Agostinho au maximum de l’orgie athlétique, véritable bête de cimes. »
« Ce fut hier la journée des balles fantaisistes. »
« Depuis hier soir huit heures, ce furent le repos, le silence et l’oubli. »
D’autres par contre semble relever de la volonté du locuteur de mettre hier à distance, dans un passé coupé de la sphère du locuteur :
« Ils forcèrent les maisons et y commirent des abominations, si bien que très vite la population, hier apaisée et plutôt tranquille, se dressa contre ses assaillants et les repoussa à coups de pierres, de jets d’eau et d’huile bouillante ».
« Il s’agit aujourd’hui, de rendre à lui-même, par le spectacle de sa joie et l’évidence de sa liberté, un peuple qui fut, hier, écrasé par la défaite et dispersé par la servitude. » 
« En se promenant autour du sommet de la Butte, il vit que les terrains abandonnés d’hier, terrain des Souterrains, des Tuyaux, des Colombins, de la Vieille maison, étaient cernés par des palissades avec l’indication Chantier interdit. »
Enfin, chez certains auteurs, il y a là un effet stylistique :
« Elle arriva ce soir plus tard encore qu’hier, bien après ses invités. »
qui peut tenir du brouillage délibéré du temps :
« Piéton, il ne me reste plus que le chemin, d’où je viens, où je vais, où je passai, demain, hier, campagne ou bois, fond plat ou côte raide, le ruisseau qui me suit et déjà me précède, rien ne subsiste au cœur stoïque du marcheur, sinon ce que son pas enjambe, la largeur du chemin qu’un rythme interminable ramène. »
Enfin, le mot hier peut être employé de façon métalinguistique :
« quand ce qui fut malheur ou bonheur se nomme hier
pourtant l’étoile brille encore et le cœur bat »

« Ce lendemain n’est pas du jour qui fut hier. »
La même recherche sur la co-occurrence d’un verbe au passé simple avec des expressions comme semaine dernière, mois dernier, année dernière et nuit dernière donne un résultat encore plus réduit : seulement quatre occurrences, qui toutes, me semblent relever d’un emploi fautif :
« Nicolas regretta de n’être pas parti la nuit dernière comme le lui conseillait Raphaël. »
« C’est par le truchement de ces déboires télévisuels que Beyssandre, l’année dernière, eut connaissance de l’histoire de Bartlebooth. »
« J’y repensais encore le mois dernier, quand un de mes amis me raconta qu’il avait beaucoup désiré une femme parce qu’elle savait s’habiller. »
« De même l’année dernière un homme demanda à parler au prêtre de San Giovanni : ceci est pour vous. On déballa le paquet, le Corrège de la collection Ferrari était là, intact. »
Il est à noter d’ailleurs que ces emplois peuvent correspondre à une forme de résurgence de l’usage de l’époque classique qui admettait l’emploi du passé simple avec tout repère temporel n’incluant pas le maintenant de l’énoncé (soit hier, la semaine dernière, l’année dernière…) mais l’excluait avec des repères tels que maintenant, aujourd’hui, cette année… Il n’est pas exclu que les lecteurs actuels des œuvres du 17ème réemploient à l’occasion des formes de cette époque.
Quoiqu’il en soit, le nombre très réduit de ces énoncés confirme les statistiques de Klum et le peu de probabilité d’énoncés comme :
(8) ? Hier, il partit à 8 heures.
(9)? Ce matin, il partit à huit heures.
A l’inverse, il est tout à fait commun de mettre en relation un verbe au passé simple avec des repères temporels anaphoriques, c’est-à-dire des repères qui s’identifient non pas en référence au moment de l’énoncé mais à un autre moment prédéfini, comme la veille, ce matin-là.. Une recherche sur Frantext  des co-occurrences du passé simple avec la veille donne 110 résultats sur le corpus de 1880 à 1900 ou 47 sur celui de 1970 à 2000, par exemple. De même trouve-t-on 18 occurrences de ce matin-là en relation avec un verbe du passé simple dans le premier corpus et 30 dans le second.
De fait, des énoncés tels que :
(8bis) La veille, il partit à 8 heures.
(9bis) Ce matin-là, il partit à huit heures.
sont tout à fait courants.
L’opposition entre repères déictiques et repères anaphoriques en co-présence avec le passé simple est donc flagrante. Klum commente ainsi cette distribution adverbiale avec le passé simple :
« Quant à la distribution adverbiale, le trait le plus frappant est évidemment le rôle extrêmement réduit du passé simple avec les adverbes appartenant au premier système adverbial, à savoir la série nynégocentrique. La rareté de ces combinaisons ne doit pourtant pas nous faire croire que le passé simple soit constitutionnellement incapable d’indiquer des procès qui, objectivement, sont en rapport immédiat avec le moment de la parole. Les exemples montrent qu’on pourra trouver des passés simples mêmes pour des procès expressément indiqués comme tout-à-fait proches du « moi-ici-maintenant »A part le couple en ce moment, maintenant, il n’y a pas, pour ainsi dire, d’empêchement positif, immanent, à ces combinaisons mais une entrave « négative », extérieure, constituée par les fonctions et la concurrence du passé composé. »
Mais Klum tempère cette latitude du passé simple à se combiner avec des déictiques en notant que dans ce cas, les déictiques ne sont plus interprétables dans leur rapport au moment de l’énoncé, ce qui tend à prouver la valeur intrinsèque de « rupture  avec le moment de l’énoncé » du passé simple :
« Répétons que chaque fois qu’on se sert, dans des cas pareils, du passé simple l’effet sera, qu’on le veuille ou non, une distanciation psychologique : on « néglige » l’étroite relation logique exprimée par hier, ce matin, la semaine passée, cette année, etc., on se donne du recul pour parler avec Damourette et Pichon .»
On a vu ci-dessus qu’on pouvait interpréter ainsi effectivement quelques-unes des occurrences au passé simple avec hier relevées par Frantext.


2-2-2-1-1-2 Rupture entre le procès et le locuteur

Cependant, le moment de l’énoncé n’est pas le seul élément concerné par la rupture impliquée par le passé simple. Benveniste souligne que le passé simple implique aussi une rupture avec le locuteur lui-même :
« A vrai dire, il n’y a même plus alors de narrateur. Les événements sont posés comme ils se sont produits à mesure qu’ils apparaissent à l’horizon de l’histoire. Personne ne parle ici ; les événements semblent se raconter eux-mêmes. »
Pour lui, c’est d’ailleurs en tant qu’indice de la présence du locuteur que le présent ne peut être exploité dans le plan de l’histoire :
« Pour l’historien, le présent, le parfait et le futur sont exclus parce que la dimension du présent est incompatible avec l’intention historique : le présent serait nécessairement alors le présent de l’historien, mais l’historien ne peut s’historiciser sans démentir son dessein. »
Le moment de l’énoncé n’est donc qu’un élément de l’univers du locuteur dont la rupture avec le procès est déterminée quand il est désigné par un passé simple. Ce qui est dit en d’autres termes par Riegel :
« La disparition du passé simple de l’usage oral s’explique par son absence de relation avec la situation d’énonciation : à l’oral, l’énonciateur s’implique inévitablement dans son énoncé ; pour rapporter des faits passés, il aura naturellement recours au passé composé, et non au passé simple, qui établit une distance par rapport aux événements. Cependant, dans certaines circonstances où la relation à la situation est moins forte, le passé simple se rencontre encore à l’oral. »
Ce qui vient confirmer cette analyse, c’est le fait que le je de la situation d’énoncé est lui-aussi très souvent désigné comme non-compatible, ou tout au moins comme coupé du procès énoncé au passé simple. Ainsi, Benveniste est-il assez catégorique en excluant du plan de l’énonciation historique toute autre personne que la « 3è personne », réfutant à la limite la possibilité de dire nous arrivâmes et vous arrivâtes :
« nous arrivâmes et surtout vous arrivâtes ne se rencontrent ni dans le récit historique, parce que formes personnelles, ni dans le discours, parce que formes d’aoriste. »
Il nuance cependant son affirmation en soulignant que « le romancier emploie encore sans effort l’aoriste aux 1ères personnes du singulier et du pluriel. » On en fournirait, en effet, des exemples à foison, tels ceux-ci :
(10) « Dès que j’eus pris la route, à cause de la fatigue, je parvins mal à m’imaginer, quoi que je fisse, mon propre meurtre, avec assez de précision et de détails. »
(11) « Nous finîmes par coucher tous en pleins champs, général ou pas. »
Mais cette possibilité de conjuguer une forme verbale au passé simple à la première personne ne constitue pas un contre-argument : elle a été, elle aussi, abondamment glosée par les stylisticiens de la littérature comme une mise à distance du je constitué en personnage du récit, sorte de dédoublement du je qui devient un équivalent du il de l’histoire, c’est à dire un je coupé du je de la situation d’énoncé.  Je devient « un autre » ce qui n’est pas sans rappeler ce commentaire de Klum, quant à la possibilité, quoique réduite, de mettre en relation un repère temporel déictique avec un passé simple :
« Répétons que chaque fois qu’on se sert, dans des cas pareils, du passé simple l’effet sera, qu’on le veuille ou non, une distanciation psychologique : on « néglige » l’étroite relation logique exprimée par hier, ce matin, la semaine passée, cette année, etc., on se donne du recul pour parler avec Damourette et Pichon .»
Autrement dit, il n’est acceptable de désigner un je dans un verbe conjugué au passé simple qu’à condition de comprendre ce je comme différent du je de la situation d’énoncé. La clôture entre le procès et la situation d’énoncé impose une clôture entre la personne sujet du procès et la personne je, comme elle impose une clôture entre le moment du procès et le moment de l’énoncé, ce qui conduit nécessairement à une interprétation qui distancie les éléments déictiques.
Comme le dit Le Guern :
« C’est un autre lui-même, plus jeune et souvent plus brillant, non pas lui qui écrit ou qui dicte, mais lui qui dans un passé déjà envisagé comme historique, accomplissait les actions dont il parle –ou était censé les accomplir. »
ou Joly :
« le roman à la première personne n’est au fond qu’une manière de récit historique à la troisième personne. »
Certains stylisticiens, comme Starobinsky, soutiennent d’ailleurs que l’alliance du je et du passé simple est non seulement possible mais nécessaire dans certains récits mémoriels, pour souligner l’altérité entre le je-personnage et le je-narrateur :
« La « première personne » est le support commun de la réflexion présente et de la multiplicité des états révolus. Les changements d’identité sont marqués par les éléments verbaux et attributifs : ils sont peut-être encore plus subtilement exprimés par la contamination du discours par les traits propres à l’histoire, c’est-à-dire par le traitement de la première personne comme une quasi troisième personne, autorisant le recours à l’aoriste de l’histoire. Le verbe à l’aoriste vient affecter la première personne d’un certain coefficient d’altérité. »
C’est vrai, en particulier, des récits de type picaresque dont Starobinsky souligne l’écart maximal entre le héros et le narrateur :
« Dans la narration de type picaresque, c’est le passé qui est le « temps faible » : temps des faiblesses, de l’erreur, de l’errance, des humiliations, des expédients. Traditionnellement, le récit picaresque est attribué à un personnage parvenu à un certain degré d’aisance et de « respectabilité », qui se retourne vers un passé aventureux et vers des origines marginales. […]
Pour le narrateur picaresque, le présent est le temps du repos enfin mérité, du savoir enfin conquis, de l’intégration réussie dans l’ordre social. Il peut se moquer de l’être obscur et besogneux qui donnait tête baissée dans toutes les illusions du monde. Il parlera donc de son passé avec ironie, condescendance, apitoiement, amusement. »
En définitive, et Weinrich le souligne, c’est plutôt avec tu et vous que le passé simple est quasiment incompatible :
« Encore plus rares sont les récits dans lesquels quelqu’un raconte ce qui est arrivé au récepteur lui-même (« récit à la 2ème personne »). En règle générale, le récepteur connaît déjà ce qu’il pourrait apprendre sur soi de la part d’un autre et un tel récit est ainsi inutile. C’est la raison pour laquelle la littérature n’a pas fait non plus du récit selon la perspective du lecteur (singulier ou pluriel) un genre propre ou un sous-genre, sauf à titre d’exceptions s’écartant consciemment de la norme. La combinaison du passé simple avec le rôle du récepteur au singulier ou au pluriel, y compris la forme de politesse (par exemple : tu dormis, vous rêvâtes) est donc la moins établie, elle ne l’est pour ainsi dire pas du tout. Cette combinaison est écartée dès que possible des récits écrits par l’usage actuel pour qui elle a dans la plupart des cas un accent de pédanterie ridicule. »
On imagine difficilement, en effet –où peut-être est-ce un style à inventer ? - un récit qui mette à distance un tu-personnage d’un tu-récepteur. Plus exactement, le récepteur n’étant désigné que comme pendant du locuteur, la rupture ne se ferait pas entre le tu-personnage et le tu-récepteur mais bien entre ce tu-personnage et locuteur, mise à distance qui explique peut-être l’accent de pédanterie ridicule dont parle Weinrich.
La rupture effectuée par le passé simple entre le procès et le locuteur lui-même a été d’ailleurs souvent remarquée sous des termes comme « rupture psychologique » par des linguistiques comme en témoignent ces quelques citations :
« Le passé composé, qui marque souvent, à l’état plus ou moins pur, l’aspect accompli-présent d’une action antérieure et qui relie toujours un procès au moment présent, s’emploie par rapport à une époque déterminée ou indéterminée complètement écoulée ou non. Plus cette époque est proche de moi qui parle maintenant, et plus grandes seront les chances pour que le passé composé l’emporte sur le passé simple. Cette dernière série verbale, qui marque toujours une dissociation psychologique avec le moi-ici-maintenant, s’emploie, surtout dans des récits suivis, lorsqu’il est question de présenter des actions délimitées, mais sans qu’on les indique comme antérieures au moment de la parole. Il y a plus : on néglige tout lien avec la situation présente même là où ce lien semble très naturel « logiquement » ; on « noie », avec le passé simple, les procès dans le passé. »
Chez Imbs :
« Un événement passé rapporté au passé simple est un fait entièrement révolu et sans lien exprimé (la question des liens réels étant toujours réservée) avec la pensée et l’expérience actuelles de celui qui parle. Quand un tel lien est envisagé, ne s’agirait-il que du désir de marquer qu’un fait passé est vu dans la perspective actuelle de celui qui le rapporte, la langue (écrite) a recours au passé composé. D’où la possibilité d’employer le passé simple pour situer un fait dans un passé éloigné, comme par exemple au début d’un récit, du moins avec certains verbes comme être, ou dans une remarque isolée, qui oppose énergiquement le passé au présent. […] Le passé peut même être récent, mais alors il est présenté comme entièrement coupé du présent. »
Damourette et Pichon signalent également une « attitude » du locuteur :
« Le locuteur ne se tient pas ici […] en liaison présente avec le passé et l’avenir ; il s’isole en quelque sorte d’eux, quant à l’intérêt pratique ; il adopte vis à vis d’eux une attitude purement spectaculaire. »
Ainsi, on aboutit à la conclusion que le passé simple instaure une clôture non seulement entre le moment du procès et le moment de l’énoncé mais entre le procès constitué avec son sujet, son moment et l’univers du locuteur constitué de moi/ici/maintenant.
2-2-2-1-1-3 L’imparfait et le trait de rupture avec la sphère du locuteur

Si la rupture introduite par le passé simple a été abondamment glosée, on a sans doute trop négligé d’interroger l’imparfait dans son rapport avec ce concept de rupture avec la sphère du locuteur.
On constate, en effet, que les faits qui permettent d’établir que le passé simple désigne une rupture avec l’univers du locuteur ne sont pas extensibles à l’analyse de l’imparfait.
Les statistiques de Klum montrent, par exemple, que, dans son corpus, 20 à 25% des adverbes hier se combinent avec l’imparfait, 14 à 21% des ce matin et 15 à 22% des tout-à-l’heure, chiffres tout à fait importants. C’est pourquoi des énoncés comme :
(12ter) Hier, il partait à huit heures.
(13ter) Ce matin, il partait à huit heures.
sont tout à fait courants. Une analyse à l’aide de Frantext le confirme. Pour en donner un exemple, sur les œuvres de 1880 à 1900, on trouve 448 occurences de hier en relation avec un verbe à l’imparfait.
Faut-il alors en déduire que l’imparfait ne désigne pas une rupture du procès par rapport à l’univers du locuteur et que cette absence de rupture constitue le trait d’opposition entre l’imparfait et le passé simple ? Mais cette analyse ne va pas sans impliquer un certain paradoxe, voire même une contradiction.
D’abord, les énoncés où un verbe à l’imparfait est mis en relation avec un anaphorique, désignant donc un procès référé à un moment totalement coupé de la situation d’énoncé, sont , eux aussi, tout à fait courants. Par exemple, une recherche sur les œuvres de 1880 à 1900 répertoriées par Frantext donne un résultat de 47 énoncés mettant en relation ce matin-là avec un verbe à l’imparfait. La même recherche sur les œuvres de 1970 à 2000 aboutit à 38 co-occurrences.
(12bis) La veille, il partait à huit heures.
(13bis) Ce matin-là, il partait à huit heures.
Cette latitude qu’a l’imparfait de se combiner aussi bien avec des déictiques qu’avec des anaphoriques correspond à son inscription par Benveniste dans les deux systèmes qu’il distingue : histoire et discours.
De plus, l’imparfait s’opposant au présent, nul doute qu’un verbe à l’imparfait ne désigne un procès qui n’a plus cours au présent, autrement dit achevé au moment de l’énoncé. Il existe donc bien une limite dans le « réel » entre un procès à l’imparfait et le moment de l’énoncé mais cette limite n’est pas désignée par l’imparfait. Cette contradiction a déjà été relevée. On en trouve le commentaire sous la plume de Le Goffic :
« Un imparfait ne peut jamais « déborder » sur le présent, alors que sa représentation aspectuelle (absence de borne à droite) ne semble pas l’interdire : pourquoi un état de choses apparu dans le passé, et non borné, ne se prolongerait-il pas sans rupture jusque et y compris dans le présent ? Or Picasso était un grand peintre implique que Picasso n’est plus, ou qu’il a cessé d’être un grand peintre. »
Tasmosky-De Ryck, faisant le récapitulatif de toutes les théories sur l’imparfait, souligne également cette contradiction :
« L’IMP désigne en principe des situations dont les limites ne sont pas envisagées (e.a. Sten 1952). Cependant on voit aussi rejeté l’idée que l’IMP présente une action inachevée (Ducrot 1979 : 23, note 5). »
Postulant que l’opposition de l’imparfait au présent peut être réinvestie par la valeur de « non-coïncidence à la situation d’énoncé », nous pensons que l’imparfait désigne un procès dans une situation qui est autre que celle de la situation d’énoncé et donc, qu’en particulier, le moment désigné par le procès à l’imparfait ne peut coïncider, chevaucher le moment de l’énoncé. Pourtant, l’imparfait n’indique pas la clôture entre la situation du procès et la situation de l’énoncé.
Pour nous, cette contradiction peut se résoudre si l’on postule que ce n’est pas une absence de clôture du procès que désigne l’imparfait mais l’indéfinition de cette clôture. Le verbe à l’imparfait désigne bien un procès qui est clôturé par rapport à la situation d’énoncé mais il fait abstraction de ces limites. Il indique que ces limites ne sont pas définies. Inversement, le verbe au passé simple désigne un procès qui s’inscrit dans une situation autre que la situation d’énoncé, ce que dit son opposition au présent mais, du fait de son opposition à l’imparfait, il dit aussi que la différence qui oppose les deux situations, la clôture entre le procès et la situation de l’énoncé est définie. Le passé simple oppose le passé au présent en désignant des limites explicites alors que l’imparfait oppose le passé au présent en faisant abstraction des limites.
L’opposition imparfait/passé simple correspond donc à un trait sémantique (défini.
Ce n’est sans doute pas un hasard si l’on retrouve ici les termes-mêmes du « passé défini » et du « passé indéfini » qui servaient à désigner notre passé simple et notre passé composé au début du vingtième siècle, puisqu’à la base de notre analyse se trouve la rupture effectuée par le passé simple avec la sphère du présent, rupture attribuée à l’opposition passé simple / passé composé. L’analyse du passé simple en terme de défini n’est donc pas tout à fait aussi novatrice qu’on aimerait le croire. D’ailleurs, plusieurs linguistes rendent compte de cette valeur à travers le fait qu’ils estiment nécessaire d’accoler un qualificatif plus ou moins synonyme de « défini » à la notion de limitation désignée par le passé simple. Ainsi, selon Imbs, le passé simple « oppose énergiquement le passé au présent ».
Pour Riegel et al., « le passé simple, coupé de la situation d’énonciation, rejette l’énoncé dans un passé révolu nettement délimité. »
et encore :
« L’imparfait s’accorde ainsi avec l’expression de durée ; selon le sens du verbe, le procès n’est pas forcément long objectivement, mais il est perçu « de l’intérieur » dans son écoulement, dans la continuité de son déroulement, sans terme final marqué. »
Et pour Touratier, de même, le passé simple présente le procès comme « un fait passé, qui est parfaitement délimité et repérable comme tel » 
Le « passé pur » de Damourette et Pichon se fait écho aussi de cette intuition. Il n’y a pas seulement délimitation mais une délimitation franche, définie.
Mais, le « passé indéfini » ne peut, selon nous, renvoyer au passé composé, comme le proposent les grammaires du début du vingtième siècle.
Nous ferons, à présent, abstraction de ces « résurgences du passé », pour examiner, en toute liberté, ce que peut recouvrir le trait sémantique ( défini que nous avons commencé à mettre au jour.
« (continuant ainsi pendant peut-être une minute - ou deux, ou dix, ou une demie, ou un million : le temps (cette sorte de temps dans lequel sans doute elle se mouvait) étant impossible à mesurer par le fait que, de toute évidence, il n'était pas de la même espèce que celui que peut arpenter une aiguille se déplaçant sur un cadran ; ce cadran-là (celui sur lequel l’aiguille – ou l’esprit de Sabine – progressait) étant apparemment constitué par plusieurs cadrans superposés ou, si l’on préfère, concentriques » Simon C, L’Herbe

2-2-2-1-2 Un univers du procès défini ou indéfini

Nous avons vu qu’un verbe au passé simple désignait le fait que la clôture du procès est définie par rapport à la sphère du locuteur. Cependant, cette clôture définie n’est pas spécifique à une séparation entre le procès dit au passé simple et la situation de l’énoncé. En réalité, la définition de la clôture est un trait qui affecte le procès au passé simple lui-même, ce qui suppose qu’elle est en cause dans toute relation où un procès au passé simple est impliqué. Leemann-Bouix rapporte d’ailleurs la rupture du passé simple par rapport au présent du locuteur à « l’indépendance » constitutive du passé simple :
« Le passé simple est peu compatible avec des adverbes comme hier, avant-hier, tout à l’heure, il y a deux heures, etc., qui relient le passé au moment présent où parle le locuteur et donc brisent l’indépendance du passé rapporté au passé simple. »
La désignation d’une clôture par le passé simple est donc observable non seulement dans le cadre du rapport d’un procès au passé simple avec sa situation d’énoncé mais aussi dans le cadre de sa mise en relation avec tout autre énoncé. C’est ce que montre l’analyse de la mise en relation des repères de durée avec des verbes à l’imparfait ou au passé simple. En effet, la mise en relation d’un verbe à l’imparfait avec un repère temporel qui implique une borne indéfinie comme depuis deux ans est possible alors qu’elle est impossible avec un verbe au passé simple. La mise en relation d’un procès avec un repère de durée défini comme de 1980 à 1990 avec un verbe à l’imparfait ou au passé simple vient confirmer ce résultat de façon symétrique, comme nous allons le montrer. Or, la non-coïncidence avec la situation d’énoncé, la rupture avec l’univers du locuteur n’est plus en jeu dans ces mises en relation.
2-2-2-1-2-1 Désignation d’une durée du procès.

Nous appelons repères de durée des expressions qui désignent une durée (calculable). Cette désignation peut se faire par la désignation du temps écoulé, par exemple : pendant dix ans, depuis dix ans, il y a dix ans que…, il y avait dix ans que…, cela fait dix ans que …, cela faisait dix ans que…. On peut opposer des repères dont le calcul de la durée se fait à partir d’un repère dans le passé : il y avait dix ans que…, cela faisait dix ans que…et ceux dont le repère est le moment de l’énonciation il y a dix ans que…, cela fait dix ans que…. Depuis peut être utilisé dans les deux sens, c’est le temps du verbe auquel il est relié qui permet d’indiquer si le repère est maintenant ou un repère du passé. Mais la désignation peut aussi passer par celle de repères ponctuels qui délimitent la durée, par exemple : de 1975 à 1985, depuis 1975, jusqu’en 1985 dont les indications précises servent à donner le début et/ou la fin d’une durée.
Parmi ces repères, certains comme de 1975 à 1985 désignent une durée limitée, clôturée alors que d’autres comme depuis dix ans, il y a dix ans que…, il y avait dix ans que…, cela fait dix ans que …, cela faisait dix ans que …, depuis 1975 indiquent une durée dont on ne connaît que le début mais dont la fin n’est pas envisagée. Enfin, jusqu’en 1985 indique une durée dont on ne connaît que la fin mais pas le début. Ces deux derniers types de repère peuvent être qualifiés de non limités. Pendant semble indifférent à cette opposition : il indique une durée sans plus, selon les énoncés et leur contexte, cette durée sera limitée ou non.





durée limitée durée non-limitéeabsence de limite finaleabsence de limite initialeRepère dans le passéRepère au
moment de
l’énoncédésignation du temps écoulédepuis dix ans (+imparfait)
il y avait dix ans que…
cela faisait dix ans que…depuis dix ans (+ présent)
il y a dix ans que…
cela fait dix ans que…désignation des limites de la duréede 1975 à 1985depuis 1975jusqu’en 1985

Nous nous intéresserons particulièrement à deux repères de durée : un repère de durée indéfinie :  depuis x et ses expressions synonymiques il y a x que, cela fait x que et un repère de durée définie : de x à y. Ces repères ont en effet pour intérêt de mettre au jour de façon particulièrement nette des incompatibilités avec des verbes soit à l’imparfait, soit au passé simple.
2-2-2-1-2-1-1 Repères de durée introduits par depuis.

Les repères de durée introduits par depuis permettent d’établir des oppositions tout à fait nettes entre le passé simple et l’imparfait.
On peut comparer tout d’abord ces exemples :
(14)Il vivait à Paris depuis deux ans.
(15)*Il vécut à Paris depuis deux ans.

On constate que il vivait peut être mis en relation avec depuis deux ans alors qu’à l’inverse il vécut ne le peut pas. L’expression depuis deux ans désigne une durée dont la mise en relation avec un verbe permet de quantifier la durée du procès désigné par le verbe. Depuis deux ans désigne donc une durée dont on connaît l’ampleur à un moment donné qui peut être, soit le moment de l’énoncé, soit un repère antérieur au moment de l’énoncé mais qui est donnée comme n’étant pas close à ce moment-là et dont la limite finale est donc indéfinie.
Dans la phrase (14), le repère auquel réfère depuis deux ans est antérieur au moment de l’énoncé. Quand on cherche à mettre en relation ce repère de durée avec un passé simple, comme dans la phrase (15), il y a incompatibilité, comme le montrent les expressions synonymiques qui permettent d’opposer les deux valeurs de depuis, que ce repère soit référé par rapport au moment de l’énonciation :

(16) *Il y a deux ans qu’il vécut à Paris.
(17) *Cela fait deux ans qu’il vécut à Paris.

ou que ce repère soit référé à un moment antérieur à l’énonciation :

(18)* Il y avait deux ans qu’il vécut à Paris.
(19) *Cela faisait deux ans qu’il vécut à Paris.

Nous ne nous attarderons pas sur les énoncés (16) et (17) dont l’incohérence est due à l’opposition du passé simple au présent, pour nous intéresser aux phrases (18) et (19) et au cas où depuis deux ans renvoie à un repère antérieur au moment de l’énoncé.
Dans ces cas, l’incompatibilité du repère de durée « non-close » avec le passé simple est à opposer à sa compatibilité avec l’imparfait toujours vérifiée :

(18bis)Il y avait deux ans qu’il vivait à Paris./ (18) * Il y avait deux ans qu’il vécut à Paris.
(19bis) Cela faisait deux ans qu’il vivait à Paris./ (19) *Cela faisait deux ans qu’il vécut à Paris.

On constate donc qu’un verbe dont la durée du procès est dite « non close » par sa mise en relation avec un repère de durée comme depuis deux ans, il y avait deux ans, cela faisait deux ans peut être à l’imparfait mais pas au passé simple.

Cette analyse peut être confirmée et précisée par le test de compatibilité de ces formes verbales avec un repère dont la durée est désignée par l’indication de la borne initiale comme depuis 1975 :
20)Il vivait à Paris depuis 1975.
21) *Il vécut à Paris depuis 1975
Cette expression, depuis 1975, a pour particularité de désigner une durée à l’aide de sa seule borne initiale, la seconde borne étant indéfinie – et de ce fait, la durée-même du procès.
Pour autant, si la clôture entre le procès et le moment de l’énoncé n’est pas désignée, cela ne signifie pas que le procès soit non-clos, qu’il se prolonge jusqu’au moment de l’énoncé, car ce serait alors le présent qui serait convoqué :
22) Il vit à Paris depuis 1975.
L’opposition de l’imparfait au présent implique que même si le procès est clos, cette clôture finale est indéfinie.
Ainsi, l’imparfait présente-t-il un trait sémantique qui est compatible avec la désignation d’une « indéfinition » de la clôture du procès. A l’opposé, le passé simple présente un trait sémantique qui l’empêche de désigner un procès dont la clôture serait indéfinie.
Enfin, on constate que la préposition depuis ne peut débuter une unité verbale au passé simple alors qu’elle le peut si le verbe est à l’imparfait :
23)Depuis qu’il parlait …
24)*Depuis qu’il parla …

Alors qu’un procès à l’imparfait peut servir de référent pour désigner une durée indéfinie car introduite par depuis, il n’est pas possible de désigner une durée indéfinie à l’aide de la durée d’un procès au passé simple.
2-2-2-1-2-1-2 Repères de durée de x à y.

Si l’imparfait est compatible avec un repère de durée indéfinie et non le passé simple, on peut penser que le symétrique est vrai. Certes, le passé simple est compatible avec un repère de durée dont les bornes sont définies :
25) Il vécut à Paris de 1950 à 1960.
26) Il courut de sept heures à huit heures.

Mais il est moins évident de mettre en relief une incompatibilité entre un imparfait et un tel repère doublement borné :
27) De 1950 à 1960, il vivait à Paris.
28) ?Il vivait à Paris de 1950 à 1960.

On peut cependant postuler que l’énoncé (28) n’est pas correct. Tout au moins une recherche de telles occurrences à l’aide d’un concordancier sur trois mois du journal Le Monde donne-t-elle un résultat négatif.
De même, une recherche sur le corpus de Frantext (1940 textes) s’est-elle révélée négative. Une telle recherche sur Frantext est assez difficile à programmer du fait de la multiplicité des compléments possibles en de et en à qui parasitent les résultats. C’est pourquoi nous avons pris le parti de ne faire qu’une recherche partielle mais ciblée sur un repérage temporel de 19… à…, repérage à priori classique, ce que viendra confirmer un test parallèle des occurrences au passé simple. Sur la totalité des œuvres disponibles sur Frantext, soit 1940 textes, le résultat est nul : seules des occurrences au plus-que-parfait peuvent être associées à un repère de type 19… à, ce qui confirme notre sentiment linguistique. A l’inverse, ce qui confirme d’ailleurs la validité du test, on trouve six occurrences parfaitement classiques de verbes au passé simple délimités par une expression en de 19… à. En voici les exemples :
« Quand l’Histoire bande ses ressorts, comme elle fit, pratiquement sans un moment de répit, de 1929 à 1939… »
« Sur ce mur vous pouvez encore lire les professions de foi de divers détenus qui s’y succédèrent de 1914 à 1967… »
« Mais ce n’est qu’une boutade, mieux vaut souffrir un peu en étant heureux que de reprendre la vie vide qui fut la mienne de 1945 à janvier dernier. »
« Les jeunes intellectuels qui eurent vingt ans de 1927 à 1934… »
« vingt autres furent établies de 197 à 177, mais dans une position plus éloignée. »
Il apparaît donc que l’énoncé (28) ?Il vivait à Paris de 1950 à 1960 qui met en relation un verbe à l’imparfait avec un repère de durée délimité de x à y n’est pas correct. Inversement, si l’énoncé (27), de 1950 à 1960, il vivait à Paris, montre qu’est autorisé un énoncé très proche, cet énoncé n’est pas équivalent et on peut postuler qu’il s’agit d’une co-présence d’une expression de durée définie et d’un verbe à l’imparfait mais non pas d’une mise en relation de ces deux éléments, comme le signale également la virgule qui sépare les deux éléments de l’énoncé. Sur le plan sémantique, la différence entre l’énoncé (27) et l’énoncé (28) est que dans l’énoncé (27), l’expression de durée ne désigne pas la durée du procès mais englobe le procès alors que dans l’énoncé (28), la mise en relation de l’expression de durée et du verbe implique que l’expression de durée désigne la durée du procès ce qui est incompatible avec un verbe à l’imparfait.
Ainsi, l’imparfait présente-t-il un trait sémantique qui est compatible avec la désignation d’une « indéfinition » de la durée du procès mais est incompatible avec la désignation de la définition de la durée du procès. A l’opposé, le passé simple présente un trait sémantique qui entre en discordance avec un procès dont la durée serait indéfinie alors qu’il est compatible avec la désignation d’une durée définie du procès.
Cette analyse est recoupée par celle de Vetters à propos de deux exemples donnés par Molendijk :
«(43) La guerre de Cent ans – qui dura [/*durait] d’ailleurs 116 ans – fut surtout amenée par la rivalité entre Philippe VI et Edouard III. (Molendijk 1990 :11)
(44) Personne n’aima Néron parce que – dès le début de son règne, et jusqu’à la fin – cet homme fut [/*était] un tyran terrible. (Molendijk 1983 : 25)
Dans (43) et (44), dura et fut se trouvent dans des propositions explicatives (respectivement une relative avec d’ailleurs et une subordonnée introduite par parce que). Bien que la Guerre de Cent ans et Néron fournissent ici une référence temporelle, le PS s’impose ici pour des raisons aspectuelles : malgré la neutralité de l’IMP, on constate qu’il est difficile, voire impossible de le combiner avec un complément de durée qui ou bien mesure la durée totale (116 ans), ou bien spécifie les deux bornes de l’intervalle (dès le début de son règne, et jusqu’à la fin). »

Toutefois, l’incompatibilité d’un verbe à l’imparfait avec un repère de durée de x à y est également difficile à cerner car elle peut souvent être niée par une interprétation itérative de l’imparfait comme pour la phrase (29) :

29) Il courait de sept heures à huit heures.

Notre recherche sur Frantext ne nous a pas permis de trouver ce type d’énoncé mais une recherche des verbes à l’imparfait avec le repère du.x.au y permet de montrer un nombre non négligeable d’occurrences de l’expression du matin au soir délimitant des procès désignés par des verbes à l’imparfait : 30 occurrences dans le corpus de 1950 à 2000 de Frantext telles que ces deux exemples :
« On fit même une chanson qu’on entendait du matin au soir, du haut en bas de l’immense bâtiment. »
« Il vivait du matin au soir à contre-cœur. »
Nous examinerons ce type d’énoncés plus loin et nous montrerons que, là aussi, la possibilité de combiner un verbe à l’imparfait avec un repère de durée définie ne remet pas en cause la valeur « indéfinie » de l’imparfait dans la mesure où cette valeur « non-définie » persiste, non plus appliquée au procès lui-même, mais à une série de procès.
C’est ce type d’énoncés que nous allons examiner à présent.


«comme une suppliante et bouffonne invocation, un ironique et bouffon reproche, ou rappel, ou mise en garde, ou on ne savait quoi, rien sans doute, sinon les paroles privées de sens, les notes sautillantes, légères, insouciantes, dans une inlassable répétition, le temps pour ainsi dire immobile lui aussi, comme une espèce de boue, de vase, stagnante, comme enfermée sous le poids du suffocant couvercle de puanteur » C. Simon, La Route des Flandres.
2-2-2-1-2-2 « Définition » et « indéfinition » d’une série de procès

30) Il courut de sept heures à huit heures.
30bis) Il courait de sept heures à huit heures.

On l’a déjà constaté, le repère de durée définie de sept heures à huit heures peut être aussi bien mis en relation avec l’imparfait il courait qu’avec le passé simple il courut à condition cependant d’une interprétation itérative du procès à l’imparfait. Il semble bien que cette itérativité contrainte par la co-présence d’un verbe à l’imparfait dénotant une « indéfinition » et d’un repère de durée définie soit à la source de l’attribution de la valeur itérative à l’imparfait.

L’imparfait, on le sait n’est pas porteur, en lui-même d’une quelconque valeur de répétition. C’est le contexte qui permet d’attribuer une valeur itérative à un verbe et ce, quelle que soit sa forme verbale :
(31) Il alla tous les soirs au café.
(32) J’irai chaque matin à l’école.
Mais aussi quelles que soient les manières d’exprimer le contexte qui implique l’itérativité. Ces manières peuvent être explicites comme avec la mise en relation avec une expression itérative chaque jour, tous les dimanches, souvent, etc., mais elles peuvent être également extralinguistiques. C’est ainsi que, dire le dimanche :
(33) Mon fils mange à la cantine.
prend un sens itératif par exclusion d’un sens singulatif que cet énoncé aurait si, par exemple, il est dit un matin d’école à l’institutrice chargée de comptabiliser les repas de la cantine.
De même, l’itérativité d’un procès à l’imparfait peut être dite non seulement par sa mise en relation avec un complément comme tous les soirs mais aussi par l’exclusion de la signification singulative due à la mise en relation d’un verbe à l’imparfait avec un repère de durée définie, mise en relation impossible si le procès est unique. 
En effet, l’incompatibilité du repère de durée de x à y avec un verbe à l’imparfait contraint à interpréter de façon itérative les énoncés :
34) Il parlait de dix heures à midi (à chaque conférence).
30bis) Il courait de sept heures à huit heures (tous les jours).

Nul besoin, dans ce cas, de spécifier par l’ajout d’un complément comme tous les jours que le procès est itératif, l’impossibilité de mettre en relation ces expressions de durée avec un verbe à l’imparfait contraint l’interprétation itérative.
Mais s’il est assez facile de constater la contrainte de l’interprétation, il est sans doute plus complexe de comprendre ce qui autorise la mise en relation de l’expression temporelle en de x à y avec un procès répété. Dans un énoncé comme :
30bis) Il courait de sept heures à huit heures (tous les jours).
la mise en relation entre de sept heures à huit heures et il courait implique le calcul de la durée de chaque procès, comme si on disait :
Lundi, il courut pendant dix minutes. Mardi, il courut pendant dix minutes. Mercredi, il courut pendant dix minutes. Etc.
Bien que dit par l’imparfait, chaque procès de la suite de procès est donc désigné dans des limites définies. Le réinvestissement sémantique du morphème de l’imparfait ne se fait donc pas au niveau du procès mais d’une suite de procès désignée ou non par ailleurs. En effet, on peut retrouver les mêmes possibilités de combinaison si cette fois on s’intéresse à la suite de procès :
35) Depuis dix ans, il courait de sept heures à huit heures, tous les jours.
35bis)*Depuis dix ans, il courut de sept heures à huit heures, tous les jours.
36) De 1975 à 1985, il courut de sept heures à huit heures, tous les jours.

36 bis)*De 1975 à 1985, il courait de sept heures à huit heures, tous les jours.

37) A cette époque-là, il courait de sept heures à huit heures, tous les jours.

L’énoncé (35 bis) indique que la série de procès ne peut être mise en relation avec un repère de durée indéfinie, comme depuis dix ans, si le temps employé est le passé simple. Inversement, l’énoncé (36bis) indique que la série de procès ne peut être mise en relation avec un repère de durée définie, comme de 1975 à 1985, si le temps employé est l’imparfait.
On assiste à une sorte d’emboîtement des procès dans une série de procès et des durées de chaque procès dans une durée générale.

Cette analyse est recoupée, au moins partiellement, par celle que fait Ducrot de l’imparfait itératif dans son article « L’imparfait en français ». Il montre, en particulier, que l’imparfait itératif est impossible « si le propos indique un nombre (précis ou non) d’occurrences de l’action marquée par le verbe [c’est-à-dire des expressions comme…] cinq fois, plusieurs fois ou tous les dimanches sauf un. » Il donne pour exemple impossible :
« Le mois dernier Jean allait cinq fois au cinéma. »
Inversement, Ducrot note que « [cet énoncé] ne pose plus de problème si on remplace cinq fois par des expressions indéterminées comme quelquefois, souvent, (presque) tous les dimanches. »
On retrouve l’idée selon laquelle l’imparfait désigne une suite indéfinie de procès : ici, c’est le nombre de procès répétés qui est indéfini par la mise en relation du verbe avec l’expression comme quelquefois. Inversement, déterminer le nombre de procès par un nombre ou par plusieurs fois implique l’emploi d’un passé simple.
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que la série de procès obéit aux mêmes règles que le procès unique et que le trait sémantique de l’imparfait se déplace d’un procès unique à la série de procès, ce qui montre sa combinabilité.

Cette remarque, associée au fait que je puisse être « un autre » quand il accompagne un verbe au passé simple, permet d’envisager l’hypothèse d’un trait sémantique « (défini » qui pourrait se combiner avec d’autres paramètres désignés par la conjoncture, non seulement le procès mais aussi l’univers du procès, la situation dans laquelle s’inscrit le procès.


« Le temps, le lieu, la substance perdaient ces attributs qui sont pour nous leurs frontières » M. Yourcenar, L’œuvre au noir.
2-2-1-3 Bilan


L’analyse sémantique généralement admise selon laquelle « le passé simple coupe le procès de la situation d’énoncé » s’appuie sur la mise en relation passé composé/ passé simple et ne prend nullement en compte le fait que le passé simple s’oppose, morphologiquement, à l’imparfait et non au passé composé, nous a conduite à examiner la relation que pouvait bien entretenir l’opposition passé simple/imparfait avec cette analyse sémantique et à considérer, en définitive, que ce qui oppose le passé simple et l’imparfait est le trait sémantique « ( défini » qui se combine avec le trait sémantique « non-coïncident à la situation d’énoncé », « avéré ».
L’impossibilité absolue de mettre en relation un repère à durée indéfinie depuis x avec un verbe au passé simple, c’est-à-dire l’impossibilité de désigner un procès à durée indéfinie par un passé simple permet de confirmer la pertinence du trait sémantique « défini » pour cette forme verbale. D’autant que le passé simple peut être mis en relation avec un repère à durée définie de x à y.
Inversement, un verbe à l’imparfait peut être mis en relation avec le repère de durée indéfinie depuis x, ce qui souligne la possibilité de désigner un procès à durée indéfinie par un imparfait. Mais, l’imparfait ne présente pas une contrainte symétrique au passé simple, c’est-à-dire une impossibilité absolue de mise en relation avec un repère de durée définie. Cette mise en relation est, en effet, possible quand le repère de durée défini est préposé à l’imparfait. De plus, la combinabilité de l’imparfait avec un repère de durée définie postposé est également possible mais soumise à une modification de l’interprétation, au déplacement du trait sémantique « indéfini » à une série de procès et non plus à un seul procès. Le trait « indéfini » autorise donc plus de latitude dans l’interprétation.
Il semble que ce qui est important ici c’est qu’avec un repère de durée, on désigne directement les limites du procès, on les définit ou l’on indique leur absence de définition. Or, s’il y a contradiction à mettre en relation un passé simple qui indique que les limites du procès sont définies et un repère qui indique leur « indéfinition », il n’y a pas forcément contradiction entre employer un imparfait qui indique que les limites du procès ne sont pas définies et employer un repère qui permet de les définir, comblant ainsi le manque.
Que sous-tend exactement le concept « ( défini » ?
Selon nous, le passé simple ne désigne pas seulement la durée close du procès avec ses deux limites, mais surtout en désignant ces limites, il désigne un procès défini, identifié. En effet, comme l’explique si bien Jacquard :
« Tout ce qui appartient à l’univers, particule ou galaxie, caillou ou animal, est, par convention, doté d’existence ; tout objet est. Mais, quel qu’il soit, sa définition est arbitraire. Tel caillou ou telle galaxie n’est considéré comme un être individualisé que grâce à l’observateur ; celui-ci, en traçant les limites de ce qui appartient à l’objet, lui assigne une singularité. Pour être objet de l’univers, il faut être objet du discours d’un observateur. […] Sans l’homme, l’univers n’est qu’un continuum sans structure. »
définir, c’est découper dans un continuum un objet qui devient singulier. Ici, l’objet désigné n’a rien d’un caillou ou d’une galaxie, il s’agit d’un objet temporel, un procès. Le passé simple le désigne comme une unité découpée, une singularité, un segment opposable à d’autres segments par rapport auxquels il est délimité, bref un objet défini.
Il n’est sans doute pas étonnant que Le Goffic, faisant un détour par l’analyse du temps du philosophe Minkowski, aboutisse à une définition très proche du passé simple :
« Le passé simple permet de « « découper » un fait précis et isolé, pour le détacher de la forme globale du passé. »
Qu’est-ce alors que l’opposition au concept « défini » que véhicule l’imparfait ? L’imparfait désigne l’absence de définition du procès, c’est-à-dire un procès dont on n’a pas fixé les limites. Il ne présente pas le procès comme une unité, un segment opposable à un autre segment mais comme un continuum – dont naturellement les limites ne sont pas posées.
Est-il possible de faire l’analogie avec l’opposition (défini dans la détermination nominale ? De même que l’article défini suppose l’identification de l’objet désigné par un nom déterminé par un article défini, le passé simple caractériserait un procès défini sans pour autant désigner ce qui le définit. Dire le chat, c’est indiquer que le chat en question est identifié, sans pour autant apporter les informations qui permettent de l’identifier. C’est désigner un chat « découpé » parmi tous les chats possibles, l’opposer à tous les chats possibles –un continuum de chats inconnus- pour lui conférer une individualité. Ce chat du voisinage qui revient toujours parce que nous l’avons nourri un jour, sort de l’amas que formaient les chats errants dans la mesure où nous n’en distinguions aucun, pour devenir dans notre discours familial LE chat.
Il faudrait prendre le temps de mener une recherche parallèle sur le réinvestissement sémantique des morphèmes verbaux et les morphèmes nominaux. Nous nous contenterons d’examiner quelques remarques.
Il faut noter tout d’abord que le rapprochement entre « passé défini » et « passé indéfini » et « article défini » et « article indéfini » a déjà été fait par Confais à l’aide des outils de l’analyse aspectuelle :
« L’analogie avec les articles définis et les articles indéfinis n’est pas un pur hasard : l’article défini lui aussi présente le contenu du syntagme nominal comme une totalité fermée, tandis que l’article indéfini partialise l’ensemble visé par le syntagme nominal. »
Si on examine quelques définitions des articles définis, on constate que très souvent, elles renvoient à l’idée d’unicité ou à la présupposition d’identification de l’objet désigné. C’est là se placer du côté de la réception plutôt que du côté de la désignation. Ainsi, par exemple de la définition de Riegel et al. :
« L’article défini présuppose l’existence et l’unicité : il n’y a pas d’autre(s) référent(s) accessible(s) qui vérifie(nt) la description de la réalité désignée par le GN. »
Si l’article défini désigne un objet unique, c’est parce que cet objet a été identifié et ce faisant, individualisé parmi d’autres objets auxquels on peut l’opposer. Autrement dit, étant défini, il devient unique. L’article défini désignant le fait que l’objet est défini désigne, de ce fait, un objet unique.
Philippe-Coatéval propose, quant à elle, une analyse originale de l’opposition entre l’article défini et l’article indéfini. Postulant que la « similitude de l’indéfini un et du numéral un est plus qu’une simple homophonie », elle en tire pour conséquence :
« [Cela] permet d’inscrire le nom indéfini dans un processus de variations totalement différent de celui du nom défini puisqu’il fonde un segment défini par une opposition qui sera ensuite réinterprétée dans l’ordre du quantitatif. A partir d’un lexème central invariant, le préfixe indéfini produit une infinité de noms.
Un+lexème/ deux+ lexème / trois+lexème…/ des+lexèmes
Un passant deux passants trois passants … des passants
Le nom défini par contre, nie, en quelque sorte, ce principe de variation en imposant comme seule variation celle du lexème et comme invariant le préfixe.
Le + lexème 1 / le + lexème 2/ Le +lexème 3
Le passant le marcheur le voisin
La variante indéfinie permet d’opposer un nom à un autre nom sans pour autant faire varier le lexème. Le préfixe indéfini dénote la répétition du même lexème en l’inscrivant dans une série différenciative, alors que le préfixe défini dénote la permanence du même déterminant pour la série des lexèmes. »
Il me semble que, ce faisant, elle replace l’indéfini dans la liste des numéraux dont on sait qu’elle est infinie. Ce qui rejoint d’un côté l’idée d’un continuum sans limite qui peut être dit aussi par d’autres indéfinis (quelques, certains) et de l’autre, permet d’expliquer le sens de « un parmi d’autres » que recouvre le sens d’indéfini  et qui s’oppose à l’unicité définie par Riegel et al qui rejoignent, par là, « une vaste littérature » :
« Une vaste littérature a montré que dans un acte de référence effectué à l’aide d’une description définie, celle-ci atteint son référent par le truchement de sa signification linguistique : le N signale qu’il n’y a qu’un seul objet qui correspond au contenu descriptif N. On dira alors que le N véhicule une présupposition d’unicité existentielle : il y a un et un seul x qui est N. »
Une dernière note sur le sujet. Dans leur définition de l’article indéfini, Riegel et al. introduisent la différence entre un « sens actuel » et un « sens virtuel » de l’indéfini :

« En emploi spécifique, l’article indéfini extrait de la classe dénotée par le nom et son expansion un élément particulier qui est uniquement identifié par son appartenance et qui n’a fait l’objet d’aucun repérage référentiel préalable. On peut distinguer entre les cas où l’indéfini renvoie à un particulier non autrement identifié mais identifiable (Un enfant blond jouait […-Qui était-ce ?) et ceux où le référent n’a qu’une existence virtuelle (Je cherche un enfant blond pour tenir le rôle de Cupidon). »
Outre que la notion d’« identifiable » nous paraît possible à extrapoler pour un procès à l’imparfait dont nous avons vu qu’il pouvait être délimité, il nous paraît intéressant de poser que le « sens actuel » ou le « sens virtuel » dépend non pas de la désignation elle-même mais de la référence à la situation d’énoncé que pose le contexte. Un enfant blond désigne, dans tous les cas de figure, un enfant blond parmi tous les autres enfants – continuum d’enfants blonds dont il n’est pas découpé-, son identification est liée au contexte, avéré pour un enfant blond jouait, possible dans pour tenir le rôle de Cupidon. C’est donc bien le contexte qui autorise l’identification – comme c’est la mise en relation contextuelle de l’imparfait avec un repère comme depuis 1989 ou jusqu’à hier qui permet de lui donner des limites, de l’identifier.
Nous n’avons guère les moyens d’aller plus loin ici mais l’extrapolation du concept « (défini » de la détermination nominale au réinvestissement sémantique de l’opposition ai/a, passé simple/imparfait nous semble possible, en tenant compte du fait que cette valeur se combine avec d’autres valeurs selon l’objet désigné ce qui implique qu’on ne puisse faire d’analogie systématique.
Enfin, l’importance donnée au locuteur dans la théorie de Benveniste, comme dans les analyses des stylisticiens, nous conduit à initier une réflexion sur la relation qui s’établit entre le concept « défini » et la conjoncture. Cette réflexion sera, d’ailleurs, poursuivie plus avant au gré des analyses par la suite.
Si nous revenons à la définition du procès que nous avons posée plus haut : quand un locuteur emploie un verbe conjugué, il désigne un procès, c’est-à-dire non seulement une action -ou un état- mais une action qui est identifiée par son agent, par le moment où elle est effectuée autant d’éléments qui ne prennent de sens que dans leur rapport à l’univers du locuteur, à la situation d’énoncé que le verbe conjugué désigne en même temps. Le procès, son agent et sa durée interne, un moi-ici-maintenant, tout se cristallise, se combine dans cette visée sémantique, dans cette visée d’adéquation au réel. C’est ainsi que le terme « procès » employé alors, recouvre ce qu’on pourrait appeler tout aussi bien « l’univers du procès », ensemble de paramètres par lesquels on peut l’identifier et qui prennent sens en fonction des paramètres de la situation d’énoncé.
Le fait que le je du narrateur soit à réinterpréter quand il détermine un verbe au passé simple est à interroger, par exemple : faut-il en déduire que l’actant du procès est défini au passé simple et non pas à l’imparfait ? Cela signifierait que Ferdinand dans Ferdinand marcha est défini alors que dans Ferdinand marchait, Ferdinand serait indéfini, non-identifié. Nous ne pensons pas qu’on puisse aller jusque-là et que les choses soient si tranchées mais que la valeur du passé simple ou celle de l’imparfait interfère avec les paramètres permettant d’identifier le procès, dans la mesure où tous ces paramètres se cristallisent dans l’acte de désignation. Il peut donc y avoir une forme de contamination de la valeur « définie » sur les paramètres de la situation d’énoncé. Ainsi, la valeur « défini » appliquée au je d’un énoncé au passé simple me paraît propre à expliquer une mise à distance d’un ego qu’on peut, pour une fois, circonscrire et il semble bien que le découpage qu’opère le passé simple n’est pas un simple découpage temporel mais d’un « morceau de réel », même si l’effet n’est peut-être que stylistique. Inversement, la valeur « indéfinie » de l’imparfait peut toucher autre chose que la durée du procès mais aussi la situation elle-même qui apparaît comme dans un flou. Leeman-Bouix, qui emploie aussi le terme de « flou » ou de « flottant » pour qualifier l’imparfait propose d’ailleurs une analyse de l’imparfait hypocoristique où cette valeur de l’imparfait contamine l’actant. A propos d’énoncés type il était beau, le bébé ou j’avais bien mangé, moi :
« On pourrait faire l’hypothèse que l’imparfait, passé « flottant » comme on l’a vu, repousse dans l’inexistence vague cet être à qui l’on s’adresse, donc réel, mais qui n’est pas pour autant un interlocuteur, être posé donc lui-même comme « flottant », indéfini, entre chair et poisson. »
Nous pourrons analyser, par la suite, des effets de sens qui corroborent cette remarque. Il semble bien que la valeur « défini » du passé simple ou la valeur « non-définie » de l’imparfait affecte, par contre-coup, l’ensemble des paramètres de l'univers du procès. Nous pensons cet effet de sens explicable par le type-même de valeur impliquée par l’opposition imparfait / passé simple. Dans la mesure où tout l’univers du procès contribue à l’identifier, cet univers est impliqué également par la « définition » ou « l’indéfinition » du procès. L’imparfait crée donc un « halo  d’indétermination » autour du procès lui-même, contrairement au passé simple qui définit le procès et, peu ou prou, la situation qui contribue à le définir. Cela peut expliquer une forme de contamination entre l’objet désigné et son contexte. Nous verrons aussi que l’absence de définition autorise à se passer de la référence au moment de l’énoncé.
Nous allons maintenant confronter ces premiers éléments d’analyse aux effets de sens en contexte de la combinaison de la valeur « (défini » avec l’ « avéré » et le « non-coïncident avec la situation d’énoncé ».


