Agrégats
Il s'agit de la rencontre annuelle la plus importante sur le sujet. ...... Le NACT
aussi que le Forum ont été établis par Noel Treacy TD, Ministre d'Etat pour la ......
des MDs d'organismes d'Etat, des fonctionnaires diplomatiques de service, des ...
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UNION NATIONALE DES OPERATEURS DE LA PHARMACIE
Lorganisation du marché national des médicaments
Difficultés et perspectives annoncées face aux échéances
de lapplication de laccord dassociation avec lUnion européenne
et à lentrée de lAlgérie à lOMC
Septembre 2005
PLAN GENERAL DU RAPPORT
1- Introduction générale
2- La problématique actuelle du marché national du médicament
3- Lorganisation actuelle du marché national du médicament
3.1- Un bref rappel historique
3.2- Les acteurs du marché national du médicament
Les administrations régulatrices.
Les acteurs du circuit de production et de commerce
(i) les intervenants du secteur pharmaceutique public
(ii) les producteurs et importateurs privés
(iii) les grossistes répartiteurs privés
(iv)-les officines privées
3.3- La taille actuelle du marché
3.3.1- Les importations de médicaments
3.3.2- la production nationale
3.3.3- une estimation approximative du marché national (production et importation)
4- Les réglementations applicables au marché du médicament
4.1- Remarques générales : un ancrage législatif défaillant
4.2- le système denregistrement
4.3- lagrément préalable des producteurs et distributeurs de produits pharmaceutiques
4.4- la réglementation du contrôle de la qualité
4.5- lencadrement des importations
4.5.1- le contrôle des importations par ladministration sanitaire
4.5.2- Le développement du médicament générique
4.6-le système des prix
4.6.1- Le système actuellement applicable en matière de prix du médicament
4.6.2- Comment évaluer cette réglementation en place ?
4.7- Le système de remboursement du médicament
4.7.1- limportance du système de remboursement du médicament
4.7.2- léligibilité du médicament au remboursement
4.7.3- les difficultés du système de remboursement.
5- Les engagements internationaux annoncés
5.1- Limportance et les enjeux des changements annoncés
5.1.1- Pressions internes en faveur de changements dans le fonctionnement du secteur du médicament
5.1.2- Contraintes générales du changement introduit par les accords commerciaux internationaux
5.2- Les obligations découlant des accords OMC et UE
5.2.1- Règles de laccord dassociation avec lUE
(i) Le cadre général : les règles de l OMC
(ii) la prohibition des restrictions quantitatives
(iii) le démantèlement tarifaire
(iv) dispositions relatives à la concurrence
(v) propriété intellectuelle
(vi) services : traitement national aux sociétés de lUE
5.2.2- Principes généraux des accords OMC
.
(i) principe de la non discrimination : la clause NPF
(ii) le second principe fondateur est celui du traitement national
(iii) une troisième règle importante est celle de la transparence des règles
(iv) la libéralisation permanente par la négociation
(v) le Mécanisme de règlement des différends
5.2.3- Exceptions concernant la santé publique
5.2.4- Règles des accords OTC et SPS de l OMC
5.2.5- Règles de laccord ADPIC (Accord de lOMC sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce)
5.2.6- Règles de laccord AGCS (Accord général sur le commerce des services) ou GATS
5.2.7- Accélération de louverture commerciale avec lentrée à lOMC
5.3- Les implications prévisibles de louverture commerciale sur le système de régulation du marché du médicament
5.3.1- Précautions de base de lapproche des accords OMC
5.3.2- Les pressions sur le système des enregistrements de médicaments
5.3.3- Les implications en matière de procédures dimportation du médicament
5.3.4- Implications sur la politique nationale dencouragement du médicament générique
5.4- Les implications prévisibles de louverture commerciale sur la production nationale du médicament
5.4.1- Contexte général de louverture commerciale
5.4.2- la suppression de lobligation dinvestir ou la fin dun contrat de développement
5.4.3- Vers de nouvelles formes de protection de lindustrie pharmaceutique nationale
(a) Le besoin dune volonté politique affirmée daider un secteur sensible de léconomie
(b) une négociation plus renforcée de la problématique pharmaceutique dans le contexte de laccession
(c) Lenjeu majeur du système denregistrement et de la négociation du prix
(d) Lenjeu de la politique du remboursement
(e) Autres formes de soutiens
(f) Une cellule de veille et de concertation conjointe
6- Une expérience étrangère à méditer : le cas Tunisien
6.1- le secteur pharmaceutique tunisien en quelques chiffres
6.2- Le rôle majeur de la Pharmacie Centrale Tunisienne (PCT) comme régulateur central de lensemble du marché
6.3- La protection du producteur national tunisien : le système de la corrélation
6.4- Les pressions de lOMC et de lUE en vue du démantèlement de ce système dorganisation du marché pharmaceutique en Tunisie
7- Conclusions - Recommandations finales
7.1- Prendre toute la mesure des enjeux et des risques
7.2- Point focal interministériel à mettre sur pied
7.3- Adapter la politique publique du médicament au contexte de louverture commerciale et de lentrée à lOMC
7.4- Mettre en place un espace de concertation administration producteurs
Références bibliographiques
1- Introduction générale
Le marché du médicament apparaît comme un secteur économique dune grande importance dans lensemble des pays du monde. Quelle que soit lorganisation quil emprunte, ce marché est, partout, dune sensibilité particulière pour les pouvoirs publics, souvent pour son poids économique et financier, mais plus généralement encore pour son caractère social éminent.
Si, dans les pays les plus développés, la préoccupation majeure des autorités semble être celle de la maîtrise des dépenses publiques de santé et la sauvegarde des systèmes de sécurité et de solidarité sociales, dans les pays en développement, en revanche, elle est surtout liée à la disponibilité des produits et, de manière plus générale, à laccès des citoyens aux médicaments et aux services de soins.
Le médicament offre, à ce titre, la grande particularité dêtre, en même temps, un bien de consommation courant, par conséquent soumis comme tous les biens à une logique de marché et à de banales contraintes économiques et financières, et par ailleurs le vecteur essentiel des services de soins prodigués à des personnes malades, avec donc une finalité sociale et humaine très spécifique.
Si le coût des médicaments varie, globalement et selon les pays, entre 30 et 60% des dépenses de santé, le lien intime entre médicament et politique de soins est tel que, selon lOMS, une bonne politique du médicament nest pas seulement « un pré - requis pour un bon fonctionnement des services, mais aussi, ce qui est sans doute plus important, la force motrice de toute réforme du système de santé » (1). Dans ces conditions, lon ne saurait trop insister sur la nécessité absolue de considérer toute évolution de lorganisation du marché du médicament dans ses interactions les plus directes et les plus immédiates avec la politique nationale de santé publique.
Le présent Rapport ne prétend pas, bien entendu, traiter directement de ces interactions, une tâche qui relève en premier lieu de la responsabilité des autorités publiques et de lensemble des autres acteurs de la politique nationale de santé publique. Il sefforce de donner, .néanmoins, une image aussi claire que possible (en tenant compte des limites de linformation disponible) de létat actuel du marché national du médicament, de ses enjeux et des grandes transformations auxquelles il devra certainement faire face au cours des prochaines années. Il permet, ce faisant, douvrir un débat tout à fait opportun qui ne manquera pas daborder en partie le volet de la santé publique en Algérie.
Les pressions pour une transformation de lorganisation actuelle du marché du médicament sont nombreuses. Il est possible, toutefois, de les synthétiser très brièvement, à travers un classement sommaire sous deux grandes catégories :
___________________________________________________________
(1) Drugs and Health Sector Reform par Fernando S. Antezana, Assistant Director General and German Velasquez, Action Program on essential Drugs, December 1996, Document WHO/TFHE/96-2 (cf. PP 17-18)
- il y a, dune part, les pressions dorigine interne liées pour lessentiel au désir des autorités publiques de rationaliser lorganisation en place et de la rendre plus performante et mieux adaptée à la prise en charge des objectifs de la politique nationale de santé. Les formes que prennent ces pressions, leur intensité, de même que les objectifs recherchés, sont très variables. On citera notamment : laccès élargi du citoyen au médicament ; la disponibilité des produits ; la maîtrise des dépenses de remboursement par le système de sécurité sociale ; la réduction de la facture des importations ; la promotion dune industrie nationale du médicament ; le développement du médicament générique ; laccès aux domaines innovants comme les biotechnologies ; etc.
- il y a, dautre part, les pressions dorigine externe provenant, quant à elles, des obligations contractées par notre pays dans le cadre de laccord dassociation avec lUnion européenne qui vient dêtre ratifié au cours des derniers mois ou qui sont en phase de négociation, comme cest le cas pour laccession à lOrganisation mondiale du commerce. Les accords commerciaux administrés par celle-ci imposent des disciplines qui affectent lensemble des marchés et qui touchent également celui du médicament.
En raison même de leur caractère contraignant et de leur force juridique (les dispositions issues dun accord international simposent à la législation interne), les implications des accords de lOMC et celles de laccord dassociation sur le secteur pharmaceutique national doivent être appréhendées sans plus attendre. Surtout, elles doivent faire lobjet, compte tenu de leur amplitude et des perturbations quelles risquent de susciter au niveau de la chaîne dapprovisionnement, dune analyse minutieuse et dun débat professionnel par lensemble des parties concernées.
2- La problématique actuelle du marché national du médicament
Au vu de la situation décrite ci-dessus, il faut sattendre à ce que les pressions pour une transformation de lorganisation actuelle du marché national du médicament se fassent de plus en plus pressantes à mesure, notamment, de lavancée du dossier des négociations pour laccession de notre pays à lOrganisation Mondiale du Commerce.
Sachant le caractère global de ce dossier daccession et le haut degré de priorité que semblent lui attacher les plus hautes autorités du pays, il importe par-dessus tout que les acteurs concernés du secteur de la santé disposent de la vision la plus claire possible sur la manière dont elles entendent conduire cette transformation, lattitude à éviter étant celle de changements conduits dans la précipitation et sans, au minimum, un plan et un mode opératoire préalablement réfléchis.
Par ailleurs, compte tenu de la sensibilité qui sattache au commerce du médicament sur le marché national, en particulier du point de vue des possibles perturbations des circuits dapprovisionnement et de leurs effets négatifs sur la politique de soins, il est impératif que toute évolution dans le système dorganisation soit conduite de manière progressive, prévisible et concertée avec les principaux acteurs.
Linquiétude est également celle des entreprises algériennes qui se sont lancées dans des projets de production pharmaceutique, par suite des obligations qui leur ont été imposées par la réglementation édictée par le Ministère de la santé. Il faut rappeler que lexercice dactivités dimportation et de distribution de médicaments à usage humain sest opéré au cours des années 1990 dans le cadre dun cahier des charges qui faisait obligation aux entreprises intéressées de sengager à réaliser des projets dindustrialisation, même partielle, du médicament sur le territoire national. Une contrepartie de cette obligation était la garantie de protection du marché, les autorités sengageant à ne pas autoriser les importations de produis concurrents pour tout projet dintégration correctement abouti.
Les entreprises engagées actuellement dans la production en Algérie, parmi elles celles regroupées au sein de lUNOP, sont profondément inquiètes par la disparition de cette protection et, en conséquence, par la menace que fait peser sur elles la puissance des grandes entreprises multinationales et celles de concurrents étrangers beaucoup plus aguerris aux plans techniques, financiers et commerciaux. Ces derniers ont la main mise non seulement sur les spécialités quelles contrôlent directement mais également sur le marché des génériques quelles ont investi soit directement soit via des filiales quelles ont installées dans les pays en développement qui ont initié des politiques favorables au médicament générique.
