Td corrigé judith polonsky - notreclan pdf

judith polonsky - notreclan

Les collèges n'enseignent que la géométrie, mais les parisiens se pressent aux cours ... le climat moral change, la littérature est plus hardie, plus gaie, dès 1716, ... Cet esprit qui unit le goût du savoir et le goût de plaire aux contemporains est .... Examen de la religion dont on cherche l'éclaircissement de bonne foi, a été ...




part of the document






























JUDITH POLONSKY
































Chez mes parents, dans la cuisine, ma mère baignait ma soeur aînée Slava, elle interpella mon père : « regarde comme elle est belle ! ».

Cette réflexion marque toute mon enfance, comme d’ailleurs le sentiment de notre extrême pauvreté.

Ma soeur aînée était belle et bête de l’avis de tout notre entourage, et moi intelligente mais laide ! 

Alors j’ai tenu à faire des études pour m’en sortir et compenser ainsi tout ce qui me faisait souffrir : le fait d’être pauvre et le sentiment d’être laide.



























Je suis née en août 1913 à LIEPAJA ville de 60000 habitants en LETTONIE. Nous étions 5 enfants : ma soeur Slava, moi Judith, Riwkah, mon frère Joseph, ensuite ma plus jeune soeur Pessi.

Ma mère s’appelait Malka ; elle était une grande et jolie femme, noble de coeur.

Mon père David était moins chaleureux, j’avais peu de contacts avec lui. Rapidement, j’ai été envoyée chez ma grand-mère maternelle « MINA » qui habitait avec son mari Hirsche KAHN et sa deuxième fille, ma tante Guitta, à Salanti, petit village de Lithuanie appelé « Schtetl » où je ne voyais que des juifs.

Les « Schtetl » étaient des petites bourgades, habitées par des juifs, disséminés par centaines en Pologne et dans les pays baltes. Ils ont tous disparu pendant la guerre. Salanti était un de ces « Schtetl ». Je me souviens d’une rue principale qui traversait toute la bourgade. Les jours de marché, les paysans non juifs venaient des alentours pour vendre les produits ou acheter sur place. C’était une foule très vivante. Ces fois là, mon grand-père était très occupé à vendre ou à acheter du chanvre.

En permanence, un fil de fer était tendu d’un bout à l’autre de la rue et délimitait une zone aussi sacrée que l’intérieur d’une maison juive. Ce périmètre incluait la synagogue et presque toutes les maisons juives. Cela signifiait que les jours de Sabbat on n’avait pas le droit de travailler, comme à l’intérieur d’une maison.

Ma tante achetait beaucoup de choses pour coudre pour m’habiller. Elle était très bonne pour moi. Ma soeur Riwkah m’a rejointe. Donc ma grand-mère nous a élevées toutes les deux.

Mon grand-père était un homme très respecté. Il était honnête, bon, juif pratiquant. Il était marchand de chanvre, il allait chercher le chanvre loin dans le pays, avec une voiture à cheval pour le revendre le mercredi jour de marché.

Nous marquions les fêtes religieuses, j’allais à l’école juive où je recevais aussi un enseignement religieux.










- 1 -

Chez ma grand-mère, tante Guitta était déjà âgée (environ 30 ans) et on cherchait un mari pour elle à l’aide d’une marieuse. Le fiancé une fois trouvé est venu à la maison. Il présentait bien. Elle mettait de l’ail dans ses poches pour ne pas le perdre ! ou qu’il ne fasse pas enlever par une autre femme , ou encore que le mauvais oeil ne le touche pas !

Plus tard, des parents les ont fait venir tous les deux en Afrique du Sud.

Une fois mariée, tante Guitta a continué à s’occuper de moi. En Afrique du Sud, elle a eu un fils : « le petit Yossele » (Joseph) qui a étudié la médecine. Elle en était très fière.

Elle se mit à apprendre l’anglais et un jour elle m’écrivait à Paris : « Yossele est devenu un « Mantel-Arbeiter ». (J’ai cru qu’elle voulait dire : tailleur. Or c’était « Mental-Arbeiter » !!!).

Quand j’avais huit ans, ma soeur Riwkah et moi avons été ramenées chez mes parents en LETTONIE à Liepaja. Ma mère m’était tout à fait étrangère.

On nous a inscrites à l’école. J’étais très bonne en maths, physique, géométrie, et cela a toujours continué ainsi. Nous fréquentions une école juive où l’on nous enseignait l’allemand, mais c’était aussi la langue dans laquelle était donné l’enseignement des autres matières, nous avions deux heures d’éducation religieuse par jour où nous étudions la bible en hébreu.

Ma soeur était dans la même classe que moi, car elle avait redoublé. L’école coûtait très chère, et mes parents n’avaient pas les moyens de payer les frais de scolarité pour deux, aussi ma soeur aînée, mauvaise élève était souvent renvoyée, et moi étant très bonne élève j’y suis restée.

Quand nous avons pu payer, ma soeur est revenue à l’école. Je n’avais pas une scolarité heureuse car je devais toujours être excellente, LA PREMIERE. Je devais être un exemple pour mes camarades à qui je devais donner des cours !

Chaque composition était un cauchemar. Le professeur de maths venait avec trois sujets, un pour Judith et un garçon « Dodo », un pour les dix premiers élèves et enfin un pour les autres.









- 2 -


A Liepaja, nous habitions un appartement de 3 pièces plus 1 cuisine. Nous dormions à plusieurs enfants dans la même chambre. L’appartement se trouvait dans une maison en bois à 1 étage avec une cour. L’appartement était très dur à entretenir ; nous n’avions pas de bonne et je devais frotter le parquet en bois blanc. La pauvreté resta le souvenir de mon enfance.

Ma mère s’occupait de la maison et aidait mon père à la petite boutique de mercerie qu’il tenait. Il vendait du fil en gros « D.M.C.». Il allait s’approvisionner par le train à Riga. Mon père lui, était l’intellectuel de la maison ! Il allait le soir dans un club nommé « KADIMA » pour lire différents journaux spécialement en hébreu. C’était un grand bel homme, plutôt gentil avec moi, plus tard il fut très fier de moi : « LA SEULE DANS LA VILLE QUI ETUDIA A L’ETRANGER ».

Ses parents nous invitaient de temps en temps chez eux l’après-midi du Sabbat pour goûter, ma grand-mère était boulangère à Liepaja et mon grand-père ne travaillait pas, mais étudiait le Talmud.

Mon père avait trois soeurs qui nous invitaient aussi le samedi après-midi.

A 16 ans, j’ai passé brillamment mon « bachot » ; dans cette école on me trouvait très perfectionniste et tenace. Ce bac avait une équivalence en France. J’avais une envie folle d’étudier : donc de quitter la Lettonie et d’aller à l’étranger.

Après le bac je suis restée une année à la maison où je donnais des leçons pour gagner de quoi payer en partie mon voyage. Il se trouvait qu’une de mes condisciples (Rebecca) à qui je donnais des cours, avait un frère qui étudiait la médecine à Paris. Elle voulait y aller pour voir Paris et s’est inscrite à la faculté de droit.

J’ai décidé de partir avec elle. J’ai écrit au cousin de ma mère Louis SHER, établi en Afrique du Sud qui était riche, pour lui demander de m’aider à payer mes études, il accepta.

En arrivant à Paris à l’automne 1930, j’avais 17 ans. J’ai débarqué Gare du Nord avec mon amie, après un voyage terrible de 24 heures, assises sur des banquettes en bois, avec un changement à Berlin.

Le matin, la Gare du Nord me semblait lugubre.