« comme s’il pouvait passer sans transition du mouvement à l’immobilité ou plutôt comme si l’immobilité était en quelque sorte le prolongement du mouvement ou, mieux encore, le mouvement lui-même éternisé : capable sans doute de cela (transformer la vitesse même en sa représentation immobile) n'importe quand : au milieu d'un saut, d'une chute, en l'air, ne reposant sur rien d'autre que sur le temps pour ainsi dire solidifié, l'après-midi solidifiée de l'été dans laquelle baignait comme dans une sorte de formol l'exubérante et sauvage végétation de ronces et d'hélianthes et lui aussi » C. Simon, L’Herbe.

2-2-2-2 Effets de sens découlant de la valeur opposant l’imparfait et le passé simple :

« L’éternel imparfait » titre Wilmet dans un article de 1987. Imparfait et passé simple ont fait couler beaucoup d’encre et c’est devenu une tâche fort hasardeuse que de chercher à recenser tout ce qui a pu être dit et écrit à leur propos. Aussi, plus qu’à un recensement érudit d’analyse des effets de sens, nous attacherons-nous à rechercher les articulations qui peuvent exister entre ces analyses et surtout avec notre hypothèse d’une valeur fondamentale « (défini » de l’imparfait et du passé simple. Pour cela, nous nous arrêterons d’abord à la théorie aspectuelle, puis aux analyses textuelles avant d’aborder la question des imparfaits dits « modaux ».

2-2-2-2-1 Effets de sens aspectuels de l’opposition imparfait / passé simple.

Il est courant, pour commencer, de rapporter l’opposition imparfait / passé simple à une opposition aspectuelle, que ce soit sous les termes « imperfectif / perfectif », « duratif / non-duratif» ou « sécant / non-sécant ». Cette analyse répond initialement au fait qu’imparfait et passé simple ne sont pas opposables sur le plan temporel. Il faut donc prendre en compte un autre plan d’analyse. La prise en compte de l’aspect, c’est-à-dire de la manière dont « le procès est saisi » permet de différencier les deux formes verbales.
Cette notion d’aspect a été défendue en des termes différents et s’inscrit dans des perspectives différentes, guillaumienne, logique ou énonciative qui mettent l’accent sur plusieurs effets de sens selon les faits de langue dont elles rendent compte : ponctualité du passé simple, globalité, vision interne ou externe du procès, procès en cours, partie effective et partie virtuelle du procès… Globalement, les linguistes se sont focalisés soit sur la notion de saisie interne ou saisie globale du procès, soit sur la notion de limite, mais, le lien entre les deux présentations peut être facilement fait comme le souligne la définition de Berthonneau et Kleiber, dans sa visée synthétique :
« L’option aspectuelle [postule] que l’imparfait est imperfectif, parce qu’il présente la situation dénotée dans sa phase médiane, en déroulement, abstraction faite de son début et surtout de sa fin, alors que le passé simple est perfectif, parce qu’il la présente dans sa totalité, début et fin compris ».
Tous les effets de sens répertoriés sont en réalité les facettes d’une même notion comme le souligne cette explication du « duratif » par Riegel et al., même si chaque effet de sens est précieux pour pouvoir expliquer des énoncés différents :
« Par opposition au passé simple, l’imparfait n’envisage pas les limites du procès, auquel il n’assigne ni commencement ni fin. L’imparfait s’accorde ainsi avec l’expression de durée ; selon le sens du verbe, le procès n’est pas forcément long objectivement, mais il est perçu « de l’intérieur » dans son écoulement, dans la continuité de son déroulement, sans terme final marqué. L’aspect duratif n’est qu’une conséquence de cette valeur de l’imparfait. »
Riegel et al. partent de l’absence de limites pour expliquer les autres effets de sens. Notre conception des choses est très proche : c’est parce qu’à l’imparfait le procès n’est pas défini dans ses limites qu’on peut désigner son déroulement interne en faisant abstraction de ces limites.
Inversement, la notion de « globalité » qui sert à qualifier le passé simple et dont on peut retenir, entre autre, cette définition de Martin :
« Le passé simple envisage le procès « comme un noyau indivis, comme un tout fermé sur lui-même et en offre une vision globale, indifférenciée, non sécante. »
peut être reliée à la désignation de limites définies du procès.
Le fait que le procès soit défini signifie implique que l’on prenne en compte ces limites définies, elles sont désignées par l’emploi du passé simple et elles entrent donc obligatoirement dans l’interprétation du procès. C’est pourquoi on ne peut prendre en compte le déroulement interne du procès au passé simple car ce serait ne plus désigner ses limites, ses contours :
« Le passé simple parcourt l’espace temporel du procès de sa limite initiale à sa limite finale sans le pénétrer. »
En somme, les schémas qui décrivent respectivement le passé simple et l’imparfait,
[ ] et ----(----

sont parfaitement adéquats ; le procès au passé simple désignant exclusivement les limites du procès, un séquençage de l’espace-temps désigné, et l’imparfait désignant le déroulement d’un procès en cours dont les limites ne sont pas définies, un continuum.
L’analyse aspectuelle est précieuse car elle souligne une différence fondamentale entre le passé simple et l’imparfait : la possibilité ou l’impossibilité de désigner le cours du procès. Cependant, l’examen de certains énoncés, comme ceux qui mettent en relation ces formes verbales avec un repère temporel ponctuel ou avec des adverbes comme déjà et encore, ou comme le schéma d’incidence, modèle micro-textuel proposé par Pollack mettent au jour certaines contradictions dans l’analyse aspectuelle de l’imparfait. Nous nous proposons de revenir sur l’analyse de ces quelques cas pour examiner, à la lumière de l’opposition « (défini », un moyen de résoudre ces contradictions. A travers l’analyse de la distribution de quelques repères temporels et de déjà et encore dans des énoncés à l’imparfait et au passé simple et celle du schéma d’incidence, nous mettrons au jour le fait que les effets de sens relevés s’articulent toujours autour de la même valeur « (défini », qui peut sembler, dans un premier temps coïncider avec « l’aspect ( perfectif », mais dont nous verrons qu’elle permet de l’englober dans la mesure où elle rend compte également du fait que l’imparfait n’est pas toujours « imperfectif ».
2-2-2-2-1-1 Mise en relation de l’imparfait ou du passé simple avec des repères temporels ponctuels

Examiner les différences d’interprétation qu’entraîne la substitution d’un verbe au passé simple par un verbe à l’imparfait dans des énoncés qui le mettent en relation avec un repère temporel ponctuel permet de mettre au jour la pertinence de l’analyse aspectuelle du passé simple. Nous verrons qu’il n’en est pas forcément de même pour l’imparfait. Le parallèle sera effectué avec des verbes imperfectif (chercher) et perfectif (trouver).
38) Il chercha la bague à huit heures.
38 bis) Il trouva la bague à huit heures.
39) Il cherchait la bague à huit heures.
39bis) ? Il trouvait la bague à huit heures.
39 ter) A huit heures, il trouvait la bague.
La mise en relation d’un repère temporel à huit heures avec un verbe imperfectif au passé simple qui désigne un procès dont les bornes sont définies comme il chercha, dans les énoncés (38) et (38bis), implique la coïncidence entre le repère temporel et la borne initiale du procès quand le verbe est imperfectif. Il chercha la bague à huit heures est interprétable par : il commença à chercher la bague à huit heures. La paraphrase réinvestit la notion de clôture.
Quand le verbe est perfectif, « il implique le terme du procès ». On ne peut alors distinguer les deux limites du procès, et c’est la totalité du procès qui coïncide avec le repère temporel ponctuel. Dans l’énoncé (38bis), dans la mesure où la signification lexicale de trouver ne comporte pas de durée, la découverte de la bague s’est effectuée, en totalité, à huit heures.
Dans les deux cas de figure relevés, il y a coïncidence du repère temporel avec l’une ou les deux limites du procès. On ne peut, quel que soit le mode d’action du verbe au passé simple interpréter le repère temporel ponctuel comme s’insérant à l’intérieur de la durée délimitée par le procès. Cet effet de sens correspond à la notion de « saisie globale du procès » pour l’énoncé (38bis) ou, plus généralement, à celle d’une « saisie externe du procès ». Mais ce que permettent de souligner ces exemples, c’est la prise en compte exclusive des limites du procès quand le verbe est conjugué au passé simple. Cela est dû au trait sémantique « défini » du passé simple qui implique obligatoirement la désignation des limites du procès qui permettent de le définir.
Inversement, quand le verbe est à l’imparfait, le fait que les limites du procès ne soient pas définies implique qu’on n’interprète pas obligatoirement le repère temporel à huit heures en fonction des limites du procès. On peut interpréter l’énoncé (39) par il avait déjà commencé à chercher à huit heures. Autrement dit, le procès dit par le verbe à l’imparfait a débuté avant huit heures et se poursuit après huit heures. On parle alors d’une « saisie interne du procès », c’est-à-dire que le repère ponctuel se situe à n’importe quel moment du déroulement du procès sauf à son début ou à sa fin. L’effet de sens est alors exactement inverse à celui rapporté pour le passé simple : l’imparfait, porteur du trait sémantique « indéfini », ne désigne pas les limites du procès. Un repère temporel ponctuel ne coïncide donc pas obligatoirement avec ces limites non désignées mais peut s’inscrire à l’intérieur du procès où il désigne un point parmi d’autres.
Cependant, quand le verbe à l’imparfait est perfectif comme dans l’exemple (39bis) ?Il trouvait la bague à huit heures, cette interprétation est plus difficile à envisager : ? il trouvait la bague à huit heures veut-il dire il était en train de trouver la bague quand huit heures sonna ? La coïncidence entre la désignation du terme du procès par le verbe perfectif et la mise en relation avec un repère temporel ponctuel conduit logiquement à une interprétation « perfective » du verbe à l’imparfait. L’interprétation sera alors préférentiellement soit itérative, soit celle d’un imparfait de narration. Dans un cas, le caractère non-défini désigne le fait que soit ignoré combien de fois un même procès se répète, de l’autre, il désigne les bornes non-définies d’un procès qui s’inscrit alors dans une série d’autres procès non-définis.
De même, quand le repère temporel ponctuel est préposé comme dans l’énoncé (39ter) A huit heures, il trouvait la bague, le procès à l’imparfait peut être interprété comme un « imparfait de rupture ».
Dans ces deux derniers cas, imparfait de narration ou imparfait de rupture, le repère temporel ponctuel à huit heures coïncide avec les limites du procès dit par un verbe à l’imparfait. Cela implique que l’imparfait n’empêche pas que ses limites soit désignées. C’est ce qu’indique d’ailleurs la possibilité de le mettre en relation avec des repères qui désignent le début ou la fin du procès, comme dans ces exemples :
(40) Il était chauve depuis sa naissance.
(41) Il était chauve jusqu’à hier.
La perfectivité de l’imparfait pose des difficultés d’analyse qui ont conduit certains linguistes à nier la grammaticalité des « imparfaits de narration » et d’autres à mettre en cause l’opposition aspectuelle imparfait / passé simple. En fait, c’est parce que la perfectivité du passé simple n’est qu’un effet de sens d’un trait sémantique qui l’implique qu’elle n’est pas opposable à l’imparfait. En réalité, le trait sémantique qui oppose imparfait et passé simple ne présente pas des contraintes symétriques de part et d’autre. La définition des limites du procès dit au passé simple contraint à la coïncidence de ces limites avec un repère temporel ponctuel mais le fait que les limites du procès ne soient pas définies à l’imparfait autorise deux effets de sens : soit le repère temporel ponctuel désigne le début du procès, soit il désigne un point quelconque à l’intérieur du procès.
En l’absence de contexte, impossible d’interpréter correctement la mise en relation entre le repère temporel à huit heures et le verbe à l’imparfait il cherchait, dans l’énoncé :
(42) A huit heures, il cherchait la bague.
A huit heures peut désigner la limite du procès dans un contexte  de ce type :
(42bis) Ferdinand s’enferma dans sa chambre malgré les cris de sa sœur. Son père arriva et lui passa un bon savon. A huit heures, Ferdinand cherchait la bague.
Mais dans un autre contexte, le repère temporel indiquera un point à l’intérieur du procès :
(42ter) Ferdinand ne pouvait pas te rendre ta bague à huit heures. A huit heures, il cherchait la bague.
L’aspect lexical perfectif ou imperfectif du verbe joue un rôle complémentaire dans l’interprétation de l’énoncé par rapport au contexte. Ainsi, dans l’exemple (39bis), il trouvait la bague à huit heures, c’est le cumul de la désignation d’une limite finale par l’aspect sémantique du verbe trouver avec la désignation de la ponctualité du repère temporel qui incite à interpréter de façon dite « perfective » le procès dit à l’imparfait. Le verbe trouver peut, en effet, prendre un sens imperfectif avec l’imparfait dans d’autres contextes :
(43) « Ferdinand trouvait la bague quand son frère donna un coup de pied dans le tas de paille. »
Inversement, si le repère ponctuel est mis en relation avec un verbe imperfectif à l’imparfait, il y a indéfinition des limites du procès, ce qui peut conduire à la non coïncidence avec les limites du procès mais pas forcément. Là aussi, l’interprétation de l’imparfait de narration est possible : Il cherchait la bague à huit heures, à neuf heures il la retrouvait et courait l’apporter à Sherlock Holmes.
En définitive, si le trait sémantique « défini » du passé simple contraint à prendre en compte les limites du procès dit au passé simple dans ce qu’il est convenu d’appeler « une saisie globale du procès » et donc à faire coïncider avec ces limites définies tout repère temporel, l’imparfait ne définissant pas les limites du procès ne contraint pas à cette coïncidence. L’interprétation de la mise en relation du repère temporel ponctuel avec un procès dit à l’imparfait peut donc correspondre à deux cas de figure : désignation de la limite initiale du procès ou désignation d’un moment interne du procès.
2-2-2-2-1-2 Effets de sens de déjà et encore dans leur mise en relation avec des verbes à l’imparfait et au passé simple

Malgré leur polysémie qui continue d’interroger les linguistes et qui pose des difficultés de classement, il paraît intéressant d’examiner la distribution de déjà et encore dans les énoncés à l’imparfait et au passé simple.
Ces deux adverbes ont souvent été réunis dans les études du fait d’une symétrie certaine même si elle n’est pas complète. Cette symétrie s’observe dans la négation de déjà par encore qu’analyse Muller dans un article de 1975 :
« Les oiseaux chantent déjà.
Les oiseaux ne chantent pas encore. »
Mais aussi dans le fait que tous deux peuvent avoir une interprétation itérative ou continuative, ce que certains énoncés mettent en exergue :
J’ai déjà visité ce musée mais je le visiterai encore.
Il était déjà ministre en 1975 et il l’est encore.
Cette symétrie de déjà et encore s’observe également quand on les met en relation avec des verbes à l’imparfait et au passé simple. En effet, comme nous allons le voir, alors que la mise en relation avec un verbe à l’imparfait autorise, selon le contexte, les deux effets de sens, itératif ou continuatif, de ces adverbes, la mise en relation avec le passé simple contraint au seul effet de sens « itératif » - étant entendu que nous exceptons de notre étude les effets de sens argumentatifs.
L’analyse d’un échantillon d’énoncés extraits de notre corpus permet de constater, en effet, qu’on peut classer déjà et encore selon deux effets de sens quand ils entrent en relation avec un verbe à l’imparfait : un effet de sens « continuatif »et un effet de sens « itératif ».

2-2-2-2-1-2-1 Déjà et encore « continuatifs »

Déjà en combinaison avec l’imparfait peut prendre un effet de sens « continuatif » quand il désigne un moment proche du début du procès, insistant en somme sur le fait que le procès a commencé. Dans chacun de ces énoncés de Voyage au bout de la nuit, on pourrait substituer à déjà, avait(s, ent) commencé à :
(44) « Je ne voyais pas sa figure mais sa voix était déjà autre que les nôtres, comme plus triste, donc plus valable que les nôtres. »
 (44bis) « Je ne voyais pas sa figure mais sa voix avait commencé à être autre que les nôtres, comme plus triste, donc plus valable que les nôtres. »
(45) « une longue raie grise et verte soulignait déjà au loin la crête du coteau, à la limite de la ville, dans la nuit»
(46) « Ils se faisaient déjà la main les sacrificateurs. »
(47) « Mon départ pour la forêt, je ne l’envisageais plus qu’avec désespoir et révolte et me promettais déjà de contracter au plus tôt, toutes les fièvres qui passeraient à ma portée... »
(48) « Dans la rue que j’avais choisie, vraiment la plus mince de toutes, pas plus épaisse qu’un gros ruisseau de chez nous, et bien crasseuse au fond, bien humide, remplie de ténèbres, il en cheminait déjà tellement d’autres de gens, des petits et des gros qu’ils m’emmenèrent avec eux comme une ombre. »
Cette paraphrase par avait commencé à indique, par son sens et sa forme composée, que le début du procès est accompli et désigne donc effectivement un moment interne au procès. C’est la « saisie interne du procès », possible seulement à l’imparfait, qui autorise déjà à désigner un moment certes proche de la limite initiale du procès mais ultérieur à cette limite initiale. Il s’ajoute à cet effet de sens que Muller qualifie d’inchoatif, un jugement du locuteur sur la précocité du procès, une présupposition selon laquelle il aurait dû ou pu débuter plus tard, présupposition qui n’influe pas, semble-t-il, sur notre questionnement sur l’imparfait et le passé simple.
De même, l’adverbe encore peut désigner le procès en cours dont il souligne la prolongation quand il est employé avec un verbe à l’imparfait. Il correspond alors au sens de continuer auquel s’ajoute une présupposition selon laquelle le procès aurait pu ou aurait dû s’arrêter plus tôt. L’interprétation continuative de encore coïncide bien avec l’effet de sens de « saisie interne du procès » qu’autorise l’imparfait. C’est le cas de ces quatre exemples de Voyage au bout de la nuit où le procès est montré comme se continuant au-delà de ce qui semble vraisemblable. Le premier énoncé décrit un général que Bardamu croise - à peine - en Afrique. Le encore est mis en rapport avec passé depuis longtemps de façon à insister sur la prolongation du procès tracasser en dépit de la distance, ici temporelle et spatiale, que le général Tombat a établie avec Verdun :
(49) « Mais cependant Verdun passé depuis longtemps le tracassait encore »
Le général Tombat, malgré sa disponibilité obtenue dès le début de la guerre et son départ aux colonies, « si loin » de la France, continue à vivre au rythme des nouvelles de la guerre. Dans le terme tracasser qui évoque davantage la douleur dentaire que l’implication militaire, il faut lire toute l’ironie du narrateur qui dénonce une posture du général embusqué (« Il l’avait placée aussitôt dans le service de « la plus grande France » sa disponibilité ») à laquelle répond la posture de son entourage : « Il faisait si chaud dans le hangar et cela se passait si loin de nous, la France, qu’on dispensait le général Tombat d’en pronostiquer davantage. Enfin on répéta tout de même en chœur par courtoisie, et le Directeur avec nous : « Ils sont admirables ! » et Tombat nous quitta sur ces mots. »
L’énoncé suivant est l’un des rares passages où ne perce ni ironie ni dénonciation :
(50) « Je l’ai embrassé Molly avec tout ce que j’avais encore de courage dans la carcasse. »
Le verbe à l’imparfait pourrait être glosé par tout ce qui me restait mais encore insiste sur l’idée qu’il lui faut puiser son courage au-delà de ce qui lui semblait possible. Son chagrin est tel qu’il ne pensait pas possible de continuer à avoir du courage. Le narrateur rétrospectif en conclut : « C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. »
C’est aussi l’idée d’une prolongation du procès en cours au-delà d’une norme qui explique l’emploi de encore dans les deux énoncés suivants :
(51) « Beaucoup d’étincelles me sautaient encore dans les yeux et cela les faisaient bien rigoler les noirs. »
(52) « Il avait terminé lui aussi sa petite cuisine et s’agitait encore pour la forme entre les étuves et les éprouvettes. »
Dans le premier, Bardamu continue à recevoir des étincelles quand il fait du feu alors que cela fait longtemps qu’il a emprunté leur technique aux indigènes. Dans l’autre, le garçon de laboratoire continue à s’occuper ou à faire mine de s’occuper, alors qu’il a fini ses manipulations ou la cuisson de son dîner –les deux interprétations sont possibles dans l’histoire- de façon à continuer à écouter la conversation de Bardamu et de Parapine, pense Bardamu – à tort car il est parfaitement blasé sur les propos de Parapine et ne s’intéresse qu’à ses « petites expériences personnelles ».
Mais, dans certains énoncés de Voyage au bout de la Nuit, l’imparfait mis en relation avec encore, prend un effet de sens sensiblement différent en soulignant l’opposition avec une situation présente. Il s’agit toujours de désigner la continuation d’un procès à un moment donné mais la présupposition d’une prolongation hors-norme renvoie à une nostalgie du passé. Ce passé est désigné par ce moment interne au procès où la limite finale n’est pas encore atteinte mais aussi par le trait non-coïncident de l’imparfait qui l’oppose au présent. C’est le cas dans cet énoncé où Bardamu et Lola doivent imaginer le fonctionnement passé de la baraque à tir « d’une fête que la guerre avait surprise là, et comblée soudain de silence » :
(53) « Une noce pour la rigolade que ça représentait : au premier rang, en zinc, la mariée avec ses fleurs, le cousin, le militaire, le promis, avec une grosse gueule rouge et puis au deuxième rang des invités encore, qu’on avait dû tuer bien des fois quand elle marchait encore la fête. »
L’énoncé désigne un moment où le procès n’est pas parvenu à son terme mais il s’agit surtout de signifier, par opposition, que la fête foraine ne marche plus, pour la désolation de Lola qui prend soudain conscience de la mélancolie des lieux et de la fuite des années.
De même, encore dans l’énoncé suivant désigne un moment où le procès n’a pas atteint son terme mais il s’agit surtout de souligner qu’un déniaisement s’est opéré entre le personnage-narrateur et le narrateur ultérieur :
(54) « J’étais encore naturel comme un animal en ce temps-là, je ne voulais pas la lâcher ma jolie et c’est tout, comme un os. »
Au total, l’interprétation continuative de déjà et encore est compatible avec leur mise en relation avec l’imparfait dans la mesure où ils renvoient alors à un moment interne au procès, proche de sa limite initiale (déjà) ou proche de sa limite finale (encore). Or, le fait que l’imparfait désigne un procès indéfini, aux limites indéfinies, autorise, on l’a vu, la désignation d’un moment interne au procès. Cependant, l’interprétation de déjà et encore ne renvoie pas obligatoirement à une saisie interne du procès à l’imparfait. Ils peuvent également prendre un effet de sens itératif.

2-2-2-2-1-2-2 Déjà et encore itératif

Le terme d’itératif dont on qualifie une interprétation de déjà vient du fait qu’il peut renvoyer à la totalité d’un procès susceptible de se reproduire. Il signifie alors que le procès a été accompli au moins une fois au moment de l’énoncé ou à un autre point de référence situé dans le passé. Cet effet de sens de déjà peut se rencontrer alors qu’il est mis en relation avec un verbe à l’imparfait. Voyage au bout de la nuit en présente quelques exemples :
(55) « Des trucs j’en connaissais déjà et des fameux pour être malade, j’en appris encore des nouveaux, spéciaux pour les colonies. »

Martin indique également, sous l’appellation de « réitération virtuelle » cette possibilité d’interprétation pour certains énoncés à l’imparfait tels que A 8 h, Pierre quittait déjà son appartement ou A ce moment-là, Pierre sortait déjà avec Jeanne.
Parallèlement à déjà, encore peut prendre un sens de réitération, équivalent à à nouveau quand il est mis en relation avec un verbe à l’imparfait. Vet en souligne l’analogie avec l’interprétation continuative :
(57) « Il ne s’agit pas de la continuation d’un intervalle, mais plutôt de la continuation d’un ensemble d’intervalles qu’à un moment, on croyait complet, mais qui reçoit un nouvel élément. »
C’est ainsi, en effet, que nous interprétons l’effet de sens itératif que peut prendre un verbe à l’imparfait : l’indéfinition s’applique alors à une suite de procès. Encore désigne alors la continuation de la répétition des procès et non la continuation du procès.
Dans l’écriture de Céline, l’interprétation itérative d’encore est souvent accentuée par d’autres éléments qui indiquent la répétition des procès, en particulier par le préfixe re en début de verbe :
(58) « il refaisait encore des gestes, il décrivait des paraboles… il promenait les mains dans les voies lactées… haut, très haut dans les atmosphères… il retrouvait encore une cligneuse… une petite chose à m’expliquer. »
(59) « Je me laissais aller et puis je vomissais et je me réveillais encore et je me rendormais. »
(60) « Et je repensais encore au colonel, brave comme il était cet homme-là, avec sa cuirasse, son casque et ses moustaches, on l’aurait montré se promenant comme je l’avais vu moi, sous les balles et les obus, dans un music-hall, c’était un spectacle à remplir l’Alhambra d’alors. »
(61) « enfin, on arrivait, vanné, je repassais au retour de ces excursions populistes devant l’inépuisable et double rangée des beautés de mon vestibule tantalien et je repassais encore et toujours songeur et désireux. »
La discontinuité qu’implique l’interprétation itérative peut aussi être mise en valeur par la juxtaposition de la négation du verbe et son affirmation :
(62) « Y en avait plus qu’il y en avait encore des rues, et puis dedans des civils et leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lançaient des fleurs, des terrasses, devant les gares, des pleines églises. »
ou par le décompte du procès ajouté par une fois, un coup :
(63) « Et on l’abandonnait encore un coup dans son réduit à se protéger. »
(64) « Ces maisons du faubourg qui limitaient notre parc se détachaient encore une fois, bien nettes, comme font toutes les choses avant que le soir les prenne. »
Ainsi, encore combiné avec un verbe à l’imparfait peut tout aussi bien recevoir l’interprétation continuative qu’itérative. On peut remarquer d’ailleurs que certains énoncés peuvent être sujets à ambiguïté : l’énoncé il dormait encore peut aussi être interprété comme la continuation du procès dormir : il continuait à dormir que comme la réitération d’un procès déjà réalisé : Il dormait à nouveau. Cette double possibilité d’interprétation est à relier à la latitude de mise en relation qu’offre le trait sémantique « indéfini » de l’imparfait, trait combinable avec un procès comme avec une suite de procès.
A l’inverse, le passé simple limite l’interprétation de déjà et d’encore au seul effet de sens itératif. De ce fait, les énoncés mettant en relation un verbe au passé simple avec déjà se révèlent rares. Le corpus de Céline rend compte de cette rareté : en effet, alors que l’imparfait se combine avec déjà dans 190 occurrences dans les textes de Voyage au bout de la nuit et de Mort à Crédit, la combinaison du passé simple avec déjà en est proprement absente. La rareté de ces emplois a, d’ailleurs, pu conduire certains linguistes à un verdict d’incompatibilité de déjà et du passé simple et ce sujet a animé un débat dans les années 50.
Mais d’autres linguistes soulignent l’existence d’énoncés tels que, ceux-ci relevés par Klum :
« Il y eut déjà des temps, et certains récents, où l’âme et l’avenir de la patrie étaient ainsi déposés dans les consciences individuelles. »
« Nous refusons … la compétence du jury appelé à choisir le sujet du concours et à désigner le lauréat. Dans le jury se trouves Charles L. … qui refusa déjà, en 1929, lors d’un concours, la copie de Le Corbusier. »  
« De retour enfin d’un long voyage, je prends connaissance de la lettre d’Isabelle Rivière… J’y lis ceci : Gide affirme que ce catholique pratiquant jusqu’à l’âge de seize ans, ‘n’avait jamais ouvert l’évangile’. Déjà, peu de temps après la publication du numéro spécial de la NRF … Isabelle Rivière, lorsque je la revis, protesta contre ce qu’elle considère comme une ‘grosse inexactitude’. »
Martin indique qu’il existe une vingtaine, au moins, de ces exemples dans la documentation TLF et en cite aussi quelques-uns :
« Il se justifia, et déjà ses lettres devinrent moins tendres …»
« Cependant, la liberté trouva déjà moyen de se faire jour… »
« Déjà il me sembla que je devais communiquer la solitaire expérience que j’étais en train de traverser. »
Tous ces exemples ont en commun d’impliquer une lecture itérative de déjà et l’analyse qu’en fait Klum rattache à l’analyse aspectuelle du passé simple l’impossibilité d’une autre lecture de déjà :
« Sans entrer dans les détails de ce problème difficile, on ne risque guère de se tromper entièrement si l’on suppose que l’explication doit résider dans le fait que déjà implique normalement que le procès exprimé par le verbe est (déjà) en partie ou complètement arrivé. Par ce mot, on peut donc se placer en plein déroulement du verbe, ce qui est incompatible avec l’aspect global, synthétique du passé simple. Les quelques cas de la combinaison déjà + passé simple nous présentent une situation où le mot déjà n’a plus sa fonction accoutumée, mais assume le sens de « une fois déjà » ou « à ce moment ». Dans l’impossibilité d’opérer un clivage du corps verbal fortement synthétisé par le passé simple, déjà subirait donc le changement fonctionnel et sémantique qu’on vient d’esquisser. » 
Déjà mis en relation avec un verbe au passé simple ne peut désigner une phase initiale interne au procès. Comme pour l’interprétation des repères temporels mis en relation avec un verbe au passé simple, la définition du procès implique qu’on ne peut faire abstraction de ses limites en désignant d’une manière ou une autre sa partie interne.
La compatibilité de encore avec le passé simple a été moins débattue dans la mesure, sans doute, où les emplois itératifs de encore en relation avec un verbe au passé simple sont relativement nombreux. Voyage au bout de la nuit en présente 45, par exemple. Pourtant, sur le point qui nous intéresse, on peut faire un parallèle entre encore et déjà dans leur mise en relation avec un verbe au passé simple. Ainsi que l’explique Vet, « la raison de la lecture itérative doit être cherchée dans l’aspect perfectif, qui empêche l’idée d’une continuation ininterrompue. » L’impossibilité de « saisie interne du procès » par le passé simple interdit la désignation de la continuité du déroulement du procès. L’adverbe encore mis en relation avec un verbe au passé simple ne peut donc qualifier le procès que dans son ensemble et non pas son déroulement interne. L’interprétation itérative s’impose alors qui désigne la totalité du procès.
(65) « J’insistai, je cognai encore, j’interpellai très haut, mi en allemand, mi en français, tour à tour, pour tous les cas, ces inconnus bouclés au fond de cette ombre. »
(66) « -vous êtes bien brave, me dit-il encore le père et il me serra la main. »
Dans Voyage au bout de la nuit, cette itérativité est parfois mimée par la répétition du mot donnant ainsi un effet d’insistance :
(67) « Et la vieille me raconta encore et encore comment les choses s’étaient déroulées. »
(68) « chaque matin, nous le revîmes, et le revîmes encore le médecin chef, suivi de ses infirmières. »
Le parallélisme de déjà et encore permet aussi de souligner leur valeur itérative dans cet extrait, déjà situant le procès connaître en début de série, et encore situant le procès apprendre en milieu de série :
(69) « Des trucs j’en connaissais déjà et des fameux pour être malade, j’en appris encore des nouveaux, spéciaux pour les colonies. »
La mise en relation de l’adverbe encore et de l’adverbe déjà avec des verbes à l’imparfait ou au passé simple permet de mettre en relief l’opposition imparfait/passé simple et recoupe les conclusions de notre analyse du précédent chapitre : le fait que les limites du procès dit au passé simple soient définies implique qu’on ne puisse faire abstraction de ces limites en désignant un procès « en cours de déroulement », ce qui justifie l’analyse aspectuelle perfective du passé simple et sa valeur explicative de l’interprétation contrainte de déjà et encore. Cependant, le fait que les limites du procès dit à l’imparfait soient indéfinies n’implique pas des contraintes symétriques de l’interprétation : déjà et encore peuvent désigner la totalité du procès ou un stade de déroulement du procès. Ce procès peut donc être perfectif ou imperfectif selon le contexte, ce trait n’étant pas pertinent pour décrire l’opposition de l’imparfait au passé simple. C’est pourquoi nous verrons plus loin que la perfectivité du passé simple n’est qu’un simple effet de sens du passé simple, l’opposition avec l’imparfait se jouant en biais par rapport à ce concept dans l’absence de définition du procès que véhicule l’imparfait.




« comme si tout cela (ces cris, cette violence, cette incompréhensible et incontrôlable explosion de fureur, de passion) ne se passait pas à l' époque des fusils, des bottes de caoutchouc, des rustines et des costumes de confection mais très loin dans le temps, ou de tous les temps, ou en dehors du temps, la pluie tombant toujours et peut-être depuis toujours, les noyers les arbres du verger s'égouttant sans fin » C. Simon, La Route des Flandres.

2-2-2-2-1-3 Mise en relation d’un verbe au passé simple et d’un verbe à l’imparfait - le schéma d’incidence :

Nous nous arrêterons enfin sur l’analyse que propose la thèse aspectuelle de la mise en relation d’un verbe au passé simple et d’un verbe à l’imparfait.
L’opposition aspectuelle imparfait / passé simple est particulièrement intéressante, ici, car elle a permis de mettre au jour l’existence d’un schéma de fonctionnement que Pollak a intitulé « schéma d’incidence » qui permet de rendre compte de cette mise en relation. Ce schéma, tel que Pollak l’a défini, correspond à un énoncé où un verbe au passé simple désigne « une action qui surgit alors qu’une autre action est en cours », cette dernière étant désignée par un verbe à l’imparfait.
La définition qu’en donne Maingueneau à partir des analyses de Pollak met d’ailleurs en valeur la pertinence de l’analyse aspectuelle:
« La forme à l’imparfait représente le procès en cours d’accomplissement et offre la base sur laquelle tombe le « point » d’incidence que constitue le verbe à la forme perfective. »
Il faut tout d’abord remarquer que le terme « schéma » relève, ici, davantage de l’analyse sémantique que de l’analyse syntaxique car il n’implique pas un seul schème syntaxique comme le montrent ces exemples :
(70) Pierre se promenait en ville quand il aperçut un vieux camarade.
(71) Quand il commençait à savoir son rôle, une amnésie totale le frappa.
(72) Marie marchait dans la rue. Soudain un motocycliste la bouscula.
(73) Le chanteur entra sur scène. Le public applaudissait son prédécesseur.
(74) Le général attaqua l’ennemi qui se retirait.(Pollak, 1976)
Il faut remarquer, tout particulièrement, que les deux verbes peuvent apparaître dans un ordre ou dans l’autre, selon les formes syntaxiques, - c’est le cas, par exemple, des énoncés (72) et (73) - et que la conjonction de coordination quand peut tout aussi bien introduire le verbe au passé simple – comme dans l’énoncé (70)- que le verbe à l’imparfait – comme dans l’énoncé (71).
Même s’il emploie le terme de « syntaxe », il ne s’agit pas d’ailleurs, pour Pollak, de réduire l’opposition imparfait / passé simple au schéma d’incidence. Ce schéma a seulement, pour lui, une valeur heuristique :
« Le « schéma d’incidence » est un modèle syntagmatique. Son utilité est de nous permettre de projeter à un niveau syntaxique des « significations fondamentales » formulées plus intuitivement, donc de les objectiver par intégration dans une structure formelle définie [et en particulier, de] définir l’aspect comme une catégorie grammaticale dont les paires en corrélation forment une unité tout en s’opposant. »
Il s’agit donc, à travers ce schéma d’incidence, de repérer « la saisie globale du procès » qu’opère le passé simple, ce qui permet au verbe de se comporter comme un repère temporel ponctuel et « la saisie interne du procès » rendue possible par l’indéfinition de l’imparfait. Le procès dit au passé simple peut alors, tout comme un repère temporel ponctuel, s’insérer à l’intérieur du procès dit à l’imparfait.
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Le schéma d’incidence a aussi pour avantage de pouvoir exemplifier l’analyse guillaumienne de l’imparfait en terme de « visée sécante ». Confais montre que le schéma d’incidence de Pollak sous-tend cet aspect sécant :
« un événement à l’IMP est toujours coupé en un point de son déroulement par un moment-repère ou un événement au PS. »
Le procès à l’imparfait peut être « segmenté en un avant et un après ». Et cette segmentation de l’imparfait correspond à son « aspect sécant » tel que le définissent, par exemple, Riegel et al.:
« Avec l’aspect sécant, l’intervalle de référence du procès est envisagé sans limites ; il est perçu de l’intérieur et découpé en deux parties : une partie réelle nette et une partie virtuelle, floue, à cause de l’effacement de la limite finale. »
Selon Leeman-Bouix, les procès à l’imparfait « sont simplement présentés comme une continuité que l’on perçoit à un moment donné, en sachant qu’ils ont déjà commencé (mais on ne sait pas quand) et- ce n’est qu’une possibilité ouverte- qu’ils peuvent se continuer (mais si oui, on ne sait pas jusqu’à quand. »
Rien n’est dit, en effet, par le schéma d’incidence, de la prolongation du procès à l’imparfait qui peut se poursuivre ou se suspendre après l’irruption du passé simple. Par exemple, dans l’énoncé (70) Pierre se promenait en ville quand il aperçut un vieux camarade, le procès apercevoir peut n’avoir aucune incidence sur la promenade de Pierre qui se continue. Mais il peut aussi marquer un terme à cette promenade, comme marque très probablement un terme au procès à l’imparfait, les procès frapper, bousculer et attaquer des énoncés (71), (72) et (74).
On conçoit donc que, dans le schéma d’incidence, le verbe au passé simple peut non seulement s’insérer à l’intérieur du procès dit à l’imparfait mais aussi en désigner la limite finale.
---(---(-(
C’est bien ce que disent Riegel et al., d’ailleurs :
« Le passé simple vient interrompre le procès à l’imparfait en dissociant ses deux parties : la partie initiale est réalisée, la partie virtuelle est annihilée. »
Là encore, seul le contexte ou la logique que nous confère notre connaissance du monde nous permettra de choisir entre deux interprétations de la mise en relation d’un verbe au passé simple avec un verbe à l’imparfait : soit le procès dit au passé simple est englobé par le procès dit à l’imparfait, soit il désigne son terme.
L’indéfinition de la limite finale de l’imparfait n’empêche pas de la désigner par un procès dit au passé simple qui fonctionne, ici, comme un repère temporel :
(75) Marie se promenait jusqu’à huit heures.
(76) Marie se promenait jusqu’à ce qu’elle rencontre son agresseur.
(77) Marie se promenait quand elle rencontra son agresseur.
Il nous paraît important de souligner surtout que l’analyse du passé simple faite à propos de sa mise en relation avec un repère temporel ponctuel vaut aussi pour le schéma d’incidence. A savoir que l’interprétation du verbe au passé simple est contrainte. Comme le souligne Pollak, le verbe au passé simple ne peut, en aucun cas, désigner un procès qui engloberait un autre procès :
« « Le général attaqua l’ennemi qui se retira » : si un acte au passé simple a une incidence se rapportant à l’acte précédent, alors cela s’accomplit dans une succession d’actions qui se déroulent et jamais de telle sorte qu’un acte au passé simple fournisse la base sur laquelle un autre acte au passé simple pourrait se produire. L’événement au passé simple peut être caractérisé en ce sens comme « totalité ». Cela signifie en termes de la structure formelle syntaxique : ne présentant aucune tendance aux phrases permettant une incidence. L’événement représenté par un passé simple est fermé sur lui-même, il ne peut être segmenté en un avant et un après par aucun acte d’incidence. »
Impossible, autrement dit de désigner la partie interne d’un procès dit au passé simple. Il est dit « non-sécant », c’est-à-dire qu’il est « saisi globalement, de l’extérieur. » Cet effet de sens est dû au trait sémantique « défini » qui affecte les limites du procès. Il est intéressant, à cet égard, d’examiner les implications de l’analyse de l’imparfait que propose, parmi d’autres, Confais :
« Si le procès est vu dans et à un certain moment de son déroulement, c’est que l’on fait abstraction des phases initiales et terminales. »
Il suffit de reformuler de façon négative cette définition pour définir le passé simple : le passé simple, du fait de sa valeur « défini » ne peut faire abstraction des limites initiales et terminales du procès, c’est pourquoi il ne peut désigner le procès dans son déroulement et ne peut insérer en son sein, un autre procès ou un repère temporel.
Inversement, le fait que les limites du procès dit à l’imparfait ne soient pas définies autorise qu’on ne les prenne pas en compte dans la désignation du procès, qu’on en fasse abstraction, désignant ainsi le déroulement interne du procès mais il n’interdit pas que ces limites soient désignées dans des mises en relation. C’est pourquoi dans la mise en relation d’un procès au passé simple avec un procès dit à l’imparfait, le premier peut être englobé par le second (énoncé (70)) ou il peut désigner la limite du procès à l’imparfait (énoncé (71)).
(70) ----(( (((--- Pierre se promenait en ville quand il aperçut un vieux camarade.

(71) ----(((--(-( Quand il commençait à savoir son rôle, une amnésie totale le
frappa.

On le voit aussi avec le schéma d’incidence, la valeur « non-définie » de l’imparfait n’implique pas les contraintes symétriques d’interprétation du passé simple, elle implique l’absence de contrainte.
2-2-2-1- 4 Bilan 

Au total, on constate que si l’analyse aspectuelle est précieuse pour définir les contraintes du passé simple, elle permet mal de rendre compte de l’imparfait qui ne présente pas des contraintes symétriques. S’il est vrai que le passé simple présente le procès selon un aspect perfectif, il n’est pas vrai que l’imparfait le présente toujours de façon imperfective. Nous avons montré comment l’inscription de l’aspect perfectif comme effet de sens de la valeur « défini » véhiculée par le passé simple permettait de résoudre l’apparente contradiction. Mais le paradoxe de l’analyse aspectuelle est très certainement à la source d’une autre piste d’explication qu’explorent les travaux les plus récents : l’analyse textuelle du passé simple et de l’imparfait.

2-2-2-2-2 Analyses textuelles de l’imparfait et du passé simple

Nous venons de le voir, l’analyse aspectuelle aboutit à une forme de paradoxe : pertinente pour expliquer les énoncés au passé simple, opérationnelle pour de nombreux énoncés à l’imparfait, elle se heurte à l’irréductibilité de certains énoncés à l’imparfait.
Les études les plus récentes tentent de résoudre cette contradiction en emmenant l’analyse sur un nouveau terrain : celui du texte. Molendjik, le premier, relie ouvertement les recherches textuelles au rejet de la théorie aspectuelle.
Vetters rejoint Molendjik dans son analyse de l’imparfait mais dans son article « Passé simple et imparfait : un couple mal assorti », il témoigne de la difficulté à abandonner l’analyse aspectuelle pour le passé simple. Il propose de séparer sur deux plans d’analyse différents imparfait et passé simple :
« Mon hypothèse est que le sens fondamental du PS est aspectuel : tout PS est perfectif. Celui de l’IMP, par contre, est temporel : tout IMP reprend un point (ou une période) de référence R accessible Cette hypothèse combine deux niveaux : la phrase pour le PS et le texte pour l’IMP. »
Pour notre part, plutôt que de séparer en deux plans d’analyse les explications de l’imparfait et du passé simple, nous pensons qu’il faut englober l’analyse aspectuelle du passé simple dans une autre analyse susceptible de rendre compte de tous les énoncés à l’imparfait.
Le grand mérite de ce courant d’analyse est d’avoir sorti des oubliettes méthodologiques des énoncés courants comme « l’imparfait de narration » ou « l’imparfait de rupture » qui y avait été précipités par commodité d’analyse, au titre de leur incorrection ou de leur valeur stylistique, et de s’attacher à leur analyse sans craindre de remettre en cause une explication établie et qui semble, par ailleurs, très pertinente.
Nous allons nous attacher à examiner les liens qui peuvent être établis entre ces analyses textuelles et le trait sémantique ( défini à travers la comparaison des effets de sens induits par la juxtaposition de verbes au passé simple et de verbes à l’imparfait.

2-2-2-2-2-1 Premier plan /arrière-plan du récit

L’analyse textuelle s’est d’abord intéressée à la manière dont les procès au passé simple et les procès à l’imparfait s’organisaient à l’intérieur d’un texte pour mettre l’accent sur des faits de « premier plan » et des faits d’ « arrière-plan », pour reprendre la nomenclature de Weinrich.
Selon cet auteur, la fonction de l’imparfait et du passé simple :
« n’est autre que de donner du relief au récit en l’articulant par une alternance récurrente entre premier plan et arrière plan. »
Il exclut donc toute validité d’une analyse phrastique de l’imparfait et du passé simple. Pour lui, leur fonction est textuelle.
Il précise que le narrateur garde toute liberté dans la distribution de ces temps même si certaines constantes dominent :
« Au début d’une histoire, on ne peut se passer totalement d’exposition ; aussi le récit a-t-il normalement une introduction, où le temps est le plus souvent de l’arrière-plan. De plus, dans de nombreux récits, la fin est explicitement marquée par une conclusion, et elle aussi a un penchant pour le temps de l’arrière-plan. […] Dans le noyau narratif, Imparfait et Plus-que-parfait sont destinés aux circonstances secondaires, aux descriptions, réflexions, et à tout ce que l’auteur désire repousser à l’arrière-plan. »
Weinrich définit aussi l’arrière-plan de la sorte :
« c’est ce qui à lui seul n’éveillerait pas l’intérêt, mais qui aide l’auditeur à s’orienter à travers le monde raconté et lui en rend l’écoute plus aisée. »
C’est ce qui peut expliquer qu’avec l’imparfait, il n’y ait pas de progression du récit mais une mise en attente, une suspension qui doit obligatoirement prendre fin par la reprise du récit proprement dit et l’irruption d’un passé simple.
Pollak, a fait de l’analyse textuelle de Weinrich en premier-plan / arrière-plan un simple avatar de la théorie aspectuelle, en insistant sur la possibilité d’élargir au texte l’analyse du schéma d’incidence :
« Le schéma d’incidence peut très bien être interprété comme un microtexte qui montre l’opposition aspectuelle dans sa fonction de façon exemplaire. »
et en montrant que Weinrich fait une critique caricaturale de l’opposition aspectuelle.
Mais les analyses linguistiques les plus récentes, parce qu’elles prennent en compte certaines limites de l’analyse aspectuelle, ont réhabilité l’analyse textuelle en se focalisant sur d’autres aspects du fonctionnement textuel du passé simple et de l’imparfait, s’intéressant à la question de mise en ordre des procès ou aux liens anaphoriques qui peuvent apparaître entre un verbe et un autre élément du texte. Nous allons donc interroger les effets de sens qui peuvent apparaître dans la succession de deux passés simples ou de deux imparfaits.




« C'est triste les raclures du temps... c'est infect, c'est moche. » L-F. Céline, Mort à Crédit.

2-2-2-2-2-2 Mise en relation de deux passés simples



Un verbe au passé simple désigne un procès défini, un univers dont les contours sont identifiés. Touratier compare d’ailleurs un procès présenté au passé simple à « une sorte d’événement historique. » Et il rattache cet effet de sens à la limitation désignée par le passé simple : il présente, en effet, le procès « comme un événement isolé et délimité dans sa globalité de fait objectif, ainsi que peut l’être une date dans un livre d’histoire. » C’est ce qui explique un effet de sens très fréquent au passé simple : celui de succession de deux procès que donne la juxtaposition de deux procès au passé simple. En effet, la limite entre deux procès désignés par un verbe au passé simple est doublement définie en tant que limite finale du premier procès et limite initiale du second. Il ne peut donc y avoir ambiguïté sur la délimitation entre les deux procès ; il ne peut y avoir, entre deux procès au passé simple, de chevauchement selon le terme de Laurendeau qui le définit comme une forme de simultanéité partielle. On peut opposer à cet égard un exemple emprunté à Laurendeau et son pendant, obtenu par substitution d’un passé simple par un imparfait :
(78) Le public fit silence. Le conférencier commença à parler.
(79) Le public faisait silence. Le conférencier commença à parler.
Le remplacement d’un imparfait par un passé simple conduit à un changement d’interprétation dans la façon dont sont agencés les deux procès : on passe d’un chevauchement des procès à leur succession : dans l’exemple (78), la salle fait silence avant que le conférencier ne commence à parler. Les deux procès se succèdent. Inversement, le verbe faire à l’imparfait dans l’exemple (79) ne trouve pas sa limite finale dans celle initiale du verbe commencer au passé simple. Un verbe au passé simple désignant des limites définies, il est logique que l’on cherche à définir ces limites les unes par rapport aux autres quand on a deux verbes au passé simple, le cas le plus fréquent étant d’identifier la limite finale du premier procès à la borne initiale du second procès.
(78) [ ][ ] Le public fit silence. Le conférencier commença à parler.
(79) ---((--[-]- Le public faisait silence. Le conférencier commença à parler.
D’où l’idée d’une succession qui s’impose presque automatiquement lorsqu’un énoncé présente deux verbes au passé simple. C’est cette idée de succession nécessaire qui explique l’incongruïté de cet extrait des Exercices de style de Queneau selon l’analyse qu’en fait Le Goffic :
« Ce fut midi. Les voyageurs montèrent dans l’autobus. On fut serré. Un jeune monsieur porta sur sa tête un chapeau entouré d’une tresse, non d’un ruban. Il eut un long cou. Il se plaignit auprès de son voisin des heurts que celui-ci lui infligea. Dès qu’il aperçut une place libre, il se précipita vers elle et s’y assit.
Je l’aperçus plus tard devant la gare Saint-Lazare. Il se vêtit d’un pardessus et un camarade qui se trouva là lui fit cette remarque : il fallut mettre un bouton supplémentaire.»
Le Goffic commente cette version de la sorte :
« Les passés simples induisent une lecture où tous les procès sont présentés comme les phases successives du déroulement de l’action, ce qui manifestement ne convient qu’à une partie des procès relatés ; d’où des cocasseries absurdes (il eut un long nez), des incohérences (lui infligea), des perplexités (il fallut) : vision éclatée, de pure successivité, sans lien intelligible, -vision schizophrénique. »
On peut penser, en effet, que, quand les procès dans leur rapport entre eux ne renvoient à rien de connu, c’est la notion de succession, statistiquement la plus probable des interprétations de la succession de deux passés simples, qui s’impose au lecteur. Mais Le Goffic parle aussi de « vision éclatée ». En effet, l’échec d’une interprétation successive conduit à ne plus prendre en compte les procès que un par un, dans une individualisation des procès qu’induit également l’emploi de passé simple.
C’est la tendance à interpréter de préférence une juxtaposition de verbes au passé simple par l’idée de succession des procès qui fait aussi que le passé simple a été parfois défini par la valeur de « progression du récit ». « Succession des procès » ou « Progression du récit » sont des notions très proches, si ce n’est que la deuxième réinterprète la première en réfutant l’analyse aspectuelle de l’imparfait et du passé simple et en construisant un modèle textuel à partir du concept de point de référence de Reichenbach. Ainsi, les travaux de Molendjik, Vetters, Saussure, Vet, et Moeschler partent de l’hypothèse de la valeur définitoire de la notion de « progression » pour le passé simple en utilisant les instructions de fonctionnement du passé simple établies par Kamp et Rohrer :
« -Introduisez un nouvel événement e dans la Structure de Représentation Discursive.
- cet événement est antérieur au moment de l’énonciation et il a lieu à l’intérieur du point de référence en vigueur à ce stade de la SRD.
- le point de référence est subséquemment transféré pour servir d’attache au prochain événement au moment de son introduction. » 

Cette capacité du passé simple d’introduire son propre point de référence est opposable à l’imparfait qui, selon la thèse de l’imparfait anaphorique, aurait besoin de se rattacher à un point de référence extérieur.
Pour autant, deux verbes au passé simple peuvent aussi se suivre dans un énoncé sans que soit désignée une succession des procès. C’est le cas de l’exemple maintes fois glosé de Kamp-Rhorer :
(80) Marie chanta et Pierre l’accompagna au piano.
Bres en fait son cheval de bataille dans un article au titre explicite « Non, le passé simple ne contient pas l’instruction [+progression] ». Il souligne que le trait de « succession » n’est pas définitoire en soi du passé simple mais que c’est notre connaissance du monde qui nous permet de dire dans :
« Le dîner dura peu, et chacun monta se coucher. » (Maupassant, Boule de Suif)
qu’en général le fait d’aller se coucher succède à celui de dîner alors que la même connaissance du monde nous apprend que l’accompagnement au piano est forcément simultané au chant ou que l’audition d’une histoire est généralement simultanée à sa narration ce qui permet d’interpréter de façon satisfaisante cette citation :
« Le poète irrité raconta ses angoisses, en versant dans ces cœurs amis les flots de pensées qui l’assaillaient. Eve et David écoutèrent Lucien en silence. »(Balzac, Les Illusions perdues)
Une remarque sur le passé simple de Tasmowski-De Ryck rejoint cette analyse de Bres quand elle souligne :
« Qu’on puisse avoir [+gobalité] [-progression] est exemplifié chaque fois qu’un événement est décomposé en phases e1, e2, e3…, dont l’ordre ou le désordre dépendra des connaissances factuelles :
« L’été de cette année-là vit plusieurs changements dans la vie de nos héros. François épousa Adèle, Jean-Louis partit pour le Brésil et Paul s’acheta une maison à la campagne. » »
Bres reconnaît cependant que ce type d’énoncé est moins courant que ceux où les deux procès dits au passé simple présentent une progression mais il juge que si l’emploi de deux verbes au passé simple va très souvent de pair avec l’idée de progression cela ne tient pas à la forme verbale en elle-même mais à une affinité des valeurs aspectuo-temporelles du passé simple avec l’ordre progressif.
Il apparaît, en effet, que la succession dite par le sens des événements en contexte prend un effet d’enchaînement logique quand les verbes sont au passé simple du fait de la définition des limites de chaque procès, comme nous l’avons vu mais l’accent mis par le passé simple sur la définition des limites du procès peut conduire à une seconde interprétation de deux verbes qui se succèdent dans un énoncé. Au lieu d’identifier la borne finale du premier et la borne initiale du second, cas le plus fréquent, on peut identifier les deux bornes initiales, d’une part et les deux bornes finales, de l’autre.
(80) [[ ]] Marie chanta et Pierre l’accompagna au piano.
Ce cas de figure correspond à la catégorie du « recouvrement strict » parmi les cas de simultanéité définis par Laurendeau. C’est ce qui permet d’expliquer que deux verbes au passé simple ne désignent pas forcément deux procès qui se succèdent.
En somme, nous nous rallions à l’idée de Bres et de Tasmosky selon laquelle la notion de progression est indépendante de l’emploi du passé simple. L’effet de sens, qui, par contre, nous semble propre au passé simple est celui de « globalité », effet de sens qui découle de la définition du procès par le passé  simple. Ainsi, nous l’avons déjà souligné, un procès désigné par un verbe au passé simple ne pourra pas inclure un autre procès au passé simple, de même qu’il ne peut inclure un repère temporel. Le verbe au passé simple définit les limites du procès, dès lors on ne peut en faire abstraction, ce qui explique l’effet de sens « global » et les possibilités de coïncidence des limites de procès dits au passé simple.