Pour ces entreprises productrices et singulièrement pour lUNOP qui a pris linitiative dun débat professionnel à ce sujet, la question qui se pose est celle de savoir comment les pouvoirs publics vont devoir assumer leur engagement de protection de la production nationale et des projets dinvestissements qui ont été réalisés (ou sont en cours de réalisation) sous leur impulsion politique directe.
Si lorientation choisie par ces mêmes pouvoirs publics pour une entrée de notre pays dans cette importante organisation internationale quest lOMC simpose aux entreprises pharmaceutiques comme à lensemble des autres secteurs de léconomie nationale, en revanche les dispositions des accords administrés par cette organisation prévoient dimportantes flexibilités pour le cas des médicaments et des produits destinés à la protection de la santé publique quil importe de pouvoir explorer et exploiter de la meilleure façon possible. Lexemple dun pays en développement voisin comme la Tunisie qui, tout en étant déjà partie prenante dans les mêmes accords que lAlgérie (OMC et Union européenne), maintient dimportantes restrictions au bénéfice de ses producteurs nationaux et encadre très fermement les importations de médicaments sur son territoire, constitue très certainement une expérience dont il est possible de sinspirer.
Cela étant, si les contraintes immédiates apparaissent claires et évidentes et si limportance des enjeux est considérable, la difficulté majeure reste, aujourdhui, celle de labsence dindications explicites sur les directions potentielles que prendra la réorganisation à tous égards inévitable du système de régulation du médicament. De nombreuses questions restent posées qui méritent réflexion et notamment celles-ci : comment la régulation du marché par ladministration va devoir être réorganisée, du point de vue des autorisations de mise en marché, de lencadrement des importations, de la concurrence entre fabricants, du système des prix, du système de remboursement, de la production de la production locale, etc. ?
Comment concilier les objectifs de la politique de santé publique (qualité des soins et des médicaments, accès élargi aux médicaments, encouragement du générique) dans le nouveau contexte économique ? Comment assurer une bonne compatibilité entre la libéralisation annoncée, induite par les nouveaux engagements internationaux du pays (OMC UE) et les exigences dun encadrement souple du marché national du médicament ? Comment adapter les mécanismes actuels de protection de la production pharmaceutique locale dans le contexte nouveau qui sera induit par laccession à lOMC ?
Le présent Rapport tente daborder toutes ces questions, en tentant de les formuler dans le contexte économique et réglementaire national. De ce point de vue, lobjectif est avant tout celui de commencer à susciter le débat indispensable parmi les professionnels concernés, à léchelle des administrations, des entreprises et de tous les autres parties intervenant sur le marché. Il tente, également, de suggérer des pistes de solutions et des recommandations qui, toutes, sinspirent directement des grands axes de la politique de santé publique telle quelle a été définie et conduite, jusque là, par les pouvoirs publics.
3- Lorganisation actuelle du marché national du médicament
Le secteur du médicament, dans ses forces comme dans ses faiblesses, est un fidèle reflet des différentes politiques économiques qua connues notre pays depuis son indépendance, en 1962. A limage du reste de léconomie nationale, il se trouve à la croisée des chemins, avec beaucoup de progrès accomplis, des perspectives de développement importantes mais aussi des contraintes très lourdes encore à surmonter.
3.1- Un bref rappel historique
Si, à lindépendance, lAlgérie avait hérité dune infrastructure de soins de bonne qualité, il est reconnu en revanche quelle était très insuffisamment étoffée. Ayant été conçue fondamentalement pour les besoins de la population coloniale française, elle ne couvrait, en effet, que de manière très rudimentaire ceux de la population autochtone. Laccès aux soins de base était du reste une des revendications récurrentes du mouvement national et un des aspects de la dénonciation de la politique coloniale en Algérie.
Ceci explique que le développement des infrastructures de soins ait connu une dynamique et des progrès incontestables, sous leffet de politiques économiques publiques qui ont été suivies avec beaucoup de ténacité et de constance, depuis lindépendance à ce jour. La croissance des besoins exprimés, en quantités et en qualités, à lendroit de la santé publique, a suivi une dynamique encore plus marquée, en liaison notamment avec la très forte croissance démographique, lélévation du niveau déducation et le mouvement durbanisation qua connus le pays.
Dans ce contexte général, le secteur national du médicament a accompagné lévolution du système de soins, en sadaptant progressivement à lévolution du niveau de la demande nationale de produits pharmaceutiques, mais aussi en subissant de plein fouet toutes les difficultés de la gestion de léconomie nationale, celles liées à une gestion administrée et procédurière jusquen 1990, celles liées à une libéralisation et à une ouverture extérieure trop rapide et insuffisamment maîtrisée. Lorganisation de ce secteur a ainsi vécu deux grandes périodes :
(i) - une première période marquée par une gestion directe du secteur par ladministration sanitaire, une gestion organisée autour de la Pharmacie centrale algérienne (PCA). Cette dernière, sous lautorité du Ministre en charge de la Santé publique, était entièrement responsable de la gestion du marché du médicament au stade de la production, de limportation et de la distribution de gros.
Au cours des années 1980, la PCA fera lobjet, dans le cadre des restructurations qui ont touché toutes les grandes entreprises du secteur public, dune réorganisation sous forme de trois entreprises assurant chacune une couverture régionale du territoire, à lEst (ENCOPHARM), à lOuest (ENOPHARM) et au Centre (ENAPHARM). Cette réorganisation na pas touché lorganisation du marché en amont, les autorisations dimportations étant simplement, soit réparties entre les trois entités, soit quelquefois regroupées dans le cadre de mécanismes de coordination des achats, sous lautorité du Ministère de la Santé. On notera que les services de contrôle technique des médicaments, étaient assurés directement par la PCA. Initialement basés à Alger, ces services seront placés sous lautorité de lENAPHARM, ainsi chargée de sous traiter lactivité pour le compte des deux autres sociétés publiques.
Dans la pratique, ces entités publiques (la PCA puis les trois sociétés à vocation régionale) étaient des instruments aux mains du Ministère de la Santé, dont les missions étaient celle de lapprovisionnement du marché national et de la mise en uvre de la politique publique dans le domaine du médicament. Leurs contraintes étaient celles inhérentes au mode de gestion de lensemble de léconomie nationale à cette époque, à savoir de fortes restrictions dans laccès aux ressources en devises, une organisation rigide des marchés et la prégnance de la tutelle administrative sur les entreprises. La principale difficulté était dans les pénuries chroniques sur le marché national, se traduisant par des perturbations régulières qui affectaient tout le système de soins.
Enfin, il faut relever que la production nationale na pas connu de développement significatif au cours de cette période, malgré des investissements publics importants consentis dans des projets de grande envergure qui nont, en bout de course, pas pu être conduits à bien de manière satisfaisante.
(ii)- une seconde période qui consacre une ouverture graduelle du marché national du médicament. Cette période sera, au départ, ouverte avec une disposition de la loi des finances complémentaires pour lannée 1990 (Juillet 1990) qui autorisait linstallation de concessionnaires étrangers dans un certain nombre dactivités économiques, parmi lesquelles celles du médicament. Lidée introduite avec cette disposition légale était celle dune ouverture du marché en contrepartie dun engagement dindustrialisation locale. De nombreuses sociétés de droit algérien seront ainsi créées, dans le sillage de cette loi, en liaison directe ou indirecte avec les intérêts de laboratoires pharmaceutiques étrangers.
Ces nouvelles sociétés inaugurent ainsi un processus douverture qui se heurtera rapidement à trois types de contraintes :
dune part, le système de régulation des importations restait le même, à savoir un système toujours fondé sur un contrôle administratif et bancaire très sévère sur les importations et qui était beaucoup plus conçu pour régir les transactions des entreprises publiques que celles de sociétés privées. La conjoncture financière difficile que traversait le pays au début des années 1990 compliquait singulièrement la prise de décision ;
dautre part, lobligation dindustrialisation dans un secteur dactivité aussi complexe que celui du médicament, était loin dêtre une tâche aisée. En effet, non seulement lenvironnement de linvestisseur était semé de nombreuses embûches bureaucratiques, mais lobligation dinvestir introduite par la Loi était beaucoup plus une profession de foi dont aucune disposition réglementaire ne venait expliciter et détailler les modalités de mise en uvre ;
enfin, et surtout, on sapercevra rapidement que le terrain réglementaire devait être préparé au préalable avant de permettre effectivement à des intérêts privés de pouvoir intervenir en toute sécurité dans un domaine où les risques liés à la préservation de la santé publique étaient à lévidence importants.
Une évolution majeure sera observée à partir de lannée 1995, qui voit une libéralisation complète de laccès aux marchés extérieurs pour lensemble des activités économiques, dans le cadre dun plan dajustement structurel imposé au pays par les institutions financières internationales. Cette ouverture va être élargie graduellement, avec notamment :
des avancées importantes vers la convertibilité commerciale de la monnaie nationale ;
des réductions progressives de la protection tarifaire des marchandises ;
louverture des secteurs économiques jusque là fermés (transports, télécommunications, hydrocarbures, etc.) ;
la simplification des procédures pour linvestissement national et étranger ;
la signature dun accord dassociation avec lUnion européenne.
Le secteur du médicament va connaître, dans ce contexte, des évolutions importantes marquées par :
un effort significatif fait par ladministration sanitaire dans le sens de laménagement du cadre technique et réglementaire de la libéralisation du marché du médicament. On citera à cet égard : la définition de procédures claires pour lagrément des distributeurs et des producteurs ; la mise en place dun laboratoire national de contrôle des médicaments ; la mise en place dun cahier des charges pour les importateurs de médicaments ; les procédures de détermination du prix des médicaments ; etc.
laccroissement important et rapide du nombre des intervenants du secteur privé, au stade de limportation de médicaments comme à celui de la distribution grossiste. Inexistants au début des années 1990, ils sont aujourdhui plus dune soixantaine à limportation et plus de 400 grossistes sur le territoire national.
La prise de contrôle du marché par le secteur privé va entraîner une perte dinfluence puis une disparition rapide des trois entreprises publiques dapprovisionnement qui ne disposaient pas, il est vrai, des moyens économiques et financiers adéquats pour pouvoir faire face à leurs nouveaux concurrents.
Malgré cette transformation radicale de lorganisation du marché national du médicament, il nen reste pas moins que celle-ci est loin dêtre achevée. En effet, les équilibres qui ont pu être aménagés, de manière progressive et intuitive, avec lorganisation en place aujourdhui, ne manqueront certainement pas dêtre bousculés par les contraintes que posera inévitablement une mise en conformité, sur le terrain, avec les règles et disciplines de lorganisation mondiale du commerce.
De ce point de vue, cest une nouvelle phase dorganisation qui est appelée à souvrir, en ce sens que le rôle même et la place des différents acteurs qui ont animé le marché du médicament jusque là, seront appelés à être reformulés et clarifiés.
3.2- Les acteurs du marché national du médicament
Le marché du médicament, du fait quil traite de produits pouvant présenter des risques importants pour la santé humaine, est un marché fortement réglementé. Aussi, à côté des agents qui agissent directement sur le flux des produits, trouve t-on une autre catégorie dacteurs qui est représentée par les administrations régulatrices.
LES ADMINISTRATIONS REGULATRICES exercent, de manière générale, une influence considérable et décisive sur le marché du médicament, à ses différents niveaux. On citera à cet effet les Ministères en charge de la Santé Publique, de la Protection Sociale et de lIndustrie.
le Ministère en charge de la Santé Publique qui reste, de fait et malgré les importants efforts de libéralisation accomplis au cours des dix dernières années, le centre nerveux de lensemble du marché du médicament.
