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système actuel du droit d'auteur qui repose sur une logique « privative » ? ... par
la personne ayant le droit de l'utiliser, y compris pour corriger des erreurs. ....
Cette notion intègre un certain nombre de spécifications et recommandations :
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Ead médiatisé dans lenseignement supérieur : un cadre juridique, territorial et organisationnel à redéfinir
Christophe Riqueau
Université du Sud Toulon Var
HYPERLINK "mailto:riqueau@univ-tln.fr" riqueau@univ-tln.fr
Alger mai 2005 Université de la Formation Continue
Résumé
Le développement de lEad médiatisé par son investissement de départ certes assez élevé réactualise des questions de fond comme le coût des formations et la gratuité de lenseignement supérieur. Par son utilisation de contenus sur des supports numériques, il invite à une réflexion sur les droits dauteurs et plus largement sur la libre circulation du savoir. Par son ignorance du territoire notamment régional mais aussi national, il bouleverse la carte géographique que les collectivités locales sétaient appropriées. Par son absence de coordination et sa méconnaissance de certaines pratiques pédagogiques, il freine les initiatives et les échanges de ressources médiatisées. Larticle propose des pistes de réflexion selon ces trois axes et un ensemble de mesures destinées à passer de lère artisanale de lead médiatisé à une ère de structuration de loffre.
Mots clés
Formation, Ead, Enseignement à distance, droits dauteurs, association de gestion, gratuité, enseignement supérieur.
Summary
Keywords
Problématique
Le développement de lEad médiatisé par son investissement de départ certes assez élevé réactualise des questions de fond comme le coût des formations et la gratuité de lenseignement supérieur. Par son utilisation de contenus sur des supports numériques, il invite à une réflexion sur les droits dauteurs et plus largement sur la libre circulation du savoir. Par son ignorance du territoire notamment régional mais aussi national, il bouleverse la carte géographique que les collectivités locales sétaient appropriées. Par son absence de coordination et sa méconnaissance de certaines pratiques pédagogiques, il freine les initiatives et les échanges de ressources médiatisées.
Permettre un accès gratuit à lenseignement supérieur via lEad médiatisé, requiert une volonté politique et culturelle (Riqueau & Dumas, 2003), mais également la mise en place dun cadre juridique et territorial, capable de diminuer les coûts par une gestion cohérente des droits. « Le gouvernement français nadhère pas à la conception dun individu « entièrement autonome », qui, une fois entré dans la vie active, supporterait la majeure partie de linitiative, de la responsabilité et du coût de sa formation tout au long de sa vie. »
I. Un cadre juridique inadapté
Si lappel doffres sur les campus numériques lancé en 2000 par le Ministère de léducation nationale (Men) a permis de développer une offre de formation dEad plus ou moins médiatisé, le cadre juridique na pas accompagné les problèmes soulevés par cette innovation pédagogique. Ainsi, chacun a expérimenté des solutions, les plus proches de la légalité mais véhiculant des pratiques parfois discutables sur le plan éthique, soustraites au débat de fond et au législateur et pouvant, malgré tout à court terme, servir de référence.
1) Auteur, tuteur dans lEad médiatisé : quel statut pour lenseignant ?
Le décret n°84-431 du 6 juin 1984 relatif aux enseignants chercheurs précise que les « obligations de service comprennent notamment les services d'enseignement en présence d'étudiants (
). Des activités de formation spécifiques peuvent être prises en compte pour le calcul de ces heures d'enseignement dans des conditions et limites fixées par arrêté du ministre de l'éducation nationale. » Si ce décret laisse une certaine liberté dinterprétation quant aux « activités de formation spécifiques », la pratique dans les universités est plutôt restrictive. Ainsi, outre les réticences des institutions universitaires face à ces nouvelles pratiques pédagogiques que sont les Tice, les heures effectuées comme tuteur dans le cadre dun Ead nentrent pas dans le service dun enseignant. Ces dernières se cumulent donc à son temps plein et aux charges administratives afférentes et sont généralement rémunérées en prime pédagogique (Circulaire DPE n° 601-99-C-38).