- 3 -

Le frère de mon amie nous attendait et nous a emmenées, transies de froid, à l’Hôtel des Mines, 191 boulevard Saint Michel, où il nous avait loué une chambre pour toutes les deux au dernier étage sans ascenseur.

J’écrivais souvent à mes parents et décrivais tout ce que je découvrais. Entre autre j’étais enchantée par la minuterie qui restait allumée tout le temps de la montée de l’escalier.

Je me suis mise rapidement à apprendre le français par moi-même, en me promenant et en lisant les enseignes. J’ai pris peu de cours particuliers par manque d’argent, « comestible » et «combustible » me travaillaient beaucoup... je confondais les deux ! je suis vite rentrée pour regarder dans le dictionnaire.

Par manque de revenus stables, je pensais faire des études courtes. Déjà à Liepaja je pensais à la bactériologie. Je me suis aperçue qu’il n’y avait pas de cours de bactériologie à la Sorbonne. J’ai entendu parlé d’une école privée « SCIENTIA ».

Je m’y suis inscrite malgré le prix élevé des cours et j’ai économisé sur la nourriture et sur l’habillement, pas une seule fois de la viande la première année !

A la fin de la 1ère année 1930/1931, j’ai reçu le diplôme d’aide-chimiste, et la 2ème année 1931/1932, le diplôme d’aide bactériologiste.

Je retournais à Liepaja en vacances chaque année.

Par manque de nourriture équilibrée, ma mère s’est effrayée car j’avais « gonflée ». J’avais fait des progrès énormes en français. Au cours de la seconde année d’école, je me suis aperçue qu’il valait mieux m’inscrire à la Sorbonne.

Je m’y suis donc inscrite en 1931 pour passer le plus petit certificat : « chimie appliquée », j’ai réussi ce certificat avec bien des difficultés. Cela m’a demandé énormément de travail.

A l’école Scienta, j’ai été reçue avec mention TRES BIEN !

En troisième année (1932-1933), je me suis inscrite à deux certificats à la Sorbonne : « chimie générale » et « chimie biologique ». A ce moment là, la licence ès-sciences que je souhaitais obtenir comportait trois certificats dont chimie générale qui était très important. En juin j’ai passé chimie générale, (360 candidats, j’ai été reçue 4ème !




- 4 -

Pendant l’été à Liepaja, j’ai préparé le certificat de chimie biologique que j’ai réussi avec MENTION BIEN à la session d’automne.

Ce certificat m’a beaucoup intéressée, j’avais un très bon professeur, M. JAVUILLIERS, avec lui une petite anecdote : j’ai appris que la fonction « ALDEHYDE » du sucre se combine au cyanure. Il a illustré cette propriété par l’histoire vraie ou fausse de RASPOUTINE qui aurait échappé à l’empoisonnement au cyanure en mangeant des mets sucrés !

Je me trouvais en possession d’un diplôme qui me permettrait d’être aide-chimiste ou aide-bactériologiste et d’une licence ès-sciences avec chimie générale.

J’ai alors cherché un laboratoire pour travailler et pour préparer éventuellement un doctorat.

Avec bien du mal, j’ai trouvé une place, non payée, chez le Pr TIFFENEAU à la Faculté de Médecine, rue de l’Ecole de Médecine. Ses collaborateurs, dont Mlle TCHOUBAR (un peu plus âgée que moi, elle fut mon premier professeur) étaient très gentils avec moi.

J’habitais une chambre de bonne mansardée au 7ème étage au quartier latin, 43 rue des Ecoles.

J’ai été témoin de nombreuses bagarres provoquées par les J.P. (Jeunesses Patriotiques Fascistes) contre les étudiants. La police ne pouvait les poursuivre à l’intérieur de l’université, ils se réfugiaient à la Sorbonne.

Un jour une bande a fait irruption dans le laboratoire du Pr TIFFENEAU, en criant des slogans antisémites et xénophobes. Mlle TCHOUBAR a eu la présence d’esprit et le sang froid d’attraper un flacon d’ACROLEINE sur une étagère et de le leur lancer. C’est ce puissant lacrymogène qui les a fait fuir.

Il y avait aussi M. WEIL et M. CAHNMAN qui venaient d’arriver comme réfugiés d’Allemagne et m’ont beaucoup appris. Ce dernier travaillait comme un dieu !

Il m’apprit notamment à travailler sur de petites quantités. Plus tard il est devenu un grand ami.

Il est parti aux Etats-Unis en 1939 où il est devenu un chimiste réputé.








- 5 -
Mlle TCHOUBAR est morte il y a 2 ans, auparavant je la voyais de temps en temps aux Congrès. Elle a fait une belle carrière de chimiste.

Pour vivre, mes collègues sont intervenus auprès de TIFFENEAU afin qu’il me donne un salaire. Il a refusé ! il a simplement proposé de me donner à faire une bibliographie à traduire de l’allemand, le soir, après mon travail au labo. Pour cela il pourrait me payer un peu.

C’est ce que j’ai fait, mais c’était loin de me permettre de vivre. Mon cousin a continué à m’envoyer de l’argent de façon très irrégulière, de sorte que je ne savais toujours pas ce dont je pouvais disposer.

Au laboratoire, TIFFENEAU m’a donné un sujet de travail qui pouvait devenir un sujet de thèse.

Parallèlement, je cherchais de petits travaux. C’est ainsi que j’ai trouvé, bd Raspail, à travailler dans un foyer de jeunes filles, au self, pendant les repas du soir. Et j’y gagnais ainsi mon dîner !

Autre travail qui consistait à aller chercher deux enfants à l’école à midi et à les raccompagner après le repas rue d’Assas, dans une famille bien française.

Je prenais mon déjeuner avec eux, au moment du fromage, comme nous étions habitués dans notre pays à le prendre le soir au dîner, je me suis servie une tranche de gruyère très mince, mais sur toute la largeur du morceau ... Quelle ne fût pas ma surprise et ma gêne lorsque je vis les autres personnes prendre un petit morceau de plusieurs fromages !!!

Le dimanche, j’avais été engagée dans la famille FERRIER pour promener les enfants au Bois de Boulogne, une petite fille et un petit garçon, et leur parler allemand.

Ils habitaient un superbe appartement à la Muette. M. FERRIER (haut fonctionnaire au Ministère de l’Air) s’intéressait beaucoup à mes études et était particulièrement gentil avec moi.

Quand j’ai réussi Chimie Générale, il m’a offert le champagne que j’ai bu pour la première fois de ma vie.

Souvent le soir, ils m’invitaient à sortir avec eux. C’est ainsi que je suis allée pour la première fois au cinéma, au Paramount, sur les grands boulevards.








- 6 -
Après la guerre, et après la soutenance de ma thèse, je voulais lui prouver ma reconnaissance et lui montrer que sa gentillesse n’avait pas été vaine. J’étais mariée, j’avais deux enfants et je l’ai invité à déjeuner à la maison. Il était ravi de me voir.

Un jour j’ai appris que mon ancien professeur d’hébreu de Salanti se trouvait à Paris où il était devenu fourreur.

Je lui ai rendu visite et lui ai demandé s’il avait du travail pour moi. Il m’a proposé de doubler des cols de fourrure.

Je me promenais à travers Paris avec de grands ballots de cols de fourrure jusqu’à ma chambre d’hôtel.

Par une petite annonce dans un quotidien, (PARIS-SOIR), j’avais trouvé un petit travail mémorable.

Il y avait deux équipes qui se remplaçaient : la première de sept heures du matin à midi, la seconde l’après-midi.

