Arnaud NUYTS Le 14 novembre 1996 - Unité de droit international ...
34 Bxs Ibis); Objectifs généraux du système Bruxelles I (selon la Cour de justice):
..... en fonction des circonstances, dont l'absence de fourniture de matériaux par
..... défaut prononcé sans examen du bien fondé de la demande ni motivation
peut être .... En cas d'opposition, la procédure simplifiée communautaire s'arrête.
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Université Libre de Bruxelles, Université d'Europe
DROIT INTERNATIONAL PRIVE
PARTIE GENERALE
Prof. Arnaud Nuyts
Plan du cours et bibliographie
Structure générale du cours
Introduction générale
I. Notions de base du droit international privé
II. Sources du droit international privé
Première partie Les règles générales
Chap. I Les conflits de juridictions
Sect. I. Introduction
Sect. II. La compétence internationale
Sect. III. Leffet des jugements
Sect. IV. Les procédures communautaires simplifiées
Sect. V. Lassistance judiciaire internationale
Chap. II Les conflits de lois
Sect. I. Position du problème de conflit de lois
Sect. II. Diversité des méthodes de solution
Sect. III. La règle de conflit en DIP belge et européen
Ouvrages généraux en langue française
Rigaux et Fallon, Droit international privé, 3e éd., Larcier
Erauw, Fallon et al (dir.), Le Code de droit international privé commenté, Intersentia/Bruylant, 2006
Mayer et Heuzé, Droit international privé, 10e éd., Montchrestien
Loussouarn, Bourel et de Vareilles-Sommières, Droit international privé, 10e éd., Dalloz
Audit et dAvout, Droit international privé, 7e éd., Economica
Muir Watt et Bureau, Droit international privé, 3e ed, PUF
Niboyer, de Geouffre de la Pradelle, Droit international privé, 4e éd.
Gaudemet-Tallon, Compétence et exécution des jugements en Europe, 4e éd.
INTRODUCTION GENERALE
Notions de base de la matière
Sources du droit international privé
I. Notions de base de la matière
Lexpression droit international privé
Le domaine du droit international privé
Conception particulariste v. universaliste
A. Lexpression « droit international privé »
Première notion apparue au XIXe siècle
Pendant de la notion de droit international public : relations entre Etats ; dans les deux cas, né du constat de la division du monde en Etats souverains ; « Public » : relations entre Etats
« Privé » : pour viser quil sagit des conséquences de la division du monde sur le statut privé des individus, personnes physiques ou morales, et les rapports quils entretiennent (comp. public : relations entre Etats)
« International » : rattachement de la situation avec plusieurs systèmes juridiques ; aucune population constituée en Etat ne peut vivre en autarcie sur son propre territoire ; très grand essor en pratique de la « vie privée internationale » (exemples : mariage Bel. / Canadien ; succession dun français vivant en Bel. avec immeubles / meubles dispersés ; contrat soc. Bel. / soc. NY ; accident de ski en Fr. impliquant Bel. / All. ; faillite dune société belge avec succursales en Fr. et actifs en Suisse
Diversité des « critères de rattachement » dune situation juridique privée avec plusieurs Etats : nationalité, domicile, localisation dun objet, dun fait juridique, rattachement subjectif par la volonté humaine, etc.
Nuances au caractère privé: (i) absence de frontière nette entre DIPublic et DIPrivé : limplication des Etats ou organismes étatiques dans les relations privées
(ii) incidence croissante de règles de droit public ou administratif sur les relations privées (par ex., droit de la concurrence, régulation des marchés, etc)
Objectif traditionnel assigné au droit international privé : coordonner la diversité des systèmes juridiques pour parvenir à lharmonie des solutions (ex. situation de divorcé ; indemnisation dun dommage, traitement dune faillite)
B. Domaine
Division en deux parties principales
(i) Les conflits de lois : questions relatives à la détermination du droit applicable (droit matériel) à une situation juridique ; pas dapplication nécessaire de la lex fori
(ii) Les conflits de juridictions : questions relatives au contentieux privé international devant les juridictions étatiques (compétence des tribunaux, effet des jugements ; procédure internationale : cf. signification et notification, obtention des preuves)
Chronologie : compétente internationale, loi applicable, effet des jugements
Importance croissante des conflits de juridictions dans la pratique et dans la jurisprudence
Deux autres matières parfais comprises dans le domaine du droit international privé : (i) la nationalité (facteur de rattachement utilisé pour certaines règles de conflit de juridictions et de lois, et question de conflit de nationalité : renvoi) ; (ii) la condition des étrangers (réglementation des droits individuels réservés aux étrangers)
C. Conception universaliste v. particulariste
Opposition entre deux grandes conceptions du droit international privé
Expression « droit international privé » traduit une conception universaliste : ordonnancement des conflits de juridictions et de lois par des normes supérieures aux lois internes
En réalité : absence de réglementation supranationale globale de la matière ; absence dautorité supérieure chargée dénoncer les règles et de les sanctionner
Conséquence : traditionnellement, chaque Etat régit selon ses propres vues les relations privées internationales, par des règles de conflits de juridictions et de lois de source nationale ; conception particulariste du droit international privé
Expression « droit international privé » trompeuse ; paradoxe de lexistence dun droit international privé comparé ; terminologie alternative : droit privé international ; terminologie de common law : « conflict of laws » ; expression trompeuse également : vise aussi les questions de compétence et deffet des jugements; en général, pas de « conflit » au sens propre du terme
Inadéquation dune approche strictement particulariste : (i) antinomique avec lobjectif dassurer luniformité des solutions ; même si de source nationale, le droit international privé devrait sinspirer de principes susceptibles dêtre érigés en règles universelles ; expression « droit international privé » a lavantage de souligner ce que la discipline devrait être
(ii) Développement croissant des sources supranationales, notamment dans lUnion européenne
II. Sources du droit international privé
Diversité des sources : internationales, européennes, nationales
A. Sources internationales
Conventions bilatérales : principalement dans le domaine de lassistance judiciaire et des conflits de juridictions ; assez anciennes
Conventions multilatérales : distinction entre les conventions de droit matériel (unification des règles substantielles ; surtout en matière de vente internationale, transports internationaux (maritime, aérien, tourier, ferroviaire) et de propriété intellectuelle), les conventions de conflits de lois (unification des règles déterminant la loi applicable), les conventions de conflits de juridictions (Traité simple ou double)
Conférence de La Haye de droit international privé (www.hcch.net); organisation permanente depuis 1893 ; vise lunification progressive des règles du droit international privé ; réunion dune conférence diplomatique en principe tous les quatre ans
Conventions portant sur la plupart des matières du droit international privé ; les plus largement ratifiées ont trait à la coopération judiciaire (signification des actes et obtention des preuves à létranger), aux obligations alimentaires, au droit de la famille ; rôle accru des conventions organisant la coopération entre autorités (enlèvement denfants, adoption, responsabilité parentale et protection des enfants)
Conventions des Nations Unies (CNUDCI - UNCITRAL) ; quelques conventions intéressant le droit international privé (cf. Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises)
Autres sources internationales
Droit international coutumier : influence très faible ; principe de liberté des Etats détendre lapplication de leurs lois et juridictions (jugements et actes publics) à des personnes, biens et actes hors de leur territoire ; seule limitation : linterdiction pour les Etats daccomplir un acte de contrainte sur le territoire dun autre Etat (arrêt Lotus du 7 sept. 1927, Série A, n° 10) ; arrêt ancien ; évolution des conceptions ; limite dans lexercice abusif de la compétence (législative ou juridictionnelle) par les Etats ; le cas des législations à portée extra-territoriale, notamment dans le domaine de la réglementation économique (droit de la concurrence, échanges extérieurs, etc.) ; réaction sous la forme de protestations et de contre-mesures
Lex mercatoria : usages entre commerçants, parfois codifiés (Incoterms, Règles et Usances Uniformes relatives au crédit documentaire), jurisprudence des tribunaux arbitraux, principes généraux (cf. Principes Unidroit)
B. Sources européennes
Audit, n° 64 s.
Mayer et Heuzé, n° 31-1
Rigaux et Fallon, n° 2.27 s.
Evolution de la matière : quatre phases principales
(a) Traité de Rome, article 220 (ensuite 293) du Traité CE ; encouragement à la coopération entre Etats membres en vue de faciliter la libre circulation des jugements ; adoption classique de conventions internationales
Adoption sur cette base de la Convention de Bruxelles de 1968 sur la compétence judiciaire et leffet des décisions en matière civile et commerciale (convention double ; renvoi)
Même si non prévu, complété par la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles
(b) Traité de Maastricht : institution dun « troisième pilier » incluant la « coopération judiciaire en matière civile » (art. K1 n° 6 du Traité) ; méthode de la coopération intergouvernementale ; conventions internationales sur proposition de la Commission ; deux premiers textes sur la notification transfrontière des actes et la compétence et effet des jugements en matière matrimoniale (« Bruxelles II ») + Convention sur les procédures dinsolvabilité (sur le fondement de larticle 220) ; textes non entrés en vigueur
(c) Traité dAmsterdam (entré en vigueur le 1er mai 1999) : communautarisation de la coopération judiciaire en matière civile, transférée au premier pilier (articles 61, 65 et 67 du Traité CE) ; cas spécial du Danemark, du Royaume-Uni et de lIrlande ; distinction selon les instruments
Compétence institutionnelle nette de la Communauté pour la coopération judiciaire, y compris les conflits de juridictions ; compétence moins nette pour les conflits de lois (art. 65 requiert que les mesures soient « nécessaires au fonctionnement du marché intérieur », et vise à « favoriser la comptabilité des règles applicables dans les Etats membres en matière de conflit de lois ») ; controverses doctrinales sur lhabilitation à unifier les règles de conflits de lois
(d) Traité de Lisbonne (entré en vigueur le 1er déc. 2009) : art. 81 TFUE : principe de base de « reconnaissance mutuelle » ; adoption de mesures « notamment » lorsque nécessaire au fonctionnement du marché intérieur ; liste dobjectifs, dont celui de libre circulation des jugements ; procédure législative ordinaire sauf droit de la famille (unanimité) + coopération renforcée
Multiplication des instruments de droit dérivé de lUnion (ex-communautaires), classés en plusieurs groupes
Groupe « Bruxelles » (compétence et effet des jugements) : règlement Bruxelles I (compétence et effet des jugements en matière civile et commerciale) ; règlement Bruxelles Ibis (refonte du règlement Bruxelles I) ; règlement Bruxelles II (compétence et effet des jugements en matière divorce et de responsabilité parentale), règlement Bruxelles IIbis (extension du champ dapplication de Bruxelles II dans le domaine de la responsabilité parentale)
Groupe « Rome » (loi applicable) : règlement Rome I (matière contractuelle), règlement Rome II (matière non contractuelle) ; Rome III (loi applicable en matière de divorce) ; en préparation : Rome IV (régimes matrimoniaux)
Groupe des règlements couvrant tant les conflits de juridictions que les conflits de lois : Procédure dinsolvabilité ; Obligations alimentaires ; Successions
Groupe « Assistance judiciaire » : règlement signification, règlement obtention des preuves
Groupe « Procédures simplifiées » : règlement titre exécutoire européen, règlement procédure européenne dinjonction de payer, règlement procédure européenne de règlement des petits litiges, règlement saisie conservatoire européenne
Autres instruments « sectoriels », comportant de manière complémentaire des règles de conflit ; primauté en général des règles sectorielles ; exemples : directives assurances (remplacées par Rome I), détachement des travailleurs, contrats de consommation, commerce électronique, contrats de time sharing, etc.