En tant quauteur, lengagement de lenseignant dans une approche pédagogique nouvelle est une réelle charge de travail supplémentaire dans la mesure où elle nécessite un investissement humain dans le renouvellement de lapproche pédagogique et dans la prise en main doutils spécifiques de communication. Cet engagement nest pas pour autant reconnu et peut engendrer des inefficacités de lenseignement supérieur à distance liées entre autres à la démotivation (Benabid & Grolleau, 2001). Ainsi, dans la loi de 1984, cest « le conseil d'administration de chaque établissement [qui] établit chaque année une liste de classement de l'ensemble des promouvables par section » -par exemple, pour lavancement des maîtres de conférences, ces derniers savent que, sans impulsion forte du Men, les travaux autres que ceux de recherche pure ne sont pas valorisés- « Cette liste est transmise à la section compétente du conseil supérieur des universités qui établit et adresse au ministre de l'éducation nationale des propositions d'avancement. Celles-ci doivent pour les maîtres de conférences d'un même établissement respecter l'ordre de classement adopté par le conseil d'administration de cet établissement. » Il en résulte un climat général de démotivation vis-à-vis des innovations pédagogiques.
Dans ces conditions, de nombreuses universités ont intégré dans leur budget, lors des appels doffre campus numériques, des sommes pour couvrir les droits dauteurs ou, plus exactement, des « primes » sensées rémunérer le travail de scénarisation quimplique lEad médiatisé. Ce travail, réelle création de lesprit, se voit ainsi gratifié et a vertu incitative pour les auteurs, qui, il faut le préciser, sont difficiles à trouver. Cette rémunération a permis également de recourir à des enseignants qui ne sont pas des enseignants chercheurs, et à des socio-professionnels. Cependant, cette rémunération peut heurter la conviction de certains dans la lecture du décret n°84-431 qui précise que les enseignants chercheurs « participent à l'élaboration et assurent la transmission des connaissances au titre de la formation initiale et continue » et « participent à la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique ». Ainsi une lecture stricte des textes laisserait penser que le cours et sa scénarisation feraient partie intégrante du service de lenseignant chercheur. Mais comment défendre cette thèse alors que lenseignant chercheur assure la scénarisation de cours qui, pour linstant, ne sont pas inclus dans son service ? En droit, la rémunération de lenseignant ne comprend que son enseignement et sa parole (Equal, 2000).
Doit-on considérer lenseignant titulaire comme un fonctionnaire dont les uvres créées font lobjet dun régime spécifique résultant de lavis du Conseil dEtat5, aux termes duquel «les nécessités du service exigent que ladministration soit investie des droits de lauteur pour celles de ses uvres dont la création fait lobjet même du service. Par lacceptation de leurs fonctions, les fonctionnaires ou agents de droit public ont mis leur activité créatrice ou les droits qui peuvent en découler à la disposition du service, dans toute la mesure nécessaire à lexercice des dites fonctions » (Avis Ofrateme du Conseil détat du 21 novembre 1972). « Cependant, les collaborateurs du service public conservent leurs droits dans la mesure où la création des uvres nest pas liée au service ou sen détache, cest-à-dire dans le cas où luvre est créée en dehors du service ou sans rapport direct avec son objet. » (Equal, 2000).
On se trouve donc confronté en pratique à des principes de droit qui ne sont pas cohérents ni suffisamment explicites pour inciter à la rénovation pédagogique, aussi bien comme tuteur que comme auteur.
2) Quels droits pour le créateur de contenu pédagogique ?