En effet, on observera que le Ministère de la Santé Publique exerce des prérogatives essentielles quant à lorganisation et au fonctionnement du marché des médicaments, des prérogatives qui peuvent être classées en deux catégories :
- des prérogatives de régulation classiques de toute administration qui doit veiller de manière rigoureuse à ce que le dénouement de toutes transactions sur le marché national, se fasse dans le respect strict des normes établies de protection de la santé publique. Ainsi, le Ministère de la santé publique intervient-il à différents stades qui sont, notamment : à la fixation de la nomenclature nationale des médicaments à usage humain ; à lenregistrement préalable de tout produit pharmaceutique ; à la délivrance préalable dune autorisation de mise en marché ; à lagrément préalable de tout établissement appelé à produire ou à commercialiser des produits pharmaceutiques ; au contrôle technique préalable, par les services du laboratoire National de contrôle spécialisé, de tout produit pharmaceutique destiné à être vendu ou consommé en Algérie.
Il est à noter que la définition de procédures précises pour ces différents contrôles, de même que les conditions de leur mise en uvre, ont été considérablement renforcées au cours des dernières années. Ceci a, très certainement, contribué à faciliter les efforts de libéralisation de ce marché sensible, en ce sens que la sécurisation des opérations de contrôle technique a permis daccompagner et de stimuler très largement lextension du champ dintervention à de nombreuses entreprises du secteur privé, que ce soit au stade de la production, de limportation ou de la distribution du produit pharmaceutique.
- des prérogatives dintervention plus directe dans le champ des transactions en ce sens que le Ministère de la Santé impose, en sus des règles générales notées plus haut, dautres obligations telles que : la délivrance dune autorisation globale annuelle sur le programme dimportation que tout importateur sengage à réaliser ; des déclarations statistiques préalables pour la domiciliation bancaire et pour le dédouanement de toute transaction à limportation ; la détention dun stock minimal de trois (3) mois pour chaque produit commercialisé ; lengagement à lancer un projet dinvestissement pour la production locale de médicaments, dans un délai maximal de deux années ; la fixation du prix final de chaque produit (PPA - Prix Public en Algérie), de même que la détermination de marges réglementaires à la production, au commerce de gros et au commerce de détail.
Cette seconde catégorie de prérogatives que le Ministère de Santé Publique a été amené à assumer soulève, par elle-même, deux catégories de difficultés : dune part, les obligations qui ont été ainsi mises en place ont été définies au fur et à mesure en réponse à chaque fois à des préoccupations diverses exprimées sur le terrain, telles que le contrôle de la facture importée, la promotion de la production nationale, la meilleure accessibilité des produits ou leur disponibilité sur le territoire national. Linconvénient est que toutes ces obligations sont loin dêtre cohérentes, ce qui crée une impression de complexité et de contrôle tatillon et bureaucratique, qui nuit au bon fonctionnement du marché et qui, in fine, ne rend pas très lisible la politique suivie par les autorités. Dautre part, cet interventionnisme de ladministration, pour compréhensible quil soit, nen est pas moins une forme dexception au sein de léconomie algérienne, le secteur de la santé étant le seul aujourdhui à maintenir encore un encadrement strict sur les transactions, en contradiction avec, notamment, la loi sur la concurrence en vigueur. Il est vraisemblable, par ailleurs, que cest cet aspect qui va devoir être adapté et corrigé par référence aux contraintes redoutables de la mise en conformité avec les exigences de laccession de lAlgérie à lOrganisation mondiale du commerce.
Le Ministère en charge de la Sécurité Sociale
Limplication du Ministère du Travail et de Sécurité Sociale dans le marché national du médicament est encore balbutiante. Elle découle fondamentalement de sa position dadministration de tutelle de la CNAS (Caisse nationale dassurances sociales), une institution qui intervient comme garant du remboursement aux malades des frais de soins médicaux ainsi que des médicaments qui leur sont prescrits.
Du fait de limportance de la couverture dassurance maladie, légalement étendue à tous les travailleurs affiliés et à leur famille, la CNAS est potentiellement lacheteur en dernier ressort de la plus grande part des médicaments qui sont commercialisés sur le territoire national. Elle détient, à ce titre, un pouvoir de négociation significatif face au système dapprovisionnement et de distribution.
Ce pouvoir de négociation, qui nest pas encore utilisé à ce jour, constitue un instrument efficace de régulation dont lutilité ne manquera pas de se vérifier, à lavenir, dans la perspective de la libéralisation en cours du marché national.
Les Ministères en charge de lIndustrie
Trois Ministères sont, en théorie, concernés par le développement de lindustrie pharmaceutique algérienne. Il sagit : du Ministère en charge de lIndustrie, du Ministère en charge de la PME et du Ministère en charge des participations de lEtat (pour le cas des entreprises publiques activant dans le secteur pharmaceutique).
Dans la pratique, ces trois administrations nexercent pas dinfluence visible sur le marché et, dans tous les cas, naffichent pas de politique spécifique en direction des entreprises pharmaceutiques. Lindisponibilité dune information économique minimale sur le secteur du médicament, sur son potentiel, ses emplois, ses revenus, etc., renseigne parfaitement sur linsuffisance des politiques économiques publiques dans cette direction.
LES ACTEURS DU CIRCUIT DE PRODUCTION ET DE COMMERCE
En aval de laction des administrations régulatrices, on peut distinguer quatre catégories dintervenant à léchelle du circuit de production et de distribution du médicament. Ce sont : les intervenants du secteur public ; les producteurs privés ; les grossistes répartiteurs ; et enfin, les officines privées en charge de la distribution au stade du détail.
(i) les intervenants du secteur pharmaceutique public
Si, à lorigine, lactivité de production ou de commerce de gros de produits pharmaceutiques était tout entière aux mains du secteur public, elle a du se transformer en profondeur dans le cadre de la libéralisation de léconomie nationale, au cours des dix dernières années.
On rappellera, à cet égard, que lorganisation en cours depuis le début des années 1980 était fondée sur une séparation fonctionnelle des différents segments : production, importation, distribution de gros, distribution de détail. Si le segment spécialisé à limportation (Enapharm, Encopharm et Enopharm) a disparu face à la concurrence qui lui a été imposée par le secteur privé, en revanche les trois autres segments ont pu résister et se maintenir tant bien que mal. A côté des trois entités, sest adjointe une quatrième, sous forme dune centrale dachat créée par le Ministère de la Santé Publique pour pendre en charge lapprovisionnement du réseau des hôpitaux publics. Les intervenants publics se situent ainsi aux quatre échelons suivants :
le segment production, représenté par Saidal, société publique créée en 1982 et qui a repris en main au départ les unités de production de lancienne PCA (Pharmacie centrale algérienne). Saidal est aujourdhui une SPA qui a entrepris de diversifier sa production en particulier à travers des accords de partenariat avec des sociétés étrangères. PROTECTION
La segment distribution de gros, représenté par Digromed, qui a repris à partir de lannée 1997 le réseau des anciennes entreprises publiques importatrices. Au cours des dernières années, Digromed a entrepris de se diversifier dans lactivité de production de génériques, en partenariat avec une société espagnole.
Le segment distribution de détail, avec Endimed, une entreprise à laquelle a été confiée la gestion du réseau des anciennes officines pharmaceutiques publiques. Ce réseau représente près dun millier dofficines réparties à travers lensemble du territoire national.
Enfin, la PCH (Pharmacie Centrale des Hôpitaux), établissement public à caractère industriel et commercial mis en place pour coordonner et rationaliser les programmes dapprovisionnement des hôpitaux publics. PCH procède par appels doffres ouverts aux fournisseurs aussi bien nationaux quétrangers.
On observera que, en dehors sans doute de la PCH qui sest vue confier une fonction claire et prédéfinie en direction des structures hospitalières publiques, le réseau public est constitué dentreprises totalement soumises aux règles de la concurrence sur le marché, au même titre que nimporte quelles autres sociétés privées. Leur rôle sanalyse, de ce point de vue, plus comme la survivance dune expérience économique passée que comme celui dinstruments assumant des missions particulières dans le cadre de la politique de santé publique. En ce sens, on peut estimer que ces entreprises, soit se verront confier des missions dintérêt public, à lavenir, soit seront simplement, à terme plus ou moins éloigné, vendues dans le cadre du processus de privatisation en cours.
(ii) les producteurs et importateurs privés
Si, à lorigine, la production et limportation de produits pharmaceutiques étaient un monopole exclusif de lEtat, confié à des entreprises publiques, louverture de ce secteur dactivité aux intérêts privés va susciter un engouement tout à fait réel de la part de ces derniers. Cest ainsi que plus dune centaine dimportateurs seront agréés par les autorités sanitaires au début des années 1990, sur la base dun cahier des charges (Arrêté N° 46 du 07 Octobre 1998 fixant le cahier des conditions techniques de mise sur le marché des produits pharmaceutiques importés et destinés à la médecine humaine).
Toutefois ce nombre va diminuer sérieusement au cours des dernières années, pour des raisons liées en partie aux limites du marché national, mais surtout également à limposition par les autorités sanitaires de lobligation pour tout importateur de lancer un projet productif sous peine de cesser son activité.
A noter que le Ministère de la Santé Publique aurait recensé quelques 44 unités privées de production, certaines achevées et entrées en production, dautres encore en construction. Le nombre des importateurs privés est, quant à lui, estimé en 2004 à quelques 44 intervenants (contre 62 en 2002). La part de marché de chacun de ces importateurs est très inégale, une quinzaine dentre eux concentrant près de 90% du chiffre daffaires. Ce processus de concentration est appelé, très vraisemblablement, à se poursuivre et à sintensifier au cours des prochaines années.
(iii) les grossistes répartiteurs privés
Ils sont chargés de lapprovisionnement grossiste des différentes officines à travers le territoire national. Ils sont aujourdhui près de 500 grossistes autorisés par les services du Ministère de la Santé Publique. Leur activité est régie par les dispositions de larrêté N° 59/MSP du 20 juillet 1995 fixant les conditions dexercice de lactivité de distribution en gros des produits pharmaceutiques.
Ces grossistes répartiteurs assurent une fonction régulatrice essentielle et constituent des vecteurs importants pour linformation économique sur le marché, les produits et les habitudes de consommation.
Il nexiste pas dinformations précises et publiquement accessibles sur ce réseau de grossistes répartiteurs, sur sa structuration et sur les tendances de son évolution. On peut estimer cependant que le nombre dintervenants à ce niveau parait trop important au regard de la taille du marché national, ce qui laisse supposer que de nombreux grossistes sont en réalité peu présents sur le terrain et quun mouvement de concentration doit certainement y avoir cours à lheure actuelle. Il faudra observer cette évolution du réseau grossiste, à lavenir, en liaison notamment avec une possible intrusion de grandes sociétés étrangères de distribution connectées aux sociétés multinationales de production pharmaceutique.
Par ailleurs, il faut noter que le prix des médicaments étant fixé centralement et étant valable sur lensemble du territoire national, ce réseau grossiste assume de fait une fonction de péréquation très importante, ce qui doit jouer comme un facteur supplémentaire de concentration de cette activité. Il existe certes un fonds de péréquation public des frais de transport administré par le Ministère du Commerce pour les approvisionnements des régions du grand sud du pays (article 10 du décret exécutif 93-115 du 12 Mai 1993 relatif aux modalités de détermination des structures de prix des médicaments et produits vétérinaires). Néanmoins, outre quon ne dispose pas dinformations sur leffectivité de ce fonds, son efficacité et ses conditions réelles dintervention, son champ daction est, dans tous les cas, modeste et fortement limité compte tenu de la taille importante du territoire national.
(iv)-les officines privées
Le nombre des officines pharmaceutiques privées, chargées de la distribution au détail des médicaments à usage humain, connaît une croissance rapide au cours des dernières années. De 1 936 officines privées recensées en 1991 (contre 1018 officines publiques), la couverture est passée en 2001, selon le Ministère de la Santé Publique, à 4 587 officines privées (contre 989 officines publiques).