Les relations avec les Etats tiers ; compétence, en principe exclusive, des autorités communautaires de conclure des accords avec les Etats tiers (avis CJCE 2006 « Convention de Lugano ») ; conséquence avec ladhésion de lUE à la Conférence de La Haye ; nouvelles conventions prévoient ladhésion de lUE (cf. Convention de 2005 sur les accords délection de for)
Incidence variable des instruments communautaires sur les relations extra-européennes ; soit exigence dun rattachement pertinent avec le territoire dun Etat membre (ex. « lien étroit » pour certains instruments sectoriels, « domicile du défendeur » pour Bruxelles I), soit absence dexigence dun rattachement (Rome I et Rome II : vocation universelle)
C. Sources nationales
Sources pertinentes dans les matières qui échappent aux instruments internationaux et communautaires, cest-à-dire pour linstant surtout les matières du statut personnel et familial
Historiquement : conflit de juridictions réglé par le Code judiciaire, conflit de lois essentiellement jurisprudentiel, fondé presque tout entier sur une seule disposition légale, larticle 3 du Code civil
Code de droit international privé (loi du 1er juillet 2004), entré en vigueur le 1er octobre 2004 ; trouve son origine dans les travaux de professeurs dUniversité ; inspiré par la structure dautres codifications, dont celle de la Suisse (1987) et de lItalie (1995)
Traite de la compétence internationale des juridictions belges, de la détermination de la loi applicable, et de lefficacité en Belgique des décisions judiciaires et des actes authentiques étrangers
Objectif daccroitre la clarté et la prévisibilité des règles de droit international privé
Combinaison de règles traditionnelles (par exemple, le rôle persistant du critère de la nationalité en matière détat des personnes) et dinnovations (par exemple, le critère de la résidence en matière daliments, lélargissement du choix du droit applicable à certaines relations matrimoniales, la règlementation spécifique de la répudiation)
Jurisprudence et doctrine retrouvent la place traditionnelle quelles occupent en droit interne belge
PREMIERE PARTIE LES REGLES GENERALES
Conflits de juridictions
Conflits de lois
Chapitre I Les conflits de juridictions
. Nuyts et Boularbah, Chronique annuelle de Droit international privé (numéro de décembre) dans le Journal de droit européen
Introduction
Compétence
Effets des jugements
Procédures simplifiées
Assistance judiciaire
Section I. Introduction
Concepts de base du conflit de juridictions
Le régime Bruxelles Ibis
Champ dapplication de Bruxelles Ibis
I. Les concepts de base du conflit de juridiction
La compétence internationale ; distinction entre pouvoir de juridiction (pouvoir général de statuer conféré par lEtat à ses tribunaux, soumis aux restrictions tirées du droit international public cf arrêt Lotus, supra) et compétence (mesure dans laquelle un tribunal peut exercer son pouvoir de juridiction ; conséquence : distinction entre défaut de pouvoir de juridiction (cf. clause darbitrage) et défaut de compétence
Diverses acceptions de la notion de compétence : (i) compétence interne : départager entre eux les différents tribunaux dun Etat, en fonction de leur nature (compétence dattribution) et de leur localisation précise sur le territoire de lEtat (compétence territoriale) ; (ii) compétence internationale : question préalable de savoir si, eu égard aux rattachements (territoriaux ou non) de la situation avec un Etat, une affaire relève de la compétence des tribunaux de cet Etat.
En général, caractère alternatif des règles de compétence internationale ; préoccupation dassurer un accès au for, en vue déviter un déni de justice ; multiplicité et diversité des critères permettant détablir la compétence : rattachement personnel des parties (cf. domicile, résidence, présence, nationalité), localisation des éléments litigieux (délit, contrat, chose), volonté des parties.
Conséquence : la concurrence des compétences dans lordre international (sauf en cas de compétence exclusive, et encore seulement lorsquelle résulte de lapplication dun acte international)
Forum shopping : choix dun tribunal fondé sur des considérations dopportunité (proximité de la juridiction, règles de procédure applicables, loi applicable, langue de la procédure, etc.) ; non condamnable en tant que tel, sauf lorsque choix exercé abusivement
Leffet des jugements étrangers ; contribue à lobjectif dharmonie des solutions propre au droit international privé ; différence entre la reconnaissance (accueil de la décision étrangère dans lordre juridique du for ; effet dexception de chose jugée) et lexécution ou force exécutoire (permet lexercice de la force publique et la contrainte sur les biens ou les personnes)
La « force probante » des jugements étrangers : atteste du contenu de la décision, constatation des faits matériels ou juridiques ; effet de fait : constatation de lexistence du jugement, sans plus
II. Le droit commun européen : le « régime Bruxelles I »
Origine : larticle 220 du Traité CE ; en principe, seulement lefficacité des décisions étrangères ; décision détendre aux règles de compétence (traité double), en raison notamment des règles de compétence « exorbitantes » ; exemples : nationalité dune partie (France, art. 15 Code civ.) ; présence physique du défendeur dans le for (systèmes de common law, « tag jurisdiction » ; cf. aux USA aff. Grace v. Mc Arthur 1957, vol non-stop Memphis-Dallas), localisation dun bien (Allemagne et Autriche ; aff. J.C. Killy)
Les textes : (i) Convention de Bruxelles de 1968 ; modifications lors des adhésions successives de nouveaux Etats membres ; (ii) Règlement Bruxelles I (44/2001) ; (iii) Règlement Bruxelles Ibis (1215/2012) à partir du 10 janvier 2015 (iv) Convention de Lugano ; (v) Convention de Lugano Bis
Règlements : applicable dans tous les Etats membres sauf le Danemark (mais accord spécial avec lUnion étend son application à cet Etat)
Convention Bruxelles : applicable dans les 15 anciens Etats membres
Convention de Lugano Bis : applicable dans les relations avec les pays de lAELE non membres de lUE (Islande, Norvège, Suisse) 1er janvier 2011
Interprétation de la Convention de Bruxelles par la Cour de justice ; principe dinterprétation autonome et communautaire (avec rares exceptions)
Principe de continuité dans linterprétation (cf. Cons. 19 du Préambule B-I, Cons. 34 Bxs Ibis)
Objectifs généraux du système Bruxelles I (selon la Cour de justice): prévenir la contrariété de décisions, éviter la multiplication des juridictions compétentes, protection juridictionnelle des personnes établies dans lUnion, répartition certaine des compétences, prévisibilité de la compétence
III. Le champ dapplication de Bruxelles Ibis
A. Matière civile et commerciale (art. 1er)
Interprétation autonome
Idée générale : matière de droit privé, par opposition au droit public ; confirmé par la non-application aux matières fiscales, douanières et administratives et à la responsabilité de lEtat pour acte ou omission dans lexercice de la puissance publique (Bxs Ibis)
Critère de base : ne relève pas de la notion le litige qui implique une autorité publique qui « a agi dans lexercice de la puissante publique » (Eurocontrol 1976 : action dEurocontrol contre une société en paiement de redevances dues pour lutilisation de services de sécurité aérienne ; exercice de la puissance publique par la fixation unilatérale du montant des redevances ; Ruffer 1998 : action en remboursement des frais denlèvement dune épave par le gestionnaire des voies deau publiques : exercice de la puissante publique par lutilisation dun pouvoir de police fluviale ; Lechouritou 2007 : action en réparation pour dommages causés par des opérations menées par des forces armées)
Constitue un indice de qualification civile lorsque le fondement et les modalités dexercice de laction sont régis par le droit commun (Steenbergen 2002 : action récursoire en recouvrement daliments : qualification dépend du fondement de laction récursoire ; TIARD 2003 : action par lEtat en exécution dune caution à laquelle sest engagée lassureur dun transporteur au paiement dune dette douanière : qualification dépend du degré de liberté laissé aux parties dans la négociation des termes du contrat selon la loi applicable au contrat ; même approche pour la notion de matière douanière)
B. Matières exclues
Quatre matières exclues
(i) Droit de la famille : « état et capacité des personnes physiques, régimes matrimoniaux et testaments et successions »
Etat est capacité : Schneider (2013) : laction introduite au nom dune personne incapable visant à obtenir lautorisation de vendre un immeuble porte sur la matière de la capacité des personnes physiques
Conséquence : règlement limité aux matières patrimoniales (autres matières régies par des règlements spécifiques (divorce et responsabilité parentale, aliments, successions) ou le Codip)
Mesures provisoires (cf. apposition de scellé) sont exclues lorsque, par leur objet propre, elles sont « étroitement liées » à une matière exclue, comme une demande en divorce (De Cavel I 1979) ; mais si, par leur objet propre, elles relèvent dune matière qui relève du règlement, elles sont exclues même si le litige principal est hors règlement (Van Uden 1998 concernant larbitrage)
(ii) Procédures collectives : « faillites, concordats et procédures analogues » ; action en comblement du passif social relève du droit de la faillite plutôt que de celui de la responsabilité civile, car elle « dérive directement de la faillite et sinsère étroitement dans le cadre de la procédure de liquidation » (Gourdain 1979) ; application du règlement « insolvabilités »; mais restent soumises à « Bruxelles I » les actions en recouvrement des créances et dettes de lentreprise en faillite ; lien avec le domaine dapplication du règlement insolvabilité (renvoi)
(iii) Sécurité sociale ; Steenbergen 2002 : action récursoire en recouvrement daliments introduite par un organisme public de sécurité sociale: notion de « sécurité sociale » nenglobe pas cette action lorsquelle est fondée sur les règles du droit commun
(iv) Arbitrage ; exclusion sexplique par lexistence de conventions internationales sur la matière, en particulier les Conventions de New York (1958) et de Genève (1961)
Portée de lexclusion précisée par le considérant 12 de Bxs Ibis ; origine : arrêt West Tankers (2009) : injonctions « anti-suit » à propos dune procédure dans un autre Etat membre (interdites par Turner 2004) restent interdites (et Bruxelles I sapplique à cette fin) même si au soutien dune procédure darbitrage dans le for, si laction dans lautre Etat relève du champ dapplication ;
Bxs Ibis : motifs principaux (i) confiance mutuelle, (ii) le juge de lEtat membre dont la procédure est visée par linjonction trouve sa compétence dans le règlement, (iii) la question du déclinatoire de juridiction fondé sur une clause darbitrage nest quune question préalable qui suit le sort de la question principale, (iv) le juge dun Etat membre a une compétence « exclusive » pour se prononcer sur sa compétence y compris sur leffet de la clause darbitrage ; critiques et incertitudes : encourage la saisine dun juge au mépris dune clause darbitrage ; suggère la condamnation de leffet négatif du principe de Kompetenz-Kompetenz
Impact de Bruxelles Ibis : primauté de la Convention de New York (art. 73-2) et précisions dans le considérant 12 sur la portée de lexclusion de larbitrage : (i) le déclinatoire de compétence pour clause darbitrage est hors régime Bruxelles I ; (ii) la décision sur leffet de la clause darbitrage est hors du régime de circulation européen ; (iii) la décision sur le fond après avoir écarté leffet de la clause darbitrage bénéficie du régime de libre circulation ; controverses sur la portée de ces nouvelles directives dinterprétation, (iv) la matière de larbitrage exclue comprend toutes les mesures dassistance judiciaire à larbitrage (détermination du lieu de larbitrage, fixation des délais, désignation dun arbitre cf March Rich 1991) ou liées à la procédure darbitrage (recherches de preuves, etc.), leffet des sentences arbitrales (y compris les décisions judiciaires confortant ou infirmant une sentence arbitrale)
C. Applicabilité dans lespace
Etats concernés : les Etats liés ; variable selon les instruments (renvoi)
Critères dapplicabilité
Règles de compétence : les critères de rattachement du « litige européen » ; trois critères principaux
(i) domicile du défendeur dans un Etat membre (art. 4 et 5), sauf quand le demandeur est un consommateur ou travailleur; interdiction dapplication des règles de compétence exorbitantes (art. 5-2°), et des autres règles nationales ; domicile dans un Etat tiers (art. 6): application du droit national, y compris les règles exorbitantes ; bénéficie à toute personne domicile dans le for, « comme les nationaux » (art. 6-2° - exemple du belge domicilié en France, application de larticle 14 du Code civil)
Détermination du domicile du défendeur (de Visser 2012) : si domicile du défendeur inconnu et présence physique inconnue, mais probablement « citoyen de lUnion », présomption de domicile dans lUnion (pour application des règles spéciales) sil ny a pas dindices probants permettant de conclure quil est domicilié dans un Etat tiers
(ii) volonté des parties de désigner le tribunal dun Etat membre, pour autant quune partie (pas nécessairement le défendeur) ait son domicile dans lUnion ; influence de la future Convention de La Haye de 2005 sur les accords délection de for
(iii) rattachement de la matière litigieuse au territoire dun Etat membre par une compétence exclusive
Règles de litispendance et de connexité : règles de litispendance/connexité européenne : appartenance des deux tribunaux à lUE ; règles de litispendance/connexité internationale : applicables aux relations avec les procédures pendantes dans des Etats tiers
Règles defficacité des décisions : Etat dorigine et Etat requis doivent être des Etats membres ; absence dapplication du règlement Bruxelles I à leffet des jugements rendus dans les Etats tiers (application du droit commun)
Section II. La compétence internationale
Règlement Bruxelles Ibis
Droit commun du Codip
Sous-section I. Le règlement Bruxelles I
La hiérarchie des règles de compétence ; absence de corrélation avec la numérotation des articles ; règle de compétence générale (domicile du défendeur) est aussi une règle inférieure dans la hiérarchie
Compétence générale (les tribunaux dun Etat membre) ou spéciale (compétence international et compétence interne) ; règles de coordination des compétences.