Cette question nous renvoie bien évidement aux droits dauteur, régime protecteur qui puise ses racines dans les XVII° et XVIII° siècles, et qui reconnaît un droit naturel sur luvre. « La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et si je puis parler ainsi, la plus personnelle des propriétés, est louvrage fruit de la pensée dun écrivain... » déclarait déjà Le Chapelier en 1793. La loi du 11 mars 1957 répond « au besoin quont éprouvé les créateurs intellectuels dêtre protégés en tenant compte des conditions techniques et économiques nouvelles et aussi des nouvelles formes dart surgies depuis la législation révolutionnaire ». Larticle L-111 du code de la propriété intellectuelle (Code CPI) reconnaît ainsi que « lauteur dune uvre de lesprit jouit sur cette uvre, du seul fait de sa création, dun droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. » Larticle L-121 accorde également à lauteur des droits moraux : celui-ci jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité, du droit de divulguer son uvre, ce qui, dans notre cas de lenseignant auteur, parait des plus justes. Les autres droits moraux risquent rapidement de représenter un frein à la création de contenus pédagogiques : en effet, la loi permet à lauteur de sopposer à ce quil soit porté atteinte à lintégrité de son uvre, soit par une modification, soit par une utilisation qui en trahirait lesprit. Ainsi lenseignant, qui a été rémunéré pour créer et scénariser un cours, peut-il légalement empêcher la réactualisation ou la modification dun contenu pédagogique. Quen sera- t- il du développeur qui peut arguer dune création artistique ? De même, par son droit de repentir, « lauteur a la possibilité de faire cesser la diffusion ou lexploitation dune uvre parce quil ne la juge plus digne de lui ou quil souhaite la modifier » (de Broglie, 2000). Les universités ne peuvent se permettre de développer une offre de formation en Ead, qui représente un investissement élevé tant sur le plan humain que financier, sans obtenir rapidement de la part des pouvoirs publics une plus grande clarté juridique. Ainsi avec Bénabou (2001), on se demande si « la philosophie de partage de la connaissance qui préside à lenseignement et à la recherche [peut] saccommoder du système actuel du droit dauteur qui repose sur une logique « privative » ?
II Vers une évolution du cadre légal ?
Plusieurs pays comme la Belgique ou le Canada ont adapté les droits dauteurs au monde éducatif. En effet, le cadre légal doit défendre les auteurs sans pour autant pénaliser la libre circulation du savoir, laccès aux études et les établissements universitaires qui se lancent dans la création de contenu médiatisé. Dans son discours davril 2003 sur lEspace Numérique des Savoirs, le Ministre Xavier Darcos (2003) a rappelé limportance du cadre légal et de la propriété intellectuelle « le plus souvent, les enseignants et les élèves n'ont pas l'opportunité de vérifier qu'un texte, une image, une vidéo trouvés sur l'internet sont libres de droit avant de les intégrer dans un travail multimédia. Les droits de reproduction ou de représentation sont ignorés. » Nous pensons quun droit dauteur éducatif plus proche du droit dauteur des logiciels permettrait de mieux défendre les intérêts des établissements publics tout en proposant aux enseignants et personnels intervenant au titre dun projet Ead un cadre légal respectant leurs droits.
Larticle L 121-7 (Code CPI) limite les droits moraux de lauteur de logiciel : ainsi « sauf stipulation contraire plus favorable à l'auteur d'un logiciel, celui-ci ne peut :1° S'opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits mentionnés au 2° de l'article L. 122-6, lorsqu'elle n'est préjudiciable ni à son honneur, ni à sa réputation ;2° Exercer son droit de repentir ou de retrait ». Cet article est complété par Art. L. 122-6. qui permet au titulaire du droit d'exploitation d'effectuer et d'autoriser notamment la traduction, l'adaptation, l'arrangement ou toute autre modification d'un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant, la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location (
).Certains actes ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur lorsqu'ils sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser, y compris pour corriger des erreurs. On voit ici que lauteur ne peut sopposer à lévolution du produit si celle-ci nest ni préjudiciable à son honneur ni à sa réputation.
Cette approche des droits dauteurs permettrait une plus grande souplesse sur les produits éducatifs développés par les établissements publics. Elle est également renforcée par la gestion différente des droits patrimoniaux qui y sont afférents. Ainsi lArticle. L. 113-9. précise que « sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer ».