Cette augmentation du nombre des officines privées témoigne dune croissance modeste mais néanmoins réelle de la consommation de médicaments, en liaison notamment avec un approvisionnement mieux assuré du marché ; de même quelle témoigne de besoins latents encore plus importants qui pourraient se faire jour à la faveur dune efficacité renforcée du système de remboursement.
3.3- La taille actuelle du marché
La taille actuelle du marché national des médicaments reste difficile à appréhender faute de statistiques fiables disponibles sur la production, sur le réseau de distribution et sur la consommation nationale. Cette situation est du reste très paradoxale, le secteur du médicament étant, de tous les secteurs dactivité économique, lun des plus fortement réglementés et lun des plus étroitement contrôlés et suivis par les services de ladministration publique.
De manière générale, les données disponibles les plus fiables concernent le volet des importations, ladministration douanière (CNIS) constituant à cet égard une source régulière et accessible de données relativement détaillées sur les importations et les exportations de produits pharmaceutiques. Des données sur la production nationale couvrant la période 1999 2003 ont été également rendues disponibles à travers une étude publiée en Novembre 2004 par le Forum des chefs dentreprises (étude qui peut être consultée sur le site web de cette association). Enfin, lUNOP a elle-même établi un état des investissements en capacités de production de ses 29 membres, état consolidé en 2004 et se décomposant en projets en cours de production et projets en cours de construction.
Si ces données ne sauraient remplacer une enquête de fond (qui reste dans tous les cas une tâche tout à fait indispensable et quil appartient au Ministère de la Santé Publique de réaliser et de publier), il nen demeure pas moins que la taille actuelle du marché national peut être appréhendée et estimée de manière globale mais vraisemblable.
(i) Les importations de médicaments
Les importations ont depuis toujours constitué la source majeure de lapprovisionnement du marché en médicaments, en Algérie comme dans de nombreux pays en développement. Au cours des cinq dernières années, et suivant les données de la Direction générale des douanes, les importations de médicaments se présentent comme suit :
Tableau 1
Chapitre 30 - Imports Médicaments - 2000-2004(en millions de US$)Année 2000Année 2001Année 2002Année 2003Année 2004
30 01Glandes et autres organes5,7761953,6114983,3409355,8267943,859943
30 02Sang humain ou animal ; sérums ; vaccins12,18227515,83580118,99533926,66352734,83719830 03Médicaments non conditionnés pour la vente au détail1,5601393,8397089,3611087,55989015,12071330 04Médicaments conditionnés pour la vente au détail427,387571457,781008573,952665658,583182898,78889730 05Ouates, Gazes, Bandes et Articles analogues2,0420302,4440792,2105213,7343915,53255730 06Préparations et autres articles pharmaceutiques8,1471538,88529511,98436613,69636418,719199Total Chap. 30457,095362492,397389619,844935716,064148976,858507 Source : DG Douanes - CNIS
Le tableau 1 ci-dessus donne le point de situation concernant les importations de produits pharmaceutiques réalisées entre 1999 et 2004. Le volume global de ces importations atteint presque le Milliard de $US au cours de lannée 2004. Nous notons par ailleurs que le poste le plus important est celui des médicaments produits finis pour la vente au détail, qui représente 92% de lensemble des produits pharmaceutiques importés.
Tableau 2
Chapitre 30 Evolution des importations 2000-2004(base 100 : année 2000)Année 2000Année 2001Année 2002Année 2003Année 2004
30 01Glandes et autres organes100635810167
30 02Sang humain ou animal ; sérums ; vaccins10013015621928630 03Médicaments non conditionnés pour la vente au détail10024660048596930 04Médicaments conditionnés pour la vente au détail10010713415421030 05Ouates, Gazes, Bandes et Articles analogues10012010818327130 06Préparations et autres articles pharmaceutiques100109147168230Total Chap. 30100108136157214Source : DG Douanes - CNIS
Le tableau 2, quant à lui, permet de suivre lévolution sur les cinq années considérées (2000 à 2004) de chacun des grands postes dimportation de produits pharmaceutiques, à partir dun indice 100 pour lannée de base connaît une croissance relative très importante (presque multiplié par 10), 2000. Nous relevons ainsi :
laugmentation importante de lensemble des postes dimportation (hors le premier : glandes et autres organes) entre 2000 et 2004. Globalement, la croissance enregistrée sur les cinq années est de 114%, ce qui est considérable pour des produits de consommation ;
le poste le plus important, celui des médicaments conditionnés pour la vente directe, fait plus que doubler durant la période ;
le conditionnement local de médicaments a connu une croissance très importante en valeur relative même si, en termes absolus, la part de ce poste reste encore très modeste.
Tableau 3
Croissance annuelle (en %)
Années2001/20002002/20012003/20022004/200330 01
Glandes et autres organes-37,48%-7,49%74,41%-33,76%30 02
Sang humain ou animal ; sérums ; vaccins29,99%19,95%40,37%30,65%30 03Médicaments non conditionnés pour la vente au détail146,11%143,80%-19,24%100,01%30 04Médicaments conditionnés pour la vente au détail7,11%25,38%14,75%36,47%30 05Ouates, Gazes, Bandes et Articles analogues19,69%-9,56%68,94%48,15%30 06Préparations et autres articles pharmaceutiques9,06%34,88%14,29%36,67%Total Chap. 307,72%25,88%15,52%36,42%Source : DG Douanes - CNIS
Enfin, le tableau 3 nous permet de suivre les évolutions enregistrées dune année sur lautre entre 2000 et 2004. La croissance des importations a été régulière pour lensemble de la période considérée. Elle fluctue entre les 7,72 % enregistrés entre 2000 et 2001 et le record établi pour lannée 2004 par rapport à 2003, soit plus de 36%. Encore que cette croissance des importations doive être relativisée : dune part, cest la même croissance qui affecte lensemble des autres produits importés par lAlgérie ; dautre part, une grande part de cette croissance est due au glissement de la parité du $US par rapport à lEuro, au cours de la période considérée.
(ii) la production nationale
Les statistiques concernant la production nationale de produits pharmaceutiques sont peu disponibles, à limage de ce qui a cours pour de nombreux secteurs de lindustrie algérienne ; en effet, il est connu que linformation statistique concernant les performances économiques des différents secteurs dactivités, en particulier pour le volet relatif aux entreprises privées, est encore très pauvre et très insuffisamment disponible.
les statistiques de lONS
Linformation disponible à lONS, concernant les résultats globaux de la branche pharmacie (informations publiées dans la Lettre du FCE de Novembre 2004) donne les indications suivantes pour les années 1999 à 2003 :
Tableau 1 : Données globales de la branche Pharmacie (en M.DA)
ANNEE
AGREGATS19992000200120022003Production brute (PB)6 9738 7757 2698 3277 698Consommations intermédiaires (CI)2 8763 6883 1414 8514 408Valeur ajoutée (VA)4 0975 087 4 1293 4773 290Consommation de fonds fixes (CFF)373499391297271Valeur ajoutée industrie nationale270 000294 500313 700327 400337 000Source : Office National des Statistiques
Le tableau 2 ci-dessus nous montre :
-une production brute relativement très faible de la branche pharmacie, qui atteint à peine les 7,6 Mds de DA en 2003 (soit environ les 100 M.$US) ;
- une évolution très lente et très erratique du niveau de la production nationale, ce qui indique la fragilité de sa situation autant que de ses performances ;
- une valeur ajoutée globale qui est inférieure en 2003 à 1% de la valeur ajoutée globale de lindustrie nationale.
Tableau 2 : Part (en %) du secteur privé par rapport à quelques agrégats
Agrégats
Année
Production brute
(en %)
Consommations Intermédiaires
(en %)
Valeur ajoutée
VA
%
Excédent net dexploitation
(en %)199928213321200021152515200119142314200224133933200327154337Source : Office National des Statistiques
Ainsi, selon lOffice national des statistiques, le secteur privé participe à hauteur de 27% de la production brute en 2003, mais à 43% de la valeur ajoutée. Il réalise dans le même temps 27% de la production brute de la branche avec seulement 15% de consommations intermédiaires. Il réalise surtout 37% des profits de la branche. Ainsi donc, si le secteur public restait prédominant en 2003, en revanche le secteur privé semble être plus performant en termes defficacité et de rentabilité financière.
(b) lenquête de lUNOP auprès de ses adhérents
LUNOP a procédé, en tant quassociation professionnelle à une enquête auprès de ses adhérents, à fin 2004, pour tenter dappréhender la situation prévalant aussi bien pour les capacités déjà installées que pour celles des projets en cours de réalisation.
Les éléments chiffrés qui en résultent se présentent ainsi :
Agrégats
ValeursInvestissements réalisés13 529 MDAInvestissements en cours 8 314 MDAEmplois productifs créés 4 512 emploisCapacité de production 295,5 Millions U.V. / anChiffre daffaires projeté 18 010 MDA / anValeur de la production 15 008 MDA/ an
Cette enquête UNOP, qui a lavantage de se baser sur les données les plus fiables et les plus actuelles, révèle limportance des nouveaux projets en cours au niveau de la branche pharmacie. Il faut noter, néanmoins, que lenquête nayant couvert que les 28 membres de lassociation, ils ne concernent donc que les 60-70% des capacités réelles de la branche.
Il nen demeure pas moins que les chiffres ainsi obtenus permettent de rendre compte de la croissance significative de la production pharmaceutique nationale : la valeur de la production (actuelle et en cours de réalisation), soit 15 Mds de DA est à comparer avec celle donnée par lONS pour lannée 2003, soit 7,6 Mds de DA, ce qui correspond au doublement des capacités, en ne tenant compte, qui plus est, que des seules entreprises membres de lUNOP.
Il faut signaler également que cette croissance importante de la production nationale est corroborée par les informations disponibles par ailleurs en liaison avec lobligation imposée par les autorités sanitaires à travers une réglementation qui oblige lensemble des importateurs à lancer des projets de production locale, sous peine de se voir retirer lagrément préalable à lexercice de leur activité. Cette croissance se fait dans un contexte où, par ailleurs, les délais nécessaires à la mise en service dune unité de production pharmaceutique sont particulièrement longs, eu égard à la haute technicité des produits et à la complexité des processus techniques nécessaires pour leur obtention.
(iii) Une estimation approximative du marché national (production et importation)
Sur la base des données disponibles, il est possible de procéder à une estimation approximative du marché national en valeurs, par addition de la production nationale et des importations, entre 1999 et 2004. Il sagit bien entendu dune simple estimation donnée à titre purement indicatif comme un aperçu de la situation actuelle du marché algérien. Nous pouvons ainsi restituer linformation disponible, dans le tableau 3 ci-dessous :
Tableau 3 : Estimation du marché national (En millions de DA)
Année
Agrégats199920002001200220032004Production locale brute6 9738 7757 2698 3277 69815 008Importations de produits finis34 96934 40038 04549 39154 82370 405Estimation du marché national41 942
43 17545 31457 71962 52185 413Evolution (base 100 : 1999)100103108138149204Part des importations83%80%84%86%88%82%Part de la production locale17%20%16%14%12%18%Sources : ONS, UNOP et CNIS-DG Douanes
Nous pouvons observer, à partir des données ci-dessus, la croissance importante du volume du marché national entre 1999 et 2004 : une croissance qui est portée aussi bien par les importations que par la production nationale. Cette dernière représenterait, en 2004, quelques 18% du marché national, un taux sensiblement proche de celui connu en 1999.