Hiérarchie à cinq niveaux principaux
I. Compétence exclusive
Article 24 règlement Bxs Ibis
Compétence exclusive à raison de la matière (et non par la volonté des parties, règle inférieure dans la hiérarchie)
Justifications : rattachement très étroit de lobjet du litige avec un territoire ; implication de la souveraineté de lEtat, faire coïncider le tribunal et la loi applicable
Très forte impérativité de la règle de compétence : seuls les tribunaux désignés sont compétents ; le juge doit soulever doffice son incompétence (à tout stade de la procédure : Duijnstee 1983) lorsquil est saisi au mépris de la disposition (art. 27) ; exception à la règle de litispendance européenne (Weber 2014, à distinguer du cas de la clause attributive de juridiction où la litispendance lemporte) ; leur violation est un motif de non reconnaissance de la décision (dérogation au principe de linterdiction du contrôle de la compétence)
Ne joue que si le tribunal désigné est celui dun Etat membre ; controverse sur la situation dune « compétence exclusive » dans un Etat tiers ; théorie de leffet réflexe ; question non résolue par Bxs Ibis : condamnation implicite sauf en cas de saisine effective du tribunal de lEtat tiers antérieure à celle du tribunal dun Etat membre ? (cf. considérant 24)
A. Droits réels immobiliers et baux dimmeuble
Article 24(1)
Tribunaux de lEtat de situation de limmeuble
Droits réels immobiliers : actions qui tendent à déterminer létendue, la consistance, la propriété, la possession dun bien immobilier et à assurer la protection des prérogatives attachées au titre ; conséquences : non-applicable à laction en résolution dun contrat de vente dimmeuble et en paiement de dommages-intérêts (Gaillard 2001) ; ni à laction en cessation de nuisances dune centrale nucléaire sur un domaine agricole (CEZ 2006) ; ni à laction paulienne formée à lencontre de laliénation dun immeuble, qui tend à la protection dune créance, car il sagit dun droit personnel du créancier contre le débiteur (Reichert I 1990) ; ni à laction tendant à faire reconnaître quune personne détient un bien immobilier en qualité de trustee car la nature du bien était sans incidence sur la solution du litige (Webb 1994 ; critique) ; ni à laction visant à déterminer sil est dans lintérêt dun incapable daliéner un immeuble (Schneider 2013, précisant que le règlement est inapplicable) ; la règle sapplique à laction (prévue par le droit allemand) visant à contester lexercice dun droit de préemption sur un immeuble permettant à son titulaire de se substituer au tiers acquéreur (Weber 2014)
Principes généraux se dégageant de la jurisprudence : compétence immobilière soumise à deux conditions : (i) le litige concerne un droit réel immobilier, à savoir u droit produisant ses effets à légard des tiers, (ii) la procédure met en cause le droit réel lui-même, il ne suffit pas que ce droit soit concerné indirectement
Baux dimmeuble : couvert alors pourtant quils ne concernent que des droits personnels ; sapplique notamment aux actions en paiement de loyer, ou en indemnisation pour le mauvais entretien des lieux et les dégâts causés à un logement (Dansommer 2000) ; non applicable aux (i) bail de fonds de commerce (Sanders 1977) ; (iii) contrat de time-sharing (Klein 2005) (iii) contrats mixtes avec un organisateur de voyage, incluant des prestations de services (Hacker 1992)
La question des locations de courte durée (cf. de vacances) ; Cour de justice : sauf en cas de contrat de voyage mixte (Hacker), elles sont comprises (Rossler 1985 : location de 3 semaines en Italie entre deux allemands) ; inadéquation de la solution, en particulier lorsque les parties sont établies dans un même pays en dehors du lieu de situation ; modification du texte : en cas de location de moins de six mois, compétence additionnelle du for du domicile du défendeur, aux conditions que (i) locataire est une personne physique ; (ii) propriétaire et locataire domiciliés dans le même Etat membre
B. Sociétés et personnes morales
Article 24(2)
Tribunaux de lEtat du siège
Groupements concernés : les sociétés (avec ou sans personnalité morale), les personnes morales
Litiges visés : régularité de la constitution (validité ou nullité), dissolution (sauf en cas dinsolvabilité), régularité des décisions prises par les organes ; Hassett (2008) : uniquement la contestation de la validité est visée, pas laction invoquant que la décision viole les droits tirés des statuts ; JP Morgan (2011) : uniquement si validité soulevée à titre principal, et pas si les pouvoirs du représentant de la société sont contestés à titre incident (solution différence de celle prévalant en matière de propriété intellectuelle : GAT 2006)
Siège : localisation selon les règles de droit international privé du for (et non par des critères autonomes, à la différence des articles 2 et 60) ; conséquence : possibilité de concurrence de compétence (siège réel ou siège statutaire ou lieu dincorporation) ; règle de litispendance en faveur du tribunal premier saisi (art. 29)
C. Registres publics
Article 24(3)
Tribunaux du lieu de tenue des registres
Litiges en matière de validité des inscriptions sur des registres publics (cf. registre foncier ou hypothécaire, du commerce, des sociétés ; met en cause le fonctionnement dun service public)
D. Droits intellectuels
Article 24(4)
Tribunaux de lEtat denregistrement
Droits intellectuels visés : brevets, marques, dessins ou modèles et autres droits analogues donnant lieu à enregistrement ou dépôt ; sapplique même au « brevet européen » délivré par lOffice de Munich, car le brevet est attribué pour chaque Etat membre/contractant pour lequel le brevet est demandé ; différence entre brevet européen et brevet unitaire
Litiges visés : litiges en matière dinscription ou de validité des droits (le contentieux de la validité au sens large) ; non-applicable aux autres actions, par exemple celles portant sur lappartenance des droits intellectuels, les contrats dont ils sont lobjet ou les contrefaçons quils subissent (Duijnstee 1983)
Conséquence : limportant contentieux de la contrefaçon (action en cessation, en dommages-intérêts) relève en principe des règles ordinaires de compétence (cf. domicile du défendeur, lieu du délit-contrefaçon) ; mais application de larticle 24-4° dès que la question de validité est soulevée, même de manière incidente, par un moyen de défense soulevé par lauteur de la contrefaçon alléguée (GAT 2006); consécration par Bxs Ibis : « que la question soit soulevée par voie daction ou dexception » ; danger dabus et conséquence sur la pratique (assignation dans chaque Etat membre pour chaque partie nationale du brevet sous peine du risque darrêt de la procédure)
Convention et règlement sur le brevet unitaire ; accord sur la juridiction unifiée de 2013 (renvoi) ; définition et règles spécifiques relatives à la juridiction commune à plusieurs Etats membres (art. 71bis et ter Bxs Ibis)
E. Exécution des décisions
Article 24(5)
Tribunaux du lieu dexécution
Litiges « en matière dexécution » : mise en uvre des voies dexécution ; règle déduite du monopole de la contrainte sur le territoire, fondé sur un principe coutumier du droit international (cf. arrêt Lotus - supra)
Vise lexécution proprement dite : recours à la force, à la contrainte, à la dépossession ; pas laction paulienne du créancier invoquant la révocation dun acte translatif de propriété (Reichert II, 1992) ; opposition à exécution est visée, mais pas la demande de compensation invoquée à titre de défense (AS Autoteile 1985)
Mesures de saisies : incertitudes ; Jurisprudence anglaise (Société Eram, House of Lords) : interdiction dune mesure de saisie-arrêt (« third part debt order ») sur un bien à létranger car effet réel de saisie ; contesté par certains auteurs et rejeté par les tribunaux dautres Etats membres: distinction entre autorisation de saisie et mise en uvre de la saisie
II. Comparution volontaire du défendeur
Article 26
Prorogation tacite de la compétence en cas de comparution volontaire du défendeur sans contestation de la compétence
Sapplique dans toutes les matières, y compris celles qui font lobjet de règles protectrices (cf. Bilas 2010), et en cas de clause attributive de juridiction ; seule exception : compétence exclusive ; atténuation par larticle 26(2) Bxs Ibis : obligation dinformer la partie faible défenderesse sur ses droits (consommateur, travailleur, assuré) ; incertitudes sur la sanction du non-respect
Pas de prorogation de compétence si le défendeur soulève un déclinatoire de compétence in limine litis, même sil soulève en même temps un moyen de défense au fond (déclinatoire de compétence ne peut être soulevé « après le moment de la prise de position considérée, par le droit procédural national, comme la première défense adressée au juge saisi » : Elefanten Schuh 1981) ; le moyen de fond doit être présenté de manière subsidiaire (Gerling 1981)
III. Compétences protectrices
Trois matières dans lesquelles une partie réputée faible appelle une protection juridictionnelle : assurance, consommation, travail (nouveau dans le règlement)
Pour chaque matière, ensemble complet de règles (avec quelques renvois à dautres règles) ; compétences protectrices sappliquent même si défendeur partie forte domicilié dans un Etat tiers, sauf en matière de contrat dassurance (Bxs Ibis)
Philosophie générale de la protection ; trois principes : (i) partie faible défenderesse doit être assignée dans un for proche ; (ii) partie faible demanderesse doit disposer dun choix entre le for du défendeur et un for proche ; (iii) restriction de lefficacité des clauses attributives de juridiction
Parallélisme avec la protection sur le plan de la loi applicable (Rome I)
Renvoi aux règles spéciales, par matière
IV. Clauses attributives de juridiction
Article 25
Déclinatoire de compétence doffice par le juge en cas de non-comparution
Champ dapplication dans lespace : trois conditions (i) domicile dune partie dans lUE (mais impact de la Convention de La Haye 2005) (ii) désignation du ou des tribunaux dun Etat membre (iii) situation internationale (controverse) Absence dexigence dun lien de rattachement avec le for (arrêt Zelger 1980)
(a) Validité quant au fond (art. 25 26)
Principe de séparabilité de la clause (validité non affectée par la nullité du contrat de base) art. 26(5)
Rapport de droit déterminé (arrêt Powell 1992 litiges entre actionnaires et société)
Validité substantielle (cf. consentement, capacité) : nullité quant au fond soumise au droit de lEtat désigné dans la clause (art. 25) ; clause asymétriques (Rotschild Cass. fr. 2013 caractère potestatif de la clause est une cause de nullité selon la lex fori française ; critiques ; question deffet de la clause ?)
Consentement : impact des conditions de forme destinées à garantir un consentement ; langue nest pas une condition de fond mais de forme (Elefanten Schuh 1981 : clause rédigée en Allemand valable selon la Convention, alors que non valable en droit belge parce que non rédigée en néerlandais) ; action du sous-acquéreur dun bien contre le vendeur originaire : pas de lien librement assumé (Refcomp 2013) ; nest-ce pas une question deffet de la clause (avec consentement originaire) à un tiers ?