Moi j’ai choisi celle du matin pour continuer mes études dans la journée. Nous habitions avec Rebecca au 360 rue de Vaugirard. (Elle avait aussi fait venir sa soeur !).

Je prenais le premier métro, notre travail était le suivant : nous étions assises chacune à un petit pupitre surmonté d’un clavier sur lequel je tapais des noms et des adresses qui se gravaient sur une plaque de métal. J’en avais des ampoules aux mains !

J’y ai travaillé plusieurs mois, et, chaque matin dans le premier métro je voyageais avec des ouvriers qui partaient avec leur musette sur l’épaule.

Un jour je me suis aperçue que je n’avais plus mon portefeuille avec tous mes papiers et tout mon argent ... désespoir. Le soir j’étais chez moi, désespérée. On a sonné vers dix sept heures et quelle ne fut pas ma surprise de voir arriver un de ces ouvriers qui me rapportait mon portefeuille avec tout ce qu’il contenait !

Je l’ai presque embrassé ! Cela ne se serait jamais produit chez nous en Lettonie !

A partir de ce jour, j’ai tenu le peuple français comme le plus honnête et le plus gentil du monde.








- 7 -
J’ai répondu aussi à une petite annonce où l’on proposait de fabriquer des abat-jour. J’ai confondu avec la broderie « faire des jours » et je ne me suis aperçue de mon erreur qu’en arrivant à la porte !

Pendant ce temps, j’économisais de l’argent pour faire venir ma soeur aînée qui est restée environ deux ans en France avant d’avoir le droit de partir pour Israël. C’était les anglais qui donnaient la licence pour partir en Israël et exigeaient quel’on fasse 2 ans de préparation d’Agronomie, appelée « HACHARA » ce qu’elle fit à Tours. Deux ans pendant lesquels nous avons vécu ensemble.

Pendant tout ce temps je continuais de travailler au laboratoire du Pr TIFFENEAU. Mlle TCHOUBAR, sa collaboratrice, m’a offert ma première cigarette (une chesterfield), ce qu’elle fuma jusqu’à sa mort. Elle m’a fait également découvrir le n° 5 de Chanel !

Le Docteur CAHNMAN , quant à lui, m’a invitée à mon premier concert à Pleyel et par la suite m’y invitait souvent.

C’était un grand mélomane qui suivait le concert sur la partition ! je me moquais de lui.

Pendant les vacances, ayant du temps libre, je me suis inscrite à la Sorbonne pour un certificat de Physiologie Générale que j’ai passé brillamment à l’automne 1935.

C’est cet été là, à Liepaja, que j’ai connu mon mari. Je préparais mon certificat de Physiologie Générale dans la petite mercerie de mon père. Comme il n’y avait pas de clients, il se tenait sur le trottoir de la boutique et a rencontré Madame POLONSKY, la femme du Rabbin qui se promenait avec son fils Joseph.

Celui-ci était en vacances, comme moi et revenait aussi de France, (de Grenoble), où il venait de finir l’Ecole d’Electricité et s’apprêtait à repartir à Paris pour continuer ses Etudes Supérieures d’Electricité.

J’ai entendu Madame POLONSKY dire « je veux la voir ! », « je veux la voir » il s’agissait de moi.

Elle est entrée dans la mercerie avec mon père et elle m’a présenté son fils. Nous avons décidé de nous revoir car il voulait des renseignements pour trouver une chambre à Paris.

Ce jour là, nous sommes allés nous promener sur la plage. Il a beaucoup parlé. Nous sommes convenus de nous revoir à Paris lorsqu’il y viendrait et je lui ai donné mon adresse.





- 8 -

Je rentrais chez moi un soir, après mon travail au foyer de jeunes filles ; j’ai vu arriver un jeune homme avec un pull à pompons et c’est ainsi qu’a commencé notre idylle.

Joseph et moi n’avions pas eu d’aventures avant de nous rencontrer, il était gai, chaleureux, passionné.

Dans la chambre du boulevard Saint Michel, j’ai rencontré Yety SIVSON qui est devenue par la suite Madame FRESCO et qui est actuellement une de mes meilleures amies, bien qu’étant de cinq ans plus âgée que moi.

Quelques années plus tard, elle a fait venir sa soeur Jenka. J’ai fait sa connaissance et nous sommes devenues aussi des amies très proches.

J’ai partagé plusieurs fois ma chambre d’hôtel avec Jenka, dont un studio rue Pierre Curie. A l’hôtel j’ai commencé par habiter au 7ème étage pour finir au 3ème. Le dimanche nous allions aux bains municipaux car nous n’avions pas de salle de bains.

Le futur mari de Jenka, Manès SPERBER, était appelé MOUNJU, par ses amis. De huit ans plus âgé que nous, il venait de Vienne où il avait fait de brillantes études de psychologie. Il avait été l’élève, puis le collaborateur d’ADLER. C’était une lumière pour moi. Je n’ai plus jamais de ma vie rencontré un homme cultivé, érudit et généreux.

Mounju nous appelait Joseph et moi « DIE KINDER ».

Nous sortions tous les quatre au cinéma ou en excursion, nous étions très souvent ensemble. Un jour que nous faisions du bateau sur un lac à Vincennes, Manès voulait rappeler Joseph pour qu’il rentre, parce qu’il s’était éloigné, il a trouvé plus facile de l’appeler POLO : ce nom lui est resté et par la suite tous les intimes l’ont appelé comme ça, et moi Madame POLO.

Je garde un excellent souvenir de cette période de ma vie.

Nous nous sommes mariés POLO et moi le 1er septembre 1939 à la Mairie du Vème. Témoins : MOUNJU et JENKA.

Tous les quatre portions des masques à gaz !!!











- 9 -
Nous avons fêté ce mariage au restaurant BEULMAN, bd Saint Germain. On s’est tant jeté sur les nombreux hors-d’oeuvre que nous n’avions plus faim pour la suite du repas.

Nous avions écrit pour annoncer notre mariage à nos parents, mais la guerre ayant éclaté, nous ne savions pas s’ils avaient reçu nos lettres !

Le Professeur TIFFENEAU (de 1935 à 1939) m’a donné un sujet de thèse qui m’a permis de faire quatre publications sous mon nom de jeune fille. Publications parues dans les comptes rendus de l’Académie des Sciences (1935-36-38-39).

Cependant je n’était toujours pas payée. Pour trouver du travail dans ma spécialité, il me fallait une carte de travail. C’était extrêmement difficile à obtenir.

Je me disais que j’allais encore passer des diplômes et que j’en tapisserai ma chambre.

J’ai été reçue PREMIERE au certificat de Physiologie Générale ! mon professeur LA PIC m’a félicitée.

Mon français s’était amélioré sans cesse et sur le conseil de Melle TCHOUBAR, j’ai découvert les classiques de la littérature française Stendhal, Flaubert, Zola ... L’énorme livre de Jaurès.

TIFFENEAU m’a fait entrer en contact avec une de ses anciennes élèves qui travaillait à Argenteuil chez ROURE BERTRAND, Justin DUPONT & Fils (matière première pour parfumerie), où il y avait un poste de chimiste à pourvoir.

Mais il fallait ce fameux certificat de travail ! ...

TIFFENEAU m’a recommandée auprès d’un haut fonctionnaire d’un Ministère, en faisant valoir mes connaissances de différentes langues qui me rendaient indispensable !

J’ai obtenu mon certificat de travail de la préfecture et une salaire de 35000 F ce qui était considérable pour l’époque ! Avec cà, j’ai acheté ma première fourrure !!!