Les établissements universitaires, commanditaires de loffre de formation à distance recouvreraient ainsi les droits patrimoniaux. Cet article ne lèse pas pour autant financièrement les auteurs. En effet on peut sappuyer sur le décret 95-858 du 2 octobre 1996, qui définit lintéressement des fonctionnaires ayant participé directement à la création de logiciels. Ainsi « des travaux valorisés bénéficient d'une prime d'intéressement aux produits tirés, par la personne publique, de ces créations, découvertes et travaux ». Dans notre cas, il est clair que les pouvoirs publics doivent repenser et affiner la gestion des droits dexploitation et les modalités financières.
La création dune société de gestion collective des droits des auteurs de produits éducatifs et de recherche, comme cest le cas en Belgique, peut être une piste de réflexion intéressante. La loi du 3 janvier 1995 relative à la reprographie « facilite les exploitations des utilisateurs tout en ménageant les titulaires (
). Le droit de lauteur est cédé par leffet de la loi à une société de gestion collective (art. L. 122-10, CPI) qui a la responsabilité de passer des contrats avec les grandes catégories dutilisateurs afin que ceux-ci payent une redevance» (Bénabou, 2001). Cest ainsi que le Centre Français dexploitation du droit de Copie (CFC) représente donc tous les auteurs/éditeurs quils soient français ou étrangers sans que ceux-ci naient à faire acte dadhésion pour recevoir des redevances depuis que le ministère de la Culture (arrêtés du 23 juillet 1996 et du 7 avril 1997) en a fait la seule société habilitée à délivrer les autorisations de reproduction par reprographie darticles de presse et de pages de livres en France.
Nous pourrions envisager pour les Ead médiatisés, avec des modalités de calculs à définir un accord proche de celui conclu entre la Conférence des Présidents des Universités (CPU), le CFC et la société des éditeurs et des auteurs de musique (SEAM) le 17 novembre 1998. Celui-ci permet aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, dans le cadre de leur mission denseignement et de recherche de réaliser des reproductions en contrepartie de redevances forfaitaires. « La négociation contractuelle ne doit se faire dans lenseignement et dans la recherche publique quau niveau des institutions et non des personnels. Tant sur le plan économique que sur le plan de la facilité pratique, la recherche des solutions doit se faire sur un plan global. » (Bénabou, 2001). Cette remarque est dautant plus vraie que la mise en place de circulaire européenne ou de programme comme Equal montre bien lincapacité de chacun dentre nous à résoudre le problème. Que ce soit au niveau européen ou régional, on se trouve confronté à une logique de territorialité qui ne semble pas traitée de façon pertinente.
III Une logique de territorialité remise en question par les Tice
Depuis une vingtaine dannée, les collectivités territoriales se sont largement engagées dans une politique de financement de lenseignement supérieur, disposant de fait, sur le territoire, dun droit de regard sur laménagement universitaire. Un nombre important dantennes délocalisées a ainsi vu le jour ces dix dernières années, et la Cdus souligne les conséquences dune telle politique : renforcement de lautarcie des établissements, segmentation et éloignement engendrant des coûts élevés, absence dinteraction, caprice de certaines collectivités locales. « Un établissement nest pas le résultat du simple désir dune ville à disposer de son université » (Bornarel 2002). Si au nom dune égalité des citoyens devant un service public et dun plus juste aménagement du territoire cette politique peut se comprendre, les Tic brouillent les découpages administratifs et favorisent lémergence de territoires virtuels. Ainsi, la société de l'information se construit (Bertacchini, 2003). La décentralisation des missions éducatives qui sopèrent sur les collectivités locales et notamment les Régions, nous conduit à nous interroger sur le cadre territorial le plus adapté à lEad.