(b) Validité quant à la forme (art. 25-1)
(i) écrit : doit émaner des deux parties, transmission unilatérale insuffisante ; pluralité des situations concrètes : contrat-instrumentum signé par les deux parties (oui), échange décrits (oui), conditions générales avec renvoi exprès (oui, Colzani 1976 : susceptible dêtre contrôlé par une partie appliquant une diligence normale ; donc pas daccord en cas de conditions générales au verso dun contrat sans renvoi)
(ii) verbalement avec confirmation écrite : trois conditions de base : accord portant spécialement sur la clause (Segoura 1976), confirmation écrite (selon Segoura 1976 par les deux parties, selon Tilly Russ 1984 par une partie), pas dopposition (Berghoeffer 1985)
(iii) forme conformes aux habitudes : issue de la jurisprudence Segoura 1976 ; lexemple des conditions générales envoyées unilatéralement, par exemple au verso de factures
(iv) usages du commerce international
Application au contrat conclu par internet : transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention (art. 25-2)
Effets de la clause : compétence exclusive/non exclusive ; personnes tenues par la clause (successeur aux droits et obligations selon la loi applicable, Tilly Russ 1984 et Coreck 2000 à propos du connaissement) ; comp. Refcomp 2013 (supra) ; Rotschild (supra)
V. Compétence ordinaire
Diverses règles ordinaires de compétence, sans hiérarchie entre elles (choix du demandeur)
Trois catégories : for du défendeur ; compétences spéciales, compétences dérivées
A. Domicile du défendeur
Article 4
Règle actor sequitur forum rei, considérée comme de droit naturel dans la tradition romaniste ; « quelle que soit la nationalité »
Règle de compétence de base, toujours disponible à ce niveau de la hiérarchie
Toutes les autres règles de compétence sont des dérogations au principe du for du défendeur ; interprétation restrictive
Règle de compétence générale (« les tribunaux »)
Détermination du domicile : (i) personnes physiques : renvoi au droit national (art. 62) ; (ii) personnes morales : définition autonome, fondée sur des critères alternatifs : siège statutaire, administration centrale, principal établissement (art. 63)
B. Compétences spéciales
Conditionnées au domicile du défendeur dans un Etat membre ; de Visser (2012) : présomption de domicile dans un Etat membre si domicile inconnu (supra)
1. Contrats : art. 7-1°
Idée générale : compétence du lieu dexécution du contrat
Notion de matière contractuelle : Jakob Handte 1992 : engagement librement assumé entre parties ; différentes hypothèses : la chaîne de contrats (litige sous-acquéreur v. fabriquant Jacob Handte non) ; la responsabilité précontractuelle (Tacconi 2002 non) ; le litige sur lexistence ou la validité du contrat (Effer 1982 oui) ; laction de remboursement par la société mère des dettes de ses filiale (OFAB 2013 non) ; laction en responsabilité contre un administrateur de société pour les dettes de la société ayant fonctionné sous-capitalisée non)
Relation avec la matière extra-contractuelle (Réunion européenne 1998 ; Tacconi 2002)
Compétence du « lieu dexécution du contrat » ; difficulté didentification du facteur de rattachement ; évolution du texte (3 versions) : Convention de Bruxelles (obligation), Convention dadhésion de 1978 (obligation litigieuse), règlement (obligation litigieuse + exécution de la prestation caractéristique)
Distinction selon le type de contrat en cause
(i) Vente de marchandise ou fourniture de service (point b) : lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, ou lieu où les services ont été ou auraient dû être fournis
Notions autonomes : distinction entre les deux dépend de ce qui est la prestation caractéristique (Car Trim 2010)
Fourniture de services ; exige une « activité déterminée en contrepartie dune rémunération » ; conséquence : exclu la concession de lutilisation dune droit de propriété intellectuelle (Falco, 2009) ; mais la rémunération peut être une « contrepartie économique » (rabais spéciaux, facilités de paiement, aide apportée au marketing) ; conséquence : linclusion du contrat de concession de vente si contrepartie économique et obligation pour le concessionnaire concernant la distribution (Corman-Collins 2013) ; inclus le contrat dagence commerciale (Wood Floor 2010)
Vente de marchandises : livraison dune marchandise à fabriquer peut être une vente de marchandises, en fonction des circonstances, dont labsence de fourniture de matériaux par lacheteur et la responsabilité du fournisseur pour la qualité et la conformité des marchandises (Car Trim 2010)
Détermination du lieu dexécution : définition autonome (Color Drack 2007) ; trois méthodes : (i) « en vertu du contrat » : lieu correspond à ce qui est prévu dans le contrat ; y compris les incoterms (Electrosteel 2011), mais non compris le droit applicable (Car Trim), (ii) à défaut, lieu dexécution matériel (en matière de vente de marchandises, lieu de livraison finale : Car Trim 2010) ; (iii) critère subsidiaire : domicile du prestataire / acheteur (Wood Floor)
Pluralité de lieux dexécution : lieu de livraison principale, et à défaut chaque lieu de livraison (Color Drack 2007 : arrêt concernant la compétence interne en matière de vente de marchandise) ; lieu de fourniture principale des services (Rehder 2009 : services de transport par avion localisé aux points de départ et darrivée ; Wood Floor 2010 : pour un agent commercial, référence au lieu de fourniture principale des services par lagent, en fonction des dispositions du contrat, à défaut du lieu dexécution effectif du contrat, et de manière subsidiaire au lieu où lagent est domicilié)
(ii) Autres contrats (point c) : point a) sapplique quand point b) ne sapplique pas) ; point a) est donc dapplication « alternative » (Corman-Collins 2013) ; interprétation de lancien art. 5-1° Conv. Bxs reste valable ; obligation litigieuse ; obligation inexécutée (De Bloos 1976 ; texte de 1978) ; pluralité dobligations litigieuses (obligation principale (cf. indemnités compensatoires + arriéré de factures : Shenavaï 1987), ou en cas déquivalence chaque obligation prise séparément (Leathertex 1999) ; lieu dexécution de lobligation litigieuse : désignation par les parties (Zelger 1980 ; MSG 1997 : lieu effectif ; application au nouveau point b) ; renvoi au droit applicable selon les règles de conflits ; deux étapes : (i) loi applicable, (i) compétence (Tessili 1976 ; Custom Made 1994 ; Groupe Concorde 1999) ; conséquence du point a) : application fréquence du forum actoris (« dettes portables » ; Conv. Vienne sur la vente internationale de marchandises)
Cas de non-application de larticle 5-1° : (i) obligation de ne pas faire qui ne comporte pas de limitation géographique (obligation de non concurrence : Besix 2002) : inapplication de la compétence ; transposition au point b) ?; (ii) lieu dexécution dans un Etat tiers (Six Construction 1989)
2. Délits et quasi-délits : art. 7-2°
Idée générale : compétence du lieu du délit (forum delicti)
Notion de « matière délictuelle ou quasi-délictuelle » : toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité du défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle (Kalfelis 1988) ; catégorie subsidiaire pour les actions en responsabilité ; hypothèse de laction mettant en cause à la fois une responsabilité délictuelle et contractuelle : application respective des articles 5-3° et 5-1° ; pas de compétence fondée sur la connexité (Kalfelis) ; nuance lorsque lacte illicite se rattache étroitement à une relation contractuelle en sorte que la demande peut sanalyser en un manquement aux obligations contractuelles même si le fondement de laction en droit national est délictuel (Brogsitter 2014)
Compétence au lieu où le fait dommageable sest produit ou « risque de se produire » ; confirmation de lapplication de larticle 5-3° aux actions préventives
Forum du délit disponible pour la victime et pour lauteur (Folien Fischer 2013 : application à laction en constatation négative ; position procédurale des parties non pertinente) ; lien avec linterprétation large de la règle de litispendance (The Tatry renvoi)
Compétence du tribunal du lieu du « fait dommageable » ; aucune difficulté en cas de délit simple (tous les éléments localisés dans un seul pays) ; difficulté dinterprétation en cas de délit complexe (éclatement des éléments de la responsabilité sur différents territoires)
Bier v. Mines de Potasse dAlsace (1976) : dommage à des cultures situées aux Pays-Bas causé par la pollution des eaux du Rhin attribuée au déversement de déchets dans le fleuve en France ; compétence du lieu du dommage permet de protéger la victime ; compétence du lieu du fait générateur permet déviter la multiplication des fors pour un même fait dommageable ; solution : option de compétence entre le lieu de survenance du dommage et du tribunal du lieu du fait générateur du dommage
Shevill (1995) : diffamation par voie de presse ; article prétendument diffamatoire dans le journal France Soir diffusé de manière accessoire en Angleterre ; option de compétence entre le lieu du fait générateur (lieu de létablissement de léditeur) et le lieu de survenance du dommage (lieu de diffusion de la publication où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation) ; risque de forum shopping ; solution par la limitation de la compétence du lieu de survenance du dommage aux seuls dommages causés dans lEtat du for
(i) Fait générateur
Généralement localisé au siège de la partie dont la responsabilité est invoquée (cf Shevill 1995 : siège de léditeur) ; mais responsabilité pour produits défectueux : lieu de fabrication du produit (Kainz 2014) ; action visant à rendre un administrateur responsable des dettes de la société sous-capitalisée : lieu du siège de la société où sexercent les activités déployées et la situation financière liée à ces activités)
Plusieurs co-auteurs : agissements dune partie (co-auteur allégué) ne peut être invoquée comme fait générateur à légard dune autre partie (même si imputation en droit de la responsabilité applicable)(Melzer 2013)
(ii) Dommage
Marinari (1995) : seul le dommage initial est pris en compte ; compétence nest pas donnée au lieu où la victime prétend avoir subi un préjudice patrimonial consécutif au dommage initial (exclusion du préjudice par ricochet) ; même solution en cas de préjudice corporel : pas de compétence au lieu de laggravation de la blessure initiale ni au lieu ultérieur du décès ; dommage causé à des marchandises lors dun transport maritime, dans un cas où il était impossible didentifier le lieu du fait générateur : lieu du dommage est celui où le transporteur maritime réel devait livrer les marchandises (et non le lieu de livraison finale : Réunion européenne 1998)
Responsabilité du fait des produits défectueux : lieu du dommage initial est le lieu où le dommage est subi en raison de lutilisation du produit aux fins normales, et non le lieu de livraison du produit (Zuid-Chemie 2009)
Applications en matière de cyber-délits et propriété intellectuelle
Rejet du critère de focalisation (comp. contrats de consommation : Pammer / Hotel Alphenhof renvoi)
Droits de la personnalité (atteinte en ligne) : (i) fait générateur : établissement de lémetteur de contenu ; (ii) dommage : centre des intérêts de la victime (compétence non limitée géographiquement) et lieu daccessibilité du contenu mis en ligne (limité géographiquement) ; eDate et Martinez (2011)
Marques (atteinte en ligne) : (i) fait générateur : établissement de lannonceur (et pas létablissement du moteur de recherches (Google) faisant apparaître un lien vers lannonceur) ni le lieu du serveur ou dinjection de linformation en ligne) ; (ii) dommage : lieu denregistrement de la marque (Wintersteiger 2012)
Droit dauteur (atteinte en ligne) : dommage : lieu où un dommage risque de se produire, subordonné à la condition que le droit dont la violation est invoquée est protégé dans lEtat du for (mais droit dauteur protégé en principe dans toute lUnion en raison de la directive 2001/29) ; risque de matérialisation du dommage lié à la possibilité de se procurer sur un site accessible dans le for de la reproduction de loeuvre (compétence limitée au dommage local)(Pinckney 2013)
Droit dauteur (hors ligne) : for du dommage situé à lendroit où le droit dauteur est protégé, pour autant que le dommage allégué risque de se localiser dans le for, ce qui peut découler de la possibilité de se procurer la reproduction de loeuvre dans une librairie située dans le for (Hi Hotel 2013)
Concurrence déloyale : for du dommage situé à lendroit où le droit invoqué par le demandeur est protégé, pour autant quune dommage risque de se matérialiser dans ce for en raison de la violation du droit
Lignes générales se dégageant de la jurisprudence : (i) pas de condition de direction dactivités ; (ii) distinction cyber-délais civils (centre des intérêts de la victime ; compétence non limitée géographiquement) et cyber-délais commerciaux ; (iii) lieu de matérialisation du dommage suppose que le droit invoqué soit protégé dans lEtat membre ; confusion compétence / fond du droit ; (iv) exigence dun rattachement supplémentaire avec le for : enregistrement de la marque, possibilité de se procurer loeuvre, autre connexion avec le for
3. Action civile liée à la commission dune infraction pénale : art. 7-3°
Idée générale : compétence du tribunal saisi de laction répressive pour connaître de laction civile de la victime
Lieu de saisine du tribunal répressif coïncide souvent avec le lieu du fait dommageable (art. 5-3°), mais pas nécessairement ; exemples du tribunal du lieu de larrestation ou de la nationalité de lauteur de linfraction
Compétence internationale nexiste que si la lex fori autorise le tribunal répressif à connaître de laction civile
4. Biens culturels : art. 7-4°
Idée générale : compétence du for du lieu dun bien culturel pour connaitre des actions en restitution du bien (version limitée dune règle plus ambitieuse qui aurait visé tous les objets corporels)
Trois conditions : (i) un bien culturel ; référence à une directive de 1993 : trésor national de valeur artistique, historique ou archéologique ; (ii) action fondée sur un droit de propriété tendant à la restitution (pas des dommages-intérêts) ; (iii) action de la personne cherchant à obtenir la restitution du bien (pas le détendeur ; conséquence sur lexclusion des actions déclaratoires reconnues en matière quasi-délictuelle Folien Fischer supra)
5. Etablissement du défendeur : art. 7-5°
Idée générale : compétence du lieu dun établissement du défendeur pour les litiges relatifs à son exploitation