J’avais pour condisciple une jeune roumaine avec qui je formais un « binôme » pour les travaux pratiques. Elle aussi a continué ses études à la Sorbonne avec difficultés cependant. Elle m’admirait beaucoup. Elle s’est mariée, est devenue Mme WEISSBUCH et a interrompu ses études. Ses deux fils ont fait l’Ecole Normale Supérieure et sont actuellement d’excellents physiciens. L’un d’eux est en relation étroite avec ma fille Nicole.






- 10 -




Grâce à ce travail à Argenteuil, nous étions les plus riches de notre groupe d’amis (POLO a terminé SUPELEC et a trouvé une place à la THOMSON-CSF).

Puis ce fut la guerre et l’exode, l’usine s’est repliée à Nevers et je suis partie avec eux.

Mounju s’est engagé comme volontaire. Jenka m’a rejointe à Nevers. Tout le personnel de l’usine s’est dispersé.

Nous avons continué de nous replier jusqu’à Bergerac car j’y avais l’adresse d’un compatriote. POLO m’y a retrouvée. Il m’a amenée à Limoges. Jenka a rejoint Mounju à Cagnes sur Mer.

Le directeur de ROURE BERTRAND d’Argenteuil m’écrivit que je pouvais rejoindre le Pr LEDERER qui était à ce moment là leur Conseiller Scientifique et qui se trouvait à Lyon en zone libre. Il me proposait de travailler avec lui.

Mon mari a accepté et je suis partie, déjà enceinte d’Irène. POLO venait me rejoindre le week-end en apportant des pommes de terre dans sa valise !

Je logeais chez des amis les GLICKMAN. J’apprenais beaucoup de choses avec le Professeur LEDERER. Je n’avais pas dit que j’étais enceinte et début juillet, j’ai arrêté le travail pour me reposer avant la naissance d’Irène.

Le Pr LEDERER m’a écrit que je pourrais reprendre mon travail après l’accouchement. C’est ce que j’ai fait avec le bébé car les SPERBER m’avaient trouvé une amie (Rosy HOCHWALD) pour s’occuper d’Irène. Elle vivait à Nice avec son enfant de 3 ans Edith, son mari étant prisonnier. Elle est venue et nous avons vécu ensemble dans un petit appartement à Lyon.

Son mari Théo a été rapatrié par la suite, car il était malade. A l’issue de la guerre jusqu’à il y a encore peu d’années nous sommes restés des amis très intimes.













- 11 -
Près de Limoges, en zone libre, la THOMSON avait un émetteur radio. POLO est allé y travailler avec tout le reste du personnel. Avec deux collègues de mon mari, M. GLICKMAN et sa famille, nous avons partagé un pavillon. C’est là qu’Irène est née. Nous vivions au rez-de-chaussée qui s’ouvrait sur une véranda glaciale à tel point que lorsqu’Irène est née, elle y dormait avec des gants.

Mme GLICKMAN était doctoresse. Elle était rayonnante de bonté et sa maison était ouverte, le samovar toujours prêt, pour accueillir et consoler. Les GLICKMAN avaient deux fils de 12 et 13 ans.

Nous nous sommes liés d’une amitié qui a duré jusqu’à leur mort.

Pour l’accouchement et la naissance d’Irène, Jenka est venue de Cagnes sur Mer. Elle est restée quelques semaines après la naissance.

Irène était un très beau bébé de 4kg100 qui se développait très bien malgré les conditions de ravitaillement difficiles : cartes d’alimentation.

Les allemands ont occupé la région de Limoges. La zone libre a reculé. Nous avons alors décidé d’aller à Grenoble où la THOMSON s’est repliée. Nous habitions avec une grande partie du personnel dont M. et Mme OUREVITCH et leurs enfants. L’occupation italienne était moins antisémite.

Les GLICKMAN sont partis avec nous. Ils habitaient à Sassenage (banlieue de Grenoble) où ils nous ont trouvé un petit appartement de 2 pièces chez un tanneur qui nous empestait.

C’est là que Nicole est née dans une clinique de la Tronche (banlieue de Grenoble).

YETY, qui avait fui aussi au centre de la France en zone libre, est venue passer quelques semaines avec nous pour la naissance de Nicole.

Mme GLICKMAN voulait assister à l’accouchement en tant qu’amie et médecin, mais lorsqu’elle est arrivée avec sa blouse blanche, le bébé était déjà né.

Pour nous ravitailler, Rosy se débrouillait avec le marché noire et les pommes de terre qu’apportait POLO nous changeaient des topinambours.







- 12 -

Lorsque je rentrais le soir du labo, je faisais l’éloge du Pr LEDERER que j’admirais énormément.

Tout le monde disait qu’Irène (qui était très jolie) me ressemblait.

Je la tenais debout dans son lange, contre moi, devant le miroir et disais à Rosy : « Dîtes-moi qu’elle ne me ressemble pas ! ». Je me trouvais si laide !

Plusieurs de nos amis réfugiés sur la Côte d’Azur, dont Jenka et Munju, avait trouvé asile politique en Suisse.

POLO voulait suivre la même filière en se renseignant sans toutefois avoir de leurs nouvelles. Nous avons tenté de passer. Nous étions un groupe d’une dizaine de personnes. On nous a amenés à la frontière dans un petit hôtel et nous attendions la nuit pour pouvoir passer.

On m’a donné une chambre pour me reposer car j’étais enceinte et Irène avait 1 an et demi. Les autres attendaient en bas.

Le soir, la milice française et la Gestapo ont fait irruption et ont confisqué tous les papiers.

On les a emmenés, mais POLO était le seul naturalisé français, moi je l’étais par le mariage. On nous a laissé passer la nuit à l’hôtel. J’ai pu dormir ... C’est devenu une anecdote car j’étais bien la seule dans ce cas.

Le lendemain matin, les allemands m’ont rendu mes papiers en disant que : « Jehudis Gutmanis » était sûrement un nom Letton !

Ils ont remis ceux de POLO à la milice française. Celle-ci a fait beaucoup de difficultés à les lui rendre ; il a dû faire intervenir la THOMSON et finalement, à la fin de la journée, ils les lui ont rendus.

Nous sommes repartis en voiture vers Grenoble. Je souffrais beaucoup du manque de cigarettes ce qui m’a valu de dire le plus gros mensonge de ma vie !

J’ai feint de me trouver mal et demandé que nous nous arrêtions à Aix les Bains chez nos amis EICHNER ; elle, étant une grande fumeuse, j’avais l’espoir de trouver des cigarettes auprès d’elle ! Nous avons passé la nuit chez eux – où j’ai trouvé des cigarettes – puis nous avons continué sur Grenoble, où nous sommes arrivés épuisés, sales, chez les GLICKMAN.







- 13 -
Ils nous ont accueillis, nourris et fait reposer ...

C’est là qu’ils nous ont trouvé l’appartement de Sassenage ...

Yety, en rentrant de la clinique, a croisé mon mari qui lui demande :

Alors ?
C’est une fille !

Et lui s’est écrié :

Ce n’est pas possible !

Irène venue me voir à la clinique où je donnais le sein au bébé déclara : « Vilaine, elle mord maman ! »

Irène était une enfant très vive, très éveillée et précoce.

A Grenoble, rue du Drac, la Société THOMSON-TSF avait loué une maison pour ses employés. Nous sommes venus y habiter un 2 pièces cuisine, ainsi que les OUREVITCH, Jacques et Michèle, leurs deux enfants.

Eux avaient une salle de bains dont nous avons bien profité. Notre appartement était à peine meublé et nous avions des lits en fer !