Ainsi ladaptation du statut de lenseignant, la gestion collective des droits dauteurs, la mise en place dun « espace numérique du savoir » nous semble relever de léchelon national, voire international. Dupliquer une politique de développement de lEad au niveau dun établissement universitaire, dun département voire dune région risque dengendrer une offre de formation redondante et assécher rapidement des ressources financières trop rares. « Labsence de coordination de ces acteurs, pendant de nombreuses années, a pesé sur la cohérence et sur la nature de loffre française de formation à distance, aux niveaux national et international. À titre dexemple, en 1996, une enquête de lIrédu a montré que la demande la plus importante de Foad était centrée sur les formations «professionnalisantes», alors que les différents catalogues de formation étaient pratiquement vides sur le sujet et que pour dautres secteurs les redondances étaient évidentes » (Averous & Touzot, 2002). Le ministère a partiellement répondu à ce problème en lançant en 2000 lappel doffre des campus numériques sans toutefois opter pour une gestion nationale de loffre. A cette époque, trois grands objectifs ont structuré les campus numériques : « la modernisation des pratiques d'enseignement, la construction d'une offre cohérente d'enseignement supérieur à distance qui soit articulée entre les différents acteurs, la proposition d'une offre française compétitive au plan international. » (Morin, 2001). Nombres de ces campus ont développé un réseau de partenariats sur lensemble du territoire français et obtenu des financements complémentaires des collectivités locales et notamment des conseils régionaux.
La lourdeur des investissements de départ des projets en Ead médiatisé (Riqueau & Dumas, 2003) conduit à penser que le cadre naturel daction relèverait de la Francophonie, ou au moins, de léchelon national. Ce cadre, sans être incompatible avec des financements des collectivités locales, pourrait favoriser des partenariats avec des Organismes paritaires collecteurs agrées (Opca) issus des branches professionnelles, des associations notamment dhandicapés pour qui lEad offre de réelles perspectives, du ministère de lemploi et de la formation professionnelle pour accompagner la formation tout au long de la vie, organismes dont le processus de décision relève souvent de léchelon national. « Lespace numérique des savoirs », repris dans le discours de Xavier Darcos (2003), ministre délégué à lenseignement scolaire, semble aller dans ce sens puisquil souhaite développer un « portail daccès à un socle de ressources numériques, rassemblant les « fondamentaux » du savoir, accessibles dans des conditions standardisées et sécurisées (gratuité et liberté dutilisation des contenus mis à disposition à des fins pédagogiques). »
Nous souhaitons que cet espace préfigure à terme, même si le ministre ne lévoque pas explicitement, une bourse déchange de briques de contenus pédagogiques et non pas seulement une bibliothèque virtuelle, cest-à-dire un espace dans lequel chaque établissement denseignement public pourrait puiser des ressources pédagogiques pour construire des parcours de formation. Il nous paraît important, si nous ne voulons pas « réinventer la roue » (Collectif de Chasseneuil, 2000), de mettre en place un espace susceptible de gérer et de révéler les ressources numériques des établissements publics, notamment denseignement. Labsence dorganisation du marché, le manque de communication, la prolifération de projets isolés, rendent difficile la lisibilité de loffre dEad médiatisé des universités. Une politique de veille stratégique apparaît nécessaire pour développer une offre de formation francophone cohérente et étendue à tous les champs scientifiques. Cet espace à définir permettrait également de régler certaines difficultés inhérentes à toute innovation pédagogiques et qui freinent les initiatives ou du moins obligent à une résolution individuelle et répétitive de problèmes communs à plusieurs établissements. Prenons ici quelques exemples : une négociation nationale avec les fournisseurs daccès internet permettrait de faire baisser les prix à environ 100 euros par an (Averous & Touzot, 2002), lindication de normes de production, la mise en place et la certification de centres de regroupement dexamen à létranger, un soutien au montage de projet européen, une aide juridique et administrative spécifique à lEad médiatisé. « La création de l'Espace Numérique des Savoirs constitue une formidable occasion pour créer de nouveaux espaces de dialogue entre acteurs publics et privés, et mettre en uvre ensemble les solutions les plus adaptées » (Ferry, 2003). Il sagit aussi de passer de lère des pionniers à celle des producteurs industriels.
