TOME II - Examens corriges
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TOME II
...des personnes handicapées à la situation de handicap.
"Je parle. Je n'ai pas d'autre gagne-pain et je n'ai pas d'autre dignité ; je n'ai pas d'autre manière de transformer le monde et je n'ai pas d'autre influence sur les hommes. La parole est mon travail ; la parole est mon royaume."
Paul Ricur, La parole est mon royaume, in Eduquer : un métier impossible ? Prélude, Editions le Portique, sous la direction de J.-P. Resweber, Metz, 1999, p. 7.
IV QUATRIEME PARTIE. Etudes de cas et récits de situations
"...c'est ma maladie qu'il faut combattre. Car c'est bien elle l'ennemi, ce qui peut paraître un comble quand on sait que le seul muscle vital qu'elle n'affecte pas est le cur !"
Alexis Ridray, A la fac comme sur des roulettes, Editions Dianoïa, 2004, p. 59.
Chapitre 9. Témoignages et handicaps
1 Ecritures entrelacées et portées épistémologiques
Parler des 2 tomes qui e parlent
Il n'y a pas de conclusion à ce travail
Les notes de bas de page dialogues elles aussi trait d'union entre connaissances savoirs et culture du quotidien
Parler des centaines de sites visités et sources de données pas assez exploitées en sciences humaines.
Une thèse qui ouvre des pistes en rassemblant les morceaux épars autour de la personne
Technologie et technique
De pas diluer leurs paroles et leur écritures dans la masse des données...
Redonner une parole longtemps confisquer par une foule d'autres...
Donner une profondeur au témoignage sur la longue durée et passer du récit à un discours à deux voix...
Insister sur les conditions de réalisation (temps, lointain, t1et t2 en dialogue, les ndbdp qui dialogue aussi, condition d'adaptation, etc;)
Les thèmes abordés
Le je, tu, le moi : condition aux entretiens
Les pseudonymes ont été choisis pour la protection de sa vie privée en France puis pour la situation actuelle en Tunisie.
En faisant une analyse des textes recueillis et une exégèse des concepts, nous allons extraire de ces textes les différentes catégories "3C et 3S " pour en analyser les données les plus fines.
On croisera en notes de bas de page certains auteurs, certains témoins du quotidien avec ceux plus scientifiques et à portée de généralisation.
On fera aussi référence aux contenus des articles pour mieux inscrire l'histoire de la personne dans ce tome II de façon plus incarnée et singulière.
Les grands titres de chapitres seront mis en évidence par une anecdote ou une phrase forte du corpus.
Dans l'introduction du tome deux nous présenterons un tableau de lecture pour les pseudonymes. Il faut signaler aussi que tous les documents seront retournés aux témoins pour accord et que dans chaque témoignage on partira de l'analyse des concepts des trois "C" : cri, corps et coeur" plus globaux vers ceux des trois "S" : stigmate, souffrance et soin" de granulométrie plus fine.
Mon analyse : je retrouve ici le vocabulaire dépréciatif accolé à la personne handicapée. C'est un catalogue trouvé dans le texte de ce soldat, de "notre héros" comme l'appelle A. Luria : tiens, tiens le héros revient ! On retrouve cette mort sociale que l'on vit de l'intérieur dans de nombreux témoignages (Ph. Vigand, Bauby, Jollien, Segal, Yann, et d'autres quand ils traversent l'angoisse froide qui les mènent aux limites et à la dépréciation dépression.
Page 100 : "La lésion a détruit les aires visuelles et sensori-spaciale du cortex, mais les aires auditives et les fonctions motrices n'ont pas été touchées. Pourquoi ne pas s'en servir et rétablir sa faculté d'écrire par cette voie ? Il se souvient de cette journée mémorable où il eut la révélation qui bouleversa sa vie et revient dessus à plusieurs reprises dans les pages de son journal."
"Avec l'écriture, au début, il en allait de même qu'avec la lecture, c'est-à-dire que je ne pouvais pas former mes lettres sans y mettre un certain temps
"
NB : protection de la vie privée et retour des informations brutes pour contrôle
Quelques mots sur la construction, les temps forts et l'épistémologie de cette méthodologie.
Les pseudos pour la protection des personnes
Le vocabulaire et les expressions modifiées avec l'accord des personnes pour ne pas ajouter d'autres faiblesses : c'est la paroles et les écrits qui comptent, c'est le "don" au sens de M. Mauss qui est premier dans cet échange.
Les historiens de la grande guerre vont voir du côté des relevés "ethnographiques" des psychiatres et autres "écouteurs" de la souffrance humaine car il n'y a presque pas de données sur les le retour dans les foyers autour des "3C" qui pourraient décrire les traumatismes endurés. (France culture, la fabrique de l'histoire, le jeudi 11 novembre 2004 de 10h à 11h.
Les" trois C" permettent de nouer et dénouer les images du corps par les jeux de la parole et de l'écriture pour d'abord dépasser la souffrance et le stigmate et enfin faire du soin et du souci pour l'autre une priorité sociale.
Dans un premier temps quelques réflexions sur les études de cas :
Dans toutes les écritures de ses études de cas, j'ai voulu reprendre l'ensemble des cassettes enregistrées avec les témoins, les articles envoyés pour préparer nos entretiens, tous les mails et toutes les consignes de mes cas et de recherche.
Ce tome deux a été construit pour ne pas noyer les témoignages dans les données scientifiques et ethnographiques et pour que la personne globale existe entre récit, discours et fiction. Il fallait en effet un espace pour que leurs paroles et leurs écritures passent de l'évanescence à l'archive. C'est en effet sur cet ancrage que prendra appui le réseau construit sur le temps long. Il fallait aussi donner la parole à ceux qui n'ont presque jamais. Faire de ces études de cas des exemplarités à portée de généralisation car on retrouve ces structures un peu partout dans le champ de l'exclusion.
Cette reprise de tous les documents du quotidien m'a permis de caractériser plusieurs étapes, une étape chrono thématique, une étape un peu plus clinique, une étape sur les petites difficultés et bonheur de la vie, et enfin une étape sociologique autour des métiers de l'école et les institutions.
Après avoir interrogé sur les articles à partir des trois «C », j'ai voulu voir si les figures du héros et de l'exclus réapparaissait à travers les catégories sociales que son l'enfant, le malade, l'exclu et le héros.
Je suis parti des textes de Alexandre Luria sur les « romans scientifiques », d'auteurs précis en fonction de handicap, et des textes de Michel Foucauld réunis par Jean Paul Resweber dans le portique en 2004 sur les écritures.
J'ai essayé aussi d'avoir un éclairage dans ce tome deux avec les témoins médiatiques du handicap avec les scientifiques pour renforcer l'opinion des témoins au quotidien, l'éclairage sociologique et institutionnel dans la mise en place de politiques sociales.
La problématique pourrait être de montrer comment transformer ce savoir particulier accumulé par toutes ces expériences en savoir à partager et utile à tous, chercheur et interlocuteur ?
Ce savoir peut-il permettre à mieux guérir sinon les corps physiques mais avant tout les images fausses et dépréciatives que nous avons tous au fond de nos cerveaux pensants ?
Si nous suivons la personne handicapée dans son espace et dans son temps social, quelles sont donc les perspectives qu'elle nous ouvre ?
J'ai pris le pari et le parti de rester dans le positif et la clarté de l'altérité et de l'éthique (l'éthos comme lieu imaginaire ou réel de la liberté collective de penser ensemble et de se mouvoir dans la brèche au sens de H. Arendt.
Deuxième temps sur l'analyse des données et la grille :
J'ai donc repris toutes les cassettes audio phoniques et les films de cinéma et de télévision pour extraire les images du handicap à adapter sur ces cas singuliers du quotidien pour passer des figures de l'exclus aux figures puissantes qui parlent mieux du regard anthropologique porté sur le handicap, ce sont : le soin, le stigmate et la souffrance.
J'ai repris aussi toutes les correspondances et les entretiens mis en écriture car les mots mis en écriture passent du statut de la trace évanescente au statut plus éternel du mot qui ne meurt jamais.
La question qui se pose est la suivante : retrouve-t-on les figures qui nous viennent du fond historique des images de l'inconscient collectif au sens de K .G. Young ?
J'ai repris aussi l'analyse des documents envoyés et les réponses même partielles car j'avais demandé à tous de m'écrire même quelques mots pour préparer nos entretiens plus approfondis.
J'ai relevé toutes les dates et les ruptures chronologiques pour fixer ce temps social qui n'est vraiment pas le nôtre : la personne en situation de handicap possède un rapport au temps singulier, un retard spécial qui distancie celui qui ne s'accroche pas !
J'ai relevé aussi les anecdotes et les étrangetés qui singularisent ces histoires mais aussi qui suscitent des retours réflexifs forts.
J'ai travaillé sur les images du handicap et le regard porté sur le handicapé dans les histoires de vie.
Enfin, j'ai mis en évidence les maladies et leurs cliniques mais personnalisées et incarnées par nos témoins car on situe mal les difficultés, les douleurs et les non-dits qu'elles suscitent au début de ce troisième millénaire !
Troisième temps sur les références :
Notre éclairage se fera avec la force des témoignages médiatiques qui viendront dialoguer avec les réflexions de leur quotidien (H. Keller, T. Grandin, J. Hull, A. Jollien, Ph. Vigand, ..)
On inclura des citations et des vignettes de scientifiques (sociologues, médecins, anthropologues, etc. et d'auteurs du champ du handicap pour faire une réciprocité d'échanges entre les deux tomes. J'inclurai aussi des insertions sur les institutions et les législations qui encadrent le handicap avec une analyse des dernières lois et orientations.(lois de 1975, 2005, etc.)
Je ferai aussi référence à la clinique et au domaine médical, pour introduire de passage de la souffrance à la douleur dans toutes les gammes et variations dans les corps.
Quatrième temps vers une construction homogène des études de cas : un plan de lecture
Le contexte de la rencontre : le temps et l'espace
Chronologie des contacts
Initialisation de la rencontre et le réseau
Le rythme et les dialogues
Statut et rôle social : travail, scolarité et culture
Compétences et place sociale
Parcours scolaire et difficultés
Les plaisirs et le vivre ensemble
La résurgence des figures historiques : héros, exclus et l'enfant
Leur cri, leur cur et leur corps
Gagnant ou perdant ?
Leur extra ordinarité, les héros positifs
La maladie et le handicap : bonheur, douleur, souffrance et angoisse
La place de la souffrance
Les institutions qui encadrent les corps
Réversibilité et irréversibilité
Le singulier a une portée de généralisation notre travail sera bâti sur des propos et des dialogues qui dépasseront le curseur de la philosophie l'anthropologie, de l'anthropologie à l'ethnologie, de l'ethnographie à la micro sociologie. Nous explorerons dans un dialogue intérieur notre implication. Puis avec la prise de distanciation Nous explorerons une épistémologie du handicap par le dialogue entre les sciences qui lui sont communes. Enfin nous mettrons en tension les savoirs savants issus de la littérature et des champs scientifiques et les savoirs profanes des témoignages de type ethnographique. Le changement de paradigme entre la personne handicapée et la personne en situation de handicap est pour nous une avancée considérable car ce concept permet au niveau sociologique de décrire une certaine évolution et d'anticiper une certaine révolution aussi, au regard du traitement du handicap dans notre société.
Les six thématiques, les différentes sciences, les limites, les critiques et résultats, incarnation. Mon objet. Voir Goffman pour les critiques sur Asylium.
Les avancées il faut montrer que la donne à changer :
Notre grille de lecture sera d'extraire des témoignages, des étrangetés dans les propos tenues par le sujet et l'acteur porteur du stigmate "handicap" et qui par rétroaction donnera son propre avis sur son handicap et le handicap des autres à travers la réflexion qu'il aura sur les articles qu'il aura lus. En fonction des lectures, des auteurs dans le champ de handicap et des études et des opinions standard ou singulières nous sortirons, par une exégèse et une herméneutique des textes de nos sujets, des indicateurs et des analyseurs pertinents. Par exemple :
Regarder ses pairs avec intelligence : on doit s'adresser aux intelligences jusqu'au limite.
La "rétro stigmatisation" : regardez-vous vous-même. Qui sont les vrais "a normaux" ?
Éduquer à la différence : un long travail sur le temps.
Éduquer le regard : l'apprivoisement pour créer du lien durable.
De l'indifférence à l'étrangeté : l'étrangeté redevient une forme de normalité.
Le concept "d'égalifférence" : une éthique de la différence.
Une résilience douce : le tuteur du soin et du tact dans le dialogue.
Une clinique apprivoisée : porter son stigmate comme tout le monde.
Banaliser le handicap : pour reconnaître l'autre, pour ouvrir la société.
-Lapproche de ce milieu difficile, en réseau large et aléatoire fait dacteurs qui ont réussi « une percée » voir A. Jollien et mes témoins qui habitent la société mais très difficilement.
Une ethnographie inscrite en microsociologie par le fait quelle pose des questions sociales : nous avons enquêté avec leur propres savoirs ethnographiques
-Je rends, les fait normaux, banals et quotidiens, étranges autour des 16 dialogues singuliers de personnes en situation de handicap, et jextrais cette étrangeté que je redonne à l'analyse sociologique.
-Une approche ethnologique descriptive avec une " herméneutique " et une "exégèse" issues des entretiens. On croisera sans cesse les regards des acteurs et des scientifiques, les concepts aux témoignages de terrain, etc.
-on essaie de "domestiquer" le handicapé pour leffacer car il pose trop de problèmes. Le handicap nexiste pas, cest létrangeté qui fait difficulté !!
Beaud S. et Weber F. : "Guide de l'enquête du terrain, produire et analyser des données ethnologiques", Editions de la Découverte, Paris, 1998.
Page 8 : " Celui du terrain de lethnographe : présence longue sur place, établissement de relations de proximité et de confiance avec certains enquêtés, écoute attentive et travail patient de plusieurs mois ou de plusieurs années. Lethnographie a pour vocation originaire de rendre la parole aux humbles, à ceux qui par définition nont jamais la parole : tribus isolées en terrain exotique, peuples colonisées (ethnologie traditionnelle), classes dominées ou groupes en voie de disparition dans les sociétés développées (ethnologie chez soi). Lorsque lethnographe des sociétés contemporaines est trop près de son objet, il lui faut prendre de la distance, séloigner pour mieux voir. Cest alors quil a besoin du sociologue qui, lui, a mis au point des outils pour observer, au niveau macrosociologique, la réalité sociale. Lethnographie ne juge pas, ne condamne pas au nom dun point de vue supérieur. Elle cherche avant tout à comprendre, en rapprochant le lointain, en rendant familier létranger. Ce faisant elle rend les choses, les personnes et les événements plus compliqués quils ne paraissent. Parce que lethnographe sastreint à un long travail de description-interpréatation les deux vont de pair il met au jour la complexité des pratiques sociales les plus ordinaires des enquêtés, celles qui vont tellement de soi quelles finissent par passer inaperçues, celles quon croit naturelles parce quelles on été naturalisées par lordre social : pratiques économiques, alimentaires, scolaires, culturelles, religieuses ou politiques, etc ".
Pages 10 et 11 : " Même si elle sefforce toujours de respecter des normes de scientificité et ne cesse de sinterroger sur létrangeté du fait social, lenquête ethnographique dans les sociétés contemporaines nest pas un outil neutre de la science sociale. Elle est aussi linstrument dun combat à la fois scientifique et politique. "
Page 264 : " Ne cherchez pas à théoriser à tout prix ni à généraliser à tout prix. Vous devez faire un compte rendu denquête, le terrain ne doit pas disparaître sous les concepts mais, au contraire, les concepts doivent éclairer le terrain et rendre justice aux cas singuliers. Soyez modeste et précis, soyez honnête et rigoureux. Trois éléments doivent particulièrement retenir votre attention avant de mettre en oeuvre des comparaisons systématiques : la mise en relation, dans chaque cas, entre positions objectives, pratique et points de vue subjectifs ; les mots indigènes et les silences ; les malentendus ".
Page 274 : " Vous navez pas un corpus homogène. On ne peut pas vous le reprocher, cest la base de lenquête ethnographique que de faire feu de tout bois. Ces matériaux, vous ne les juxtaposerez pas : vous essaierez de les confronter les uns aux autres. Cette confrontation intervient à plusieurs niveaux : au niveau de lenquête elle-même, par un recoupement des informations. Vous devez en effet vous efforcer toujours de confronter ce que les gens vous ont dit, ce que vous les avez vu faire (dans diverses circonstances et divers lieux de la vie sociale), le cadre dans lequel ils vivent (observation menée en cours dentretien) et les éléments que vous pouvez savoir sur eux à leur insu (ce que dautres vous en ont dit, ce que vous avez appris au hasard de divers documents),, au niveau de linterprétation générale, autorisez-vous à comparer vos données malgré leur hétérogénéité, avec dautres, que vous trouvez dans des textes publiés sur votre sujet. Autres terrains, autres catégories sociales, autres problématiques : vous devez lire dans cette perspective de comparaison, non pas systématique (cest impossible), mais heuristique, les textes des sociologues, des ethnologues, des historiens. Cest-à-dire que vous allez passer des cas singuliers aux questions conceptuelles auxquelles ces cas répondent partiellement. "
Pages 178 à 181: " De plus chaque entretien approfondi est un événement quil faut analyser pour lui-même : cest une interaction personnelle où chacun sengage fortement et cest aussi une interaction solennelle avec un minimum de mise en scène, de cérémonial (le magnétophone sert ici de spectateur indispensable)."
"Plus vous ferez apparaître la singularité de ce point de vue, plus lentretien sera intéressant (luniversel est dans le particulier, comme aimait à dire Goffman). Cette singularité doit vous amener à analyser linterviewé comme un cas, à restituer la cohérence de ce cas, à réfléchir sur sa pertinence : cas limite, cas idéal typique, appartenance à une famille de cas. "
Goffman. E. : "Stigmate : les usages sociaux des handicaps", les Editions de Minuit, 1963, pour la traduction française 1975.
Page 146 : " Il est vrai et la sociologie l'affirme de à ses moments, que nous exprimons tous le. de vue d'un groupe. Mais ce qu'il y a de particulier dans la situation de l'individu stigmatisé, c'est que la société lui dit qu'il fait partie du groupe le plus large, ce qui signifie qu'il est un être humain normal, mais qu'en même temps, il est dans une certaine mesure de « différent », et qu'il serait vain de nier cette différence".
Illustration no 8 : incarnations et paroles choisies. (Se reporter à l'annexe IV sur cdrom)
No du récit et
Pseudonyme
Numérotation et paginationLes trois C (3C) : l'acteurLes trois S (3S) : le sujetCorps
Ligne no : mot clef
Cur
Ligne no : mot clef
Cri
Ligne no : mot clef
Souffrance
Ligne no : mot clef
Stigmate
Ligne no : mot clef
Soin
Ligne no : mot clef
1 Abdel
-202 lignes
-6 pages16 : "poliomyélite au membre inférieur droit"133-134 : "stoïque"
117 : "si tu comptes venir en Tunisie tu seras le bienvenue "103-104 : "pas viable" ; "très humiliant"71-72 : "un sentiment qui tue"
56 : " de la décevoir"87 : "comme un boulet sur le dos"
84 : " se sentir autonome"
2 Yohan
-405 lignes
-12 pages174 : "on tremble de tout son corps"
315 : "athétose et noyaux gris centraux"395 : "il faut que j'apporte quelque chose"297 : "retourner inexorablement entre « quatre murs »."
373 : "je n'ai pas mal
mais mal au cur"84 : "L'athétose se manifeste par des mouvements brusques incontrôlables." 388-389 : "il faudrait des locaux (...) pour avoir une certaine autonomie."
3 Serge
-954 lignes
-26 pages734 : " je me sens deux dans le même corps"715 : "J'ai envie aussi d'avoir des amis dans ce cadre-là"
726 : "prendre dans la tronche"734 : "c'est que je sens deux moi"6 : "Je suis myopathe de Duchenne !"
929 : "Le corps ne doit surtout pas être considéré comme son ennemi"4 Bernard
-3137 lignes
-94 pages1214 : "comme je suis aveugle"
2296-2897 : "jen suis sorti, en dehors de la pitié "
623-627 : " j'ai eu du mal à l'accepter"
623-627 : "D'abord je ne pouvais pas concevoir ma propre souffrance "219-220 : "des problèmes aux yeux liés à mon glaucome"
627 : "je suis quelqu'un qui est extrêmement bien entouré, j'ai beaucoup de copains."5 Jean-Paul
-970 lignes
-28 pages6 : "handicapé paraplégique à la suite dun accident de la circulation"710 : "espérer que les choses soient mises en application et respectées"
67 : "Les choses progressent certes ! Mais "trèèèèèès" lentement !"514 : "le vocabulaire parfois fait un petit peu mal"
458 : "un être verticalement heurté ?"
173-174 : "les Américains ont une super qualité, ils croient que tout est possible."6 Lyse
-1293 lignes
-36 pages8 : "J'ai attrapé la Poliomyélite à 5 mois"22 : "c'est ma passion et je ne peux pas en parler en deux lignes"121 : "j'en sors toujours victorieuse !"603 : "sans mes douleurs et opérations"
119 : "une personne qui a eu une polio "
34 : "le besoin de chaque personne est différent"
7 Richard
-381 lignes
-11 pages349 : "parce que ma femme on doit lhabiller et la laver tous les jours"
310 : "jai une activité que jaime bien, le théâtre"
313 : "sur scène, jai pleuré et cela cétait très émouvant pour moi"292-293 : "il ma bloqué à la maison. Jai (re) fugué pareil"
242-243 : "Là aussi, cétait une galère, pff. Jai fait 5 années là dedans ! "
340 : "aillent faire un parcours "du combattant". Ils verront les difficultés !"343 : "Encore beaucoup de travail reste à faire, comme dans les bâtiments et les services publics."
7' Paula
-381 lignes
-11 pages-52 : " Nous sommes deux personnes à mobilité réduite en fauteuils roulants électriques"55-56 : "Nos deux plus grands bonheurs furent le jour de notre mariage et le jour ou on a eu les clés de notre appartement actuel."71 : "Cest la vraie galère dêtre une personne handicapée."
43 : "Il y a des jours où le physique et le moral ne sont pas très fiable"
52-53 : " Nous sommes I.M.C de naissance"
53-54 : " Notre plus grande victoire : vivre en appartement seuls."8 Elyse
-1525 lignes
-42 pages-1291 : ", pour être sportif de haut niveau, il faut de lentraînement, de la rigueur"1319 : "Elle avait peur de me blesser"
282 : "Ca c'est des choses qui me révolte."
37 : "Je sais que je risque de me retrouver non-voyante"18 : "Je suis handicapée... "
19 : "je suis malade depuis l'enfance"258 : "Soit on veut s'en sortir, et on fait tout pour."
9 Paul
-1085 lignes
-31 pages175 : "au théâtre, jai appris à bien travailler avec des gens qui sont en chaise roulante, des gens qui sont handicapés moteurs"31 : "Et cette fille ma demandé en mariage, chose que je croyais impossible. Je lai fait et depuis tout va mieux."738 : "elle nous infantilise en nous prenant pour des personnes de 10 ou 13 ans."
170 : "et des gens qui sont handicapés mentaux comme moi. "
176 : "Je me disais : ces gens ne servent à rien !"15 : "qui sont malades mentaux comme moi"
187 : "on peut aider ces gens là. Comme moi, je suis aidé aujourdhui"
9' Reine
-1083 lignes
-31 pages800 : "ils nous donnent des médicaments, des médicaments mais en fin de compte on a toujours la maladie quon avait avant. Ça ne part pas."850 : "je me suis retrouvée dans une personne, cest ça. Et après je me suis mise à pleurer."
832 : "pourquoi nous mettre des étiquettes sur le dos ? Je ne comprends pas ! Partout cest comme ça."753 : " et jai souffert."
751 : "moi, jai fait treize ans dH.P. Sans sortir, rien "
935 : "il ny pas assez de subvention"
946 : "pour moi, parfois, jai limpression quon est refoulé de la Société. Parfois je pense à ça"10 Jean
-934 lignes
-28 pages145 : "On me confond souvent avec un myopathe"231-232 : "le met pour ma part, au rang des exemples d'intégration"
830 : "pour que l'apitoiement soit encore plus prononcé"187-188 : "dépendants de nos conjoints, ce qui est carrément malsain."143 : "atteint d'une amyotrophie spinale infantile de type 2"857 : "L'amélioration du quotidien"
11 Jacques
-2271 lignes
-66 pages352 : "je suis sportif de haut niveau"
857 : "que vous soyez handicapé, l'amour ne changera jamais"28 : "d'une perception de l'Handicapé comme étant un attardé !"965 : "il faut voir la souffrance de certaines personnes"
36 : "amputations traumatiques"
1021 : "il faut je pense respecter ces gens et leur décision"
12 Georges
-469 lignes
-14 pages9 : "je possède la maladie du Little !"
272 : "Je te laisse en t'affirmant mon amitié"
440 : "Comment revendiquer lorsque nous sommes en institution !"283 : "mieux faire apparaître leurs difficultés"
293 : " une certaine honte"432 : "Deux handicaps contre les handicapés : l'enfermement et l'exclusion"418 : "Le concept de l'affection compte beaucoup pour une personne handicapée"13 Roland
-744 lignes
-22 pages517 : "Je venais d'Albi et j'ai joué pendant huit ans"
667-669 : "il m'arrive d'être sur le bord de "chialer", (...) leur joie est incroyable, émouvante, communicative."594 : "mais les vrais experts ce sont les sourds"
606 : "Pour les entendants c'est la surdité qui fait barrière"654 : "nous sommes des handicapés du savoir !"
624-625 : "Aux USA, on ne regarde pas la surdité mais les capacités et les compétences "14 Carole
-290 lignes
-9 pages202 : "On ne fait pas d'un âne, un cheval de course !"
33 : "Carole tient beaucoup à communiquer"
9 : "Carole insiste avant la répétition pour témoigner dans ma recherche."
77-78 : "elle semble sisoler de longs moments"(...) "elle monologue très souvent"62 : "elle a beaucoup de mal à parler."
181 : "une infantilisation et un sentiment coupable chez le résident"
15 Marie
-1032 lignes
-34 pages221 : "l'oreille est l'horloge du temps"1001-1002 :"faire des ponts entre les sourds"972 : "personne n'est parfait"664 : "à croire qu'ils sont handiphobes !"943 : "ne pas pouvoir éteindre mes oreilles !"919 : "il me faut juste une compensation et non un avantage !"
L'ensemble des données est gravé sur un cd rom à la disposition des chercheurs avec l'accord des auteurs.
2 Quelques "héros" du quotidien
Récit no 1. À propos d'Abdel : "La poliomyélite fait moins mal que la dépendance sociale !"
Un contact compliqué
Pour cette première histoire il faut signaler que je n'ai pas encore rencontré physiquement notre " héros " du quotidien malgré deux ans d'échanges avec des moments forts et de longues périodes de silence ! C'est justement dans notre démarche ethnographique sur ce cas précis que, notre curiosité de chercheurs a été mise en éveil. Il fallait absolument rendre compte de cette histoire singulière.
En effet, au gré de notre démarche de recherche et d'enquêtes les témoignages se sont tous singularisés très rapidement dans les dialogues, dans des temporalités construites par le chercheur et ses pairs.
Donc la rencontre ne s'est pas faite physiquement et il me fallait la décrire néanmoins puisqu'elle a mobilisé nombre d'énergies d'une part et de l'autre ; cette histoire à travers ce corps " handicapé " mais aussi " étranger " au sens de l'Abdel Malek Sayad qui nous enseigne toutes les potentialités de ces corps d'immigrés et d'émigrés qui s'écrient et s'écrivent entre la rêverie d'un eldorado lointain là-bas et la souffrance d'une réalité plus que tangibles ici. Oui, une énergie a été déployée pleine de potentialités et de promesses comme celle de "cette énergie du vide" décrite aujourd'hui par les théoriciens de l'astrophysique. D'une "matière noire", car ces entretiens comportent de nombreuses plages obscures et bien malgré cela on peut tirer des enseignements ethnographiques ; voilà, le sens de cette métaphore.
Notre rencontre était pleine de ces incertitudes, de ces vides, de ces difficultés alors et malgré tout nous avons voulu savoir comment s'inscrivait dans cette économie du handicap, sa poliomyélite et ses réflexions malgré les " idées noires " qu'il laisse apparaître ici et là dans nos échanges.
À l'heure où l'on nous vante de plus en plus les compétences des personnes "en situation de handicap" avec des publicités comme celles de "Nike", "France Telecom", "Adia", etc. ainsi que la nouvelle loi d'orientation qui devrait voir le jour pour les personnes handicapées au 1 janvier 2005, eh bien nous sommes loin de ce que nous renvoie Abdel dans le cadre de ces entretiens sur les nombreux sujets que je lui ai envoyés !
Pourquoi avoir choisi ce cas, quelle est sa force de généralisation et d'exemplarité, comment retrouve-t-on le passage des trois "C"aux trois "C" avec quelle pertinence est avec quelles nuances pour cette étude singulière ? C'est ce que nous allons tenter d'analyser et de montrer dans cette étude incarnée, dans cette biographie de quelques années qui cristallisent un moment de "leurs existences entremêlées" qu'on peut en faire ressortir un savoir à portée de généralisation entre le chercheur et le témoin.
En effet, comme Alexandre Luria (1988) notre but est de suivre des individus appréhendés comme un tout, le plus longtemps possible, pour constituer un réseau de connaissances et les solliciter le plus longtemps possible pour mesurer avec eux les avancées et les reculs de leur vie à travers le projet institutionnel et étatique des lois de 1975 et celles de 2005 en devenir.
C'est avec cette population de 17 personnes en situation de handicaps au quotidien que nous voudrions établir de façon microsociologique ce que la future décennie leur réserve au niveau anthropologique, sociologique, politique ainsi qu'au niveau éthique.
Aujourd'hui en effet, Abdel, ne veut plus ne donner ses impressions personnelles sur son « handicap » parce qu'il est, notre avis en souffrance, mais en tant que chercheur il nous ouvre les portes de la connaissance du handicap en Tunisie en allant à Tunis au centre documentaire. Abdel est au fait des problèmes et aux difficultés d'une thèse et de la recherche en général car il terminait lui aussi, un doctorat en lettres anglaises à la Sorbonne.
La rencontre épistolaire
Notre rencontre avec ce jeune professeur d'anglais, très diplômé, comme nous le disions, s'est faite il y a bientôt trois ans dans notre univers professionnel car je recherchais à l'époque des personnes handicapées pour avoir des témoignages singuliers qui représenteraient en quelque sorte à travers un cas singulier une part d'universel.
Notre attente se trouvait récompensée dans l'année 2000 2003, par le contact pris par notre collègue d'anglais à l'université et qui m'avait recommandé Abdel, un jeune professeur vacataire de 33 ans né en Tunisie, atteint d'une poliomyélite au membre inférieur droit contracté tardivement dans l'enfance. Abdel ajoute aujourd'hui : avec un taux d'invalidité de moins de 80 % qui est ne place en "catégorie B", selon la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (C.O.T.O.R.E.P). Et il souligne avec force que : « Je ne perçois aucune aide sociale ! ». Il parle de ces positions institutionnelles et administratives sur sa situation de personnes handicapée depuis sa venue en France qui date du mois d'août 2001. Il est marié à une française, n'a pas d'enfant et je te contacte donc par téléphone et il semble très heureux et intéressé de participer à notre étude, nous convenons comme pour les autres personnes d'une rencontre pour mettre en place le protocole et pour faire connaissance lors d'un premier entretien informel.
Les premiers échanges se font en France au niveau épistolaire mais rapidement il repart chez lui en Tunisie après une période de quatre mois puis une autre de huit mois de retard sur notre correspondance. Il s'excuse néanmoins, il veut bien reprendre avec moi nos entretiens car il sait ce que représente le travail de recherche. Nous correspondons par le moyen épistolaire et surtout par Internet. Comme il doit revenir en France nous nous mettons d'accord pour effectuer à ce moment-là des entretiens plus approfondis en prenant les documents deux part deux. Mais malheureusement au milieu de l'année 2004 c'est la rupture suite aux derniers articles que je lui avais envoyés sur le corps et l'école. Ils voulaient bien continuer à être pour moi une entrée sur le handicap en Tunisie malgré tout, et cela malgré une certaine souffrance que je voyais apparaître dans ses lettres et ses courriels.
Cela nous a fait tout de suite pensé à la phrase d'Abdelmalek Sayad (1998) sur la souffrance de l'immigré, elle dit qu'il n'est : « Ni citoyen, ni étranger, ni vraiment du côté du même, ni totalement du côté de l'autre, se situe en ce lieu bâtard dont parle aussi Platon, la frontière de lettres et du non-être social. »
Après avoir présenté notre "témoin", nous allons dérouler les temporalités de nos échanges épistolaires entre la France et le Magreb. Dans ce premier temps nous croiserons nos écritures au gré des réflexions suscitées par les articles, au gré aussi des difficultés et des avancées de l'existence des personnes.
Dans un second temps nous allons essayer d'avoir une relecture de sa "maladie" par rapport et dans la maladie invalidante que représente la poliomyélite aujourd'hui en France et dans le monde.
Enfin, nous montrerons comment se retrouve à travers ce cas singulier qui touche un peu à l'universel, le passage du cri, du cur et du corps (les 3C) vers celui plus fin à visée anthropologique que traverse la souffrance, le stigmate et enfin le soin porté à cet autre qui nous côtoie tous les jours.
Chronologie et chrono thématique de notre rencontre. Le dialogue lointain
La première préparation du document que je leur ai envoyé sur l'immense enquête I.N.S.E.E date de fin décembre 2002. Abdel a reçu chez lui en France, à son foyer avec son épouse, le premier document le 7 janvier 2003. Je dis son épouse puisque c'est avec elle que j'avais eue de premier contact puis avec Abdel qu'il a accepté le protocole.
Enfin le 15 février 2003, il m'envoie son curriculum vitae ainsi que les premières réponses avec ses analyses personnelles sur l'enquête I.N.S.E.E. Il est bizarre de constater qu'il m'envoie d'abord les réponses puis seulement sont curriculum vitae. À ce propos je leur avais demandé d'extraire du texte les données importantes et les réflexions par rapport à leur handicap et par rapport à la situation de handicap en général. Je leur avais aussi demandé que ce qui pouvait amélioré ou critiqué.
Entre cet envoi et celui du 22 octobre 2003, Abdel retourne précipitamment en Tunisie et son épouse me donne ses coordonnées en me signalant qu'il veut tout arrêter. Après quelques échanges sur Internet il le bien continuait à travailler avec moi. Je devais donc le rencontrer comme les 15 autres personnes qui témoignent dans mes recherches mais il part précipitamment en Tunisie sans rien qui ne le laissait supposer auparavant, c'est un peu l'impression que m'a laissée son épouse sur cette situation délicate...
Le 22 octobre 2003, les premières réponses et réflexions au document sur le cur m'arrivent (émotion, pitié, charité et l'euthanasie).
Nous sommes satisfaits tous les deux de notre collaboration, je vois apparaître en faisant une analyse de discours les vocables : d'amitié, de bonnes continuation, de salut et il me demande de tutoyer et vice versa. À partir de cela, je décide de lui demander plus qu'il est docteur en littérature anglaise et qui devient d'études universitaires des services on s'y concerne la situation du handicap en Tunisie, des articles et des journaux sur des exemples d'études de cas, et je demande de prendre contact avec moi lors de son retour en France ainsi que sa photo qu'on puisse au moins faire connaissance par l'image.
Le 02 février 2004 : il m'envoie ses réflexions sur le document trois qu'il parlait des cris de révolte, des cris de galère des personnes handicapées. Une longue lettre pleines réflexions intéressantes mais aussi où apparaissent les premiers doutes et aussi les premières souffrances.
Par les lettres datées du 27 avril et du 01 juin 2004, Abdel m'écrit de nouveau en ajoutant à ces missives deux articles du journal tunisien « la presse » sur le handicap. On y parle de l'intégration scolaire de jeunes handicapés mentaux dans la société nord africaine et tunisienne en particulier. Il joint aussi à cette missive sa photo et une belle carte de l'artisanat tunisien. Donc tout va bien et notre collaboration s'annonce sous de bien bons auspices.
Le 29 septembre 2004 : Abdel me signale par mail que notre dernier document sur le corps et la connaissance prendra du retard car il a eu de nombreuses difficultés pendant cet été.
Le 01 octobre 2004 : un mail me signale la clôture de nos échanges personnels ; ceci est tout à fait inattendu mais une porte reste ouverte par rapport aux recherches sur le handicap en Tunisie. Il me faut analyser la teneur des articles et voir pourquoi ils craquent subitement. J'ai répondu par courrier que je respectais ces décisions et que je le remerciais pour continuer le travail sur un terrain plus universitaire.
A ce jour en décembre 2004 j'attends des nouvelles des contacts pour travailler sur le handicap dans ce pays du Magreb.
La poliomyélite d'Abdel aujourd'hui en France et dans le monde.
"Sa poliomyélite" apparaît souvent dans ses écrits et elle revient en filigrane ou en force dans des termes comme : " Les soucis de la vie, une poliomyélite au membre inférieur droit, une maladie contractée durant l'enfance, le handicap était un sujet tabou dans notre société, c'est la volonté de Dieu, je suis titulaire de la carte station debout pénible, etc."
Abdel souligne que le véhicule qui doit lui donner un peu plus d'autonomie doit être aménagé et donc "forcément plus cher" et il ajoute que même un geste d'une "extrême banalité" pour tout un chacun ne l'est pas pour un "handicapé".
Pour lui, un obstacle peut aller de la simple marche un peu étroite d'un escalier qu'il doit monter, jusqu'à enfiler un bermuda ou une paire de chaussures "avec des lacets".
Mais il y a aussi la peur, de la peur de décevoir ses proches par exemple sa mère qui a des problèmes de marche et de locomotion elle aussi en Tunisie : elle s'appuie sur lui pour sortir ou faire les courses et lui, sa plus grande crainte et de tomber, de glisser et est en fin de compte de ne pas être à la hauteur puisque c'est le fils de famille, l'homme de la famille.
La poliomyélite dans les années 50 était aussi effrayante que ne l'est aujourd'hui le sida (syndrome d'immunodéficience acquise par le virus V.I.H), avec son cortège d'infirmité, de contamination sournoise, d'entorse à l'hygiène et enfin de toutes les images dépréciatives qu'on pouvait avoir ces maladies contagieuses. On retrouve les premières traces modernes de la maladie à partir des années 1840 dans des dénominations comme « paralysies infantiles ». C'est une maladie contagieuse propagée par un virus mis en évidence en 1931, alors que des épidémies de " polio " se propageaient en Europe et en Amérique du Nord.
C'est une maladie infectieuse aiguë très grave par "ses séquelles motrices définitives." Et ce n'est pas notre témoin Abdel qui peut témoigner du contraire par la gravité de ces atteintes à la jambe droite lui occasionnant une claudication très invalidante. L'Afrique en ce moment voit une remontée des cas de poliomyélite car la continuation est orale et sa transmission digestive. C'est une maladie des pays "à un mauvaise hygiène", l'endémie y est permanente avec une recrudescence saisonnière "estivo automnale".
La découverte du vaccin contre la polio par Jonas Salk et surtout la découverte du vaccin oral préconisé par l'OMS depuis 1956 par Albert Sabin de l'université de Cincinnati a permis son éradication dans les pays modernes. La région du Maghreb ne fait pas partie des pays à recrudescence forte pour cette endémie, il faut donc chercher plus finement les causes de la contamination d'Abdel dans les années 1970-1980 dans la partie de la Tunisie où il a passé son enfance.
On constate qu'aujourd'hui le continent africain est un foyer de recrudescence de la poliomyélite à partir du Nigéria comme le souligne le journal "l'Intelligent d'Abidjan".
Enfin nous terminerons notre tour d'horizon par la France en signalant qu'aucun cas de "poliomyélite paralytique" n'a été déclaré depuis 1996 et que le dernier cas "autochtone déclaré" le fut en 1989. Le dernier cas importé déclaré le fut lui en 1995. La vaccination qui a été rendue obligatoire par la loi du 01 juillet 1964 a bien fait les choses puisqu'on constate l'éradication de la maladie en France jusqu'à ce jour.
Le passage des "3C" aux "3S"
Les données des entretiens permettent de montrer que l'on retrouve un peu de l'exclusion, un peu du stigmate, dans la figure de l'étranger ; alors que peut-on penser de la figure de l'étranger qui porte en plus un handicap ? On peut sans trop se tromper dire que ce cas singulier fait force de généralisation car souvent ils sont un peu tout cela à la fois. On retrouve le vocabulaire dépréciatif à travers le vocabulaire qu'il utilise comme infirme, invalide, bon à rien, retardés. Abdel parle des difficultés pour les petits obstacles de la vie. Un escalier devient vite une "montagne" qu'il est difficile de gravir. Dans son travail ils nous parle de remplacement, de vacataire et pour lui le C.A.P.E.S représente comme beaucoup d'autres dans sa situation un parcours du combattant et une longue galère pour accéder aux postes de l'éducation nationale. Peut-être son départ de la France et son retour pour la Tunisie marque-t-elle le fait qu'il soit, un perdant ici et un exclu aussi là bas, qu'en sera-t-il au pays, pour celui qui revient ?
Il se peut qu'il redevienne et soit aussi un étranger en Tunisie, donc dans son propre pays comme il était en France comme c'est un peu le cas de tous les immigrés/émigrés au sens d'Abdel Malek Sayad.
La souffrance et la maladie d'Abdel réapparaissent quand il nous parle de l'euthanasie en Tunisie dans ce milieu maghrébin laïque et dans une société musulmane en particulier.
Le petit garçon handicapé dans sa classe à l'heure actuelle, lui rappelle peut-être sa propre histoire, il est le miroir de ce qui s'est passé pour lui dans sa jeunesse.
Il souffre d'une forte claudication d'une seule jambe qui le handicape, et le projet de ce regard des autres.
Abdel est une personne de taille moyenne et très discrète dans le milieu professionnel et social. Nous avons l'impression d'une grande tristesse dans ses propos et dans les photos qui nous a envoyés, mais cela reste très intuitif et non fondé par des approches physiques qui nous auraient permis de faire plus ample connaissance.
Abdel nous parle dans la ligne trois : "de quelques soucis de la vie", qui ne lui a pas permis de m'écrire avant. La peur de décevoir sa mère, là-bas en Tunisie, le met en état de fragilité car il ne peut aider les autres personnes comme il le voudrait. Ils nous parlent aussi du regard des autres dans le fait, qu'ils lui limitent son autonomie et ses choix de vie dans de nombreux aspects de la vie sociale et familiale. Peut-être à partir de cela il se considère comme un enfant que l'on guide, que l'on accompagne, avec un souci trop pressant et trop constant par rapport à sa personne. Cela est significatif lorsqu'il parle de son épouse et de sa famille proche.
Nous nous sommes écrits et répondus plus d'une dizaine de fois et certaines réponses ont mis de quatre à huit mois avant de me parvenir, les seules personnes avec des délais de réponse aussi longs étaient les retours des sujets infirmes moteurs cérébraux étant donnés la gravité de leur état à certains moments dans l'année. Pour les autres personnes c'est délai été significatif à notre sens de problèmes particuliers.
Le coeur du problème s'est situé d'avril 2004 à septembre 2004 où il repart chez lui en Tunisie puis après cinq mois d'interruption de nos entretiens il m'écrit une lettre de rupture sur les entretiens personnels.
C'est le regard des institutions écoles, universités, commission du handicap. Il me parle du taux d'invalidité de moins de 80 %, de la catégorie B selon la Cotorep, et du seuil qu'il ne pas franchir pour ne pas dépendre des autres. En effet il ne voulait pas dépendre de l'aide sociale de quiconque et ne percevoir aucun dû, la fierté peut-être de ne rien devoir à personne et surtout de ne rien demander à personne. Le regard de l'autre est omniprésent, il fait mal mais des formes de résistance existent pour se protéger.
Quels sont les moments de soins, d'accompagnement de la personne s'en la contraindre ni la prendre pour un enfant ? On retrouve ici la figure de la personne "extra ordinaire" qui passe un C.A.P.E.S dans la difficulté, qui est docteur de littérature anglaise et qui ne sollicitent aucune aide pour réussir ; mais dans le même temps on est regard de pitié, de faiblesse et de doute sur elle. On pouvait s'attendre à quelques moments d'altérité et de soins pour ces personnes mais en réalité c'est souvent difficile.
L'autonomie et le choix pour la personne handicapée sont souvent vécus comme des "leitmotiv" peu réaliste.
D'avril à juin 2004 il m'envoie des articles de Mr M. Gharbi parus dans le matin en Tunisie avec des titres très poétiques comme : "La quête des lumières se moque de différences. L'intégration scolaire des enfants porteurs de handicap" puis un autre article : "N'est pas handicapé celui qu'on croit !". On n'y parle d'enfants avec de légers handicaps mentaux, en y parle de porteurs et de non porteur du handicap, d'intégration dans des classes normales, et de chercher de la documentation à l'étranger pour comprendre encore mieux le handicap.
Singularité et généralité
Il s'agit encore d'images et de regards que l'on porte de façon dépréciative sur la personne handicapée. C'est cette image qu'il faut soigner à l'intérieur des consciences de certains, qu'il faut adoucir pour d'autres et qu'il faut guérir enfin pour un certain nombre d'entre nous.
Il faut continuer travailler avec Abdel car le réseau de connaissances et de savoirs s'est bâti avec lui, il doit se bâtir sur la longue durée et toute perte de contact serait préjudiciable.
En ce qui concerne son stigmate : il avait d'énormes difficultés de marche avec une claudication très importante due à une poliomyélite d'atteinte tardive avec des séquelles importantes à une des jambes, il se fatiguait très vite. Quand notre collègue l'a recruté il y a quelques années il avait débuté un doctorat en lettres anglaises à la Sorbonne, mais il a arrêté cela aussi. Beaucoup de souffrance donc à travers de simples mots, de ces "simples maux " aussi mis à jour dans son texte comme à travers le prudent mais significatif : " quelques soucis de la vie, un peu délicat,". Ces mots qui parlent du soin à l'autre comme s'il fallait l'excuser de ses souffrances qui importunent ou dérangent inutilement cet autre que je représente. J'ai bien senti le blocage psychologique, le trouble que certains articles ont jeté en lui. Des traumas non encore résolus qui viennent de très loin.
En ce qui concerne la souffrance : c'était quelqu'un de discret qui souffraient, sa probité et son honnêteté ainsi que son exigence dans l'enseignement, en fait, ce sont retournées contre lui et il à été très critiqué par des étudiants et par la hiérarchie et seul son collègue responsable de l'unité anglais l'a soutenu tout du long de l'année universitaire. En outre notre collègue lui a obtenu un poste en collège, c'était quelqu'un de très consciencieux, possédant une grande force de travail, mais son rôle de vacataire lui pesait lourdement.
L'institution lui a fait des problèmes une lettre en témoigne que nous pouvons publier ici, tout d'abord portée par une certaine démagogie puis par de la moquerie sur un lit de méchanceté primaire, tout cela m'a fait que renforcer son extrême sensibilité et l'ont dévalorisé un peu plus dans une spirale dépréciative que connaissent bien les personnes handicapées ou "empêchées " comme dans le vocable germanique (behindert)
En ce qui concerne le soin on peut constater des témoignages d'amitié par lettre, coup de téléphone et petits "dons-cadeaux" qui ont permis de constater sa sincérité, son attachement à la parole donnée qui est pour lui des valeurs sûres. En effet je peux aussi en témoigner lors de nos échanges épistolaires par mail. Il est parti définitivement pour la Tunisie en 2004. Malgré le secret des raisons qui l'ont poussé, on sent poindre les liens étroits entre son départ et les nombreuses souffrances qui tiennent à son handicap physique, à son statut "bâtard" d'enseignant vacataire, d'enseignant non titulaire, au problème du manque de racines et à des formes de xénophobie larvées.
On retrouve ce cas qui devient souvent une généralité dans l'immigration, où les personnes fragiles et très sensibles sur le plan identitaire sont en souffrance, voire même en dépression. Une dévalorisation de soi, un manque de retour des reconnaissances sociales s'installent rapidement car ils nous trouvent pas autour d'eux le soin, l'altérité qui caractérise l'accueil de "l'étrangeté et de l'étranger".
Récit no 2. À propos de Yohan : "Et maintenant entre quatre murs !"
Pas de problème !
C'est par ces mots que Yohan m'a quitté en acceptant nos futurs entretiens. Nous sortions d'une première rencontre avec l'association universitaire où je lui exposais le protocole et le contrat après la réunion pour finaliser l'échéancier de nos futurs entretiens. Au mois de mai 2003 je lui envoie comme promis (comme d'ailleurs aux autres personnes) une missive ou je lui signale que je travaille sur une étude de sociologie avec l'aide et l'expertise directe de la personne handicapée dans le milieu universitaire comme dans d'autres, autour de cas singuliers : "Je sollicite votre aide pour communiquer et dialoguer avec moi. En effet c'est vos paroles, vos écrits et vos réflexions qui sont les sources de mon travail donc j'ai besoin de vous tous et toutes. Si vous désirez dialoguer avec moi j'en serai très heureux Je sais aussi que vous êtes très prise dans votre vie et que votre quotidien doit être parfois difficile."
Et effectivement ne pouvant pas écrire, il souhaite le faire par entretiens en face à face après avoir lu mes documents qu'il m'a demandé d'agrandir en grandes polices (de 16 à 18 car après deux ans une certaine fatigue oculaire c'est installée chez lui). Sur le plan méthodologique j'avais demandé dans la mesure du possible que tous me redonnent sous forme épistolaire un retour par courrier pour préparer mon intervention. Donc nous avons fait les trois documents sur la place du handicap et des personnes handicapées, puis sur le corps, le cri et le coeur qui étaient les supports de réflexion communs à tous, lors de notre première rencontre. Il ne peut pas écrire du tout car son infirmité motrice cérébrale (I.M.C) "athétosique" ne lui permet aucune forme d'écriture graphique sauf à frapper avec le seul pied qu'il contrôle, et ce malgré la section de certains nerfs moteurs pour supprimer les tremblements les plus forts et les plus incontrôlés (athétose), sur une petite boule pneumatique et caoutchoutée qui par les chocs sur certaines parties, fait déplacer un curseur sur l'écran d'un ordinateur. Cette technique, il l'a fait pour me donner une première feuille dactylographiée et cela lui a pris plusieurs heures pour une page en 21/29.7 !
Je me suis donc déplacé dans sa petite ville du Loiret pour le rencontrer et nous avons en commun accord décidé que nous dialoguerons chez lui pour des raisons d'accessibilité. Il fut difficile de recueillir comme pour les autres interlocuteurs plus de quelques lignes par entretiens mais ceci constitue un exploit car ses paroles rares en quantité, concentre en qualité des trésors d'émotion et d'intelligence, mais il y a plus difficile encore comme cette personne, atteinte par le "Locked-in syndrom", qui écrit par le média d'un système informatisé de reconnaissance du mouvement en ne clignant que d'un seul il !
Un dialogue qui s'engage
Courant octobre/novembre 2003 on nous met en contact par l'intermédiaire de "Bernard" et "Nicole" membres d'une association d'étudiants handicapés dans une réunion de fin d'année. Puis le 05 décembre 2003 il reçoit un peu avant, comme tous les enquêtés, les documents communs à toutes les personnes concernées par cette recherche qui ont servi de base pour les entretiens. Il a tenu à préparer auparavant au service universitaire avec un auxiliaire de vie un texte composite pour m'informer de "son" Infirmité Motrice Cérébrale (I.M.C) avec la guidance de Guy Tardieu le professeur en neurologie qui dans les années 1950-1960 fut le pionnier de ce type de syndrome.
Le 06 septembre 2004 chez lui durant trois heures nous commençons à engager le dialogue que je comprends de mieux en mieux plus on se parle car il faut dire que sa parole est difficile à comprendre, il faut du calme est une grande concentration des deux côtés. Les entretiens furent toujours riches mais fatigants. Ce fut un moment rare ou les intelligences se parlèrent au-delà du handicap. Il me précise la façon dont il vit avec "sa maladie"qui n'en est pas une, on y reviendra le 08 juin 2004 lors de l'entretien no3 chez lui pour faire le bilan sur les articles et les points à revoir mais surtout de la conférence commune que nous allions effectuer devant les étudiants de la filière "activités physiques adaptées" (A.P.A).
Durant les mois de janvier à mai 2005 nos rencontres s'espacèrent car on lui a proposé un stage dans un centre spécialisé pour apprendre l'autonomie mais les listes d'attente ainsi que les espoirs souvent déçus commencent à le déprimer. La situation familiale devient difficile car personne ne peut réellement "souffler", le syndrome d'enfermement "entre quatre murs" se profile, lui pour qui l'altérité n'est pas seulement une figure de rhétorique.
Je suis heureux de travailler à ce projet !
Voici ce que je proposais à tous ceux qui voulurent bien témoigner dans cette recherche et à Yohan en particulier malgré la sévérité de son handicap : "Si vous en êtes d'accord, nous allons donc converser longuement autour de nombreux thèmes qui sont issus darticles trouvés dans la presse "standard" autour du handicap et de la personne handicapée, donc sur un peu de vous-même aussi. Nous aborderons quatre thèmes principaux qui seront axés sur : le corps (avec toutes ses dimensions), le cri (révolte - joie), la cognition (écoles et savoirs) et enfin le cur (émotion - pitié) qui nous tiendront en contact et en dialogue direct durant de longs mois. Durant plusieurs mois (voire années pour certains!) nous dialoguerons autour de ces thèmes sur des allers-retours épistolaires jusqu'à épuiser les domaines qui vous intéressent. Tous les moyens pour favoriser le recueil de votre parole, vos écrits seront les bienvenus. (Courriers épistolaires, cassettes audio ou vidéo, mail Internet et visioconférences car il me sera quelquefois difficile de vous rencontrer aussi souvent que je le souhaiterai, la distance, vos obligations et vos soins constituent des incontournables). Le temps, "un temps plus long que les autres temps" mest nécessaire pour que nous puissions échanger de façon constructive et profonde. Dans une première étape, je vous demanderai de vous présenter pour voir vous en êtes actuellement au niveau professionnel et au niveau personnel, un genre de "Curriculum Vitae" pour situer votre histoire de vie et ceci en toute confidentialité."
Il est vrai comme le souligne Théodor Zeldin (1999) qu'après avoir conversé avec Yohan on sort légèrement différent ! Il a tenu toutefois à honorer tous les rendez-vous malgré la fatigue du fait son état physique et moral quelquefois difficilement compatible avec les longs débats comme nous le verrons par la suite quand il décrit "sa maladie". Le "je" de la première personne ainsi que le "tu" marquèrent le passage privilégié avec la personne " en chair et en os" caractérisant l'approche "très incarnée" de ce tome II. La double écriture, fixant le va-et-vient entre nos paroles, des parcours de vie entrelacée, s'apparente au dialogue entre interlocuteurs "égaux", un échange entre "pairs" au sens ou l'entend Charles Gardou (2005) quand il insiste et justifie ce vocable. Par ailleurs comme avec beaucoup d'interlocuteurs le "tutoiement" fut vite de rigueur. Ils me l'ont demandé spontanément pour créer rapidement une ambiance de respect, de simplicité dans nos conversations. Je suis heureux de pouvoir t'aider et de travailler à ce projet.
Sur le mode du "dialogue entre pairs", on abordera vite avec lui, sans "tabou" aucun, sans complaisance aucune, plusieurs sujets délicats à partir d'articles sur la mort, le suicide, la sexualité ainsi que sur les limites de l'intégration pour les handicaps les plus graves. L'originalité c'est le fait que la personne handicapée parle de son handicap à travers le handicap des autres, quand celui-ci ne peut être "parlé" directement. L'article est ici une procuration, mais Yohan pour sa part n'a évité aucun sujet. Par exemple sur la détresse sexuelle même si certain dès le prime abord s'y refuse. C'est parce que ces personnes sont à la tête d'un réseau de savoirs qui sont des intermédiaire "entre les connaissances extraites des disciplines et la culture", qu'elles sont quelque part un "sociologue profane" : un "expert profane" de sa propre situation de handicap. Le dialogue s'appuiera sur des enquêtes qui seront utilisées comme fonds de réflexion. L'épistolaire par la prise de parole médiée par la technique (audio, mails, Internet, courriers, enregistrements etc.) sera privilégiée, étant donné, la difficulté spatio temporelle pour apprivoiser les différents types de handicap ! Pour répondre à Henri Jacques Sticker, une écoute longue et patiente dans le soin qui est aussi tact et éthique (tactique aussi pour aller plus loin dans l'apprivoisement de l'un et de l'autre), peut simplement aider ou changer mais aussi aller en profondeur dans une recherche microsociologique du quotidien étrange que vit la personne handicapée. Pour accéder aux réseaux des réflexions pertinentes, il faut déjouer les angoisses et les lourdeurs de la vie quotidienne pour passer outre les fragilités singulières en accédant à "l'étrangeté" des situations pour mieux interroger des situations sociales.
Yohan a tenu à travailler sur toutes ces questions avec une tierce personne à partir d'Internet pour me faire un exposé et un cadre de travail pour m'aider dans mes investigations sur son handicap jugé par ses amis comme très lourd. Mais j'ai de la chance répète t-il à l'envie, moi " j'ai toute ma tête". Etrange donc pour ce jeune homme qui a eu la malchance d'être du mauvais coté du "hasard". Or le handicap souligne Charles Gardou (2005) "n'est qu'un des aspects spécifiques des problèmes généraux de notre humanité. Il ne fait qu'en jouer le rôle d'amplificateur. Le sort peut amener celui-ci ou un autre, sans aucune prévisibilité ni équité, à en être victime. Parce qu'il relève de l'ordinaire de la vie, il est à prendre en compte chaque fois que l'on pense l'homme et ses droits, que l'on éduque ou que l'on forme, que l'on élabore des règles et des lois, que l'on conçoit l'habitabilité sociale ou que l'on aménage les espaces citoyens, etc. C'est de cette seule manière que pourra s'accomplir la désinsularisation de ceux qui ne sont pas du bon côté du hasard." Pour explorer ce lieu nous avons posé les questions suivantes à notre interlocuteur qui portèrent en première intention sur une présentation de soi, de son "handicap", puis sur son histoire particulière parmi les "12 millions de personnes qui souffrent d'un handicap" comme le signale le titre du document I.N.S.E.E/H.I.D (2000 ; 2003) qui insiste sur le noyau dur du handicap composé d'environ deux millions de personnes. En deuxième intention les questions portèrent plus précisément sur une réflexion plus personnelle à partir des articles ; l'un "Le cri de Mino" qui traitait de l'euthanasie, de la mort puis l'autre celui sur "Les mères courage" qui parlait de maternité dans sa relation avec le handicap.
Nous avons travaillé durant l'année 2002 par entrevues informelles au gré des rencontres personnelles et universitaires. Avant le premier entretien une mise en perspective fut initiée à distance, sur les notions de "valide et invalide" ainsi que sur les rapports "aux temps sociaux" pour les personnes handicapées, sur "la fragilité, le courage et la douleur" qu'il faut pour assumer un quotidien toujours difficile, par le tutorat dont il bénéficiait pour ses études.
Pour moi le problème c'est l'école et ça reste un problème en France car elle accumule encore un grand retard. Le problème c'est de trouver des enseignants. Et c'est pour nous de trouver après une place de la société mais cela reste une grande question non résolue.
Il y a une barrière pour beaucoup mais pour moi personnellement je n'ai eu aucun problème sur le moment mais avec le recul, et 30 ans après aurais-je eu la même chance ? Malgré la science et les progrès, le temps s'accélère. Aujourd'hui le temps et le travail semblent être une ligne "limite".
En situation de handicap, la compréhension pour un handicapé est une question de temps : ce temps pour comprendre et intégrer est trop rapide pour lui, c'est une question de fatigue pour lui et pour la personne qui doit l'aider constamment. Cela coûte cher. La situation n'est guère plus positive en 2004 par rapport à la loi de 1975. Je suis occupé, j'ai des occupations mais pour ma dignité, mon statut social il serait bon de travailler car j'ai fait des études.
[Sa maman, en passant et en nous proposant du café, intervient : « Jouer aux petits chevaux ou au Scrabble à l'atelier A.P.F du coin cela ne fait pas sérieux !]
On coûte cher à la société, mais les enfants...!
Les premiers échanges directs ont permis de préciser quelques points de son curriculum vitae ainsi que sa position actuelle après la fin de sa maîtrise universitaire. Cela c'est déroulé chez lui durant trois heures sur un lit médicalisé car il était très fatigué ce jour là.
Il voulait revenir sur son accident de naissance, par une hyper oxygénation appliquée par son père affolé alors qu'il était en train de mourir mais sa mère présente au début de l'entretien qui devait partir au travail voulait sur ce point me donner quelques éclaircissements personnels. Par tact, par respect pour les deux partis je n'ai pas souhaité revenir sur l'accident de naissance. J'ai demandé à sa mère de laisser la parole de son fils s'exprimer sans sa présence, ce qui fut le cas par la suite. Le handicap est souvent une "affaire de femme" dans ce rapport très fusionnel "mère/enfant" qui fait que la souffrance de l'un se communique à l'autre, que la parole de l'un devient la parole de l'autre.
Dans l'histoire de notre double écriture Yohan est parti à rebours de la fin de sa maîtrise universitaire actuelle en administration économique et sociale (A.E.S) pour finir par la scolarité de son enfance. L'école pour lui fut d'une importance capitale. Il a tenu tout d'abord, à remercier les professeurs qui depuis la terminale lui ont permis de passer tous ces contrôles soient par questionnaires à choix multiples (Q.C.M). Il n'avait en effet qu'à rendre des contrôles terminaux. À ce sujet, je rapporte plusieurs anecdotes à propos de professeurs qui ont bien failli avoir de graves problèmes pour avoir fait passer des évaluations "adaptées" à certains étudiants handicapés. On parle maintenant de discriminations positives, formes euphémisées s'il en faut. A la faculté de Nanterre, il a passé sa première année de D.E.U.G en deux ans. Il avait qu'à rendre un devoir particulier pour chaque professeur dans chaque matière et un rendu d'évaluation soit par Q.C.M comme on l'a dit auparavant, soit par oral, il y avait huit à dix matières à l'examen cela fait quatre à cinq matières à passer dans l'année et ce jusqu'à la maîtrise qu'il a aussi passée en deux ans. Il remerciait aussi le service d'accueil et de suivi des étudiants handicapés qui a mis en place un tutorat et lui a permis d'avoir un étudiant pour l'aider dans la vie quotidienne ainsi que dans la vie pédagogique de l'université.
Il a posé la question à un célèbre professeur d'économie à Nanterre en ce qui concernait le fait d'être avantagé dans les examens, il répondit que les Q.C.M à choix multiples et les oraux dans son cas n'étaient vraiment pas un avantage. Yohan a donc réussi sa première année en deux ans à Nanterre, et sa deuxième année à Orléans en deux ans.
Yohan nous parle de son "athétose" et des enfants qui la subissent, cela lui semble primordial de partager les savoirs à ce sujet. Il a suivi un guide nosographique sur l'infirmité motrice cérébrale car il ne peut pas écrire seul une telle masse de données, nous avons tous les deux repris l'ensemble des recherches qu'il avait faites sur Internet pour les croiser avec des questionnements plus individualisées.
Mon athétose se manifeste par des mouvements brusques incontrôlables. Ces mouvements ne sont pas réguliers. Ils peuvent apparaître n'importe quand : quand l'enfant veut faire quelque chose, mais aussi quand il ne fait rien. La fatigue et les émotions développent l'athétose. L'athétose peut concerner n'importe quel muscle du corps. Elle peut être dangereuse quand elle touche les muscles de la déglutition : on peut avaler de travers et faire une "fausse route" qui peut aller dans les poumons.
Comme certains muscles sont contractés tout le temps, à partir de l'âge de 3 ou 4 ans, ça provoque des problèmes orthopédiques. Par exemple, les tendons et les muscles se raccourcissent et certains mouvements deviennent complètement impossibles. Ça peut aussi provoquer des déformations de la colonne vertébrale : des scolioses (déformation sur le côté), des lordoses (le ventre part en avant) ou des cyphoses (le dos se tient bossu). Enfin, parfois ça peut provoquer des luxations de la hanche : l'os de la cuisse, le fémur, sort de sa loge dans le bassin. Pour empêcher tous ces troubles on peut mettre des corsets, des attelles et des coquilles en plâtre.
Un enfant I.M.C sur deux a des troubles épileptiques. Il y a divers types d'épilepsies. Le plus connu, c'est quand le malade s'écroule et tremble de tout son corps. Il perd conscience. Mais il y a des formes qui peuvent ne toucher qu'une seule partie du corps ou même qui peuvent simplement provoquer une perte de conscience très courte sans que le malade ou son entourage s'en rende compte. Ce qui se passe, c'est une décharge d'électricité dans le cerveau. Les cellules du cerveau qui la subissent ne fonctionnent plus du tout. Ça ne dure pas longtemps et ce n'est pas trop grave pour le cerveau mais si les crises se répètent très vite, alors l'épilepsie peut être dangereuse : ça détruit des cellules dans le cerveau.
Quand ils sont bébés et tout petits les enfants atteints d'I.M.C ne peuvent pas jouer comme les autres enfants. À cause de ça il y a des choses importantes qu'ils ne peuvent pas apprendre. Par exemple, l'espace, les distances, certaines parties du corps. Les enfants qui ont des problèmes de parole discutent beaucoup moins souvent que les autres enfants. Alors ils apprennent moins bien à parler. Ceux qui ont des problèmes de vision connaissent mal le monde autour d'eux. Au bout du compte, tous ces enfants auront du retard, surtout à l'école. Pour les cas les plus graves, ce retard ne sera jamais rattrapé.
D'un autre côté, quand les enfants deviennent adolescents, ils ont du mal à vivre leur handicap. Ça les perturbe. Certains ont des crises de tristesse. D'autres pleurent facilement pour des petites contrariétés. Certains s'énervent pour un rien. D'une manière générale, les enfants atteints d'I.M.C sont toujours nerveux, ils sursautent au moindre bruit. Ils adorent rigoler mais ils sont très sensibles. A travers ces quelques phrases dites pour d'autres on distingue en filigrane les phrases difficiles qui reviennent comme des points de cristallisation de souffrances perçus dans les expressions : "on coûte cher ", "on nous cache", ou encore la dualité entre "les rigolades et les coups de cafard"qui ponctue la vie des enfants dans ces situations. Nous avons cru percevoir comme une excuse d'être là, à presque gêner les autres. C'est encore lui qui me souhaite bon courage pour la suite de mon travail malgré la traversée de trop longs et difficiles moments dus en partie au manque de perspectives !
On fait le bilan, j'ai des choses à dire ?
Souvent il nous a sollicité pour avoir des nouvelles dès lors que je le laissais sans nouvelles, on a donc programmé chez lui au début du mois de septembre 2004 dans son appartement une rencontre sur un entretien libre et informel pour faire le point sur la suite de notre collaboration et boucler la recherche sur les derniers documents comme sur le corps : le corps "physique", le corps "raison". On a préparé aussi ensemble une intervention sur un cours magistral et des travaux dirigés dont le thème était " le corps, différence et motricité". Notre entretien "l'échauffement" compris a duré près de trois heures. J'ai appelé cette partie de rappel "échauffement" car à l'instar des athlètes elle nous permettait à ajustement de l'un à l'autre pour parcourir l'épreuve.
Yohan revient de Saint-Jean des Monts où il a profité de la mer avec le système "tiralo", qui comme son nom l'indique permet de mettre à l'eau des personnes lourdement handicapées.
Il est aussi revenu sur un baptême de parapente effectué à quelques mètres au-dessus du sol avec un accompagnateur pour le guider ainsi que de la voile. Il est clair que Yann aime beaucoup le sport qu'il a découvert au lycée de Vaucresson dont les enseignant d'éduction physique et sportive, ont milité et militent encore pour donner un maximum de chances aux lycéens (éénnes) pour une intégration dans mixité sociale bien pensée.
Il me parle aussi de l'association des paralysés de France (A.P.F) qui veut faire un changement institutionnel pour renouveler ses cadres et ses manières de faire. Une révolution des comportements pour que l'acteur social, la personne handicapée, prenne elle-même son destin en main. Ce changement assez remarquable leur fait un peu peur car il modifie, sous la pression de la loi 2005 qui va s'inscrire dans un nouveau cadre social, leurs habitudes relativement confortables. Ils veulent que les personnes handicapées se prennent en charge de manière plus autonome et surtout de manière plus institutionnelle voire politique.
Il me parle des espaces culturels, sportifs ou institutionnels avec valides et invalides qui travaillent ensemble. Il trouve cela intéressant mais il faut aussi comme il le dit " être entre soi " pour faire perdurer les habitudes familiales et certaines amitiés et rester par une petite mise à l'écart de temps en temps avec d'autres comme lui. Mais il n'exclut à aucun moment le fait d'être tous ensemble dans le grand bain social.
L' "être entre soi " permet de souffler un peu et de partager certaines souffrances, certains tracas de la vie quotidienne de la personne handicapée.
Il me parle enfin du manque cruel d'institutions de proximité pour accueillir les infirmes moteurs cérébraux et les grands handicapés. Il me montre l'article qu'on a écrit sur lui et où il parle du "seuil de pauvreté." Il me donne une cassette où ils ont enregistré avec sa mère des jeux Paralympiques d'Athènes en 2004 et une cassette de 1995 où il était au lycée de Vaucresson avec Jean-Pierre Claude professeur d'éducation physique et sportive, qui a fait un travail immense pour l'intégration des personnes lourdement handicapées. Il a connu aussi Philippe Aubert un étudiant courageux, très médiatisé en 2004 lui aussi, car il s'attaque à un doctorat de sociologie à l'université de Nancy II.
Notre entretien le second a donc duré environ trois heures comme nous l'avons dit. La dernière heure a été consacrée aux questions des derniers documents que je lui avais envoyés. Pour moi le problème c'est l'école et ça reste un problème en France car elle accumule encore un grand retard. Le problème c'est de trouver des enseignants. Et c'est pour nous de trouver après une place de la société mais cela reste une grande question non résolue nous avait-il répété.
Il y a une barrière pour beaucoup mais pour moi personnellement je n'ai eu aucun problème sur le moment mais avec le recul, et 30 ans après aurais-je eu la même chance ? Malgré la science et les progrès, le temps s'accélère. Aujourd'hui le temps et le travail semblent être une ligne "limite".
En situation de handicap, la compréhension pour un handicapé est une question de temps : ce temps pour comprendre et intégrer est trop rapide pour lui, c'est une question de fatigue pour lui et pour la personne qui doit l'aider constamment. Cela coûte cher. La situation n'est guère plus positive en 2004 par rapport à la loi de 1975. Je suis occupé, j'ai des occupations mais pour ma dignité, mon statut social il serait bon de travailler car j'ai fait des études. C'est intéressant l'accès à la culture car "les valides et les non valides" ensemble pourraient travailler pour mieux connaître chaque problème des uns ou des autres. Tous les ans au lycée de Vaucresson, il y avait un metteur en scène qui venait pour nous faire faire du théâtre. Cela créait une occupation et des relations dans l'activité culturelle proprement dite, dans les aspects sociaux, cognitifs ainsi que dans les amitiés.
[Sa maman, en passant et en nous proposant du café, intervient : "C'est vrai, jouer aux petits chevaux ou au "Scrabble" à l'atelier A.P.F du coin cela ne fait pas sérieux !]
Donc pour l'école aujourd'hui ce n'est pas évident pour nous (il se réfère donc aux articles envoyés). Il faut du temps et de l'argent !
Stigmates, douleurs et affects : questions/réponses sur ma maladie.
Nous sommes revenu suer la "maladie et le handicap" de Yohan aujourd'hui qui sur son lit médicalisé remue beaucoup, je pose donc la question de ces mouvements incessants et sur la fatiguer que cela engendre. La mère me dit qu'il dépense l'équivalent de la dépense énergétique d'un mineur de fond, ou d'un marathonien entre 4000 et 5000 kilocalories ! Une intense sudation marque corporellement son émotion en termes soient positifs, soient négatifs. C'est le corps " palimpseste", le corps "scripturaire" dont parle J.-P Resweber (2001 ; 2005) et dont nous avons montré le nouage autour des "3 C". Sur le corps de "Yohan" on peut lire ses affects à "fleur de peau". Il faut prendre le temps de faire sa connaissance dans le soin et le tact et parler à son intelligence.
"Yohan" est atteint d'une infirmité motrice cérébrale de type "athétosique". Cette athétose frappe les enfants à la naissance, ils ont en général un quotient intellectuel très bon, mais de grandes difficultés pour le contrôle de leurs gestes qui donnent lieu à des grimaces et des contorsions incessantes. De plus, il existe une expression orale difficile, mais que j'ai vite résolue par une écoute attentive. Lathétose pure est caractérisée par le passage du tonus très bas un tonus très haut. On retrouve aussi des mouvements incontrôlés involontaires de la tête, une incontinence salivaire, un mouvement de reptation de la langue, et les formes graves peuvent aller jusqu'aux états grabataires. Lathétose est consécutive à l'atteinte du système extrapyramidal en particulier des noyaux gris centraux. Je pose la question et Yohan me répond.
Comment devient-on I.M.C ? À quel âge ? Jamais après deux ans et pour moi se fut un accident de naissance, une hyper oxygénation accidentelle qui, en me sauvant, m'a rendu paradoxalement infirme moteur cérébrale par atteinte des centres moteurs.
Qu'est-ce qui se passe quand ça apparaît ? C'est à un mois que sont apparus les premiers problèmes, mon poids était normal. Je faisais certains gestes à l'envers !
Tu souffres, quel est le problème ? Mais je ne souffre pas, je n'ai rien aux yeux et je peux manger sans problème. J'ai de la chance car j'ai toute ma tête, moi ! (Et c'est l'anecdote de la différence avec la maladie mentale !) La souffrance et le mal, oui, je les connais ! Le mal au cur et au moral ! [Il appelle aussi cela quand cela va très mal : "le gros cafard", une forme de dépression je suppose].
Peut-on en guérir ? Non, pas pour le moment car c'est un polyhandicap malgré les progrès médicaux. Les solutions semblent être plutôt sociales. Moi je suis content car je peux encore progresser.
J'ai réussi à marcher pendant mon primaire au centre de Malesherbes qui était un centre d'éducation motrice et de rééducation mais il privilégiait la rééducation par rapport à l'école et donc pour l'entrée au collège je suis parti à la Bollière dans le Loiret et on a privilégié l'intellect. Avant je mangeais des gâteaux et des pâtes tout seul, maintenant plus rien !
Quels sont les principaux troubles moteurs ? Petit, je faisais quelques pas et cela jusqu'à l'adolescence puis jusqu'au collège. Le centre de Malesherbes a choisi pour moi car je me débrouillais bien dans les études et j'ai été sollicité pour continuer le travail scolaire au détriment de la rééducation. Il n'y a plus rien à Malesherbes actuellement...
On parle souvent de la spasticité, qu'est-ce que c'et exactement ? La spasticité et la transpiration [très abondante] sont une grande gêne, c'est les biceps des bras et des jambes qui se contractent constamment. [Il me raconte l'anecdote du marathonien] Quand j'ai une émotion je me contracte puis transpire comme un sportif, l'énergie dépensée est celle d'un athlète du marathon 4000 à 5000 kcal !
Je pense trop à faire des efforts [de contrôle sur moi même] et j'obtiens le contraire. C'est à cause de la spasticité et cela même quand je suis content ! Pendant les vacances d'été 2004, ils vont essayer à Chartres de continuer la rééducation ; certains disent que c'est bon, d'autres non ?
Qu'est-ce que l'athétose ? Je suis infirme moteur cérébral que l'on dit "athétosique", je fais des mouvements brusques et incontrôlables, on m'attache les bras au fauteuil et on m'a coupé des nerfs moteurs au niveau de la cuisse pour limiter les mouvements brusques des jambes. C'est l'anecdote de le "bagarre" quand il a voulu me "frapper" lors d'un entretien. Je lui signale, il éclate de rire, tiens ils ont aussi de l'humour ! Je cherche, peux-tu m'aider me demanda t-il, les coordonnées d'équipes de neurochirurgie pour intervenir sur le cerveau, sur certains centres moteurs pour les mouvements de mes bras. Je mange bien et de tout. [Les muscles qui contrôlent la déglutition sont normaux car dans certains cas même les repas peuvent être dangereux.]
On parle aussi de l'ataxie Qu'est-ce que c'est ? Je ne marche plus depuis le collège de la Bollière. Si je suis calme çà va pour le reste [de la motricité], excité je fais n'importe quoi et avec ma mère c'est de l'énervement. Il faut que je trouve un autre moyen pour mon entourage. [La mère entre] Geste dur pour essuyer sa sueur lors d'un entretien. Elle parle à sa place je lui signale. Sur la sexualité : il ne faut pas rêver ! Je lui dis que je voudrais en parler seul à seul avec lui ! Oui, entre hommes ! Non, tous les deux, elle comprend mieux mon sérieux ! Elle est excédée, fatiguée car Yohan est dépendant. Le handicap est souvent une histoire de femmes et de mères. [Des "Maman", "Mutter","Mem" criés face à la mort dans les "no man land" des tranchées de 14-18, à la longue rééducation des gueules cassées dans la vie des années folles en sont une preuve dramatique !]
Quels sont les troubles visuels dont tu souffres ? Je n'ai rien de ce coté là sauf de la fatigue oculaire quelquefois mais c'est trois fois rien [mon I.M.C] à côté de certains. Je peux lire sans problème deux heures en mettant de grandes feuilles contre le mur pour passer facilement avec le fauteuil. Je n'ai rien au niveau de l'audition, pas de surdité. Je regarde souvent la télévision qui est pour moi une grande source de savoir.
Quels sont les troubles orthopédiques ? J'ai une coquille sur le fauteuil électrique [qu'il pilote avec la bouche et le menton en touchant une balle en mousse] et j'ai toujours fait du sport même au baccalauréat au lycée de Vaucresson, tir pendulaire aux fléchettes, cross piloté, etc. Je vais voir avec Chartres pour de la natation et j'ai fait une entrée dans la mer cet été [juillet/août 2004] avec le système "tiralo" à Saint-Jean- des monts où l'A.P.F possède un centre pour le loisir. On parle souvent des troubles épileptiques et psychologiques ? Je n'ai rien de cela et je n'ai jamais eu de crise. Les médicaments cela fait du bien mais est ce que ce n'est pas dans la tête aussi ? Je prends, comme je l'ai déjà dit, du Valium à 1% en gouttes et du Dantrium 12, 12 et 25 mg. Je me sens quelque fois inutile car je ne peux pas aider surtout ma mère pour qu'elle se repose. Il me parle de l'anecdote de mettre les I.M.C à l'hôpital même s'ils ne sont pas malades pour simplement donner un peu de vacances à la famille ! J'ai eu une crise de cafard en janvier et j'ai pris du Dantrium pendant deux à trois mois. Tout est arrivé en même temps en janvier donc "cafard"!
Quels sont les traitements ? Je ne fais pas de kinésithérapie pour le moment [je lui propose de la natation et il semble bien intéressé par le milieu aquatique. Je prends du Valium pour les tremblements et pour me calmer (20 mg) et du Dantrium qui est un décontracturant musculaire comme le Myolastan.
A Chartres je vais refaire du kiné mais pas d'orthophonie ni un travail d'aide psychologique. Cela va me changer les idées et je vais rencontrer des copains, il faut casser le rythme familial ! [Yann veut parler de ce qu'il doit "impose aux autres" du fait de son handicap.]
Yohan pour conclure nous signale qu'il a une I.M.C athétosique. Je bouge beaucoup et c'est très gênant pour tous. La liste des troubles n'est pas exhaustive mais pour moi, c'est trois fois rien par rapport à ce qui est écrit ! [Sur le compte rendu nosographique du neurologue Guy Tardieu, la liste des troubles est très (trop) longue. Certains jeunes gens en cumulent vraiment beaucoup...]
J'ai conscience que ces mouvements c'est gênant ; plus je contrôle et moins j'arrive...Il me faut une aide extérieure pour faire souffler l'entourage.
Je dois partir à Chinon pendant trois ans car c'est prioritaire pour moi pour apprendre l'autonomie. A Chinon on va m'apprendre à gérer seul ma vie par exemple prendre le train, faire les repas et créer des projets soi même sans aide et surtout communiquer avec tous les secteurs du social... Mais ces foyers adaptés aux personnes I.M.C comme ceux là sont très peu nombreux. Il faut de plus un va et vient entre ces milieux spécialisés et la vie sociale normale. Etre "entre nous" mais aussi être parmi les autres. A l'heure ou nous écrivons ces lignes c'est-à-dire en juin 2005, malgré les promesses, rien n'avance et notre ami est toujours sans solutions.
Le passage des "3C" aux "3S", au cur de sa singularité.
Ma naissance est liée à un accident : le médecin ayant trop attendu, il ma déclaré mort lors de ma naissance, cest alors que mon père, qui nest pas médecin je l'ai dit, ma mis le masque à oxygène. Or, trop doxygène a tué des cellules nerveuses, doù mon handicap.
Suite à cela, jai du passer quelques semaines en couveuse avant que ma mère puisse me prendre. Pour elle, jétais redevenu « normal ».
Vers quatre mois, ma mère sest rendue compte que je faisais des gestes de façon anormale. Cest alors quelle saperçut que jétais atteint dun handicap. Elle a cherché un kinésithérapeute dans le but de rectifier mes mouvements.
A lâge de trois ans, elle me fit rentrer dans un centre de rééducation à Augerville-La-Rivière dans lequel jétais interne jusquà lâge de dix ans (de la maternelle au CM2). Ce centre était basé essentiellement sur la rééducation (kiné, ergothérapie et orthophonie) ce qui ma permis de pouvoir me tenir debout et faire quelques pas.
Ayant accompli mon primaire avec succès, ma mère a dû chercher un collège pouvant maccueillir dans ses locaux sachant que je tapais à lordinateur avec mon pied (ce qui me prenait beaucoup de temps). Ma mère a trouvé les coordonnées du Collège de La Bollière. Elle les a contacté pour voir si il était possible de minsérer dans cette école. Une personne du centre de soins est venue me voir à Augerville-La-Rivière, celle-ci a remarqué que jétais apte à rentrer dans ce collège. Cest alors que celle-ci soccupa de moi durant les cours (prise de notes, aide aux contrôles et aux devoirs, repas et toilettes). Ma première année passer au collège était un mi-temps afin de pouvoir continuer la rééducation à Augerville-La-Rivière le jeudi et le vendredi. Un cahier de liaisons circulait entre le collège et le centre afin de pouvoir réaliser des devoirs liés à mon niveau (6ème). Il était prévu que je fasse une autre année de 6ème afin dêtre plus complet mais mes résultats étant très satisfaisant, les professeurs mont directement fait passer en 5ème.
Trois ans après, étant en classe de 3ème, il ma fallut trouver un lycée permettant de maccueillir. Cette épreuve fut difficile nerveusement car javais peur de ne rien trouver. Cest seulement au mois de juin, après de longues recherches, que nous avons trouvé le Lycée Toulouse-Lautrec de Vaucresson (92).
Mon handicap ne mempêche pas davoir des activités comme les personnes valides, il suffit seulement quelles soient adaptées et assistées par une tierce personne. Jai ainsi pu, entre autres, passer 15 jours au Vietnam ou bien passer une semaine en voile. De plus le lycée qui ma accueilli ma fait découvrir le sport. En effet, cette matière que je pensais inaccessible ma été offerte grâce aux professeurs de sport, ainsi quaux éducateurs, car chaque sport était adapté suivant le handicap (Parcours en fauteuil roulant électrique, foot-fauteuil, tennis-fauteuil, fléchettes pendulaire, golf à bouche, etc
).
Beaucoup de personnes craignent daborder une personne à mobilité réduite. Pour elles, cela représente la peur de la différence.
Dans les derniers entretiens, j'ai trouvé un jeune homme plein de doutes, de fatigue avec des paroles sursaturées de souffrance à peine voilées. C'est encore le chapitre scolaire qui nous a permis de reprendre de l'optimisme pour l'avenir dans la mesure ou s'il n'y avait pas de solutions avec le centre "super spécialisé", on avait envisagé une reprise d'étude pour un master dans le cadre du L.M.D. Mais comment as-tu fait, fera-tu pour mémoriser autant de données et de savoirs différents ?
On me colle les cours contre le mur et avec mon fauteuil électrique je déambule pour les visualiser puis les apprendre puisque mes yeux fonctionnent très bien. De plus, je suis visuel et c'est devenu une habitude de travailler ainsi. Avec des articles ou des cours, j'ai aussi un pupitre en bois et je fais une lecture directe. J'avais une très bonne mémoire, maintenant avec la prise de Valium et de certains types de neuroleptiques légers pour éviter les tremblements, ma mémoire baisse.
Je lui ai posé aussi la question du fait d'avoir arrêté après la maîtrise que cela devait être difficile, et il m'a répondu en effet que cela narrangeait rien. En effet, il s'est plaint d'être entre quatre murs. Je lui demandais alors pourquoi il ne comptait pas reprendre ses études en master.
Il m'a raconté une anecdote lors d'un entretien face à des étudiants à l'université de Nanterre : "Vous êtes courageux, vous auriez pu ne rien faire du tout !" Yohan leurs répond : "et vous, que feriez-vous ? " Et bien la même chose ! Il lui rétorqua : "Eh bien, pour moi, Madame, c'est la même chose que pour vous !" Il voulait lui signifier, m'a-t-il dit, qu'il est avant tout un être humain comme tout le monde avec la même intelligence et les mêmes besoins. Lui est travailleur, passionné, à l'écoute des autres...Mais il aurait pu en être autrement.
Ce jour là, nous avons abordé les questions qui concernèrent la mort, l'euthanasie, le suicide car pour notre interlocuteur aucun sujet ne fut tabou. Je crois , me disait-il, que pour l'euthanasie il ne faut pas en abuser ; ce n'est pas parce que je suis lourdement handicapé que je pense souvent à cela. Pour l'euthanasie, il faut que ce soit la fin ou une souffrance extrême... Là oui!... Mais autrement non !
Jusqu'à maintenant, j'ai vécu avec mon handicap... Pour moi ce nest rien, (il a insisté sur le "rien" par rapport à des personnes qui souffraient encore plus que lui !) car j'ai ma tête et je peux communiquer, de plus j'ai toujours vécu comme cela. Celui qui a connu la vie valide, c'est plus dur pour lui à cause de son passé. Ce doit être horrible d'un jour à l'autre de devenir handicapés, car pour moi c'est ma vie depuis tout petit.
Et la douleur, tu n'as pas mal quelquefois ici plus que là ? Je lui ai posé cette question, étant donné le nombre de maladies associées à l'infirmité motrice cérébrale.
Non, je n'ai pas mal...Cela me fait mal au coeur plutôt vis-à-vis de ma mère. Je voudrais l'aider et je ne fais qu'empirer les choses, car quand on me dit "calme, calme", cela bouge partout, et encore plus. Je n'ai pas le moral à cause de cela, car je sens qu'elle est fatiguée, je n'y arrive pas, je n'arrive à rien faire pour elle.
Je suis très conscient qu'elle souffre, c'est très dur pour moi... Pour cela de la vie au quotidien [ne pas pouvoir faire des petits quelques choses pour les autres]... C'est à cause de moi. Je n'arrive pas à progresser. Robert Murphy (1990) dans son très beau livre The body silent nous relate des faits similaires quand il cite aux pages 132 et 133 : "N'ayant pas encore pris connaissance, en 1977 de ce qui avait été écrit sur la sociologie de l'invalidité, je n'identifiais pas immédiatement le schéma caractéristique du comportement visant à éviter quelqu'un. [...] Mais pourquoi, en effet, devrait-on avoir honte de son infirmité ? Ce qui est plus mystérieux encore, pourquoi devrait-on en éprouver un sentiment de culpabilité ? [...] Pourtant cette sensation de culpabilité existe, chez les handicapés physiques, à l'état endémique. Une jeune femme, née sans membres inférieurs, m'a dit qu'elle se sentait coupable de son état depuis l'enfance - impression que ressentaient aussi ses parents et dont elle avait probablement hérité." A partir de ce constat
les questions portèrent sur les conflits, les cris de rage, les cris de joie pour un combat social. Yohan nous dit qu'il fait parti de l'association des paralysés de France (A. P. F.), cela m'occupe je fais du Scrabble et
de la musique. À la question faites-vous des actions fortes pour revendiquer, il me répond quil y a très peu d'adhérents donc peu qui viennent aux actions. Il y a eu une grande manifestation en 1998 à Paris avec tous les handicapés avec un train spécial pour nous y emmener. La cause a été entendue dans toute la France. Ainsi concernée, il faut des obligations, il faudrait des locaux pour les handicapés, des foyers avec aide pour avoir une certaine autonomie. Et quand mes proches seront âgés, comment on fera ?
Il n'y a de la place nulle part ici à Orléans, il faudrait que j'aille à Paris, mais cela ne m'intéresse pas, il faudrait tout recommencer et je serai seul.
C'est comme dans l'article sur l'exil en suède, là-bas il y a un accompagnant même la nuit ! Donc en partant de ce constat, voudrais tu partir en Suède comme cette jeune dame ?
Cela prouve que l'on est en retard, je serai heureux de trouver quelqu'un à côté de moi pour m'aider et aider mes proches à souffler. Si quelqu'un m'aide, il faut que j'apporte quelque chose par exemple de l'humour... Un peu comme un don et le contre don Yohan ! Oui... !... Se "brancher" comme avec Bernard l'aveugle au restaurant universitaire : "Et salut, linfirme!... Salue l'aveugle!... Et mange propre ! ". Voilà l'humour de Yohan, un humour qui le ravit. Il exprime son petit bonheur, sa petite joie à travers cet humble humour qu'il donne aux autres comme un cadeau, sa contribution à l'intersubjectivité.
Il me parla après du handicap physique et du handicap mental il voulait différencier les deux, car lui, il a toute "sa tête". Je lui rétorque que cela va faire un ghetto de ce handicap mental. Oui, tu as raison... c'est délicat. Il faut réfléchir sur les deux, mais pour mieux comprendre. Il termine notre entretien par la discussion " d'enlever la barrière "... Leur parler, écouter les personnes handicapées directement, car dans la rue c'est à ma mère que l'on s'adresse, pas à moi, alors que je peux comprendre et parler. Il faut le temps.
Récit no 3. À propos de Serge : "Deux personnes dans le même corps !"
Je suis myopathe de Duchenne !
Notre rencontre durant l'année 2002 fut initié par le directeur d'un service universitaire qui le connaissait à travers le rôle de président d'association étudiante. C'est Serge qui écrit dans notre premier échange épistolaire lors de sa présentation qu'il est "myopathe de Duchenne" avant même de me raconter l'histoire de sa scolarité. L'école, encore l'école qui vient en première ligne dans les constructions de la personne. Voici la synthèse qu'il m'a faite sur son curriculum vitae des premières années "d'un myopathe de Duchenne".
Monsieur Zicola, comme prévu, je vous envoie cette lettre décrivant l'ensemble de mon parcours scolaire assez succinctement.
Je suis myopathe de Duchenne et j'ai pu suivre une scolarité quasi normale avec peu d'obstacles. Pour l'école maternelle, l'accueil n'a pas posé de problèmes. Pour l'entrée au C.P, il a fallu négocier avec la directrice, mais qui a été très vite d'accord. Jusqu'à la sixième, ma scolarité s'est déroulée dans les écoles communales. À partir du collège, l'établissement ne m'a pas accepté, nous avons dû chercher un autre établissement. Nous avons eu la chance de trouver un collège adapté à Orléans la Source "la Bollière" qui est un établissement unique dans le Loiret. Il s'agit d'une structure qui accueille une quarantaine d'élèves handicapés parmi une population valide. Les handicaps sont divers : moteurs, sensoriels...
Dans ce collège tout est accessible, mais j'ai eu quelques difficultés avec les professeurs. Comme je marchais encore, ils ne concevaient pas mon besoin de faire des photocopies. A cet établissement est jumelé un centre de soins permettant de dispenser les soins nécessaires, en fonction du handicap, lors des heures de permanence, pour mon cas, il s'agissait de séances de kinésithérapie. Cela a facilité ma scolarité, car je n'avais plus ces soins à effectuer quand le soir je rentrai chez moi. Ainsi, la période du collège s'est bien passée pour l'adaptation et les soins malgré l'incompréhension des professeurs. À partir de la seconde, le ballet des opérations chirurgicales a commencé. J'ai été opéré du dos au mois de mars 1992. J'aurai pu redoubler, mais les professeurs ont préféré me faire passer en première.
Cette année-là fut difficile, car il a fallu rattraper le retard et gérer la fatigue due à l'opération. J'ai commencé l'année avec six de moyenne dans quatre matières, grâce à ma volonté et à mon travail, j'ai pu obtenir la moyenne de dix à la fin de l'année. Cela m'a permis de passer en terminale, mais j'ai échoué à l'épreuve de français. La terminale a été une dégringolade de mon niveau, ce qui m'a coûté le bac. De plus, je devais me faire opérer des pieds et des hanches durant les grandes vacances, tout ceci n'était pas très encourageant. Cette intervention a été moins difficile et j'ai pu décrocher le bac à la fin de ma seconde terminale, fatigué mais content.
L'arrivée en faculté a changé beaucoup de choses. Je bénéficiais toujours du centre de soins pour la kiné, mais il n'était plus chargé de mon accompagnement. Celuici était réalisé par l'association "Etudihand" d'Orléans dont le président était monsieur Bruno Gendron. Au départ, un seul objecteur était chargé de l'accompagnement. Il m'aidait le midi, pour aller aux toilettes et pour le repas, il m'emmenait aussi au centre de soins. Comme il continuait ses études en même temps, il ne pouvait pas s'occuper de moi tous les jours, Monsieur Gendron engagea un C.E.S pour compléter le travail de l'objecteur. D'autres personnes handicapées sont arrivées ensuite et l'association a recruté deux objecteurs. Des problèmes financiers sont apparus lorsque le gouvernement décida de financer seulement la moitié des salaires des objecteurs, le reste étant à la charge de l'organisme employeur, l'association dans mon cas. Dès lors, l'accompagnement devenait payant ainsi que les photocopies et le transport avec le véhicule de l'association, ce qui impliquait un problème financier jusqu'à la fin du contrat des objecteurs. Comme l'objection allait disparaître, nous avons demandé à l'université de pouvoir bénéficier d'emplois jeunes financés par elle vers le mois de septembre. Notre dernier objecteur finissait fin mars de l'année suivante. Or arrivé à cette période, nous n'avions aucune certitude, j'ai même pensé, arrêter mes études. En attendant, l'université nous finançait un C.E.S pour s'occuper de nous. À l'époque nous étions deux handicaps lourds à avoir besoin d'aide. À la rentrée suivante, les emplois jeunes étaient arrivés et nos problèmes d'accompagnement et financiers étaient résolus. Depuis, j'ai pu poursuivre mes études sans problèmes logistiques, j'ai terminé par l'obtention de ma maîtrise en juin dernier. Voilà, j'espère que cela vous sera utile. Je m'excuse pour le retard, je vous enverrai un nouveau courrier en septembre. A bientôt, Serge.