J’avais tous les jours une femme de ménage italienne qui venait quotidiennement de Sassenage. Elle adorait nos enfants. Nous l’appelions Mme COCOTTE.

L’après-midi, Mme OUREVITCH et moi promenions nos enfants. Mes filles étaient particulièrement bien habillées grâce à Rosy qui me donnait des vêtements d’Edith sa fille.

Mme COCOTTE a fait faire des photos qui ont été agrandies et exposées chez un photographe à Grenoble.

Mme OUREVITCH descendait quelques fois repasser chez moi. Un après midi, nous avons eu une terreur folle en entendant des pas lourds dans les escaliers. Nous avons cru que les allemands arrivaient ... C’était un brave ouvrier français.

Les italiens ont été remplacés par les troupes allemandes. A l’épicerie par exemple, j’entendais des conciliabules à voix basse : on racontait que tel ou telle avait été arrêté par les allemands.





- 14 -
Nous avons falsifié tant bien que mal notre livret de famille, francisé GUTMANIS en GUTMANSAY ainsi que les prénoms de mes parents Marika au lieu de Malka et David en Daniel.

Notre livret était tout barbouillé d’encre. Les gens cachaient leur identité. C’est ainsi que POLO était à l’épicerie, derrière une petite dame « mal fagotée » qui a sorti une carte d’alimentation au nom de Mme de SEVIGNE.

L’année 43-44 a été terrible. Il y avait des rafles tous les jours. Les GLICKMAN nous ont trouvé un appartement à partager avec la famille ABRAGAM, dans un petit village, « LA FERRIERE » au-dessus de Grenoble. Mon mari venait nous y rejoindre les enfants et moi, le week-end à bicyclette !

M. ABRAGAM qui est un physicien célèbre maintenant, a publié un livre où il consacre deux pages à ce séjour. Il y raconte que Nicole et Irène étaient deux petites filles « particulièrement intelligentes et mignonnes ».

Nous attendions tous le débarquement allié de jour en jour.
Le 6 juin 44, quelle ne fut pas notre joie d’apprendre à la radio que le débarquement avait eu lieu en Normandie.

Mais, avant cela et cette joie, nous avons vécu une véritable terreur le jour où les allemands sont arrivés au village à la recherche de résistants.

POLO et M. ABRAGAM se sont cachés dans une cabane du village où ils sont restés terrés toute la journée.

Nous étions restées à la maison avec les enfants et la petite Irène de deux ans et demi se promenait devant la maison en disant « moi, je suis née à Limoges ».

Le 21 août 44, libération de Grenoble !

A « LA FERRIERE », toutes les maisons étaient pavoisées de drapeaux. Irène pensait que c’était son anniversaire !

Sans tarder, nous sommes rentrés rue du Drac à Grenoble et nous y avons vécu jusqu’à la libération de Paris.

En automne 45, juste après ces évènements, beaucoup sont remontés à Paris. POLO est reparti avec la THOMSON. Il nous cherchait un appartement.








- 15 -

De nombreux amis qui avaient eu la chance de pouvoir se réfugier en SUISSE où ils vivaient dans des camps, sont revenus et la plupart sont passés par Grenoble pour nous rendre visite : Docteur Socrate HELMAN, Dela et Dodo KRAFT.

Je suis restée avec les enfants à Grenoble jusqu’en 46.

Pendant les vacances 45, POLO nous a envoyés à la montagne à Autrans. Mlle TCHOUBAR, Colinette, devenue par la suite la femme de M. ASSELINEAU, actuellement Professeur de chimie biologique à Toulouse, Suzanne et sa famille (élève de Mlle TCHOUBAR) nous ont rejoints pour passer les vacances.

Un soir nous avons voulu sortir et j’ai demandé à Colinette de jeter un coup d’oeil sur les enfants. Le lendemain matin, quand je lui ai demandé comment s’était passée la soirée, elle m’a raconté qu’elles avaient pleuré et que lorsqu’elle est entrée dans la chambre, Nicole a déclaré : ce n’est pas Irène qui a pleuré !

Mes filles faisaient la joie de tous les pensionnaires qui les admiraient.

C’est la famille EICHNER qui, ayant trouvé un appartement au 6 rue J.E. Voisembert , nous en a trouvé un au 8, au septième étage. Un magnifique appartement de 7 pièces que nous avons partagé avec les SPERBER. Ils avaient eu un enfant au cours de leur séjour à Cagnes sur Mer, « DAN ».

Plus tard Irène raconta qu’elle partageait son lit avec Dan.

Au bout de quelque temps, des amis habitant au 3ème sont partis aux Etats-Unis et nous avons pu reprendre leur appartement et acheter leurs meubles.

Nous y sommes restés jusqu’à ce qu’un appartement plus grand se libère au 4ème étage.

Bien plus tard, les appartements ont été mis en vente. Comme nous n’avions pas de quoi l’acheter, nous avons demandé à Louis SHER qui m’avait déjà aidée pour mes études, et grâce à lui, nous avons pu l’acheter.

La famille SPERBER et les EICHNER sont donc restés auprès de nous pendant des années.

Bien plus tard, en 1949, Jenka et Manès ont vendu leur appartement à Issy les Moulineaux pour s’installer rue Notre Dame des Champs à Paris.





- 16 -
Le mari d’Elise EICHNER, d’origine polonaise, était un grand savant à Saclay. Il a été victime d’irradiation et en 54 est mort d’une leucémie.

A Saclay, existe une salle EICHNER qui lui est dédiée ainsi qu’un prix annuel (CHARLES EICHNER). Par la suite sa femme a trouvé un emploi à Saclay.

A la mort de M. FRESCO, Yety est venue habiter avec Elise qui était sa grande amie.

C’est ainsi que j’ai actuellement ces amies auprès de moi.

Après la fin de la guerre, les quelques survivants sont arrivés de Lettonie, les amis de Yety nous ont appris l’extermination de mes parents et la mort de ma soeur (du typhus) en déportation. Mon mari et moi avons peu parlé de ces terribles nouvelles par égard pour nos enfants afin qu’elles ne soient pas traumatisées.

Un dimanche, il faisait très chaud. Nous étions assis sur une pelouse du Bois de Boulogne avec les SPERER, lorsque Mounju lisant un journal en yiddish publié à Paris, est tombé sur une annonce :Sonia, la soeur aînée de POLO le recherchait.

Naturellement POLO s’est mis en contact immédiatement avec elle et l’a fait venir à Paris.

Nous avons appris de sa bouche qu’elle avait été cachée pendant toute la guerre, avec son fils Henri, par un curé, en Pologne.

Elle était doctoresse et, ici, aurait été obligée de repasser ses examens. Alors elle s’est débrouillée pour avoir un visa pour les Etats-Unis où elle pouvait exercer.

Elle est récemment décédée. Henri est devenu médecin comme son père qui n’est jamais revenu de déportation. Pendant leur séjour à Paris, ils habitaient chez les SPERBER et Henri, sans connaître un mot de la langue, allait courageusement à l’école communale.

Le directeur de ROURE-BERTRAND, M. ROGER m’avait proposé du temps où nous étions à Lyon, de travailler à la fondation ROTHSCHILD, rue Pierre Curie à l’Institut de Chimie Biologique, lorsque nous serions rentrés à Paris. C’est ce que j’ai fait à mon retour. J’y ai travaillé à mi-temps.








- 17 -
Par la suite j’ai travaillé à plein temps avec le Pr LEDERER et j’ai pris une bonne pour s’occuper des enfants et de la maison. Irène et Nicole allaient à l’école communale.