Labsence de standard et normes techniques :
Les campus numériques issus des appels doffre 2000- 2002 se sont développés sans que soient imposées des normes de référence quelles soient techniques, graphique ou pédagogique. Sans doute, la volonté de mutualiser les ressources produites na-t-elle pas suffisamment été affirmée par le Ministère. Il en découle aujourdhui non pas une offre nationale de modules denseignement à distance mais une offre segmentée aux mains de quelques consortiums. Cette mutualisation rendue délicate par labsence de cadre juridique et organisationnel, comme nous lavons vu, est également compromise par labsence de normes techniques. Or tout lenjeu du e-learning sinscrit dans lutilisation et surtout la réutilisation des ressources produites et donc leur interopérabilité. Cette notion intègre un certain nombre de spécifications et recommandations : respect de standard technique afin que les contenus soient portables sur différentes plateformes, respect de la notion de granularité pédagogique et fine description des ressources afin den faciliter la réutilisation. Cette réflexion doit également englober comme le souligne le rapport Heal (2004) les mécanismes qui permettront de mutualiser les contenus dans différents contextes pédagogiques : « ainsi un contenu devra pouvoir être utiliser au sein dune plateforme de-learning dynamique, à partir de CDROM sans connexion internet, sur support papier qui correspond à une partie des usages dans les contextes ou il nest possible daccéder à un ordinateur, sur de nouveaux équipements (PDA, mobile
) qui offrent aujourdhui de nouveaux cadres pour lapprentissage, sur les supports à venir comme la télévision interactive ou autre nouveau support dinformation ».
IV. La révélation de pratiques pédagogiques innovantes
« Le développement rapide, ces dernières années, des Technologies de l'Information et de la Communication (Tic), a contribué de manière significative à l'intérêt croissant porté aux théories socioculturelles de l'apprentissage et à la pédagogie sur projet. La Communication Médiatisée par Ordinateur (Cmo) est censée, de fait, faciliter l'apprentissage collaboratif à distance et permet la mise en place de pédagogies innovantes » (Blin & Donohoe, 2000). La majorité de loffre de formation en Ead médiatisé sest inspirée dun modèle éditorial de création de contenu. Ainsi a-t-on demandé à des enseignants de transposer leurs cours par écrit, cours qui par la suite ont été médiatisés, c'est-à-dire traduits en langage « web », en intégrant des éléments multimédia plus ou moins interactifs comme des cartes animées, des exercices à trous, du son de la vidéo ou toutes autres techniques animées. Ces contenus sont accompagnés doutils permettant des échanges synchrones comme le chat ou asynchrones comme le forum, le mèl. La plupart ont intégré leurs contenus médiatisés dans des plateformes pédagogiques qui ont le mérite doffrir gestion et organisation de la formation, traçabilité du parcours de létudiant. Mais cette démarche nous conduit à deux remarques : dabord, labsence dutilisation de ressources existantes manque de rationalité économique, ensuite, le développement des outils et des contenus interactifs ne signifie pas forcément pratiquer un enseignement collaboratif.
1) Une approche dite de révélation de contenus permet dutiliser les ressources existantes
A linverse de la création éditoriale, la révélation de contenus comme son nom lindique se base sur des ressources existantes sur le web et daccès gratuit. Lenseignant utilise des moteurs de recherche pour construire un parcours pédagogique quil transmettra à létudiant. Cette approche sinspire du courant Freinet «Organiser le tâtonnement expérimental de lenfant dans un milieu riche et aidant qui lui offrira les fleurs parfumées dont il fera son miel. Létude des règles et des lois ne viendra quaprès ». « Linformation trouvée sur Internet est brute, ce qui est nouveau et déconcertant pour létudiant. Il va devoir apprendre à agir, trier, choisir, organiser, être critique vis-à-vis de linformation quil trouve, être autonome » (Simonin, 2001). Durant la formation, lenseignant va accompagner létudiant, stimuler le travail de réflexion, initier léchange dans le groupe, assurer le rôle de médiateur. « Le médiateur a un rôle de tuteur au sens de Vygotsky: il est au cur de lexpérience, il évolue au fur et à mesure, il donne les moyens nécessaires, laisse tâtonner, mais intervient à temps pour ne pas laisser létudiant se