On remarquera, cela étant, que labsence dune information économique complète, officielle et fiable sur la situation du marché national est un handicap de grande taille qui empêche dappréhender un grand nombre de facteurs aussi essentiels que :
la consistance réelle de la production nationale, son poids en termes demplois, les produits fabriqués, les degrés dintégration, les processus technologiques, les performances techniques et financières, la localisation géographique, etc. ;
les spécificités de la consommation nationale de médicaments, en termes de produits, de pathologies, de répartition régionale, de volumes, dévolution dans le temps, etc. ;
lévolution des importations, par grands produits, par pays partenaires, en volumes ; etc. Il serait ainsi intéressant de comprendre les raisons profondes qui expliqueraient la croissance importante (plus de 36%) des importations entre 2003 et 2004 ;
les perspectives de lindustrie nationale et la stratégie à adopter pour la promouvoir dans un contexte international dominé par les politiques de grandes sociétés multinationales disposant dun pouvoir financier et technologique gigantesque et disproportionné par rapport aux moyens de pays en développement comme lAlgérie ;
de nouveaux produits de plus en plus onéreux, dont le service médical rendu ne justifie pas le surcoût, dominent les anciennes gammes.
4- Les réglementations applicables au marché du médicament
Le marché du médicament est un marché qui est, partout, très fortement réglementé en raison dimpératifs liés à la protection et à la préservation de la santé publique. La réglementation algérienne appliquée au domaine des produits pharmaceutiques à usage humain est relativement développée et traite de lensemble des aspects liés à lenvironnement du produit.
4.1- Remarques générales
Il faut sans doute commencer par relever que les textes juridiques réglementant le médicament sont relativement bien disséminés et vulgarisés : ainsi, un recueil de documentation juridique regroupant lensemble des législations et réglementations applicables au domaine du médicament a été réalisé et largement diffusé en 1997 par les services du Ministère de la Santé ; ce recueil permettait de donner une bonne vue densemble sur le régime applicable aux différents stades de la gestion du produit.
Il est simplement à regretter que leffort nait pas été poursuivi et que ce document de base nait pas été actualisé depuis cette date pour intégrer les quelques changements qui ont pu être apportés dans lintervalle. Il aurait été hautement souhaitable que le site web développé, au cours des dernières années, par le Ministère de la Santé ( HYPERLINK "http://www.santé.dz" www.santé.dz) donne accès à des indications plus complètes et actualisées sur cette réglementation.
Au-delà de sa disponibilité, la réglementation actuelle souffre, comme cela a été déjà noté plus haut, dune insuffisance flagrante dans son ancrage législatif, dans la mesure où les services du Ministère reconnaissent eux-mêmes que les dispositions de la loi en vigueur (loi N° 85-05 du 16 Février 1985 relative à la santé) concernant le médicament sont depuis longtemps désuètes et frappées dobsolescence. Il y a lieu de rappeler que, dans le contexte de cette loi qui na toujours pas été amendée, la fabrication, limportation et la distribution de gros, sont un monopole de lEtat dévolu aux seules entreprises publiques.
Aussi, la loi en vigueur sur ce sujet précis est-elle en décalage avec une réalité du terrain marquée par des changements profonds intervenus depuis le début des années 1990, avec linitiation dun processus douverture du secteur de la pharmacie étendu en direction du secteur privé national comme en direction des entreprises étrangères. Cela explique sans doute que, pour pallier aux défaillances de la loi, dimportantes mesures dorganisation (sur lenregistrement, sur la détermination du prix, sur lencouragement du générique, sur la protection de la production nationale, etc.) aient été prises à travers de simples circulaires, notes ou instructions. Ce qui, à priori, ne pouvait manquer davoir quelques répercussions négatives sur la cohérence globale de la réglementation, sur sa transparence et sans doute aussi sur les conditions de sa mise en uvre. On notera dailleurs que, assez bizarrement, le recueil cité plus haut établit une distinction tout à fait curieuse entre les textes (lois, décrets, arrêtés) publiés au Journal officiel et ceux dits « publiés par le Ministère de la santé » : en termes dimportance des questions traitées, les seconds abordent des aspects quelquefois essentiels, sans aucun ancrage sérieux.
Il est certain quau moment daborder une nouvelle phase dorganisation du secteur pharmaceutique national, dans la perspective dune mise en conformité avec des règles internationales dictées notamment par les accords de lOMC, une mise en cohérence du dispositif légal et réglementaire apparaît comme une nécessité absolue.
Pour mieux comprendre cette nécessité, il est utile de passer en revue les principaux volets de lencadrement réglementaire du secteur pharmaceutique algérien, à savoir : le système denregistrement, lagrément des intervenants ; le contrôle de qualité ; lencadrement de limportation et le système des prix.
4.2- le système denregistrement
Tout médicament ne pouvant être prescrit, vendu ou administré sur le territoire national que sil figure expressément dans les nomenclatures de médicaments autorisés (article 174 de la loi relative à la santé), la phase de son enregistrement constitue le point dentrée de toute larchitecture réglementaire qui le régit.
Dans le système dorganisation antérieure (monopole de lEtat sur la fabrication, limportation et la distribution de gros), cette phase de lenregistrement ne soulevait pas de difficulté particulière visible : les enjeux commerciaux étant annihilés par le monopole public, seuls pouvaient être considérés, dans le principe tout au moins, des enjeux dordre thérapeutique ou scientifique.
Cest la raison pour laquelle une réglementation consacrée à ce sujet a été une des premières à avoir été édictée, dès lannée 1992, et sitôt donc que la question de la libéralisation du marché des médicaments était posée en perspective. Cest le décret 92-284 du 6 juillet 1992 qui réglemente lenregistrement des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine. Ce décret définit ainsi, notamment :
lorganisation générale du système denregistrement qui est centrée notamment autour dune nomenclature nationale, recueil officiel des produits pharmaceutiques officiellement enregistrés ;
les modalités de formalisation dune décision denregistrement dun produit pharmaceutique. Cette décision est valable pour une période de cinq (5) années ;
les modalités dinstruction des demandes denregistrement : dossier scientifique à fournir et expertises à réaliser ;
le système de prise de décision, via la commission nationale de nomenclature et le Ministre de la santé ;
le délai denregistrement qui est dun maximum de 120 jours ;
les mesures de retrait, de suspension, de cession ou de renouvellement de la décision denregistrement. Ces mesures sont régulées par la commission nationale de nomenclature.
A priori, le décret ci-dessus prévoit lensemble des étapes de lenregistrement dun produit, de même que les conditions dans lesquelles les décisions prises sont administrées, dans le respect des objectifs de la politique de santé publique. Il reste, toutefois, que ce texte, qui est intervenu aux tous débuts de la phase de libéralisation et qui constituait un progrès appréciable au moment où il avait été pris, sest trouvé vite dépassé par lévolution rapide de la situation sur le marché. Cest ainsi que :
les attributions, la composition et le mode de fonctionnement de la commission nationale chargée de la nomenclature sont fixés dans un texte datant de lannée 1980 (décret 80-142 du 17 mai 1980). Par de nombreux aspects, ce texte est inadapté et dépassé et aurait du être actualisé, eu égard au rôle central de cette commission dans la régulation de lenregistrement du médicament. En fait, le décret a fait lobjet dune modification (au moins une fois, à notre connaissance) par un arrêté du Ministre de la Santé (N° 47 du 10 juillet 1995) qui en a modifié la composition et lorganisation. Ce mode de gestion dun organe aussi important, par delà lanomalie purement juridique, est révélateur de la difficulté à maîtriser le processus de régulation de lentrée des produits sur le marché et à en garantir la cohérence ;
une gestion efficiente du système denregistrement suppose une définition extrêmement précise des procédures qui, de la soumission dune demande à la prise de décision finale et à son suivi, régissent le processus dentrée dun produit pharmaceutique sur le marché. Sil est vrai que la réglementation en vigueur (le décret 92-284 du 6 juillet 1992, notamment) définit correctement le cadre général du système denregistrement, il reste encore beaucoup à faire pour en améliorer la performance et en faire un outil efficace, rigoureux et, par-dessus tout, transparent. Il en va ainsi, notamment : des délais de traitement dun dossier ; de la traçabilité des différentes étapes de son traitement ; des délais de réponse aux demandeurs ; de la maîtrise des phases dexpertises ; du suivi et de linformation sur les décisions prises; etc
enfin, il est difficile de se faire une idée précise et complète sur la manière dont les dossiers sont actuellement traités, étant donné que le processus de lenregistrement semble apparemment avoir été « suspendu » par les autorités sanitaires, depuis quatre années (combien même des dossiers ont été enregistrés effectivement, en toute opacité, dans la même période). Naturellement, une telle situation de fait, qui nest pas prévue réglementairement, laisse place à un doute quant à la capacité de ladministration responsable de faire face, de manière harmonieuse, aux contraintes que ne manqueront pas de poser les nouvelles règles commerciales qui devront être adoptées dans le sillage de lentrée de lAlgérie à lOMC.
En définitive, on retiendra que cette phase sensible et cruciale de lenregistrement dun produit pharmaceutique avant sa mise sur le marché algérien souffre dune définition encore insuffisante et imprécise des procédures qui la régissent. Il est permis de penser que le besoin pour les autorités sanitaires de mettre au point un dispositif plus transparent et plus efficient à ce niveau se fera de plus en plus pressant, à mesure que la concurrence entre les intervenants nationaux actuels va sintensifier et, surtout, avec lavancée sous la poussée inévitable qui ne manquera pas de sexercer de la part des pays partenaires, dans le cadre des négociations du groupe de travail de lOMC en charge de laccession de lAlgérie.
Comme on le verra plus loin, sil est permis aux pays membres de lOMC de garder des marges de manoeuvre quant à la préservation des objectifs de leur politique de santé publique, en revanche ils sont requis dafficher la plus grande transparence dans les réglementations quils mettent en place, en particulier sur des aspects aussi sensibles que ceux de lenregistrement du produit pharmaceutique et de manière plus générale des aux conditions dentrée des produits sur le marché
4.3- lagrément préalable des producteurs et distributeurs de produits pharmaceutiques
Le principe de base retenu, dès louverture du secteur du secteur de la pharmacie à linitiative des intervenants du secteur privé, a été dinstituer une autorisation préalable à lexploitation de tout établissement dédié à la production ou à la distribution de produits pharmaceutiques.
Cet agrément préalable a été mis en place par le décret exécutif 92-285 du 6 juillet 1992, modifié et complété par le décret 93-114 du 12 mai 1993. La procédure ainsi instituée vise notamment à sassurer que les locaux, ainsi que les équipements utilisés, sont adaptés aux exigences de qualité requises pour les produits pharmaceutiques et que les personnels qualifiés nécessaires sont disponibles. La direction technique doit être confiée obligatoirement à un pharmacien disposant des qualifications et de lexpérience requises en liaison avec les activités projetées.
La délivrance de lautorisation dexploitation est soumise à un avis conforme dune commission de wilaya (pour les établissements de distribution) et dune commission centrale installée auprès du Ministre de la Santé (pour les établissements de production), sur la base dun dossier dont les pièces sont définies de manière détaillée. Lautorisation est délivrée par le Wali compétent pour les établissements de distribution et par le Ministre de la Santé pour les établissements de production. Lautorisation délivrée est considérée comme caduque, si lautorisation accordée nest pas mise en uvre dans les deux années suivant sa délivrance.
Il est à noter que larticle 15 du décret ci-dessus prévoit que les réserves éventuelles soulevées par un dossier de demande dautorisation dexploitation sont notifiées immédiatement au demandeur. Une fois les réserves levées, ce dernier peut saisir la commission compétente qui statue dans un délai maximal dun mois.
Si les procédures dagrément ci-dessus ne soulèvent pas dobjection particulière, en théorie, il reste que, dans la pratique, les membres de lUNOP (Union nationale des opérateurs de la Pharmacie) ont observé que, dans la pratique, les commissions en question ne se réunissent pas et que des demandes dautorisation ne reçoivent aucune réponse. Labsence dinformations régulières et officielles, de la part des autorités du Ministère de la Santé, sur les établissements agréés, leur localisation régionale, leur champ dintervention, etc., naide pas à mieux comprendre les raisons de telles pratiques.