J'espère que cela vous vous conviendra !
Dans la rythmicité de notre dialogue les périodes de pause furent souvent longues et je devais relancer constamment, j'ai compris après, la cause de ces temporalités dans "l'économie de sa maladie" comme le suggère les médecins, par les soins constants qu'il faut lui prodiguer pour une qualité de vie acceptable. Il m'a souvent quitté sur des échanges par courriel par un "Voilà j'espère que cela vous conviendra" puis rapidement par un "te conviendra" comme s'il fallait me faire plaisir. Notre analyse nous porter à croire, cela étant d'ailleurs confirmé par de nombreux témoignages, qu'un subtil jeu de masques s'organise dans les vies des personnes handicapées. Comme si la compensation, l'aide se paie en retour par une docilité sociale. Mais Serge s'est très vite "lâché" comme il le soulignera plus tard.
Notre première rencontre en face à face se déroula au service d'accueil et de suivi des étudiants handicapés entre les mois de mai et juin 2002, il m'avait dit cela m'intéresse, je souscrit à votre projet, "ça marche" selon l'expression estudiantine qu'il utilise fréquemment. Nos échanges se déroulèrent donc sur plus de trois ans. Les moments phares furent ; le 02 juillet 2002, il m'envoie son curriculum vitae et sa présentation par un premier retour par Internet ; le 12 février 2003 enfin viennent les réponses aux questions, et des réflexions intéressantes sur En lisant l'article, j'ai pu constater que notre société a besoin d'actualiser les informations réelles sur les handicaps. Il faut aussi que la société accepte notre existence et qu'elle fasse tout ce qui est possible pour nous permettre une intégration totale. Cela signifie adapter les villes, magasins, restaurants, cinémas, etc..., et aussi pouvoir trouver du travail, ce qui implique en premier lieu l'intégration en milieu scolaire. Je suis contre les "ghettos" de personnes handicapées dans les centres. Voilà pour ce que j'ai à dire, j'espère que cela vous conviendra, À bientôt, Serge.
Au début de l'hiver 12 décembre 2003, il m'envoie ses réponses sur le cur les émotions ainsi que l'empathie c'est le fameux article de "Mino qui attend la mort", cet article est une transition pour pouvoir interroger de façon indirecte le grave problème éthique que représente l'euthanasie, avec comme corollaire le suicide donc la mort lorsqu'on est confronté à de très lourds handicaps. On pourra voir à ce sujet les biographies des auteurs qui parlent de leur lourd handicap tels que J.-D. Bauby, 1997 ; Ph. Vigand, 1999 ; M. Chevalet, 2005 ; R. Besse-Saige, 1994...Ou on voit apparaître à travers le texte ces quelques mots qui parlent de l'inéducable dans les moments de désespérance.
Le 22 décembre 2003, c'est le retour des articles sur les valides et les non valides ainsi que le vocabulaire qui sert à étiqueter les personnes handicapées. Je crois, m'écrivait-il, que cette notion se base sur un système de référence établit par la société. Dans ce cas les non valides seraient les personnes qui ne peuvent intégrer la société. Ils ne seraient pas adaptés à la société mais ne serait-ce pas possible que ce soit la société qui ne serait pas adaptée à tous les individus. Ainsi ce serait la société qui créerait les invalides. Voilà j'espère que cela vous ira, c'est une réflexion qui m'est venu ainsi, j'espère que cela vous conviendra.
Le 18 mars 2004, après une longue période de "silences épistolaires", nous avons effectué un long entretien de plusieurs heures sur les documents un, deux et trois. Une des lettres intermédiaires qu'il m'avait envoyé avait ce titre révélateur : "enfin les réponses tant attendues" ! Le temps de réponse, à des demandes ou sollicitation diverses, semble une valeur à étudier dans la relation avec la personne handicapée ou faudrait-il dire que c'est une constante à repréciser avec la société toute entière dans la mesure ou malgré une "hyper communication", il devient difficile de rencontrer l'autre.
Le 14 juillet 2004, Serge me donne ses réponses sur la fragilité humaine et les situations de vulnérabilité ainsi que l'article sur le Téléthon ou il est en "vedette" dans la presse locale. Serge nous signale que : Bon, alors sur le Téléthon eh bien, c'est une chose formidable pour avoir fait avancer la recherche. Ça c'est clair que sans le Téléthon, on aurait aucun espoir. Maintenant ça se justifie d'autant plus que justement on comptait un peu [sur le fait] pour que l'État s'engage et puisse prendre la suite du Téléthon, c'est l'objectif. En ce moment on est dans l'effet inverse, donc ça justifie encore plus le Téléthon qui est quand même très important, et c'est vrai qu'il n'y a rien à dire là-dessus. Bon après, les choses qui me dérangent, ça n'a rien à voir avec le Téléthon, c'est le côté médiatique, qu'on soit obligé de faire un peu "bête de foire", parce que c'est quand même ça, pour que les gens puissent payer, afin de nous aider. Et ça, ça m'a toujours dérangé. Et ça, je peux pas faire partie de ça. Moi je participe au Téléthon mais il est hors de question que je m'avilisse, parce que pour moi c'est s'avilir. C'est quand même, insister sur le pitié des gens et la pitié, ce n'est pas un sentiment beau comme on pourrait le croire, comme certains pourraient le croire, au contraire.
Le 8 décembre 2004, Serge me renvoie ses remarques ayant comme supports les documents portant sur le corps (cognition, maladie et sport). Il m'écrivait le compte rendu suivant.
Je viens de lire les articles autour du corps, ce qui me changera des problèmes d'intégration scolaire. J'ai bien apprécié tous ces articles même si certains sont décourageants parfois.
Je crois que le corps reste très important même pour des personnes qui ont un handicap physique. Le corps ne doit surtout pas être considéré comme son ennemi sinon on court à la catastrophe. Le corps et l'esprit font partie d'une personne, l'un détermine l'autre. Pour mon cas, mon esprit est plus utile que le corps car il fonctionne normalement. Mais je n'en considère pas l'un comme antagoniste à l'autre. Certes, j'avais une tendance naturelle à le faire mais qui a bien changé depuis que je suis cette nouvelle kiné. Ainsi je redécouvre à nouveau mon corps et ma vie en et fondamentalement changé. Si je me bats pour guérir c'est pour enfin réunir le corps et l'esprit, lorsqu'un est plus important que l'autre, on se sent incomplet.
Je suis très admiratif envers les sportifs handicapés. Je trouve que ce se sont réellement eux qui accomplissent des exploits maintenant que les sportifs qu'on connaît sont sûrement à la limite physique du corps. Ce qui explique l'importance du dopage. Ce qui est beau pour "mes collègues" sportifs est qu'ils ont déjà un handicap à gérer, ce qui n'est pas simple et en plus ils essayent d'atteindre un niveau hors du commun, les deux combinés c'est simplement surhumain. Il est d'ailleurs inadmissible que certaines disciplines sportives ne soient pas autorisées pour toute sorte de handicaps dans un pays qui se veut celui des droits de l'homme.
Au sujet de l'article sur la sexualité des personnes handicapées, il s'agit d'une question qui m'est apparu il y a peu lors de mes séjours dans les centres de réadaptation. Cet élément existe et c'est vrai qu'on évite de poser ce genre de problèmes. Il s'agit d'un besoin naturel qui peut rendre agressif n'importe qui s'il n'est pas effectué. On souhaite aider le personne pour qu'elle soit autonome, cela aussi est un droit aussi important l'euthanasie. Il est vrai que je souhaiterais que les centres en prennent compte comme dans pays européens qui le font déjà. Ce qui me gêne le plus au-delà de tout cela, si nous étions dans une société qui intégrait totalement les handicapés, ce problème ne se poserait même pas, on n'aurait pas besoin de compenser. Nous aurions une vie normale avec une compagne ou un compagnon, la compensation serait inutile.
Au sujet du troisième article, je suis d'accord que la nudité d'une personne handicapée ne devrait pas choquer. Je trouve ce point de vue important même si je pense qu'il y a d'autres soucis à régler en premier. Voilà, j'espère que cela te conviendra. A bientôt, Serge.
Enfin en mai 2005 lors d'une réunion institutionnelle on convient d'une relance peut-être à partir de l'élaboration d'un livre sur les nouvelles techniques qui améliorent la vie des myopathes de Duchenne qu'on croisera avec son histoire personnelle dans une double écriture.
Sur cette écriture, justement, me disait-il, je pense qu'au niveau du travail, y' a quelque chose de très lourd. Moi si j'ai fait le choix d'écrire aussi c'est que je voulais pas m'emmerder avec des détails. Et puis aussi parce que j'ai remarqué que finalement, si j'écrivais, j'aurais autant de difficulté à vouloir devenir écrivain qu'à vouloir devenir comptable, par exemple. Je n'aime pas la comptabilité, je veux dire à devenir, je ne sais pas, prof, par exemple. J'aurais eu autant de mal. Alors je préférais me défoncer et faire un truc qui paraît quasiment impossible. De toute façon j'aurais autant de problèmes dans un sens ou dans l'autre. Alors autant faire ce qui me plaît. Donc c'est vrai que j'ai un peu arrêté pour ça, mais quelque part je me suis rendu compte que pour moi, l'écriture, c'est très important. Pour moi c'est la base, bon. (Lignes 418 à 425)
Le physique et le psychologique ...ma maladie
Lorsqu'on est atteint d'une myopathie, nous sommes fragiles physiquement. Cette fragilité physique en entraîne une psychologique. Pour ma part, je dois compter sur une fatigabilité très importante. Dès lors, des phases de découragement peuvent apparaître. En dehors des nombreuses conséquences physiques, la réaction de l'entourage est fondamentale. En cas de malaise des parents par rapport à leur enfant, une autre origine de fragilité peut intervenir. Ensuite, la vision du handicap dans la société peut être stressant pour une personne handicapée. Le regard des autres peut devenir une autre cause de fragilité, il faut arriver à être fier de soi, une chose qui est considérée comme impossible par la majorité des "marchants". C'est leur façon de voir qui est difficile à vivre, le regard plein de pitié est effrayant et rajoute à nos difficultés. Une autre difficulté apparaît dans les relations amicales, lorsqu'on est handicapé, il faut aller les chercher. D'un certain côté n'est pas un mal mais cela le devient quand on nest pas toujours bien accueillis. Même si la relation est établie, certains l'empêchent d'avancer plus loin, le sentiment d'être laissé à l'écart apparaît. Le déroulement des études accompagnées d'un handicap n'est pas aisé non plus, l'aspect logistique apparaît et alourdit considérablement le stress des études. Je pense que j'en oubli mais dans une situation de handicap, il faut faire face à toutes ces choses là.
Première chose sur la question, a-t-on plus de courage que les autres pour porter cette contrainte permanente ? Je dirais que tout dépend de la nature du handicap. Si l'on est né avec ou non. Un accident est différent car la contrainte arrive d'un seul coup. On passe brutalement d'une situation de valide à celle de personne handicapée. Donc, j'ai toujours été handicapé, seul le degré évoluait en fonction que je grandissais. J'ai donc construit mon équilibre dans cette situation. Je ne dis pas que c'est plus facile mais on apprend petit à petit à gérer les inconvénients quand ils arrivent. Pour faire face à tout cela, je ne pense pas qu'on ait plus de courage mais c'est conseillé. Et encore, c'est peut-être plus que du courage. Personnellement, je trouve que lorsqu'une situation telle qu'un gros souci intervient ou dans un autre cas difficile, il y a un choix qui s'offre à nous : soit on se laisse aller et on déprime ou alors on se bat. Dans le cas d'une déprime, rien ne s'arrange, les problèmes et la souffrance sont là et rien n'est présent pour les atténuer. On ne veut pas se battre de peur d'avoir mal. Quand on se bat, les problèmes et la souffrance sont les mêmes mais on se sent nettement mieux. On fait tout pour essayer d'aller mieux et cela fait beaucoup de bien. Certes, en se battant, on souffre mais comme on a agit, on contrôle cette douleur. On peut ainsi gérer notre vie, de toute façon quoi qu'on fasse on doit gérer sa vie avec les possibilités que nous avons. Pour finir, je dirais que nous n'avons pas vraiment le choix, si l'on veut vivre sa vie au mieux et pouvoir construire quelque chose, il faut se battre. Sinon, on passe à côté et c'est dommage, même si ce n'est pas toujours facile. Pour finir, je dirais que nous avons tous du courage enfoui en nous et qu'il faut simplement le réveiller lorsqu'une situation extrême intervient, je crois qu'un handicap en est une.
La myopathie de Duchenne fait apparaître une souffrance, dans le passage ci-dessus le terme apparaît plusieurs fois, elle se décline avec des variantes "singulières" dans des expressions telles que : "on souffre, se battre, cette douleur, avoir mal..."
On double l'espérance de vie !
Serge dans notre un très long entretien ou nous avons abordé tous les thèmes définis car du retard avait été pris, me parla d'une technique révolutionnaire pour lui et qui suscite un immense espoir. Mais avant cela je voulais qu'il me parle des douleurs qu'il endure depuis si longtemps.
Ça fait donc mal ? Oui complètement. Une douleur lancinante qui n'est pas vive. C'est ça qui est assez bizarre, c'est que j'ai su que j'avais mal quand je l'avais plus. C'est quand même assez, assez étonnant. Il vient de me parler d'une technique qui lui fait beaucoup de bien mais qui provoque déjà des polémiques dans les milieux médicaux. Et cette méthode là, dit-il, c'est une méthode basée sur le drainage lymphatique. C'est la technique du drainage lymphatique, mais le drainage lymphatique ne sert à rien, adaptée aux muscles. Donc c'est simple, il encourage la circulation sanguine en faisant des massages en profondeur en fait, qui permet d'évacuer l'acide lactique et là, le muscle redevient chaud, redevient souple et peut fonctionner normalement.
Pour moi, c'est clair on double l'espérance de vie. Parce que pour les myopathe, c'est 20 ans. Déjà sans trop, je pense qu'avec les kinés "classiques" on peut tenir jusqu'à 40. Et là, j'estime qu'on double l'espérance de vie. Il faut que cette méthode soit diffusée. Parce que mon kiné va être à la retraite dans 7 ans, il ne faut pas que ça disparaisse. Celle qui a inventé ça à 75 ans donc qu'il y a tout un truc. Il faut encourager tout le monde à faire ça. Ça vient, c'est long mais j'espère que j'y arriverai.
Justement on a travaillé là-dessus samedi dernier pour que tout le monde en profite. En fait, c'est tout simple. Donc la myopathie Duchenne, qu'est-ce que ça fait ? Au niveau musculaire c'est ça, on fait un effort physique. Donc l'effort physique, y' a une contraction donc après, il y a une crampe. Ça arrive régulièrement. Ca c'est pas le problème. Donc la crampe est due tout simplement à l'acide lactique dans les veines. C'est juste ça. Nous, on ne peut pas l'évacuer. Ce qui veut dire que quand on fait un effort physique et qu'il y a une crampe, on la garde. Donc après, on utilise un muscle avec la crampe et on recrée une autre crampe et à la fin on fait des contractures énormes, ce qui fait que le muscle devient dur, froid et à la fin c'est là que l'atrophie musculaire intervient.
En l'an 2000, j'ai eu des emmerdes pas possibles. Tout c'est mis à déconner. Et c'est vrai que j'avais plus cette patience. Et quand j'allais mieux, j'avais trop de stress. Donc vraiment, il a fallu que [je m'aperçoive] que j'étais au bout, que j'en avais marre... Quand je lui parlais de dépression parce que de nombreuses personnes handicapées la traversent ; en font l'expérience, il me signale que non.
Non, non justement, bien avant la dépression justement. Je ne pense pas que ça me serait arrivé mais un état de stress perpétuel et au niveau physique, je m'en ressentais. Au niveau santé, j'arrivais plus à gérer le stress en fait. J'arrivais plus à gérer le stress lié à la logistique, pas lié aux études. Mais lier les deux en même temps, ce n'est pas évident. Donc c'est ça la difficulté, mais en même temps j'ai été au bout de mes objectifs et puis j'avais envie de créer quelque chose, parce que les études, c'est bien mais y' a rien de concret. Et puis j'avais [l'idée] d'autres bouquins, ils voulaient sortir, tout ça. Et donc depuis que j'ai arrêté les études il s'est passé quand même beaucoup de choses. Donc déjà, pendant 6 mois, le fait de me retrouver tout seul chez moi c'était un soulagement. Je pouvais enfin être à mon rythme, me reposer. Et c'est vrai que là je profite en même temps que j'écris pour décompresser, faire le bilan de tout ce que j'ai fait au niveau des études pour pouvoir ré attaquer après et reprendre de l'énergie. Même si j'attaque après ce ne sera pas autant que les études, c'est certain.
Tout est basé là-dessus, sur la méconnaissance. C'est quand même dommage que juste un aspect technique puisse avoir autant de répercussion quoi, c'est terrible. Parce que moi, franchement, ça me fait, ça me fout la trouille, c'est clair, il faut le dire, d'arriver en fauteuil, tout ça et de voir le sourire de certaines personnes partir dès qu'on arrive.
Écouter la critique ! Aller au-delà de tout ça !
Et donc c'est vrai que moi, Serge, c'est ce que je disais toujours c'est qu'on n'a pas beaucoup d'énergie mais il faudrait en avoir quatre fois plus qu'un "être valide". Donc c'est un peu aberrant tout ça. Bon bien c'est sûr qu'il y a beaucoup de choses à dire, beaucoup de critiques à faire un peu facile parce qu'on ne fait peut-être pas, on ne peut peut-être ne pas faire grand chose mais s'il y a une critique, il faut peut-être écouter la critique. Je pense qu'il faut en faire un problème de fond. On peut pas, parce que tout ce problème du handicap ça va au-delà des clivages sociaux et politiques. C'est complètement aberrant parce que, ce n'est pas un gouvernement qui va pondre une loi en 5 ans, ça ne sert à rien ça. Ce n'est pas à chaque gouvernement de faire son petit truc et tout, non ! C'est un travail de fond qu'il faut faire depuis le début et ça va au-delà des clivages politiques. Tous les hommes politiques, qu'ils soient de gauche ou de droit, doivent faire ça. Surtout que pourquoi ? C'est tout simple. Encore on se dirait pas le pays des droits de l'Homme, jusque-là y' a aucun problème. Non mais c'est vrai. Mais on parle du "pays des droits de l'Homme", et on n'est même pas capable d'accueillir des personnes handicapées dans les universités ou autres. Et c'est vrai qu'il y en a beaucoup, ouais il y a des choses qui me dérangent dès fois dans les syndicats étudiants qui se battent pour pas grand-chose. Ils se battent, oui, pour des choses mais
l'accueil des personnes handicapées, ce n'est pas une cause, c'est quelque chose de fondamental et très important. Et je ne vois pas beaucoup de gens prêts à se battre pour ça. Alors que c'est bien plus important que tout. Je veux dire, on a parlé de droit de vote pour les hommes, après pour les femmes c'était normal. Le droit de vote nous, on l'a, c'est pas le problème mais il faut que nous, on ait autant de droit que les autres personnes, c'est tout. Donc je ne pense pas qu'une loi suffirait, ce n'est pas possible. Bon, après, la loi elle est bonne ou mauvaise. Peut-être qu'il faudrait qu'elle soit complétée mais je pense qu'une loi ça ne suffit pas. Il faut aller au-delà de tout ça.
Et puis il faut aller dans, vraiment dans les profondeurs. Le handicap c'est quoi ? Qui est-ce qui faudrait enfin faire ? Il faudrait vraiment faire une analyse quasiment sociologique, mais de société quoi. Il faut faire quelque chose parce que
parce que c'est pareil, les gens pensent que le handicap, il y a handicap et handicap. Il faut voir toutes les sortes de handicaps qu'il y a. Donc il y a tout ça. Et puis je pense qu'il y a un autre problème, c'est qu'il est temps de faire quelque chose pour les personnes handicapées parce que on est une société qui vieillit et que le handicap est lié à l'âge aussi, et que pour l'instant, il [n'existe] pas grand-chose de fait. Et que donc, il faut arriver à faire ça. Après il y a un autre problème, c'est quand un handicap touche dès l'enfance. Parce qu'un handicap comme par exemple, on est écrivain, ou peu importe, on est journaliste, on a un accident, paf ! On est reconnu [connu] donc on peut retravailler derrière, ce n'est pas un problème. Mais quand on n'a jamais travaillé, quand on n'a jamais eu de reconnaissance et qu'il faut le faire avec le handicap alors c'est très difficile, et bien le problème il est là ! Parce que je vois pour les personnes âgées par exemple, [le problème de] la retraite. Mais nous, on ne peut même pas commencer à travailler donc on ne peut pas avoir la retraite. C'est comme le premier boulot où on nous demande d'avoir de l'expérience alors qu'on ne peut pas avoir d'expérience si on n'a pas de premier boulot
Il connaît notre témoin "Yohan" (récits no 2), il insiste sur le fait que malheureusement c'est vrai les I.M.C comme Yohan donnent l'impression qu'ils sont débiles. Il faut dire les mots tels qu'ils sont, alors que ça n'a rien à voir. Et c'est là que c'est difficile parce que justement là c'est encore lié à l'image. Ce qui est difficile pour moi à gérer aussi, c'est que je me sens deux "moi" [double]. Dans mon esprit, je me sens deux. Il y a le myopathe qui s'est développé par rapport à ce qu'il a eu et l'être qui aurait pu exister et qui existe quand même, qui est là. C'est à dire, c'est vrai que j'aurais voulu être policier, enfin faire des choses physiques mais être physique et au fond de moi, qui est toujours là et que j'arrive à exprimer par les bouquins et qui arrive à vivre dans les bouquins. Et c'est vrai que ce n'est pas toujours évident parce que pour voir au niveau de l'entente avec des copains et autres, moi je dois gérer deux choses. Je dois gérer le handicap qui est une partie [mon être] et ce que je suis aussi au fond de moi. Et il faut arriver à faire le lien des deux. Parce que sinon se crée une dualité, ce n'est pas bon.
Pour nous chercheurs, nous trouvons déjà dans ce récit un immense champ de questionnement ethnographique sur le soin et l'accompagnement pour nos pairs les plus vulnérables comme le martèle Charles Gardou. Pourquoi, comme le déclare Serge, le monde médical pose-t-il des barrières sur la diffusion au public de notre solution de soin qui transforme la vie des "myopathes" ? Il doit se reposer, "reprendre de l'énergie", selon son expression souvent exprimée. Le rendez-vous a été pris pour témoigner sur tout cela dans quelques temps. Le temps de la personne handicapée est un temps posé, réflexif... Pensif.
Récit no 4 : À propos de Bernard: "Je vois un gros cube rouge !"
Une triple rencontre !
Je me suis aperçu que je venais d'interroger plusieurs personnes, le collègue, la personne handicapée par un glaucome de naissance, l'enseignant chercheur, le patient en psychanalyse ou en analyse Je suis ressorti des deux premiers entretiens épuisés comme à après un match de rugby. Puis plus tard un autre paramètre s'est greffé sur la triple rencontre lorsqu'il m'a choisi pour lui succéder au niveau plus politique dans l'accompagnement du handicap à l'université. Sur ce sujet j'ai longtemps tardé à accepter pour des raisons éthiques, déontologique et politiques. Plusieurs rencontres se sont interpénétrées mais rapidement (avec mes résistances épistémologiques aussi), son esprit clair et vif, a bien analysé qu'il ne fallait point mélanger les genres. C'est bien moi le chercheur qui menait les entretiens. on a souvent éprouvé les limites des micro combats entre "sciences dures et sciences molles" : en l'occurrence pour ce qui nous concerne les sciences économiques "versus" les sciences humaines et sociales. L'ethnographie, étant encore, pour certaines sciences une approche floue, incertaine épistémologiquement. Notre rencontre débuta par la mise en relation à travers une collègue dans l'administration universitaire qui a su le travail que je menais. Elle m'a fait rencontrer Bernard fin 2001, début 2002. A la fin d'une de nos premières rencontres, quand je lui demandais, comment il me percevait, lui qui ne distingue qu'une minuscule lumière dans une minuscule fenêtre optique sur une distance très courte, il me rétorqua : un gros cube rouge. Ce jour là, je portais un anorak rouge vif. Notre dialogue dure depuis bientôt quatre ans.
Voici ce qu'il a bien voulu dire de lui. Je lui laisse ici la parole.
J'ai envie de faire une présentation un petit peu à l'inspiration. Je veux dire tout ce qui me vient. Je vais quand même dire mon vrai prénom. Je m'appelle Bernard. J'ai 39 ans, bientôt 40. Je suis célibataire, et pour l'instant, fier de l'être. J'exerce la profession d'enseignant chercheur depuis 1989. Pour un petit peu cadrer avec mon histoire de vie, je peux peut-être un petit peu partir sur des grands temps forts.
J'ai été élevé de façon globalement assez harmonieuse par des parents qui m'attendaient, qui me désiraient et qui ont mis tout en oeuvre pour que je sois là où j'en suis aujourd'hui. Cela a été une histoire assez moyenne, en tout cas dans mon enfance, mon adolescence et mon début d'âge adulte. Je dirai par trois grandes étapes qui sont essentiellement des étapes de nature scolaire. C'est important que je dise cela de cette façon parce que pour moi jusqu'à l'âge de presque 30 ans, c'est le domaine scolaire qui a compté. En fait, je ne me rappelle pas bien de ce qui s'est passé avant l'école maternelle et avant l'école primaire. Je me rappelle simplement de l'un des premiers accrochages qui a eu lieu au sujet de mon handicap. Je n'ai pas pu faire l'école maternelle parce que les instituteurs de l'époque ne se sentaient pas prêts à m'accueillir. Je suis donc resté chez mes parents plus précisément chez ma mère parce que mon père travaillait beaucoup.
On a dit que l'instituteur n'était pas prêt et cela ne s'est pas fait. A la fin des années 60 on parlait très peu d'intégration. Je suis rentré en C.P. à 5ans et demi. Je suis du mois de janvier, soit je rentrais à cinq ans et demi, soit je rentrais à 6 ans et demi. Je suis donc rentré à cinq ans et demi avec un an d'avance. A l'époque, j'étais déjà très intelligent ce qui m'a aidé. Cette remarque me fait pensé à un sketch de Pierre Desproges. Je suis donc rentré dans une école on va dire de malvoyants qui se trouvait à Tours.
Aux dires de mes enseignants, j'étais un enfant brillant qui posait plein de questions, certainement des questions qui dérangeaient beaucoup le corps enseignant parce que c'étaient des questions hors programme. En même temps j'avais une difficulté de comportement : je ne mangeais pas du tout jusqu'à l'âge de douze ans. J'étais quelqu'un d'extrêmement difficile, extrêmement exclusif dans mes relations, notamment avec ma mère. Mais même à l'école je ne mangeais pas du tout. Et c'était d'ailleurs un traumatisme parce que la psychologie à l'époque, voulait qu'on oblige les enfants à manger. C'était, c'est vrai, dramatique. J'avais déjà une aversion pour le sport à l'époque. J'essayais à chaque fois que je le pouvais d'esquiver les choses. Je suis resté dans cette école, jusqu'en CM1, date à laquelle on s'est rendu compte que j'étais vraiment une nullité en orthographe. C'était lié au fait que je ne voyais pas suffisamment. J'ai oublié de préciser que le visuel que j'avais et que j'ai encore me permettait d'écrire en écriture dite normale habituelle, mais que je ne pouvais pas me relire. Du coup, je faisais des fautes d'orthographe et je ne m'en rendais pas compte. On s'est dit "mais il lui faut faire du braille". Là, on m'a mis au braille pendant un an et à la fin de cette année-là, la classe de braille s'est arrêtée. On parle des pénuries budgétaires d'aujourd'hui, mais déjà, à l'époque, sans doute y en avait-il. Cela a été la première grande charnière de ma vie, puisque je suis passé d'une école à Tours à une école à Angers : l'école de Monteclaire ; école que j'ai fréquentée pendant 6 ans. Mes parents habitant Tours, j'étais en pensionnat. Cela représente une période où j'ai beaucoup sublimé mon handicap. Je vais peut-être faire une remarque incidente ici car si je ne donne pas quelques explications il sera difficile ensuite de comprendre mon histoire de vie. Je précise donc que j'ai fait un travail thérapeutique sur moi et quil y a des choses que je dis aujourd'hui après ce travail thérapeutique dont je n'avais pas conscience à l'époque. Notamment ce que je vais dire là, c'est que dans l'idée que je m'en faisais, j'ai vécu de façon très heureuse à Angers, bien que séparé de mes parents. Mais avec le travail analytique, c'était pour faire plaisir à mes parents, je ne pouvais pas me permettre de leur montrer ma souffrance parce que cela les faisait trop souffrir et que j'avais senti qu'ils avaient cette souffrance. Du coup, je ne disais rien. En réalité, c'est très éloquent. Le petit enfant que j'étais ne comprenait pas cela, mais l'adulte se rend compte de cela aujourd'hui. Le jour où mes parents m'ont amené, je suis allé vers mon institutrice et j'ai dit "bon, maintenant on va en classe". Je n'ai jamais dit au revoir à mes parents. Maintenant, avec le recul, je sais que cela a été une réelle souffrance pour eux et pour moi. Ce geste était une façon de cacher ma souffrance. Finalement, c'est une façon de fuir.
Je suis un faux enfant unique puisque parmi mes anormalités, j'ai aussi celle-là, c'est à dire que mes parents sont des gens qui ont divorcé l'un et l'autre. Ils ont eu, en fait, ma mère a eu une fille en dehors de moi. Je parle d'un premier mariage. Elle a eu une fille. Mon père a eu deux fils d'un premier mariage. Ils ont divorcé et ils se sont mariés ensemble et ils m'ont eu. Donc, je suis l'unique des deux. Mais j'ai des demis-frères et des demies-surs. Ce qui d'ailleurs n'était pas sans poser de problèmes parce que finalement, je ne pouvais jamais me comparer à des gens qui voyaient et je ne pouvais pas être dans la revendication syndicale en disant : "lui, tu le laisses sortir et moi, tu me laisses pas sortir", par exemple. Il y avait des problèmes comme ça où des fois, je me sentais un petit peu emprisonné. Mais ces années ont quand même été de belles années où j'ai beaucoup appris... c'était des parties importantes de ma vie. Je m'en suis rendu compte très récemment parce que j'ai eu envie d'aller revoir le bâtiment où j'étais, et il y a eu beaucoup d'émotion à ce moment-là, des émotions fortes. C'est un bâtiment maintenant qui fait de la biologie moléculaire, c'est un bâtiment qui fait la bibliothèque universitaire de pharmacie, c'est complètement autre chose. Mais cela a été un moment très émotionnel pour moi qui a rappelé un certain nombre de choses de ma vie amicale, de ma vie amoureuse aussi et puis des choses qui ont été fortes. Cela a été 6 années où à la fois je me suis "démerdé", et à la fois j'étais un petit enfant chétif. En taille, je parle. Un petit enfant dont on abusait un petit peu par moment. C'était une période où c'était difficile aussi. C'était difficile essentiellement de ce point de vue-là. J'avais le sentiment que personne ne me défendait vraiment et que pour faire sa place au soleil, il fallait se battre. Ce n'était d'ailleurs pas lié à mon handicap, c'était plus lié au fait que je ne me défendais pas quand on m'attaquait.
On retrouve encore et toujours dans les témoignages le poids de l'école dans le combat que mènent les parents pour la valorisation des jeunes enfants handicapés.
Le nerf de la guerre !
Le 28 avril 2002, je lui envoyais un texte cité par M. Serres dans une émission de la Cinquième-ARTE, "la légende des sciences" datant de 1996. Cet extrait se situe dans la critique de la mouvance du darwinisme social mal interprétée, d'ailleurs l'extrait qui va suivre l'atteste, de l'aveu même du grand naturaliste. Il exprime de façon très claire notre position personnelle sur la problématique de l'intégration, du corps à l'école et des espaces de reconnaissances, de valorisation pour la personne en situation de vulnérabilité.
Voici ce passage : "A la fin de sa vie au XIXe siècle, C. Darwin écrit quelques textes où il pense que la survivance du plus apte, est celui qui dans l'espèce humaine invente l'altruisme et que contrairement à ce qu'on pense, le plus fort, celui qui gagne, le "gagneur" comme on dit, le "battant", est peutêtre dans l'humanité celui qui nous amène à la régression". A. Jacquard (1981) dans son ouvrage sur "l'éloge de la différence" en fait une démonstration très troublante. L'auteur écrit que "notre richesse collective est faite de notre diversité. L'autre, individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est indispensable".
Nous avons échangé sur ces concepts après une conversation téléphonique puis en direct sur les rapports entre les projets économiques (financiers) de notre monde et les projets éthiques. Il est vrai qu'on ne peut faire fi des aspects pécuniers, la solidarité coûte chère à la société. Pour l'économiste, l'argent, est bien le nerf de la guerre ! Il me demanda un peu plus tard (en me testant) mon obédience religieuse, curieux qu'il était de mon engouement pour l'objet "handicap" ainsi que pour le sujet "handicapé".
Salut, m'écrivait-il par mail le 14 février 2003. Je pars quelque peu en vacances sans que le lieu soit encore décidé mais mon objectif est de me reposer vraiment. J'ai reparlé de toi au Président concernant "notre affaire". Cela devrait prendre tournure courant mars; Je n'en sais pas plus, sinon qu'il y aurait un autre candidat (une candidate). Je ne sais pas lequel. C'est à ce moment que j'ai compris qu'il avait vu en moi un continuateur de son travail sur le handicap mais qu'il voulait prendre de la distance avec celui-ci pour de multiples raisons.
Bernard le mardi 2 septembre 2003 vient de recevoir un dossier contenant un questionnaire papier pour préparer notre entrevue. Une série préliminaire de cinq questions pour préparer notre première rencontre sur les articles que nous lui avons enregistré ainsi qu'une amorce des réflexions qui pourrait se faire à partir des notions de temps, du vocabulaire liés du handicap. Questions communes à tous pour rester sur "l'inter connaissance" concept issu d'une sociologie du quotidien au sens d'A. Schütz.
Le 22 décembre 2003 on effectue le premier entretien avec Bernard sur les articles du Document 1. Les premiers documents sont une entrée pour tous pour traiter des histoires de vie, des insertions, des réflexions globales par rapport à leur vie, aux des temps forts sociaux qui les ont marqués.
La seconde entrevue a lieu le Vendredi 30 janvier 2004, Bernard G., sur "Le cri de Mino" une dame qui veut mourir et les "Mères courage" des dames aveugles qui élèvent leurs enfants. Cela a généré beaucoup de violence chez lui. Dans le premier notamment. En clair, il a failli ne pas aller jusqu'au bout car cela lui renvoyait beaucoup trop de choses.
Pour le troisième entretien du lundi 21 juin 2004, je lui ai fait parvenir un certain nombre d'articles qu'il vient d'écouter. L'idée qui ressort c'est pour moi, me dit-il, le côté extrême enfin, que suppose le handicap, c'est à dire que l'on va dans l'extraordinaire, avec des gens qui se battent. C'est le cas de l'article de la personne qui est partie en Suède ou même de l'assistante parlementaire. Même si elle est dans ce double truc parce que, elle, est dans "j'ai réussi socialement, professionnellement et en même temps, comment je fais quand mes parents décèderont quoi ?" En gros, pour dire les choses de façon un peu radicale. Et du coup, mon intégration personnelle dans le monde cela veut dire aller en institution et je ne veux pas y aller. Et puis des gens comme cette puéricultrice enfin, stagiaire dans une crèche qui se fait "lourder" sur un stage parce qu'il n'y a aucune réflexion sur l'adaptation entre le handicap, alors là vraiment au sens du handicap, c'est à dire au sens de l'O.M.S et de la personne elle-même. Moi je trouve que c'est un élément important.
Chez Bernard pour le dernier entretien du vendredi 26 novembre 2004 les documents enregistrés numéro quatre et cinq étaient centrés sur le corps et la connaissance. Bernard est en arrêt pour une dépression passagère, ou plutôt un petit coup de cafard à cause de problèmes professionnels, de problèmes individuels ainsi que d'une grande fatigue suite aux menues difficultés de la fin de ce cycle universitaire traumatisant.
Il me parle des trois articles sur cinq très orientés car issus d'un journal à tendance politique nettement de gauche !
Il me parle beaucoup de la plainte et de la crainte de la plainte car pour lui la plainte fait le handicapé et non la personne. Il me parle aussi de la problématique du : "comment ne pas peser sur les autres lorsqu'on est handicapé" ? Nous lui posons une autre question : n'est ce pas là un "luxe" partagé par ceux qui sont en haut de l'échelle sociale du handicap ? La dernière demi-heure d'enregistrement de la cassette est plus un entretien clinique voire psychanalytique est évidemment elle n'entre plus dans le cadre de notre recherche au sens strict, nous l'utiliserons pour une analyse plus fine ultérieurement sur la souffrance avec les toutes précautions qu'il se doit.
Le jeudi 17 juin 2004 de huit heures à vingt heures, j'accompagne Bernard pour la partie politique du Salon "Autonomic", Paris porte de Versailles. Il est rapporteur pour le colloque sur le grand handicap, il prend des notes avec son appareil informatique en braille le matin de 8 h 30 à 12 h 30 puis l'après-midi il fait une synthèses de la journée devant toutes les personnalités en terminant que tout cela est bien mais que ce sont les finances qui sont "le nerf de la guerre".
Pour finir je suis allé au cours de jeudi 7 octobre 2004, un cours mixte que nous avions monté ensemble, un cours magistral à deux voix entre la sociologie et d'économie du handicap. Ensuite Bernard, maître de conférences en économie en solo va poursuivre sur la situation de handicap des aveugles et donner son témoignage particulier sur la cécité ainsi que sur la vie en société des personnes mal voyantes.
Comme convenu, je me mis en retrait pour prendre des notes ethnographiques dans ce lieu singulier pour lui.
La cancrisation !
Bernard, suite à de bonnes études primaires puis au collège, part donc pour Paris pour une période difficile. J'ai eu à nouveau des problèmes aux yeux liés à mon glaucome. Cela a été difficile de ce point de vue-là. Il y a eu une aggravation, disons que j'ai eu une crise de glaucome assez importante ce qui ne m'a pas fait perdre le reste visuel mais c'était quand même difficile. Cela m'a appris à me diriger dans Paris. Donc il y a eu des choses positives. En tout cas, à la fin de l'année, le brillant garçon que j'étais, n'était plus brillant puisque j'étais candidat au redoublement. Ce qui était un début de "cancrisation" importante. Mais comme j'ai une grosse croyance et que les difficultés de vie servent à rebondir, je me suis dit à ce moment-là : "eh bien, c'est peut-être le moment de l'intégration". Donc, en fait, comme je le disais, il y a eu trois grandes périodes. La première c'était l'école primaire. La deuxième cela a été Angers plus Paris. Et puis la troisième, c'est celle qui vient, c'est à dire le lycée et la faculté. Alors au lycée, je redouble ma 2nde.... on est en 79. J'ai aussi une autre qualité parce que je n'ai que des qualités, évidemment. Je m'approche de la perfection (rires)
Non, j'ai une vraie qualité, enfin qui me sert encore aujourd'hui, c'est que je suis un garçon extrêmement prudent. Et j'avais dit à mes parents, j'avais dit à mon entourage, et à l'I.N.J.A. : "Je m'intègre à Tours, donc au Lycée Descartes, je me donne 3 mois". Je vais voir le proviseur du lycée, je me rappelle encore de son nom, le lycée s'appelait Descartes et le proviseur s'appelait J. B. Un type extraordinaire. Bourru comme on ne pouvait pas l'être. On ne pouvait pas faire pire. Je me souviens de cette secrétaire .
J'étais allé avec mon père. Je me souviens de plein de choses. J'étais allé avec mon père, il devait avoir un jour de congé ce jour-là. On rentre dans le bureau. Mon père dit : "on a rendez-vous avec Mr B.". Alors la secrétaire pousse cette double porte capitonnée. On peut percevoir, au bruit, que ce sera un grand bureau qu'il y a derrière et j'entends dire "ouais, il attendra comme tout le monde". Alors avec mon père, on s'est regardé et on s'est dit "ça commence bien". On est rentré dans ce bureau et alors, on est tombé sur un type extrêmement chaleureux, contrairement à ce qu'on pensait, qui a vraiment ouvert ses portes. Et, on est en 1980. 1979, c'est l'année de l'I.N.J.A. et 1980-83, c'est le lycée Descartes. On est tombé sur un type extrêmement accueillant, qui m'a donné toute une liste de bouquins à faire enregistrer sur cassette, qui m'a dit que tout se passerait bien etc. C'était bien. Je rentre en septembre. Le contexte s'était : évidemment il y avait des 1ères et des terminales qui lançaient des bombes à eau sur les bizuts. Evidemment, je m'en suis prise une dans la figure parce que je ne l'avais pas vu venir. Ce qui était un peu difficile, c'est qu'il y avait un groupe d'élèves et parce qu'ils ne savaient pas faire au lycée. Ils m'ont mis à part pour ne pas que j'ai d'accidents, je suppose. On m'a appelé, je ne savais pas trop où il fallait que j'aille etc. Enfin je suis rentré dans cette salle de classe. Là, quand je te le raconte, je le revois. Emotionnellement c'est là. Je me mets au fond de la classe. Et, tout prudent que j'étais, il y avait un point que je n'avais pas prévu, qui est arrivé, c'est :"remplissez le document que l'on vous a distribué". Et là, pour dire vulgairement, je les "ai à zéro". Je ne peux pas. Je ne peux pas demander à mon voisin de me le remplir. Je ne peux rien faire. La paralysie totale. Donc, évidemment arrive le temps du ramassage. Moi, je me sentais de plus en plus mal. Plus cela allait, plus je me sentais mal. Et la prof qui voit ça, et bien du coup, elle me remplit le formulaire. Cela a fait attendre tout le monde. Cela a été le seul vrai accroc à Descartes. Le lendemain, j'avais déjà des copains, des copines. J'allais beaucoup vers les autres; cela aide. Je suis quand même quelqu'un de plutôt avenant et cela m'aide énormément. Mais à l'époque, je négligeais beaucoup mon handicap. Je disais "ça n'a pas d'importance" ; "ce n'est pas grave". En même temps, aujourd'hui, je reconnais que je me suis bagarré comme cela n'est pas permis. Je ne leur laissais pas beaucoup de temps de répit. La 2nde s'est bien passée. J'y ai d'ailleurs trouvé mon meilleur ami. Enfin celui avec qui j'ai encore des contacts aujourd'hui. Avec qui j'entretiens les meilleurs rapports au monde. Je m'entends bien avec son épouse, avec ses enfants, c'est vraiment quelqu'un de très proche. En fin de 2nde, je passe en 1ère, quand même. Lorsque j'arrive en 1ère, je me rends compte qu'ils se sont trompés. J'étais le seul à être dans une autre classe. Et ce n'était plus possible de changer. Alors c'est une nouvelle réintégration quelque part avec de nouveaux élèves. Un "c
.." de prof de maths, je l'ai eu en travers de la gorge. Parce que le "mec", il écrivait au tableau, il ne disait rien. C'était le seul enseignant qui m'a fait ce coup-là en 3 ans. C'est "vachement" pratique, surtout en maths. Il hurlait quand j'avais un copain qui me dictait au tableau. Un jour, je vais voir le proviseur qui était toujours le même proviseur. Mais cela avait changé. Parce qu'un jour, il avait engueulé sa secrétaire, le fameux proviseur, en disant quand Mr Bernard arrive, il faut le faire rentrer tout de suite. C'était fini là, je n'attendais plus comme tout le monde. Quand Bernard arrive, c'est comme Zorro. Il me dit :"Ecoutez, on ne peut rien faire. Vous ferez ce que vous pourrez mais on ne peut rien faire. C'est un récalcitrant". Ceci étant, cela s'est bien passé. Il y a eu le bac de français. Pas trop de problème.
On retrouve encore l'école qui sauve, encore ce lieu scolaire d'une extrême importance dans l'histoire des jeunes enfants handicapés. Lieux difficiles voire traumatisants mais lieux qui doivent écouter aussi bien l'offre que la demande.
C'est une façon de fuir !
Mes parents habitant Tours, j'étais en pensionnat. Cela représente une période où j'ai beaucoup sublimé mon handicap. Je vais peut-être faire une remarque incidente ici car si je ne donne pas quelques explications il sera difficile ensuite de comprendre mon histoire de vie. Je précise donc que j'ai fait un travail thérapeutique sur moi et quil y a des choses que je dis aujourd'hui après ce travail thérapeutique dont je n'avais pas conscience à l'époque. Notamment ce que je vais dire là, c'est que dans l'idée que je m'en faisais, j'ai vécu de façon très heureuse à Angers, bien que séparé de mes parents. Mais avec le travail analytique, c'était pour faire plaisir à mes parents, je ne pouvais pas me permettre de leur montrer ma souffrance parce que cela les faisait trop souffrir et que j'avais senti qu'ils avaient cette souffrance. Du coup, je ne disais rien. En réalité, c'est très éloquent. Le petit enfant que j'étais ne comprenait pas cela, mais l'adulte se rend compte de cela aujourd'hui. Le jour où mes parents m'ont amené, je suis allé vers mon institutrice et j'ai dit "bon, maintenant on va en classe". Je n'ai jamais dit au revoir à mes parents. Maintenant, avec le recul, je sais que cela a été une réelle souffrance pour eux et pour moi. Ce geste était une façon de cacher ma souffrance. Finalement, c'est une façon de fuir.
Suite aux réflexions suscitées par les articles dont il a éprouvé la violence on retrouve dans le texte des traces parlées sur la mort, le suicide, la souffrance. Donc, c'était 2003. Et c'était avec ma cousine et je lui ai beaucoup raconté des choses, des souvenirs qui étaient intenses pour moi. C'était une période extrêmement intense. J'avais, c'est bizarre que ce soit cela qui remonte, une amie, à l'époque, que j'aimais vraiment beaucoup et qui est décédée depuis. Elle est décédée alors que j'étais en 4ème, dans cette école-là. A l'époque, j'étais porteur de cette parole-là, tu vois, c'est à dire, c'est moi qui donnais des nouvelles. J'avais un rôle comme cela un petit peu lourd pour un petit enfant. Parce que bon, quand euh, j'allais dire une jeune fille mais ce n'était pas une jeune fille à l'époque. A neuf ans, c'est encore une enfant. Elle est atteinte d'un cancer, ce n'est pas très simple à gérer ça. Mais bon, j'étais porté à donner des nouvelles, à être... J'étais cela, j'étais aussi l'enfant qui, parce que comme je le disais tout à l'heure avec un peu d'humour, même si les chevilles doivent en souffrir, j'étais quelqu'un de brillant et je comprenais dix fois plus vite que la moyenne de mes copains et de mes copines. Ce qui me valait de m'ennuyer en cours.
Le "cri de Mino" sur l'euthanasie, oui ! Il m'a renvoyé beaucoup de choses de ma propre histoire. Notamment toute une violence qui est non-dite sur le vécu du quotidien du handicap, tout en précisant que contrairement à cette personne, dont je respecte tout à fait les affects, mais moi, je n'ai jamais été suicidaire. Des fois, je me suis dit que ce serait mieux mais alors sans jamais, ni passer à l'acte, ni même avoir envie d'y passer. C'était juste :"s'il n'y avait plus à se battre, ce serait pas mal". Alors il y a eu beaucoup de violence. Enfin il m'a renvoyé beaucoup de violence, à la fois sur le vécu au quotidien de ma propre déficience. Donc une violence que je n'affirme pas forcément toujours. Donc que j'affirme très rarement. Et que même, sûrement, je me cache et je pense que c'est une des parties, une des raisons pour lesquelles cet article m'a dérangé. Cela m'a renvoyé aussi sur mon histoire avec ma mère, c'est clair. C'est à dire sur, je parle vraiment du premier, pas du deuxième, sur la violence que j'ai exercée à son encontre alors qu'en fait, c'est une violence était liée à cette déficience, finalement. C'est à dire la difficulté de vivre avec. Alors, là on est dans, enfin, j'ai conscience de la manière dont je dis les choses. On est à la limite du thérapeutique. C'est à dire qu'en fait là, pour moi c'est clair que cela arrive à un moment où j'avais besoin d'entendre cela. Cela tombe à un moment de ma vie où c'est plus que difficile, y compris sur le plan professionnel. C'est pour cela que j'ai préféré qu'on commence par là.
En ce qui concerne la fusion entre le handicap et la vieillesse. C'est clair que c'est présent dans les discours politique. On veut les fusionner dans une loi pour une économie d'échelle. Je lui posait la question car j'avais constaté une souffrance surtout de la part de l'entourage pour l'avenir mais aussi chez la personne handicapée dans la mesure où elle sent qu"elle va devenir "une charge" pour les proches. Il me
répond que ce sont deux choses différentes. On peut être vieux sans être handicapé. C'est parce qu'on confond le vieillissement et la dépendance. On peut être vieux sans être dépendant, sans devenir dépendant. Il y a des gens qui meurent de leur belle mort sans avoir jamais été dépendants.
Si ce sont des économies d'échelle pour libérer des fonds administratifs par exemple pour pouvoir gagner sur les prestations, moi, cela me va bien. Maintenant, si ce sont des fonds qui sont économisés sur des personnes, cela me va un peu moins bien.
Le soin, la curiosité de leur éducation que l'on a pour des enfants par exemple, fait qu'on peut se dire, qu'il faut quon se rapproche, on va dire, du souci de l'autre c'est un peu plus central pour l'altérité. Il y a des gens qui ont une âme de charité, ou des croyances religieuses pour aider
Faut-il les gommer, les effacer ? C'était à propos des notions de pitié, de charité liées à notre héritage judéo-chrétien au sens de H.-J. Stiker.
Attends ! [Actuellement], jen suis sorti aujourdhui, en dehors de la pitié ; mais on n'a quand même pas oublié que le mot charité, ça veut dire "amour" à la base.
Bien sûr cest un terme un peu galvaudé aujourdhui ! Quand on dit il faut être charitable
moi, je ne sais pas mais quand tu as un gamin qui pleure, tu le prends dans tes bras et tu le consoles ! Tu ne vas pas le laisser pleurer. Tu as quelquun qui a besoin dune aide pour traverser, tu vas laider à traverser ! Jai envie de dire que cest là quil y aurait besoin de banalisation, si tu veux. Je veux dire que finalement lautre, il a sa place avec ce dont il a besoin. Moi, je suis désolé, quand jentends certains de mes collègues, ça me rappelle ça, et là, il ny a pas de handicap derrière ! Car finalement cest une affaire humaine. Je me souviens dun de mes étudiants qui est devenu un ami après, qui a perdu sa mère, il avait 20 ans. Le collègue lui a dit, je lai entendu, ce nest même pas lui qui me la répété, je lai entendu, il la dit devant moi, il lui a dit : mais de toute façon avec le temps, tu vas oublié. Mais ce nest pas de ça quil a besoin lui, il a besoin de pleurer la disparition de sa mère. Sur le moment, ça faisait 10 jours que cétait arrivé. Il a besoin de dire quil souffre. Il na pas besoin quon lui dise que ça ira mieux demain !
Après, il faut se respecter, cest peut être
et bien oui, mais moi, je ne peux pas entendre ça ! Mon collègue en loccurrence a perdu ces deux parents à 15 jours dintervalles. Donc on peut concevoir que pour lui, ça soit trop lourd ! Non, écoute, je ne peux pas entendre des souffrances, moi, je ne peux pas, pas moi. Cest tout ! Mais le handicap, cest ça aussi. Cest à dire que cest à certains moments, on voit ce genre de peur. Je ne peux pas entendre ta souffrance parce que
. Quest ce que ça veut dire si moi demain, je suis handicapé, comment je vais me gérer. Cest un fait épouvantable !
Entre se faire aider et aider
J'ai pris des notes ethnographiques dans endroit singulier pour notre interlocuteur car il y a eu un grand moment sur ce lieu d'enseignement avec nos deux voix qui s'entremêlaient. Le contexte était celui des cours d'activités physiques adaptées (A.P.A) dans un U.F.R S.T.A.P.S. lors d'une intervention interdisciplinaire de socio-économie avec Bernard l'universitaire sur la situation de handicap ainsi que son témoignage particulier sur la cécité et la vie en société pour les personnes mal voyantes.
Il nous cite des anecdotes historiques sur le fait que les aveugles ne marchaient pas droit (et pour cause) donc ce devraient être des alcooliques, des traités furent écrits sur ce sujet !
Il nous a fait faire des exercices de guidage pour aider à leur demande et non point contraindre la personne, il faut le tact et le soin pour accompagner dans le vrai sens du mot comme nous dit-il la fierté dont font preuve les enfants quant il le guide à Paris. D'ailleurs des amis confient leurs enfants à ses soins, suprême marque de confiance malgré la cécité. Le guide est valorisé dans la relation à la personne aveugle, on peut le voir dans les jeux paralympiques dans les courses à deux reliés par un fil.
Sur vivre avec une déficience, c'est l'élément commun, elle traduit un manque. La base c'est vivre avec une différence. C'est le parcours commun à la personne handicapée mais cette différence peut se révéler dramatique surtout pour ceux qui l'acquière par hasard. Et pour nous c'est travailler sur l'image du corps pour accepter ce que peut ce corps et accepter aussi une "égalifférence", concept que j'ai forgé car il correspond mieux à la situation des personnes handicapée. Bernard insiste auprès des étudiants (Beaucoup d'étudiantes en fait, j'avais avancé l'hypothèse que le handicap est toujours une affaire de femmes) sur la différence entre handicap (construction sociale) et déficience (manque corporel). Le handicap est comme un accélérateur, un révélateur social de la différence.
La publicité commence à prendre en compte ces hétérogénéités dans les images et les regards comme l'atteste ces placards publicitaires avec un aveugle, une jeune amputée ou une personne en fauteuil mais soit elle est belle donc c'est une belle "icône" ou ils sont en retrait dans une foule floue et grouillante, etc.
Bernard insiste sur l'autonomie et la dépendance qui sont encore une base commune et qui vont de paire de la naissance à la mort. L'autonomie c'est faire des choses tout seul, mais c'est aussi, et cela peut paraître paradoxal, demander. La limite se situe aux frontières de l'assistance totale et de l'esclavage qui aliènent, perturbent, peuvent mettre à mal le couple : "aidant aidé".
La dépendance, elle, fait que l'autre est indispensable mais le soin ainsi que son chemin corollaire, je veux parler du " tact" doivent être à notre sens, le gardien d'une relation solidaire. Le guide revient ici ou l'accompagnant, le guidant éclairé par l'autre serait mieux à propos, qui doit s'effacer devant la personne quand c'est elle qui est sollicitée par l'autre.
Sur l'approche systémique, il nous dit qu'il faut accepter l'aide et accepter de se faire décrire par d'autres les lieux et les situations. Il parle de sa psychanalyse, des médicaments et des outrances comme lorsque les personnes handicapées disent : "tous les valides sont des cons " et bien non, dit-il !Car la culpabilité, comme la bêtise et le communautarisme appartiennent à tous. L'expertise du handicap aussi appartient aux valides comme aux invalides ! Le regard est réciproque même pour les aveugles il y a une interaction entre tous. C'est mon concept de "rétro stigmatisation" que l'on retrouve ici, du style on est tous des handicapés ou c'est vous les handicapés, Bernard renvoie "dettes et culpabilité" à tous les acteurs sociaux, les autres aveugles, les valides, etc. Il doit n'y avoir aucun ghetto, les étrangers comme les différents sont des richesses, du partage dans la culture anthropologique au sens de M. Auger.
Alors pour les handicapés, doit on adapter le système ou les adapter aux systèmes ?Les deux car les phénomènes de vie en société sont complexes mais le système ne peut s'adapter tout le temps (une question d'économie donc d'argent : il faudra bien que tu l'admettes m'a dit mon collègue économiste !)
Il existe aux USA et au Canada une aide technique constante mais l'aide humaine, elle, s'efface peu à peu derrière la techno science axée sur l'objet matériel [dont on attend la providence] ! Mais on ne peut sur le plan humain tout attendre de l'autre sauf pour les lourds handicaps alors il faut être nombreux et faire tourner l'aide et le temps pour rester dans l'altérité sans usure !
La question de l'exemplarité est une mise en lumière exacerbée de ce qu'on attend des personnes en situation de handicap. Une personne handicapée doit toujours être exemplaire et "encore plus" exemplaire que d'autres, il faut en finir avec cela s'insurge-t-il !
On peut tous échouer ou réussir mais la personne handicapée, après la réussite, est considérée comme géniale, comme extraordinaire, "extra exemplaire". Nous sommes souvent tombés dans cette empathie-sympathie même en tant que chercheur ! Pourquoi seraient-ils si formidables, ceux qui réussissent à parvenir en haut de l'échelle sociale, peut-être est-ce en tant que sportif que je résonne, les performances au jour le jour avec nettement moins de moyens et plus de souffrance que tout autre personne, nous poussent à ses emphases. Une vraie performance, peut être la vraie performance très objectivement car ils portent quotidiennement une plus lourde charge que d'autres ! Peu d'entre eux réussissent néanmoins, les témoins de ma recherche montrent des voies particulières, mais très étroites de réussite sociales.
De plus les réussites sont fragiles et ils ne restent pas longtemps des héros. Qui connaît le nom des artistes ou des sportifs "dits handicapés" ?
Les petits, les "pas connus" lorsqu'ils changent de travail c'est leurs manques que l'on pointe et l'expérience accumulée dans l'ancien travail ou ils étaient très bien ne compte souvent plus ! Elyse par exemple dans l'entretien no8) ne veut pas d'un C.A.T car ce n'est pas son choix ! En Italie, rapporte, Bernard toutes les personnes aveugles ont un travail comme standardiste. En Allemagne par exemple, d'ou nous revenons après un stage sur une étude du système scolaire (Licence par alternance octobre 2004 voir les articles du docteur J. Bietz, Sport mit Sehgeschädigten, Phillips-Universität Marburg, Hambourg, 1997.), toutes ces personnes qui veulent faire des études sont regroupées dans le Land de Hess à Marburg. Alors, que dire du choix de sa vie.
Pour faire l'exemple, la personne handicapée doit toujours être "au top" mais beaucoup ne réussissent presque "rien" ou difficilement sur le plan social donc que faire avec eux dans les études, le travail, la culture
que faire avec les cas ultra graves comme dans les maisons d'accueil spécialisée (M.A.S) sinon s'en occuper du mieux possible pour s'honorer soi même à travers leur humble existence ? Bernard nous dit tout de même qu'il se bat tout le temps et plus encore que d'autres
Parce qu'à les entendre presque tous, ce n'est rien une déficience qui conduit à la situation de handicap.
Pour conclure sur la nouvelle loi 2005 ou notre interlocuteur est une figure militante autant que marquante par ses compétences ainsi que pour son expertise. Il est aussi au cur d'un réseau politique qui lui permet d'être "au courant" des avancées, des reculs, de prendre de la distance avec ses outils "d'économiste en situation de handicap". La loi avec son concept central "d'accessibilité à tout pour tous ", désolé me dit-il, mais l'économiste n'y croit pas Le droit à la compensation du handicap (et non pas compensation de la déficience qui est un manque du côté plutôt de la biologie ou de la pathologie) doit être un traitement par l'image sociale, elle doit être individualisée dans l'écoute des besoins réels et singuliers des individus. Par exemple la cécité c'est une déficience mais elle peut handicaper différemment les aveugles ; l'un lit le braille, l'autre pas en fonction des lieux de vie et des situations : ici mon handicap sera le braille là bas à coté d'elle, il faudra un autre relais. La personne est au centre de la loi comme l'élève au centre de celle sur l'éducation de 1989. Mais le fait qu'il n'y ait plus de "discriminations positives" qu'en sera-t-il des handicaps lourds sur les marches de l'école ou sur le marché du travail ? L'effacement dans certaines sphères sociales aura-t-elle une autre contrepartie ? Que donnera-t-on en échange aux plus fragiles pour qu'ils disparaissent doucement de nos regards ?
Récit no 5 : À propos de Jean-Paul : "Le poids des médailles ! "
Un beau palmarès !
Un professeur d'éducation physique, collègue et ami, à l'université qui avait uvré dans le domaine du "handisport" a été notre contact pour mettre au point cette rencontre avec Jean-Paul, athlète et cadre de haut niveau. J'ai voulu qu'il témoigne dans notre recherche pour plusieurs raisons, la première parce qu'il est professeur d'E.P.S, à ce titre il peut nous fournir des données sur le devenir d'un pédagogue sportif après un accident, la deuxième raison se fonde sur le fait qu'il nous fallait constituer un réseau de savoirs avec la fédération française handisport (F.F.H) pour notre nouvelle filière universitaire centrée sur les activités physiques adaptées, la troisième raison c'est une curiosité réciproque pour tisser des relations entre des mondes qui ne se connaissent guère. Il a accepté après un long moment, du courrier s'étant perdu entre Paris et ici.
Jean-Paul signale dans son curriculum vitæ qu'il est né en 1955 puis est devenu handicapé par une paraplégique acquise depuis 1978 à la suite dun accident de la circulation.
Il est actuellement professeur d'éducation physique et sportive plus exactement chargé d'enseignement (C.E).il est issu de la formation des C.R.E.P.S qui ne forment plus les enseignants depuis 1985. Fait singulier, me précisa-t-il au cours d'un entretien, l'accident est survenu avant que je puisse enseigner devant une classe ! Dès lors, Jean-Paul ne me reparla que très peu de son accident et des souffrances qui suivirent. Je respectais donc son silence sur le sujet même si dans nos dialogues apparaissaient, ici où là quelques réminiscences. Nous lui laissons la parole.
J'ai été enseignant à lE.R.E.A de Garches (92) de 1979 à 1998, puis détaché au Ministère des Sports (P.O.) depuis 1998 pour la Fédération Française Handisport. Je suis directeur technique fédéral de tennis handisport depuis 1982 (date de sa création) et en suis aussi le directeur de la publication sportive.
En activités annexes, je suis membre du groupe national sous la responsabilité de Mr Jean Eisenbeis, Inspecteur Général pour l'organisation de l'épreuve d'éducation physique et sportive aménagée pour les candidats handicapés moteurs, les déficients visuels et les candidats déclarés partiellement inaptes, aux examens de l'enseignement du second degré. Activités annexes, dit-il en toutes modesties, mais oh combien importante dans le combat pour la pratique du sport à l'école pour les élèves en situation de lourd handicap.
Notre ami pratique le tennis en compétition avec ce palmarès sportif impressionnant dont j'ai extrait quelques titres : champion de France 1ère série en 1983, 1984, 1986 ; champion de France par Equipe en 1983, 1984, 1985, 1986 ; champion du Monde par équipe à Assen (Hollande) en 1990 ; vainqueur de la Coupe du Monde par Equipes en 1992 et 1993 ; vainqueur des Jeux Mondiaux de Stokemandeville en 1987, 1989. Son meilleur classement mondial en mars 1991 fut celui de n°10 mondial et enfin pourrait-on dire 15 sélections en Equipe de France. Voilà déjà un bien beau palmarès ! Mais qui lui fait dire que le poids des médailles n'est pas le même pour tous les sportifs, le métal ne brille pas du même éclat pour les "sportifs valides et invalides". Il me signale qu'il existe un problème de performances, de nombre de pratiquants, de représentativité, de couverture médiatique
Au niveau international il est devenu vice - président entre 1989 et 1993 puis président entre 1993 et 1997 ainsi que membre exécutif depuis 1997 de l'International Stoke Mandeville Wheelchair Sport Federation (I.S.M.W.S.F.). Son activité de cadre se déploie comme "Technical Officer" entre 1989 et 1992, comme "Technical Officer" (c'est lui qui cite) aux Jeux Paralympiques de Barcelone en 1992 de l'International Wheelchair Tennis Federation (I.W.T.F.) et enfin pour clore les engagements de notre interlocuteur, il est actuellement directeur des Internationaux de France de Tennis Handisport depuis 1985. Il fut président du comité dorganisation de la 16e Coupe du Monde de Tennis Handisport en 2000. Que dire de son engagement plus que conséquent dont je mesure l'ampleur proportionnellement à la difficulté que nous avons eu à nous fixer des rendez-vous de travail. En effet, j'ai souvent du courir après un "globe trotter" en fauteuil !
Cela change
Trèèèèèèèèèèèèèès" lentement !
Une longue conversation par lettre électronique sur son parcours sportif, sur ses attentes et remarques a donc commencé à partir du 24 septembre 2003. Etant donné ses déplacements nombreux et variés, c'est lui qui donna le rythme à nos échanges. Une rythmicité, des temporalités de vie dont on aurait bien à apprendre de la situation de handicap. Il me signale article de pré-entertiens à l'appui que les choses progressent certes ! Mais "trèèèèèèèèèèèèèès" lentement (belle allitération en é !). Depuis 1979, une date de référence pour moi, il faut être honnête dans certains domaines de la vie quotidienne, c'est quelquefois plus facile. Mais combien encore de stupidités, de retour en arrière, de malaises, d'incompréhension par manque souvent d'une bonne communication, de lucidité et de manque d'éducation, ou d'égoïsme tout simplement. Et comme je crains que tout cela ne soit avant une question de culture, nous travaillons tous à l'échelle d'une ou deux générations ! Je crains de devenir très vieux (si j'y arrive) avant de voir les choses réellement évoluer. Voici donc un florilège de nos conversations pour restituer le cadre de nos réflexions dont la teneur est loin d'être épuisée.
Le 27 septembre 2003 fut la date de notre première rencontre. Nous avons effectué un long entretien au tennis club de Saran dans le Loiret juste avant les finales de ce tournoi de bonne facture. Jean-Paul venait de Paris pour y jouer contre un des meilleurs français en tennis handisport. Il me signale que grâce au projet de technologie, on a commencé à avoir des gens tétraplégiques qui jouaient, alors quau début, on ne pensait même pas que ça soit imaginable. Parce que on a commencé tous avec des fauteuils de 20 à 25 kg et après, ils ont été un peu mieux etc
bon enfin. Puis on a commencé à avoir des concepts de fauteuil qui étaient beaucoup plus légers et on a commencé à avoir des joueurs tétraplégiques qui jouaient [régulièrement en fauteuil électrique]. Et en plus, des joueurs en fauteuil électrique en France, on en a pas.(comme par exemple aux U.S.A)
Le 17 octobre 2003 j'obtiens des réponses au 2e questionnaire sur les documents centrés sur le "cur", euthanasie, courage, pitié, amitié. Sur l'article un, plein de choses à dire, m'écrit-il.
Je me demande si cest larticle qui est volontairement provocateur, exhibitionniste ou si cest la description exacte des sentiments de cette personne, je pencherai pour un peu des deux. Je pense que lon en fait un peu de trop dans cet article Il y a un problème qui me gène par rapport à cette personne car sa volonté de mourir nest pas temps parce quelle souffre que parce quelle ne saccepte pas et refuse (elle le reconnaît dailleurs) son handicap. Pour les mères aveugles je ne connais pas ces problèmes.
Il est vrai que mon présupposé était de savoir si la connaissance de son handicap pouvait aider à une meilleure lecture des autres types de situations de handicap. La réponse est loin d'être évidente et elle mérite à elle seule une recherche.
Par Internet, le dimanche le 21 mars 2004, je reçois les réflexions du troisième dossier sur le "cri ", de révolte, de rage, d'indignation. Il signale à mon intention que sur cet article (le premier du dossier trois) un peu laborieux, peut être parce que sorti de son contexte, je ne retiens quune chose "Nous voulons notre place et non une place que lon nous désigne", cest tellement vrai ! A bat les quotas, à bat les emplacements spécifiques hors norme et les places que lon nous assigne alors quelle ne nous plaisent pas mais
pour raison de sécurité !! On "thandicape" en plus de ta liberté de choix et de mouvements.
Notre interlocuteur utilise souvent ces signes (!!, ??, !!??) associés par deux ou ensemble par quatre pour marquer son grand étonnement ou sa grande surprise et enfin les deux à la fois. C'est contre la typographie usuelle mais nous l'avons laissée dans les entretiens "in extenso" sur le cd-rom.
Le lundi 10 mai 2004, je me rends à Paris dans le 20e arrondissement pour le deuxième entretien avec Jean-Paul à la fédération française handisport, la F.F.H. Je lui disais, merci de maccueillir ici dans les lieux de ton travail. Je lui posais quelques petites questions pour compléter la très intéressante lettre qu'il m'a faite sur les cinq articles. Le premier, cétait celui de Gérard Zribi qui répond à Pascal Gobry sur le fait de revendiquer que "Tout est pourri " dans le monde du handicap". Cest sur le fond de larticle que jaurais voulu quelques éclaircissements sur lanalyse qu'il en faisait à partir de son voyage à San Francisco aux Etats-Unis. Les comparaisons qu'il se faisait sur la différence des handicaps entre nos deux nations, nos deux cultures.
Donc moi la perception que jen ai, elle vient de mon expérience personnelle, bon jai pas eu lopportunité
de rencontrer dautres personnes handicapés là-bas dans le milieu sportif, mais déjà, en tout cas, par rapport à mon expérience en tant quindividu, pour me rendre à divers endroits, moi il y a déjà un confort que jai découvert, cest que partout ou on allait, il y avait pas à se poser des questions pour savoir si ça allait être accessible [ou pas], si on allait pouvoir aller aux toilettes (l'analyseur "toilette" revient, c'est nous qui ajoutons ! ), si on allait pas se faire refuser laccès à certains endroits par mesure de sécurité entre autre, ou en réalité parce que ça fait pas beau dans létablissement. Cest vrai que cest un confort, une quiétude
Sinon, cest un stress permanent de savoir ce quon allait faire ou pas. La grande expérience touristique, type parc dattraction, cest extraordinaire. Pas de problèmes pour se garer, il y a une file différente, cest très bien, cest pratique, on nattend pas. Cest même trop protégé, surprotégé, même plus besoin de faire la queue.
Cinq mois après le mercredi 1er septembre 2004, il reprend contact en m'écrivant : "Salut Michaël", voici tardivement je le crains mes commentaires suite à ton dernier envoi, parvenu hélas à une période difficile pour moi. Je profite donc d'un moment de répit avant de partir pour Athènes pour t'expédier la fiche jointe en espérant que cela pourra t'être utile. A très bientôt j'espère Bien amicalement Jean-Paul.
Sur l'article, Le petit théâtre dErnest ! Je ne suis pas très sensible à ce genre daction ! Pour le théâtre encore cela me paraît évident, rien que par le thème de certaines pièces où films ou un ou plusieurs handicapés sont partie intégrante du scénario et aussi puisque certaines personnes peuvent avoir cette passion du théâtre ... Que cela soit "ouvert à tous les handicap" en revanche me fait sourire, il ne faut pas rêver, ou alors certains "gros handicaps" ne seront intégrés que dans des pièces marginales où seule la famille assistera ! Pour la danse, alors là, la plupart du temps cest nimporte quoi et de surcroît, je trouve cela souvent très niais, mais cest mon avis et je le partage !
Il faut qu'on l'invite au spectacle de la troupe messine car il ne l'a pas vu assurément. Pour un sportif hyper performant, l'émotion, le plaisir, voire l'esthétique des autres formes d'activités corporelles nécessite un apprentissage.
Le vendredi, 01 Octobre 2004, il m'écrivait pour notre dernier contact officiel avant que je ne rentre dans l'écriture de la recherche, Salut Michaël, merci pour ton email. Je n'étais pas à Saran car nous sommes revenus des Jeux Paralympiques seulement mercredi soir ! Notre bilan tennis est très satisfaisant : 1 médaille d'argent en doubles messieurs, 1 de bronze en simples messieurs et 1 place de demi finale en simple dame. Content que tu puisses enfin achever ton enquête, je reste à ta disposition si tu as besoin dans la mesure des mes disponibilités qui sont assez réduites en ce moment car j'ai beaucoup de déplacements !!
Pour le reste tout va bien. A bientôt. Bien amicalement. Jean-Paul.
Il rajoute à la fin de sa missive électronique son titre de directeur technique fédéral de tennis Handisport car pour la suite de ce travail, il accepte comme la quasi totalité des témoins de rester, mon interlocuteur, mes interlocuteurs pour la consolidation du projet autour d'études microsociologiques des situations de handicap au quotidien.
La paraplégie et le sport
L'histoire de notre rencontre avec Jean-paul me fait penser à ce qu'écrivait F. Courtine (1999, p. 224.), il notait que : "Dans le contexte sportif, les activités physiques et sportives non plus pour les personnes handicapées mais des personnes handicapées vont aujourd'hui bien au-delà d'un mode d'adaptation ou d'intégration à la conformité du moment. Elles en contestent l'essence même et contribuent à cette entreprise naissante de déstructuration du handicap tel qu'il a été créé par le mouvement de la réadaptation, au profit d'une culture et d'une autonomie des différences."
Jean-paul parle peu de son accident sauf à travers d'autres pour mieux mettre à distance son handicap et le cortège de difficultés qui l'entoure. C'est notre collègue chargé de projet à l'université et basketteur de haut niveau en fauteuil lui qui me raconta le soir dans un hôtel à la fin de notre colloque l'histoire proprement ahurissante pour avoir ces enfants. Voici ce qu'il me disait à partir des réflexions sur un joueur tétraplégique qu'il observait avec un ami aux U.S.A.
Je me rappelle que javais un copain qui était à lécole et il dit : "P...! Si j'étais comme lui, je me suiciderais !". Je lui dis : «tu es bête, fais-toi plaisir à jouer !». Et cest ça lessentiel. Alors cest vrai, il nest pas comme nous. Ils ont un jeu qui est plus lent, ils ont une tactique qui est un peu différente, une mobilité différente. Cest une évidence. Mais ils font un match, ils séclatent. Cest ça qui est chouette. Et javais fait un petit montage, moi-même. Je l'avais pris en vidéo de façon à le montrer après en France, le niveau du handicap. Et il y en avait un autre qui jouait en fauteuil manuel. Cétait un gars qui, visiblement, était un "tétra", un vrai tétraplégique, suite à un accident. Ca se voit tout de suite. Et, et le gars, il avait un harnachement complet. Cétait monstrueux. Il était donc, il était dans un fauteuil, maintenu assez haut avec, en plus, une espèce de soutien qui le maintenait dun côté. Il avait la raquette dans une coque en [dure]. On voyait dailleurs, il prenait sa clé avant. Il resserrait comme ça. Je lai vu quune seule fois jouer, ce gars, et je ne lai jamais revu nul part. Est-ce quil a continué à jouer, je ne sais pas. Et je me suis fait la réflexion parce que le gars, en plus, il avait des attitudes. Je pense quil avait dû jouer avant et on voyait quil utilisait son fauteuil comme un [truc]. Nous, on joue beaucoup à ce quon appelle coup droit en rotation, pour donner un coup de poing dans la balle. Et puis ça facilite le replacement. Et bon là, cest pas le même mode de replacement en fauteuil électrique, parce qu'ils ont une marche arrière pour se dégager. Cest un petit peu différent, mais néanmoins, on voyait que ce nétait pas le fait du hasard. Je lai vu faire plusieurs fois, il utilisait son fauteuil électrique de manière à ce quil y ait une légère rotation du fauteuil synchronisé avec la frappe. Ca devait être un peu difficile, ça devait être coton à réaliser !
Jean-Paul qui est né dans les années cinquante est admiratif devant la personne américaine lourdement handicapé qui pratique malgré tout avec les fauteuils électrique objet assez récent. Sa paraplégie, qui fut acquise à la suite dun accident de la circulation qui le handicap depuis 1978, lui semble légère à côté de son pair sportif d'outre atlantique. Les paroles aussi sont porteuses de souffrance. A la question du vocabulaire dépréciatif autour de la personne handicapée, Jean-Paul me disait à ce sujet que c'est vrai qu'il y a des mots qui... J'ai [réagi] il n'y a pas longtemps, au niveau de la déclaration des sports, dans le guide sur les activités sportives. On faisait une petite description des handicaps qui pouvait accéder à telle ou telle discipline. Je n'ai jamais marqué, mal-voyant ou paraplégique ou quelque chose comme ça. C'est toujours la personne. Parce que on est une personne !
La situation de handicap, les gens ne sen rendent pas compte en fait, mais ce nest pas de leur faute, cest comme ça. Donc cest une question de culture. Cela veut dire qu'il faudrait quils soient baignés sans arrêt dans une connaissance des choses qui font que
Hé, bien qu'une personne handicapée nest pas contagieuse et que cela peut arriver à cette personne rien qu'en traversant la rue. Hélas, tristement, régulièrement [surviennent] des accidents avec des chauffards qui renversent des gens dans des abris bus ou sur les passages cloutés. On ne dit pas ce quils deviennent ces gens, quand ils sont morts hélas cest triste mais il y en a qui restent handicapés et cela on ne sait pas à quel degré ? Maintenant ils sont en fauteuil roulant ils ne pouvaient pas simaginer qu'une heure avant ils allaient se retrouver dans la même situation après un accident de voiture banal, hélas ou un accident de travail. Et cette personne là, elle réalise quaprès coup. Eh bien oui,
Avant quand j'étais debout
Voilà les handicapés, bien oui
et pour tout cest comme ça. Hélas, il y a deux manières de faire : soit on éduque, soit on sanctionne.
Après l'accident toujours dramatique pour le psychisme deux formes de douleurs, de souffrances physiques sont décrites classiquement, elles sont liées aux les problèmes urinaires puis souvent à ceux liés aux escarres. Que se passe-t-il, alors, lors d'un traumatisme médullaire ? Les données suivantes pour éclairer le lecteur sont tirées de lectures croisées issues de sites médicaux, de sites associatifs et enfin des portails accessibles des facultés de médicine francophones. En voici quelques extrait pour compléter ce que ne nous dit pas notre interlocuteur : "La moelle épinière est, comme le cerveau, protégée par une enveloppe osseuse et peut être comparée à un centre de transmission : la moelle reçoit les informations du cerveau au moyen de câbles de transmission, les axones des neurones cérébraux. Elle les intègre aux informations reçues localement du reste de l'organisme et envoie des commandes au muscle. En retour, la moelle envoie au cerveau l'ensemble des informations sensibles, le toucher, la douleur, le chaud et le froid. Mais, lors d'un choc violent tel qu'il s'en produit lors d'un accident de la voie publique, les vertèbres peuvent se déplacer et provoquer un écrasement ou pire, un cisaillement de la moelle. Le cerveau a alors beau envoyer ses messages, les muscles ne les reçoivent plus. C'est la paralysie, dont l'étendue varie en fonction du niveau de la lésion. Une lésion basse entraîne une paraplégie (paralysie des membres inférieurs). Plus haute, il s'agit alors d'une tétraplégie (paralysie des quatre membres). Dans beaucoup de cas, les fonctions urinaires, sphinctériennes et sexuelles peuvent être lésées".
Jean-paul lors d'entretiens téléphoniques pour qu'il me précise certains passages ou pour prendre de ces nouvelles sur les plans professionnels ou amicaux me parle de sa déficience qui, dieu merci, me lui donne plus de souci en ce moment tout en m'avouant que certaines fois ce fut être plus délicat.
Etre verticalement heurté !
Notre ami nous donne un certain nombre d'indicateur sur le vocabulaire, l'accessibilité, l'anthropologie du handicap et les objets liés au situations de handicap ainsi qu'aux sports en passant par les activités physiques (sportives, adaptées, etc). Par exemple qu'est ce qu'alors un être verticalement heurté ? Les personnes ne savent pas ce que c'est. Si les gens savaient ce que c'est, après, parce qu'ils n'osent pas dire nain. Ca fait moche un nain ou un handicapé. Alors, on va parler plutôt de non voyant, on va parler, comment dire, on ne va pas dire des aveugles. Voilà, on va dire non voyant. Bon on va parler des personnes [invalides], ce qui fait toujours sourire, c'est des expressions comme "stations debout pénibles", sur les cartes d'invalidité. Ca c'est sûr que j'ai une carte "station débout pénible !". C'est clair, c'est pénible, mais tout est comme ça parce que l'on n'ose pas dire les mots. Bien oui, on est handicapé. C'est comme ça, je veux le dire, alors bon, il y a des mots pour décrire simplement cela. Alors, n'en ayons point peur devrais-je ajouter à la suite de notre ami. Il ne disait toute la liberté, que constitue pour les personnes en situation de handicap physique, l'accessibilité aux toilettes.
Les toilettes, par exemple, sont un excellent indicateur pour baliser la situation de handicap. Cest extraordinaire. Tout le monde en a besoin et cest un stress incroyable en France et en Europe pour savoir où sont les endroits pour aller "uriner". Alors on fait quoi, nos besoins entre deux bagnoles ? Cest terrible. On est très gêné de se retrouver dans certaines situations car cela marque le manque dintimité, on se retrouve avec des toilettes publiques en France, ou on mixe hommes et femmes, tous confondus et ou les gens vous regardent "salement", presque en malpropre, ils ne comprennent pas.
Et je ne te parle pas des Infirmes Moteurs Cérébraux (I.M.C) que l'on ne comprend encore moins ! Pour les I.M.C cest une catastrophe, parce quils ont un comportement physique très difficile et même pour nous en tant quhandicapés, on a des fois un peu de mal à parler à des I.M.C parce quon ne les comprends pas et cest un peu gênant. Cest difficile [à vivre] et ce n'est pas facile à communiquer avec eux; il faut avoir une bonne connaissance du phénomène pour pouvoir ne pas mettre une barrière pour être attentif
Je me souviens à lépoque on avait pas de fauteuils de tennis hyper perfectionnés. On avait donc mais des fauteuils normaux pour le sport ou on pouvait laisser une balle dans les rayons et une fois jai laissé une balle dans les rayons et puis pareil au super marché, un petit garçon mavait vu pour la première fois ce qu'il dit cest : "regarde la balle" et donc jai pris la balle et je lui ai donné. Et tout d'un coup lapproche était différente parce quil y avait quelque chose qui attirait lil, qui devenait un sujet commun de conversation en quelque sorte donc il y avait un échange possible. Mais bon, on ne peut pas toujours avoir des stratagèmes pour éviter de se retrouver dans des situations blessantes. Et maintenant, ces choses là, je ny fais plus attention, parce qu'il faut les banaliser, on ne peut pas reprendre [les gens] sans arrêt. Mais je me mets toujours dans la situation ou me souvenant quand jétais en fauteuil roulant, je me dis forcement une personne qui a cette même approche dès le départ, ça fait mal. Et quelquefois, il y a des personnes handicapées qui sont assez agressives, ce nest pas une solution mais comment faire
je ne sais pas , il n'y a pas de solutions on se sent un peu désarmé de linculture des gens mais ils agiraient de la même manière à l'encontre d'une personne de couleur éventuellement. Cest du racisme à létat pur. Que cela soit pour un fauteuil, que cela soit pour un noir, un maghrébin, ou quoi que se soit [d'autres], cest la même réaction : c'est la différence qui fait qu'on a peur.
Le petit quart dheure !
Peu de personnes en parlent, mais en interrogeant Jean-Paul sur les temps sociaux, deux remarques universelles me sont remontées à la mémoire ; l'une concernant sur le temps du futur qui pose une vraie question existentielle à l'entourage de la personne handicapée, l'autre concerne le temps de notre interlocuteur sur le petit quart d'heure de sa quotidienneté qui interroge notre temps à tous. A un niveau plus médical on peut dire comme nous le rappellent les médecins B. Perrouin-Verbe et F. Louis du C.H.U de Nantes en nous faisant une nosographie des complications pour les personnes paraplégiques vieillissantes que : "Le développement d'unités spécifiques de prise en charge, d'un suivi approprié font qu'aujourd'hui l'espérance de vie d'un blessé médullaire a considérablement augmenté. Toutefois, la condition du blessé médullaire n'est pas une situation stable. Le comportement fonctionnel de ces blessés est le résultat d'un équilibre ténu entre les problèmes physiques, psychosociaux et les conditions environnementales. Plus que tout autre, le blessé médullaire semble subir un vieillissement prématuré grâce à deux processus simultanés : les effets de l'âge en lui-même, l'influence de la durée post-traumatique sur les différentes déficiences présentées, phénomènes qui sont particulièrement intriqués".
Au niveau plus personnel et dans l'esprit, on gère comme tout le monde. C'est à dire, que rien n'empêche une personne handicapée d'avoir une vie professionnelle, d'être à l'heure et de respecter les délais. Mais néanmoins, très franchement, au quotidien, moi, j'ai un manque, par rapport à avant, de 13 minutes ! C'est un peu le hasard ces 13 minutes. Pourquoi pas 14 ? Mais quand je me suis retrouvé en fauteuil, au début, je me suis aperçu que j'étais systématiquement en retard, tout le temps. Mais ce n'était pas une volonté de ma part. C'est quelque chose que je n'aime pas. En plus, je ne le supporte pas. Je trouve cela incorrect, voilà le problème. Et puis, pourquoi suis-je en retard ? Et bien, toi par exemple quand tu vas quelque part, déjà tu veux démarrer [rapidement], tu montes dans ta voiture, tu démarres et hop ! Tu es parti. Moi, j'arrive, j'ouvre la porte, je fais plein de trucs, je mets mon fauteuil. (il parle de lui en disant tu ). Déjà, tu as perdu 2 à 3 minutes. Tu n'en sais rien, et puis quand tu vas arriver, tac !, Une petite place. Je me gare, impeccable. Tu as la place. Tu arrives
Mais je ne pourrais peut être pas sortir ? Il faut que je trouve un autre endroit et puis comme ça, ça fait tourner un moment. Je vais perdre 5 à 6 minutes, 10 minutes peut-être plus et puis après, il faut que je sorte le fauteuil, "zut" avec le trottoir, je ne peux pas monter, il faut que je fasse le tour. Et puis j'arrive à cette porte oui enfin, mais non, là, il y a 3 à 4 marches. "L'accès handicapé, Monsieur, il est tout au fond". En général, c'est dans les vides ordures. L'accès handicapé, c'est un peu lourd, un peu amer, mais c'est comme ça. Alors finalement, je vais avoir perdu mon "gros quart d'heure", tout simplement parce que justement les choses ne sont pas aménagées pour ta vie. C'est là où, en revanche, ou je reprends ce qui se fait aux Etats-Unis. Je sais qu'aux Etats-Unis, il y a une place pour handicapée. Je sais qu'elle sera libre parce qu'il n'y en aura pas qu'une seule. Il y en aura donc plusieurs et alors, si elle est prise, qu'il y aura une pour un autre handicapé. Mais bon, ça, c'est différent. Mais néanmoins, il y en aura une deuxième. Donc, j'arrive déjà plus tranquille. J'ai plus qu'à... le temps que je vais avoir en plus, c'est pour descendre mon fauteuil et aller à l'endroit où ça sera accessible. Donc, c'est vrai qu'en tous les cas, en France actuellement, si tu n'as pas ce petit quart d'heure de battement, tu ne t'en sors jamais. Mais c'est une image, en fait, mais souvent ça revient un petit peu à ça.
Oui, parce que les lois sur laccessibilité, les lois sur le travail par rapport à ces fameux quotas, sont toujours assorties dun échappatoire : si vous faites pas ceci bien vous aurez une amende. Puis finalement ils préfèrent payer une amende car cela leur reviendra moins cher que pour faire que les choses soient faites. Finalement c'est léchappatoire qui fait que les choses ne sont pas complètement réalisées. Et ce nest pas normal, un exemple les fameux radars qu'il a en ce moment, pour "un km au dessus", on paye, puis voilà on paye, comme pour les lois ça doit être fait, point. Sinon comment imaginer quon sen sorte. De même pour la situation de handicap, les gens ne sen rendent pas compte en fait, mais ce nest pas de leur faute, cest comme ça. Donc cest une question de culture. Cela veut dire qu'il faudrait quils soient baignés sans arrêt dans une connaissance des choses qui font que par exemple qu'il faut [bien expliquer] qu'une personne handicapée nest pas contagieuse et que cela peut arriver à cette même personne en traversant la rue. Hélas, tristement mais régulièrement on se retrouve avec des accidents [impliquant] des chauffards qui renversent des gens dans des abris bus ou sur les passages cloutés. On ne dit pas ce quils deviennent ces gens, quand ils sont morts hélas cest triste mais d'autres restent handicapés et cela on ne sait pas à quel degré de gravité ? Maintenant ils sont en fauteuil roulant ils ne pouvaient pas simaginer qu'une heure avant ils allaient se retrouver dans la même situation [que moi] après un accident de voiture banal, hélas ou un accident de travail. Et cette personne là, elle ne le réalise quaprès coup. Eh bien oui, avant quand j'étais debout, me voilà comme les handicapés, et bien oui
pour tout cest comme ça. Hélas, il y a deux manières : soit on éduque, soit on sanctionne. Mais je crains qu'éduquer seulement ça ne suffise pas en tout cas pour une mentalité latine. Je ne sais pas, peut être que les anglo-saxons ont peut-être une meilleure perception de ces choses là, qui sait, je ne me rends pas compte ; je ne suis pas anglo-saxon. Je dis ça comme ça. Bref toujours est-il qu'on ne peut quespérer que les choses soient mises en applications et respectées A partir de là, il y aura alors peut-être une perception différente de la personne handicapée en France en tout cas.
Le dernier point nous l'avons situé sur le fait dêtre des "quémandeurs perpétuels", n'y a t il pas quelque chose de lordre du traumatisme pour la personne, de toujours "pleurer", pour obtenir son bon droit. Toi, Jean-Paul me dis-tu autre chose ?
Oui, en fait cest un peu au delà de la sollicitation daides quelconques ou autres. Mais cest tout de même sur la vie quotidienne, aller dans un cinéma multiplexe par exemple où il y a 6 salles où 2 sont accessibles et les quatre autres pas : je voulais aller voir ce film là, "Eh bien non monsieur, cette salle nest pas accessible !" mais en revanche vous pouvez aller voir celui-là. Mais celui-là je lai déjà vu et ça ne mintéresse pas du tout. Donc il va falloir négocier dans lespoir davoir quelquun qui peut maider pour pouvoir aller dans la salle non prévue pour. Accepter d'aller dans la salle non accessible, cest quand même incroyable ça !
Cest quand même incroyable car on en est à ne plus pouvoir choisir le film quon veut voir, où quon peut voir et puis ça va être la même chose dans un restaurant car le serveur va faire un tas de "chichi"
pour rejoindre une table là-bas car on va déranger mais si on demande gentiment à la personne, elle ne refusera pas, sauf si c'et un crétin
cest pour tout comme ça. Se sont ces exemples pénibles qui jalonnent la vie quotidienne.
Il réagit à l'exemple d'une jeune dame I.M.C qui vivait en pyjama toute la journée car elle n'avait droit qu'à dix minutes de soin pour être coquette. Des soins donnés par des auxiliaires de vie qui sont souvent débordées car trop peu nombreuses et mal rémunérées.
Si cest dans le cas dun centre de rééducation, oui bien entendu mais cest quand même incroyable qu'on va obliger une personne à se coucher plus tôt que la normale tout cela pour que l'autre personne termine son service à cette heure là, parce que elle n'est pas habilitée ou que cette tache n'est pas dans son service, on perturbe complètement la vie de la personne. On loblige à négocier sa vie parce que peut-être les horaires de telle ou telle personne ne sont pas adaptés non pas pour le confort des personnes à charge mais pour leur confort personnel. C'est quand même incroyable ça. Sous prétexte quon se retrouve dans une situation de handicap, on se retrouve devoir négocier pour vivre, pour vivre comme on en a envie. Il faudrait quon soit tous fondus dans un même moule, parce que cest plus facile pour les autres. Donc on nous considère comme des bestiaux, un moment le "mouton" rentre à la bergerie, cest lheure, cest pas parce que les moutons ont envie de rentrer, cest parce que le berger il a envie de rentrer et de se coucher. Alors, bon ce qu'on peut imaginer pour des bêtes
alors pour des hommes
À l'école on le fait avec des gamins, pas avec des adultes.
Jean-Paul, sportif de haut niveau nous montre que le soin porté à la personne est fait de mille petites sollicitudes, du respect des procédures sociales en vigueur ainsi que du respect des lois fondamentales déjà édictées ou qui vont l'être dans les institutions.
Récit no 6 : À propos de Lyse : " Le sport comme thérapie !"
L'arc c'est ma passion !
La rencontre avec Lyse s'est faite à partir de nos recherches sur le handicap par lentremise de la guidance d'étudiants qui rencontrèrent des sportives de haut niveau pour mettre en place un protocole de recherche sur le rôle de la respiration dans un sport de précision, il s'agissait en l'occurrence du tir à l'arc. Notre étudiant rencontra une première athlète qui accepta de témoigner pour nous en plus de l'expérimentation sur le terrain. Puis, avec Lyse, nous nous contactions par téléphone pour fixer une première rencontre. Une deuxième dame, qui était aussi archère (une amie sportive atteinte d'une maladie rare, un syndrome indéterminé qui lui occasionne bien des déboires sociaux comme nous le verrons plus loin), accepta de même de faire partie de notre étude. Je me retrouvais donc en ce milieu d'année 2003 avec deux nouveaux témoins. Mais revenons à Lyse notre sportive passionnée par le tir à larc de compétition. Lyse est née dans les années cinquante à Lamotte-Beuvron dans le Loir et Cher, elle est une sportive accomplie. Côté sportif, dit-elle, j'ai fait du basket un an durant, du tennis de table et de la natation. Le tir aux armes je lai pratiqué durant 12 ans en particulier le tir à la carabine. J'ai été qualifiée au championnat de France en valide (valide cest elle qui précise !). Le soir même j'ai vendu ma carabine pour ne pas devenir comme eux car la mentalité cétait décraser celui qui était à côté.
Je pratique le tir à l'arc depuis 10 ans au niveau national en handisport et au niveau valide. J'en parlerai une autre fois car c'est ma passion et je ne peux pas en parler en deux lignes.
Elle en parle très peu, mais nourrisson, elle est rapidement atteinte par la poliomyélite aux des membres inférieurs. Elle n'avait que cinq mois c'était en 1954.
Faire un échange de connaissances !
A partir du 31 mars 2003 on échange sur des thématiques générales telles que : "moi et mon handicap ; moi parmi la société".Nos réflexions plus globalement portèrent aussi dans l'interconnaissance sur les notions de temps et de vocabulaire liés aux situations de handicap. Lyse fut une des rares personnes qui m'adressa un retour par lettres même quand elle dut réagir aux chiffres de l'article I.N.S.E.E/H.I.D sur une certaine sociologie du handicap en France. Merci de me prendre pour vos recherches je vais essayer de faire avec vous un échange de connaissances.