« traînant comme d’ironiques stigmates leurs dérisoires débris d’uniformes qui les faisaient ressembler à un peuple de fantômes, d’âmes laissées pour compte, c’est-à-dire oubliés, ou repoussés, ou refusés, ou vomis, à la fois par la mort et par la vie, comme si ni l'une ni l'autre n'avait voulu d'eux, de sorte qu'ils paraissaient maintenant se mouvoir non dans le temps mais dans une sorte de formol grisâtre, sans dimensions, de néant, d'incertaine durée sporadiquement trouée par la répétition nostalgique, pimpante et obstinée de la même rengaine, des mêmes mots vides de sens, sautillants, mélancoliques» (C. Simon, La Route des Flandres)


2-2-2-2-2-3 Mise en relation de deux imparfaits


Contrairement au passé simple, la clôture du procès dit à l’imparfait n’est pas définie, ce qui implique que le passage d’un procès à l’imparfait à un autre procès à l’imparfait est lui aussi indéfini : y-a-t-il simultanéité des procès ou succession ? L’accent, il est vrai, a souvent été mis sur l’effet de sens simultané. Riegel et alii, par exemple, insistent sur cet effet de sens dans leur définition de l’imparfait :
« L’imparfait est apte à présenter des faits simultanés, à les juxtaposer, sans marquer la succession chronologique, à la différence du passé simple. Les procès sont envisagés à partir du même point référentiel. L’imparfait est ainsi employé dans des passages descriptifs. »
Le lien entre les effets de sens de simultanéité des procès et la description est fait par Pollak dans son article de 1976. Il part d’un extrait de Thérèse Raquin de Zola :
« Il y a quelques années, en face de cette marchande, se trouvait une boutique dont les boiseries d’un vert bouteille suaient l’humidité par toutes leurs fentes. L’enseigne, faite d’une planche étroite et longue, portait, en lettres noires le mot : Mercerie, et sur les vitres de la porte écrit un nom de femme : Thérèse Raquin, en caractères rouges. A droite et à gauche s’enfonçaient des vitrines profondes… »
Et compare son analyse de cet extrait :
« La séquence de la production linguistique, de même que celle, toute semblable, de la réception produit en même temps une dimension espace-temps de relations simultanées. En d’autres termes, la simultanéité de ces relations se développe à partir de la succession dans l’utilisation des prédicats. »
à la définition de l’œuvre picturale par Scharlau :
« un système de communication pluridimensionnel… il se distingue par la communication simultanée de toutes les données. Ce qui signifie que dans un tableau on ne peut fixer l’ordre dans lequel les informations sont émises ou reçues ; tout au moins celui-ci n’est pas pertinent pour l’ensemble des informations que donne le tableau.»
Pollack conclut :
« L’analogie avec la peinture va de soi. Malgré toutes les différences importantes dans le mode de communication, elle réside dans la production de relations simultanées. »
L’effet de sens descriptif lié à la simultanéité des procès peut d’ailleurs concerner des procès moins statiques que ceux choisis par Pollack. C’est le cas dans ces extraits de Voyage au bout de la nuit, par exemple :
(81) « De sa maison nous dominions le port fluvial qui miroitait en bas à travers une poussière si dense, si compacte qu’on entendait les sons de son activité cahotique mieux qu’on n’en discernait les détails. Des files de nègres, sur la rive trimaient à la chicotte, en train de décharger, cale après cale, les bateaux jamais vides, grimpant au long des passerelles tremblotantes et grêles, avec leur gros panier plein sur la tête en équilibre, parmi les injures, sortes de fourmis verticales.
Cela allait et venait par chapelets saccadés à travers une buée écarlate. Parmi ces formes en travail, quelques-unes portaient en plus un petit point noir sur le dos, c’étaient les mères qui venaient trimarder elles aussi les sacs de palmistes avec leur enfant en fardeau supplémentaire. »
(82) « Et la rue me reprit. Ce n’était plus la même foule que tout à l’heure. Celle-ci manifestait un peu plus d’audace tout en moutonnant au long des trottoirs, comme si elle était parvenue cette foule dans un pays moins aride, celui de la distraction, le pays du soir.
Ils avançaient les gens vers les lumières suspendues dans la nuit au loin, serpents agités et multicolores. De toutes les rues d’alentour ils affluaient. ça faisait bien des dollars, pensais-je, une foule comme ça. »
Les procès exprimés par les verbes à l’imparfait dans le premier passage, dominions, miroitait, entendait, discernait, trimaient, allait, venait, portaient, étaient, venaient sont dans un rapport de simultanéité mais une simultanéité approximative dans la mesure où ces procès dits à l’imparfait ne sont pas définis. Le travail des dockers a commencé bien avant le regard porté sur eux et se poursuit ensuite, par exemple. On n’en saisit qu’une partie, sans début ni fin, proprement indéfinie puisque le regard qui pourrait les définir, métaphorisé par nous dominions est lui-même indéfini car dit par un imparfait.
De même, les verbes à l’imparfait du second passage désignent-ils des procès, être, manifester, avancer, affluer, penser, qui sont simultanés et simultanés aussi au regard du personnage-narrateur qui les saisit en cours. Il s’agit de décrire un tableau, tableau africain ou tableau américain et de décrire également, par le biais de la focalisation interne, l’état d’esprit du personnage. En somme, ces passages à l’imparfait motivés par un regard peuvent être comparés à des tableaux vivants.
Cependant, l’effet de sens de simultanéité ne rend pas compte de tous les énoncés faisant se succéder plusieurs verbes à l’imparfait et notamment, comme nous l’avons déjà ébauché, de l’imparfait de narration. En l’absence de contexte, en effet, comment dire dans cet extrait de Voyage au bout de la nuit où Bardamu se mêle aux voyeurs qui se sont amassés autour d’un cochon en devanture, si la juxtaposition de ces imparfaits désigne un arrière-plan à visée globalement descriptive, soit la simultanéité des procès ou une succession de procès :
(83) « Les gens lui tortillaient les oreilles histoire de l’entendre crier. Il se tordait et se retournait les pattes le cochon à force de vouloir s’enfuir à tirer sur sa corde, d’autres l’asticotaient et il hurlait. »
En effet, les procès dits par les verbes tortiller, se tordre, se retourner, asticoter, hurler peuvent être compris comme globalement simultanés et correspondre ainsi à une description statique. Ce qui permet de justifier que ce n’est pas le cas, c’est que le verbe hurlait est suivi dans le texte, si l’on s’abstient de le tronquer, par encore plus fort. Ce terme de comparaison ainsi que d’autres qui lui succèdent dans le texte : davantage, toujours plus, pas encore assez permettent d’établir une gradation dans les souffrances du cochon et ce faisant, un minimum de progression du récit :
(83bis) « Un cochon c’était, un gros, un énorme. Il geignait aussi lui, au milieu du cercle, comme un homme qu’on dérange, mais alors énormément. Et puis, on arrêtait pas de lui faire des misères. Les gens lui tortillaient les oreilles histoire de l’entendre crier. Il se tordait et se retournait les pattes le cochon à force de vouloir s’enfuir à tirer sur sa corde, d’autres l’asticotaient et il hurlait encore plus fort à cause de la douleur. Et on riait davantage. 
Il ne savait pas comment se cacher le gros cochon dans le si peu de paille qu’on lui avait laissée et qui s’envolait quand il grognait et soufflait dedans. Il ne savait pas comment échapper aux hommes. Il le comprenait. Il urinait en même temps autant qu’il pouvait, mais ça ne servait à rien non plus. Grogner, hurler non plus. Rien à faire. On rigolait. Le charcutier, par-derrière sa boutique, échangeait des signes et des plaisanteries avec les clients et faisait des gestes avec un grand couteau.
Il était content lui aussi. Il avait acheté le cochon, et attaché pour la réclame. Au mariage de sa fille il ne s’amuserait pas davantage.
Il arrivait toujours plus de monde devant la boutique pour voir le cochon crouler dans ses gros plis roses après chaque effort pour s’enfuir. Ce n’était cependant pas encore assez. On fit grimper dessus un tout petit chien hargneux qu’on excitait à sauter et à le mordre à même dans sa grosse chair dilatée. On s’amusait alors tellement qu’on ne pouvait plus avancer. Les agents sont venus pour disperser les groupes. »
Les verbes listés au départ tortiller, se tordre, se retourner, asticoter, hurler indiquent donc des procès qui se succèdent. Mais, les procès du second et du troisième paragraphe ne sont pas ordonnés par rapport aux procès des autres paragraphes et rien ne permet de résoudre cette ambiguïté.
Ainsi, deux interprétations de la mise en relation de verbes à l’imparfait sont possibles selon le contexte: simultanéité - et on a affaire à une description- ou succession – et on a affaire à un récit.
Cette possibilité d’utiliser des verbes à l’imparfait pour désigner une succession de procès n’est ni exceptionnelle ni nouvelle. Saussure et Sthioul rappellent que l’ « imparfait de narration » – ou « imparfait pittoresque »- est attesté dès le 18ème siècle, chez Rousseau. Ils en donnent, par ailleurs, deux exemples typiques :
« La clef tourna dans la serrure. Monsieur Chabot retirait son pardessus qu’il accrochait à la porte d’entrée, pénétrait dans la cuisine et s’installait dans son fauteuil d’osier. »
« A 18h42, Soper regagnait son stand. La voiture était poussée à l’intérieur de son box et toute l’équipe s’empressait d’enlever les éléments arrière de la carrosserie. »
Pour eux, il ne s’agit pas d’emplois déviants ou appauvrissants de la langue française, mais d’une possibilité offerte par la langue.
« Selon ce point de vue, les écrivains novateurs, bien loin de corrompre la langue en déviant une forme de signification, chercheraient plutôt à tirer parti d’un potentiel jusqu’alors sous-exploité. »
Les travaux récents, accordent, de la même façon, beaucoup d’intérêt à l’« imparfait de rupture »  qui a en commun avec l’ « imparfait de narration » d’être substituable par un passé simple. On peut en donner pour exemple, cet extrait de La Nausée de Sartre, proposé par Ducrot :
« Je me secouai, outré de colère contre lui, je répondis sèchement : « Je vous remercie, mais je crois que j’ai assez voyagé : il faut maintenant que je rentre en France. » Le lendemain, je prenais le bateau pour Marseille. »
Ducrot commente ainsi le phénomène :
« Après avoir raconté une suite d’événements au passé simple, on indique, à l’imparfait, un événement isolé qui se situe après eux et en constitue la conclusion, ou plus exactement la clôture (en entendant par là, non seulement leur résultat final, mais aussi bien une péripétie indépendante d’eux et qui les empêche d’avoir des conséquences directes, qui les prive de toute efficacité : cf. « deux ans après il mourait. » ). »
Là aussi, il s’agit tout d’abord de légitimer la grammaticalité de cet emploi de l’imparfait pour justifier la recherche d’une analyse autre que l’analyse aspectuelle qui ne permet pas de l’expliquer. Ainsi, l’enquête de Tasmowski-De Ryck, reprend les statistiques de Klum et en confirme le résultat, à savoir que l’imparfait est à peine moins fréquent que le passé simple après une expression type x temps plus tard, une date précise ou le lendemain. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène à la marge mais plutôt d’un fait d’écriture quasiment ritualisé.
Et l’on peut, en effet, mettre à l’actif des théoriciens de l’analyse textuelle de ne pas rejeter dans le « hors-norme » des emplois de l’imparfait qui contredisent une théorie bien établie, de reconnaître que le fait que l’imparfait n’est pas toujours imperfectif n’est pas un phénomène à la marge, purement stylistique, que l’on peut se permettre de négliger. C’est d’ailleurs parce qu’ils reconnaissent à l’imparfait des emplois non-imperfectifs qu’ils recherchent une autre piste d’analyse que celle de l’opposition aspectuelle: celle qu’on peut qualifier globalement d’ « imparfait anaphorique ».
Il semble bien que ce soit Ducrot qui ait ouvert cette voie, sous un autre terme : celui de thème temporel. En partant de l’ « imparfait narratif », il aboutit aux mêmes conclusions que Bres sur la successivité des procès à savoir que c’est notre connaissance du monde qui nous permet de déterminer si deux procès se succèdent ou sont simultanés et non pas la forme verbale, elle-même.
Cependant, il cherche à établir ce qui fait la différence entre un récit au passé simple et un récit à l’imparfait de narration. Selon Ducrot, l’ « imparfait narratif » ne peut pas être perçu comme un récit proprement dit, même si les propos qu’il énonce « représentent des événements dont on sait par ailleurs qu’ils se succèdent [car] ce n’est pas la succession des propos dans le discours qui amène à penser les événements comme successifs. » En effet, pour Ducrot, raconter, c’est « mettre en rapport la succession des propos p1, p2, … dont est fait le discours avec la succession t1, t2…, éléments dont le thème est constitué. Si le temps dont parle le locuteur est vu comme un bloc, la succession des propos livrés à l’auditeur ne pourra pas être rapportée à une succession intérieure aux choses. » Or, selon lui, « le thème temporel [de l’imparfait] n’est pas présenté comme une succession d’instants, mais comme un bloc inanalysable. » Il en conclut qu’il est « inévitable, même si l’énoncé comporte la succession de propos p1, p2… que ces propos soient vus comme caractérisations successives du même objet : ils n’apparaissent pas comme reproduisant un développement interne de cet objet (ce qui n’empêche pas que ces propos puissent être constitués par des événements objectivement successifs). »
Ducrot estime que la simultanéité exprimée par l’imparfait ne joue pas entre les procès, quand on a affaire à un imparfait de narration, mais entre une série de procès et un « thème temporel » :
« La situation est la même lorsqu’il y a un seul verbe désignant une action qui se déroule dans le temps. Au passé simple, il est possible que les différents moments de cette activité soient, dans l’image même qu’en donne l’énoncé, rapportés aux différents moments successifs constituant le thème. A l’imparfait au contraire, c’est au même objet temporel qu’ils sont tous rapportés, puisque cet objet (i.e. le thème), tout en étant temporel n’est pas temporellement analysé. L’objet reste pour ainsi dire identique à lui-même, il ne vieillit pas, le temps n’a pas de prise sur lui. Ce n’est pas l’objet-en-t1 qui est dans l’état E1, puis l’objet-en-t2 qui est dans l’état E2 …etc. C’est pourquoi l’auditeur ne peut pas identifier son temps (c’est-à-dire la succession des attributions d’état) et celui des choses (c’est-à-dire la période qui est le thème du discours). Il n’a pas l’impression d’assister à un déroulement qui lui serait extérieur. On lui dépeint ce qui se passe, on ne le lui raconte pas. »
On peut sans doute, d’ailleurs, rattacher à cette analyse et donc à celle de la description d’un tableau vivant, celle que fait Molendijk de ce passage dramatique :
(84) « Ce que je vis alors (P1) est indescriptible (P2). Ayant complètement perdu la raison, un jeune homme se jetait par la fenêtre (P3). Une jeune femme, préférant une mort subite à des souffrances terribles, se poignardait (P4). Un vieillard, essayant de fuir, trébuchait (P5) et tombait inanimé sur le sol (P6)… »
Faisant la remarque que « c’est plutôt l’ensemble des faits racontés par P3-P6 […] qui est présenté comme étant en train de se dérouler et non pas chacun des événements », il aboutit à une conclusion similaire à celle de Ducrot:
« La perspective interne dont relève l’IMP du français peut concerner, non seulement le fait rapporté par une phrase où figure ce temps, ou ce qui est présupposé par ce fait, mais aussi l’ensemble que constitue toute une série de faits racontés à l’IMP. »
Selon cette thèse, l’imparfait narratif serait alors très proche de l’imparfait itératif qui fonctionne comme une série de procès dont l’ensemble est indéfini.
(84) [ ] [ ] [ ] se jetait, se poignardait, trébuchait et tombait
[ ] je vis


(37) ---- [ ] [ ] [ ] ---- A cette époque-là, il courait de sept heures à huit heures,
tous les jours.


Mais on peut aussi considérer que la notion de simultanéité n’est pas inhérente à l’imparfait pas plus que la notion de progression ne l’est au passé simple. Nous pensons, pour notre part que le caractère non défini de l’imparfait autorise, en effet, à l’inverse du passé simple, toutes les interprétations. A la différence du passé simple, un verbe à l’imparfait ne désigne pas les limites du procès. Ainsi, quand deux verbes à l’imparfait sont juxtaposés, il n’y a pas coïncidence entre les limites des deux procès- alors que cette coïncidence est obligatoire quand les verbes sont au passé simple - dès lors, il peut y avoir simultanéité forcément approximative du fait de l’indéfinition du procès (Fig.1) ou succession des procès (Fig.2). Les contours du procès étant indéfinis, c’est au contexte ou à la logique liée à notre connaissance du monde de justifier du positionnement de deux procès à l’imparfait. L’imparfait lui-même, tout comme le passé simple, ne dit rien de l’ordre des procès.
(Fig.1) ----((----
----((----

(Fig.1) ----((--------((----


Cette analyse conduit alors à considérer qu’un texte écrit à l’imparfait narratif constitue une série de tableaux, d’instantanés photographiques, dont chacun est mis en valeur tour à tour, la succession des procès n’étant établie que par la logique des événements racontés. Dans le cas de l’imparfait narratif, l’effet de sens de la succession des procès est sensiblement différent de celle dite par des verbes au passé simple. En effet, comme les contours des procès désignés par des verbes à l’imparfait sont indéfinis, la succession (dite par la logique du texte) donne un effet de juxtaposition d’événements dont on repère mal le passage de l’un à l’autre. On a comme une succession de prises de vue, d’états successifs, de descriptions juxtaposées. En somme, passé simple et imparfait renvoient, de façon imagée, à la différence entre un dessin animé et à une projection image par image. On retrouve alors l’effet de sens descriptif de l’imparfait.
(85) ---(-----(-----((-----(--- Monsieur Chabot retirait son pardessus qu’il accrochait
à la porte d’entrée, pénétrait dans la cuisine et
s’installait dans son fauteuil d’osier. 

La succession des procès est assurée par la logique issue de notre connaissance du monde. Si l’effet de sens peut être appelé « stylistique », c’est que ce passage pourrait être dit au passé simple. Le choix de l’imparfait fait contraste avec le choix également possible du passé simple, contraste qui tient aussi, selon nous, au fait que l’articulation entre chaque procès est mal défini et qu’ainsi chaque procès semble s’étaler dans le temps, comme dans un arrêt sur image. C’est l’interprétation que proposent aussi Riegel et alii :
« L’imparfait prend ici la place du passé simple, pour exprimer un événement important, dont il modifie la perception : le fait est envisagé de l’intérieur et l’imparfait efface ses limites, pourtant bien réelles. Ce procédé sert paradoxalement à mettre en relief le fait évoqué, qui acquiert de l’importance par le temps ouvertement consacré à le considérer dans son déroulement. »
Leeman-Bouix comprend de la même façon, me semble-t-il, cet effet de style :
« L’effet sémantique de « durée » vient de ce que l’action est présentée – c’est la valeur même de l’imparfait - comme momentanément arrêtée, laissant la suite de l’accomplissement dans une perspective ouverte, indéfinie, en suspens.
D’où l’effet de …suspense dans les récits, en particulier journalistiques, où toutes les actions sont à l’imparfait ; si l’on me dit C’est alors que Papin passait la balle à Cantona, je ne sais pas si Cantona a bien reçu le ballon et j’attends la suite avec l’impatience fébrile que vous devinez. »
Quant à l’« imparfait de rupture », nous renvoyons, pour notre part, à la possibilité examinée au premier chapitre sur les effets de sens de l’opposition imparfait / passé simple, qu’a un repère temporel ponctuel de désigner une limite d’un procès dit à l’imparfait.
C’est le choix de faire succéder un imparfait à une suite de passé simple, le marqueur temporel ponctuel faisant la transition avec les passés simples qui précèdent :
(86) [ ][ ][ ] -%--%%--- « Je me secouai, outré de colère contre lui, je répondis sèchement :
« Je vous remercie, mais je crois que j ai assez voyagé : il faut
maintenant que je rentre en France. » Le lendemain, je prenais le bateau pour Marseille. »

L’effet de sens stylistique découle alors du choix d’un imparfait à la place du passé simple, choix qui fait effectivement rupture après une série de passés simples, et qui donne une « ampleur » au procès dit à l’imparfait. L’absence de limite peut lui conférer, par ailleurs, un effet de sens correspondant à un « arrêt sur image ».
On peut y voir aussi un effet de sens suspensif comme le propose Riegel :
« L’imparfait doit s’appuyer sur une indication précise (phrase-tremplin chez Klum), généralement placée en tête de phrase, qui met en place un repère important. Quand l’accent est mis sur l’importance de la datation (notre exemple), on parle d’imparfait « historique » ; quand il s’agit plutôt de dépeindre un procès comme dans un tableau, on parle d’imparfait « pittoresque ». Cette valeur de l’imparfait est souvent employée pour clore un récit passé. L’imparfait évite au récit une fin nette et brutale, mais lui confère une fin ouverte, « comme le dernier écho d’une symphonie qui s’éloigne »(Flaubert). […] La partie virtuelle inhérente à l’imparfait, donnant l’impression de l’inachevé, laisse attendre une suite. »
Nous avons vu que la succession de procès peut être dite aussi bien par des verbes à l’imparfait que par des verbes au passé simple. Pour autant, l’imparfait peut-il remplacer le passé simple dans tous les cas de figure ? L’analyse de Goffic de la version à l’imparfait du texte de Queneau souligne que tel n’est pas le cas :
« C’était midi. Les voyageurs montaient dans l’autobus. On était serré. Un jeune monsieur portait sur sa tête un chapeau qui était entouré d’une tresse et non d’un ruban. Il avait un long cou. Il se plaignait auprès de son voisin des heurts que ce dernier lui infligeait. Dès qu’il apercevait une place libre, il se précipitait vers elle et s’y asseyait.
Je l’apercevais plus tard, devant la gare Saint-Lazare. Il se vêtait d’un pardessus et un camarade qui se trouvait là lui faisait cette remarque : il fallait mettre un bouton supplémentaire. »

Le Goffic montre, en effet, que le fait d’employer un seul temps quel que soit l’ancrage référentiel ou temporel créé un sentiment d’anomalie. On ne sait, en définitive, s’il faut interpréter ces procès comme simultanés ou successifs :
« Au total les ancrages référentiels et temporels du texte dans son ensemble sont inexistants ou contradictoires, la temporalité vacille, le tout penche du côté d’une sorte de vision irréelle où les choses sont floues, avec des contours estompés, sans commencement ni fin, sans frontière de contradiction, - comme dans un rêve. »
La vision floue, estompée que décrit Le Goffic recoupe, sur le plan de l’analyse stylistique, la notion de valeur indéterminée de l’imparfait, que l’anomalie fait ressortir peut-être avec plus de force.
Le Goffic remarque enfin qu’il manque à ce texte des frontières de contradiction, autrement dit une mise en relief, dont, selon les termes de Weinrich, on ne saurait se passer. En effet, si l’imparfait peut permettre d’exprimer une simultanéité des procès ou une succession de procès, comme le passé simple, il ne peut s’insérer à l’intérieur d’un autre procès comme peut le faire le passé simple dans le schéma d’incidence ; c’est ce qui explique l’écrasement des perspectives dans le texte à l’imparfait de Queneau.
La thèse anaphorique

A la suite ou parallèlement aux analyses de Ducrot, de nombreux théoriciens, tels que Labelle, Anscombre, Kamp et Rohrer, Tasmoswski, Houweling, Moeschler, Vet et Molendijk, Molendijk, Vet explorent une piste de recherche qu’on peut globalement qualifier d’ « imparfait anaphorique. » Ils estiment que l’opposition entre imparfait et passé simple est basée sur le fait qu’un énoncé à l’imparfait nécessite un repère extérieur à lui alors que le passé simple pose lui-même son repérage. Cette notion de repère extérieur prend sa source dans la théorie de Reichenbach selon laquelle les formes temporelles localisent les situations dont on parle au moyen de trois coordonnées : le moment d’énonciation, l’intervalle de temps pris par le procès décrit et un point de référence. Pour Kamp et Rohrer, par exemple, une phrase qui se trouve à l’imparfait ne permet pas d’établir un nouveau point de référence alors qu’une phrase au passé simple peut introduire par elle-même un nouveau point de référence. Vetters, dans son article « Passé simple et imparfait : un couple mal assorti », estime qu’il s’agit là du sens fondamental de l’imparfait :
« Une phrase à l’imparfait a besoin de se rapporter à un moment spécifique, un point de référence, que le contexte doit permettre d’établir. »
Berthonneau et Kleiber résument ainsi les travaux sur la thèse anaphorique :
« Référant à un moment qu’il n’identifie pas lui-même, [l’imparfait] renvoie à une entité temporelle du passé déjà introduite dans le contexte ou accessible dans la situation extra-linguistique. […]
(i) leur description de l’imparfait en fait, explicitement ou implicitement, un temps anaphorique,
(ii) la relation anaphorique est une relation de simultanéité globale ou, si l’on veut, de coréférence temporelle, similaire à la relation anaphorique nominale des pronoms. »
Toutefois, on constate parmi les tenants d’une analyse anaphorique de l’imparfait une certaine hétérogénéité des interprétations du point de référence de l’imparfait. En effet, selon les analyses, le point de référence pourra être donné par un repère temporel en position frontale :
(87) L’année dernière à Paris, il faisait chaud.
(88) Le surlendemain, je prenais le bateau pour Marseille. (Sartre, La Nausée)
Mais d’autres, tels que celles de Berthonneau et Riegel, estiment que ces adverbes de temps ne constituent pas l’antécédent de l’énoncé à l’imparfait qui reste « bizarre out of the blue [et que] de tels énoncés appellent clairement un autre antécédent justificateur que le moment du passé indiqué par hier » .
D’autres auteurs désignent un énoncé au passé simple immédiatement antécédent de l’énoncé à l’imparfait comme son point de référence :
(89) Quand elle arriva enfin, il partait.
(90) Paul entra. Louise faisait la vaisselle.
Il peut aussi être non plus un point temporel mais un intervalle temporel, comme chez Klein (1984) et Gosselin(1996 a). Gosselin estime que ce n’est pas l’imparfait lui-même qui est anaphorique mais l’intervalle de référence.
D’autres encore estiment que le point de référence n’est pas forcément explicite, il peut aussi être explicite. Ils proposent alors de récupérer par inférence un intervalle temporel soit dans le texte soit dans la situation.
Ainsi, dans l’exemple :
(91) Jean alluma une cigarette. La fièvre donnait au tabac un goût de miel. 
Vet postule que c’est l’implication la cigarette être allumée, provenant de Jean alluma une cigarette, qui joue le rôle d’intervalle de référence.
L’analyse de Tasmowski-De Ryck, vise, quant à elle, à établir que le point de référence nécessaire à l’imparfait est sinon explicite, toujours reconstructible, y compris pour l’imparfait dit « de rupture ».
Par exemple, pour Tasmowski, l’imparfait de :
Oh rien, il fermait la porte. 
répondrait au sursaut de l’interlocuteur pour lui expliquer la cause d’un bruit qui vient de se produire. L’intervalle de référence de l’imparfait serait alors le moment de production de bruit.
Enfin, pour certains linguistes, la référence de l’imparfait n’est pas d’ordre temporel. Kleiber, par exemple, en postulant que la désignation du procès passe aussi par la désignation de sa situation, met en question la définition de la référence anaphorique :
« Puisque le référent est la situation elle-même, d’une certaine façon c’est aussi celle-ci qui, dans le cas d’un temps anaphorique, est anaphorique, c’est-à-dire qu’elle est en relation avec un état de choses déjà mentionné ou manifeste d’une autre façon. Il est alors normal que cette relation d’anaphoricité ne se limite plus seulement au temps, puisqu’il s’agit de situations ayant leurs caractéristiques propres qui sont en rapport, mais qu’il faille encore un autre type de continuité référentielle. »
Avec Berthonneau, il remet en cause l’analyse anaphorique de l’imparfait en termes de simultanéité temporelle avec un antécédent. C’est en reprenant le modèle de l’anaphore associative que ces auteurs développent leur thèse d’un « imparfait anaphorique méronomique » :
« L’imparfait est un temps anaphorique, mais l’antécédent n’est pas un « moment » dans le passé, mais une situation dans le passé. La relation qui unit l’imparfait à son antécédent n’est pas une relation de coréférence globale (et donc de simultanéité temporelle), sur le modèle de l’anaphore pronominale, mais une relation méronomique : l’imparfait présente le procès auquel il s’applique comme une partie, un ingrédient d’une situation passée saillante. »
Mais ce type d’analyse et la possibilité ouverte d’une référence explicite ouvre la piste à tous les faits de cohérence textuelle et peut aboutir à interpréter une focalisation interne comme un trait de l’imparfait à exiger de l’imparfait une pertinence causale ou à expliquer un imparfait de début de texte par le hors-texte.
Le débat autour de la valeur anaphorique de l’imparfait reste ouvert, semble-t-il, mais sa prise en compte dans une analyse de la valeur indéfinie de l’imparfait mérite d’être approfondie ; il est possible, en tout cas, de remarquer un point commun avec notre analyse, à savoir la transgression des catégories grammaticales que semblent vouloir opérer aussi bien la question de l’anaphore que celle de l’opposition « ( défini » que nous avons posée et qui est traditionnellement rapportée aux déterminants du nom.
En effet, les recherches sur l’imparfait en tant que temps anaphorique tournent autour de la question d’une analogie avec d’autres catégories grammaticales : le pronom personnel, généralement admis, mais que Berthonneau et Kleiber rejettent car il implique une référence commune à un seul objet, l’anaphore associative qui associe une partie à un tout chez Berthonneau et Kleiber. D’un autre côté, comparer la valeur opposant imparfait et passé simple à celle opposant l’article défini et l’article indéfini ou plus généralement, les déterminants identifiants aux déterminants quantifiants, comme nous l’avons fait, n’est pas sans rapport avec la thèse sur la valeur anaphorique de l’imparfait.
D’ailleurs, la valeur anaphorique de l’article défini a été comparée avec celle de l’imparfait dans un article de Vet intitulé : « L’anaphore temporelle et l’opposition « défini/indéfini ». Il propose de faire « une analogie entre le PS et l’article indéfini et entre l’IMP et l’article défini ». Pour notre part, nous ne pensons pas que le concept « ± défini » recouvre la valeur anaphorique de la détermination nominale. En effet, l’anaphore n’est qu’un des moyens de construire la référence à laquelle correspond le nom déterminé par un article défini et non le sens fondamental de la détermination définie. En effet, l’article défini permet de dire qu’un objet est identifié mais cette identification peut se faire sans passer par une anaphore, du fait du caractère unique de l’objet (le soleil brille), de la généricité de la désignation (l’être humain est faillible) ou par une désignation déictique (Passe-moi le sel!). La relation anaphorique qui consiste à faire coïncider la référence d’un objet avec celle d’un objet précédemment cité n’est qu’un des moyens de le désigner comme un objet identifié. Il nous semble donc que si l’on peut rechercher une analogie entre ces formes verbales et les déterminants définis et indéfinis, c’est en prenant en compte le sens fondamental de l’article défini, à savoir le fait qu’il désigne un objet identifié et ce faisant un objet unique plutôt que les moyens qui permettent d’identifier l’objet.
Il s’agit donc, selon nous, de chercher une réponse à la question que pose Bres, à propos des approches textuelles et référentielles :
«  Si elles décrivent un (ou le) fonctionnement des tiroirs verbaux (ce qui est déjà beaucoup), elles ne l’expliquent en rien. Si l’I est un temps « anaphorique méronomique » (Berthonneau et Kleiber 1993) ou qui permet de référer « globalement à des situations présupposées ou impliquées » (Molendijk 1996) mais pas le PS, qu’est-ce qui, dans sa « formule », rend compte de cela ? »
Ainsi, l’articulation entre le concept d’anaphore et la valeur « (définie » de l’imparfait ne nous semble pas correspondre à la nécessité pragmatique qu’induit l’article défini.
On peut aussi se faire la remarque que Confais, reprenant l’analyse de Zemb qui qualifie l’imparfait de « temps vide » l’explique, inversement à Vet, comme « un temps indéterminé ou indéfini dans le même sens où l’on parle de pronom indéfini pour Quelqu’un ou qui de qui vivra verra. ». Il précise :
« Dire de l’IMP qu’il est un « temps vide » signifie que la référence temporelle est présente (présupposée), mais que le référent (l’instant-repère) reste indéterminé, aussi indéterminé que la personne bien réelle désignée dans Qui a bu dans mon verre ? Cette analogie entre temps indéterminé et pronom indéfini n’est peut-être pas adéquate, mais il y a entre le PRES et l’IMP le même genre de rapport et de décalage ou démarquage qu’entre il/elle et qui ».
Il analyse l’absence d’autonomie de l’imparfait, comme un « besoin d’être décodée par rapport à ce quelque chose qui lui manque pour être une séquence au PRES. »
« Ces concepts de d’assertion incomplète ou relative rendent compte de la performance de l’IMP comme opérateur d’intégration d’un « texte » dans un autre « texte » ou dans une autre situation. A ce titre, la séquence à l’IMP est toujours d’une certaine manière un « discours indirect », et l’IMP le « marquant d’une vision indirecte »
Le caractère « non-défini » de l’imparfait peut sans doute motiver les analyses anaphoriques dans leur diversité. En effet, la situation à laquelle doit se relier l’imparfait varie selon les contextes, comme autant d’effets de sens qui peuvent expliquer la difficulté des linguistes à s’accorder sur ce fonctionnement anaphorique de l’imparfait. Mais, en définitive, la définition de l’anaphore demanderait à être mieux établie pour qu’on puisse véritablement y confronter notre analyse.

« nous n’étions pas dans la boue de l'automne nous n'étions nulle part mille ans ou deux mille ans plus tôt ou plus tard en plein dans la folie le meurtre les Atrides, chevauchant à travers le temps la nuit ruisselante de pluie sur nos bêtes fourbues pour parvenir jusqu'à elle la découvrir la trouver tiède demi nue et laiteuse dans cette écurie à la lueur de cette lanterne » C. Simon, La Route des Flandres.


2-2-2-2-3 Les emplois dits « modaux » de l’imparfait

Pour nous, les concepts « avéré » et « (défini » peuvent se combiner non seulement avec la temporalité désignée en creux par le maintenant de l’énonciation, mais aussi à d’autres paramètres de la situation d’énoncé et c’est ce qui pourrait expliquer des emplois dits « particuliers » ou « modaux » de l’imparfait.
Si l’on s’intéresse aux cinq énoncés suivants :
(92) Je voulais prendre rendez-vous.
(93) Il était joli, mon bébé.
(94) Tu étais le papa et j'étais la maman.
(95) Demain, elle était pourrie.
(96) Un pas de plus et elle tombait.
Les trois premiers énoncés ont en commun de pouvoir être employés dans un contexte où l’accomplissement du procès est en coïncidence avec le moment de la situation d’énoncé. L’énoncé (92) s’il est employé dans un cadre de sociabilité sera glosé comme un imparfait de politesse qui atténue la brutalité de :
(92bis) Je veux prendre rendez-vous.
L’énoncé (93), s’il est employé dans une situation dans laquelle le bébé est l’interlocuteur, sera glosé comme un imparfait hypocoristique correspondant dans un mode oratoire plus classique à :
(93bis) Tu es joli, mon bébé.
L’énoncé (94), employé dans un contexte de mise en place d’un jeu entre deux enfants, sera glosé comme un imparfait préludique et pourra être paraphrasé par :
(94bis) Dans notre jeu, tu es le papa et je suis la maman.
Ce n’est donc pas au moment de l’énoncé que s’oppose l’imparfait mais à un autre paramètre de la situation d’énoncé. Dans l’énoncé (92), on peut postuler que c’est le paramètre du locuteur, le je qui est concerné. En effet, le locuteur fait comme s’il n’assumait pas son énoncé, comme si c’était un « autre je » qui demandait rendez-vous. On peut alors penser que, dans cet énoncé, le locuteur désigne l’accomplissement d’un procès attesté indéfini en référence à une situation de non-coïncidence avec la situation d’énoncé, la non-coïncidence touchant le paramètre je de la situation d’énoncé.
Dans l’énoncé (93), Il était joli, mon bébé, ce qui fait sens, c'est un cumul de deux distorsions par rapport à la situation désignée (la mère s'adresse à son bébé). Le locuteur choisit la non-personne pour désigner son interlocuteur, il au lieu de tu et l'imparfait au lieu du présent. Dans ce cas, ce qui est nié, c’est la relation d'interlocution. Il s'agit pour l'adulte de prendre des distances avec son propre "dit" qu'il juge déplacé, et qu'il n'assume pas. On peut postuler que c’est à nouveau le paramètre je qui assume le trait de « non-coïncidence avec la situation d’énoncé ». Le locuteur réfère le procès à une situation d’énoncé où c’est un « autre je » qui parle, un je qui n’est pas partie prenante de la relation d’interlocution. Cette référence à un je autre que celui qui est partie prenante de la situation d’énoncé est relayée par le recours à la non-personne qui signifie une négation du statut d'interlocuteur pour le bébé. Le locuteur n’assume donc ni son statut de locuteur, ni le statut d’interlocuteur de son bébé. Les raisons pour lesquelles il opère ainsi relève plutôt de la psychologie que de la linguistique mais on peut penser que l’une d’entre elles peut être la peur du ridicule.
Dans l’énoncé (94), tu étais le papa et j'étais la maman., l’enfant signale à son partenaire de jeu que les procès désignés ne réfèrent pas à une situation coïncidente à la situation d’énoncé. Il n’est pas dupe du jeu qu’il instaure et le signale. Nous postulons que c’est le monde dans lequel s’insère la situation d’énoncé auquel la situation désignée n’est pas coïncidente. L’enfant réfère son énoncé à un « monde autre », un monde fictif. Il réfute l’univers de l’énoncé et crée un autre univers.
On n’inscrit pas l’accomplissement du procès dans la situation d’énoncé de référence. Le locuteur fait référence à une situation qui ici est en contradiction avec ce qui est énoncé.
Les deux autres énoncés peuvent bénéficier de la même explication. L’énoncé (95) parce que sa mise en relation avec demain contredit la combinaison des traits sémantiques « non-coïncident avec le moment de l’énoncé » et « avéré » (combinaison dont nous pensons qu’elle renvoie à la notion d’antériorité par rapport à la situation d’énoncé). Cet énoncé, prononcé dans un contexte de dégustation d’un melon très mûr, peut-être paraphrasé par :
(95bis) Demain, il aurait été trop mûr, si on ne l’avait pas mangé aujourd’hui.
On peut postuler que le locuteur désigne un procès qu’il réfère à une situation autre que celle de l’énoncé, une situation fictive, dans la mesure où demain, il n’y aura plus de melon.
L’énoncé (96), s’il est prononcé dans un contexte où le pas de plus a été évité, peut être paraphrasé par :
(96bis) Un pas de plus et elle serait tombée.
Il ne désigne alors pas un procès qui se serait produit antérieurement au moment de l’énoncé mais un procès qui prend sa référence dans une situation autre que la situation d’énoncé, une situation fictive où elle aurait fait un pas de trop.
Selon le contexte, c’est l’un ou l’autre ou tous les paramètres de la situation d’énoncé qui sont niés.
Il reste que le passé simple, qui présente, lui aussi, un trait sémantique « non-coïncident à la situation d’énoncé » et pourrait donc voir varier lui aussi les paramètres niés de la situation d’énoncé, ne présente pas d’emplois dits « modaux » comme le conditionnel. Ce serait donc la valeur « non-défini » qui autoriserait cette variation de la référence. Nous postulons que le trait sémantique « défini » qui opère, nous l’avons vu, un découpage du réel, est attaché à la notion de temporalité dans la mesure où l’objet qu’il découpe est un objet intrinsèquement temporel. Inversement, l’imparfait ne découpe pas d’objet temporel, il désigne un continuum, ce qui laisserait plus de latitude dans la référence.


2-2-2-3 Un emploi célinien de l’imparfait et du passé simple ?

Si nous avons choisi de faire appel à une œuvre littéraire, c’est, d’une part, parce qu’il nous semble que l’analyse des effets de sens nécessite un contexte suffisamment riche et d’autre part parce qu’elle offre un ensemble homogène qui permet une véritable observation.
Faire se rejoindre une analyse théorique linguistique et une analyse linguistique permet de comprendre comment un écrivain s’est emparé d’un possible offert par la langage pour en faire « sa langue » dans le but, souvent obsédant, de parvenir à désigner ce qu’il construit comme son « réel ». Si l’analyse linguistique peut servir l’analyse stylistique – d’aucuns diraient d’ailleurs qu’il n’existe pas d’analyse stylistique sans analyse linguistique- nous pensons que l’analyse stylistique peut aussi servir l’analyse linguistique dans la mesure où l’écrivain poursuit un but qu’on pourrait qualifier de parallèle à celui du linguiste et où sa sensibilité exacerbée parfois à la langue, le conduit à exploiter de façon originale et de ce fait lumineuse, les possibilités offertes par la langue.
C’est dans ce cadre que nous nous interrogerons, à titre d’exemple, sur l’usage que fait Céline du trait sémantique « ± défini » et des effets de sens qui en découlent dans son roman Voyage au bout de la nuit. Dans la mesure où nos observations ne prennent de sens que dans l’analyse textuelle du roman, nous devrons faire appel à des extraits conséquents pour en examiner la cohérence.

2-2-2-3-1 Le brouillage du récit par l’imparfait

Voyage au bout de la nuit présente, certes, de nombreux énoncés où un verbe à l’imparfait et un verbe au passé simple s’organise autour du schéma d’incidence. Pourtant, on peut postuler que la relation qu’établit Céline entre passé simple et imparfait dans Voyage au bout de la nuit est un élément de l’originalité de son style à part entière.
On peut, en effet, trouver de nombreux exemples où la succession passé simple – imparfait échappe, au niveau phrastique, au schéma d’incidence, échappe surtout, au niveau textuel, à la classique mise en relief entre un arrière-plan et un premier plan.
Nous donnerons seulement deux exemples, au niveau phrastique, qui témoignent de cet usage original de la langue :
(97) « Au moment de payer elles s’éparpillaient encore en politesses et puis prétendirent s’offrir mutuellement des petits feuilletés à croquer « tout de suite ».
L’ajout de l’adverbe puis interdit de considérer que le procès prétendre s’insère au sein du procès s’éparpiller alors que prétendre s’offrir mutuellement des petits feuilletés pourrait être compris comme une des politesses désignées précédemment. Il s’agit, ici, de montrer une « reprise des politesses » au moment où l’on pourrait penser que les clientes en ont fini avec leur parole « tourbillonnante », fondamentalement distrayante. Effectivement, le dialogue repart sur les ennuis digestifs…
De même, dans l’énoncé suivant, c’est bien le fait de perdre moins qui déclenche le désir de ne plus perdre du tout. Il y a donc bien succession du procès dit à l’imparfait et du procès dit au passé simple :
(98) « Comme il jouait mieux, grâce à ses lunettes, il perdait moins qu’avant et il se mit en tête de ne plus perdre du tout. »
Ces exemples de Voyage au bout de la nuit le montrent : l’insertion du procès dit au passé simple au sein du procès dit à l’imparfait n’est pas automatique. L’imparfait présentant une situation non-définie autorise toutes sortes de délimitations du procès et il semble que Céline cherche en en usant, à casser le schéma classique de la phrase narrative.
Cela est vrai aussi du niveau textuel où les imparfaits, bien loin de « faire de la figuration » pour un récit au passé simple en prennent le relais et le supplantent systématiquement :
On peut en donner divers exemples significatifs. L’un, très net, correspond à un épisode où Bardamu est en train d’échanger sur la situation à Bikomimbo avec Robinson, son prédécesseur dans l’enfer africain :
« Il m’apprit encore ce ténébreux comment on projetait d’un seul coup bref au loin, pour se distraire, de la pointe du pied preste, les lourdes chenilles caparaçonnées qui montaient sans cesse nouvelles, frémissantes et baveuses à l’assaut de notre case forestière. Si on les écrase, maladroit, gare à soi ! On en est puni par huit jours consécutifs de puanteur extrême, qui se dégage lentement de leur bouillie inoubliable. Il avait lu dans les recueils que ces lourdes horreurs représentaient en fait de bêtes ce qu’il y avait de plus vieux au monde. Elles dataient, prétendaient-il, de la seconde période géologique ! « Quand nous viendrons nous autres d’aussi loin qu’elles mon ami que ne puerons-nous pas ? » Tel quel.