Il est évident que cet aspect de la transparence dans la gestion des procédures dautorisation dexploitation est un aspect essentiel sur lequel il serait raisonnable dattendre des progrès, à lavenir. Il y va de la crédibilité et de lautorité de ladministration qui en est responsable.
4.4- la réglementation du contrôle de la qualité
La réglementation du contrôle de la qualité des produits pharmaceutiques mis sur le marché a du être complètement refondue dans le contexte de louverture du secteur pharmaceutique à linitiative des entreprises privées nationales ou étrangères. En effet, les responsabilités de ce contrôle, dans le contexte antérieur qui était marqué le monopole de lEtat sur les activités de production et de distribution de gros des produits pharmaceutiques, étaient considérées comme relativement simples dans leur organisation. En effet, lentrée des produits pharmaceutiques sur le marché était sous la responsabilité directe dorganismes et dinstitutions publiques : le contrôle était ainsi quasiment une forme de vérification interne de la qualité des produits par ces mêmes organismes qui, de part leur statut, nétaient pas intéressés ni motivés par la recherche du profit.
Dans ces conditions, le contrôle de la qualité des produits était exercé au sein même des établissements chargés par lEtat de les mettre sur le marché : contrôles internes et externes étaient ainsi confondus, sans que cela soulève des difficultés.
La situation va changer radicalement avec la libéralisation introduite au cours des années 1990. Toute une panoplie de textes sera ainsi adoptée pour permettre de faciliter et daccompagner la libéralisation du marché national. Outre les précautions prises quant à lagrément préalable des établissements concernés (voir point ci-dessus) on notera plus spécifiquement :
le décret exécutif 92-65 du 12 février 1992 relatif au contrôle de la conformité des produits fabriqués localement ou importés. Ce texte réglementaire concerne lensemble des produits, y compris donc les produits pharmaceutiques, et est intervenu en application de la loi 89-02 du 7 février 1989 relative aux règles générales de protection du consommateur. Il organise les modalités dexécution de lobligation légale, pour les producteurs, importateurs ou distributeurs, de même que pour les services de lEtat, de sassurer de la qualité et de la conformité des produits quils mettent sur le marché ;
le décret exécutif 96-68 du 27 janvier 1968 créant et organisant linspection générale du ministère de la santé et chargée, notamment, de veiller à lapplication de la législation et de la réglementation concernant les organismes et établissements relevant du secteur de la santé ;
le décret exécutif 96-355 du 19 octobre 1996 portant création, organisation et fonctionnement du réseau des laboratoires dessais et danalyses de la qualité. Ce réseau, qui regroupe les laboratoires mis sur pied au niveau de nombreux départements ministériels, vise à créer la synergie nécessaire au renforcement des capacités danalyse et de contrôle de la qualité au niveau national ;
enfin, le décret exécutif 93-140 du 14 juin 1993 portant création, organisation et fonctionnement du laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques.
Ce dernier texte est essentiel dans la mesure où cet organisme public assure une mission de régulation de lensemble du marché du médicament. Il est chargé notamment :
de létude scientifique de tout dossier denregistrement dun produit pharmaceutique ;
de lélaboration des méthodes et techniques de référence en matière danalyse à léchelle nationale ;
de la surveillance de la qualité des produits pharmaceutiques qui doivent être commercialisés sur le marché algérien.
Ce rôle de régulateur central est dautant plus important quil sexerce en amont de tout le processus, aucun produit pharmaceutique ne pouvant être mis sur le marché sans avoir obtenu son contrôle préalable.
Il est indéniable que la mise en place du laboratoire national a beaucoup apporté au processus de libéralisation qua connu le marché pharmaceutique algérien au cours des dix dernières années. Cet organisme public est sans aucun doute le premier instrument de la politique publique dans le domaine du produit pharmaceutique. On peut considérer que son rôle et son importance ne manqueront pas de saccroître et de saffirmer avec lapprofondissement annoncé de la libéralisation et les engagements commerciaux internationaux en cours. Son renforcement et son développement, gage premier de son indispensable crédibilité, seront certainement une des clefs de toute la politique pharmaceutique nationale au cours des prochaines années.
4.5- lencadrement des importations
Le secteur des médicaments est, fait remarquable, le seul secteur dactivité où a été maintenue, depuis louverture complète du commerce extérieur en 1995, une fonction dencadrement étroit de limportation. Le médicament est quasiment lun des rares produits de grande consommation qui reste soumis, à ce jour, à une autorisation administrative préalable à limportation.
Cette spécificité du médicament a, par ailleurs, été formellement reconnue dans le cadre de la dernière loi (Ordonnance 03-04 du 19 juillet 2003) relative aux règles générales applicables aux opérations dimportation et dexportation de marchandises. Celle-ci dispose, en son article 3 que « les importations et les exportations de produits touchant à la santé humaine (
) peuvent être soumises à des mesures particulières dont les conditions et les modalités de mise en uvre sont fixées par voie réglementaire ».
Cette disposition légale a permis ainsi de donner une base juridique à des mesures dencadrement des importations qui existaient déjà et qui avaient été mises en place au fur et à mesure par les soins de ladministration sanitaire depuis près dune dizaine dannées.
En quoi consistent précisément ces mesures ? A lanalyse, on peut en distinguer trois catégories : les mesures visant au contrôle pur et simple des opérations dimportation, celles qui ciblent lobjectif plus qualitatif de développement des produits génériques sur le marché algérien et, enfin, celles qui touchent à la protection de la production nationale.
4.5.1- le contrôle des importations par ladministration sanitaire est organisé au travers dun cahier des charges (ou cahier des conditions techniques) qui fixe les règles sappliquant aux opérations dimportation de produits pharmaceutiques à usage humain. Ce cahier des charges, qui vient de faire lobjet dune refonte par la voie dun arrêté du Ministre de la Santé pris en date du 6 Juin 2005, a introduit dimportants changements au niveau des règles dencadrement de la fonction importation ; compte tenu de limportance de ces changements et du fait que ladministration sanitaire semble les avoir justifiés par la nécessité de se conformer aux règles de lOMC, il semble intéressant de les analyser plus en détail.
Il faut rappeler que, dans le cadre de la réglementation applicable jusque là (arrêté N° 46 du Ministre de la Santé en date du 7 Octobre 1998), les obligations pesant sur les importateurs de médicaments étaient principalement les suivantes :
- obligation de présentation dun programme annuel par limportateur, précisant notamment la nature du médicament (DCI), sa marque commerciale, sa forme et son dosage, les quantités, le prix dachat, le prix de vente, etc. Ce programme annuel doit être approuvé par lautorité publique de santé, avant sa mise en oeuvre ;
- obligation de déclaration statistique, un document que limportateur doit déposer au préalable au niveau de ladministration sanitaire avant le dédouanement de tout lot de médicament importé ;
- obligation de mettre sur le marché des produits qui naient pas dépassé le tiers (1/3) de leur durée dutilisation au moment de leur expédition ;
- obligation de détenir un stock minimal de trois mois pour chaque produit importé et classé comme médicament vital et dassurer une disponibilité permanente pour tous les autres ;
- obligation pour limportateur de présenter un projet dinvestissement dans le délai dune année et de le réaliser dans les deux années qui suivent.
Dans le cadre de la nouvelle réglementation qui vient dêtre adoptée, seule demeure lobligation du programme annuel dimportation à autoriser par le Ministère de la Santé, les quatre autres ayant été supprimées. Il introduit en revanche deux autres obligations assez surprenantes qui sont :
- une obligation pour limportateur de vendre uniquement au réseau des grossistes répartiteurs, lui interdisant de ce fait de sadresser à un client final, que ce client soit une officine, un hôpital ou une autre institution quelconque ;
- une obligation pour les sociétés étrangères établies en Algérie de ne vendre quà travers leur propre réseau commercial. Cette disposition revient à aménager bizarrement une forme dexclusivité au bénéfice des succursales locales des grandes sociétés étrangères.
Tous les changements ainsi introduits appellent à formuler les trois observations suivantes :
- en premier lieu, on notera que les difficultés soulevées par la réglementation antérieure étaient surtout dordre pratique ; la question soulevée était non pas celle de remettre en cause les principes de base de lorganisation en place mais plutôt de travailler à mieux les expliquer et à les administrer correctement. A titre dexemples, les questions posées étaient celles de savoir : comment administrer lobligation de stock minimal ? Comment améliorer la fluidité du programme dimportation ? Comment mieux organiser linformation économique sur le marché du médicament ? Comment administrer lobligation dinvestir ? Et non pas la suppression dobligation dinvestir, de constitution dun stock de sécurité, de durée de péremption des produits, etc.
- en second lieu, il est difficile de comprendre la logique qui préside aux changements ainsi apportés. La référence aux règles de lOMC et aux contraintes pesant sur les négociations en cours pour laccession de lAlgérie, ne semble pas réellement appropriée : non seulement le cadre réglementaire défini dans le nouvel arrêté reste encore pour une large part non conforme aux accords de lOMC, mais aussi les innovations qui y sont introduites ne participent pas dune démarche de transparence telle que requise par ces mêmes accords. Surtout, la démarche adoptée ne parait pas très assurée en ce sens que des dispositions telles que la durée dutilisation minimale dun produit ou lobligation de détenir un stock minimal ne sont en rien contradictoires avec les règles OMC, pour peu que leur application soit également étendue aux producteurs locaux, ce qui est déjà le cas.
- enfin, il est évident que lélément essentiel apporté par la nouvelle réglementation est celui de la suppression de lobligation dinvestir, une obligation qui a constitué jusquici le ressort majeur pour le développement dune industrie pharmaceutique locale. Sil est effectif que cette obligation est non conforme aux règles de lOMC et quelle doive être aménagée pour faciliter les négociations daccession de notre pays, en revanche il nest pas normal que la réponse à apporter soit celle de sa suppression pure et simple, sans égard aucun quant à ses implications. Un minimum de concertation aurait été requis en pareille circonstance, compte tenu du fait que cette obligation dinvestir était assortie dune contrepartie de la part de lautorité publique, sous forme de protection du marché pour les investisseurs locaux. Une bonne administration du choix des autorités en faveur de laccession à lOMC impose lanalyse préalable des conséquences que celle-ci ne manquera pas de générer : en loccurrence, les producteurs pharmaceutiques devraient être dûment informés des nouvelles dispositions, ne serait-ce que pour leur permettre de mieux se préparer à les appliquer.
4.5.2- Le développement du médicament générique
Le développement du médicament générique est devenu, au cours des dernières années, une des orientations importantes que les autorités tentent dimprimer sur le marché national. Les motivations sont semblables à ce quelles sont dans tous les pays développés ou en développement, à savoir tenter de réduire la facture globale du médicament tout en favorisant laccès du citoyen à des produits de qualité et peu coûteux.
Compte tenu du fait que le poids des importations dans la consommation nationale est extrêmement élevé en Algérie, lencouragement du générique se concrétise dabord à travers le système en place de régulation des importations. Cest ce qui ressort notamment de lexamen de linstruction qui a été prise à cet effet par le Ministre de la Santé en date du 07 Septembre 2003 et relative « à la généralisation du médicament générique ». On relève dans ce contexte trois types de mesures affectant les importations de médicaments.
lenregistrement dun médicament de marque (ou princeps) ne sera autorisé quen labsence dun médicament générique et dans les limites dun surcoût éventuel par rapport au tarif de référence pour la DCI (dénomination commune internationale) se situant au maximum à 25% ;
la fabrication locale des produits de marque, sous leur forme générique, sera encouragée et facilitée par les autorités publiques. Dans le même contexte, les produits fabriqués localement ne seront plus autorisés à limportation ;
la production locale de médicaments fait lobjet dun soutien clair de la part des autorités, à travers une exonération explicite des droits et taxes sur les intrants et la mise en place dun tarif de référence avantageux pour le remboursement.