Notion de succursale, agence ou établissement : tout établissement constituant le prolongement dune personne, présentant un caractère permanent et développant une activité destinée à mettre les tiers en rapport avec la « maison-mère » (Somager 1978) ; ne sapplique pas à lactivité exercée de manière indépendante (cf. concessionnaire, agent commercial), ni probablement à celle dune filiale, sauf levée du voile de lincorporation (mais Schotte : compétence au lieu détablissement dune société-mère pour assigner une filiale, en raison de lapparence et de la confusion créée)
Compétence ne vaut que si le litige se rapporte à lexploitation de la succursale
6. Trusts : art. 7-6°
Idée générale : compétence du tribunal du lieu du domicile du trust pour les litiges relatifs aux relations internes du trust
Sont seules visées les actions contre le fondateur, trustee ou bénéficiaire du trust
7. Matières maritimes : art. 7-7° et 9
En général : application des règles ordinaires (y compris pour les affaires dabordage, sauf application dune convention spéciale en vertu de larticle 71) ; mais quelques règles particulières
Litiges en matière dassistance maritime : for de la saisie de la cargaison ou du fret qui a bénéficié de lassistance ; litiges en matière de limitation de la responsabilité du fait de lutilisation ou de lexploitation dun navire ; litiges entre le capitaine et les membres de léquipage
C. Compétences dérivées
En principe : la connexité ne constitue pas un chef de compétence (Kalfelis 1988 : nuance Brogsitter 2014 supra)
Article 8 prévoit certains cas limitatifs où la connexité est prévue ; objectif de consolidation et de bonne administration de la justice
Les compétences dérivées de larticle 8 cèdent devant les clauses attributives de juridiction (sauf volonté différente des parties)
1. Co-défendeurs : art. 8-1°
En cas de pluralité de défendeurs, possibilité dattraire tous les défendeurs devant le tribunal du domicile de lun deux
Conditions : (i) que laction soit portée dans le for du domicile dun des défendeurs (ne joue pas par exemple si compétence de larticle 7);
(ii) que les demandes soient liées par un rapport suffisamment étroit quil y a intérêt à les instruire et à les juger ensemble pour éviter une contrariété de décisions (=exigence de connexité) ; application en matière de contentieux international de brevet : pas de connexité entre les actions introduites contre différentes sociétés du groupe Roche qui, chacune sur son propre territoire, mais dans le cadre dune politique commune décidée par une dentre elles, se rendaient de contrefaçon dun brevet européen, car chaque brevet reste attribué en fonction du territoire dun Etat (Roche Nederland 2006) ; mais nuances dans la jurisprudence ultérieure : art. 8(1) sapplique si atteinte au droit dauteur matériellement identique, même si bases juridiques nationales différentes (Painer 2011) ; exigence que les actions puisent leur origine dans une situation unique en fait et en droit même si les fondements juridiques invoqués à légard de chacun des co-défendeurs sont différentes (Land Berlin 2013 ; art. 8(1) peut sappliquer en cas daction invoquant la violation de la même partie nationale dun brevet européen, concernant le même produit (Solvay 2012 ; comp. Roche Nederland où les actes de contrefaçons allégués étaient différents car mis en oeuvre dans des Etats membres différents ; mais le Cour souligne quest un critère pertinent aussi le fait que les sociétés ont agit de concert, donc possible infléchissement de Roche Nederland)
Absence de condition que la demande nait pas pour but de distraire le co-défendeur du for de son domicile (Freeport 2007)(solution différente de larticle 8-2°) ; le danger de laction contre un défendeur fictif qui serait connexe à une action contre un co-défendeur domicile à létranger
2. Demande en garantie ou en intervention : art. 8-2°
Possibilité dattraire en garantie ou en intervention un défendeur domicilié dans un Etat membre devant le tribunal dun autre Etat membre saisi de la demande originaire
Règle joue même si le tribunal saisi nest pas celui du domicile du défendeur principal
Condition dabsence de détournement de for : article 6-2° ne joue pas si laction a été introduite dans le but de distraire lappelé de son for naturel
3. Demande reconventionnelle : art. 8-3°
Possibilité pour le défendeur de former une demande reconventionnelle contre le demandeur devant le tribunal saisi de laction principale
Condition que la demande reconventionnelle dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondé la demande originaire
4. Action contractuelle en matière immobilière : art. 8-4°
Possibilité dintroduire devant le tribunal du lieu de situation dun immeuble une action en matière contractuelle qui peut être jointe à laction en matière de droits réels immobiliers dirigé contre le même défendeur
VI. Règles de coordination de compétence et de procédure
Mesures provisoires
Vérification de la compétence
Procédures parallèles
A. Mesures provisoires (art. 35)
Idée générale : préserver lefficacité des mesures provisoires en permettant deles solliciter dun juge qui ne serait pas compétent au fond
Système de renvoi au droit national ; la compétence selon le droit national peut être fondée sur nimporte quelle règle, même exorbitante (Van Uden 1998) ; lexistence dune compétence exclusive dans un autre Etat membre ne soppose pas aux mesures provisoires en dehors de cet Etat (Solvay 2012)
Danger de contournement de tout le système de compétence du règlement ; restrictions uniformes
(1) Notion de mesure provisoire ou conservatoire : destinées à préserver une situation dans lattente de la décision au fond (condition de réversibilité) ; la question du référé-provision (Van Uden 1998 : condition que le remboursement soit garanti en cas déchec au fond) ; la question des mesures probatoires : laudition dun témoin en vue dapprécier lopportunité dagir en justice nest pas une mesure provisoire (St Paul Dairy 2005) ; consécration par le considérant 25 de Bxs Ibis ; mais les mesures visant à obtenir ou conserver des preuves comme dans la directive sur la protection de la propriété intellectuelle sont comprises
(2) Lien de connexion réel entre lobjet de la mesure et le for (Van Uden) ; à distinguer dune exigence de territorialité absolue de la mesure ; discussions sur la portée de la condition ; impact du considérant 33 du règlement (effets limités au territoire du for) ; comp. question de la circulation des mesures provisoires (renvoi)
(3) Urgence ? Question controversée
B. Vérification de la compétence
En cas de non comparution du défendeur : obligation du juge de vérifier doffice sa compétence et se déclarer incompétent si aucun chef de compétence communautaire ne désigne le for (art. 28) ; obligation du juge de vérifier doffice si le défendeur a eu connaissance de lassignation en temps utile pour pouvoir se défendre
En cas de comparution du défendeur : seule lincompétence fondée sur une règle exclusive peut et doit être relevée doffice (en raison de la compétence fondée sur la prorogation volontaire de compétence de larticle 26)
C. Procédures parallèles (art. 29 et 30)
Idée générale : éviter la concurrences des procédures risquant de déboucher sur la contrariété de jugements ; distinction litispendance et connexité ; distinction entre la litispendance/connexité européenne et la litispendance internationale ;
Litispendance/connexité européenne
Première règle : la litispendance : principe de priorité du juge premier saisi (art. 29)
Conditions : (i) tribunaux de deux Etats membres (ii) même parties ; (iii) même objet et même cause ; cause : faits et règles juridiques invoqués comme fondement de la demande ; interprétation large couvrant des litiges fondés sur le même rapport contractuel (Tatry 1994) ; objet : but de la demande ; conception extensive couvrant laction condamnatoire et laction négative (Tatry 1994) ; objectif déviter tout risque de décisions contradictoires ; critiques
Priorité au juge premier saisi : définition autonome de la notion de saisine dépôt de lacte introductif dinstance, ou notification (premier des deux moments) ; pas de contrôle de la compétence du juge premier saisi (Gasser 2003)
Effet : obligation de sursis à statuer, puis de dessaisissement lorsque la compétence du premier juge est confirmée ; obligation de soulever le point doffice
Danger dabus : la torpille italienne/belge (validé en substance par Gasser)
Exclusions : priorité du juge premier saisi ne vaut pas en cas de compétence exclusive (Weber 2014) ; ni en cas de clause attributive de juridiction lorsque le juge désigné est effectivement saisi du litige (art. 31.2 Bxs Ibis ; renversement de Gasser 2003) ; danger lié à linvocation dune clause attributive de juridiction manifestement inexistante ou nulle
Deuxième règle : la connexité (art. 30)
Hypothèse de demandes sans litispendance mais liées par un rapport si étroit quil y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin déviter des décisions inconciliables ; liberté dappréciation du juge second saisi de surseoir à statuer
Condamnation des mécanismes nationaux pour régler les procédures parallèles : forum non conveniens (Owusu 2005) ; anti-suit injunctions (Turner 2004 ; West Tankers 2009)
Litispendance/connexité internationale (art. 33 et 34)
Faculté de surseoir à statuer en cas de procédure parallèle dans un Etat tiers
Trois conditions : (i) priorité de la saisine du juge de lEtat tiers ; (ii) pronostic de reconnaissance de la décision à rendre ; (iii) sursis nécessaire pour une bonne administration de la justice ; appréciation souple de type forum non conveniens
Sous-section II. Le droit commun belge : le Code de droit international privé
Applicabilité uniquement lorsque les règles européennes ou internationales ne sappliquent pas (donc pas applicable notamment en matière civile et commerciale (patrimoniale) lorsque le défendeur est domicilié dans un Etat membre, ni en matière de divorce et responsabilité parentale)
Abandon du système antérieur fondé sur la distinction entre les défendeurs belges (compétence de base : art. 15 C. civ.) et les défendeurs étrangers (compétentes dans les cas prévus par le Code judiciaire)
Nouveau système fondé sur des règles générales de compétence et des règles spéciales dans chaque matière ; nécessité dune combinaison des deux types de règles
I. Règles générales de compétence (art. 5 s. CODIP)
Applicables dans toutes matières, sauf dans les cas où le Code y déroge (réservant la compétence des tribunaux belges à lexistence dun rattachement particulier : ex. de la matière de certains litiges sociétaires)
Très grande similarité avec le système Bruxelles I
Chefs de compétence repris du droit européen (avec parfois quelques nuances)
For du défendeur (domicile ou résidence habituelle) ; for de lun des défendeurs ; for de la succursale
Clause attributive de juridiction ; conditions : libre disponibilité de droit (exclusion probable de la matière du statut personnel); à loccasion dun rapport de droit ; clause valablement conclue ; restrictions inconnues du droit européen : (i) si juge belge désigné : possibilité de décliner la compétence en cas dabsence de lien significatif avec la Belgique (cf forum non conveniens); (ii) si juge étranger désigné : possibilité de refuser le dessaisissement sil est prévisible que la décision étrangère ne pourra être reconnue, ou en cas de compétence exceptionnelle fondée sur le déni de justice
Comparution volontaire du défendeur qui ne conteste pas la compétence
Demande reconventionnelle et en intervention ou garantie, lorsque le juge belge est saisi de laction principale ; en outre, connexité internationale
Compétence fondée sur le déni de justice : à titre exceptionnel, lorsque la saisine du juge étranger est impossible ou déraisonnable, en cas de lien étroit avec la Belgique
Mesures provisoires : de manière territoriale, en cas durgence
Litispendance internationale : identité de litige, prévisibilité de reconnaissance du futur jugement, saisine du juge étranger avant le juge belge
Compétence interne : application du Code judiciaire, à défaut du CODIP, à défaut Bruxelles
II. Règles spéciales de compétence
(i) Compétences complémentaires dans certaines matières :
Biens : localisation du bien en Belgique (art. 85) ; créance : située en Belgique si le débiteur est domicilié/résident en Belgique) ; trusts : administration du trust ou localisation des biens en Belgique
Obligation contractuelle (art. 96) : obligation née en Belgique ou devant être exécutée en Belgique
Obligation découlant dun fait dommageable (art. 96) : fait générateur ou dommage localisé en Belgique ; quasi-contrat : localisation en Belgique du fait dont résulte lobligation
Autres cas : renvoi
(ii) Compétence « exclusive »
Personnes morales : compétence des tribunaux belges uniquement si établissement principal ou siège statutaire en Belgique ; application aussi aux litiges concernant le « fonctionnement » des personnes morales (et pas uniquement validité/dissolution)
Autres cas : renvoi
Section III. Leffet des jugements étrangers
Sous-section I. Le règlement Bruxelles I
Objectif de libre circulation des jugements dans lUnion
Reconnaissance : de plein droit (sans aucune procédure) ; si nécessaire, possibilité de le faire confirmer par un jugement de reconnaissance
Exécution : abolition de lexequatur par Bxs Ibis ; introduction du principe dexécution directe
Système similaire pour leffet des actes authentiques
I. Procédure
Bruxelles I : deux phases : (i) procédure unilatérale ; contrôle formel des documents produits ; système de certificat dans lEtat dorigine ; (ii) procédure contradictoire : recours contre la décision dexécuter ; contrôle des motifs de non-reconnaissance/exécution ; jusquau prononcé de la décision, seules des mesures conservatoires peuvent être prises
Bruxelles Ibis : (i) principe dexécution directe : décision exécutée dans les mêmes conditions quune décision rendue dans lEtat membre requis (art. 41-1) ; en Belgique, possibilité de faire appel directement à un huissier de justice pour prendre des mesures de saisie exécution ; formalité préalable : signification de la décision au défendeur et « délai raisonnable » avant la première mesure dexécution (art. 43-1 et considérant 12)
(ii) Demande de refus dexécution dans lEtat membre requis, à la demande de la partie contre laquelle lexécution est demandée (art.47) ; contrôle des motifs de refus dexécution (identiques à Bxs I) ; possibilité de demander la suspension des mesures dexécution (mais pas de suspension automatique)