C’est alors que survient le coucher de soleil. Ce coucher de soleil grandiose est dramatisé de façon à en montrer le grotesque apparat dans la solitude africaine mais il est décrit surtout de façon itérative, cette présentation itérative conférant à la scène décrite un comique de répétition:
(99) Les crépuscules dans cet enfer africain se révélaient fameux. On n’y coupait pas. Tragiques chaque fois comme d’énormes assassinats du soleil. Un immense chiqué. Seulement c’était beaucoup d’admiration pour un seul homme. Le ciel pendant une heure paradait tout giclé d’un bout à l’autre d’écarlate en délire, et puis le vert éclatait au milieu des arbres et montait du sol en traînées tremblantes jusqu’aux premières étoiles. Après ça le gris reprenait tout l’horizon et puis le rouge encore, mais alors fatigué le rouge et pas pour longtemps. ça se terminait ainsi. Toutes les couleurs retombaient en lambeaux, avachies sur la forêt comme des oripeaux après la centième. Chaque jour sur les six heures exactement que ça se passait. »
Nous ne nous attarderons pas sur le mélange de tons mais sur le fait que cet événement est présenté comme se produisant chaque jour sur une période indéfinie correspondant à la période (encore tout à fait indéfinie puisqu’elle ne fait que débuter) où Bardamu en est spectateur mais pouvant tout aussi bien dépasser sa seule présence, spectacle vain de toute éternité. Si bien que le lecteur pense que le narrateur a fini de retranscrire le dialogue avec Robinson et qu’il est passé à un moment ultérieur de sa narration, à un récit de la situation de Bardamu, seul colon à Bikomimbo, la description itérative servant de passage entre les deux moments.
Pourtant, le récit reprend après une notation des bruits nocturnes de la forêt :
« On en finissait par ne plus s’entendre entre nous dans la case. Il me fallait gueuler à mon tour par-dessus la table comme un chat-huant pour que le compagnon me comprît. J’étais servi, moi qui n’aimais pas la campagne.
Comment vous appelez-vous ? N’est-ce pas Robinson que vous venez de me dire ? lui demandai-je . »
Le coucher du soleil n’est donc qu’un intermède dans le dialogue des personnages, mais cet intermède qui ne peut être que singulatif est traité de façon à en dilater la dimension et à l’inscrire dans une autre temporalité, celle-ci indéfinie. Il en résulte un effet de brouillage de la narration. Construite tout d’abord du point de vue du personnage-narrateur, c’est-à-dire avec les limites qu’impose son savoir à chaque moment de l’histoire, la narration est souvent détournée par le point de vue du narrateur ultérieur qui peut généraliser chaque expérience, la replacer dans un cadre plus large, sans pour autant, et c’est à souligner, en donner les limites - on ne sait combien de fois Bardamu « admirera » le coucher du soleil. De la même façon, chacune des situations dans laquelle il se trouve s’allonge, se dilue dans une temporalité indéterminée.
Le récit est, en effet, sans cesse, replacé dans un cadre plus large, passé simple et passé composé étant rapidement supplantés par un imparfait qui peut prendre une valeur itérative. Les passages narratifs sont, de ce fait, très souvent transformés en passages itératifs et cet imparfait itératif n’étant, on l’a déjà vu, pas autre chose que la désignation d’une série indéfinie de procès, leur temporalité se noie dans une autre, plus vaste, aux contours indéfinis et dont le centre de conscience est souvent lui-même indéfini.
On peut citer aussi cette visite de Bardamu au tenancier d’un comptoir de Bambola-Bragamance, visite dont le récit débute au passé simple mais dont les informations données à l’imparfait dépassent bien vite le récit singulatif de la rencontre :
(100) « Ces jeunes négriers mes amis m’emmenèrent rendre visite à un autre collègue de la Compagnie Pordurière qui vaut d’être évoqué spécialement dans ce récit. Tenancier d’un comptoir au centre du quartier des Européens, moisi de fatigue, croulant, huileux, il redoutait toute lumière à cause de ses yeux, que deux ans de cuisson ininterrompue sous les tôles ondulées avaient rendus atrocement secs. Il mettait, disait-il, une bonne demi-heure le matin à les ouvrir et encore une autre demi-heure avant d’y voir un peu clair avec. Tout rayon lumineux le blessait. Une énorme taupe bien galeuse.
étouffer et souffrir était devenu pour lui comme un état second, voler aussi. On l’aurait bien désemparé si on l’avait rendu bien portant et scrupuleux d’un seul coup. Sa haine pour l’Agent général Directeur me semble encore aujourd’hui, à tant de distance, une des passions les plus vivaces qu’il m’ait été donné d’observer jamais chez un homme. Une rage étonnante le secouait à son égard, à travers sa douleur et à la moindre occasion il enrageait énormément tout en se grattant d’ailleurs de haut en bas. […]
Cette maladie qui lui rongeait la peau, il lui donnait un nom local, « Corocoro ». « Cette vache de « Corocoro » ! Quand je pense que ce saligaud de Directeur ne l’a pas encore attrapé le « Corocoro », s’emportait-il. ça me fait bien mal au ventre encore davantage !… Il prendra pas sur lui le Corocoro !… Il est bien trop pourri. C’est pas un homme ce maquereau-là, c’est une infection !… C’est une vraie merde !… »
Du coup toute l’assemblée éclatait de rigolade et les nègres-clients aussi par émulation. Il nous épouvantait un peu ce copain. Il avait un ami quand même c’était ce petit être poussif et grissonnant qui conduisait un camion pour la Compagnie Pordurière. Il nous apportait toujours de la glace lui, volée évidemment par-ci, par-là, sur les bateaux à quai. »
« Pendant ce temps, nous buvions indéfiniment entre hommes sous l’inutile mais abrutissant ventilateur, qui se perdait à moudre depuis les Canaries le coton tiède atmosphérique. »
L’histoire de Bardamu est replacée dans un cadre plus large dont on ne saisit pas les limites du fait de l’imparfait. Ce procédé d’écriture contribue fortement au sentiment d’errance, d’un personnage noyé dans un monde absurde qui le dépasse.
Ce sentiment est particulièrement net dans la description de la guerre où l’absence de limites qu’induit l’imparfait, généralement itératif, noie le personnage, mais aussi le lecteur, dans le flou de l’errance d’une nuit sans repère :

(101) « Tout de même on se mettait en route. Le boulot c’était pour les faire passer au trot les canards. Ils avaient peur de bouger à cause des plaies d’abord et puis ils avaient peur de nous et de la nuit aussi, ils avaient peur de tout, quoi ! Nous aussi ! Dix fois on s’en retournait pour lui redemander la route au commandant. Dix fois qu’il nous traitait de fainéants et de tire-au-cul dégueulasses. A coups d’éperon enfin on franchissait le dernier poste de garde, on leur passait le mot aux plantons et puis on plongeait d’un coup dans la sale aventure, dans les ténèbres de ces pays à personne.
A force de déambuler d’un bord de l’ombre à l’autre, on finissait par s’y reconnaître un petit peu, qu’on croyait du moins… Dès qu’un nuage semblait plus clair qu’un autre on se disait qu’on avait vu quelque chose… Mais devant soi, il n’y avait de sûr que l’écho allant et venant, l’écho du bruit qui vous étouffe, énorme, tellement qu’on n’en veut pas. Ils avaient l’air de trotter jusqu’au ciel, d’appeler tout ce qu’il y avait sur la terre de chevaux, pour nous faire massacrer. On aurait pu faire ça d’ailleurs d’une seule main, avec une carabine, il suffisait de l’appuyer en nous attendant, le long d’un arbre. Je me disais toujours que la première lumière qu’on verrait ce serait celle du coup de fusil de la fin. »
Grâce à l’imparfait, le texte mime ce qu’il décrit : une scène absurde dans sa répétition sans fin. C’est ce qui rend la détresse des soldats noyés dans l’absurdité de la guerre presque palpable. Le narrateur ultérieur qui devrait pouvoir poser les limites des procès semble se dissoudre lui-même dans ces passages, abandonnant le personnage-narrateur à son sort ou incapable, lui aussi de s’abstraire de ce point de vue.
Le procédé qui consiste à faire basculer une scène singulative dans l’itératif –grâce au passage du passé simple ou du présent à l’imparfait - est particulièrement flagrant dans les passages de dialogues rapportés au style direct, c’est-à-dire, en théorie du moins, avec l’exactitude de la mimesis, en rapportant fidèlement chaque mot dit. Or, il est peu probable que ces dialogues aient été répétés plusieurs fois, au mot près, et le procédé de Céline qui consiste à faire d’une scène singulative une scène itérative peut sembler alors abusif. Pourtant, ce cas de figure se répétant souvent dans le roman, le procédé est certainement délibérément abusif. Il participe à perdre le héros-narrateur dans une temporalité qu’il ne peut maîtriser, comme les autres passages du narratif à l’itératif, mais peut aussi servir à dessiner le portrait de marionnettes-perroquets qui récitent toujours les mêmes rengaines. Il est notable, en effet, que les paroles visées par la répétition mécanique soient celles, particulièrement absurdes de personnages « hauts-placés », qui occupent une position supérieure à Bardamu, mais dont la position est définie comme celle de fantoches. On peut citer, par exemple, les paroles du commandant Pinçon qui renvoie inexorablement Bardamu à l’errance dans la nuit :
(102) «  Il nous réunissait chaque soir les hommes de la liaison et puis alors il nous engueulait un bon coup pour nous remettre dans la ligne et pour essayer de réveiller nos ardeurs. Il nous envoyait à tous les diables, nous qui avions traîné toute la journée derrière le général. Pied à terre ! A cheval ! Repied à terre ! Comme ça à lui porter ses ordres, de-ci, de-là. On aurait aussi bien fait de nous noyer quand c’était fini. C’eut été plus pratique pour tout le monde.
Allez-vous-en tous ! Allez rejoindre vos régiments ! Et vivement ! qu’il gueulait.
Où qu’il est le régiment, mon commandant ? qu’on demandait nous…
Il est à Barbagny.
Où que c’est Barbagny ?
C’est par là !
Par là, où il montrait, il n’y avait rien que la nuit, comme partout d’ailleurs, une nuit énorme qui bouffait la route à deux pas de nous et même qu’il n’en sortait du noir qu’un petit bout de route grand comme la langue.
Allez donc le chercher son Barbagny dans la fin d’un monde ! Il aurait fallu qu’on sacrifiât pour le retrouver son Barbagny au moins un escadron tout entier ! Et encore un escadron de braves ! Et moi qui n’étais point brave et qui ne voyais pas du tout pourquoi je l’aurais été brave, j’avais évidemment encore moins envie que personne de retrouver son Barbagny, dont il nous parlait d’ailleurs lui-même absolument au hasard. »
Même si cette scène se produit chaque soir, il s’agit bien d’une scène singulative dans les détails que nous retrace le narrateur. Du coup, le commandant Pinçon semble répéter, tous les soirs, les mêmes propos auxquels répondent tous les soirs les mêmes questions. Le dialogue vire à l’absurde dans sa répétition à l’image de l’ordre du commandant délivré lui-même absolument au hasard.
C’est le cas aussi de cette scène où Bardamu et Voireuse se rendent chez leur ancien employeur, le bijoutier Puta, pour tâcher de lui soutirer un peu d’argent. Le dialogue est d’abord introduit par un verbe de parole au passé simple pour, rapidement, laisser place à un imparfait :
« - Tiens ! Ah ! vous voilà vous autres ! s’étonna un peu de nous voir M. Puta. Je suis bien content quand même ! Entrez ! Vous, Voireuse, vous avez bonne mine ! ça va bien ! Mais vous, Bardamu, vous avez l’air malade, mon garçon ! Enfin ! vous êtes jeune ! ça reviendra ! Vous en avez de la veine, malgré tout, vous autres ! on peut dire ce que l’on voudra, vous vivez des heures magnifiques, hein ? là-haut ? Et à l’air ! C’est de l’Histoire ça mes amis, ou je m’y connais pas ! Et quelle Histoire !
On ne répondait rien à M. Puta, on le laissait dire tout ce qu’il voulait avant de le taper… Alors il continuait :
- Ah ! c’est dur, j’en conviens, les tranchées !… C’est vrai ! Mais c’est joliment dur ici aussi, vous savez !… Vous avez été blessés, hein, vous autres ? Moi, je suis éreinté ! J’en ai fait du service de nuit en ville depuis deux ans ! Vous vous rendez compte ? Pensez donc ! Absolument éreinté ! Crevé ! Ah ! les rues de Paris pendant la nuit ! Sans lumière, mes petits amis… Y conduire une auto et souvent avec le ministre dedans ! Et en vitesse encore ! Vous pouvez pas vous imaginer !… C’est à se tuer dix fois par nuit !…
- Oui, ponctua madame Puta, et quelquefois il conduit la femme du ministre aussi. »
Dans ces passages, l’imparfait contribue à décrédibiliser la parole en la présentant comme une logorrhée sans fin. C’est encore le même procédé qui disqualifie les propos du Directeur de la Compagnie Pordurière du Petit Congo :
(103) « - N’est-ce pas, qu’on se dirait toujours un dimanche ici ?… reprit en plaisantant le Directeur. C’est gai ! C’est clair ! Les femelles toujours à poil. Vous remarquez ? Et des belles femelles, hein ? ça fait drôle quand on arrive de Paris, n’est-ce pas ? Et nous autres donc ! Toujours en coutil blanc ! Comme aux bains de mer voyez-vous ! On n’est pas beau comme ça ? Des communiants, quoi ! C’est toujours la fête ici, je vous le dis ! Un vrai Quinze Août ! Et c’est comme ça jusqu’au Sahara ! Vous pensez !
Et puis il s’arrêtait de parler, il soupirait, grognait, répétait encore deux, trois fois « Merde ! », s’épongeait et reprenait la conversation.
- Là, où vous allez pour la Compagnie, c’est la pleine forêt, c’est humide… »
Dans ce dernier passage, le lecteur hésite à interpréter les imparfaits comme des imparfaits itératifs ou narratifs – c’est encore deux, trois fois qui force l’interprétation. Ce brouillage entre un imparfait narratif et un imparfait itératif apparaît très souvent. Ainsi, la dernière rencontre de Bardamu avec la tante de Bébert commence par un dialogue classique –ici au présent à la place du passé simple- mais rapidement il laisse place à la description d’un monologue à l’imparfait :
(104) « Elle se lève alors et se met en trébuchant par-ci, par-là, à nous faire un grog, et tout de suite à parler de tout en même temps, et des Henrouille et de Bébert forcément.
Pour l’empêcher d’en parler de Bébert, il y avait rien à faire, et pourtant cela lui faisait du chagrin et du mal et elle le savait aussi. Je l’écoutais sans jamais plus l’interrompre, j’étais comme engourdi. Elle essayait de me faire rappeler de toutes les gentilles qualités qu’il avait eues Bébert et qu’elle en faisait comme un étalage avec bien de la peine parce qu’il ne fallait rien oublier de ses qualités à Bébert et qu’elle recommençait, et puis quand tout y était bien et qu’elle m’avait bien raconté toutes les circonstances de son élevage au biberon, elle retrouvait encore une petite qualité à Bébert qu’il fallait tout de même mettre à côté des autres, alors elle reprenait toute l’histoire par le commencement et cependant elle en oubliait quand même et elle était forcée finalement de pleurnicher un peu, d’impuissance. Elle s’égarait de fatigue. Elle s’endormait à coups de petits sanglots. Déjà elle n’avait plus la force de reprendre longtemps à l’ombre le petit souvenir du petit Bébert qu’elle avait bien aimé. Le néant était toujours près d’elle et sur elle-même un peu déjà. Un rien de grog et de fatigue et ça y était, elle s’endormait en ronflant comme un petit avion lointain que les nuages emportent. Il n’y avait plus personne à elle sur terre. »
Certains imparfaits (avait, écoutais…) désignent la répétition d’un discours donné pour un leitmotiv, d’autres sont des imparfaits narratifs qui font progresser le récit. C’est le cas de elle s’endormait à la fin du texte. A certains moments, le lecteur ne sait plus comment ordonner les procès les uns par rapport aux autres. Par exemple, elle s’égarait de fatigue succède-t-il au discours précédent comme pourrait le faire croire le terme finalement qui, le précédant de peu semble introduire une conclusion et donc une succession dans les procès ou désigne-t-il l’ensemble de la scène dans une relation de simultanéité ? L’imparfait, dans son absence de définition, autorise tous les cas de figure, nous l’avons vu et Céline en use pour noyer son lecteur dans une scène décrivant elle-même un enlisement de la parole. Il s’agit d’une forme de mimesis. A terme, le lecteur a le sentiment d’être étourdi par les leitmotivs décrits pourtant en peu de mots.
Le procédé est le même dans le texte de la torture publicitaire que nous avons utilisé plus haut. Ce texte pose lui aussi des difficultés d’analyse de la temporalité.
S’il est certains termes de comparaison encore plus fort, davantage, toujours plus, pas encore assez établissent un minimum de progression du récit, pour autant, il est difficile de délimiter des situations différentes, des étapes dans le récit, du fait de l’emploi de l’imparfait. Ainsi dans ce passage :
(105) « Je vois du monde tout le long de la rue Lepic, encore plus que d’habitude. Je monte donc aussi pour voir. Au coin d’un boucher c’était la foule. Fallait s’écraser pour voir ce qui se passait, en cercle. Un cochon c’était, un gros, un énorme. Il geignait aussi lui, au milieu du cercle, comme un homme qu’on dérange, mais alors énormément. Et puis, on arrêtait pas de lui faire des misères. Les gens lui tortillaient les oreilles histoire de l’entendre crier. Il se tordait et se retournait les pattes le cochon à force de vouloir s’enfuir à tirer sur sa corde, d’autres l’asticotaient et il hurlait encore plus fort à cause de la douleur. Et on riait davantage. 
Il ne savait pas comment se cacher le gros cochon dans le si peu de paille qu’on lui avait laissée et qui s’envolait quand il grognait et soufflait dedans. Il ne savait pas comment échapper aux hommes. Il le comprenait. Il urinait en même temps autant qu’il pouvait, mais ça ne servait à rien non plus. Grogner, hurler non plus. Rien à faire. On rigolait. Le charcutier, par-derrière sa boutique, échangeait des signes et des plaisanteries avec les clients et faisait des gestes avec un grand couteau. »
Si le procès asticotaient succède à tortillaient, il est difficile de savoir si les efforts du cochon pour se cacher ou les signes de connivence du charcutier succèdent aux tourments décrits ou lui sont concomitants. Du fait de l’imparfait, chaque situation est indéfinie par rapport aux autres, l’ensemble formant un tableau global de la torture infligée au cochon, scène qui renvoie symboliquement au sadisme déjà décrit de l’enfant maltraitée. Cette incapacité à situer les événements les uns par rapport aux autres correspond à un brouillage de la narration, brouillage qui se retrouve sur le point du vue du narrateur, on ne sait où le situer idéologiquement parlant, voyeur comme les autres ou jugeant que la simple exposition des faits suffit à les rendre scandaleux.
Chez Céline, le traitement de l’itérativité de l’imparfait en concurrence avec ses emplois narratifs est remarquable. On ne sait plus s’il y a ou non répétition des procès, tous sont fondus dans un imparfait qui gomme toutes les frontières.
Un peu plus loin, l’enlisement du passé simple dans un imparfait itératif se reproduit encore :
(106) « J’effectuai une dernière fois le tour de mes petits camarades de la Pordurière pour tenter de me renseigner sur le compte de cet employé infidèle, celui que je devais aller, coûte que coûte, selon les ordres, remplacer dans sa forêt. Vains bavardages.
Le café Faidherbe, au bout de l’avenue Fachoda bruissant vers l’heure du crépuscule de cent médisances, ragots et calomnies, ne m’apportait rien non plus de substantiel. Des impressions seulement. On en fracassait des pleines poubelles d’impressions dans cette pénombre incrustée de lampions multicolores.[…]
Toutes les automobiles de Fort-Gono, une dizaine au total, passaient et repassaient à ce moment devant la terrasse. Elles ne semblaient jamais aller bien loin les automobiles. […]
Ils passaient ainsi pendant des semaines et des années les uns devant les autres, les colons, jusqu’au moment où ils ne se regardaient même plus […]
Il ne suffit pas d’avoir un képi pour commander, il faut encore avoir des troupes. Sous le climat de Fort-Gono, les cadres européens fondaient pire que du beurre. […]  »
Dans l’hébétude des longues siestes paludéennes il fait si chaud que les mouches aussi se reposent. […]
Tout lugubre qu’était l’hôpital, c’était cependant l’endroit de la colonie, le seul où l’on pouvait se sentir un peu à l’abri des hommes du dehors, des chefs.[…]
Je m’enquérais des conditions d’entrée, des habitudes des médecins, de leurs manies. […]
Je m’apprêtais à vaincre mille difficultés, car ni les Directeurs de la Compagnie Pordurière, ni les chefs de bataillon ne se fatiguent aisément de traquer leurs proies maigres, transies à beloter entre les lits pisseux.
Ils me trouveraient résolu à pourrir de tout ce qu’il fallait. […]
Ainsi s’en vont les hommes qui décidément ont bien du mal à faire tout ce qu’on exige d’eux : le papillon pendant la jeunesse et l’asticot pour en finir.
J’essayais encore d’obtenir, par-ci par-là, quelques renseignements pour me faire une idée. Ce que m’avait dépeint de Bikomimbo le Directeur me semblait tout de même incroyable. En somme, il s’agissait d’une factorie d’essai, d’une tentative de pénétration loin de la côte, à dix jours au moins, isolée au milieu des indigènes, de leur forêt, qu’on me représentait, elle, comme une immense réserve pullulante de bêtes et de maladies.
Je me demandais s’ils n’étaient pas tout simplement jaloux de mon sort, les autres, ces petits copains de la Pordurière qui passaient par des alternatives d’anéantissement et d’agressivité. […]
L’apéritif nous durait trois bonnes heures. […]
Efin, le petit cargo sur lequel je devais longer la côte, jusqu’à proximité de mon poste, mouilla en vue de Fort-Gono »
Ce qui pourrait être un compte-rendu de toutes les étapes du « dernier tour des camarades de la Pordurière » - mais pour cela, il eût fallu des passés simples- et de ce fait, embrayer rapidement sur le départ de Bardamu, s’enlise dans un imparfait –entrecoupé de considérations au présent sur l’Afrique- imparfait qui, ne dessinant pas les contours des procès, peut être interprété parfois aussi bien comme un imparfait narratif que comme un imparfait itératif. Le lecteur s’enlise également sur plusieurs pages, comme si le narrateur le conduisait à participer à la « déliquescence de l’enfer africain ». Et quand le départ de Bardamu intervient dans l’histoire, il a presque oublié qu’il devait intervenir. L’apparition brutale d’un passé simple comme mouilla en fin de chapitre, venant mettre fin à l’errance du lecteur comme à celle du personnage, est un procédé récurrent de la structuration du récit de Voyage au bout de la nuit. Le passé simple met fin à un continuum exprimé par l’imparfait de façon à pouvoir effectivement changer de sujet, de façon à constituer des épisodes du récit.

Au total, l’imparfait va de pair, dans le récit de Céline, avec un sentiment de dissolution généralisée auquel participe personnage et lecteur. L’effet est double – ou triple : le narrateur nous montre un personnage englué dans des situations qui n’en finissent pas, ce qui est le propre de Bardamu, personnage candide noyé dans des situations qui le dépassent, errant dans la guerre, à l’arrière, en Afrique, dans les rues de New York ou de Rancy. Mais cet effet de sens qui correspond si bien aux aventures de Bardamu ne se limite pas à le qualifier, il atteint aussi le narrateur ultérieur qui est montré comme incapable de préciser la temporalité des aventures de Bardamu, comme une conscience se noyant avec son personnage, incapable de vérité en somme, n’en sachant pas plus que son personnage si ce n’est généraliser.
« J'ai beaucoup reconstruit : c'est collaborer avec le temps sous son aspect de passé, en saisir ou en modifier l'esprit, lui servir de relais vers un plus long avenir » M. Yourcenar, Mémoires d’Hadrien.

2-2-3 Comment futur et conditionnel combinent-ils le réinvestissement sémantique de l’opposition ±R avec celui de l’opposition ai/a ?
A ce stade de notre étude, nous avons défini déjà tous les traits sémantiques qui, se combinant, permettent de rendre compte du futur et du conditionnel. Le tableau morphologique auquel la première partie nous a permis d’aboutir :
PrésentImparfaitPassé simpleConditionnelFutur +R/-RØ- -++ai/aØaiaaia
Pouvant se réécrire selon les traits sémantiques réinvestissant les oppositions :
PrésentImparfaitPassé simpleConditionnelFuturCoïncidentNon-coïncidentNon-coïncidentNon-coïncidentNon-coïncident +R/-RNeutreAvéréAvéréPotentielPotentielai/aNeutreNon-définiDéfiniNon-définiDéfini
Ou si l’on préfère : procès « ± coïncident » « ± potentiel » « ± défini »
Il s’agit donc d’en faire le bilan pour le futur et le conditionnel et d’en rechercher les effets de sens.
« avant même que Blum le lui ait demandé il songea Quelle heure peut-il bien être, et avant même d'avoir commencé à lui répondre Qu'est-ce que ça peut faire, il se l'était déjà répondu, pensant que de toute façon le temps ne pouvait plus leur être maintenant d'aucun usage, puisqu'ils ne se sortiraient pas de ce wagon avant qu'il ait parcouru une certaine distance, ce qui n'était pas une question de temps pour ceux qui réglaient sa marche, mais d’organisation ferroviaire» (C. Simon, La route des Flandres)

2-2-3-1 Analyse du futur et du conditionnel

Comme le passé simple et l’imparfait, le futur et le conditionnel s’opposent au présent par le trait de non-coïncidence avec la situation d’énoncé. En général, les procès dits par des futurs ou des conditionnels ne se déroulent pas au moment de l’énoncé. L’effet de sens « ultérieur au moment de l’énoncé » du futur, dont témoigne le fait qu’il se combine de préférence avec des repères temporels comme demain ou l’année prochaine et qu’il ne peut être mis en relation avec hier, est le fruit de la combinaison des trois traits sémantiques répertoriés : non-coïncidence avec la situation d’énoncé, potentiel et défini. Un procès possible et non-coïncident avec le moment de l’énoncé est situé ultérieurement à la situation d’énoncé s’il est posé comme défini – c’est-à-dire certain, nous y reviendrons. Par contre, le conditionnel peut désigner autre chose qu’un ultérieur par rapport au moment de l’énoncé. En effet, un procès non-coïncident par rapport à la situation d’énoncé, potentiel mais posé comme indéfini- donc incertain- peut renvoyer à une situation autre que celle de l’énoncé, un « autre monde » plutôt qu’un « monde ultérieur ». L’opposition à la situation de l’énoncé ne se fait pas alors sur le plan temporel, ne convoquant que le paramètre maintenant de la situation d’énoncé mais peut convoquer tous les autres paramètres.
Futur et conditionnel se définissent aussi, par opposition avec l’imparfait et le passé simple, par le fait que tous deux présentent un morphème +R, c’est-à-dire que les procès que désignent les verbes au futur et au conditionnel sont des procès potentiels seulement possibles et non avérés. Il faut remarquer que si futur et conditionnel partagent avec l’infinitif, le même trait sémantique, l’infinitif ne permet pas d’établir une référence à une situation d’énoncé alors que futur et conditionnel désignent un procès potentiel par référence à une situation d’énoncé.
Ainsi, l’énoncé  tu partiras  désigne un actant en relation avec le locuteur, et un moment du procès en relation avec la situation d’énoncé. Alors, que l’énoncé minimaliste mais ô combien évocateur  Partir !  laisse libre ces deux paramètres. Le procès à l’infinitif est potentiel : son actant et son moment participent à cette potentialité, ce qui n’est pas le cas pour le futur et le conditionnel.
Enfin, futur et conditionnel se définissent aussi par opposition l’un par rapport à l’autre et partagent avec l’imparfait et le passé simple le trait sémantique les opposant, le ± défini. Ainsi, le futur désigne un procès potentiel défini alors que le conditionnel désigne un procès potentiel indéfini.
Que signifie le trait sémantique « défini » ? Il signifie que le procès est identifié et, si l’on se réfère à l’analogie possible avec le trait « défini » des déterminants, l’identification va de paire avec l’unicité du procès : il n’y a qu’un seul procès qui corresponde à la « définition ».
Le futur est donc le lieu d’un certain paradoxe. Dire un futur, c’est dire un procès potentiel, c’est-à-dire seulement possible. Mais, c’est dire, en même temps que ce procès est défini, identifié, unique, qu’il ne peut en avoir d’autre(s) possible(s) d’où l’effet de sens catégorique produit par le futur. Dire un futur, c’est faire coïncider l’éventuel et la certitude. En ce sens, nous sommes tous plusieurs fois par jour, des « diseurs de bonne aventure ».
Inversement, dire un conditionnel, c’est dire un procès potentiel non-défini, non-identifié. Le procès désigné n’est pas le seul possible mais « un » parmi d’autres d’où l’incertitude propre au conditionnel.
La différence d’interprétation du trait « ± défini » dans le cadre de l’analyse du futur et du conditionnel par rapport à l’analyse de l’imparfait et du passé simple est à mettre au compte de la combinaison de ce trait avec celui que nous avons défini par l’opposition avéré / potentiel. En effet, définir un procès avéré, c’est découper une unité dans le réel, identifier un élément du réel, alors que définir un procès possible, l’identifier, c’est désigner l’unicité de ce procès possible. De même, dire qu’un procès avéré est non-défini par le biais de l’imparfait, c’est le désigner comme un continuum de temps passé, alors que désigner un procès possible non-défini, c’est désigner un procès parmi d’autres possibles.
On comprend alors mieux que l’analyse sémantique de Guillaume, telle que la transcrit, ici, Leeman-Bouix note une réduction de la part d’incertitude du futur :
« On pourrait donc marquer le point commun et la différence entre les deux temps en parlant de futur catégorique (pour ce que la grammaire appelle traditionnellement le futur) et de futur hypothétique (pour ce que la grammaire appelle traditionnellement le conditionnel). […] Le futur catégorique réduit presque complètement la part d’incertitude liée à tout projet d’avenir, du fait qu’il peut se prévaloir d’une réalité présente ; en revanche, le futur hypothétique comporte le maximum d’incertitude, du fait qu’il ne s’appuie sur aucune réalité présente mais sur un passé qui s’éloigne et sur lequel on n’a plus aucun contrôle (ni aucune chance d’en avoir jamais un) : la possibilité de réalisation est rendue incertaine par le fait que le passé est du temps qui s’en va et s’éloigne toujours davantage (tandis qu’au contraire le futur vient vers le présent). »

On peut d’ailleurs penser que c’est le paradoxe du futur qui explique certaines divergences dans l’analyse  de cette forme temporelle, selon que les linguistes privilégient le trait potentiel ou le trait défini du futur. C’est ce qui nous paraît pertinent, en tout cas, dans cette critique élaborée par Nef du terme d’« hypothèse » dans la théorie de Guillaume  :
« L’opposition catégorique/hypothétique n’est donc pas pertinente pour le futur : le terme hypothétique ne peut être employé à ce propos que de manière impropre. Le futur est, comme l’ont souligné Damourette et Pichon, catégorique, même si la certitude subjective qu’il exprime n’aboutit que rarement à la certitude objective. »
C’est aussi ce paradoxe qui peut expliquer que le futur, en tant que tel, a rarement d’équivalent dans les langues étrangères, comme le remarque Maingueneau :
« La linguistique générale enseigne un fait révélateur à ce sujet : si, en règle générale, les différentes langues possèdent un passé, il est en revanche très fréquent que le futur soit marqué par des combinaisons du type (Présent + adverbe de temps) ou (vouloir, devoir,… + verbe à l’infinitif) et non par des « temps » spécifiques. » Cette dissymétrie est significative : les faits révolus ne sauraient posséder le même statut pour un énonciateur que ceux à venir, lesquels n’existent en fait que comme le terme d’une tension de l’énonciateur à partir de son présent.  Si le passé est par définition coupé du présent de l’énonciateur, le futur n’est supporté que par lui. Pour les événements passés, l’important c’est de déterminer comment ils ont eu lieu,(problème d’aspect) alors que pour les faits futurs l’essentiel est de savoir s’ils auront lieu ou non, de quelle manière l’énonciateur les pose (problème de modalité). »
Alors que tu partiras et tu partirais désignent tous deux des procès possibles, dire tu partiras implique une assurance du locuteur à propos de l’accomplissement du procès possible partir alors que dire tu partirais dénote l’incertitude du locuteur quand à l’accomplissement du procès partir. A quoi tiennent l’assurance ou l’incertitude du locuteur, nous postulons, pour notre part, que futur et conditionnel n’en disent rien et que c’est l’analyse du contexte qu’il soit verbal ou non, qui peut permettre de comprendre que l’assurance du locuteur prend sa source dans son vouloir (et il s’agit alors d’une injonction), dans une information extérieure, dans l’expérience du monde qui a appris au locuteur que ses interlocuteurs finissent toujours par partir, dans… ; de même, c’est l’analyse du contexte qui permet de dire que l’incertitude du locuteur provient d’un doute sur la source de son information, ce doute pouvant porter aussi bien sur la fiabilité d’un locuteur qui lui a communiqué l’information du départ que sur la fiabilité du mode de transmission du message ou même sur l’existence-même d’une source ou d’un message, mais le manque d’assurance du locuteur peut aussi être lié au fait que l’accomplissement du procès dépend de paramètres annexes qui ne sont pas fiables.
Tous les cas de figure sont envisageables -et à envisager- et aboutissent à autant d’effets de sens du futur et du conditionnel. Nous nous proposons d’en répertorier certains à l’aide d’un classement des énoncés issus de notre corpus. Notre démarche d’analyse ne visera pas l’exhaustivité mais pointera quelques types d’énoncés reconnus comme problématiques. Nous envisagerons donc l’analyse d’énoncés peu complexes, les énoncés hypothétiques en si, les énoncés pris en charge en discours indirect au futur et au conditionnel.
2-2-3-2 Analyse des effets de sens du futur et du conditionnel

2-2-3-2-1 Enoncés non complexes
Le ciel se reflète dans l’eau du lac,
Les poissons sont dans l’arbre.
Citation bouddhiste


2-2-3-2-1-1 Au futur :

Le futur, par son trait « défini », désigne un procès potentiel identifié c’est-à-dire une affirmation catégorique de l’accomplissement du procès possible, une assurance du locuteur quant à cet accomplissement. Selon le contexte, cette assurance peut être interprétée de façon différente et même à l’intérieur d’un même contexte comme nous allons le voir.
Par exemple, l’énoncé :
(107) Ferdinand réussira. 
peut être l’objet d’une interrogation quant à l’assurance du locuteur. Prend-elle sa source dans une foi sans limite dans les compétences de Ferdinand ou s’agit-il plutôt d’une incantation visant à faire réussir celui qui, en toute bonne foi, a fort peu de chances de réussir ? La foi, elle-même, est-elle superstition ou est-elle basée sur un savoir du locuteur, celui du haut niveau de compétence de Ferdinand ? On ne peut être sûr que de la représentation de la certitude que l’énoncé véhicule et non des sources de cette certitude. Peu importe que le procès soit inéluctable ou très peu probable, ce qui compte, c’est la représentation définie –c’est-à-dire catégorique- d’un procès possible.
C’est ainsi qu’on peut comprendre que le futur s’emploie aussi bien pour dire un procès possible inéluctable :
(108) A minuit, la pendule sonnera douze coups.
Ou encore :
(109) « Les treuils ici, les palissades aux chantiers là-bas et loin dessus la route voici que reviennent de plus loin encore les hommes. Ils s’infiltrent dans le jour sale par petits paquets transis. Ils se mettent du jour plein la figure pour commencer en passant devant l’aurore. Ils vont plus loin. On ne voit bien d’eux que leurs figures pâles et simples ; le reste est encore à la nuit. Il faudra bien qu’ils crèvent tous un jour aussi. Comment qu’ils feront ? »
une vérité générale :
(110) A l’égard des voleurs on ne sera jamais assez prudent.
(111) « Une femme qui passe son temps à redouter les grossesses n'est qu'une espèce d'impotente et n'ira jamais bien loin dans la réussite. »
qu’un procès possible beaucoup plus improbable mais présenté sous l’apparence de la certitude par le locuteur. Ce peut-être une promesse qui, comme chacun le sait, n’engage que celui qui l’écoute :
(112) « Jamais plus je ne serai méchante avec toi ! Je te le jure ! Je veux expier Léon ! Tout de suite ! Ne m’empêche pas d’expier, dis ? … Je te rendrai ton bonheur ! Je te soignerai bien, va ! A partir d’aujourd’hui ! Je serai bien patiente pour toujours avec toi ! Je serai si douce ! Tu verras Léon ! Je te comprendrai si bien que tu ne pourras plus te passer de moi ! »
On sait par exemple que l’avalanche de promesses de Madelon, bien loin d’aboutir à leur réalisation conduira Madelon, dans son « amour » exacerbé, à assassiner Robinson à la fin du roman Voyage au bout de la nuit. Ce qui importe dans l’emploi du futur, ce n’est pas le degré de probabilité que le procès se réalise, c’est la manière dont il est présenté comme inéluctable, bien que seulement possible, grâce au trait sémantique « défini ».
On peut dire certainement la même chose du futur de prédiction employé par les cartomanciennes ou les horoscopes :
(113) Dimanche, le carré de Vénus dans votre signe vous fera vivre de bons moments en famille. 
les pronostics politiques :
(114) Au second tour, le score sera serré entre Jospin et Chirac.
ou encore la météo :
(115) Demain, il fera beau sur toute la façade Atlantique.
L’important, c’est d’y croire ! Plus exactement, l’important n’est pas la probabilité de réalisation du procès désignée –qui peut varier de zéro à cent pour cent, mais c’est là traiter du réel et non de sa représentation- l’important, c’est la représentation de l’inéluctable que désigne la combinaison des traits « possible » et « défini », et sur le plan de l’analyse de l’interlocution, la force argumentative d’une telle représentation.
On peut classer parmi les futurs de prédiction certains énoncés moins flatteurs, visant plutôt à décourager l’interlocuteur, mais le principe est le même. Ainsi, quand les compagnons de galère de Bardamu essaient de le dissuader de tenter l’aventure à New York :
(116) « Va ! qu’ils m’ont dit. Va ! Mais on te prévient encore : T’as pas des bons goûts pour un pouilleux ! C’est ta fièvre qui te rend dingo ! T’en reviendras de ton Amérique et dans un état pire que nous ! C’est tes goûts qui te perdront ! Tu veux apprendre ? T’en sais déjà bien trop pour ta condition ! »
leurs jugements alternent avec des prédictions au futur : t’en reviendras, tes goûts te perdront, ce qui donne pour effet de sens la certitude de la réalisation de ces procès. En effet, le futur désignant un procès potentiel défini, il ne laisse aucune place à la contestation.
C’est le cas aussi de cette prédiction, d’ailleurs immédiatement confirmée par le narrateur, de l’obligeante concierge de Bardamu quand il s’installe à son compte :
 (117) «  « Y gagnera pas son bifteck!  a prédit tout de suite ma concierge. Il y en a déjà bien trop des médecins par ici ! » Et c’était exactement observé. »
C’est justement l’assurance de la réalisation du procès possible que véhicule le trait « défini » du futur qui fait la portée satirique de l’ordre du Capitaine Ortogan dans cet énoncé :
(118) « - Et quand ils vous tireront dessus, eh bien tâchez de les repérer et venez me dire tout de suite où ils sont ! »
La cruauté du futur est involontaire. Il s’agit de souligner la désinvolture des gradés à l’égard de la vie des soldats sous leurs ordres.
Sans doute, est-ce aussi le trait « défini » qui fait du futur une valeur sûre pour des sociétés comme la SNCF. Ainsi, cet énoncé diffusé dans le TER Rennes-Quimper :
(119) « Ce train est à destination de Quimper. Il desservira les gares de Redon, Vannes, Auray, Lorient, Quimperlé. »
Le futur est propre, en effet, par l’assurance de la réalisation du procès possible qu’il véhicule, à rassurer les voyageurs craignant que leur gare ne soit oubliée - ce qui, pourtant, arrive, de temps en temps.
L’assurance véhiculée par le futur n’est donc pas toujours –ou seulement- expliquable par la fiabilité des informations que possède le locuteur : position des planètes, informations scientifiques du centre de la météorologie nationale, expérience du monde, planification des chemins de fer, statistiques économiques, mais elle est liée aussi à l’effet que l’on veut produire sur son interlocuteur. Que l’on cherche à le séduire, à le rassurer, à le convaincre, à le menacer ou à l’amener à agir, cette assurance affichée de la réalisation du procès possible que l’on désigne est un argument de poids.
C’est ainsi que cette assurance peut être reliée non seulement à un savoir mais, parfois à un vouloir du locuteur dans des énoncés qui cherchent à établir un rapport de force avec l’interlocuteur :
(120) Tu viendras à huit heures demain matin.
La certitude affichée par le locuteur ne laisse pas d’échappatoire possible si ce n’est la rébellion !
« On verra bien, eh navet ! »
Mais il s’agit toujours de représentation de la certitude de la réalisation du procès. En soi, l’énoncé ne contraint que l’interlocuteur, qui pour des raisons annexes –position sociale, timidité, sens de la hiérarchie- veut bien se laisser convaincre de sa venue au petit matin.
C’est ainsi que le futur est un substitut très employé de l’impératif. On le trouve dans des prescriptions grammaticales :
(121) « Au pluriel, on tolérera indifféremment le genre masculin et le genre féminin. » (Liste annexée à l’arrêté du 26 février 1901)
culinaires :
(122)  Puis, vous mettrez à feu doux jusqu’à ce que la sauce épaississe. 
C’est le temps également des dix commandements bibliques comme le soulignent Riegel et al. :
(123) « Tu ne tueras point. »
dont on sait, par ailleurs, que la force incantatoire n’est pas toujours suffisante.

Le « futur conjectural » est sensiblement différent, il porte non pas sur le procès lui-même mais sur la prise en charge du procès :
(124) « Pour qui a-t-on sonné la cloche des morts ? Ah mon Dieu ! Ce sera pour Mme Rousseau » (Proust)
(125) « J’ai trouvé ce beau livre sur le bureau. Ce sera le cadeau d’une admiratrice. »
Ces exemples sont généralement compris comme des énoncés désignant des procès coïncidents avec la situation d’énoncé mais attendant une confirmation dans l’avenir. D’où le sens de « supposition » qui est attribué à de tels énoncés. La syntaxe toujours identique de cet énoncé au futur [ce + sera + supposition] met en valeur que ce n’est pas un procès lui-même qui est désigné mais sa prise en charge, sa confirmation. Et cette confirmation est, elle, dite de façon catégorique : Françoise est sûre que l’on confirmera son dire. De même, la fanfaronnade est liée à l’assurance liée à la confirmation du dire. Pour autant, il y a médiatisation par le biais de cette confirmation qui affaiblit la portée catégorique du futur.
« et elle (pouvant toujours se voir avec ce recul que donne l'éloignement dans le temps, c'est-à-dire libérée de la sujétion du présent, se regardant agir avec cette sorte de condescendance un peu méprisante, un peu agacée, un peu envieuse aussi, que nous éprouvons à notre propre égard lorsque nous nous voyons après coup, comme nous regarderions agir un enfant, un mineur, ignorant ce que nous savons, avons appris à la lumière de ce qui est arrivé ensuite, comme si de savoir nous conférait une supériorité, alors que tout ce que nous avons gagné, c’est peut-être d’avoir un peu moins d’illusions, d’innocence, de sorte que cela n’a pas été un gain mais une perte » (SIMON, L’Herbe)
2-2-3-2-1-2 Au conditionnel :

Le conditionnel combinant les traits sémantiques « non-coïncident », « potentiel » et « non-défini » sert à représenter des procès possibles incertains non-coïncidents avec la situation de l’énoncé. Cette absence de coïncidence avec la situation de l’énoncé ne désigne pas forcément une absence de coïncidence avec le moment de l’énoncé mais peut désigner une disjonction avec d’autres paramètres de la situation d’énoncé, c’est-à-dire que le conditionnel ne désigne pas forcément un « futur » comme on l’a souvent dit. A preuve, le fait que certains énoncés au conditionnel, qui pourraient être compris tout aussi bien comme coïncidents avec la situation d’énoncé que comme ultérieurs à la situation d’énoncé, sont compris préférentiellement comme coïncidents à la situation d’énoncé.
Si l’on prend pour exemple cet énoncé :
(126)« Selon ces témoignages, le nombre des victimes se situerait entre cinq mille et sept mille personnes. »
On comprend que « le nombre de victimes se situe sans doute entre 5000 et 7000 personnes. » et non que « le nombre de victimes se situera sans doute entre 5000 et 7000 personnes » interprétation pourtant possible dans la mesure où l’on peut considérer que le décompte ne sera achevé qu’après la situation d’énoncé. De même, Vetters présente des paraphrases d’énoncés au conditionnel réalisées par différents linguistes. Ainsi, Korzen et Nolke paraphrasent :
(127) « Selon l’AFP le ministre accepterait de parler à la télévision.
par :
(127bis) Si on écoute l’AFP, on apprend que le ministre accepte de parler à la télévision.
Pourquoi ces linguistes paraphrasent-ils systématiquement le conditionnel par un présent ? N’est-il pas possible d’imaginer un procès qui se paraphraserait par un futur :
(127ter) Si on écoute l’AFP, on apprend que le ministre acceptera de parler à la télévision.
Et encore, un énoncé comme :
(128) Il serait malade
est compris comme :
(128bis) Il est sans doute malade
alors qu’aucun élément contextuel n’indique une coïncidence avec le moment de l’énoncé. Inversement, ne faut-il pas une mise en relation du procès avec un élément contextuel indiquant l’ultériorité par rapport à la situation d’énonciation pour que le procès désigne la non-coïncidence avec le moment de l’énonciation, comme dans ces exemples :
(129) Le premier ministre arriverait à Rennes demain à dix heures.
(130) Les impôts baisseraient l’année prochaine ?
Dans ces conditions, les analyses qui considèrent que le conditionnel désigne l’avenir et que sa valeur hypothétique est due à ce décalage dans l’avenir achoppent sur les emplois du conditionnel qui désignent manifestement une coïncidence avec le moment de l’énoncé ou alors elles sont amenées à trouver des solutions originales.
C’est ainsi que Gosselin met en parallèle futur et conditionnel qui désignent le moment de l’énoncé. A propos de cet exemple :
(131) Au vu des premiers résultats, Monsieur X serait réélu
il développe une analyse qu’on pourrait qualifier, à la manière du « futur de conjecture »,  de « conditionnel de conjoncture » :
« Ce que le conditionnel met en cause d’une certaine manière, c’est le principe de la nécessité du factuel : même s’il a (eu) lieu, le procès reste dans le domaine du possible. Cette contradiction est évidemment résolue au plan épistémique : le procès n’est considéré comme simplement possible que parce qu’il n’est pas connu avec certitude ; et ce n’est pas son actualisation elle-même qui se trouve retardée, mais sa confirmation. »
Si cette phrase signifie :
(131bis) Au vu des premiers résultats, Monsieur X est sans doute réélu,
nous pensons que l’explication de la désignation d’un autre paramètre que le temps « non-coïncident avec la situation d’énoncé » par un élément du contexte linguistique ou extra-linguistique aboutissant finalement à la même explication :
« le procès n’est considéré comme simplement possible que parce qu’il n’est pas connu avec certitude »
est préférable parce qu’on peut avec le même système explicatif rendre compte de nombreux emplois d’un conditionnel désignant le moment de l’énoncé. Cet énoncé qualifié de «  conditionnel journalistique », présente le procès possible comme incertain, autrement dit le procès présenté n’est qu’un possible parmi d’autres possibles. Ce procès est présenté en référence avec une situation « non-coïncidente  avec la situation d’énoncé », c’est-à-dire qu’un, au moins, des paramètres de la situation n’est pas coïncident avec celui déterminant la situation d’énoncé. Dans la mesure où ce n’est pas le moment de l’énoncé, ce peut être le locuteur, le lieu, la situation dans son ensemble. Pour l’énoncé (131), le procès possible indéfini est dit en référence avec un locuteur non-coïncident avec le je de l’énoncé. Le verbe désigne un autre locuteur (ou un locuteur qui se dédouble en ne s’assumant pas).
Cette remarque d’une source autre que celle du locuteur est généralement analysée sous des termes polyphoniques : à travers l’énoncé du locuteur, il faut entendre le point de vue d’un tiers, point de vue auquel le locuteur peut ou non adhérer. Au locuteur se substituent donc des « énonciateurs » qui peuvent être distingués selon l’adhésion du locuteur au point de vue qu’ils représentent. Cette analyse est particulièrement pertinente pour les conditionnels journalistiques dans la mesure où les journalistes médiatisent des informations qui proviennent d’une source que le journaliste peut considérer fiable ou non. On comprend leur prédilection pour le conditionnel qui permet de dire que le procès se réfère à un autre je que celui de la situation d’énoncé. Cet « autre je » peut être désigné ailleurs dans l’énoncé et c’est fréquent :
(132) Selon l’AFP, le premier Ministre serait à Rennes aujourd’hui.
Mais ce n’est pas toujours le cas, l’énoncé indiquant alors seulement qu’il ne coïncide pas avec le je de la situation d’énoncé :
(133) Le premier Ministre serait à Rennes aujourd’hui.
Le fait qu’un verbe au conditionnel ne désigne pas forcément un procès ultérieur au moment de l’énoncé mais très souvent un procès qui lui est coïncident explique que certains linguistes préfèrent éviter la notion d’« incertitude » - que pour notre part nous dérivons du trait non-défini- qui est généralement rapportée à l’ultériorité du conditionnel- et lui préfèrent un trait de « mise à distance » ou de « non-prise en charge » du propos.
Si l’analyse ne déconstruit pas la notion d’incertitude de celle d’avenir, il est certain qu’elle ne peut expliquer les énoncés de ce type qui ne peuvent être réduits, alors, à l’état d’exception. On comprend qu’elle convoque ainsi d’autres notions susceptibles d’expliquer les procès au conditionnel coïncidents au moment de l’énoncé.
(134) Un accident a eu lieu à Vannes, samedi soir: il y aurait deux morts et plusieurs blessés. 
Certes, l’incertitude n’est pas déductible ici de l’accomplissement forcément incertain (et présenté comme tel) d’un procès à venir puisqu’on désigne l’accomplissement d’un procès coïncident avec le moment de l’énoncé. Pour notre part, et dans la mesure où nous déconstruisons d’une part, la valeur « non-coïncident avec la situation de l’énoncé » et de l’autre la valeur « non-défini », nous ne lions pas, d’une part, la valeur incertaine du conditionnel au fait que le procès est désigné dans l’avenir mais bien au sème « non-défini », et nous postulons d’autre part que le trait sémantique « non-coïncident avec la situation d’énoncé » peut désigner autre chose que « non-coïncident avec le moment de l’énoncé », le procès possible incertain étant désigné en référence à une situation autre que la situation d’énoncé, autre par l’un ou l’autre des paramètres de la situation d’énoncé ou par l’ensemble de la situation d’énoncé.
Le procès peut alors, par exemple, ne pas être en référence avec le locuteur, et l’effet de sens sera celui d’un procès non-pris en charge par le locuteur, effet étrange que l’énoncé prend sa source dans une autre situation d’énoncé. C’est ce qui explique la recherche d’énonciateurs autres que le locuteur désignés par le conditionnel et même du dédoublement du locuteur, parfois nécessaire, pour corroborer la notion de « polyphonie » ou d’« évidentiel d’emprunt » ou de « conditionnel épistémique ». Faut-il, pour autant, y voir « le sens fondamental » du conditionnel ? Abouta le réfute, du moins pour le conditionnel journalistique, arguant qu’il s’agit d’une conséquence de la non-prise en charge du locuteur.
Il montre, en particulier, que la thèse de Dendale selon laquelle le conditionnel peut prendre non seulement la valeur aléthique de non-prise en charge mais aussi la valeur aléthique de fausseté et la valeur aléthique de vérité, sur laquelle il s’appuie pour rejeter la valeur basique de non-prise en charge peut être battue en brèche par des énoncés comme :
« a. Il est vrai qu’il viendrait.
b. C’est sûr qu’il viendrait
[pour lesquels]on cherche immédiatement dans le contexte l’expression d’une hypothèse et on n’a plus affaire à un conditionnel journalistique. »
Pour notre part, nous pensons que l’analyse polyphonique du conditionnel a pour avantage d’être plus précise que la seule « absence de prise en charge de l’énoncé par le locuteur » mais qu’elle ne correspond qu’à une des analyses possibles dans la mesure où le locuteur n’est qu’un des paramètres de la situation d’énoncé. Le locuteur désignant une opération de référence à une situation autre que la situation d’énoncé, il peut désigner soit un autre locuteur soit d’autres paramètres de la situation d’énoncé, soit l’ensemble de la situation. La polyphonie du conditionnel ne correspond qu’à certains emplois et la notion de « non-prise en charge de son énoncé par le locuteur » si elle est plus générale ne peut englober l’ensemble des interprétations possibles.
C’est ainsi, qu’employé dans la sphère privée, un « conditionnel journalistique » peut être analysé de différentes manières. Après avoir passé un coup de téléphone à des amis, un homme déclare à sa famille :
(135) « Finalement, ils viendraient plutôt l’après-midi. »
Le verbe viendraient désigne un procès possible dont l’accomplissement est présenté comme incertain par le locuteur. Difficile de savoir si ce procès possible incertain prend sa référence par rapport à un « autre je » et dans ce cas, on interprète le doute du locuteur comme portant sur la fiabilité de son interlocuteur téléphonique « c’est eux qui le disent, pas moi » ou si ce procès possible incertain se réfère à un moment autre que le moment de l’énoncé. Le locuteur a alors conscience qu’un procès futur n’est jamais sûr : « on ne sait jamais ce qui peut arriver », d’autant que la décision a déjà varié et variera peut-être encore. Peut-être faut-il l’interpréter comme un cumul des deux : un procès possible incertain se fait en référence avec un « autre je » et un « autre moment » que ceux de l’énoncé.
D’autres conditionnels peuvent difficilement être glosés par la notion de « polyphonie », ce sont les conditionnels qualifiés de « préludiques » ou encore ceux qui apparaissent dans des scènes imaginaires, qu’ils sont d’ailleurs parfois seuls à désigner comme imaginaires.
On peut prendre pour exemple ce discours intérieur de Bardamu quand celui-ci pense que la guerre est peut-être finie, faute de combattants :
(136) « Ils sont peut-être tous morts à l’heure actuelle ? que je me demandais. Puisqu’ils ne veulent rien comprendre à rien, c’est ça qui serait avantageux et pratique qu’ils soient tous tués très vite …. Comme ça on en finirait tout de suite … On rentrerait chez soi… On repasserait peut-être place Clichy en triomphe… Un ou deux seulement qui survivraient. Dans mon désir… Des gars gentils et bien balancés, derrière le général, tous les autres seraient morts comme le colon… comme Barousse… comme Vanaille (une autre vache)… etc. On nous couvrirait de décorations, de fleurs, on passerait sous l’Arc de Triomphe. On entrerait au restaurant, on vous servirait sans payer, on payerait plus rien, jamais plus de la vie ! On est les héros ! qu’on dirait au moment de la note… Des défenseurs de la Patrie ! Et ça suffirait !… On payerait avec de petits drapeaux français !… La caissière refuserait même l’argent des héros et même elle vous en donnerait, avec des baisers quand on passerait devant sa caisse. ça vaudrait la peine de vivre. »  »
Le discours intérieur du personnage dérive peu à peu vers des procès de plus en plus utopiques. Or, l’analyse peut difficilement se faire selon une référence à un « autre je » que celui de la situation d’énoncé.. Bardamu ne sous-entend pas que ces idées viendraient d’une autre source (ou alors il faudrait pousser l’analyse jusqu’à dire qu’il se dédouble en un je fou et un je lucide). Il ne s’agit pas non plus d’une référence à un autre moment que celui de l’énoncé, car cela signifierait que Bardamu pense que ces procès sont éventuellement possibles, que on payerait avec de petits drapeaux français, par exemple, est un possible parmi d’autres. Or, le personnage n’y croit pas. Il joue pour oublier la guerre et n’envisage pas comme éventuellement possibles ces procès. On peut opposer, par comparaison, avec un énoncé précédent : « Finalement, ils viendraient l’après-midi »pour mesurer la charge d’utopie que portent les procès du scénario imaginaire de Bardamu. Nous postulons que dans ce cas, la non-coïncidence avec la situation d’énoncé porte sur le monde dans lequel s’inscrit la situation d’énoncé. Le locuteur désigne un procès possible incertain qui prend sa référence dans un autre monde que celui dans lequel s’inscrit la situation d’énoncé, un monde imaginaire. Le conditionnel, par opposition avec le futur, signale explicitement la distance prise avec les propos énoncés, ici, distance prise avec ses propres rêves, par le trait « non-défini » qui le caractérise.
De la même façon, le conditionnel apparaît dans certaines comparaisons qui utilisent la création d’images présentées comme des procès possibles non-définis, c’est-à-dire non crédibles, peu susceptibles de se produire car référé à un monde autre que celui de la situation d’énoncé, un monde imaginaire. Proche des scénarios imaginaires, ce conditionnel de fiction introduit par comme est bien représenté dans Voyage au bout de la nuit, ainsi dans cette description de la détonation qui met fin à l’attente (et à la vie) du colonel :
(137) « Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. »
ou comme cette comparaison qui décrit la décrépitude de la maison des Henrouille :
(138) « On se sentait chez eux comme dans un bateau, un espèce de bateau qui irait d’une crainte à l’autre. »
Robinson, devenu aveugle, passe son temps à se visionner ses souvenirs d’enfance qui ouvrent sur une comparaison tout aussi surprenante :
(139) « à part le coup de la cliente, il n’y trouvait rien dont il ne puisse désespérer jusqu’à en vomir jusque dans les coins comme dans une maison où il n’y aurait rien que des choses répugnantes qui sentent, des balais, des baquets, des ménagères, des gifles… »
A la suite de l’agonie de Robinson, apparaît également ce type de description :
(140) « Dans la chambre ça faisait comme un étranger à présent Robinson, qui viendrait d’un pays atroce et qu’on n’oserait plus lui parler. »
Quand Bardamu décide de quitter Rançy, après la mort de Bébert, il emploie une allégorie à laquelle il associe ce type de conditionnel :
(141) « C’est comme une femme qui serait affreuse la Peine, et qu’on aurait épousée. »
Ces conditionnels de fiction, qui font fusionner expression populaire et expression poétique chez Céline, culminent dans les moments de détresse dont ils témoignent de l’indicible. Il s’agit à chaque fois du même procédé : le monde « réel » n’offrant pas matière à comparaison assez juste ou assez forte pour désigner le sentiment ressenti, l’écrivain désigne un objet qu’il représente comme imaginaire par le biais d’un procès au conditionnel mis en relation avec la conjonction de comparaison comme. Le trait sémantique de « non-coïncidence avec la situation d’énoncé » combiné au « potentiel » ne renvoie pas à un avenir hypothétique quand le contexte linguistique l’indique – ici, par la mise en relation avec comme - mais à un « autre monde », un monde imaginaire.
Le conditionnel préludique s’inscrit directement dans cette analyse :
(142) Tu serais le papa et je serais la maman.
Les enfants ne sont pas dupes de leur jeu et ils signalent le passage de ce qu’il est convenu d’appeler « la réalité » à la fiction. L’emploi du conditionnel sert à désigner que les procès se déroulent dans un autre ordre que celui de l’énoncé, celui d’un monde imaginaire.
Cette variable de l’analyse qu’autorise la référence à une situation qui comporte différents paramètres, permet de gloser également le conditionnel de politesse ou conditionnel d’atténuation :
(143) Je voudrais prendre rendez-vous.
(144) Tu devrais partir maintenant.
Dans ces énoncés, les procès prennent leur référence dans le moment d’énoncé. Quand on les oppose à des présents :
(143bis) Je veux prendre rendez-vous.
(144bis) Tu dois partir maintenant.
ce n’est pas une opposition temporelle qui se fait jour mais bien une différence de « politesse » ou « d’atténuation ». On jugera, par convention sans doute, je veux et tu dois trop brutaux.
On peut postuler, à l’instar d’ailleurs d’Abouda qui classe les conditionnels d’atténuation avec les conditionnels journalistiques, qu’il s’agit de cas de « non-prise en charge de son énoncé par le locuteur.
« Ducrot a [… ] remis en cause ce qu’il appelle la thèse de l’unicité du sujet parlant, c’est-à-dire ce postulat, souvent implicite, qui veut qu’il y ait, pour chaque énoncé, un être unique qui est à la fois l’auteur empirique de l’énoncé, que nous noterons ici par P, le responsable du contenu de cet énoncé, que nous appellerons ici l’Enonciateur (noté E), et la personne désignée par je, le Locuteur, que nous notons L.
« En exploitant les distinctions opérées dans le cadre théorique [de la polyphonie de Ducrot], nous pouvons formuler notre hypothèse de la manière suivante. Le Locuteur, en énonçant :
Je dirais p
ne prend pas en charge le contenu de p. Or, nous l’avons déjà dit, en refusant de prendre en charge p, le Locuteur en attribue automatiquement le contenu à un Autre Enonciateur (AE), comme dans la configuration suivante :
L(AE(p))
Sauf que, dans l’emploi atténuatif, l’Autre Enonciateur (AE) et le Locuteur (L) renvoient tous les deux à la même personne physique, i.e. le producteur réel (P) de l’énoncé. D’où, nous semble-t-il, cet effet de sens très particulier –quasiment schizophrénique- où le producteur du message se présente comme n’assumant pas le contenu d’une proposition qu’il prend finalement en charge par le simple fait de l’énoncer. »
Le conditionnel d’indignation est analysable de la même manière que le conditionnel journalistique :
(145) Quoi ? Je te mentirais ?
Le locuteur désigne un procès possible incertain en le référant à un autre je que le je de l’énoncé. D’où, l’effet de dédoublement de la voix, le locuteur faisant la réponse avec la question.
C’est pourquoi on peut interpréter ainsi également les conditionnels qui apparaissent dans les interrogations rhétoriques :
(146) « Pourquoi s’arrêteraient-ils ? »
On analyse souvent cette forme par une question qui comporte déjà sa réponse. En effet, la question porte sur un procès improbable et prend sa référence dans un autre je que celui de la situation d’énoncé. Le conditionnel désigne alors un dédoublement du locuteur qui permet cette mise en abîme du dialogue. Ce procédé conduit à la clôture de la question sur elle-même.
Pourquoi le conditionnel inscrit-il si peu le procès qu’il désigne dans une référence à la temporalité ? Pourquoi à l’inverse, le passé simple inscrit-il systématiquement le procès qu’il désigne dans une référence temporelle ? Nous pensons que cela est dû aux traits sémantiques qui les composent. Le verbe désignant, à notre sens, un « objet temporel » dans la mesure où un procès s’inscrit dans une durée, sa référence à un moment paraît logique. Ainsi, le passé simple qui découpe dans le réel des objets avérés, des « morceaux de temps » doit logiquement les référer au moment de l’énoncé. Inversement, le conditionnel qui désigne un procès potentiel indéfini, désigne un objet très éthéré par rapport à la réalité. Logiquement, son ancrage dans le temps est beaucoup moins nécessaire.