Nous étions très heureux tous les quatre après ces temps de terreur des années de guerre. Les nouvelles atroces des morts dans nos familles avaient été un choc terrible.

POLO et moi étions très amoureux.

En 1946, le Pr LEDERER m’a fait entrer au CNRS comme Attachée de Recherches. Il m’a donné comme sujet de travail :
« la structure de l’acide asiatique ». C’est par la suite devenu mon sujet de thèse.

C’est le constituant principal du CENTELA ASIATICA, plante qui pousse à Madagascar et en Nouvelle Calédonie. Un extrait de CENTELA est actuellement sur le marché comme médicament pour soigner la lèpre.

J’avais comme collaboratrice Zoia BASKEVITCH qui est devenue Mme VERON et aussi de nombreux élèves.

Zoia devait travailler vingt ans avec moi jusqu’à sa retraite.

Je dirigeais la thèse de doctorat de mes élèves. Quelques années après ma thèse, mon premier élève, Sach, a élucidé la partie glucidique de l’asiaticoside. C’était son sujet de doctorat de 3ème cycle.

J’ai eu une joie immense lorsqu’en 1988, le Pr LEDERER nous a adressé un « tiré à part » d’une publication indienne qui traite de la structure de l’asiaticoside. C’était mon sujet de doctorat de 3ème cycle.

C’était formidable de constater que 40 ans auparavant nous avions élucidé cette structure sans avoir recours aux techniques physiques modernes.

Daniel MERCIER fut le seul collaborateur à suivre LEDERER de Lyon à Paris. Nous étions ses premiers collaborateurs.

Mon sujet de thèse était : « la structure de l’acide asiatic. l’aglycone du glucoside asiaticoside ».









- 18 -
J’ai pu élucider ce problème : il s’est avéré que l’acide asiatic était un acide triterpenique pentacyclique.

Travail très dur, compliqué, que j’ai pu mener à bien sans l’aide des méthodes modernes physiques.

J’ai écrit une partie de ma thèse pendant les vacances à Villers sur Mer où j’étais avec mon amie Charlotte HELMAN. C’est elle qui a corrigé les fautes éventuelles de français.

J’ai soutenu ma thèse en 1950. Le jury l’a trouvée excellente et j’ai obtenu une subvention de l’université pour la faire imprimer. J’ai été promue Chargée de Recherches en 1951.

Pour que ma thèse soit reconnue comme Doctorat d’Etat, il m’aurait fallu une licence comportant (à part Chimie Générale que j’avais déjà) un certificat de Biologie Générale ou Physique Générale. Je me suis donc réinscrite à la Sorbonne comme étudiante pendant un an pour obtenir Biologie Générale. Je n’étais pas assez forte en maths pour obtenir Physique Générale.

Ma vie de famille n’en a pas souffert bien que mon mari fût un peu jaloux de mon travail et de mes études. Je n’ouvrais jamais un livre de chimie en sa présence !

Malgré cela, il y avait de l’acide asiatic dans l’air.

Je restais parfois à la maison pour rédiger ma thèse et un jour « Renika » ne cessait de venir me poser des questions.

Maman, combien de temps vit un chien ? ... Un chat ? ... Un papillon ? ...

Je lui demandais de me laisser travailler.

Alors maman, voilà quelque chose que tu sauras ! combien de temps vit l’acide asiatic ?

En 1950, j’ai obtenu mon certificat de Biologie Générale, tout en travaillant au labo, m’occupant de la maison, enfants et mari !

Ma thèse a été reconnue Doctorat d’Etat grâce à ce certificat. Pendant tout ce temps Mounju m’a beaucoup encouragée.







- 19 -

Avec ce doctorat, je suis devenue Chargée de Recherches au CNRS. Tous les cinq ans, j’ai eu une promotion :

1957 Maître de Recherches

1962 Directeur de Recherches

Lorsque j’ai été nommée Directeur de Recherches, j’ai été, je crois, la première du CNRS à être admise sans avoir présenté les titres et travaux habituellement de rigueur. On m’a acceptée d’emblée au vu de mes travaux précédents et de ma réputation.

J’ai eu la chance à plusieurs reprises de découvrir des structures qui étaient les premiers représentants de leur famille de composés.

C’est ainsi que l’acide asiatic est le premier triperpène possédant cinq atomes d’oxygène :

le Calophyllolide est la 1ère Phenyl 4 coumarine

l’Ascarylose – est le 1er 2,6 – 2,3 Desoxyribose

J’ai été la première avec le groupe italien (NERA BELLA VITA) à découvrir le 1er Altroside naturel d’un triperpène isolé d’un champignon « VIRESCENS OOSPORA ».

J’ai collaboré avec le Professeur LEDERER à la synthèse de l’analogue de l’acide Mycolique (un des constituants principaux du bacille tuberculeux).

J’ai pris une part active à l’étude du P.A.F. (Pletelettes Activating Factor) qui fut le sujet de thèse d’un de mes élèves.

J’ai également travaillé sur le PENICILLIUM ROQUEFORTI dont j’ai isolé plusieurs alcaloïds :

la Roquefortine, les Marcfortines

Dès 1950, après avoir passé ma thèse, j’ai eu des élèves (une dizaine environ) dont plusieurs ont préparé sous ma direction des thèses de 3ème cycle et doctorat d’université ou des doctorats d’Etat et ont fait une belle carrière scientifique.

Jusqu’en 1960, au labo. rue Pierre Curie et par la suite à l’I.C.S.N. à Gif sur Yvette (Institut de Chimie de Substances Naturelles).





- 20 -
Passé le choc de la guerre, des nouvelles de déportation et de la mort de nombreux membres de nos familles, la vie a continué.

Nous formions un groupe d’une douzaine d’amis dont ceux qui étaient passés chez nous à Grenoble, au retour de la Suisse. Nous nous réunissions chaque dimanche chez les uns, les autres, à tour de rôle. Nous jouions au poker et au bridge.

Comme nous n’étions pas religieux pratiquants, les fêtes traditionnelles juives étaient remplacées par des anniversaires somptueux pour les enfants : Yety écrivait des pièces de théâtre jouées par les enfants, POLO organisait des surprises avec la radio et moi j’étais la « chimiste-sorcière ».

Pour les adultes aussi, nous fêtions tout particulièrement chaque anniversaire.

Manès SPERER était le centre de ce groupe. Nous buvions littéralement ses paroles.

Ma vie conjugale commençait à se détériorer, par une sorte de jalousie dont j’ai déjà parlé. Cependant nos disputes étaient toujours suivies de réconciliations.

Ce groupe d’amis ne s’est jamais dissous. Seule la mort nous a séparés, le premier à nous quitter fut M. EICHNER.

Mon mari s’occupait beaucoup de nos filles d’un point de vue culturel. Moi, vers le 15 juillet presque chaque année, avant les vacances d’août que tous prenaient normalement, je partais en Bretagne avec mes filles, où mon mari nous rejoignait en août. De là, nous prenions la voiture et partions vers le sud.
Les filles ont connu très tôt Florence et Venise. Notre voiture usagée tombait parfois en panne et je n’ai jamais oublié les histoires de « vis platinées » !

Les filles sont entrées au lycée Camille Sée dans le 15ème. Elles ont toujours été d’excellentes élèves. POLO disait que Nicole serait un bonne physicienne, ce qu’elle est devenue !

Souvent le soir en rentrant, nous la trouvions dans la cuisine en train de faire des exercices d’équilibre avec les fourchettes.