décourager » (Simonin, 2001). Cette révélation peut également aboutir à la gestion de projets ou de réalisations collectives favorisant le travail collaboratif entre lenseignant et les étudiants mais surtout entre étudiants. Cette approche pédagogique est également intéressante du point de vue de lapproche économique : elle évite un investissement lourd dans la création de contenus et peut saccompagner dune dose plus ou moins grande de « contenu éditorial ». Si pendant longtemps faire référence à un lien hypertexte pouvait laisser un doute sur la légalité de cette pratique, la décision du tribunal du 26 décembre 2000 nous apporte une réponse : « s'il est admis que l'établissement de liens hypertextes simples est censé avoir été implicitement autorisé par tout opérateur de site Web, il n'en va pas de même pour ce qui concerne les liens dits « profonds » et qui renvoient directement aux pages secondaires d'un site cible, sans passer par sa page d'accueil ». Ainsi «il nest pas nécessaire de demander une autorisation pour insérer un lien hypertexte dans un site internet » (Chevet 2001) si certaines règles sont respectées, mais « il est prudent douvrir le site, objet du lien hypertexte, dans une nouvelle fenêtre » (Chevet 2001). Cette approche se heurte cependant à une migration des sites internet sélectionnés ; les copier sur un serveur mémoire nous renverrait à la notion de droits dauteur.
2) De lenseignement médiatisé à lenseignement collaboratif
De nombreuses expériences développent actuellement des supports multimédia, souvent interactifs, mais qui ne conduisent pas forcément à une réduction pour létablissement du nombre dheures de tutorat consacrés par lenseignant à létudiant eu égard à la maquette en présentiel. Lenseignant auteur, conscient dintervenir sur une innovation pédagogique et donc en situation critiquable par ses pairs, sest aligné non pas sur létudiant moyen mais sur létudiant « idéal », en lui fournissant un contenu pédagogique conséquent. Ce comportement se poursuit lors du tutorat en ligne : ignorant parfois les pratiques dun enseignement collaboratif, il reproduit sa « norme qualité » en multipliant les devoirs individuels et les corrections. Bilan : la charge de travail tant pour létudiant que pour lenseignant dépasse ou tout au moins nallège pas les maquettes horaires officielles, véhiculant ainsi lidée que lead médiatisé est coûteux.
Une intégration plus importante de lapproche coopérative et collaborative, c'est-à-dire favorisant le travail entre apprenants, pourrait apporter une réponse partielle. "Chaque individu peut faciliter le développement des autres membres du groupe en fournissant un 'étayage' pour ceux dont les connaissances dans certains domaines ne sont pas encore accessibles pour une utilisation autonome" (Lewis, op. cit., dans Blin & Donohoe, 2000). Peuvent également être mises en avant plusieurs approches comme le principe d'autonomie, qui "insiste sur la responsabilisation des apprenants non seulement vis-à-vis de leur propre apprentissage mais aussi vis-à-vis de l'apprentissage de leur partenaire" (Schwienhorst, op. cit., dans Blin & Donohoe, 2000), sur léchange du savoir ou le travail par projet. Ces concepts pédagogiques, grâce à une plus grande interaction des apprenants entre eux et un parcours pédagogique adéquat, peuvent alléger la charge de lenseignant et rendre lead médiatisé moins onéreux.
« Pour résumer les objectifs pédagogiques de l'apprentissage coopératif, "on peut dire qu'il faut coopérer pour apprendre et apprendre à coopérer, ce qui suppose aussi de développer des compétences transversales utiles pour la vie dans le monde du travail et dans la société. Un objectif et un résultat attendu, plus ambitieux de l'apprentissage coopératif est de rendre les apprenants capables d'un comportement réflexif » (Derycke, 2002).
Conclusion
Le développement de lenseignement à distance entraîne une mutation de nos structures pédagogiques. Les appels doffre campus numériques, les initiatives isolées, ont commencé bien avant que les cadres juridique, organisationnel, et territorial ne soient clairement exposés par le Men. Pourtant, certaines mesures apparaissent nécessaires pour atteindre les objectifs rappelés dans de nombreux discours, à savoir la possibilité dune formation tout au long de la vie et un accès gratuit à lenseignement supérieur. Permettre un accès gratuit passe par une maîtrise des coûts et la recherche dune rationalité tant psychologique, pédagogique quéconomique.