2-2-3-2-2 Les énoncés hypothétiques en si

Il n’est que d’observer la diversité des analyses consacrées à la nature de la relation si p, q dans les articles qui lui sont consacrés dans le recueil « Le Conditionnel en français » de Dendale et de Tasmowski pour mesurer la difficulté de l’analyse en syntaxe du conditionnel.
Nous nous proposons de partir de ces deux énoncés :
(147) S’il fait beau, il viendra
(148) S’il faisait beau, il viendrait 
Les deux énoncés (147) et (148) présentent un procès éventuel ; s’ils assertent tous deux la corrélation entre deux propositions, pour autant, ils ne sont pas équivalents : alors que le premier procès sera interprété comme probable, le second sera qualifié d’improbable, voire d’irréel. Il s’agit, dans chaque énoncé, d’un système corrélatif qui met en relation un premier procès au futur ou au conditionnel avec un second procès introduit par la conjonction si, second procès respectivement au présent ou à l’imparfait. La mise en relation des deux procès aboutit à leur perte d’autonomie et à un blocage des temps. Ainsi, le futur ne peut être mis en relation qu’avec un présent et le conditionnel qu’avec l’imparfait.
Les valeurs du futur et du conditionnel ne s’expliquent que dans le cadre de cette corrélation.
Les deux énoncés paraissent symétriques, ils nous le paraîtraient encore davantage si la protase de l’hypothèse au futur était au passé simple :
(147bis) * S’il fit beau, il viendra.
Ce n’est pas le cas, aussi pensons-nous que l’analyse des deux énoncés ne doit pas forcément rechercher la symétrie.
2-2-3-2-2-1 Le conditionnel

Nous postulons que la corrélation entre protase et apodose dans l’hypothèse au conditionnel va de pair avec une mise en facteur du +R, du trait sémantique « potentiel ». Cette hypothèse permettrait d’expliquer pourquoi les enfants disent systématiquement :
(148bis) *S’il ferait beau, il viendrait.
au point qu’on a été obligé d’inventer des règles mnémotechniques – « les si n’aiment pas les –rais » ou « les si mangent les –rais », selon différentes variantes. Peut-on se fier à la parole des enfants –vaste débat !- peut-on se fier à leur conscience linguistique ? Il nous semble que les étapes de l’acquisition du langage témoignent d’une construction progressive du système. On peut penser que l’énoncé fautif *S’il ferait beau, il viendrait traduit correctement la signification de la conditionnelle hypothétique et que c’est le principe d’économie – un R pour deux verbes- qui n’est pas encore assimilé à un stade de l’apprentissage.
D’ailleurs, le principe de la factorisation n’opère pas que dans ce type d’énoncé et apparaît dans de nombreuses mises en relation : dans Paul viendra à la conférence et parlera à 17H, Paul est mis en facteur. Dans Les belles élégantes, Les est mis en facteur dans la relation adjectivale, c’est les belles et les élégantes qui sont mis en relation.
Un autre argument vient en faveur de cette hypothèse, c’est la remarque qu’ont faite certains linguistes, comme Gosselin, que « l’imparfait [ne peut pas porter] sur le procès exprimé par la subordonnée hypothétique »
Dans ce cadre explicatif, l’énoncé (148) fait dépendre la réalisation du procès il viendrait de l’éventualité du procès à l’imparfait il faisait -qu’il faut comprendre comme il ferait. On aurait alors un équivalent de :
(149) Il ferait beau, il viendrait.
Le si est alors marqueur de la corrélation hypothétique. Par rapport à l’énoncé (149), son introduction limite l’ambiguïté de l’énoncé – on peut, en effet, comprendre l’énoncé (149) comme la succession de deux procès désignant une succession chronologique- et il autorise l’inversion des deux procès :
(148) S’il faisait beau, il viendrait.
(148 ter) Il viendrait, s’il faisait beau.
Un procès est dit possible parmi d’autres, son éventualité est corrélée à un autre procès possible incertain. Il a souvent été rapporté dans la littérature linguistique, que, selon les cas, ce procès était compris comme « potentiel » ou « irréel ». Cette graduation dans la probabilité de l’accomplissement des procès est à rattacher à la variabilité des paramètres de la situation d’énoncé niés par l’opposition au présent. De même qu’un procès au conditionnel peut désigner un scénario fictif, qui n’est pas réalisé et qui ne se réalisera pas, de même un conditionnel enchâssé dans une syntaxe hypothétique peut-il désigner un procès irréalisable.
A cet égard, on peut opposer :
(150) Si j’avais de l’argent aujourd’hui, je m’achèterais un bateau.
(151) Si j’avais de l’argent demain, je m’achèterais un bateau.
L’énoncé (150) présente des procès possibles indéfinis corrélés en référence avec un moment coïncident avec le moment de l’énoncé, c’est donc un autre paramètre de la situation d’énoncé qui est nié. Une autre situation est désignée, celle d’un monde fictif où j’aurais de l’argent. D’où l’interprétation en terme d’irréel ou de contrefactuel.
Par contre, l’énoncé (151) peut être compris comme un couple de procès possibles parmi d’autres, référé à un autre moment que le moment de l’énoncé, du fait de sa mise en relation avec demain. Cette interprétation laisse alors une chance au locuteur d’avoir de l’argent et, conséquemment, de s’acheter un bateau. Mais on peut aussi comprendre que le locuteur réfère les procès à une situation qu’il inscrit dans un monde autre que celui où s’inscrit la situation d’énoncé, un monde imaginaire où l’on serait riche et l’on s’achèterait un bateau. Autrement dit, que le locuteur ne considère pas la possibilité d’être riche comme plus probable demain qu’aujourd’hui. Dans ce cas, le locuteur réfère la possibilité incertaine de s’acheter un bateau à une inscription du procès et de sa référence dans un monde fictif.

2-2-3-2-2-2 Le futur

L’analyse de l’énoncé (147) s’il fait beau, il viendra est plus problématique à poser ici, dans la mesure où nous n’avons pas abordé la valeur du présent. Nous nous contenterons donc de proposer une piste éventuelle d’analyse.
Si l’on reprend les remarques qui nous ont guidée précédemment pour envisager leur transposition au futur, on constate quelques différences. Tout d’abord, si l’erreur relevée pour le conditionnel peut se retrouver au futur, sous la forme :
(147bis) *S’il fera beau, il viendra.
et est attestée d’ailleurs dans le corpus célinien, dans la bouche de Robinson:
(152) « - Tu me croiras, si tu voudras, me rappelait-il, en ravaudant des bouts de souvenirs le soir comme ça après dîner […] »
elle ne relève pas de la catégorie des erreurs systématisées chez les enfants. Il convient donc d’être plus prudent dans l’idée que d’une équivalence sémantique entre cette forme erronée et la forme correcte.
Par ailleurs, l’énoncé :
(153) Il fera beau, il viendra
s’il est attesté n’a pas une valeur hypothétique mais une valeur de succession des procès. Alors qu’on peut trouver :
(154) Il fait beau, il vient
interprétable comme un équivalent de l’énoncé (147).
Mais on peut également trouver :
S’il fait beau, il vient
Enfin, un énoncé hypothétique a attiré notre attention dans une lettre manuscrite, dans la mesure où cette lettre manuscrite gardait trace d’une remédiation. L’énoncé :
(155) J’aurai un bureau en haut du bâtiment E
était suivi d’un point transformé en virgule et suivi de :
si tout se passe bien.
Ainsi, un énoncé simple au futur désignant un procès possible de façon catégorique pouvait être, suite à une révision de son locuteur, transformé en un énoncé hypothétique :
(155bis) J’aurai un bureau en haut du bâtiment E si tout se passe bien.
Autrement dit, la protase de l’hypothétique au futur pouvait servir à atténuer l’aspect catégorique de l’apodose, au même titre qu’un peut-être.
(155ter) J’aurai peut-être un bureau en haut du bâtiment E .
Ainsi, l’hypothèse est introduite par la protase et non par la proposition au futur qui ne perd son sens catégorique –ou qui ne l’atténue - que dans le cadre de la relation.
A partir de cette remarque, et de celle que le présent peut remplacer le futur dans de nombreux énoncés, nous postulons que le présent de ce système corrélatif est interprétable par un futur. Cette thèse permettrait d’expliquer que les enfants n’aient pas besoin de remplacer le présent par un futur puisqu’ils interprètent cette valeur dans l’apodose au présent. Cela expliquerait aussi l’énoncé équivalent au présent Il fait beau, il vient. On aboutit alors à un énoncé symétrique à l’énoncé [si imparfait, conditionnel] sans passer par la même analyse de factorisation d’un morphème, rendue inutile par la possibilité d’interpréter le présent par un futur.
On peut, selon cette analyse déduire que, de même que la corrélative au conditionnel signifie la forme erronée : si + cond, cond , la corrélative au futur signifie si + futur, futur.
Un procès est dit possible de façon certaine mais la possibilité est corrélée à l’éventualité d’un autre procès possible certain. C’est donc si qui porte toute la charge d’incertitude, d’hypothèse et qui la transmet par des mises en relation aux deux procès de l’énoncé. D’où un sens « probable » atténuant la certitude véhiculée par les procès au futur.





2-2-3-2-3 Futur et conditionnel dans le discours indirect.

Il reste à examiner le conditionnel dans le discours indirect (et indirect libre) introduit par un verbe au passé, le fameux « futur dans le passé » dont la présence a justifié très souvent le classement du conditionnel dans l’indicatif comme un équivalent sémantique du futur et qui est donc à la base de la « bataille du conditionnel temps ou mode  ».
Le corpus célinien nous offre plusieurs exemples de ces conditionnels de discours indirect. Si on s’arrête à l’exemple suivant :
(156) « Une fois dans la rue, nous réfléchîmes qu’on irait pas très loin avec nos vingt francs chacun. »
on peut se demander si la valeur de irait est une valeur de futur purement transposée et si l’énoncé équivaut à :
(156bis) « Une fois dans la rue, nous réfléchîmes : « On ira pas très loin avec nos vingt francs chacun ! » »
ou s’il faut comprendre un conditionnel :
(156ter) « Une fois dans la rue, nous réfléchîmes : « On irait pas très loin avec nos vingt francs chacun. » »
à laquelle il faudrait ajouter une protase éventuellement sous-entendue :
«  Une fois dans la rue, nous réfléchîmes : « On irait pas très loin avec nos vingt francs chacun, si on ne trouvait pas rapidement une solution. » »
Les deux analyses coexistent dans la littérature linguistique. Tassie estime, par exemple, que même dans le discours indirect, le conditionnel véhicule toujours une part de modalité :
« le conditionnel réduit la réalité future exprimée dans la phrase primitive en la chargeant d’un élément considérable d’éventualité. C’est cet élément capital du conditionnel qui trouble et anéantit presque son contenu de futurité. En d’autres termes cet emploi, réputé temporel parmi tous ceux du conditionnel, n’a aucune signification nettement temporelle, n’indique que les rapports séquentiels entre les événements. Henri Sensine a pressenti cette nuance en remarquant que si on veut insister sur l’idée de futurité on laisse de côté la marque de la subordination et on dit simplement : « J’ai dit que je le verrai demain. » »
Le discours indirect est un discours pris en charge par un autre discours. Ainsi, la situation d’énoncé de ce discours indirect est rapportée à celle du discours qui prend en charge. Quand un discours est pris en charge par un discours au passé, il est englobé dans une notion de non-coïncidence par rapport à la situation d’énonciation. Il faudrait pouvoir expliquer comment cette disjonction de la situation d’énonciation implique une notion de non-définition du procès du discours pris en charge. Mais, dans cette analyse, on se heurte alors au fait qu’un verbe introducteur au futur ou au conditionnel n’implique pas de concordance du discours rapporté. Cet énoncé, par exemple, est tout à fait correct :
Il dira qu’il viendra plus tard
Aussi pensons-nous que la concordance entre un verbe de parole au passé et un conditionnel en place d’un futur (dans l’énoncé au discours direct) est un fait purement mécanique et non pas sémantique. Il s’agit de signaler que le procès dit au futur ne prend pas sa référence dans le moment de l’énoncé mais dans un moment antérieur. Contrairement à ce qu’indique un de ses traits sémantiques, il peut, par exemple, être coïncident avec le moment de l’énoncé englobant mais pas avec le moment de l’énoncé englobé.
Ainsi, l’énoncé (156) est l’équivalent de :
(156bis) « Nous réfléchîmes : « On ira pas très loin avec nos vingt francs chacun ». »
Le procès irait ne met pas en doute l’accomplissement (ici négatif) du procès. Le constat est catégorique.
Cependant, la remarque de Tassie n’est pas tout à fait fausse car il est toujours possible d’interpréter le conditionnel du discours rapporté comme prenant en charge un conditionnel et non un futur ou si l’on préfère d’amalgamer les deux interprétations du conditionnel dans un seul énoncé. En effet, rien n’interdit d’introduire une corrélative hypothétique dans un discours indirect. Par exemple :
(157) Ferdinand disait que Robinson viendrait s’il faisait beau. 
Comment interpréter un tel énoncé ? Correspond-il à :
(157bis) Ferdinand disait : « Robinson viendrait s’il faisait beau.. »
et dans ce cas le discours indirect cumule dans viendrait les valeurs du conditionnel et la marque du discours indirect introduit par un verbe au passé.
A moins de ne comprendre :
(157) Ferdinand disait : « Il viendra s’il fait beau. »
Le passage au discours indirect faisant passer le futur au conditionnel et le présent à l’imparfait, il aplanit la différence entre les deux énoncés en discours direct. Cette analyse revient à la paraphrase (156ter) qu’il est toujours possible de postuler, en définitive :
(156ter) « Une fois dans la rue, nous réfléchîmes : « On irait pas très loin avec nos vingt francs chacun (si on ne trouvait pas rapidement une solution.) » »
En fait, les risques d’ambiguïté sont très nombreux quand on a affaire à un conditionnel dans un discours rapporté. L’analyse que conduit Gosselin, en définitive, montre un exemple de ces ambiguïtés possibles :
« Le futur situe (linguistiquement) le procès dans l’irrévocable, alors que le conditionnel le montre comme simplement possible. […Dans]
Jean m’a dit qu’il sera là demain
Jean m’a dit qu’il serait là demain
bien qu’il s’agisse dans les deux cas de discours rapporté, bien que les événements décrits soient situés, l’un dans le passé, l’autre dans le futur (et donc temporellement, dans le possible) une différence modale est perceptible, qui oppose le conditionnel, lequel, présentant le procès comme simple possible, va être compatible avec diverses formes de mises en cause de l’information (Je t’ai dit qu’il serait là demain, mais je me suis trompé. Il a prétendu qu’il viendrait la semaine prochaine mais, en fait, il restera chez lui), au futur qui marque l’affirmation catégorique de la proposition, qui situe –au plan linguistique (aspectuel) – le procès dans le nécessaire, l’inéluctable ( ?* Je t’ai dit qu’il sera là demain mais je me suis trompé *il a prétendu qu’il viendra la semaine prochaine mais, en fait, il restera chez lui) »
Il ajoute, à propos du conditionnel passé :
« Le caractère nécessaire du procès n’est que (plus ou moins probable), non qu’il soit encore évitable au moment considéré, mais simplement parce qu’il n’est pas connu de façon suffisamment sûre (en d’autres termes, il est simplement possible qu’il ait eu lieu). »

En fait, ces exemples de Gosselin, comme celui de Sensine cité par Tassié, plus haut, ne permettent pas de trancher sur la valeur du conditionnel pris en charge par un discours rapporté au passé car le passé composé peut situer le verbe de parole introducteur dans la sphère de l’énoncé. Dès lors, le conditionnel peut répondre à une interprétation passée du passé composé dans certains énoncés –c’est-à-dire un passé composé substitut du passé simple- mais l’alternance conditionnel / futur n’est alors pas possible :

*Il prétendit qu’il viendra la semaine prochaine
Seule, une interprétation « accompli du présent » du passé composé autorise cette alternance. Dans ce dernier cas, il ne s’agit plus de discours indirect introduit par un verbe au passé, ce qui explique que l’opposition futur / conditionnel soit productive de sens.
Ajoutons à cela que le discours indirect peut être difficile à détecter quand il s’agit de « style indirect libre » et que l’hypothèse peut être désignée par une syntaxe beaucoup plus discrète que l’hypothétique en si et l’on peut atteindre des sommets dans la confusion. Nous en donnerons quelques exemples chez Céline.
En définitive, si le futur en discours direct doit être traduit, par simple concordance, par un conditionnel s’il est pris en charge par discours indirect au passé simple ou à l’imparfait, l’inverse n’est pas vrai car un conditionnel pris en charge dans un discours indirect au passé peut tout aussi bien renvoyer à un conditionnel qu’à un futur. D’où un effet de sens polysémique du conditionnel pris en charge par un discours indirect au passé.
Nous classerons aussi ici nos analyses du futur des historiens et du conditionnel des historiens. Les énoncés au futur comme le suivant :
(158) « Cependant, le 30 août 1777, Marie-Antoinette confie un grand secret à sa mère. « Je suis dans le bonheur le plus essentiel pour toute ma vie… » A la fin de l’année suivante, elle accouchera d’une fille. »
représentent des cas de déplacement du point de référence. Comme le dit Imbs, qu’il fasse suite à un présent de narration ou à un passé simple, ce futur désigne un procès « entièrement passé au moment où l’historien écrit ; mais il est futur par rapport au fait précédemment évoqué .» Dès lors, il s’interprète comme un procès non-coïncident, possible et défini au moment de repère désigné par le récit. On peut penser cependant que la certitude véhiculée par le trait défini du futur désigne également le savoir a-posteriori détenu par le locuteur. Si l’accomplissement du procès peut être présenté comme inéluctable, c’est qu’il est, en réalité, accompli. Il y a là un jeu de point de vue qui souligne l’omniscience de l’historien, nous semble-t-il. En faisant comme s’il se situait au moment de l’histoire, l’historien exhibe son discours – il s’agit d’un effet de style qui se crée par contraste avec la norme du discours historique posée par Benveniste. Cette monstration du discours correspond à un discours indirect : Je dis que je dis….
D’où la possibilité de trouver ce procédé aussi bien au conditionnel qu’au futur avec une valeur équivalente :
(159) « C’était presque, dans le cas de conflit entre les pouvoirs, annoncer à l’ancien héros, à l’ancien maître de la France, le sort bien ignoré encore alors, que subirait l’ancien roi de Naples, Murat, quatre mois après. »

« Oui, je sais, ça ne va pas ensemble : une jeune fille, les effluves de jasmin, et ce corps prêt à tomber en poussière, si familier du temps qu'il semble le temps lui-même, et ces mains jeunes et décharnées - et par endroit polies comme de l'ivoire - luttant contre leur propre maladresse et la rouille de la boîte (comme si la rouille et la maladresse n'étaient qu'une seule chose, toujours la même : les années, le temps) jusqu'à ce qu'elle ait enfin réussi à l'ouvrir, fouillant alors dans son contenu non de bonbons gluants mais de boutons dépareillés, de chaînettes d'or » C. Simon, L’Herbe.

2-2-3-2-4 Bilan :

Dans cette dernière partie, nous avons montré la pertinence du trait sémantique « (défini » pour rendre compte du futur  et du conditionnel : le locuteur, en employant un verbe au futur, désigne LE procès possible non-coïncident avec la situation d’énoncé . On peut donc dire qu’il représente de façon catégorique un procès à venir –c’est tout le paradoxe du futur. Inversement, le locuteur qui emploie un conditionnel désigne UN procès possible (parmi d’autres) non-coïncident avec la situation d’énoncé. Nous avons vu que ce dernier trait permettait une variation de la référence, dans la mesure où la situation d’énoncé présente différents paramètres et que la référence temporelle n’était qu’une possibilité parmi d’autres, expliquant que l’interprétation du conditionnel puisse varier du « potentiel » à l’« irréel » en syntaxe, dont nous n’avons fait qu’esquisser l’analyse, comme dans les énoncés simples.
Qu’est-ce qui sépare, alors, notre analyse de celles qui font du morphème de l’imparfait et du conditionnel un « inactuel » dont il est possible de tirer tous les effets de sens, y compris l’effet de sens temporel, théorie que ces définitions de Burger résument ainsi :
« Le suffixe –r- [renvoie] à une conjecture basée sur un indice actuel, c est-à-dire faisant partie de l actualité du parleur au moment de la parole. »
« Pour le conditionnel, il combine le suffixe  r- avec le suffixe  - d inactuel ; il s agit d une conjecture fondée sur un indice inactuel : ainsi il viendrait n est pas donné comme une conjecture du parleur mais d un tiers : on m avait dit ; de même pour l ennemi aurait battu en retraite. Dans s il faisait beau, il viendrait, la conjecture se base sur une pure hypothèse. »
« On pourrait donner au suffixe  - l étiquette d inactuel, au sens de « qui ne réfère pas à l actualité du parleur au moment de la parole. »
« La valeur du suffixe - est l « inactuel » ; il indique que l événement signifié par le radical verbal est en dehors de l actualité du parleur au moment de la parole. De là découlent les diverses significations de l’imparfait. Il se combine soit avec le radical de l’auxiliaire, qui indique l’« accompli », soit avec le suffixe –r- qui indique le « pronostiqué », soit avec tous les deux ; de là, les significations du plus-que-parfait et des deux conditionnels.
Il ressort de là que le système du verbe français n’est pas construit sur l’idée logique ou psychologique de temps. Les diverses notions temporelles que les syntagmes verbaux sont aptes à indiquer relèvent des significations et non des valeurs. »
Manifestement, le concept d’« inactuel » [qui] indique que l’événement signifié par le radical verbal est en dehors de l’actualité du parleur au moment de la parole » rejoint l’analyse de la non-coïncidence à la situation d’énoncé dans laquelle les paramètres peuvent varier en fonction du contexte. Ce qui diffère, c’est que, pour nous, cette valeur n’est pas à rattacher à l’opposition ai/a mais à l’opposition [Ø/(ai/a)], c’est-à-dire à l’opposition du présent aux quatre autres temps de l’indicatif. Ce qui signifie que l’analyse n’est pas propre au conditionnel et à l’imparfait mais également au futur et au passé simple qui disposent aussi du trait non-coïncident avec la situation d’énoncé.
Ici encore, la différence qu’apporte notre analyse est la déconstruction d’un trait sémantique supplémentaire : le R du conditionnel ne renvoie pas à du « projeté » qui combine la temporalité à l’idée de possible mais à du possible par opposition à l’imparfait. Le ai du conditionnel ne renvoie pas à de l’ « inactuel » qui combinerait temporalité plus ou moins activable et modalité. Il renvoie à de l’indéfini par opposition au futur. Tous deux s’opposant au zéro du présent désignent un procès qui est en référence négative avec à la situation d’énoncé. C’est cette référence qui peut varier du fait de la multiplicité de ses paramètres. On comprend mieux alors le jeu du contexte dans le rapport à cette référence.
Mais, alors, pourquoi le passé simple semble-t-il s’inscrire toujours dans la temporalité si peut également lui être appliqué le trait de non-coïncidence à une situation d’énoncé dont les paramètres peuvent varier ?
Nous pensons que le concept « défini » qui désigne, nous l’avons vu, le découpage d’un objet du réel, en l’occurrence un « objet temporel » ancre dans la référence à la temporalité les procès qu’il contribue à désigner. La définition du procès ne peut s’établir en dehors d’une référence, fût-elle négative au moment de l’énoncé. On comprend que l’absence de définition offre plus de latitudes à la référence qui peut se faire par rapport aux autres paramètres de la situation d’énoncé : locuteur – monde dans lequel s’inscrit la situation –lieu…
2-2-3-3 Un emploi célinien du futur et du conditionnel ?

2-2-3-3-1 Le brouillage de l’énonciation par le conditionnel

On ne s’étonnera pas de trouver de multiples exemples ambigus dans la prose de Voyage au bout de la nuit dans la mesure où, on l’a déjà vu, le narrateur cherche à brouiller les frontières. Nous donnons donc la parole à Céline pour évoquer de façon plus précise que nous ne l’avons faite les possibilités de brouillage qu’offre le conditionnel :
(160)« Elle me racontait les choses menues de son commerce, ce qu’on disait autour d’elle de la guerre, en ville, que c’était triste, la guerre, « épouvantable » même, mais qu’avec beaucoup de courage, nous finirions tous par en sortir. »
Bardamu cite les propos de sa mère. Il s’agit d’un discours indirect clairement repérable par les conjonctions que introductrices du propos rapporté. Le conditionnel finirions peut donc être compris comme un futur pris en charge par un discours au passé. Cependant, l’expression avec beaucoup de courage peut constituer la condition nécessaire au conditionnel. De sorte que le lecteur ne peut savoir s’il doit interpréter que la rue dit avec assurance que tous les soldats finiront par s’en sortir ou si elle ne leur accorde cette chance qu’à condition qu’ils fassent preuve de beaucoup de courage. Quoiqu’il en soit, les deux versions sont porteuses de sens.
Le même genre d’ambiguïté peut apparaître dans un discours indirect libre qui demande, lui-même à être authentifié :
(161) « Jamais plus, même si je vivais encore cent ans, je ne me promènerais à la campagne. C’était juré. »
C’était juré permet d’interpréter rétrospectivement l’énoncé précédent comme un discours indirect libre attribuable au personnage-narrateur. Sans quoi, il pouvait, à la limite – car on doute que le narrateur ultérieur ait dépassé cent ans- s’agir d’un commentaire du narrateur qui déplace son moment de référence au cœur de la narration en utilisant ce qu’il est convenu d’appeler un conditionnel historique. Mais le conditionnel peut encore être lié à l’hypothèse même si je vivais encore cent ans, et dans ce cas, traduire la valeur « indéfinie » du conditionnel et non plus la valeur « définie » du futur. Deux versions initiales restent toutefois possibles, dans la mesure où l’imparfait de vivais peut également provenir de l’insertion en discours indirect au passé :
(161bis) « Jamais plus, même si je vis encore cent ans, je ne me promènerai à la campagne. C’est juré. »
(161ter) « Jamais plus, même si je vivais encore cent ans, je ne me promènerais à la campagne. C’est juré. » 
On trouve, bien sûr, bien d’autres exemples identiques dans les discours au style indirect des personnages de Voyage au bout de la nuit, où l’on serait bien en peine de transcrire un conditionnel en discours direct :
(162) « Je l’assurai de ma bien vive reconnaissance si elle voulait bien me recommander à quelque employeur éventuel… parmi ses relations… mais cela au plus tôt… un très modeste salaire me contenterait parfaitement… et encore bien d’autres bénignités et fadaises que je lui débitais. »
Faut-il comprendre :
« Si tu veux bien me recommander, un très modeste salaire me contentera »
ou :
« Si tu voulais bien me recommander, un très modeste salaire me contenterait »
Au lecteur d’analyser si la position de Bardamu lui permet de représenter comme probable –car défini- son très modeste emploi ou comme hypothétique – car indéfini.

L’impossibilité de discerner entre un discours intérieur libre désignant un futur –attribuable soit au personnage-narrateur soit à un autre personnage- et un commentaire du narrateur ultérieur déplaçant la focale de sa narration à l’intérieur de son récit participe pleinement au brouillage des points de vue dans Voyage au bout de la nuit. Quelques exemples permettront de montrer le parti qu’en tire Céline :

(163) « Quand il avait cessé de rendre sa loi, Grappa se tournait plutôt vers la mer et contemplait cet horizon d’où certain jour il était apparu et par où certain jour il s’en irait, si tout se passait bien. »
La valeur de irait est contradictoire. Il est peut probable que l’énoncé précédent où certain jour il était apparu auquel il est lié par la logique soit le fait d’un discours intérieur de Grappa en style indirect libre : « ? cet horizon où un certain jour, je suis apparu ». A vrai dire, la focalisation conviendrait mieux pour les indigènes qui l’ont vu apparaître. Est-ce alors le narrateur ultérieur qui prédit l’avenir de Grappa à partir du moment de la narration ? Cette interprétation n’est pas davantage cohérente du fait de l’ajout d’une protase hypothétique si tout se passait bien qui renvoie obligatoirement aux doutes du personnage. Céline organise donc un flottement entre deux points de vue susceptible de remettre en cause la prédominance du point de vue ultérieur.
De nombreux passages de Voyage au bout de la nuit sont de la sorte impossibles à interpréter, car on ne peut distinguer le discours intérieur en style indirect libre du personnage-narrateur du commentaire ultérieur du narrateur. Ce qui fait que le lecteur ne sait pas s’il s’agit de prédictions énoncées par Bardamu ou d’une anticipation sur la suite du récit. De sorte que le sens fluctue entre l’assurance illégitime du personnage-narrateur véhiculée par le trait défini du futur et l’assurance légitime du narrateur ultérieur liée au décalage de la focale. Nous nous contenterons d’en donner quelques exemples supplémentaires qui peuvent être analysés de la même manière :
(164) « Le directeur là-haut sur la falaise rouge, qui s’agitait, diabolique, avec sa négresse, sous le toit de tôle aux dix mille kilos de soleil n’échapperait pas lui non plus à l’échéance. »
(165) « On y passerait tous, le colonel comme les autres, tout mariole qu’il semblait être, et sa carne ne ferait pas plus de rôti que la mienne quand le courant d’en face lui passerait entre les deux épaules. »
Belle ambiguïté également dans ce passage où Bardamu accueille l’abbé Protiste parmi les conjurés, qui fait craindre que le narrateur lui-même ne sache pas où mène le voyage au bout de la nuit :
(166) « On était maintenant du même voyage. Il apprendrait à marcher dans la nuit le curé, comme nous, comme les autres. Il butait encore. Il me demandait comment il devait s’y prendre pour ne pas tomber. Il n’avait qu’à pas venir s’il avait peur ! On arriverait au bout ensemble et alors on saurait ce qu’on était venu chercher dans l’aventure. La vie c’est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit.
Et puis peut-être qu’on saurait jamais, qu’on trouverait rien. C’est ça la mort. »
« Je ne croirai plus jamais à ce qu’ils disent, à ce qu’ils pensent.  C’est des hommes et d’eux seulement qu’il faut avoir peur, toujours.» L-F. Céline, Voyage au bout de la nuit.


2-2-3-3-2 Le futur comme moyen - parmi d’autres - de dénonciation de la parole

Le futur dans la bouche des personnages de Voyage au bout de la nuit semble fait pour être démenti. Par exemple, la litanie de futurs employés par Madelon est comique, parce qu’ils portent à faux :
(167) « Jamais plus je ne serai méchante avec toi ! Je te le jure ! Je veux expier Léon ! Tout de suite ! Ne m’empêche pas d’expier, dis ? … Je te rendrai ton bonheur ! Je te soignerai bien, va ! A partir d’aujourd’hui ! Je serai bien patiente pour toujours avec toi ! Je serai si douce ! Tu verras Léon ! Je te comprendrai si bien que tu ne pourras plus te passer de moi ! »
Face à Robinson qui cherche à fuir l’asphyxie de son attachement et qui n’est pas dupe de la pose d’amoureuse choisie par Madelon, l’assurance véhiculée par le futur que les procès énumérés se réaliseront ne peut être qu’angoissante et le pousser à persévérer dans son désir de fuite. En soi, ces paroles conduisent donc, irrévocablement, à l’opposé de ce qu’elles affirment comme une certitude. Dans la mesure où ce discours est transmis après coup par Robinson lui-même qui a fui Madelon, le lecteur ne peut être dupe de la parole piégée et la lecture de ces verbes au futur prend un double sens : certitude affichée lors du discours-source et certitude dénoncée lors de leur reprise. On peut déjà y lire de l’ironie.
On sait, par ailleurs, que la posture d’amoureuse tragique de Madelon aboutit à l’assassinat de Léon qui clôt le roman. Les faits racontés viennent donc apporter un démenti aux paroles prononcées qui prennent rétrospectivement une valeur ironique je te soignerai bien, en particulier.
La même analyse vaut pour la fanfaronnade d’Arthur Ganate en début de roman :
(168) « Et d’ailleurs le jour où la patrie me demandera de verser mon sang pour elle, elle me trouvera moi bien sûr, et pas fainéant, prêt à le donner. »
Les procès demandera, trouvera sont présentés comme inéluctables et trouvent écho avec bien sûr de sorte que le martyre d’Arthur est présenté comme certain, ouvrant droit, dès à présent, à l’admiration des spectateurs éventuels de la scène. Mais cet élan patriotique ne trouve pas sa conclusion logique dans l’action. En effet, quelques pages plus loin, ce n’est pas Arthur qui s’engage, mais son interlocuteur, Bardamu, qui venait justement de convaincre Arthur de l’absurdité de la guerre en en dressant un tableau très négatif :
(169) « On est en bas dans les cales à souffler de la gueule, puants, suintants des rouspignolles, et puis voilà ! En haut sur le pont, au frais, il y a les maîtres et qui s’en font pas, avec des belles femmes roses et gonflées de parfums sur les genoux. On nous fait monter sur le pont. Alors, ils mettent leurs chapeaux haut de forme et puis ils nous en mettent un bon coup de la gueule comme ça : « Bandes de charognes, c’est la guerre ! qu’ils font. On va les aborder, les saligauds qui sont sur la patrie n°2, et on va leur faire sauter la caisse ! Allez ! Allez ! Y a de tout ce qu’il faut à bord ! Tous en chœur ! Gueulez voir d’abord un bon coup et que ça tremble : « Vive la Patrie n°1 ! » Qu’on vous entende de loin ! Celui qui gueulera le plus fort, il aura la médaille et la dragée du bon Jésus ! Nom de Dieu ! Et puis ceux qui ne voudront pas crever sur mer, ils pourront toujours aller crever sur terre où c’est fait bien plus vite encore qu’ici ! » 
La décision de Bardamu de rejoindre l’armée n’est pas un véritable revirement mais plutôt un pied de nez tout aussi fanfaron que la tirade patriotique d’Arthur Ganate. A la connivence enfin acquise d’Arthur : « - C’est tout-à-fait comme ça ! que m’approuva Arthur, décidément devenu facile à convaincre. » répond sur le mode absurde « J’ vais voir si c’est ainsi ! » de Bardamu. Comment après une telle diatribe contre la guerre, peut-il s’engager ? Son acte est bien une dénégation de sa parole car c’est manifestement subjugué par l’apparat militaire qu’il fait le pas : « et même qu’il avait l’air bien gentil et richement gaillard, le colonel ! Moi je ne fis qu’un bond d’enthousiasme. » Pourquoi Arthur n’a-il pas bougé ? Pourquoi Bardamu ne respecte-t-il pas ses propres idées, si violemment énoncées ? Probablement parce que ces idées ne sont que « vérités utiles à faire sonner » ou ne servent qu’à « montrer qu’on est bien documenté, à parler du tac au tac, à tenir ferme… » Les paroles, de part et d’autres, ne sont que paroles au vent. D’ailleurs, pour lui, l’acte d’engagement est aussi inoffensif que ses paroles antimilitaristes et les deux sont réversibles à tout moment : « J’allais m’en aller » explique le narrateur quand « les encouragements disparaissent : « Nous n’étions donc plus rien qu’entre nous ? Les uns derrière les autres ? J’allais m’en aller. Mais trop tard ! Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les civils. On étaient faits comme des rats. » Il faut lire en fait tout ce chapitre comme une dénonciation satirique des propos de l’époque où les paroles peuvent se retourner aussitôt que prononcées car elles ne s’appuient que sur du « on-dit », des représentations fausses, des clichés comme verser son sang pour sa patrie et confinent à l’absurde. Le futur employé participe pleinement à la dérision de Céline, il s’agit de dénoncer la pure représentation de la certitude véhiculée par cette forme verbale.
On peut noter à cet égard la prépondérance du futur dans les slogans patriotiques du temps de guerre qu’épingle à plusieurs reprises Céline dans son roman.:
(170) « Nous aurons la victoire ! »
(171) « Ils tiendront nos petits poilus ! »
(172) « On les aura ! » p.69
La certitude affichée par les futurs de prédiction relève de l’incantation comme si la parole pouvait faire advenir le désir mais ici le désir est de façade, quand il s’agit de se conformer à l’idéologie ambiante et de compenser par la parole son absence d’action chez les embusqués de l’arrière qui seuls, sont présentés comme usant de tels slogans. La dénonciation du conformisme apparaît nettement dans le contexte de ces slogans patriotiques :
(170bis) « Alors entre deux étouffements s’il y avait un médecin ou une infirmière à passer par là : « Victoire ! Victoire ! Nous aurons la Victoire ! » criait Branledore, ou le murmurait du bout ou de la totalité de ses poumons selon le cas. Ainsi rendu conforme à l’ardente littérature agressive, par un effet d’opportune mise en scène, il jouissait de la plus haute cote morale. Il le possédait, le truc, lui. »
(171bis) «  « Ils tiendront nos petits poilus ! Ils tiennent ! » … Il faisait si chaud dans le hangar et cela se passait si loin de nous, la France, qu’on dispensait le général Tombar d’en pronostiquer davantage. Enfin, on répéta tout de même en chœur par courtoisie, et le Directeur avec nous : « Ils sont admirables ! »
(172bis) « La petite Lola ne connaissait du français que quelques phrases mais elles étaient patriotiques : « On les aura ! »
La dénonciation de la parole trompeuse au futur peut même apparaître dans la bouche du personnage quand cette démystification peut servir sa cause personnelle :
 (173) « -d'un cancer au foie... je la fais soigner par les premiers spécialistes de la ville... leur traitement me coûte très cher, mais ils la sauveront.
-et vous, Ferdinand, vous pensez aussi qu'ils la guériront n'est-ce pas ma mère ?
-pour le pognon, Lola, il y aura heureusement toujours de très grands médecins... je vous en ferais autant moi si j'étais à leur place... et vous aussi Lola vous en feriez autant... ce que je lui disais lui parut brusquement si indéniable, si évident, qu'elle n'osait plus se débattre. » 
La cruauté peut tenir tout autant dans la négation de la certitude véhiculée par la prédiction au futur quand la prédiction est rassurante que dans l’affirmation de la prédiction quand le procès possible est une menace. Ainsi, l’emploi du futur est-il volontairement cruel dans la réponse que fait Bardamu à la famille cachée, pendant un épisode de la guerre :
(174) -«  Leur dîtes pas que nous sommes encore là au moins ! La fille était ressortie pour me crier cela.
-Ils le verront bien, demain, répondis-je, si vous êtes là ! »
La cruauté tient toute entière dans la certitude assénée que les soldats allemands les trouveraient le lendemain.
Cette dénonciation de la parole est un axe fort de ce roman et ces exemples suffisent à montrer les enjeux vitaux – c’est généralement une question de vie ou de mort qu’engagent ou que solutionnent ces futurs- que véhicule la parole trompeuse dans Voyage au bout de la Nuit.
Il est d’ailleurs intéressant qu’un des rares personnages idéalisés du roman, Molly ne soit pas dupe des promesses au futur, ni de celles de Bardamu :
(175) « -oui, je vais finir mes études en France, et puis je reviendrai, lui assurais-je avec culot.
-non, Ferdinand, vous ne reviendrez plus... et puis je ne serai plus ici non plus... elle n'était pas dupe. »
ni des siennes :
(176)  « On ne sera pas malheureux ensemble... on placera nos économies... on s'achètera une maison de commerce...on sera comme tout le monde... » elle disait cela pour calmer mes scrupules. »

Et ces futurs sont à mettre en lien avec certains passages où le plagiat de la parole de l’autre permet au narrateur-personnage de sauver sa vie ou sa liberté car la dénonciation de la parole passe par beaucoup d’autres procédés dans le roman. Elle est montrée comme fondamentalement fausse mais aussi dangereuse, dans la mesure où les discours du narrateur témoignent d’une porosité à l’égard du discours des autres, comme si la parole pouvait contaminer et aliéner le héros.
Dès lors, faut-il opter pour le silence comme le personnage Parapine devenu muet ?
(177) « Je leur raconterai plus rien à l’avenir ! » que je me disais, vexé. »
C’est évidemment paradoxal de dénoncer la parole par le biais d’une parole romanesque et le narrateur se heurte à cette contradiction interne. Ainsi, se pose le problème de la véracité de la parole, y compris celle du narrateur contaminé. Il devient, par exemple, difficile d’employer le futur sans qu’il ne soit suspect. Comment dès lors le narrateur peut-il désigner un propos sincère avec ce futur qu’il a si bien démystifié ? C’est ce qui explique le lyrisme patent de nombreux passages traduisant le discours intérieur du personnage ou de commentaires du narrateur -les deux types d’énonciation étant impossibles à distinguer dans certains cas- lyrisme dont le contraste tonal permet de souligner l’authenticité du propos :
(178) « Bonne, admirable Molly, je veux si elle peut encore me lire, d’un endroit que je ne connais pas, qu’elle sache bien que je n’ai pas changé pour elle, que je l’aime encore et toujours à ma manière, qu’elle peut venir ici quand elle voudra partager mon pain et ma furtive destinée. Si elle n’est plus belle, eh bien tant pis ! Nous nous arrangerons ! J’ai gardé tant de beauté d’elle en moi, si vivace, si chaude que j’en ai bien pour tous les deux et pour au moins vingt ans encore, le temps d’en finir. »
La composante émotionnelle prend une dimension particulièrement poussée dans ces passages au futur pour en souligner l’authenticité :

(179) « Quand on sera au bord du trou faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu'on a vu de plus vicieux chez les hommes et puis poser sa chique et puis descendre. »
(180) « Il faudra endormir pour de vrai un soir, les gens heureux, pendant qu'ils dormiront, je vous le dis et en finir avec eux et avec leur bonheur une fois pour toutes. Le lendemain on en parlera plus de leur bonheur et on sera devenu libres d'être malheureux tant qu'on voudra en même temps que la "bonne ". »
Le désenchantement du personnage Bardamu est ponctué par ces promesses que le narrateur-personnage se fait à lui-même, promesses très fortes car au futur catégorique font écho un vocabulaire tout aussi catégorique : toujours, jamais, rien, et il semble que l’analyse des futurs dans Voyage au bout de la nuit conduise à opposer la parole des personnages- y compris celle de Bardamu personnage-, -pure représentation orale à destination des autres personnages et dont l’assertion définitive par un futur est vite démentie par les faits et donc vouée à la dérision- et celle du narrateur qui, accédant à la lucidité, s’adresse des promesses pathétiques. Cette alternance participe pleinement au jeu sur les tonalités du roman.



Retour à l’infinitif :

Au terme de cette analyse, il apparaît nécessaire de revenir sur les hypothèses du départ sur lesquelles nous avons construit notre combinatoire de valeurs pour examiner, rétrospectivement leur validité. C’est ainsi que l’analyse de l’infinitif que nous avons posée au départ de notre analyse sémantique est un peu différente des préalables que nous avions posés. C’est un fait, il n’est plus question d’analyser le zéro de l’opposition [Ø/(ai/a)] comme un zéro qui s’opposerait à une marque de temps. En effet, d’une part, ce morphème désigne une opposition non à une désignation de la temporalité mais à une opposition défini/indéfini qui se rapporte davantage à la notion de détermination qu’à une notion temporelle. Le Ø désignerait alors une « indétermination » opposable à la « détermination » de l’imparfait, du passé simple, du futur et du conditionnel, « détermination » que l’on peut subdiviser en (défini. D’autre part, c’est à l’opposition [Ø/((R)], au trait sémantique « ( coïncident à la situation d’énoncé » que nous rattachons le paramètre « moment de l’énoncé » éventuellement convoqué dans la désignation du procès. L’absence de référence à un locuteur est fondamentale dans l’analyse de l’infinitif. Il est bien évident qu’en absence de désignation du locuteur de l’énoncé, il y a aussi absence de désignation de la situation d’énoncé. Ainsi, le trait « non-coïncident à la situation d’énoncé » dénoté par le R renvoie-t-il à une situation d’énoncé non désignée en se combinant avec le Ø de la personne, ce qui se combine avec le réinvestissement sémantique du [Ø/(ai/a)] où le zéro de l’infinitif désigne une neutralité sur la manière de représenter le découpage dans le temps – ce qui est logique, puisqu’on ne désigne plus de temporalité- ou de référer à la non-coïncidence à la personne, à la situation – ce qui est logique puisqu’il n’y a ni personne ni situation désignée.




Conclusion

L’analyse morphologique que nous proposons et qui ne diffère des autres analyses que dans la mesure où elle pose des zéros qui prennent sens par rapport à la matérialité d’une marque, a permis de mettre en évidence la combinaison de deux morphèmes Ø/((R) et Ø /(ai/a) et d’élaborer l’hypothèse que le futur et le conditionnel s’opposeraient au passé simple et à l’imparfait par le morphème ( R - qu’ils partageraient avec l’infinitif -, alors que passé simple et futur s’opposeraient à l’imparfait et au conditionnel par le morphème a/ai, le présent s’opposant à ces quatre formes par sa distribution de deux Ø.
Explorer le réinvestissement sémantique de ces oppositions nous a conduite à élaborer un système de combinaisons de valeurs dont la cohérence pourrait sembler purement théorique s’il ne nous avait permis de rendre compte de la multiplicité des effets de sens de ces quatre temps. Ils combineraient ainsi deux valeurs : le « ( potentiel » qui sous-catégorise le trait sémantique «non-coïncident à la situation d’énoncé » par leur opposition avec le présent et le « ( défini » qui sous catégorise le trait sémantique « déterminé » qui l’oppose avec le présent.


Ces oppositions peuvent se résumer sous la forme de ce tableau :

CoïncidentNon coïncidentPotentielnon potentielDéterminéDéfinifutur passé simpleIndéfiniconditionnelimparfaitIndéterminé PrésentInfinitif

En effet, le concept de potentiel, appliqué à l’infinitif, permet de rendre compte de la latitude de réinvestissement sémantique de la forme figée de l’infinitif, mais aussi du fait que les procès au futur et au conditionnel ne sont que des procès « possibles » et non pas avérés au contraire du passé simple et de l’imparfait.
Le concept de « défini » désigne un procès identifié. Comme il se combine avec le (potentiel, il peut désigner un procès délimité dans sa temporalité antérieure au moment de l’énoncé ou LE procès possible non-coïncident au moment de l’énoncé.
Nous avons émis l’hypothèse que le concept « défini » était commun à la détermination nominale et qu’il désignait notre appréhension du réel selon qu’on le découpe en objets ou qu’on le restitue sous la forme d’un continuum.
Cette analyse ne pose pas comme prioritaire la notion de temporalité qui n’apparaît que comme un paramètre parmi d’autres de la situation d’énoncé servant de référence à l’accomplissement du procès désigné. Nous avons vu d’ailleurs que la prise en compte de ces paramètres pouvaient être aléatoire. Ainsi, combiné au concept « non-défini », le paramètre nié par le trait « non-coïncident » avec la situation d’énoncé peut être autre que celui du moment d’énoncé, ce qui permet alors de désigner un autre je que celui de la situation d’énoncé ou un monde fictif, autre que celui où s’inscrit la situation d’énoncé.
Considérer la temporalité comme un des éléments de la situation d’énoncé qui sert de référence au procès désigné, la met à égalité avec des phénomènes qui sont traditionnellement rattachés aux modalités – « non-prise en charge de son énoncé par le locuteur», inscription du procès dans un « monde fictif », par exemple. Dès lors, ces notions entrent en concurrence à un même niveau –celui de la référence à la situation d’énoncé- et non plus en relations hiérarchisées.