J'ai bien apprécié le thème valide/invalide ainsi que les questions sur le temps. On ne peut gérer le temps à notre guise. En ce qui concerne le couple "valide et invalide. On peut dire qu'une personne est valide ou invalide. Les gens regardent un invalide dès que le fauteuil ou les cannes sont présents, c'est visible de l'extérieur mais il y a des gens qui sont invalides mais aucun indice de l'extérieur ne le montre. Beaucoup de personnes invalides, si on veut leurs mettre une étiquette ont des difficultés par rapport aux autres mais je pense que le pire pour eux, c'est le regard des autres, c'est cette indifférence. Il y a beaucoup à faire pour réunir les deux approches. Ce que l'on entend le plus souvent d'un invalide c'est de penser que si une personne l'aide, c'est uniquement par pitié pour lui. Dans ce cas l'invalide [provoque] le rejet et le fossé entre ces deux personnes se creuse encore plus, et là, l'invalide se referme sur son sort ; mais il faut savoir qu'un invalide si on lui facilite plus les accès aux trottoirs, aux logements "rez de chaussé", aux écoles, aux loisirs, cinémas et aux écoles, aux magasins, il sera bien moins "invalide" que l'on pourrait croire ! Il existe une [vraie] rupture de l'égalité pour un invalide par rapport au valide. Elle veut partager les connaissances et semble ravie de le faire dans le milieu universitaire.
Le dialogue continue avec Lyse, comme avec tous les autres interlocuteurs, à partir de textes plus difficiles que toutes les personnes ont partagés. Nous convenons d'un rendez-vous chez elle le mardi 28 octobre 2003 à 17 h. Elle m'accueille dans son salon bardé de matériels orthopédiques pour faire connaissances et parler de sa situation durant plusieurs heures.
Elle réagit au handicap de ceux qui le sont de naissance et des autres personnes qui ont eu un accident de voiture par exemple. Bon, dit-elle, on va partir sur cette base là. Cet [homme ou cette femme], ne possède pas du tout les mêmes acquis, l'école n'a pas été du tout pareille. Au niveau de l'éducation, ça n'a pas été pareil. Il y a tout un ensemble au niveau de la mémoire de la personne. Elle se voit marchant, elle se voit dans les activités qu'elle faisait avant. Donc ça, elle le vit beaucoup plus mal que nous parce qu'elle a un regard en arrière. Elle ne comprend pas pourquoi elle, elle est handicapée, qu'elle se retrouve ainsi du jour au lendemain. Peut-être que c'est de sa faute, peut-être que ce nest pas de sa faute. Ca c'est à la personne de juger elle-même. Mais au niveau du handicap global, on y met trop facilement tout le monde dans ce handicap, ce nest pas vrai. Parce que les personnes qui sont handicapées de naissance, n'ont pas eu la même vie, ils ont été tout de suite en centre de rééducation, ont été séparés de leur famille. Il y aurait beaucoup à dire au niveau du financement de tout cela. Un enfant qui a toujours été en école spécialisée n'a pas eu les mêmes avantages qu'une personne qui a eu un accident de voiture à l'âge adulte et qui a pu déjà faire une partie de sa vie en tant que valide et se retrouver après en tant qu'accidenté. Ca rentre dans un cadre des handicaps pour tous les avantages qu'il y a après, mais ça ne peut pas être considéré de la même façon.
Le 16 août 2004, une lettre de Lyse me parvient par avion de la Martinique en réponse à mon questionnaire sur le corps (articles documents no 4) et la cognition (articles documents no 5).
Elle voulait me donner ses premières impressions, dans la quiétude de vacances bien méritées, sur mes articles sur les savoirs à construire dans les rencontres artistiques, sportives et scolaires voire universitaires.
A propos de la place du corps [dans] le petit théâtre d'Ernest pour les personnes valides et non valides, Je pense que cette activité se fera de plus en plus. Des pièces de théâtre peuvent être adaptées à des personnes handicapées, sachant que les contacts valides et non valides se réalisent de plus en plus. On montre des personnes physiquement handicapées dans des scènes, ce qui ne se faisait pas avant.
A propos de la place du corps handicapé dans le Triathlon, Dominique Benassi ne peut faire ce sport avec le même résultat qu'un valide. C'est la constatation au niveau de la fédération d'athlétisme il ne peut le faire qu'en handisport. Pour la reconnaissance d'athlète de haut niveau c'est un autre problème à voir avec la fédération et lui même.
A propos de la place dans l'esthétique du corps déformé, Allison Lapper Prégnant, artiste née sans jambes ni bras mais mère néanmoins, aura sa statut sur un socle à Trafalgar Square en face de l'amiral Nelson. Le débat pourrait être houleux dans une assemblée. Pour moi si elle a autant de mérite comme artiste et si le sculpteur a pris sa décision de faire de cette personne une effigie, alors pourquoi pas ! Ce n'est aucunement pour Lyse, une "en-torse au bon goût", comme le prône métaphoriquement le titre de l'article.
Dans cette missive elle me disait sur le corps pulsionnel, sur la sexualité des handicapés que pour elle c'est l'éducation des parents qui compte. La sexualité est le propre de chacun aussi bien dans sa tête que dans son corps. C'est à l'être humain de se contrôler, pour la libido c'est autre chose, il y a des psychologues pour en parler. Notre corps handicapé est il notre ami ou notre ennemi ? Une femme qui est très belle et qui ce fait faire de la chirurgie esthétique trouve que son corps lui déplait. Si on fait un complexe de son corps, trop gros ou trop petit pour se priver de se mettre en maillot de bain ou de bien s'habiller. [Voici ses solutions], on a bien le corps qui bouge avec l'âge mais si dans la tête on accepte ce changement, alors on trouvera que notre corps est toujours bien. Toute personne peut vivre, gros ou petit. Il ne faut pas se comparer avec les autres ; c'est là que ça ne va plus !
Pour finir sur l'école qui intègre les différents, on peut dire que les sourds et muets depuis le langage gestuel peuvent travailler comme les autres élèves. J'ai des personnes sourdes au travail, il n'y a pas assez de contacts avec eux. Il y a de plus en plus d'enfants scolarisés en école publique.
Je trouve que l'intégration de ces élèves apporte beaucoup de solidarité et d'amitié envers ces jeunes élèves qui seraient [sans cela] à l'écart des autres. Ils vivent beaucoup mieux leur handicap avec les valides, c'est très enrichissant pour les professeurs et il faut qu'il y en ait [en intégration] beaucoup plus.
Chez Lyse le mardi 7 septembre 04, on aborde ensemble le statut des athlètes de haut niveau, les compétitions mixtes qui sont développées dans la discipline olympique du tir à l'arc. Le poids des médailles, dont on avait parlé avec le tennisman de haut niveau et cadre technique, Jean-Paul, fut aussi explicité. Oui lathlète de haut niveau [handisport], mais je ne sais pas pourquoi il réagit comme cela ! Je nai pas très bien compris [cette soif de reconnaissance médiatique] parce que cest vrai que dans sa catégorie, il ne peut pas être considéré avec les scores comme il fait, il serait même le plus fort, il ne pourra jamais faire un score de valide, entendons nous bien ! Si il pourrait être même reconnu avec les valides mais si cest pour être dernier de la classe, je pense que ça ne lintéressera pas. Alors cest à lui de savoir ce quil veut, mais bon, dans notre cas à nous les archers, on sait quon peut faire pareil que les autres.
Pour nos derniers entretiens avec Lyse, les mardi 22 juin et lundi 26 juillet 2004, on décide de dialoguer par téléphone étant donné les contraintes des uns et des autres. Je prends le premier contact puis Elle me téléphone après mon message Internet pour faire le bilan final de la recherche, parler de la suite des événements, du réseau à construire localement ainsi que de la mise en place d'un protocole pour la mise en commun des ressources de tous. Elle me parle de son amie "Elyse" qui participe à notre enquête et aux recherches sur le tir à l'arc. Elle est très satisfaite du protocole de recherche qui lui a permis de conserver et améliorer son score et de faire une première place aux championnats de France ou elle se frotte aux valides. Le travail sur le quadrant respiratoire lui permet de réguler son rythme cardiaque, d'être plus stable sur toute la durée d'un concours. Elle est satisfaite et nous remercie, nous au titre de l'université et l'étudiant qui la suit dans son sport. Elle me donne rendez-vous fin juillet pour boucler nos entretiens communs. Elle me contacte donc en juillet par téléphone vers 18 h pour me dire qu'elle va partir en vacances et qu'elle trouve les derniers documents intéressants, qu'elle va y réfléchir pour préparer ce qu'elle va me dire. Elle trouve les articles sur le corps de l'artiste "handicapée" très bien, elle me parle rapidement de sa vision de l'esthétique et de ses réflexions sur le sujet. Elle me donne des nouvelles de son amie archère qui est "mal en point ". Elle a du s'expatrier dans le sud de la France, à Font Romeu dans les Pyrénées, pour retrouver son souffle et sa forme car sa maladie (mal décrite par la science médicale) reprend de dessus rapidement. Il faut lui agrandir les articles pour ses yeux qui s'affaiblissent eux aussi. Lyse s'inquiète pour elle.
Dans ses rêves, elle marche ! ²
J'ai attrapé la poliomyélite à 5 mois en 1954 aux des membres inférieurs. Je suis restée à l'école jusqu'en C.M.2 à Lamotte-Beuvron en faisant de la rééducation trois fois par semaine. Je me rendais à Orléans en taxi, c'était très fatigant. Pour moi, j'ai été à l'école primaire jusqu'à 12 ans et à la rentrée en sixième les professeurs ont dit à mes parents qu'il fallait que je rentre dans une école spécialisée pour le rythme de travail et la rééducation [est-ce la seule raison ?] car je partais trois fois par semaine à Orléans [distante de] trente kilomètres, deux heures de kiné plus le trajet, je partais à quinze heure de l'école et le soir j'étais "crevée" pour les devoirs. A 13 ans je suis partie à Berck, un centre héliomarin pour les gens qui avaient des problèmes de scoliose, cétait surtout pour des problèmes osseux.
Donc j'y suis resté durant un an et comme j'ai grandi de 10 cm en une semaine à cause de l'air iodé ! Jai donc grandi trop vite car il y avait beaucoup docéan, de calcium et tout cela, on se consolide plus vite là bas que partout ailleurs. Donc, je suis partie sur Paris en urgence. Et puis, jai fait toutes mes études à Paris. A l'école à Berck puis ensuite à Garches [deux centres historiques !], j'ai beaucoup profité sur tous les plans et cela a évité que je reste renfermée chez moi. J'ai pu mener une vie presque normale, sans trop me soucier de mes douleurs, de mes opérations. La vie aurait été plus difficile tout de même si mes parents m'avaient gardée chez eux.
Je suis partie à Garches dans le 92 à l'école nationale de perfectionnement (E.N.P) un centre à côté de l'Hôpital jusqu'à l'âge de 19 ans pour y acquérir un niveau C.A.P de comptabilité. Ce centre cest le premier qui a été créée en 56 pour y recevoir les cas grave pour la poliomyélite. Maintenant cest pour les accidentés de la route et tout ! Mais au départ, ce n'était ouvert que pour ça.
A 20 ans je suis rentrée à la poste comme standardiste en tant que travailleur handicapé classée par la C.O.T.O.R.E.P à 80 %. En 1977 je suis partie à la Source près de la ville d'Orléans aux chèques postaux et après un concours j'ai été titularisée et depuis je travaille à la Source.
Ils ont signés un protocole (un pacte écrit elle aussi !) avec le gouvernement qui stipule que toutes les personnes qui sont chez elles, qui ne pouvaient pas avoir de poste parce quil fallait les aménager, qui ne pouvait travailler que le matin. On ne pouvait donc pas les prendre. Ils ont créé ces aménagements là. Moi, je connais des gens qui sont rentrés dans ces conditions nouvelles. Ca faisait 5 ans quils ne travaillaient plus. Ils sont repris dans ce cadre là. Ou bien le cas de quelquun qui avait eu un accident, et bien voilà. Ils ont pris les leurs en fait. Cest des gens qui étaient à eux [les institutions concernées par les quotas de personnes handicapées], et qui navaient pas les moyens de faire les postes. Comme des financements se sont débloqués, ils ont dit : oui daccord, on les paye mais c'est vous qui financez [l'état je suppose]. Voilà, nous cest ce qui se dit. Et cest vrai puisque jen vois à mon travail qui ne travaillaient pas avant et qui ont des maladies et tout ça, et tant quils étaient malades, ils étaient chez eux. Et maintenant, ils ont la facilité de pouvoir travailler. Que cela soit le matin, ou laprès midi. Cest aménagé maintenant. Auparavant , ils auraient dit : non, non ! Vous restez chez vous, nous ici, on n'a pas de poste pour vous.
Il faut ajouter que Lyse m'a avoué qu'elle perdait de l'argent en travaillant si on est comptable de tous les frais que la situation de travail occasionne, mais à contrario elle m'affirme que "la valeur" travail est une source puissante de reconnaissance sociale, comme l'est la place qu'elle occupe dans la hiérarchie sportive, et qui lui permet d'oublier "son infirmité" au quotidien. Le sport est bon pour la santé mentale c'est un peu le message que Lyse voudrait faire passer malgré les petites ou plus grandes contraintes de la vie. A ce sujet, elle m'a raconté une très belle histoire sur le combat à mener, sur la lutte de tous les jours enfin sur le rêve. Le rêve que l'on fait pour l'avenir. Mais il n'y a pas de comparaison entre celui qui a depuis toujours un handicap et l'autre qui l'a acquis par la suite. Il ne pourra pas se comparer à ce qu'il faisait avant. Moi j'ai une histoire comme ça, une personne qui a eu une "polio" mais qui l'a contractée à l'âge de 6 ans. Et bien, dans ses rêves, elle marche ! Voilà, c'est à dire qu'elle n'a pas intégré son handicap. Non, elle ne l'a pas intégré son handicap. Et pour moi, personnellement, tous mes rêves sont toujours avec mon handicap et j'en sors toujours victorieuse. C'est à dire que mon handicap me rend encore plus forte dans mes rêves.
Quelle belle démonstration d'optimisme nous est donnée ici jusqu'au cur de la psyché humaine par rêves interposées. Des rêveries propres à chaque humain qui, quand il souffre, s'y réfugie pour se ressourcer. Pour répondre à Lyse je lui propose de lire ce qu'Alexandre Jollien (2002 Page 81 ) écrit sur le rêve dans son ouvrage Le métier d'homme: "Je me prends à rêver de milliers de ponts jetés entre les diverses marginalités. Je me souviens de cet ex-toxicomane qui aujourdhui soigne des enfants malades, je revois ses gestes amples et délicats, la profondeur de ses yeux qui reflètent la joie. Les univers sapprochent, les barrières peu à peu tombent, deux individus meurtris se découvrent semblables devant la différence. La différence exacerbe les réactions : pitié exécrable, curiosité malsaine, préjugés, craintes, tout achève de rendre le rapport à autrui aussi artificiel que douloureux. Jai même appris lexistence dune sorte de musée, quelque part en Italie, qui exposait jadis la gent boiteuse, défigurée et naine. Vraiment, lélan qui a, à priori, poussé vers lautre se décline de bien des façons ! Parfois, la méfiance le brise, surtout lorsque la convention ou la dissimulation pèse de leur réticence inerte. Au moment de la rencontre, mille peurs, mille intérêts entrent en jeu. Quelle peine pour rétablir lauthenticité, pour que tombent les masques ! Bien souvent, il sagit de casser la glace, dopposer, dimposer un démenti à la première impression".
Je viendrai vous voir !
Les difficultés médicales nées la déficience provoquent des douleurs puis une souffrance physique et psychique .Comment traverse-t-on ces traumatismes quand on est handicapé de naissances ou quand on le devient par infortune plus tard ? Est-ce que certaines personnes ont des avantages par rapport à d'autres à partir de ces infortunes ? C'est par ce questionnement que nous avons exploré les relations entre la douleur paroxystique, la fragilité psychique du au stress du handicap et les aides pour les minimiser aussi bien sur le plan social que moral.
Lyse me disait, que pour ceux qui ont, admettons, un accident grave de la vie, hé bien il existe des assurances qui couvrent une grande partie des pertes financières. Les gens peuvent aménager leur maison, avoir une aide ménagère, une tierce personne. Alors qu'une personne qui est handicapée depuis tout le temps n'aura pas du tout ces mêmes avantages. Ca ne sera pas reconnu. Ca fait partie du domaine, pour la sécurité sociale de la couverture à 100 %, mais pour les aides elles ne sont pas du tout apportées de la même façon.
Pour la souffrance, ah oui ! C'est [évident] ces traumatismes pour la personne qui se retrouve en fauteuil du jour au lendemain, qui ne sent plus ses jambes. Je pense quelle souffre beaucoup plus parce que dans sa tête, la vie qu'elle avait avant, et, ce qu'elle fait après, sont beaucoup plus pénibles à supporter. Parce qu'au niveau musculaire, ceux qui sont paraplégiques ne marchent plus du tout, ne se retrouvent plus debout. Au niveau urinaire ils ont beaucoup de problèmes. Ils ne l'ont pas vécu avant ça. Ils n'ont pas eu leur enfance comme ça. Donc leur cerveau ne réagit pas pareil que le nôtre. Oui. Vous voyez, quelqu'un en fauteuil roulant qui est handicapé depuis sa naissance, ne fera pas de différence avec la vie qu'il a actuellement. C'est ce qu'on m'a dit dans les réunions. C'est ce qu'on m'a dit aussi, je le confirme à Lyse. Son témoignage est confirmé par les scientifiques et des nombreux témoignages. La nouvelle loi du 11 février 2005 devrait le prendre en compte pour une égalité devant "les infortunes" de la vie.
Un épisode qu'elle me relatait sur les douleurs, outre les "petits bobos classiques des sportifs comme les tendinites, déchirures et autres blessures de compétition, concerna un accident extrêmement douloureux. En ce qui me concerne, me lança-t-elle pendant l'entretien, j'ai vu un psychiatre "comme ça". J'ai eu une sciatique paralysante des deux jambes. J'avais soulevé un colis de 60 kg. Cela m'a paralysée les deux jambes, donc je me suis retrouvée en fauteuil pendant 3 mois. Et, à la clinique de l'Archette, on m'a fait voir un psychiatre. Donc voilà, je lui dis bonjour et tout. Et bien, vous ne me croirez pas mais quand il est sorti, il m'a dit "hé bien, quand j'en aurai besoin, pour moi-même, je viendrai vous voir". Voilà, ça résume bien la situation. Le recours, le secours à l'analyse ou à la psychothérapie n'est pas plus utilisé dans les situations de handicap que dans d'autres domaines. Les résistances à ces approches thérapeutiques montrent qu'une éducation aux traumatismes ainsi qu'à leur écoute, doit encore faire son chemin dans les esprits de nombreux acteurs sociaux.
Me faire connaître autrement !
Pour le soin et les positivités sociales à amener aux autres, a partager, Lyse a répertorié les axes suivants qu'il faudrait développer. Elle parle de l'insertion des personnes handicapées, mais réellement par le travail, le sport et surtout l'école. Elle décrit aussi une l'allocation personnalisée à l'autonomie (A.P.A) pour les personnes âgées, une approche individualisée et non catégorielle avec une véritable une allocation compensatrice statistique de LI N S E E à l'appui. Elle retient des chiffres les 12 millions de la population divisés en 7 groupes, la disparité de sexe et d'âge, la reconnaissance sociale, les 144 666 aveugles partiels ou complets qui ont plus de 70 ans et les 370 000 personnes en fauteuils roulants et enfin les 24 % de personnes en situation de handicap au chômage.
L'étrangeté des situations entre le travail et le non travail est au cur de l'histoire de Lyse. La valeur travail est cardinale pour notre sportive dans la mesure ou elle fonde sa reconnaissance. L'histoire qui va suivre est significative du combat des personnes handicapées compétentes pour l'acquisition d'une place sociale légitime. Voici le récit que nous en faisons à partir d'un article, sur l'éviction d'un travailleur handicapé, paru dans la presse locale.
Merci pour cet article il m'a beaucoup appris cela confirme le besoin de se pencher sur le cas des travailleurs handicapés ou pas, on pourra développer à partir de cette expérience "la rage de vivre" et le fait de vouloir sauter les obstacles qui sont sur notre chemin tous les jours.
Je démarre mon récit du début. Je fais donc ma demande, jai mon emploi, jai du travail. Et mon receveur vient me dire : et bien justement Lyse, je suis désolé, il faut que tu passes par la C.O.T.O.R.E.P, et après je tembauche. Il me dit : Je te promets, je ne prends personne dautre avant que tu ne sois embauchée. Donc, comme de plus, il avait besoin dun pourcentage, je lui dis : oui, oui daccord ! Je minscris, tout ça, je vais à machin
je vais à la réunion de la C.O.T.O.R.E.P, je ne sais pas je crois que ça ne sappelle pas la C.O.T.O.R.E.P ! Plutôt la commission du travail à Blois, et puis voilà
. Donc je minscris, il y a des tests à faire le matin et puis il faut être reconnu comme handicapé. Et à 11h, il y a une personne, la secrétaire, qui reçoit un coup de fil, alors elle dit : ah, non, je nai pas de place aujourdhui, non cest plein. Et elle réfléchit, et elle finit par dire : si, il na quà venir dans 5 minutes, je vais me débrouiller.
Voilà, pour la première impression. Et puis elle vient me voir et me dit : et bien, vous ne pouvez pas être reconnu handicapée, parce que de toute façon
Je lui dit : et bien jai un emploi ? Alors elle me dit : non, non, il faut 4 ans pour que lon vous trouve du travail. Je lui dit : vous navez pas à me trouver du travail, jen ai ! Moi, je veux être reconnue, cest tout, alors je lui demande de voir le médecin. Elle me dit : ah, non, non, le médecin ne veut pas vous voir. Je lui dit : je suis venue pourquoi alors ? Elle me dit : non, on est désolé. Je rentre donc chez moi, je pleure et tout, je me dis que je ne pourrais plus jamais travailler. Jai un emploi, et on ne veut pas me reprendre. Tu vois la galère ! Ma mère prend un taxi, et memmène à Blois au ministère du travail
Elle arrive, je lui explique ce qui sétait passé le matin même. Je lui dis que la secrétaire na pas accepté que je rencontre le médecin. On me demande si jai un emploi, je lui réponds que oui. Ma mère dit : écoutez, je vous la laisse, si vous voulez me la ramener en brouette
! Moi je men vais ! Et bien le directeur nous a payé le taxi, car on avait pris le taxi à nos frais. 15 jours après, je passais devant le médecin pour la commission. Mais je nai pas revu la [fameuse] secrétaire !
Oui, et le médecin ma même dit que si tout le monde était handicapé comme mois, je naurais plus de travail ! Parce que cest vrai que vous êtes reconnu avec aucun problème pour le travail. Je nai dit pratiquement pas car il a vu que je marchais [difficilement tout de même car elle oscille entre béquilles et fauteuil manuel]. Mais voilà
cétait pour le déplacement, pour savoir sil fallait un poste adapté puis dans quelle catégorie me mettre. Savoir si cétait en A, B, ou en C. Si tu ne peux pas travailler, ou travailler avec un temps partiel, ou si tu peux travailler mais avec un poste aménagé. Moi cest ce que jai eu. Jai eu un poste aménagé. Voilà ! Donc jai eu le droit de travailler, puis quinze jours après, mon receveur me prenait, mais tout cela a tenu à un papier reçu, à la vigilance de ma mère. Sans ce regard sur le papier, je naurais peut être jamais retravaillé ! Pour matérialiser ce petit récit des galères quotidiennes, si souvent rapportés par la presse, elle m'envoie une lettre avec les mots suivants.
Je vous adresse aussi la photo du journal la Nouvelle République du Centre. J'ai été prise en photo au travail aux chèques postaux pendant la semaine du handicap de la ville d'Orléans. Cela a permis de me faire connaître autrement que dans les articles sportifs du tir à l'arc (elle souligne en gros caractères !).
Le nouveau Directeur a demandé à me rencontrer pour mieux me connaître. Voilà au moins qui aura permis de créer un contact avec mon supérieur. Pour Lyse, les besoins de chaque personne sont différents, les valeurs ainsi que les connaissances que nous font partager le monde du travail, de l'école, du sport sont cardinales pour la reconnaissance et l'identité sociale des personnes.
Récit no 7 et 7 bis : À propos de Richard et Paula : " Nés pour embêter les valides !
Voici de façon quelque peu provocatrice, la manière dont fut prononcée la dernière phrase de Richard lorsque nous nous sommes quittés courant mars après les journées portant sur "Cultures et corps différents". Oui, tu sais maintenant que je suis né pour "E
" les valides !
Son épouse qui faisait parti de nos hôtes ce jour là avait ri de bon cur connaissant le caractère très militant de son mari. C'est donc un couple, "Richard et Paula", que nous avons suivi dans différents lieux de Lorraine. Une longue période fut nécessaire pour avoir leur confiance puis pouvoir accéder à leurs paroles. En effet, comment faire avec l'un qui n'écrit pas et l'autre qui ne parle pas ? C'est par un intermédiaire que nous sommes passés pour le premier, le metteur en scène de la troupe de "danse/théâtre" dont nos deux amis faisaient partie. Je n'ai eu leur adhésion que bien plus tard après avoir fait mille kilomètres pour les voir "in situ".
Voici ce que je proposais au responsable artistique P. Guillaumet pour qu'il prépare ma venue et donne quelques explications à ceux et celles qui voulaient bien témoigner.
Je travaille sur une étude de sociologie avec l'aide des témoignages de la personne handicapée dans différents milieux sociaux, autour de situation de handicap au quotidien aussi je sollicite votre aide pour communiquer et dialoguer avec moi sur ce sujet. En effet c'est vos paroles, vos écrits et vos réflexions qui sont les sources de mon travail donc j'ai besoin de vous tous et toutes. Si vous désirez dialoguer avec moi j'en serai très heureux. Je sais aussi que vous êtes très pris(e) dans votre vie et que votre quotidien doit être difficile.
Voici ce que je propose à ceux qui veulent m'aider sur la quête de cette thèse : si vous êtes d'accord, nous allons donc dialoguer autour de nombreux thèmes qui sont issus darticles trouvés dans la presse «standard » autour du handicap et de la personne handicapée. Quatre thèmes donc qui sont : le corps (avec toutes ses dimensions), le cri (révolte, joie, etc.), la cognition (écoles, savoirs, etc.) et enfin le cur (émotion, pitié, etc.) qui nous tiendront en contact direct durant de longs mois.
Durant plusieurs mois, 6 voire plus, nous dialoguerons autour de ces thèmes sur des allers-retours épistolaires dans un premier temps puis directement jusqu'à épuiser tous les domaines qui vous intéressent.
Tous les moyens pour favoriser votre parole, vos écrits seront les bienvenus, ils seront à ma charge bien entendu. On pourra utiliser les courriers les lettres (l'épistolaire dans notre terminologie qui sera peu utilisé vu les différents handicaps), cassettes audio ou vidéos, mail Internet et visioconférences (restées au niveau du projet), car il me sera quelquefois difficile de vous rencontrer aussi souvent que je le souhaiterai, la distance, vos obligations et vos soins constituent des incontournables)
Le temps, "un temps plus long que les autres" mest nécessaire pour que nous puissions échanger de façon constructive et profonde donc dans une première période (sur feuille libre ci-jointe) de cet envoi je vous demanderai de vous présenter pour voir vous en êtes actuellement tant au niveau professionnel qu'au niveau personnel.
Deux personnes à mobilité réduite en fauteuils roulants électriques !
Notre couple Richard et Paula me répond le 02 mai 04 après m'avoir donné de multiples petits bouts d'informations. J'ai du rappeler le contrat et les premières réponses furent plus conséquentes. Ils me confirmèrent la difficulté de leur vie au quotidien.
Avec eux une longue période d'apprivoisement fut nécessaire. Il est vrai aussi que, depuis notre colloque, notre rencontre dans un cadre plus amical, la communication s'en est trouvée beaucoup améliorée. Ils se sont complétés alors pour me répondre par de nombreux canaux de communication liés au degré de leur infirmité motrice cérébrale. On peut dire que l'un est la tête, l'autre les jambes ; que l'un est la main qui écrit et l'autre la voix qui dit.
Je les laisserai s'exprimer dans ce récit l'un après l'autre ou l'un avec l'autre ou encore par l'un mais avec la présence de l'autre. Par exemple dans la présentation qui suit c'est Paula qui parle pour les deux. Voici ce qu'elle m'envoyait par Internet. Elle aime bien écrire avec ce média et elle a de ce fait ce qu'on appelle " une belle plume", une performance pour une dame avec une "I.M.C" athétosique et des troubles oculaires sévères.
Nous sommes deux personnes à mobilité réduite en fauteuils roulants électriques. Nous sommes infirmes moteurs cérébraux (I.M.C) de naissance. Nous nous sommes mariés, il y a quatre ans. Notre plus grande victoire : vivre en appartement seuls !
Nos deux plus grands bonheurs, m'écrivait-elle, furent le jour de notre mariage et le jour ou on a eu les clés de notre appartement actuel. Et il y a plein de petits bonheurs et de joies. Mais nos problèmes sont plus nombreux que nos bonheurs.
Je suis [personnellement] handicapée de naissance, jai 46 ans, en fauteuil roulant électrique, mais, je suis une femme à part entière, jai des envies, des ambitions, des problèmes comme tout le monde. Je me bats pour que la ville de Metz soit accessible aux handicapés
Pour le reste de notre présentation, ils m'invitent chez eux au lendemain d'une répétition où j'ai observée tous les témoins de la troupe dans une petite ville messine. Le Mardi 10 août 2004, je suis donc reçu chez Richard et Paula à Metz dans leur appartement flambant neuf dans la vieille ville de Metz.
Je rappelle les échéances pour la clôture de ma recherche mais on convient que le dialogue, lui, continuera bien au-delà de cet entretien, un peu comme le note Alexandre Luria avec le cas de "L'homme dont la mémoire volait en éclats". On parle de leur situation présente, des loisirs et du travail.
Ils m'apportèrent leurs connaissances de façon plus fin, plus directe autour de leur cadre de vie. Il me donne leur âge 32 pour Richard et 47 ans pour Paula et leur lieu de naissance dans des villes en Moselle. Des lieux que je connais bien.
On fait le point sur le document quatre et cinq et les cassettes audio ainsi que le mail pour que Richard, enfin, singularise sa parole. En effet Paula en mon absence sera le relais pour mon questionnaire. En riant, il lui signale qu'enfin il sera à "ses ordres". On termine ce débat par des promesses sur les futurs échanges et sur le protocole mis en place pour que Paula devienne "mon enquêteur" pour interroger son mari. Elle me dit qu'à partir de maintenant, il ne pourra plus avoir d'excuse puisque j'ai ton aval pour lui poser des questions.
Les temps forts de l'entretien furent débattus à quatre voix, le metteur en scène du théâtre m'ayant accompagné car son fils est I.M.C lui aussi. Il m'aidera donc à la traduction tant que j'aurai encore des difficultés à comprendre des paroles parfois peu audibles.
On parle des conflits de Richard avec les institutions voire certaines associations, en effet son combat pour palier aux situations de handicaps est tous azimuts. On parle aussi des questions que Paula n'a pas bien comprises : sur le corps ami ou ennemi, sur le temps qui diffère pour certains statuts sociaux, etc.
Je leur dis que leur combat est tout en leur honneur car il leur permet pour "rester debout"... Rires aux éclats de tous... Paula me dit debout ! Une dignité plutôt "assise"... Rires aux éclats.
On parle aussi des C.A.T qui "cachent", les institutions qui "effacent" les personnes handicapées comme le souligne déjà Alexandre Jollien, le philosophe suisse "accessoirement I.M.C".
On a fait la visite de leurs ordinateurs P.C et portables, un moyen de communication formidable pour les personnes infirmes motrices cérébrales les "I.M.C." ainsi que pour de nombreux autres handicaps.
On leur a dit à l'association locale A.P.F que le théâtre n'avait aucune utilité ! Richard me dit qu'on va se fâché si je parle encore de l'association des paralysés de France : l'A.P.F ! Il dit cela mi figue mi raisin mais les associations sont au cur de la nouvelle loi, au cur des expertises, au cur des conflits d'intérêts. Mais cette problématique mériterait à elle seule une vaste étude sociologique, la polémique que notre recherche localement à mise à jour excède le cadre de notre étude. La question reste ouverte.
On parle enfin de cinéma et des films qui ont retenu leur attention où la figure principale, le héros sont des personnages handicapés Les titres dont on a parlé étaient au nombre de trois, Freaks, Le huitième jour ainsi que Les enfants du silence ; les anormaux, la maladie mentale et la surdité
Pour m'excuser de ce long silence !
Le premier juin 2003 après un contact téléphonique puis une lettre d'explication à Patrice Guillaumet le metteur en scène de la troupe, nous convenons du jour de ma visite pour parler aux artistes, assister au montage du spectacle de danse ainsi pou me présenter au groupe. De longs moments se passent sans réponse, c'était à ce moment précis que je me posais des questions sur l'utilisation du " temps" par la personne handicapée.
Enfin le dimanche le 25 avril 2004 un "petit courrier électronique "(quelques lignes !) de Paula me parvient pour s'excuser du long silence alors que j'attendais une réponse pour engager les entretiens d'après leurs observations singulières. Je vous écris pour m'excuser de ce silence, me dit-elle, excuser moi encore, amitié, Paula.
Richard et Paula, notre couple, au début de mai, le 02 mai 04 exactement me fait parvenir une longue missive par Internet où apparaît "la substantifique moelle" de leur cogitation toutes directions. On peut scander ces réflexions par le terme de : "a propos de !" Voilà, ci après, quelques une des idées qu'ils vont développer.
A propos des tierces personnes ; en 12 ans de vie en appartement, le plus gros problème a été notre combat quotidien pour trouver une personne compétente pour soccuper de nous : ménage, cuisine, etc.
A propos des voitures ; les propriétaires de voitures ne respectent pas les personnes handicapées ni [d'ailleurs] les bébés en poussettes, ils se garent nimporte où, nimporte comment sur les trottoirs et autres places. Cest pour cela quon doit rouler sur la route.
A propos des trottoirs ; certains sont beaucoup trop hauts pour monter en fauteuils électriques, et même en fauteuils manuels et nous cassons des fourches de roues à cause de la hauteur des trottoirs.
A propos des appartements ; on a mis presque dix ans pour trouver un appartement adéquat mais ce nest pas la ville souhaitée. Cest la vraie galère dêtre une personne handicapée !
Je me suis rendu en Lorraine pour enregistrer les différents entretiens et ai rappelé le contexte de ma visite en ce mardi soir le 10 août 2004. En effet je suivais plusieurs artistes, en fait cinq.
Étant donné les difficultés des deux formes d'invalidités motrices cérébrales on a du trouver un moyen commode de restitution des paroles et des écrits. Il a fallu rapidement, pour palier aux problèmes oculaires de Paula, lui donné à lire des textes aux grandes polices ainsi que lui enregistrer des cassettes comme pour Richard d'ailleurs. Richard a réalisé un auto entretien par cassettes audio ou sous l'écoute de Paula qui prend en note quand bien entendu je ne serai pas là prêt d'eux pour le faire moi-même. Il a bien fallu qu'il admette son épouse comme mon intermédiaire pour réaliser ce travail quitte à les réinterroger plus tard, soit par email, soit directement.
Le 12 août 2004, juste après mon départ, les réponses de Paula me parviennent rapidement, réponses aux questions non élucidées lorsque nous étions leur hôte. Je vous envoie, m'écrit-elle, déjà le premier des nombreux documents que vous m'avez demandé. Amitié. Paula. Je signale juste l'anecdote suivante car elle indique bien "la féminité" qui sépare la femme réelle de la personne handicapée, terme plus neutre.
Pour m'acheter des habits, je vais dans les magasins "normaux". Je ne m'habille jamais avec des fringues pour « handicapés », je trouve que l'habillement adapté pour les personnes comme nous, ne nous met pas assez en valeur, si je devais porter des joggings et des pantalons tout le temps je suis sûre que mon mari ne serait pas trop d'accord, et je suis handicapé d'accord, mais pas dans ma tête. Une petite anecdote : dernièrement, j'ai mon mari qui était en stage de théâtre, je suis sortie pour me payer un coup à boire et je suis entrée à la maison avec 600 ¬ de fringues : une petite folie !
En septembre 2004, chez lui Richard réalise un auto entretien face à lui-même que l'on va reprendre avec quelques détails à expliciter. Les silences ...sont des moments de souffrance et de réflexion intense sur son passé. Cette cassette est un "beau cadeau" mais aussi un moment difficile car fatiguant physiquement et psychiquement. Nous nous sommes mis à quatre, sur plusieurs semaines, mots à mots, pour comprendre et nous habituer au timbre de sa voix.
A Orléans les 24, 25 et 26 mars 2005. J'ai organisé, comme chargé de projet sur le handicap à l'Université, les Journées sur le corps et la différence. La troupe fut invitée pour montrer sa production devant les étudiants ainsi que devant d'autres membres institutionnels. Richard et Paula sont venus en retour d'invitation chez nous. Ils m'ont fait un contre don par une analyse personnelle de l'accessibilité des chambres d'étudiants dans lesquelles ils logeaient ainsi qu'une liste des erreurs architecturale d'accessibilité sur notre propre logement. Ce jour là, j'ai observé la réaction de mes propres enfants qui furent au cur de la démarche ethnographique, face à cette situation de handicap.
Handicap ne veut pas dire maladie !
Pour moi, la vieillesse, nest pas un handicap, il faut arrêter les moqueries. Les personnes handicapés subissent leurs handicaps mais la dépression dont on parle dans les articles nen est pas un. Etre Handicapé ne veut pas dire être malade ! Elle souligne en grands caractères majuscules. On retrouve encore dans ce "cri écrit" toutes les ambiguïtés entre le "normal et le pathologique". Les analyses de G. Canguilhem (1966), sur ce sujet, nous invitent à penser qu'ici aussi la santé et la normalité sont aussi convoquées : que signifie être en bonne santé dans le cas de handicaps très lourds ? Être handicapé est ce être malade forcément ? Il peut paraître étrange, d'être en bonne santé et être en même temps atteint d'une infirmité grave, et dire : "d'une tétraplégie ou autres infirmités, ce n'est rien, je n'ai pas mal et suis parfaitement heureux !" comme le soulignent certaines paroles de premiers abords de mes "sujets d'études". (C'est moi qui souligne car à entendre les personnes, on passe à côté du sujet qui souffre).
Paula poursuit en parlant de sa "non maladie en situation de handicap qui galère" pour eux deux. Nous sommes deux personnes à mobilité réduite en fauteuils roulants électriques. Nous sommes I.M.C de naissance. Je suis handicapée de naissance, jai 46 ans, en fauteuil roulant électrique, mais, je suis une femme à part entière, jai des envies, des ambitions, des problèmes comme tout le monde. Je me bats pour que la ville de Metz soit accessible aux handicapés
Ces derniers mois nous n'étions pratiquement pas à la maison, en ce moment nous passons presque toutes nos journées chez les médecins pour mon dos. Taper sur l'ordinateur n'arrange pas les choses. Il parait que vous avez rouspété avec Patrice, mais ce n'est pas à lui qui faut s'y prendre mais a moi. Il y a des jours ou le physique et le moral ne sont pas très fiable. Alors si je n'ai pas été très courageuse en ce moment ne m'en voulait pas.
Elle termine par la formule qui en dit long sur les souffrances et frustrations du quotidien : "cest la vraie galère dêtre une personne handicapée !"
Rester tous les jours en pyjama !
C'est Paula qui de nouveau nous parle et Richard qui traduit. Elle raconte ainsi ces peines et émet des critiques virulentes à l'encontre de l'institution A.P.F de Moselle. Un cri de "rage théâtralisé" d'ailleurs nous parvient de Richard qui me dit ce jour là : "si tu veux qu'on soit ami, ne nous parle plus de cette institution là !" Paula nous relate à propos des institutions, des paroles terribles qui apparemment lui sont restés au fond de sa mémoire. Elle devait se rendre à l'hôpital il y a 10 ans de cela, elle attendait quand elle a surpris une voix qui disait de l'autre côté du mur : " Ils l'ont laissée vivre celle-là !"
Elle réagit ensuite sur l'article de "Mino" qui veut en finir avec la vie. Il y a deux problèmes dans le cri de Mino, leuthanasie et le suicide. Je ne suis daccord ni sur lun, ni sur lautre.
Mino possède le même handicap que moi, mais par rapport à Mino, je nai pas essayé de me suicider par contre je lai pensé et l'ai dit plusieurs fois. Mes parents, eux aussi, ont tout essayé pour me faire marcher. Quand jétais petite, ma mère avait honte de me sortir en fauteuil roulant dans la rue, tant que les gens étaient stupides envers mon handicap. Pour résumé, Mino na jamais aimé ou elle a peur de la vie.
Dans la vie plus ordinaire elle m'explique que pour les transports, il y a [certes] le G.I.H.P mais que cela coûte horriblement cher. Un aller-retour de 60 Km coûte 63 euros, le même en bus coûte 5 euros. Cela nest pas normal.
Pour trouver des tierces personnes respectueuses et de confiance c'est difficile. En 12 ans de vie en appartement, le plus gros problème et notre combat quotidien, c'est de trouver une personne compétente pour soccuper de nous pour le ménage, la cuisine
tout ce que l'on ne peut pas faire de nous-mêmes. Malheureusement ils sont tombés sur une indélicate qui a profité de leurs situations de handicap. (L'affaire A.M.A.P.A). Une "auxiliaire de vie", dont les parenthèses sont à noter quand elle m'écrit sur ce sujet quelques semaines après pour me préciser qu'il est impossible d'en trouver une qui veuille [bien] faire des toilettes surtout à Metz. Elles nous répondent que ce n'est pas assez rémunéré, ou [qu'elles n'ont] pas assez de temps, [en effet] une piqûre prend deux minutes et une toilette bien faite prend trois quarts d'heure à une heure où elles viennent, mais [quand] elles viennent [c'est à] à 11 h 30 et elles font une toilette en 10 minutes : (toucher, habillage etc. [tout compris !]). Il faudrait que l'on reste tous les jours en pyjama ou en jogging, pour une femme coquette qui aime se mettre en jupe de temps en temps, où se maquiller, elle ne le peut pas.
La coquetterie chez une femme handicapée c'est un luxe ; je me comprends, ce n'est pas le prix, mais quand on demande à son « auxiliaire de vie » ou une infirmière qu'elle t'habille un peu mieux en mettant une robe ou une jupe ainsi qu'un chemisier et des collants, ou pour me maquiller un peu plus ; [hé, bien] c'est la croix et la bannière ! Elles répondent en général qu'elles n'ont pas le temps. Mais, moi, maintenant, j'ai trouvé une auxiliaire de vie qui m'habille et me maquille comme je le souhaite !
Pour m'acheter des habits, je vais dans les magasins "normaux". Je ne m'habille jamais avec des fringues pour « handicapés », je trouve que l'habillement adapté pour les personnes comme nous, ne nous met pas assez en valeur, si je devais porter des joggings et des pantalons tout le temps je suis sûre que mon mari ne serait pas trop d'accord. Je suis handicapée d'accord, mais pas dans ma tête !
Des piqûres d'eau de mer !
Je vais laisser ici Richard seul nous parler de lui. Un beau moment. L'écriture de ces quelques pages ont nécessité de longs mois d'assemblage. On remarquera que le soin, la reconnaissance légitime qu'on ne lui a pas témoigné ni à l'école, ni dans le social, hé bien il est en train de les acquérir par son combat militant et par le théâtre où c'est révélé son grand talent au dire de nombreux pairs.
Bonjour, je suis né en 1971. Jai commencé à aller à Berck pour des piqûres d'eau de mer. (Pour lutter contre l'I.M.C !)
Puis on ma placé dans un institut d'éducation motrice (I.E.M) à lâge de 4 ans. Ma première école cétait rue Rochambeau, cétait une école pour éduquer les petits et je suis resté dans cette classe pendant au moins 5 ans. La première année on a appris tout à fait normalement. La deuxième année comme on a des nouveaux copains et copines on a dû refaire lannée précédente pour remettre à niveau les nouveaux arrivants. Et ça pendant 5 ans de suite. Pendant 5 ans au lieu de maméliorer ma scolarité, je nai rien appris. Jai eu un accident, jai été pendant 4/5 mois en arrêt à lhôpital et après en rééducation pendant 3 mois à la maison.
Puis à la rentrée scolaire jai été à Metz Queuleu. Là aussi, ce nétait pas une classe, cétait une classe atelier. Le matin on faisait de la classe et laprès-midi des ateliers. On travaillait par [groupe en ateliers.] Javais un peu appris à lire et à écrire difficilement. Mais comment rattraper le temps perdu de 4 ans à 10/11 ans. Jen avais marre. Jen ai parlé à mes parents. On ma pris dans un autre établissement, à Flavigny.
Là aussi cétait une galère, pff. Jai fait 5 années là dedans ! On ma dit : "votre niveau est trop faible" il vous faudrait une remise à niveau. Et là on ma dit : « vous avez un niveau de C.E.1.», du cours élémentaire 1e année ! Cétait vraiment lamentable, quoi, pour mon âge, javais 15ou 16 ans. Presque à la majorité. Je nai rien appris, et on ma convoqué chez le directeur. Ils appelait ça le
un endroit pour trouver un travail pour essayer de travailler. On ma mis dans un I.M.PRO ;
Là aussi, cétait difficile et jai piqué des crises de colère parce que au lieu davancer dans le travail, je me suis senti repartir à reculons, avant c'était lécole [cela allait] parce qu'après dans lI.M.PRO, là je faisais des pompons ! Ou de la marche à pieds ! Je navançais pas. Plus rien du tout. Là jai reparlé à mes parents. Là on ma remis à la classe atelier I.E.M de Metz Queuleu de l'association des paralysés de France (A.P.F). Là comme cétait un nouveau directeur, on pouvait travailler. Japprenais la mécanique, le travail du bois, de lélectronique, de linformatique, de la vidéo, bref, je touchais un peu à tout. Et cest là que jai découvert comment écrire en informatique. Et je peux me débrouiller à écrire et à lire. Je sais lire mais pas correctement. Et écrire, jécris comme je parle. Je fais des fautes dans les phrases. Mais mon vocabulaire il nest pas à la perfection. Et là comme je napprends rien et que je nai toujours rien appris de ma vie scolaire, j'ai un niveau archi nul, mais je suis vachement prévoyant. Je prévois mes arrivées. Et c'est là que je me suis trouvé un atelier théâtre pour me trouver une carapace parce qu'en dessous de cette carapace ce n'est pas beau à voir. Je rigole beaucoup, je blague beaucoup mais je mexprime en déconnant, en blaguant beaucoup parce que je naime pas beaucoup écrire, je me répète.
Je rajouterai, je croyais quaprès lécole on aurait un travail. Jai fait des stages. Jai fait 3 ou 4 stages en tout. Tous ces stages ont été à peu près positifs, à part un seul où dans le rapport de stage on m'a dit que j'étais immature. Mais là, je ne comprends pas pourquoi quon ma dit "immature", parce que comment voulez-vous, montrer de vous le meilleur dans un stage, en si peu de jours, en 15 jours. Comme on ne connaissait pas lendroit, on travaillait du matin au soir et le soir on était fatigué et il fallait aussi montrer notre ["débrouillardise"] et dans le stage là, ils voulaient voir comment le handicapé se débrouiller en ville, en appartement, partout. Cest pour cela quils me disaient que jétais immature. Ca cétait pendant lécole. Et pendant lécole on ma dit à 20 ans, à 20 ans donc on ma fait croire que jaurai une place en centre d'aide par le travail : dans un C.A.T. Moi je disais daccord. Mon avenir était tout tracé et tout. Mais manque de pot, à lâge de 20 ans, jai demandé de rester un an de plus à lécole parce que je ne voulais pas voir mon avenir à la maison à ne rien faire. Finalement je suis resté à la maison. Le 1er jour on regarde la télé, la 2ème semaine on regarde la télé, 1 mois, 2 mois, ça va. Mais le 3ème mois on semmerde à la maison. Surtout que je me "prenais la tête" avec ma mère.
Jai trouvé une activité. Jai pris mon ordinateur. Jai fait une pancarte. Dabord jai fait une pancarte : "cherche à rendre service aux gens comme bénévole ! ". Comme cela ne marchait pas, jai réfléchi sur une activité et jai bientôt trouvé. Jai fait une affiche en marquant : "débarrasse vos bouteilles vides gratuitement pour les emmener au container à verres". Et là ça a commencé à marcher. Jai fait ça un an ou deux ans. Puis jen avais un peu marre de la maison. Jai trouvé une copine. Ca faisait deux ans et au bout de deux ans ma copine ma dit : "tu laisses tes parents et tu viens chez moi". Jai dit cela à mes parents. Mes parents ne voulaient rien savoir. Ils ne voulaient pas que je fasse ma vie comme tout le monde. Jai fugué. Jai préparé ma fuite avec le kiné parce quil fallait dire que jallais trois fois au kiné dans la semaine. Ca me sauvait un peu parce que je voyais un peu de monde en dehors de chez moi. Jen ai discuté avec mon kiné et mon kiné disait : "si tu veux tu mets tes habits chez moi et quand tu en auras assez, tu me préviens et on fait les papiers pour transférer ton dossier chez un autre kiné ». Heureusement que le kiné était là parce je naurais pas été jusque là aujourdhui. De là, je suis allé chez ma copine avec le taxi. Le soir mes parents appelaient ma copine : "Est-ce que Richard est là ? ", "Non ! Il nest pas là ". Au bout de trois fois je leurs ai répondu et leurs ai dit : "Vous ne voulez pas écouter, cest pour ça que jai fugué. " On ma menacé pour me faire revenir à la maison. Je suis donc revenu à la maison, mais la situation se compliquait. Mon père ne voulait rien savoir et il ma bloqué à la maison. Jai (re) fugué pareil, comme la première fois et jai coupé les ponts avec mes parents pendant 3 à 4 mois. Et au bout de quatre mois, on a discuté, ils ont mis de leau dans leur vin et moi aussi. On a fait tous des compromis. Ca cest mon aventure de ma naissance à 24 ans !
Deuxième point. Si j'étais reconnu par la C.O.T.O.R.E.P, je pensais que celle-ci me classerait pour un travail dans un C.A.T, car me retrouver dans les foyers, je ne voulais pas en entendre parler. Je trouve lamentable que lorsqu'il y a des places en C.A.T, ils ne nous écrivent pas de suite pour nous prévenir nous les travailleurs handicapés. Comment voulez-vous être au courant pour avoir une place en C.A.T. Si cela se trouve à 21 ans ou 22 ans j'aurais pu travailler, on aurait pu me trouver une place en C.A.T, mais malheureusement je ne savais rien. Je ne savais pas quil y avait des places en C.A.T. Ca sest passé pendant plus de dix 10 ans. Maintenant que jattends une place en C.A.T, depuis plus de 10 ans, bien maintenant je ny crois plus et sincèrement ça ne me dit même plus rien d'y travailler. Parce quon gagne beaucoup plus en restant à la maison quen travaillant ! Parce quen travaillant on divise la paie par deux, quen restant les fesses à la maison et à trouver des activités, linformatique, les réunions de groupes de jeunes à faire des activités. Alors aujourdhui, si la C.O.T.O.R.E.P, la commission des travailleurs handicapés me dit qu'on a trouvé un poste pour moi. Je refuserai parce quil faudrait me remettre à niveau et tout ça.
Et aujourd'hui, jai une activité que jaime bien, le théâtre. Jai fait une pièce de théâtre cet été et l'histoire mon personnage cétait de me remettre [par lui interposé] à lécole
Jai revécu lécole sur scène et ce fut hyper dur. Parce qu'en répétition ça s'était très bien passé mais quand je l'ai dit devant tout le monde, sur scène, jai pleuré et cela cétait très émouvant pour moi.
Je vais vous parler [maintenant] de la vie quotidienne, de la vie accessible pour tous. Je suis révolté là aussi parce que je ne comprends pas que depuis le temps quil y a des handicapés sur terre je ne comprends pas pourquoi il y aussi peu daménagement. Les transports en commun. Je prends les transports en commun, les trains par exemple, sur une vingtaine de voitures il y a un emplacement handicapé. Donc on ne peut pas voyager à deux dans le même train. Par exemple ma femme et moi on ne pourrait pas voyager dans le même wagon et dans le même train parce quil y a une seule place dans le train sur 20 wagons. La loi dit ça. Je pense quil veut parler de règlement de la S.N.C.F. (n.d.l.r)
Mais on a tenté lexpérience, là je peux vous dire quon peut mettre deux fauteuil électriques sur la même place handicapée dans le wagon. Mais comme le règlement dit une place par train, la loi est donc mal faite au niveau des trains. Je parle maintenant des transports publics à Metz. A Metz on a les Rapides de Lorraines et les T.C.R.M. (transports en commun de la région messine). Là je voudrais les attaquer parce que là aussi pour les transports publics je me pose une question : cest quoi public pour eux ? Nous les handicapés dans ce cas là on est quoi ? Il faut se demander où est-ce quon nous met nous, les handicapés, dans le public ou à "la casse" ? Je me pose la question, moi je dis que les handicapés cest public, il faut se poser les vraies questions, sils parlent transports publics, ils doivent aménager leurs véhicules pour un fauteuil, pour une canne, pour un roller (il crée un beau néologisme en disant rollateur !), pour tout quoi. Sinon il faut changer le transport public, il faut dire transport valide et pas public, cest mon opinion. Cest comme les guichets, les caisses. Les guichets cest trop [caractéristique], il y en a très peu de ces guichets qui sont à notre niveau, à part à la poste, je ne vois que ça.
Passons aux fauteuils électriques. Moi je me demande si le fauteuil électrique, normalement est un véhicule de route. Je roule sur la route, on me klaxonne aux fesses et on me dit : "allez sur le trottoir ! ». Daccord sur le trottoir. Je vous donne le fauteuil, allez rouler sur le trottoir ! Sur les trottoirs où il y a [souvent] des travaux, où il n'existe pas de "trottoir bateau", où il y a des voitures qui se garent comme "des cons". Parce que pour moi cest des cons, il y a des tas dobstacles comme ça quon rencontre dans la ville. Je voudrais que les députés, le président Chirac, se mettent sur un fauteuil électrique et aillent faire un parcours "du combattant". Ils verront les difficultés. Pareil pour les réparations de fauteuil, les pannes d un fauteuil et tout ça. On dirait qu ils en profitent du handicap pour récolter de l argent. Là aussi avec notre petite pension, à peine 670 ¬ par mois, on va pas loin. Bref ils ne respectent pas la loi. La loi qui est écrite, quoi, pour le handicap. Encore beaucoup de travail reste à faire, comme dans les bâtiments et les services publics.
Je sais qu avec ce qu on gagne, s il faudrait payer la tierce personne, déjà que la tierce personne n est pas beaucoup payée, parce qu on n a pas les moyens de payer avec notre petite pension. On est limité sur les horaires, sur l heure. On a 3 heures par jour. En 3 heures au prix de 7,& , allez 8 ¬ , on ne va pas loin. Et on n arrive pas à tout faire en 3 heures, le ménage, le repas, la toilette pour ma femme, parce que ma femme on doit l habiller et la laver tous les jours, ça prend déjà une heure, une heure à 8 ¬ . Ce n est pas cher payé. Si l état nous donne les moyens, les outils pour travailler pas de problème, parce qu'ici quand même, il paraît qu'on a l A.M.A.P.A. (Association mosellane d'aide aux personnes âgées). L A.M.A.P.A, quand on leur dit de faire ça, il s en foute carrément et quand on le dit à leurs responsables [de cette l A.M.A.P.A], là encore on n est pas écouté. Tant quils en seront là mais pour recevoir l'argent à la fin du mois, là ils sont tous contents.
Une fois je ne voulais pas payer lA.M.A.P.A parce que déjà la dame elle téléphonait, mangeait en cachette, sans nous le demander et ce sur notre compte. Elle buvait et elle faisait tout sauf travailler. Et on a dit on ne paie pas lA.M.A.P.A. On ne la pas payée et au bout de trois mois on reçoit un huissier, on était obligé de payer, de payer pour rien, on a payé lA.M.A.P.A pour rien. Là aussi cétait encore, cest un monde barbare ça, je naime pas dire ce mot là. On nous prend pour des tiroirs caisses, on est là que pour payer tout le temps, payer, payer. Même pour les parents du [jeune] "handicapé", ça va de lenfance à 20 ans, ça va jusqu' à cette limite. Mais après quand le "handicapé" touche son allocation on doit la donner aux parents, ça aussi cest un peu dégueulasse. Et je connais beaucoup de gens qui sont handicapés et qui sont restés chez leur papa et leur maman. Le "handicapé" il ne voit même pas les sous, cest les parents qui se les font verser directement sur leur compte, comme ça lhandicapé il ne voit rien. Et je trouve ça hyper dégueulasse. Et y en a beaucoup [dans ce cas].
Pour conclure, les handicapés cest des gens comme tout le monde, ils comprennent beaucoup de choses, des fois ils sont même plus intelligents que les valides. Des fois je me pose la question, cest qui le handicapé, cest lhandicapé lui-même ou cest le valide. On se pose la question. Bref, moi je dis à tout le monde, on nest pas handicapé, mais par contre le reste du globe terrestre, lui, il l'est handicapé à par nous nous même !
Michaël, si tu as encore besoin de mes réponses à tes questions, nhésite pas de mécrire ou de me laisser un courrier Internet. Jespère que tu auras compris toute ma cassette. Désolé, je voudrais écrire sur papier mais jai peur que ça serait du petit chinois ! Pour moi je me comprends, mais pour toi jai peur que cela soit du chinois. Allez salut. Bonjour à ta petite famille. Salut.
A Orléans les 24, 25 et 26 mars 2005. Nous avons organisé, comme chargé de projet, les Journées sur le corps différents, pour une autre approche motrice. J'ai retrouvé Richard et Paula qui ont participé comme acteurs et comme utilisateur des chambres dites accessibles du parc universitaire. Richard et sa femme, chez moi, m'ont fait un retour sur la journée du spectacle, sur l'accueil et sur les précisions des entretiens ultérieurs.
Nous avons pris l'engagement de nous tenir au courant de toutes formes de collaboration possible comme pour la création d'un grand colloque sur Cultures et différences durant l'année 2006. Ils veulent demeurer au centre du réseau d'interconnaissances au sens du sociologue A. Schütz pour la suite des recherches ainsi que pour l'ouverture dans l'aventure et le partage des savoirs.
Récit no 8 : À propos d'Elyse : "Tout ce qui était héréditaire, ce fut pour moi !"
Je suis le numéro 5 !
Dans une petite présentation qu'elle m'a faite d'elle-même de façon libre et spontanée, elle me signalait sa position dans sa grande fratrie ainsi que la longue liste de ses problèmes depuis qu'elle est toute petite.
Je m'appelle Elyse, j'ai 40 ans. Je suis handicapée... on va dire que je suis reconnue travailleur handicapé depuis 15 ans. Mais je suis malade depuis l'enfance. J'ai quatre frères et une sur. Je suis l'avant dernière moi. Je suis le numéro 5 !
C'était un handicap [les maladies pulmonaires] qui était moins embêtant au début, j'étais asthmatique. Mais le problème, c'est qu'il y a 40 ans, pour faire des cures pour l'asthme, on faisait cela pendant la période scolaire. Ce qui m'a [pénalisée], quand on est gamin, quand on est en cours préparatoire (C.P), si on manque trois semaines, si on a fait de plus deux à trois bronchites avant, donc on manque en moyenne un mois et demi dans l'année scolaire, ça met l'année scolaire en l'air. Pour les bases scolaires c'est foutu quoi ! Et puis après, bien il y a le handicap physique qui c'est rajouté un petit peu là-dessus, n'est ce pas !
Donc maintenant j'ai un handicap respiratoire, je suis donc sous assistance respiratoire mais je suis aussi à la limite de ne pouvoir plus [voir] au niveau de ma vision. C'est ce qui me gêne le plus.
Oui, c'est ce qui me [fait souci]. Mon handicap physique me gênerait moins. On peut plus facilement s'adapter avec le fauteuil, les voitures aménagées et tout ça. Parce que la vue, pour moi c'est ce qui m'embêterait le plus quoi. Je sais que je risque de me retrouver non-voyante et ça, ça m'embêterait beaucoup...
Tout ceci est lié à une rubéole quand ma mère était enceinte de moi, elle a eu la rubéole. Ca c'est reporté sur les yeux. Donc j'étais très myope. Ca c'est toujours aggravé. Bon il y a deux sortes n'est ce pas. Soit ça s'arrête et ça stoppe à l'adolescence, soit ça évolue et puis après bien ça évolue quoi. Mais le problème qui se pose, maintenant, c'est que j'approche de la quarantaine, que je prends beaucoup de cortisone, donc la cortisone, c'est très mauvais pour les yeux, c'est pas compatible, et ça joue sur la cataracte, notamment. Quand on est très, très myope, les cataractes s'opèrent beaucoup moins bien. Le problème va se poser là à un moment donné. Donc moi j'aurai une cataracte précoce, la décision va se prendre de l'opérer ou pas. Sachant que j'ai plus que mon oeil gauche !
J'ai beaucoup d'arthrose aussi. Donc ça, c'est héréditaire. De toute façon, comme j'ai dit à ma mère : "tu en as fait 6, tout ce qui était héréditaire, c'est pour moi ! ". Mais bon, les médecins m'ont expliqué que du fait qu'elle avait eu la rubéole, j'étais très fragile, beaucoup plus fragile qu'un enfant normal qui n'avait pas eu de problème. Mais comme je leur ai dit "j'ai encore de la chance, je suis pas folle encore".
Elle continue sa présentation en parlant du monde du travail dont connaît toute l'importance pour les personnes handicapées. L'histoire d'ailleurs fait une place particulière aux revendications, aux combats de ces mêmes personnes pour l'accès au travail.
J'ai fait un reclassement professionnel en 1990. Oui, en 1990 - 1991. J'ai été obligé de l'interrompre parce que j'ai été très malade, j'ai fait des grosses bronchites. Donc, le reclassement professionnel avec l'A.F.P.A. (association nationale pour la formation professionnelle pour adultes), quand on manque de trop, comme ça c'est passé, au bout d'un moment on vous dit non, vous ne pouvez plus continuer, il faut recommencer. Donc en fin de compte, je n'ai eu mon diplôme, moi, qu'en 1993-1994. J'ai travaillé un petit peu à l'Université, au logement universitaire. Et après, c'est là que je me suis fait opérer et c'est là qu'il y a eu. On va couper là. J'ai travaillé au logement universitaire en contrat emploi solidarité (C.E.S) pendant, je ne sais plus, un an. Après je suis retombé malade. Là par contre, j'avais fait une attaque de paralysie. C'est pour ça qu'on s'est décidé à m'opérer.
Après toutes ces mésaventures, elle rencontre le sport et c'est une nouvelle passion qui commence. C'est par ce biais que nous nous rencontrons par l'entremise de Lyse (récit no 6) qui est son amie, sa confidente ainsi que sa partenaire dans la compétition de tir à l'arc.
Je préfère rencontrer les gens !
Nous prenons contact par téléphone courant 2003. Je lui explique ma démarche puis je lui fais parvenir les dossiers puis je prends un rendez-vous au début de l'année 2004
Elle ne veut pas écrire et préfère les entretiens directs même si cela dure deux heures pour rattraper le retard accumulé. En effet nous nous rencontrons seulement le 10 février 2004 à 14 h chez elle. Chez ces parents, dans leur cuisine pour une série très longue de questions-réponses portant sur les documents un, deux et trois. Elle porte un regard très lucide sur le handicap au quotidien. Elle fait partie "des battantes" dans la typologie sportive où elle excelle dans la pratique le tir à l'arc handisport à l'instar son ami lyse mais dans une catégorie différente.
Enfin on démarre l'entretien avec Elyse à Chaingy, chez elle, le mardi 10 février 2004 autour d'un petit café avec la présence des parents qui voulaient voir "le chercheur des S.T.A.P.S ! Rapidement elle leur demande de vaquer à leurs occupations ! Elle préfère que les trois entretiens se déroulent en même temps. Les supports de connaissances que devaient constituer les documents écrits n'ont pas été reçus à temps, des problèmes au centre de tri postal du Loiret en furent peut être la cause. J'ai du refaire le dossier complet et agrandir tous les documents car sa cataracte aggrave sa vision. Elle préfère de loin ce mode de fonctionnement par contact direct. Elle préfère rencontrer les gens et leur parler.
Sa mère me contacte inopinément, le 26 juillet 2004, pour me signaler son hospitalisation pour une consolidation respiratoire, pour reprendre des forces car son état général s'est rapidement dégradé durant l'été. Elle est partie dans un centre de cure des Pyrénées car son état devenait inquiétant. Elle est partie pour deux mois près de deux font Romeu à 800 Km de sa ville natale. Elle régresse au niveau de ses différentes pathologie ce qui est inquiétant. Elle retourne dans son fauteuil, un tremblement fait qu'elle ne contrôle que difficilement ses bras donc pour le tir à l'arc de compétition elle doit adapter un nouveau style, ce qu'elle a trouvé.
Elle est partie dans les Pyrénées en véhicule sanitaire léger pour y rester jusqu'au 12 septembre. Sa mère me donne toutes ses coordonnées, les horaires où elle est disponible ainsi que son téléphone personnel. Je lui téléphone donc quelques jours après. Elle me raconte que son état de santé s'est détérioré et qu'elle a dû faire un séjour à l'hôpital à Perpignan où cela ne s'est pas très bien passé. J'ai noté de la souffrance dans ses propos et une énorme fatigue. Nous convenons d'un rendez-vous pour parler de tout cela lorsqu'elle reviendra dans le Loiret.
Le mardi 28 septembre 2004 chez Elyse on dialogue sur le dernier document qui parlait du corps dans ses différentes dimensions. Je lui ai fait enregistrer le texte sur cassettes pour qu'elle ne se fatigue pas trop. Je nai pas eu de problème au niveau scolaire, je nétais pas encore handicapé. Mais je connais les problèmes, comme on voit de plus en plus de gens qui en parlent, on en voit de plus en plus à la télé, ce qui aide pas mal [à la compréhension]. Car si il ny avait pas lé télé, on ne verrait pas tout ça. Avec la télé, les gens aident plus facilement. Le problème c'est quils souffrent, quils ont besoin dune auxiliaire pour les aider, et ça on a de plus en plus de mal à en trouver. Cest un peu les parents qui se débrouillent pour cela. On a parlé aussi pour ce dernier contact des Jeux Paralympiques
Le chirurgien a touché la moelle épinière !
Donc en fin de compte, j'ai eu mon diplôme, moi, en 1993-1994. J'ai travaillé un petit peu à l'Université, au logement universitaire. Et après, c'est là que je me suis fait opérer et c'est là qu'il y a eu l'accident. On va couper là. J'ai travaillé au logement universitaire en contrat emploi solidarité (C.E.S) pendant, je ne sais plus, plus d'un an. Après je suis retombé malade. Là par contre, j'avais fait une attaque de paralysie. C'est pour ça qu'on a décidé de m'opérer. En même temps que l'engagement dans le travail qu'elle venait de trouver notre amie subissait une attaque de sciatique paralysante due à une hernie discale.
Il y a quelques années c'était en 1993 me raconta-t-elle, hé Bien, on s'est décidé à m'opérer. Donc il m'a opéré. Cela c'est bien passé à la première opération, très bien même, mais après neuf mois, il y a eu une récidive d'hernie discale et là, c'est là qu'il a fait la bêtise. Il m'a dit que non mais il a fait la bêtise.
J'avais remarqué lors de notre première rencontre des fauteuils et autre béquilles. J'avais remarqué aussi au niveau de ces jambes une motricité soit difficile à certains jours soit impossible à d'autres.
Et bien c'est à la suite à cette deuxième opération. Une hernie discale récidivante. Le chirurgien a touché la moelle épinière, sans la sectionner complètement. C'est pour ça que je peux encore un peu marcher. C'est quand même important pour moi, par rapport à ceux qui sont complètement paraplégique. Par exemple tu vas à des endroits où il n'y a pas de toilettes pour handicapés, je peux quand même y aller. Ceux qui sont complètement paraplégiques, hé bien, eux ils sont vraiment coincés.
Non, je ne faisais pas de sport [avant l'accident]. Non parce qu'il faut bien dire que quand on était gamin, les asthmatiques, on avait pas droit au sport. Maintenant ça a changé, heureusement. On avait pas droit au sport. Moi, pourtant j'aimais bien. Mais c'est que je pensais déjà à essayer le tir à l'arc. Ca me plaisait déjà. Moi j'ai mis un peu de temps avant de m'y mettre quand même. Il fallait déjà que j'accepte le fait d'être handicapée. Un peu plus que je n'y étais, un handicap qui se voit ! Ca change n'est ce pas ! Parce que là, avec mes yeux, j'ai de la chance, j'ai des lentilles, ça se voit pas. Mais lorsqu'on a un handicap qui se voit, hé bien au début, il faudra accepter le regard des gens. Bon alors au début on y fait un peu plus attention et après on y prête même plus [la même attention].
Les maladies et les handicaps s'accumulent aujourd'hui. La situation sociale et les réseaux qui l'entourent l'aident dans cette spirale ou elle lutte souvent contre l'ennemi qu'elle identifie en tout premier lieu ; c'est pour elle d'abord la douleur. La souffrance psychique ou physique à spectre beaucoup plus large réapparaît de façon plus insidieusement en fonction de circonstances singulières.
Mais bon, comme elle le disait jadis, malicieusement, aux médecins : "j'ai encore de la chance, je suis pas encore folle !" Mais en disant cela, elle ne fait aucun ostracisme contre "les malades dits mentaux" car dans de second entretien elle est pleine de soin et de prévention pour eux. Elle me disait qu'il fallait les inclure à l'école pour le plus grand bien de tous !
Trouver quelque chose pour ne plus avoir mal !
Nous abordons des sujets de réflexions plus durs sur les souffrances extrêmes presque à la limite de la clinique. Donc, on dialogue sur les deux articles, celui sur le "cri de Mino" qui est tétraplégique qui parle de sa sexualité, de son suicide assisté, et celui sur les "mères courages aveugles". On essaie de voir au quotidien, comment ses mères aveugles pouvaient élever leurs enfants, enfants qu'elles ne verront jamais de leurs propres yeux. J'ai voulu amener ces thèmes eminament anthropologique au cur même des vulnérabilités pour mieux soit mettre à distance sa propre fragilité ou soit plus directement pour mieux en parler.
Je comprends très bien, me dit-elle, que quelqu'un baisse les bras. A la limite ce n'est pas de sa faute, c'est sa force de caractère qui compte, c'est avec du caractère qu'on s'en sort, d'accord !
Sur la fragilité, tout dépend de comment on perçoit son handicap. Plus fragile dans certaines circonstances, oui, mais dans d'autres, non ! Il y a des personnes qui sont valides et qui sont plus fragiles que nous. Au niveau mental je parle, n'est ce pas. Pas au niveau santé, c'est pas du tout pareil. Moi je dis que toute personne a son caractère, on est plus ou moins battant, handicapé ou pas. Pour moi il n'y a pas de différence.
Moi, je pense que c'est pareil que pour tout le monde. Même à la limite, une fois que la personne a accepté son handicap, elle sera moins dépressive parce que surtout si elle fait du sport par exemple, si sera mieux intégrée dans la vie. Mais après tout, elle peut voire la vie d'une autre manière aussi !
Moi je ne pense pas êtes plus courageuse qu'un autre, je pense que c'est pareil [que pour tout à chacun]. Il y en a qui disent que je suis courageuse d'accepter [ma situation] comme je l'accepte. Mais moi c'est ma philosophie. Si je n'acceptais pas mon handicap, autant me mettre une balle dans la tête tout de suite. Après c'est vrai la souffrance physique fait qu'il y a des jours ou je me dis : "c'est vrai que si je pouvais trouver quelque chose pour ne plus avoir mal". Même si je ne peux pas bouger plus, à la limite je m'en moque, c'est la douleur qui me freine le plus souvent.
Dans les articles journalistiques ils n'ont pas cherché assez loin je pense, c'est dit par les personnes. Parce que de souffrir d'un handicap, bon si on est handicapé, on vit avec, mais ce qu'on a dû mal à vivre, c'est avec la douleur. Elle est permanente chez moi. C'est tous les jours, tout le temps. C'est ça qui est lourd à porter.
C'est ça qui me gêne le plus. Oui, c'est la souffrance physique carrément... pas moral, la physique. Ce qui fait qu'il y a des jours où ça devient moral quand même ! Parce que quand tu as mal tout le temps, qu'on a toujours mal, comme des fois quand je vais chez le kiné. Il me dit "Alors, comment ça va ?". Je lui dis "Oh bien aujourd'hui, "ça va" ! ". Il sait bien maintenant que quand je lui dis : "ça va", c'est que j'ai moins mal que d'habitude.
Je lui ai posé la question de la prise de médicaments anti-douleur pour l'aider dans les moments difficiles ou par exemple si elle avait rêvé à une opération spéciale pour guérir absolument !
La guérison, non, mais guérir la souffrance, oui ! Mais la guérison de mon handicap, non. A la limite, si je ne souffrirais pas, je m'y suis habituée, je vis avec. Après on s'habitue, on a des astuces, [on s'adapte].
Ah bien par exemple .... L'astuce c'est quand on va dans un endroit qu'on ne connaît pas, hé bien on y va pas directement. On téléphone d'abord pour savoir si on peut y aller avec le fauteuil. Parce que quand on s'est cassé deux, trois fois le nez, après, on comprend ! On a une autre façon d'aborder les choses, les choses nouvelles. Systématiquement, je me renseigne pour savoir si je peux y aller en fauteuil car je ne veux pas faire des kilomètres pour rien. Mais ça, on s'habitue à ça. Par contre, la chose à laquelle on ne s'habitue pas, c'est la souffrance.
Si on pouvait faire quelque chose pour ne plus souffrir. Là oui, là je le ferais. Parce que souffrir un peu, ça va, mais souffrir tout le temps tous les jours.... Je prends des somnifères parce que je ne peux pas dormir à cause de la douleur. Là d'accord, là s'ils pouvaient faire quelque chose là-dessus, oui.
Dans le "cri de Mino" qui parle d'euthanasie, du suicide donc de la mort, mais à contrario, aussi et avant tout d'espérance de vie. Je lui demandais si la douleur physique exacerbée peut devenir " à la longue", une douleur psychique qui peut bien entendu causer des dégâts sur des organismes déjà bien fragilisés ?
Moi, l'euthanasie, je ne suis pas contre. Par exemple pour reprendre le cas de Vincent Humbert qui a fait des débats et tout. Mais moi je dis que c'était "son" choix ! Il avait un corps. Il ne pouvait pas s'exprimer mais il avait un corps. Il pensait, il avait donc toute sa tête. Il se rendait compte dans l'état où il était. Il souffrait aussi. Je comprends qu'au bout d'un moment il en avait marre quoi ! Alors, pour lui c'est encore pire, je crois que c'est "le summum" quand même n'est ce pas ! De ne plus pouvoir bouger de son lit, de ne plus pouvoir communiquer juste par le geste d'un doigt. Là quand même, psychologiquement quand même, là je dis que.... Ne pas voir, ne pas pouvoir parler. Là je crois que c'est un truc que je ne pourrais pas accepter non plus. Je disais tout à l'heure que ce qui m'embêterait le plus, c'est si je pouvais "tomber aveugle". Etre en fauteuil, en plus de la cécité, je crois que ça ferait beaucoup.
Le sport m'a apporté beaucoup !
Des difficultés, Elyse en côtoie souvent, elles les portent aux quotidiens mais elle a voulu laisser une trace plus optimiste par son témoignage. Elle a voulu laisser une réflexion sur le tact, le soin qu'on se devait tous d'avoir envers l'autre.
De la joie et du bonheur pour moi c'est il y a cinq ans. Il y a cinq ans environ entre 1997-98. C'est la découverte du tir à l'arc de compétition. Ah, oui, me dit-elle, pour moi le sport m'a apporté beaucoup !
Voilà. Et ça c'est vrai que ça m'a fait comprendre aussi.... Bon qu'au début je n'ai pratiqué le sport qu'avec des handicapés. Mais assez vite, j'ai su que le sport que je faisais je pouvais aussi le pratiquer chez les valides. J'ai voulu le faire. Parce que il y a un truc qui est quand même assez important, c'est que les sportifs ont une vision des gens sportifs handicapés autre que ceux qui ne pratiquent pas de sport du tout. Ils ont déjà l'esprit collectif, l'esprit... je sais pas comment dire. Ils ne mettent pas les gens à l'écart. Beaucoup moins que [dans d'autres milieux]. Bon, il y en a toujours quelques uns [qui dérogent]. Mais beaucoup moins que des gens qui ne vont qu'au travail, qui ne voient personne. Les sportifs ont un état d'esprit qui se rapproche assez d'un autre sportif [même handicapé]. OK, tu es handicapée mais ça ne t'empêche pas de bouger. Ils font beaucoup moins les [fiers] ! Il y a pour certaines personnes ou j'ai ressenti une forme de racisme par rapport à mon handicap. Je suis hors norme. C'est une forme de racisme quelque part. Ca je l'ai ressenti quand même. Je leur ai parlé quelquefois à ces gens qui sont racistes, à propos de la religion, sur les origines ou sur la différence. [C'était une dame], je lui ai dit : "mais vous savez qu'il y en a qui sont racistes aussi par rapport aux handicapés". Elle m'a dit : "non, c'est pas la même chose !". Alors je dis "Si. Pour moi, c'est pareil !"
Elle aborde la notion de "racisme", c'est un mot dur. Je lui demandai si elle se sentait comme une singularité sociale ? On considère donc que la personne handicapée est "une race" à part dans un monde à part ?
On n'est pas considéré comme les autres. On est "hors norme". Et à l'heure actuelle il ne faut pas grand' chose pour être hors norme quand même ! Tout de suite pour moi, c'est une forme de racisme, c'est une forme d'exclusion. Pour moi c'est pareil tout ça. Au niveau du sport alors ça se voit beaucoup moins.
Bien sûr avec le tir à l'arc, c'est vrai que c'est un sport où tout le monde peut commencer à n'importe quel âge. C'est quand même pratique. Mais il y a des sports ... bon c'est vrai que ça dépend du handicap mais on peut toujours [en faire en adaptant). J'ai un collègue handicapé qui fait du tennis de table dans un club valide. C'est sûr qu'il ne pourra pas se confronter à des valides. Parce que son handicap fait qu'il peut pas rivaliser. Mais il peut très bien faire les entraînements avec eux par contre. Et ça c'est bien, c'est génial !
Moi ça ne me dérange pas de mélanger les deux. Il y a pas mal de sports où on peut être intégré comme "à l'athlétisme. Les non-voyants peuvent très bien faire de l'athlétisme. Et maintenant c'est le seul sport médiatisé, où ils montrent les championnats du monde, les grands rendez-vous, les courses avec des "handisports". Et je trouve ça bien.
Je lui raconte que j'ai interrogé Jean-Paul (entretiens n5) un sportif de très haut niveau handisport sur la valeur des médailles qui pour lui n'a pas la même valeur que celle des autres. On a eu une grande discussion. Qu'est-ce que vous en pensez ? Si un jour, imaginons que vous preniez la médaille de championne de France de tir à l'arc ?
Alors moi je fais une différence entre handicapés, non. Mais là où je fais la différence, c'est quand je fais toute l'année des concours avec les valides, je me confronte aux valides. Et la où je suis quand même.... ça change tout pour moi, c'est quand j'arrive à gagner un concours "valide". Alors là pour moi je dis là... Ah là oui, je suis [satisfaite] !
Comme la première fois ou j'ai gagné un concours valide, j'étais... On m'aurait donné, je sais pas quoi... j'aurai décroché la lune ! J'étais heureuse mais je ne m'étais pas rendue compte que cela faisait trois ans que je me battais. J'ai mis trois ans avant d'y arriver quand même. Mais le jour où j'y suis arrivée, j'étais vraiment... alors pour moi j'ai dit maintenant qu'il n'y aurait plus de barrière. Le peu de barrière qu'il restait, je me suis dit qu'après tout, je suis aussi capable de les battre. Le jour où j'ai pris consciente de ça, j'ai terriblement progressé.
Oui, lui dis-je, parce que c'est une belle performance, d'abord contre soi même avant d'être contre l'autre. Cela peut servir à toutes les personnes handicapées pour se valoriser dans le quotidien en étant en action sportive, culturelle ou sous bien d'autres formes. Le soin que l'on se porte à soi puis de là aux autres (la réciproque peut être vraie aussi !) passe par toutes ses petites victoires quotidiennes.
Elyse me raconte qu'il y a eu des actions très intéressantes par exemple faire une course à pied [classique] entre une personne valide et une personne en fauteuil roulant. Vous avez une certaine distance de retard parce qu'en fauteuil on va plus vite. Et puis arrivé à moment de la course, et bien ils étaient à la même hauteur. Même si le gars qui était valide est parti avant. Il avait moins de distance à parcourir par rapport à celui qui était en fauteuil, parce que celui une fois que l'élan est pris il va beaucoup plus vite. Et bien à un moment donné, pratiquement à l'arrivée, ils sont arrivés pratiquement ensemble. J'ai trouvé ça génial. J'ai dit : "à la limite, ils pourraient intégrer des compétitions, bon peut-être pas au niveau international, mais même au niveau régional, faire un règlement exprès, d'accord ! Admettons mettre un coureur à pied valide et un en fauteuil avec une distance différente à parcourir. Il y a des activités qui sont faisables.
Mélanger, moi je suis tout à fait favorable. Et c'est pour ça que le tir à l'arc me plaît autant d'ailleurs, parce que on peut tout à fait mélanger les personnes.
A un niveau plus cognitif nous avons longuement échangé sur les transmissions des savoirs de tous types ; sur ce qu'elle jugeait primordiale culturellement pour mieux vivre ensemble, pour mieux se connaître.
Avant, je lisais beaucoup, énormément dhistoires vécues par les parents, sur les maladies. Je lisais beaucoup, vraiment beaucoup ! Les livres que jai lu ce sont bien souvent des parents qui les ont écrits parce quils ont eu un enfant malade. Ce ne sont pas des écrivains.
Ils témoignent, ce sont des témoignages. Je trouve cela très intéressant, parce quils parlent de termes médicaux, mais à côté ils traduisent plus ou moins, en langage courant, de manière à ce que les gens puissent comprendre. Ils parlent de leurs expériences, du fait que les médecins ne leur disent rien sachant la vérité. Ils ne leur disent pas les conséquences quil peut y avoir par la suite. Mais cest surtout les termes médicaux [qui font barrière]. Et sils veulent quon ne comprenne rien, on ne comprend rien !
Bien sûr ! Quand on parle de terme comme « hémoglobine, ...», des trucs comme ça, il y a beaucoup de personnes qui ne savent pas ce que cest. Il y a encore trop souvent des problèmes dannonce de la maladie. Il y a des médecins qui prennent les gens
ils rentrent dans leur bureau et disent : bon, et bien vous êtes séropositif, sans prendre le temps dapporter les choses doucement. Il le balance comme ça, disant cela comme sil avait une simple grippe ! Il faut quils prennent le temps dannoncer les maladies qui sont graves aux gens tout de même !
Jen ai entendu beaucoup bien sûr. Il y a une histoire qui ma émue avec "laffaire Humbert", moi je suis pour leuthanasie dans certains cas bien sûr, il ne faut pas abuser ! Mais je comprends très bien que ce garçon nait plus voulu vivre. Il ne pouvait plus rien faire tout seul, manger, boire
il faisait rien ! Communiquer, cétait compliqué ! Cétait
si cétait son souhait, pourquoi ne pas le respecter. Et ça linstitution française, ça la gène. Mais, moi, je dis quil faut avoir lesprit plus large. Elle est très droite, trop droite
.Il lui faut toujours rester dans "la normalité" des choses. Moi, je dis pourquoi leur refuser. Moi, je dis bien : un animal, on ne le laisse pas souffrir, pourtant il ne nous demande rien. Il ne sait pas parler le chien ! Pourquoi alors quand les gens demandent à mourir, pourquoi ne pas respecter leur choix ?
Jespère quelles seront réglées dans un sens. Car cest les gens qui sont malheureux. Il faut comprendre aussi. Ils ne peuvent pas se suicider eux mêmes parce quils nont pas les capacités de le faire physiquement. Il faut que quelquun puisse les aider, leur demande bien sûr ! Il faut prendre aussi le temps, il ne faut pas faire ça à la légère. Attention, parce quil y a des gens qui peuvent le demander sur un moment de détresse ! Il faut leur laisser le temps. Mais lui ça faisait très longtemps quil le demandait.
Il y a une émission sur le sujet qui est dernièrement, je lai enregistrée. Ça passe tard malheureusement.
Cest bien le problème d'une médiatisation "intelligente" des grands événements sociaux. Il y a peu d'images qui parlent de ces sujets. Quand il y en a, le débat est rapide, l'information pertinente placée tard le soir comme le suggère Elyse. Elle était de ce fait un peu en colère parce qu'on a trop peu parlé des jeux paralympiques.
Oui, c'est vrai, me soutenait-elle, parce quils (Les média) ne montrent presque rien. Et jenregistre toutes les nuits, ils remontrent à midi moins dix, et souvent ils remontrent la même chose quils ont montrée la nuit. A tous les sports, ils en parlent deux minutes à la fin, et cest pour nous remontrer ce quils nous montré le midi. Ils se foutent de nous, quoi, carrément ! Ils nous prennent pour
jai trouvé ça très bien quils les ont médiatisé ces Jeux Olympiques pour les valides, quils ne médiatisent peut être pas autant les nôtres ! Mais au moins un peu plus tout de même ! Parce que là, ils se foutent de nous ! Cest clair ! On a parlé hier avec lyse, je nai pas entendu cette information là, il y a eu des problèmes en Grèce, à Athènes, avec des enfants qui ont été blessés pour aller voir les jeux paralympiques. On a rien entendu !
Pour finir notre dialogue, nous discourions sur le rôle du travail, sur l'accès à la culture pour exister autrement dans notre société ; deux formes extrêmes d'utilité. En ce qui concerne le travail productif, je lui rappelle que certaines personnes handicapées ne pourront jamais travailler. Dans la troupe que je suis à Metz. La plupart des artistes qui la composant ne travaillent pas. Il y a même des handicapés dits "mentaux". Alors quelle utilité, verrez vous pour ces personnes là ? Le 21ième siècle aujourdhui est celui de la rapidité, du temps on en fait de largent. On rationalise tous les processus car il faut de lefficacité, la personne handicapée qui ne fait rien, elle est utile à quoi ?
Et bien, moi, je dis quelle a bien le droit de se divertir comme les autres ! Si elle reste enfermée tout le temps chez elle, elle va déprimer [constamment] cette personne. Ce nest pas parce quelle na pas la capacité de travailler cette personne, quelle na pas droit aux loisirs. Et tout le reste, bien sûr ! Mais ça magace ces trucs là.
Sous prétexte quils ne peuvent pas travailler, ils ne pourraient pas avoir accès aux loisirs ! Cest ridicule ! Ce nest pas parce quon na pas la capacité de pouvoir travailler, souvent ça les rend malheureux ! Mais ça, ils ne se rendent pas compte, même pour les handicapés mentaux. Même avec un handicap mental, il y en a qui sont très lucides sur leur état. Les traumas crâniens, par exemple, pour eux, cest très difficile de se concentrer, alors on dit quils sont handicapés mentaux, moi je dis quils ne sont pas si "fous" que ça ! Il faudrait les côtoyer pour voir. Ils ont leur façon à eux de sexprimer, de parler, davoir une conversation. On peut très bien avoir des conversations très intéressantes avec eux, mais ça prend plus de temps.
Les gens sont pressés. Ils sont pressés de quoi faire ? Quand ils vont mourir
un moment donné, il faudra quils se posent, quils réfléchissent sur ce quils ont eu le temps de faire, sur ce qui leur a fait plaisir de faire et sur ce quils ont fait par nécessité. Parce que la société a ses limites, parce qu'un jour, il faut quils se posent et quils réfléchissent à ça. Il y en a qui se croient indispensables au travail. Ils se dépêchent toujours pour faire tout le travail comme il faut. Mais le jour où ils vont être licenciés, le patron ne regardera pas sil était un bon ouvrier ou un mauvais ouvrier. Il sen fout ! Et la personne, jen ai connu qui ont tout donné pour leur travail, et qui se sont retrouvées au chômage parce que la boite a fermé, ou pour des raisons x ou y qui dun seul coup se retrouvent tout bête parce quils se pensaient indispensables au travail. Ça, ça leur fait mal à ces personnes là. Et après, ils ont une autre vision du travail. Il faut travailler pour gagner de largent daccord, mais il ne faut pas non plus se tuer au travail ! Il ne faut pas tout faire pour le travail. Il y en a qui font que le travail, maison, boulot, dodo ! Ils nont pas de loisirs. Et lorsqu'ils sont au chômage parce que la société a fermé, ceux-ci dépriment souvent.
Et bien tout le monde dit pareil. Cest la bagarre. Moi ce qui magace, cest que les parents qui ont un enfant handicapé, ils faut quils se battent pour le mettre dans une école normale. Quand les parents "baissent les bras" entre guillemets, les enfants se retrouvent dans des institutions. Et ce nest pas forcément la bonne chose. Moi, je trouve quils évoluent moins bien s'ils ne sont pas dans une école normale. Ce nest pas parce qu'il est handicapé, même avec un handicapé mental léger, quon doit lempêcher daller dans une école normale. Il lui faut plus de temps, tant pis. Sil a deux ans de retard par rapport aux autres de sa classe, ce nest pas le problème. Si le gamin se trouve heureux d'aller dans une école normale. Il évoluera ainsi beaucoup plus vite.
Le malade mental est comme un indicateur pour notre société, le soin qu'elle lui apporte en propre c'est le soin qu'elle devrait avoir pour elle-même, pour la partie la plus fragile d'elle même.
Récit no 9 et 9 bis : À propos de Paul et Reine : " Ils nous font confiance !"
Pour ce récit, imprégné des situations de handicap que vivent quotidiennement nos amis, on vous proposera une conversion à plusieurs voix, la leurs puisqu'ils sont mariés, la mienne en filigrane qui leur répondra en écho dans cet écrit de vie.
Trois phases seront visibles dans ces entretiens. Pour des raisons liées au temps, à la "maladie", au temps d'apprivoisement, au capital de confiance ainsi que plus prosaïquement à l'éloignement, nous avons du employer des artifices méthodologiques. Dans un premier temps, avec leur accord explicite, je leur ai fait parvenir des cassettes vierges armées du dossier commun à tous, pour un auto enregistrement de présentation. Puis, dans un second temps après le contact direct avec eux, n'étant pas près pour un long entretien ce soie là, j'ai du former un "intermédiaire interrogateur" de confiance pour les deux parties qui les a donc questionné avec ma guidance semi directive à distance.enfin dans un troisième temps, je suis revenu à Metz sur leur invitation pour reprendre la totalité des dossiers ainsi que pour éclaircir quelques points délicats.
Une vie qui nétait pas très intéressante !
C'est Paul qui va discourir, qui va partir pour une longue présentation. Je lui laisse la parole.
Bonjour Messieurs et Dames, je mappelle Paul B., jhabite à Metz, au [
]. Je suis marié avec une malade comme moi depuis 3 ans. Ma vie se résume à faire des courses, des activités quon nous propose, sinon rien ! Les activités quon nous propose sont du théâtre, avec la personne qui est en train de menregistrer, une chose qui ma fait ressortir de ma léthargie. Les autres activités je ne les ai plus suivies pour plusieurs raisons. Premièrement, on me proposait des activités à lU.N.A.F.A.M. (Union Nationale des Amis Familles des Malades Psychiques) mais comme tout était rémunéré, cest à dire que je devais payer chaque activité, ayant de petites ressources, jai arrêté. Ensuite, on ma proposé "Z.A.I", une autre association sur Metz, patronné par Monsieur B. qui est diacre à lhôpital. Mais là, jai "bloqué" parce que jai des angoisses.
Donc je suis trop "faible" pour ces gens là ! Cest à dire des gens qui sont S.D.F, qui sont malades mentaux comme moi, ou qui sont dans le besoin mais que je narrivais pas à supporter.
Après mes années dhospitalisation, je vivais seul, javais retrouvé du travail, pour un certain temps. Ma vie sociale était bonne, mais en ce qui concerne ma vie privée, il n'y en avait pas. Ensuite, jai perdu mon travail, je me suis fait ré hospitalisé. Quand je suis ressorti de ma dernière hospitalisation, ma vie se résumait à me lever, à aller manger dans un foyer à Metz qui sappelle le foyer G. D., et rentrer chez moi. Et le reste du temps, je restais allongé pour passer le temps, donc une vie qui nétait pas très intéressante !
Puis, un jour, je suis tombée sur une dame. On sest rencontré, on a mangé ensemble. Elle ma proposé de venir chez elle. Par la suite, jai su quelle était malade aussi. Comme je ne voulais pas me mettre avec une personne handicapée, je pensais toujours pouvoir vivre avec quelquun de valide. Jai constaté que cette dame était autonome à sa façon. Et depuis que je vis avec elle, et bien tout va mieux ! Tout va mieux de manière à dire que je nai plus de problème pour me promener en ville, je nai plus de problème pour me promener la nuit, chose que avant je métais interdite par mes angoisses et mes lubies. Donc cette fille sest occupée de moi depuis lannée 1993.
Ensuite étant ensemble, logeant dans un tout petit appartement à deux, nous avons décidé de changer de quartier. Et nous avons pris un appartement plus grand. Et cette fille ma demandé en mariage, chose que je croyais impossible. Je lai fait et depuis tout va mieux. Tout va mieux dans le sens que cest une femme de foyer, parfois je reconnais que je ne sers à rien ! Elle fait tout à la maison, que voulez vous de plus ?
Ensuite cette fille ma fait connaître les associations dont je parlais au début de lenregistrement, et je n'en ai accepté quune ; ce fut le théâtre.
L'angoisse, le blocage comme il ledit se situe en contre point à l'action positive du théâtre. La rencontre de cet artiste qui s'ignorait avec un patient metteur en scène, la rencontre primordiale avec Reine, vont dynamiser de son point de vue, une vie répétitive et morne.
Et moi après, poursuivait-il, je lai convaincu à venir me rejoindre dans cette activité. Et depuis, nous vivons tranquillement. Bien, sûr nous voyons tous les deux un psychiatre une fois par mois. Mais comme les choses sont devenues [calme, régulières], ce nest plus que pour faire un renouvellement dordonnance, et plus de parler comme par le passé dhospitalisation temporaire.
Mon intégration dans le quartier des Sablons à Metz, les gens pensant que je suis handicapé ne me croient pas capable de faire des courses pour eux. Et pourtant, je les fais ! Je vais chercher des cigarettes pour ma voisine. Quand la patronne de "Casino", où je fais mes courses, a besoin de viande, je demande à ma voisine, qui est marié avec un boucher chevalin, la viande quelle va commander, et je la ramène cette viande, je paie et je rends la monnaie justement !