Ainsi, sur le plan juridique, comme nous lavons exposé, une réflexion sur le statut de lenseignant chercheur, et plus généralement de lenseignant dans le supérieur, comme tuteur autant quauteur, est nécessaire pour encourager les initiatives pédagogiques innovantes. En effet, labsence de dispositions claires, voire dune exception pédagogique, relatives à la propriété intellectuelle peuvent entraîner comme nous lavons vu, des surcoûts financiers. Un droit du contenu pédagogique proche du droit du logiciel correspondrait sans doute mieux au besoin des établissements de formation tout en préservant les droits des auteurs.
Sur le plan organisationnel, la mise en place dune association de gestion des droits des auteurs de contenus pédagogiques avec un accord type CFC faciliterait grandement la création de contenus dead médiatisé. La création dun espace national numérique susceptible dassurer la gestion des modules de cours existants, de favoriser les partenariats, de négocier avec les opérateurs et les acteurs de la formation continue, éviterait de « réinventer la roue » dans chaque établissement universitaire et de réaliser des économies déchelle. Cet espace pourrait également servir de vitrine des expériences en cours, et déchanges de pratiques pédagogiques.
Nous devons laisser derrière nous lère artisanale de lead médiatisé et passer à une ère de structuration de loffre.
Bibliographie
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Rapport annuel du conseil supérieur des bibliothèques. (1994). HYPERLINK "http://www.enssib.fr/autres-sites/csb/rapport94/rapp94-4situation/csb-rapp94-schemas.html" http://www.enssib.fr/autres-sites/csb/rapport94/rapp94-4situation/csb-rapp94-schemas.html
Riqueau, C. & Dumas, Ph. (2003). « Les initiatives pédagogiques des universités et le coût de formation ». en cours de publication.
Simonin, F. (2001). « Les leviers vers l'autonomisation : Centre dAutoformation comme lieu déchanges et de Recherche ». Ruca-codif : Rencontres de la Rochelle.
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Processus de consultation sur léducation et la formation tout au long de la vie faisant suite au mémorandum de la commission européenne - 2001 - site HYPERLINK "http://www.travail.gouv.fr/actualites/dossiers/memorandum.htm" http://www.travail.gouv.fr/actualites/dossiers/memorandum.htm
Notamment dans les campus Canége et Pégasus. Site HYPERLINK "http://www.canege.org" www.canege.org et HYPERLINK "http://www.campus-pegasus.org" www.campus-pegasus.org
Par exemple, dans Canège et Pégasus, le taux de réponse aux appels à candidature de créateurs de cours est de quelques individus sur une population cible de plusieurs centaine
Equal : programme européen dont les produits, instruments ou méthodes développés par un partenariat de développement ou par un partenariat de coopération transnationale deviennent propriété de lunion Européenne représentée par la Commission Européenne permettant leur utilisation par tout autre citoyen européen (Equal, 2000).
Irédu : institut de recherche sur léconomie de léducation
A titre dexemple aucun des projets financés dans le cadre des projets Minerva nétait piloté par un établissement français (Averous & Touzot, 2002)
Voir à ce sujet le comportement des campus numériques « état des lieux campus numériques 2002 » site www.educnet.education.fr/chrgt/EtatCampus02.pdf
C. Freinet : cité dans lintervention de M. Caux au congrès INSEA de Prague 1966, publiée dans « lArt Enfantin » sept oct nov 1966 n°37, ICEM et reprise par Simonin
Terme utilisé dans lIUP Ingémédia
Ordonnance de référé, prononcée le 26 décembre 2000, par M. Atlan (Tribunal de commerce de Paris)
Retour oral dexpériences de plusieurs enseignants-auteurs-tuteurs lors du séminaire bilan du campus numérique Canège en mars 2003
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