En définitive, cette thèse nous a menée en-deçà de certaines ambitions affichées au départ et au-delà d’autres ambitions.
Au-delà de ce que nous pensions trouver mais un au-delà curieusement tourné vers le centre du sujet, vers son noyau dur qui nous a demandé un approfondissement des concepts convoqués pour espérer résoudre les contradictions de l’analyse de l’infinitif, de l’imparfait et du conditionnel, contradictions qu’il a fallu lever une à une et qui nous ont amenée à nous interroger sur le concept de « (défini » que ne permettait de le postuler les quelques exemples du départ.
Nous frotter aux analyses existantes a pu être un jeu dangereux à certains moments, mais rétrospectivement cette démarche nous apparaît comme incontournable. Que ce soit parce qu’elles apportaient des éléments de solution ou parce qu’elles pointaient des difficultés que nous aurions peut-être esquivées, ces analyses nous ont, en définitive, permis d’approfondir notre recherche.
Considérant qu’il était possible de faire d’un écrivain –parmi d’autres- le partenaire privilégié de notre recherche, nous avons aussi exploité la langue de Céline dans Voyage au bout de la nuit, cherchant à repérer, dans un va-et-vient entre la linguistique et la stylistique, le parti qu’il a tiré de la polysémie des valeurs des « temps ».
Le concept « (défini » a maille à partir avec notre saisie du monde. Il est clair que ce concept mériterait d’être affiné encore, à la lumière de la détermination nominale. L’homme structure non seulement son langage mais aussi le réel qui, sans cette faculté rationnelle, serait perçu par nous comme un continuum. L’homme y découpe des « tranches de réel » et les oppose les unes aux autres pour les appréhender. Dire, c’est aussi découper, opposer du matériau phonique pour désigner un réel lui-même construit par l’homme de la même manière. Dès lors, il n’est pas surprenant que le langage signifie ces opérations elles-mêmes, que certaines formes, comme le passé simple et le futur, désignent l’opération de découpage alors que d’autres, comme l’imparfait et le conditionnel désignent l’absence de découpage. Que les variantes verbales soient non seulement des structures rationnelles mais qu’elles puissent, par leur réinvestissement sémantique, désigner notre mode rationnel d’appréhension du réel, voilà qui nous conduit très loin du système temporel et modal généralement adopté.
En définitive, notre recherche s’est centrée sur le système doublement symétrique de la combinaison des valeurs « ( défini » et « ( potentiel », en examinant quels pouvaient être les paramètres convoqués dans l’absence de coïncidence à la situation de l’énoncé. Si nous avons pu montrer la pertinence de l’exploitation sémantique de ce « carré logique », l’analyse du présent reste à mener. Elle permettrait sans doute, du moins nous l’espérons, de confirmer le bien-fondé des analyses sur la référence à la situation d’énoncé que nous avons menées.
Mais notre analyse laisse bien d’autres pistes inexplorées et est bien en-deçà de l’ambition (sans doute trop prétentieuse) de rendre compte de l’ensemble du système verbal. Elle aboutit pourtant déjà à une mise en cause du système hiérarchisé des modes et des temps. D’une part, parce qu’elle met la notion temporelle à la marge des valeurs et d’autre part, parce que, sur le plan morphologique, le fait de reconnaître que suffixe R de l’infinitif peut être le même morphème qui oppose le futur et le conditionnel au passé simple et à l’imparfait fait également éclater l’architecture classique. En effet, d’un côté, l’infinitif, en raison de sa forme impersonnelle, ne peut prétendre à une place dans l’indicatif. De l’autre, le futur et le conditionnel ne peuvent se dissocier du passé simple et de l’imparfait avec lesquels ils partagent des morphèmes communs. Dès lors, faut-il comprendre le système verbal comme une combinatoire de morphèmes qui formerait des constellations incomplètes ?
Cette voie n’est encore qu’une perspective à l’issue de cette recherche. Et elle ne pourra être explorée sans prendre en compte l’ensemble du système verbal. On le voit, le voyage est encore long qui mène au bout de la nuit.
Difficile de mettre un point final à cette recherche imbriquée au cœur d’un réseau de relations foisonnantes… et d’ailleurs nous n’en mettrons pas, ayant trop conscience du fait que certaines de nos analyses pourraient être approfondies encore et que certaines de nos conclusions pourraient fort bien n’être que des étapes provisoires.

« On ne sera tranquille que lorsque tout aura été dit, une bonne fois pour toutes, alors enfin on fera silence et on aura plus peur de se taire. » L-F. Céline, Voyage au bout de la nuit. 



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ZINK, Gérard. Morphologie du français médiéval.


Synopsis : A formal and conceptual analysis of the verbal system of Contemporary French.
At the intersection of the past historic and the imperfect tense, the future and the conditional, the concepts of “potential” and “definite”.

A formal analysis of the verbal endings in the indicative mode draws special attention to the combination of two morphemes, [Ø/(±R)] and [Ø/(ai/a)]. Thus, the conditional and future tenses differ from the other indicative tenses in that they share the +R morpheme – and it can be postulated that it is also shared by the infinitive. Furthermore, they differ from one another in the opposition between ai and a, which also differentiates the imperfect tense from the past historic when it is combined with the morpheme –R. This statement sheds light on the relationship between the various indicative “tenses”. Indeed, taking into account a further opposition allows the predominance of temporality in analyses of “tenses” in the indicative to be questioned while focusing on the deconstruction of the value combinations. Thus, the analysis allows the diversity of meanings to be accounted for and at the same time avoids a too large panel of temporal, modal or aspectual explanations according to the context.
The first part of the doctoral thesis turns on the relationship between the morphological analysis and the various formal studies that have been undertaken on the future and the conditional tenses.
In a second part, in a confrontation with the already existing conceptual studies on the infinitive, the past historic, the imperfect tense, the future and the conditional, we will explore the semantic side of the hypothesis that states that there is a combination of a ±R morpheme with an ai/a morpheme. Such a hypothesis compels us to characterize the semantic value of the ±R morpheme on the one hand – the ± potential concept will be associated with it – and on the other hand, to redefine the opposition between the imperfect tense and the past historic, since it is this very opposition that can be found in the future/conditional pair – the ± definite concept will then be suggested.
Taking into account the combination of the two semantic features enables us to undermine complexity in utterances whose richness is only equalled by their diversity.




Titre : Analyse formelle et conceptuelle du système verbal du français contemporain. A la croisée du passé simple et de l’imparfait, du futur et du conditionnel, les concepts de « potentiel » et de « défini ».
L'analyse formelle des variantes fléchies du verbe à l’indicatif aboutit à la mise en évidence de la combinaison de deux morphèmes [Ø/(±R)] et [Ø/ai/a]. C’est ainsi que le conditionnel et le futur se différencient des autres temps de l’indicatif par la présence du (+R)- dont on peut postuler qu’il est commun également à l’infinitif- mais se distinguent l’un de l’autre par l’opposition ai/a, opposition qui différencie également l’imparfait du passé simple en se combinant au (–R).
Ce constat éclaire de façon nouvelle la relation qui se construit entre les différents « temps » du mode indicatif. En effet, la prise en compte d’une opposition supplémentaire conduit à réinterroger la prédominance de la temporalité dans les analyses des « temps » de l’indicatif au profit d’une déconstruction de la combinaison des valeurs. Cette analyse permet alors de rendre compte de la diversité des effets de sens tout en évitant l’atomisation des explications temporelles, modales, aspectuelles au gré des occurrences.
La première partie de la thèse s’articule autour de la relation entre cette analyse morphologique et les différentes analyses formelles du futur et du conditionnel qui ont pu être menées auparavant.
Dans un second temps, se nourrissant de la confrontation avec les analyses conceptuelles existantes de l’infinitif, du passé simple, de l’imparfait, du futur et du conditionnel, elle explore le versant sémantique de l’hypothèse de l’existence d’un morphème ±R qui se combine avec un autre morphème a/ai. Hypothèse qui oblige, d’une part, à caractériser la valeur sémantique du morphème dénoté par ±R et c’est le concept ±potentiel qui lui sera associé, d’autre part, à redéfinir l’opposition imparfait/passé simple puisque c’est cette même opposition qui se retrouve dans le couple futur/conditionnel. C’est le trait ± défini qui sera proposé.
La prise en compte de la combinaison de ces deux traits sémantiques permet de déjouer la complexité d’énoncés dont la richesse n’a d’égal que la variété.


Mots-clés : imparfait, passé simple, futur, conditionnel, infinitif, temps verbaux, morphologie, sémantique, défini.

Discipline : Linguistique française

Laboratoire de rattachement : LIDILE- Analyse, ingénierie et didactique des langues et langages spécialisés (EA 3874)- Université Rennes 2, place du Recteur Henri-Le Moal, 35200 RENNES.
  ADDIN EN.CITE NOREIKO19803280328NOREIKO, Stephen F.1980Un modèle des temps verbaux du françaisRevue de linguistique romane44108-120NOREIKO, Stephen F. 1980. Un modèle des temps verbaux du français. Revue de linguistique romane 44:108-120., p.108.

 Précisons d’emblée que nous limitons volontairement notre analyse à la forme simple de ces temps de l’indicatif.

  ADDIN EN.CITE URIEN19842190219URIEN, Jean-Yves1984Marque et immanence dans la théorie du signeTétralogiques1PUR7-32URIEN, Jean-Yves. 1984. Marque et immanence dans la théorie du signe. Tétralogiques 1:7-32, p.31.

 C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE DENDALE20012377237DENDALE, Patrick2001Les problèmes linguistiques du conditionnel françaisDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisParisKlincksieck7-16DENDALE, Patrick. 2001. Les problèmes linguistiques du conditionnel français. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 7-16. Paris: Klincksieck, p.10.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF, p.316.

  ADDIN EN.CITE CSECSY19682181218CSECSY, Madeleine1968De la linguistique à la pédagogie. Le verbe français.ParisLe Français dans le Monde- Belc. Hachette/LarousseCSECSY, Madeleine. 1968. De la linguistique à la pédagogie. Le verbe français. Paris: Le Français dans le Monde- Belc. Hachette/Larousse, p.113

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN20014827482GOSSELIN, Laurent2001Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique"DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzRecherches linguistiquesGOSSELIN, Laurent. 2001. Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique". In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz, p.57.

  ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. Ibid.Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire., ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques, p. 293.

  ADDIN EN.CITE CAUDAL20052340234CAUDAL, PatrickVETTERS, Carl2005Un traitement conjoint du conditionnel, du futur et de l'imparfait : les temps comme des fonctions d'acte de langageCahiers Chronos12, Temporalité et attitudeAmsterdam, New-York109-124CAUDAL, Patrick et VETTERS, Carl. 2005. Un traitement conjoint du conditionnel, du futur et de l'imparfait : les temps comme des fonctions d'acte de langage. Cahiers Chronos 12, Temporalité et attitude:109-124, p.109.

  ADDIN EN.CITE BRUNOT19272231223BRUNOT, FerdinandHistoire de la langue française1BRUNOT, Ferdinand. Histoire de la langue française.vol. 1.p.86-207. ADDIN EN.CITE BRUNOT19272241224BRUNOT, Ferdinand1927La Pensée et la langue. Méthode, principes et plan d'une théorie nouvelle du langage appliquée au français.ParisMassonBRUNOT, Ferdinand. 1927. La Pensée et la langue. Méthode, principes et plan d'une théorie nouvelle du langage appliquée au français. Paris: Masson, p.462.

  ADDIN EN.CITE DAUZAT19502251225DAUZAT, Albert1950Phonétique et grammaire historiques de la langue françaiseParisLarousseDAUZAT, Albert. 1950. Phonétique et grammaire historiques de la langue française. Paris: Larousse, p.158.

  ADDIN EN.CITE BRUNOT19492261226BRUNOT, FerdinandBRUNEAU, Charles1949Précis de grammaire historique de la langue françaiseParisMassonBRUNOT, Ferdinand et BRUNEAU, Charles. 1949. Précis de grammaire historique de la langue française. Paris: Masson, p.469.

  ADDIN EN.CITE BOURCIEZ19492271227BOURCIEZ, Edouard1949Eléments de linguistique romaneParisKlincksieckBOURCIEZ, Edouard. 1949. Eléments de linguistique romane. Paris: Klincksieck, § 246 c.

  ADDIN EN.CITE FOUCHE19312281228FOUCHE, Pierre1931Le verbe français. Etude morphologique.ParisLes Belles LettresFOUCHE, Pierre. 1931. Le verbe français. Etude morphologique. Paris: Les Belles Lettres, p.379.

  ADDIN EN.CITE WAGNER19392221222WAGNER, R.-L.1939Les Phrases hypothétiques introduites par si dans la langue française des origines à la fin du XVIe siècleParisDrozWAGNER, R.-L. 1939. Les Phrases hypothétiques introduites par si dans la langue française des origines à la fin du XVIe siècle. Paris: Droz, p.81-82.

  ADDIN EN.CITE ZINK2291229ZINK, GérardMorphologie du français médiévalZINK2291229ZINK, GérardMorphologie du français médiévalZINK, Gérard. Morphologie du français médiéval, p.179-180.

  ADDIN EN.CITE MOIGNET20022321232MOIGNET, Gérard2002Grammaire de l'ancien françaisParisKlincksieckMorphologie - syntaxeMOIGNET, Gérard. 2002. Grammaire de l'ancien français. Paris: Klincksieck, p.67.

  ADDIN EN.CITE BURIDANT20002311231BURIDANT, Claude2000Grammaire nouvelle de l'ancien françaisParisSEDESBURIDANT, Claude. 2000. Grammaire nouvelle de l'ancien français. Paris: SEDES, p. 269.

  ADDIN EN.CITE BURIDANT20002311231BURIDANT, Claude2000Grammaire nouvelle de l'ancien françaisParisSEDESIbid. , p. 269.

  ADDIN EN.CITE MOIGNET20022321232MOIGNET, Gérard2002Grammaire de l'ancien françaisParisKlincksieckMorphologie - syntaxeMOIGNET, Gérard. 2002. Grammaire de l'ancien français. Paris: Klincksieck, p.67.

  ADDIN EN.CITE BURIDANT20002311231BURIDANT, Claude2000Grammaire nouvelle de l'ancien françaisParisSEDESBURIDANT, Claude. 2000. Grammaire nouvelle de l'ancien français. Paris: SEDES, p.270.

  ADDIN EN.CITE ZINK2291229ZINK, GérardMorphologie du français médiévalZINK, Gérard. Morphologie du français médiéval, p.180.

  ADDIN EN.CITE ZINK2291229ZINK, GérardMorphologie du français médiévalIbid, p.179.

 Le dernier mouvement en date étant la montée en puissance d’une nouvelle périphrase « aller + infinitif » pour désigner le futur.

 Ainsi de cette définition à laquelle aboutissent, en définitive, Blanche-Benveniste et Van Den Eynde : « Si l’on opte pour une analyse selon laquelle le futur est composé de radical + morphème infinitif + verbe avwar au présent, on peut opter pour une analyse analogue du conditionnel, sans devoir faire appel à une seule nouvelle règle : radical + morphème infinitif + verbe avwar à l’imparfait. »  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429VAN DEN EYNDE, Karel et BLANCHE-BENVENISTE, Claire. 1970. Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail. Orbis:404-429, p.418.
On peut noter aussi que l’analyse du futur par Gross qui s’appuie sur la grande similarité entre les désinences du verbe avoir et du verbe aller au présent pour poser une équivalence entre futur simple et futur périphrastique, rejoint en définitive l’analyse sous-tendue par l’étymologie, puisqu’elle aboutit à l’équation : futur = présent + infinitif.  ADDIN EN.CITE GROSS19682111211GROSS, Maurice1968Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du verbeParisLarousseGROSS, Maurice. 1968. Grammaire transformationnelle du français. Syntaxe du verbe. Paris: Larousse.

  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année), p. 263.

  ADDIN EN.CITE CURAT1991717CURAT, Hervé1991Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticaleLangue et cultures 24Genève ParisDroz337REF RENNES 2 : XD 445/20BU Sciences Lettres 44 500 CUR 000145TempsVerbesCURAT, Hervé. 1991. Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticale: Langue et cultures 24. Genève Paris: Droz, p. 188.
La remarque qui suit pourrait être élargie :
« L’équation [radical 2 + -r- = infinitif] est, dans le cas des verbes monoradicaux, une tautologie puisque ces verbes par définition posent [radical 1 = radical 2]. »
Elle peut être étendue à la tradition de l’ensemble de la conjugaison française : si cette tradition des conjugaisons en trois groupes est si pérenne, c’est bien parce que 90% des verbes français appartiennent au premier groupe de la conjugaison, la simplicité de conjugaison de la plupart de ces verbes (généralement à une base) très largement majoritaires est telle que n’importe quelle méthode de classement peut donner l’illusion de sa pertinence.

  ADDIN EN.CITE CURAT1991717CURAT, Hervé1991Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticaleLangue et cultures 24Genève ParisDroz337REF RENNES 2 : XD 445/20BU Sciences Lettres 44 500 CUR 000145TempsVerbesIbid, p. 188.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck, p. 5.

  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année), p. 263.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur, p.101. Notons que cette analyse rejoint celle de Gross.

  ADDIN EN.CITE GUILLAUME1929111GUILLAUME, Gustave1929Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des tempsParisChampion1984GUILLAUME, Gustave. 1929. Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris: Champion, p.54.

  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année), p. 263-264.

 Voir le compte-rendu d’ ADDIN EN.CITE ARNAVIELLE19953540354ARNAVIELLE, Teddy1995André Lanly, retour au conditionnelRevue des langues romanes99-1186-188ARNAVIELLE, Teddy. 1995. André Lanly, retour au conditionnel. Revue des langues romanes 99-1:186-188.

 ADDIN EN.CITE LANLY19581710171LANLY, André1958Nous avons à parler maintenant du futurLe Français moderne26p.16-46LANLY, André. 1958. Nous avons à parler maintenant du futur. Le Français moderne 26:p.16-46, p.17.

 Tous les imparfaits du subjonctif devenaient morphologiquement déficients surtout à la première personne du singulier après la chute du m final (irem > ire).

  ADDIN EN.CITE LANLY19571700170LANLY, André1957Proposition hypothétique et conditionnelLe Français moderne25, 2p. 101-120LANLY, André. 1957. Proposition hypothétique et conditionnel. Le Français moderne 25, 2:p. 101-120, p.110.

  ADDIN EN.CITE LANLY19571700170LANLY, André1957Proposition hypothétique et conditionnelLe Français moderne25, 2p. 101-120Ibid, p.111-112.

  ADDIN EN.CITE LANLY20022210221LANLY, André2002Plaidoyer pour le conditionnel en -raisL'information grammaticale9520-22LANLY, André. 2002. Plaidoyer pour le conditionnel en -rais. L'information grammaticale 95:20-22, p.21.

  ADDIN EN.CITE LANLY19581710171LANLY, André1958Nous avons à parler maintenant du futurLe Français moderne26p.16-46LANLY, André. 1958. Nous avons à parler maintenant du futur. Le Français moderne 26:p.16-46, p.38-39.

 Louis Chaffurin, Nouvelle Grammaire anglaise, § 182. Cité par Lanly,  ADDIN EN.CITE LANLY19581710171LANLY, André1958Nous avons à parler maintenant du futurLe Français moderne26p.16-46Ibid, p. 20.

  ADDIN EN.CITE LANLY19731720172LANLY, André1973Sur le conditionnel français et roman : à propos d'une remarque de Paul ImbsTravaux de linguistique et de littératureMélanges P. Imbs, 11, 1391-399LANLY, André. 1973. Sur le conditionnel français et roman : à propos d'une remarque de Paul Imbs. Travaux de linguistique et de littérature Mélanges P. Imbs, 11, 1:391-399, p.398-399.

  ADDIN EN.CITE LANLY19581710171LANLY, André1958Nous avons à parler maintenant du futurLe Français moderne26p.16-46LANLY, André. 1958. Nous avons à parler maintenant du futur. Le Français moderne 26:p.16-46, p.24-25.

  ADDIN EN.CITE WAGNER19392221222WAGNER, R.-L.1939Les Phrases hypothétiques introduites par si dans la langue française des origines à la fin du XVIe siècleParisDrozWAGNER, R.-L. 1939. Les Phrases hypothétiques introduites par si dans la langue française des origines à la fin du XVIe siècle. Paris: Droz, p.81-82.

  ADDIN EN.CITE WAGNER19392221222WAGNER, R.-L.1939Les Phrases hypothétiques introduites par si dans la langue française des origines à la fin du XVIe siècleParisDrozIbid, p.524.

  ADDIN EN.CITE LANLY19581710171LANLY, André1958Nous avons à parler maintenant du futurLe Français moderne26p.16-46LANLY, André. 1958. Nous avons à parler maintenant du futur. Le Français moderne 26:p.16-46, p.33.

  ADDIN EN.CITE Pinchon198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanPINCHON, Jacqueline et COUTE, Bernard. 1981. Le système verbal du français. Paris: Nathan.p.11.

 On peut nous reprocher une telle insistance mais ce retour aux fondements de l’analyse nous semble incontournable pour appuyer notre démarche.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinMARTINET, André. 1985. Syntaxe générale. Paris: Armand Colin.p.33.

  ADDIN EN.CITE HJELMSLEV19712201220HJELMSLEV, Louis1971La structure fondamentale du langageParisLes éditions de MinuitHJELMSLEV, Louis. 1971. La structure fondamentale du langage. Paris: Les éditions de Minuit.p.223.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19582120212MARTINET, André1958De l'économie des formes du verbe en français parléStudia philologica et litteraria in honorem L. Spitzer. repris dans Le français sans fard, PUF (1969)ParisPUF (1969)MARTINET19582120212MARTINET, André1958De l'économie des formes du verbe en français parléStudia philologica et litteraria in honorem L. Spitzer. repris dans Le français sans fard, PUF (1969)ParisPUF (1969)MARTINET, André. 1958. De l'économie des formes du verbe en français parlé. Studia philologica et litteraria in honorem L. Spitzer. repris dans Le français sans fard, PUF (1969).,p.99.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19792161216MARTINET, André1979Grammaire fonctionnelle du françaisParisCrédif-DidierMARTINET, André. 1979. Grammaire fonctionnelle du français. Paris: Crédif-Didier.p. 98.

 Cet ouvrage reprend l’article « Essai d’analyse distributionnelle du verbe » paru en 1966 dans Le Français Moderne.

  ADDIN EN.CITE DUBOIS19671901190DUBOIS, Jean1967Grammaire structurale du français. Le verbe.ParisLarousseDUBOIS, Jean. 1967. Grammaire structurale du français. Le verbe. Paris: Larousse.

  ADDIN EN.CITE DUBOIS19662640264DUBOIS, Jean1966Essai d'analyse distributionnelle du verbeLe Français moderne34185-209DUBOIS, Jean. 1966. Essai d'analyse distributionnelle du verbe. Le Français moderne 34:185-209., p. 186.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin.p.38. Voir aussi le chapitre intitulé « Faut-il poser un morphème zéro ? » de notre partie morphologique, p.50.

 Voir, à ce propos, le chapitre sur l’absence significative II-1-1-5.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin.p.38-39.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinIbid.p.39-40.

  ADDIN EN.CITE WILMET20012017201WILMET, Marc2001L'architectonique du "conditionnel"Dendale P. et Tasmowski L.Le conditionnel en françaisParisKlincksieckRecherches Linguistiques n°25WILMET, Marc. 2001. L'architectonique du "conditionnel". In Le conditionnel en français, ed. Dendale P. et Tasmowski L. Paris: Klincksieck., p. 26.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur. p.59.
  ADDIN EN.CITE Pinchon198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanPINCHON, Jacqueline et COUTE, Bernard. 1981. Le système verbal du français. Paris: Nathan., p.50.

  ADDIN EN.CITE PINCHON198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanIbid. p.58.

 C’est nous qui soulignons ce ou et le suivant dans la glose de Pinchon et Couté.

  ADDIN EN.CITE PINCHON198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanPINCHON, Jacqueline et COUTE, Bernard. 1981. Le système verbal du français. Paris: Nathan.,p.37.

  ADDIN EN.CITE PINCHON198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanIbid.p. 38.

  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429VAN DEN EYNDE, Karel et BLANCHE-BENVENISTE, Claire. 1970. Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail. Orbis:404-429., p. 418.


  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429Ibid. p. 417.

  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429Ibid. p.417-418.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19972131213LE GOFFIC, Pierre1997Les formes conjuguées du verbe français. Oral et écrit.ParisOphrysLE GOFFIC, Pierre. 1997a. Les formes conjuguées du verbe français. Oral et écrit. Paris: Ophrys. p. 9.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19972131213LE GOFFIC, Pierre1997Les formes conjuguées du verbe français. Oral et écrit.ParisOphrysLE GOFFIC19972131213LE GOFFIC, Pierre1997Les formes conjuguées du verbe français. Oral et écrit.ParisOphrysIbid.p.9-10

 Il faudrait encore ajouter des présentations mixtes qui correspondent essentiellement à un souci pédagogique comme, par exemple celle de Csécsy :  « On constate, en français, deux principes de formation du futur, selon que les suffixes /re, ra, r((/, valables pour tous les verbes, s’ajoutent à la forme trouvée au singulier du présent de l’indicatif (thème court) ou qu’ils se greffent – avec une coupure syllabique cependant différente- sur l’infinitif. »  ADDIN EN.CITE CSECSY19682181218CSECSY, Madeleine1968De la linguistique à la pédagogie. Le verbe français.ParisLe Français dans le Monde- Belc. Hachette/LarousseCSECSY, Madeleine. 1968. De la linguistique à la pédagogie. Le verbe français. Paris: Le Français dans le Monde- Belc. Hachette/Larousse., p.102.
 L’allomorphisme qui pose des difficultés de découpage peut aboutir à des thèses qui nient toute possibilité d’analyse structurale des temps. Voir à ce sujet :
 ADDIN EN.CITE BONAMI20032580258BONAMI, OlivierBOYE, Gilles2003Supplétion et classes flexionnelles dans la conjugaison du françaisLangages152102-126BONAMI, Olivier et BOYE, Gilles. 2003. Supplétion et classes flexionnelles dans la conjugaison du français. Langages 152:102-126.
 ADDIN EN.CITE BONAMIA paraître5527552BONAMI, OlivierBOYE, GillesA paraîtreRemarques sur les bases des conjugaisonsE. DELAIS-ROUSSARIE et L.LABRUNEDonnées et Modèles en PhonologieBONAMI, Olivier et BOYE, Gilles. A paraître. Remarques sur les bases des conjugaisons. In Données et Modèles en Phonologie, ed. E. DELAIS-ROUSSARIE et L.LABRUNE.

  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année)., p. 264.

 ci-dessus, p. 22.

  ADDIN EN.CITE SUNDELL19911391139SUNDELL, Lars.-Göran1991Le temps futur en français moderneAlmqvist & Wiksell International, Acta Universitatis UpsaliensisStockholmStudia Romanica Upsaliensia49SUNDELL, Lars.-Göran. 1991. Le temps futur en français moderne.vol. 49: Almqvist & Wiksell International, Acta Universitatis Upsaliensis. Stockholm: Studia Romanica Upsaliensia. , p.10.

  ADDIN EN.CITE PLENAT19812330233PLENAT, Marc1981L'"autre" conjugaison, ou De la régularité des verbes irréguliersCahiers de grammairen° 3PLENAT, Marc. 1981. L'"autre" conjugaison, ou De la régularité des verbes irréguliers. Cahiers de grammaire n° 3., p. 38.

  ADDIN EN.CITE PLENAT19812330233PLENAT, Marc1981L'"autre" conjugaison, ou De la régularité des verbes irréguliersCahiers de grammairen° 3Ibid., p.41.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p. 40-41.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19792161216MARTINET, André1979Grammaire fonctionnelle du françaisParisCrédif-DidierMARTINET, André. 1979. Grammaire fonctionnelle du français. Paris: Crédif-Didier.p. 98.

 C’est nous qui soulignons la présence d’un découpage dans le découpage.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p. 62-63. Il ne prend pas en compte ces remarques par la suite.
Voir aussi l’ouvrage de Lemaréchal entièrement consacré au zéro paru en 1997 :  ADDIN EN.CITE LEMARECHAL19975511551LEMARECHAL, Alain1997Zéro(s)ParisPresses Universitaires de FranceLEMARECHAL, Alain. 1997. Zéro(s). Paris: Presses Universitaires de France et les articles récents consacrés au déterminant-zéro ou encore le colloque du Cerlico « Absence de marques et représentation de l’absence » qui lui a été dédié en 1995.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinMARTINET, André. 1985. Syntaxe générale. Paris: Armand Colin.p.60-61.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinIbid., p.60-61.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinIbid., p. 61.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19792161216MARTINET, André1979Grammaire fonctionnelle du françaisParisCrédif-DidierMARTINET, André. 1979. Grammaire fonctionnelle du français. Paris: Crédif-Didier.p.11-12.

 C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinMARTINET, André. 1985. Syntaxe générale. Paris: Armand Colin.p.61-62. C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE PINCHON198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanPINCHON, Jacqueline et COUTE, Bernard. 1981. Le système verbal du français. Paris: Nathan.,p.40-41.

 C’est nous qui soulignons ce ou et le suivant dans la glose de Pinchon et Couté.

  ADDIN EN.CITE Pinchon198137137PINCHON, JacquelineCOUTE, Bernard1981Le système verbal du françaisParisNathanPINCHON, Jacqueline et COUTE, Bernard. 1981. Le système verbal du français. Paris: Nathan. ,p.37.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p. 72-73.
  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinIbid.,p.73.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinIbid.p. 73.

  ADDIN EN.CITE URIEN19842190219URIEN, Jean-Yves1984Marque et immanence dans la théorie du signeTétralogiques1PUR7-32URIEN, Jean-Yves. 1984. Marque et immanence dans la théorie du signe. Tétralogiques 1:7-32.p.20-21.

 Voir également la remarque de Martinet, déjà citée plus haut : « Seules peuvent intervenir les considérations sémantiques ».  ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinMARTINET, André. 1985. Syntaxe générale. Paris: Armand Colin., p.61.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin. p.73

 Ou comme le dit Urien : « La marque n’est pas le matériau, c’est-à-dire la séquence de phonèmes considérée en elle-même, mais de la variation de matériau, de la différence entre séquences, qui atteste le franchissement d’une frontière sémiologique, quelle que soit la modalité de cette frontière structurale : valeur lexicale, textuelle, paradigmatique ou syntaxique, qui sont les composantes d’une même capacité de grammaticalité. »  ADDIN EN.CITE URIEN19842190219URIEN, Jean-Yves1984Marque et immanence dans la théorie du signeTétralogiques1PUR7-32URIEN, Jean-Yves. 1984. Marque et immanence dans la théorie du signe. Tétralogiques 1:7-32., p.13.

  ADDIN EN.CITE URIEN19842190219URIEN, Jean-Yves1984Marque et immanence dans la théorie du signeTétralogiques1PUR7-32Ibid.p.27-28.
 Je dor-s, nous dorm-ons. Il prend, nous pren-ons, ils prenn-ent. Je veu-x, nous voul-ons, ils veul-ent. Il di-t, nous dis-ons.

 Il est évident que ce qu'on appelle "terminaisons des verbes" est pour nous une suite ordonnée de morphèmes. On reconnaîtra donc dans "e, es, e, ons, ez, ent" ou "s, s, t, ons, ez, ent" les morphèmes allomorphes de personne à l’écrit.

 Nous la noterons ainsi, au moins provisoirement.

 Nous courrions/ nous courions mais nous prendrions/ nous prenions, nous irions/ nous allions, nous viendrions/ nous venions, etc.

 Je renvoie à cet égard à la présentation que fait Urien de cette notion de métrique de l’unité: « Si l’on admet que ni le bruit ni le silence en eux-mêmes ne sont informatifs, mais seulement leur rapport, rendant le bruit exclusif du silence et le silence exclusif du bruit, alors il y a lieu de faire reposer l’absence significative sur de la variation quantitative, appelée parfois juxtaposition ou agglutination. Reprenons le commode exemple turc […] :
ev—Ø—Ø-Ø « la maison »
ev—ler-Ø-Ø «  les maisons »
ev—ler—i-Ø « leurs maisons »
ev—ler—i-m « mes maisons »
Tous ces mots ont « la même longueur » abstraite : celle de leur programme formel. En effet, le fragment –ler- n’indique pas en soi le pluriel, et le silence le singulier ; c’est leur rapport qui marque la valeur de nombre. En conséquence –ler- n’est pas un morphème : c’est la différence constante  ler- `" -Ø- qui est morphématique, et témoigne de la capacité de lexique. [& ] Même si matériellement il y a moins, il y a structuralement le compte. L agglutination est inséparable du « zéro » qui est au cSur de toute grammaire, y compris des flexions dès lors qu’il y a des « cas-zéro » tels que l’impératif, le vocatif ou l’infinitif. »  ADDIN EN.CITE URIEN19842190219URIEN, Jean-Yves1984Marque et immanence dans la théorie du signeTétralogiques1PUR7-32URIEN, Jean-Yves. 1984. Marque et immanence dans la théorie du signe. Tétralogiques 1:7-32.,p. 27-28.

 Notons que cette analyse, si elle n’est pas celle de Martinet, n’entre pas en contradiction avec ses principes de pertinence du morphème zéro : « Lorsqu’une forme zéro n’est que la variante d’un signifiant représenté ailleurs positivement, la question de l’existence du monème en cause ne se pose pas : il y a, en français, un monème « subjonctif » parce que, dans certains contextes, le choix de certaines formes, comme /don-i-((/, /don-i-e/, distinctes de celles de l’indicatif, correspond à un effet de sens particulier. Dans d’autres contextes, avec la majorité des monèmes verbaux, en combinaison avec sg. 1 2 3 et pl.3, aucune marque formelle n’apparaît : le subjonctif de donner à ces personnes est /don/ c’est-à-dire qu’il est identique au signifiant du monème verbal. On a intérêt, dans ce cas, à parler de variante zéro du signifiant. » ( ADDIN EN.CITE MARTINET19852171217MARTINET, André1985Syntaxe généraleCollection UParisArmand ColinMARTINET, André. 1985. Syntaxe générale. Paris: Armand Colin.,p.62.) Ici, le paradigme du suffixe de temps du futur comporte, comme pour le subjonctif , une alternance entre un matériau et un zéro.

 L’amalgame du (( conduit à proposer deux découpages aléatoires.

 Ce découpage qui contredit l’oral n’est qu’une proposition pour solutionner la difficulté à présenter un amalgame dans le cadre d’un découpage. Le –ont amalgame le suffixe de temps et le suffixe de personne.

 Et, précisons-le, au passé simple de la première conjugaison pour les trois premières personnes. Si l’on admet (voir plus loin) que futur et passé simple partagent les mêmes suffixes de temps, on pourra alors parler de variantes combinatoires de ces suffixes de personnes.

  ADDIN EN.CITE GUILLAUME1929111GUILLAUME, Gustave1929Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des tempsParisChampion1984GUILLAUME, Gustave. 1929. Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris: Champion. [Reprinted in 1984].p.54

 Comme le font Blanche-Benveniste et Van den Eynde dans  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429VAN DEN EYNDE, Karel et BLANCHE-BENVENISTE, Claire. 1970. Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail. Orbis:404-429., p. 417-418.
 Nous aurions pu d’ailleurs, comme nous l’avons vu, limiter ces listes de suffixes en faisant jouer l’allomorphisme au niveau des bases pour le futur et le conditionnel mais aussi pour l’infinitif. Cela aurait eu pour effet d’augmenter la coïncidence entre les deux séries sans pour autant parvenir à une coïncidence totale.

 Il s’agit là d’une hypothèse de travail dans laquelle nous rejoignons un résultat provisoire de  ADDIN EN.CITE VAN DEN EYNDE19702140214VAN DEN EYNDE, KarelBLANCHE-BENVENISTE, Claire1970Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail.Orbis404-429VAN DEN EYNDE, Karel et BLANCHE-BENVENISTE, Claire. 1970. Essai d'analyse de la morphologie du verbe français. Présentation d'hypothèses de travail. Orbis:404-429.
Cette hypothèse de travail s’appuie uniquement sur l’analogie formelle mais ne peut être confirmée par une analyse morphologique, l’infinitif s’opposant aux temps de l’indicatif par son absence de suffixe de personne.

 C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE DENDALE20012377237DENDALE, Patrick2001Les problèmes linguistiques du conditionnel françaisDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisParisKlincksieck7-16DENDALE, Patrick. 2001. Les problèmes linguistiques du conditionnel français. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 7-16. Paris: Klincksieck.p.10.

 Nous renvoyons à notre introduction, p. 14-15.

 Cf. Guillaume « Temps et verbe » p. 3.

  ADDIN EN.CITE WILMET20012017201WILMET, Marc2001L'architectonique du "conditionnel"Dendale P. et Tasmowski L.Le conditionnel en françaisParisKlincksieckRecherches Linguistiques n°25WILMET, Marc. 2001. L'architectonique du "conditionnel". In Le conditionnel en français, ed. Dendale P. et Tasmowski L. Paris: Klincksieck., p.33.

  ADDIN EN.CITE WILMET20012017201WILMET, Marc2001L'architectonique du "conditionnel"Dendale P. et Tasmowski L.Le conditionnel en françaisParisKlincksieckRecherches Linguistiques n°25Ibid., p.33.

 qui s’ajoutent à celui de la personne.

 « La question serait grandement éclairée si l’on réussissait à élucider la valeur exacte de –r-. »  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p.41.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p.59-60.

  ADDIN EN.CITE TASSIE19633570357TASSIE, James1963Le conditionnel, tiroir uniquement modalRevue canadienne de linguistique920-30TASSIE, James. 1963. Le conditionnel, tiroir uniquement modal. Revue canadienne de linguistique 9:20-30.

 Nous y reviendrons.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p.101.
 Guillaume, G. « De la double action séparative du présent » qui figure dans les Mélanges offerts à M.A. Dauzat, p. 142, cité par  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année)., p. 262.

  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisIbid., p.265.

  ADDIN EN.CITE MOIGNET19573180318MOIGNET, Gérard1957Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structuraleLe Français moderne25161-169MOIGNET, Gérard. 1957. Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structurale. Ibid. 25:161-169.

  ADDIN EN.CITE MOIGNET19573180318MOIGNET, Gérard1957Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structuraleLe Français moderne25161-169Ibid., p.164. Si Guillaume fait la même remarque que nous sur la symétrie des 4 formes verbales (imparfait, passé simple, conditionnel, futur) sans aboutir aux mêmes conclusions sémantiques, n’est-ce pas parce qu’il place le présent au milieu des autres formes verbales, milieu qu’il investit effectivement de sens en reliant tous les temps au présent.

  ADDIN EN.CITE MOIGNET19573180318MOIGNET, Gérard1957Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structuraleLe Français moderne25161-169Ibid., p. 167.

  ADDIN EN.CITE DAMOURETTE1936474DAMOURETTE, JeanPICHON, Emile1936Auxiliaires - Temps - Modes - VoixDes mots à la pensée - Essai de grammaire de la langue françaiseParisD'ArtreyVDAMOURETTE, Jean et PICHON, Emile. 1936a. Auxiliaires - Temps - Modes - Voix. In Des mots à la pensée - Essai de grammaire de la langue française. Paris: D'Artrey.

 Et selon Gagnepain, il ne faut voir aucune hiérarchie entre l’objet et les paramètres de la situation d’énoncé : « L’objet nommé n’est qu’un des éléments de la situation à laquelle le rhétoricien que nous sommes tente sans y parvenir de rendre globalement son message adéquat. Les facteurs, en effet, sont nombreux qui de l’extérieur le motivent ; en même temps que celui que nous venons de mentionner et sur lequel l’accord est unanime, il est clair que son émetteur peu ou prou s’y exprime, que le récepteur en tant que destinataire, intervenant ou non, s’y profile, que le vecteur, enfin, ainsi que les circonstances de son élaboration le conditionnent, ne fût-ce qu’en lui mesurant et l’espace et le temps. Entre eux, aucune hiérarchie. Chacun à sa façon précipite l’intégralité du dit. Stables ou transitoires, les cristallisations qui en résultent interfèrent sans se confondre et c’est à leur somme, ou plutôt à leur syncrasie, que s’applique le terme, gratuitement restreint, de « contenu » ».  ADDIN EN.CITE GAGNEPAIN19824851485GAGNEPAIN, Jean1982Du vouloir direParisLivre et communicationGAGNEPAIN, Jean. 1982. Du vouloir dire. Paris: Livre et communication., p.70.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93., p.86.

  ADDIN EN.CITE GUILLAUME1929111GUILLAUME, Gustave1929Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des tempsParisChampion1984GUILLAUME, Gustave. 1929. Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris: Champion, p.7.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p.225.

« L’acte individuel d’appropriation de la langue introduit celui qui parle dans sa parole. C’est là une donnée constitutive de l’énonciation. La présence du locuteur à son énonciation fait que chaque instance de discours constitue un centre de référence interne. »  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664811481BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard2Ibid.vol. 2., p.82.

  ADDIN EN.CITE REMI-GIRAUD19884837483REMI-GIRAUD, Sylviane1988Les grilles de Procuste. Description comparée de l'infinitif en français, grec ancien, allemand, anglais et arabeREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de Lyon11-68REMI-GIRAUD, Sylviane. 1988a. Les grilles de Procuste. Description comparée de l'infinitif en français, grec ancien, allemand, anglais et arabe. In L'infinitif, ed. Sylviane REMI-GIRAUD, 11-68. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p .14.

 Comme on le sait, les exemples sont très nombreux :
je sucre – le sucre
je table – la table
je crie – le cri – criard-
je mure – le mur – mural-
je lampe – la lampe
je course- la course – courant- couramment
je brise- la brise
je brasse – le bras
je raisonne- la raison –raisonnable - raisonnablement
je faute – la faute – fautif-
je réveille – le réveil
je travaille – le travail

 Ces exemples ne se veulent pas exhaustifs de l’analyse du verbe et du nom.

 Par un marquage discontinu, je…s (ou je….e), tu … s (ou tu …es), il … t (ou il … e), nous … ons, vous …ez, ils … ent.

 Bien que ces propos puissent paraître élémentaires, il nous a semblé nécessaire de les rappeler dans la mesure où ils nous permettent de poser les bases de l’analyse.

 « causer » dans les deux sens du terme car le locuteur dit un monde qu’il construit par le langage.

 Les temps simples inscrivent l’accomplissement du procès dans un rapport à la situation d’énoncé ; les temps composés inscrivent l’accompli du procès.

 Nulle hiérarchie dans ces paramètres de la situation d’énoncé. C’est l’analyse individuelle de l’énoncé qui permettra de déterminer un pôle privilégié. C’est pourquoi il ne s’agit pas de tout centrer sur le « temps » comme le fait Guillaume, ni sur le locuteur comme le fait Benveniste :
« L’acte individuel d’appropriation de la langue introduit celui qui parle dans sa parole. C’est là une donnée constitutive de l’énonciation. La présence du locuteur à son énonciation fait que chaque instance de discours constitue un centre de référence interne. »  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664811481BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard2BENVENISTE, Emile. 1966b. Problèmes de linguistique générale.vol. 2. Paris: Gallimard., p.82
« Une troisième série de termes afférents à l’énonciation est constituée par le paradigme entier –souvent vaste et complexe- des formes temporelles, qui se déterminent par rapport à l’EGO, centre de l’énonciation. Les « temps » verbaux dont la forme axiale, le « présent », coïncide avec le moment de l’énonciation, font partie de cet appareil nécessaire.
Cette relation au temps mérite qu’on s’y arrête, qu’on médite la nécessité, et qu’on s’interroge sur ce qui la fonde. On pourrait croire que la temporalité est un cadre inné de la pensée. Elle est produite en réalité dans et par l’énonciation. De l’énonciation procède l’instauration de la catégorie du présent, et de la catégorie du présent naît la catégorie du temps. Le présent est proprement la source du temps. Il est cette présence au monde que l’acte d’énonciation rend seul possible, car, qu’on veuille bien y réfléchir, l’homme ne dispose d’aucun autre moyen de faire vivre le « maintenant » et de le faire actuel que de la réaliser par l’insertion du discours dans le monde. »  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664811481BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard2BENVENISTE, Emile. 1966b. Problèmes de linguistique générale.vol. 2. Paris: Gallimard., p.83.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93.

 Qui correspond chez certains linguistes à l’aspect. Cf. ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p.47 : « Du fait de sa définition : « exprimer un procès, c’est-à-dire un état ou une action », le verbe comporte une image du temps puisque l’état ou l’action supposent un commencement, un déroulement et une fin. »

 en particulier chez les guillaumiens.

 CORNEILLE, Le Cid, 1263-1266.

 Ibid, 1271-1274.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER19891810181TOURATIER, Christian1989Récit et temps verbauxL'information grammaticale413-5TOURATIER, Christian. 1989. Récit et temps verbaux. L'information grammaticale 41:3-5., p. 5. On peut comparer aussi les rapprochements entre présent et imparfait aux confusions qui sont faites entre les prétérits anglosaxons et les temps passé simple et imparfait du français, sous prétexte que la traduction du français dans ces langues ne pose pas de problème.

 Nous verrons, en effet, plus loin que l’opposition (R ne se limite pas à une question de temporalité, voir p.

  ADDIN EN.CITE NOREIKO19803280328NOREIKO, Stephen F.1980Un modèle des temps verbaux du françaisRevue de linguistique romane44108-120NOREIKO, Stephen F. 1980. Un modèle des temps verbaux du français. Revue de linguistique romane 44:108-120., p.112. C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE MINKOWSKI1995 [1933]5401540MINKOWSKI, E;1995 [1933]Le temps vécuParisPUFMINKOWSKI, E;. 1995 [1933]. Le temps vécu. Paris: PUF., p.156. Cité par ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19973770377LE GOFFIC, Pierre1997Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski.Cahiers de praxématique29135-155LE GOFFIC, Pierre. 1997b. Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski. Cahiers de praxématique 29:135-155., p.150.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19973770377LE GOFFIC, Pierre1997Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski.Cahiers de praxématique29135-155LE GOFFIC, Pierre. 1997b. Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski. Cahiers de praxématique 29:135-155., p. 153.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN20015477547LEEMAN, Danielle2001Pourquoi ne peut-on pas combiner si et le conditionnel?DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe Conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz211-230LEEMAN, Danielle. 2001. Pourquoi ne peut-on pas combiner si et le conditionnel? In Le Conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 211-230. Metz: Université de Metz., p. 215-217.
  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p.70-71

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck.p.41.

 Soulignons encore qu’il s’agit d’une hypothèse que nous avons choisi d’explorer. En effet, la distribution de morphèmes originale de l’infinitif n’autorise pas à poser une équivalence avec le R futur et conditionnel – mais elle ne l’interdit pas non plus.

 Quitte à revenir sur cette question. Nous verrons, en effet, que cette analyse conventionnelle n’est pas satisfaisante et qu’il faut analyser autrement la combinaison de morphèmes de l’infinitif. Voir p. 288.

 C’est ainsi que Maingueneau comprend, lui aussi, l’infinitif, lui qui fait de la relation à la situation d’énoncé le critère classificateur des modes : « Seul l’indicatif peut situer l’énoncé par rapport au moment de l’énonciation ; de ce point de vue il est le mode de l’actualisation maximale, si l’on entend par là mise en relation de l’énoncé et de son énonciation (et non l’affirmation de l’existence, de la réalité d’un fait). Le subjonctif, qui connaît personne et aspect, s’avère plus actualisant que le participe et l’infinitif, qui ne véhiculent que l’aspect. D’ailleurs, dans nombre de ses emplois le subjonctif ne sert pas à autre chose qu’à conférer une personne à l’infinitif (cf. je veux partir/que tu partes …). Cette incapacité d’actualiser est à lier à l’absence d’autonomie syntaxique du subjonctif ; les formes de ce mode (sauf tours figés ou archaïsmes) ne suffisent pas à asserter un énoncé, c’est-à-dire à le poser comme vrai ou faux : dans Qu’il parte ! (comme dans Fermer la porte) on a affaire à un ordre, et non à une assertion. Pour retrouver une assertion il faudrait rétablir une forme à l’indicatif telle J’ordonne … C’est pourquoi le verbe d’une phrase indépendante ne peut être à l’infinitif que si cet énoncé n’est pas assertif : *Paul fumer mais Fermer la porte !
Au-delà des informations de temps, personne et aspect qu’il véhicule, le verbe, en français, est donc l’élément qui marque l’assertion de l’énoncé par le locuteur. Cette assertion ne peut être supportée que par les formes de l’indicatif, seules susceptibles d’un emploi indépendant, fondé sur un repérage par rapport à la situation d’énonciation. A des degrés différents, le subjonctif et le participe ou l’infinitif ne s’articulent sur cette situation d’énonciation que grâce aux verbes à l’indicatif qui les accompagnent. »   ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p.56-57.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p.151-152.

  ADDIN EN.CITE CELINE19365041504CELINE, Ferdinand1936Mort à créditParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1936. Mort à crédit. Paris: Gallimard., p. 92.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 31.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93.p. 88.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93Ibid., p.66. C’est l’auteur qui souligne.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93Ibid., p.87-88.

  ADDIN EN.CITE REMI-GIRAUD19884847484REMI-GIRAUD, Sylviane1988Essai sur la notion de sujetREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de Lyon95-109REMI-GIRAUD, Sylviane. 1988b. Essai sur la notion de sujet. In L'infinitif, ed. Sylviane REMI-GIRAUD, 95-109. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p. 104. C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL20055347534RIEGEL, Martin2005A propos du statut verbal de l'infinitif et des formes de son auxiliationLa syntaxe au coeur de la grammaire. Recueil offert en hommage au 60ème anniversaire de Cl. Muller.RennesPresses Universitaires de Rennes287-295RIEGEL, Martin. 2005. A propos du statut verbal de l'infinitif et des formes de son auxiliation. In La syntaxe au coeur de la grammaire. Recueil offert en hommage au 60ème anniversaire de Cl. Muller., 287-295. Rennes: Presses Universitaires de Rennes., p. 289.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93., p.70.

 C’est l’auteur qui souligne.  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93Ibid., p.91.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p. 153.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIbid., p. 152.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 422. Il s’agit des patients du dispensaire qui espèrent obtenir une pension pour tuberculose.

  ADDIN EN.CITE REMI-GIRAUD19884847484REMI-GIRAUD, Sylviane1988Essai sur la notion de sujetREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de Lyon95-109REMI-GIRAUD, Sylviane. 1988b. Essai sur la notion de sujet. In L'infinitif, ed. Sylviane REMI-GIRAUD, 95-109. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p. 103-104.

 On peut aussi lire à ce sujet l’article récent de Martin Riegel qui critique le classement que fait sa propre grammaire (parmi d’autres) des emplois de l’infinitif selon les fonctions nominales qu’il occupe.  ADDIN EN.CITE RIEGEL20055347534RIEGEL, Martin2005A propos du statut verbal de l'infinitif et des formes de son auxiliationLa syntaxe au coeur de la grammaire. Recueil offert en hommage au 60ème anniversaire de Cl. Muller.RennesPresses Universitaires de Rennes287-295RIEGEL, Martin. 2005. A propos du statut verbal de l'infinitif et des formes de son auxiliation. In La syntaxe au coeur de la grammaire. Recueil offert en hommage au 60ème anniversaire de Cl. Muller., 287-295. Rennes: Presses Universitaires de Rennes., p. 288.

 Ex : un avocat Ø /une avocate. une avocate Ø /des avocates.

 Guillaume qui classe l’infinitif avec les participes dans un mode « in posse » et spécifie l’infinitif en parlant de la « tension complète » d’un verbe « in posse » dont toute la réalisation est devant lui.

  ADDIN EN.CITE GUILLAUME1929111GUILLAUME, Gustave1929Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des tempsParisChampion1984GUILLAUME, Gustave. 1929. Temps et Verbe. Théorie des aspects, des modes et des temps. Paris: Champion. [Reprinted in 1984]., p.9-10.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93., p. 88.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93Ibid., p.78.

  ADDIN EN.CITE REMI-GIRAUD19884837483REMI-GIRAUD, Sylviane1988Les grilles de Procuste. Description comparée de l'infinitif en français, grec ancien, allemand, anglais et arabeREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de Lyon11-68REMI-GIRAUD, Sylviane. 1988a. Les grilles de Procuste. Description comparée de l'infinitif en français, grec ancien, allemand, anglais et arabe. In L'infinitif, ed. Sylviane REMI-GIRAUD, 11-68. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p.49.

 « Le morphème /-INF/ semble n’être, par opposition aux autres désinences de la conjugaison, qu’un flexif marquant à la fois la valeur Ø de la catégorie du temps, et la valeur Ø de la catégorie de la personne.  ADDIN EN.CITE BERRENDONNER19985017501BERRENDONNER, Alain1998Variations sur l'infinitifREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de LyonBERRENDONNER, Alain. 1998. Variations sur l'infinitif, p. 162.

 Notons que l’impossibilité d’utiliser un infinitif en remplacement d’un impératif en toute situation découle de l’absence de relation avec la situation d’énoncé inhérente à l’infinitif. Si la recette de cuisine, le mode d’emploi ou la consigne affichée peuvent faire croire à une interchangeabilité de l’infinitif et de l’impératif, comme dans ces exemples :
(1) Faire un puits, ajouter 12,5 cl d’eau tiède et mélanger à la cuillère en bois / (1bis) Faites un puits, ajoutez 12,5 cl d’eau tiède et mélangez à la cuillère en bois.
(2) S’assurer du voltage avant de brancher/ (2bis) Assurez-vous du voltage avant de brancher !
(3) Eteindre son portable./ (3bis) Eteignez votre portable !
Il n’en est pas de même dans une situation concrète d’injonction où lui désigne un jeune enfant et vous ses frères aînés:
(4) *Lui mettre son manteau./ (4bis) Mettez-lui son manteau !
(5) *Le prendre avec vous./ (5bis) Prenez-le avec vous !
En effet, dans les trois premiers exemples, l’infinitif se justifie en tant que procès potentiel, c’est-à-dire reliable à toute sorte de situation d’énoncé alors que ce n’est pas le cas des deux derniers énoncés, la situation d’énoncé est donnée et non pas potentielle donc il est contradictoire de ne pas désigner les éléments de la situation d’énoncé qui sont évidents.