Ensuite, chose très importante, le mercredi matin dans notre quartier, se tient un marché. Je me lève, ma femme est absente. Elle fait le marché mais pas que pour nous ! Pour dautres personnes aussi qui ont besoin de légumes, qui ont besoin dun lapin, qui ont besoin dun paquet de cigarettes, mais ne croyez pas que les personnes qui nous demandent cela sont plus handicapées que nous ! Ce sont des gens valides. Ils ne profitent pas de nous, mais ils nous font confiance.
Après, il marrive de temps en temps pendant des conversations de parler de mon cas, je leur dis : écoutez, il ne faut pas trop me bousculer, je suis malade mental. A part les "professionnels" de la profession, les gens du quartier nous considèrent comme des gens normaux.
Avant dêtre malade, jai fait des études délectromécanique. Jai travaillé dix ans en sidérurgie lorraine, qui nexiste plus aujourdhui que dans certains secteurs.
Ensuite, jai dû quitter la région. La sidérurgie mayant reclassé en Charente Maritime, comme changeur de lampes, à Rochefort sur Mer. Jy suis resté six mois. Et en rentrant sur Metz, jétais licencié. Cétait peut être une chose déclarée davance, je ne sais pas. Je suis donc revenu sur en Lorraine.
Ensuite, jai fait ma dépression ; excusez moi pour les années, je vais vous les dire à peu près comme je me souviens. Parlons des années 80, jai été hospitalisé 7 mois en psychiatrie. Je suis ressorti pour avoir une vie normale. On ma dit que je pouvais travailler. Chose que jai faite. Je suis parti travailler 9 mois en Suisse comme dépanneur de ponts roulants. Et pour un handicapé mental, chose très difficile, je vivais en Suisse allemande. Donc pendant 9 mois, je ne comprenais pas ce quon me disait. Je déchiffrai mes papiers de travail comme je pouvais. Et le soir, le travail était fait. Mais, là, comble ! Nayant pas pris mes médicaments avec moi en Suisse, jai été forcé de revenir après une rechute. Me revoilà, hospitalisé ! Je ressors de lhospitalisation. Encore une fois, on me dit que je peux travailler. Je me pose des questions et je me dis : bon, allons y ! Et me voilà reparti à faire pendant trois ans dépanneur gaz en autodidacte. Rechute ! Le médecin à la troisième sortie me dit que je peux travailler, chose que jessaie de faire de nouveau, mais là gros hic. Je me retrouve dans un C.A.T. Et au bout dune semaine, moi qui avais tenu des emplois avec des gens normaux, des emplois stables, on me dit que ce nest pas la peine de revenir. Alors grand étonnement, je vais voir mon psychiatre qui confirme. Vous ne pouvez plus tenir une place dans la Société, donc une place au travail. Que faire ? En réunissant mes fiches de paye, on fait la demande pour un dossier dinvalidité. Et à mon grand étonnement le dossier est accepté. Et je commence à vivre avec 50% de mon ancien salaire.
Sur la notion du temps. Avant quand je travaillais, ma vie était bien réglée. Je me levais à 4 heures du matin, pour rentrer à 15 heures. Et javais mon après midi de libre. Maintenant que je suis malade, le matin je traîne au lit jusquà huit heures sachant quil n'y a aucun patron qui mattend. Huit heures, que fais-je ? Je bois un café, je fume une cigarette, je vais me raser, cest une demi heure après. Ensuite ma femme se prépare, il est déjà 10 heures. Ensuite, je vais me laver, et il est 10 h 30. Après, comme tous les matins, je fais mes courses. Mes petites courses pour midi. Et il est déjà midi. Chose très importante à dire, lorsque nous avons une chose administrative à régler, vu la notion de temps que jai aujourdhui, je ne suis capable que de la faire laprès midi. Mon psy me demandait de venir le voir le matin pour changer cette routine. Une fois, ça a marché, mais il ma pris à midi. Donc, je lui ai demandé de revenir toujours laprès midi.
Si quelquun vient à me proposer une activité matinale, ça me déstabilise. Puisque mon rythme de vie change. Cest déjà arrivé une fois avec "Mon professeur de théâtre" (C'est lui qui souligne, Mon !) est venu me chercher à 9h du matin, heure à laquelle dhabitude je me lève ! Jétais prêt tout en ayant stressé depuis 6h du matin ! Et une fois quon était dans sa voiture, jai dit idiot mais tu vois ça marche ! Et ensuite, la matinée est passée très vite. Ma femme me rejoint au petit théâtre. On rentre à la maison, on est déstabilisé parce que il est midi passé. Pourquoi sommes nous déstabilisés parce quil est midi passé ? Parce que nous avons lhabitude de manger à midi. Comme nous avions mangé à 14 heures, ça nallait plus. Ensuite, il y avait activité théâtre avec mon prof. Je donne quelques paroles à ma femme, qui je pense ne me semblaient pas méchantes ! Et tout se dégrade. Et nous navons pas pu rester à latelier.
Est-ce que je suis plus fragile ou plus costaud que les autres ? Je considère que je suis plus fragile. Etant malade mental je suis sujet à des formes dangoisses, choses qui ne se soignent pas par des médicaments, donc jai dû mal à vivre dans cette société. Si ma femme me quitte pendant dix minutes, ça ne va pas. Si je fais des courses et que la caissière me dit, vous vous êtes trompé, votre paiement, ça ne va pas. Tous ces détails ne vont pas. Par exemple, si je dois faire quelque chose de droit et que ça dévie sur la gauche, au lieu de la droite, jangoisse. Je vais vous expliquer, les angoisses pour moi commencent quand je narrive plus à respirer. Cest une "forme de boule" qui se forme au niveau de lestomac, qui pousse mon diaphragme vers le haut. Et pour moi, ça bloque. Une infirmière psychiatrique reconnaît ce genre de symptôme, est ce quelle a été formée pour ? Mais lorsque je me trouve dans un commerce, en train de régler une addition et que ceci arrive, je commence à trembler et je suis incapable de payer. Donc ma femme maide parce quelle connaît ce problème dans le sens inverse. Parce qu'elle, quand elle est angoissée, ça la rend plus forte, elle lutte. Moi, je suis plus faible quelle et ces angoisses arriveront un jour à me détruire.
On ma proposé une activité théâtre. Après de nombreuses activités que jai essayées de faire, mais qui mangoissaient et qui mempêchaient de dormir la nuit. Je suis allé à cette activité théâtre proposé par Madame P. Jai regardé, je voyais les gens évoluer. Jai réfléchi et je me suis dit que je nétais pas capable de faire ça. Et je suis rentré. Six mois après, je suis retourné à cette activité. Ça a fonctionné. Mais comble de lidiotie, ayant fait cette activité de 17 heures à 19 heures, en 5 minutes tout était détruit, car il fallait que je fasse 500 mètres pour quitter latelier et rentrer chez moi. Et pourquoi cétait déjà détruit après 500 mètres ? Parce quil faisait nuit. Et lorsquil fait nuit, je suis incapable de reconnaître la ville, de reconnaître les gens, parce que je crois toujours quils magressent. Et voilà, je rentrais chez moi, et je disais que ça ne sert à rien. Pour trouver la solution, jai dit à ma femme de venir à lactivité avec moi. Comme elle se promène la nuit comme le jour. Pour elle, cest le contraire, elle a peur le jour et pas la nuit. Alors vous voyez, ça vous étonnera peut être mais cest comme ça. Et ensuite, je quitte latelier et ma femme me parle, me parle. Elle me dit : écoute, il ne fait pas noir dans les rues, il y a les lampes. Tu nes pas dans une forêt. Je lui ai dit quelle avait raison.
Ensuite, toujours en parlant de théâtre, jai appris quil y avait une activité le lundi soir, mais qui débutait à 20 heures et finissait à 23 heures. Pensez donc à 20 heures en hiver ! Il fait déjà nuit depuis longtemps ! Moi qui suis pas capable de descendre une poubelle dans le noir ! Comment vais-je faire pour rejoindre cette activité ? Jen parle, on me dit que je serai accompagné. Jy vais. Je fais une première tentative sans être accompagné, en nen parlant à personne. Je fais 50 mètres, deux personnes qui sont tout à fait normales me croisent, je prends peur deux. Et je rentre. Je reparle à ma femme, elle me dit quelle vient avec moi. Et voilà, lactivité du lundi fonctionne.
Le temps angoissé !
Paul, répond à mes questions, le vendredi 2 juillet 2004 par l'intermédiaire d'un tiers car du retard avait été pris et nous avons trouvé cette solution à distance qui arrangeait toutes les parties. À partir de mon questionnement on l'enregistre avec la présence bienveillante du metteur en scène de la troupe qui est son ami et "son maître" comme il dit, car même de légers changements dans le temps et l'espace l'angoisse.
Je mappelle Paul. Jhabite à Metz, Je suis marié avec une "malade"comme moi depuis 3 ans. Sa vie se résumait à faire diverses menues activités quil jugeait peu reluisantes. Le temps angoissé qu'il avait connu avant laisse la place à une embellie temporelle depuis son mariage ainsi que la découverte de sa passion pour la forme théâtrale que lui propose Patrice G.
Chez lui le 21 septembre 2004 avec le même enquêteur mis dans la confidence ethnographique par nos soins ; on s'entretient sur la problématique du Corps et la Culture. Il est un peu crispé car le magnétophone le bloque donc on arrête un peu pendant une heure. L'échauffement langagier aidant il parle sans problème. Il est plus riche en dehors des enregistrements. Le temps qui se déroule de nouveau l'angoisse. Tout est angoisse, c'est mon problème majeur, nous dit-il, mais doucement les inhibitions se lèvent et on enregistre. Paul nous signale qu'il est bien équilibré par les médicaments en ce moment.
Il ne veut pas m'écrire par crainte des nombreuses fautes d'orthographe même si je lui dis que tout sera corrigé par nos soins et surtout qu'aucun jugement ne sera porté par qui que se soit. C'est pour cette même raison qu'il a donc préféré l'atelier parole à celui de l'écriture car les fautes l'ont bloqué. Il s'exprime avec clarté en étant un acteur particulièrement engagé.
Le chorégraphe/metteur en scène Patrice se sert de ces ateliers pour mettre en scène ses acteurs dans une motricité originale qui fait un continuum entre la parole, le geste, la danse et la théâtralisation en mêlant corps valide/ non valide dans le jeu créatif. Ces acteurs, qui viennent pour certains d'un centre psychothérapique, reçoivent les visites des artistes dans le cadre des ateliers animés par Patrice dans et hors des murs de l'hôpital.
Je suis invité officiellement chez Reine et Paul à Metz le 5octobre 2004 la matinée entière pour un entretien approfondi sur tous les sujets nécessitants "une mise au net".
Paul insiste sur lexpression corporelle qui a servi à le décoincer. Cest à dire quavant, me disait-il, je vivais replier sur moi même. Et tous ces exercices qui ont aboutit par lassociation parole à un spectacle ont prouvé que jétais encore capable de réussir quelque chose.
Reine s'approche de nous et commence à s'exprimer. Et bien pour moi, cest intéressant, ça me libère de ma maladie. Et bien il y a une chose qui se [déclenche], il y a une espèce de relaxation au début. Ça nous fait oublier le stress quon a eu dans la journée. Mais attention, ce nest pas une relaxation pour y aller à fond, parce que si on y va à fond, on nest plus capable de faire les exercices après. Si on est complètement vidé, on ne peut plus faire les exercices. Et après quand on fait les exercices, ça permet aussi par la suite de demander à mon médecin, davoir une diminution d'anxiolytique.
Pas dangereux pour les autres !
Ils vivent parmi nous presque en s'excusant de le faire tellement la maladie mentale fait encore peur. Lorsqu'il se présente c'est en terme de malade en projetant la déficience devant eux comme leur première forme d'identité sociale.
Voici ce que Paul me disait quand je l'interrogeais le danger réel ou fantasmé qui entoure le handicap dit mental ou psychique selon la terminologie moderne.
Je nétais pas dangereux pour les autres, mais jétais dangereux pour moi même. On me le disait assez souvent que jétais dangereux pour moi même. Si je me retrouvais dans une salle, et que je voulais taper sur le mur, je le faisais, donc jétais dangereux pour moi même. Mais je ne voulais pas faire de mal aux autres et je ne me rendais pas compte de ça.
Nous résumons, une longue narration ou Reine puis Paul relatent tour à tour : la vie seule, les hospitalisations, le cycle des médications, des sorties, les angoisses de l'échec, etc.
Oui, dit Paul, tout ce quil y a dans la vie, la vie à l'intérieur, à lextérieur ! Moi aussi, on me la dit souvent que je nétais pas prêt.
Reine ajoute, on ne létait prêt pas parce que là bas, chacun avait "sa maladie". Bon, je ne vais pas dire ce que javais, mais chacun avait "sa" maladie ! Ça se passe comme ça. Alors ils essaient de nous soigner, ils nous donnent des médicaments, des médicaments mais en fin de compte on a toujours la maladie quon avait avant. Ça ne part pas.
Paul signale : je trouve quils exagèrent un peu avec leur système de médicaments. Je ne sais pas comment ça se passe dans les autres hôpitaux en France, mais quand on se sent mal, et quon va voir linfirmière qui est de service, vous dites : bon, et bien, il y a ça et ça qui ne va pas aujourdhui. Elle répond : bon et bien vous en parlerez au médecin. Je vais en parler au médecin, mais le lendemain, je ne men souviens plus. Le médecin me convoque et me demande ce que jai à lui dire, je lui raconte des bêtises. Tout en racontant des bêtises, il me dit : je vais vous mettre un "Xanax", je vais vous mettre ci, je vais vous mettre ça ! Au repas du soir, même si vous navez pas besoin, il faut les prendre le médecin les a prescrit donc il faut les prendre.
Après, il marrive de temps en temps pendant des conversations, à parler de mon cas, je leur dis : écoutez, il ne faut pas trop me bousculer, je suis malade mental. A part les "professionnels de la profession", les gens du quartier, [eux] nous considèrent comme des gens normaux !
Avant dêtre malade, jai fait des études délectromécanique. Jai travaillé dix ans en sidérurgie lorraine comme je l'ai signalé au début.
Mais les choses se compliquèrent. Ayant lhabitude daller travailler le matin, me levant tous les matins à la même heure, quest ce que je fais ? Au lieu daller travailler, je vais au café du coin. Et je commence à boire un café, deux cafés, trois cafés
à 10 heures du matin, et là je me sens rejeter. Je pose la question au directeur du C.A.T pour quelle raison il ne voulait plus que je vienne. Il me répond que je suis trop lent. Chose que jai comprise par la suite en parlant au psychiatre. Ce sont vos médicaments. Mais ne les arrêtez pas. Donc, je dis au psychiatre : si jai des médicaments, je ne peux pas travailler, et si je ne prends pas de médicaments, je peux travailler mais je ne vois pas comment ça se fait. Et je dis au psychiatre, donc si je prends des médicaments, je ne peux pas travailler, il ne faut pas de médicaments ! Et je lui dis monsieur P., vous êtes un charlatan ! Et ce psychiatre va me détruire. Je me retrouve pendant 15 jours dans une salle dite disolement. Les personnes qui écouteront cela, je ne leur souhaite pas dy vivre. Je trouve que cest pire que la prison. Vous avez une piqûre le matin, une piqûre le soir. Et ensuite, si vous vous comportez mal, vous en avez une en plus le midi. Vous faites vos besoins dans un seau. Et vous êtes le dernier servi. Et si votre famille vous contacte, et bien vous êtes absent.
Maintenant, je regarde ces gens différemment !
Mais pour la vie courante, mes angoisses mhandicapent tellement quil nest plus possible de faire autre chose, que mes courses, mon théâtre. Si on me demande de travailler, de bricoler, cest des choses qui arrivent, jen suis totalement incapable.
Veuillez mexcuser, je parlais de mes angoisses et de ma peur de sortir la nuit. Ça provient bien sûr de ma maladie. Et une chose que je voudrais rajouter. Une fois, jai voulu rendre service à des gens, et ces gens mont agressé. Pensez ce que vous voulez ! Voilà pourquoi jai peur de la nuit. Ce nest pas parce que je suis malade mental. Jai peur de la nuit maintenant après mêtre fait agressé une fois. Jai passé trois semaines à lhôpital pour me faire refaire la face !
Pensez ce que vous voulez [de cela], Monsieur Zicola, nous en parlerons lorsque nous nous verrons. Il sait à présent que nous ne portons, dans ces études, aucun jugement de valeur, il sait que seul le témoignage est mis en avant pour que d'autres soient mieux informés.
Je regardais "lautre" [de façon péjorative], ajoute-t-il, lorsque je nétais pas handicapé, je me promenais en ville, je rencontrais les gens de Pierrevillers, des handicapés mentaux qui létaient à lépoque. Je me disais : ces gens ne servent à rien ! Et on paye encore des impôts pour eux !
Ensuite, je voyais des gens en fauteuil roulant. Je me disais : mais pourquoi se "casser la tête pour eux". Ils nont pas daccessibilité. Je ny croyais pas. Mais depuis ma première hospitalisation, jai eu un autre regard sur eux. Maintenant que moi je suis handicapé, je regarde ces gens différemment. Et pour en revenir au théâtre, jai appris à bien travailler avec des gens qui sont en chaise roulante, des gens qui sont handicapés moteurs ainsi que des personnes qui sont handicapés mentaux comme moi. Jai mis quand même beaucoup de temps à accepter le handicap des autres. Même quand jai été hospitalisé la première fois, et que je suis sorti après et que jai appris que je pouvais retravailler, je me suis dit : je suis sauvé ! Et je rejetais tous les gens que javais rencontrés à l'hôpital psychiatrique. En disant, ces gens là, ils sont complètement "cinglés". Aujourdhui, ça marrive encore dy penser. Un exemple, hier jétais à la M.A.S, la Maison d'Accueil Spécialisée de Metz pour une petite réunion. Un handicapé mental ma dit quil avait un problème de femme ; les femmes ceci, les femmes cela. Je me suis dit celui là, il est complètement fou. Je suis rentré à la maison, jen ai parlé à ma femme. Elle ma demandé pourquoi que je recommençais à repenser à cela. Parce que je me croyais peut être supérieur aux autres ! Non !
Maintenant, que faire pour améliorer les choses autour du handicap, et bien comme jai compris aujourdhui, on peut aider ces gens là. Comme moi, je suis aidé aujourdhui. Mais avant dêtre malade, ces gens là me demandaient une pièce, me demandaient de leur ouvrir une porte parce quils étaient en fauteuil. Et moi, je refusais. Je me croyais invulnérable !
Maintenant que je suis malade, je vois que moi aussi par moment jai besoin daide. Et il le faut.
Le théâtre, le mariage...la confiance !
Dans cette partie sur les positivités, Reine et Paul insistent sur les bienfaits du théâtre qui libèrent le corps et l'esprit, sur l'accès à l'autonomie pour les "enfermés", sur la victoire que fut leur mariage et enfin sur la confiance sous toutes ces formes dont on voudra bien les honorer.
A une certaine époque, raconte Paul, on ma proposé en allant voir mon psychiatre, en discutant avec un infirmier psychiatrique aussi ! On ma proposé de faire du théâtre. Jai dit : en quoi cela consiste ! On ma dit daller voir à la maison des associations, de voir un professionnel du théâtre qui vous mettra sur la voie. Jy suis allé, donc. La première fois que jarrive, jy vais encore avec ma femme. On voit des gens qui font des mouvements, ceci, cela. Moi, je me faisais une idée toute autre du théâtre. Parler, connaître un texte par cur, etc
A la fin de la séance, une dame qui nous a fait participer me demande si cela ma plu, je lui dit : non. Je rentre à la maison, je demande à ma femme si cela lui a plu, elle me fait non également. Je me dis alors on laisse tomber. Encore une connerie ! Et si les gens de J
" mentendaient ? Et bien je men excuserais auprès deux. Encore une connerie quils ont inventée ! Je suis direct. Six mois après, les vacances étant passées, je revois Mr "P
.." qui me dit : essayez, le théâtre
. Oui, le théâtre, cest bien mais ça va 5 minutes !
. Je lui dit que je viens dans laprès midi. Cétait, il y a 3 ans. Jarrive, on fait un rond.
Ils se mettent en cercle sur le sol pour se parler, nous avons été accueillis de la même façon pour nous présenter et présenter nos travaux devant la troupe.
On se présente, donc, nous relate Paul. Il leur dit : écoutez, nattendez rien de moi, je suis ni souple, ni ceci, ni cela ! Je ne retiens aucun texte, je ne
. Ils me répondent : cest pas grave, cest pas grave ! Et me voilà parti ! On y va, jessaye de venir à toutes les séances. Jen ai loupé une fois parce que jétais un peu fâché. Ca devait être la sixième ou septième ! Cétait de lexpression corporelle. Alors pour moi, qui suis malade mental, il suffit juste denregistrer ce que le prof de théâtre a dit et de le reproduire. Puis tout va bien. Et ensuite, elle nous parle dun spectacle. Là, ça devient un peu plus difficile. Mais nous nous sommes produit à lhôpital de J., à la salle des fêtes avec les personnes de lhôpital de Mirecourt qui eux gens chantaient. Ils avaient composé certaines chansons et puis ils les chantaient. Et ensuite, nous nous sommes produits sur la scène. On a fait des gestes que Patrice nous avait appris avec des chaises. Alors, moi je quittais ma chaise les yeux fermés, la dame qui était avec moi me laissait la chaise etc.
. et ensuite on fait une structure. La fois daprès, je veux voir mon psy qui me dit : et bien Mr B., vous devenez un artiste ! Je lui dit : non, non, je ne suis pas artiste ! Je nai que fait, que répéter ce que jai appris. Et de séance en séance on arrive à monter une pièce. Je pense que la première fois quon a joué cette pièce elle ne devait durer que dix minutes ! Oui cétait dans le cadre dun séminaire. Patrice me dit quil y a un séminaire qui va se dérouler [dans la région]. Il y a une troupe qui vient dItalie, il y a ceci, il y a cela. Il me dit qu'il y a beaucoup à apprendre. Et malheureusement pour des difficultés financières, ça ne devait coûter que seulement 50¬ , mais à l époque, on ne les avait pas pour finir le mois. Bref...
Il a du "bloqué" comme il le dit souvent. La patience sans borne de Patrice faisant le reste, une nouvelle occasion se présenta à notre ami. Il continue ainsi.
Quelques mois après, j allais le voir le soir, javais le droit daller le soir aux spectacles préparés par Alito
et suite à ça, je suis passé sur scène avec mes collègues, avec un rôle à jouer et un texte à dire en même temps, mais qui auparavant, avait été travaillé pendant plusieurs semaines. Et moi je pensais que jétais incapable de faire ça. Même pour dire la vérité, il y avait Alito., le fameux chorégraphe américain. Jai fait la répétition, je me suis bloqué au milieu de la pièce, jai regardé mon Patrice, le maître ! Et trou noir. Tout ça pour un détail. Donc, vous voyez que jai des difficultés à enregistrer. Il ma dit de continuer, je dis bien que cétait la répétition du spectacle. Il ma dit : continues ! Je voyais bien que les autres étaient impeccables, et moi je bloque. Alors, je continue, je continue, je continue
et là, ça se termine. Après le soir, arrive le moment de la pièce
. Bon, ça commence tout le monde fait son rôle, moi pour dire la vérité, je narrive pas sur scène en premier. Et bien, vous saviez ce que jétais en train de faire
Je reconnais aujourdhui que jai failli faire louper la soirée, jétais en train de fumer une cigarette. Et jétais enfermé à lextérieur. Alors je cours, je vois une dame qui marche, je dis : veuillez mouvrir cette porte, veuillez mouvrir cette porte. Et elle me dit : ne vous affolez pas "Mr B. ", je lui dit : vous voilà, vous, et bien moi, je dois passer dans deux minutes sur scène, quest ce que je fais enterrer ici ? Elle me dit : toi et ta sacré cigarette ! Je dit : et bien moi, avec ma sacré cigarette, tu vas voir que je fais tout louper. Et elle tape, elle tape, quelquun lui ouvre enfin, et je n'ai eu que le temps de prendre mon bâton et de faire ma pièce !
Ensuite, on a continué à travailler, mon rôle étant toujours le même, mais un peu plus fractionné. Nous nous sommes produit à lhôpital de Mirecourt. Chose qui m'a dérange, jaime bien ma femme, elle était absente, pas de place dans le véhicule. Je me suis dit ça commence bien la journée. Et puis on se reproduit là haut. On avait travaillé un peu plus, jétais ainsi un peu plus rassuré.
Cette fille ma fait donc connaître les associations dont je parlais au début, denregistrement, et jen ai accepté quune, ce fut le théâtre. Et moi après, je lai convaincu à venir me rejoindre dans cette activité
Ensuite étant ensemble, logeant dans un tout petit appartement à deux, nous avons décidé de changer de quartier. Et nous avons pris un appartement plus grand. Et cette fille ma demandé en mariage, chose que je croyais impossible. Je lai fait et depuis tout va mieux. Tout va mieux dans le sens que cest une femme de foyer, parfois je reconnais que je ne sers à rien ! Elle fait tout à la maison, que voulez vous de plus ?
Et depuis, nous vivons tranquillement.
C'est Reine parle maintenant de son statut de citoyenne, on sent que l'institution lui a enlevé de longue année durant une partie de sa dignité. Pour moi, me dit-elle, parfois jai eu limpression quon est refoulé de la Société. Parfois je pense à ça.
Elle nous raconte qu'elle avait perdu ce droit de vote en étant sous tutelle. La personne qui est sous tutelle na pas le droit de voter.
Reine confirme que la mairie de Metz lui avait écrit pour ne pas qu'elle aille voter. Elle sétait inscrite à la Mairie. L'un avait reçu sa carte délecteur et l'autre a reçu une lettre recommandée qui signifiait que comme elle était sous tutelle, elle navait pas le droit de voter.
Pour le travail, jai fait trois ans de C.A.T à Orléans, ça marchait bien et après par la suite, je suis tombée malade. Donc je ne pouvais plus travailler. Mon médecin ma dit darrêter de travailler car dans mon cas actuel, je ne peux pas travailler. Jai fait depuis, treize ans dhôpital psychiatrique sans jamais sortir, rien. On était infantilisé. Oui, on nous prenait pour des enfants et jai souffert. Oui, je demandais à sortir et on me disait, vous n'êtes pas prête ! Parce que moi, normalement je suis sous curatelle, cest quelquun qui gère mon argent. Et quand jen ai eu une autre je suis passée sous tutelle. Et pour se marier, il faut être sous curatelle. La bagarre fut longue ! Maintenant ils sont mariés et autonomes.
Récit no 10 : À propos de Jean : "Négocier en permanence !"
Né par un soleil étincelant !
Note interlocuteur étudiant en D.E.S.S est un jeune homme plein d'humour qui ne mâche pas ses mots. Son témoignage se situe à la confluence des approches intégratives et compensatrices autour des plus lourdes situations de handicaps. Il insiste sur l'équilibre entre l'autonomie, sel de la vie et les aides de toutes sortes nécessaires, mais dont on doit trouver les limites avec cette notion plus péjorativement connotée : l'assistance.
Je me présente à vous, même si vous me connaissez déjà un peu. En effet, avant de le rencontrer réellement, de nombreuses personnes m'avaient parlé de lui, j'en avais donc un portait par anticipation.
Je suis donc Jean, né le 11 août 1979 par un soleil étincelant ! Je suis atteint d'une amyotrophie spinale infantile de type 2. J'ai suivi une scolarité tout à fait normale dans des établissements non spécialisés. Ayant fait le collège à Lifou, une des îles Loyautées de Nouvelle-Calédonie. Nous avons dû déménager à Nouméa dans la mesure de l'inexistence de lycée sur l'île. Puis j'ai fini mon lycée à Paris dans un établissement accueillant des gens en fauteuil, 30 % de l'effectif. Je suis ensuite parti à Grenoble où j'ai eu la chance d'être pris dans une structure unique en France, où je bénéficie d'un studio universitaire intégré dans une résidence universitaire normale. Un service d'auxiliaires de vie se trouve au sein même de la résidence ce qui nous permet de gérer à la fois notre autonomie et notre vie estudiantine, peut-être pourrais-je vous parler de tout cela plus en détail si nous nous rencontrons. Après divers "obstacles", comme par exemple, ces gens qui m'ont dit : "Mais qu'est-ce que tu vas faire dans la biologie, alors que tu es handicapé ?". Mais ces personnes omettent souvent la place de plus en plus prépondérante de l'outil informatique dans le milieu de la biologie, et ils oublient aussi que la société actuelle fait que l'on se doit d'être de plus en plus polyvalent. C'est donc dans cette optique que je me suis engagé et que je me spécialise petit à petit vers la voie de la bio-informatique.
Sinon au niveau plus personnel, je suis un "fou" de cinéma et d'ailleurs, à ce propos, je trouve qu'on ne voit pas assez de personnes en fauteuil dans le monde médiatique français. Deux réels problèmes apparaissent dans le 7e art. Le premier étant le fait que ce sont des valides qui jouent le rôle du handicapé, comme sil n'y avait pas de personnes en fauteuil sachant jouer ! Le deuxième problème étant qu'on ne voit des personnes en fauteuil que si le film traite du handicap, nous faisons partie de la société que quand cela arrange tout le monde sinon ...). Je pense que le 7ème art est un bon moyen, pas assez exploité pour changer la vision des gens, en faisant jouer des personnes en fauteuil dans des rôles tout à fait banals et dans des films qui ne traitent pas du handicap , comme dans le vie quoi ! On fait partie de la société, non ! C'est pour cela que j'essaye de réaliser des petits courts métrages entre amis étudiants. Sinon mes autres passions sont bien sûr la musique, que j'ai pratiquée pendant plusieurs années avec huit ans de solfège, du saxo soprano, du synthé, du chant. J'ai joué aux échecs que j'ai pratiqués dès l'âge de six ans en étant classé. Actuellement je fais de la biologie bien sûr, de la plongée sous-marine et tout ce qui touche à la mer [en plus] du ski en fauteuil, des voyages car j'ai eu la chance de beaucoup voyager.
Il m'écrivait tout ceci en espérant que ce texte puisse m'apporter un "plus" pour les détails sur son curriculum ainsi que pour faire plus ample connaissance tout d'abord par le moyen épistolaire avant notre rencontre à Grenoble sur le campus "super" accessible, selon ses dire.
Nous donner une place dans la société !
La chrono-thématique de notre rencontre débute en 2002 par un thème centré sur les études supérieures. Un texte dont le père me présente tout l'intérêt dans le cursus de son fils. Un père qui voulait piloter avec moi les entretiens mais très vite, nous avons du lui signifier que c'est la parole d'une seule personne qui prévaut dans ce récit, c'est d'abord celle de son fils, la sienne ne venant que comme complément. C'est vrai aussi, comme le signalaient de nombreux parents que j'écoutais dans les marges des entretiens, que ce handicap est souvent porté par l'entourage. Un fardeau lourd à porter donc on le porte à plusieurs.
En septembre 2002 nous recevons un texte sur la poursuivre ses études dans l'enseignement supérieur ce document m'est parvenu par le biais son père accompagné par la photo de son fils prise lors d'un colloque sur le thème "Etudes et handicap" à l'Université. Son père est enseignant à la faculté et tout comme nous, il connaît le poids des études dans la reconnaissance sociale des personnes handicapées mais aussi le "parcours du combattant" du plus grand nombre pour y accéder malgré les discours très optimistes sur le sujet.
Depuis une vingtaine d'années, la scolarisation des enfants et adolescents handicapés dans le primaire et le secondaire a connu des progrès particulièrement importants, favorisant l'accès croissant d'étudiants handicapés à l'université.
Ces progrès se sont accompagnés de la nomination, dans nombre d'universités et de grandes écoles d'un responsable ou chargé de l'accueil des étudiants handicapés. Son rôle est de servir d'interface entre l'étudiant, sa famille et l'université.
En cas d'hospitalisation du candidat au moment des épreuves, le responsable de l'établissement d'enseignement supérieur doit prendre en collaboration avec le responsable du centre hospitalier, les dispositions nécessaires pour permettre, autant qui faire se peut, le déroulement ultérieur des épreuves.
Le 10 septembre 2002, après un premier contact par téléphone pour une présentation protocolaire, Jean m'envoie par Internet quelques réflexions philosophiques telles que celles-ci.
Je n'irai pas jusqu'à dire que "la vraie doctrine c'est la doctrine de la faiblesse !" Mais il est clair que "notre richesse collective est faite de notre diversité". Effectivement, le peu de capacités physiques qui nous reste en tant que personne handicapée, peut nous donner une place dans la société, ou une situation sociale. Je pense que nous pouvons apporter beaucoup de choses aux personnes valides, telles qu'une remise en question, ou tel que le fait de relativiser certains événements de la vie.
Le 24 février 2003 je reçois, dans une longue lettre qu'il venait de dicter à un ami ou à son frère, la primeur des questions posées par le premier dossier avec les précisions sur son Curriculum Vitae
Bonjour, me dit-il, je m'appelle Jean. Je suis né le 11 août 1979 par un soleil étincelant. Je suis atteint d'une amyotrophie que l'on confond souvent avec un myopathe. J'ai suivi une scolarité tout à fait normale dans des établissements non spécialisés.
Après une assez longue interruption, une nouvelle missive me parvient le 28 août 2003. Une longue lettre écrite par le frère cadet quand il rentre chez lui dans le Loiret. Souvent j'ai du rappeler notre contrat pour les échéances, les temporalités de recueil de données car nous suivions dix sept personnes en même temps. Il me répond du campus de Saint-Martin dHères quelques temps après ces vacances.
Bonjour Mr Zicola, Je vous fais parvenir mon analyse de ces articles, je nai toujours pas utilisé la cassette que vous mavez envoyée et que jai toujours à Grenoble pour la simple et bonne raison que je navais pas le matériel nécessaire pour enregistrer ma voix. Je la garde pour une prochaine fois. Pour ce qui est de mes analyses, il est vrai que je dérive certaines fois, mais jespère que cela vous conviendra quand même. À la prochaine fois, Jean.
Le 22 décembre 2003, Jean dicte une très longue lettre critique sur le dossier no2 autour de la thématique du " cur" : la pitié, l'émotion, la compassion...
Le premier point qui me choque à propos de cet article, est le vocabulaire employé. Effectivement, le journaliste dit, et je le cite : "elle est I.M.C, infirme moteur cérébral tétraplégique !", si l'on veut ! Ce qui, pour ma part, ne veut absolument rien dire. Elle compare I.M.C et tétraplégie, cela n'a rien à voir ! L'I.M.C touche généralement tout le corps, tout ce qui est moteur et non pas seulement les quatre membres. Les mouvements incohérents ne sont présents que chez certains I.M.C puisqu'il existe plusieurs formes par exemple l'I.M.C athétosique, l'I.M.C spastique,.etc. Je dirai, pour résumer, que nous avons à faire, comme souvent, à une journaliste qui n'y connaît strictement rien au handicap et qui plus est, se préoccupe plus du caractère sensationnel de son article comme le montre le titre : "Le cri de Mino qui attend la mort".
Les 29 et 30 mars 2004 je me suis rendu à Grenoble sur son lieu de vie pour une rencontre bilan avec Jean. Je suis parti deux jours à Grenoble pour m'entretenir avec lui que je n'avais pas encore vu physiquement L'entretien informel s'est déroulé sur le campus puis chez lui dans son appartement très moderne et adapté pour son type de handicap.
Il paraissait assez angoissé surtout pour son avenir en ce qui concerne la possibilité d'avoir un travail et un appartement sur Grenoble. En effet cette ville est très adaptée aux personnes situation de handicap mais elle semble atteinte aussi par une limite d'accueil. Il me signale qu'il ne faut pas faire de l'université de Grenoble avec plus de 80 000 étudiants, un ghetto pour le handicap le vocable de "handicapland" a été évoqué !
Il me parle aussi des réalisations "de négociations permanentes ", car il faut sans cesse être diplomate, être un sociologue expert du handicap pour parlementer sans cesse afin d'obtenir la moindre chose ! Rien n'est jamais acquis !
Il me parla ensuite des conflits entre handicapés, en effet cela peut paraître étrange mais il existe des tensions entre les personnes handicapées et leurs situations particulières. Il me parla de la barrière des 20 ans pour l'obtention l'allocation d'adultes handicapés. (A. A. H). Nous avons aussi évoqué le don et le contre don dans les aides à donner mais aussi à recevoir ainsi que la mise de son intelligence au service du collectif. En cela la personne handicapée peut être utile comme n'importe lequel d'entre nous.
Le mardi 30 mars 2004 dans le dernier entretien avec Jean, nous revenons sur certains points comme les "discriminations positives" et la "ghettoïsation" qui touchent les personnes handicapées dans cette post modernité aux limites identitaires floues voire incertaines.
Il ne faut pas que ça se transforme en ghetto, m'indique-t-il, parce qu'en fait, ça peut amener à l'effet contraire finalement, à la non-intégration. Le fait que les personnes en fauteuil se mettent toutes ensemble. Ca arrive souvent d'ailleurs, par exemple avec les personnes qui sont sourdes, les sourds profonds. Ils sont toujours entre eux et finalement, ils n'arrivent pas à s'ouvrir dans la société, souvent ils n'arrivent pas trop à s'intégrer.
Encore une longue absence de sa part puis enfin un mail par Internet me parvient le dimanche 17 octobre 2004 sur les derniers dossiers, le corps sous toutes ses dimensions. Il s'exclama au début du texte.
Enorme mea coulpa ! Il est vrai que je n'ai pas beaucoup de temps en ce moment. Il faut que je me mette en recherche de stage, en recherche de logement, en recherche de financement pour matériel médical et adaptation, en recherche de cabinet infirmier qui puisse me prendre en charge dés le mois de juin (et ça c'est pas du tout gagné à Grenoble !), en recherche d'auxiliaires de vie, en recherche de la meilleure organisation possible au niveau financier mais aussi physique. Faut-il une auxiliaire le matin ou une infirmière ? Faut-il une aide d'association ou un chèque emploi service ? Peut-on cumuler infirmières libérales et d'autre cas... etc... Enfin bon, je vais arrêter de me plaindre voilà quelques analyses !
Rien n'est jamais définitif, c'est toujours un combat permanent. Jean nous invite à nous questionner sur l'intégration des handicaps les plus lourds.
Si j'ai des enfants, je ferais un diagnostic prénatal !
Il est difficile d'avoir un avis défini sur cet arrêt "Perruche". Si on se place du côté des personnes handicapées, on comprend tout à fait l'absurdité du fait d'indemniser quelqu'un qui vit, mais d'un autre côté, on peut comprendre les parents qui font appel à un diagnostic prénatal. Ainsi moi même si j'ai des enfants, je ferais un diagnostic prénatal. Pourquoi faire le jugement de ceux qui ne se sentent pas capables d'élever un enfant handicapé ? Il est vrai aussi que cette indemnisation peut entraîner une certaine ségrégation dans le monde handicap. Cette analyse concerne plus une approche politico institutionnelle des diagnostics avec toutes les dérives que cela suppose. Nous avons dialogué sur ce sujet car il a touché la justice française, l'éthique médicale durant de longs mois. A un niveau plus personnel, plus quotidien Jean a situé sa maladie en nous disant...
Je suis atteint d'une amyotrophie spinale infantile de type 2, qui est en fait une maladie génétique récessive dont la mutation se porte sur un gène codant pour une protéine intervenant dans la survie des motoneurones. On me confond souvent avec un myopathe, car au final, cette maladie touche les muscles, or ce sont les messages qui n'arrivent pas jusqu'aux muscles. L'encyclopédia Universalis (1999) décrit "les maladies familiales dégénératives" qui peuvent intéresser les différents étages du névraxe et des différents systèmes. Dautres formes touchent assez électivement le système nerveux périphérique comme, "lamyotrophie spinale infantile de Werdnig-Hoffmann". C'est la maladie de Jean.
On retrouve avec cette présentation de la maladie de notre ami, ce que disais Alexis Ridray (2004) : "Cette différence entre les autres et moi c'est la délétion hétérozygote de l'exon 7 du gène S.M.N, le survival motor neuron qui code pour la protéine du même nom, se trouvant sur le chromosome 5. Une simple ligne qui déroge sur les milliers de pages d'une encyclopédie ! "
Jean insiste sur le manque de connaissances que le public possède sur ces maladies génétiques. Il émet une critique dans le sens ou les journalistes mélangent de nombreux syndromes et déficiences.
D'ailleurs l'association française pour les myopathies (A.F.M) insiste, par rapport aux maladies rares, sur le fait suivant que "contrairement à ce que lon pourrait croire, les maladies rares et les maladies génétiques nous concernent tous. Elles touchent 4 à 6% de la population, soit 3 millions de Français et 25 à 30 millions deuropéens. 80% de ces maladies sont dorigine génétique. Parce que, dès 1987, l'A.F.M a compris qu'il n'était pas possible de guérir une maladie sans acquérir la masse des connaissances qui permettront d'en soigner plusieurs, elle a choisi d'intervenir au-delà du champ des maladies neuromusculaires, qui sont toutes des maladies rares, ainsi que sur les problématiques plus globales des maladies génétiques et des maladies rares. Si chacune des 6 à 7 000 maladies rares rencontre des problèmes spécifiques, elles ont en commun, en effet, de ne pas bénéficier de traitement curatif, d'accéder difficilement à un diagnostic et à des soins et, au bout du compte, d'exclure les malades de la vie sociale. Une vision transversale et globale est impérative pour mettre en oeuvre des politiques efficaces en matière de recherche, de développement de médicaments, dinformation, de prise en charge."
Rien n'est jamais acquis !
Jean parle maintenant de souffrance à travers l'expérience qu'il possède en propre ainsi que des témoignages des amis de son entourage. Il parle très facilement de tous les sujets. Sa verve naturelle, en fait un observateur pertinent. Il a remarqué souvent des conflits entre handicapés. Les personnes qui deviennent handicapés par accidents, me raconte-t-il qui deviennent paraplégiques ou tétraplégiques, etc. Souvent, ils ont du mal à accepter leur handicap et finalement comme ils ne peuvent pas s'accepter eux-mêmes, il y a un rejet des autres handicapés en retour. Un rejet complet ! C'est un conflit sans être un conflit on peut affirmer qu'effectivement, ils n'arrivent pas à accepter les autres.
C'est compliqué. C'est-à-dire que pour les grandes causes, oui, on est tous ensemble. Mais dans le quotidien, il y a cette existence du rejet des autres handicapés.
On retrouve, à de nombreuses reprises dans les récits, le fait que certes certains soient ou deviennent handicapés, c'est une réalité incontestable par le port du stigmate. Mais ils trouveront tous plus handicapés qu'eux même. Ils rejetteront prestement toutes formes d'aides, d'indemnités trop ostentatoires. Ils se diront enfin de compte qu'ils ont la chance d'avoir toute leur tête ; le handicap mental ou psychique devenant la limite extrême de l'acceptabilité de la souffrance, de la douleur ainsi que du poids des regards dépréciatifs.
Pour le handicap de façon plus globale, Jean espère que Jacques Chirac va vraiment tenir ses promesses, et qu'il va faire du handicap une de ses priorités. Effectivement, il existe de nombreuses aberrations dans le système français concernant les allocations, par exemple la suppression de l'allocation aux adultes handicapés (A.A.H) et de l'allocation compensatrice pour une tierce personne (A.C.T.P) lorsque l'on travaille. C'est la même suppression qui intervient si votre conjoint travaille, c'est-à-dire qu'ils vous rendent dépendants de vos conjoints, ce qui est carrément malsain. En fait, j'ai l'impression que le système est fait pour ne pas intégrer les personnes handicapées.
Pour ce qui est du thème de l'article sur l'euthanasie et la loi. Je trouve cela totalement ridicule et dépourvu d'intérêt. Il y a dans la vie, des valides qui se battent et d'autres qui se laissent aller. Je crois que de ce point de vue là, les handicapés soient, pour une fois, égaux aux valides ; certains vont tout faire pour s'en sortir, et d'autres non. On peut dire que l'histoire de "Mino" ne m'attendrit absolument pas. Personnellement, je connais plusieurs personnes I.M.C, qui sont, aux vues de la photo de Mino, plus handicapées qu'elle ! Cela ne les a pas empêchés de réussir dans la vie, la condition [sine qua non] étant, bien sûr de se battre car rien n'est jamais acquis, que l'on soit valide ou handicapé !
En résumé : l'euthanasie, je ne suis pas forcément contre, à condition qu'elle soit faite pour des personnes souffrant physiquement véritablement et étant destinées à une mort certaine et douloureuse. Je pourrais citer de nombreuses personnes qui sont devenues handicapées du jour au lendemain, paraplégiques ou tétraplégiques, qui ont toutes à l'unanimité, voulu mettre fin à leurs jours à l'issue de leur accident. Ces mêmes personnes, sont aujourd'hui, pour la plupart, mariées avec des enfants ou font des études, ... et sont heureuses ! Je ne dis pas qu'elles ont accepté totalement accepté leur handicap, mais juste qu'elles ont su compenser. Et d'après leur dire, le pari de la vie en valait la chandelle. Ces personnes n'auraient pas pu connaître ces bonheurs si elles avaient été "euthanasiées" ou si elles s'étaient suicidées. Je pense qu'il ne faut pas euthanasier une personne, qui sous l'influence d'une dépression passagère, le voudrait. Il y a toujours moyen de remonter la pente !
L'angoisse du présent est là lorsqu'il me parle aussi des négociations permanentes, car il faut sans cesse être diplomate, être un sociologue expert du handicap et parlementer sans cesse pour obtenir la moindre chose. Rien n'est jamais acquis.
La peur de l'avenir se traduit elle par ce qu'il désigne sous le terme de "structures permanentes", leurs manque plutôt pour être exact.
Cette angoisse, insiste-t-il, encore une fois, est due à la saturation du Conseil Général de l'Isère. Il y a saturation des cabinets d'infirmiers, c'est-à-dire que quand le moment sera venu de sortir de l'Université, il va falloir que je trouve un appartement, monter [des dossiers], tout ça. Ça va être encore un problème, monter des financements et tout ça pour m'aider à faire adapter un appartement. Mais plus que ça, il y a tout le problème de trouver des personnes, des aides, de trouver des auxiliaires de vie. Ça encore, ça se fait relativement bien. Mais trouver des infirmiers pour faire les levers et les couchers, c'est presque du domaine de l'impossible. Pourquoi ? Parce que justement il y a trop de personnes en fauteuil. Trop de personnes en fauteuil ! Et comme on nous donne des taux d'A.C.T.P qui sont quelquefois assez misérables, qui ne sont pas en accord avec le handicap,
Je parle surtout des gens qui ont un handicap assez lourd, mais le fait qu'on soit dépendant, fait quon est obligé de faire avec les personnes, avec les aides humaines, et donc forcément, on est souvent amené à négocier, à parlementer, à marchander. Mais ça c'est à tous les niveaux ! A la fois au niveau de l'administratif, à la fois au niveau humain. Parce qu'effectivement, ça arrive. Il arrive quelquefois que des gens s'occupent de nous et que le courant ne passe pas. Il n'y a rien qui passe donc forcément, on est obligé de faire avec ! Par exemple des petits trucs du genre voilà, j'ai besoin de me coucher plus tard. J'essaie de m'organiser pour pouvoir le faire. Comment je fais ? Avec qui ? Avec quelle personne ? Donc voilà, c'est toujours des petits moments comme ceux là. Et puis les arcanes institutionnelles, ça, administrativement, on commence à bien connaître !
Oui, tout ceci, quelque part c'est un peu soûlant. Et puis il y a des gens aussi qui s'amusent à... qui aiment ça, qui aiment qu'on leur demande et redemande, qu'on les supplie ! C'est vrai que c'est un peu soûlant des fois. Tout dépend de sa personnalité, il y en a qui vont se laisser vite dépasser, ... d'autres vont essayer de passer outre, d'y aller. Mais c'est vrai que dans l'ensemble, oui, ce n'est pas toujours humiliant, mais bon, on se sent rabaisser !
L'intégration peut se voir améliorer grâce à l'éducation !
Jean nous donne dans la suite de l'entretien ses réflexions qui se transforment en une série de recommandations fortes utiles pour le partage des connaissances sur la situation de handicap. A propos de l'école et "des soins" qu'elle doit procurer à tout enfant, voici son analyse.
J'ai l'impression qu'il y a un amalgame entre éducation et intégration. Je pense que la vraie question qu'il faut que l'on se pose est la suivante : veut-on privilégier plutôt l'éducation ou plutôt l'intégration ? Il est très difficile de répondre directement à cette question. Peut-être que l'intégration peut se voir améliorer grâce à l'éducation. Dans tous les cas, il apparaît que l'éducation reste un facteur important et que de toute façon, il faut la privilégier, quel que soit le handicap !
Il est important que tout enfant suive une éducation normale ou une éducation spécialisée. J'entends par spécialisée, l'aménagements dus à divers soins obligatoires tels que la kinésithérapie, les soins infirmiers, etc. Finalement une spécialisation souple qui s'appuie sur à un aménagement temporel du programme scolaire ou un aménagement ergothérapique suivant le handicap moteur de l'enfant.
Mais il ne faut pas négliger l'intégration. Elle est importante pour l'épanouissement de la personne, pour son bien-être... Mais c'est là qu'intervient le problème majeur actuel. J'ai un peu l'impression, en ce moment, que trop systématiquement, les enfants handicapés sont mis dans des classes spécialisées.
Grâce à ces classes spécialisées (C.L.I.S et autres) la société peut mettre à l'écart les enfants handicapés tout en ayant la conscience tranquille.
Effectivement, l'éducation est importante, mais si on peut avoir en plus l'intégration, j'entends par intégration un lieu dans des classes normales, des classes pour "valides", c'est quand même une autre dimension ! Pour moi tout enfant handicapé moteur pouvant être intégré dans une classe normale doit l'être.
Ce qui est ahurissant, c'est que dans la plupart des cas, effectivement l'enfant peut être intégré dans une classe normale sans aménagement, ou avec un petit aménagement (photocopies des cours par exemple,...) et que celui-ci est mis [presque systématiquement] dans une classe spécialisée. J'y suis allé peut-être un peu fort dans mes propos précédents, avec le fait de dire "la conscience tranquille", mais c'est ce que je note, ce que j'observe actuellement.
Et je pense que ceci est dû à un manque de volonté, non pas des politiques, mais de l'administration et des équipes éducatives. Ils ne suivent pas le mouvement. Ils se permettent quand même de dire que l'accueil d'enfants handicapés, ne "s'improvise" pas ! Mes parents ont aussi entendu ce genre de phrases lorsque je suis entré en primaire et que l'on m'a refusé dans l'établissement qui était [pourtant] à côté du lieu de travail de mes parents.
Il ne faut pas infantiliser les enfants, le rôle des parents est capital pour garder le contact avec le monde réel, avec le monde tel qu'il est.
Un petit exemple, j'ai connu au lycée, une personne qui avait le même handicap que moi, mais qui au niveau esprit était complètement infantilisé, et ceci était dû au fait qu'il n'avait jamais vécu dans un milieu "normal" et avait fait toute sa scolarité dans des centres spécialisés. Il était donc incapable de se projeter dans l'avenir, mais aussi dans le présent, dans des gestes quotidiens comme par exemple, tout simplement, choisir ses habits le matin, alors que physiquement il pouvait suivre une scolarité normale.
Mais il ne faut pas oublier, que les parents y sont pour beaucoup, c'est à eux de faire vivre sainement le handicap à leur enfant sans s'apitoyer ni sur leur sort ni sur le nôtre, et sans (se) culpabiliser, car ces attitudes occasionnent des dégâts importants sur l'enfant. En conclusion, il faut de toute façon, rester dans un système qui effectue du "cas par cas", car chacun de ces enfants possède un handicap différent, n'évoluant pas forcément de la même manière.
A propos des exemplarités, ces "belles réussites" qui peuvent servir de base, permettre de reprendre courage, pour ceux qui sont touchés par les aléas du sort. J'ai d'ailleurs quelques copains et connaissances I.M.C à donner en exemple. Ce sont des amis tels que, Jeanne qui est à Bordeaux en D.E.S.S d'Informatique, Olivier C. qui vient de finir sa maîtrise de droit, Olivier M. qui malgré son lourd handicap est professeur d'Anglais en lycée, M. Davase qui est marié avec des enfants. Le fait qu'il ne parle pas et qu'il soit obligé de s'attacher les mains à cause de ses mouvements incohérents, le met pour ma part, au rang des exemples d'intégration [plus que réussie]. Il travaille en utilisant ses pieds !
Plus loin notre ami nous relate le cas médiatique des mères aveugles qu'il oppose aux histoires plus médiatiques jouant sur "les faits trop bien construits pour être vrais ! ". C'est nous qui ajoutons.
Je préfère ce genre d'article où l'on met en avant des personnes handicapées qui réussissent, non pas pour "éliminer" (il veut dire les effacer de la mémoire quotidienne : de ceux là on n'en parle pas !) les autres qui n'ont pas forcément su s'en sortir, par une sorte de honte mal placée, mais plutôt pour montrer aux gens valides qui s'extasient devant tel parcours idéal, le pourquoi, les causes de cette réussite. Un moyen de dire aux gens que cette personne handicapée a réussi grâce à l'existence de telle ou telle structure et que ces mêmes structures ne sont pas forcément difficiles à mettre en place. Je prends, pour exemple, le fait que je suis dans une résidence universitaire normale avec des valides, seulement, je bénéficie d'un studio plus grand et adapté, et je bénéficie d'un service d'auxiliaires de vie directement sur place géré et créé par divers organismes dont le C.R.O.U.S. Est-ce que cette structure, dans son entité même, dans son organisation, est elle une chose incroyable ? La réponse est non ! Combien y a-t-il de structures ou d'organisations similaires en France ? La réponse c'est une seule ! Il en est de même pour le lycée où j'ai fait ma première et ma terminale. Combien y a-t-il de lycées comme celui-ci, qui ne sont pas ces centres spécialisés, mais juste un lycée à part entière avec un centre de soin et un internat ? Réponse : un seul !
La base du problème est là, il n'y a absolument pas assez de structures en France, et je tiens à préciser, qui ne soient ni des centres ni des institutions spécialisées. Les causes de ces lenteurs peuvent être multiples : freins dans les administration et dans les lois françaises ; des politiques, des professionnels et des intervenants trop enfermés dans l'égoïsme, etc.
Pour continuer sur ma lancée, je tiens à préciser que les deux structures auxquelles j'ai fait allusion précédemment, n'acceptent, au jour d'aujourd'hui, plus que les personnes de la région même ! Tout simplement parce que ces structures sont uniques et de ce fait très demandées, très prisées, par les personnes handicapées désirant étudier et venant de toute la France. Cet article met donc en avant des personnes aveugles s'en étant sorties grâce, par exemple, à des personnes telles Edith Thoueille qui a mis en place un groupe de paroles pour mères aveugles, le seul en France. Comme par hasard, le terme qu'elle emploie est celui qui revient tout le temps, lui ou ses synonymes : unique, un, rare, ... Je parlais tout à l'heure de l'égoïsme des professionnels intervenants. Ils ne veulent pas se faire "chier" à agir dans le sens de l'intégration car cela demande du temps et de la bonté alors ce sont toujours des personnes isolées (toujours le même terme : rare, unique, un, seul) qui décident d'agir et qui agissent réellement. Le pire est que ces mêmes personnes généralement mal acceptées par les autres professionnels qui eux se sentent fautifs de ne pas avoir agi. J'irai même plus loin dans les termes, qui se sentent "minables et merdeux !". Cela peut même pousser ces mêmes professionnels "minables" à faire des choses qu'elles ne voulaient pas faire à la base ; c'est d'ailleurs pour cela qu'elles n'ont pas agi : pourquoi s'embêter quand on peut être tranquille ? Edith Thoueille en fait référence dans cet article en affirmant que "dans le milieu médical, on passait pour les "loufs" !... Qu'est-ce qu'ils ont besoin de s'occuper d'elle, y en a pas tant que ça ! (En parlant des femmes enceintes aveugles).
Le lieu où se rejoignent mes deux discours sur les deux articles, est situé dans cet espace de luttes pour s'en sortir et de joies qui y succède. Je la cite encore :"Elle raconte la force qui émane de ces femmes, leur manière admirable de conduire leurs enfants sur le chemin de l'autonomie, leur incroyable joie de vivre".
Cet article était très sympa à lire et par rapport au premier, on peut sentir le sérieux de la journaliste qui est confirmé à la fin par le fait que celle-ci se soit aidée d'un travail réalisé depuis deux ans par Delphine Warin sur les mères aveugles.
Jean insiste sur l'autonomie que lui procure Grenoble. Alors, la première chose, c'est que la ville est très accessible, avec les différents trams qui vont à peu près partout, dans les petites villes alentour ainsi que sur tout le campus. Et puis c'est vrai qu'il y a pas mal d'associations d'auxiliaires de vie. Mais c'est vrai que le principal problème à Grenoble, on en revient encore à la saturation, c'est au niveau infirmier où tous les cabinets d'infirmiers sont complètement saturés ! Les structures comme "Prélude", des structures entre guillemets "universitaires" qui permettent d'accueillir des jeunes étudiants handicapés en leurs permettant de gérer à la fois leur autonomie et leur vie estudiantine au début parce que c'est quand même assez difficile. Généralement on sort de chez nos parents. On y connaît rien pour ce qui est "paperasse" et tout ça. Donc c'est vrai que c'est important au début, au quotidien. Et donc on a un service d'auxiliaires de vie, directement dans notre résidence universitaire. Ce qui est encore mieux puisquau niveau de l'intégration, là, c'est vraiment "nickel". On est "au coeur de l'action" !
En ce qui concerne l'expertise à partager c'est clair que c'est primordial. Souvent on fait des grandes lois, on fait des grands mouvements, et c'est toujours des valides qui les font quoi. Donc c'est vrai que c'est quand même nous qui sommes les principaux acteurs. Il faudrait peut-être nous demander notre avis quelquefois ! Et puis la diplomatie revient toujours à la négociation. Il faut savoir arrondir les angles, il faut savoir dire les choses. Et puis comme on est dépendant, il ne faut pas être hypocrite, mais quelquefois cela revient à cela. Mais par rapport à l'expertise, j'en parlerai plus à un niveau politique, à un niveau administratif. Mais même dans la vie au quotidien, on nous prend pour des "dépendants" du savoir. On le voit souvent lorsque je me balade souvent avec des potes .Les gens que se soit dans un restaurant, que ce soit dans un cinéma, que ce soit n'importe où, vont s'adresser préférentiellement aux valides. Pas à la personne en fauteuil, alors que c'est moi qui suis concerné. Pas plus tard qu'il y a une semaine, je suis allé au cinéma, il y avait un problème, il n'y avait plus de place pour personne handicapée. Le gars parlait au copain valide. Alors mon ami valide, forcément, leur dit : "Ecoutez, vous vous débrouillez avec eux. Moi, je ne sais pas faire !" Alors moi, je suis parti directement, après lui avoir dit : "d'ailleurs, vous pouvez me parler à moi, il n'y a pas de problème ! ". C'est complètement aberrant quoi ! J'ai une copine handicapée qui m'a dit l'autre jour lorsqu'elle est partie à la Réunion, que dans l'aéroport, les gens parlaient à sa copine valide, en demandant quelquefois : "Est-ce qu'elle peut parler ?". Et la copine valide leur disait "Ecoutez, demandez-lui, vous verrez ! ". Et ça, mais c'est tout le temps, tout le temps. En permanence. Et ça revient à ce qu'on disait tout à l'heure, c'est cette espèce de premier sentiment qu'on a par rapport aux gens en fauteuil, aux gens en fauteuil ou aux gens handicapés d'ailleurs, c'est le "rabaissement". Cet espèce d'amalgame entre handicapés mentaux, handicapés moteurs, est-ce qu'il comprend, est-ce qu'il est capable de ? Malheureusement on revient souvent à ça !
Notre interlocuteur nous invite à penser, que toutes ces personnes dépendantes, sont d'abord, des hommes et des femmes avant toutes choses, avec des différences qu'il faut approcher, comprendre et intégrer. A ce propos, en profitant du fait que Jean a voyagé, qu'il a vécu dans des cultures différentes, je lui ai demandé quels soins pour le handicap avaient ces pays, comment se traduisaient les regards, les angoisses, les peurs (ou pas) qu'il portaient sur leurs sujets handicapées ? Il nous a entretenu de l'Australie, de la Nouvelle-Calédonie ; alors la question que nous lui avions posée fut de lui demander comment il avait perçu le handicap dans ces interculturalité ?
Cela me fait penser à la première fois où je suis arrivé au collège, à Lifou, en Calédonie, j'avais les regards de 400 élèves tournés vers moi, ils me regardaient tous ! Bon, il faut dire que j'étais handicapé, j'étais blanc et j'étais en fauteuil électrique ! Du jamais vu, ici ! Donc j'avais 400 élèves qui me regardaient ! Ca a duré une semaine et puis après, j'étais complètement intégré. Mais c'est vrai qu'ils n'ont pas du tout la même approche par rapport au handicap qu'en France.
Comment ils le traduisaient par rapport au quotidien ? Beaucoup plus naturellement. C'est à dire avec un petit recul parce que finalement, c'est étrange. Et puis après, une fois qu'on connaît [tout va bien]. Il y a un certes un fauteuil électrique mais avec une personne dessus ! Il y a une personne qui parle et puis voilà ! Alors qu'en France quelque fois, on a l'impression qu'il y a du mal à avoir ce passage vers la personne en fauteuil.
A propos des cultures ordinaires, des échanges au quotidien, c'est l'amitié qui prédomine. Jean parle de son ami pudiquement. A travers ce modeste exemple que j'ai retrouvé dix fois rapporté, le soin premier celui qui fait du bien se situe sur cette amitié donnée et reçue en retour. Un bienfait dont on ne saurait mesurer le poids.
Alors moi, je vais prendre l'exemple d'un de mes meilleurs amis, Marcel qui est myopathe qui a 27 ans, ce qui est quand même assez rare, 27 ans. Et donc lui, il ne peut rien faire, c'est le garçon dont je te parlais hier, qui bouge tout avec un pouce. Sa souris, sa porte, tout ! Tout est géré dans sa chambre depuis son pouce ! Il est aussi sous respirateur, sous assistance respiratoire. Il est très, très handicapé. Sous respirateur, avec les machines, le coucher prend 2 heures, le lever ça prend 2, 3 heures !
Même lui il le sait que de toute façon... Pour moi c'est un exemple ce gars. C'est un exemple parce que tu vois, malgré son lourd handicap il va partir en Corse. Je suis déjà parti en Corse avec lui ainsi qu'à Amsterdam. Mon ami est parti l'année dernière en Angleterre, à Londres. Il l'organise lui-même son voyage. Il trouve son auxiliaire de vie, il trouve des gens. Dès fois il trouve des gens, justement, ça revient à ce que tu disais grâce à un échange. Alors comment il fait ? Il utilise son intelligence. Il met son intelligence au profit des autres. Parce qu'il est très, très intelligent. Il est thésard en cristallographie je crois. Il donne aussi des cours particuliers. Voilà, il utilise son intelligence pour cela. J'ai un autre copain, c'est pareil pour lui il utilise son intelligence, il utilise tout son matériel informatique. Il a beaucoup de matériel du fait qu'il soit handicapé, il a beaucoup de matériel informatique. Et donc voilà, il compense comme ça. Il aide les gens : "tiens, je te scanne ça ! ", "viens, je te grave ça !". Et puis voilà quoi. Il y a toujours moyen d'échanger ! L'échange...
A propos du soin par les média. Bon le Téléthon c'est qu'il faut faire évoluer le truc [la recherche] donc donner de l'argent aux chercheurs, ça c'est OK. Moi il y a un aspect qui m'énerve dans le Téléthon. Déjà premièrement, cette espèce d'apitoiement permanent, j'appelle ça le "Charity show", j'appelle ça [comme cela] ! Moi ça me gonfle un peu dès fois. Je veux dire, d'un côté je veux qu'on demande de l'argent aux gens, mais bon il ne faut pas non plus en faire trop dans l'apitoiement ! Et le deuxième aspect, c'est qu'on montre que des enfants, on montre pas les gens qui sont vraiment là derrière, et qui finalement galèrent, galèrent parce qu'il existe un manque d'argent. Effectivement au niveau des chercheurs c'est flagrant, mais il y a un manque d'argent autrement plus évident qui permettrait aux gens qui eux, sont des gens lourdement handicapés, de vivre dans de bonnes conditions. En fait, j'ai l'impression que voilà, ça revient à ce que je disais aussi, par rapport à ce que je disais sur les enfants et l'intégration. On les intègre, on les met dans une institution, on s'en débarrasse un peu ! On dit aux gens de donner de l'argent pour qu'il y ait moins de gens en fauteuil dans l'avenir, moins de gens handicapés, mais ceux qui sont déjà là, on n'en parle pas trop. On ne parle pas de ces gens qui galèrent qui ont, je ne sais pas 40 ans, 50 ans, enfin tous les âges quoi ! On parle pas de ces gens-là qui galèrent et qui demandent de l'argent parce qu'il faut payer telle ou telle facture, il faut payer tel achat en plus, etc. Par exemple la réparation du fauteuil, voilà, je vais avoir une réparation de fauteuil, je vais m'en tirer pour je ne sais pas combien, voilà le quotidien !
Récit no 11 : À propos de Jacques : "Merci la vie ! "
Haltérophile de haut niveau !
C'est une rencontre singulière, elle aussi, avec un homme "impressionnant" qui malgré sa tragédie, me disait qu'il est un homme encore plus "grand" aujourd'hui qu'il ne l'était hier lorsqu'il était paradoxalement "entier" ! Je suis bien meilleur que je ne l'étais par le passé et merci la vie ! Il nous a envoyé son curriculum en nous précisant par téléphone qu'aucun sujet ne le rebute et que l'anonymat n'était pas nécessaire mais nous avons, comme pour tous nos interlocuteurs, assurés néanmoins celui-ci.
Jacques est né le 1 Août 1964 à Creil dans le département de l'Oise. Il habite aujourd'hui à Orléans. Il est de nationalité française; Il possède le permis de conduire. Il a effectué son service militaire.
Il a été agent de protection du 4/01/1986 au 01/03/1991. Puis ce fut le terrible accident qui le priva de ses membres inférieurs. Du 28 novembre 1994 au 5 avril 1996, il a effectué une formation en montage câble en électronique professionnelle au C.R.P les Rhuets. Il se passionne pour le sport. Il mesure 1,85 m et pèse 100 kg, donc bien entendu, il a rapidement pratiqué le basket-ball handisport de 1992 à juin 1997 enfin il pratique aujourd'hui l'haltérophilie handisport depuis août 1997 à très haut niveau.
Pour lui les idées-forces à développer sur le handicap sont à chercher à analyser, à compléter dans les approches suivantes ; l'accessibilité des handicapés aux bâtiments, aux transports, à l'éducation car ceux qui sont en charge des transports doivent l'assurer pour tous ; l'augmentation du nombre d'enseignants spécialisés car 1/4 des jeunes handicapés moteurs accueillis en établissements d'éducation spéciale ne sont pas scolarisés.
Pour commencer un dialogue, je leur avais demandé de me renvoyer de "libres écrits", sous les formes à leur convenance pour fixer les premières réflexions qui leur tenaient le plus à cur de développer par rapport aux dossiers servant de base à tous.
Pour le déplacement et l'autonomie, je pense, nous confia-t-il, qu'il faut obliger ceux qui sont en charge des transports, de faire aménager leurs infrastructures et leurs véhicules. C'est une cause importante à gagner pour nous. Pour une personne handicapée qui souvent, paye les mêmes tarifs et prestations que les autres c'est un combat qu'il faut investir car ne pas aménager ou encore participer à un "fond d'indemnisation" signifie de ne pas permettre à un handicapé de se déplacer et de se sentir autonome.
Le deuxième point concerne l'augmentation des classes d'intégration et le nombre des enseignants spécialisés. Si les handicapés moteurs n'occupent pas de postes importants dans l'administrations ou dans d'autres fonctions" exigeant un travail intellectuel", ce n'est sûrement pas dû à des incapacités propres aux handicapés mais à un facteur extérieur qui est un système (programme) éducatif inapproprié. Cette situation est peut-être le résultat d'une perception de "l'handicapé" comme étant un "attardé" très souvent incapable de rivaliser pour les premières places en société.
Je pense que l'article du premier dossier parle de compenser cela pour l'handicapé sans en faire clairement la référence, sauf en parlant brièvement "d'allocation compensatrice individualisée".
Et puis ce fut l'accident dramatique ou il glissa accidentellement sous un train le 01mars 1991. Je suis hospitalisé dans un service de réanimation suite à ce grave accident de travail.
Notre ami, père d'un enfant qui lui a permis entre chose de s'accrocher à la vie, nous gratifie en fin d'entretien d'un : "Merci la vie" !
Les trois mondes que je connais !
Nous nous contactons régulièrement mais nous nous rencontrerons moins régulièrement entre 2003 et 2005 pour parler de sa vie justement, une vie où le sport a pris une énorme place mais où le monde du travail, un monde qu'il connaît bien, qui lui est cher, commence à lui poser de sérieux problèmes ! On remarquera un vide temporel de près de cinq mois dans nos relations car, et je l'ai su par la suite, qu'en plus de son handicap au quotidien, il a du lutter contre une terrible maladie ; doù les longues périodes de silences qui se sont immiscées entre nous ainsi que les enregistrements par auto entretiens pour me faire parvenir malgré tout sa parole. Tout cela fut fait dans la plus grande discrétion presque dans l'anonymat
Jacques, le 29 janvier 2003, m'envoie un long texte écrit de sa main sur les libre propos de son votre vécu présent et/ou passé histoire de vie, sa présentation sportive ainsi que son Curriculum très détaillé
En Février 2003, les réponses de Jacques sur les "trois mondes qu'il connaît le mieux" me parviennent. C'est à partir de ces premiers matériaux que nous j'ai préparé la véritable rencontre de face à face avec lui. Il compare, à partir de l'article, une personne à qui il manque un pouce car elle est considérée aussi comme une personne handicapée, avec le cas suivant : à savoir des familles qui ont des enfants avec un handicap très, très, lourd et ce n'est pas normal car il y a le même traitement. Moi, je trouve ça un petit peu énervant parce qu'on leur remet un "macaron G.I.C. bleu" pour se mettre sur le emplacements handicapés et ça, je trouve ça un petit peu aberrant. Je veux dire, où commence le handicap, ou s'arrête le handicap. Donc, je crois que les trois choses importantes à mes yeux, c'est le droit au travail, le droit à la scolarité, le droit au sport, le reste peut venir après ces trois choses là ! Il faut que cela soit quelque chose qui soit vu et suivi de très près. Le monde du travail, le monde "vers" la scolarité, le monde du sport ce sont peut-être les trois [domaines] que je voudrais suivre.
Sur le dossier no2 traitant de la thématique du " cur", du 19 septembre 2003, Jacques me fait parvenir une cassette de ses analyses sur l'euthanasie et le suicide, sur la maternité et l'amour et enfin sur le temps et l'invalidité. Le contexte particulier de l'auto entretien chez lui fut le dernier avant un entretien direct pour faire le bilan, lui poser des questions plus intimes sur les sujets anthropologiques qu'il ne cesse de soulever dans son discours. Il me disait il faut savoir qu'actuellement pour une personne handicapée, pour certains peut-être, mais pas pour tout le monde, c'est très, très dur de se situer dans le social. C'est quelque chose de très, très complexe. Et, on essaye de faire évoluer certaines choses. Il y a à débattre là-dessus, il y a vraiment à débattre. On notera la répétition du terme "très, très" qui renforce le fait capital qu'il faille régler le problème au niveau social.
Le mardi 24 février 2004 il me reçoit chez lui dans son salon, il revient de l'hôpital. Par la suite il m'avouera la raison de ce silence de près de six mois. Je suis Jacques, m'écrit il dans l'enquête préparatoire, jai pris un peu de retard parce que jai eu quelques soucis de santé. Donc, là aujourdhui, je vais répondre seulement à un document parce que cela me pèse un petit peu ces soucis de santé. On travaille sur la relation entre le sport et le handicap, le poids des médailles ainsi que le courage d'affronter ces différentes vies. C'est notre première rencontre.
La deuxième rencontre chez Jacques se déroule le mardi 21 septembre 2004. Pour anecdote. Après un débat passionné et passionnant l'enregistrement n'est pas parti et on recommence la totalité du débat !
Un dialogue extrêmement riche dont je rapporte dans les lignes qui vont suivre une synthèse.
Je lui disais que je me m'étais fortement questionné après ces longues interruptions dans notre dialogue et je lui en demandais les raisons ? Je lui demandais ou il en était avec "sa santé".
Il ne parla d'un "cancer", le mot terrible était lâché, à qui avait nécessité une hospitalisation avec une angoisse à la clef quant à sa guérison. Il avait du tout arrêté même le sport de compétition.je savais à présent les motifs de nos rencontres tardives.
Il me raconta l'anecdote "de la linguette". Donc, après avoir salué un ami et lui avoir annoncé sa grave maladie : la personne, un soi-disant ami, s'essuie la main en sortant une linguette de sa poche après qu'il lui eut donné une poignée de main pour le saluer !
Il me raconta les escarres avec la douleur terrible qu'elles provoquent sur le corps ainsi que les cicatrices et les balafres qui s'impriment jusque dans la tête des personnes. La douleur reste inscrite dans la tête pour toujours même après avoir quitté l'hôpital et avoir été soigné avec des médicaments antidouleur.
On a parlé ensuite du dopage dans son sport qui est l'haltérophilie ainsi que des jeux olympiques qui se dérouleront à Pékin en 2008. Il est favorable à des épreuves en alternance surtout dans les mêmes lieux olympiques pour reconnaître la personne handicapée sportive comme un sportif avant tout.
En ce qui concerne le regard sur handicap, il signale qu'il faut changer le regard sur les personnes mais que si cela ne change pas et bien, les handicapés ne sont pas ceux qu'on pense mais peut-être les autres qui ne font pas l'effort intellectuel et social "du vivre ensemble". C'est ce que j'ai appelé la "rétro stigmatisation" que j'ai déjà signalée dans le tome I de cette recherche.
Il ne parla enfin de la guérison totale. Sur ce sujet il me répéta qu'il préfère rester dans l'état actuel car il est un autre homme et qu'il est bien mieux en tant qu'homme même avec les deux jambes qu'il n'a plus ! Il va juste dans le monde onirique quelques instants pour jouer au football avec son fils. Voilà son rêve ultime !
Les "membres fantômes !
L'accident est survenu le 01 mars 1991 dans le cadre du travail, j'ai glissé du quai sous un train en marche. Je suis transporté d'extrême urgence par le S.A.M.U. d'Orléans pour des poly traumatismes consécutifs à un accident de travail. Le 02 mars1991 je suis hospitalisé dans le service de réanimation.
Je suis donc la victime d'un accident de train le 1er mars 1991 ayant entraîné une amputation traumatique des membres inférieurs, au 1/3 supérieur de la jambe gauche et au 1/3 inférieur de la cuisse droite.
Ce terrible accident a entraîné le bilan lésionnel suivant, premièrement une amputation traumatique du tiers supérieur de la jambe gauche et du tiers inférieur de la cuisse droite puis on a procédé à la régularisation des moignons au bloc opératoire, Deuxièmement j'ai encore subi un traumatisme thoracique avec pneumothorax gauche, sans fracture de côtes.
Ensuite, j'ai bénéficié de greffes cutanées étendues au niveau des deux moignons, dans le service du Professeur Hasquelet à l'hôpital Avicenne à Paris.
Actuellement, l'état cutané des deux moignons est excellent. Je suis appareillé à l'aide d'une prothèse tibiale contact à gauche et d'une prothèse fémorale contact à droite, avec un genou libre et un pied articulé. Bien entendu, le fauteuil roulant reste le mode de déplacement privilégié pour les longues distances.
Il me rappelle un soin que je connaissais jadis lorsque j'avais effectué quelques études paramédicales, c'était le soin de la terrible escarre que connaissent bien aussi quelque uns de mes interlocuteurs. Il me décrivit à ce sujet quelques histoire, dont il m'est d'avis, qu'il a du partager à son corps défendant, quelques incarnations de douleurs, quelques douleurs plus personnelles.
Les escarres, moi, je veux dire que je n'ai jamais été touché par celles-ci. Par contre, jai beaucoup de gens autour de moi qui ont été touchés par lescarre. Et cest quelque chose "dhorrible". Cest quelque chose dhorrible parce qu'il y a la douleur, une montée de fièvre. Cest quelque chose dhorrible parce que ça laisse des cicatrices. Cest ce quil faut se dire. Il y a aussi des opérations très lourdes. Parce quon est obligé de se faire retirer un muscle à certains endroits pour reboucher cet escarre, pour refaire quelque chose de propre. Et cest quelque chose qui vous laisse des cicatrices. Alors ça fait bizarre mais le plus "drôle" insista-t-il c'est la cicatrice mnésique que cette blessure laisse dans le cerveau. Je veux dire que aussi que cest [une lésion] de vraiment pas beau tout de même !
Jai un copain, poursuit-il, qui est haltérophile, alors, lui, il a eu un très grave accident de la route, il a été démoli du bassin. Alors, lui, je veux dire que dans son accident, il a eu des balafres dans le dos, il a eu de la chirurgie réparatrice. Moi, je lai vu torse nu à une pesée. Il avait des balafres dans le dos pour lui reconstruire lomoplate. Jétais assez surpris parce quon lui avait reconstitué toute lomoplate. Et il est capable de porter des barres ! Je veux dire que la chirurgie fait de belles choses. Mais pour en revenir à toutes ces balafres, à toutes ces cicatrices au niveau du corps, cest quelque chose qui vous meurtrit, qui vous touche. Ça vous laisse des séquelles. Pas seulement des séquelles mais des blessures qui restent. Ça vous laisse des traces, des blessures qui vous font mal. Parce qu'il faut se dire quelque chose, on aime tous avoir un beau corps. On aime bien être, je veux dire élégant, [esthétique].
Jacques nous renseigne sur le phénomène des "membres fantômes" qui accompagne les amputations. Moi, je ne les ai pas en permanence. Cest déjà quelque chose de positif par rapport à celui qui vit avec constamment, qui est amputé, et qui a mal assez souvent. Moi, ça marrive quand il y a changement de température, au moment de lhiver, où jai la sensation de sentir vraiment toute ma jambe. Parfois, cest tellement violent que je suis obligé d'y aller au "coup de poing" sur le moignon. Je ne supporte plus la douleur ou les irritations. Ça donnerait presque envie de marcher ! Cest vrai ! On ressent cette jambe qui nest plus là, et parfois ça donnerait presque envie de se mettre debout et de marcher ! Pourtant, on sait très bien que la chute sera terrible.
Certaines personnes ont des"petits bobos", des "petits riens", ils se plaignent très souvent, constate-t-il. Que faudrait-il leur dire, lorsque que nous, tous les matins, on sait quil faut se lever, qu'on a eu des douleurs la nuit,
Comme pour moi, je veux dire que par rapport aux membres fantômes je peux vous dire que parfois, je passe des nuits blanches
Mais cela ne nous empêche pas daller au travail. On se dit quil faut il y aller. On ne va pas sarrêter parce quon a eu mal toute la nuit !
Mais, bon, tant que les mentalités nauront pas évolué sur le fait quil faut quil y ait une bonne connaissance du handicap entre les chefs dentreprise et les professionnels qui prétendent connaître le handicap, ce sera dommage ! Cest vraiment dommage car on ne peut pas faire évoluer les choses dans cet esprit.
Le coup de la lingette !
Le passage d'une réflexion plus collective à travers les autres ("les 3C") à celle plus intime centrée sur le soi ("les 3S"), c'est dans l'extrait suivant que je l'ai relevé avec force.
Il n'y aura pas toute la cassette de remplie à cause de petits ennuis de santé comme je le signalais au début. Je suis désolé car jai dû partir à lhôpital, mais je tenais à tout prix faire cette cassette. Comme jexpliquais jai des douleurs aux membres fantômes qui mont posé de gros problèmes. Jessaierais de faire mieux la prochaine fois. Jessaierais de bien répondre aux autres documents. Je vous remercie. À bientôt.
On sent cette souffrance qui pointe car il traverse le deuxième trauma de sa vie sous forme d'une pénible maladie. L'article de "Mino" sur l'euthanasie devait faire parler à distance nos témoins mais dans le contexte particulier de sa propre douleur, comment allait réagir notre ami. Voici son éclatante réponse.
Et à savoir que, personne ne peut l'aider [Mino]. Ce n'est pas, ce n'est pas évident. Donc, moi, je voudrais, dire qu'il faut rencontrer, je pense un médecin et lui demander son avis dans un premier temps. Il faudrait aussi rencontrer une famille où, un membre de celle ci voudrait mettre fin à sa vie parce qu'il souffre et, je crois qu'en France, on n'a pas le droit de laisser souffrir les gens. Je crois qu'il faut voir à approfondir avec un médecin. Il faut se demander pourquoi avec eux cette personne en est arrivée à un moment de sa vie où la mort ne l'impressionne plus. Et c'est vrai que chez beaucoup de gens, la mort fait peur. Et je pense que quand on en est arrivé là...
Je sais que si j'étais atteint d'un handicap très grave, je ne voudrais pas être un fardeau pour la famille, mais je pense que je demanderais à ce qu'on soulage mes souffrances. Parce que je me verrais pas [souffrir]. Vous voyez, parce que là l'article que vous m'avez envoyé, on en discutait la dernière fois en famille pendant les vacances du mois d'août. Je leur disais : moi, si mon handicap avait fait que je sois touché plus que je ne le suis, j'aurais demandé à... ce qu'on mette fin à ma vie ! Parce que je n'aurai jamais supporté d'avoir de telles souffrances ou d'être à la maison avec un système respiratoire, de ne même pas pouvoir me déplacer comme je le voudrais. Et je crois qu'il faut débattre là-dessus parce que vous savez des personnes qui ont un grave handicap, ils ne peuvent pas vivre leur vie comme ils le désireraient parce qu'ils sont toujours obligés de dépendre de systèmes tels que les bouteilles d'oxygène, tout un tas de sondes, de machins, vous voyez ? Je pense qu'on ne devrait pas interdire l'euthanasie. Je trouve personnellement que si on veut mettre fin à ses jours, eh bien, moi je dis qu'il ne faut pas l'interdire [formellement]. Vous voyez, quand je vois que dans l'article chaque soir, dans son lit, Mino réfléchit, pense et rêve qu'elle marche. Mais en fin de compte, je vais vous dire quelque chose, nous qui sommes en fauteuil roulant, on rêve tous qu'on marche, c'est clair ! Moi je sais quand je rêve, je rêve que je marche ! Je ne me suis jamais vu en fauteuil roulant ! Donc je crois que la nuit devient un espace de liberté, on peut se permettre même d'aller faire un footing ! Mais en restant [alité] tout devient cérébral. Donc, mais je dis que l'euthanasie c'est quand même longuement réfléchi pour certaines personnes handicapées qui veulent mettre un terme, une fin à leur vie. Il faut je pense respecter ces gens et leur décision, je pense qu'on n'a pas le droit de se mettre "entre" ces décisions-là. C'est quelque chose de mûrement réfléchi pour cette personne. C'est quand même un acte intime. C'est réfléchi mais intime surtout. Intime entre la personne et la famille. En fin de compte je pense qu'en France il y a tout de même des médecins qui prennent en compte le désarroi ainsi que la souffrance de ces personnes. Mais, les médecins ne veulent pas se mettre en faute, dans l'interdit, sachant qu'ils risquent leur carrière, leur place, parce que cela sera considéré comme un meurtre. Il conviendrait peut-être de revoir avec les politiques pour ne pas interdire. Cette expression "euthanasie" fait peur dans certains cas. Elle soulage sans doute une personne handicapée, mais fait très, très mal dans la famille. Il faut arriver à trouver des accords, comme je disais, de ne pas faire de l'euthanasie sur n'importe qui, pour n'importe quoi. Surtout de pas faire ça dans l'illégalité. J'ai passé longtemps, j'ai passé deux ans dans un centre de rééducation. J'ai entendu des choses, des gens qui voulaient mettre fin à leur vie parce qu'ils ne supportaient pas de se voir dans un fauteuil. Mais, quand vous discutez avec ces gens-là, moi je crois qu'il faut les écouter, il faut écouter, il faut parler [absolument]. Parce que le handicap fait peur, ça c'est clair. Vous savez les valides, les valides quand ils voient quelqu'un en fauteuil roulant, ils se demandent de quelle planète on vient ? Il ne vient pas d'une autre planète ! C'est le valide qui se projette, qui n'arrive pas à se projeter dans l'avenir, se dire qu'il faut qu'on vive tous sur le même "pied d' estale". Ce n'est pas évident, ce n'est vraiment pas évident. Moi je dis que la personne qui désire mourir, c'est que la mort ne lui fait plus peur, qu'elle en est arrivée à se dire : "ça va être un soulagement pour moi, un soulagement pour ma famille ...C'est le moment de partir et il faut qu'on fasse quelque chose pour moi !"
Il va maintenant nous parler de lui, de ses douleurs, des ces doutes mais aussi des ces certitudes qui le renforcent pour sa lutte au quotidien. Les forces de la vie qui poussent toujours en avant les uns comme les autres moins chanceux biologiquement. Il reprend une partie du texte qu'il complète a partir de témoignages personnels. J'ai laissé la redite pour plus de clarté.
Je connais beaucoup de gens qui sont dans des fauteuils et qui disent "je voudrais bien mettre fin à ma vie". Il y a toujours des individus qui possèdent un "petit handicap" mais avec toujours cette flamme, vous savez, qui étincelle dans notre cur. Et je crois que c'est aussi bien pour les valides que les invalides. J'estime qu'il faut voir à ne pas laisser ces gens-là de côté. Je sais que si j'étais atteint gravement, je ne voudrais pas être un fardeau pour la famille, je demanderais donc à ce qu'on soulage mes souffrances. Parce que je ne pourrais pas me voir diminué. Vous voyez, par rapport à l'article que vous m'avez envoyé, on en discutait la dernière fois avec ma famille pendant les vacances du mois d'août. Je leurs disais, que si je devais être touché plus que je ne le suis, je demanderai à ce qu'on mette fin à ma vie. Parce qu'il faut savoir qu'une personne handicapée, très lourdement handicapée, qui veut mettre à sa vie, vous savez, je pense que ça va être un moment de désespoir pour la famille car il s'agit de"se tuer "en fin de compte. Et moi je pense que ça doit être un soulagement. Si, en France cette loi était votée, il faudra passer du temps afin de rencontrer les familles, de leur demander quels ont été les moments de bonheur et quels ont été les moments de galère, de tristesse. Il faut peut-être laissez-passer 5, 6 ans, 7 ans puis rencontrer une famille, même ailleurs [en Europe] peut-être aux Pays-Bas ou en Belgique, lui poser la question de savoir qu'est-ce que cela leur a apporté, qu'est-ce que cela a libérée ? C'est clair qu'elle a été libérée, que ça doit être un moment de délivrance pour la famille. Certes un moment de délivrance mais sans que cela ne retire aucunement tout l'amour qu'ils avaient pour cette personne ! Je tiens à bien faire la différence parce que, que sa maman, son papa, son frère, son fils, qu'ils soient en fauteuil ou pas, qu'il y ait un handicap ou non, il y aura toujours cet amour, il y aura toujours ce moment intime qu'il y a entre les parents et l'enfant. Ce temps doit être un moment de délivrance pour les deux parties, aussi bien pour la personne handicapée que pour la famille. Pour la personne qui veut l'euthanasie, pour nous résumer, il faut considérer la souffrance de certaines personnes handicapées, quand ils arrivent à être placées dans des instituts, à l'hôpital et qui savent qui vont être placées sur machine respiratoire et toutes ces choses là. Je dis c'est bien ce qu'on fait pour sauvegarder les patients. Parce que la mort fait peur, la mort fait vraiment peur à tout le monde, ça c'est clair. Mais est-ce qu'à notre époque, si une personne demande à mettre fin à sa vie, est-ce qu'il faut le lui interdire ? Est-ce qu'il faut essayer de la sauvegarder jusqu'à l'état "de légume" ? Il y a certaines familles qui voudront à tout prix garder cette personne parce que vous gardez toujours un espoir pour qu'elle revienne. Mais à se dire que le handicap sera encore plus lourd, que la situation sera encore plus dur à supporter ; vous savez, tant que la personne a encore un moment de lucidité, qu'elle veut pratiquer l'euthanasie, moi je dis qu'il faut que les deux parties en parlent. Le patient, le médecin et ensuite le médecin avec la famille. Le soulagement peut venir du fait de se dire : "Bon bien, elle a vécu des moments d'enfer, des moments où, cette personne en avait assez du fauteuil ! ". Il ne faut pas rester, sur des moments de tristesse. Il faut essayer de garder les meilleurs moments du vécu, les moments de bonheur. De toute façon, il faut bien se dire quelque chose, on a tous peur de la mort. Elle fait peur à tout le monde. Nous ne sommes que de passage sur cette terre. Je veux dire on est là pour 40, 60, on est là pour 70 ans. On n'en sait rien, on ne sait pas. Demain ça peut être une connaissance à moi qui peut partir. Il faut bien réfléchir car si une personne a décidé et veut mettre fin à sa vie, je ne parle pas de suicide ! Parce que ça c'est encore un autre thème qui est vraiment un peu spécial parce qu'il y a suicide et suicide ! Il y a l'appel au secours et puis la personne qui n'en parle pas et dont on n'a jamais compris pourquoi elle s'était suicidée. Donc l'euthanasie, moi je pense qu'il faudrait l'autoriser mais l'autoriser dans certains cas. Je dis bien dans certains cas où c'est du "réfléchi" avec un médecin, du réfléchi avec la famille et surtout avec l'intéressé, surtout l'intéressé parce que l'intéressé, c'est lui qui fait la demande de mettre un terme, une fin à sa vie. Et si les trois parties se sont bien entendues. Alors on va ainsi soulager certaines souffrances, les souffrances morales, ainsi que les souffrances surtout physiques parce que vous savez, d'être dans un fauteuil roulant ...
Sur le lieu particulier que constitue le"fauteuil roulant", il insiste sur les douleurs physique puis mentales qui durent et se remplacent réciproquement en se cumulant quelquefois, il insiste sur le passage de l'être debout, les "marchants" d'après le vocable de Serge, à l'être assis qui doit se battre pour une "nouvelle" dignité.
Jacques nous précise les circonstances de son accident : La douleur physique, au niveau de mes amputations, on ne peut pas dire que j'ai eu véritablement du mal. C'est vrai que ce fut instantané, quand je dis instantanément (il dis en fait "instinctivement" !), je veux dire que cela a été coupé net ! Je suis resté "clair" pendant quelques minutes, puis il y a eu un coma. Les choses qui m'ont fait le plus mal, où j'ai eu le plus mal, c'est les drainages de peau. Et là après, "ça" a commencé à tuer le mental parce que je ne voulais pas voir mon handicap. Un jour, en centre de rééducation, j'ai la kinésithérapeute qui m'a dit à propos du fauteuil roulant : "Parce que vous croyez qu'on peut accepter comme ça son handicap du jour au lendemain ?". Je lui répondis : "C'est pas possible ! Il va me falloir un an, il va me falloir deux ans, quatre ans, cinq ans, je ne sais pas, j'en sais rien !" Et elle m'a mis devant le miroir. Là, de voir le fauteuil, de voir deux membres en moins, là je me suis dis : "Oui, je suis handicapé, là je peux le dire ! " Je me cachais par rapport à ça. Et je crois que ça a été une épreuve, et puis après on l'accepte, d'être une personne handicapée, on l'accepte. Mais au fond de soi, il y a toujours un manque de quelque chose !
La douleur, c'est là qu'on la ressent, c'est quand on passe des épreuves "très douloureuses", Et là on commence à broyer un peu de noir. On se redit quelquefois : " Oui, je suis en fauteuil, mais ça dure au plus une journée. Mais c'est vrai que de toute façon le handicap en se le prendra toujours de plein fouet, ça c'est clair. Quand je dis que le handicap on se le prend de plein fouet, c'est qu'il y a des "gens" qui vous le rappelleront sans cesse, qui vous le mettront toujours en face !
Il me raconta par la suite l'anecdote de la contamination par le " le coup de la linguette" pour bien me montrer de façon peut être exacerbée mais néanmoins réaliste. De multiples occasions se présenteront pour montrer à la personne handicapée sa véritable place sociale de "handicapé" comme le dit Jacques. L'amitié, ou/et la reconnaissance des compétences entre autre chose seraient, au dire de pratiquement tous nos témoins, un antidote à l'effacement dont parle dans son ouvrage H.-J. Stiker.
Je vais commencer par lhistoire de la lingette. Parce que ça cest quelque chose qui ma marqué. Et qui na pas marqué que moi, ça a marqué mon fils aussi. Ça mest arrivé à moi, ce nest pas arrivé à quelquun autour de moi. En 2003, je nai pas eu de chance car jai été touché par cette "fameuse maladie" qui est le cancer. Et beaucoup damis nétaient pas au courant. Cest un truc qui ma un peu
cest quelque chose qui ma révolté. Le cancer est quelque chose qui est établi, mais le jour où vous en parlez, ça fait un peu bizarre. Après mon accident je revois cette personne, je lui dis bonjour, elle avait appris que jétais atteint dun cancer, elle a sortit une lingette pour se nettoyer les mains ! Ça, ça ma
. Déjà moi, ça ma fait quelque chose, et mon fils ça la
jai dit à mon fils : "De toute façon, c'est la bêtise humaine, on ne peut pas la changer !" Mais cest vrai que ça fait drôle. Ça ma surpris. Parce quon pourrait aussi se nettoyer les mains parce que je suis en fauteuil roulant ! Mais là parce quon apprend que jai un cancer ! Ça fait drôle comme même. Jai eu un moment une pensée pour une personne que javais côtoyée lorsque jétais suivi sur Paris pendant ma chimiothérapie. Donc jai rencontré une personne qui était atteinte du S.I.D.A. Et bien jai eu cette pensée pour cette personne. Je me suis dit lorsqu'une personne est atteinte du S.I.D.A, quand elle ne l'annonce pas, on lui dit bonjour naturellement. Par contre le jour, où elle le dit, il y a des réticences. Moi, jai ressenti la même chose par rapport à cette personne. Ça ma fait du mal. Mais bon comme je suis quelquun de très fort là-dedans, je me suis dit : ne tarrête pas à ça, parce que ça ne t empêchera pas de vivre, ça ne tempêchera pas de voir toutes les belles choses quil y a encore à voir !
Notre ami garde un regard optimiste sur les êtres et les choses. Je constate en tant qu'observateur qu'il existe encore ce réflexe de protection contre certaines formes de contamination. Notre survol historique autour du handicap a montré doù viennent ces peurs et ces réflexes archaïques.
Jai rêvé quon jouait au foot !