Il est à noter que ces mesures, destinées à promouvoir le générique, nont jamais été appliquées.
En dépit de la politique affichée depuis plusieurs années en faveur du générique, il est surtout à noter que cette politique est surtout restée au stade du slogan et de la déclaration dintention : le système des marges commerciales en vigueur, le remboursement aveugle du médicament et le conventionnement CNAS Pharmacies sont autant dinstruments qui, dans leur conception actuelle sont orientés vers lencouragement de la consommation des princeps plutôt que des génériques.
le système des prix
De la même manière que sur les autres volets de sa régulation (enregistrement, contrôle de qualité, importation, etc.), le médicament obéit à une réglementation spécifique en termes de formation de son prix sur le marché.
4.6.1- Le système actuellement applicable en matière de prix du médicament peut être ainsi sommairement décrit :
- Depuis la loi 95-06 du 25 Janvier1995 (actualisée en 2003) relative à la concurrence, le principe de la liberté des prix est consacré comme une règle de base sur lensemble des marchés, au plan national. La loi autorise cependant quelques exceptions à ce principe, dans le cas de certains produits considérés comme sensibles. Parmi ceux là, il y a notamment les produits pharmaceutiques qui sont soumis au plafonnement de leurs marges, selon les dispositions du décret 95-119 du 26 Avril 1995 (pris en application de la loi sur la concurrence) classifiant les biens et services à prix réglementés ;
- Toujours en application de cette loi sur la concurrence, le décret 98-44 du 01 Février 1998 relatif à la fixation des marges plafonds applicables à la production, au conditionnement et à la distribution des médicaments a arrêté les bases suivantes : 20% pour la marge de production, assise sur le prix de revient hors taxes ; 10% pour la marge de conditionnement ; pour les marges de gros et de détail, quatre niveaux de marge sont définis sur une base inversement proportionnelle au prix de vente fabricant ou sur le prix CAF pour les produits dimportation.
- Un mécanisme de dépôt de prix auprès des services du Ministère du Commerce est prévu pour sassurer du respect de ce système de plafonnement des marges. Par ailleurs, il faut signaler la mise en place dune réglementation sur le système de prix de référence devant servir de base pour le remboursement du prix du médicament par le système national de sécurité sociale. Cette réglementation nest toujours pas appliquée, à ce jour.
- Enfin, on ne peut manquer dobserver que le système décrit ci-dessus sapplique aux seuls médicaments ayant fait lobjet dun enregistrement au niveau du Ministère de la Santé. Au moment de lenregistrement, le Ministère de la Santé négocie les prix FOB à limportation et les prix publics pour les produits fabriqués localement. Ce qui, quelquefois, est à lorigine de quelques chevauchements de compétence préjudiciables à la cohérence globale du système de prix en vigueur.
4.6.2- Comment évaluer cette réglementation en place sur le prix du médicament, dans le contexte économique actuel ?
Le premier élément à souligner est sans doute le fait que le médicament est, au regard des autorités, un produit considéré comme hautement sensible. Cette sensibilité tient au poids du médicament dans les dépenses de santé, à ses effets globaux sur lefficacité de la politique de santé publique, à son impact sur le budget des ménages tout autant que des hôpitaux, etc. Cest ce qui explique quil ait continué à être soumis à un régime de surveillance administrative à un moment où quasiment lensemble des autres produits commercialisés sur le marché national obéit à un régime de liberté de prix.
Néanmoins, si le souci des autorités parait légitime, la méthode qui est actuellement utilisée pour surveiller le prix du médicament sur le marché est, quant à elle, source de nombreuses difficultés :
- en premier lieu, le système de surveillance qui a été mis en place est fondé sur un contrôle des prix en aval, via dune part les marges de production et de distribution, en principe contrôlées par les services du Ministère du Commerce et, dautre part, le prix public Algérie (PPA) autorisé, à lenregistrement ou à la mise en marché, par les services du Ministère de la Santé. Ces deux formes de contrôle du prix, exercées par deux administrations publiques, ne sont pas a priori complémentaires ni cohérentes : le principe du contrôle des marges suppose la concurrence sur le prix final et, par conséquent, plus en amont sur les prix à la production ou les prix CAF ; ce qui est contradictoire avec une fixation administrative du prix public au consommateur final. A la limite, le maintien dun tel système aurait supposé pour le moins une coordination étroite des décisions entre les deux Ministères, sur le prix de chaque produit ; une coordination qui nexiste pas, à ce jour.
- en second lieu, le système des prix tel quil fonctionne actuellement, savère surtout lourd et pénalisant pour le producteur local davantage que pour les exportateurs étrangers. En effet, il faut savoir que dans la pratique, nonobstant la réglementation affichée, les prix FOB (pour les produits importés, de même que les prix de revient (pour les produits fabriqués localement) sont figés pendant la durée de validité de la décision denregistrement. Néanmoins, le prix FOB pour les produits importés est exprimé en devises, ce qui réduit considérablement le principal risque pour lexportateur, à savoir le risque de change. Pour le producteur local, aucun des éléments de son coût de revient (risque de change sur ses matières importées ; main duvre ; énergie ; etc.) ne peut être durablement pris en charge. Ceci est, à la base, un des éléments qui joue en faveur du maintien de fortes préférences des acteurs pour le recours à limportation.
- par ailleurs, il faut noter que ladministration de la Santé qui enregistre les prix proposés des médicaments pour le consommateur final (PPA) intervient souvent pour des pressions à la baisse des prix proposés que ce soit par les producteurs ou par les importateurs. La difficulté, à ce niveau, est que cette administration nest absolument pas outillée pour apprécier dans la pratique la réalité des coûts qui lui sont affichés, ce qui fait que la négociation est en réalité biaisée à la base : en effet, non seulement les coûts des producteurs locaux peuvent être vérifiés, ce qui nest pas le cas des importateurs ; puis, la concurrence joue très peu à léchelle des produits (une spécificité du médicament, produit technologique par excellence) ; surtout, le producteur local, souvent peu expérimenté dans un pays sans tradition de producteur pharmaceutique comme lAlgérie, prend un risque que ladministration mesure très mal.
Au total, lévaluation du système de surveillance du prix du médicament, dans sa configuration actuelle est surtout révélateur du souci des autorités économiques publiques de veiller à contenir le prix final du produit pour le rendre plus facilement accessible pour le consommateur. Cet objectif politique, certes légitime et compréhensible, a malheureusement pour effet, plus en amont, dorienter la demande vers les produits importés plutôt que vers les produits de fabrication locale. Qui plus est, le système actuel est totalement incohérent dans la mesure où, pour un même type de produit, les prix enregistrés peuvent osciller dans des proportions considérables.
Labsence dune politique publique qui traite plus spécifiquement des encouragements à mettre en place pour promouvoir une industrie naissante du médicament et qui concilie, ce faisant, production locale et prix accessibles, explique en grande partie pourquoi notre pays reste toujours aussi dépendant de loffre importée, en dépit de toutes les déclarations dintention, si généreuses soient-elles.
4.7- Le système de remboursement du médicament
Il est difficile de trouver des statistiques complètes et fiables sur les dépenses de remboursement assurées par les organismes de sécurité sociale. Les statistiques qui sont fournies à ce jour résultent de chiffres avancés publiquement par les responsables concernés au niveau de la CNAS (Caisse nationale des assurances sociales) situent cette prise en charge à hauteur de quelques 40 Milliards de DA. Ce qui situe la facture remboursée à hauteur de quelques 30 à 40 % (suivant les calculs utilisés) au moins de la dépense nationale en médicaments.
Même si le chiffre ainsi avancé et son poids réel dans la dépense globale en médicaments peuvent donner lieu à discussion, il reste incontestable que le système de remboursement du médicament joue un rôle tout à fait majeur dans le niveau actuel de la consommation et, par là même influe considérablement sur le marché. Cest pourquoi il est particulièrement intéressant dexaminer le système actuel de remboursement et, en particulier, les conditions dans lesquelles les médicaments sont rendus éligibles au remboursement.
4.7.1- limportance du système de remboursement du médicament
Le principe du remboursement du médicament et de sa prise en charge par le système de sécurité sociale est inscrit dans le cadre de la loi 83-11 du 2 juillet 1983 relative aux assurances sociales. Néanmoins, dans le contexte économique qui était alors prévalant au moment où elle fut adoptée, limportance de ce mécanisme de remboursement du médicament était tout à fait secondaire :
dune part, en raison du monopole de lEtat sur la production et la distribution en gros du médicament, de même quen raison du système de prix qui était alors en vigueur, le souci premier était celui de la disponibilité du produit, plutôt que son coût.
dautre part, le système de sécurité sociale souffrait fondamentalement des retards que mettaient les employeurs publics (ladministration y compris) à reverser les cotisations de leurs employés qui étaient retenues à la source.
Cette perception changera radicalement avec la libéralisation économique des années 1990. En effet :
le passage à une économie de marché, consacrant la liberté quasi-totale des prix, lapparition dune inflation à deux chiffres dans un contexte de précarité croissante des emplois, ce sont autant déléments qui rendent la facture du médicament extrêmement sensible pour le citoyen. Les demandes de remboursement des achats de médicaments deviennent de plus en plus systématiques pour les assurés sociaux ;
les caisses de sécurité sociale deviennent plus vigilantes quant à la récupération des cotisations des employés déclarés, dans un contexte où le rôle de lEtat dans léconomie samenuise et cède progressivement la place à des employeurs privés au poids grandissant ;
Surtout, cest au niveau des entreprises de production et de commerce du médicament que le système de remboursement devient un enjeu important. Pour ces entreprises, la voie ouverte au remboursement de leurs produits est une donnée majeure qui élargit considérablement leur marché.
4.7.2- léligibilité du médicament au remboursement
Léligibilité dun médicament au mécanisme de remboursement par la sécurité sociale obéit à quelques règles relativement simples. Elles consistent dans :
la présentation dune demande de remboursement par le laboratoire concerné, accompagné dun dossier justifiant de lenregistrement régulier du produit, du dossier technique du médicament ainsi que de la fiche de dépôt de prix pour les médicaments importés ou dune attestation du prix (PPA) pour les produits fabriqués localement ;
cette demande est présentée au niveau du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale. Cest un Comité de remboursement du médicament, créé par arrêté interministériel du 16 Août 2003 et placé sous lautorité de ce Ministère qui est chargé dexaminer les demandes et de statuer à leur sujet ;
lacceptation du dossier donne lieu à inscription sur la liste des médicaments remboursables. Suivant la réglementation en vigueur, les médicaments remboursables doivent être signalés sur la vignette par lapposition dune bande de couleur verte et les médicaments non remboursables dune bande de couleur rouge.
En principe, cette inscription sur la liste des médicaments remboursables saccompagne de la fixation dun tarif de référence sur la base duquel est défini le niveau du remboursement accepté par le système de sécurité sociale
Si à priori ce système parait simple, il pose dans la pratique un certain nombre de difficultés qui narrivent toujours pas à être résolues de manière satisfaisante.
4.7.3- les difficultés du système de remboursement.
Ces difficultés se situent à plusieurs niveaux :
- en premier lieu, il faut noter que la détermination dun prix commence par une négociation avec le Ministère de la santé au moment de la décision denregistrement du médicament. Cette négociation avec lautorité de santé publique, outre quelle na aucun fondement juridique, nest en aucune façon coordonnée avec la décision qui sera arrêtée plus tard en matière de remboursement, par une autre autorité publique ;
- en second lieu, il faut noter les délais extrêmement longs et préjudiciables au producteur, que prend la finalisation de la décision de remboursement : la procédure actuelle suppose un passage par trois paliers avant quelle devienne effective : il y a dune part, le temps pris pour la préparation et létude des dossiers au niveau du CRM (Comité de remboursement du médicament) ; dautre part, il y a les délais pris pour la signature des décisions adoptées par le Ministre du Travail et de la sécurité sociale (en moyenne, cette signature se fait par arrêté pris deux fois par an, soit un délai estimé à 6 mois) ; il y a, enfin, le délai que prend le passage au remboursement proprement dit, à savoir celui de larrivée au niveau du centre payeur. Globalement, le délai pris est en général de quelques 6 à 9 mois.