Elles ont toutes les deux fait Math Sup et Math Elem à Janson de Sailly. Elles se sont présentées à l’Ecole Normale : Irène a échoué et s’est dirigée vers la Sorbonne où elle a fait une licence ès-sciences. Nicole a été brillamment reçue à l’Ecole Normale et a donc quitté la maison.






21 –


Je travaillais au CNRS, ma carrière était brillante. Irène menait sa vie d’étudiante et mon mari avait également une carrière brillante à la THOMSON et a largement contribué au développement de la télévision.

Nicole a terminé dans les premières l’Ecole Normale et a réussi l’agrégation de physique. Elle est alors entrée rue d’Ulm au laboratoire du Pr KASTLER (prix Nobel de physique par la suite).

Irène a préparé un doctorat de chimie-physique chez le Pr BROT à Orsay (Faculté des Sciences). Elle est ensuite entrée au CNRS en 62 pour en sortir en 72.

En 63, elle a épousé Jacques DARMON, un jeune polytechnicien. Le mariage a eu lieu à la mairie du VIème et la réception dans les salons de l’Ecole Polytechnique. Par la suite, Jacques DARMON a été admis à l’E.N.A. dont il est sorti Inspecteur des Finances. Ils ont eu 3 enfants : Marc, Laurent et David.

En 67, Nicole a rencontré Dan OSTROVSKY dans une école d’été de physique, en Corse. Il préparait un doctorat de physique. Elle est partie le rejoindre pendant deux ans aux Etats-Unis où elle a travaillé avec le Pr BLOOMBERGEN (qui a reçu le Prix Nobel de physique par la suite). A son retour elle s’est mariée et a eu des jumeaux qui sont nés en novembre 68 à Paris : Serge et Karine.

Le mariage de Nicole a eu lieu à Paris. Les parents de Dan qui habitaient Miami sont venus naturellement et le mariage religieux (souhaité par les parents de Dan) a été célébré par un rabbin dans mon appartement.

J’ai fait refaire celui-ci par une amie, Mme SCHIFF, qui est décoratrice.

J’avais donné un déjeuner à la maison et la réception se passait dans les salons de l’Ecole Polytechnique à Paris. Le mariage civil a eu lieu à la Mairie d’Issy les Moulineaux.

Nicole s’est installée à Nice où l’on a proposé à son mari (titulaire de physique) un poste à l’Université. Ils ont acheté une maison tout près de la Faculté.

Elle a continué sa carrière de physicienne au CNRS (Directeur de Recherches) ; récemment elle a choisi d’enseigner à l’Université.

La réussite de mes enfants me comblait de joie.








- 22 -

Le plus grand compliment que j’ai jamais reçu m’est venu de ma fille Nicole. Elle m’a dit un jour qu’elle souhaitait élever ses enfants comme elles avaient été élevées elle et sa soeur.

En 54, grâce à l’héritage d’un oncle américain, nous avons acheté une maison de campagne à Gometz le Chatel. Nous l’avons meublée. POLO s’est occupé du jardin. Nous y passions des week-ends fantastiques très souvent avec des amis.

Je me suis beaucoup occupée de Marc, l’aîné de tous mes petits enfants, soit à Gometz, soit pendant les vacances. Je l’ai beaucoup gâté ! une amie me disait : quand on vient à Gometz, tu n’es là que pour admirer Marc !!

La maison est très bien située, en haut d’une petite colline. POLO plantait beaucoup de fleurs. C’était un temps heureux que celui passé à Gometz.

Nous invitions souvent amis et collègues.

En 1954 j’ai obtenu le prix (RAYMONT BERRE) équivalent du prix Goncourt. C’était un prix très important de 5000 F, décerné par la Société Chimique de France.

J’ai donné une partie de cette somme à Monsieur MERCIER pour le remercier de sa collaboration.

En outre, j’ai fait cadeau à mon filleul, Dan SPERBER, d’une paire de skis et puis j’ai acheté ma première « deux-chevaux ».

J’avais passé mon permis de conduire quelques semaines avant. Je ne l’avais pas eu du premier coup ... C’était bien le seul examen auquel j’avais échoué dans ma vie !!!

Mon mari voyageait beaucoup pour son travail. Il a représenté la THOMSON dans plusieurs congrès et rencontres internationales. Il revenait chargé de cadeaux pour les enfants, pour moi et pour chacun de nos amis.

Quelquefois je l’accompagnais si mon travail me le permettait et j’assistais à ses conférences : Stockholm, Oslo, Londres, où nous avions chacun un congrès. Il était très à l’aise lorsqu’il présentait des conférences. J’estimais son travail mais pas assez à son goût. Je pense qu’il voulait être admiré ce que je n’ai pas fait, à tort.







- 23 -

J’ai aussi beaucoup voyagé seule. Tous les deux ans se tenait un International Symposium des Substances Naturelles (I.U.P.A.C. Natural Products).

J’ai assisté à presque chacun d’eux. J’ai également été invitée à la GORDON CONFERENCE, meeting annuel prestigieux où j’ai été la première femme à être conviée pour parler des « quassinoïdes ». Ensuite j’ai continué à voyager : au Japon, où ce fut ma première conférence en anglais à part une communication à l’I.U.P.A.C. la même année, puis en Nouvelle Zélande, en Inde, en URSS à Riga et à part cela j’ai donné des conférences sur mon travail à Oslo, à Pérugia en Italie, au Mexique à Moneterey, en Allemagne à Bonn, en Suisse et j’en oublie.

J’ai assisté à plusieurs colloques internationaux, conviée là aussi à y donner des conférences : Maroc, Tchécoslovaquie.

Au cours de mes travaux, j’ai eu des collaborations fructueuses avec Nera BELLA VITA, professeur de chimie à l’école de pharmacie de Perugia, et avec Dervilla DONNELI, professeur de chimie à Dublin, qui sont devenues des amies très chères.

Avec Nera, j’ai travaillé sur la structure des métabolites d’un champignon « OOSPORA VIRESCENS » et avec Dervilla, nous avons fait plusieurs publications sur l’étude structurale des composés isolés des champignons.

J’ai rencontré Dervilla à un congrès à Londres en 70. Depuis elle est venue à Gometz et à la maison à chaque fois qu’elle passe par Paris. Je suis allée la voir à Dublin à deux reprises.

En général mon travail a consisté à l’isolement et à l’étude structurale des composés isolés de : plantes, bactéries et champignons.

J’ai beaucoup travaillé sur l’étude structurale des « quassinoïdes », substances amères isolées d’une certaine famille de plantes, notamment les simarubacées, poussant dans les régions tropicales. Une seule espèce « l’Ailanthus Altissima » pousse au sud de la France et en Italie.

Les « quassinoïdes » révèlent plusieurs activités biologiques notamment anti-leucémiques. Cependant elles sont trop toxiques pour être utilisées en médecine.








- 24 -
Je m’amusais à désigner certaines substances isolées du nom de mes petits enfants : « Marcfortine », « Sergeolide », « Karinolide » ...

En 60 le CNRS crée pour les Professeurs LEDERER et JEANOT, l’Institut de Chimie des Substances Naturelles. Ils en étaient directeurs et, cette année là, le Pr LEDERER m’a offert le poste de sous-directrice de sa section.

Plusieurs fois j’ai collaboré avec le Pr LEDERER sur les substances odorantes isolées, de l’AMBRE GRIS CASTORIUM, sponsorisées par la firme suisse « FIRMENICH and Co », ainsi que sur les « ACIDES MYCOLIQUES » isolés du bacille tuberculeux.

J’ai travaillé avec le Pr LEDERER pendant quarante ans. J’étais sa collaboratrice et son sous-directeur jusqu’à sa retraite.