Contre ces mauvais réflexes, Jacques nous propose des recettes simples pour nos quotidiens communs. On doit changer les choses par une éducation du ou par, le regard, le cinéma, l'école, le sport. Il faut absolument aussi faire un effort sur la patience, l'écoute enfin sur l'approche des intimités. Voici ce qu'il en pense en voilà la "substantifique moelle". Ce fut notre dernier entretien officiel celui ou l'ethnographe avait oublié de lancer l'enregistrement ! Alors, on en parlait tout à lheure, bon là je rassemble tout ce qui a "été perdu" ! On a parlé de la sexualité, et vous aviez une position assez singulière par rapport au handicap lourd des tétraplégiques. J'aimerai bien que vous me disiez quelques mots sur ce sujet difficile, lui avais-je demandé.
Il faut arriver à se dire les choses, me dit Jacques, le handicap n'est pas [un arrêt de la vie]. Vous allez avoir des gens en fauteuil roulant qui au niveau de la tête fonctionnent très bien parce que la personne va pouvoir aborder le dialogue avec une femme. Je veux dire quelque chose, aujourdhui, le handicap fait moins peur aux femmes quil le faisait il y a une vingtaine dannées. Parce que maintenant, on est arrivé comme je le disais, par rapport à la connaissance, on dialogue de plus en plus en face à face avec une femme. Maintenant beaucoup de gens vont sur Internet pour faire connaissance avec une femme, que nous non ! On est tellement spontané, on parle plus ouvertement des choses. Si une femme me demande : tiens qu'est-ce qui test arrivé comme accident ? Jen parle ouvertement. Je lui dit : bon voilà, jai perdu mes deux jambes dans un accident. Mais ça ne me pose aucun problème pour avoir un dialoguer avec une femme. Par contre, il risque dy avoir certains problèmes avec les tétra ou paraplégiques. Je ne sais pas sils sont obligés de passer par un dialogue plus simple que le mien ou plus approfondi parce que certains paraplégiques ne peuvent pas déclencher une érection comme tous les hommes normalement constitués, je veux dire. Ils sont obligés dexpliquer que sils veulent avoir une relation, ils sont obligés de prendre un comprimé ce soir là pour les aider. Je parle de cela mais avec une petite connaissance car jen ai entendu parlé autour de moi. Il faut peut être vérifier un peu plus ce schéma ou interroger une personne paraplégique qui pourra mieux lexpliquer que moi.
Je lui raconte que je l'ai fait, que ce qu'il disait, était fort juste dans son analyse. Jen ai eu la confidence éclatante par un long entretien. Pour stimuler la libido, il y a non seulement des médicaments mais des piqûres et des appareillages ainsi que des protocoles. Cest encore plus ahurissant quand mon collège le chargé de projet handicap d'une grande université parisienne, me raconta à l'occasion d'un colloque, durant plusieurs heures, le "parcours du combattant" pour pouvoir faire un enfant ! Il y bien une différence entre le jeu de la séduction pour avoir des relations intimes, à opposer au fait de concevoir un enfant.
Donc déjà, il faut se dire quelque chose quand on fait lamour avec une femme, au bout dun moment, on se dit il faut que jarrête parce que je suis obligé de faire ma piqûre. Je crois que ça doit casser quelque chose. À moins que la femme se dise qu'il faut respecter, je ne sais pas, je narrive pas à concevoir
Pour certaines personnes handicapées, il faut un intermédiaire, parce qu'il y a certains handicaps ou il faut expliquer à la fille, à la partenaire. Ce nest pas quelque chose de naturel ? Cest quelque chose de vrai pourtant. Dans certains pays, ce sont des choses qui sont pratiquées, on fait appel à des prostituées, où on est obligé dexpliquer à cette fille que cette personne est en fauteuil mais il faut la stimuler. Ça peut passer par beaucoup de choses : la fellation, la masturbation. Ça peut passer par beaucoup, énormément de choses. Et cest vrai quil faut permettre à la personne, veut cela et celle qui fait cela, il faut quelles en passent par un dialogue sans peur ni tabou ! Parce que ça peut faire peur de rencontrer une personne qui est dans un fauteuil roulant. Ils sont obligés d'en passer par là, lui, elle et l'intermédiaire.
Je lui rappelle les critiques virulentes, les problèmes juridiques et éthiques que posent le recours aux prostituées ou aux "accompagnatrices sexuelles" comme en Allemagne au centre de Trebel (ARTE émission du 29 septembre 2003) même s'il s'agit des plus lourds handicaps pour l'accès "aidé" à ce besoin légitime que constitue la sexualité humaine.
Je suis quelquun douvert, poursuit jacques, cest comme pour le droit à la connaissance, et pourquoi on n'aurait pas droit à la sexualité ? Ce nest pas quelque chose dinterdit ? Ce n'est pas au gouvernement de dire, ce nest pas un sujet tabou et tout le monde a le droit de sépanouir, tout le monde a le droit davoir des relations. Il nil y a pas de honte, et puis attendez faire lamour ce nest pas quelque chose de sale ! Cest tout de même quelque chose qui apporte du plaisir, du bonheur aux personnes. Cest ouvert à toutes personnes qui le veulent et ce malgré le handicap !
A propos du rêve un monde pour s'échapper, Jacques insiste pour que le rêve soit "un truc réservé" ! En fin de compte, cela nous est réservé à moi, mon fils, ou mon amie. Parfois, je dis à mon fils : "Tiens papa, il a rêvé de toi cette nuit". Il me dit : "Ah oui" ! Je lui dis que jai rêvé quon jouait au foot ! Mais il n' y a pas que le foot, c'est aussi courir ensemble, beaucoup de choses ! Mais il y a une situation qu'il faut bien expliquer aux gens, qui est difficile à comprendre ; cest quand on est amputé, il faut bien se dire que du cerveau, on ne vous a pas amputé ! Lui, il réfléchit toujours pour quatre membres ! Pour lui, le bas est toujours là, ça bouge !
Notre ami, avec beaucoup humour, nous incite à nous adresser toujours à l'intelligence. On peut ne pas être d'accord avec les théories d'Howard Gardner (1983, 1996) sur Les intelligences multiples ou celles concernant La défectologie de L. S Vygotski (1924-1934), j'ai néanmoins constaté empiriquement d'abord puis plus scientifiquement qu'une porte de dialogue reste toujours ouverte dans le monde des vulnérabilités humaines.
Oui, il faut bien arriver à comprendre. Lorsque vous êtes amputé, le cerveau lui "gamberge" toujours pour quatre membres. Cest ici qu'il faut leurs expliquer quon a des "douleurs fantômes", les gens narrivent pas à comprendre. Ils ne comprennent pas grand' chose ! Alors, on est obligé de répéter, et ça me prend "la tête" parce que je me demande sils comprennent réellement ? Il faut se dire que parfois quand "le mal fantôme" commence, cest bien sympathique ! Mais au bout dun moment la violence de la douleur nest plus du tout supportable. On se dit quen massant le moignon, on va peut être trouver une zone qui avait un rapport avec les doigts de pied par exemple. Lorsque vous êtes amputé ce que vous ressentez le plus, cest les doigts de pied ! Cest vrai quen palpant ici ou là, je me dis que je vais toucher des zones où je vais ressentir plus le gros orteil que les autres doigts de pied. Est ce que cest moi dans ma tête, je ne sais pas. Il y a vraiment une zone où jappuie [particulièrement].
Je n'en ai jamais parlé au médecin parce que je me dis que jai plus vraiment de traitement. Cette situation narrive quen période dhiver, 4 ou 5 fois seulement. Mais le problème cest que ça vous arrive souvent la nuit, pas le jour. Alors vous êtes bien en train de dormir et t puis dun seul coup, vous avez le moignon qui se met à bouger tout seul. Là, je me dis : ah, ah, ça ce nest pas bon. Mais ça me le fait quà la cuisse. Donc je tâte, je touche et parfois que ça va me "prendre la tête", je mets des coups de poings parce que ça ne passe pas. Et puis ça se calme. Pourquoi cela se calme ? Parce que dune le moignon a doublé de volume ! Je l'ai tellement martelé que
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Il est vrai que ce nest pas une solution du tout ! Mais après je retrouve le sommeil. Et parfois je retrouve le sommeil 2 à 4 heures après, parce qu'il faut se dire que ça ne dure un quart dheure à vingt minutes ou 2 ou 3 heures parfois. Et cest vrai que ça fait mal, ça fait vraiment mal.
Il faut que l'entourage au sens large écoute les paroles des personnes handicapées, que les connaissances soient partagées pour que tous les partenaires soient informés. C'est bien le but du témoignage de jacques avec un travail social sur le temps et de la patience
Non le temps social n'est le même, parce que c'est tout un tas de démarches, c'est tout un tas de problèmes pour faire valoir notre statut au niveau de la vie sociale. A savoir qu'encore actuellement c'est très difficile, très complexe pour une personne handicapée de se situer dans le [monde] social. On est en fauteuil roulant pour faire une tache, il y a le temps de se garer, le temps de sortir le fauteuil, de passer dans le fauteuil, de fermer la portière. Un valide, lui, il est garé, il est déjà dans le magasin facilement depuis 5 minutes ! C'est clair que les personnes handicapées auront toujours un décalage par rapport au temps, donc on fait avec, voilà. On a un décalage permanent sur beaucoup de choses. Une personne handicapée n'a pas le même temps social à cause même du système pour se déplacer. À savoir qu'il faut toujours se battre. Un exemple quotidien pour nous sur l'agglo orléanaise, si on veut rentrer dans le tram, vous êtes toujours obligés de vous excuser ! Patati et patata". Il [conviendrait] de faire évoluer les choses, mais on ne peut pas les faire évoluer seul. Il faut les faire évoluer avec beaucoup d'autres personnes de la base jusqu'au gouvernement. Nous n'avons pas la même vision, plus la même orientation que nos [contemporains]. Pour la raison suivante c'est qu'on est peut-être moins stressé que les valides, on s'affole peut-être moins sur certaines choses. Dans le système administratif, quand on fait la queue dans certaines administrations certains valides s'affolent, il s'énervent alors que nous autres, nous savons ce qu'est la patience ! D'attendre, on sait ce que c'est ! Etant donné qu'on est en fauteuil, on voit les choses différemment. On est moins stressé, on est moins pressé, parce qu'on se dit qu'il y a qu'une seule vie et qu'il faut en profiter un maximum ! C'est pour cette raison que le système valide/ invalide peut se comprendre, parce qu'on peut discuter ensemble, mais il y aura toujours ce système de rapidité que le valide aura et que nous, personnes en fauteuil, on aura peut-être moins. Je veux dire, pas être moins rapide, parce qu'en fauteuil, il y a certains qui roulent vite. Je crois néanmoins que c'est tout de même, deux mondes complètement différents. Le monde du handicap et le monde du valide. C'est clair qu'il y aura toujours un gain de rapidité pour eux et, pour nous, il y aura toujours des actes qui seront toujours un peu plus longs. Il s'agit de ne pas être pressé, il faut savoir attendre. Nous, les personnes handicapées, nous sommes des gens très, très patients. Mais il y a des jours où on s'énerve aussi et ça fait de sacrées tornades, quelquefois !
A propos de la reconnaissance du handicap sensoriel, il me cite l'histoire du labrador d'une dame atteinte de cécité. L'article sur les mères aveugles lui aura permis de réveiller en lui une analyse fort pertinente sur la problématique des aveugles.
Moi je dis que c'est fort, surtout ceux qui se déplacent avec un chien. J'ai le souvenir d'une aventure qu'il m'est arrivé il y a deux ans. Pas loin de chez moi, une dame qui est donc non-voyante qui est véhiculée par un chien. On a dû lui apprendre, je pense, au chien à repérer tous les obstacles : poteaux, panneaux, arbres, personnes, etc.. Mais là, je peux vous dire, quand il a vu un gros garçon de 95 kg, dans un fauteuil roulant, débouler comme j'ai déboulé, le chien a voulu me mordre ! La dame fait : "je ne comprends pas ?". Et je lui dis : "Attendez, madame, je suis en fauteuil roulant, le chien a eu peur ! ". Et ça c'est vu parce qu'il a protégé sa maîtresse en se mettant devant elle pour lui interdire de marcher. Il m'a montré les crocs. Un labrador ! Je peux vous dire que normalement les labradors c'est doux. Mais là je peux vous dire que je ne rigolais plus trop ce jour-là ! Et maintenant je dois dire que c'est quelque chose qui a dû être dépassé chez le chien parce qu'avec la dame, on se voit assez fréquemment puisqu'on habite dans le même quartier. Quelquefois on prend le tram ensemble. Et le chien me fait la fête ! Donc je pense qu'il a fallu apprivoiser, pour lui, ce nouveau mode de véhicule jamais vu durant son dressage, il n'y avait peut-être pas. Je ne sais pas. Mais là, c'est assez impressionnant quand même. Le monde des mal-voyants et des non-voyants c'est quelque chose de fort !
On retrouve, avec cette anecdote du labrador,cette phase souvent décrite par nos témoins "d'apprivoisement "du handicap, le chien a bien compris la différence en faisant la "fête" à l'être humain après avoir montrer les crocs au fauteuil.
Malgré le fait que je sois sportif de haut niveau, je côtoie, des sportifs qui pratiquent du sport mal-voyants ou non-voyants. J'ai, le souvenir, il y a deux ans quand j'ai organisé une épreuve à Orléans, d'un haltérophile que je ne connaissais pas. C'était un dimanche. On m'a appelé pour me dire : "Voilà, on a un athlète à présenter, mais, il est non-voyant en plus de ça il est sourd ! ". Je peux vous certifier que la situation m'a fait un petit peu peur et j'ai appelé mon directeur technique fédéral (D.T.F) en lui expliquant ce qui m'arrivait. Il m'a dit : "Non, non, il n'y a pas à s'inquiéter. Tout fonctionne à partir du front". Je peux vous dire que le jour de la compétition, je n'étais pas bien sur de ce que j'allais faire. Cette personne là qui m'a [littéralement] sidérée ! Parce que je m'étais dit : "Comment il va faire sans voir et sans entendre ? "En fin de compte vous voyez tout fonctionne dans la coordination et j'ai été "bluffé" ! En étant sur un fauteuil roulant, moi-même, je ne peux pas vous dire que je sois resté sur "le cul "mais quelque chose comme ça quoi ! Par exemple pour bien coordonner le démarrage de barre, on lui tapotait sur le front une fois ! Pour descendre la barre c'était deux fois ! Pour remonter la barre c'était trois "tapées "et pour reposer c'était un tapé sur le front .... Il s'est qualifié pour les championnats de France mais alors à l'aise ! Quelqu'un d'à l'aise ! Mais imaginez-vous malvoyant et sourd, je n'ai pas vraiment dialogué parce qu'il était assez renfermé ! Il rigolait assez bien parce qu'avec son entraîneur, j'ai remarqué qu'ils se parlaient en braille ! C'est quelque chose qui m'a impressionné !
Jacques par cet exemple nous invite a réfléchir sur le fait que de petites choses comme ce qu'il nous a décrit dans le domaine du sport font le soin que l'on porte à l'autre, une tape, un bon mot, un regard de fierté, etc. Le monde institutionnel devrait prendre des leçons de vie sur ces actes du quotidien. Voici pour terminer l'analyse quelquefois, la critique virulente plus souvent, qu'il fait du monde du travail et du monde culturel.
Mais je pense que si on devait faire évoluer les choses, il faudrait que dans chaque administration, il y ait une personne pour recruter les personnes handicapées. Jai rencontré des responsables en relations humaines qui ne connaissaient pas le monde du handicap ! Un comble [pour le terme humain] ! On n'est pas du bétail ! Il faudrait voir à faire changer les mentalités, et peut être "renvoyer" certaines personnes en dans administration pour y mettre des personnes en fauteuil roulant ou ayant d'autres handicaps. Et je pense que ça ferait beaucoup changer les mentalités dans les mairies, dans les administrations comme dans les impôts, les banques
..De plus, il faut se dire que les personnes handicapées ont une joie de vivre certaine, ils ne sont pas toujours en train de "pleurer sur leur sort". On aime bien rigoler, on aime bien faire la fête aussi. J'estime quune personne handicapée dans une entreprise avec des valides peut apporter beaucoup de chose. Quand vous entendez des valides qui disent : Oui, jai mal à la tête
Je vais pas men sortir !" Alors que nous, tous les matins, on sait quil faut se lever, on a eu des douleurs la nuit,
comme pour moi, en rapport aux membres fantômes. Je passe des nuits blanches, mais cela ne nous empêche pas daller au travail. On se dit quil faut il y aller. On ne va pas sarrêter parce quon a eu mal toute la nuit, tout de même !
Tant que les mentalités nauront pas évolué sur le fait quil faut quil y ait une bonne connaissance du handicap entre les chefs dentreprise et les "experts" du handicap. Cest dommage ! Cest vraiment dommage car on ne peut pas faire évoluer les choses ainsi !
On n'est pas des "tas" incultes. Je pense que sil y avait des gens qui avaient un peu plus la tête sur les épaules, ils pourraient faire des films sur la violence et le handicap. Ça changerait peut être le comportement de certaines personnes valides. Pour ma part j'estime quon pourrait faire des films sur des belles histoires, pas spécialement pour faire "pleurer" les gens, mais peut être que dans les films, on pourrait se permettre de montrer "certaines" choses !
Un peu comme dans Nationale 7 ou pourquoi pas une histoire comme une comédie par exemple, une comédie rapportée au sport qui deviendrait affective. Montrer quune personne handicapée peut avoir une relation avec une femme sans montrer quoi que ce soit de déplacé. Faire comprendre qu'au cinéma une personne ayant un corps meurtri peut montrer des choses, peut susciter de l'émotion comme m'importe quel acteur.
Je lui remémore le fait que certains films ont effectivement aidé à changer le regard de nos contemporains. Il y a de beaux films comme : les enfants du silence, Rain Man, Nationale 7, Elephant man pour ne citer que ceux qui revenaient le plus souvent dans le questionnaire sur le handicap au cinéma. Il y a eu aussi, Freaks, la célèbre uvre cinématographique qui toucha et touche encore un large public. Elle montrait des personnes de petites tailles, des difformes, des étranges qui se rebellaient dans ce monde particulier du cirque au début de XXe siècle. Effectivement ce fut la première fois au cinéma, ou l'on assistait au jeu scénique de personnes handicapées qui jouaient leur propre rôle.
Jacques nous confirmait que la plupart des personnes qui jouent des rôles de personnes handicapées à l'écran sont des personnes valides ! Je prétends quon pourrait éventuellement faire des films avec des personnes handicapées. Qu'est-ce qui lempêche ? Rien. Récemment cet été, jai vu une série qui passait, il y avait une personne en fauteuil roulant, je ne sais plus sur quelle chaîne jai vu ça, la personne était valide, ce nétait pas une vrai personne handicapée. Cétait une série policière qui nest pas restée longtemps. Je ne lai vu que deux fois, deux vendredis, la mais la personne qui jouait le rôle nétait pas une personne handicapée. Cétait une personne valide, cest dommage.
Un acteur handicapé est avant tout un acteur, dans un registre identique un athlète handicapé, cest d'abord un athlète, un sportif. Ceux qui sont en charge d'artistes, d'acteurs, de sportifs, de musiciens, enfin de ceux qui uvrent dans le vaste monde de la culture, sont toujours quelque peu agacés quil faille mettre constamment en avant leur handicap ! L'invalide ou le déficient de "quelque chose", pour paraphraser Jacques, revient insidieusement, tapi derrière la compétence, caché derrière la qualité de ces acteurs sociaux.
Il y a eu des reportages qui ont été fait sur moi avec France 3, mais quand je vois la manière dont on a traité des jeux paralympiques
On disait sur untel : "Il a eu un accident, la vie a été dure avec lui, etc". Il faut arrêter ces [lamentations], arrêter tout ça ! On doit nous prendre comme on est. On fait des résultats comme toutes personnes. Moi je dis quil faut arrêter. Il faut nous voir comme des hommes et des femmes à part entière. Il ne faut pas oublier que ce nest pas parce quon est en fauteuil quon na pas certains droits. On vote comme tout le monde ! On a des relations avec des femmes comme tout le monde ! On a des vies de famille comme tout le monde ! Pour ceux qui en doutait !
Aux prochains Jeux Olympiques, à Pékin puis à Paris, tant mieux si cest à Paris, on pourrait intercaler les épreuves des Jeux Paralympiques. Cétait déjà en discussion, jai déjà entendu ça, mais est ce que ça se fera un jour, je ne sais pas. Mais bon, cest vrai que ceci prendrait peut être plus de temps. Au lieu de 15 jours, ça prendra peut être un mois. Mais je veux dire quen tant que personne sportive avec un handicap, on aurait droit au même public que les valides. Parce que quand vous voyez que les autres sportifs ont des stades complets de spectateurs, et que vous regardez les tribunes paralympiques, cela fait une grande différence. Je dis quil faudrait mélanger. La délégation française partirait en une seule délégation. On aurait les mêmes statuts.
Jai vu cette mixité dans certaines épreuves à l'oeuvre à Barcelone, à Atlanta, à Sydney, et à Athènes pareillement, mais cest tout ce que vous voyez. Vous ne verrez pas par exemple le lancement du poids, où on va faire [concourir] des personnes avec un handicap. Les Jeux devraient tous les 4 ans se dérouler avec une seule délégation. Il ny aurait plus le "handisport" qui arrive seul après les autres. Je vois que nous le handisport, on ramène plus de médailles que les valides, il ne faut pas loublier ! Certains d'entre nous possèdent déjà un beau palmarès, il conviendrait d'avoir, tout de même, une plus grande reconnaissance quon en a actuellement. Parce quon nous donne le statut de sportif de haut niveau, cest bien ! Mais la reconnaissance, où elle est ?
A propos du monde du travail, des politiques sociales, je pense qu'un organisme comme Prométhée, est un organisme qui pour ma part ne me semble pas trop fiable. Jai même poussé un petit "coup de gueule" envers eux. Je les ai connu à l'issue de mon accident en 1991, je les ai connu en 1994 après avoir effectué la formation de monteur câbleur à Vouzon. Je pense quils grossissent énormément leur fichier pour dire quils ont un nombre important de personnes handicapées. Jai [donc] été très surpris quand je leur ai demandé quelle était la population au niveau du handicap qui recherchait un emploi. Parce je métais mis en tête quon était énormément en fauteuil roulant. La personne qui mavait reçu, avait sorti la semaine davant ou 15 jours avant les listings sur les personnes en fauteuil, on était que cinq ! Donc, cest comme même énorme ! À savoir quau niveau de lemploi, quune personne qui est atteinte du S.I.D.A est considérée comme une personne handicapée ! Une personne qui fait des crises dépilepsie est considérée comme une personne handicapée ! Ce qui signifie qu'une personne qui est en fauteuil roulant aura plus de mal à trouver un emploi en entreprise ou même à décrocher un stage. Elle aura plus de mal quune personne qui peut marcher mais qui répond aux standards très larges des handicaps ! De toute façon il est clair que cette situation est bien connue voire reconnue. Cest à nous de faire avancer, de faire évoluer les choses. Mais, je veux dire je pense que le système est très mal fait parce que je ne comprends pas qu'encore aujourdhui, ce doit être nous, les personnes handicapées qui sommes obligées de faire évoluer les choses ! Quand jentends J. Chirac qui nous annonce en 2003, la priorité aux personnes handicapées, je suis désolée 2003 est passé, nous sommes début 2005, on constate quil y a rien. Moi, je nai rien vu de concret, sur lagglomération 45, ça cest clair !
Est que cest notre problème ? Est-ce que cest nous les personnes handicapées qui ne sommes pas trop à lécoute ? Ou est ce que c'est les valides qui pratiquent "le système de lautruche ? Est-ce quils écoutent ? Je ne sais pas. Je ne comprends peut être pas très bien la situation ! il conviendrait dans la mesure du possible pour lemploi d'avoir une personne en fauteuil roulant en entreprise comme conseiller [pour l'accueil]. Il y aurait peut être moins de personnes qui seraient ignorantes du handicap sachant qu'il fait peur. Une personne en fauteuil roulant, ça peut arriver demain à tous, cest l'inconnu; le hasard. les gens vous posent un milliard de questions pour savoir ce qui vous est arrivé. Mais je vais vous dire, je préfère de loin les questions d'un enfant parce que ça va être vrai, étant ignorant de notre état, que celles d'un adulte qui est plus "sournois". L'adulte questionnera plus dans le soupçon, alors que l'enfant lui, cest spontané. Il va vous dire : Pourquoi, as-tu une seule jambe ? Pourquoi es-tu en fauteuil roulant ?
Notre synthèse, sur ces derniers points de l'entretien avec jacques, nous montre que le premier des soins sociaux est constitué par le respect, par la non suspicion systématique ; c'est d'abord faire confiance !
Récit no 12 : À propos de Georges : "Le travail ne me fait pas peur !"
J'ai rencontré un homme extraordinaire !
Le mode de communication que Georges à privilégié avant notre rencontre fut le mail, avec l'écriture de longues lettres où il soulignait les idées forces en mettant les mettant en majuscules, j'ai souligné ces expressions en les faisant apparaître en italique dans ce récit fait de nos écritures entrelacées.
Dans ce témoignage sur la situation de handicap au quotidien de Georges, on remarquera le poids énorme des études dans son cursus. Le savoir est pour lui une quête primordiale qui contrebalance largement les sacrifices qu'il doit consentir journellement. Une très grande partie de sa scolarité atypique s'est faite en autodidacte.
Je suis donc handicapé de naissance et je "possède" la maladie de Little. Après des études très brèves dans un centre de formation professionnel, ne trouvant aucun emploi, j'ai rejoint la Maison dAccueil Spécialisée (M.A.S) de Novéant/Moselle. Après douze années passées dans ce centre, je me suis décidé à habiter Metz où je me suis inscrit en faculté pour passer le diplôme d'accès aux études universitaires D.A.E.U, "espèce" déquivalence au baccalauréat, je l'ai eu après trois années de rattrapages et de courage ! Puis j'ai fait un diplôme qui s'appelle : diplôme universitaire de sciences humaines et sociales. Puis, j'ai voulu travailler comme C.E.S à l'Association des Paralysés de France (A.P.F) qui au bout de deux années m'a remercié ! J'avais comme fonction rédacteur en chef d'une revue. Puis ce fut le chômage pendant deux années et j'ai repris les études en faculté pour faire une année en "Lettres modernes" que j'ai loupé à cause de lallemand. J'oubliai de vous signaler que je n'ai jamais été scolarisé à part ces deux années à Grenoble. Donc après cette première année de lettre je me suis retrouvé en psychologie, mais là aussi j'ai raté car il y avait des statistiques au cours de cette année. J'ai enfin rencontré un homme extraordinaire, Mr "R"., qui voulait avoir à Metz un D.E.U.G de philosophie, j'ai donc fondé une association pour l'aider au niveau de l'éducation nationale. Nous avons travaillé ensemble pour que ce projet se mette en place. Le D.E.U.G mis en place en 1998 ; j'ai eu mon premier diplôme c'était le D.E.U.G de philosophie, puis la licence et aujourd'hui je viens d'obtenir la maîtrise de philosophie et d'ethnologie. Voilà à peu près mon parcours, je vous signale que j'ai 55 ans et que je suis poète à mes heures ! J'ai déjà fait des articles à ce sujet. Voilà cher Monsieur mon parcours succinct.
Il me demande à la fin de sa présentation sachant les champs de savoirs que nous étudions ainsi que notre contact commun avec monsieur "R", si je pouvais lui conseiller des livres philosophiques. Je suis preneur, m'écrit-il en rajoutant que : le travail ne me fait pas peur ! Ce jeune étudiant âgé de56 ans, m'a avoué part la suite que les études universitaires sont l'une de ses "raisons de vivre".
Cher Monsieur, cher ami, bien à toi,
Nous avions fait connaissance sans le savoir bien avant notre première rencontre officielle lors d'une visite doctorale à notre directeur de thèse que nous avons en "commun" à l'université. J'avais une image de mon interlocuteur prise mentalement dans les couloirs du département de sciences humaines et arts (S.H.A) de l'université de Metz car une personne en fauteuil atteint d'une pathologie lourde et visible se rendant à un cours de maîtrise, ne passe pas inaperçu. Ma présence pour lui, elle, passa totalement inaperçue ce jour là ! Notre relation épistolaire était à l'origine marquée par le doute puis dans le temps des échanges, les courriers Internet se terminaient par des expressions de plus en plus amicales, et finissaient par le tutoiement. Notre rencontre "réelle" dans le restaurant d'un C.A.T, marqua le passage du témoin pour mon travail à une relation de chercheur à chercheur. Dans cette partie j'ai laissé les fins de lettres pour montrer l'évolution de nos rapports à travers les formules de politesse.
Bonjour et merci, m'écrivait Georges dans la lettre du 11 décembre 2002 reçue par Internet depuis la chambre d'une M.A.S. Je suis donc handicapé de naissance et je possède la maladie du Little. Après des études très brèves dans un centre de formation professionnel, ne trouvant aucun emploi, j'ai rejoint une Maison dAccueil Spécialisée Le travail ne me fait pas peur, si vous pouviez me conseiller des livres philosophiques, je suis preneur ! Bien à vous, votre ami et merci de bien vouloir m'aider Georges.
Le Dimanche le 15 décembre 2002 à 10 h 06 par Internet je reçois un long retour où il exprime son impossibilité de m'aider pour l'écriture des articles ! Dans le même temps il me demande mon aide car notre ami commun lui avait donné mon accord pour une aide au-delà des simples entretiens.
Monsieur, je vous fais parvenir ce petit mot, car je voudrais vous demander des conseils sur le mémoire de philosophie concernant les personnes handicapées ; large débat, je vous l'accorde ! Je n'arrive pas très bien à formuler ma problématique, aussi je vous demande si le sujet suivant pourrait être une bonne problématique : "Les personnes handicapées peuvent-elles vivre comme les autres ?", si je prends cette problématique, il faudra que je fasse état d'un certain ouvrage de M. Heidegger "l'être et le temps", qu'en pensez-vous ? Il me serait agréable aussi que vous puissiez me donner une bibliographie concernant l'approche du corps envers les personnes dépendantes, et aussi quelques trucs pour présenter mon mémoire. Je pense qu'il y a un léger malentendu entre nous, je ne pourrais faire des articles pour vous "bien que cette démarche m'intéresse beaucoup, cependant, je suis étudiant en maîtrise de philosophie et d'Ethnologie et en plus, je suis président de deux associations, donc ce n'est pas de la mauvaise volonté de ma part, j'attends de vous quelques conseils sur l'élaboration de mon plan de mémoire de philosophie. En espérant que vous recevrez cet émail dans de bonnes conditions, je vous prie de croire, cher monsieur en mes sentiments cordiaux.
De septembre 2003 à début décembre 2003, le contexte change c'est moi qui lui réponds prestement, car un malentendu entre nous persiste. Il me demande de trouver "un autre handicapé" pour mes recherches alors qu'il connaissait, avait accepté l'ensemble du protocole ! J'ai du, très fermement, lui remémorer le respect de la parole donnée. Je lui ai aussi rappelé, lui le futur anthropologue, les notions "de dons et contre dons". Nous en sourions encore tous les deux aujourd'hui !
Cher ami bonjour, lui répondis-je, c'est vrai que vous n'êtes pas le seul handicapé ! Mais notre ami commun nous a mis en relation pour que je puisse avec votre soutien, faire avancer la compréhension e la vie sociale des handicaps lourds en institution. C'est à votre intelligence que je m'adresse et non pas à votre seul handicap de plus il y a peu d'étudiants qui ont un parcours tel que le vôtre (philosophie et ethnologie) c'est précisément cela qui m'intéresse : quelques lignes de temps à autre fruit de vos réflexions m'aideraient bien pour mon travail. De plus vous me l'aviez promis !
Nous traitons d'intelligence à intelligence ; c'est cela qui m'importe ; c'est vous qui me rendez service par vos réflexions et votre conversation même si vous avez besoin de plus de temps que les autres. Il me faut des certitudes comme à vous-même je pense pour avancer. Vous avez l'impression d'un harcèlement de ma part mais il n'en est rien, j'aimerais juste de que continuons à converser tranquillement comme d'ailleurs vous vous étiez engagé à le faire avant de nous voir pour des entretiens directs. Le ton est donné. Tout va s'arranger bien vite.
Le 03 décembre 2003 je reçois par le canal d'Internet des excuses ainsi qu'un tutoiement amical ! Il est vrai qu'on c'était entretenu longuement par téléphone quelque temps auparavant.
Salut Michael ! Comme tu le vois je n'ai pas oublié, mais j'avais beaucoup de travail : je ne sais pas si tu le sais, mais en dehors de mes études universitaires, je suis président d'une association de personnes handicapées à Novéant. Et je suis aussi président du conseil de la vie sociale de l'établissement où je suis hébergé, donc cela fait tout de même beaucoup de travail et de réflexions.
Si tu veux m'envoyer des pièces jointes avec Word, je te recommande cette adresse que je viens de créer, il n'y a pas très longtemps. Si tu pouvais m'envoyer des idées de lectures sur le corps, le rite et l'esprit des personnes handicapées, cela me rendrait bien service. Merci de bien vouloir me répondre assez rapidement pour que je puisse travailler. A plus tard et excuse-moi encore pour ce retard. A plus. Amitiés Georges !
Le 21 avril 2004 la teneur du texte échangé se veut une synthèse entre deux moments comme s'il voulait effacer les incompréhensions premières.
Cher ami, je m'excuse de ne pas avoir eu le temps de travailler plus sérieusement avec vous, mais, je m'occupe de beaucoup de choses au niveau du centre où je suis hébergé. En effet, j'ai fondé une association, qui fonctionne assez bien qui a pour but de faire [naître] une interaction entre des personnes handicapées et des personnes valides, je vous en reparlerai lors de notre rencontre le 4 mai 2004. J'attends de tes nouvelles avant le 4 mai 2004. Bien à toi, Georges
L'analyse de l'institution vue par Georges me parvient le samedi 29 août 2004. Salut Michael, je t'envoie un premier volet sur l'institution, il y aura encore d'autres réflexions sur ce sujet, mais les examens approchent. Alors il faut que je m'en occupe ! Ta question demande effectivement une analyse très fine de l'institution. Mais, je vais essayer de la faire sans trop d'esprit critique. Il ne serait pas honnête de ma part de dire que les personnes handicapées n'ont guère besoin de cette "grande machine" que représente l'institution. Dans un autre volet, j'indiquerai, le côté relationnel entre résidants et personnels, puis, nous nous intéresserons à l'un des aspects assez important c'est la typologie décrite par : "c'est le chouchou de ces dames" ; nous appellerons ce phénomène " transfert et contre-transfert" à la M.A.S ! Bien à toi. Georges.
Le lundi 25 avril 2005. Il m'accueille au début de sa missive électronique par un : "Salut Michael, je te remercie de ta réponse ! ". Il poursuit. Je passe, mon D.E.A, le 24 mai à 16h00. Oui, tu as raison, je me bats contre les rigidités de l'institution, puisque je suis président du conseil social de mon établissement, mais il me faut beaucoup de diplomatie pour que ces "messieurs" comprennent que nous ne sommes pas des objets, mais des hommes et des femmes, qui malgré un handicap, ont le droit au respect, et à une certaine identité sociale. C'est un combat qu'il faut mener à bien, qu'en penses-tu ? Je réfléchis à "mon avenir", à savoir j'aimerais faire une thèse dont la cible essentielle est l'institution, quelle place a le résidant dans l'institution et pourquoi met-on systématiquement des personnes handicapées dans des institutions, car ce genre de démarches revient cher à l'État. Je sais que je ne pourrais plus avoir de bourse d'études au niveau de la thèse, car je suis trop vieux, donc inutile pour ceux et celles qui recherchent de la production (quelle société si tu as des tuyaux pour cette affaire de bourse, fais-moi-le savoir.) Si je n'avais que 24 ans, j'aurais droit à une bourse de recherche, mais hélas, je n'ai pas pu" rattraper le temps perdu" entre les différentes étapes de mon existence.... Amitiés et merci, ton ami Georges.
Le ton change ainsi que nos relations qui se situent à un niveau autre que celui dépassé maintenant de chercheur à interlocuteur.
Salut, mon cher Michael ! M'écrit-il le vendredi 6 mai 2005, je joins à ce message mon mémoire. Dis-moi juste si tu l'as bien reçu. Ce que je voulais te dire, c'est que le regard envers les personnes handicapées évolue avec le temps, mais aussi grâce aux efforts de chacun. Si tu prends comme paradigme la personne handicapée qui fait des compétitions sportives, je doute que le grand public prenne conscience des autres catégories de personnes handicapées. Il ne faut surtout pas ignorer celles et ceux qui doivent se reconstruire avant d'accepter leur handicap.
Le mercredi 11 août 2004 c'est le grand jour, on se rencontre au restaurant du C.A.T près de la gare ferroviaire de Novéant puis à la fondation Bompard chez lui dans sa chambre, spécialement aménagée, pour la suite de nos entretiens.avec son accord je prends des notes sur la totalité de la journée.
Je recadre le projet, lui remémore les nombreux rendez-vous manqués, dont le dernier au Colloque Foucauld à Université de Metz où son fauteuil électrique est tombé en panne ! De grands éclats de rire fusent de toutes parts ! Il ne parle de toutes ses actions dans l'association, à la mairie, à l'université. Il y a 56 ans il vit à la fondation Bompard qui comprend 250 pensionnaires lourdement handicapés dans une chambre médicalisée suite à sa colopathie. Il a obtenu l'A.A.H., et ajoute qu'il vit avec 60 ¬ d'argent de poche par mois, une véritable misère !
Le vendredi 13 août 04. Mon cher Michaël, je te remercie de ta visite qui m'a vraiment fait plaisir. Je suis d'accord pour travailler avec toi, aussi aujourd'hui, je te propose une sorte de réflexion sur la place des personnes handicapées en situation de dépendance. Merci de tes encouragements. Georges. Post Scriptum : Si tu trouves des sites intéressants, pense au don et contre don de Marcel Mauss ! Hum !!!!!!! Amitiés, Georges.
Par cette boutade, il me signifie son accord, son acceptation pour des échanges futurs. Sa maladie, son implication ainsi que ses études marquent ses temporalités sociales, c'est à moi de me mettre à leur diapason. Cette règle, si l'on veut entrer dans l'espace/temps de la personne handicapée, est à prendre en compte prioritairement.
Je possède la maladie du Little !
Notre ami nous parle brièvement de sa propre maladie, mais à contrario il fait parler par procuration d'autres personnes qu'il a interrogé dans son étude sur le "polyhandicapé et l'institution". Il situe dans ces "machines institutionnelles" les blessures, les douleurs invisibles des êtres qui y vivent. L'ultime handicap doit être associé à la dignité sociale. C'est ce que relate de rares films "extrêmes" sur des handicaps ou les déficiences mentales et physiques s'associent pour le pire. Le meilleur, lui, étant dans les soins que l'entourage peut prodiguer à ceux qui ne peuvent même plus communiquer.
Je suis donc handicapé de naissance et je possède la maladie du Little. Autre exemple, plus approprié à cette notion de honte, cest lexemple dune personne atteinte de la maladie ou syndrome de "Little".
Il donne le témoignage de "René" et l'anecdote du fou rire !
Cette pathologie assez méconnue par le public a pour caractéristiques des gestes involontaires de la part de la personne qui en est atteinte, parmi ces gestes, il y a ce fameux "rire nerveux", que le sujet est incapable de maîtriser. Cette réaction dordre psychologique est due à une grande émotivité. Celle-ci est dure à supporter pour celui qui en est atteint, une très grande honte l'envahit, et bien des fois cette hilarité d'ordre nerveuse n'est guère comprise et pour cause.
Pour bien comprendre cette pathologie et sa caractéristique, il faut expliciter le mécanisme de cette hilarité, qui donne des complexes à celui ou à celle qui subit ce phénomène : cette personne peut tomber dans une mélancolie, toute une journée, puis le soir au moment du repas, elle se met à rire. Alors que ses voisins de table ne comprennent pas le pourquoi de cette subite crise de fou rire : pour appuyer nos dire, nous avons eu un témoignage assez significatif. René est I.M.C, il se trouve dans un collège de la région parisienne, et suit normalement ses études, mais, il a dû faire face à des situations qu'on peut aisément imaginer. En plein cours d'histoire, René se met subitement à rire devant toute la classe ! Tous les regards se jettent sur lui, il devient rouge de honte ! Le professeur, lui demande "pourquoi ce rire René ? Je ne le fais pas exprès, Monsieur, excusez-moi. Un grand silence se fait dans la salle, et le cours continue, comme si rien ne s'était passé. Puis soudain, alors que ses camarades écrivent tranquillement, René recommence à rire.
René se cache car une certaine peur l'envahit. A la récréation les commentaires vont bon train, des groupes d'enfants forment un cercle et chuchotent : René les écoute avec une grande peine, on peut aisément s'imaginer ce qu'ils se disent : "Mais, il est complètement idiot, il va se faire renvoyer, s'il continue, l'autre, lui répond : "oui, mais tu sais, il parait que ce n'est pas de sa faute.
Tu parles, il veut attirer l'attention et c'est tout, ne faudrait-il pas lui parler..." fin de la conversation concernant René.
Une peur de sortir, une peur des autres sera très certainement le motif d'une frustration sur le plan psychique se traduisant par le : " Je ne suis pas comme les autres" ce qui est normal, puisque celui-ci a été atteint dans son fort intérieur !
La maladie de Little touche à peu près 7% de la population française. Que peut-on dire de cette pathologie ? Elle a encore d'autres caractéristiques, qui naturellement gênent celui ou celle qui en est atteint, il y a aussi ceux qui ne peuvent pas articuler, ni manger sans laide dune tierce personne. Ces facteurs impliquent une dévalorisation de lindividu. Cest ce qui arrive à René dont le nerf sympathique est défectueux ! Le rôle du psychologue est de constater que René nest pas idiot, mais quil présente une sorte dangoisse, qui se manifeste par un fou rire, assez gênant pour lui, mais aussi pour lentourage. Une interrogation nous vient tout naturellement à l'esprit, comment peut-on s'attacher à cet être qui est pris de fou rire et dont les camarades de classe se moquent. Comment l'aider à supprimer ses crises d'angoisses ?
Comment redonner confiance à ce garçon, qui finalement veut être considéré comme les autres ? Mais l'attitude des personnes qui l'entourent ne répond pas du tout à ce sentiment d'angoisse. Angoisse pourquoi ? Il est intéressant de connaître l'état d'esprit de ces personnes qui vivent avec leurs handicaps et qui, hélas, bien souvent ne peuvent s'exprimer. Leur désir est si grand d'être considéré comme les autres, que cela devient presque une idée fixe.
Cette "idée fixe", sur le fait d'être "considéré comme les autres", doit traverser mainte fois l'esprit de Georges. Dans le long récit, qu'il a réalisé sur le petit René, c'est un peu de sa biographie qui transparaît à travers les peurs, les blessures du moi ainsi que la soif de reconnaissance sociale.
Le concept de l'affection compte beaucoup !
Ma position universitaire dans une faculté d'éducation physique et de sport lui fait craindre mon orientation uniquement ciblée sur le sport de compétition dans le monde de "l'élite du handicap". Il a fallu que je lui reprécise les donnée de ma problématique. Les premières phrases qui vont suivre sont, elles, significatives des souffrances latentes qu'il veut faire émerger à travers les paroles des pensionnaires, qu'il veut faire parler pour les autres (et aussi un peu pour lui !) dans ces centres qui recueillent les handicap les plus lourds et qu'il connaît mieux que quiconque.
Georges m'écrivait. Je parle naturellement des personnes, qui ne font pas de "sports de compétition ", car je sais que ta démarche va dans ce sens-là. Or, mon cher ami, il faudrait porter un regard sur la personne handicapée, qui vit dans un centre en raison de son handicap, mais aussi parce que cette personne n'a pas eu l'opportunité de faire cette rencontre qui détermine sa vie sentimentale. Imagine, une personne complètement "hors circuit" sur le plan de la société ! Il n'a aucun moyen de se faire une idée de ce que représente cette société, de se rendre compte des avantages de vivre avec l'autre ou des inconvénients, selon la personnalité de chacun. Le concept d'affection compte beaucoup pour une personne handicapée, il y a, si tu veux une espèce de manque, que nul ne veut dénoncer, ni exprimer. Il faut que des personnes handicapées puissent dénoncer cet état de fait. Comme je te l'ai dit, mon sujet de thèse portera sur l'institution ; de quelle manière [la personne] qui se trouve dans une institution peut t-elle trouver sa place dans cette société ? Vaste sujet de réflexion !
Il me demande aussi une foule de renseignement sur une bibliographie traitant de l'institution de façon exhaustive, que sur des logiciels qui corrigent les fautes d'orthographe, sur les bourses, sur les thèses, etc. Ceci pour signaler que la vie quotidienne est aussi, pour cet érudit de 56 ans boulimique de savoirs, une source de souffrance. En effet avec un handicap de Little, avec en "prime" ses problèmes associés, il est difficile d'aller en cours au campus depuis une M.A.S à l'autre bout de la région, les livres doivent être lus par centaines et annotés, les entretiens menés dans toute la région, le personnel de la maison spécialisée un minimum complice, etc. Tout cela en fauteuil électrique pas trop sophistiqué car cela constitue un luxe, en souriant si possible et en étant discret au possible.
Oui, tu as raison, je me bats contre les rigidités de l'institution, puisque je suis président du conseil social de mon établissement, mais il me faut beaucoup de diplomatie pour que ces "messieurs" comprennent que nous ne sommes pas des "objets", mais des hommes et femmes, qui malgré un handicap, ont droit au respect, et à une certaine identité sociale. C'est un combat qu'il faut mener à bien, qu'en penses-tu ? Je réfléchis à "mon avenir", à savoir j'aimerais faire une thèse dont la cible essentielle est l'institution, quelle place a le résidant dans l'institution et pourquoi met-on systématiquement des personnes handicapées dans des institutions, car ce genre de démarches revient cher à l'État. Je sais que je ne pourrais plus avoir de bourse d'études au niveau de la thèse, car je suis trop vieux, donc "inutile" pour ceux et celles qui recherchent de la production
Comment revendiquer lorsque nous sommes en institution. Lutter c'est aussi les levées de silence, des échanges d'informations, des relations réelles entre "handicapés" et "valides". Savoir poser un regard critique sur ce qui mobilise, sépare, rassemble. Sur les points où la seule assistance, institutionnelle ou autre, tend à étouffer des possibilités et des potentiels que chaque être humain porte et tente de vivre. Encore faut-t-il trouver le moyen de connaître ce potentiel et y faire face, naturellement.
Oser entendre ce que disent et désirent les principaux intéressés. Cesser d'être soumis au langage du pouvoir qui masque par le compassionnel son "diktat" : docilité contre le droit de "survivre".
Je suis entièrement daccord avec lauteur de ce texte, mais le fait dêtre en institution est une sorte dhandicap, car ne pouvant pas agir, sous peine de pression, beaucoup de résidants préfèrent se taire, et laisser faire.Tout va bien, rien à dire, une toute petite place suffira, merci ! Avoir droit de cité va plus loin, il se prend, se donne et se partage. La vie est [elle-même] un élément insoumis. Il y a chez chacun de nous non assimilable, un mystère, qui échappe à l'insertion mais qui peut la permettre. C'est notre devenir, notre mémoire, tout ce qui se "décale" [va à l'encontre, est en décalage] d'une identité fermée, intégriste, subie ou revendiquée.
Trop d'insertion, un forçage à rentrer dans les rangs, amène à être incorporé, assimilé, digéré... exclu ou excluant. Trop peu d'insertion sociale conduit à l'impossible, au nulle part : rues ou prisons, placards. Dans la réalité quotidienne, ce sont les "c'est déjà bien", "ce n'est pas si mal", "attention qu'ils ne nous - leur - enlèvent pas ..." qui régissent aussi l'immobilisme dans lequel les C.A.T fonctionnent, qui participent à banaliser le fait que des vies sociales sont réduites à 35 heures de fatigue, aux transports épuisants, pour un salaire amputé et ne doivent pas prétendre à autre chose ! La peur de regarder nos peurs en face, sous couvert de sauvegarder un reste de convivialité illusoire travestie en progrès.
Sans autres avancées, sans faire passer les revendications des handicapés, qui se regroupent sans être vraiment entendus, nous risquons de favoriser des lieux intégrés et mornes où la principale (mais non unique) violence serait l'absence d'aventure et d'apprentissage pour les handicapés. Ceux-ci forment [alors] une de ces sous [humanité].
Je pense que tu seras satisfait, il faut dire que l'institution nous place dans le registre "dominant/dominé", car comme tu as pu le constater, il y a un non-dit dans cette relation entre le personnel et nous. J'attends tes réflexions par rapport à ce problème institutionnel.
En effet, lors de ma visite, certains des membres du personnel soignant lui avaient plus adressé la parole durant la période de notre heure de visite, que durant les longs mois qu'il passe pourtant avec eux journellement ! C'est un paradoxe bien étrange qu'il faudrait analyser a l'aune des routines, de l'ennui, des répétitivités quotidiennes...
Le chouchou de ces dames !
Je rapporte, ici avec lui sous forme d'une synthèse de nos entretiens, les nombreuses pistes sur lesquelles Georges voudrait que l'on travaille pour avoir une vision plus claire, plus positive du handicap en institution.
A propos de mes constatations sur l'identité des "résidentes". Sur le plan de l'identité de la personne handicapée, force est de constater que nous sommes pas encore reconnus en tant que personne faisant parti d'une société, qui se veut moderne. Les centres fonctionnent très bien, mais il manquerait une véritable politique de reconnaissance. Être handicapé, pour moi, ne pose aucun problème, cependant, j'aurais bien voulu avec les diplômes que j'ai obtenu, devenir éducateur, mais parce que je ne peux pas le cumuler avec le fait d'être résidant, je ne peux donc en aucun cas travailler ! Mon image et la représentation que les autres ont de moi, me reviennent à chaque fois que je parle de travail. Le corps [qui travaille, aime et communique] est un facteur prépondérant qui est encore encré dans l'esprit des personnes qui nous cotôyent journellement. Nous vivons dans une société, où des personnes "fragilisées" sont aidées, certes, mais elles ne peuvent en aucun cas se permettre de demander une véritable situation avec un salaire normal. Alors que notre société dit souvent "les personnes handicapées sont des personnes à part entière", etc. Si nous sommes des personnes à part entière, pourquoi ne sommes-nous pas en droit de demander un travail comme nos "camarades valides" ? Première constat !
L'autre constat concerne la personne handicapée elle-même, elle manque de confiance en elle-même, mais il faut dire aussi, quelle est sans instruction, ce n'est pas une critique, mais bien une constatation. Personnellement, je n'ai jamais été scolarisé car dans les années 1950, on ne parlait jamais de l'enfant handicapé et encore beaucoup moins de scolarisation des personnes ayant un lourd handicap. Donc je n'ai jamais connu le lycée ou le collège, sauf les deux ans où l'on m'a placé dans un centre de formation professionnel à Grenoble. Donc, comme tu le vois, il y a eu des progrès de faits ! Le corps, tout comme le ressenti de la personne en fauteuil, constitue un facteur important dans le registre de l'acceptation ou non du handicap. Ce qui est capital à mon sens c'est "le toucher et la préhension", c'est-à-dire la prise de conscience que nous avons un corps différent. On peut en prendre conscience par le toucher, le regard envers ce corps qui est inerte et sans défense, sans ressources, seule solution peut-être pour avoir une certaine espérance dans l'avenir. Mais de quel avenir s'agit-il, outre le placement par la C.O.T.O.R.E.P dans un centre pour personnes handicapées.
Autres problèmes rencontrés, pour nous qui sommes conscients que nous ne sommes pas comme les autres, c'est celui de la relation amoureuse avec une jeune fille valide ou non valide. Selon les circonstances de la vie ceci apparaît encore comme un sujet tabou, et pour cause ! Il n'est pas faux de constater que là aussi subsiste un véritable problème. En effet généralement, on peut constater deux ou trois cas de figures : un couple qui s'aime puis brusquement le handicap arrive. Il faut placer la personne (un homme dans 3 cas sur 4 !) car la femme ne peut faire face à "cette lourde charge". Cette dame soit elle reste par amour "cela arrive tout-de-même", soit elle ne se sent pas capable de faire face à cette situation nouvelle et, espace ses visites pour finir par quitter ce "mari, un peu encombrant pour vivre une existence normale". Très souvent hélas, c'est ce cas de figure qui se produit. Il n'est pas question dans mon discours de faire le procès, qui se comprend dans l'absolu, mais de relever ce fait. L'attrait physique joue encore un rôle important dans le commencement d'une relation amoureuse, cela joue très certainement dans le fait que la personne handicapée perd "par le fait d'être handicapé" d'une certaine valorisation esthétique, qu'il avait auparavant. Ceci constitue une donnée qu'on ne peut contester. Une jeune fille a toujours cet idéal de l'homme "musclé, grand et beau" dans son esprit. Alors, lorsqu'elle voit un fauteuil dans la rue, elle aura un regard "peut-être autre que celui de l'amour" !
A propos de mon analyse sur l'institution. Ta question demande une analyse très fine de l'institution. Mais, je vais essayer de la faire sans trop "d'esprit critique" car il ne serait pas honnête de ma part de dire que les personnes handicapées n'ont guère besoin de cette grande machine que représente l'institution. Imaginons un instant qu'un garçon âgé de dix-huit ans, se trouvant en fauteuil électrique ou non, qui a eu le courage de suivre une scolarité normale et qui, après des promesses d'avenir, se retrouve "placé dans une institution", car on n'a pas encore trouvé de solution pour ce "brave gars" ! Qu'est-ce qui se passe pour lui ? Évidemment, l'assistante sociale de sa ville vient chez lui et on peut aisément imaginer ce dialogue : "Bonjour David, tu vas bien ? " Tu parles il ne peut ni parler, ni manger, sans l'aide d'une autre personne. Avec la tête, il dit que oui, là, naturellement intervient Mme Sanchez, la mère qui parle pour lui : "Vous comprenez, mademoiselle, je ne peux le garder à la maison, car, il s'ennuie, et s'énerve pour un rien. Bien sur, je sais qu'il a fait des études normales, mais, il faut bien se rendre à l'évidence, "personne" n'en voudra. Le "personne" ce sont les employeurs bien entendu, la jeune assistante sociale (A.S), lui rétorque : "Ecoutez, chère madame, ce que je vois dans l'immédiat, c'est tout simplement de le placer, aussi, je vais faire un dossier C.O.T.O.R.E.P, pour faire une demande de placement provisoire ou définitif, mais vous savez, mme Sanchez, cela mettra du temps". David, entend ces paroles, son moral est encore plus bas, il se dit : "moi qui croyait pouvoir être comme les autres et travailler dans une entreprise, j'ai tout de même un C.A.P de secrétaire, tout de même ! Après des mois d'attente, Mme Sanchez, reçoit une lettre, en disant que sa demande de placement pour son fils est prise en compte. Aussitôt, elle téléphone à son assistante sociale, qui lui répond : "oui, je suis contente pour vous, chère madame mais vous savez, il vous faudra attendre, avant que la C.O.T.O.R.E.P puisse examiner votre cas. Tout ceci pour dire que le placement dans institution ne se fait pas comme cela. Nous sommes dans un [pays] de systèmes et de structures, que ce soit en matière de santé ou d'administration. La personne handicapée ne possède, en réalité, guère le choix de sa vie. En effet, force est de constater que si nous sommes trop handicapés, la seconde section de la C.O.T.O.R.E.P, nous place, sans vraiment nous demander notre opinion. Nous ne sommes pas encore pris en compte comme des individus normaux, mais visiblement comme des "pions" que l'on déplace selon les circonstances du moment ! Naturellement, ce que je vais essayer de faire maintenant, c'est de brosser un portrait le plus exact possible sur l'institution et ses avantages, car il y en a ! Mais aussi des désavantages, dont, ni les pouvoirs publics, ni les responsables et encore moins le personnel, n'ont pris conscience. Personne n'a bien mesuré les implications, qu'un placement [non maîtrisé] implique pour l'avenir d'une personne handicapée, En premier lieu : il y a la notion de liberté, qui entre automatiquement en jeu. Je ne fais que des constatations sans aucun jugement de valeurs. Donc, la notion de liberté se concrétise par le premier entretien avec le directeur de l'institution (ce dernier remet, soit à la famille, ou à la personnes handicapée, elle-même, une sorte de petit livret, appelé "Règlement intérieur". Dans celui-ci, il est stipulé beaucoup de choses, entre autres qu'il est formellement interdit de sortir hors de l'établissement sans en avoir averti le (la) chef de service huit jours avant la date. Ceci est déjà porteur d'un manque total de liberté, car la personne handicapée devra prévoir un calepin pour noter ses activités. Il suffit que cette dernière n'ait pas la chance de se servir de ses mains, il lui faudra attendre l'auxiliaire de vie, pour faire cette tâche ! A condition, naturellement qu'elle possède le temps de le faire. Il est triste de constater que le facteur de la temporalité soit un facteur omniprésent. Ceci est dû, sans aucun doute à la diminution du personnel. Dans toutes les institutions, que ce soit les foyers pour personnes handicapées, ou personnes âgées, ou encore ce qui est encore plus grave les hôpitaux, sont touchés par ce phénomène. On dit très souvent que le temps, c'est de l'argent, et ceci s'avère exact dans l'organisation du personnel, entre les réunions normales avec les médecins, les psychologues et les ergothérapeutes, nous sommes en droit de nous demander ; mais à quel moment ces personnels possèdent-ils le temps d'écouter les résidants ? A travers les gestes et les mots, comment prennent-t-ils le temps de faire une analyse puis une interprétation concrète du "sujet/objet" ! On peut s'interroger sur cette non connaissance de l'individu vivant en institution. De nombreux facteurs entrent en jeu, le principal se trouve dans cette temporalité [galvaudée]. En effet, on peut considérer que cette notion de temporalité [donnée "a minima"] empêche une appréciation objective ou subjective de la personnalité des résidants, car ils ont comme tout à chacun une personnalité qui n'est pas toujours respectée dans les institutions ! Un exemple précis, une équipe d'aide soignante se réunit pour planifier une sortie. Un certain nombre de résidants sont choisis pour aller au cinéma. Parmi eux, il y a Vincent, qui est tétraplégique ! Personne n'aura le respect de l'avertir de cette fameuse sortie, il apprend la nouvelle que deux jours avant l'évènement.Quelle réaction de Vincent ? Peut-être a t-il prévu autre chose à faire ? Cela revient à dire presque qu'il se sent obligé d'accepter cette sortie, car autrement, le service des loisirs en tirera "es conséquences" ! La notion de respect est importante dans la relation à l'autre, elle dénote une "certaine intelligence" de la part du soignant. Certes, il est vrai aussi, qu'il y a dans l'institution des personnes handicapées, qui ne sont jamais contentes, qui critiquent toutes les actions que le personnel met en place. Il y a aussi un phénomène dans certaines structures qu'il est bon de noter c'est le concept "d'ennui". Les structures ne possèdent pas toujours un service d'éducateurs chargé d'occuper ces personnes qui parcourent les couloirs pour pallier à leur ennui. Tandis que certains se réfugient devant le petit écran, d'autres fument tout en observant ce que fait le soignant... Cette attitude dénote un manque d'argent pour élaborer un véritable projet éducatif, qui aurait le grand avantage pour que le (la) résidant ne trouve plus le temps aussi long. Ceci est une première réflexion bien réelle de l'institution. Le manque de personnel aggrave d'autant plus cette situation, avec notamment l'instauration des 35h (sic). Il est à noter aussi que dans les grandes structures, il y a trop de hiérarchisation, ce qui est néfaste concernant les demandes "nombreuses" des résidants. Exemple la lumière de la chambre d'Isabelle ne fonctionne plus ! Elle doit demander à l'auxiliaire de vie de faire un bon pour réparer cette fameuse lampe. Ce bon va effectuer un voyage entre divers services, d'abord sur le bureau de l'infirmière en chef, puis celle-ci le transmet au directeur général, lequel mettra sa signature au bout d'un certain temps. Alors qu'Isabelle attend toujours sur l'ouvrier pour remédier à ce problème : ceci peut durer deux semaines, voire un mois ! Dans un autre volet, j'indique ici les observations que j'ai effectué sur le pôle relationnel entre résidants et personnels, qui a mis en évidence un aspect assez important caractérisé par l'expression : "c'est le chouchou de ces dames !" Nous appellerons ce phénomène le transfert et le contre-transfert en institution.
A propos de la connaissance contre le rejet. Il m'envoie son texte de D.E.A avec le titre suivant : Le corps, les rites, lesprit des personnes handicapée. Il me précise que cette étude a pour objectif de porter à la connaissance de ceux qui ne connaissent pas du tout cette catégorie de personne, de mieux faire apparaître leurs difficultés, à travers un long cheminement [réflexif], tant en ce qui concerne les parents, que les handicapés eux-mêmes, ainsi que les formes des rites qui leurs servent un peu de "points de repères". Puis, nous rendrons compte des questionnaires concernant lopinion des parents de personnes handicapées. Nous montrerons les nombreuses difficultés des personnes handicapées, qui très souvent rencontrent des situations de dépendance ou la "honte" initiée par les divers entourages. En effet, [l'instauration] d'une certaine honte de la part de lentourage provoquait des conséquences désastreuses pour ces personnes, dont "laspect" nétait pas fait pour améliorer les choses !
Il avait placé son travail dans une perspective historique pour bien montrer les permanences des comportements des acteurs sociaux de notre temps vis-à-vis de la personne handicapée.Cest dailleurs à cette dernière période, souligne-t-il que ce produisit une nouvelle démarche, celle de linteraction entre les personnes handicapées et les nombreuses administrations. Chacun de nous connaît, et reconnaît les qualités, mais aussi les failles administratives, qui ont parfois pour conséquences des situations "affreuses et surtout incohérentes".
A propos de notre très longue rencontre du début août 2004. On amorce notre entretien qui va durer une journée entière au restaurant du C.A.T près de la gare ferroviaire de Novéant. Il se poursuit à la fondation Bompard et se termine en fin d'après midi chez lui dans sa chambre où l'informatique constitue le lien avec le monde des savoirs.
Dans un premier temps nous rencontrons amicalement autour d'un repas de deux heures au restaurant du C.A.T. on fait plus ample connaissances. Il me livre de multiples anecdotes qui constituent autant d'appel pour de plus fines observations/investigations ethnographique (à venir) que de pistes pour améliorer la compréhension des mécanismes des situations de handicap.
Il souligne certains temps forts de sa vie. Pour les études je suis "un autodidacte", me raconta-t-il avec fierté, pour les cours à l'Université je me lève à cinq heures du matin et je reviens au centre à 19 heures quelquefois pour des cours que l'on annule au dernier moment ! En moyenne je pars pour quatre heures de cours quotidien.
Un "intellectuel" chez les personnes lourdement handicapées, cela ne va pas sans poser de nombreux problèmes, jalousie du personnel, limite entre normalité et anormalité, arrogance consciente ou inconsciente des uns et des autres, jeu entre diplomatie et dépendance. Il entend qu'un "fauteuil" plus moderne est un luxe, que les études ne peuvent pas constituer un véritable travail !
On nous fait payer socialement le fait d'être des "handicapés de naissance". Les indemnités et les droits sont minima pour nous dans ce cadre. La différence entre le handicap de naissance et les autres se fait d'abord par rapport à l'aspect financier !
A contrario, on trouve aussi ceux qui "profitent" du système et des aides humaines en affirmant vous êtes à mon service". Certains dévalorisent le travail et le combat au quotidien pour exister socialement.
Il me fait part de toutes ses actions dans le détail pour me montrer tout le travail et toute les implications qui sont inscrites dans sa personne. Je ne suis pas "un paresseux" m'a-t-il dit un jour lors d'un échange par mail après la rupture du contrat qu'il s'était fixé avec moi. Je lui réaffirme ma collaboration car nous partageons le même objet scientifique. Nous en sommes ravis tous deux.
Nous revenons sur la typologie générale des trois "C" pour entrer dans celle plus personnelle des trois "S". Sur la sexualité par exemple, il me dit qu'au départ, il faut tout se dire dans le couple. Il parle aussi de sa grande difficulté à vivre cela ici et maintenant dans les institutions ! Sur le corps sportif il semble dubitatif et contre la performance, il me dit que le sport doit être pour tous et en particulier pour les plus démunis. Il me donne l'exemple des "grabataires" du centre qui n'ont rien à faire, à ce sujet on peut croiser son analyse avec celle d'Alexandre Jollien qui fait même constat en Suisse dans les années 80.
Dans un deuxième temps, il me fait visiter le centre ultramoderne et ultra médicalisé qui accueille dans tout l'est de la France les handicapés les plus lourds. On comprend aisément pourquoi toutes ces personnes se retrouvent ici. Ont fait le tour des lieux, des personnes qui vivent, de certains personnels dont une ergothérapeute qui parle avec nous et dont ma présence "universitaire qui fait sérieux" semble améliorer le dialogue avec Georges "étudiant mieux crédible", il me dit à son sujet qu'elle n'a jamais autant parlé avec lui ! Il semble, dans cette atmosphère particulière, y avoir de nombreux non-dits et résistances autour de sa personne.
Il me présente son outil informatique qui lui permet de rester au contact avec le monde et les autres, et me demande certains logiciels pour améliorer sa productivité et me parle de ses difficultés en orthographe qui présente un handicap pour lui ainsi un correcteur puissant pourrait lui être d'une très grande utilité. Mais tout est très cher, les études doctorales qu'il envisage le sont aussi et ses revenus, eux, sont faibles. Le combat pour progresser dans la connaissance est une lutte perpétuelle.
Ce terrain particulier, que sont ces centres, nous fait ressortir plus aisément les résistances, les mécanismes du transfert selon les concepts freudiens car on partage d'emblé avec les sujets/acteurs : conflits, révoltes et angoisse voire traumatismes.
Georges met en valeur, la construction lente et progressive des relations, pour que le dialogue se fasse d'intelligence à intelligence, seule façon de s'en sortir selon lui.
Il me dit qu'il avait observé une forme de "racisme" entre les personnes dites "grabataires" et les personnes dites "handicapées mentales" ! Il existerait une violence au cur même de la grande détresse : une enquête dans ces lieux ou rien ne semble bouger serait à bâtir.
Pour contrebalancer ces aspects négatifs, il a beaucoup insisté en fin d'entretien sur les bonheurs, les joies et l'amour à faire émerger dans le handicap ; c'est je crois un des thèmes de son travail d'ethnologie pour l'avenir. Un vaste programme dans ce cadre très singulier. Lutter contre les toutes ces discriminations passe par des possibilités de choix plus larges pour les personnes concernées. Pouvoir revendiquer, jouer, aimer, bouger beaucoup plus que ce qui existe, que ce qui est accordé par l'Etat ou l'institution.
Alors, Georges, est-il un homme extraordinaire qui effectue des actes ordinaires ou bien est-il un homme ordinaire qui effectue des choses extraordinaires ?
Récit no 13 : À propos de Roland : " Nous sommes des handicapés du savoir !"
Roland et moi-même avions fait connaissance par l'intermédiaire d'un intervenant à l'université qui avait trouvé qu'il serait un bon témoin pour mes recherches. Ils travaillaient tous deux ensemble dans le même institut.
Ce collègue fut donc naturellement chargé des premiers contacts qui furent très positifs. Son témoignage est intéressant car il est enseignant dans un institut de jeunes sourds en étant lui-même atteint de surdité.
Je lui envoie les dossiers et le protocole par lettre et par Internet. Il me répond en me donnant son accord avec enthousiasme. Mais les semaines passant, je décide de les relancer. Il est toujours d'accord, c'est parfait ! Puis encore un silence "assourdissant" de plusieurs semaines. Je décide un dernier rappel de contrat d'ailleurs exprimé assez fermement ! Après quatre lettres/mails et plusieurs appels téléphoniques relayés par ses proches, il me promet enfin de me répondre ! Il me répond effectivement par un geste concret ; nos échanges épistolaires très riches commencent en même temps que "s'efface" la phase d'apprivoisement le jour de notre entretien.
Je ne voulais en aucun cas, m'écrivait Roland en gage de sa bonne volonté, considérer ce travail à la légère, il demande trop de réflexion et de recherche, un certain temps m'est nécessaire que je n'arrive pas actuellement à gérer. La seule solution qui me reste est de bloquer quelques jours des congés scolaires en février qui sont tous proches pour faire ce travail... Car je vous l'ai promis !
Je suis vraiment désolé de vous avoir quelque peu "oublié" et pourtant ce n'est pas le cas, car je m'en veux de ne pas pouvoir dégager un peu de temps pour travailler sereinement sur votre dossier.
Lorsque vous m'avez contacté la première fois, je m'étais dit que ce travail que vous me proposez était faisable, car à l'époque, j'avais en charge l'enseignement préparatoire en B. E. P. d'électricité pour un groupe de jeunes sourds en intégration, un enseignement que je maîtrise bien étant donné l'avance confortable dans mes préparations. Le "hic", c'est que depuis, j'ai été affecté à un autre enseignement, celui des "bacs pros" et comme je n'avais encore aucune notion sur le référentiel de ce diplôme, que je n'avais encore jamais abordé un tel programme pédagogiquement parlant ! J'ai donc concentré, et maintenant encore, la totalité de mon temps libre pour m'informer, assimiler et me former. De plus, je suis secrétaire du C.E de mon établissement... Je vous ai ainsi un peu "oublié" et j'en fais amende honorable !
Je comprends votre situation à attendre, à espérer si longtemps, et peut-être avec de l'angoisse, des documents qui vous sont sans doutes très indispensables. Je m'en excuse une fois encore... Rien ne m'est simple actuellement.
Le sujet est très vaste et il m'est difficile de découper mon temps. Mais tant qu'il reste encore de petits délais, rien n'est perdu.Je dois vous dire également que dès demain lundi 19 avril 2004, je serai en route vers Houston aux U.S.A, puis Mexico. De retour le 28 avril. Donc pour le Rendez-vous que vous sollicitez, il faudra peut-être en reparler après mon retour pour fixer une autre date. Je vous contacterai. A ce sujet, pouvez vous déjà me dire par le courriel le thème précis que vous désirez aborder avec moi. Lorsque j'ai commencé à me pencher sur vos questions, cela m'a donné comme l'impression de préparer un mémoire, car comme je l'ai dit, le sujet est très étendu. Nous verrons tout cela ensemble. De vive voix, ce sera peut-être plus opportun ? Ne vous inquiétez pas pour communiquer, si j'ai peut-être quelques difficultés, cela se passe en général en réunion où plusieurs personnes parlent en même temps, mais dans un dialogue à deux, pas de problème. Depuis mon enfance, lorsque je suis devenu totalement sourd des suites d'une méningite, j'ai bénéficié d'une bonne rééducation ; je maîtrise bien la lecture labiale, moyennant un certain temps d'adaptation.
Le contact est désormais établi, nous sommes partis sur de bons rails.
Je ne suis pas né sourd mais je le suis devenu !
Alors moi, je ne suis pas né sourd mais je le suis devenu à la suite d'une méningite entre 6 et 7 ans. Je suis actuellement professeur pour élèves sourds, je suis marié, pères de deux enfants, j'ai 58 ans et mon épouse est une dame sourde de naissance. J'ai été scolarisé normalement jusqu'à ma surdité ensuite mes parents m'ont mis dans une institution spécialisée à Albi.
Oui, Albi, j'y suis resté jusqu'à l'âge de quinze ans et j'y ai passé mon certificat d'études c'est une première forme d'intégration ! J'ai donc passé mon certificat et c'est ma plus grande fierté ! Je préfère mon certificat d'études à mon bac ! C'est parce que c'était mon premier diplôme. Et puis, dans cette école on ne pouvait plus me garder car on ne savait plus quoi faire avec moi, alors on m'a proposé un apprentissage, je suis allé apprendre l'électricité à Nantes pour passer un certificat d'aptitude professionnelle : le C.A.P.
A Nantes, dans un institut spécialisé pour sourds. J'ai passé un C.A.P d'électricien et puis pendant ma formation à Nantes, j'ai découvert le dessin industriel.
Alors, j'ai fait du dessin industriel et j'ai trouvé ma voie. Je suis venu à Orléans pour préparer un C.A.P de dessinateur
Ma première grande surprise, une surprise énorme
C'est que j'ai découvert un professeur sourd à Orléans ; c'est lui qui m'a formé au dessin industriel. Les professeurs sourds n'existaient pas à lépoque. J'y ai découvert ma vocation, celle de devenir enseignant, mais pour le devenir il faut le baccalauréat ; où le préparer ? A ce moment là il n'y avait pas d'intégration, du moins officiellement. Aucune école de sourds ne préparait, à cette époque, à des études du second degré
C'était les années 1965/1970. Bon l'institution n'avait pas le niveau ou lhabilitation pour dispenser un enseignement qui préparait au baccalauréat. Donc j'ai opté pour des cours par correspondance
A cette époque la majorité de mes amis sourds sont passés par là, par la correspondance car c'est la meilleure façon.
Cela s'appelait à l'époque le Centre national d'enseignement par correspondance le C.N.E.C de Vanves.
Beaucoup [d'entre nous] passaient par le C.N.E.C. Je préparais donc le baccalauréat de technicien F1 option mécanique
Et j'ai enseigné par la suite durant de longues années le dessin industriel pour préparer les élèves sourds au C.A.P et au B.E.P
et puis comme le C.A.P de dessinateur a disparu des brevets de l'éducation nationale eh bien je me suis reconverti dans la formation à la maintenance, dans la maintenance mécanique. Jenseignais déjà avant, mais le Baccalauréat que jai réussi a en quelque sorte "validé" mon statut ! Dans le même temps j'ai fait mes premiers pas daccompagnement en intégration au Lycée Régional Professionnel Françoise Dolto à Olivet.
Tout le monde parle d'intégration, je lui ai demandé, selon lui, ce que veut réellement signifier cette notion d'intégration ?
Il y a plusieurs formes dintégration, la première c'est lintégration individuelle avec 3 ou 4 élèves sourds ensemble dans les classes dentendants en Lycée, en collège ou en primaire avec un accompagnement total consistant en un prof spécialisé qui reste en permanence auprès de son ou ses élèves, la deuxième forme c'est l'intégration partielle, c'est à dire sur des classes ponctuelles qui posent problèmes : classes de lettres, histoire-géo, philosophie, là où il y ny a que du "bla-bla"
. Une observation notoire, il ny a jamais daccompagnement aux cours dE.P.S., cest inutile
Une autre forme est constituée par lintégration collective. C'est une classe entière de sourds qui est crée au Lycée, au collège, au primaire. Cela prend le nom de "classe annexée", et des professeurs spécialisés y travaillent en permanence. Lintégration dite individuelle est cependant dominante.
Lexpérience que jai de cette intégration, vécue au quotidien, ma permis dobserver que les élèves sourds, sils sont plusieurs, restent toujours entre eux sur la cour, dans les couloirs, à la cantine. Cela vient de leur notion dappartenance à la communauté linguistique qui est la leur : ils aiment se retrouver ensemble pour bavarder, rire, se chambrer avec leurs mains "qui chantent la joie" !
Notre ami, aujourd'hui proche de la retraite, est sollicité de toute part étant donné les multiples compétences et passions qu'il cultive toujours dans le monde du sport, du savoir ainsi que celui du social.
...Ne jamais répondre par un détestable silence !
Le mercredi 18 février 2004, le contexte change, le ton change aussi, Roland me répond après de multiples lettres, relances, et plusieurs coups de téléphone ainsi que de nombreux mails. Son témoignage m'est précieux car il est professeur sourd dans un institut de jeunes sourds en intégration. Il m'écrit enfin. La promesse tombe de faire vraiment quelque chose.
Je ne voulais en aucun cas considérer "ce travail"à la légère mais il demande trop de réflexion et de recherche, un temps nécessaire que je n'arrive pas actuellement à gérer. La seule solution qui me reste est de bloquer quelques jours des congés scolaires de février 2004 pour faire ce travail... Car je vous l'ai promis !
Le Dimanche 18 avril 2004 nous échangeons un aller retour épistolaire par courriel car il me faut votre matière "à penser", lui avais-je écrit, maintenant que rendez-vous était toute proche.
Je lui ai demandé une entrevue pour la semaine du 18 au 25 avril 2004, pour faire connaissance d'une part, parce que nous sommes voisins d'autre part !
Il me répond rapidement, mais ... Pour me dire qu'il part au bout du monde !
En effet, les vacances sont studieuses sur l'académie d'Orléans. Comme vous, ma fille travaille à la Faculté de droit pour préparer le D.E.S.S de gestion. Je dois vous dire que je n'ai toujours pas été en mesure de "monter" sur papier les témoignages que vous demandez. Le sujet est très vaste et il m'est difficile de découper mon temps. Mais tant qu'il reste encore de petits délais, rien n'est perdu.Je dois vous dire également que dès demain lundi 19 avril, je serai en route vers Houston puis à Mexico et je serai de retour le 28 avril. Donc pour le rendez-vous que vous sollicitez, il faudra peut-être en reparler après mon retour pour fixer une autre date. Je vous contacterai. A ce sujet, pouvez vous déjà me dire par le courriel le thème précis que vous désirez aborder avec moi. Lorsque j'ai commencé à me pencher sur vos questions, cela m'a donné comme l'impression de préparer un mémoire, car comme je l'ai dit, le sujet est très étendu. La surdité telle que je la vis depuis mon enfance est-elle un handicap ? Voilà une belle problématique.
On recule encore l'échéance mais enfin en juillet 2004 c'est le grand entretien !
Le premier entretien avec Roland se déroule le mercredi matin 12 juillet 2004 chez lui dans une petite ville du Loiret. Le 26 mars 2005, il corrigera par le détail les flous qui resteront à l'issu de cette première entrevue, flous qui étaient principalement dus à l'interférence entre trois formes de communication ! Son épouse en langue des signes lui a rappelé ses engagements. Pensez donc un rendez vous pris depuis près d'un an ! Il me fait un signe d'excuse plein d'amitié. L'entretien devient vite facile car il lit très bien sur mes lèvres et parle de façon très audible. Le contact est aisé. C'est une personne gaie, directe, sympathique et fine d'esprit. Je ne me sens pas comme une personne handicapée mais les sourds sont des "handicapés du savoir", précise-t-il presque d'emblée !
Le jeudi 30 Septembre 2004, il commence son courrier Internet par un "Bonjour cher ami". Le courant amical puis intellectuel passe entre nous, puisqu'il me signale qu'il comprend bien maintenant les questionnements de ma recherche. Il poursuit .Pour l'instant, je n'ai encore rien reçu de tes écrits sur notre rencontre de juillet dernier. Peut-être demain ?"
Cela me fait plaisir de te transmettre quelques pistes de réflexion et je m'efforcerai de les noter, lorsqu'elles passeront dans ma tête vouée "aux quatre vents" en cette période de rentrée "galère".
J'ai suivi les jeux paralympiques à travers le journal "L'Equipe" et aussi maintes fois à la télé. Cela n'a pas - et c'est dommage- la même portée médiatique que les J.O "valides". Certaines fois, il m'arrive d'être sur le bord de chialer, non pas parce que ce sont des handicapés, mais parce que quand ils gagnent, leur joie est incroyable, émouvante, communicative. C'est très fort ! Ce sont de super champions ! Je sais les "méandres" par rapport au classement de ces athlètes par type et degré de handicap qui sont déterminés par des médecins spécialisés et des kinés ; je me demande où les sourds pourraient être classés. Le cercle est vicieux... Pour le cinéma, je n'ai pas fait de recherches depuis. Pour le rugby qui reste ma grande passion avec l'athlétisme, je serai content d'en disserter avec toi. Par ailleurs; ma fille m'a demandé tes coordonnées, car l'un(e) de ses ami(e)s désire préparer un diplôme universitaire de sport pour ensuite enseigner chez les sourds. Je me suis permis de les lui transmettre...Je me suis aussi permis de te tutoyer car je me sens plus à l'aise...Et moi je suis adopté !
Le lundi 10 janvier 2005 Roland me fait parvenir ses réflexions, un gros moment d'excuse ainsi que ses vux ! Bonne année, Michael ! Et encore merci pour tes voeux. Un journaliste à l'Equipe Christian Montaignac a écrit récemment : "C'est si précieux d'être en correspondance auprès de celle ou de celui qui vous écrit comme je l'ai été et le resterai avec le soin particulier de ne jamais répondre par un détestable silence". Je dois me faire violence pour méditer sur ce passage, car tu attends ma réponse depuis un gros moment, et je m'empresse de ... Comment dire ? Je ne trouve pas les mots : "m'excuser", c'est trop faible, trop facile... En ce moment, je "merde" de partout. Je me demande si ce n'est pas la proximité de la retraite, en octobre prochain, qui donne des idées à mes employeurs pour me trimballer à droite et à gauche à des heures impossibles, me convier à une multitude de réunions.a côté de cela j'ai d'autres devoirs : je suis allé à C1ermont samedi pour officier à la perche et hier au parc expo pour la même fonction. J'ai aussi un devoir envers toi et j'y pense. Ces jours-ci, et s'i il n'est pas trop tard pour toi, je vais reprendre tes écrits que tu m'as mailés en septembre et y ajouter mes réponse ou mes compléments (en rouge ou dans une autre couleur), à moins que tu préfères venir à la maison comme l'autre fois.
Vendredi le 25 mars 2005. Comme presque tous les jours désormais, je suis debout dès 4 heures pour préparer ma journée. Je ne peux pas faire autrement. Le soir, ou, je suis occupé, ou je suis "lessivé" et quand on lest, plus rien ne passe par la tête et je vais au "pieu" de bonne heure
Depuis les derniers congés de Noël, un collègue est parti à la retraite et sa remplaçante est partie presque illico en congé maternité, si bien que cest moi qui depuis fait le double boulot au Lycée, mais aussi au C.F.A (centre formation pour adulte) avec un apprenti électricien illettré mais très logique et terriblement intelligent. Il est très difficile, paraît-il de trouver des professeurs spécialisés. La pression est permanente et je ne sais plus comment lévacuer : elle arrive de partout ! Et pourtant, il nest pas un jour où je me dis : "il faudra bien que je trouve un créneau pour terminer lentretien avec Michaël !" Cest ce que je vais faire demain samedi, à la même heure que ce matin. Cest la seule solution et je me limpose comme "ultimatum" !
Plus que jamais je trouve le temps long ; le décompte est lent. Il me reste encore 189 jours avant de "pouvoir jouir des délices du port ", comme disait Racan. Hier matin, jai fait une centaine de kilomètres tout autour dOrléans pour visiter quelques un de mes élèves en période de formation en entreprise : le stress est permanent, car ne sachant jamais à lavance si lon arrivera bien à communiquer, à se faire comprendre par les responsables de lentreprise. Quelque part dans toutes les têtes, nous les sourds seront toujours un peu "spéciaux". Cest ainsi
Les sourds sont des "ratés" de la pédagogie !
Il introduit le questionnement sur "sa maladie", "son handicap" sensoriel dans les terminologies médicales par cette projection concernant tous les sourds.
La surdité telle que je la vis depuis mon enfance est-elle un handicap ? Cela dépend de quel coté de la barrière l'on se met, car les sourds ont leur propre langue difficilement compréhensible par la "majorité", ou alors doit-on se considérer comme une minorité linguistique, sociologiquement parlant ? Il y a aussi beaucoup à dire sur la communication inscrite en sociolinguistique (mais aussi en psycholinguistique) et la surdité dans la vie de tous les jours plutôt dans le domaine de la psychologie.
Une précision cependant, jai spontanément prononcé ce terme "handicapés du savoir" ! Cela ne veut surtout pas dire que les sourds ne seraient pas "capables" dacquérir du savoir. Ils ont le potentiel pour accéder à la culture et au savoir, pour peu quon le leur transmette via leur propre langue, celle des signes ou par écrit. Pendant très longtemps les sous-titres nexistaient pas à la télévision, un peu au cinéma, mais comme le grande majorité des sourds souffre de ce handicap qu'est lillettrisme
Par rapport à lentendant qui, dès sa naissance perçoit le monde par loreille, il existe un décalage important. A lâge de cinq ans par exemple, le petit entendant connaît déjà beaucoup de choses alors quau même âge, le petit sourd ne connaît que ce quil perçoit par ses yeux, cest à dire trois quarts de données en moins. Cest pour cela que jai prononcé ce terme "handicapés du savoir" pour faire distinction avec "handicap tout court" et a fortiori le handicap auditif !
Peut-être devrais je définir dautres termes, par exemple : les sourds sont des "ratés de la pédagogie" !
Oui, les deux types de sourds le sont, les sourds de naissance, devenus sourds, mais aussi les malentendants.
Il précise cependant pour les sourds de naissance et pour quelques autres qui sont devenus sourds, qu'ils peuvent être de culture sourde, cest à dire pratiquent couramment la langue des signes ; les autres sont de culture entendante, généralement considérés comme "marginaux" par la communauté des sourds !
Il y a une énorme différence entre pré et les post linguaux, une énorme différence même car ceux qui sont devenus sourds après leur naissance, vers 4 à 5 ans après leur naissance [ceux là] maîtrisent bien la langue française.
Ils possèdent donc une bonne maîtrise en général, un sourd tardif acquière plus aisément cette bonne maîtrise du français, les autres sourds, qui en plus de leur surdité, sont pour beaucoup des illettrés et corrélativement deviennent des "handicapés du savoir" ! Des deux cotés de la surdité, quelle soit tardive ou de naissance, ces handicapés du savoir ne maîtrisent pratiquement ni la lecture ni l'écriture. Ils ne lisent pas. Lire, pour eux est un supplice ! L'écrit représente une énorme difficulté et la lecture une énorme lacune.
A la question : Y a-t-il aujourd'hui un moyen d'améliorer les choses ? Roland a une grande hésitation puis il répond plus douloureusement. Ce silence marque le travail énorme qu'il a du accomplir, l'abnégation de tous les instants pour faire infléchir le destin tout tracé du "sourd".
On travaillait 15 heures par jour à Albi, oui 15 à 16 heures par jour dont la moitié sur le français, la grammaire, lorthographe et on avait des séances de lecture sur les lèvres, beaucoup de dictées
C'est pratiquement impossible de devenir professeur lorsqu'on est du mauvais côté de la surdité, impossible ! Car pour être professeur, il faut maîtriser le français, c'est la moindre des choses et il faut avoir de la logique dans la réflexion. Bien entendu les sourds ont de la logique mais ils n'arrivent pas toujours à l'exprimer. Mais avec la langue des signes, la langue des signes françaises [L.S.F], nous sommes "balèzes" ! Le langage parlé complété n'est pas un langage pour exprimer le fond de sa pensée. C'est un outil
C'est un outil pour éviter les ambiguïtés de la langue par exemple pour mieux reconnaître les différences entre les mots par exemple "chapeau" et "chameau"
Le langage parlé complété est un langage complété, supplémentaire pour éviter les ambiguïtés pour discriminer les lettres "p" et "m" dans chapeau et chameau comme le "p" du "m". La langue des signes, elle, c'est une langue, c'est un langage, c'est très profond et elle est accompagnée [Par toute une gestuelle et par des mouvements du corps, lexpression du visage
Christian Cuxac, docteur en linguistique, professeur à la Sorbonne, a établi que la Langue des Signes est une vraie langue avec sa syntaxe, sa grammaire, etc. Pourtant encore de nos jours les personnes qui gravitent autour de la surdité sacharnent à refuser de reconnaître un statut de langue à la L.S.F. Il a été récemment crée par C. Cuxac une licence professionnelle denseignant de la Langue des signes équivalente à celle des Lettres. Les partisans du L.P.C sont en train den créer une pour le L.P.C ! La langue des signes est une langue de communication entre sourds. Je veux dire une langue, minoritaire certes, pratiquée au sein de la communauté des sourds.
Mais il existe toujours la barrière du langage, une barrière de la communication avec les autres personnes. On va ainsi reparler du premier article sur l'enquête I.N.S.E.E, "12 millions de français subissent un handicap" car elle montre que les sourds comptent parmi les personnes handicapées avec le cortège, le florilège du vocabulaire qui les caractérise. Comment vous situez-vous, Roland dans ses vocables de "handicapé, valide, invalide" ? Les sourds, selon vous, sont-ils des handicapés ?
Non, nous sommes différents ! Mon handicap est plus dordre social que physique !
La première fois ou je suis rentré au lycée il a fallu beaucoup de temps pour s'adapter, il a fallu vraiment du temps
le personnel et les professeurs ne connaissaient quasiment rien à la surdité. J'étais en marge et petit à petit nous sommes arrivés à nous entendre, nous "entre-adapter", nous tolérer. [Nous avons appris] à communiquer et le courant passe bien. Mais il y a toujours un petit quelque chose, un, je ne sais pas quoi. Le concept d'intégration, on commence à entendre le mot "inclusion" moins connoté historiquement, se situe sur cette marge en décalage. Roland précise à son sujet.
Lintégration est une décision politique ! Tous les sourds sont contre et cela se comprend. Longtemps, jétais de ceux-là. A présent je soutiens "corps et âme" lintégration aux conditions quelle soit librement consentie, concertée et bien organisée. Cest une ouverture vers une autre culture, dune richesse différente de la nôtre. Je ne dis pas plus riche, mais différente et qui nous apporte beaucoup. Je souhaite que cette politique dintégration soit poursuivie, moyennant une participation de tous les acteurs à tous les niveaux et que, pour ce qui les concerne, les sourds soient consultés, que leur avis fasse poids. Nous naccepterons jamais que lon décide sans nous ce que lon doit être, c'est à dire ce que les entendants voudraient que lon soit ! Par ailleurs, cest cette politique dintégration qui a réveillé et mobilisé les sourds il y a quelques années, car la communauté sourde se sentait directement menacée par la destruction de ce qui a été et reste toujours le berceau de sa culture, ainsi que le lieu premier dapprentissage de sa langue : les établissements spécialisés.
Du courage, il en faut !
Du courage, il en faut, de toute façon, à tout instant de la vie. Je suis secrétaire d'un comité d'entreprise c'est un poste à responsabilité, mais la première fois que j'ai pris ce poste avec l'accord des collègues, il m'a fallu du courage ! Je suis habitué maintenant et mon problème se situe dans les réunions collectives, même avec un interprète, c'est difficile davoir à temps mon tour de parole. Je suis souvent en retard pour demander mon tour de parole. Cela me gène.
Quelquefois, je dis aux gens d'attendre un peu après qu'ils aient fini de parler
Je leurs demande une fois ou deux
et puis bof ! Je ne pense pas qu'on se moque de nous ou que c'est un manque de respect. Cest surtout inconscient, personne ne le fait exprès, mais personne ny pense [systématiquement]. Je trouve que cela n'est pas normal qu'il y ait des interprètes dans notre établissement, ce n'est pas normal, parce que les éducateurs, les enseignants et le personnel administratif qui travaillent dans notre école devraient maîtriser la langue des signes !
Personnellement sur mon "rôle et statut" d'enseignant, je serai un peu dur envers la formation des professeurs spécialisés pour les sourds, car toute cette formation est gérée par des entendants, ils se prennent pour "des experts", mais les vrais experts ce sont les sourds ! Il ne faut pas l'oublier ! Ils (les sourds) ne sont pas consultés sur les programmes d'enseignement, on les tolère comme professeurs, on les tolère mais jamais on ne leur donnera un poste à responsabilité, un poste de directeur par exemple (Voir la révolte à l'université de Gallaudet in O. Sacks (1990, 1996) ; la vie de "Marie" la sourde implantée à l'université (récit 15) et "Bernard", l'aveugle dans sa course au directorat (récit 4), etc.)
Ainsi, pour devenir directeur de l'établissement, lorsque notre directeur est parti à la retraite, j'ai demandé quels étaient les critères pour postuler et j'ai demandé si en particulier s'il fallait entendre, on m'a dit que : oui !!!
Je lui disais mon étonnement. Il faudrait des cours, pour au moins, avoir une base commune de communication. Je pensais que c'était la moindre des choses, un minimum, une évidence dans un centre comme le sien ! Tout est donc dit. On parle de vous en terme élogieux mais à compétences égales il y a blocage pour ces postes à responsabilités sociales, le mur c'est bien le handicap !
Roland me livra, ici, une anecdote. A Gallaudet un chauffeur de bus a été embauché car il connaissait la langue des signes. Un autre, la première fois qu'il a été embauché, au bout d'un an de formation ne signait toujours pas : ils l'ont viré ! Et le premier lui qui signait bien a été embauché définitivement : normal ! Ce devrait être le minimum dans notre établissement qui gravite autour de la communication, tout le monde devrait signer, comme à Gallaudet. Les sourds ont une bonne capacité intellectuelle mais ne maîtrisent pas bien le français, donc il faut un code commun.
Je réfute pour nous, ce mot de personne handicapée nous sommes [juste un peu] différents. Nous sommes plus des handicapés sociaux que des handicapés physiques ou sensoriels. C'est comme dans le terme "invalide", il y a un manque... Je sens tout de même un manque dans ce propos !
A la question : le rêve ultime pour lui, est-il de guérir de "la surdité" ou d'être un entendant comme les autres ? Voici ce qu'il nous dit.
J'espère un "miracle", oui j'espère, car dans ma tête je suis entendant ! Si jamais ce miracle advient, je crois que je garderai ce secret. Il me faudra beaucoup de temps pour réaliser. Je me demande si, par contre, cela me deviendrait insupportable dentendre tous ces bruits de la vie auxquels je ne suis pas habitué. Je connais lhistoire dun aveugle qui en a eu subitement " plein la vue", donc il a "vu" des choses que dans sa tête daveugle il ne sétait jamais imaginé. Il a été plus déçu quheureux et a mis fin à ses jours. Cest cela qui me fait peur !
Le sport est une culture universelle !
Roland nous livre dans la synthèse qui va suivre les domaines qui peuvent aider à "briser la glace", à apprendre "le vivre et parler ensemble". Il nous livre par petits dévoilements quelques un de ses secrets pour mener à bien l'immense combat pour le savoir qu'il a du mené.
A propos du sport et la communication corporelle. Il n'y a pas de barrière dans le sport car c'est une culture universelle ! Cest pour cela que jai dit tout à lheure quen intégration scolaire, il ny a jamais daccompagnement de professeur spécialisé dans les classes ou les cours dE.P.S !
Sur le sport, en général tous les sourds sont bien acceptés dans les clubs. S'ils montrent leurs capacités physiques les sourds sont acceptés sans problème
Mais les sourds sont quand même un peu "en marge". J'ai le souvenir de mon passage dans l'équipe du R.C.O (un club de rugby du Loiret) dans laquelle j'ai joué pendant huit ans. Je venais d'Albi où j'avais déjà joué pendant huit ans, en général j'étais affecté au poste où il n'y avait pas beaucoup de "responsabilités" par exemple à l'aile ou à l'arrière. Maintenant, oui [se sont des postes complets oui, complets et difficiles] mais autrefois c'était des postes où on ne faisait pas grand-chose; il fallait bien taper en touche et ne pas se louper sur les placages
Actuellement je suis licencié comme officiel d'athlétisme option "sauts" à lE.C.O Orléans. Dans ce club est aussi licenciée lune de mes élèves sourde, Mélaine You-Adjé. Je maperçois avec émerveillement à quel point elle est bien intégrée dans le groupe des filles quelle a contribué à hisser en Nationale. Pour cette jeune fille pleine de vitalité et qui sentraîne beaucoup et joyeusement (43,29 m au javelot cadettes lété dernier), lathlétisme est une fête !!!