Régime spécifique pour les mesures provisoires : définition restrictive de la notion de « jugement » bénéficiant des règles de circulation pour les mesures provisoires (art. 1.1b) ; deux conditions : décision prononcée par le juge compétent au fond (conséquence sur labsence de reconnaissance et exécution des décisions prononcées sur pied de larticle 35), et décision prononcée de manière contradictoire ou après signification au défendeur (consécration de la jurisprudence Denilauler 1980) ; critiques
II. Motifs de non-reconnaissance/exécution
Motifs de refus écartés : révision au fond ; contrôle de la loi appliquée par le juge dorigine ; compétence du juge dorigine (sauf en cas de compétence exclusive, ou de compétence en matière dassurance/consommateurs pas travailleurs)
Motifs de refus maintenus (art. 45) : caractère limitatif
Contrariété à lordre public de lEtat requis ; ne joue que de manière exceptionnelle (Hoffman 1988) ; distinction (i) ordre public procédural : violation manifeste du droit au procès équitable (droit dêtre entendu par conseil en cas dabsence: Krombach 2000) ; sanction du jugement par défaut pour non respect dune injonction de freezing/disclosure nest pas nécessairement une violation du droit au procès équitable (Gambazzi 2009) ; défaut prononcé sans examen du bien fondé de la demande ni motivation peut être une violation du droit au procès équitable si manifestement disproportionné par rapport au but poursuivi (Trade Agency 2012) ; impact de la jurisprudence de la Court de Strasbourg : contrôle du droit au procès équitable (y compris principe dégalité des armes) est une conditions de la reconnaissance (Avotins v. Lettonie 2014) (ii) ordre public substantiel : pas une simple erreur dapplication dune règle dordre public même européenne (droit de la concurrence Renault 2000)
Décision rendue par défaut à la suite dune déloyauté dans lassignation : acte introductif non signifié ou notifié en temps utile au défendeur pour pouvoir se défendre, sauf en cas de défaut dexercice de voies de recours
Conflit de décisions : décision dans lEtat requis (motif de refus absolu), dans un autre Etat, membre ou non membre (refus uniquement si autre décision antérieure)
Sous-section II. Le droit commun belge : le Code de droit international privé
Applicabilité uniquement lorsque les règles européennes ou internationales ne sappliquent pas (donc pas applicable aux jugements rendus dans les autres Etats membres dans les matières soumises aux règlements européens)
Distinction selon différentes catégories deffets : reconnaissance (force obligatoire, exception de chose jugée), force exécutoire (nécessité dobtenir une déclaration constatant la force exécutoire), force probante (jugement fait preuve des énonciations quil contient, si jugement authentique selon Etat dorigine ; écarté si contraire à lordre public, et peut être contredit par toutes voies de droit : donc simple présomption juris tantum), effet de fait
Reconnaissance de plein droit des jugements étrangers, y compris en matière patrimoniale (antérieurement : uniquement en matière détat et de capacité des personnes) ; donc : possibilité sans autorisation de saisie conservatoire
Suppression de la révision au fond
Procédure sur requête unilatérale dans une première phase
Motifs de non-reconnaissance/exécution : contrariété manifeste à lordre public, violation des droits de la défense, inconciliabilité de décisions, contrôle de la compétence indirecte (en cas datteinte à une compétence « exclusive » en Belgique, ou si le juge étranger sest fondé sur la simple présence du défendeur ou de biens sans relation directe avec le litige), juge étranger saisi après le juge belge où laction est toujours pendante ; jugement susceptible dun recours dans lEtat dorigine (mais possibilité de mesures provisoires), fraude à la loi normalement applicable (mais uniquement si absence de disponibilité de droit)
Système similaire pour leffet des actes authentiques
Section IV. Les procédures européennes simplifiées
Diverses procédures uniformes sinscrivant dans le prolongement du principe de reconnaissance mutuelle
Sappliquent aux litiges transfrontaliers, mais impliquent un effacement des frontières intra-européennes
Procédures aboutissant à une décision susceptible dexécution immédiate dans tous les Etats membres (sans exequatur ; anticipation du système de Bxs Ibis)
Système de formulaires standardisés (multilingues)
Procédures optionnelles, disponibles seulement pour certains types de créances et à certaines conditions
I. Titre exécutoire européen (TEE) : créances incontestées
Règlement 805/2004 du 21 avril 2004 sur le titre exécutoire européen
Reconnaissance et exécution sans procédure dexequatur
Applicable aux « créances incontestées » ; créances monétaires ; absence de contestation au cours de la procédure judiciaire (décisions par défaut ou contradictoire en cas de non contestation de la demande)
Système de certification dans lEtat dorigine ; se greffe sur une procédure nationale
Condition de respect dans lEtat dorigine de certaines « normes minimales » (quant à la transmission de lacte introductif dinstance, quand au respect de certaines règles de compétence, quant au caractère exécutoire de la décision dans lEtat dorigine)
Absence de contrôle même fondé sur lordre public
II. Procédure dinjonction de payer européenne (IPE) : créances contractuelles
Règlement 1896/2006 du 12 décembre 2006 sur la procédure dinjonction de payer
Créances contractuelles, pécuniaires, exigibles et liquides
Crée une procédure spéciale unilatérale européenne pour les litiges transfrontières (une partie a son domicile en dehors du for)
Compétence : Bxs Ibis ; mais (i) pas dexigence dactivité dirigée si consommateur défendeur ; (ii) possibilité de contester la compétence après opposition même si lexception dincompétence nest soulevée quaprès lopposition (qui nest pas le premier moyen de défense au sens de larticle 26 : Golbet 2013)
Obtention dun titre de condamnation à payer sur requête unilatérale (système du contentieux inversé : le débat contradictoire na lieu quen cas de contestation de la décision unilatérale par le débiteur condamné)
Interdiction de soumettre la procédure à des exigences supplémentaires du droit national (Szyrocka 2012)
Notification de la décision au défendeur qui dispose dun délai de 30 jours pour former opposition dans lEtat dorigine (pas de prolongation du délai même si le représentant du débiteur a fait une erreur dans le calcul du délai : Novontech-Zala 2013) ; injonction devient exécutoire à lexpiration du délai sil ny a pas dopposition ; exécutoire immédiatement dans tous les Etats membres
En cas dopposition, la procédure simplifiée communautaire sarrête
III. Procédure européenne de règlement des petits litiges : valeur maximum 2.000 Euros
Règlement 861/2007 du 11 juillet 2007
Procédure contradictoire simplifiée pour les litiges dun montant inférieur à 2000 Euros
Compétence : Bxs Ibis
Procédure en principe écrite fondée sur un formulaire standardisé de demande et de réponse du défendeur
Procédure peut être paralysée par le défendeur en formulant une demande reconventionnelle supérieure à 2000 Euros
IV. Mesures de protection en matière civile
Règlement 606/2013 sur la reconnaissance mutuelle des mesures de protection en matière civile ; exemple de linterdiction de contacter ou de se rapprocher dune personne (« restraining order »)
V. Ordonnance européenne de saisie conservatoire
Règlement 655/2014 portant création dune procédure européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires
Ordonnance visant à empêcher le transfert ou le retrait de fonds détenus par un débiteur sur des comptes bancaires tenus dans les Etats membres liés par le règlement (tous les Etats membres sauf le RU et le Danemark)
Ordonnance immédiatement exécutoire sans exequatur, assimilée à une ordonnance équivalente de lEtat membre dexécution
Compétence : ordonnance ne peut être émise que par une juridiction compétente au fond (comprise de manière large comme visant aussi les procédures sommaires dinjonction de payer et les procédures de référé)
Section V. Lassistance judiciaire internationale
En principe, la procédure relève exclusivement de la loi (interne) du for
Certaines questions procédurales requièrent une assistance judiciaire à létranger
I. Signification des actes judiciaire à létranger
Question de la communication actes judiciaires et extra-judiciaires aux différents stades de la procédure (assignation, citation de témoins, jugement, voies de recours, commandement, sommation, etc.)
Convention de La Haye du 15 novembre 1965 ; méthode principale de transmission par lintermédiaire de lautorité centrale désignée dans chaque pays ; méthodes subsidiaires : agent diplomatique ou consulaire, voie postale (à condition que lEtat de destination ny fasse pas obstacle)
Règlement « signification » (règlement 1393 du 10 décembre 2007, remplaçant celui du 29 mai 2000) ; méthode principale de transmission directe entre entités (cf. huissiers et greffiers) ; méthodes subsidiaires : voie consulaire ou diplomatique, envoi par recommandé par la poste avec avis de réception
II. Obtention des preuves à létranger
Mécanisme de droit commun de la commission rogatoire (procédures lourde ; transmission par voie diplomatique)
Convention de La Haye de 1970 (pas en vigueur en Belgique, mais applicable dans de nombreux pays européens): transmission par autorité centrale
Règlement « obtention des preuves » (1206/2001) ; deux nouveautés principales : demande directe daccomplir un acte dinstruction entre juridictions ; réalisation directement dun acte dinstruction dans un autre Etat membre (2 conditions : pas de mesure coercitive, feu vert de lautorité centrale de lEtat requis)
Règlement optionnel : faculté pour les tribunaux des Etats membres dordonner la déposition dune partie résidant dans un autre Etat membre (Lippens 2012) ou la réalisation dune expertise sur le territoire dun autre Etat membre (ProRail 2013) ; limites : affectation de lautorité publique dun autre Etat membre, par exemple laccès par un expert judiciaire à des lieux interdits au public (ProRail), affectation dun tiers à la procédure, impliquant la compétence du juge à son égard (cf av. gén. in Lippens)
Chapitre II Les conflits de lois
Position du problème
Diversité des méthodes de solution en droit comparé
La méthode en droit international privé belge et européen
Section I. Position du problème de conflit de lois
Toute question de droit suppose deux éléments principaux : un semble de faits (ex. accident de voiture ; inexécution dun contrat ; décès dune personne laissant deux héritiers) et une ou plusieurs question(s) ou prétention(s) (ex. qui doit indemniser et comment ?; quels sont les remèdes ? ; comment distribuer le patrimoine du défunt ?)
Deux possibilités
Soit la question de droit est purement interne (elle ne présente des points de contact quavec un seul ordre juridique): détermination dans lordre juridique concerné de la règle qui, de par son contenu, à vocation à régir la question de droit, et application de cette règle au litige
Soit la question de droit présente un caractère international (en raison dun élément dextranéité, ou élément étranger, qui a pour effet de rattacher la question de droit à deux ordres juridiques ou plus) : problème préalable lié au fait que plusieurs règles, issues dordres juridiques différents, sont susceptibles dêtre appliquées pour régler la question de droit (à priori, tout ordre juridique a vocation à régir toute question de droit) ; naissance de ce que lon appelle un « conflit de lois » entre ces différentes règles appartenant à des ordres juridiques différents ; nécessité de faire un choix entre ces différentes règles
Section II. Diversité des approches en droit comparé
Les différentes approches a priori possibles
Approche directe : élaboration de normes substantielles propres aux relations internationales ; vise à dépasser le conflit de lois plutôt quà choisir entre les lois en présence ; norme matérielle de droit international privé dorigine nationale ou internationale (ex. Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises) ; méthode encore relativement rare
Approche indirecte : désignation, parmi les règles en conflits, de celle qui sera appliquée pour résoudre la question de droit ; approche prédominante en droit comparé
Mais grande diversité des techniques utilisées pour désigner la règle applicable ; ces techniques se ramènent de nos jours à deux méthodes principales (outre la méthode « communautaire/européenne » : voy. infra), qui prennent un point de départ diamétralement opposé : soit lon part de la question de droit pour déterminer la loi applicable (méthode bilatérale), soit lon part de la règle de droit pour déterminer son domaine dapplication (méthode unilatérale)
I. La méthode bilatérale
Méthode systématisée par Savigny : détermination du « siège du rapport de droit »
Système consistant à sinterroger sur la nature de la question de droit posée et à en déduire quel élément la localise ; en principe, cet élément de localisation permet de déterminer lordre juridique avec lequel la question de droit présente objectivement les liens les plus significatifs
Exemple : accident de voiture : application de la loi du lieu de laccident ; contrat inexécuté : application de la loi choisie par les parties ; dévolution successorale : application de la loi du dernier domicile du défunt
Méthode privilégiée aujourdhui dans systèmes juridiques romano-germaniques, et en droit international privé européen
Principaux caractères de la règle de conflit savignienne :
(1) Caractère indirect : elle ne résout pas la question de fond, mais désigne la loi apte à la résoudre (par opposition aux règles matérielles) ; sous cet ange, le droit international privé est un droit de classement
(2) Caractère multilatéral : la règle peut désigner aussi bien la loi de lEtat qui la édictée (loi du for ou lex fori), que les lois étrangères (lex causae), ou plutôt la loi dun Etat en particulier (caractère bilatéral)
(3) Caractère abstrait : la règle est indifférente au contenu respectif de la lex fori et de la lex causae ; le juge na pas à prendre connaissance de la teneur matérielle des lois en présence
(4) Caractère neutre : en principe, la règle places sur un pied dégalité la lex fori et la lex causae, et ne cherche pas à privilégier lune des solutions possibles du litige ; règle fondée sur la « justice de droit international privé » (recherche du rattachement approprié pour chaque type de rapport de droit), et non sur la « justice du résultat » (recherche de la solution juste à la question de droit)(caractère neutre nuancé par ces certains infléchissements et mécanismes de correction : voy. infra).