 Nous nous contenterons de réfléchir au sujet logique potentiel de l’infinitif en considérant que les autres paramètres de la situation d’énoncé ont partie liée avec l’absence de désignation de la référence au je. On peut donc remarquer que c’est parfois toute une situation qu’on convoque pour la relier à la latitude, au potentiel ouvert par l’infinitif.

 On ne peut substituer :  *J’aime que je parte en voyage. C’est justement la distribution complémentaire de la forme infinitive et de la forme subjonctive qui fait la contrainte.

  ADDIN EN.CITE ALLAIRE19842410241ALLAIRE, Suzanne1984L'infinitif a-t-il un sujet?Tétralogiques149-93ALLAIRE, Suzanne. 1984. L'infinitif a-t-il un sujet? Tétralogiques 1:49-93., p. 90.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 31.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 31.

  ADDIN EN.CITE REMI-GIRAUD19884847484REMI-GIRAUD, Sylviane1988Essai sur la notion de sujetREMI-GIRAUD, SylvianeL'infinitifLyonPresses Universitaires de Lyon95-109REMI-GIRAUD, Sylviane. 1988b. Essai sur la notion de sujet. In L'infinitif, ed. Sylviane REMI-GIRAUD, 95-109. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p. 105.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 408.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 627.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 30.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 30.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 31.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 26.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 35.

 Voir l’analyse de Curat, plus haut.

  ADDIN EN.CITE CURAT1991717CURAT, Hervé1991Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticaleLangue et cultures 24Genève ParisDroz337REF RENNES 2 : XD 445/20BU Sciences Lettres 44 500 CUR 000145TempsVerbesCURAT, Hervé. 1991. Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticale: Langue et cultures 24. Genève Paris: Droz., p. 188.

 Au terme d’attesté ou d’avéré peut être substitué le terme de factuel dans l’analyse logique et que G.H. von Wright définit ainsi : « Si p est le cas à un moment t, alors, à tout moment ultérieur, il est nécessaire que p ait été le cas à t. »  ADDIN EN.CITE VON WRIGHT19845411541VON WRIGHT, G.H.1984Truth, Knowledge and Modality, Philosophical PapersOxfordBasil BlackwellIIIVON WRIGHT, G.H. 1984. Truth, Knowledge and Modality, Philosophical Papers.vol. III. Oxford: Basil Blackwell., p. 76. Cité et traduit par  ADDIN EN.CITE GOSSELIN20014827482GOSSELIN, Laurent2001Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique"DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzRecherches linguistiquesGOSSELIN, Laurent. 2001. Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique". In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 52.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur. p.59-60. Maingueneau fonde ses remarques sur une analyse énonciativiste des « temps verbaux » :«  Les locuteurs ont facilement l’illusion que les divers « temps » linguistiques sont un décalque exact d’un temps réel extralinguistique. […] En réalité, le temps linguistique est différent du temps extralinguistique en ce sens qu’il s’ordonne uniquement par rapport à l’activité d’énonciation.»  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p. 58.


  ADDIN EN.CITE GOSSELIN20014827482GOSSELIN, Laurent2001Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique"DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzRecherches linguistiquesGOSSELIN, Laurent. 2001. Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique". In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 51-52. Cependant, Gosselin se refuse à reprendre telle quelle l’analyse jugeant que les « énoncés au futur ne présentent nullement les propositions qu’ils expriment comme simplement possibles ».

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN20014827482GOSSELIN, Laurent2001Relations temporelles et modales dans le "conditionnel journalistique"DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzRecherches linguistiquesIbid., p. 52-53.

  ADDIN EN.CITE DAMOURETTE19364941494DAMOURETTE, JeanPICHON, Emile1936Des mots à la penséeParisd'ArtreyT.VDAMOURETTE, Jean et PICHON, Emile. 1936b. Des mots à la pensée.vol. T.V. Paris: d'Artrey., § 1810.

  ADDIN EN.CITE CHARAUDEAU19924951495CHARAUDEAU, Patrick1992Grammaire du sens et de l'expressionParisHachetteCHARAUDEAU, Patrick. 1992. Grammaire du sens et de l'expression. Paris: Hachette., p. 460.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p.248-249. C’est nous qui soulignons.

 Même si des remarques sur la particularité qu’a le passé simple d’introduire une rupture entre le procès désigné et le moment de l’énoncé apparaissent dès le XVIIème siècle. Fournier cite Oudin « une action tout à fait passée et dont il ne reste rien à parachever » et Buffier : « il ne reste plus rien du temps où elle [la chose passée] se faisait ». Mais elle précise que l’emploi du passé simple était différent de l’emploi actuel puisqu’il pouvait être utilisé avec des repères temporels déictiques du moment qu’ils n’incluaient pas le moment d’énonciation : hier, l’an passé, ce qui laisse penser que la valeur du passé simple a évolué.  ADDIN EN.CITE FOURNIER19984961496FOURNIER, Nathalie1998Grammaire du français classiqueParisBelin supFOURNIER, Nathalie. 1998. Grammaire du français classique. Paris: Belin sup., p.396-403.
Par ailleurs, Damourette et Pichon qui qualifient le passé simple de « passé pur » ont fait des remarques importantes à ce sujet, également.  ADDIN EN.CITE DAMOURETTE19364941494DAMOURETTE, JeanPICHON, Emile1936Des mots à la penséeParisd'ArtreyT.VDAMOURETTE, Jean et PICHON, Emile. 1936b. Des mots à la pensée.vol. T.V. Paris: d'Artrey., § 1808.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p. 241.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1Ibid., p.242.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1Ibid., p.241.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1Ibid., p.243.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 198.

 En excluant, bien entendu, les cas où un verbe au passé simple introduit une parole rapportée.

 DUVIGNAUD, J., L’or de la République, 1957, p. 30.

 BLONDIN, A., Ma vie entre les lignes, 1982, p. 356.

 GENEVOIX, M., Ceux de 14, 1950, p. 154.

 Ibid, p. 383.

 GRECE. M DE, La nuit du sérail, 1982, p.477

 GAULLE, Charles de, Mémoires de Guerre : l’unité, 1956, p.311.

 SABATIER R., Trois sucettes à la Menthe, 1972, p.299.

 DURAS,M., Moderato Cantabile, 1958, p.127.

 CLAUDEL P, Poésies diverses, p.19.

 ARAGON, L., Le Roman inachevé, 1956, p.170.

 CLAUDEL, P., Poésies diverses, 1952, p.13.

 Il est intéressant, à tout le moins, que plusieurs citations reviennent au même auteur : Duvignaud, Claudel, Genevoix, Aragon, ce qui pourrait relever d’un mode d’expression personnel.

 DUVIGNAUD, J., L’or de la République, 1957, p. 141.

 PEREC, G., La vie mode d’emploi, p. 96.

 ARAGON, L., Œuvre Poétique, livre I (1917-1920), 1982, p. 206.

 RHEIMS, M., Les greniers de Sienne, 1987, p. 243.

 Voir  ADDIN EN.CITE FOURNIER19984961496FOURNIER, Nathalie1998Grammaire du français classiqueParisBelin supFOURNIER, Nathalie. 1998. Grammaire du français classique. Paris: Belin sup., § 594.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 199.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellIbid., p. 199. C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p. 241.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1Ibid., p.245. Il faut noter le terme « historiciser » qui montre bien que Benveniste n’emploie pas le terme histoire comme synonyme de récit contrairement à l’usage de sa théorie qui en a été faite (et critiquée) par la suite. Il s’agit bien d’un type de récit très particulier, celui fait par un historien. Adam et alii soulignent, d’ailleurs, la confusion qui a pu être faite à ce propos dans leur article « Pour en finir avec le couple récit/discours. »  ADDIN EN.CITE ADAM19982390239ADAM, Jean-MichelLUGRIN, GillesREVAZ, Françoise1998Pour en finir avec le couple récit/discoursPratiques10081-981998ADAM, Jean-Michel, LUGRIN, Gilles et REVAZ, Françoise. 1998. Pour en finir avec le couple récit/discours [1998]. Pratiques 100:81-98.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 305.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p.244.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1Ibid., p.244.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p.53.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.44.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 199.

  ADDIN EN.CITE LE GUERN19861577157LE GUERN, M1986Notes sur le verbe françaisRémi-Giraud S.& Le Guern M.Sur le verbeLyonPresses Universitaires de Lyonpp.9-60LE GUERN, M. 1986. Notes sur le verbe français. In Sur le verbe, ed. Rémi-Giraud S.& Le Guern M., pp.9-60. Lyon: Presses Universitaires de Lyon., p. 20.

  ADDIN EN.CITE JOLY19745390539JOLY, André1974Personne et temps dans le récit romanesqueRecherches anglaises et américaines7JOLY, André. 1974. Personne et temps dans le récit romanesque. Recherches anglaises et américaines 7., p. 103.

 Voir aussi à ce sujet :  ADDIN EN.CITE TOURATIER19891810181TOURATIER, Christian1989Récit et temps verbauxL'information grammaticale413-5TOURATIER, Christian. 1989. Récit et temps verbaux. L'information grammaticale 41:3-5.

 Ce qui ne remet pas en cause l’analyse de Benveniste, répétons-le, qui traite du récit historique et non du récit.

  ADDIN EN.CITE STAROBINSKI19704970497STAROBINSKI, Jean1970Le style de l'autobiographiePoétique3STAROBINSKI, Jean. 1970. Le style de l'autobiographie. Poétique 3., p.262. C’est l’auteur qui souligne.

  ADDIN EN.CITE STAROBINSKI19704970497STAROBINSKI, Jean1970Le style de l'autobiographiePoétique3Ibid., p. 264.

 On pense à La Modification de Michel Butor.

  ADDIN EN.CITE WEINRICH198926126WEINRICH, Harald1989Grammaire textuelle du françaisParisDidier-Hatiertrad. fr. 1989WEINRICH, Harald. 1989. Grammaire textuelle du français. Paris: Didier-Hatier., p.146-147.

 Un bon exemple de cet accent de pédanterie ridicule apparaît dans les propos exagérément policés du blanchisseur chinois d’un Lucky Luke : « Vous fûtes mon delnier honolable client, Mistel Luke. » Achdé & Gerra d’après Morris, La belle Province, Lucky Comics, 2004, p. 15.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p.168. C’est nous qui soulignons les termes « psychologiques » dans cette citation et les deux suivantes.
  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p.84.

  ADDIN EN.CITE DAMOURETTE19364941494DAMOURETTE, JeanPICHON, Emile1936Des mots à la penséeParisd'ArtreyT.VDAMOURETTE, Jean et PICHON, Emile. 1936b. Des mots à la pensée.vol. T.V. Paris: d'Artrey. 35 : 405.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p.178.

  ADDIN EN.CITE BENVENISTE19664801480BENVENISTE, Emile1966Problèmes de linguistique généraleParisGallimard1BENVENISTE, Emile. 1966a. Problèmes de linguistique générale.vol. 1. Paris: Gallimard., p. 243.

 ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19973770377LE GOFFIC, Pierre1997Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski.Cahiers de praxématique29135-155LE GOFFIC, Pierre. 1997b. Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski. Cahiers de praxématique 29:135-155., p.152. Des énoncés comme celui-ci confirment également l’opposition entre présent et passé :
« Il s’appelait Pinçon ce salaud-là, le commandant Pinçon. J’espère qu’à l’heure actuelle il est bien crevé (et pas d’une mort pèpère). Mais à ce moment-là, dont je parle, il était encore salement vivant le Pinçon. »

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77., p. 60.

 Ce sont d’ailleurs les termes choisis par Wagner et Pinchon. ADDIN EN.CITE WAGNER19625381538WAGNER, René-Léon.PINCHON, Jacqueline1962Grammaire du français classique et moderneParisHachetteWAGNER, René-Léon. et PINCHON, Jacqueline. 1962. Grammaire du français classique et moderne. Paris: Hachette., p. 349-353.

 Même si bien sûr, c’est le réinvestissement en sens de l’opposition qui compte et non la positivation d’un pôle. C’est pourquoi on peut imaginer que le sens donné à « défini » n’est pas tout à fait identique puisqu’il ne renvoie pas à la même opposition.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p. 80. C’est nous qui soulignons ainsi que dans les deux citations suivantes.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 304.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFIbid., p. 306.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p.105.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 158.

 Les énoncés Cela faisait deux ans qu’il vivait à Paris et Il vivait à Paris depuis deux ans sont synonymes mais il faut remarquer que le premier énoncé met en relation deux verbes au même temps, le premier entrant dans une expression présentant la durée qui prend en charge le deuxième verbe. Cette mise en relation, comme celle qui se fait entre depuis deux ans et il vivait permet de désigner la durée du procès vivait.
Il faut donc remarquer aussi que *Cela fit deux ans qu’il vécut à Paris n’est pas davantage acceptable.

 Une recherche sur les œuvres des cinquante dernières années de Frantext (487 textes) relativise un peu cette affirmation. On trouve, en effet, trois occurrences sous la plume de De Gaulle : « Mais toute la France comprend que le destin lui ouvre ainsi la chance d’accéder de nouveau, par un effort de guerre grandissant, à cette place qui fut la sienne depuis tant de siècles. » De Gaulle, Ch, Mémoires de Guerre : le salut, 1959, p.419. On peut penser que le ton solennel va de paire avec une hypercorrection et que le passé composé eût été plus approprié. D’ailleurs, le fait qu’on ait déjà signalé un emploi du passé simple avec hier chez De Gaulle et que Frantext relève deux autres emplois de passés simples avec depuis, tend à prouver un fait de langue individuel. Voici les deux autres occurrences de De Gaulle : « Depuis lors, j’éprouvai pour Sidi-lamine une estime et une amitié qui ne se sont pas altérés. » De Gaulle, Ch, Mémoires de Guerre : l’unité, 1956, p.124. et « mais, soudain, le chant d’un oiseau, le soleil sur le feuillage ou les bourgeons d’un taillis me rappellent que la vie, depuis qu’elle parut sur la terre, livre un combat qu’elle n’a jamais perdu. » De Gaulle, Ch, Mémoires de Guerre :le salut, 1959, p.289. Une seule occurrence apparaît par ailleurs, il s’agit d’une citation de Réverdy : « Depuis que naquit la critique… » Réverdy, P., Note éternelle du présent, 1958, p.131. Ces occurrences très rares me semblent devoir être classées à la marge.

 C’est bien le trait sémantique « indéfini » qui est en cause ici car un verbe au passé simple peut fort bien être relié à une expression qui désigne la durée et renvoie par la mise en relation à la durée du procès. Par exemple : « Il vécut à Paris de 1975 à 1985 ». On peut cependant aussi s’interroger sur la sémantique lexicale du verbe que nous avons employé pour notre démonstration, le verbe vivre présente-t-il en lui-même une limitation de combinaison avec des repères de durée – ce qui impliquerait alors de mettre à son actif nos résultats et non plus à celui de l’opposition imparfait-passé simple ?
Le verbe vivre, en particulier quand il est mis en relation avec un lieu, ici à Paris, a une valeur imperfective. Cette valeur imperfective ne limite pas, en elle-même, la mise en relation avec des expressions de durée en pendant et depuis, comme nous avons pu le voir dans nos exemples puisqu’il se combine avec les deux. On peut le confirmer avec des exemples au présent : Il vit à Paris depuis deux ans, Il vit à Paris pendant deux ans.  Elle limite par contre l’emploi d’une durée en en comme l’a montré Leeman-Bouix. Elle montre aussi qu’on ne peut pas combiner des verbes perfectifs comme trouver avec des expressions de durée en pendant et depuis :
*Il trouve (trouvait) (trouva) une bague pendant deux heures.
*Il trouve (trouvait) (trouva) une bague depuis deux heures.
Seules les formes verbales composées peuvent être mises en relation avec une expression de durée en depuis :
Il a trouvé une bague depuis deux heures,
car, dans ce cas, l’expression de durée n’est pas mise en relation avec le procès mais avec l’accompli désigné par la forme composée. Elle calcule donc la durée écoulée après le procès et non la durée du procès.
Toujours est-il, on le voit bien, que ce n’est pas la valeur perfective ou imperfective qui joue un rôle dans nos oppositions.  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 52.

 Compléments d’objets : « Il parlait de Pierre à Paul », compléments de lieu : « Il allait de Paris à Vienne. », pour ne parler que des plus courants.

 Ce test peut être élargi en remplaçant 19 par tous les chiffres. Cette expression «  de (chiffre) à » n’est jamais mise en relation avec un verbe à l’imparfait dans le corpus de Frantext de 1950 à 2000. Inversement, on trouve sept occurrences de cette expression mise en relation avec un verbe au passé simple. Même si ces occurrences sont peu nombreuses, l’opposition avec l’imparfait nous semble significative parce que les énoncés au passé simple ne posent pas de problème de grammaticalité mais aussi et surtout, parce que l’imparfait étant une forme temporelle très employée, l’absence d’occurrence risque peu d’être accidentelle sur un corpus aussi vaste (489 œuvres de 1950 à 2000).

 GRACQ, J., En lisant en écrivant, 1980, p. 217.

 BOUDARD, A., La cerise, 1963, p. 260.

 FALLET, R., Carnets de jeunesse, 1947, p. 70.

 ABELLIO, R., Heureux les pacifiques, 1946, p. 223.

 MICHELET J, Histoire romaine, 1831, p. 120.

 Une analyse complémentaire en syntaxe serait nécessaire pour rendre compte des types de contrainte.

 Nous verrons pourtant dans le chapitre II-2-2-2-2-3 sur les effets de sens de l’imparfait que cette expression peut accompagner un « imparfait de narration ». Sans doute, l’analyse des effets de sens permet-elle d’affiner cette opposition : postposé, le repère de durée désignerait une durée définie du procès et contredirait le sens de l’imparfait ; alors que préposé, il désignerait les bornes de façon extérieure, ce que rend possible le trait « indéfini » de l’imparfait.

  ADDIN EN.CITE VETTERS19931230123VETTERS, Carl1993Passé simple et imparfait : un couple mal assortiLangue française100p.14-30décembre 1993VETTERS, Carl. 1993. Passé simple et imparfait : un couple mal assorti [décembre 1993]. Langue française 100:p.14-30., p.27.

 Gracq Julien, Le Rivage des Syrtes, 1951, p. 445.

 BEAUVOIR Simone de, Les Mandarins, 1954, p. 157.

 Au chapitre intitulé «Définition et indéfinition d’une suite de procès ».

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44DUCROT, Oswald. 1983. L'imparfait en français. In Studies in Descriptive Linguistics, ed. F. HAUSMANN, 25-44. Heidelberg: Julius Groos., p.41-42.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44Ibid., p.41. Précisons cependant que si Ducrot ne met pas d’astérisque, c’est parce qu’on peut trouver un contexte qui annule cette incompatibilité « Je ne comprends pas Jean : le mois dernier il allait cinq fois au cinéma, et, ce mois-ci, il n’est sorti qu’une fois. » Ducrot précise qu’alors l’imparfait n’est plus itératif mais sert à désigner un contraste.

 C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44DUCROT, Oswald. 1983. L'imparfait en français. In Studies in Descriptive Linguistics, ed. F. HAUSMANN, 25-44. Heidelberg: Julius Groos., p.42. Par ailleurs, Ducrot montre bien la différence entre plusieurs et quelques, plusieurs renvoyant à une quantité numérique (ou discontinue), même si ce nombre n’est pas indiqué alors que quelques renvoie à une pluralité indénombrable, globale (Ducrot le fait commuter avec du)

 Ducrot ne formule pas, cependant, de la sorte, sa conclusion. Il rattache ce fait à une notion de globalité de la période temporelle, globalité qu’il fait correspondre, sémantiquement, à celle d’habitude, qui devient un attribut de l’actant.

 On pourrait nous reprocher, du moins à cette étape de notre recherche, de ne pas recourir à la notion d’aspect. Nous verrons plus loin les rapports que notre analyse entretient avec cette notion d’aspect.
 Il peut y avoir cependant contradiction entre l’imparfait et un repère temporel qui mettrait en cause la désignation indéfinie de l’imparfait. Sans doute, faut-il comprendre ainsi l’opposition entre repère temporel préposé et repère temporel postposé, leur portée se différenciant par la précision complémentaire des limites non définies (préposition) et la désignation de la durée indiquée par le procès à l’imparfait (postposition). Cela reste à approfondir, peut-être dans le cadre d’une approche syntaxique thème-prédicat.

  ADDIN EN.CITE JACQUARD19975501550JACQUARD, Albert1997Petite philosophie à l'usage des non-philosophesParisCalman-LévyJACQUARD, Albert. 1997. Petite philosophie à l'usage des non-philosophes. Paris: Calman-Lévy., p. 33.

  ADDIN EN.CITE MINKOWSKI1995 [1933]5401540MINKOWSKI, E;1995 [1933]Le temps vécuParisPUFMINKOWSKI, E;. 1995 [1933]. Le temps vécu. Paris: PUF., p. 150, le lien entre la description de cette « figure temporelle » et le passé simple est fait par  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC19973770377LE GOFFIC, Pierre1997Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski.Cahiers de praxématique29135-155LE GOFFIC, Pierre. 1997b. Temps, temps vécu, temps linguistique. A propos des conceptions de G. Guillaume et de E. Minkowski. Cahiers de praxématique 29:135-155., p. 151.

 Nous reviendrons plus loin à l’analyse aspectuelle.

  ADDIN EN.CITE CONFAIS199563163CONFAIS, Jean-Paul1995Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemandToulousePresse Universitaire du Mirail355CONFAIS, Jean-Paul. 1995. Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemand. Toulouse: Presse Universitaire du Mirail., p. 210.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 154.

 Cette remarque nous sera utile plus loin.

  ADDIN EN.CITE PHILLIPE-COATEVAL 19965432543PHILLIPE-COATEVAL, Annick. 1996 Le statut du démonstratif en français. Analyse formelle et analyse conceptuelleSciences du langageRennesUniversité Rennes 2382S. AllairePHILLIPE-COATEVAL 19965432543PHILLIPE-COATEVAL, Annick. 1996 Le statut du démonstratif en français. Analyse formelle et analyse conceptuelleSciences du langageRennesUniversité Rennes 2382S. AllairePHILLIPE-COATEVAL, Annick. 1996. Le statut du démonstratif en français. Analyse formelle et analyse conceptuelle, Sciences du langage, Université Rennes 2., p.45-46.

  ADDIN EN.CITE DE MULDER19942700270DE MULDER, Walter1994La "création du monde" par l'article défini - Le, marqueur évidentielLangue française102108-119DE MULDER, Walter. 1994. La "création du monde" par l'article défini - Le, marqueur évidentiel. Langue française 102:108-119., p.109.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 159.

 Notons aussi que, dans la détermination nominale, l’opposition article défini/article indéfini s’oppose en bloc à l’indétermination, l’absence de déterminant devant le nom. Il faudrait voir quel sens ce concept d’indétermination pourrait, peut-être, prendre pour le présent (et l’infinitif) qui opposent un zéro à l’opposition défini/indéfini.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan. , p. 169. C’est nous qui soulignons.

  ADDIN EN.CITE WILMET19871760176WILMET, Marc1987L'éternel imparfait : à propos de Points de vue sur l'imparfait, P. LE GOFFIC et aliiModèles linguistiques9,2pp. 169-177WILMET, Marc. 1987. L'éternel imparfait : à propos de Points de vue sur l'imparfait, P. LE GOFFIC et alii. Modèles linguistiques 9,2:pp. 169-177.

 Mais aussi « accompli / inaccompli » qui pose problème car il crée une confusion avec l’opposition temps simples/ temps composés.

  ADDIN EN.CITE MARTIN19714771477MARTIN, Robert1971Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en moyen français.ParisKlincksieckMARTIN, Robert. 1971. Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en moyen français. Paris: Klincksieck.
 ADDIN EN.CITE WILMET19761121112WILMET, Marc1976Etudes de morpho-syntaxe verbaleBibliothèque française et romane. Série A, Manuels et études linguistiquesParisKlincksieckREF RENNES 2 : XD 9257WILMET, Marc. 1976. Etudes de morpho-syntaxe verbale. Paris: Klincksieck.

  ADDIN EN.CITE ROHRER19815137513ROHRER, Christian1981Quelques remarques sur les différences entre depuis / à partir de et dans une heure / une heure plus tardSCHWARZE, CristophAnalyse des prépositionsTubingenNiemeyer158-170ROHRER, Christian. 1981. Quelques remarques sur les différences entre depuis / à partir de et dans une heure / une heure plus tard. In Analyse des prépositions, ed. Cristoph SCHWARZE, 158-170. Tubingen: Niemeyer.
 ADDIN EN.CITE VET19801501150VET, Co1980Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporainGenèveDrozVET, Co. 1980. Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporain. Genève: Droz.

  ADDIN EN.CITE CULIOLI19782627262CULIOLI, Antoine1978Valeurs aspectuelles et opérations énonciatives : l'aoristiqueDAVID, JeanMARTIN, RobertLa notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz- 18-20 mai 1978ParisKlincksieckCULIOLI, Antoine. 1978. Valeurs aspectuelles et opérations énonciatives : l'aoristique. In La notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz- 18-20 mai 1978, eds. Jean DAVID et Robert MARTIN. Paris: Klincksieck.
 ADDIN EN.CITE DESCLES19782737273DESCLES, Jean-PierreGUENTCHEVA, Z.1978Construction formelle de la catégorie grammaticale de l'aspectDAVID, JeanMARTIN, RobertLa notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz - 18-20 mai 1978.ParisKlincksieck195-237DESCLES, Jean-Pierre et GUENTCHEVA, Z. 1978. Construction formelle de la catégorie grammaticale de l'aspect. In La notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz - 18-20 mai 1978., eds. Jean DAVID et Robert MARTIN, 195-237. Paris: Klincksieck.

  ADDIN EN.CITE BERTHONNEAU19931850185BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1993Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomiqueLangages11255-77BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1993. Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomique. Langages 112:55-77., p. 55.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 306.

  ADDIN EN.CITE MARTIN19714771477MARTIN, Robert1971Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en moyen français.ParisKlincksieckMARTIN, Robert. 1971. Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en moyen français. Paris: Klincksieck., p. 70.

  ADDIN EN.CITE MARTIN19714771477MARTIN, Robert1971Temps et aspect. Essai sur l'emploi des temps narratifs en moyen français.ParisKlincksieckIbid., p.95.

 « Le schéma d’incidence peut très bien être interprété comme un microtexte qui montre l’opposition aspectuelle de façon exemplaire. »  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 302.

 Le choix des verbes emprunté à Leeman-Bouix est dû au fait que ces exemples n’offrent pas de contre-exemples liés à leur polysémie.  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 51-52.

 ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 293. On trouve également cette notion, entre autres, dans les descriptions proposées par :
Wilmet qui parle de « verbes à terme intérieur ».  ADDIN EN.CITE WILMET19971141114WILMET, Marc1997Grammaire critique du françaisLouvain-la-NeuveDuculotp300 et suivantes sur imp/passé simpleREF RENNES 2 : 445/136WILMET, Marc. 1997. Grammaire critique du français. Louvain-la-Neuve: Duculot., § 392.
Leeman-Bouix, pour qui, un verbe perfectif « indique par lui-même qu’un résultat est atteint […], comporte l’implication d’une fin. »  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 52.
Klum distingue, quant à lui, les modes d’action et emploie l’expression « verbes à/sans terme fixe » pour éviter la confusion entre aspect lexical et aspect des temps à laquelle peut conduire l’appellation perfectif / imperfectif .  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 105.

 Molendijk, à propos de l’exemple « A sept heures, Jean se leva. Il était content » parle d’ « englobement » du point de repère par le procès à l’imparfait et le relie à l’analyse aspectuelle : «’il être content’ est déjà vrai avant le moment désigné par à 7 heures et continue (selon toute vraisemblance) d’être vrai après ce moment. […]  Le fait rapporté par une phrase à l’IMP englobe temporellement le moment qui lui sert de référence [c’est-à-dire, par exemple, à 8 heures]. Cette analyse s’accorde parfaitement avec l’opinion traditionnellement reçue selon laquelle l’IMP nous présente ce qui est rapporté comme vu de l’intérieur. Cette ‘perspective interne’ implique que le récepteur se place en pensée à un moment de l’axe temporel qui se situe après la limite initiale du fait rapporté et avant sa limite finale. »  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19853200320MOLENDIJK, Arie1985Point référentiel et imparfaitLangue française6778-93MOLENDIJK, Arie. 1985. Point référentiel et imparfait. Langue française 67:78-93., p. 80-81.

 De même, l’expression de X à Y , dont nous avons remarqué qu’elle n’apparaissait pas avec l’imparfait, pourrait être employée avec un imparfait de narration :  Il nous quittait illico. Il préparait ses bagages,de onze heures à midi. A midi, il avait fil酠

 Vetters (1988, 1989, 1992a, 1992b), Molendjik (1990). Nous y revenons au chapitre suivant.

  ADDIN EN.CITE MULLER19755230523MULLER, Claude1975Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de tempsLe Français moderne4312-38MULLER, Claude. 1975. Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de temps. Le Français moderne 43:12-38.
 ADDIN EN.CITE MARTIN19783167316MARTIN, Robert1978"Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspectDAVID, JeanMartin, RobertLa notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 maiParisKlincksieck167-179MARTIN, Robert. 1978. "Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspect. In La notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 mai, eds. Jean DAVID et Robert Martin, 167-179. Paris: Klincksieck.
 ADDIN EN.CITE FUCHS19785320532FUCHS, Catherine1978Quelques phénomènes syntaxiques et lexicaux d'aspectRecherches linguistiques5-693-102FUCHS, Catherine. 1978. Quelques phénomènes syntaxiques et lexicaux d'aspect. Recherches linguistiques 5-6:93-102.
 ADDIN EN.CITE AUDIBERT-GIBIER20005172517AUDIBERT-GIBIER, Monique2000Examen du fonctionnement de quelques adverbes argumentatifs et aspectuels en français écrit et parlé contemporainAix-MarseilleUniversité de Provence507BLANCHE-BENVENISTE, Claire. Directeur de thèseThèse de doctoratdéjàAUDIBERT-GIBIER, Monique. 2000. Examen du fonctionnement de quelques adverbes argumentatifs et aspectuels en français écrit et parlé contemporain, Université de Provence: Thèse de doctorat.
 ADDIN EN.CITE HOEPELMAN19852930293HOEPELMAN, J.ROHRER, C.1985"Déjà" et "encore" et les temps du passé du françaisLangue française67119-143HOEPELMAN, J. et ROHRER, C. 1985. "Déjà" et "encore" et les temps du passé du français. Langue française 67:119-143.
 ADDIN EN.CITE VET19801501150VET, Co1980Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporainGenèveDrozVET, Co. 1980. Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporain. Genève: Droz.
 ADDIN EN.CITE VET19885087508VET, Co1988Temps verbaux et compléments adverbiaux de temps : leur contribution à la cohésion du texte narratifNOLKE, HenningOpérateurs syntaxiques et cohésion discursiveCopenhagueNyt Nordisk Forlag Arnold BusckVET, Co. 1988. Temps verbaux et compléments adverbiaux de temps : leur contribution à la cohésion du texte narratif. In Opérateurs syntaxiques et cohésion discursive, ed. Henning NOLKE. Copenhague: Nyt Nordisk Forlag Arnold Busck.
Mais aussi HANSEN qui a fait paraître deux articles où elle substitue encore à déjà dans le titre :
 ADDIN EN.CITE HANSEN20005197519HANSEN, Maj-Britt Mosegaard2000La polysémie de l'adverbe déjàLETH HanneNOLKE, HenningLe Français parlé : corpus et résultatKobenhavnMuseum Tusculanum157-177HANSEN, Maj-Britt Mosegaard. 2000. La polysémie de l'adverbe déjà. In Le Français parlé : corpus et résultat, eds. LETH Hanne et Henning NOLKE, 157-177. Kobenhavn: Museum Tusculanum.
 ADDIN EN.CITE HANSEN20025180518HANSEN, Maj-Britt Mosegaard2002La polysémie de l'adverbe encoreTravaux de linguistique44143-166HANSEN, Maj-Britt Mosegaard. 2002. La polysémie de l'adverbe encore. Travaux de linguistique 44:143-166.

  ADDIN EN.CITE MULLER19755230523MULLER, Claude1975Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de tempsLe Français moderne4312-38MULLER, Claude. 1975. Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de temps. Le Français moderne 43:12-38., p. 12.


 Tels que ces exemples : « les petites gens… ils avaient dû faire des sottises, sans s’en rendre compte, bien sûr, mais tout de même ils étaient coupables et c’était déjà bien gentil qu’on leur donne ainsi en souffrant l’occasion d’expier leurs indignités… »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 120.
« Non seulement cette jeunesse parlait le français en zézayant, mais elle savait encore présenter la quinine dans la confiture et vous traquer les puces « chiques » dans la profondeur des pieds. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p.196.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 53.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 59.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 148.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 182.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.240. Dans cet exemple, déjà est ambigü, il peut aussi bien porter sur le verbe cheminer que sur la notion de quantité tellement.

  ADDIN EN.CITE MULLER19755230523MULLER, Claude1975Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de tempsLe Français moderne4312-38MULLER, Claude. 1975. Remarques syntactico-sémantiques sur certains adverbes de temps. Le Français moderne 43:12-38., p. 32.

 Vet exprime ainsi cette notion de précocité : « la fonction de déjà y consiste à indiquer que l’intervalle pendant lequel [le procès] est vrai se situe plus tôt dans le temps qu’on ne l’avait cru. » ADDIN EN.CITE VET19801501150VET, Co1980Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporainGenèveDrozVET, Co. 1980. Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporain. Genève: Droz., p. 151. Il y a pour lui contradiction entre l’assertion et la présupposition de même que pour encore.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 185.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 185.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 300.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 300.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 220.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 360.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 79.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 102.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 182.

  ADDIN EN.CITE MARTIN19783167316MARTIN, Robert1978"Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspectDAVID, JeanMartin, RobertLa notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 maiParisKlincksieck167-179MARTIN, Robert. 1978. "Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspect. In La notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 mai, eds. Jean DAVID et Robert Martin, 167-179. Paris: Klincksieck., p. 174.

 Sur déjà, voir aussi :
 ADDIN EN.CITE PAILLARD19925260526PAILLARD, Denis1992A propos de déjàL'information grammaticale55PAILLARD, Denis. 1992. A propos de déjà. L'information grammaticale 55.

  ADDIN EN.CITE VET19801501150VET, Co1980Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporainGenèveDrozVET, Co. 1980. Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporain. Genève: Droz., p. 154.

  ADDIN EN.CITE CELINE19365041504CELINE, Ferdinand1936Mort à créditParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1936. Mort à crédit. Paris: Gallimard., p. 604.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 228.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 26.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 256.

 Voir la définition de l’itérativité en encore par Hansen : « La présupposition logique sur la validité de p avant m0 reste, avec la modification importante qu’au moins une transition en ~p se soit déjà effectuée avant m0, moment pour lequel la vérité de p est de nouveau assertable. »  ADDIN EN.CITE HANSEN20025180518HANSEN, Maj-Britt Mosegaard2002La polysémie de l'adverbe encoreTravaux de linguistique44143-166HANSEN, Maj-Britt Mosegaard. 2002. La polysémie de l'adverbe encore. Travaux de linguistique 44:143-166., p. 150.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 15.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 316.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 89.

 Sur encore, on peut consulter également :
 ADDIN EN.CITE VITTORI19925200520VITTORI, BFUCHS, Catherine1992Construire un espace sémantique pour représenter la polysémie d'un marqueur lexical : l'exemple de encoreLinguisticae Investigationes16-1125-153VITTORI, B et FUCHS, Catherine. 1992. Construire un espace sémantique pour représenter la polysémie d'un marqueur lexical : l'exemple de encore. Linguisticae Investigationes 16-1:125-153.
 ADDIN EN.CITE FUCHS19935247524FUCHS, Catherine1993Position, portée et interprétation des circonstants. Encore et les circonstants de localisation temporelleGUIMIER, C.1001 circonstantsCaenPresses universitaires de Caen253-283NOLKE19945211521NOLKE, Henning1994Les adverbes paradigmatisants : Fonction et analyse.CopenhagueAkademisk ForlagFUCHS, Catherine. 1993. Position, portée et interprétation des circonstants. Encore et les circonstants de localisation temporelle. In 1001 circonstants, ed. C. GUIMIER, 253-283. Caen: Presses universitaires de Caen, NOLKE, Henning. 1994. Les adverbes paradigmatisants : Fonction et analyse. Copenhague: Akademisk Forlag.
 ADDIN EN.CITE MULLER19995227522MULLER, Claude1999Encore et toujours les modifieurs aspectuels : de encore à toujoursPLENAT, MarcAURNAGUE, M.CONDAMINES, A.MAUREL, J.P.MOLINIER, Ch.MULLER, ClaudeL'emprise du sens. Structures linguistiques et interprétationsAmsterdamRodopi217-237MULLER, Claude. 1999. Encore et toujours les modifieurs aspectuels : de encore à toujours. In L'emprise du sens. Structures linguistiques et interprétations, eds. Marc PLENAT et al., 217-237. Amsterdam: Rodopi.
 ADDIN EN.CITE FRANCKEL19885251525FRANCKEL, Jean-Jacques1988Etudes de quelques marqueurs aspectuels du françaisParisDrozFRANCKEL, Jean-Jacques. 1988. Etudes de quelques marqueurs aspectuels du français. Paris: Droz.

 Même en tenant compte du fait que l’imparfait est abondamment employé par Céline. Quoique Céline soit réputé pour son emploi du passé composé en place du passé simple, le passé simple est loin d’occuper une place secondaire dans ses deux premiers récits.

 Guillaume argue de l’impossibilité commune au passé simple et au futur de se combiner avec déjà pour justifier de leur parenté. Voir à ce sujet  ADDIN EN.CITE MOIGNET19573180318MOIGNET, Gérard1957Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structuraleLe Français moderne25161-169MOIGNET, Gérard. 1957. Pitié pour l'indicatif, ou nomenclature grammaticale et linguistique structurale. Le Français moderne 25:161-169.,  ADDIN EN.CITE BONDY19581630163BONDY, Léon1958En marge des discussions sur les modes et les tempsLe Français moderne26, 2pp.93-100BONDY, Léon. 1958. En marge des discussions sur les modes et les temps. Le Français moderne 26, 2:pp.93-100.  ADDIN EN.CITE BONDY19595360536BONDY, Léon1959Principes et méthodesLe français moderne27173-198BONDY, Léon. 1959. Principes et méthodes. Le français moderne 27:173-198.

 Servan-Schreiber, L’Express, 15-9-1960.

 L’Express, 14-5-59.

 GIDE A., Journal I, p. 815. Ces trois exemples sont cités par  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 201.

  ADDIN EN.CITE MARTIN19783167316MARTIN, Robert1978"Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspectDAVID, JeanMartin, RobertLa notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 maiParisKlincksieck167-179MARTIN, Robert. 1978. "Déjà" et "encore" : de la présupposition à l'aspect. In La notion d'aspect, colloque organisé par le centre d'analyse syntaxique de l'Université de Metz, 18-20 mai, eds. Jean DAVID et Robert Martin, 167-179. Paris: Klincksieck., p. 176.

 de STAEL, G, Corinne, t. 3, p. 180.

 MICHELET, J., Introduction à l’histoire universelle, p. 408.

 de BEAUVOIR, Simone, Mémoire d’une jeune fille rangée, p. 191.

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 201.

  ADDIN EN.CITE VET19801501150VET, Co1980Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporainGenèveDrozVET, Co. 1980. Temps, aspects et adverbes de temps en français contemporain. Genève: Droz., p. 154.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p.49.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 51.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 397.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 111.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 182.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 293.

 « L’affirmation que l’aspect imperfectif exprime un événement dans sa dynamique évolutive ou un état de choses dans sa persistance […] devient formellement compréhensible sur le plan syntaxique du fait que le membre imperfectif peut fournir la base d’un acte d’incidence. » ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311Ibid., p. 295.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p. 88.

 C’est vrai aussi de lorsque. Nous renvoyons à ce sujet au logiciel réalisé par Elsie Riou, Anne-Sophie Blaise et Maryse Métayer sur l’enseignement du schéma d’incidence en FLE.  ADDIN EN.CITE RIOU20065352535RIOU, Elsie2006Analyse d'une séquence d'enseignement de l'imparfait et du passé simpleRennesUniversité Rennes 2102 p.Mémoire de master 2RIOU, Elsie. 2006. Analyse d'une séquence d'enseignement de l'imparfait et du passé simple, Université Rennes 2: Mémoire de master 2.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 294.

 Touratier l’a bien remarqué qui dit que le passé simple présente le procès « comme un événement isolé et délimité dans sa globalité de fait objectif, ainsi que peut l’être une date dans un livre d’histoire. »  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p. 105.

  ADDIN EN.CITE CONFAIS199563163CONFAIS, Jean-Paul1995Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemandToulousePresse Universitaire du Mirail355CONFAIS, Jean-Paul. 1995. Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemand. Toulouse: Presse Universitaire du Mirail., p. 210.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 295.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 294.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 150.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 306

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 295.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 294.

  ADDIN EN.CITE CONFAIS199563163CONFAIS, Jean-Paul1995Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemandToulousePresse Universitaire du Mirail355CONFAIS, Jean-Paul. 1995. Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemand. Toulouse: Presse Universitaire du Mirail., p. 210.

  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19901461146MOLENDIJK, Arie1990Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienneAmsterdamRodopiMOLENDIJK, Arie. 1990. Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienne. Amsterdam: Rodopi.

  ADDIN EN.CITE VETTERS19931230123VETTERS, Carl1993Passé simple et imparfait : un couple mal assortiLangue française100p.14-30décembre 1993VETTERS, Carl. 1993. Passé simple et imparfait : un couple mal assorti [décembre 1993]. Langue française 100:p.14-30., p. 21.

 Sur la théorie de Weinrich et ses liens avec les théories de Hamburger et de Benveniste, voir aussi :  ADDIN EN.CITE LUSCHER19983047304LUSCHER, Jean-Marc1998Les approches textuellesMoeschler, JacquesLe temps des événements. Pragmatique de la référence temporelle.ParisKimé87-100LUSCHER, Jean-Marc. 1998. Les approches textuelles. In Le temps des événements. Pragmatique de la référence temporelle., ed. Jacques Moeschler, 87-100. Paris: Kimé.

  ADDIN EN.CITE WEINRICH197325125WEINRICH, Harald1973Le TempsLe Seuiltrad.fr. 1973WEINRICH, Harald. 1973. Le Temps: Le Seuil., p. 114.

  ADDIN EN.CITE WEINRICH197325125WEINRICH, Harald1973Le TempsLe Seuiltrad.fr. 1973Ibid., p.114-115.

  ADDIN EN.CITE WEINRICH197325125WEINRICH, Harald1973Le TempsLe Seuiltrad.fr. 1973Ibid., p. 115.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 302.
Maingueneau  l’explicite bien par ailleurs : « Ce schéma d’incidence ne se limite cependant pas aux frontières de la phrase, il fonctionne tout aussi bien dans le cadre d’unités transphrastiques et joue alors un rôle capital dans l’organisation textuelle, dépassant ainsi la stricte perspective aspectuelle perfectif/imperfectif. Les formes imperfectives s’y groupent autour de formes perfectives pour leur servir de base d’incidence, et chaque ensemble [forme(s) perfectives(s) + forme(s) imperfective(s) associée(s)] constitue une unité textuelle cohérente à l’intérieure d’une totalité narrative plus vaste. »  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p. 88.

 Sur ce sujet, voir aussi :
 ADDIN EN.CITE ADAM19761520152ADAM, Jean-Michel1976Langue et texte : Imparfait/Passé simplePratiques10ADAM, Jean-Michel. 1976. Langue et texte : Imparfait/Passé simple. Pratiques 10.
 ADDIN EN.CITE ADAM19941177117ADAM, Jean-Michel1994Le passé simple : Pierre d'angle du récit?Le texte narratifParisNathan-Université223-254ADAM, Jean-Michel. 1994. Le passé simple : Pierre d'angle du récit? In Le texte narratif, 223-254. Paris: Nathan-Université.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p.105.

  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinIbid., p.104.

 ADDIN EN.CITE LAURENDEAU19983100310LAURENDEAU, Paul1998Moment de l'énonciation, temps de l'énoncé et ordre de procèsCahiers Chronos3177-198LAURENDEAU, Paul. 1998. Moment de l'énonciation, temps de l'énoncé et ordre de procès. Cahiers Chronos 3:177-198., p. 188.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC198622722LE GOFFIC, Pierre1986Que l'imparfait n'est pas un temps du passéLE GOFFIC, PierrePoints du vue sur l'ImparfaitCaenCentre de publications de l'université de Caen55-69LE GOFFIC, Pierre. 1986. Que l'imparfait n'est pas un temps du passé. In Points du vue sur l'Imparfait, ed. Pierre LE GOFFIC, 55-69. Caen: Centre de publications de l'université de Caen., p.60.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC198622722LE GOFFIC, Pierre1986Que l'imparfait n'est pas un temps du passéLE GOFFIC, PierrePoints du vue sur l'ImparfaitCaenCentre de publications de l'université de Caen55-69Ibid., p.61.

 C’est un terme employé par  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 304 : « La nette délimitation du procès explique le fonctionnement du passé simple dans un texte. Il est apte à introduire un repère temporel nouveau dans un récit au passé, sans s’appuyer nécessairement sur une indication chronologique explicite. Et, comme il individualise le procès, il est le plus approprié pour représenter les événements importants, les faits de premier plan. »

  ADDIN EN.CITE REICHENBACH19474341434REICHENBACH, H.1947Elements of symbolic logicNew-York. LondresThe Free PressREICHENBACH, H. 1947. Elements of symbolic logic. New-York. Londres: The Free Press.

  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19853200320MOLENDIJK, Arie1985Point référentiel et imparfaitLangue française6778-93MOLENDIJK, Arie. 1985. Point référentiel et imparfait. Langue française 67:78-93.
 ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19901461146MOLENDIJK, Arie1990Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienneAmsterdamRodopiMOLENDIJK, Arie. 1990. Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienne. Amsterdam: Rodopi.

  ADDIN EN.CITE VETTERS199634134VETTERS, Carl1996Temps, aspect et narrationFaux titreAmsterdam, AtlantaRodopi216ISSN 0167-9392AspectGrammaire comparée et généraleTemps linguistiqueTemps (philosophie)Temps dans la littératureVETTERS, Carl. 1996. Temps, aspect et narration. Amsterdam, Atlanta: Rodopi.

  ADDIN EN.CITE DE SAUSSURE19975150515DE SAUSSURE, Louis1997Passé simple et encapsulation d'événementsCahiers de linguistique française19323-344DE SAUSSURE, Louis. 1997. Passé simple et encapsulation d'événements. Cahiers de linguistique française 19:323-344.
 ADDIN EN.CITE DE SAUSSURE19985167516DE SAUSSURE, Louis1998L'encapsulation d'événements. L'exemple du passé simpleMoeschler, JacquesLe temps des événementsParisKimé245-270DE SAUSSURE, Louis. 1998. L'encapsulation d'événements. L'exemple du passé simple. In Le temps des événements, ed. Jacques Moeschler. Paris: Kimé.

  ADDIN EN.CITE VET19915107510VET, Co1991The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and PerspectiveFLEISCHMAN, S.WAUGH, Linda R.Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from RomanceLondon/New YorkRoutledge7-25VET, Co. 1991. The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and Perspective. In Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from Romance, eds. S. FLEISCHMAN et Linda R. WAUGH, 7-25. London/New York: Routledge.

  ADDIN EN.CITE MOESCHLER199835135MOESCHLER, JacquesJAYEZ, JacquesKOZLOWSKA, MonikaLUSCHER, Jean-Marc1998Le temps des événements : pragmatique de la référence temporelleArgumentation-sciences du langageParisKimé348pragmatiqueAspectTemps linguistiqueTemps logiqueLangage et langues - philosophieréférence (linguistique)Grammaire comparée et généraleespace et temps dans le langageMOESCHLER, Jacques, JAYEZ, Jacques, KOZLOWSKA, Monika et LUSCHER, Jean-Marc. 1998. Le temps des événements : pragmatique de la référence temporelle. Paris: Kimé.

  ADDIN EN.CITE KAMP19835027502KAMP, HROHRER, C.1983Tense in textsBAUERLE, R.SCHWARZE, C.VON STECHOW, A.Meaning, use and interpretation of languageBerlinDe Gruyter250-269KAMP, H et ROHRER, C. 1983. Tense in texts. In Meaning, use and interpretation of language, eds. R. BAUERLE, C. SCHWARZE et A. VON STECHOW, 250-269. Berlin: De Gruyter. cités par  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77., p. 64.

  ADDIN EN.CITE KAMP19835027502KAMP, HROHRER, C.1983Tense in textsBAUERLE, R.SCHWARZE, C.VON STECHOW, A.Meaning, use and interpretation of languageBerlinDe Gruyter250-269KAMP, H et ROHRER, C. 1983. Tense in texts. In Meaning, use and interpretation of language, eds. R. BAUERLE, C. SCHWARZE et A. VON STECHOW, 250-269. Berlin: De Gruyter., p. 260.

  ADDIN EN.CITE BRES20032457245BRES, Jacques2003Non, le passé simple ne contient pas l'instruction [+progression]Cahiers ChronosKlincksieck1199-112BRES, Jacques. 2003. Non, le passé simple ne contient pas l'instruction [+progression]. In Cahiers Chronos, 99-112: Klincksieck.


 Tous ces exemples et leur analyse sont extraites de l’article de Bres (2003).

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77., p.62. L’exemple qu’elle cite est emprunté à  ADDIN EN.CITE KAMP19835027502KAMP, HROHRER, C.1983Tense in textsBAUERLE, R.SCHWARZE, C.VON STECHOW, A.Meaning, use and interpretation of languageBerlinDe Gruyter250-269KAMP, H et ROHRER, C. 1983. Tense in texts. In Meaning, use and interpretation of language, eds. R. BAUERLE, C. SCHWARZE et A. VON STECHOW, 250-269. Berlin: De Gruyter., p. 261.

  ADDIN EN.CITE LAURENDEAU19983100310LAURENDEAU, Paul1998Moment de l'énonciation, temps de l'énoncé et ordre de procèsCahiers Chronos3177-198LAURENDEAU, Paul. 1998. Moment de l'énonciation, temps de l'énoncé et ordre de procès. Cahiers Chronos 3:177-198., p.188.

 Autre exemple de Kamp-Rohrer 1983 cité par Tasmoski-De Ryck 1985 et repris par Vetters 1993 : « L’année dernière, Jean escalada le Cervin. Le premier jour, il monta jusqu’à la cabane H. Il y passa la nuit. Ensuite il attaqua la face nord. Douze heures plus tard il arriva au sommet. »
  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 307.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 290.

  ADDIN EN.CITE SCHARLAU19695331533SCHARLAU, B.1969Eine Darstellung der Anaphorik im SpanischenFranckfortMainSCHARLAU, B. 1969. Eine Darstellung der Anaphorik im Spanischen. Franckfort: Main., p. 18. Cité par  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311., p. 289.

  ADDIN EN.CITE POLLAK19761480148POLLAK, Wolfgang1976Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidenceLe Français moderne44pp. 289-311POLLAK, Wolfgang. 1976. Un modèle explicatif de l'opposition aspectuelle : le schéma d'incidence. Le Français moderne 44:pp. 289-311.

 Probable néologisme de la part de Céline, homophone de chaotique.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 170.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.257.

 Nous renvoyons pour cette notion à Genette : il s’agit d’une « restriction de champ » sur un personnage impliquant que « le narrateur ne dit que ce que sait [ce] personnage. »
 ADDIN EN.CITE GENETTE19725531553GENETTE, Gérard1972Figures IIIParisSeuilGENETTE, Gérard. 1972. Figures III. Paris: Seuil., p. 206-211.

 A moins de ne considérer que la description consiste à figer chaque attitude comme le propose Ducrot à propos de cet extrait de Diderot : « A midi M. de Villeneuve entra. Nous étions dans le salon et y formions un tableau très agréable. M. Crimp se faisait peindre. M. de Lambert lisait dans un coin. Je jouais aux échecs avec Mme d’Houdetot. »
Ducrot commente :
« Bien que certains [énoncés] soient constitués avec des verbes exprimant des procès, on a l’impression, en les lisant, d’une description statique du salon à un moment précis. On ne raconte pas que Crimp s’est fait peindre ou que Diderot a joué aux échecs, on les montre dans l’attitude, l’un, de l’homme qui pose, l’autre de l’homme qui joue aux échecs. »  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44DUCROT, Oswald. 1983. L'imparfait en français. In Studies in Descriptive Linguistics, ed. F. HAUSMANN, 25-44. Heidelberg: Julius Groos., p.35.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 368-369.