Comme cette fête "pour tous" qu'instituent tous les quatre ans les jeux paralympiques, lui demandais-je ?
J'ai suivi les jeux paralympiques à travers le journal "L'Equipe" et aussi maintes fois à la télé. Cela n'a pas, et c'est dommage, la même portée médiatique que les J.O "valides". Certaines fois, il m'arrive d'être sur le bord de "chialer", non pas parce que ce sont des handicapés, mais parce que quand ils gagnent, leur joie est incroyable, émouvante, communicative. C'est très fort !! Ce sont de super champions !! Je sais les "méandres" à parcourir par rapport au classement de ces athlètes par type et degré de handicap qui sont déterminés par des médecins spécialisés et des kinés; je me demande où les sourds pourraient être classés ! Ce sont des athlètes normaux et leur seul problème reste le départ des courses de sprint aussi bien en athlétisme qu'en natation, problème qu'il est possible de résoudre par adjonction d'un flash lumineux. (Cela s'est déjà vu en finale du 200m brasse des Jeux Olympiques "valides" de Sydney où le "sourd-muet" sud-africain Parkin a remporté l'argent dans le temps remarquable de 2 min 12 s 50). En sport les sourds ne sont pas du tout handicapés. Je me demande pourquoi les associations sportives de sourds devraient s'affilier à une fédération handisport ? S'ils ne le font pas, ils n'auront pas de subventions, et s'ils le font, ils n'ont pas le droit de participer car ils sont considérés comme valides !
A propos des professions et soins professionnels. Je travaille actuellement en intégration en Lycée. Après avoir enseigné la maintenance industrielle, je forme depuis 4 ou 5 ans aux métiers de l'électricité.
Depuis les années 2000. Il a du opérer le passage, une reconversion entre la mécanique et l'électricité
Depuis 1999, je suis enseignant en électricité en intégration au lycée de Fleury les Aubrais. Ma carrière a pris pour la deuxième fois une nouvelle orientation. Après avoir pendant de longues années formé des générations délèves au dessin industriel, jai enseigné la maintenance des systèmes industriels, puis lélectrotechnique. A chaque fois jai suivi des stages de reconversion et de mise à niveau (automatismes, électrotechnique, électronique, électronique de puissance, pneumatique, hydraulique, dune durée totale denviron 1200 heures. Ce lycée de Fleury est un lycée pour tous et où il y a une classe d'intégration. Cette année, cinq élèves sourds qui sont dans une classe d'entendants, sont en intégration individuelle pour préparer un B.E.P et un Bac professionnel. C'est un lycée très ouvert et je my sens bien.
Nous sommes deux professeurs dans cette classe en intégration, un entendant et moi-même. Nous avons de bonnes relations avec les autres professeurs du Lycée, nous sommes [en effet] deux professeurs venant du "privé" et nous pourrions être considérés comme une forme d"intrus" !
Tous les matins, quinze minutes avant les cours, il m'est expliqué le contenu de ceux-ci et comme je connais le sujet, comme je connais le programme, on suit le même rythme à peu de choses près ; par contre je fais beaucoup de dessins au tableau alors c'est tout le monde qui en profite les élèves sourds, bien sûr, mais aussi les entendants tout en écoutant le professeur.
A propos de la famille pour souffler entre soi. Mon épouse est sourde de naissance comme je l'ai signalé dans ma présentation, je l'ai rencontrée à Châteauroux. Un sourd qui cherche un conjoint bien souvent va chercher très loin ! Les sourds nhésitent pas à faire des kilomètres pour rencontrer un autre sourd ! J'ai deux enfants entendants, une fille de 27 ans qui a un D.E.S.S en économie de gestion ainsi qu'un garçon qui lui aussi a un D.E.S.S de management, c'est notre fierté ! Nous sommes une famille qui pratiquons la langue des signes.
Nous sommes bilingues, nous [pratiquons] la langue des signes en liaison avec la langue française donc oui, on peut dire que nous sommes bilingues ! C'est surtout avec ma femme que j'utilise la langue des signes car elle maîtrise la langue française à la façon de la majorité des membres de la communauté des sourds, cest à dire mal ! Avec nos enfants, nous pratiquons le bilinguisme, c'est à dire que nous parlons à la fois en Français ou en langue des signes suivant les interlocuteurs. Avec Joëlle (mon épouse), les enfants utilisent la L.S.F plus adaptée et avec moi plutôt du français signé, [à savoir] la syntaxe normale du Français bien articulée avec quelques signes manuels à lappui.
A l'institution des jeunes sourds de Saint Jean de la Ruelle où je suis affecté et où il y a 130 enfants sourds, je ne me considère pas comme handicapé, je ne me sens pas handicapé.
Au lycée par contre je me sens un peu en marge. C'est différent, j'ai de bonnes relations, mais je suis quand même différent ! [Quels sont les sensations et les non dits sur lesquels repose cette analyse de la différence ?] Ma différence est acceptée et respectée et je suis reconnaissant envers tous mes collègues du Lycée. Jai néanmoins le sentiment que dans une situation de débat où nous sommes au minimum trois, deux entendants ou plus et moi-même sourd, ce nest jamais à moi que lon adresse la parole en premier, et quand je pose des questions, cest toujours à un autre que lon répond. Doù cette sensation un "chouïa irritante" dêtre inconsciemment marginalisé. Cest un exemple parmi dautres.
Avec mes voisins du quartier, nous navons mon épouse et moi-même absolument aucun problème. Nous menons en commun une vie normale, conviviale. On sengueule un peu, parfois sur les problèmes généraux de la politique de notre ville !
A propos des voyages pour rencontrer les autres et leurs cultures. J'ai passé un mois aux Etats-Unis, là-bas c'est vraiment merveilleux pour les sourds. Je dis bien merveilleux avec une université pour 1500 étudiants sourds. Je pense que vous le savez, c'est "Gallaudet University", à Washington. Nous n'avons rien déquivalent en France, il faut savoir qu'aux États-Unis, il y a une loi efficace contre la discrimination. C'est très important... Nous n'avons pas cela en France.
Un exemple. La majorité des policiers maîtrisent la langue des signes partout aux États-Unis, quand on est interpellé si on voit que l'on est sourd, on utilise de suite la langue des signes ! Dans le monde la langue des signes n'est pas une barrière, elle est la même à peu de choses près (variantes) dans tout l'univers. C'est tout le temps la même avec quelques adaptations nécessaires. Il est remarquable daffirmer que les sourds savent par avance quils trouveront des amis dans chaque pays du monde. Ils ne sont guère plus étrangers ailleurs quils ne le sont chez eux. A Gallaudet, ils forment des avocats sourds, des médecins sourds et même des pilotes d'avions sourds et nous n'avons pas cela en France, c'est incroyable !
Il y a une énorme différence entre vivre sourd aux Etats-Unis et vivre sourd en France, il n'y a pas de discrimination là-bas.
Il existe encore en France des conflits dans le "monde " de la surdité, entre l'oralisme et la langue des signes, c'est vieux comme le monde ! Aujourdhui encore, certains professionnels de la surdité déconseillent aux familles qui ont des enfants sourds de fréquenter les associations de sourds ! Cest aberrant, injuste, discriminatoire, pire, dans un pays comme le nôtre, cela va à lencontre des droits les plus élémentaires. Pour ces personnes, il ne saurait y avoir dautre modèle pour le sourd que lentendant, cest à dire ce quil ne sera, jamais.
Dans les années 1900, il y avait beaucoup de professeurs sourds à Paris, surtout à Paris mais aussi à Bordeaux. C'étaient des "génies", je citerai Laurent Clerc qui fut à lorigine, avec Thomas Gallaudet, de cette fameuse université, mais aussi Ferdinand Berthier, Massieu
etc. C'étaient, eux, de sacrés formateurs mais depuis le congrès de Milan en 1880 ce sont des enseignants et des religieux entendants, des "imbéciles". Ils ont décidé d'exclure la langue des signes de lenseignement et de choisir l'oralisme comme principal appui de la pédagogie. A partir de ce moment précis tous les professeurs sourds ont été "virés" ! Ces conflits ne sont pas complètement éteints et si on souffle sur leurs braises ils se rallument
Il y a beaucoup d'enseignants entendants qui accusent la langue des signes d'être la cause de la faiblesse des sourds en français, encore maintenant ils l'accusent de [construire oui] cette faiblesse en français ; mais ce n'est pas vrai ! A mon avis ce n'est pas possible, parce que pour apprendre le français, il faut savoir comment faire [c'est-à-dire ? comprendre les cours, les instructions les consignes
)] et pour savoir comment faire, il faut une formation (apprendre à apprendre) et cette formation vient de la langue des signes.
En 1975, la langue des signes est revenue et les professeurs sourds sont revenus, mais j'ai peur qu'avec la nouvelle loi sur le handicap, ils vont de nouveau disparaître ! Les établissements spécialisés pour jeunes sourds ont pris lhabitude denrôler des enseignants et éducateurs sourds depuis les années 1975/1980. Avec la nouvelle loi qui donne la même chance à tous les citoyens, en particulier pour fréquenter lécole et accéder aux savoirs, ces dispositions vont être prises en charge par lEducation nationale. Nous, les sourds, sommes inquiets face aux intentions du "mammouth" ! Est-ce quils accepteront les enseignants sourds ? Rien actuellement ne nous laffirme.
Aller ailleurs pour ce former. Certes, précise t-il, mais il faut avoir les moyens (un bon bagage et du fric ou une bourse) et ce n'est pas à la portée de tout le monde. Mais il y a beaucoup de sourds qui vont faire leurs études aux Etats-Unis, beaucoup aux Etats-Unis car il n'y a rien en France. Aux Etats-Unis, ils font passer des tests aux étrangers, ils demandent une bonne maîtrise de l'anglais et de la langue des signes américaine (A.S.L) bien sûr ! Tous ceux qui réussissent à aller à Gallaudet par exemple, pendant deux ou trois mois et j'ai des témoignages sur cela, se sentent rapidement perdus, trop seuls et ils font des dépressions mais là bas il y a des cellules psychologiques pour les aider !
Une université comme Gallaudet en France
Il faudrait changer les mentalités
Oui, changer les mentalités. En France, l'enseignement des sourds est géré et décidé uniquement par des entendants, tandis qu'aux U.S.A il est géré par des sourds et le président de l'université est sourd lui-même ! Oui ! Notre rêve serait qu'il y ait une université pour les sourds en France !
Aux U.S.A, Il y a une deuxième université plus technologique à Rochester, état de New York, près de la frontière canadienne, pas loin des chutes du Niagara, pour sourds et entendants mélangés. Par contre à Rochester il est privilégié l'oralisme plutôt que la langue des signes, mais c'est très bien aussi et j'ai été impressionné ! Les entendants et les sourds vivent ensemble en harmonie. Les sourds parlent entre eux en A.S.L et avec les entendants en "anglais signé ou Ameslan" à dominante oralisme. Cest une politique choisie et décidée communément par luniversité de Rochester à travers le National Technical Institute for the Deaf (N.T.I.D). A Gallaudet, dès quil y a au moins trois personnes en conversation, tout le monde signe, cest la règle !
A propos de la culture. L'article sur la sexualité des personnes handicapées gravement atteintes, m'a beaucoup impressionné ! J'imagine mal une éducatrice qui pousse un handicapé en fauteuil roulant et qui lui demande d'aller voir une prostituée. Ils y vont donc ensemble, léducatrice le déshabille, cela existe mais il n'y a plus d'intimité ! C'est cela qui m'a choqué quand j'ai vu le film "Nationale 7" ! Je mimagine handicapé avec de fortes envies de "rencontrer une femme "
Je préfèrerais y aller seul, avec une éducatrice à la rigueur, mais pas avec un éducateur ! Pour nous les sourds la sexualité est normale pas de problèmes, mais pour ces personnes handicapées
Le cinéma c'est important. Nous les sourds nous somme reconnaissants envers Emmanuelle Laborit qui a beaucoup contribué à nous faire connaître, maintenant dans la rue, les gens ne nous regardent presque plus comme des "bêtes curieuses" ! Lorsquon voit des sourds, maintenant on ny fait plus attention, mais autrefois on nous regardait [mal]. Ce fut pendant la période où la Langue des signes était bannie, de 1880 à 1975. Javoue moi même avoir eu honte de signer dans la rue, je lévitais au maximum, je fuyais même des copains sourds de rencontre pour ne pas à être obligé de signer en public ! C'est depuis qu'Emmanuelle Laborit s'est fait connaître que les sourds se sont fait connaître aussi ! Jajoute un extrait des travaux de Bernard Mottez, sociolinguiste, maître de recherches au C.N.R.S, centre des Mouvements Sociaux, à propos des sourds : "De ce changement dans les murs, je vois plusieurs indices. Le principal me paraît lattitude différente quadoptent aujourdhui de nombreux sourds vis à vis de leur langue. Beaucoup de personnes sourdes en sont honteuses, pensent quelle est inférieure au Français et nosent pas lutiliser en public, de peur de se faire remarquer, voyant en elle la marque visible de ce quon leur a appris à ne pas être fier et à devoir se cacher ou se corriger : d'être sourd. Il ne saurait y avoir honte à être sourd. Il y a surtout à être les dépositaires dune langue aussi originale et à être les seuls à en avoir la maîtrise, à en avoir quelques motifs de fierté."
Il me disait que c'est important, très important
pour la connaissance de la surdité ainsi que leur reconnaissance en retrouvant le titre du film... Les enfants du silence ! Ce film qu'il faut regarder bien sur mais en version américaine, en langue des signes américaine (A.S.L) bien sur !
Les médias, à l'instar du cinéma par son langage "imagée" font une place de plus en plus importante aux sourds. Le sous-titrage ainsi que des émissions culturelles mixtes voient le jour. La société ne porte plus le même regard sur la surdité et surtout les sourds ne se voient plus de la même façon. En effet il existe nombre de livres, d'émissions télévisuelles, de films et de pièces de théâtre qui rapprochent les personnes des deux cultures.
Pour les entendants c'est la surdité qui fait barrière, peut être que nous n'avons pas toutes les compétences pour assumer toutes ces responsabilités
c'est un peu comme on dirait "sois sourd et tais toi " !
Je suis sourd avec une bonne culture comme enseignant, pas plus
On éprouve toujours de la méfiance envers ce quon ne peut contrôler. On se méfie toujours de ceux qui, dune manière ou de lautre font ou semblent faire bande à part. On tient soigneusement à lécart ceux qui parlent entre eux une langue quon ne comprend pas, donc appartenir à cette minorité linguistique, cela veut dire être lobjet de la part de la majorité dune certaine méfiance, dun certain mépris. Aux USA, on ne regarde pas la surdité mais les capacités et les compétences. Ici, en France, on regarde d'abord la surdité.
Mais le droit de grandir dans le savoir, de progresser et de gravir par son mérite d'autres échelons ; c'est un droit pour tous, non ?
Récit no 14 : À propos de Carole : "Je veux témoigner !"
Je veux bien témoigner dans votre travail ! Elle n'a écrit cela, presque "soufflé" cette demande, accompagné d'une gestuelle expressive, plus qu'elle ne me l'a réellement dite, car elle est "quasiment" muette. Par une belle soirée de mars 2003 à Metz, où je venais rencontrer ces artistes profitant des répétitions de la troupe de "Danse Ability", elle est spontanément venue me rencontrer pour me raconter son histoire, à l'instar de Nicole et Philippe, les "retardés mentaux" de l'émission de France Inter en 2003, année européenne du handicap.
Et puis un silence totale s'est installé malgré deux ans de relance ininterrompue, et l'accord toujours assuré de la jeune Carole, le vendredi 15 octobre 2004 muni de ses analyses je décide de clore ce récit en l'écrivant tout de même à partir des données existantes, de l'analyse envoyée par l'équipe d'accueil d'un autre foyer ainsi que des enquêtes sur les C.A.T. et autres institutions que j'avais collectées au cours de mes recherches.
Après quatre envois de dossiers plus que conséquents, plusieurs coups de téléphone à la famille, au référant, à institution ainsi qu'à la direction, je m'obtiens que des réponses évasives puis des blocages de toutes parts. Les personnes elles qui l'emmènent au théâtre ne peuvent plus le faire donc je ne peux plus, même de façon indirecte, la joindre sous quelques formes que ce soit. Elle disparaît même des séances du soir de l'atelier "Danse Ability". Notre intermédiaire à Metz, le metteur en scène de la troupe, me révèle que les résidants du C.A.T doù venait Carole ne pourront plus venir aux séances car ils sont trop fatigués pour le travail du lendemain !
Je relève intuitivement de graves dysfonctionnements dans la structure. Peu de temps après une éducatrice "Madame G" témoigne dans un courrier très abondant de ces dysfonctionnements et me fait part de l'histoire de Carole. Une longue analyse collective de huit pages me parvient par courriel en date du 24 octobre 2004.
Voici ce qu'elle m'écrivait.
Veuillez trouver ci-joint Mr Zicola, le signalement que toute l'équipe éducative a fait au sujet du fonctionnement de notre structure, ainsi que la chronologie des problèmes rencontrés pour la réalisation de votre enquête avec Christiane.
Cela vous aidera peut-être à analyser le comportement inqualifiable du collègue référant de Christiane. Actuellement ce collègue oeuvre plus dans la "médiatisation" de la structure que dans le suivi du résident. Au regret de n'avoir pas pu plus vous aider.
Un contrat a été établi et une parole donnée !
J'ai du renvoyer une lettre de cadrage début décembre 2003 avec l'accent réitéré mis sur l'engagement de la parole donnée.
Monsieur, Madame, Chers amis et chères amies
Nous avions convenu de nous écrire régulièrement afin enfin que nous puissions échanger sur le handicap et la personne handicapée dans notre société.
J'ai absolument besoin de vos réflexions et de vos données pour mon travail. Il faudrait me donner une trace écrite même réduite (des premiers documents des dossiers envoyés il y a quelque temps déjà) dans les 15 jours qui viennent. Vous vous étiez engagés fermement à m'aider pour ce travail en commun.
Pouvez vous me répondre rapidement et me donner peut être un rendez-vous pour un entretien si vous voulez passer plutôt par un dialogue en face à face.
Votre témoignage ainsi que votre réflexion nous serons très utiles car beaucoup de personnes parlent du handicap à la place de la personne "handicapée" la privant ainsi de toutes les richesses de sa parole, de ce qu'elle pense vraiment elle-même de sa situation sociale et humaine. Les témoignages réels et sincères sont rares et vous comprenez bien combien les vôtres me sont précieux. Je sais bien que tout le monde a énormément de travail et que vous êtes tous et toutes impliqués dans des tâches lourdes et coûteuses en temps. Néanmoins je vous rappelle la parole donnée et je vous remercie pour la suite des événements mêmes s'ils étaient négatifs. Je vous serais gré de me répondre pour que le dialogue continue entre nous.
Il y a un problème de relais !
Après de multiples contacts très chaotiques, entre décembre 2003 et mars 2005, par mail, téléphone, dossiers, etc, je subis, sans que ce soit dit ainsi, un blocage permanent, insidieux. L'institution se referme. Après une enquête sur l'entourage proche, je décide d'écrire cette histoire par recoupement avec d'autres problèmes institutionnels plus graves que l'on commence à mettre en évidence dans le reste de la France.
Le 10 août 2004, Carole insiste avant la répétition pour témoigner dans ma recherche et puis... plus rien.
Le dimanche 22 août 2004, je constate que pour Carole il y a un problème de relais entre les éducateurs et son référent.
Après mes visites à Metz toujours rien, ce malgré la promesse des dirigeants du centre. A ce jour les quatre dossiers n'ont pas été donnés à Carole pour son analyse en effet elle ne peut pas parler mais elle sait écrire.
Début septembre 2004, je fais un dernier bilan indirectement sur elle et son institution par des intermédiaires puis je prends la décision de ne pas l'inclure dans la thèse comme les autres témoins, mais d'analyser les raisons de ces si nombreuses difficultés.
Je reçois enfin du "deuxième cercle qui l'entoure ", celui qui travaille sur le loisir, des propos sur Carole le 23 octobre 2004.
Carole a été accueillie au foyer il y a un peu plus dun an, elle travaille dans un autre foyer que celui jouxtant notre structure comme Dominique d'ailleurs, un autre résidant qui vient aux ateliers. Tous les jours ils sont emmenés par le G.I.H.P pour prendre un bus qui les emmène au centre d'aide par le travail (C.A.T). Carole et Dominique se connaissent depuis un certain temps par lintermédiaire de leur travail ils ont déjà fréquenté la même structure dhébergement par le passé. Dominique a dabord intégré notre foyer il y a deux ans environ puis Carole la rejoint quelques mois après. Ils ont chacun leur chambre mais se comportent en couple à lintérieur comme à lextérieur de la structure. Leur participation à lactivité théâtre date de plus dun an. Carole ayant rejoint lactivité à son arrivée au foyer. Malgré ses difficultés à sexprimer oralement Carole tient beaucoup à communiquer cest pourquoi les techniques de latelier me semblaient particulièrement intéressantes.
Simultanément au courriel du 23 octobre 2005, complété par une longue mise au point avec notre intermédiaire par téléphone, Madame "G" m'écrit une très longue lettre où elle analyse en équipe les obscurs disfonctionnement de son institution. Que l'équipe en soit remercié publiquement, ici, dans cette étude car il est bien difficile de témoigner en toute "lucidité", voire objectivité dans de telles situations.
Pour comprendre la confrontation quotidienne du personnel avec les exigences, les sollicitations et les mécontentements de la direction, léquipe au complet tient à faire un signalement des pratiques de Mlle "N".
Suivant le bon sens et les conseils venant dautres institutions travaillant avec le foyer, chaque membre du personnel tient également à se couvrir face à des dysfonctionnements dus à des agissements de la direction.
Les témoignages écrits ou dits par les équipes précédentes nous amènent à penser quil existe peut- être un dénominateur commun entre les différentes situations difficiles vécues ces dernières années.
Enfin à la fin du mois de juillet 2005. Je rencontre de nouveau Patrice Guillaumet le metteur en scène et animateur des ateliers pour faire le point à propos de la mise en place future d'un colloque sur "Corps et différences" à l'université. Nous reparlons de Carole. Il m'apprend son retour à l'atelier, preuve d'un déblocage institutionnel par la démission de certains membres de la direction. Il faudra que je réinterroge Carole plus tard sur les pertes et les gains de telles situations.
Carole tient beaucoup à communiquer !
Carole a été accueillie au foyer il y a un peu plus dun an, elle travaille dans un autre foyer que celui jouxtant notre structure comme Dominique. Tous les jours ils sont emmenés par le G.I.H.P pour prendre un bus qui les emmène au C.A.T de Varize distant dune quinzaine de Kms. Tous les deux dépendent de : Association Familiale pour l'Aide aux Enfants Déficients de l'Agglomération Messine (A.F.A.E.D.A.M.). Les moyens de transport du G.I.P.H. les ramènent au foyer vers 17h 30.
Carole et Dominique se connaissent depuis un certain temps par lintermédiaire de leur travail ils ont déjà fréquenté la même structure dhébergement par le passé. Dominique a dabord intégré notre foyer il y a deux ans environ puis Carole la rejoint quelques mois après. Ils ont chacun leur chambre mais se comportent en couple à lintérieur comme à lextérieur de la structure. Leur participation à lactivité théâtre date de plus dun an. Carole ayant rejoint lactivité à son arrivée au foyer. Malgré ses difficultés à sexprimer oralement Carole tient beaucoup à communiquer cest pourquoi les techniques de latelier me semblaient particulièrement intéressantes. Aussi, étais je très intéressée par son attitude quand vous lui avez proposé de participer à votre travail. Malheureusement je ne pensais pas que mon collègue se défausserait de la sorte et ne vous informerait même pas de son incapacité à poursuivre son entretien.
Je lui ai plusieurs fois demandé où il en était ; dabord il ma dit quil navait pas récupéré les documents qui étaient chez les parents, puis quil était très occupé par un projet déchange européen quil a monté avec la direction et un autre partenaire luxembourgeois mais il ma assuré quil allait sy mettre. Ayant eu un coup de téléphone de Patrice qui me signalait que vous naviez toujours rien reçu, je linterrogeais à nouveau pour savoir sil avait vu Carole. Après une réponse positive il me confirma quil était en train de sen occuper.
Quand vous mavez appelé sur la route de Nancy jai demandé à ma passagère de vous donner les numéros personnels du référent de Carole pour que vous puissiez le joindre directement, car il est vrai quen composant le numéro du foyer vous navez que peu de chances de converser avec lui. Je tiens à préciser que je nai jamais été au courant de vos appels au foyer ni par ma directrice ni par le référent de Carole.
Ayant repris lactivité théâtre fin septembre jai appris par Patrice que vous naviez toujours aucun écrit de Carole. Je sollicitais de nouveau mon collègue qui massura quil avait tout envoyé mais que la deuxième série savérait fastidieuse. Quelle ne fut pas ma surprise après votre appel de vendredi dernier !
Après réflexion je pense que mon collègue na jamais songé entreprendre ces entretiens, dune part parce quil est très difficile de transcrire les réponses de Carole dautre part étant impliqué dans une autre réalisation il a préféré sinvestir dans son projet. Quoiquil en soit sil ne sen sentait pas capable ou si cela ne lintéressait pas il aurait du me le dire et vous en informer. Lundi dernier je lai de nouveau questionné et il ma répondu quil avait envoyé les réponses par la poste
Il ma redonné les documents que vous lui aviez fournis.
Javoue quactuellement Carole traverse une phase difficile se traduisant par une sollicitation de tous les instants envers Dominique qui, sil ne répond pas positivement à ses attentes, est agressé violemment. Elle qui est suivi en orthophonie a beaucoup de mal à parler, il ny aurait pas de dysfonctionnement organique mais les tentatives darticulation semblent de plus en plus infructueuses. Jai essayé personnellement de la faire commenter certaines photos des vacances par le biais de linformatique mais elle sest contentée de marquer son nom sous les photos. Layant déjà vu avec des magazines de mots fléchés, mots codés je pensais quelle pourrait transcrire par écrit ce quelle pensait. Je me suis rendu compte quelle ne maîtrisait pas lécrit. Si elle écrit il ne sagit que dune copie dun texte ou dune phrase, elle est incapable de sexprimer par écrit. Laggravation de son élocution allant de pair avec son changement comportemental, je pense que mon collègue a renoncé devant la difficulté déchange avec elle. Son comportement a beaucoup changé depuis que ses parents prennent plus de distance avec elle, depuis cet été plus précisément. La relation quelle entretient avec Dominique est devenue de plus en plus exclusive et les dérives comportementales agressives ont été de plus en plus fréquentes. La semaine dernière, la dernière séance de latelier sest très mal passée. Elle ne supportait pas que Dominique puisse travailler avec dautres personnes, sinterposant systématiquement dès que quelquun sapprochait de Dominique. Elle criait à qui voulait bien entendre que Dominique lui appartenait et nétait absolument plus réceptive aux consignes de travail. Même dans la vie quotidienne au foyer elle semble sisoler de longs moments dans une bulle imaginaire, elle monologue très souvent. Actuellement nous sommes dans une impasse avec elle. Quoiquil en soit mon collègue aurait du vous tenir au courant de ses difficultés.
L'arriération mentale, le handicap mental est une barrière commode pour que les mondes "valides" et "invalides" restent bien à leur place respective.
Infantilisation, sentiment coupable et peur permanente !
En prenant appui sur cet "incident ethnographique", que nous avons jugé utile de décrire car il s'est avéré un excellent analyseur des difficultés, des disfonctionnement de certaines institutions, nous nous sommes aperçus d'une autre souffrance : celle des personnels. En outre nous avons recoupé cette analyse sur la souffrance des personnes handicapées ainsi que celle des "entourants" avec les nombreuses indications observées dans nos témoignages. Le résultat premier est le suivant : la déficience mentale fait toujours obstacle. Les moyens d'accéder aux témoignages, de cette frange de vulnérabilité particulière dans la vulnérabilité du handicap global, sont toujours aussi problématiques.
Nous citons "in extenso " les paroles de l'équipe qui font écho aux paroles des résidents. Le "faire confiance" est encore au centre de la communication, ce "soin premier" que l'on doit se faire pour reculer la souffrance institutionnelle dans des lieux déjà difficiles à vivre tels que ceux décrits ici.
Pour comprendre la confrontation quotidienne du personnel avec les exigences, les sollicitations et les mécontentements de la direction, léquipe au complet tient à faire un signalement des pratiques de Mlle N.
Suivant le bon sens et les conseils venant dautres institutions travaillant avec le foyer, chaque membre du personnel tient également à se couvrir face à des dysfonctionnements dus à des agissements de la direction.
Les témoignages écrits ou dits par les équipes précédentes nous amènent à penser quil existe peut être un dénominateur commun entre les différentes situations difficiles vécues ces dernières années.
Bien que les consignes soient affichées, et que les services des éducateurs soient sous forme de protocoles écrits, il nous est impossible de les accomplir entièrement.
La fréquentation de l'établissement suppose quelques accidents de parcours, tels des "gouttes de café" sur le sol. Mais si l'éducateur ne souhaite pas entendre pendant des mois qu'il est capable de laisser vivre les résidents dans "une porcherie", il lui faudra, pour mettre fin aux remarques sur sa personnalité morale et sur son intégrité au niveau de l'hygiène, exercer un contrôle régulier et coordonné avec celui de la directrice, prévu, en moyenne, toutes les 10 minutes !
S'il arrive parfois que l'éducateur ait le sentiment d'y être parvenu, il ne perdra pas pour autant l'idée qu'il peut néanmoins se voir accusé d'un travail mal effectué un jour où il n'était pas en fonction. Devant témoins et planning à l'appui, la direction maintiendra et affirmera ses dires avec un plaisir non dissimulé. Le flot d'arguments mensongers et déplacés place tous ceux qui l'entourent dans une grande fragilité psychologique car sans plus aucun repères. Cinq tentatives de suicide en l'espace de 3 mois ont amené une délégation de 5 éducateurs sur 8 à faire le signalement à l'inspection du travail.
Le petit quotient intellectuel des membres de l'équipe affirmé par elle à tous ceux qui veulent bien l'entendre, ne lui permet pas de prendre des vacances ou des week-ends car le bon fonctionnement du foyer tient à sa seule [présence] !
Il est courant, selon le seul témoignage de la directrice, qu'elle doit à notre place laver le sol ou accrocher des rideaux. Les salissures que l'on sait provenant de la directrice ou de son chien ne déclenchent pas effectivement "une tornade blanche" dans l'équipe.
Le personnel préfère donc contourner les assiettes des résidents qui servent de gamelle, les cuisses de poulet ou autre déjection traînant devant le bureau de la direction.
Et selon le degré d'exaspération de l'éducateur présent, elle devra effectivement trouver quelqu'un pour le faire, ou le faire elle-même !
Ces moments qu'elle vit, comme dégradants, nous sont reprochés mais étant quotidiennement trop nombreux, l'équipe ne peut entièrement les assumer sans s'humilier à son tour.
Le fait d'entraîner au quotidien le personnel dans une désorganisation complète au niveau de la prise en charge et de la répartition des rôles de chacun, le place dans le sentiment de ne jamais maîtriser les différents domaines d'action de sa fonction polyvalente au sein du foyer. Que ce soit au sujet de l'entretien des véhicules, des deux cuisines comprenant de nombreux appareils électroménagers, des toilettes, des rideaux, ou des sols, il nous faut, selon la direction acquérir le réflexe de l'éponge et du balai tout en gérant le quotidien, les activités et le suivi de 32 usagers de la structure. Cette fonction n'a jamais été refusée par l'équipe qui s'est d'ailleurs organisée fin 2001pour répartir chaque jour, et équitablement entre les éducateurs, les différents besoins de la structure. Mais ce planning n'a jamais pu fonctionner officiellement car la directrice a toujours fait passer ses attentes en priorité.
C'est ainsi qu'un éducateur responsable pour la soirée, d'un suivi, du foyer, ou d'un accompagnement vers l'extérieur, se verra investi d'une tout autre mission par Mlle N qui aura tout le loisir de constater ce qui n'est forcément pas fait.
Quelle que soit la démarche éducative engagée par les éducateurs, elle sera forcément moins importante que les activités donnant lieu à un article dans le journal, ou à des rencontres avec des personnalités politiques ou autres. Celles ci devant offrir d'hypothétiques subventions dont l'équipe ne ressent pourtant que l'absence se traduisant par des économies de "bout de chandelle" aucunement justifiées. C'est ainsi que l'équipe s'est vue réprimandée pour usage trop intensif des produits d'entretiens, du papier de toilette, des draps et de tout ce qui est consommable !
A la suite de chacune des remarques, sous de faux prétextes impliquant forcément un résident ou un éducateur, ces derniers se sont vu retirer les clés des différents locaux ne pouvant donc plus répondre aux besoins des usagers, sans risquer de se faire accuser de contribuer à la ruine de l'établissement.
C'est au moment de la réunion quotidienne de 16h30 que les consignes et l'organisation du travail de l'équipe éducative sont communiquées par la direction. L'hygiène des résidents, tout autant que celle des éducateurs ainsi que l'organisation des événements médiatiques sont les principaux sujets abordés. Le (trop) peu de temps restant, enfin consacré aux usagers de la structure , invite les éducateurs à poursuivre sans comprendre une action ou une situation éducative "réfléchie" par la direction mais déjà au stade du conflit. A tout moment, sans la cohérence que permet un suivi individualisé, les résidents peuvent être pris à défaut et en flagrant délit de fainéantise ou de malpropreté par Mlle N et ceci, durant une amplitude de 12 heures par jour en semaine et de 4 à 5 heures les samedis, dimanches et jours de congés, la directrice évoluant dans l'établissement dans un but avoué de contrôle.
L'urgence pour la direction étant évaluée uniquement selon ce qu'elle voit ou présuppose voir, elle ne portera aucun intérêt au suivi tenté par l'éducateur. Elle prétextera d'autres situations, souvent sans aucun rapport, mais ayant autrefois échoué, discréditant par ce fait l'éducateur et tout travail ne répondant pas à ses exigences du moment. En fait, la progression d'un usager ne peut être soulignée, ni valorisée, dans un temps convenu avec l'équipe et le résident, sans que la direction n'intervienne et n'exige d'autres attentes.
De ce manque de suivi, il en résulte quotidiennement que des personnes, dont les acquis ne sont pas à remettre en question, peuvent être, sans aucune raison, prises à défaut dans leur autonomie par Mlle N qui ne prendra en considération ni le lieu, ni les personnes présentes. Pour une tache, ou une tasse de café qui traîne, il peut en résulter un harcèlement intolérable et difficilement justifiable par l'équipe.
Les sanctions et accusations apparaissent comme aléatoires et dépendantes entièrement de son humeur, ainsi que de la relation avec la personne à cet instant, et il n'est pas rare que, quelle que soit la véracité de l'argument apporté, il n'y aura pour la direction aucune remise en cause. Sa capacité à nous imposer le silence en devenant insultante, lui permet de soutenir toutes ses accusations et jugements sans autre forme de procès.
Cela est très mal vécu par les résidents ainsi que par le personnel dont le travail et les efforts n'ont en fin de compte aucune importance.
Ceux qui ont tenté de sortir de ce sentiment d'échec en essayant de correspondre aux attentes de la direction ont remplacé cet espoir par de la colère qui empiète forcément sur le travail éducatif et sur le bien être des usagers.
N'espérant plus prendre une place à part entière au sein du foyer, l'équipe ne prend aucune initiative même insignifiante car ne disposant en fin de compte d'aucune influence sur le projet des résidents.
Mais au delà d'une perte de crédibilité, [l'autoritarisme] permanent dont use et se recommande la direction, implique une infantilisation et un sentiment coupable chez le résident. Cette peur permanente lui procure le sentiment d'être incapable de répondre aux attentes de l'institution et par là même, à celles de la société.
Un cadre défini et rassurant permettrait pourtant une protection et une égalité de traitement pour les usagers et le personnel. Mais tout laisse à penser que cela nuirait à l'emprise et à l'influence de la direction qui adapte et modifie sans retenue et selon ses besoins, le règlement et tous les principes d'équité que l'équipe tente de placer. Sous couvert des exigences du conseil général, Mlle N nous impose des quotas dans les prises en charge qui doivent être au minimum, selon son calcul, faites par groupe de 5.
Toute tentative de prendre le temps d'un apprentissage fait individuellement est taxée d'idéalisme qui ne ferait qu'entraver la prise en charge du groupe.
Solliciter un usager pour qu'il aille avec l'assistance d'un éducateur à la pharmacie est une démarche plus fastidieuse que d'y aller seul, mais ce qui pour les éducateurs entre dans une logique de socialisation est vu par la direction comme une perte de temps et un déni de notre fonction.
Aider un résident à s'acheter un vêtement est également sujet à réprimande, et ceci même si l'ensemble des usagers est en train de manger avec un encadrement plus que suffisant.
Selon la directrice : "On ne fait pas d'un âne, un cheval de course ! ". [Elle] ne supporte pas ceux qui se prennent au sérieux en prenant du temps pour rédiger les projets. De ce fait, ces derniers sont réalisés en dehors des heures de travail car les projets peuvent paradoxalement être exigés à tout moment par Mlle N. Pourtant si un éducateur nourrit les ambitions médiatiques de la directrice, il peut s'absenter trois soirées sur quatre et cela sur des années, en ne faisant plus aucun cas du quotidien du foyer car de toute façon ce dernier est placé d'office sous la responsabilité des autres éducateurs qui selon la directrice "ne lui servent à rien".
Environ 1 à 2 articles sont écrits par léquipe et publiés chaque mois et presque autant d'expositions ou de réceptions qui nécessitent un temps qui empiète forcément sur le travail éducatif.
Sur 4 éducateurs normalement alloués par la D.D.A.S.S pour le foyer, 2 ont été retirés par la direction du quotidien du foyer, dont une embauche de sa connaissance du 01 juillet 2003 qui sans jamais avoir travaillé en tant qu'éducatrice nous a été présenté dès le premier jour comme responsable des suivis. Les projets à rédiger et dont nous sommes exclus, étant si nombreux, cette personne ne peut de ce fait nous aider dans notre charge de travail, ni partager les astreintes de nuits qui furent nombreuses en été car nous sommes en sous effectif.
Comment peut on tolérer une telle disparité entre les éducateurs qui, pour des raisons qui leur sont personnelles gagnent par leur silence des privilèges acceptés au détriment de l'équipe. Ce schéma d'injustice est reproduit par la directrice avec les résidents, à qui elle offre également des faveurs en espérant une reconnaissance aveugle. Mais les passe-droits sans raisons pour certains font logiquement jurisprudence pour tous, et n'ayant pas comme le personnel de dépendance salariale, les usagers ne tolèrent pas autant les inégalités et en souffrent, s'ils ne peuvent le manifester.
Dans ce souci d'apporter aux résidents le plus de liberté grâce à un droit d'expression, de regard et de décision sur les dépenses et le fonctionnement de la collectivité, l'équipe organise tous les mois depuis 2 ans une réunion institutionnelle. Cela devait être un moyen supplémentaire de solliciter et permettre l'implication, et l'appropriation de leur lieu de vie, mais les comptes rendus de ces réunions mettant perpétuellement en cause la direction, celle-ci a décidé d'y assister avec l'objectif avoué de faire taire toutes formes de revendications. La gestion des budgets repas de 3 résidents par exemple, est quotidiennement reprochée à leur éducateur, qui ne peut comprendre et donc expliquer la disparité de ce qui est alloué à chacun, car cela peut aller du simple au double. A ce sujet, lors d'une réunion devant la chargée de mission travaillant pour le projet institutionnel en accord avec la nouvelle loi 2002, et le lendemain devant le comptable, la direction a élevé en principe éducatif l'inégalité que l'on retrouve dans le monde ajoutant que c'est du ressort de l'éducateur de le faire accepter et non du sien.
La nervosité permanente de Mlle "N" génère des conflits dans lesquels elle semble se complaire, car, même dans ses rares moments de plaisanteries, elle imposera à l'autre sous couvert d'un humour qu'elle dit être au 3ème degré, des défauts humiliants et risibles à ses seuls yeux. Les seuls moments où son ingérence est réduite sont quand elle trouve, sans distinction, une personne prête à écouter longuement ses critiques faites sans discrétion sur l'incapacité de son personnel et autres. C'est ainsi que des paris sont faits avec les usagers de la structure sur le devenir professionnel de tel ou tel employé ; que les résidents, déstabilisés, nous confient bien avant la direction, les reproches qu'elle nous faits.
Cela peut être une menace de licenciement pour avoir raté un hachis ou ne pas avoir nettoyé une table en dehors de ses heures.
Un agent d'entretien a été accusé devant les résidents et le personnel, de voler de l'essence. L'ayant appris d'un usager, l'appel téléphonique de son avocat a permis de mettre fin à des soupçons non vérifiés.
Une éducatrice qui, malgré la véracité des preuves impliquant un usager, endosse tous les soupçons depuis un vol commis durant son temps de travail. Suite à cela, le retrait dès le lendemain des clés de 3 bureaux aux éducateurs, et non pas à certains résidents, a également contribué à renforcer l'idée que l'équipe n'est pas digne de confiance.
En échange de certains services, la direction incite constamment les résidents vers "une délation" qui nourrira ses futurs reproches. C'est par ce "bouche à oreille" qu'un éducateur s'est vu, par avertissement oral, menacé de licenciement pour avoir fait pour 20 personnes, un surplus de 100 à 150 g de viande.
La direction implique en permanence une tierce personne qui l'oblige à sévir ou à agir de telle ou telle façon.
C'est ainsi, qu'afin d'entraver une initiative de l'équipe amenant indirectement la directrice à payer ses repas, elle a accusé le directeur du C.A.T attenant de faire au sein de son restaurant de la discrimination envers nos résidents. Monsieur "G" s'en est plus tard défendu en signalant par ailleurs qu'il ne comprenait pas pourquoi ces personnes ne venaient pas manger à l'endroit prévu à cet effet.
Pour une quelconque absence maladie, Mlle N peut nous confier que l'une ne reviendra plus car atteinte d'un mal incurable et l'autre d'une déficience profonde !
Les retraits de primes sur notre salaire sont légion et provoquent un stress supplémentaire lors de la demande de ce qui est dû, et engendre toujours une discussion et une remise en cause du mérite.
Une résidente en fauteuil roulant vivait depuis 4 ans dans une cave, réaménagée en studio, où des escaliers raides comprenant une vingtaine de marches l'obligeait à être dépendante pour la moindre sortie. Après des années de réclamation cette jeune femme fut "déplacée" dans une autre cave, mais plus petite et plus obscure. N'ayant dans ses 15 mètres carré (comprenant la cuisine et une douche) la place pour se retourner, elle manifesta à nouveau son mécontentement en espérant être enfin correctement logée. Interrompue depuis des mois dans son projet d'autonomie, elle est depuis de retour au foyer, où réprimandes et punitions de sorties sont courantes. La seule réaction de la direction a été la recherche par interrogatoire, de l'éducateur responsable d'avoir fait uniquement son travail qui est d'aider une résidente à s'exprimer.
Les exemples de dysfonctionnements sont trop nombreux, et c'est dans un souci de ne pas se focaliser sur ce qui peut apparaître comme des détails, mais qui mis bout à bout forment un contexte de travail ou de résidence, plus qu'intolérable, que chaque membre de l'équipe tient pour disponibles ses signalements personnels et à tout moment vérifiables.
Quelques espoirs !
Des C.A.T se regroupent pour favoriser le passage en milieu ordinaire pour faciliter la sortie des travailleurs handicapés en centre d'aide par le travail (C.A.T) vers le milieu ordinaire et assurer leur suivi en entreprise, telle est la mission que s'est fixée Delta Insertion, un service à l'initiative de plusieurs C.A.T des Hauts-de-Seine. A vocation départementale, cette cellule vient répondre à un besoin que les C.A.T ne peuvent pas satisfaire : l'accompagnement dans l'emploi des travailleurs devenus salariés.
Un autre questionnement c'est opéré en nous après ces révélations autour du cas "Carole", il concerne l'évaluation de ces pratiques dans un "micro contexte", en d'autres termes que faire de ces observations ? Nous avons trouvé une réponse chez Michel Crozier quand il souligne que "si la première attitude du chercheur est bien celle du questionnement général de la réalité à partir une position d'extériorité, celle-ci ne lui fournit aucun critère de jugement, aucune base normative lui permettant d' «évaluer» des pratiques qu'il observe. Il faut donc parallèlement qu'il se garde de tout « ethnocentrisme ». Il n'y a pas de "one best way" ni, à plus forte raison, une rationalité extérieure au champ qui puisse reprendre à son compte comme allant de soi. Car il s'agit pour lui non pas d'évaluer, voire de critiquer, les pratiques observées, mais de les comprendre. Si aberrants, contradictoires et dépourvus de sens qu'ils lui paraissent de prime abord, il sait - c'est là le postulat heuristique de base qui commande toute sa démarche - que tous les phénomènes qu'il observe ont un sens et correspondent à une rationalité à partir du moment où ils existent".
En effet c'est une réalité que nous avons décrite pour l'ajouter aux situations de handicap au quotidien.
Pendant notre rencontre fin juillet 2005. Nous reparlons de Carole avec Patrice Guillaumet notre ami le metteur en scène. Nous venions de faire le point pour la mise en place d'un colloque sur "Corps et différences" à l'université. Aux toutes dernières nouvelles, la jeune femme revient aux ateliers d'expressions ! Un changement de direction semble avoir levé certains problèmes mais son témoignage direct ne pourra plus se faire dans la temporalité de cette recherche. Les difficultés rencontrées, les limites méthodologiques ainsi que les concepts mobilisés en font un cas intéressant que nous voudrions reprendre dans l'avenir.
Récit no 15 : À propos de Marie : "Certains ont oublié de m'écouter !"
Nous avons été fortement interrogés par le cas dintégration dun handicap sensoriel au sein de lécole. En effet un débat a travaillé en profondeur notre identité professionnelle, notre rapport déontologique au savoir transmis et à l'éthique de lévaluation aux examens. La notation et la place du handicapé dans linstitution scolaire ont été un puissant analyseur de nos pratiques didactiques voire pédagogiques. Les prises de position philosophique, éthique institutionnelles (sinon administrative) des personnels enseignants ont montré et exacerbé toutes les ambiguïtés et les limites par rapport à la situation de Marie. Le débat fut vif par rapport à son évaluation à l'examen. Que dire alors, des programmes, des objectifs plus transversaux que développe les disciplines "mineures" telle que l'éducation physique et sportive (l'E.P.S) par exemple ceux de la solidarité et de convivialité ainsi que ceux de santé et de sécurité, des objectifs qui semblent bien ambitieux quand une seule "handicapée" pose autant de problèmes à tous les acteurs de linstitution scolaire !
Qui mérite plus qu'elle pour sa prestation de tous les jours, le vocable de "performance ? C'est une véritable histoire de vie qui interroge la place du handicap invisible que constitue la surdité /"surditude" comme la nomme l'association U.R.A.D.E.D.A sur son site Internet. Marie, que nous observons depuis 1993 au collège, que nous avons suivi plus directement au lycée de 1997 à 2000. C'est une petite partie de ce parcours de vie sociale, partagée, qu'elle nous fait l'honneur (à l'égal à tous les autres témoins) de nous décrire. Marie rentre à présent en master à l'université munie de sa licence "durement, mais fièrement acquise". Rien ne fut facile, rien ne fut donné.
J'ai fait les premiers pas avec l'implant !
Marie nous présente deux curriculum vitae distants entre eux de quelques années. Le premier me parvient directement, alors que le second fut présenté lors d'un colloque à Nancy. Elle me la fait parvenir pour m'informer de l'évolution de ses activités.
Je m'appelle Marie, je suis née en 1982 en Lorraine (elle a donc 23 ans à l'heure ou nous écrivons ce récit). Je suis célibataire, j'ai deux frères.je suis "sourde de naissance" mais en intégration dans un milieu scolaire normal. J'ai en outre une bonne connaissance du langage parlé complété, le L.P.C ainsi que de la langue des signes française (L.S.F).
Elle participe grandement aussi aux mouvements associatifs et sportifs de sa région aussi bien en tant qu'athlètes, qu'en tant qu'animatrices pour enfants sourds ou entendants.Voici maintenant sa présentation ainsi que son témoignage devant les auditeurs du colloque.
Je m'appelle Marie F., je suis sourde profonde et j'ai 20 ans. Je suis actuellement étudiante en S.T.A.P.S en première année de D.E.U.G à la faculté de Metz.
Toute petite, j'ai appris le L.P.C en imitant mes parents, c'est ainsi que j'ai acquis mon français. Je connaissais très peu la L.S.F. Je fais des études en milieu scolaire en intégration depuis l'âge de 2 ans !
Les dernières années de maternelle et les premières années de primaire, j'ai eu de la chance d'avoir deux institutrices volontaires qui ont appris le L.P.C et qui m'ont aidé pour les études. Par la suite, je n'ai plus eu de codeur en classe, mais j'ai dû développer la lecture labiale grâce au L.P.C. Certains camarades de ma classe me servaient parfois de relais.
Au collège, j'ai fait les premiers pas avec l'implant. J'ai été opérée en décembre 1992 et implantée en février 1993. Je me suis rendue compte que le L.P.C. m'aidait beaucoup à analyser les signes que je percevais. Mon élocution, à ce moment-là, s'est améliorée petit à petit.
Au lycée, j'ai eu de la joie d'avoir, pour la première fois, une codeuse en cours de Philosophie : ma mère, à la demande de mon professeur, qui venait coder le cours, les conversations entre le professeur et les élèves. Son aide a été bénéfique, même si c'est un peu difficile de comprendre la philosophie ! Si elle n'était pas venue en cours, je [me] serais perdue au milieu de conversations impossibles à suivre et recalée au baccalauréat ! Par bonheur, j'ai obtenu mon bac scientifique en 2000 grâce aux aides de la part de mes enseignants, des professionnels, de mes camarades, de ma famille et à ma volonté de réussir.
A la faculté depuis septembre 2000, j'ai complètement changé de méthode de travail. J'ai bénéficié en tant qu'étudiante handicapée des aides proposés par la commission handicap à Metz. C'est surtout l'union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs de Lorraine (U.R.A.P.E.D.A) qui [me permet d'avoir] une preneuse de notes, des photocopies gratuites, et pour la "première fois de ma vie", une codeuse professionnelle. Cette dernière, M.-A. G. intervient aujourd'hui presque à tous les cours.
A l'exclusion de mes études, j'ai fait d'autres activités que sportives. À 17 ans, et pour la première fois, j'ai abordé l'étude de la L.S.F avec l'U.R.A.P.E.D.A, mais je n'ai pas eu souvent l'occasion de rencontrer les sourds. Depuis ce moment-là, j'ai essayé de les rencontrer en stage de L.P.C, en colonie de vacances où je suis animatrice, aux rencontres organisés par les associations... Plus je les fréquente, plus j'enrichis mon vocabulaire en L.S.F [et ce] le plus souvent possible, ce qui rend la conversation avec les sourds possible.
En conclusion, pour ma part, le L.P.C est une aide à la lecture labiale ainsi qu'à la parole, car avec ou sans implant, je n'arrive pas à comprendre la totalité des paroles uniquement avec la lecture labiale. Avec le L.P.C, je comprends tout !
Mon élocution reste encore incompréhensible pour certaines personnes qui ne me connaissent pas. J'éprouve encore des difficultés à prononcer sans L.P.C et ce code accompagne [toujours] mes paroles.
Franchement, je pense que sans L.P.C, je ne serais pas à la faculté même si je ne peux pas exclure la L.S.F car c'est une langue universelle et puis, car je ne veux pas me couper tous les ponts ni avec les sourds, ni même avec les entendants. Cela fait partie de mon identité, l'identité d'une personne sourde vivant dans l'ambiance ordinaire, et c'est aussi l'identité d'un être humain avide de communiquer et de nouer des liens avec les autres malgré les différences. J'utilise donc trois moyens de communication : l'oral, le L.P.C et la L.S.F !
Je suis actuellement en 2ème année de D.E.U.G S.T.A.P.S à lUniversité de Metz. Mes résultats de première session sont plutôt positifs mais je ressens actuellement une réelle difficulté dans le travail et dans les relations entre certaines personnes et moi même. Jespère cependant obtenir mon D.E.U.G en 1 an.
Jai un projet professionnel de plus en plus précis, car la dernière colonie a été déterminante pour mon avenir.
Je ne regrette pas davoir suivi la formation du brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (B.A.F.A) pour y vivre une expérience intéressante auprès des enfants handicapés ou non. Dailleurs. J'ai fait un stage à l'Institut National des Jeunes Sourds (I.N.J.S) de Metz sous la direction de M. G. jusque fin mai 2004 consistant en une séance dE.P.S par semaine avec une classe de C.M.2 (8 élèves sourds âgés de 10 à 11 ans) avec une pratique en L.P.C ou/et en L.S.F). Cette expérience fut très enrichissante pour moi car cela concerne mon vécu et mon avenir à la fois. Jespère pouvoir la continuer jusquà ce que je trouve un poste de professeur de sourd dans un institut.
Devenir professeur d'E.P.S. pour enfants sourds !
Marie nous a envoyé depuis 2001 plus de dix sept courriers accompagnés d'une multitude de données. Elle nous a fait parvenir sa méthode, ses acquis pour aider à mieux comprendre la surdité dans "La machine école". Elle repris sur des tableaux l'ensemble de son bilan scolaire du primaire à l'université.
Les enseignants depuis les années 1988 ont tous fait des efforts, ils ont tous eu des démarches particulières pour m'aider mais certains ont oublié de "m'écouter", n'ont pas pensé que moi aussi, j'avais à dire ou demander des choses
Mais le bilan de mon intégration est tout à fait positif.
Durant toute ma scolarité, je me suis sentie à l'aise dans certaines activités grâce à mon intégration positive et à mon travail. L'E.P.S est en général, un cours agréable et qui m'a aidé à progresser dans mes problèmes d'équilibre. Ma méthode orale par la lecture labiale, pour comprendre les consignes plus des écrits de renforcement (feuilles imprimées et communications écrites), m'a beaucoup aidé à progresser dans le sport.
La motricité humaine sous toutes ses formes, (le sport de compétition, les activités de loisir, l'éducation physique et sportive, etc.) est au centre de sa vie parce son projet pour l'avenir. En effet elle voudrait devenir professeur d'E.P.S. pour enfants sourds. C'est aussi notre métier de base et naturellement il est devenu le lieu de notre rencontre avec Marie.
C'est grâce en partie aux notes d'E.P.S qu'elle a obtenu son examen. Et c'est justement ici que se situent le paradoxe et toute l'ambiguïté de cette histoire de vie. Cette discipline aurait pu lui coûter très chère alors qu'elle l'a investie fortement. Les mêmes difficultés faillirent se produire à l'université par manque de connaissance ou simplement par rigorisme administratif intransigeant. Pareillement à Roland notre professeur sourd, le sport est pour elle aussi bien une source d'équilibre, qu'un repos mental dans la mesure où ces codes sont facilement compris par tous, partout et enfin un "catharsis" au sens ou l'entendait Aristote dans l'harmonie de sa vie interne, du regard spectateur des autres, des petites "tragédies quotidiennes" qui coûtent tant dans les économies psychiques des êtres en situation de handicap.
Des sourds profonds ou cophatiques comme moi ! ...
Il me semble que pour bien mener à l'intégration, les sourds profonds comme moi, il faudrait une information spécifique des difficultés des sourds profonds ou cophatiques comme moi en éducation physique ou en d'autres disciplines d'ailleurs.
La surdité reste un handicap "à part" parce ce qu'il ne ce voit pas et que ses incidences sont difficilement mesurables d'où une information indispensable.
Nous avons inclus, dans cette partie plus axée sur la " déficience" de Marie, un rappel sur les troubles moteurs des élèves sourds pour situer leur "performance". Dominique T. orthophoniste à l'institut d'éducation de la surdité (I.E.S) de Thionville nous a aimablement fourni une synthèse sur les problèmes liés à la surdité, lors de la rencontre en juin 2000, Nous avions évoqué avec tous les acteurs de l'institution scolaire les" problèmes "de Marie pour son évaluation au baccalauréat. Cette synthèse est issue des cours ainsi que du livre du professeur J.-C. Lafon sur la physiologie de l'audition et les enfants déficients auditifs.
C'est aussi à la demande de Marie que nous nous permettons de reproduire cette information. Elle nous en avait fait part lors de l'envoi de son bilan scolaire. Le savoir à transmettre est capital pour elle, en voici dons un résumé.
On a tellement l'habitude d'utiliser l'oreille pour capter la parole qu'on pense que la parole n'est qu'acoustique et que l'audition n'est que communication. En fait, l'audition a une toute autre dimension dans notre développement psychophysiologique.
C'est d'abord la fonction d'alerte. Notre vigilance est amorcée par le son beaucoup plus souvent que par d'autres sensations. L'oreille reste ouverte jour et nuit. L'enfant sourd est habitué malgré lui à ne pas s'alerter à des sons qu'il ne perçoit pas. Il ne dispose pas de cette fonction d'alerte acoustique, il doit la remplacer par la vision. L'enfant sourd explore "à la vue" son environnement.
Il est donc obligé de forcer sa vigilance, faute d'alerte permanente. Il devient de ce fait distrait fréquemment, il lui est plus difficile de fixer son attention de façon continue. Il a besoin d'un milieu sécurisant, de quelqu'un qui soit pour lui le garant de l'alerte, d'un environnement stable, sans surprise, pour maintenir son attention à ce qu'il fait.
C'est ensuite la fonction de direction. Lorsqu'un bruit survient, nous levons la tête et nous nous orientons vers l'origine du son pour en connaître le sens. L'oreille indique donc la direction, fonction d'une audition binaurale (des deux oreilles).
Cette réaction d'orientation - investigation se construit dès la première quinzaine de la vie. En cas de surdité unilatérale, l'alerte reste bonne, mais la direction est altérée : il est difficile de reconnaître d'où vient le son.
En ce qui concerne la perception du temps et structure de l'espace : tous nos sens captent des lieux qui nous entourent, en particulier la vision et l'audition. La vision donne la perspective, l'audition, la distance.
Les bruits et les sons existent partout, nulle part, il n'y a de silence. Nous avons donc perpétuellement une image acoustique de notre environnement sous forme de réverbérations multiples et d'échos.
C'est pourquoi l'aveugle est moins gêné qu'on ne le croit dans l'espace, à condition qu'un bruit intense ne vienne pas masquer les réverbérations et les échos.
Mais réciproquement, le sourd perd une grande partie des informations de l'espace, en particulier la distance qu'il ne peut apprécier que par la vision. L'image du monde extérieur est amputée de ses traits acoustiques ce qui le rend "plat", avec une perspective sans profondeur, sans volume, parce que cette traduction ne peut se faire qu'acoustiquement.
Les sensations visuelles et auditives sont totalement coordonnées en une seule image. Ces images se construisent, dans la toute première enfance, associées à l'expérience du déplacement dès la première reptation.
L'oreille interne est le siège des récepteurs de l'audition et de l'équilibration (dans le labyrinthe membraneux).
A partir de ce labyrinthe, il y a deux voies : les voies vestibulaires (pour l'équilibre), les voies acoustiques (nerf auditif ou acoustique-vestibulaire, si l'audition est atteinte au niveau interne, beaucoup d'enfants souffrent de problèmes d'équilibre ou vestibulaires).
Dans l'oreille interne, se trouvent deux organes importants : un organe de la statique et de l'équilibre du corps et, un organe de l'audition.
L'oreille est l'horloge du temps. Les fréquences perçues par l'oreille sont des énergies acoustiques marquées par des impulsions qui se répercutent dans l'oreille interne, au niveau de la cochlée, dans les liquides de l'oreille interne et qui donnent des sensations de hauteur et de timbre. Ces intervalles entre les impulsions constituent la base de la sensation de rythme. D'où la difficulté chez l'enfant sourd, sans restes auditifs, de percevoir la notion de hauteur, de timbre et de rythme par manque d'informations de ces impulsions au niveau de la cochlée. Donc les difficultés psychomotrices, chez l'enfant sourd, sont liées à une mauvaise structuration perceptive.
Dès le premier âge, l'enfant ayant une déficience auditive importante ne peut ainsi construire son rythme et son mouvement comme le fait l'enfant entendant.
Un handicap dans ces domaines sensoriels ou moteurs se répercute dans la structuration, la mémorisation, l'organisation motrice des rythmes. Les activités de manipulation d'exploration, de déplacements, de locomotion sont choisies en référence aux fonctions de l'audition : elles ont d'importantes implications éducatives et pédagogiques : la fonction de vigilance, la connaissance de ce qui nous entoure, la notion d'environnement et de distance des objets, la perception du temps et l'organisation motrice ; ainsi que la régulation motrice.
La préparation d'une action est conçue comme relevant d'une anticipation opérée par le sujet, sur la base d'informations spatiales et proprioceptives par exemple : le jeu de quilles, ce jeu d'adresse qui requiert différentes compétences (une bonne coordination visuomotrice, une précision du geste, le réglage du lancer en fonction de la distance.
Il existe une difficulté peu connue même dans la profession : c'est les problèmes de souffle chez l'enfant sourd. Pour l'entendant, la traduction du souffle est acoustique : respiration, voix, sifflet.
Mais cela ne concerne pas l'enfant sourd, d'où une prise de conscience beaucoup plus tardive que chez les enfants entendants. Il apparaît donc un retard de développement psychomoteur par exemple un retard de l'apparition de la marche. Ce retard est lié au manque de stimuli sonores.
...immergée dans les études !
Nous avons repris quelques unes des réflexions des enseignants interrogés lors des entretiens sur la question des problèmes liés à l'évaluation de Marie. On y trouvera, depuis les années secondaires, des thèmes qui recoupent souvent notre approche du handicap à l'école : le rôle de l'équipe et du projet pédagogique, l'intégration, la solidarité autour des jeunes handicapés, les difficultés au quotidien, le courage, l'effort double,
On donnera la parole à trois de nos collèges, puis à l'ensemble de l'équipe qui a effectué le commencement de l'intégration de Marie. Les départs sont toujours une phase délicate. L'équipe, selon les possibilités de chacun, a voulu laisser une trace d'un "certain savoir faire" pour l'avenir. Enfin la parole reviendra à notre jeune étudiante qui découvre à l'université de nouveaux combats à mener ! Rien n'est jamais acquis ! On recommence tout à l'instar des débuts !
"Cest normal que léquipe a failli "éclater" car il ny a pas de projet. Sil existait un projet bien réfléchi cest un handicap si on peut le classer sur léchelle, il serait au plus haut niveau mais il reste dautres handicaps. Des jeunes avec des handicaps moins voyants (Obésité, maux de dos, asthme ...) qui se font dispenser. Marie est aidée par une maman qui la bien suivie, qui est dans la discipline. Si on avait un projet où lon parle de lélève et pas seulement un projet centré sur des activités physiques et sportives (A.P.S) Quon analyse tous les élèves quon touche, on verrait que beaucoup délèves ont un "handicap". Ce qui nous permettrait de mettre en place une évaluation en fonction des moyens de chaque élève, ce serait davoir des échelles qui prendraient en compte les handicaps. Le cas de "Marie" a mis autant de gêne dans léquipe car les repères des personnes dans léquipe, cest la performance et le sport. Dans léquipe on entend, cest comme les maths, on réussit on a vingt, on ne réussit pas, on a zéro !
Or loriginalité de notre profession cest de pouvoir sadapter au profil de lélève. Que chacun puisse faire en fonction de ses possibilités.
Certains pensent que lélève doit bouger, faire sa propre performance personnelle en fonction de ses capacités, dautres pensent que lélève doit agir par rapport à un barème préétabli. Ce qui fait que "Marie" même en y mettant toute sa bonne volonté ne pourra avoir quune note moyenne". (Entretien avec F. G, 1999-2000)
"Je suis très gêné de la façon dont on a parlé du handicap de Marie. En essayant de donner un "pourcentage supérieur" par rapport à son handicap. Le mieux, cest le cas par cas. Légiférer semble impossible. Une sourde en terminale cest très rare. Il faut récompenser ses efforts.
De part ses difficulté au niveau des échanges. Marie a besoin de "feed back" beaucoup plus fréquents quil est impossible de mettre en place avec une classe de 30 élèves qui foncent. Le professeur est coincé entre celui qui va avancer
Le professeur doit faire un choix. Le handicap social ne se voit pas. Le professeur a tendance à sanctionner au lieu de comprendre et de discuter". (Entretien avec L. C, 1999-2000)
"Je vais essayer de répondre en deux mots. Je considère que le fait d'accepter la différence, comme par exemple dans la mixité, n'exclut pas de reconnaître et de mettre au point des grilles d'évaluation adaptées à celles-ci (par exemple un but de fille vaut 2 points, etc. et chaque élève le comprend aisément) si l'objectif est de faire vivre ensemble des gens différents. Il ne peut y avoir égalité dans leur performance motrice à proprement parler mais les critères doivent se baser sur la volonté ou la capacité à vivre ou faire vivre cette différence, à l'accepter, à la reconnaître et donc à dévoiler ses propres incapacités, manques et inaptitudes.
Le handicap en tant que tel n'est qu'une exacerbation des différences entre individus, entre le maigre et le gros, le lent d'esprit et l'hyperactif, le "bigleux" et le distrait. Accepter le handicap c'est aussi prendre en compte ces différences là, et, dépasser le résultat pour se donner comme objectif : "le faire ensemble, le partager, et le réaliser qui sert de feed-back positifs". (Entretien avec P. K, 1999-2000)
"Préparer Marie quand on change de sujet ou de contexte. Les prises de notes posent des problèmes donc il faut lui préparer des fiches de consignes, d'exercices,
Certains enseignants proposent de photocopier une partie ou l'ensemble de leur cours. Une autre possibilité s'offre à Marie c'est de recopier le cours sur un camarade sérieux. En cas d'utilisation de la vidéo comme support de cours, il faudrait penser à lui préparer le commentaire par écrit ou en tout état de cause, au moins l'essentiel.
Lecture : laisser le temps à Marie d'avoir pris connaissance du texte avant de passer au commentaire.
Le tiers temps supplémentaire : Marie y a droit lors des examens. Il n'est pas toujours facile en classe, lors de devoirs, de lui accorder ce temps supplémentaire. Parfois même elle n'en a pas besoin. Le modèle est pour elle une référence qu'elle reproduit très bien.
Enfin, son niveau linguistique est bon, cependant, on ne la comprend pas. Elle maîtrise les règles de grammaire mais parfois fait des erreurs dans leur application car le Français est appris comme une langue étrangère. Des problèmes se posent quant à la structure des phrases complexes. Des mots simples sont compris oralement car Marie les prononce très bien. Les exigences des enseignants, leur façon de noter sont les mêmes que pour les autres élèves. Il faut à Marie du recul sur le sujet pour mieux le comprendre et revoir ce qui a été fait, à l'égal des autres élèves. Par contre, elle suit les consignes avec plus d'assiduité que ses camarades de 3ème et tient compte des remarques pour progresser, ce qui lui est très bénéfique." (Entretien avec l'équipe pédagogique, 1993-2001)
Nous ne sommes pas sur du tout que l'ensemble de ces savoirs se soit répercuté d'une équipe à l'autre étant donné les déperditions entre les structures institutionnelles et les cursus scolaires. Peut-être qu'il faudrait chercher de ce côté les moyens de faire bénéficier à tous de l'expérience de certains, à fortiori lorsqu'il s'agit de progresser dans des situations de vulnérabilité.
Marie dans un entretien par Internet du 28 octobre 2001 me brosse un tableau sur sa situation générale de la faculté face à ses problèmes.
Bon, parlons de ma situation sérieusement ! Je suis encore en 1ère année S.T.A.P.S car je n'ai obtenu que 9.3 ou 9.4 de moyenne générale et il me restait 8 places devant moi pour être admise ! Bon, je vais essayer de faire mieux car j'ai une interprète en L.P.C qui vient tous les matins sauf mercredi, cette année. Ca m'aide beaucoup dans mes révisions. J'aimerais faire une remarque à propos de cette interprète. L'année dernière, je n'ai réussi à l'obtenir que pour 2 heures par semaine pendant 5 séances et le reste du temps, je me débrouille pour comprendre les cours faits par une preneuse de notes ou par Mr. G. (photocopiés). Depuis la rentrée fin septembre, j'ai rencontré des problèmes concernant la relevé des notes. Normalement, j'ai obtenu mon demi année, cest à dire 3 modules acquises, mais reconnaissant le nouveau programme (réforme de 1ère année S.T.A.P.S en 2001/2002), les profs ont établi des nouvelles règles dont la possibilité de garder des notes supérieures à 12 pour les cours magistraux et supérieures à 10 pour les T.P et T.D. En appliquant ces nouvelles règles, je me retrouve sans module dans un nouveau programme et quelques notes à plus de 12 et de 10 et je n'ai plus ma demi année. J'ai dû "me battre" en parlant à l'un des professeur ou en écrivant une lettre au président du jury. J'ai même demandé le statut d'étudiant handicapé à temps partiel ! Quelques jours plus tard, j'ai appris que je pouvais garder des notes à plus de 11 (anatomie 11.9, anthropologie 11.5, physique 11.5) et que ma demande de statut d'étudiant handicapé a été refusé sous prétexte que j'ai déjà eu ma demi année. Ce qui est vrai car j'ai presque ma demie année malgré les modules non acquis !). Depuis, la rentrée, je ne connaissais personne à part les redoublants et je dois chercher un nouveau preneur de notes car la fille de l'année dernière est admise en 2ème année. Un mois après la rentrée, un professeur d'histoire et d'institutions M. H. connaissait bien quelqu'un qui prend très bien ses notes et me l'a présenté à la pause: elle s'appelle Mylaine et ça tombe bien, elle est dans mon groupe A.P.S.1 ! J'avoue qu'en tenant compte de ma situation à la faculté, à propos des notes et de mon emploi du temps, j'aurai tendance à demander un rendez-vous avec le conseilleur d'orientation pour en faire un bilan et demander un dossier pour I.U.T. dinformatique au Saulcy pour la prochaine rentrée ! Mais maintenant problème résolu, j'essaie de réussir la 1ère année et après, je verrai bien, une 2ème année ou un I.U.T. informatique. Voilà, je t'ai tout dit !
Je ressens, là, une injustice !
Larticle sur "12 millions de Français subissent un handicap" décrit et classe de manière croissante, parmi la population, par groupe de déficiences ou dincapacités. Il ne montre aucune solution pour aider le public handicapé mais provoque une réaction de Mr. Chirac et de certaines personnes concernées.
Est-ce suffisant pour améliorer la vie des personnes ayant plus de problème que les uns ? Pourquoi accorde-t-on une allocation aux personnes présentant une déficience plus grave que les autres ?
Je ressens, là, [comme] une injustice le fait que létat puisse juger en accordant une aide à certaines personnes et dautres, non !
Je trouve incohérent que les deux premiers groupes, avec plus de 2,3 millions de Français, ne bénéficient pas des aides nécessaires quont les handicapés physiques ou mentaux alors quils occupent une place très importante après les handicapés de naissance ou les accidentés du travail !
Dautant plus que le taux de chômage [chez eux] est élevé, plus de 24 %, ce nest pourtant pas la principale cause) mais il prend une place assez large dans les statistiques. Le mépris, le regard "désolant" des personnes vis à vis du handicapé, engendrent lincapacité de travailler donc le licenciement. Ils engendrent des difficultés pour gérer sa vie quotidienne harmonieusement (hygiène, besoins daides, argents
), pour trouver un travail stable, voire la misère !
A ce stade, je trouve que par rapport aux autres pays, à ma connaissance, la France a encore des efforts à faire pour le bien être de la population ! Les promesses de Mr Chirac sont loin dêtre réalisées
Aura-t-il le temps de convaincre les politiciens et les citoyens à accepter les besoins réels des handicapés ou des personnes âgées ? A voir
. Mais il semble que cela commence tout doucement
Dans le passage ci dessus, se sont les difficultés des autres personnes qu'elle décrit à distance. Sa douleur, elle, va s'exprimer à travers des difficultés physiques dues à un travail "double" des autres. On va retrouver ses doutes, sa fatigue, ses douleurs dans des passages comme celui-ci entre vouvoiement et tutoiement ! Après un tel parcours n'a-t-on pas le droit de souffler un peu ?
Bonjour Mike ! Tout d'abord, je vous présente toutes mes excuses mais en ce moment je suis débordée ! J'ai reçu votre lettre pendant mes examens, et après les épreuves, je n'ai pas pu répondre à vos questions pour cause de grosse fatigue avec évidement des problèmes de santé, j'ai en effet très souvent mal au dos [dus à des] "surchargement" de travail. C'est parce que j'ai pris une décision risquée, tenter d'avoir la 2ème année en 1 an. Par contre, je vais essayer de faire pendant les vacances dans une semaine et demie.
En dépit du "débordement" de boulot, je suis plutôt satisfaite de mes résultats du lère session. J'ai pas mal de bonnes notes, enfin correctes dans la majorité des matières ! Donc j'espère avoir mon année dès le premier coup et prendre de bonnes vacances sans faire de colonies car depuis que je bosse à la colonie, je n'avais pas de vraies vacances.
Enfin, on verra bien ! Je m'interroge souvent sur mon avenir. Je suis tentée d'arrêter mes études de S.T.A.P.S et faire une autre formation mais ce n'est pas sûr. Je sais que j'aurai besoin d'avoir un diplôme à bac plus trois afin de pouvoir avoir une poste de professorat de sourd dans un institut.
Voici mes commentaires et mes réflexions ! (Plus générales !)
Marie est la plus jeune de nos interlocutrices (teurs), il était donc intéressant de connaître ses analyses, ses réflexions afin de comparer ses vécus à l'épaisseur plus fine avec celles plus épaisse d'autres situations de handicap dont elle a fait récemment l'expérience.
A propos du temps qui passe pour les valides et les invalides. Tout d'abord, le temps est la base de la vie quotidienne. Handicapé ou valide, les sujets sont tous des "machines" réglant leurs habitudes ou capables de s'adapter, de s'exposer à des nouvelles situations.
Ils commencent toujours leur journée par le petit déjeuner et la finissent par le dîner. Entre les deux, ils s'organisent pour rendre une journée agréable, voire l'améliorer. Il est de même pour les handicapés, car ils vivent cela du jour au lendemain de façon similaire.
Puis, en gérant leur vie quotidienne, les handicapés sont obligés de se débrouiller, de devenir autonome, voire indépendants à travers les regards des autres valides. Ces derniers sont plus ou moins indépendants de leurs moyens mais certainement pas de la vie quotidienne !
L'apprentissage de l'autonomie ou de l'indépendance se fait en plusieurs étapes dès l'enfance et ça ne se perd pas aussi facilement même si la vie nous réserve toujours des surprises. Tout le monde a une arme pour cela c'est celle de combattre contre l'impossibilité, l'imprévu, voire la mort !
Les handicapés utilisent des moyens à un peu près identiques mais ils sont encore plus nécessaires pour simplifier leur vie. Tout le monde est dépendant des moyens susceptibles de rendre le quotidien agréable.
Finalement, les handicapés et les valides suivent la même logique avec le même mode de vie (autonomie et indépendance) et les mêmes moyens (Internet, téléphone, voiture...). Mais le temps ne les suit pas au même rythme ce qui fait la différence entre la vie des handicapés de celle de la vie "normale".
Les handicapés ne suivent pas les valides dans les mêmes temps sociaux, c'est à dire une période envisagée par rapport à ce qui l'a précédée ou suivie. Cette période est fortement décalée pour les invalides par rapport à celle des "normaux". Dans ce cas, tout le monde n'est pas tous égaux et donc ne suivent pas leur vie au même rythme que les autres car ils ont leurs propres avantages et leurs propres difficultés. Mais en ce qui concerne les handicapés, ce décalage est plus présent dans leur quotidien et aussi dans leur vie depuis l'enfance. Au niveau scolaire, par exemple, si le handicap n'est pas décelé assez tôt, l'évolution de l'enfant handicapé sera plus lente que celle de l'enfant normal dans sa parole, pour prendre les objets et les placer dans l'ordre croissant, pour marcher, pour apprendre à écrire, à lire, à parler avec des mots difficiles ou pas...
Au niveau social, on peut devenir autonome grâce aux moyens sociaux (les aides financières, etc.) ou humains (assistantes maternelles, tierce personne, etc.) voire aux moyens matériaux (téléphone, Internet, voiture, etc.).
Ces moyens dépendent de la technologie, des allocations mais aussi des besoins des handicapés.
Aménager la voiture pour que l'homme "sans jambe" puisse conduire, cela ne se commande pas comme les valides. Il faut le temps d'aménager la voiture et d'installer la personne handicapée dans ces nouvelles dispositions. Ceci prend du temps d'ou le décalage temporel. En acquérant le handicap, la personne gagne en "maturité", car il voit tout de suite que toutes les voies ne sont pas accessibles pour lui, alors qu'une personne valide ne remarque rien : elle est dans la norme !
À la faculté, un groupe de 6 handicapés moteurs ne peuvent pas aller en cours sans qu'il y ait un ascenseur dans un bâtiment et moins encore en se rendant dans les autres bâtiments encore plus inaccessibles ! Ils perdent beaucoup de temps dans les trajets puis lorsqu'ils ont fini un cours, ils doivent se rendre à un autre cours, ils prennent environ 20-30 minutes pour y parvenir sans compter les difficultés pour circuler dans les couloirs, les salles étroites. Ils doivent faire un effort "surhumain" pour rendre leur vie plus agréable, ce n'est pas facile pour eux tous les jours ! Donc il existe un vrai décalage "spatio-temporel" par rapport aux valides.
Autre exemple. Une personne sourde ou aveugle attend les notes d'une preneuse de notes mais celle-ci doit faire des photocopies et souvent la personne handicapée les reçoit 2 à 3 jours après. Elle est alors en retard dans les révisions par rapport aux valides ! Décalage temporel dans les études mais aussi dans le monde du travail.
Il est difficile pour un handicapé de trouver un travail adapté à lui ! Beaucoup de personnes valides responsables dans une entreprise refusent d'employer un handicapé sous prétexte qu'il ne peut pas travailler dans les bureaux... Il est vrai que "la charte du travailleur handicapé" protège la personne invalide mais elle met quand même beaucoup plus de temps pour trouver un travail qu'un valide. De plus, ce sont les handicapés les premières victimes du chômage.
Enfin, les handicapés suivent leur quotidien, leur vie à leur rythme. Donc incompatible avec ceux des valides, ce qui crée les inégalités scolaires, socioprofessionnelles, et sociales. Chacun ne se développe pas au même rythme avec les mêmes normes. Malheureusement, l'école fonctionne avec les mêmes normes pour tous.... En gros, le temps n'est jamais identique pour tout le monde même entre les invalides et les valides. La société ne doit quand même pas laisser à la traîne les gens en difficulté. Une société "évoluée" doit prendre en compte nos différences.
Mes réflexions et mes impressions sur l'histoire de Mino qui attend la mort. "Mino", de son vrai nom Dominique Knockaert, est une femme handicapée, elle a vécu toute sa vie sur son fauteuil roulant et voit ses capacités décliner. Elle demande en vain à la justice française de lui autoriser à utiliser l'euthanasie car elle a choisi de mener son combat contre les mépris du système français. Elle a raison de réclamer la reconnaissance de "cette utilisation" dans notre pays : elle veut montrer qu'elle n'est pas dupe ! Elle réussit des études de lettres malgré son handicap ! La société française préfère garder les handicapés, même les plus délicats, en vie avec peu de moyens accordés alors qu'ils souffrent le plus. Mino déteste "ne rien faire" car pour elle, être handicapée à 100 % signifie handicapée à vie, incapable du moindre mouvement, gestes... Mais c'est aussi être "exclue" du système qui ne veut pas d'elle, l'interdiction de passer un C.A.P.E.S de lettres dans le public, en constitue un bon indicateur. Elle n'a plus le goût de vivre longtemps sous cette forme, ses capacités déclinant petit à petit...
Sa maladie remonte à sa naissance et ce n'est ni la faute de sa mère, ni de personne. Peut être si un médecin avait été présent à sa naissance, il aurait pu la sauver. L'autre médecin ne s'est pas aperçu du handicap de Mino et ment en disant qu'elle pourra (re)marcher un jour. Bien sûr, il peut s'agir d'une erreur humaine mais de là à cacher la vérité aux parents, à ignorer Mino, c'est grave. Cela peut causer des problèmes comme une dépression ne trouvant pas d'autres issues pour survivre dans la société, [la maladie arrive]. Ce qui est révoltant, c'est que la société ne fait pas assez attention aux handicapés. Elle préfère fermer les yeux en laissant les handicapés [dé] périr petit à petit ! C'est le cas de Mino, son cerveau fonctionne bien mais pas son appareil locomoteur. Si Mino a acquis de telles capacités intellectuelles, c'est parce que ce sont ses seules armes pour lutter contre la société qui est incapable de donner aux handicapés une 2ème chance. Par exemple, Mino avait envie de passer son C.A.P.E.S de lettres, elle aurait pu très bien enseigner avec l'aide d'une personne qualifiée. Cela lui donnerait le goût de vivre pour gagner sa vie même si elle devait être de plus courte durée. Autre exemple, si Mino n'a plus aucune passion à vivre, si elle ne trouve plus d'autres moyens que de voir le temps passer sans bouger, si elle ne veut plus rien faire de sa vie ; elle sera "un obstacle" pour sa famille qui doit se sacrifier pour s'occuper d'elle au prix de bas revenus, de salaires du genre S.M.I.C ! Dans ce cas là, le seul moyen "d'arrêter" les souffrances, c'est aider le malade à partir, à mourir en paix. A qui la faute ? A Personne ! Mais le monde a changé, les français sont favorables à l'euthanasie mais les classes politiques justice y compris, non !
C'est toujours la loi du plus fort qui gagne en laissant les plus faibles mourir dans "d'atroces" souffrances. Comme les mentalités ont changé, les lois ne sont plus adaptées à tout le monde : les politiciens (et la justice) se voient obligés de se plier à la demande du tiers et de suivre leur évolution. Nous sommes en démocratie ! Ceci dit, les politiciens doivent prendre compte des demandes des handicapés et réfléchir à propos de l'euthanasie et ses conditions. La société ne répond pas à toutes les formes de handicap.
Mon avis est que "j'accorde" à Mino le droit de mourir comme elle le souhaite depuis plusieurs années. Elle a beaucoup plus souffert que les autres, y compris sa famille qui a aussi beaucoup souffert. Imaginons qu'un jour, j'ai un accident de voiture et à mon réveil, je me retrouve tétraplégique, avec dans l'incapacité totale d'utiliser mes membres, mes moyens de communication (en plus ma surdité !). Comment vais-je communiquer avec ma famille ? Même avec les yeux, c'est long et difficile à déchiffrer et si mes yeux ne sont plus en bon état avec des mouvements de l'iris, des clignotements ? Comment puis-je vivre en toute indépendance comme je l'ai fait [jusqu'ici] ? Je n'appelle pas cela vivre et c'est contraire à ma personnalité ! Sauf si les moyens technologiques permettent une réelle avancée, peut-être qu'en dépit du prix, j'accepterais de vivre cela ... Mais pas de la façon actuelle ! Je trouve que ma surdité est déjà un handicap bien lourd, bien difficile à gérer. Cela me suffit !
Sur les mères aveugles courageuses mes réflexions et mes impressions. Le texte sur les "mères aveugles" m'a choqué car je trouve normal qu'un aveugle ait un enfant mais pas la réaction de la part des autres. Prenons l'exemple de la famille de Jacques Bouvart, elle est contre l'avis d'avoir un enfant sous prétexte que Chabba, sa femme aveugle, est handicapée et algérienne !
Etre mère c'est presque inné pour un humain. Ca marche pour les valides, alors pourquoi pas pour les handicapés ? Tout le monde a droit d'avoir des enfants. Il ne suffit pas de voir et d'entendre le bébé, mais le toucher, c'est l'essentiel. Toutes les mamans le font, alors les aveugles peuvent le faire aussi ! N'oublions pas que toute personne handicapée démunie d'une ou plusieurs facultés en développe d'autres. Par exemple, moi qui suis sourde, j'ai développé d'autres sens que l'ouïe. Je repère vite "les intrus" dans un casier rempli d'objets habituels (craies, stylos....) ou j'arrive bien à monter une chaise à partir d'un plan incompréhensible pour la plupart... En tenant compte de mes performances, il est logique que les aveugles développent plus l'ouïe, le toucher, le goût et l'odorat que la vue. C'est ainsi comme ça qu'ils sont capables de deviner les différents bruits qui se trouvent autour d'eux, etc....
Bien sûr, le matériel pour les voyants n'est pas adapté aux aveugles (biberon, température, donner les médicaments, etc....), mais la société peut faire quand même des efforts en inventant ou en bricolant quelque chose. De plus, les aveugles exercent en général un métier bien plus élevé que les sourds ou les handicapés moteurs congénitaux. Ils peuvent decauville juges, avocats, kinésithérapeutes, professeurs et ils peuvent de ce fait nourrir sans problème une bouche de plus ! Ils ont moins de problèmes que les sourds pour poursuivre leurs études.
Je pense aussi qu'avoir un enfant en tant qu'aveugle n'est pas une tâche facile mais les aveugles ont lutté pour avoir un métier, une place respectable dans la société mais ce n'est pas tout à fait le cas pour tous !. Alors, ils continuent leur combat aux côtés de leurs enfants.
Avoir une mère aveugle ne perturbe pas les enfants, au contraire, ils comprennent vite ce qui est arrivé à leur mère et prennent des responsabilités plus tôt en verbalisant, guidant, développant des réflexions, prenant la défense des aveugles, etc. C'est un point fort des enfants d'aveugles par rapport aux autres quant à l'appréhension de l'avenir...
Avoir un tel enfant est une victoire en quelque sorte pour les parents aveugles. Ils montrent qu'ils peuvent faire cela malgré les préjugés sociaux, qu'ils ont su se débrouiller avec leur bébé. Je trouve cela extraordinaire mais révoltant parce que la société ne les aide pas à aménager l'environnement pour élever leurs enfants. Je félicite aussi Edith Thouveille, puéricultrice [de son état], qui a eu l'idée de créer un groupe pour les mères aveugles à Paris. Il faut faire pareil dans toute la France !
Marie à propos des révoltes, des cris de revendication. Personnellement, je nai recours seulement quà lallocation handicap en raison de mon âge car je suis encore étudiante donc je nai réellement pas été confrontée à des problèmes que rencontrent les handicapés. Par contre, daprès les textes et mes rencontres avec les adultes handicapés, le vrai problèmes des handicapés se cache derrière les préjugées "des hommes valides".
En effet, le handicap est encore ignoré et les patrons préfèrent "ne pas gaspiller" le budget au profit de lentreprise et de confier un poste à une personne "normale" mais moins qualifiée et non à une personne handicapée mais qui a des compétences avérées ! Face à cette situation, il est facile dembaucher un employé "normal" afin déconomiser quelques centimes deuros
Cela pousse les "invalides" à cacher leur problème sur les C.V ou les lettres de motivation dans le but dêtre embauché en piégeant lemployeur. Cela demande beaucoup defforts de la part des handicapés dans la recherche demploi. Si la France a un taux important de chômage dont la majorité représente des personnes jugées "invalides". Pourtant, ces derniers peuvent posséder des capacités presque inimaginables ! Pourquoi ne pas en profiter ? Il suffit de débloquer le peu du budget nécessaire pour aménager un poste destiné aux handicapés Selon la législation, seulement 6% des effectifs dans une entreprise sont "obligatoirement". handicapés. Ce mot [obligatoire] ne fait plus partie du vocabulaire des employeurs qui préfèrent contourner la loi en sacquittant des amandes, à croire quils sont "handiphobes" ! Ce taux est certes insuffisant pour tout le monde mais cest déjà un effort considérable, un pas en avant vers la mixité.
Mais, ces employeurs ont raison sur certains points, la majorité des handicapés sont illettrés et sont incapables dagir comme un autrui "normal". Ils ne peuvent pas accéder aux postes à responsabilités, faire des études longues
Cependant, ils ont tort car les handicapés évoluent.
Les générations des années 90 et celles daujourdhui accèdent aux études supérieures et réclament un emploi adéquat à leurs compétences, leurs critères
Bref, la France évolue mais les "chefs de lemploi" restent sur leurs gardes et refusent daider les personnes les plus démunies face à lemploi.
En outre, les personnes, faute demploi, utilisent leur "statut handicap" pour recevoir un revenu de la part de lallocation au point de ne plus travailler (bien sur, ce nest pas toujours le cas). Jai par ailleurs une connaissance qui réside dans les Vosges. Elle est "moins handicapée" que moi, c'est-à-dire qu'elle est sourde "sévère", est âgée de 25-26 ans, et na aucun diplôme, aucun emploi. Elle vit de lallocation adulte handicapé (A.A.H) dans son appartement quelle utilise occasionnellement. Elle vit chez ses parents dans le même village. Malgré 2 stages différents (pour le ménage et l'aide maternelle), elle refuse toujours de trouver un emploi car selon elle, si elle travaille, elle se trouvera coupée des vivres de lallocation handicap (A.A.H). Cela mattriste autant quelle na pas le sens de la réalité. Avec un travail, elle pourrait être indépendante mais là, je la trouve dépendante de ses parents et de son allocation en ne se "bougeant pas les pouces" !
Cet exemple montre que le responsable des actes de la jeune fille, cest leducation.
En effet, cette éducation fait défaut chez de nombreuses "personnes handicapées" (chez les autres non handicapées aussi !). Elle les sollicite à une ouverture desprit, à faire des efforts pour faire un pas en avant. Malheureusement, ce nest toujours pas le cas de tout le monde. Seule une poignée de personnes "avides" de réussir se battent pour avoir une place dans le monde réel. Je ne peux pas affirmer que les employeurs sont responsables du chômage des personnes handicapées ou que les services allocataires ne subviennent pas assez aux besoins des handicapés. Mais une chose est sûre, cest que si les informations [relatives aux] handicapés avaient été diffusées partout quelques siècles plus tôt, le monde daujourdhui aurait mieux traiter les personnes handicapés au lieu de les considérer comme "des bêtes", à regarder comme une exposition d'une certaine humanité. Là, on en est très loin
et en retard par rapport aux autres pays tels que les U.S.A, la Finlande, l'Angleterre
A propos de mes réponses à tes questions sur le corps, l'esthétique en rapport avec le handicap. Je trouve qu'on focalise trop sur la beauté physique que et pas assez sur la personnalité de chacun. Je suis "écoeuré" des méprises que l'on fait sur les handicapés, par des regards ou à travers des paroles mal placées.
Certes, la vie est difficile pour eux sur le plan physique, mais il ne faut pas oublier qu'ils ont les mêmes plaisirs que les "valides". Ils sont des êtres humains donc, ils ont avec nous aussi des points communs !
Le premier est sans doute notre corps nous signifie-t-elle quand elle souligne qu'en fonction des types de handicaps, on peut considérer notre corps soit comme ami ou non.
Ca dépend en fait. Nous dit-elle. Par exemple, un tétraplégique ne peut plus faire des gestes comme nous, mais son cerveau fonctionne à merveille. Son corps lui fait obstacle. Il se sent exclu de la société à cause de son corps, mais il faut dire que ses idées, ou ses créations, ses oeuvres comme Allison Lapper sont très intéressantes à voir ou à juger. Là, il ne faut pas plutôt juger sur leur "incapacité physique", mais plutôt sur leur "capacité mentale" qui les aide à surmonter leur handicap.
Un autre exemple, les sourds, qui sont à ma connaissance, les moins touchés à l'instar des amputés d'un membre. Ces sourds voient que leur corps est leur "bon ami", parce que grâce à celui-ci, ils peuvent communiquer aisément en langue des signes. Ils peuvent aisément faire passer leur message à tout le monde !
Ce mode de communication est maintenant une langue à part entière qui sollicite beaucoup "d'expressivité corporelle" comme si on faisait du théâtre ou de la danse contemporaine !
Je ne peux pas dire si notre corps est notre ami ou notre ennemi, mais il ne faut pas oublier que cela ne concerne pas seulement les handicapés; il existe des "valides" qui sont mal à l'aise en raison de leur obésité, par exemple. Le regard d'un "autrui" les fait prendre conscience de leur corps, car il en dit long. Il est parfois blessant pour la personne concernée. Ce regard est déterminant pour tout le monde pour savoir si notre corps est "ami" ou "ennemi", il n'est jamais facile à vivre avec tout ceci, c'est dur à supporter pour tout le monde, mais il faudrait le surmonter.
A propos de l'école, des facilités d'accès aux connaissances scolaires pour une jeune fille sourde profonde. Pour ma part, oui, l'accès fut facilité mais ce [fut tout de même] difficile à surmonter. J'ai eu la chance d'être intégré en milieu ordinaire depuis la classe de maternelle à l'âge de 2 ans avec des aides orthophoniques et des soutiens éducatifs. Mais, je n'ai jamais eu de codeuse avant ma deuxième année à l'université. En revanche, on m'a envoyé un interprète en langue des signes (L.S.F), mais je n'étais pas du tout apte à comprendre cette personne, mais c'était obligatoire, car j'étais prise en charge à l'Institut d'Education Sensorielle (I E.S) où il y a un psychologue, un orthophoniste, un éducateur spécialisé pour les soutiens ainsi qu'un interprète en L.S.F pour assister aux cours presque directement. [En direct] Avec cette dernière personne, j'ai eu du mal à comprendre certains signes car je ne pratiquais pas [du tout] la langue des signes mais plutôt le langage parlé complet (L.P.C) car on pouvait oraliser tout en codant. Donc, il m'a fallu des répétitions en cours avec l'aide du cahier, mais c'est un peu perdre du temps. Pour compenser cette difficulté, je relisais mes notes aussitôt le soir, c'est comme ça que je m'en suis sortie !
Ce que je regrette un peu, c'est la formation des maîtres qui est incomplète, c'est à dire qu'il manque des connaissances sur les différents types de handicaps et les possibilités d'intégration (semi intégration, intégration complète, avec des aides, des soutiens...).
Depuis toute petite, je trouve toujours que les maîtres, les professeurs sont réservés par rapport à l'accueil d'un sourd en classe et ils pensaient que celui-ci ne pouvait pas aller aussi loin que ses camarades. Certains d'entre eux ne savent toujours pas comment ils vont réagir avec l'enfant sourd sans oublier les autres élèves. D'autres mêmes sont un peu stressés... Il fallait toujours qu'une équipe qui suit l'enfant sourd rassure les professeurs lors des réunions.