II. La méthode unilatérale
Système consistant à sinterroger sur le champ dapplication des lois en présence, et à déterminer la loi applicable en fonction du contenu et des objectifs de ces lois
Trouve son origine dans une conception publiciste du droit international privé, qui veut que le conflit de lois est en réalité un conflit de souveraineté ; une norme de rattachement ne peut délimiter le champ dapplication des règles de lordre juridique auquel elle nappartient pas ; cest à chaque souverain, à chaque Etat quil appartient de déterminer à quelles situations, à quels questions de droit il a vocation à sappliquer ; la loi du for détermine quand elle doit sappliquer ; si elle ne prévoit pas lapplication de ses propres règles, elle nen désigne pas dautres car elle na pas à le faire : il faut rechercher la loi étrangère qui se veut applicable
Méthode proche de la théorie développée aux Etats-Unis dite de « lanalyse des intérêts gouvernementaux » (governmental interest analysis) ; théorie part du point de vue que le conflit de lois nexiste pas entre ordres juridiques pris globalement, mais entre règles substantielles prises individuellement ; le conflit de lois ne peut être réglé de manière « abstraite et aveugle » ; recherche de manière individuelle de la politique (policy) sous-jacente à chacune des règles en conflit ; résolution du conflit de lois par lanalyse des intérêts poursuivis par chaque règle ainsi que par leur intérêt respectif à lappliquer dans le cas despèce compte tenu des rattachements de la situation
Méthode unilatérale lemporte dans les matières de droit public : chaque ordre juridique se préoccupe de la délimitation dans lespace des règles de droit public du for, mais non des règles de droit public étrangère ; mais il ny a pas véritablement de conflit de lois ; le juge dun Etat ne fait pas application (en principe) du droit public étranger, il lignore
En Europe, la méthode unilatérale présente un caractère subsidiaire ; elle nest appliquée que dans certains cas, notamment par le mécanisme des lois de police (voy. infra)
III. La méthode du principe dorigine en droit communautaire
Interrogations récentes sur le développement dune approche modifiée du droit international privé dans lespace européen
Doctrine fondée sur une approche communautariste déduite des principes de base du droit communautaire de reconnaissance mutuelle et de principe du pays dorigine (arrêt Cassis de Dijon, 1979)
Transposition de ces principes du domaine de la régulation des marchés à celui des litiges de droit privé ; la diversité des loirs de droits privés en Europe est un obstacle à la libre circulation qui doit être dépassé par lapplication de la loi du pays dorigine du produit ou du service
Application de cette approche dans certaines directives ; cf. clause de marché intérieur (home country control) de la directive sur le commerce électronique (art. 3) : chaque Etat veille à ce que les services de la société de linformation fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent le droit national relevant du domaine coordonné ; domaine coordonné comprend laccès à lactivité etc mais aussi des aspects de droit civil y compris la responsabilité des prestataires ; arrêt eDate & Martinez (2010) : clause de marché intérieur nimpose pas une transposition sous la forme dune règle spécifique de conflit de lois ; mais des dispositions impératives dune directive qui sont nécessaires pour la réalisation des objectifs du marché intérieur doivent pouvoir sappliquer même en dépit dun choix de lois divergent ; la directive soppose à ce que le prestataire de service de commerce électronique soit soumis à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit national dorigine ; donc : comparaison et application de la loi la moins stricte ?
Mise en oeuvre de lapproche dans dautres matières : sociétés, nom patronymique
Critique de la doctrine qui préconise une application généralisée de la méthode : la diversité des lois de droit privé nest pas en soit et nécessairement une source de distorsion ni dentrave aux échanges
Section III. La règle de conflit en droit international privé belge et européen
Raisonnement bilatéraliste
Mécanisme correcteurs
Primauté en DIP belge et européen de la règle de conflit bilatérale, assortie de certaines atténuations et mécanismes correcteurs
Sous-section I. Les éléments du raisonnement bilatéraliste
Catégories statuts
Qualification
Facteurs de rattachement
Application doffice de la règle de conflit
I. Les catégories de rattachement
Les matières de droit privé sont regroupées en de vastes ensembles (statuts, ou catégorie de rattachement) en vue de déterminer, pour chaque catégorie, le facteur de rattachement le plus approprié
Catégories traditionnelles : statut personnel, forme et fond des actes juridiques, faits juridiques, biens, procédure
CODIP : adapte ces catégories, en les affinant ; catégories inspirées du droit interne, mais définies de manière plus large, plus souples en vue de faire entrer des institutions étrangères (ex. : promesse de mariage rattachée à la catégorie « relations matrimoniales ») ; catégorie « trusts » ; apparition de nouvelles catégories pour sadapter aux changements de la société (ex. « relation de vie commune »)
Droit européen consacre diverses catégories, soumises à des règlements distincts : obligations contractuelles, obligations non contractuelles, obligations alimentaires, divorce, insolvabilité, successions, etc.
II. La qualification
En droit interne : opération intellectuelle par laquelle un fait ou une situation est rattachée à une règle de droit matériel abstraite
En droit international privé : classement de la question de droit dans lune des catégories de rattachement, qui fournira le facteur de rattachement, désignant à son tour le droit applicable
Opération souvent difficile, car de nombreuses questions de droit touchent simultanément à plusieurs catégories de rattachement : ex., le statut des biens de époux pendant le mariage relève-t-il du statut des « personnes » ou des « biens » ? Nombreuses questions de frontières maintenant réglées par le CODIP
Difficulté supplémentaire du conflit de qualification : la question de droit est qualifiée de manière différente par le DIP du for et par le DIP étranger ; ex. questions de succession relèvent des biens en France, et des personnes en Espagne ; exigence de célébration religieuse : condition de fond du mariage (loi nationale) ou condition de forme (loi du lieu de célébration du mariage)
La loi applicable à la qualification : dans quel droit faut-il puiser les concepts juridiques permettant la qualification ? Diverses solutions (question non tranchée dans le CODIP)
(1) Qualification lege fori ; pro. : qualifier revient à interpréter les règles de conflits de lois ; comme celles-ci sont édictées par la lex fori, il faut qualifier selon la lex fori ; con. : risque de dénaturation de la question de droit au regard du droit étranger ; difficulté de qualifier une institution étrangère inconnue du droit du for
(2) Qualification lege causae ; pro. : respect de la conception étrangère de la question de droit ; con. : difficulté didentifier quelle loi appliquer ; cercle vicieux (application de la loi étrangère pour déterminer si la loi étrangère doit sappliquer) ; Exemple célèbre : « laffaire des Maltais » (Bartholo, CA Alger, 1889) ; époux mariés à Malte sans contrat de mariage ; première résidence conjugale à Malte ; mari décédé à Alger ; droit Maltais prévoit la « quarte du conjoint pauvre » (usufruit du quart du conjoint prédécédé) ; relève-t-elle du domaine des succession (droit français) ou matrimonial (droit maltais) ? qualification maltaise retenue : cest un avantage matrimonial
(3) Combinaison des deux solutions : première phase de qualification selon la lex fori, mais réévaluation dans une seconde phase, avec correction éventuelle de la solution ; en toute hypothèse la qualification lege fori sarrête à la solution du conflit de lois et nintervient pas au stade de lapplication des règles de droit matériel
(4) Qualification selon les concepts autonomes : recherche de concepts autonomes aspirant à luniversalité, différents de ceux du for, par le recours à la méthode comparative ; solution retenue en particulier dans les conventions internationales et en droit européen
Le concept préjudiciel : question similaire à celle du conflit de qualification, mais sous un autre angle ; question nait de la disparité de signification dun même concept dans les différents ordres juridiques susceptibles de sappliquer à des questions liées ; ex. notion d « enfant » conçue de manière différence dans le droit régissant létat et dans le droit successoral ; solution par ladaptation ou lassimilation dun concept à un autre
La question préalable : question de droit (et non signification dun concept) qui doit être résolue avant de pouvoir traiter de la question principale qui est lobjet même de laction en justice (ex. action successorale suppose de trancher dabord la question de savoir si le demandeur a un lien de filiation avec le défunt) ; difficulté lorsque la question principale et la question préalable relèvent de catégories différentes ; diversité de solutions : (i) soumission de la question préalable à la même loi que la question principale (désavantage de conduire à des solutions contradictoires selon le contexte dans lequel se pose la question); (ii) soumission de la question préalable à la loi qui lui est propre
III. Le facteur de rattachement
A. Principaux facteurs de rattachement
Enumération des principaux facteurs
(1) Facteurs de rattachements liés à la personne
(a) Nationalité
Chaque Etat détermine selon sa loi nationale qui sont ses nationaux (art. 3§1er CODIP)
Cas de pluralité de nationalité : Convention LH 1930 sur les conflits de lois sur la nationalité, art. 3 : chaque Etat « peut » considérer celui qui a sa nationalité comme son ressortissant ; Codip : si nationalité belge parmi celles en présence, primauté de la nationalité belge ; à défaut, primauté de la loi de lEtat avec lequel, daprès lensemble des circonstances, cette personne possède les liens les plus étroits, en tenant compte, notamment, de la résidence habituelle (art. 3§2 CODIP) ; pour les apatrides ou réfugiés, remplacement du critère de la nationalité par la résidence habituelle (art. 3§3 CODIP) ; ancienne jurisprudence admettait parfois des dérogations à la primauté de la loi du for (cf. Cass. 4 déc. 2009 : loi applicable au régime matrimonial dun couple de marocain + marocain/belge ; couple peut être considéré comme ayant une nationalité commune) ; solution condamnée par le Codip ou sauvegardée par Conv. LH ?
(b) Domicile (art. 4 CODIP)
Personnes physiques : lieu dinscription sur les registres de la population
Personnes morales : siège statutaire
(c) Résidence habituelle (art. 4 CODIP)
Personnes physiques : lieu détablissement à titre principal, compte tenu des circonstances de nature personnelle ou professionnelle qui révèlent des liens durables avec ce lieu ou la volonté de nouer de tels liens
Personnes morales : établissement principal, compte tenu en particulier du centre de direction, ainsi que du centre des affaires ou des activités, et subsidiairement, du siège statutaire
(2) Facteurs de rattachement territoriaux
Location dun fait ou dun acte
Localisation dun bien
(3) Volonté des parties
Choix de la loi applicable
B. Les règles de conflit à rattachement multiple
Hypothèses où la règle de conflit de lois met en uvre, dans une même situation, plusieurs facteurs de rattachement ; grande variété de cas
Cumul disjonctif : application de facteurs de rattachement distincts à différents aspects de la situation ; ex. matière successorale, immeubles soumis à la loi de la situation meubles à la loi de la dernière résidence habituelle du défunt
Cumul distributif : application séparée des lois désignées par la règle de conflit ; ex. application à chaque futur époux de sa loi nationale pour la formation du mariage
Cumul limitatif : application simultanée de différentes lois désignées par la règle de conflit, en ne retenant que les éléments communs aux législations (conduisant en pratique à lapplication de la loi la plus restrictive) ; ex. de lancienne solution ne permettant le divorce par consentement mutuel que si le divorce est prévu par la loi de chacun des deux époux
Cumul de validation : plusieurs facteurs sappliquent simultanément à une même question de droit, et la préférence est donnée à celle qui valide linstitution; ex. validité formelle du contrat établie soit selon la loi du lieu de conclusion du contrat, soit selon la loi applicable au fond
Cumul électif : plusieurs facteurs de rattachement, avec possibilité de choix entre ceux-ci
Cumul alternatif : plusieurs lois sont susceptibles de sappliquer selon la règle de conflit, et la préférence est donnée à lune dentre elles ; ex. application de la loi nationale de lauteur à la filiation biologique ; si ces lois conduisent à létablissement de plusieurs filiation de plein droit, application de la loi des liens les plus étroits
Rattachement en cascade (échelle de Kegel) : application dune règle de conflit à défaut de lautre, dans un ordre hiérarchique ; ex. divorce : loi de la résidence habituelle des époux, et à défaut dernière résidence commune si lun des époux possède sa résidence dans lEtat en cause, et à défaut loi nationale commune, et à défaut la loi belge ; ex. responsabilité non contractuelle : loi de la résidence commune des parties, et à défaut du lieu du fait dommageable
C. Le conflit mobile
Hypothèse du déplacement du facteur de rattachement, dans le temps et dans lespace ; ex. modification de la résidence habituelle ; déplacement dun bien ; modification du choix de la loi applicable
Question : faut-il retenir la loi désignée par le facteur de rattachement avant ou après la modification ?