Le Pr LEDERER a été remplacé par le Pr BARTON (Prix Nobel de Chimie).

Lorsqu’en 1981, j’ai atteint l’âge de la retraite, le Pr BARTON m’a avisée par lettre que je pouvais prolonger mon travail de 3 ans à condition de me procurer l’argent pour financer mes recherches.

Avec beaucoup de peine, j’ai obtenu pour 2 ans, une bourse américaine de N.I.H. (National Institute of Health). J’étais le seconde en France, je crois, à l’obtenir.

J’ai du quitter mon laboratoire pour un plus modeste, mais j’ai pu, grâce à ma bourse, engager durant une vingtaine de mois un jeune chercheur américain (Handy CARUSO) qui s’est révélé très brillant.

J’ai pu obtenir, grâce à un excellent rapport, un renouvellement de ma bourse pour 2 ans supplémentaires. J’ai alors engagé un chercheur indien, travailleur et dévoué (Sudoh BHATNAGAR). Il a travaillé avec moi durant 3 ans jusqu’à l’épuisement de la bourse.

En 1986-1987, à la fin de ma bourse, j’ai vidé mon laboratoire en conservant soigneusement tous les échantillons de mes précieux « quassinoïdes » et d’autres produits dans un placard que l’on m’a alloué.

Ma vie conjugale a commencé à devenir moins harmonieuse vers 1950. Mon mari semblait toujours amoureux, mais il était jaloux de mon travail et de ma réussite.








- 25 -
Cette animosité entre nous a été aggravée par de nombreuses fausses couches volontaires. Il était insatisfait à la maison. Je l’appelais le « Roupéteur », il relevait chaque détail.

Il a beaucoup souffert que je ne sache pas faire la cuisine. Il aimait acheter des spécialités dans les boutiques russes qui lui rappelaient sa jeunesse.

Il avait beaucoup de succès dans son travail. Il a représenté la France dans plusieurs rencontres internationales de télévision.

Moi, j’ai compensé cette situation par un travail acharné. Manès SPERBER m’y a encouragée. Les SPERBER sont intervenus à plusieurs reprises pour aider à nos réconciliations qui devenaient assez fréquentes.

Puis la tragédie de ma vie est survenue en janvier 1970, mon mari m’a fait savoir par l’intermédiaire des SPERBER qu’il était amoureux de la « baby-sitter » des jumeaux de ma fille Nicole, elle était étudiante en physique à Saclay, il allait me quitter.

Cette femme avait la moitié de son âge, l’âge de ma fille Nicole.

En janvier 1970, il a définitivement quitté la maison. Ce fut la plus grande douleur de ma vie. J’en ai beaucoup souffert au point d’avoir une grave dépression réactionnelle. J’étais suivie par un psychiatre, le Docteur DANON-BOOILEAU, qui m’a donné beaucoup de psychotropes.

Mon travail m’a énormément soutenu 2 à 3 ans. Après j’ai décidé d’arrêter les médicaments. C’est ainsi que je suis sortie de cette dépression, mais j’ai fermé ma maison.

J’ai accepté de divorcer au bout de 2 ans. Il s’est alors marié avec cette jeune femme dont il a eu un enfant « Alain ».

Notre groupe d’amis s’est scindé à cause de cet évènement. Certains, dont Mme FRESCO et Mme EICHNER, par égard pour moi, ont cessé de voir mon ex-mari. Mes relations avec ceux qui continuaient de le voir se sont refroidies.

En janvier 1982, mort de M. POLONSKI. Je ne suis naturellement pas allée à son enterrement.










- 26 -
Pour mes 70 ans, grande fête à Nice chez Nicole. Irène et son mari sont venus avec leurs 3 enfants. J’étais très touchée par cette attention de la part de mes filles. C’est une journée inoubliable : Alain, alors âgé d’une dizaine d’années, était présent.

POLO, comme nous l’avons dit, était un très bon père et il était normal que mes filles continuent à le voir, mais je leur en voulais beaucoup d’être devenues amies avec sa nouvelle femme.

Vers 1980, j’ai commencé à souffrir des dents et de la bouche. Je n’ai pas supporté les prothèses faites à ce moment là. On m’en a refait plusieurs, mais les douleurs n’ont cessé d’augmenter.

Maintenant je suis handicapée. Je ne peux plus conduire. Je ne suis plus retournée à mon laboratoire depuis des mois. Je ne veux pas que les gens me voient ainsi, sans dents. J’en suis arrivée à souffrir en permanence, avec ou sans prothèse.

Quatre fois par semaine, des jeunes femmes venaient me tenir compagnie et me préparer à déjeuner. Je passais le temps en leur compagnie ou bien en lisant.

De temps en temps je sortais avec mes amies, Mme FRESCO et Mme EICHNER qui sont toujours proches de moi. Je déjeunais avec elles ou bien nous allions au théâtre ou au cinéma.

Irène et son mari ont acheté un château classé monument historique. Il date du XVIème siècle. Au MEUX, près de Compiègne. J’y passe quelquefois le week-end avec eux.

C’est un endroit très agréable, le parc est magnifique, le bâtiment très harmonieux.

Beaucoup d’amis viennent les y rejoindre. C’est une maison ouverte !

Le fils aîné d’Irène, Marc, s’est marié en 1988. La naissance d’Audray en mai 1989 a fait de moi la première arrière grand-mère de mon groupe d’amis. Puis 18 mois plus tard Diane est venue de sorte que je suis 2 fois arrière grand-mère.

Puis le 2ème fils d’Irène, Laurent, s’est marié. Il s’est marié religieusement, bien que n’étant pas pratiquant, pour accéder au désir de ses beaux-parents qui sont des juifs algériens très pratiquants.






- 27 -
Pendant l’année de la femme, lorsque Michel d’ORNANO était Ministre de la Recherche, j’ai reçu la distinction d’Officier de l’Ordre du Mérite qui m’a été remise par le Pr LEDERER pour mes recherches.

A cette occasion, j’avais organisé un apéritif au laboratoire pour mes collaborateurs et amis de notre institut.

Il m’a été décerné en décembre 1985, le prix (Emile JUNGFLEISCH) d’un montant de 10000 F, ce prix est décerné à l’issue d’une séance solennelle qui se déroule sous la coupole de l’Institut de France. La séance a été suivie d’une très grande réception.

J’ai beaucoup travaillé, beaucoup publié dans des revues de réputation internationale. Au total, environ 230 publications.

J’ai séjourné à Dublin chez mon amie Dervilla durant plusieurs semaines. Là elle a eu la gentillesse de m’offrir un ouvrage en 2 volumes des deux cents « TIRES A PART » de tous mes travaux en 2 exemplaires destinés, après ma mort, l’un à Nicole, l’autre à Irène.

J’ai été très touchée de cette gentillesse et ne pas prête de l’oubler.

Je crois que c’est le plus beau cadeau que j’ai jamais reçu.

Depuis j’ai publié une autre trentaine de travaux portant sur des sujets bien différents dont une bonne partie publiés en commun avec Dervilla.

Dervilla est maintenant chimiste reconnue qui représente l’Irlande dans diverses manifestations internationales.

Avec elle, nous avons isolé le premier orsellinate naturel L’ARMYNOL.

A ce moment là, l’étude structurale des substances naturelles était facilitée par des équipements modernes :

la R.M.N. des protons et du carbone 13 – C13
(Résonnance magnétique nucléaire)
la diffraction aux rayons X ...

Mon état physique a beaucoup empiré, des grandes douleurs de la bouche et des jambes m’assaillent continuellement de sorte que, pour moi, le labo est loin ...