Au quotidien, parfois les professeurs me donnaient leurs notes personnelles pour que je puisse les recopier sur mes cours, ou bien je recopiais sur l'un de mes camarades. Actuellement à l'université, j'ai préféré opter pour une preneuse de notes dont je photocopie les cours afin de gagner du temps en faisant des résumés sur mes fichiers, mais pas toujours ! J'ai enfin accès aux connaissances presque directement grâce à une codeuse, mais hélas elle est limitée par le temps avec 5h de code par semaine environ. Malgré ça, j'arrive à comprendre le cours et je fais parfois des recherches personnelles dans les livres ou sur Internet.
Avec du recul, je pense que c'est surtout grâce au L.P.C que j'ai pu avoir accès plus facilement aux connaissances scolaires, mais c'est essentiellement aussi grâce à mon travail, a ma méthode, mon organisation ainsi qu'au soutien de ma famille !
Partout où je suis passée, j'étais la première élève sourde ce qui demande beaucoup d'expériences de la part des enseignants J'ose espérer que cela leur a été très bénéfique pour de futurs élèves comme moi. Mes enseignants se sont beaucoup questionnés sur ma réussite scolaire en relation avec ma surdité mais surtout ils n'avaient jamais vécu une situation similaire auparavant.
Maintenant, je trouve que de plus en plus d'élèves sourds intègrent le milieu ordinaire. J'aimerais qu'ils bénéficient de la présence, selon leur choix, d'une codeuse ou d'une interprète ainsi que des aides, des soutiens en orthophonie, etc... Mais aussi que les enseignants acceptent de les accueillir sans aucune appréhension. Il faut bien sûr ne pas oublier d'informer et d'expliquer en quoi consiste la surdité ou le handicap de l'élève, c'est important pour tout le monde.
Voici mes commentaires et mes réflexions ! (Plus singulières !)
A propos de quelques réflexions très personnelles sur la politique, la culture, le génie, elle et les autres. Je ne sais pas exactement de quoi parle la loi 2005 de la personne ne situation du handicap donc, à mon regret, je n'ai pas d'idées... Ce n'est pas parce que je ne l'ai pas lu, mais pour moi, ce n'est pas très clair...
D'après ce que j'ai vu de certains films sur la surdité comme Le témoin muet, ou Regard sur les lèvres, ou encore Le monde du silence avec Emmanuelle Laborit etc..., je ne suis pas très sûre qu'il peut aider à avoir une meilleure connaissance de la compréhension du handicap.
Car beaucoup de personnes ont tendance à oublier qu'il existe des handicapés "cachés" comme les sourds oralistes dont moi même je fais partie. Emmanuelle Laborit, malgré ce qu'on en dit, ne représente tous les sourds, mais en réalité des sourds L.S.Fistes ! Elle omet d'autres sourds qui sont "oralistes". Je ne comprends pas bien sa position car enfant, elle était oraliste, mais là, elle s'affirme plutôt comme une L.S.Fiste !
De nombreux autres [types ou formes de handicaps] sont peu évoquées dans les films, mais il existe en réalité bien plus de types de handicaps [non nommés explicitement] comme les autismes, les bègues, etc. Il ne faut pas oublier qu'une personnalité comme K. Reeves (alias Néo dans Matrix) est un autiste "léger" ! Ils sont aussi "des handicapés" bien qu'ils le renient !
Je trouve vraiment dommage que certains films ne parlent pas beaucoup des handicapés, et pourtant c'est d'actualité d'aujourd'hui. Ce qui m'a marquée particulièrement, c'est l'attitude d'Emmanuelle Laborit, je la trouve un peu "décevante" puisqu'elle rejette l'oralisme alors qu'elle parle bien et qu'elle a grandit dans une famille entendante. Je trouve cela très contradictoire.
On dit de toi à ton niveau de surdité que jamais tu n'airais du être là, que tu es un genre de "génie" ! Qu'en penses-tu ? Être un génie, c'est exagéré comme mot ! Je ne le suis pas du tout ! C'est grâce à mon travail que je suis arrivée en Master, ce qui est rare en effet chez les sourds profonds. Je pense que c'est aussi grâce au L.P.C que j'ai pu assimiler les cours presque directement. Mais sincèrement, c'est surtout grâce à la motivation et à la régularité du travail en plus des heures de soutien.
Alors, la question qui se pose est de savoir, pourquoi d'autres sourds ou sourdes de naissance ne réussissent pas plus régulièrement des études à haut niveau ?
C'est sûrement une question d'éducation. La famille doit participer à la réussite de leur enfant. Malheureusement, la plupart d'entre elles (les familles en ce moment) préfèrent laisser l'enfant se débrouiller seul à l'internat, à l'Institut où est enseignée, dans les cours, majoritairement la langue des signes française.
Cependant on doit favoriser de plus en plus l'intégration en milieu scolaire. Mais, beaucoup d'entre eux ont du mal à s'adapter au rythme "courant" car il y a une grande différence de rythme entre l'Institut par rapport à celui des collèges et lycées.
Cela ne veut pas dire que tous les sourds et les sourdes ne peuvent pas réussir des études normales ! Je pense que cela dépend de l'éducation familiale et scolaire mais aussi des efforts fournis pour y arriver. Le travail en soutien orthophonique est bénéfique. La récupération auditive y est aussi pour quelque chose grâce aux appareils et aux implants, car l'apport de ces prothèses aide beaucoup les sourds à comprendre la conversation avec l'aide des modes de communication qui sont le L.P.C et la L.S.F.
Avec la L.S.F, je note une seule différence en ce qui concerne cette langue des signes française ; si une sourde de naissance porte des appareils et "parle" la langue des signes française toute sa vie, elle aura du mal à s'intégrer dans le système scolaire, car la compréhension en L.S.F est très différente du français parlé ou écrit surtout dans son rapport à la syntaxe. Donc même si elle "entend", elle n'a pas toute la mémoire phonétique et elle ne comprendra pas tout le vocabulaire utilisé de façon courante. Attention ! Cela ne veut pas dire qu'il est impossible pour elle de suivre les cours en langue des signes française, c'est juste une difficulté car il y a un risque de confusion entre les deux mots pour un même signe, par exemple : "socialisation" et "société".
Avec le L.P.C, si une sourde appareillée grandit avec celui-ci, elle a plus de chances d'oraliser, de mémoriser tous les phonèmes et par conséquent, elle arrivera donc très bien à suivre en cours. La différence entre "socialisation" et "société" en langue des signes et en langage parlé complété sera naturellement conservé avec l'ajustement des deux codes
Avec cette méthode, cette jeune étudiante suit à peu près de façon identique le cursus des entendants car contrairement à la langue des signes française, elle n'a pratiquement aucun retard au niveau du vocabulaire. Elle fait souvent des phrases bien construites. Avec son appareil, Marie, en répétant visuellement les codes que la codeuse "traduit" du professeur, comprend très vite le cours car c'est 100 % de réussite pour la lecture labiale. Elle insiste sur le fait que sans le L.P.C mais uniquement avec la langue des signes française, on arrive péniblement à 80 % de réussite en lecture labiale avec l'appareil.
Personnellement j'avoue que l'implant m'aide beaucoup à repérer les "sosies labiaux" et beaucoup plus [encore] avec le langage parlé complété qu'avec la langue des signes française, car le L.P.C est exclusivement oral avec des codes tandis que la L.S.F est exclusivement gestuelle mais avec une syntaxe différente du français.
Sur un plan plus intime, comment se font les rencontres justement, à travers tous ces codes ? On me dit souvent que les sourds et les sourdes ne se marient qu'entre eux, qu'en penses-tu ?
Sincèrement, les relations avec les entendants sont difficiles mais on arrive quand même à en établir.
Personnellement, j'ai plus d'amis entendants que d'amis sourds parce que j'ai vécu toute ma scolarité en intégration. J'ai dû "favoriser" et travailler sur l'oral pour que ce soit plus compréhensible à tout le monde.
Il arrive que certains entendants veulent me parler tout en codant ou en apprenant le L.P.C, ce n'est pas long à apprendre, cela demande beaucoup plus de pratique que de théorie. Mais avec les sourds, pas tous, plutôt les L.S.Fistes que les oralistes, j'ai du mal à avoir des relations parce qu'il existe, à mon égard, des préjugés sur les sourds "oralistes". Car pour eux, je ne fais pas partie de leur "monde" parce que j'étudie avec les entendants, je parle le L.P.C qui est différent de la L.S.F et je porte un implant ! C'est ainsi que je me sens rejetée... Cependant je ne perds pas espoir, j'aperçois chez eux, une nette évolution, de plus en plus sont en intégration milieu scolaire et par conséquent, l'intégration à la société devient plus facile.
J'ai rencontré des adultes sourds qui se marient entre eux ou avec des entendants et ils m'ont dit qu'il est très important de trouver "un terrain d'entente" entre eux pour communiquer quelque en soit le moyen de communication (L.P.C ou L.S.F ou encore l'oral).
Certes le couple "mixte" est plus touché par un manque de communication et "d'entente", mais c'est pratiquement identique chez les autres couples ! Pour ce qui concerne le "se marier entre sourds" qui [dure plus que les autres], c'est mythifié car il arrive que les sourds divorcent tout comme les entendants !
Alors ces sourds sont-ils des handicapé au sens strict, des handicapés du savoir ou des ratés de la pédagogie, et toi comment te qualifieraistu ?
Il y a quand même une nuance dans ce terme. Je ne peux pas dire que je suis fière d'être sourde car je pourrais très bien supplier quelqu'un de m'aider dans une action alors que j'ai les réelles capacités pour la réussir. Ce serait un déni de [me] dire handicapée ! Mais être handicapée, c'est avoir une déficience c'est presque négatif de le dire ! Il me faut juste une "compensation" et non "un avantage" par exemple avoir une l'allocation pour mieux vivre, une A.A.H ou des aides pour mieux réussir à survivre dans la société, à l'école ou dans le travail... Je n'aime pas trop l'expression de dire que je suis handicapée car je sais que j'ai les capacités pour réussir aussi bien qu'autrui.
Mais il faut savoir s'adapter à une situation où à un obstacle à surpasser, il s'en trouvera toujours de plus grand à gravir. Là, je peux dire à mon interlocuteur que je suis juste sourde mais pas handicapée ! Il faut juste me parler normalement, me parler doucement, ralentir le flux des paroles ! Ainsi je m'en sors plutôt bien, c'est l'écrit qui pose plus de problème, car je considère l'exercice raté s'il faut beaucoup le corriger, mais cela dépend en fait de l'interlocuteur qui est plus ou moins compréhensif avec moi !
Nous ne sommes pas des "handicapés du savoir" ! Pour moi, non ! Nous sommes tout simplement handicapés de "la communication", mais pas du savoir. On peut apprendre en observant, c'est comme ça qu'on s'approprie du savoir, voire du savoir-faire. C'est comme si on apprend à résoudre des problèmes lors des situations pédagogiques par exemple en sport, grâce à notre connaissance et à nos aptitudes. Mais c'est sûr qu'on manque toujours des informations auditives qui compléteraient le "savoir", la "culture"... pour mieux se débrouiller dans la société, j'ai toujours cette impression... Peut-être que pour les autres sourds je parle de ceux qui ont du mal avec le français, ce serait le problème du "savoir" dû à une mauvaise compréhension de la langue française, c'est pourquoi on affirme qu'ils sont handicapés du savoir. Je pense que c'est la même chose pour vous, "les entendants", vous croyez tout savoir mais en réalité, vous ne savez qu'à moitié... Mais c'est tous les jours qu'on apprend n'est-ce pas ! Personne n'est parfait !
Je ne sais pas, si une université telle que Gallaudet ou Rochester elle possible en France pour les sourds. C'est sûr que ces universités ont une belle réputation pour permettre aux sourds de faire des études supérieures, mais est-ce efficace si on s'enferme sur nous ? Je me vois très mal suivre ces études là, dispensées en L.S.F que je connais mal, pour l'Amérique c'est l'Américan Language Signes A.L.S, et être coupée des contacts avec l'extérieur. Mais c'est possible pour ceux qui désirent faire des études en sachant que cet enseignement est réservé aux sourds. Cependant, le niveau actuel des sourds est encore faible. La majorité des sourds ont un niveau inférieur au baccalauréat, alors suivre l'enseignement supérieur ce serait peut-être trop dur pour eux. Peut-être qu'il faudrait attendre plusieurs années pour avoir un nombre des sourds suffisant pour accéder aux études supérieures (des instituts ou en intégration) afin de créer une université spécifique. Encore faudrait-il proposer différentes filières, actuellement, je suis moins optimiste quant à la politique menée !
Actuellement, il existe des problèmes de ségrégation chez les sourds ! Certains qui s'affirment sourds considèrent la culture française, la langue française comme "des dangers" pour eux. Du coup, ils s'enferment sur eux-mêmes. Ils ont beaucoup du mal à s'ouvrir, à se débrouiller dans la société tout en revendiquant la L.S.F, la culture sourde, l'identité sourde, voire la "communauté sourde". Personnellement, je trouve ces termes "culture sourde, communauté sourde, identité sourde" plutôt inappropriés, parce qu'ils ne définissent pas vraiment tout, à part la façon de s'exprimer. Ce sont eux qui nous voient comme des dangers qui s'opposent à leur évolution et qui refusent de faire le premier pas vers nous... Et l'inversement, parce que nous les sourds oralistes et les entendants les trouvons ignorants voire"débiles"... Mais, personnellement, ce serait bien de se retrouver pour communiquer pour ensuite se retrouver avec les autres entendants ou non, cela renforcerait les liens.
A l'heure actuelle, je n'ai pas vraiment l'impression d'avoir toute la liberté de réaliser les "ponts" entre les sourds signants et les sourds oralistes même les "cachés", ceux qui renient leur handicap, comme les malentendants, voire les entendants... Certes il existe d'autres sourds signants plus "ouverts" que les sourds ségrégatifs qui nous acceptent bien eux.
Oui, la guérison, devenir entendante c'est une partie de mon rêve, mais cela ne veut pas dire que je pourrais réellement reconnaître les bruits que j'ai connus avec mon implant, voire comprendre avec aisance sans la lecture labiale... C'est sûr que ce serait dur au début pour moi de ne pas pouvoir "éteindre mes oreilles" ! Mais je pense que ce serait trop brutal pour moi qui ai toujours connu l'implant et les prothèses auditives. Si j'étais née dans un futur où la technologie est beaucoup plus évoluée, peut-être que là, je me ferais opérer plus tôt et ce serait plus facile pour moi d'accepter cette idée utopique ! Mais franchement, c'est mon rêve... où je suis débarrassée des contraintes que je supporte quotidiennement, cependant, il faut être réaliste. Je n'aurais sûrement pas connu le monde des sourds !
Mon rêve est de pouvoir travailler un jour dans un centre de rééducation ou dans un institut, voire dans un centre hospitalier... Je n'ai pas encore d'idées pour les entreprises et encore moins pour les centres sportifs ! Quel qu'en soit les lieux, j'aimerais toujours travailler avec les handicapés.
C'est dur pour moi de choisir l'après licence, car je suis intéressée par beaucoup de secteurs différents ! J'essaie de les éliminer un par un en rapport avec mon désir... Ce n'est pas du tout facile pour quelqu'un qui voit enfin de bout du chemin !
En Juin 2005 en guise de conclusion positive, une lettre pleine d'émotion, d'amitié vient clore temporairement nos entretiens pour cette recherche. Marie m'annonce son inscription en master d'ergonomie à Nancy avec l'envie toujours intacte de continuer à étudier. Sa petite lanterne du savoir est toujours éclairée.
CONCLUSION ET PROSPECTIVE p
"Or le handicap n'est qu'un des aspects des problèmes généraux de notre humanité. Il ne fait qu'en jouer le rôle d'amplificateur. Le sort peut amener celui-ci ou un autre, sans aucune prévisibilité ni équité, à en être victime. Parce qu'il relève de l'ordinaire de la vie, il est à prendre en compte chaque fois que l'on pense l'homme et ses droits, que l'on éduque ou que l'on forme, que l'on élabore des règles et des lois, que l'on conçoit l'habitabilité sociale ou que l'on aménage les espaces citoyens, etc. C'est de cette seule manière que pourra s'accomplir la désinsularisation de ceux qui ne sont pas du bon côté du hasard. Trois conditions sont nécessaires pour opérer cette mutation culturelle : conscientiser ce que vivent les personnes en situation de handicap, apprendre à contester le pouvoir des normes, et déployer, hors du misérabilisme ou de l'héroïsme, une volonté profondément réformatrice. "
Charles Gardou, Fragments sur le handicap et la vulnérabilité. Pour une révolution de la pensée et de l'action, , collection "Connaissances de l'éducation", aux Editions ERES, Toulouse, 2005.
1 Synthèse et prospectives
2 Projets et perspectives locales
Rassembler autour des acteurs les savoirs accumulés pour mieux comprendre les situations de handicap. Faire des réussites individuelles une banque de données pour une réussite collective des situations de vulnérabilités.
Discussions et résultats
C'est à moi de me mettre à leur diapason. Cette règle si on veut entrer dans le monde de"l'espace/temps de la personne handicapée est à prendre en compte prioritairement.
Seuils et limites : la cristallisation des acquis
Poursuivre et ouvrir : il reste beaucoup à faire
Contrat sur le très long terme : mesure sur 20 ans
Pierre Sansot, Les formes sensibles de la vie sociale, P.U.F, Paris, 1986.
(Contient un chapitre "Vers une sociologie des émotions sportives", p. 63-103, version élargie de "Une sociologie des émotions sportives", Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. LXVII, 1984, p. 323-338).
Pierre Sansot, Les Gens de peu, P.U.F, Paris, 1991.
(Contient un chapitre sur "Le football des trottoirs", p. 141-154, "Le roi des carreaux", p. 155-164, "La légende du Tour de France", p. 189-204, publié dans une première version sous le titre "Le Tour de France : une forme de liturgie", in Cahiers Internationaux de Sociologie, vol, LXXXVI, p. 91-105).
BIBLIOGRAPHIE p
1 Ouvrages scientifiques et généraux p
2 Ouvrages sur le handicap p
3 Articles spécifiques p
4 Revues spécialisées p
5 Mémoires et thèses p
6 Autobiographies et biographies p
7 Documents divers p
7 1 Conférences audiophoniques p
7 2 Emissions télévisuelles p
7 3 Sites Internet p
7 4 Actes de colloques et séminaires p
7 5 Revues et périodiques spécialisées p
8 Documents sur cdrom p
1 Ouvrages scientifiques et généraux 2 Ouvrages généraux sur le handicap 3 Articles spécialisés 4 Revues spécialisées 5 Mémoires et thèses
6 Biographies et autobiographies 7 Conférences et émissions audiophoniques et télévisuelles 8 Sites Internet 9 Manifestations et colloques
10 Documents divers
ANNEXES p
Annexes no I : les articles autour des "trois C" p
Annexes no II Articles et coupures de presse collectés et datés p
Annexes no III Films collectés et questionnés p
Annexes no IV Entretiens et témoignages p
Prévoir un cdrom : si la masse des documents est trop importante en fin de tome II
Pour les chercheurs et selon le code de déontologie en vigueur
TABLE DES ILLUSTRATIONS p
Illustration no 1 : Graphique sur les pseudonyme utilisés, p
Illustration no 2 : Graphique sur le réseau sociologique construit, p
Illustration no 3 : Graphique sur les catégories socio professionnelles des personnes, p
Illustration no 4 : Graphique sur le cinéma par points, p
Illustration no 5 : Schéma de synthèse des films étudiés, p
Illustration no 6 : Schéma sur le nouage autour du "cur" du handicap, p Illustration no 7 : Schéma sur l'intériorité et l'extériorité, p
Illustration no 8 : Illustration no 8 : Incarnations et paroles choisies. p
Illustration no 9 : Schéma et figure B synthèse histoire proche p
Illustration no 10 : Tableau p
Illustration no 11 : Tableau p
Illustration no 12 : Tableau p
Illustration no 13 : Tableau p
Illustration no 14 : Tableau p
Illustration no 15 : photo de Bruegel sur les infirmes p
Illustration no 16 : les articles de presse l'année européenne du handicap, p
Illustration no 17 : Schéma de synthèse des articles de presse cités ici, p
QUATRIEME DE COUVERTURE
Résumé / Summary
Discipline
Les Mots Clefs
Université
Alexandre Luria, L'homme dont le monde volait en éclats, Editions du Seuil, Paris, 1998, pages 11 à 12. Il parle du soldat Zassetski en le qualifiant de "héros", héros qu'il va accompagner sa vie durant pour suivre l'évolution de son accident neurologique singulier ainsi que pour lui témoigner du soin et de la sollicitude.
Abdel Malek Sayad, La double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré, Seuil Liber, Paris, 1998. Le cas d'Abdel est éclairant avec son arrivée en France puis le retour au pays dans un laps de temps de trois ans un peu comme sa rentrée et sa sortie dans notre histoire commune !
Michel cassé, Énergie noire, matière noire, Éditions Odile Jacob, Paris, 2004, 333 pages. Cette métaphore sur l'énergie et la matière noire est donnée pour montrer la différence entre l'abandon par le sens commun des situations un peu noires et floues puisque c'est difficile et, l'opiniâtreté des chercheurs pour aller chercher les valeurs, les indices et les traces dans des lieux où ils ne brillent plus que d'un très faible éclat.
Alexandre Luria, op. cit., page 13, : " Par delà leurs spécificités, les biographies, sont avant tout des études et des récits qui appréhendent des individus comme un tout - qui parlent de leur esprit, de leur vie, de leur monde, de leur survie ".
Worthel Anne. (Sous la direction de), Les droits des personnes handicapés ", guide collectif, ESF Editeur, Issy-les-moulineaux, 2003 et aussi Christophe Petit, Quels droits pour les personnes handicapées ? In l'école des parents, hors série numéro 2, Place au handicap, septembre 2004, p35 : " Celles-ci [les places] sont par ailleurs réservées en priorité aux personnes qui ont un taux d'incapacité permanente entre 50 % et 80 %, qui n'ont pas droit à la carte d'invalidité mais bénéficient de la carte spécifique " station debout pénible ".
Dominique Benassi, athlète sur une jambe de foi. Journal Libération, samedi 27 et dimanche 28 décembre 2003.
La France ne nous considère pas digne de porter ses couleurs en tant que sportifs de haut niveau. Triathlon. Le français s'est battu pour pratiquer son sport au haut niveau. Il vient de décrocher son huitième titre mondial handisport. Par Teddy Seguin
La sexualité des handicapés sort difficilement de la clandestinité. Journal le monde, mercredi 23 octobre 2002.
Ces personnes ont longtemps été considérées comme asexuées et les institutions ont pendant des années préféré fermer les yeux sur leur vie sexuelle. René-Claude Lachal, tétraplégique et directeur de recherche au CNRS, raconte comment il faut taire ses désirs quand on vit dans un fauteuil. Les associations s'indignent de la misère sexuelle, revendiquent la libération de la parole et le « droit au plaisir ». Par Mathilde Mathieu.
Découvrir et utiliser le langage du corps. Le petit théâtre d'Ernest fait son séminaire. Journal Le républicain lorrain jeudi 3 juillet 2003 et le 20 juin 2003. Le théâtre et la danse au service de l'insertion des personnes handicapées. Tel est le thème développé par le petit théâtre d'Ernest au travers d'ateliers entre valide et non valide.
En torse au bon goût. Journal Libération le lundi 7 juin 2004. Au printemps 2005, un corps atrophié trônera à Londres à proximité de l'amiral Nelson : « Allison Lapper Prégnant », oeuvre inspirée du handicap d'une artiste contemporaine anglaise, prendra place pour un an sur la célèbre place de Trafalgar Square. Par Christophe Boltanski.
Abdel Malek Sayad, op. cit., p. 12.
Frétigné C. : "Sociologie de l'exclusion" L'harmattan, Paris, 1999, page 11 : " Ainsi parle-t-on dexclusion sociale, dexclusion économique, dexclusion culturelle, dexclusion raciale, dexclusion scolaire, dexclusion médicale voire dexclusion symbolique. Couramment, lexclusion politique et lexclusion juridique attirent lattention. Les exclusions du revenu, du logement et du savoir sont devenues des poncifs de la littérature sociale ".
Site Internet, www.endolfpolio.org, Le défi : qu'est-ce que la polio ?, novembre 2004.
Ibidem : la poliomyélite est une maladie infectieuse aiguë, essentiellement neurotrope, immunisante, endémique et épidémique due aux poliovirus sauvages (trois sérotypes différents un, deux et trois), et dont la gravité, en termes de santé publique, est surtout liée aux séquelles définitives qu'elles entraîne.
endolfpolio.org, op. cit., page 4 : " Le virus de polio ne vit que dans l'organisme humain, ce qui en facilite l'éradication. Il pénètre dans l'organisme par la bouche, se multiplie dans les intestins et se propage au sein d'une population par le biais des excréments. Les premiers symptômes ressemblent beaucoup à ceux d'un simple rhume : fièvre, fatigue, maux de tête, vomissements, raideurs de la nuque et des courbatures dans les bras et les jambes."
Sites Internet, http:// medecinetropicale. free.fr, octobre 2004.
Le journal l'Intelligent d'Abidjan en date du 1 octobre 2004 nous signale que : " Depuis le deuxième semestre 2003, un total de 10 pays exempts de poliomyélite en Afrique subsaharienne ont été réaffecté par des poliovirus provenant de zones d'endémie au Nigéria."
Site Internet : HYPERLINK "http://www.invs.santé.fr/" http://www.invs.santé.fr : "La répartition par classe d'âge au cours de des années 1977 - 84 montrait une prédominance des cas chez des enfants de moins de cinq ans (67 % des cas)".
Une anecdote à ce sujet m'a été révélée lors d'un entretien avec un travailleur social qui s'occupe d'immigration et qui ne signale que les jeunes recrues maghrébines effectuant leur service militaire dans leur pays d'origine et venant de France, sont nommés les "étrangers par les officiers chargés de leur instruction !"
Le quotidien tunisien " La presse ", intégration scolaire des enfants porteurs de handicap. La quête des lumières se moque des différences. N'est pas handicapé celui qu'on croit... On n'y parle d'école inclusive, faisant le choix d'intégrer des enfants porteurs de handicap dans les mêmes classes que leurs camarades normaux. Reportages parus d'avril à juin 2004 par Mongi Gharbi.
Alexandre Luria, op. cit., pp. 12 et 13. C'est Oliver Sacks qui préface l'ouvrage qui nous rappelle que : "Les biographies de Luria se distinguent en outre par la durée exceptionnelle (30 ans) des cas décrits : ni Freud ni aucun autre chercheur ne présenta jamais de cas aussi longs. Mais elles sont surtout uniques par leur style qui allie de rigoureuses descriptions analytiques à une très profonde capacité d'empathie. " Et plus loin " C'est pourquoi ses oeuvres "biographiques", par-delà leurs spécificités, sont avant tout des études et des récits qui appréhendent dans des individus comme un tout - qui parlent de leur esprit, de leur vie, de leur monde, et leur survie. "
Au début de ses lettres, la douleur psychique est bien visible et à la ligne 197 c'est massif.
Deuxième envoi le vendredi 06 juin 2003. Voici une série de documents que je vous fais parvenir par cette missive. "Je vous demanderai de bien vouloir me livrer vos idées et vos impressions de plus ouvertement et le plus personnellement possible car il s'agit bien pour vous de réagir comme "personne dite handicapée" sur ces articles au cur des handicaps. Je vous demandais donc de me donner vos réflexions et vos impressions mêmes les plus fortes que vous suggèrent ces deux articles. C'est en effet ces avis personnels et singuliers qui feront la richesse de notre dialogue. N'hésitez donc pas à écrire vraiment ce que vous pensez au fond de vous même."
On parle maintenant plus souvent d'handicap moteur cérébral (H.M.C) au lieu d'infirmité motrice cérébrale (I.M.C) comme si on voulait faire disparaître ce terme d'infirmité du vocabulaire.
Ph. Vigand, Putain de silence, Le livre de poche, LGF, Paris, 1999 et J.-D. Bauby, Le scaphandre et le papillon, Editions Robert Laffont, Paris, 1997. Le symptôme décrit dans ce livre ressemble à ce que vit certains des handicapés lourdement atteints par le" Locked-in syndrom" ou syndrome d'enfermement. Philippe Vigand dans Putain de silence fait suite à livre bouleversant écrit par Jean Dominique Bauby atteint du même syndrome décédé en 1997.
Les I.M.C : Guy Tardieu, Classifications des I.M.C. Voir le site de l'APF sur : www.apf.asso.fr et www.apf-moteurline.org. Pour une synthèse moderne se référer au site de la faculté de médecine de Rennes pour faire la part entre I.M.O.C et polyhandicapés sur : www.med.univ.rennes1.fr
T. Zeldin, Comment Parler peut changer votre vie. De la conversation", pour la première parution 1998 et pour la traduction française, Fayard, Paris, 1999. Comme moi l'auteur pense que : "La sorte de conversation qui m'intéresse est celle dont, au départ, on est disposé à sortir légèrement différent. C'est une expérience dont les résultats ne sont jamais garantis, et qui implique un risque. C'est une aventure dans laquelle, ensemble, nous tentons d'apprêter le monde pour le rendre moins amer." Et Théodore Zeldin ajoute : " j'ai conversé avec des auteurs que je n'ai rencontrés que sur le papier.", pp. 13-14.
In C. Gardou (2005) utilise ce vocable quand il cite : "L'itinéraire de nos pairs en situation de handicap est fait d'un cortège d'impasses, d'obstacles, de solitudes, de déroutes, d'attentes, de révoltes, d'utopies. Ils donnent à comprendre que des forces insoupçonnées naissent des situations d'apparente faiblesse." Et plus loin : "En réalité, notre société se trouve animée par deux mouvements divergents : d'un côté, une fièvre de modernité et d'avenir, comme dans le secteur des sciences, des techniques et de la communication ; de l'autre, une résistance, voire une immobilité dans les archaïsmes, s'agissant du regard porté sur nos pairs touchés par un handicap.". Voir pour plus d'informations le site www.meimon-nisenbaum.avocat.fr/publications_tiers.htm sur les personnes en situations de handicap.
Il nous a paru intéressant de caractériser les troubles de la sensibilité génitale (Blessés médullaires, spina-bifida, S.E.P, hémiplégiques par A.V.C.), pour cela on prendra appui sur l'analyse de Bernadette Soulier, médecin sexologue, qui note que : "Selon le niveau datteinte de la moelle épinière, la sensibilité des organes génitaux sera émoussée ou absente en partie ou en totalité. Près de 50% des hommes ne peuvent pas obtenir une érection permettant un rapport sexuel et 50% des femmes nont pas de sécrétion vaginale ni dorgasme. Les moyens thérapeutiques actuels permettent le rapport sexuel mais ne redonnent pas la sensibilité génitale. Elastique, garrot, érecteur à dépression, Viagra* (sidélnafil), injections intra caverneuses (prostaglandine ou alpha bloquant). Les nouvelles molécules agissant au niveau cérébral telles que le chlorhydrate dapomorphine (Ixense*) ou lUprima* sont inefficaces chez le blessé médullaire. On axera la thérapie sur la découverte du para orgasme. Cest une forme dorgasme qui apporte détente et plénitude. Il sobtient en travaillant sur les fantasmes tout en stimulant les zones non paralysées du corps, le cou, les mamelons, les lèvres, la bouche, la nuque, le haut du dos, les seins. Ces zones vont devenir de plus en plus réactives, et quand ils sont bien lun avec lautre, à lécoute de leur corps et de leurs sensations, là le plaisir vient.", in B. Soulier, Aimer au-delà du handicap. Vie affective et sexualité du paraplégique, Ed. Dunod, 2001, 212 p et aussi, Un amour comme tant dautres ? Handicaps moteurs et sexualité, Edition Association des Paralysés de France, 2001, 290 p.
Quelques définitions terminologiques : Infirmité Motrice Cérébrale (I.M.C), traumatisme crânien (T.C), polyarthrite rhumatoïde (P.R), sclérose en plaques (S.E.P), hémiplégie consécutive à un accident vasculaire cérébral (A.V.C)
Jean-Paul Resweber (2001), op.cit., pp. 44 et 45 : "La pluridisciplinarité suit la logique dialectique du conflit, l'interdisciplinarité, la logique herméneutique de la confiance mutuelle. La transdisciplinarité mène ce double travail à terme. Elle suit une logique mixte, à la fois, dialectique et herméneutique. La part de la dialectique s'exprime dans la volonté de dépasser les perspectives disciplinaires, pour les intégrer dans une perspective plus globale."[...] "La transdisciplinarité repose, au bout du compte, sur un transfert de technologies : les connaissances sont arrachées à leurs champs disciplinaires pour être déplacées sur le champ de l'écriture parlante. Mais la parole est aussi littérature : parole écrite."
C. Gardou (2005), op. cit., www.meimon-nisenbaum.avocat.fr/publications_tiers.htm .On y trouve les derniers textes médicaux sur le handicap avec une approche transversale.
Le cerveau est lésé. C'est-à-dire qu'une partie des cellules est détruite. Cette destruction peut être causée par un choc dans un accident, une maladie infectieuse, une hémorragie ou un manque d'oxygène, élément indispensable à la vie des cellules.Les enfants nés prématurément, avant 32 semaines de gestation, avec un poids inférieur à 1 500 grammes, risquent plus particulièrement les hémorragies et le manque d'oxygène (anoxie). Mais seulement 6 prématurés sur 100 deviennent infirmes moteurs cérébraux (I.M.C).
Sur la mort, le purgatoire et la renaissance voici ce que disait en 1990 R. Murphy dans Vivre à corps perdu-Le témoignage et le combat d'un anthropologue paralysé, Terre humaine, Plon, Paris, 1990 : "J'ai demandé au neurologue jusqu'à quel point cette issue risquait d'être mauvaise, et il m'a répondu d'un air peiné : « tenez-vous vraiment à le savoir ? » Non, je n'y tenais pas. Peu à peu, j'ai appris à vivre au jour le jour, à éliminer de ma conscience toute pensée relative à l'issue finale de mon affection, à réprimer toute vision de l'impensable. ", p. 43. [...] "Mon passé est divisé en deux : avant le fauteuil roulant, après le fauteuil roulant. Quand je pense aux années qui ont précédé ma maladie, c'est comme à l'âge d'or, et la période récente est au contraire un temps de mauvais auspices, de sombres augures et d'espérances brisées. Mon histoire n'est plus lisse et linéaire : elle est coupée en deux et polarisée sur la ligne de partage. Et mon avenir à long terme n'existe pas réellement.", p. 45.
On retrouve souvent cette impression surtout dans les handicaps les plus graves mais aussi chez ceux qui l'acquièrent dans un accident car ils deviennent "un boulet, une gène" selon leurs expressions pour leurs entourages.
"Yohan" nous a prêté une vidéo où on peut visualiser une partie du travail de J.-P. Claude et de son équipe à Vaucresson. On pourra se référer à J.-P. Claude, Contribution à une meilleure intégration en E.P.S, in dossier E.P.S n°23, Edition de la Revue éducation physique et sport, n° 23, Paris, 1995. Nous avons contacté l'auteur pour faire un bilan à l'aube du changement de loi. On complétera par l'ouvrage de J.-P. Garel, EPS et handicap moteur, Les repères pédagogiques, Nathan, Paris, 269 p, 1996.
B. Allemandou, op. cit., p. 147 : "Lors de la 1er Conférence internationale du service social qui se tient à Paris, en juillet 1928, Suzanne Fouché intervient au nom des infirmes pour la prévention du chômage et demande au service sociale de sintéresser activement la reprise du travail des « diminués physiques » et de semployer à la solution des problèmes suivants. Ainsi simpose lidée que, puisque les convalescents et infirmes sans qualification professionnelle sont les derniers embauchés et les premiers débauchés, seule la valeur professionnelle pourrait compenser leur déficience physique. Suzanne Fouché rencontrera André Trannoy en 1933 qui, avec des poliomyélitiques, fait le projet de se prendre en charge collectivement. LADAPT les accueillera quelque temps dans ses locaux. Ils fonderont une association qui deviendra lAssociation des paralysées de France (A.P.F). Ainsi, de 1929 à 1939, la Ligue fait lexpérience pratique des solutions à promouvoir pour que le malade et linfirme aient leur place dans la société".
L'histoire de vie de Philippe Aubert, La tête la première, in journal Libération, Portait du 07/02/2003. L'histoire de "Yohan" est aussi exemplaire mais une ethnographie des réseaux sociaux serait à corréler entre le handicap, sa médiatisation et le suivi des personnes.
Les handicapés vivant sous le seuil de pauvreté vont inviter les parlementaires à leur domicile. La république du Centre, le 16/09/2004 .On y parle de pauvreté, de ghetto, du droit à compensation et du rôle central de l'A.P.F.
U. Galimberti, 1998, op. cit., : "Quand la maladie est regardée librement, elle trouve immédiatement une compensation, parce que le regard non clinique considère le malade et non la maladie ; la douleur ne devient pas un spectacle et le corps de souffrance, qui demande à être soulagé, n'est pas occulté par la dimension biologique de l'organisme. Un regard qui écoute et qui parle est un regard radicalement différend d'un regard qui observe et qui passe d'un corps à l'autre pour les dissoudre tous dans le tableau de leurs combinaisons pathologiques, organisé et constitué à partir de la référence du cadavre, dont la dissection a fondé l'acte de naissance de la médecine moderne."
"Il reste toujours des choses à faire" : entretiens avec M. Rabourdin directrice de la nouvelle M.A.S de Lorris sur les polyhandicapés.Voir aussi le travail de C. Dumas, L'agir interactionnel de la personne tétraplégique. Contribution à l'étude de la relation aidé / aidant dans une approche ergothérapeutique, Mémoire du Diplôme Universitaire des Hautes Etudes de la Pratique Sociale, Université François Rabelais, Tours, 2003.
C'est ce que raconte le philosophe Alexandre Jollien sur le parcours des jeunes possédant ce type de handicap. A. Jollien, Le métier d'homme", Essai, Préface de Michel Onfray, Editions de Seuil, Paris, 2002. : "Ce jour-là, un foyer pour personnes handicapées mentales minvite pour une conférence. On vient me chercher à la gare, me conduit au foyer. Je minstalle dans une chambre. Le cafard menvahit. Le passé, les dix-sept ans dinstitution reviennent avec force. Dehors, les cris, les rires. Je ne peux me soustraire à langoisse. Je sors. De joyeux individus maccueillent. Une jeune femme me plaque ses deux mains sur les épaules et lance : « Tes mignon, toi ! » Je souris, incrédule. Je bois un bol de chocolat. Les pensionnaires sactivent pour que lhôte ne manque de rien et ils déploient avec abondance leur affection. Je suis apaisé.", p. 53.
Pour Paula (entretien no 7') par exemple qui est I.M.C elle aussi les documents doivent être très grossis pour la lecture.
"La vue très partielle proposée, des questions essentielles comme le financement du dispositif, les prérogatives de la future Caisse nationale de solidarité pour lautonomie, le fonctionnement des maisons du handicap ou la répartition des compétences entre lEtat, les conseils généraux et lassurance maladie, devant être réglées par dautres textes législatifs à venir." (...) "Elle nest pas à la hauteur des promesses présidentielles, tranche lAssociation Nationale pour lintégration des personnes handicapées moteurs (Anpihm). Elle ne se concrétise pas assez en « vrais programmes dactions », regrette lAssociation des paralysés de France (A.P.F). « La question de leffectivité des droits reste posée », estime l U.N.I.O.P.S.S." (...) "Regret tout aussi largement partagé : que le droit à compensation intégral « ne soit pas acté », selon les termes de lassociation des accidentés de la vie (F.N.A.T.H) et quon en reste aux demi-mesures, avec une prise en charge partielle des aides techniques ou humaines : « Accepteriez-vous de vous coucher tous les jours à 19 heures » faute dauxiliaire de vie en soirée ? demande
lA.P.F", in les Activités Sociales Hebdomadaires (A. S. H.) du 6 février 2004 - numéro 2345 - pages 35 à 36, Politique économique et sociale : loi sur le handicap un texte qui doit être amélioré, estiment les associations, pp. 36-37.
Blandine Grosjean, Gisèle, l'exil pour renaître, journal Libération, l'événement, pp. 3-4, le jeudi 25 juillet 2002. Gisèle nous rapporte de son expérience qu' : "en Suède, la société évalue et favorise le projet de vie de chaque handicapé. Ici tous les établissements sont équipés de toilettes accessibles. En France, je ne pouvais pas partir une journée entière. La liberté d'aller aux toilettes, c'est une sacrée liberté."
"L'ennemi à combattre après mon séjour au centre fut le manque de confiance en moi et l'incompréhension. Il me fallait non seulement accepter et assumer mon anormalité ! Jamais je ne serai tout à fait comme les autres, jamais je ne serai normal. Il ne fallait aussi trouver la force, force pour comprendre l'incompréhensible, pour pardonner l'impardonnable, et si possible avec joie.", in Alexandre Jollien, L'éloge de la faiblesse, 1999, p. 97.
Claire Magimel, La place du handicap et des étudiants handicapés à l'Université Accessibilités et usages en Ile de France et au Québec, thèse de doctorat, le 6 décembre 2004.
L'affaire des photocopies revient souvent comme si le corps professoral pensait que ces actions étaient en concurrence par rapport à leurs cours.Une ré interrogation sur ce plan devrait être reconduite.
Ces personnels doivent être remplacés donc certaines situations dans l'intégration universitaires des étudiants handicapés deviennent problématiques à partir de l'année 2005. Pour avoir des chiffres sur le handicap et les études supérieures se référer au site officiel ministériel pour l'accueil et le suivi des étudiants handicapés en université sur : HYPERLINK "http://www.handicap.gouv.fr/dossiers/accessibilite/" http://www.handicap.gouv.fr/dossiers/accessibilite./ compléter aussi par les Etudiants handicapés et leur accueil dans les 83 universités françaises publiques et privées. Un site complet mais sans la pratique physique et sportive pour les étudiants en situation de handicap sur le site : www.195.83.249.62/handi- HYPERLINK "http://www.195.83.249.62/handi-U/" U/
Entretiens no3 lignes 800 à 803, il s'insurge des moyens qui existent et qui n'arrivent pas. Il précise que : "Le problème de faire une loi, c'est bien, il n'y a pas de problème, mais il faut se donner les moyens. C'est bien de cela dont il s'agit les moyens financiers mais aussi le souci qu'à une société pour le vulnérable.
, Triathlon. Le français s'est battu pour pratiquer son sport au haut niveau. Il vient de décrocher son huitième titre mondial handisport, Dominique Benassi, athlète sur une jambe de foi, par Teddy Seguin, journal Libération, samedi 27 et dimanche 28 décembre 2003. Dominique Benassi souligne que : "La France ne nous considère pas digne de porter ses couleurs en tant que sportifs de haut niveau".
La myopathie de Duchenne est une forme de dystrophie musculaire progressive généralisée et héréditaire à transmission récessive liée au chromosome X (le locus responsable est situé sur le bras court du chromosome X (X p21)), débutant dans l'enfance et d'évolution grave. Seuls les garçons sont atteints et les femmes sont transmettrices. La myopathie de Duchenne touche à la naissance un garçon sur 3500 chaque année en France. Les dystrophies musculaires progressives sont liées au même gène, le gène dit DMD de la dystrophine, le plus long connu de tout notre génome : il est en effet composé de 2,4 millions de bases génétiques. Ce gène code pour la dystrophine, protéine du cytosquelette de la fibre musculaire. La dystrophine sert en effet à la bonne tenue et à la bonne cohésion des fibres musculaires entre elles. Sans elle, la fibre musculaire ne peut plus résister aux forces exercées lors de la contraction, et elle finit par dégénérer. Ce qui explique qu'un déficit en dystrophine soit la cause de l'atrophie musculaire progressive dans ce genre de maladie.
Voir les sites : http://www.caducee.net/DossierSpecialises/genetique/myopathie-duchenne.asp pour une information globale : http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/neuro/myopathies.htm de la faculté de médecine de Rennes 1 et enfin : http://www.afm-France.org ou l'A.F.M montre qu'il existe plus de 80 maladies neuro-musculaires dont la dystrophie musculaire de Duchenne.
Comme est effrayant cette myopathie récessive transmise par le bras court du chromosome X (Xp21) provoquant un déficit en dystrophine et dont l'espérance de vie tournait autour de la vingtaine d'années il y a quelques temps encore. Service de neurologie, C.H.U de Rennes, docteurs V. de Deburghgraeve et S. Belliard, 1999.
On trouve dans certains ouvrages et sites des données très négatives telles que des expressions comme : "si la mère est transmettrice de la tare, le malade est grabataire, peut mourir de troubles respiratoires ou cardiaques, etc". Serge de ce point de vue va redonner de l'espoir en parlant et en communiquant sur cette méthode qui améliore la vie.
Serge souligne fermement que : "ça va à l'encontre de tout ce qu'on nous a appris, de ce que les médecins nous ont dit. Donc c'est un travail long. On arrive en ce moment à avancer parce qu'on a eu déjà un truc sur la douleur samedi dernier à Tours. On a réussi à imposer ça. Je pense qu'il y a un début mais ça va être long et c'est dommage parce que c'est des séances de kinésithérapies exceptionnelles. Mais bon, on a encore ce problème-là, on va essayer de gérer ça..."
Les anglo-saxons y font références dans les termes de "soft and hard sciences ". C'est le débat, les conflits que veut dépasser l'approche transdisciplinaire dans le rapport entre sciences humaines et fondamentales.
Nous signalons ceci car, le grand sociologue Max Weber, s'excusait de ne point y avoir eu recours en 1905 dans sa préface sur : L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme.
Monique Vial, 1998, op.cit., pp. 362-363 : "Lenseignement des aveugles est plus oral que lenseignement ordinaire et utilise beaucoup la lecture faite par le maître. Lenseignement musical y occupe une place importante. Les travaux datelier enseignent surtout la brosserie, le cannage, le rempaillage de chaises. Un des objectifs majeurs est de faire sortir les aveugles du rôle de musicien de foire qui a été longtemps le leur." Et plus loin elle ajoute aux pages 366-368 : "On peut toujours objecter on la fait à lépoque aux éducateurs et aux médecins qui se mobilisent pour les enfants gravement déficients : ceux pour qui vous parvenez à quelque progrès nétaient pas de véritables déficients profonds. Qui pourraient trancher ? Au demeurant, les descriptions tant hier que daujourdhui des progrès de certains enfants, à moins dêtre soupçonnées de mensonges délibérés, témoignent de la réalité du travail accompli."
B.Allemandou, 2001, op.cit., pp. 52-56 : "Louis Braille, qui était lui-même aveugle, sinspira des travaux de Charles Barbier pour présenter, en 1829, son système décriture et de lecture en points saillants qui représentent les caractères alphabétiques, mathématiques et musicaux. Il réduit à six gros points répartis en deux colonnes de trois les douze points que le système Barbier exigeait pour chaque signe. Lénorme avantage de son procédé est que le signe ponctué forme une image sous le doigt qui lui permet à la lecture tactile de devenir synthétique." Pour Haüy qui tenait à ce que laveugle ne se singularise pas du voyant par son système alphabétique. On peut faire un parallèle avec le débat engagé entre les tenants de la langue des signes et de loralisme pour les sourds"(
) "Valentin Haüy est né dans une famille de tisserands aisés, à Saint-Just, en Picardie, le 13 Novembre 1745. En 1751, sa famille sinstalle à Paris où il fera ses études classiques avec son frère aîné René. Outre le latin, le grec et lhébreu, il arrive à pratiquer une dizaine de langues vivantes. Il sétait fait une spécialité du déchiffrement des manuscrits anciens, français ou étrangers, ainsi que des graphies secrètes et des systèmes codés. Elu agrégé puis membre du Bureau académique des écritures, que venait de fonder Louis XVI, il gagne sa vie en traduisant des documents officiels, notariés commerciaux ou privés et peut se prévaloir, en 1786, du titre dinterprète du roi, de lAmirauté et de lHôtel de ville."(
) "Mais le nombre délèves augmentant, la Société philanthropique décide de réunir école et atelier en une même maison, rue Notre-Dame-des-Victoires : linstitution des enfants aveugles est ainsi née en 1786, ayant pour but dinstruire les élèves aveugles et leur apprendre un travail manuel : travaux de filature et dimpression typographique en relief et en noir. Cette même année, Haüy écrit son Essai sur léducation des aveugles et reçoit la consécration suprême, le 26 décembre 1786, en étant présenté au roi et à la cour avec les vingt-quatre pensionnaires de son institution."
Nous avons voulu inclure les produits du quotidien comme réserve de savoirs disponibles, réseau de personnes, sites Internet, articles divers dans les médias du quotidien, moyens de communication forts différents, pour les différentes personnes de notre étude. J'ai voulu aussi mobiliser des micros réseaux autour du sujet qui dialogue avec moi sur de longues périodes. A. Schütz, op.cit., pp. 17-18, montre que : "Dans l'attitude naturelle de la pensée courante quotidienne, je pose d'emblée l'existence d'autres individus intelligents. Cela implique que les objets du monde sont, en principe, accessible à leur connaissance, c'est-à-dire ou bien qu'ils sont connus d'eux ou bien qu'ils peuvent l'être". (
) "Il est évident que les deux idéalisations, celle de l'interchangeabilité des points de vue et celle de la congruence de pertinence -- constituent ensemble « la thèse générale des perspectives réciproques » --sont des constructions d'objet de pensée qui englobent les objets de pensée de mes expériences et de l'expérience privée de mes semblables."
Il y a eu un grand moment d'enseignement jubilatoire pour lui dans le cours "activités physiques adaptées". Le champ du sport était fort loin de ses préoccupations.
Le glaucome peut atteindre les enfants précocement. Bernard nous disait : "Il me reste des fragments visuels. Parce que je suis très visuel dans le mode de fonctionnement. Et aussi, beaucoup de sensations. Je me souviens, j'étais avec ma cousine. Cela s'est passé il n'y a pas très longtemps, c'était en février. En 2003, tu vois, je suis gentil, je t'ai conceptualisé les choses dans le temps. Parce que si j'avais dis février, tu aurais pu de poser la question après, de quelle année c'était. Donc, c'était 2003. Et c'était avec ma cousine et je lui ai beaucoup raconté des choses, des souvenirs qui étaient intenses pour moi".
Voir pour plus de détails l'institut national des jeunes aveugles (I.N.J.A) sur le site : http://www.inja.fr .Un autre exemple caractéristique est celui des aveugles. Dans la période de préparation de l'enquête, nous avions été informés par l'Inserm que leur nombre était tout simplement inconnu, au niveau national, pour l'ensemble de la France. L'enquête a permis, d'une part, d'établir pour la première fois une estimation assez précise : 217 000 personnes seraient partiellement ou totalement aveugles, dont 33 000 résidant en institutions et 183 000 en domicile ordinaire En outre, elle apporte des compléments très importants, comme leur répartition par âge:plus de la moitié des aveugles (115 000 dont 23 000 en institution) ont au moins 80 ans et près des deux tiers au moins 70 ans). Voir aussi le site Internet de l'I.N.S.E.R.M pour récupérer en format P.D.F les 600 pages de l'enquête sur : http://rfr-handicap.inserm.fr/hidenquete/hidacc.htm
Sur le site très didactique : http://www.merckfrosst.ca/f/health/glaucoma/glaucoma/classify/home.html
Il existe deux formes de glaucome : le glaucome à angle ouvert et le glaucome à angle fermé. Le glaucome à angle ouvert, ou glaucome chronique, représente 80 % à 85 % de tous les cas de glaucome et est dû à une obstruction du système de drainage de lil. Le glaucome à angle fermé, beaucoup plus rare, est une forme aiguë très grave de la maladie, pouvant entraîner une cécité dans les 24 à 48 heures en labsence de traitement. Cette maladie résulte dun blocage du système de drainage et est dite à angle fermé parce que langle formé par la HYPERLINK "http://www.merckfrosst.ca/f/health/glaucoma/glossary/home.html" \l "c" cornée et l HYPERLINK "http://www.merckfrosst.ca/f/health/glaucoma/glossary/home.html" \l "i" iris est nettement réduit.
H.-J. Stiker, 1987, op.cit., pp.69-95 : la charité, le Moyen Âge, l'héritage judéo-chrétien jusqu'à naissance de l'infirme.
Philippe Ariès, mars 1981, Strasbourg note : qu'une "sorte d'intégration indifférente, fatidique, sans idéologie mais sans combat. Telle serait l'ambiance générale de la société moyenâgeuse face à l'infirmité.", in H.-J. Stiker p. 69.
Dans l'ouvrage de Jean Delumeau, La peur en Occident, du XIVe au XVIIIe siècle, Fayard, 1978, aux pages 131-132, cité dans le livre d'Henri Jacques Sticker à la page 71 : "Voilà donc les diminués au milieu des « cours des miracles », misère et pègre tout à la fois."(...) "Le phénomène de la peur, fondamental à la fin du Moyen Âge et la renaissance, a inclus les infirmes et a abouti à leur enfermement dans l'hôpital général ainsi qu'à la première idée de mettre tout ce monde au travail".
Les "Roumains" (entre autres) qui exposent, aujourd'hui aux bords des routes, leurs stigmates pour vivre chez nous de la charité montrent que cela est toujours bien présent dans notre société. Cela m'a été confirmé dans les entretiens comme me le signalèrent certains d'entre eux, les personnes handicapées profitent aussi de leur état pour avoir certains avantages.
Sur ce site, http://www.geocities.com/Athens/Forum/3621/Stat.html, on trouvera un premier aperçu des handicaps français et mondial avec des fragments sur les études concernant la cécité en France. Par exemple sur les cécités chez l'enfant, le glaucome représente 11%. P. Mormiche, Le handicap se conjugue au pluriel, I.N.S.E.E Première, Division des Enquêtes et études démographiques, Groupe de Projet H.I.D (Handicaps-Incapacités-Dépendances), N° 742, 2000.
Au sens sociologique ou le développe Jean-Yves Trépos au sein du laboratoire de l'E.R.A.S.E à l'université de Metz.
L'école des parents, 2004, op.cit., p. 53. Le handisport c'est "bouger comme les autres, Sports et jeux pour tous". L'auteur signale qu'après "la deuxième guerre mondiale, les aviateurs de la Royal Air Force, blessés au combat, suivent une rééducation à lhôpital de Stoke Mandeville, près de Londres. Le docteur Ludwig Guttman, neurochirurgien, est conscient que ces patients ont besoin de distractions et dexercice pour guérir dans son centre, le jour de louverture des Jeux Olympiques de Londres de 1948, la première rencontre sportive pour les personnes en fauteuil. Les Jeux paralympiques étaient en marche et, au delà de la compétition, lidée du bienfait dune activité physique sur un corps amputé ou diminué. La Fédération Handisport, créée en 1977 et reconnue dutilité publique en 1983, se situe dans la droite ligne de cet héritage." (
)"Handisport organise des activités physiques pour ceux dentre eux qui sont handicapés physiques, moteurs ou visuels. « Les bénéfices à attendre de la pratique dun sport sont les mêmes que pour les valides, explique Jean Paul Moreau, président du comité régional Ile de France Handisport. Elle permet de coordonner ses mouvements, de se retrouver par rapport au handicap, et surtout de prendre confiance en soi. » Car si 30% des licenciés font de la compétition, fait moins connu : 30% pratiquent un sport comme une simple activité de bien-être. A Handisport, on tient beaucoup à ces activités de loisir comme la preuve vivante que le sport sadresse à tous. « Pour un handicap, il y a au moins deux ou trois activités possibles », tient à préciser Jean Paul Moreau. Et avec un éventail de 46 disciplines et pratiques sportives 17 sont des disciplines para olympiques (14 dété et 3 dhiver) on a pas le temps de sennuyer. Les courses en fauteuil peuvent être recommandées à un tétraplégique, un amputé des membres supérieurs ou inférieurs. Un malvoyant aura la possibilité de pratiquer la basket, mais aussi la cyclisme en tandem, le foot, le judo, la natation ou encore le ski."
M. Jean-Pierre Claude, Mme Monique Pasqualini, op.cit., 1994. La participation des élèves handicapés aux épreuves dE.P.S des examens scolaires est très importante. En France, ces épreuves comptent autant que les autres disciplines (coefficient 2 au Bac et B.E.P pour lE.P.S) pour les résultats des examens. En être écarté pour un sportif handicapé de bon niveau peut lui faire perdre un nombre important de points pour son examen et représente pour lui une injustice (9, 10, 11, 12, 13). 7 Circulaire 94-137, Education Physique et Sportive - Organisation et évaluation des épreuves aux baccalauréats, B.T, B.E.P et C.A.P pour les candidats handicapés et les inaptes partiels (1994), Bulletin Officiel de lEducation Nationale, n°15 - 14 avril 1995, p.1100-1138.
Voir l'article sur performance ou entretien de loisir par Alain Loret, Décision olympique : l'enjeu politique, presse nationale Libération le 27 juin 2005, p. 36. La sphère des jeux paralympiques obéit, elle, aussi à cette logique. L'auteur A. Loret a publié aux Presses Universitaires du Sport, Concevoir le sport pour un nouveau siècle, juin 2004.
Il est devenu paraplégique, un handicap acquis à la suite dun accident de la circulation en 1978.On sait que pour une personne qui devient une "handicapée" les moments de renoncement/acceptation par rapport à son état antérieur sont dramatiques. Il faut accepter une renaissance. Voir page 22 et suivantes du D.E.A de J.-E. Giuliani, le cas d'Anita sur la paraplégie, université de Metz, mai, 2005.On retrouve cette notion de re"naître" à une vie "autre" dans de nombreux témoignages.
C'est le cri historique dans, La naissance de la réadaptation que décrit Henry-Jacques., Stiker, in, Corps infirmes et société, Dunod, Paris, 1997. Il écrit : "Je crois d'ailleurs percevoir quelque chose de semblable [l'antipsychiatrie qui exige de tous une adaptation à la différence] à travers les cris de groupes minoritaires de handicapés. (...) Il s'est formé des groupes revendicatifs et politisés qui, radicalement, récusent l'ensemble de la législation et des institutions. (...) Autrement dit, nous voulons notre place, et non une place que l'on nous désigne, semblables et différents, égaux et différents, infirmes mais "valides" (valables, valorisés, validés)".
Paule Paillet, Les handicapés et le sport, informations sociales, numéro 42, 1995, p. 223 : "Deux fédérations regroupent en France les sportifs handicapés. Elles ne sont pas en concurrence car elles s'adressent à des pratiquants différemment affectés. La Fédération Française Handisport (F.F.H) regroupe ceux qui sont atteints dans leur motricité et leur vision : para et tétraplégiques, amputés, infirmes moteurs cérébraux, aveugles. La Fédération Française du Sport Adapté (F.F.S.A) concerne les personnes handicapées mentales atteintes de troubles de la personnalité."(
)" La F.F.S.A permet au plus lourdement atteints de s'exprimer dans des jeux non codifiés. Adapter le sport aux handicapés implique évidemment des appareils spécifiques. Notre culture réserve le haut du pavé au sport de compétition. Le spectacle médiatique affiche le culte de la performance. Pourquoi les handicapés ne trouveraient-ils pas dans les confrontations avec leurs pairs l'exaltation de leur volonté de vaincre, l'affirmation de leur confiance en eux-mêmes ? Pourquoi n'auraient-ils pas la possibilité d'accéder au haut niveau ?", in Courtine F. : "A quoi sert l'éducation physique et sportive dans le champ du handicap? Effets des pratiques physiques et sportives sur les rapports entre l'infirmité la société", in Dossier E.P.S n°29, "A quoi sert l'éducation physique et sportive ?" sous la direction de Bernard-Xavier René, C.R.U.I.S.E de Poitiers, Éd. Revue E.P.S, Paris, 1999.
C'est, je le signalais plus haut dans nos analyses, à travers ces occurrences que je prenais la mesure des souffrances, non dites, non exprimées mais dont la survenue apparaissait dans les absences et les longs moments en attente des réponses. Un temps à apprivoiser si on veut apprendre des situations de handicap. Un temps difficile à maîtriser dans des recherches doctorales, mais nous avons choisi cette temporalité.
=
F. Courtine, op.cit., p.224 : "Aussi en rapprochant le phénomène de l'infirmité de celui du sport, au moyen par exemple des termes du sport adapté ou d'handisport, notre culture « intègre » l'infirmité qui n'échappe plus elle-même aux exigences, aux rentabilités, aux « lois » valables pour tous. C'est notre façon d'apprivoiser l'écart que représentent les hors du commun et de réduire le plus possible cet écart. Les personnes infirmes devenues handicapées, sont vues en cette fin de siècle comme des citoyens à « performer » et comme des sujets qui au moins en principe peuvent et doivent réussir." Henri-Jacques sticker écrit : « la figure du handicap est une manière de penser la non-conformité, la différence dans les limites de notre raison productiviste et technologique, donc aussi de nous la rendre admissible »."
Journées nationales des responsables de l'accueil des étudiants en situation de handicap à l'Université, Clermont-Ferrand, les 22 et 23 janvier 2004. Entretien informel de plusieurs heures avec mon homologue d'une université parisienne sur la sexualité des personnes paraplégiques.
Dans son travail de recherche sur le grand handicap, J. E. Giuliani (D.E.A ethnologie Université de Metz mai 2005) parle des trois phases que traversent ceux qui subissent un accident : "l'anéantissement, la sérénité puis la révélation", pp. 16-22.
Il écrit le terme "paraplégique" entre parenthèses (Lignes 6-7, Entretiens 5 avec Jean-Paul) et ajoute que la date de 1978/79 est une sorte de balise temporelle pour lui , il dit donc que 1979 est une "date de référence pour moi" (lignes 67-68). C'est à travers ces quelques mots entre parenthèses qu'une douleur remonte de façon presque invisible.
On pourra consulter ces sites quelques et d'autres pour se faire une idée plus précise sur le sujet : http://dedland.free.fr/paraplegie-droit.htm
http://www.ac-grenoble.fr/cam/idd/site_5e4/parapl/main.htm,
http://www.anmsr.asso.fr/anmsr00/44vieillPH/parapl_vieil.html http://www.doctissimo.fr/html/sante/encyclopedie/sa_1084_ie.htm
Ce que j'ai réalisé régulièrement avec mes dix sept témoins depuis 2001 pour rappeler nos engagements, suivre les réflexions, répondre aux craintes sur le texte, demander des détails sur les conversations, tout ce qui fait perdurer la relation.
Op. Cit., page une du site, 2005, http://dedland.free.fr/paraplegie-droit.htm : "La vie après l'accident s'apprend alors en fauteuil roulant et tout est à réinventer physiquement, psychologiquement et socialement. Si beaucoup d'efforts sont faits pour améliorer la qualité de vie et l'autonomie de ces personnes lourdement handicapées, l'essentiel des progrès récemment réalisés se situe dans le domaine médical et résulte de la recherche tant fondamentale que clinique car, il y a une dizaine d'années, on ne parlait pas de possibilité de restructuration de la moelle épinière".(
) "Quelques chiffres : En France, on compte 40 000 paraplégiques et tétraplégiques, dont 1 000 cas nouveaux tous les ans. 60 % ont moins de 25 ans. Ils résultent : - pour 49 % d'accidents de la circulation dont 71% d'accidents de voiture et 29 % d'accidents de moto - pour 21 % d'accidents du travail - pour 16 % d'accidents de sport ski, motocross, parapente, plongeon, rugby, etc... - pour 9% de tentatives d'autolyse (suicide). Il faut noter que 18% d'entre eux sont en état d'éthylisme au moment de l'accident".
Sur le site très complet : http://www.anmsr.asso.fr/anmsr00/44vieillPH/parapl_vieil.html. La fonction urinaire et son hygiène étaient au centre de la mortalité en ce qui concerne les traumatisme médullaires comme le souligne le site médical des docteurs B. Perrouin-Verbe, F. Louis rappellent que : "Lexistence d'une lésion médullaire a, jusqu'à la 2ème Guerre Mondiale, constitué un arrêt de mort à plus ou moins long terme. Les causes des décès étaient largement dominées par les complications urinaires. Depuis les années 50, particulièrement depuis ces deux dernières décennies, l'évolution des connaissances sur le plan physiopathologique des dysfonctionnements, plus spécialement végétatifs, le possible dégagement de facteurs pronostiques, l'amélioration des techniques de prise en charge, notamment la révolution conceptuelle du cathétérisme intermittent, ont nettement diminué l'incidence de ces complications".
Op. cit., http://www.anmsr.asso.fr/anmsr00/44vieillPH/parapl_vieil.html., Paraplégie et vieillissement, Copyright A.N.M.S.R, 1997. Ce doute sur l'avenir, sur sa vieillesse, nous le retrouvons souvent porté avec une grande acuité par la personne handicapée elle même du fait de la pression qu'elle fait portée à l'entourage. Ce pessimiste est de règle quand ce n'est pas de la peur ou du désespoir.
Gobry P., L'enquête interdite. Handicap : le scandale humain et financier, Editions du Cherche-Midi, Paris, octobre 2002. Lauteur lève une polémique en disant que : " Depuis 1987, la loi oblige toutes les entreprises de plus de vingt salariés à embaucher au moins 6% de travailleurs handicapés. Dans le même temps, elle offre aux employeurs des moyens parfaitement légaux pour contourner cette obligation. Résultat, les entreprises sous le coup de la loi imaginent toutes sortes de schémas d'éviction. Le paradoxe, c'est que les petites entreprises, qui n'ont pas de quota, emploient proportionnellement deux fois plus de salariés handicapés que les autres !"
Le premier de soins à avoir pour l'autre serait de le connaître pour éviter qu'au XXI siècle on confonde la maladie et une situation de handicap. Ce concept de contagion fut retrouvé dans de nombreux témoignages.
La finalité de ce travail est d'ouvrir un axe de recherche au sein d'un laboratoire en partant des savoirs des individus en situation de handicap pour en analyser les solutions au quotidien puis les diffuser dans un institut plus vaste. C. Gardou (2005) en donne une piste en parlant des I.F.R.I.S.H, un institut de formation de recherche et d'innovation des situations de handicaps. Le réseau des S.T.A.P.S par ses filières activités physiques adaptées (A.P.A) en relation avec les fédérations des sportifs handicapés (F.F.H et F.F.S.A) ainsi que des laboratoires d'ergonomie comme celui des activités motrices et conceptions ergonomiques (A.M.C.O) d'Orléans, qui intègre le handicap, pourraient en être le vecteur privilégié.
On retrouve les caractéristiques de la maladie "poliomyélite" comme nous l'avons décrite chez "Abdel" (récit no 1) qui est beaucoup plus jeune que Lyse. Ces années cinquante sont celles précisément du pic épidémiologique de cette maladie invalidante pour les enfants en Europe.
Voir les annexes no I les documents deux sur la mort et le courage dans les états extrêmes.
C'est bien cela qui remonte de mon étude car ceux qui ne possèdent pas de réseaux vivent difficilement et comme le souligne F. Dolto il y a vraiment une "difficulté de vivre". Il y a en outre peu d'extraordinaires et beaucoup d'ordinaire, mais n'est ce pas extra ordinaire de vivre tous les jours avec ses stigmates ? Cet opuscule a déjà été utilisé mais l'histoire de Lyse place le sport au cur de sa reconnaissance sociale. R. Murphy, op. cit., pp. 13-137. "L'invalidité paralytique constitue, au demeurant, une émasculation de nature plus directe et plus totale. Pour un individu de sexe masculin, l'affaiblissement et l'atrophie du corps menacent toutes valeurs culturelles attachées à la virilité : force, activité, rapidité, vigueur et courage. Beaucoup de handicapés, hommes et femmes, essaient de compenser leurs déficiences en pratiquant l'athlétisme. Les paraplégiques jouent au basket-ball en fauteuil roulant, organisent des courses et des marathons, s'exercent à l'haltérophilie et à nombre d'autres activités analogues. [...] Les "supers infirmes" travaillent davantage que leurs collègues, voyagent sans arrêt, vont à tous les spectacles et participent à tous les événements. De cette manière, ils font savoir à l'univers qu'ils sont non seulement comme les autres, mais meilleurs qu'eux." [...] Il y a beaucoup de personnes de ce genre mais, comme les fameuses « supers mères », elles constituent encore une minorité. Comme on le verra, les handicapés, dans leur immense majorité, sont incapables de surmonter les formidables obstacles physiques et sociaux qui se dressent devant eux et vivent dans la pénombre de la société, condamnés à subsister comme des marginaux."
Lyse semble très au fait des moyens de compensation financière ainsi que des injustices sociales qui en découlent c'est une des rares personnes qui m'a donnée des informations sur la loi Cordonnier de 1949 : une allocation compensatrice individualisée serait bien car le besoin de chaque personne est différent. La loi de 1949, loi Cordonnier, reconnaît à 80 % le statut "d'handicapé" payés par l'état. Cela représente 10 % du salaire par mois. Cela permettrait de changer de vêtement ou prendre une femme de ménage, mais depuis c'est au conseil régional et sous réserve du plafond du salaire. Je travaille à 80 % et je n'y ai pas le droit. (Entretiens no6, lignes 34-38)
Au printemps 2005, un corps atrophié trônera à Londres à proximité de l'amiral Nelson : « Allison Lapper Prégnant », oeuvre inspirée du handicap d'une artiste contemporaine anglaise, prendra place pour un an sur la célèbre place de Trafalgar Square). Par Christophe Boltanski, En torse au bon goût, journal Libération, le lundi 7 juin 2004.
Lyse souffre encore de séquelles ostéo-tendineuses diverses. Le sport l'aide mais ajoute souvent ses propres blessures. L'orthopédie l'entoure au quotidien. L'orthopédie et maintenant la kinésithérapie occupent une partie de la vie de nos pairs frappés par les infirmités physiques. Le médecin Nicolas Andry de Boisregard pose les premiers repères sur les infirmités enfantines dans son livre L'orthopédie, Paris, 1741, aux pages 131-132, in Jacques Ulmann, De la gymnastique aux sports modernes, P.U.F, 1965 puis Vrin, 3e édition, Paris, 1982.
On retrouve la ville de Berck et celle de Garches avec plutôt la figure de linfirme handicapé associée aux pathologies des infirmités physiques. Un bon historique de la géographie de l'infirmité se retrouve dans les ouvrages des auteurs B. Allemandou (2001) et R. Murphy (1990).
L'école nationale de perfectionnement (E.N.P) établit en 1951 est à l'origine des établissements régionaux d'enseignement adapté (E.R.E.A). L' E.N.P fut créée à partir de la loi du 15 avril 1909 qui établit le principe d'un enseignement spécial et sa mise en uvre par le ministère de l'instruction publique, on dirait aujourd'hui le ministère de l'Education Nationale.
Francis Fuller à la page 129 "sur les exercices physiques qui sont bons même pour les maladies mentales. " Francis Fuller, Medicina gymnastica, Londres, 1704. Jacques Ulmann, De la gymnastique aux sports modernes, P.U.F, 1965 puis Vrin, 3e édition, Paris, 1982.
L'écrivain et scientifique John Hull se montre bien plus pessimiste que Lyse en disant que : "Le rêve suggère aussi que des fragments de mon ancienne vie, ma vie consciente, celle où je voyais, glissent, s'écoulent autour de moi, engloutis par la cécité.", p. 214. John Hull, Le chemin vers la nuit, traduction de Donatella Saulnier et Paule Vincent, Paris, Robert Laffont, 1990 pour l'édition originale et 1995 pour la traduction française. Centaines déficiences sont elles plus terribles que d'autres à porter ?
La loi sur le handicap instaure la prestation universelle (18/02/05) La prestation "universelle". Notamment, le projet instaure un droit à compensation permettant la prise en charge des dépenses liées au handicap (prestation "universelle"). La prestation universelle sera "versée mensuellement" à la personne handicapée, "quels que soient la nature de sa déficience (...) ou son mode de vie" selon des conditions dâge et de revenu. Elle sera accordée "dans la limite de taux de prise en charge qui peuvent varier selon les ressources du bénéficiaire" (en excluant du calcul des ressources notamment les revenus de l'activité professionnelle de la personne et de son conjoint). Les critères d'âge seront définitivement supprimés dans cinq ans.
On sent encore la crainte de certains voire la réticence à recourir à ces formes de thérapies. On retrouve quelques approches de la psychanalyse dans cet extrait Le porteur de mauvaise nouvelle. Annoncer le handicap par François Chapireau, Psychiatre des Hôpitaux, Hôpital Erasme, 92160 Antony, in L'école des parents, (collectif sous la direction de Muller G), Place au handicap, Revue de la fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, Bimestriel hors série no2, Paris, septembre 2004. "Revenons à Freud et à cette grande dame de la psychanalyse anglaise quest Mélanie Klein. Quand Freud parle du traumatisme, il dit que la mémoire traumatique est une mémoire sensorielle, affective, que la trace que lon garde des événements que lon a pu contenir ou représenter sinscrit dans notre corps et nos émotions ; le temps se fige, se fixe autour de cet événement traumatique et lon retrouve bien là la fixation encore la langage, photographique extrême des parents à ce moment de lannonce. Mais Freud parle aussi des souvenirs écrans idem en disant quil sagit alors pour nous tous dun moyen de mettre à lavant un élément sensé dissimuler quelque chose qui nous est insupportable et irreprésentable."(
) "En aucun lieu, en aucun temps, un tel réel ne se laisse facilement apprivoiser. Il nexiste pas dannonce heureuse. Il nexiste pas de médecins heureux de faire lannonce dun handicap. Il nexiste pas de parents heureux dêtre des parents dun enfant handicapé. Il nexiste pas denfants handicapés heureux de lêtre. Il nexiste que des histoires singulières, des rencontres singulières. Et nous devons tout faire pour aider les parents à survivre, à vivre ensuite, en renouant avec leur capacité de rêver, de penser ; nous devons tout faire pour aider ces enfants à prendre leur place, toute leur place denfant ; nous devons aider les équipes à aider ces parents et ces enfants et nous devons faire en sorte que la handicap ne handicape pas la vie de tous.", p. 11-12.
La semaine pour l'emploi des personnes handicapées bat son plein au niveau national, mais aucune manifestation n'est organisée dans le Loiret. Une carence symbolique : un quart des travailleurs handicapés sont au chômage. Après dix jours de stage, la jeune Célia, handicapée à 80 %, s'est vu signifier qu'il n'était pas "nécessaire" de revenir. Emploi : les handicapés toujours sur la touche. Personne handicapée en galère. Je me suis sentie humiliée, in Journal la République du centre, mercredi 13 novembre 2002, par Sophie Bouquet.
"Le travail, cest cette activité essentielle de lhomme grâce à laquelle il est mis en contact avec son extériorité la Nature, à laquelle il soppose pour créer quelque chose dhumain et, avec les autres, avec lesquels et pour lesquels il réalise cette tâche. Le travail est donc ce qui exprime au plus haut point notre humanité, notre condition dêtres finis, créateurs de valeurs, mais aussi dêtres sociaux. Le travail est notre essence en même temps que notre condition. Jappelle ces pensées légitimation des sociétés fondées sur le travail : leur caractéristique est dapparaître à un moment particulier de notre histoire, celui où le développement du chômage menace le fondement même de nos sociétés et joue comme révélateur de la fragilité de celui-ci voire de sa possible disparition - , et où une partie de la société fait effort pour mettre au jour ce qui était resté jusque-là largement impensé et inexprimé, cest-à-dire le rôle décisif du travail.", in Dominique Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, Paris, Alto Aubier, 1995, p. 18
Elle m'a demandé rapidement le tutoiement mais, et ce peut être un indice ethnographique, dans les moments difficile je devenais le confident, le, "tu", exprimait bien ce fait.
Voir le site de l'A.P.F et de l'université de médecine de Rennes, op.cit., pour le récit de Yohan (Entretiens no 2)." Les cellules détériorées devraient normalement servir à commander. Sans ces cellules, les différents muscles du corps ne peuvent pas fonctionner correctement. Même la parole et le regard fonctionnent avec des muscles, et si les cellules qui les commandent dans le cerveau sont lésées, alors parole et regard seront eux aussi endommagés. Mais les cellules détruites peuvent également être celles qui servent à comprendre et à analyser les informations que le cerveau reçoit ou même qu'il veut envoyer aux différentes parties du corps. Donc l'infirmité motrice cérébrale ne se contente pas de toucher les fonctions motrices Les troubles moteurs constituent la principale manifestation de l'infirmité motrice cérébrale. Au niveau des muscles, cela ne fonctionne pas bien. Les muscles permettent les mouvements. Or, l'adjectif "moteur" vient du nom commun "motricité" qui veut dire : "ensemble des fonctions biologiques assurant le mouvement" (définition du Larousse). Les formes principales des troubles moteurs chez les I.M.C sont : la spasticité (Des raideurs constantes sur certains muscles), l'athétose (Des mouvements brusques incontrôlables) et l'ataxie (Se traduit par un manque d'équilibre). Richard et Paula cumulent plusieurs de ces déficiences. C'est Paula qui est la plus lourdement atteinte.
" Les " biographies " de Luria se distinguent en outre par la durée exceptionnelle (trente ans) des cas décrits : ni Freud ni aucun autre chercheur ne présenta jamais de cas aussi longs. Mais elles sont surtout uniques par leur style qui allie de rigoureuses descriptions analytiques à une très profonde capacité d'emphatie. Ces analyses décrivent un " syndrome " en le référant à la totalité d'une maladie, d'une disposition ou d'une fonction altérée ; mais ledit syndrome, une fois "anatomisé" de la sorte, est inscrit dans une économie personnelle, rapporté à un individu qui est croqué avec une force et un talent dignes de la plume d'un romancier : le syndrome est toujours relié à la personne, et la personne au syndrome. Luria a-t-il toujours réussi à fondre harmonieusement ces deux éléments ? La réponse appartient aux lecteurs de ce livre, mais l'audace et la nouveauté de sa tentative doivent néanmoins être soulignées personne avant lui n'avait conçu de"roman " neurologique.", in Alexandre Luria, L'homme dont le monde volait en éclats, Préface d'Oliver Sacks, Editions du Seuil, Paris, 1998, pp. 11-12.
Il est bien rare que ces lieux soient louangés comme le dit l'auteur : "Ce jour-là, un foyer pour personnes handicapées mentales minvite pour une conférence. On vient me chercher à la gare, me conduit au foyer. Je minstalle dans une chambre. Le cafard menvahit. Le passé, les dix-sept ans dinstitution reviennent avec force. Dehors, les cris, les rires. Je ne peux me soustraire à langoisse. Je sors. De joyeux individus maccueillent. Une jeune femme me plaque ses deux mains sur les épaules et lance : « Tes mignon, toi ! » Je souris, incrédule. Je bois un bol de chocolat. Les pensionnaires sactivent pour que lhôte ne manque de rien et ils déploient avec abondance leur affection. Je suis apaisé", in A. Jollien, Le métier d'homme, Essai, Préface de Michel Onfray, Editions de Seuil, Paris, 2002, p. 53.
En effet, en fonction des handicaps, il fallait adapter les protocoles forts différents pour fixer les données. Une page de données avec Paula pouvait prendre plusieurs jours alors qu'avec Bernard ou Jacques on pouvait avoir 20 à 30 pages en quelques heures. Paroles, écritures, lettres et lettres électroniques les limites sont floues car "in fine" tous devait se transformer en écriture qui est de la parole fixée sur un support non périssable immédiatement.
Op.cit., Université de médecine de Rennes et sites des associations : "Beaucoup d'enfants atteints d'I.M.C ont des problèmes visuels. Certains troubles praxognosiques (ils concernent la faculté d'associer les informations reçues ou envoyées par le cerveau) en font partie, comme on l'a vu. Pour faire simple, on va les présenter en 4 catégories. Quels sont les troubles visuels ? On trouve donc souvent des troubles de la poursuite oculaire concernent la faculté de diriger son regard.
Le strabisme, c'est quand les deux yeux ne regardent pas au même endroit. Si ce dérèglement est fixé, alors il y a un des deux yeux qui finit par ne plus voir. Mais si ce strabisme bouge tout le temps parce que les muscles des yeux ne peuvent pas être contrôlés, alors l'enfant voir tout le temps double et son cerveau n'arrive pas à s'adapter. C'est très difficile d'apprendre à lire avec ce problème. La myopie et l'astigmatie sont des troubles du réglage de la netteté par l'oeil. On peut les corriger avec des lunettes. L'hémianopsie concerne les enfants atteints d'une hémiplégie. Chacun de leurs yeux ne peut voir que d'un seul côté. Là encore ça gêne beaucoup pour apprendre à lire."
Une grande folie je suppose car c'est le montant total de l'A.A.H !
Nous avons tardivement découvert cette méthode qui cadre bien avec cette étude au centre du handicap. P. Vermersch, L'entretien d'explicitation, E.S.F Editeur, Paris, 1994. "En effet, il nest pas nécessaire davoir reçu une formation approfondie pour commencer à utiliser, ne serait-ce que partiellement, les différentes techniques de lentretien dexplicitation, le plus important étant sans doute de donner du sens au but de lentretien ; à cela sajoute la nécessité de prendre en compte lintégration des outils aux objectifs professionnels des stagiaires. (...). Dabord, je demande de repérer dans lentretien toutes les verbalisations qui relèvent du conceptuel (signitif) en les surlignant en couleur ; tout ce qui nest pas surligné relèvera donc de lévocatif". Et plus loin l'auteur ajoute : "Pour employer une métaphore, lattention peut être considérée comme un faisceau lumineux que A déplace, en fonction des relances de B, sur le paysage constitué par ce quil évoque. Soit B, par ses relances, fait déplacer ce faisceau de lattention selon un axe chronologique, cest-à-dire de façon linéaire ; cest la fragmentation de laction qui peut se faire temporellement (et dabord, et ensuite, etc.) voire selon un degré plus fin de granularité (prise initiale dinformation, effectuation, prise finale dinformations). Soit B, par ses relances, fait déplacer ce faisceau de lattention selon un axe vertical, en épaisseur, pour un instant (feuilletage)", pp 27-28.
C'est Dominique Ferté qui nous a permis de faire la différence entre les règles et les usages, entre l'expertise et le bon sens sauvage. Dominique Ferté, De la règle à l'usage, S.A.U.H, CERALP, Grenoble, 2005. Journée sur Le handicap, l'accessibilité l'université : le partage des savoirs et des expertises, Orléans, le Jeudi 23 juin 05.
La pédagogie de la parole, Op.cit., in L'école des parents, 2004, "Cette verbalisation inscrit lenfant dans la culture ; en lui parlant, nous les considérons comme un être capable de culture et nous le lui signifions. Elle peut saccompagner dune mise en gestes, mais cest ce qui se passe par le regard qui donne tout le sens. Chez les enfants aux déficiences visuelles importantes, le geste et le toucher compenseront. Dans lensemble, croiser leur regard et leur donner la possibilité de croiser le nôtre, cest leur donner la possibilité dentrer dans un processus de reconnaissance réciproque. « Cest dans le regard des autres que, parfois, on se reconnaît », écrivait Jacques Prévert. Parce que cest vrai pour nous, cest vrai pour eux. Nous ne pouvons, au fond, les regarder et leur parler que si nous sommes prêts à voir et à entendre la part deux mêmes que nous portons en nous, ce en quoi ils sont des êtres de culture. "
C'est le groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques ou G.I.H.P. Voici leur mission en résumé. Le droit au déplacement est la première des libertés et la possibilité de se déplacer librement constitue le vecteur essentiel de l'intégration. Le G.I.H.P milite pour l'accessibilité totale des moyens de transports publics (bus, tramway, métro) pour les personnes handicapées motrices (y compris les personnes en fauteuil roulant) et sensorielles, tant en zone urbaine que pour les déplacements à longue distance. Il rappelle les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite pour les taxis, trains et avions. Le G.I.H.P gère aussi 33 services de transports adaptés par minibus, dans le cadre de conventions de service public avec les collectivités locales. Il s'agit de transports à la demande avec accompagnement en porte à porte, en complémentarité avec les transports publics accessibles. Les services de transports du G.I.H.P emploient 750 personnes, dont 410 conducteurs, et dispose de 400 véhicules : 20 000 personnes utilisent ses services. Mais nos deux interlocuteurs critiquent le fait que de nombreuses instances telles celles-ci deviennent des espaces pour des marchés économiques centrés sur la personne handicapé.
Nous ne portons pas de jugement sur tels ou tels organismes ou associations, notre approche ethnographique se borne à observer les faits, à reprendre les paroles et à recouper les données en faisceau interrogeable dans une épistémologie rigoureuse.
Des parenthèses de soupçon, surtout lorsqu'on ne sait jamais ce qu'il y a derrière la masque de la personne ? Ce devrait être la vie, une aide pour accompagner un moment de vie.
On retrouve le rôle de l'école qui malheureusement a raté le coche ainsi que la médecine qui elle aussi a raté aussi le coche, il y a seulement trente ans qui nous sépare de cette histoire particulière. Alexandre Jollien raconte aussi la même histoire dans ces années là.
On retrouve souvent cette situation dans le milieu du handicap, non content que les institutions soient des machines à dénégations, les familles, elles aussi, souvent, n'écoutent pas ou plus la demande. Un des premiers soin à avoir pour l'autre c'est une écoute bienveillante. " Le thème de la conscience intentionnelle que les sciences humaines reprennent à la phénoménologie légitime, à un plan épistémologique, le passage de la philosophie à l'anthropologie. Il se voit, en effet, investi dans un éventail de modèles, comme ceux de l'intersubjectivité, de la responsabilité, de l'être- au- monde, de l'inconscient, du transfert... Qui trouvent un fondement dans le paradigme du souci et de la sollicitude (Heidegger) ou du souci de soi (M. Foucault)." [...] " À cette tâche de rechercher peuvent être associées les disciplines qui, sans renoncer à leurs méthodes propres, restent ouvertes à une méthode commune de recherche dite « herméneutique », c'est-à-dire à un travail d'interprétation qui prenne en compte l'écart s'inscrivant entre le plan manifeste le plan latent des conduites humaines, afin d'y lire les langages de la subjectivité à l'oeuvre. Certes, d'une façon privilégiée, la philosophie qui questionne l'impensé, l'ethnologie qui analyse l'inconscient culturel et la psychanalyse qui interpelle « l'adire » du désir peuvent s'inscrire dans une même visée épistémologique, mais elles peuvent être rejointes aisément par celles des autres sciences humaines qui ne marchent pas à reculons vers l'inconscient." [...] "Les gestes de soin, pris entre cura, care et cure convoquent technique, éthique, esthétique et thérapeutique. Ils matérialisent les postures existentielles du souci et, par voie de conséquence, reprennent autant de façons de traiter ce dernier et d'aborder symboliquement aussi bien les choses et les biens, que les êtres et les personnes.", in J-P Resweber. (Sous la direction de) : "les gestes de soin", Editions le Portique, sous la direction de J-P. Resweber, Metz et Strasbourg, 2003, pp 7 à 10.
C'est nous qui précisons.
Pour Elyse, il faudrait créer une nouvelle catégorie pour décrire ses difficultés médicales peut être que le terme pluri handicaps conviendrait par opposition à polyhandicap à consonances plus gravissime encore. L'entretien avec une directrice d'une M.A.S m'a permis de retrouver et mettre sur la définition des images qui étaient restées en moi depuis mon stage chez les "grabataires", comme on le disait à l'époque (1980-1983) dans l'univers psychiatrique.
B. Allemandou, Histoire du handicap. .Enjeux scientifiques, enjeux politiques, 2001, op. cit., pp. 147-150, "Lors de la 1er Conférence internationale du service social qui se tient à Paris, en juillet 1928, Suzanne Fouché intervient au nom des infirmes pour la prévention du chômage et demande au service sociale de sintéresser activement la reprise du travail des « diminués physiques » et de semployer à la solution des problèmes suivants. Ainsi simpose lidée que, puisque les convalescents et infirmes sans qualification professionnelle sont les derniers embauchés et les premiers débauchés, seule la valeur professionnelle pourrait compenser leur déficience physique. Suzanne Fouché rencontrera André Trannoy en 1933 qui, avec des poliomyélitiques, fait le projet de se prendre en charge collectivement. Le L.A.D.A.P.T les accueillera quelque temps dans ses locaux. Ils fonderont une association qui deviendra lAssociation des paralysées de France (A.P.F). Ainsi, de 1929 à 1939, la Ligue fait lexpérience pratique des solutions à promouvoir pour que le malade et linfirme aient leur place dans la société." (
) "Finalement le L.A.D.A.P.T verra se concrétiser sur la scène politique le combat mené en faveur des malades et infirmes, le droit à la rééducation professionnelle étant reconnu avec la création de la Sécurité sociale. Lordonnance du 3 juillet 1945 établit le principe de la réadaptation, de la rééducation professionnelle et de lassistance par le travail, accompagné de la création dune allocation compensatrice pour les aveugles qui travaillent. La loi Cordonnier, du 2 août 1949, étend ce système aux infirmes dont linfirmité, congénitale ou acquise, entraîne au moins 80% dincapacité permanente. Sont abrogées les dispositions de la loi de 1942 interdisant aux aveugles et grands infirmes laccès à lenseignement public."
Le fait d'avoir autant les difficultés, d'objets contraignants, fait d'elle une personne dont on doit soupçonner le fait d'être une hypocondriaque. La limite entre normalité, anormalité et pathologique se retrouve encore ici dans des syndromes ambiguës pour le corps médical. C'est la raison de la défiance de l'hôpital pyrénéen qui n'a pas hésité, malgré sa douleur, de la laisser dans le couloir à attendre !
Des situations de handicaps comme celui acquis par des fautes médicales commencent eux aussi à poser des problèmes juridiques et sociaux. On en parle peu car ils constituent ce que l'on désigne par le vocable "d'erreurs médicales". Erreurs dont quelques unes sont irréversibles.
Le regard de pitié ou de dégoût est omniprésent dans l'approche des différences. E. Goffman, Stigmate : les usages sociaux des handicaps, les Editions de Minuit, 1963, pour la traduction française 1975, souligne que : "Les individus totalement et visiblement stigmatisés, quant à eux, endurent une indignité qui leur est propre : celle de porter leur état comme un brassard, en sachant que chacun peut les percer à jour. Notre hypothèse et donc que, pour comprendre la différence, ce n'est pas le différent qu'il convient de regarder, mais bien l'ordinaire. La question des normes sociales demeure certes au centre de l'étude, mais notre intérêt ira moins à ce qui s'écarte extraordinairement du commun qu'à ce qui dévie communément de l'ordinaire.", pp. 149 -150.
Ce site sur, l'Evaluation de la douleur chez le sujet polyhandicapé par le Dr. Geneviève Metton, 2002 est l'un des rares qui situe puis analyse la douleur chez la personne qui ne peut l'exprimer comme le sujet polyhandicapé mais aussi comme Elyse sujet à une poly pathologie. G. Metton donne en la définition suivante : "Le sujet polyhandicapé est très largement exposé à la douleur, en raison de la poly pathologie quil peut présenter. Le plus souvent il y est exposé depuis sa naissance : séjours en réanimation, sonde naso-gastrique, ponctions sanguines, etc... "(...) "Le terme de polyhandicap a été développé pour désigner les lésions cérébrales congénitales les plus sévères et remplacer les termes dencéphalopathie et d arriéré profond. Les états "pauci relationnels" de ladulte secondaires à des lésions cérébrales acquises (traumatisme crânien, tumeur cérébrale, maladie dégénérative du système nerveux central, anoxie cérébrale, etc) peuvent être assimilés au polyhandicap. Le point commun à toutes ces situations est labsence de communication verbale ou codée, nécessitant donc une approche de la douleur par lhétéro-évaluation."
C'est ce que veut nous signifier G. Canguilhem quand il écrit que toute guérison 'est jamais le retour à l'innocence biologique et il ajoute qu'au mot de Kant : "Le bien être n'est pas ressenti, car il est simple conscience de vivre " fait écho la définition de Leriche : "La santé c'est la vie dans le silence des organes". Mais c'est dans la fureur de la culpabilité comme dans le bruit de la souffrance que l'innocence et la santé surgissent comme les termes d'une régression impossible autant que recherchée. In Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, P.U.F Quadrige, Paris, 1966, Réédition n°8, 1999, p. 180.
L'affaire Vincent Humbert qui a poussé aux limites éthiques deux mondes, celui de la famille pour une fois associé à celui de la médecine. Une législation est en train de naître depuis 2005 pour protéger les individus et ouvrir de nouveaux espaces juridictionnels.
"Après la deuxième guerre mondiale, les aviateurs de la Royal Air Force, blessés au combat, suivent une rééducation à lhôpital de Stoke-Mandeville, près de Londres. Le docteur Ludwig Guttman, neurochirurgien, est conscient que ces patients ont besoin de distractions et dexercice pour guérir dans son centre, le jour de louverture des Jeux Olympiques de Londres de 1948, la première rencontre sportive pour les personnes en fauteuil. Les Jeux paralympiques étaient en marche et, au delà de la compétition, lidée du bienfait dune activité physique sur un corps amputé ou diminué. La Fédération Handisport, créée en 1977 et reconnue dutilité publique en 1983, se situe dans la droite ligne de cet héritage.
Handisport organise des activités physiques pour ceux dentre eux qui sont handicapés physiques, moteurs ou visuels (1). « Les bénéfices à attendre de la pratique dun sport sont les mêmes que pour les valides, explique Jean Paul Moreau, président du comité régional Ile de France Handisport. Elle permet de coordonner ses mouvements, de se retrouver par rapport au handicap, et surtout de prendre confiance en soi. » Car si 30% des licenciés font de la compétition, fait moins connu : 30% pratiquent un sport comme une simple activité de bien-être. A Handisport, on tient beaucoup à ces activités de loisir comme la preuve vivante que le sport sadresse à tous. « Pour un handicap, il y a au moins deux ou trois activités possibles », tient à préciser Jean Paul Moreau. Et avec un éventail de 46 disciplines et pratiques sportives 17 sont des disciplines paralympiques (14 dété et 3 dhiver) on a pas le temps de sennuyer. Les courses en fauteuil peuvent être recommandées à un tétraplégique, un amputé des membres supérieurs ou inférieurs. Un malvoyant aura la possibilité de pratiquer la basket, mais aussi la cyclisme en tandem, le foot, le judo, la natation ou encore le ski.", Sport et jeux pour tous, handisport bouger comme les autres, in L'école des parents. : (collectif sous la direction de Muller G), " Place au handicap ", , Revue de la fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, Bimestriel hors série no2, Paris, septembre 2004.
Nous rappelons aux lecteurs cet opus pour plus de clarté. Deux fédérations regroupent en France les sportifs handicapé. Elles ne sont pas en concurrence car elles s'adressent à des pratiquants différemment affectés. La Fédération Française Handisport (F.F.H) regroupe ceux qui sont atteints dans leur motricité et leur vision : para et tétraplégiques, amputés, infirmes moteurs cérébraux, aveugles. La Fédération Française du Sport Adapté (F.F.S.A) concerne les personnes handicapées mentales atteintes de troubles de la personnalité.