Variété des systèmes de solution
Théorie des « droits acquis » : les droits constitués selon une loi donnée sont reconnus partout ; ex. validité dune sûreté dépend de la loi du lieu de situation du meuble au moment de la constitution de la sûreté ; avantage dassurer la stabilité des droits et des institutions dans lordre international ; inconvénient de figer les situations en les maintenant sous lempire dune loi avec laquelle il peut nexister plus aucun lien
Analogie avec le droit transitoire : application immédiate de la nouvelle loi aux effets à venir ; mais non-rétroactivité de la loi nouvelle aux effets échus
Solution retenue par le CODIP : détermine, de manière individuelle, le moment à prendre en compte pour chaque question
D. Le conflit de systèmes (théorie du renvoi)
Problème lié à la diversité des rattachements utilisés dans les différents ordres juridiques ; ex. capacité dun anglais domicilié en Belgique ; succession dun espagnol résident en Belgique
Question : lorsque la règle de conflit de lois du for désigne un droit étranger, faut-il avoir égard uniquement au droit matériel interne, ou à lensemble du droit de ce pays, y compris ses règles de conflit de lois ?
Théorie du renvoi : prise en compte de lensemble du droit désigné ; théorie na dintérêt que lorsque la règle de conflit étrangère désigne un autre droit que la règle de conflit du for (cf. utilisation dun autre facteur de rattachement)
Différentes formes de renvoi
Renvoi au premier degré : règle de conflit de lois du for désigne une loi étrangère dont la règle de conflit désigne le droit du for
Renvoi au deuxième degré : règle de conflit de lois du for désigne une loi étrangère dont la règle de conflit désigne la loi dun troisième Etat
Arguments en faveur du renvoi : respect de lordre juridique désigné par la règle de conflit ; harmonie (supposée) entre la solution retenue dans le for et la solution retenue à létranger ; offre souvent la facilité de permettre lapplication de la loi du for
Arguments contre le renvoi : en cas de renvoi au premier degré, la logique voudrait que lon prenne en compte le droit du for dans son ensemble, y compris les règles de conflit, avec pour conséquence, un cercle vicieux ; en cas de renvoi au second, degré, possibilité de renvoi vers un autre droit et de boucle (seule solution pour maintenir le renvoi : le mécanisme sarrête lorsquon rencontre une règle déjà rencontrée) ; abdication de la souveraineté du for en faveur de la souveraineté étrangère
Double renvoi : application de la loi applicable (et non de la règle de conflit) qui serait appliquée par le juge de lEtat désigné par la règle de conflit du for
Droit positif
Solution de droit commun antérieure au CODIP : application de la théorie du renvoi par la jurisprudence dans la matière du statut personnel, mais aussi de la responsabilité non contractuelle (mais non par ex. en matière de statut de lautonomie de la volonté)
CODIP : rejet en principe de la théorie du renvoi (art. 16), sauf dans des cas particuliers et avec des restrictions : capacité (renvoi au premier degré quand la loi nationale désigne la loi belge) ; succession immobilière (renvoi si le droit de situation de limmeuble désigne la loi de la dernière résidence du défunt) ; personnes morales (renvoi si le droit du principal établissement désigne la loi du lieu de constitution)
Droit européen : rejet de la théorie du renvoi dans Rome I, Rome II, Rome III, Obligations alimentaires (Protocole LH 2007) ; application encadrée de la théorie dans le règlement successoral : prise en compte des règles de conflit de lois de la loi désignée si elle renvoient à la loi dun Etat membre ou à la loi dun Etat tiers qui appliquerait sa propre loi ; exclusion de toute façon du renvoi (i) si application de la clause dexception des liens les plus étroits, (ii) si choix de la loi applicable, (iii) validité quand à la forme des dispositions à cause de mort et déclaration dacceptation / renonciation à la succession
Droit conventionnel : diversité des solutions ; conventions les plus récentes ont tendance à rejeter la théorie
IV. Lapplication doffice de la règle de conflit, et du droit étranger
En droit interne, les règles de droit sont toujours obligatoires pour les juges (mais parfois facultatives pour les parties)
Les règles de conflit de lois sont des règles de droit du droit interne
Conséquence : application doffice de la règle de conflit ; Cass. 9 oct. 1980
Nuances : (i) obligation pour le juge de respecter les droits de la défense, et donc davertir les parties avant dappliquer une loi étrangère, pour quelles puissent en discuter et la compétence et le contenu (Cass. 15 déc. 1982, Pas. 1983, I, 68) ; (ii) marge dappréciation quant à lapplication des lois de police étrangères ; (iii) possibilité dun « accord procédural » : exclusion par les parties de commun accord de la loi désignée par la règle de conflit dans les matières où elles ont la libre disponibilité
Application du droit étranger (art. 15 CODIP) : interprétation conforme à celle quil reçoit à létranger (contrôle par la Cour de cassation : Cass. 9 oct. 1980 ; conforme à lapproche romano-germanique selon laquelle le droit étranger est du droit, par opposition à lapproche anglo-américaine ou le droit étranger est du fait qui doit être prouvé par les parties) ; possibilité de requérir la collaboration des parties pour en déterminer le contenu ; en cas dimpossibilité détablir le contenu en temps utile (cf. référé), possibilité dapplication du droit belge
Sous-section II. Les mécanismes correcteurs
Moyens utilisés en vue décarter tout ou partie du droit désigné par la règle de conflit
I. Clause dexception
Mécanisme permettant de déroger à la règle de conflit de lois lorsque le droit désigné ne permet pas datteinte lobjectif poursuivi par la règle ; exemple où la loi désignée ne permet pas datteinte le principe de proximité (absence de liens significatifs avec la situation)
Traditionnellement, prend en compte uniquement la justice de droit international privé, et non la justice du résultat
Clause dexception générale ou spéciale
Les principaux cas dapplication
Règlement Rome I, article 4.3: en labsence de choix des parties, les rattachements sont écartés « lorsquil résulte des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre »
Règlement Rome II, article 4.3: la loi du lieu du dommage ou de residence commune des parties est écartée si la situation présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays
CODIP, article 19: deux conditions cumulatives: insuffisance de proximité avec la loi désignée, liens très étroits avec une autre loi ; mise en uvre « à titre exceptionnel » ; facteurs à prendre en compte : besoin de prévisibilité de la loi applicable, théorie des droits acquis ; non-application en cas de choix de la loi applicable
II. Fraude à la loi
Utilisation volontaire dune règle de conflit de lois dans le but déchapper à lapplication de la loi normalement compétente ; exemple célèbre de laffaire de la « Princesse de Bauffremont » : acquisition par la princesse dune loi étrangère en vue de contourner linterdiction du divorce (à ce moment) en droit français
Deux approches en droit comparé : (i) objective : simulation dun élément dextranéité, élément fictif, (ii) subjective : but de contourner la loi applicable (cf Princesse de Beaufremont)
Consécration par le COPIP, article 18 : « pour la détermination de la loi applicable en une matière où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits, il nest pas tenu compte des faits et des actes constitués dans le seul but déchapper à lapplication du droit désigné par la présente loi »
Texte semble retenir une approche subjective (prise en compte de lintention des parties : « dans le but ») ; plutôt quobjective (simulation dun élément dextranéité) ; absence de condition dans le texte que les faits et actes soient fictifs ou artificiels ; mais doctrine continue à soutenir que « le succès de lexception suppose que soit établi le caractère fictif de lélément de rattachement » (Rigaux et Fallon, n° 5.73)
Exemple : affaire Audi-NSU, Cass. 28 juin 1979, Pas., 1979, I, 1260 : clause dun contrat de concession de vente exclusive localisant fictivement lexécution du contrat au siège social du concédant en Allemagne en vue déchapper à la loi de 1961 sur la résiliation des concessions exclusives de vente (approche objective)
CODIP limite lintervention de la théorie aux matières où les personnes ne disposent pas librement de leurs droits
Sanction de la théorie : inopposabilité
III. Ordre public international
Clause dexception générale assortissant les règles de conflit conduisant à léviction de la loi désignée comme applicable
Moyen de défense contre des dispositions de droit étranger qui méconnaissent les principes fondamentaux de la société du for ; fonction négative
Ne vaut par définition que quant le droit étranger est désigné
Consécration généralisée dans les textes
Rome I (art. 21) et Rome II (art. 26): loi écartée lorsque son application est manifestement incompatible avec lordre public du for
CODIP, art. 21 : disposition de droit étranger écartée lorsquelle « produirait un effet manifestement incompatible avec lordre public »
Définition classique de lordre public par la Cour de cassation : « une loi dordre public interne nest dordre public international privé que pour autant que le législateur ait entendu consacrer, par les dispositions de celle-ci, un principe quil considère comme essentiel à lordre moral, politique ou économique établi, et qui , pour ce motif, doit nécessairement, à ses yeux, exclure lapplication, en Belgique, de toute règle contraire ou différente » (Cass., 4 mai 1950, Pas. 1950, I, 624)
Lordre public international nest que « lextrême sommet » de lordre public interne
Caractères et effets de lordre public international
Actualité : cf. filiation denfants nés hors mariage : refus sur la base de lordre public dabord des législations permettant de létablir, et ensuite refusant de létablir
Appréciation concrète (pas de condamnation in abstracto de la législation étrangère, mais refus des effets de celle-ci dans le cas despèce)
Effet atténué : appréciation moins sévère en cas de faiblesse des rattachements avec le for, ou de simple reconnaissance en Belgique des effets dune situation qui sest créée à létranger ; art. 21-2° CODIP : lincompatibilité sapprécie « en tenant compte, notamment, de lintensité du rattachement de la situation avec lordre juridique belge et de la gravité de leffet que produirait lapplication de ce droit étranger »
Conséquence : application dune autre disposition pertinente du droit étranger, et au besoin du droit belge (art. 21-3° CODIP-
IV. Lois de police
Norme substantielle appliquée de manière immédiate à une situation internationale indépendamment de sa désignation par une règle de conflit de lois (« loi dapplication immédiate »)
Fondée sur lapproche unilatérale ; la loi comporte elle-même une règle dapplicabilité qui force sa compétence dans les situations internationales
Terminologie provient de larticle 3-1° du Code civil français et belge (abrogé)
Consécration généralisée dans les textes (avec des terminologies différentes)
Rome I (art. 9, visant les lois de police) et Rome II (art. 16, visant les dispositions impératives dérogatoires)
CODIP, art. 20 (vise les règles spéciales dapplicabilité)
Définitions : (i) CODIP : règles impératives ou dordre public du droit belge qui entendent régir une situation internationale en vertu de la loi ou en raison de leur but manifeste ; (ii) Rome I, art. 9(1): une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point den exiger lapplication à toute situation entrant dans son champ dapplication, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat »
Distinction entre lois de police du for et étrangère
Lois de police du for : application obligatoire
Lois de police étrangères : application facultative ; (i) Conv. Rome : option, avec réserve (ii) Rome I : prise en compte des lois de police du lieu dexécution du contrat qui rendent lexécution du contrat illégale (restriction par rapport à la Convention de Rome) ; (iii) Rome II : mécanisme non applicable aux lois de police étrangère (mais mécanisme des « règles sécurité » : renvoi); (iv) CODIP : possibilité de prise en compte générale des lois de police étrangères de lEtat avec lequel la situation présente un lien étroit.
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V5 - Unité de droit international privé de lU.L.B.
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