 Le passé simple fit auquel s’associe, deux lignes plus loin, le passé composé sont venus, permet de clôturer un récit qui menaçait de ne pas trouver ses limites.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 368-369.

 SIMENON, La danseuse du Gai-Moulin, cité par  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77., p. 75.

 Auto-Hebdo, 18.6.1997, cité par  ADDIN EN.CITE SAUSSURE20055310531SAUSSURE, Louis deSTHIOUL, Bertrand2005Imparfait et enrichissement pragmatiqueCahiers Chronos14103-120SAUSSURE, Louis de et STHIOUL, Bertrand. 2005. Imparfait et enrichissement pragmatique. Cahiers Chronos 14:103-120.

  ADDIN EN.CITE SAUSSURE20055310531SAUSSURE, Louis deSTHIOUL, Bertrand2005Imparfait et enrichissement pragmatiqueCahiers Chronos14103-120Ibid., p. 104.

 Par exemple :  ADDIN EN.CITE DUCROT19791450145DUCROT, Oswald1979L'imparfait en françaisLinguistische Berichte601-23DUCROT, Oswald. 1979. L'imparfait en français. Linguistische Berichte 60:1-23.
 ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77.

 Sur l’histoire de l’imparfait de l’imparfait de rupture voir  ADDIN EN.CITE MULLER19661477147MULLER, Charles1966Pour une étude diachronique de l'imparfait narratifMélanges de grammaire française offerts à M. GrévisseGemblouxDuculotpp.253-269MULLER, Charles. 1966. Pour une étude diachronique de l'imparfait narratif. In Mélanges de grammaire française offerts à M. Grévisse, pp.253-269. Gembloux: Duculot.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44DUCROT, Oswald. 1983. L'imparfait en français. In Studies in Descriptive Linguistics, ed. F. HAUSMANN, 25-44. Heidelberg: Julius Groos., p.34.

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77., p. 63. : « Une petite enquête sur corpus (récits de fiction du XXème siècle) nous a non seulement convaincue du bien-fondé des observations de Klum, mais nous a de plus révélé combien l’IMP s’est imposé dans ce contexte. Ainsi n’y trouve-t-on pas un seul PS dans La madone des sleepings (M. Dekobra), Poker d’enfer (St. A. Steeman) ou A l’œil (A.Allais). »

  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p.187.

 Ainsi, Vetters, à la suite de Molendjik, s’attache à souligner l’inadéquation du terme imperfectif pour l’imparfait. Il postule que « l’imparfait est neutre pour l’aspect, [c’est-à-dire non seulement…] qu’il peut être imperfectif et perfectif mais aussi que sa valeur peut être indéterminée, se situant dans la zone grise entre perfectivité et imperfectivité. »  ADDIN EN.CITE VETTERS19931230123VETTERS, Carl1993Passé simple et imparfait : un couple mal assortiLangue française100p.14-30décembre 1993VETTERS, Carl. 1993. Passé simple et imparfait : un couple mal assorti [décembre 1993]. Langue française 100:p.14-30., p.22.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44DUCROT, Oswald. 1983. L'imparfait en français. In Studies in Descriptive Linguistics, ed. F. HAUSMANN, 25-44. Heidelberg: Julius Groos., p.33.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44Ibid., p.33.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44Ibid., p.33-34.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19833407340DUCROT, Oswald1983L'imparfait en françaisHAUSMANN, F.Studies in Descriptive LinguisticsHeidelbergJulius Groos25-44Ibid., p.34.

  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19853200320MOLENDIJK, Arie1985Point référentiel et imparfaitLangue française6778-93MOLENDIJK, Arie. 1985. Point référentiel et imparfait. Langue française 67:78-93., p. 91.
  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 308.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 152.

 A la suite de Granville-Hatcher, il utilise le terme de phrase-tremplin. «Il lui paraît passablement évident, pour des motifs psychologiques et dramatiques, qu’un auteur soit tenté de nous plonger en pleine activité verbale après des phrases-tremplins comme le jour suivant. La notion même de phrase-tremplin indique que c’est l’ordre [adverbe-verbe] qu’elle envisage surtout, ce qui donne à l’adverbe la véritable fonction de sujet psychologique. Par la phrase-tremplin, qui nous mène à une hauteur phraséologique, on peut donc « tomber » en pleine activité du verbe, fût-il d’un caractère instantané au point de vue logique. »  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p.191.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 308.

 cité par  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC198622722LE GOFFIC, Pierre1986Que l'imparfait n'est pas un temps du passéLE GOFFIC, PierrePoints du vue sur l'ImparfaitCaenCentre de publications de l'université de Caen55-69LE GOFFIC, Pierre. 1986. Que l'imparfait n'est pas un temps du passé. In Points du vue sur l'Imparfait, ed. Pierre LE GOFFIC, 55-69. Caen: Centre de publications de l'université de Caen., p.60.

  ADDIN EN.CITE LE GOFFIC198622722LE GOFFIC, Pierre1986Que l'imparfait n'est pas un temps du passéLE GOFFIC, PierrePoints du vue sur l'ImparfaitCaenCentre de publications de l'université de Caen55-69Ibid., p.60-61.

  ADDIN EN.CITE LABELLE19874680468LABELLE, M1987L'utilisation des temps du passé dans les narrations françaises, le passé composé, l'imparfait et le présent historiqueRevue romane22/13-29LABELLE, M. 1987. L'utilisation des temps du passé dans les narrations françaises, le passé composé, l'imparfait et le présent historique. Revue romane 22/1:3-29.

  ADDIN EN.CITE ANSCOMBRE19922420242ANSCOMBRE, Jean-Claude1992Imparfait et passé composé : des forts en thème/proposL'information grammaticale5543-53ANSCOMBRE, Jean-Claude. 1992. Imparfait et passé composé : des forts en thème/propos. L'information grammaticale 55:43-53.

  ADDIN EN.CITE KAMP19835027502KAMP, HROHRER, C.1983Tense in textsBAUERLE, R.SCHWARZE, C.VON STECHOW, A.Meaning, use and interpretation of languageBerlinDe Gruyter250-269KAMP, H et ROHRER, C. 1983. Tense in texts. In Meaning, use and interpretation of language, eds. R. BAUERLE, C. SCHWARZE et A. VON STECHOW, 250-269. Berlin: De Gruyter.

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK19855050505TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985Temps du passé : logique et apprentissageRevue internationale de philosophie155375-387TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77, TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985b. Temps du passé : logique et apprentissage. Revue internationale de philosophie 155:375-387.

  ADDIN EN.CITE HOUWELING19825030503HOUWELING, F.1982Deictic and Anaphoric Tense MorphemesJournal of Italian Linguistics71-30HOUWELING, F. 1982. Deictic and Anaphoric Tense Morphemes. Journal of Italian Linguistics 7:1-30.

  ADDIN EN.CITE MOESCHLER19925067506MOESCHLER, Jacques1992Référence temporelle et deixisKLEIBER, GeorgesWILMET, MarcActes du XXè Congrès International de Linguistique et Philologie RomanesTubingenG. Narr VerlagMOESCHLER, Jacques. 1992. Référence temporelle et deixis. In Actes du XXè Congrès International de Linguistique et Philologie Romanes, eds. Georges KLEIBER et Marc WILMET. Tubingen: G. Narr Verlag.

  ADDIN EN.CITE VET19865077507VET, CoMOLENDIJK, Arie1986The Discourse Functions of Past Tenses of FrenchLO CASCIO, V.VET, CoTemporal Structure in Sentence and DiscourseDordrechtForis133-159VET, Co et MOLENDIJK, Arie. 1986. The Discourse Functions of Past Tenses of French. In Temporal Structure in Sentence and Discourse, eds. V. LO CASCIO et Co VET, 133-159. Dordrecht: Foris.

  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19901461146MOLENDIJK, Arie1990Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienneAmsterdamRodopiMOLENDIJK, Arie. 1990. Le passé simple et l'imparfait : une approche reichenbachienne. Amsterdam: Rodopi.
 ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19935117511MOLENDIJK, Arie1993Présuppositions, implications, structure temporelleVETTERS, CarlLe temps, de la phrase au texteVilleneuve d'AscqPresses Universitaires de Lille167-191MOLENDIJK, Arie. 1993. Présuppositions, implications, structure temporelle. In Le temps, de la phrase au texte, ed. Carl VETTERS, 167-191. Villeneuve d'Ascq: Presses Universitaires de Lille.
 ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19945127512MOLENDIJK, Arie1994Tense Use and Temporal Orientation : the "passé simple" and "imparfait" of FrenchVET, CoVETTERS, CarlTense and Aspect in Sentence and DiscourseAmsterdam/BerlinMouton/ De GruyterMOLENDIJK, Arie. 1994. Tense Use and Temporal Orientation : the "passé simple" and "imparfait" of French. In Tense and Aspect in Sentence and Discourse, eds. Co VET et Carl VETTERS. Amsterdam/Berlin: Mouton/ De Gruyter.

  ADDIN EN.CITE VET19885087508VET, Co1988Temps verbaux et compléments adverbiaux de temps : leur contribution à la cohésion du texte narratifNOLKE, HenningOpérateurs syntaxiques et cohésion discursiveCopenhagueNyt Nordisk Forlag Arnold BusckVET19915107510VET, Co1991The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and PerspectiveFLEISCHMAN, S.WAUGH, Linda R.Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from RomanceLondon/New YorkRoutledge7-25VET, Co. 1988. Temps verbaux et compléments adverbiaux de temps : leur contribution à la cohésion du texte narratif. In Opérateurs syntaxiques et cohésion discursive, ed. Henning NOLKE. Copenhague: Nyt Nordisk Forlag Arnold Busck, VET, Co. 1991. The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and Perspective. In Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from Romance, eds. S. FLEISCHMAN et Linda R. WAUGH, 7-25. London/New York: Routledge.

  ADDIN EN.CITE REICHENBACH19474341434REICHENBACH, H.1947Elements of symbolic logicNew-York. LondresThe Free PressREICHENBACH, H. 1947. Elements of symbolic logic. New-York. Londres: The Free Press.

  ADDIN EN.CITE KAMP19835027502KAMP, HROHRER, C.1983Tense in textsBAUERLE, R.SCHWARZE, C.VON STECHOW, A.Meaning, use and interpretation of languageBerlinDe Gruyter250-269KAMP, H et ROHRER, C. 1983. Tense in texts. In Meaning, use and interpretation of language, eds. R. BAUERLE, C. SCHWARZE et A. VON STECHOW, 250-269. Berlin: De Gruyter.

  ADDIN EN.CITE VETTERS19931230123VETTERS, Carl1993Passé simple et imparfait : un couple mal assortiLangue française100p.14-30décembre 1993VETTERS, Carl. 1993. Passé simple et imparfait : un couple mal assorti [décembre 1993]. Langue française 100:p.14-30., p.22. Sa définition est reprise à  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77. p.76.

  ADDIN EN.CITE BERTHONNEAU19931850185BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1993Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomiqueLangages11255-77BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1993. Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomique. Langages 112:55-77., p. 56.

 Exemple de  ADDIN EN.CITE DUCROT19791450145DUCROT, Oswald1979L'imparfait en françaisLinguistische Berichte601-23DUCROT, Oswald. 1979. L'imparfait en français. Linguistische Berichte 60:1-23., p. 29.

  ADDIN EN.CITE DUCROT19791450145DUCROT, Oswald1979L'imparfait en françaisLinguistische Berichte601-23Ibid., p.34

  ADDIN EN.CITE BERTHONNEAU19931850185BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1993Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomiqueLangages11255-77BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1993. Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomique. Langages 112:55-77.

  ADDIN EN.CITE KLEIN19845421542KLEIN, W.1984Time in LanguageLondresRoutledgeKLEIN, W. 1984. Time in Language. Londres: Routledge.

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19961971197GOSSELIN, Laurent1996Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspectLouvain-la-NeuveDuculotGOSSELIN, Laurent. 1996. Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspect. Louvain-la-Neuve: Duculot.


 Voir  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19961971197GOSSELIN, Laurent1996Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspectLouvain-la-NeuveDuculotIbid., p. 107-159.

 Exemple de  ADDIN EN.CITE VET19915107510VET, Co1991The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and PerspectiveFLEISCHMAN, S.WAUGH, Linda R.Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from RomanceLondon/New YorkRoutledge7-25VET, Co. 1991. The Temporal Structure of Discourse : Setting, Change and Perspective. In Discourse Pragmatics and the Verb. The Evidence from Romance, eds. S. FLEISCHMAN et Linda R. WAUGH, 7-25. London/New York: Routledge.

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane. 1985a. L'imparfait avec et sans rupture. Langue française 67:pp. 59-77.

  ADDIN EN.CITE TASMOWSKI-DE RYCK19851490149TASMOWSKI-DE RYCK, Liliane1985L'imparfait avec et sans ruptureLangue française67pp. 59-77Ibid., p. 70.

  ADDIN EN.CITE KLEIBER19931847184KLEIBER, Georges1993Lorsque l'anaphore se lie aux temps grammaticauxVetters, Carl117-166KLEIBER, Georges. 1993. Lorsque l'anaphore se lie aux temps grammaticaux, ed. Carl Vetters, 117-166.

  ADDIN EN.CITE BERTHONNEAU20032467246BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges2003Un imparfait de plus ... et le train déraillaitCahiers ChronosKlincksieck111-24BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 2003. Un imparfait de plus ... et le train déraillait. In Cahiers Chronos, 1-24: Klincksieck., p. 21. Voir aussi :  ADDIN EN.CITE BERTHONNEAU19931850185BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1993Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomiqueLangages11255-77BERTHONNEAU19982970297BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1998Imparfait, anaphore et inférencesChronos335-65BERTHONNEAU19991620162BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges1999Pour une réanalyse de l'imparfait de rupture dans le cadre de l'hypothèse anaphorique méronomiqueCahiers de praxématique32pp.119-166BERTHONNEAU20032467246BERTHONNEAU, Anne-MarieKLEIBER, Georges2003Un imparfait de plus ... et le train déraillaitCahiers ChronosKlincksieck111-24BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1993. Pour une nouvelle approche de l'imparfait : l'imparfait, un temps anaphorique méronomique. Langages 112:55-77, BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1998. Imparfait, anaphore et inférences. Chronos 3:35-65, BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 1999. Pour une réanalyse de l'imparfait de rupture dans le cadre de l'hypothèse anaphorique méronomique. Cahiers de praxématique 32:pp.119-166, BERTHONNEAU, Anne-Marie et KLEIBER, Georges. 2003. Un imparfait de plus ... et le train déraillait. In Cahiers Chronos, 1-24: Klincksieck.

 Voir  ADDIN EN.CITE MOLENDIJK19853200320MOLENDIJK, Arie1985Point référentiel et imparfaitLangue française6778-93MOLENDIJK, Arie. 1985. Point référentiel et imparfait. Langue française 67:78-93.

 Comme chez  ADDIN EN.CITE IRANDOUST19982940294IRANDOUST, Hengameh1998Episodes, cadres de référence et interprétation temporelle : Application à l'ImparfaitChronos367-89IRANDOUST, Hengameh. 1998. Episodes, cadres de référence et interprétation temporelle : Application à l'Imparfait. Chronos 3:67-89. qui critique, à son tour, la thèse de Berthonneau et Kleiber. Il apparaît, en somme, une sorte d’inflation dans les pouvoirs explicatifs de l’imparfait qui prend en charge toute la cohérence textuelle.

 Comme le souligne Vetters : « Quant au postulat de la déicticité fondamentale des temps verbaux, il est de toute façon concurrencé par le postulat de leur anaphoricité fondamentale. »  ADDIN EN.CITE VETTERS20015457545VETTERS, Carl2001Le conditionnel : ultérieur du non-actuelDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzVETTERS, Carl. 2001. Le conditionnel : ultérieur du non-actuel. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 171. On serait tenté d’ajouter « et vice-versa ».

  ADDIN EN.CITE VET19925097509VET, Co1992L'anaphore temporelle et l'opposition "défini"/"indéfini"BANYS, Wieslaw.BENARDCZUCK, Leszek.BOGACKI, Krzysztof.Etudes de linguistique romane et slaveCracovieEcole Normale Supérieure de Cracovie641-651VET, Co. 1992. L'anaphore temporelle et l'opposition "défini"/"indéfini". In Etudes de linguistique romane et slave, eds. Wieslaw. BANYS, Leszek. BENARDCZUCK et Krzysztof. BOGACKI, 641-651. Cracovie: Ecole Normale Supérieure de Cracovie.

 « L’article défini présuppose l’existence et l’unicité : il n’y a pas d’autre(s) référent(s) accessible(s) qui vérifie(nt) la description de la réalité désignée par le GN. »  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p. 154.

 ADDIN EN.CITE BRES19972470247BRES, Jacques1997Habiter le temps : le couple imparfait/passé simple en françaisLangages12777-95BRES19972470247BRES, Jacques1997Habiter le temps : le couple imparfait/passé simple en françaisLangages12777-95BRES, Jacques. 1997. Habiter le temps : le couple imparfait/passé simple en français. Langages 127:77-95., p.94.

  ADDIN EN.CITE CONFAIS199563163CONFAIS, Jean-Paul1995Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemandToulousePresse Universitaire du Mirail355CONFAIS, Jean-Paul. 1995. Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemand. Toulouse: Presse Universitaire du Mirail.

  ADDIN EN.CITE CONFAIS199563163CONFAIS, Jean-Paul1995Temps, mode, aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemandToulousePresse Universitaire du Mirail355Ibid., p. 412.

 Les recherches se poursuivant dans ce domaine, elles nous donneront peut-être l’occasion d’y revenir.


 Cette analyse prend sans doute toute sa force quand on la compare à l’analyse du conditionnel effectuée ultérieurement.

 Citons, au hasard, ces deux énoncés où le verbe au passé simple inscrit le procès qu’il désigne à l’intérieur du procès désigné par un verbe à l’imparfait :
« Ils étaient autour du vin de table et des marrons chez ma concierge quand je passai devant leur loge, pour la dernière fois. »
Le procès « passer » s’insère classiquement à l’intérieur du procès à l’imparfait qui présente le repas des concierges comme un continuum susceptible d’être découpé à tout moment. La famille de la concierge est à table avant et le reste après le départ furtif de Bardamu.
« Quand nous arrivâmes au bout de l’avenue de Clichy, à la Porte, la nuit était bien tombée déjà. »
La situation nocturne sert de décor englobant l’arrivée du taxi. Le procès au passé simple arrivâmes désignant, du fait de sa définition, un découpage du réel, peut s’inscrire à l’intérieur du procès au plus-que-parfait, décrivant l’accompli indéfini du procès, c’est-à-dire une situation résultative non délimitée.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 483.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 584.

 Ou au passé composé, nous ne nous y intéressons pas ici.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 216-217.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.217-218.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.177-179.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 160.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 40.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 36-37. C’est nous qui soulignons les verbes dans cet extrait et les suivants.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 139.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 170.


  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 440-441.

 Voir ci-dessus, p.201-202.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 368-369.

 Si on prend en compte les notations humanisant le cochon comme un homme qu’on dérange, il le comprenait. Et surtout la remarque implicite de début de description il geignait aussi lui dont le aussi ne renvoie à rien dans le passage et doit donc être interprété comme une comparaison du narrateur avec une image qu’il a en tête, celle de Bébert qui agonise, face à quoi le médecin est impuissant, celle de sa tante, celle de la fillette régulièrement suppliciée par ses parents…

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 188-193.
Nous n’en retranscrivons que le début de chaque paragraphe afin de souligner les méandres de la narration. L’ensemble du passage fait cinq pages.

 « On avait à peine le temps de les voir disparaître les hommes, les jours et les choses dans cette verdure, ce climat, la chaleur et les moustiques. Tout y passait, c’était dégoûtant, par bouts, par phrases, par membres, par regrets, par globules, ils se perdaient au soleil, fondaient dans le torrent de la lumière et des couleurs, et le goût et le temps avec, tout y passait. Il n’y avait que l’angoisse étincelante dans l’air. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 193.

 Par exemple, à la fin du troisième chapitre : « Après ce temps-là, les convois d’artillerie prirent toutes les routes dans un sens et les civils dans l’autre. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 44.

 On pourrait multiplier les exemples sur le thème de la dissolution. Celui-ci, cependant, où Bardamu, sur le point de fuir Rancy, se regarde se dissoudre parmi les passants : « Le long doigt du gaz dans l’entrée, cru et sifflant, s’appuyait sur les passants au bord du trottoir et les tournait en fantômes hagards et pleins, d’un seul coup, dans le cadre noir de la porte. Ils allaient ensuite se chercher un peu de couleur, les passants, ici et là, devant les autres fenêtres et les lampadaires et se perdaient finalement comme moi dans la nuit, noirs et mous. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 439. 

 Voir  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell.

 Cette difficulté à classer le conditionnel dans une temporalité a déjà été relevée. Vetters, par exemple, remarque que « le conditionnel présent se distingue du futur simple dans la mesure où – sans l’aide de compléments de temps ou d’autres indices contextuels – il n’est pas capable de spécifier la relation entre E et S. » Il emploie alors le terme d’ « opacité temporelle ». ADDIN EN.CITE VETTERS20015457545VETTERS, Carl2001Le conditionnel : ultérieur du non-actuelDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzVETTERS, Carl. 2001. Le conditionnel : ultérieur du non-actuel. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 170-171.
Voir aussi Wilmet : « Le COND recrée à l’indicatif l’indiscrimination des époques inhérente au subjonctif. » ADDIN EN.CITE WILMET20012017201WILMET, Marc2001L'architectonique du "conditionnel"Dendale P. et Tasmowski L.Le conditionnel en françaisParisKlincksieckRecherches Linguistiques n°25WILMET, Marc. 2001. L'architectonique du "conditionnel". In Le conditionnel en français, ed. Dendale P. et Tasmowski L. Paris: Klincksieck., p. 33.

 Cette analyse de Maingeneau témoigne des difficultés à appréhender le futur : « La morphologie montre bien que le futur est le résultat de visées de l’énonciateur à partir de son présent. Dans ces conditions, il n’est pas possible d’adopter la démarche de beaucoup de grammaires traditionnelles qui, après avoir défini la valeur déictique du FS, ajoutent quelques paragraphes consacrés à ses « valeurs modales ». En réalité, on ne doit pas considérer ces valeurs modales comme des emplois périphériques mais poser dès le départ qu’elles relèvent de plein droit du fonctionnement du futur et que ce sont plutôt les emplois non-modaux, « neutres » qui sont périphériques. Enoncer au futur, ce n’est pas situer un événement dans l’avenir, c’est désirer, ordonner, craindre, etc. Seule une vision réductrice du langage qui en fait un simple véhicule d’informations permet de rejeter dans les marges ce qui est en réalité l’essence même du futur : la tension modale. »  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p.101.

 Voir aussi ce commentaire de Curat : « Pour Guillaume, la sémiologie –r- est une marque de non-actualisation, et, a la charge d’incertitude inhérente à tout procès non factuel, c’est-à-dire dont la réalisation n’est ni achevée, ni actuelle en L, incertitude d’ordre temporel donc, le conditionnel ajoute ou substitue une seconde charge d’incertitude, d’ordre extra-temporel celle-là, exprimée par la condition. »
« En situant la coïncidence R=L dans le temps éventuel, le conditionnel déclare en fait une non-coïncidence R ( L dans le temps factuel auquel appartient l’instant actuel L. Cette opposition entre temps factuel et temps éventuel explique comment le point L peut être vu tantôt appartenir au temps factuel, dont il est le dernier instant, l’instant actuel, présent, et donc rester extérieur au temps éventuel (futur), et tantôt appartenir au temps éventuel, dont il est alors le premier instant (conditionnel). […] La différence entre les deux futurs du français est que R atteint ne laisse aucune incertitude au futur catégorique qui devient alors factuel, tandis que le conditionnel garde, même une fois R atteint, l’incertitude de sa condition extra-temporelle. »  ADDIN EN.CITE CURAT1991717CURAT, Hervé1991Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticaleLangue et cultures 24Genève ParisDroz337REF RENNES 2 : XD 445/20BU Sciences Lettres 44 500 CUR 000145TempsVerbesCURAT, Hervé. 1991. Morphologie verbale et référence temporelle en français moderne essai de sémantique grammaticale: Langue et cultures 24. Genève Paris: Droz., p. 191-192. « L » est le symbole de l’instant de l’énonciation, R est l’instant de référence du procès au temps.

  ADDIN EN.CITE LEEMAN-BOUIX199433133LEEMAN-BOUIX, Danielle1994Grammaire du verbe français; des formes au sensLinguistiqueParisNathanLEEMAN-BOUIX, Danielle. 1994. Grammaire du verbe français; des formes au sens: Linguistique. Paris: Nathan., p. 39.

  ADDIN EN.CITE NEF198651051NEF, Frédéric1986Sémantique de la référence temporelle en français moderneNEF, Frédéric. 1986. Sémantique de la référence temporelle en français moderne., p. 150.

  ADDIN EN.CITE MAINGUENEAU199436136MAINGUENEAU, Dominique1994L'énonciation en linguistique françaiseParisHachette SupérieurMAINGUENEAU, Dominique. 1994. L'énonciation en linguistique française. Paris: Hachette Supérieur., p.59-60.

 En effet, ce n’est pas à l’aune du réel que l’on peut juger ce qui est désigné par un énoncé renvoyant à cette réalité. Nous partageons les principes de Ducrot à ce sujet même si elles ne concernent pas le futur :
« Dire que X a fait une promesse, par exemple, c’est dire qu’il a présenté son énonciation comme étant pour lui l’origine d’une obligation nouvelle. C’est dire qu’il s’est donné comme assumant une obligation du fait de sa présente énonciation. D’où une première conclusion : l’aspect illocutoire de l’activité de parole lui confère une nécessaire référence à elle-même et permet déjà de lui reconnaître le « primat » indispensable à son étude structurale […]  Présenter son énonciation comme une promesse, c’est se présenter soi-même comme obligé – ce qui n’implique pas qu’on le soit. »  ADDIN EN.CITE DUCROT19842101210DUCROT, Oswald1984Le dire et le ditParisMinuitDUCROT, Oswald. 1984. Le dire et le dit. Paris: Minuit., p.78-79.
A propos du destinataire d’un ordre :
«  le Y qui reste libre n’est pas le destinataire en tant qu’il est l’objet de l’acte, c’est-à-dire le personnage de l’acte de parole, mais la personne, extérieure à cet acte, qui en a été l’objet. Ici encore, l’énonciation possède un sens définissable à l’intérieur du monde « idéal » dont elle est l’origine, et non pas dans la réalité historique où elle est insérée. » Et encore :
« il ne s’agit pas de décrire la parole de X par les conclusions que Y en a, en fait tirées, mais par le type de conclusions qu’il devait en tirer, en tant qu’il était le destinataire choisi par X. Beaucoup de difficultés de la sémantique linguistique tiennent à ce qu’on distingue mal le destinataire –personnage de la comédie illocutoire- et le récepteur réel du message. […] la variante structuraliste que je développe ne considère que le premier – cet autre par rapport auquel le discours prend son sens, mais qui est en même temps une projection, à la fois constitutif et constitué. » ADDIN EN.CITE DUCROT19842101210DUCROT, Oswald1984Le dire et le ditParisMinuitDUCROT, Oswald. 1984. Le dire et le dit. Paris: Minuit., p.79-81.

 sauf si la pendule s’arrête avant !

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 630.

 ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.91

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 572-573.


  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 240.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 304.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.48.

 L’injonction est une des interprétations possibles de cet énoncé. Le contexte, le ton permettrait de valider ou d’infirmer cette interprétation. Le contexte peut par exemple, consister en une précision sur le statut du futur ou en une alternance futur/impératif comme dans ces exemples donnés par Touratier :
Allons, en voilà assez. Vous quitterez cette femme. Tout-à-l’heure je vous en priais, maintenant je vous l’ordonne. (A. Dumas fils)
Ah ça, ôterez-vous votre pied ? Otez donc votre pied, voyons. (V.Hugo)
 ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p.178.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 18.

 D’ailleurs, face à l’indolence de Robinson, Madelon multiplie ces futurs, en vain :
« Si jamais vous relevez une seule fois la main sur moi, elle vous apprendra Madelon, comment il faut vous conduire dans la vie. »
« Ou bien que tu viens tout de suite avec moi ou bien que j’irai le voir demain matin !… »
« J’irai autant qu’on voudra, en prison moi ! Mais t’iras aussi alors toi dis ma vache ? … Tu te foutras pas de moi plus longtemps dis au moins ! » ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 615-616.

 Exemple de  ADDIN EN.CITE NOREIKO19803280328NOREIKO, Stephen F.1980Un modèle des temps verbaux du françaisRevue de linguistique romane44108-120NOREIKO, Stephen F. 1980. Un modèle des temps verbaux du français. Revue de linguistique romane 44:108-120., p.116.

  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFRIEGEL, Martin, PELLAT, Jean-Christophe et RIOUL, René. 1994. Grammaire méthodique du français. Paris: PUF., p.304.

 Exemple de  ADDIN EN.CITE RIEGEL199440140RIEGEL, MartinPELLAT, Jean-ChristopheRIOUL, René1994Grammaire méthodique du françaisParisPUFIbid., p..315.

  ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. 2001. Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire. In Le conditionnel en français, ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294. Metz: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques., p. 278. ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. 2001. Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire. In Le conditionnel en français, ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294. Metz: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques.

  ADDIN EN.CITE VETTERS20015457545VETTERS, Carl2001Le conditionnel : ultérieur du non-actuelDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzVETTERS, Carl. 2001. Le conditionnel : ultérieur du non-actuel. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 171-172.

 Il faut remarquer la convergence de l’analyse du syntagme hypothétique à ce sujet même si elle porte sur si + imparfait –que nous traduisons pour notre part, par un conditionnel, nous le verrons plus loin. En effet, selon Gosselin,  la valeur par défaut de si + imparfait est l’irréel, c’est un élément contextuel qui déclenche une valeur potentielle.  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19991787178GOSSELIN, Laurent1999Les valeurs de l'imparfait et du conditionnel dans les systèmes hypothétiquesVogeleer S., Borillo A., Vuillaume M. & Vetters C.La modalité sous tous ses aspects. Cahiers Chronos 4Amsterdam - Atlanta.Rodopi29-51GOSSELIN, Laurent. 1999. Les valeurs de l'imparfait et du conditionnel dans les systèmes hypothétiques. In La modalité sous tous ses aspects. Cahiers Chronos 4, ed. Borillo A. Vogeleer S., Vuillaume M. & Vetters C., 29-51. Amsterdam - Atlanta.: Rodopi., p. 40. Cela signifie que le sens « potentiel » -à opposer, ici à irréel- est lié à une interprétation temporelle de la non-coïncidence de la situation d’énoncé et dépend de l’introduction d’un élément contextuel, alors que son interprétation « irréelle » évacue la temporalité dans son analyse et c’est, effectivement, l’interprétation par défaut.

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19961971197GOSSELIN, Laurent1996Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspectLouvain-la-NeuveDuculotGOSSELIN, Laurent. 1996. Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspect. Louvain-la-Neuve: Duculot. C’est nous qui soulignons.



 Là encore, à priori, rien n’interdirait de paraphraser par « Au vu des premiers résultats, Monsieur X sera sans doute réélu », bien au contraire.

 Pour plus de détails sur la théorie polyphonique du conditionnel, on peut consulter :
 ADDIN EN.CITE DONAIRE19982780278DONAIRE, Maria Luisa1998La mise en scène du conditionnel ou quand le locuteur reste en coulissesLe français moderne66204-227DONAIRE, Maria Luisa. 1998. La mise en scène du conditionnel ou quand le locuteur reste en coulisses. Le français moderne 66:204-227.
 ADDIN EN.CITE HAILLET20022021202HAILLET, Pierre Patrick2002le conditionnel en français : une approche polyphoniqueParisOphrysHAILLET, Pierre Patrick. 2002. le conditionnel en français : une approche polyphonique. Paris: Ophrys.
 ADDIN EN.CITE HAILLET19952031203HAILLET, Pierre Patrick1995Le conditionnel dans le discours journalistique : essai de linguistique descriptiveNeuvilleBrefHAILLET, Pierre Patrick. 1995. Le conditionnel dans le discours journalistique : essai de linguistique descriptive. Neuville: Bref.
 ADDIN EN.CITE HAILLET19982040204HAILLET, Pierre Patrick1998Le conditionnel d'altérité énonciative et les formes du discours rapporté dans la presse écritePratiques100Metz, CRESEF63-79HAILLET, Pierre Patrick. 1998a. Le conditionnel d'altérité énonciative et les formes du discours rapporté dans la presse écrite. Pratiques 100:63-79.
 ADDIN EN.CITE HAILLET19982057205HAILLET, Pierre Patrick1998Quand un énoncé en cache un autre : le conditionnel et les relatives appositivesJ. Bres, R. Delamotte-Legrand, F.Madray-Lesigne & P. SiblotL'autre en discoursMontpellierMontpellier III213-238HAILLET, Pierre Patrick. 1998b. Quand un énoncé en cache un autre : le conditionnel et les relatives appositives. In L'autre en discours, ed. R. Delamotte-Legrand J. Bres, F.Madray-Lesigne & P. Siblot, 213-238. Montpellier: Montpellier III.
qui s’inspirent de la théorie de Ducrot.
Mais aussi ses détracteurs, comme  ADDIN EN.CITE SAUSSURE20065447544SAUSSURE, Louis de2006Quelle réalité derrière l'hypothèse polyphonique?Les mélanges André RousseauSAUSSURE, Louis de. 2006. Quelle réalité derrière l'hypothèse polyphonique? In Les mélanges André Rousseau.

 « On considère que la valeur basique du conditionnel journalistique n’est autre que l’expression d’une non-prise en charge […] de son Locuteur.  ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. 2001. Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire. In Le conditionnel en français, ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294. Metz: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques., p. 279.
Voir aussi :  ADDIN EN.CITE KORZEN19903267326KORZEN, HanneNOLKE, Henning1990Projet pour une théorie des emplois du conditionnelHalmoy, O.Halvorsen, A.Lorentzen, L.Actes du 11ème Congrès des Romanistes Scandinaves, Trondheim, 13-17 août 1990Université de Trondheim273-300KORZEN, Hanne et NOLKE, Henning. 1990. Projet pour une théorie des emplois du conditionnel. In Actes du 11ème Congrès des Romanistes Scandinaves, Trondheim, 13-17 août 1990, eds. O. Halmoy, A. Halvorsen et L. Lorentzen, 273-300: Université de Trondheim.
 Il s’agit de reconnaître un énonciateur dans tout énoncé dont le locuteur peut se distinguer ou avec lequel il peut se confondre. La non-prise en charge par le locuteur de son énoncé, éventuellement en usant du conditionnel, serait le propre d’une distinction du locuteur avec l’autre-énonciateur.

 «  le conditionnel épistémique […] a pour fonction première d’empêcher que le locuteur soit grammaticalement contraint de prendre en charge à son compte l’information à cause du mode présuppositionnel sur lequel cette information est présentée. Sa fonction est donc en premier lieu de signaler la non-prise en charge de l’information par le locuteur. »  ADDIN EN.CITE DENDALE19931223122DENDALE, Patrick1993Le conditionnel de l'information incertaine : marqueur modal ou marqueur évidentiel?Actes du XXè congrès international de linguistique et de philologie romaneUniversité de ZurichTübingen, Francke165-176DENDALE, Patrick. 1993. Le conditionnel de l'information incertaine : marqueur modal ou marqueur évidentiel? Communication présentée à Actes du XXè congrès international de linguistique et de philologie romane, Université de Zurich., p. 167-168.

 Abouda a consacré une thèse au conditionnel :  ADDIN EN.CITE ABOUDA19972072207ABOUDA, Lofti1997Recherches sur la syntaxe et la sémantique du conditionnel en français moderneUniversité de Paris VIIABOUDA, Lofti. 1997a. Recherches sur la syntaxe et la sémantique du conditionnel en français moderne, Université de Paris VII. Voir aussi :
 ADDIN EN.CITE ABOUDA19972400240ABOUDA, Lofti1997Le conditionnel : temps ou mode? Arguments syntaxiquesRevue romane32-2179-198ABOUDA, Lofti. 1997b. Le conditionnel : temps ou mode? Arguments syntaxiques. Revue romane 32-2:179-198.
 ADDIN EN.CITE ABOUDA19982360236ABOUDA, Lofti1998Vers une localisation syntaxique des modes verbaux. Cas de la phrase indépendanteCahiers Chronos3293-322ABOUDA, Lofti. 1998. Vers une localisation syntaxique des modes verbaux. Cas de la phrase indépendante. Cahiers Chronos 3:293-322.

  ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. 2001. Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire. In Le conditionnel en français, ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294. Metz: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques., p. 281.

 D’ailleurs, Abouda n’y prétend pas quand il restreint son analyse aux conditionnels journalistique, polémique et d’atténuation.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 29.

 Il serait intéressant de comparer cette remarque à celle des logiciens qui séparent « mondes possibles » et « mondes de croyance ». Nous renvoyons à ce propos à la distinction de Martin entre un ConditionnelU et un conditionnel m.  ADDIN EN.CITE MARTIN198324124MARTIN, Robert1983Pour une logique du sensParisPUFMARTIN, Robert. 1983. Pour une logique du sens. Paris: PUF.,p. 148-158.
 On peut comparer avec le texte substitué au futur « On nous couvrira de décorations, de fleurs, on passera sous l’Arc de Triomphe. On entrera au restaurant, on vous servira sans payer, on payera plus rien, jamais plus de la vie ! On est les héros ! qu’on dira au moment de la note… Des défenseurs de la Patrie ! Et ça suffira !… On payera avec de petits drapeaux français !… La caissière refusera même l’argent des héros et même elle vous en donnera, avec des baisers quand on passera devant sa caisse. ça vaudra la peine de vivre. » Il s’agit alors de procès potentiels définis, le futur représente l’adhésion du locuteur à son dire, même si cette adhésion peut être manifestement jouée.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p.28.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 414.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid. p. 409.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 624.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 439.

  ADDIN EN.CITE ABOUDA20012087208ABOUDA, Lofti2001Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire.P. Dendale & L. TasmowskiLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz, coll. Recherches Linguistiques25277-294ABOUDA, Lofti. 2001. Les emplois journalistiques, polémique, et atténuatif du conditionnel. Un traitement unitaire. In Le conditionnel en français, ed. P. Dendale & L. Tasmowski, 277-294. Metz: Université de Metz, coll. Recherches Linguistiques., p. 291.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 24.

 L’analyse d’un corpus montre que ce type de syntaxe considérée parfois comme à la base de l’explication du conditionnel est loin d’être la seule forme syntaxique méritant d’être étudiée. Des énoncés comme :
« Je ne pouvais pas le guérir moi, tant qu’il travaillerait dans les acides… »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.375.
« Des gens solides en deviendraient bizarres, à plus forte raison ces abrutis chimériques. » p. 148.
« Pour un billet en resquille, elles feraient stopper toute la ligne. » p. 298.
« Qui ne ferait pas sa poussière dans ces endroits-là, sur les sept heures, passerait pour un fameux cochon dans sa propre rue. » p. 302,
montrent la diversité et la richesse des emplois du conditionnel en syntaxe. Nous nous arrêterons pourtant ici à ce seul schéma syntaxique dans la mesure où notre recherche n’englobe pas tous les faits syntaxiques. Nous renvoyons également à l’article de  ADDIN EN.CITE BORILLO20015467546BORILLO, Andrée2001Le conditionnel dans la corrélation hypothétique en françaisDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz231-250BORILLO, Andrée. 2001. Le conditionnel dans la corrélation hypothétique en français. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 231-250. Metz: Université de Metz. qui traite de différents cas de syntaxe du conditionnel dans les hypothétiques.

 ADDIN EN.CITE BORILLO20015467546BORILLO, Andrée2001Le conditionnel dans la corrélation hypothétique en françaisDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz231-250BORILLO, Andrée. 2001. Le conditionnel dans la corrélation hypothétique en français. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 231-250. Metz: Université de Metz.
 ADDIN EN.CITE LEEMAN20015477547LEEMAN, Danielle2001Pourquoi ne peut-on pas combiner si et le conditionnel?DENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe Conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz211-230LEEMAN, Danielle. 2001. Pourquoi ne peut-on pas combiner si et le conditionnel? In Le Conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 211-230. Metz: Université de Metz.
 ADDIN EN.CITE MOESCHLER20015487548MOESCHLER, JacquesREBOUL, Anne2001Conditionnel et assertion conditionnelleDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe Conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz147-167MOESCHLER, Jacques et REBOUL, Anne. 2001. Conditionnel et assertion conditionnelle. In Le Conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 147-167. Metz: Université de Metz.
 ADDIN EN.CITE KREUTZ20015497549KREUTZ, Philippe2001"Une chatte n'y retrouverait pas ses jeunes". Polyphonie, scalarité et dispositionsDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe Conditionnel en françaisMetzUniversité de Metz345-362KREUTZ, Philippe. 2001. "Une chatte n'y retrouverait pas ses jeunes". Polyphonie, scalarité et dispositions. In Le Conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI, 345-362. Metz: Université de Metz.
 ADDIN EN.CITE VETTERS20015457545VETTERS, Carl2001Le conditionnel : ultérieur du non-actuelDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzVETTERS, Carl. 2001. Le conditionnel : ultérieur du non-actuel. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz.

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19991787178GOSSELIN, Laurent1999Les valeurs de l'imparfait et du conditionnel dans les systèmes hypothétiquesVogeleer S., Borillo A., Vuillaume M. & Vetters C.La modalité sous tous ses aspects. Cahiers Chronos 4Amsterdam - Atlanta.Rodopi29-51GOSSELIN, Laurent. 1999. Les valeurs de l'imparfait et du conditionnel dans les systèmes hypothétiques. In La modalité sous tous ses aspects. Cahiers Chronos 4, ed. Borillo A. Vogeleer S., Vuillaume M. & Vetters C., 29-51. Amsterdam - Atlanta.: Rodopi., p. 36. Vetters confirme cette remarque par la présence de deux phénomènes concordants :
« Si l’imparfait portait sur p, on aurait du mal à expliquer la présence dans la protase de compléments de temps futurs :
Si Luc était malade lundi prochain, ça serait ennuyeux
et de compléments perfectifs qui bornent le procès, incompatibles avec l’imperfectivité de l’imparfait :
a. Si je travaillais de 5h à 7h, on pourrait aller au cinéma à 8H.
b. Si ce documentaire durait 45’, on pourrait le mettre en le journal et le match de foot. »  ADDIN EN.CITE VETTERS20015457545VETTERS, Carl2001Le conditionnel : ultérieur du non-actuelDENDALE, PatrickTASMOWSKI, LilianeLe conditionnel en françaisMetzUniversité de MetzVETTERS, Carl. 2001. Le conditionnel : ultérieur du non-actuel. In Le conditionnel en français, eds. Patrick DENDALE et Liliane TASMOWSKI. Metz: Université de Metz., p. 188.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 417.

 On aurait l’équivalent prosodique à l’oral avec une clôture phrastique suivie d’une reprise éventuellement précédée d’un enfin.

 Nous ne développons pas cette remarque, laissant ouverte la recherche sur le présent pour un autre travail complémentaire. Il est bien évident que cette partie d’analyse demanderait à s’appuyer sur une analyse approfondie du présent.

 Touratier signale d’ailleurs expressément cette valeur : « C’est moins une valeur de futur proche qu’une valeur pure et simple de futur qu’il faut attribuer aux présents qui apparaissent normalement dans une subordonnée conditionnelle comme S’il pleut (demain), je ne sortirai pas.  ADDIN EN.CITE TOURATIER199638138TOURATIER, Christian1996Le système verbal françaisParisA. ColinTOURATIER, Christian. 1996. Le système verbal français. Paris: A. Colin., p. 76.

 Cette analyse n’explique pas pourquoi « les si n’aiment pas non plus les –rai ». On peut penser qu’il s’agit d’une analogie avec la syntaxe du conditionnel, d’autant que l’homophonie de la première personne des deux formes verbales peut expliquer bien des rapprochements. En effet, la mise en facteur du R dans l’hypothétique au conditionnel débouche logiquement sur la contrainte d’absence de répétition – de la même manière qu’on ne peut pas dire *les belles les élégantes pour les belles élégantes. Le futur aurait reproduit cette contrainte par simple analogie avec le conditionnel.

 Wilmet en résume très bien l’historique dans  ADDIN EN.CITE WILMET20012017201WILMET, Marc2001L'architectonique du "conditionnel"Dendale P. et Tasmowski L.Le conditionnel en françaisParisKlincksieckRecherches Linguistiques n°25WILMET, Marc. 2001. L'architectonique du "conditionnel". In Le conditionnel en français, ed. Dendale P. et Tasmowski L. Paris: Klincksieck., p. 25.
Pour plus de détails, on peut aussi consulter  ADDIN EN.CITE YVON195230030YVON, Henri1952Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français?Le Français moderne4 (20è année)ParisYVON, Henri. 1952. Faut-il distinguer deux conditionnels dans le verbe français? Le Français moderne 4 (20è année).

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 134.

  ADDIN EN.CITE TASSIE19633570357TASSIE, James1963Le conditionnel, tiroir uniquement modalRevue canadienne de linguistique920-30TASSIE, James. 1963. Le conditionnel, tiroir uniquement modal. Revue canadienne de linguistique 9:20-30.

 Ce type d’énoncé qui cumule prise en charge par un discours indirect passé et valeurs du conditionnel, peut être à la base du sentiment linguistique d’un sens toujours modal du conditionnel. En effet, si un futur en discours direct est obligatoirement transformé en conditionnel quand on le prend en charge dans un discours indirect passé, l’inverse n’est pas vrai. A un conditionnel dans un discours indirect introduit par un verbe au passé peut correspondre soit un futur, soit un conditionnel en discours direct.

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19961971197GOSSELIN, Laurent1996Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspectLouvain-la-NeuveDuculotGOSSELIN, Laurent. 1996. Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspect. Louvain-la-Neuve: Duculot., p. 46-47.

  ADDIN EN.CITE GOSSELIN19961971197GOSSELIN, Laurent1996Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l'aspectLouvain-la-NeuveDuculotIbid., p. 63.

 On peut joindre à ce futur des historiens ce type d’énoncé :« Pierre Scize, qui a entendu comme moi, comme tous, demandera le lendemain dans son article : « Le Président est-il sourd ? ». Giono, Dominici, 75. Cité par  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell., p. 263.


 Vallotton, Fersen, 95. Cité par  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellIbid.

  ADDIN EN.CITE IMBS1960616IMBS, Paul1960L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptiveParisKlincksieckIMBS, Paul. 1960. L'emploi des temps verbaux en français moderne; essai de grammaire descriptive. Paris: Klincksieck., p.46.

 Exemple cité par  ADDIN EN.CITE KLUM19614491449KLUM, Arne1961Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporainUppsalaAlmquist et WiksellKLUM, Arne. 1961. Verbe et adverbe. Etude sur le système verbal de l'indicatif et sur le système de certains adverbes de temps à la lumière des relations verbo-adverbiales dans la prose du français contemporain. Uppsala: Almquist et Wiksell.

 Notre analyse du futur demande à être complétée encore car le futur simple est à mettre en opposition avec le futur périphrastique et le subjonctif (j’espère qu’il viendra, je souhaite qu’il vienne). Cela ne peut se faire sans analyser en profondeur présent et subjonctif. Nous nous sommes arrêtée au seuil de l’analyse du présent, mis hors-jeu de notre analyse par la distribution, mais dont la neutralité vis à vis des traits sémantiques « potentiel » et  « défini » permet peut-être de comprendre les multiples effets de sens. Quant au subjonctif, il requiert une analyse que nous n’avons pas même ébauchée ici mais qui devrait nous permettre d’appréhender le système verbal en français, ce à quoi notre recherche, forcément partielle, ne nous permet pas encore d’aboutir.


  ADDIN EN.CITE BURGER19622500250BURGER, André1962Essai d'analyse d'un système de valeursCahiers Ferdinand de Saussure1967-76BURGER, André. 1962. Essai d'analyse d'un système de valeurs. Cahiers Ferdinand de Saussure 19:67-76., p. 69.

  ADDIN EN.CITE BURGER19622500250BURGER, André1962Essai d'analyse d'un système de valeursCahiers Ferdinand de Saussure1967-76Ibid., p. 69.

  ADDIN EN.CITE BURGER19612510251BURGER, André1961Significations et valeur du suffixe verbal français -è-Cahiers Ferdinand de Saussure185-15BURGER, André. 1961. Significations et valeur du suffixe verbal français -è-. Cahiers Ferdinand de Saussure 18:5-15., p.13

  ADDIN EN.CITE BURGER19612510251BURGER, André1961Significations et valeur du suffixe verbal français -è-Cahiers Ferdinand de Saussure185-15Ibid., p.15.

 L’inactuel, au sens de « qui ne réfère pas à l’actualité du parleur au moment de la parole » est une définition encore trop temporelle à notre goût, car elle se réfère au moment de la parole pour construire une actualité. Pour nous, le moment de la parole n’est qu’un des paramètres de la situation d’énoncé, paramètres parmi lesquels on ne peut établir nulle hiérarchie.
  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 120.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.30.

 Voir à ce sujet notre analyse du conditionnel.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 266.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 198.

 Notons que ce brouillage entre deux points de vue utilise d’autres procédés que celui qu’autorise le conditionnel dans Voyage au bout de la nuit. Un exemple, pour montrer qu’il s’agit bien d’une volonté délibérée de créer un brouillage de l’énonciation :
« Comme si j’avais su où j’allais, j’ai eu l’air de choisir encore et j’ai changé de route, j’ai pris sur ma droite une autre rue, mieux éclairée,  « Broadway » qu’elle s’appelait. »    ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 247.
Les expressions comme si j’avais su où j’allais et surtout « j’ai eu l’air » désignent un regard extérieur sur le personnage, ce qui en soi, est incompatible avec le je. On a alors l’impression que le narrateur se replongeant dans ses souvenirs n’adopte pas le point de vue du personnage mais celui d’un observateur de cette arrivée, point de vue dédoublé par la connaissance acquise par le narrateur, puisque le comme si implique que ce n’est là qu’une apparence.

 Sans compter que l’attribution du conditionnel au discours indirect libre du personnage peut correspondre aussi à un conditionnel et non à un futur. C’est le cas dans cet exemple où Bardamu s’imagine essayer de convaincre son colonel de l’absurdité de la guerre. On ne peut savoir si le conditionnel sert un scénario imaginaire ou si le narrateur anticipe sur la suite du récit :
« « Qu’est-ce que vous voulez ? » me demanderait-il, j’imaginais, très surpris bien sûr par mon audacieuse interruption. Je lui expliquerais alors les choses telles que je les concevais. On verrait ce qu’il en pensait, lui. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 26.
Bardamu s’imagine essayer de convaincre son colonel de l’absurdité de la guerre. Ce que dit l’emploi du conditionnel, par le trait non-défini qui l’oppose au futur, c’est le peu de crédibilité que le narrateur accorde à la réalisation du procès possible. Mais est-ce le narrateur-personnage conscient du peu de chances d’aboutir de sa démarche qui choisit le conditionnel pour décrire un scénario imaginaire dans un discours indirect libre ou est-ce le point de vue du narrateur-rétrospectif qui opère ?

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 196.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 25.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 430.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 572-573.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 17.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 18.

 Il faudra en effet au héros voir la guerre de près pour s’extraire de cette naïveté. En ce sens, le dialogue du départ est véritablement fondateur du roman, du moins dans son acception picaresque.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardCELINE, Ferdinand. 1932. Voyage au bout de la nuit. Paris: Gallimard., p. 17.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 15, 16.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 19.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.119.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.185

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.119.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.185.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.69.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.275-276.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p.57. Le narrateur justifie d’ailleurs immédiatement cette cruauté : « J’étais pas content d’avoir donné mes cent sous. Il y avait ces cent sous entre nous. ça suffit pour haïr, cent sous, et désirer qu’ils crèvent tous. Pas d’amour à perdre dans ce monde, tant qu’il y aura cent sous. »

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 215.

  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 202.

 Deux passages sont particulièrement marquants, celui où Bardamu devenu bouc-émissaire de l’Amiral Bragueton est menacé de mort et improvise un discours en parodiant ses bourreaux pour leur interdire tout recours :
«… De quelle abominable médisance messieurs, êtes-vous devenus les victimes ? Aller jusqu’à penser que moi, votre frère en somme, je m’entêtais à répandre d’immondes calomnies sur votre compte d’héroïques officiers ! C’est trop ! vraiment c’est trop ! Et cela au moment même où ils s’apprêtent ces braves, ces incomparables braves à reprendre, avec quel courage, la garde sacrée de notre immortel empire colonial ! poursuivis-je. –Là où les plus magnifiques soldats de notre race se sont couverts d’une gloire éternelle…. »  ADDIN EN.CITE CELINE19324921492CELINE, Ferdinand1932Voyage au bout de la nuitParisGallimardIbid., p. 158.
L’autre est le discours inventé par Bardamu pour convaincre le commandant de la station de quarantaine aux Etats-Unis de l’intérêt de ses compétences :
« J’y crois au dénombrement des puces ! C’est un facteur de civilisation parce que le dénombrement est la base d’un matériel de statistique des plus précieux ! … Un pays progressiste doit connaître le nombre de ses puces, divisées par sexe, groupe d’âges, années et saisons… »
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