" La F.F.S.A permet au plus lourdement atteints de s'exprimer dans des jeux non codifiés. Adapter le sport aux handicapés implique évidemment des appareils spécifiques. Notre culture réserve le haut du pavé au sport de compétition. Le spectacle médiatique affiche le culte de la performance. Pourquoi les handicapés ne trouveraient-ils pas dans les confrontations avec leurs pairs l'exaltation de leur volonté de vaincre, l'affirmation de leur confiance en eux-mêmes ? Pourquoi n'auraient-ils pas la possibilité d'accéder au haut niveau ?" (...) "Aussi en rapprochant le phénomène de l'infirmité de celui du sport, au moyen par exemple des termes du sport adapté ou d'handisport, notre culture « intègre » l'infirmité qui n'échappe plus elle-même aux exigences, aux rentabilités, aux « lois » valables pour tous. C'est notre façon d'apprivoiser l'écart que représentent les hors du commun et de réduire le plus possible cet écart. Les personnes infirmes devenues handicapées, sont vues en cette fin de siècle comme des citoyens à « performer » et comme des sujets qui au moins en principe peuvent et doivent réussir." Henri Jacques sticker écrit : « la figure du handicap est une manière de penser la non-conformité, la différence dans les limites de notre raison productiviste et technologique, donc aussi de nous la rendre admissible.", in F. Courtine, A quoi sert l'éducation physique et sportive dans le champ du handicap? Effets des pratiques physiques et sportives sur les rapports entre l'infirmité la société, In Dossier E.P.S n°29, A quoi sert l'éducation physique et sportive ?, sous la direction de Bernard Xavier René, C.R.U.I.S.E de Poitiers, Éd. Revue E.P.S, Paris, 1999.
Malgré ce dispositif des conflits commencent à naître dans ces espaces médiatisés car le handicap, à l'instar d'autres produits, devient un objet économique, un produit marchand comme un autre.
Voilà le véritable sens du "handicap" pour égaliser les chances. On pourrait s'en inspirer au niveau scolaire ainsi que faire pratiquer des activités mixtes comme le basket fauteuil ou des courses "handicap sensoriel" en privant alternativement la personne valide du sens de la vue ; les combinaisons peuvent varier à l'infini.
Pour "annoncer le handicap, le porteur de la mauvaise nouvelle" est toujours dans une position difficile comme dans cet extrait écrit par un parent : "Jallais être lhomme le plus heureux du monde, avec le plus beau bébé du monde et je me suis retrouvée sur un ring, le médecin avait des gants en face de moi, il a frappé, jétais K.O., en sang, en sueur : quand jai repris mes esprits, il y avait Pierre qui criait." (...)"Le père de Pierre, porteur dune spina bifida (...) Lannonce du handicap est bien ce coup de poing que les parents ressentent. Cest dans leur chair même quils sont touchés, atteints.
Finissons par Bruno Bettelheim qui, à partir dautres expériences, a parlé des situations extrêmes. Il les qualifie par ce fait que lindividu y est « catapulté » sans pouvoir en rien comprendre et quil est amené à « toucher le fond » : son seul projet alors ne peut être que de tenter de « survivre ». Les réactions dans ces situations extrêmes sont pour Bettelheim de trois types : se laisser détruire par ces expériences, les nier dans sa tête et dans sa chair, et en dénier toute conséquence durable ou sengager pendant toute sa vie à lutter contre elles. Les parents denfants porteurs de handicap vivent ces réactions."
L'école des parents, Place au handicap, Revue de la fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs, Bimestriel hors série no2, Paris, septembre 2004, p. 10.
Voir à ce sujet le film difficile mais époustouflant, Mar Adentro, de Alejandro Amenabar en 2005. Un ancien marin de Galicie après un accident gravissime à l'age de 25 ans décide doucement de "partir. Une histoire vraie qui se termine par une mort "filmée". Ce combat dans la dignité humaine pose encore avec force et humour le problème frontière de la mort par euthanasie. Vivre ou ne plus vivre : à qui appartient la réponse ?
Ce n'est certainement pas Paul et Reine (Entretiens no9 et 9bis) qui diront le contraire dans le parcours du combattant qu'ils ont du affronter pour sortir de leur situation, pour avoir le droit de se marier enfin.
Pour certains cela prêteraient à sourire mais derrière ces actes simples, quelle victoire pour les personnes qui n'ont connu que l'univers psychiatrique. C'est un pédagogie des petits pas, minuscule qu'on doit mettre en place. Op. cit., p. 20, La pédagogie du minuscule, in L'école des parents, Place au handicap , 2004. Cet extrait doit faire percevoir aux soignants, aux chercheurs, aux pédagogues ainsi qu'aux parents que : "Ce « minuscule » caractérisant notre démarche avec eux se double dun paradoxe. Nos attentes et notre espoir sont illimités, alors même que nous savons que, chaque jour, lévolution est minime. Il arrive, par ailleurs, quun problème ponctuel de santé, un déséquilibre, une difficulté relationnelle remettent en cause la dynamique dacquisition. Tout est instable, fragile. Il nous faut donc regarder sans cesse les potentiels sur lesquels nous pouvons nous appuyer."
Nous avons choisi cet extrait pour la double symbolique du laminoir institutionnel et du métier de sidérurgiste perdu de notre témoin. "Les structures de l'établissement doivent s'articuler dans une praxis totale dont le but demeure le recouvrement de la santé : « l'hôpital jouerait et du point de vue thérapeutique un rôle analogue à celui du psychanalyste. Il serait l'objet d'investissements successifs de ces conflits ; et la dialectique de la guérison passerait, pour ainsi dire, dans le laminoir de transferts et de projections que la structure sociale de l'hôpital pourrait permettre ».", in E. Goffman, Asylums, 1961 et Asiles, Paris, Les éditions de Minuit, 1968, p. 26.
Il parle souvent de blocage, c'est le vocabulaire qu'il utilise dans les moments de doute.
Maladie, dont elle n'a pas même prononcé le nom ; elle m'a juste dit que c'était une très grave maladie dont on ne guéri jamais.
"L'être humain étant complexe et malléable à la fois, la personnalité est amenée à se corriger ou à se modeler en fonction des évènements, du contexte, des traitements psycho chimiothérapiques etc...La psychiatrie actuelle reconnaît généralement 3 types de personnalités ou structures pathologiques sur lesquels viennent se greffer des troubles mentaux plus ou moins sévères en termes de pronostic selon les cas : La personnalité névrotique : axe des troubles dépressifs et anxieux principalement, La personnalité psychotique : axe des troubles psychotiques et apparentés (schizophrénie etc...), La personnalité limite, entre névrose et psychose.
Notons que les écoles de pensée étant nombreuses, les avis divergent encore quant à cette classification tripartite plutôt formelle.
Le D.S.M-IV TR ne rend pas compte des concepts de névrose et de psychose, notions nées en Europe. Les deux termes ont disparu du manuel diagnostique américain dès 1980, date de parution du DSM-III, ceci dans le souci d'une approche "athéorique" des maladies mentales. Dans le DSM-IV TR, il est question respectivement de "troubles de l'humeur/ anxieux" et de "schizophrénie et autres troubles psychotiques".
Le terme "borderline" quant à lui correspondrait à celui de limite en France", in Les maladies mentales des adultes sur le site très détaillé de psymedic : http://web.net-time/psymedic/pages/TroublesMtx.htm
D.S.M-IV TR : Diagnostic Criteria for the most common mental disorders including: description, diagnosis, treatment, and research findings. This list is a shortened version (incomplete) of the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - Fourth Edition (D.S.M-IV), published by the American Psychiatric Association, Washington D.C., 1994, the main diagnostic reference of Mental Health professionals in the United States of America.
E. Goffman, Asylums, 1961, op.cit., pp. 37 -38 : "Je pensais, et je pense encore, qu'il n'est pas de groupe - qu'il s'agisse de prisonniers, de primitifs, d'équipages de navires ou de malade -ou ne se développe une vie propre, qui devient signifiante, sensée et normale dès qu'on la connaît de l'intérieur ; c'est un excellent moyen de pénétrer ces univers que de se soumettre au cycle des contingences qui marquent l'existence quotidienne de ceux qui y vivent."
"Les limites de ma méthode et des modalités de son application sont évidentes : je ne me suis permis à aucun moment de prendre parti si peu que ce fût et, l'eussé - je fait, mon champ d'action, la diversité de mes activités, et par là l'ampleur de mon information en auraient été réduits d'autant. Me donnant pour objet l'étude ethnographique de certains aspects particuliers de la vie sociale des malades, je n'ai pas employé les moyens habituels de mesure et de contrôle. J'étais convaincu que les difficultés du rôle et de la perte de temps qu'eût entraînée la recherche de la preuve statistique de quelques assertions m'eussent empêché de recueillir des informations sur le contexte et l'organisation de la vie du malade. Ma méthode connaît encore d'autres limites [...] Pour ma défense, je dirai qu'en cédant à cette partialité on rétablit au moins l'équilibre puisque presque tous les ouvrages spécialisés relatifs aux malades mentaux, présentent le point de vue du psychiatre qui est, socialement parlant, totalement opposé."
Le témoignage de Nicole et Philippe dans l'émission de Daniel Mermet, Là-bas si j'y suis, les lundi et mardi 15 et 16 septembre 2003 de 17 h à 18 h sur France inter. Nous avions retranscrit l'émission pour en faire un témoignage d'appui comme nous l'avions fait pour de nombreuses données dans cette année 2003, année européenne du handicap. Dans son témoignage Philippe parle "de misère lourde dans le regard des autres". Nos deux amis " Handicapés déficients mentaux" dialoguent avec une belle lucidité sur un monde qui les désigne comme des citoyens à part. Ils nous donnent leurs témoignages sur leur vie de couple de personnes handicapées. Cette émission a bouleversé la France par l'exceptionnelle lucidité de Philippe sur son état, par la poésie touchante de sa parole. Il connaît Nicole Diederich à qui il rend hommage pour le soin, l'écoute qu'elle a eu pour eux.
Ce handicap mental dont on connaît les différences dans la nosographies entre les écoles Américaines et françaises .Voir pour compléter l'analyse : The Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - Fourth Edition (D.S.M-IV), published by the American Psychiatric Association, Washington D.C., 1994.
"Le champ de la santé mentale est de nos jours, dominé par les courants neuro-scientifiques et biologiques qui veulent à tout prix évaluer, classifier, découper et surtout « biologiser » le comportement humain. La clinique psychiatrique, inféodée au discours de la science et de sa pharmacopée, postule une cause biologique aux phobies, aux dépressions, aux psychoses. Certes lefficacité des neuroleptiques, quoique relative, est incontestable ; ceci ne nous empêche pas de critiquer la démarche qui vise à confirmer le diagnostic par leurs effets : « Il existe des antipsychotiques, des antidépresseurs (...) Il existe donc des psychoses, des dépressions » "
"La psychiatrie classique disparaît donc aujourdhui au profit dune médicalisation de la santé mentale. Disparaissent aussi les catégories diagnostiques lui permettant détablir une distinction entre névrose et psychose. Dès lors, les cliniciens modernes sen remettent au Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Ce traité dentités nosographiques, fondé sur une liste de signes cliniques ou de descriptions détats, ne présente plus aucun souci ni de catégorie ni dexplication ni de structure psychopathologique. Dans sa dernière version (DSM-IV), les psychoses sont maintenant regroupées en une seule catégorie clinique, soit la schizophrénie à laquelle sajoutent les « troubles » psychotiques divers.", In Quest-ce que la psychose ? Conférence grand public, le 28 mai 1999 par Michèle Lafrance Octobre 1999. On complétera par l'ouvrage de E. Zarifian, Un diagnostic en psychiatrie pourquoi faire ?, in La querelle des diagnostics, Paris, Navarin, 1986.
Reine et Paul : nos témoins, acteurs, artistes dans notre Suivi de la troupe de danse ability du petit théâtre d'Ernest de Metz, entretiens de bouclage et séminaires à Metz de mars à juillet 2003 à 2005, dans notre suivi sur les Journée initiées par nos soins et ceux de P. Guillaumet metteur en scène dans le cadre transversal entre l'Université-les Staps-lesAssociations", in Cultures et différences pour une autre approche corporelle, Universités d'Orléans, les 24-25-26 mars 2005.
Derrière les simples mots de Reine on peut trouver ceci : "Mais ce droit à vivre son corps nest pas reconnu pour les handicapées mentaux car la dignité de la personne humaine interdirait de les placer dans une situation de maternité : il faudra être pleinement conscient mais lest-on dans les cas dhandicaps sociaux comme lalcoolisme ? pour éduquer des enfants. Le paradoxe de notre société scientifique est de développer une haptophobie légale par linterdiction légitime du harcèlement sexuel, de linceste, de lexcision, de la pédophilie, au nom de lindisponibilité du corps ; tout en passant sous silence, au nom dimpératifs non explicites, les stérilisations tubaires, le dopage, les tris dembryons. Lhypocrisie sert les intérêts des individus correspondant idéalement au profil type du corps fonctionnel et productif. Les autres, chômeurs de longue durée ou travailleurs handicapés, doivent être maintenus dans des structures spécialisées (C.A.T) ou dans des stages dits qualifiants afin de les protéger de la compétition économique qui ne les intégrera jamais.", in Nicole Diederich, Les naufragés de l'intelligence, Editions du V.U.P.S., 1998, et aussi, Stériliser le handicap mental, Editions de l' E.R.E.S., 1998, p. 109.
Voilà une information rapide sur cette maladie : nom de maladie : Amyotrophie spinale infantile type II, aussi nommé : S.M.A.2, gène : SMN1, protéine : protéine de survie du motoneurone, locus : 5q12.2-q13.3
"Le corps humain est constitué de vingt-trois (23) paires de chromosomes. Les emplacements précis des gènes sur ces chromosomes sont appelés des locus. Le locus représente en quelque sorte les coordonnées cartographiques dun gène sur un chromosome. Les généticiens identifient les gènes en attribuant à chacun un code court et exclusif composé sur le même principe que la codification symbolique courte donnée aux composants chimiques ou aux symboles didentification de produits de commerce. Le nom dun gène est souvent associé, mais pas toujours, à la substance quil fabrique lorsque le mécanisme biologique cellulaire décode cette substance. Cette protéine ou cette enzyme jouent souvent un certain rôle dans les causes de la maladie. Les traitements des maladies génétiques reposeront vraisemblablement sur la réparation ou lélimination du produit génique altéré.", in http://www.muscle.ca/content/index.php?id=925Amyotrophie spinale infantile type II (SMA2)
Autour de la structure "Prélude", au cur du campus, un(e) étudiant (te) en fauteuil peut accéder aux cinémas, aux stations de ski. Nous avons rencontré Dominique Ferté une ergothérapeute qui nous a fait visiter le campus, les 29 et 30 mars 2004, pour mesurer l'ampleur du travail effectué sur l'accessibilité à ce jour. Mais le succès fait aussi que le site est saturé.
Voir à ce sujet la circulaire ministérielle du 27 mars 1994. 7500 à 8000 étudiants sont inscrits à l'université en 2005. Voir le site handiscol pour des chiffres plus précis et les caractéristiques des personnes.
Le projet anti-Perruche à la peine, analyse dans la presse nationale et dans le journal Libération du 09/01/2002. On note qu'il n'y a plus de mise en cause du médecin ayant commis une faute de diagnostic, et on trouve le principe de réparation personnelle.
Pour une vision globale sur les myopathies, HYPERLINK "http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/neuro/myopathies.htm" \t "_blank" http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/neuro/myopathies.htm, "Les myopathies héréditaires concernent les dystrophies musculaires de l'enfant, de l'adulte, les myopathies congénitales, les myopathies métaboliques, par contre es myopathies acquises concernent les myopathies endocriniennes, les myopathies toxiques médicamenteuses, les myosites.", par les neurologues V. de Deburghgraeve et S. Belliard du service de neurologie, C.H.U de Rennes, 1999.
Témoignage d'Alexis Ridray sur son parcours à l'université, A la fac comme sur des roulettes, Editions Dianoïa, novembre 2004.
A.F.M, op.cit., sur le site très exhaustif à l'adresse : HYPERLINK "http://www.afm-france.org/" http://www.afm-france.org/
ibidem. Plan national "Maladies Rares" Le 20 novembre, Philippe Douste-Blazy ministre de la santé, accompagné du ministre de la recherche et de la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, a annoncé le Plan national maladies rares 2005-2008. Cette annonce met en oeuvre une des dispositions de la loi de santé publique d'août 2004 qui avait retenu les maladies rares comme une des 5 priorités stratégiques de santé publique. Evénement historique dans la reconnaissance des maladies rares, ce plan balaie l'ensemble de la problématique, de la recherche aux soins, à l'information et à la prise en charge. Il se décline autour de 10 axes dont l'A.F.M partage les grands objectifs. Mieux connaître l'épidémiologie de ces maladies; développer l'information; former des professionnels de santé; reconnaître les maladies rares dans le dispositif des affections de longue durée; mieux organiser le dépistage et le diagnostic; poursuivre l'effort en faveur des médicaments orphelins sont autant d'orientations préconisées de longue date par l'AFM. L'épine dorsale de ce plan est sans nul doute la labellisation et le financement des centres de références (40 millions d'euros de nouveaux crédits) qui sont, à terme, une réelle avancée dans la prise en charge des patients. Du côté de la recherche, l'Etat, ce qui est nouveau, s'engage sur la durée du plan. Le ministère de la santé bloquera une enveloppe spécifique maladies rares dans son programme hospitalier de recherche clinique (22,5 millions d'euros sur 4 ans) et le ministère de la recherche s'engage à hauteur d'un total de 20 millions d'euros dans un programme pluriannuel de recherche qui se substituera à l'actuel G.I.S Institut des maladies rares.
C'est bien récemment que sous pression du parlement que les sénateurs ont du faire marche arrière sur un article scandaleux qui pouvait rendre l'intégration scolaire des jeunes quasiment caduque s'il était voté en l'état !
Des déficiences certes, mais aussi un projet de vie : "Par définition aussi, le droit à compensation repose sur une évaluation individuelle des déficiences, en fonction du projet de vie de lintéressé. Il ne peut se référer à un barème prédéterminé comme les aime ladministration. Il sadapte et couvre aussi bien des interventions ponctuelles comme aménager un logement ou acquérir un logiciel spécifique qui permettra de communiquer et de poursuivre des études que des aides pérennes, telles que lintervention dauxiliaires de vie qui autorise linstallation ou le maintien à domicile. Il peut prendre des formes très variées daides techniques, animales ou humaines, ces dernières incluant aussi laide juridique de la tutelle due aux personnes handicapées mentales ou psychiques surtout si, elle aussi, tend à favoriser le maximum de vie autonome.", Pourquoi rénover la loi de 1975 ! , in Activités Sociales Hebdomadaires (A. S. H.) du 23 janvier 2004, numéro 2343, pp. 41-42.
Jean nous signale que pour avoir plus d'informations sur ce monsieur : vous pouvez poser des questions à mon père puisqu'il le connaît et qu'il habite à St Pryvé St Mesmin. En effet, sa parole serait intéressante sur des sujets brûlants comme la fin de vie, l'ergonomie de la vie au quotidien. De tels témoignages "non médiatiques" pourraient se révéler d'une grande valeur ethnographique. C'est exactement dans de tels lieux que notre recherche devra se déployer pour rassembler les morceaux épars du domaine anthropologique "handicap" au sens de H.-J. Stiker (1982-1997), C.Gardou (2005).
De fierté mal placée ! Mais c'est lui qui souligne plutôt le terme de "honte"! Peut être que le handicap de certaines personnes n'est pas assez grave, spectaculaire pour être digne d'en parler !
Nos amis Jean ainsi que Johan ont participé à la vie de ce lycée pilote. M. Jean-Pierre Claude, Mme Monique Pasqualini, professeurs au Lycée Toulouse Lautrec de Vaucresson insistent sur les faits suivants : " Ce sont même, quelquefois, les handicapés qui invitent les valides dans leurs structures (par exemple : le centre académique descalade de Paris est situé à lInstitut National des Jeunes Sourds de Paris ; le lycée Toulouse Lautrec organise les championnats départementaux descalade et invite des valides à des rencontres en natation et en athlétisme. Reste le problème des jeunes handicapés intégrés dans les établissements scolaires traditionnels. Il est indispensable de pouvoir les regrouper, si lon veut quils puissent pratiquer certaines activités tels que les Sports déquipes (basket en fauteuil, foot-fauteuil électrique, etc.) ou ceux nécessitant des moyens adaptés. Des expériences sont déjà réalisées (ex : à lInstitut National des Jeunes Aveugles de Paris)." Nous avons contacté les auteurs de ces lignes en septembre 2004 pour interroger leurs pratiques et partager leurs savoirs.
C'est la loi sur "l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" qui a été publiée au Journal officiel le samedi 12 février 2005. Des polémiques subsistent car les demandes une fois encore ne furent entendues que difficilement !
Etranges, étrangers, étrangetés des modes de vie : de nombreux travaux seraient à mener pour avoir une vue comparative sur la manière de traiter la personne handicapée en Europe d'abord puis dans le reste du monde. Nous ne manquons pas une occasion lorsque des amis chercheurs de toutes obédiences scientifiques partent en colloque quelque part dans le monde, de leur demander de nous rapporter des renseignements ou de jeter des liens pour le futur. (Cameroun, Ethiopie, Canada, Tunisie, Roumanie, etc)
"Au cur de la Sologne, dans un cadre préservé, nous proposons des conditions d'hébergement propices au bon accomplissement du parcours d'orientation et de formation professionnelles de nos stagiaires, préalablement orientés par les C.O.T.O.R.E.P. Nous sommes gérés par la F.N.C.P.G-C.A.T.M, reconnue d'utilité publique sous le sigle F.N.P.G par décret de 1948. Notre C.R.P est un centre agréé par l'A.F.P.A. Près de cinquante salariés. Ils s'assurent que le parcours de 115 stagiaires puisse se dérouler dans les meilleures conditions. En termes de résultats, environ 70% des stagiaires en recherche d'emploi trouvent un poste dans les 6 mois suivant leur sortie du C.R.P (statistiques activité 2004)". In le site : www.lesrhuets.org, Centres de Pré orientation et de Rééducation professionnelle des Rhuets (C.R.P), dernière modification le 22 avril 2005.
C'est Jacques qui souligne dans son récit ce terme de "l'handicapé" sans faire référence à la personne. Je n'ai pas corrigé sauf dans nos deniers entretiens lorsque nous avons abordé les termes de la loi de 2005
Le travail de l'I.N.S.E.E dans son enquête sociologique : "handicaps, incapacités, dépendance" (H.I.D) donne une vision d'ensemble du handicap en France.Elle sert de support à l'article, 12 millions de français subissent un handicap. Le Monde interactif et le journal le Monde, les 05 et 09 octobre 2002, par Sandrine Blanchard.
Voir notre grille symbolisée par la triade des "3C" en ce qui concerne la sémantique autour du cur dans le handicap. Si la notion de "pitié" est pire que tout pour eux, les notions d'amour et d'amitié sous toutes les formes que se soient aident à la "guérison".
C'est presque un euphémisme lorsqu'on sait la lutte qu'il a du mener contre un cancer dans la sphère abdominale. Il m'a avoué la véritable raison de ce "petit souci de santé" quand la guérison était assurée.
A l'heure de l'écriture finale de ces pages (juillet 2005) nous ne savions pas encore l'échec de la candidature de la France aux jeux olympiques et paralympiques à Paris !
On aura noté toute l'esthétisation de la rhétorique chirurgicale ! Il est vrai qu'il faut nommer la "maladie" pour l'identifier, c'est une constante dans le milieu du handicap.
Présence dair dans la cavité pleurale, normalement virtuelle, en dehors de tout traumatisme ou de tout geste médical. Le pneumothorax fait suite à une rupture brutale et localisée de larbre aérien broncho- alvéolaire, qui se produit au niveau dune lésion rendant la couche corticale des alvéoles pulmonaires plus fragile quelle ne lest normalement; il se traduit par un point de côté brutal et par une gêne respiratoire modérée; exceptionnellement, notamment sil vient décompenser une insuffisance respiratoire chronique, il saccompagne dune insuffisance respiratoire aiguë. Dictionnaires de la langue françaises (D.O.L.F) 2005.il s'agit ici d'un choc traumatique et l'air est présent entre les feuillets de la plèvre.
Deux sites l'un médical et l'autre grand public traitent de ce sujet difficile qui touche aussi les personnes en fauteuil.(dix dans notre étude). "Les patients souffrant de troubles de la sensibilité ne peuvent percevoir la douleur qui accompagne une pression excessive prolongée et provoque normalement un mouvement même imperceptible qui soulage les tissus. Les troubles de la sensibilité se rencontrent chez : les patients atteints de maladie neurologique : hémiplégie (suite à un accident vasculaire cérébral), les blessés médullaires : paraplégiques, tétraplégiques, les patients souffrant de certains troubles de la conscience, de démence..., certains diabétiques ayant un diabète ancien. "Les patients souffrant de troubles de la mobilité vont avoir des difficultés à échapper à une pression excessive prolongée, même lorsque la douleur liée à celle-ci est perçue. Les troubles de la mobilité se rencontrent chez : les blessés médullaires : paraplégiques, tétraplégiques, les patients post-opératoires immobilisés, les patients souffrant de certains troubles neurologiques : parkinsoniens, hémiplégie etc" in http://www.escarre.fr/aaz/pression/mobilepb.htm et aussi http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/escarre.html
"Le problème des amputations a été souvent évoqué au cours de cet exposé sur la pathologie des artères. La gangrène est, hélas, le lot de nombreuses artériopathies, quelle survienne à la suite dune ischémie aiguë ou quelle soit la conséquence ultime dun appauvrissement circulatoire progressif. Cest donc un constat déchec, et il est douloureusement ressenti tant par le malade que par le chirurgien qui doit sefforcer par tous les moyens de léviter. Cest dire quil faut tout tenter pour garder un membre et, si cela est inévitable, pratiquer une mutilation relativement acceptable. Lamputation de cuisse, chez un homme âgé, fatigué, cardiaque, est catastrophique, car elle nest guère appareillable et fera du malade un grabataire ou un condamné à la chaise roulante. Lamputation de un ou plusieurs orteils, voire de lavant-pied, constitue un sacrifice que la plupart des artéritiques peut consentir sans dommage. Elle supprime les douleurs et rend rapidement le malade à une vie normale ou semi-active. Si la gangrène est plus extensive, il faut amputer plus haut en conservant à tout prix le genou, qui est une articulation indispensable : lamputation se fait au tiers supérieur de la jambe, ce qui autorise la reprise rapide de la marche grâce aux prothèses modernes assurant à lamputé une complète autonomie et sa réintégration sociale."
In, C. Elbaz, Débat sur le traitement chirurgical de lathérome, oblitérant chronique des artères du membre inférieur, in Bull. et Mém. de la Société des chirurgiens de Paris, vol. LXI, 1971, et Le problème des amputations, Claude Elbaz, chirurgien, Encyclopédia Universalis, U 1999, version V.
Lyse, dans les entretiens no6, dit exactement le contraire ! Le fait d'être handicapé de naissance ou de "l'acquérir" par la suite constitue vraisemblablement une limite. Mais ou s'arrête le rêve des uns ou des autres, qui peut empêcher Yohan, "l'I.M.C" ou Serge "le Duchenne" de vouloir marcher, courir, naviguer ou faire du delta plane ! C'est rarement ce que propose la société aux handicapés les plus lourds pour concrétiser quelques uns de leurs rêves.
A l'instar du film "Mar Adentro ", que nous avons cité et analysé dans le tome I de cette étude qui est un modèle du genre au même titre que le film "Shoah", il mériterait donc pour son éblouissant didactisme ainsi que sa force anthropologique, de figurer parmi les documents à montrer dans tous les collèges, les lycées et les universités.
On retrouve ici dans cette phrase, le premier principe clinique, qui est l'écoute attentive des soucis de l'autre.
Oui sur un pied d'estale, sur un même pied d'égalité, je trouve l'expression non seulement poétique mais éthique.
Ou se faire "tuer" par d'autres. L'éducation passe par tout un accompagnement dont la précision du vocabulaire forme le premier maillon.
Serge entretiens no3 cite les "marchants" en par opposition à ceux qui sont condamnés au fauteuil qui paradoxalement est aussi un moyen de leur liberté.
On notera la dénomination de cette douleur/trauma/tristesse qu'il nomme "ça" !
"Certes dans le psychisme des individus la différence entre une naissance infirme et un accident au cours de l'existence est très fortement ressenti"... "Mes chez les grands protagonistes comme Cooper, Laing et Mannoni (l'anti psychiatrie), on peut discerner beaucoup plus qu'une ambition de guérison ou d'adaptation. Il s'agit pour eux, de reconstituer une sociabilité, c'est-à-dire un vivre ensemble dans la différence"... "Je crois d'ailleurs percevoir quelque chose de semblable à travers les cris de groupes minoritaires de handicapés. De façon générale, les infirmes sont relativement passifs face et dans les institutions que j'ai évoquées. Certains cherchent comme ils le peuvent des solutions individuelles de compensation.", in H-J. Stiker, Corps infirmes et société, Association des paralysés de France, Dunod, Paris, 1997, pp. 189, 190 et 191.
Les films sur le sujet, à l'instar de Né un quatre juillet ou Nationale 7, ainsi que les ouvrages tels que ceux de B. Soulier, Aimer au-delà du handicap : vie affective et sexualité du paraplégique, Pratiques sociales, Privat, Toulouse, 1994, aident grandement à briser les tabous.
Cela se déroula durant la longue nuit d'entretien informel lors des journées nationales des responsables, de l'accueil des étudiants en situation de handicap, Clermont-Ferrand, les 22 et 23 janvier 2004. Pendant plus de trois heures notre collège "paraplégique" nous raconta la conception et la naissance de ses enfants et fatalement le premier traumatisme, son accident.
Le chemin des autres, Juliette Cazenave, A.R.T.E, document télévisuel, le lundi 29 septembre 2003. Dans ce reportage on parle d'amour et de sexualité. Il existe une approche différente pour ceux qui ont un handicap des naissances et les autres sur le plan de la sexualité. Le centre de Trebel en Allemagne fait un éveil à la sensibilité et va jusqu'à qu'à proposer des accompagnatrices sexuelles pour la personne handicapée. Il n'y a pas les mêmes références que pour les personnes valides : car c'est surtout de mieux connaître son corps qui importe. On peut croiser ces données avec celles de la presse quotidienne ou l'on peut trouver quelques articles sur la sexualité et le corps de la personne handicapée. Mais il faut dans cette réflexion mettre à distance de nombreuses données subjectives pour ne pas tomber dans un voyeurisme journalistique ou dans une vision déformée de ce problème.
On peut longuement méditer sur les traces historiques et les images qui peuvent nous venir à l'esprit quand M. Vial signale qu'"À lépoque actuelle, les unions entre les hommes et femmes sont leffet du hasard ou dune passion irraisonnée. (
) Les alcooliques, les rachitiques, les tuberculeux, les syphilitiques, toutes les misères physiologiques, toutes les ignorances, toutes les poussées dun intérêt pécuniaire mesquin et bas font, en des accouplements souvent monstrueux, la procréation dindividus quon voudrait sains et forts, chose quon ne peut obtenir que par une sélection scientifique !", in Monique Vial., Enfants handicapés, du XIXe au XXe siècle, Pages 249 à 375, in Histoire de l'enfance en occident. , sous la direction de Egle Becchi et Dominique Julia, Tome 2 du XVIIIe siècle à nos jours, Editions Points Seuil, Paris, 1998, pp. 370-371.
Howard Gardner, Les intelligences multiples, Editions Retz, Paris, 1996.
La mise à nue devant les commissions, les excuses permanentes, les rabaissements, les négociations deviennent des stratégies utilisées par la personne en situation de handicap avec des effets pervers qu'il convient d'équilibrer avec de "sains" coups de "gueule" comme le scandent Richard ou Jean dans les récits no7-10.
Je partage ce constat de patience en ce qui concerne les "petites gens" mais aussi chez ceux situés en haut de l'échelle sociale, qui pourraient se permettent des rébellions mais qui ne les font que du bout des lèvres.
"L'haltérophilie handisport est une discipline réduite à un seul mouvement, le développé couché. Elle est pratiquée par les handicapés ou amputés des membres inférieurs, infirmes moteurs cérébraux, spina bifida et les aveugles. Les tétraplégiques avant retrouvés une partie de l'usage des membres supérieurs sont également admis.", in le site : http://www.yanous.com/pratique/sports-loisirs/sportsloisirs020607.html
Cf "L'histoire de ma vie a excité en Amérique, lors de son apparition, un intérêt général, et tout le monde s'y est passionné pour cette jeune fille de 22 ans qui, privés des sens et plus nécessaire, la vue et l'ouïe, dès l'âge de 19 mois, a su y suppléer par le simple toucher, au point d'entreprendre des études les plus ardus et d'y réussir". Helen Keller, Sourde, muette, aveugle - L'histoire de ma vie, 1904, collection petite bibliothèque Payot, no 59, Paris, 2001, pp. 7-8.
Il veut souligner qu'ils ne sont pas une "informe" forme biologique sur un fauteuil. Ils peuvent créer, jouer la comédie si on daigne leur faire confiance. Beaucoup de paroles virulentes furent notées par nos soins dans des moments "off", hors de l'entretien officiel. Je reconstitue donc ces compléments de récits, ces franges, de mémoire, armés du carnet ethnographique pour objectiver autant que faire ce peut ces données à la marge des discours.
Cela ne perdure que quelques semaines, c'est "l'effet tsunami", du nom de la catastrophe en fin d'année 2004 (25-28 décembre 2004). Il faut comme en pédagogie faire du psittacisme (effet du perroquet) pour ancrer le bon soin à apporter dans les esprits.
Cf le tome I, partie II, §5 "regards sur la différence par le cinéma : voir.
Sauf rôles d'exception comme ceux des personnages de petites tailles (Willow, Les nains ont commencé petits, etc) ou bien encore les personnages des rares films tels que Le huitième jour, Les enfants du silence, etc.
Il a failli ajouter "le pauvre" ! On sait à présent que la pitié est le sentiment que tous nos témoins rejettent avec la plus grande force. L'attitude judéo-chrétienne de l'avis unanime doit faire la place aux actes gratuits. Lorsqu'on interroge les S.D.F souvent on entend dire : "oui pour cette générosité avec en plus un regard franc. Le regard droit dans les yeux marquant une dignité partagée.
"En effet, d'un point de vue sociologie, le problème central pour ces groupes est celui de leur place dans la structure sociale." "Les individus totalement et visiblement stigmatisés, quant à eux, endurent une indignité qui leur est propre : celle de porter leur état comme un brassard, en sachant que chacun peut les percer à jour. Notre hypothèse et donc que, pour comprendre la différence, ce n'est pas le différent qu'il convient de regarder, mais bien l'ordinaire. La question des normes sociales demeure certes au centre de l'étude, mais notre intérêt ira moins à ce qui s'écarte extraordinairement du commun qu'à ce qui dévie communément de l'ordinaire.", in E. Goffman, Stigmate : les usages sociaux des handicaps, les Editions de Minuit, 1963, pour la traduction française 1975, pp. 149-150.
C'est nous qui soulignons !
"Les athlètes qui participent aux Jeux Paralympiques sont atteints de handicaps de type et de niveau variés. Afin de leur permettre de concourir sur un pied dégalité, ils sont donc répartis dans différentes catégories. Un personnel médical et technique spécialisé, les «classificateurs», procède aux tests dévaluation de classification. Ces personnes évaluent les athlètes grâce à tout un éventail de procédures et de tests fondés sur leurs aptitudes fonctionnelles à effectuer les mouvements requis par le sport pratiqué. Ce système permet de sassurer que les athlètes concourant dans la même catégorie ont des aptitudes fonctionnelles égales ou similaires. Le Comité International Paralympique est lautorité compétente pour toutes les questions ayant trait au cyclisme lorsquil est pratiqué par des athlètes handicapés. Ci-dessous sont listées quelques-unes des règles de classification appliquées aux cyclistes.", Cf le site : http://www.athens2004.com/fr/ParalympicCyclingRulesAndClassification
Ohé Prométhée un réseau d'associations françaises avec 24 associations sur 23 départements qui agissent en faveur de linsertion professionnelle des personnes handicapées. Accueillir, orienter, conseiller, préparer, placer les travailleurs handicapés informer, proposer des candidatures, conseiller les employeurs.
Un réseau d'associations unies pour réussir l'insertion des personnes handicapées en entreprise. http://www.ope.org/opweb.htm
On entend souvent dire que l'on est "tous des handicapés", voici avec un brin d'humour acerbe ce qu'écrit le sociologue "de l'exclusion" C. Frétigné : "Lordonnancement alphabétique suivant prête à sourire. Labsurde rejoint ici le tragique. Il convient toutefois dy prêter la plus grande attention dans la mesure où il véhicule une tendance lourde de notre modernité : la dilution du sens dans une logorrhée qui, bien quanalytiquement stérile et empiriquement limitante, constitue le terrain dinvestigation journalier du sociologue. Les exclus sont ainsi : les Alcooliques, les Agriculteurs de Mayenne endettés à vie, les Autistes, les Beurs, Eric Cantona, les Célibataires, les Chômeurs de longue durée, les Clandestins, les Clochards, les Débiles légers, les Demandeurs dasile, les petits Délinquants, les Détenus, les Errants, les Femmes, Monseigneur Gaillot, les Habitants des quartiers sensibles, les Handicapés physiques, les Homosexuels, les Illettrés, les Immigrés, les Jeunes scolarisés de seconde zone, les Juifs, les Mal-logés, les Marginaux, les Mendiants, les Mères isolées, les Nomades, les Perdants, les Poètes, les Prostituées, les RMIstes, les Sans domicile fixe, Erick Schmitt dixit The Human Bomb, les Séropositifs, les Sourds, les Suicidés, Bernard Tapie, les Toxicomanes, les Tsiganes, les Usagers de la SNCF célibataires, les Vieux, les Zonards.", C. Frétigné, Sociologie de l'exclusion, L'harmattan, Paris, 1999, p 12.
On décrit actuellement des situations par un nouveau vocable : les handicaps sociaux.
Le diplôme d'accès aux études universitaires (D.A.E.U) est un diplôme national qui confère dans tous les domaines les mêmes droits que le Baccalauréat. Le D.A.E.U s'adresse à toute personne n'ayant pas le Baccalauréat ou un titre admis réglementairement en dispense. C'est un examen avec 4 disciplines obligatoires (Arrêté du 03/08/1994, art. 8). Pour plus de détails : HYPERLINK "http://www.campus-electronique.tm.fr/PresentationDAEU/" http://www.campus-electronique.tm.fr/PresentationDAEU/
Dans cette exclamation, on devine tous les sacrifices assumés, les critiques subies, les difficultés quotidiennes qu'il a endurés pour obtenir le diplôme.
Maintenant on parle de licence 1, 2 puis 3 dans le système européen Licence, Master, Doctorat (L.M.D) depuis 2003.
Quelques repères législatifs sur les HYPERLINK "http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/N332.xhtml?" maisons d'accueil spécialisées (M.A.S) pour personnes handicapées Vous êtes handicapé de plus de 16 ans, incapable d'assurer seul les actes essentiels de la vie courante: s'habiller, se laver... Votre état nécessite une surveillance médicale et des soins constants, vous avez obtenu un avis favorable de la C.O.T.O.R.E.P (Commission d'orientation et de reclassement professionnel). Celle-ci décide de la forme d'accueil la mieux adaptée et réexamine régulièrement votre situation. La maison d'accueil doit compter au moins un médecin, une infirmière diplômée d'Etat et doit faire appel à des spécialistes. Les frais de soins et d'hébergement sont pris totalement en charge par la sécurité sociale. L'allocation aux adultes handicapés (A.A.H) est réduite dès votre admission, vous ne percevez plus que 12 % de son montant mensuel (soit 71,94 euros) depuis le 1er janvier 2005. Ce pourcentage est majoré en fonction de votre situation familiale. In http://www.service-public.fr/ Dernière mise à jour, Décembre 2004.
Il m'indique que je peux trouver dans vivametz.com, rubrique "Associations", des indications sur le handicap et son action personnelle.
Le nombre de points d'exclamation est à la mesure des malentendus mais aussi du cadeau réciproque que l'on se donne étant donné la vie difficiles des uns et des autres.
Se référer à nos annexes no II sur la synthèse des 91 films, où la personne handicapée en est la figure centrale. On citera les principales uvres comme : Langer gang, Le moindre geste, L'éveil ou Paradox lake.
Marie Rabourdin la responsable de la future maison d'accueil spécialisée de Lorris nous assure qu'il y a toujours "quelque chose à faire".
Paraplégie spasmodique progressive, consécutive à un traumatisme obstétrical, la maladie (ou syndrome) de Little est presque exclusivement observée chez danciens prématurés. La lésion anatomique déterminante consiste en une sclérose cicatricielle bilatérale de la substance blanche périventriculaire. Le syndrome associe une paraplégie spasmodique et une "débilité mentale" de degré très variable (et inconstante). Les troubles moteurs sinstallent progressivement à la fin de la première année et sont précédés, en général, de manifestations relevant de lhypotonie musculaire : la tenue de la tête est retardée et imparfaite, la position assise nest obtenue que tardivement ainsi que la marche sans appui qui nest dailleurs pas toujours possible. La paralysie spasmodique des deux membres inférieurs saccompagne dune hypertonie musculaire pyramidale accusée et prédominant surtout aux adducteurs des cuisses et aux jumeaux. Cette hypertonie, accrue lors des mouvements volontaires, entraîne le croisement des cuisses lors de la marche. Les pieds sont en varus équin. Les membres supérieurs, parfois indemnes de tout trouble, sont souvent le siège dune diminution de la force musculaire et de légers mouvements involontaires. Le syndrome, qui peut, dans certains cas, se résumer à la paraplégie spasmodique, comporte souvent, en outre, une hypotonie de la colonne vertébrale, une dysarthrie, une hypersialorrhée. (En médecine c'est une augmentation anormale de la sécrétion salivaire ndlr). Lintelligence peut être normale, mais un déficit plus ou moins sévère est habituel, conséquence directe du traumatisme obstétrical. Le traitement comporte des moyens orthopédiques et des mesures de rééducation motrice; les résultats obtenus dépendent largement du niveau mental de lenfant et de sa coopération. Par J.-P. Aboulker, Maladie de Little, in Encyclopédia Universalis, E.U version V, 1999. J.-P. Aboulker est médecin.
De façon plus moderne nous avons voulu ajouté un complément sur les savoirs de ce syndrome que médecins, associations et témoins se partagent (se disputent quelquefois entre experts officiels et profanes).
Le médecin anglais William John Little (1810-1894) décrivit en 1861 un trouble affectant les jeunes enfants et qui se manifeste par une raideur excessive des muscles des jambes, et parfois des bras. Little notait que leur situation ne s'aggrave pas avec les années, les enfants conservant le même contrôle de leurs membres au cours du temps (à la différence des myopathies par exemple). Les difficultés ne s'améliorent pas non plus spontanément, et la contracture des muscles peut entraîner des déformations des os au cours de la croissance de l'enfant. Ces enfants ont du mal à prendre des objets, à se tenir debout ou à marcher (mouvements d'ensemble). Ils ont parfois aussi du mal à parler, à manger ou à écrire (mouvements fins).
Ce syndrome de Little est généralement appelé aujourd'hui diplégie spastique, et il n'est qu'une des formes que peut prendre une infirmité motrice cérébrale, en abrégé I.M.C. Les anglo-saxons parlent de paralysie cérébrale (cerebral palsy). Ayant remarqué que ces enfants avaient souvent traversé un accouchement difficile, Little pensait que ces troubles venaient d'un manque d'oxygène à la naissance, qui aurait endommagé les tissus nerveux contrôlant les mouvements. Une étude américaine menée dans les années 1980 sur 35000 naissances concluait cependant que les naissances difficiles ne représentaient que 10% des cas. Aucune cause précise n'a pu être trouvée dans la majorité des cas.
Sur le syndrome de Little on croisera les données avec le livre de Bachrach et al, Cérébral palsy; A guide for care de Miller, John Hopkins University Press, avec le site de L'association A.P.F www.apf.org, enfin avec les sites plus personnels tels que : http://perso.wanadoo.fr/vivian.bouquet/Little/, 25 septembre 2001.
Nous en ferons une analyse plus fine dans le récit no14 "à propos de Carole". Ces centres très divers pour le public n'ont pas de marquage ou de lisibilité nette. Qui peut faire une différence notable entre par exemple : les M. A.S, les I.M.E-C.A.T, les I.M-Pro, les U.P.I, les E.R.E.A, etc ?
Voilà quelques troubles associés auxquels il doit faire face (d'autres pensionnaires ont bien moins de chance encore). L'état de notre ami Georges est une position limite entre multi et polyhandicap.
Les autres troubles répandus :- l'insuffisance respiratoire chronique, les troubles nutritionnels et les troubles de l'élimination, la fragilité cutanée. Les troubles somatiques. La personne polyhandicapée est très fragile. La mortalité est dix fois plus élevée que chez les sujets normaux à âge égal. Des causes externes comme par exemple un changement de prise en charge, d'établissement, ou de traitement, peuvent s'ils sont mal préparés provoquer une aggravation des troubles et même le décès.
La douleur se manifeste par des déformations, troubles digestifs, et autres troubles, concourent à l'apparition de douleurs parfois importantes chez les personnes polyhandicapées. La personne polyhandicapée est largement exposée à la douleur, le plus souvent depuis la naissance. Ses moyens d'expressions sont réduits, et les causes sont souvent complexes (oesophagites, lésions dentaires, constipations, douleurs orthopédiques, etc.). Familles comme professionnels peuvent "passer à côté" par méconnaissance des critères objectifs de douleur. Par le Docteur Geneviève Metton Evaluation de la douleur chez le sujet polyhandicapé, dernière mise à jour du 05 février 2002, in les sites référencés, www.univ-st-etienne.fr, www.moteurline.apf.asso et aussi Collignon P, Giuiano B, Boutin A.- M, Combes J.-C., Utilisation dune échelle dhétéro-évaluation de la douleur chez le sujet sévèrement polyhandicapé. Douleur et Analgésie, 1997.
Un jour qu'il se plaignait du dos dans le cadre institutionnel (Crises de lordose, scoliose, etc.) et qu'il voulait un fauteuil plus digne, plus confortable pour soulager ses douleurs, voilà ce qu'on lui répondit : mais vous n'y pensez pas, mon cher, c'est du luxe !
Op., cit., www.univ-st-etienne.fr, www.moteurline.apf.asso. Imaginons le chiffrage par l'état des quelques propositions ci-dessous ! (La vie de relation des personnes polyhandicapées, la compréhension, la communication)
"La vie de relation des personnes polyhandicapées : Ce point est largement méconnu et sous-estimé, sauf des gens qui vivent auprès des personnes polyhandicapées. Les possibilités d'expression des émotions et de contact avec l'environnement sont souvent préservées, et des acquisitions d'autonomie se font chez tous les enfants bien pris en charge lorsqu'on s'appuie sur les compétences et non sur les manques. A l'inverse, une prise en charge inadaptée ou interrompue entraîne une régression immédiate, et souvent malheureusement irréversible.
La compréhension : Nous savons aujourd'hui que les polyhandicapés peuvent apprendre. L'accès à l'éducation cognitive est un droit et un devoir dont doit pouvoir bénéficier toute personne polyhandicapée.
La communication : Toutes les personnes polyhandicapées s'expriment, en général dans un langage non verbal qui leur est propre et que leur entourage doit découvrir. Le point essentiel est l'acquisition d'un moyen, verbal ou non verbal, de signifier le oui et le non. A partir de ce point, grâce au jeu des questions réponses, la personne polyhandicapée peut exprimer sa volonté, ses désirs, ses craintes. "
"Le tintamarre médiatique de ces dernières semaines autour du livre de Pascal Gobry, " L'enquête interdite. Handicapés, le scandale humain et financier ", a rappelé douloureusement aux familles, professionnels, associations et personnes handicapées qui, depuis cinquante ans, ont construit, avec les pouvoirs publics, un dispositif étoffé de prestations, de services et d'institutions que certaines valeurs, comme l'entraide sociale et la solidarité collective, pouvaient être radicalement remises en question." Par Gérard Zribi, La politique du handicap, un scandale ? Le journal de l'action sociale, pages 30 et 31, décembre 2002.
Les photos d'Eric Dexheimer sont à regarder sur : www.combatlarevue.net.
Il me renvoie pour plus de détails sur le site : HYPERLINK "http://imp1-q.free.fr/horde/util/go.php?url=http%3A%2F%2Fwww.reseauvoltaire.netlarticle&Horde=5c05d183a7a3cdfc213d11e0f6fe5c8b" \t "_blank" http://www.reseauvoltaire.netlarticle/ainsi que sur les articles du magazine des combats pour le handicap, Handicap, faut-il normaliser les personnes handicapées ? In Combat, face au sida, santé, drogue société, Numéro 31, mars 2003.
"Par exemple, lorsqu'un enfant perd l'usage de ses sens - la vue et l'ouïe -à la naissance ou juste après, ou encore dans le cas où l'enfant a été élevé dans une pièce sombre par une mère sourde et muette. Les exemples les plus dramatiques sont ceux de Laura Bridgman et de Helen Keller. Leur histoire est trop connue pour être à nouveau relatée ici, si ce n'est pour attirer l'attention sur les quelques points suivants : alors qu'elles avaient perdu à la fois la vue et l'ouïe, on put, après bien des efforts, communiquer avec elles au moyen de la peau ; le toucher par la peau leur permit même d'appréhender le monde des humains dans sa totalité et de communiquer avec lui au plus haut niveau. Jusqu'à ce que chacune de ces enfants ait appris le langage digital - en d'autres termes la communication par la peau -elles étaient de fait complètement coupées de tout échange social avec les autres. Elles étaient isolées, et le monde dans lequel elles vivaient n'avait que peu de sens pour elles ; il leur était presque impossible de s'intégrer socialement. Mais lorsqu'elles réussissent à apprendre langage digital grâce aux patients efforts de leurs professeurs, le monde de la communication symbolique s'ouvrit à elles et leur développement en tant qu'être humain social progressa rapidement." Chez A. Montagu, La peau et le toucher, édition originale 1971, pp. 68-69.
J'ai, de nombreuses fois, assisté à ces situations que décrit notre ami, on parle pour eux, on fait pour eux, on réfléchit à leur place.
De nombreux témoignages itératifs peuvent, à travers toutes les typologies de handicap, être recoupés pour confirmer ce fait.
Ces images d'ennui sont bien fixées par les films des années 1950 -70 sur l'univers psychiatrique avec des films comme, Vol au dessus d'un nid de coucou, Shock corridor, etc.
Cette "forme" de honte est ici, dans son dernier texte envoyé, exprimée pour la première fois, aussi durement. Il doit "distance scientifique oblige" faire un effort contant entre sa position de chercheur et son implication sympathie pour le milieu "des résidents" dans ces lourdes machines structurellement nécessaire mais rationnellement insuffisantes.
Nous avions suite aux divers contre temps, trois dossier et huit mois, à rattraper ! L'ethnographie du handicap n'est vraiment pas faite pour des impatients !
Pour être objectif, on doit signaler les délits et les malversations de profiteurs professionnels du stigmate. Dans les témoignages qui nous ont occupé on retrouve ces faits. Le fait d'être handicapé se révèle être une protection contre les négativités de la vie étant donné la rudesse de celle-ci, mais comme dans tous les groupes humains les tricheurs se distribuent de façon homogène. Les films Aaltra (2004) ou encore Fortune express (1991) en sont de beaux exemples. Ils relatent la revanche contre une vie difficile de personnes paraplégiques qui profitent du quotidien entre farces et petits délits.
Éduquer les jeunes à voir le rire, la joie chez l'autre. Éduquer à voir les plus faibles réussir. C'est un concept du plus à méditer dans la pédagogie des minuscules progrès à réaliser pour s'humaniser.
"Totalement grabataire, Jean ne pouvaient ni parler, ni marché, ni même se tenir assis tout seul. Il savait très bien qu'il ne marcherait jamais, à travers son humble présence, sans parole, sans geste, avec la justesse que donne des vraies tendresses, il avait cependant accompagné chacun de mes pas. Mais jambes devenaient les siennes. On aurait dit qu'il apprenait lui-même a marcher ".
"Chaque jour, il ne fallait nous remettre à l'ouvrage, résoudre les difficultés, une par une, assurer notre condition, rester debout. Voilà notre travail, notre véritable vocation, ce que j'appelle, faute de mieux le métier d'hommes.", A. Jollien, Eloge de la faiblesse, les Editions du Cerf, Paris, 1999, p. 24 et p. 34.
Ne maîtrisant, ni la langue des signes, ni la culture sourde, notre ami Gabriel, spécialiste des activités physiques adaptées nous aura permis de gagner un temps précieux. Il a été l'interface humaine entre nous.
Cette comparaison de J. Hull, entre les deux handicaps sensoriels, peut être fort utile à donner pour comprendre cette "distorsion du temps" relevée entre nous.
"Peut-être toutes les infirmités graves provoquent elles un rétrécissement de l'espace et un étirement du temps. Je pense à mon ami Chris, atteint d'une sclérose en plaques. Sans son véhicule, son rayon d'action ne dépasse pas une vingtaine de mètres. Avec le moteur, qui fait du 6 kms à l'heure, son espace s'élargit."
"On ne veut pas aller plus vite. Le temps, contre lequel on se battait autrefois, n'est plus que le courant de conscience au sein duquel on agit. Pour celui qui à la fois sourd et aveugle, l'espace est circonscrit à son seul corps, mais il a tout son temps."
" Si les aveugles vivent dans le temps, les sourds vivent dans l'espace. Les sourds mesurent le temps en voyants le mouvement. Et s'ils contemplent un monde sans mouvement, les étoiles, une rue déserte où un paysage de montagne, il demeure une cohérence statique. En perdant la conscience de l'espace, les aveugles se rendent moins compte de la permanence. Le monde des aveugles est plus éphémère, parce que les sons apparaissent et disparaissent." John Hull, Le chemin vers la nuit, traduction de Donatella Saulnier et Paule Vincent, Paris, Robert Laffont, 1990 pour l'édition originale et 1995 pour la traduction française, pp. 99-101, 115-116, 153, 178, 202.
Nous en rions aujourd'hui car il s'est agi presque d'un rappel à l'ordre !
Roland affirme qu'il doit travailler le double d'un autre enseignant pour se former. Deux heures pour une heure ! Peut-être, est-ce un indice d'échec scolaire des jeunes sourds à l'école, l'effort consenti doit toujours proportionnellement être multiplié par deux. Le récit de Marie (entretiens no 15) va aussi dans ce sens.
C'est bien la coupure décrite par de nombreux auteurs entre la surdité pré et postlinguale à : "savoir dans quelle mesure les sourds postlinguaux continuent à « entendre » est une question plus ou moins analogue à celle qui consiste à se demander comment les sujets devenus aveugles tardivement continuent à « voir » et, d'une façon ou d'une autre, continue à vivre dans un monde visuel, à l'état de veille comme dans leurs rêves. John Hull (1990), auteur de l'un des plus extraordinaires comptes rendus autobiographiques qui aient traité de ce problème, écrit : « Pendant mes deux premières années de cécité, les gens pour moi se divisaient en deux groupes : ceux qui avaient un visage et ceux qui n'en avaient pas... Les gens que j'ai connus avant de perdre la vue ont un visage, mais ceux que j'ai connus après n'en ont pas... Avec le temps la proportion des gens sans visage a augmenté".... "En gros, Hull s'enfonça de plus en plus dans sa « cécité profonde » au fil des ans. Ses souvenirs et son imaginaire d'ordre visuel, où son besoin de visualité, furent remplacés peu à peu par la sensation de « voir avec l'ensemble du corps » et de vivre dans un monde autonome et complet, à base de sensations corporelles fondées seulement sur le toucher, l'odorat, le goût et, bien entendu, l'audition - tous sens désormais grandement renforcés chez lui ; tandis que les images et expressions visuelles dont il émaillait toujours ses propos ne remplirent plus qu'une fonction métaphorique." Oliver Sacks, Des yeux pour entendre.Voyage au pays des sourds, Essais, Editions du seuil, nouvelle collection augmentée, mai 1990 et 1996, pp. 34- 35. Et aussi ; Harlan Lane, the Deaf Experience : Classics in Language and Education, Harvard University Press, 1984 ; Edward Gallaudet, History of the College for the Deaf (1857-1907), Washington DC, 1983 ; et enfin, la onzième édition savante de l'Encyclopaedia Britannica traite longuement et remarquablement de la question à la rubrique " Deaf and Dumb ".
Un peu d'histoire puisque notre ami Roland nous y convie.
"Pour pallier la désorganisation du système d'enseignement due à la guerre, un service d'enseignement par correspondance est créé. Il connaîtra les aléas de cette période, se voyant doublé d'un service similaire au sud de la ligne de démarcation."
"En 1944, À la Libération, sa mission est confirmée sous le nom de Centre national d'enseignement par correspondance (C.N.E.P.C). Il reçoit le statut de lycée (au sens de l'époque, plus large qu'aujourd'hui). Il est notamment chargé de prendre en charge la scolarité des enfants malades, des anciens prisonniers et déportés... puis les enseignements sont élargis: commercial, primaire, préparation aux concours d'enseignement..."
"En 1979... Il y avait 200 000 inscrits. Le C.N.T.E devient Centre national d'enseignement par correspondance (C.N.E.C), établissement public national à caractère administratif doté de l'autonomie financière. Il est dirigé par un administrateur délégué nommé par le président de la République. Sa mission est de "dispenser et promouvoir un enseignement à distance, notamment en faisant appel aux techniques modernes de communication".
"En 1986, le C.N.E.C devient Centre national d'enseignement à distance (C.N.E.D). Il est placé sous la tutelle du ministre de l'éducation national, et dirigé par un recteur d'académie. La direction générale est installée à Paris.", in www.cned.fr, à la rubrique histoire.
On notera l'humour, en effet les acquisitions de savoirs dans ces disciplines littéraires sont une difficulté notable.
C'est Marie qui disait tout le bien de cette discipline pour "l'inclusion scolaire" des élèves handicapés.
Une recherche m'a permis de mieux connaître l'auteur de sa citation. Racan Honorat de (1589-1670). Faux marquis, mais membre authentique de la famille de Bueil, né à la lisière du Maine et de lAnjou, Racan est élevé aux champs, en Touraine, tandis que son père, maréchal de camp, est tué au service du roi en 1597, et que sa mère meurt à son tour en 1602. Sa quiétude rustique et patriarcale, agrémentée par une correspondance avec Maynard, Guez de Balzac, Conrart, Chapelain, occupée à partir de 1648 par la paraphrase en vers des Psaumes, nest troublée que par des procès, et par la mort dun fils (1651). Il chante encore la jeune gloire de Louis XIV, et séteint à Paris où un procès la forcé de revenir. Aimé de La Fontaine, il a introduit dans lécole malherbienne une fluidité de vers, un sentiment rustique, et plus généralement une subjectivité qui lhumanise par un charme original.
Roland semble vouloir explorer ces pistes. Nous donnons ci après juste quelques repères pour mieux situer le futur débat.
"Lévolution du langage et de la langue chez lenfant Parler d" évolution ", à propos du langage, est moins compromettant que dutiliser le terme " développement ", qui peut suggérer un processus déterminé surtout par des facteurs internes (sur le modèle de la croissance), ou celui d" acquisition ", qui risque de laisser croire à une prépondérance de linfluence des modèles reçus. Il semble, au contraire, quil y ait toujours, en ce phénomène, intrication des " activités " du sujet et de la reprise des discours de lautre, dans des proportions variables selon les âges, les sujets et aussi les niveaux danalyse considérés. Lenfant doit apprendre que les sons u et ou (dans " rue " et " roue ") distinguent deux mots ; il napprend pas de la même façon que lintonation peut signifier lapprobation ou la critique. Ou bien il doit apprendre, au sens fort du terme, laccord du verbe avec le sujet. Il napprend pas de la même façon quun même mot peut sappliquer à deux objets différents et, inversement, quun même objet peut être nommé de plusieurs façons." En ce qui concerne la communication non linguistique et le langage. "Jean Piaget (1966) et ses disciples ont longuement développé lidée que le langage ne vient pas structurer un réel amorphe et que ce nest pas dabord parce quil y a des noms quon apprend à nommer mais parce que les pratiques consistant à percevoir un objet de différents points de vue, à associer vue et toucher, à attendre le retour de lobjet disparu permettent disoler " du stable " dans lunivers." (...) "L. S. Vygotsky (1962) a bien montré quil est vain de vouloir se poser la question dune antériorité du langage par rapport à la pensée ou la question inverse : il sagit plutôt de noter les développements respectifs de lun et de lautre comme étant à lorigine indépendants et de décrire les restructurations quentraîne leur rencontre.", in Psycholinguistique, par Juan Segui, C.N.R.S, Encyclopédiae Universalis, version V, 1999.
On pourra trouver, sur ce compte-rendu de lecture publié dans l'Information Grammaticale, n°98, Juin 2003, pp. 56-57, des informations primordiales sur la thèse de C. Cuxac soutenue en 2001.
Dans ce numéro double entièrement rédigé par Christian Cuxac, Professeur en Sciences du langage à l'Université de Paris 8, la collection Faits de Langues présente La Langue des Signes Française (LSF), numéro impressionnant tant par son volume que par la richesse des informations qu'il contient. C. Cuxac est en contact avec la communauté des Sourds depuis 1975, et cet investissement personnel se fait sentir jusqu'à la dernière ligne. Christian Cuxac, La Langue des Signes Française (L.S.F). Les voies de l'iconicité, Paris-Gap, Ophrys, Bibliothèque des Faits de Langues n°15-16, 2000, 391 pages.
La rubrique du Monde interactif dans le journal le Monde des 05 et 09 octobre 2002.
Ce "petit quelque chose" et le "un, je ne sais quoi" m'intéresse au plus haut point. Un questionnement plus fin s'impose pour mieux comprendre l'interface entre nos "deux cultures".
J'ai mis un point d'exclamation (il en met même deux dans le texte sur cdrom) quand son souffle et sa gestuelle accentuaient le propos de façon très intense. On entendait des grands "ouf" expiratoires lorsqu'il était impressionné !
Un Gallaudet français est-il possible pour la communauté des personnes sourdes ? C'est un peu le cas de l'université de Grenoble autour de handicap moteur très invalidant on parle péjorativement de "Handicap Land" pour la ville de Grenoble !
O. Sacks, op. cit.p 215 : "L'atmosphère de Gallaudet m'avait semblé très joyeuse, voire idyllique - je n'avais pas été étonné d'apprendre que certains étudiants répugnaient à quitter la chaleur, la solitude, la protection et le confort de ce petit monde autosuffisant pour s'aventurer dans le redoutable monde extérieur." Et en notes de bas de page p. 215 : "Comme toutes les sous cultures, le « monde » sourd s'est constitué à la fois en réaction contre l'exclusion (par le monde entendant) dont il a été victime et grâce à la formation d'une communauté organisée autour d'un centre différent - centrée sur elle-même."
On complétera avec l'ouvrage d'Harlan Lane, the Deaf Experience : Classics in Language and Education, Harvard University Press, 1984. L'auteur renvoie à deux autres sources car le lecteur y découvrira nombre de vignettes personnelles et d'illustrations fascinantes qui jettent une lumière savoureuse et pittoresque sur l'histoire des sourds. Edward Gallaudet lui-même a écrit une histoire semi autobiographique du Gallaudet College dans son livre. Edward Gallaudet, History of the College for the Deaf (1857-1907), Washington D.C, 1983. Et aussi, Jack R. Gannon, Deaf Heritage: A Narrative History of Deaf America, Silver Spring, Md., en 1981.
De nombreux témoins dans le handicap sensoriel font ces analyses. La peur d'être encore plus diminué qu'avant. Ne plus bénéficier des compensations cognitives. "Renaître" de nouveau après une guérison miraculeuse comme le rapporte O.Sacks semble trop coûteux psychiquement.
"Dans son essai ironiquement intitulé lettres sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient (1749), le jeune Diderot s'en tient à un strict relativisme épistémologique et culturel - affirmant que les non-voyants sont capables, à leur manière, de se construire un monde entier et suffisant et peuvent se forger une « identité d'aveugle » complète sans se sentir ni handicapés ni inadaptés, il soutient que leur cécité fait problème pour nous, mais pas pour eux, de même que nous leur attribuons à tort un désir de guérison qui nous est propre.... Il est notamment arrivé à cette conclusion en méditant sur le cas de Nicholas Saunderson, mathématicien aveugle et newtonien de renom qui est mort en 1740. La réussite exceptionnelle de Saunderson avait passionné Diderot : bien que n'ayant jamais vu la lumière de toute sa vie, ce mathématicien l'avait si bien conçue conceptuellement qu'il était non seulement devenu (entre autres titres) maître de conférences en optique, mais avait brossé en outre, à sa façon, un tableau sublime de l'univers."... "Il était démontré que certaines aires auditives du cerveau des sourds congénitaux (en particulier quand se sont des signeurs natifs) sont réaffectées au traitement des informations visuelles, comme on sait aussi que, chez les aveugles qui maîtrisent le braille, le doigt qui lit a une représentation surdimensionnée dans les zones tactiles du cortex cérébral... On peut donc dire, d'une part, que le cortex visuel risque de rester largement sous-développé s'il n'est pas stimulé visuellement ; d'autre part, une telle différenciation du développement cérébral pourrait être inévitable à partir du moment où la perte précoce d'un sens entraîne le renforcement compensatoire des autres sens. " O Sacks, Un anthropologue sur mars. Sept histoires paradoxales, 1995, Collection de poche, Points Seuil, Paris, réédition 2003, pp. 205-206.
On trouve en abondance ces marques de "non confiance" dans les entretiens. L'image historique d'enfant qu'il faut protéger revient en force. Voir notre tome I sur l'iconographie qui perdure à travers les époques pour se transformer sous d'autres formes dans l'actuel du quotidien.
"Dire que les sourds non éduqués s'appuient sur l'association entre la formation kinesthésique, somaesthésique perçue, et une mémoire non linguistique primaire et secondaire, signifie que la syntaxe orale standard joue un rôle minime dans leur communication. Le sourd éduqué, employant des signes qui ont été associés à un lexique oral, ne se sert pas d'une compréhension intuitive de la syntaxe orale pour parler par signes, mais traduit l'information obtenue du système oral dans son système de signes (Cicourel et Boese, 1972 a). L'épellation par les mouvements des doigts et des lèvres est considérée comme signes, même si cela à un rapport étroit avec les lettres orales de l'alphabet et des mots (structures de sons). Cet argument revient à dire qu'un adulte qui apprendrait une seconde langue aurait toujours tendance à traduire dans sa propre langue pour pouvoir comprendre cette seconde langue. La dépendance de celui qui parle naturellement par signes à l'égard de sa mémoire perceptive, somaesthésique et kinesthésiques, pour produire et comprendre le langage par signes, met en évidence l'engagement de toute communication dans le contexte de l'interaction, malgré l'existence de systèmes normatives abstraits de la syntaxe du langage orale. Ceci signifie que la syntaxe orale du langage n'a qu'une valeur limitée pour les sourds qui utilisent le langage par signes et qui ne peuvent pas faire l'expérience du langage oral comme le font ceux qui entendent et parlent. Il leur manque le feed-back nécessaire pour contrôler la production d'un discours et pour assimiler l'information en se fondant sur des différences d'intonation." Aaron V. Cicourel, Cognitive Sociology, New York, The Free Press, pour la traduction française La sociologie cognitive, Presses Universitaires de France, 1964, pp. 178-179.
J'ai volontairement "euphémisé" l'expression dans ce texte, les paroles sont plus rudes à la mesure de l'ire historique de notre ami !
Parmi les différents langages gestuels qui existent, l'American Sign Language (A.S.L), qu'on appelle quelquefois l'Ameslan, est celui qu'utilisent le plus communément les personnes sourdes en Amérique du Nord pour communiquer. L'A.S.L est un langage gestuel différent en tous points de l'anglais ou du français; il possède ses propres règles grammaticales et syntaxiques et comporte des mouvements de la main et du bras très précis qui représentent des concepts. La grammaire et la syntaxe sont traduites par l'expression faciale. Les gestes courants ne font pas partie du A.S.L et il n'y a pas de langage gestuel universel.
Bernard Mottez, Les sourds comme minorité linguistique, Centre des Mouvements Sociaux, 1979. Bernard Mottez est sociolinguiste, maître de recherches au C.N.R.S.
Le film, les enfants du silence (1986), inspire la pièce de théâtre du même nom de Mark Médoff (500 représentations avec E. Labotit en1993qui reçoit un Molière pour le rôle). O. Sacks cite pour son aperçu du monde des sourds, le roman de Carson Mac Cullers, le cur est un chasseur solitaire, dans les années 1940.
Roland m'apprend qu'il y a bien sur des différences entre les deux langues (l'A.S.L et la L.S.F), néanmoins on comprend vite le fond mais il existe des variantes sur la forme car les américains utilisent beaucoup la dactylologie, cela va très vite, nous en France la fréquence dactylologique est moindre, plus posée. Les américains sont beaucoup plus cultivés que nous en général, beaucoup plus cultivés que nous ! Mais c'est vrai que l'anglais par rapport au français est plus facile. L'anglais est plus proche de lA.S.L (Américan Sign Language) que le français de la L.S.F ! Roland m'apprend que quelques heures suffisent pour se bâtir entre eux un cadre commun de conversation, alors que pour nous il faudrait plusieurs semaines pour à peine se "débrouiller" dans une autre langue !
Les témoignages de Nicole et Philippe, France Inter, semaine spéciale sur le handicap, les lundi et mardi 15 et 16 septembre 2003, Là-bas si j'y suis, Emissions de Daniel Mermet, France-inter, 17 h à 18 heures, 2003. C'est les mêmes Philippe et Nicole qui sont interrogés par Nicole Diederich dans Stériliser le handicap mental, Editions de l' E.R.E.S., Ramonville Saint-Agne, Toulouse, 1998.ils témoignent sur la grossesse et la sexualité aux pages 195 à 198.
Le tintamarre médiatique de ces dernières semaines autour du livre de Pascal Gobry, " L'enquête interdite. Handicapés, le scandale humain et financier ", a rappelé douloureusement aux familles, professionnels, associations et personnes handicapées qui, depuis cinquante ans, ont construit, avec les pouvoirs publics, un dispositif étoffé de prestations, de services et d'institutions que certaines valeurs, comme l'entraide sociale et la solidarité collective, louvaient être radicalement remises en question. Par Gérard Zribi, La politique du handicap, un scandale ?, Le journal de l'action sociale, pages 30 et 31, décembre 2002, versus Gobry Pascal, L'enquête interdite. Handicap : le scandale humain et financier, Editions du Cherche-Midi, Paris, octobre 2002.
Nous aurions compris un refus justifié. Même une rupture aurait été révélatrice. Des dénégations ont émaillé cette relation du début à la fin sans que je puisse m'entretenir avec la seule qui vraiment le désirait.
90 000 personnes travaillent en C.A.T. Voici quelques lignes que nous avons noté "in extenso" sur la souffrance dans ces institutions en écoutant et réécoutant l'émission sur le handicap, Là-bas si j'y suis de Daniel Mermet sur France Inter, le lundi 15 septembre 2003.
"Nicole est handicapée des jambes et moi Philippe, j'ai un retard mental. (Il a 49 ans, il est donc né en 1954 avec le cordon "autour du cou" comme il dit.) On vit analphabète, on n'a pas touché beaucoup d'intelligence mais on en a ! (Il a vécu dans une institution pour enfants retardés jusqu'à l'âge de 18 ans, dans les "pavillons blancs", où les éducateurs et les éducatrices les font travailler mais pas lire ni écrire.). Je suis malheureux, dit-il, car je ne sais pas lire mais Nicole, elle, sait lire. On souffre énormément du handicap, du regard des autres etc. C'est une intelligence " force en développement" mais il faut la faire sortir. J'ai fait l'acteur au travail, je fais semblant pour rigoler, pour attirer le regard. Dans ma tête je sens comme un " étranglement", qui vient "enterrer le noyau" donc j'oublie et je reviens au monde. Mon regret c'est que je n'ai pas appris à apprendre. Je travaille à la chaîne pour le S.M.I.C et je fais toujours le même travail. On place pour moi la totalité presque de mon salaire et nous n'avons que quelques dizaines d'euros par mois nous sommes sous tutelle, cela nous fait la "honte" dit Nicole, ça me fait une "boule dans le ventre".
Le groupement pour l'insertion des personnes handicapées physiques (G.I.H.P) assure que : "Le droit au déplacement est la première des libertés et la possibilité de se déplacer librement constitue le vecteur essentiel de l'intégration. Le G.I.H.P milite pour l'accessibilité totale des moyens de transports publics (bus, tramway, métro) pour les personnes handicapées motrices (y compris les personnes en fauteuil roulant) et sensorielles, tant en zone urbaine que pour les déplacements à longue distance. Il rappelle les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite pour les taxis, trains et avions".
Le cur du problème touche ici aussi, la place de l'intimité du corps des personnes handicapées dans l'institution."Mais ce droit à vivre son corps nest pas reconnu pour les handicapées mentaux car la dignité de la personne humaine interdirait de les placer dans une situation de maternité : il faudra être pleinement conscient mais lest-on dans les cas dhandicaps sociaux comme lalcoolisme ? pour éduquer des enfants. Le paradoxe de notre société scientifique est de développer une haptophobie légale par linterdiction légitime du harcèlement sexuel, de linceste, de lexcision, de la pédophilie, au nom de lindisponibilité du corps ; tout en passant sous silence, au nom dimpératifs non explicites, les stérilisations tubaires, le dopage, les tris dembryons. Lhypocrisie sert les intérêts des individus correspondant idéalement au profil type du corps fonctionnel et productif. Les autres, chômeurs de longue durée ou travailleurs handicapés, doivent être maintenus dans des structures spécialisées (C.A.T) ou dans des stages dits qualifiants afin de les protéger de la compétition économique qui ne les intégrera jamais". Par Bernard Andrieu, A qui appartient le corps ? In Nicole Diederich., Les naufragés de l'intelligence, Editions du V.U.P.S., Toulouse, 1998, p. 109.
Plusieurs mois se sont écoulés et nous n'avons toujours rien eu. Par ailleurs nous sommes habitués à effectuer des entretiens difficiles. Peut être aussi aurait elle constituée une limite à nos méthodes mais encore eut-il fallu que je puisse expérimenter une nouvelle forme d'entretien.
Elle m'avait pourtant fourni son adresse ainsi que son téléphone directement et sans aide !
Nous avons voulu à l'occasion de cet incident "ethnographique" reparlé de la polémique autour du livre de Pascal Gobry, L'enquête interdite. Handicapés : le scandale humain et financier, qui a soulève un tollé parmi les associations qui gèrent les 1.000 C.A.T du pays, et plus particulièrement lU.N.A.P.E.I, dont les adhérents dirigent 600 C.A.T.
"M. Gobry souhaite quon ne dissuade pas les lecteurs potentiels de lire son ouvrage qui traite notamment de la fracture sociale et de lexclusion des handicapés, favorisées par les C.A.T, présentés comme des outils de réinsertion. Les premières victimes de lomerta qui règne dans toutes les associations daide aux handicapés, son évidemment les handicapés eux-mêmes et leurs familles, conclut-il". (...) "Acceptera-t-on enfin de reconnaître les infirmités et les handicaps et la nécessité de créer des structures de des services spécialisés ? Il nest peut-être inutile de rappeler que 90% des employés sont des handicapés mentaux et psychiques et que pour bon nombre dentre eux (entre 20 et 30%) ,les C.A.T ont servi dalternative à lhospitalisation psychiatrique ou à dautres structures de santé mentale" (...). "A.N.D.I.C.A.T (L'association nationale des directeurs et cadres de C.A.T) a, depuis plusieurs années sans succès, demandé aux pouvoirs publics détablir un état des lieux quantitatif et qualitatif des C.A.T et des besoins de leurs employés ; cest dommage que cela ne se fasse pas car on observerait que les réponses françaises en matière demplois adaptés sont parmi les meilleures dEurope. on disposerait également dune meilleure visibilité des améliorations quA.N.D.I.C.A.T appelle de ses vux : un statut juridique des employés handicapés plus adéquat que celui (actuel) dusagers détablissements sociaux ainsi quune élévation de leurs ressources dont le niveau fixé non par les C.A.T mais pour la plus grande part par lEtat, gêne sérieusement une intégration dans le domaine de lhabitat et de la vie sociale
" Gobry Pascal, L'enquête interdite. Handicap : le scandale humain et financier, Editions du Cherche-Midi, Paris, octobre 2002. Voir également le débat sur le Site Internet : http// www.amazon.fr
Nous avons laissé les expressions soulignées comme dans le texte original car elles montrent l'exacerbation des sentiments de révolte.
C'est la réciprocité du "Apprendre à écouter" des administrations. "L'écoute est irremplaçable, car elle seule peut permettre de découvrir la réalité du fonctionnement d'un ensemble humain. Nous parlons toujours des finalités, des objectifs d'une institution de ce qui devrait être mais nous n'attachons pas d'importance à ce qui est.", p.53. "Le manque d'écoute est ce dont les français se plaignent le plus.", pp. 49-63. Michel Crozier, La Crise de l'intelligence : essai sur l'impuissance des élites à se réformer, Inter éditions, Paris, 1995.
C'est le débat dans les institutions entre un projet anthropo-éthique versus un projet administratif. L'approche transdisciplinaire permettrait de trouver un terrain d'entente en tenant compte de l'épistémologie, des savoirs et d'une certaine pragmatique pour inclure réellement "le tiers". C'est enfin les Q.I versus une potentialisation des compétences intactes.
Carole traverse ces nomenclatures comment trancher.
"Je tiens à préciser que l'O.M.S préconise de ne plus utiliser les termes de, débiles, idiots, ... (bien qu'on les trouve encore dans le langage commun) mais celui d'insuffisance intellectuelle. Ces insuffisances comprennent celle de l'intelligence, de la mémoire, et de la pensée.
Cette désignation se réfère à la classification de l'O.M.S qui recouvre l'ensemble des déficiences des moins importantes au plus grave. On parle de retard mental profond, grave, moyen ou léger suivant les déficits de la personne.
Retard mental profond. Ces sont des personnes qui sont susceptibles d'apprentissages simples en ce qui concernent les membres inférieures, supérieures et la mastication. L'autonomie sociale n'est pas concevable. Le langage est quasi-inexistant, réduit à quelques phonèmes et mots. Le comportement est dominé par l'immaturité affective, l'insécurité, l'insuffisance du contrôle émotionnel. Leur QI (QI, se référant à l'échelle métrique de Binet) est inférieur à 20.
Retard mental grave. Ces sont des personnes qui peuvent acquérir des apprentissages semblables à ceux présentant un retard profond ainsi qu'un apprentissage systématique des gestes simples. Le langage rudimentaire et restreint est utilisé pour l'expression simple des besoins et des échanges concrets. Leur QI se situe entre 20 et 35.
Retard mental moyen. Ce retard est compatible avec une certaine autonomie qui, cependant, ne permet guère la pleine responsabilité des conduites. Ces enfants peuvent acquérir des notions simples de communication, des habitudes d'hygiène et de sécurité élémentaire. Ils peuvent accéder à une habilité manuelle simple. Ce sont des personnes qui ne semblent pas pouvoir acquérir des notions de lecture et d'arithmétique. Leur quotient intellectuel se situe entre 35 et 49.
Retard mental léger. Ce retard entraîne surtout une inadaptation à la scolarité en milieu ordinaire. C'est à dire des enfants qui peuvent acquérir des aptitudes pratiques (adaptation possible aux situations), la lecture et des notions d'arithmétiques mais ceci grâce à une éducation spécialisée. Le langage ne présente pas d'anomalie massive. Leur QI se situe entre 50 et 70.
Il est cependant nécessaire de ne pas se limiter à l'évaluation du niveau mental pour appréhender la population déficiente intellectuelle. Le QI est une vision réductrice de l'intelligence puisque selon les conditions de réalisation des tests, la personne, l'attitude de l'enfant au moment donné, ..., le résultat peut différer. On ne mesure pas vraiment l'intelligence mais le retard ou l'avance d'un enfant sur un autre. De même, il est évident que les catégories et leurs définitions exprimées ci-dessus sont des indicateurs pour spécifier des difficultés d'ordre intellectuel mais ne doivent pas, à mon sens, être prise de manière stricte.
Le langage chez les enfants déficients intellectuels par Magali Genet (éducatrice spécialisée) sur le site : www.siwadam.com/hmm/enf1.htm#3
Actualités Sociales Hebdomadaires (A.S.H) du 08 juillet 2005, n° 2415.
M. Crozier et E. Friedberg, L'acteur et le système, Editions du seuil, Essais, Paris, 1977, pp. 456-457.
L'U.R.A.P.E.D.A : union régionale des associations de parents d'enfants déficients auditifs parle de surditude pour qualifier cet état. Je trouve le vocable bien adapté au combat de Marie.
La "surditude" est un joli mot qui vient du Québec, nous lui attribuons ici le sens de vécu social des surdités, l'ensemble des situations de handicap que vivent les sourds et malentendants sur http://www.urapeda.org/France/sommaire.html
Le sourd n'est pas un "muet".Voilà quelque chose qui exaspère souvent les parents d'enfants sourds. De plus avec les implants modernes l'accès à la parole est désormais possible. Voici historiquement ce que souligne Monique Vial :
"Le sourd, comme nimporte qui, dispose dun larynx et de cordes vocales. Le bébé sourd crie et émet des sons différenciés. Cest lincapacité de son entourage à lui répondre de façon perceptible pour lui, qui amène progressivement lextinction de sa voix et la contracture de ses muscles phonatoires, qui lui rend si difficile, plus tard, de retrouver cette voix. Lui apprendre à parler, cest tenter de lui restituer ce qui lui appartient naturellement et lui donner accès à de plus larges possibilités de communication. On ne peut réussir pleinement que si lon sy attache dès sa petite enfance, dans des conditions techniquement préparées mais aussi proches que possible, du bain de langage par lequel le bébé entendant apprend à parler avec son entourage", Enfants Handicapés du XIXe au XXe siècle par Monique Vial in Histoire de l'enfance en occident. , sous la direction de Egle Becchi et Dominique Julia, Tome 2 du XVIIIe siècle à nos jours, Editions Points Seuil, Paris, 1998, pp. 364-365.
Témoignage de Marie Colloque des associations du langage parlé complété (A.L.P.C) de Nancy en 2002, reçus le 04 mars 2003. Ce curriculum vitae est une version plus moderne et actualisée.
Dans mes cours j'utilisais de nombreux artifices pour l'informer : les autres, le tableau, quelques signes, une ardoise véléda, un tableau portatif, etc.
Op., cit., http://www.urapeda.org : "L'implant cochléaire est composé d'un porte électrodes implanté dans la cochlée, d'un microphone qui capte les sons, d'un processeur (boîtier extérieur du volume d'un paquet de cigarettes) qui code les sons et les transmet aux électrodes via une "antenne". Cette technique est réservée aux "devenus-sourds" profonds qui ne peuvent pas être appareillés d'une autre façon. L'implantation auditive des enfants sourds fait l'objet d'une vive polémique qu'il ne nous appartient pas de trancher. Quel que soit son type, l'utilité de l'appareil auditif est démontrée de longue date, même pour de très jeunes enfants et pour des sourds profonds. Le problème, parfois, ce n'est pas tant l'appareil lui-même que son adaptation, son évolution, l'accompagnement familial et thérapeutique qu'il demande. Il conviendrait de demander l'avis aux personnes comme Marie en termes de gains et de confort.
C'est avec notre équipe notre rôle, au service d'accueil et de suivi des étudiants en situation de handicap (S.A.C.E.H) de l'université d'Orléans, que de promouvoir ces actions en faveur des personnes en situations de handicap.
Le Cued-speech ou langage parlé complété (L.P.C).
"Inventé aux Etats Unis en 1967 par le docteur Otin Cornett, le langage parlé complété (cued-speech) consiste en un corpus de gestes codifiés qui accompagnent le mouvement des lèvres dans lémission des sons. Le méthode verbo-tonale, mise au point après la Seconde Guerre Mondiale par le linguiste yougoslave P. Guberina, sappuie sur la différenciation des vibrations de la voix à partir de leur perception corporelle, grâce à des vibrateurs reliés à la fois au bébé et à la mère, ou au maître et à lélève. Elle sappuie aussi sur une rythmique, une gestuelle et une éducation posturale qui doivent faciliter la liberté des muscles phonatoires et permettre, avec une voix aisée, lintonation et les rythmes de la parole". Par Vial M., Enfants handicapés, du XIXe au XXe siècle, pp. 249-375, in Histoire de l'enfance en occident., sous la direction de Egle Becchi et Dominique Julia, Tome 2 du XVIIIe siècle à nos jours, Editions Points Seuil, Seuil, Paris, 1998, p. 374.
C'est Marie qui souligne en gras dans le texte ! Voici un qui bel exemple d'intelligence qui met la complémentarité au service des personnes sans exclure aucune pistes et méthodes pour une amélioration des sa vie sociale, relationnelle, etc.
Des centaines de projets autour des handicaps restent à réaliser dans ce vaste monde qu'est l'éducation nationale. On peut consulter entre autre l'ouvrage de Philippe Meirieu, La machine école, Folio, Gallimard, Paris, 2001, pour construire des pistes pour une intégration efficiente.
Marie a effectué un énorme travail biographique pour répondre à notre demande. Voir le récit no15 dans les annexes IV.
Dans sa Poétique, Aristote justifie la tragédie en lui attribuant un pouvoir de purification (katharsis) des passions du spectateur. Assistant à un tel spectacle, lêtre humain se libérerait des tensions psychiques, qui sextériorisent sur le mode de lémotion et de la sympathie avec laction représentée (induisant pitié, colère, etc.). Cette interprétation de la catharsis se rapporte à une conception de la vie comme équilibre et de lâme comme juste milieu, juste mesure qui est «sommet», comme le précise lEthique à Nicomaque (1107 a, b) conception qui a déjà une longue histoire au moment où Aristote sen empare. En réalité, Aristote banalise pour ainsi dire la catharsis en menant à son terme un lent processus de laïcisation des pratiques cathartiques largement répandues dans la culture grecque archaïque. Catharsis par Alain Delaunay, chercheur au collège international de philosophie in Encyclopédiae Universalis, version V, 1999.
Le "cophatique" concerne la surdité profonde. La cophose décrit une perte auditive totale et la presbyacousie désigne la surdité des personnes âgées. Jusqu'à une perte moyenne de 70 dB, la personne est dite malentendante.
L'institut d'éducation de la surdité en trouve aussi le vocable institut d'éducation sensorielle (I.E.S) se trouve dans la liste des C.L.I.S. et U.P.I et autres structures d'accueil ou d'accompagnement pour enfants et adolescents souffrant de troubles du langage.
Cette liste des C.L.I.S. et U.P.I, et d'autres structures ou dispositifs d'accueil ou d'accompagnement pour enfants et pour adolescents souffrant de troubles du langage n'est pas exhaustive. Les coordonnées des classes sont fournies dans le second tableau. Une "classe intégrée" est le plus souvent une classe d'un établissement spécialisé transplantée dans une école. Les élèves restent affectés à l'établissement par la C.D.E.S et sont suivis par les personnels de l'établissement. Voir : HYPERLINK "http://scolaritepartenariat.chez.tiscali.fr/page782.htm" classes annexées ou intégrées. In HYPERLINK "http://scolaritepartenariat.chez.tiscali.fr/page405.htm" http://scolaritepartenariat.chez.tiscali.fr/page405.htm
J.-C. Lafon, L'audition et Les enfants déficients auditifs, Collection handicaps et réadaptation, Editeur SIMEP, 1985.
C'est elle qui le souligne dans le texte en italique car elle considère que ceci est peu connu. Les éducateurs et pédagogues sportifs devraient en tenir compte dans leurs cours. Par exemple le soir Marie peut aisément se perdre en course d'orientation !
Il est vrai qu'il est plus facile de traquer le "manque" plutôt que de construire les réussites à partir des erreurs mieux comprises. Jacques Fiard., Penser l'erreur en E.P.S, In Dossier n°29, A quoi sert l'éducation physique et sportive ? Sous la direction de Bernard Xavier René, C.R.U.I.S.E de Poitiers, Éd. Revue E.P.S, Paris, 1999.
Elle a failli abandonner ! Dans la douleur du récit, elle passe aussi au tutoiement. Ce fut difficile pour elle car nous avons été son professeur mais je lui signale que cela facilite les choses dans des moments difficiles. Le pas est franchi désormais.
J'ai laissé les néologismes de notre jeune amie sourde comme celui ci ou le "handiphobe" de la ligne 664 ou encore ceux de "surchargement", de "débordement de travail".
Dans l'analyse du premier dossier sur les 16 mots clefs qu'elle avait soulignés, 10 concernaient des expressions décrivant des difficultés sociales ou humains comme : handicap, difficultés, accidents de travail, inactifs, taux dinvalidité, incapacité, dépendance, maladie, chômage, déficiences. Ceci est révélateur des manques de soins personnels, de solutions "micro individuelles" dans les grandes enquêtes qui constatent.
Cela nous a fait penser un grand principe de la philosophie phénoménologique "entre la naissante et la mort se situe l'espace de la vie qu'il faut rendre la plus confortable possible !
Le handicap est aussi une catégorie du normal ; c'est en ce sens que l'éducation devrait travailler ce concept pour le diffuser. C'est bien la situation de handicap dramatique qui est anormale et non pas l'humain qui la subit, il faut renverser le sens du regard. G. Canguilhem souligne que c'est "D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal." (...) "C'est l'anormal qui suscite l'intérêt théorique pour le normal. Des normes ne sont reconnues pour telles que dans des infractions. Des fonctions ne sont révélées que par leurs ratés. La vie ne s'élève à la conscience et à la science d'elle-même que par l'inadaptation, l'échec et la douleur." (...) "Avant la science, ce sont les techniques, les arts, les mythologies et les religions qui valorisent spontanément la vie humaine. Après l'apparition de la science, ce sont encore les mêmes fonctions, mais dont le conflit inévitable avec la science doit être réglé par la philosophie, qui est expressément philosophie des valeurs " G. Canguilhem, Le normal et le pathologique, P.U.F Quadrige, Paris, 1966, Réédition n°8, 1999, pp. 135, 139-149.
"Chaque homme est, à sa mesure, un cas, une délicieuse exception. Et une observation fascinée, puis critique, transforme souvent l'être anormal en maître ès humanité.", A Jollien, Le métier d'homme, Essai, Préface de Michel Onfray, Editions de Seuil, Paris, 2002., p. 36.
Pour les personnes sourdes ; il faut reprendre le sens de certaines phrases, de certaines expressions. Marie veut signifier qu'elle comprend mino et elle est d'accord avec son geste.
"Savoir dans quelle mesure les sourds postlinguaux continuent à « entendre » est une question plus ou moins analogue à celle qui consiste à se demander comment les sujets devenus aveugles tardivement continuent à « voir » et, d'une façon ou d'une autre, continue à vivre dans un monde visuel, à l'état de veille comme dans leurs rêves. John Hull (1990), auteur de l'un des plus extraordinaires comptes rendus autobiographiques qui aient traité de ce problème, écrit : « Pendant mes deux premières années de cécité, les gens pour moi se divisaient en deux groupes : ceux qui avaient un visage et ceux qui n'en avaient pas... Les gens que j'ai connus avant de perdre la vue ont un visage, mais ceux que j'ai connus après n'en ont pas... Avec le temps la proportion des gens sans visage a augmenté".... "En gros, Hull s'enfonça de plus en plus dans sa « cécité profonde » au fil des ans. Ses souvenirs et son imaginaire d'ordre visuel, où son besoin de visualité, furent remplacés peu à peu par la sensation de « voir avec l'ensemble du corps » et de vivre dans un monde autonome et complet, à base de sensations corporelles fondées seulement sur le toucher, l'odorat, le goût et, bien entendu, l'audition - tous sens désormais grandement renforcés chez lui ; tandis que les images et expressions visuelles dont il émaillait toujours ses propos ne remplirent plus qu'une fonction métaphorique." Oliver Sacks, Des yeux pour entendre.Voyage au pays des sourds, Essais, Editions du seuil, nouvelle collection augmentée, mai 1990 et 1996, pp. 34-35.
C'est ce que me racontait un interlocuteur aveugle dans une embauche publique. Après accord pour le poste la personne éberluée qui devait le recevoir, se rendant compte de son état, lui dit : mais vous êtes aveugle !" Oui, mais vous ne m'avait rien demandé à ce sujet ! Ce professeur travaille désormais sans problème !
Dans la classification des déficiences auditives, les médecins distinguent : les surdités de transmission (des ondes sonores) qui sont des atteintes de l'oreille externe et moyenne. Toutes les fréquences sonores sont affectées. Ces surdités ne sont jamais totales. La personne perçoit bien sa voix. Le pronostic audio prothétique est généralement bon. Les surdités de perception qui affectent l'oreille interne, la cochlée, le nerf ou la zone auditive du cerveau. Les fréquences sonores sont plus ou moins bien perçues, la surdité peut être totale, la perception de la propre voix du sujet est affectée, l'appareillage est moins facile, parfois impossible. Les surdités mixtes (transmission et perception) sont les plus fréquentes. Les surdités sont classées selon le degré de perte auditive. Il existe plusieurs classifications dont celle du B.I.A.P (Bureau international d'audiophonologie). La classification des déficiences auditives situe : la surdité profonde avec perte auditive supérieure à 80 décibels, la moyenne avec perte de 40 à 70 décibels, la sévère avec perte de 70 à 80 décibels, la légère avec perte de 20 à 40 décibels.
Sources le guide et U.R.A.P.E.D.A. Le guide-barème actuel résulte du décret N° 92-1216 du 4 novembre 1993 et de la circulaire N° 93/36 B du 23 novembre 1993 et http://www.urapeda.org/France/sommaire.html
Marie utilise maintenant le terme de"personne handicapée ", nous sommes en 2004. Un vocabulaire plus positif s'étend dans le langage social, cela nous l'avons observé.
La place sociale des parents en parallèle aux réseaux sociologiques construits font de notre jeune étudiante une privilégiée au départ mais malgré ces avantages tout fut difficile néanmoins. On n'ose imaginer d'autres situations pour des personnes moins entourées relationellement et intellectuellement, ce qui est malheureusement le cas le plus fréquent.
C'est la loi sur "l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" qui a été publiée au Journal officiel le samedi 12 février 2005.
Nous ne sommes pas certain de ces titres mais elle n'a cité que des films sur la surdité, la question était plus large. On notera cependant la dualité entre les langages de communication au sien de la culture sourde !
Ces handicaps "cachés" sont intéressants car ils constituent une frange limite peu explorée par l'ethnographie.
C'est ce que souligne Roland quand il dit : " à présent je soutiens corps et âme lintégration aux conditions quelle soit librement consentie". (Récit no13 aux lignes 345-346)
Le terme "survivre" est à noter ici ! La société crée le handicap, lequel handicap devient l'analyseur de ces propres carences.
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