- en troisième lieu, ce délai extrêmement long est surtout préjudiciable pour le producteur national de même que pour la caisse de sécurité sociale : en effet, pendant cette période, le producteur subit une immobilisation de ses trois premiers lots industriels (avec les coûts y afférents) ; la Caisse de sécurité sociale continue quant à elle à rembourser au prix fort des produits importés. Dans le cas dun importateur, ce délai sil peut être gênant, nest pas économiquement pénalisant, dans la mesure où il ne donne lieu à aucune mobilisation de ressources financières.
- enfin, la difficulté de fond, de loin la plus sérieuse parce quelle touche à la cohérence globale de lensemble du système actuel de remboursement, concerne la mise en place du tarif de référence du remboursement de chaque médicament. Malgré quil soit à lordre du jour depuis plus de dix années maintenant, quil a fait lobjet dun arrêté interministériel du 21 décembre 1995 qui la institué officiellement comme la base de la prise en charge des produits pharmaceutiques par la sécurité sociale, ce tarif de référence nest toujours pas mis en place et na jamais été appliqué.
La conséquence de cette absence dun tarif de référence pour le remboursement se traduit dans un double dérèglement :
un dérèglement préjudiciable sur le marché : le système de remboursement actuel, du fait de son poids considérable et du fait quil admet des différences de prix importantes sur les mêmes médicaments remboursables (mêmes DCI dénominations communes internationales), fausse complètement la concurrence et encourage les hausses de prix plutôt que de faire jouer la compétition à la baisse de la facture supportée par la sécurité sociale. En effet, le remboursement dun même médicament (même DCI) sur des bases pouvant aller de 1 à 5 ou 10 nest rien dautre quune façon indirecte de financer par le système de sécurité sociale, les dépenses de promotion, les unités gratuites, et toutes autres formes de soutiens déloyaux à la distribution dun produit. Le tableau 4 ci-dessous permet de donner une idée de quelques cas (la liste réelle est plus longue) de différences de prix pour les mêmes produits remboursés :
Tableau 4 Quelques différences sur des produits remboursés par la sécurité sociale
N°DCIPrix le plus basPrix le plus hautEcart (%)1Captopril 50280,00870,24210%2Enalapril 20480,001 632,91240%3Atenolol280,00685,00144%4Salbutamol48,40231,19378%5Piroxicam84,24217,11158%6Beclometasone319,911 124,46251%7Budesonide591,83926,6357%8Cetirizine130,52522,07300%9Omeprazole212,991 062,93399%10Diclofenac 2571,81218,36204%11Ondansetron723,999 000,001 143%12Ranitidine185,15805,44335%
lautre dérèglement concerne lefficacité du système de sécurité sociale qui, en acceptant de payer un surcoût sur les produits quil accepte de rembourser, au lieu de faire jouer une concurrence même relative à la baisse des prix, autorise une hémorragie de ressources rares, réduit les capacités réelles de prise en charge des besoins de remboursement et, in fine, lèse les intérêts des assurés sociaux.
Si lon peut admettre que la mise en place de ce tarif de référence pose quelques problèmes techniques, ceux-ci ne sont en rien insurmontables ; cest pourquoi, malgré les enjeux économiques qui y sont attachés, les importants retards mis à lappliquer effectivement ne peuvent pas sexpliquer.
Au moment daborder louverture économique et commerciale dans ce secteur du médicament, lexistence dun système de remboursement très large est une opportunité de premier plan pour les autorités publiques qui disposent, là, dun outil essentiel pour une régulation souple du marché qui préserve les intérêts des acteurs nationaux face aux grands concurrents extérieurs.
Cest pourquoi lefficacité de ce système de remboursement est un enjeu majeur qui devrait faire lobjet dun traitement à léchelle de la politique gouvernementale et qui, à ce titre, devrait sappuyer sur coordination complète entre les services du Ministère de la santé (au moment de la décision denregistrement) et ceux de la sécurité sociale (au moment de la décision de remboursement).
5- Les engagements internationaux annoncés
Après avoir été progressivement libéralisé au cours des années 1990 et au moment où les réglementations incitatives au développement de la production locale commencent à donner leurs premiers fruits, le secteur pharmaceutique algérien aborde un autre tournant de son organisation, marqué par lentrée en vigueur de règles nouvelles qui seront introduites à la faveur dengagements internationaux que le pays a choisi de contracter, avec la ratification de laccord dassociation signé avec lUnion européenne mais surtout avec lentrée programmée au sein de lOrganisation mondiale du commerce.
Ces deux grands accords commerciaux internationaux ne manqueront pas de marquer en profondeur lorganisation densemble de léconomie algérienne et singulièrement celle dun secteur aussi sensible que celui des produits pharmaceutiques. En considération de limpact du changement qui sera introduit avec leur mise en uvre, il est fondamental que tous les acteurs concernés (les autorités et les entreprises, au premier chef) prennent connaissance du contenu des nouvelles règles, de même que de leurs implications les plus prévisibles.
Mais dabord, en quoi les changements annoncés sont-ils si importants pour les acteurs du secteur pharmaceutique ?
5.1- Limportance et les enjeux des changements annoncés
Avant tout, il faut garder en tête que les enjeux du secteur du médicament dépassent de loin ceux dun secteur économique particulier, ils sont également ceux du système de santé dans son ensemble. Comme le notent des experts de lOMS :
«
Une bonne politique du médicament nest pas seulement un pré - requis pour un bon fonctionnement des services, mais aussi, ce qui est sans doute plus important, la force motrice de toute réforme du système de santé »
Drugs and Health Sector Reform par Fernando S. Antezana, Assistant Director General and German Velasquez, Action Program on essential Drugs, December 1996, Document WHO/TFHE/96-2 (P. 17)
En ce sens, lattention que les autorités doivent consentir à ces changements annoncés dans le secteur pharmaceutique est dabord dictée par un souci de cohérence à assurer avec la réforme plus globale du système de santé qui est inscrite déjà dans leur agenda. Elle est dictée également par un ensemble de préoccupations et dinsuffisances qui sont pointées du doigt depuis longtemps relativement à lorganisation en place du secteur du médicament et qui sont autant de pressions exercées en faveur dun changement.
5.1.1- Pressions internes en faveur de changements dans le fonctionnement du secteur du médicament
Ces pressions sont liées à des préoccupations récurrentes se rapportant notamment :
- au souci de maintenir une bonne disponibilité des médicaments sur le marché. Il est reconnu que des progrès incontestables ont été réalisés ces dernières années, en comparaison avec le système dorganisation antérieur. La disponibilité des médicaments pourrait, cela étant, être considérablement améliorée pour peu que le blocage des enregistrements, vécu depuis plus de trois ans, soit définitivement levé ;
- aux problèmes posés par lévolution des prix du médicament et aux conséquences que ces évolutions entraînent en termes daccessibilité des patients aux produits nécessaires aux soins prodigués par le système de santé. Combien même ces prix sont toujours encadrés et suivis de très près par les autorités, il nen reste pas moins que les conditions de cet encadrement sont toujours source de nombreux désagréments, les procédures en place étant loin dêtre cohérentes et loin dêtre appliquées avec rigueur ;
- à laugmentation extrêmement rapide de la facture des importations du médicament, qui a quasiment doublé au cours des quatre dernières années. Bien entendu, cette question du poids des importations est moins actuelle depuis la libéralisation et depuis que les importations sont devenues lapanage des laboratoires privés. Malgré cela, les autorités tentent toujours de maintenir une pression sur les programmes dimportations de ces laboratoires en vue de contenir la facture en devises du médicament ;
- au souci de promouvoir la consommation du médicament générique. Cette orientation a fait lobjet dimportantes orientations administratives (nombreuses circulaires et instructions sur le sujet) de la part des autorités au cours des dernières années ; néanmoins, le résultat obtenu reste toujours en deçà des attentes, les mesures concrètes requises par le développement du générique nayant jamais été réellement prises (prix de référence, enregistrement, négociation du prix à limportation, information du public, etc.) ;
- à la nécessité dune meilleure maîtrise des dépenses de sécurité sociale consacrées au remboursement ou financement de la consommation de médicaments. Le poids des dépenses de sécurité sociale consacrées au médicament est en hausse rapide, malgré que les assurés sociaux se plaignent toujours de grandes insuffisances dans le fonctionnement actuel du système de remboursement ;
- enfin, à la nécessité de voir augmentées significativement les dépenses des ménages consacrées au médicament. Malgré des progrès réels, la consommation des médicaments par habitant (estimable environ à 50 US$/habitant) est encore très limitée. Même sil sagit là dun problème économique plus global, cest aussi lefficacité du secteur du médicament qui est en question.
Toutes les pressions ainsi exercées dans la sphère économique interne narrivent pas toujours à trouver les réponses appropriées. Il faut craindre que celles venant de lextérieur, avec les accords commerciaux internationaux en négociation soient, quant à elles, chargées de contraintes encore plus lourdes et de menaces plus graves.
5.1.2- Contraintes générales du changement introduit par les accords commerciaux internationaux
Si la nécessité de souscrire à des accords commerciaux régionaux ou multilatéraux comme ceux que notre pays a entrepris de conclure peut créer une pression favorable au changement sur le plan interne, il reste que cette pression comporte des contraintes et des risques (ou des menaces) quil est fondamental de bien appréhender.
La principale caractéristique de ces accords OMC et UE, à titre dexemple, cest quune fois conclus et régulièrement ratifiés, leur mise en uvre est source dobligations qui simposent à la loi interne. Cela a pour effet de générer une double contrainte immédiate :
- une contrainte de mise à jour (ou de mise en conformité) des législations et des réglementations internes pou les adapter aux normes de droit imposées par les accords internationaux. Ce travail de mise en conformité est dune importance redoutable et ne doit pas être sous estimé : il commande une vision globale des changements à mener à bien et la définition dune démarche et dun calendrier pour les concrétiser. Dans le cas précis du secteur pharmaceutique national, on voit bien que manque aujourdhui cruellement une telle démarche, ce qui explique que les transformations législatives et réglementaires soient menées de manière hachée, sans calendrier et sans une évaluation préalable des modalités particulières de mise en uvre. Ainsi, si le changement a touché la question de la brevetabilité (ordonnance de Juillet 2003) et celle du cahier des charges imposé aux importateurs, aucune indication nest donnée quant aux étapes qui vont devoir suivre, ce qui révèle une démarche dimprovisation qui peut savérer porteuse de risques, à lavenir ;
- la seconde contrainte a trait aux effets de ces changements législatifs ou réglementaires sur la cohérence des politiques de régulation qui vont en être affectées. Ainsi les transformations qui vont toucher le système actuel de contrôle des importations de médicaments ne manqueront pas de produire des conséquences sur les politiques des autorités publiques dans des domaines aussi essentiels que les prix et laccessibilité des produits, le développement dune industrie nationale du médicament, la surveillance des normes de qualité, etc. A lévidence, toutes ces conséquences demandent à être analysées et anticipées au préalable.
Cest en considération de toutes ces contraintes que lUNOP a mis sur le chantier cette réflexion, dans lespoir quun débat sérieux puisse être ouvert dès aujourdhui sur les obligations que nous imposent les accords OMC et UE.
Quelles sont précisément les obligations découlant de laccord dassociation avec lUnion européenne et de laccession à lOMC ?
5.2- Les obligations découlant des accords OMC et UE
A la base, il faut noter que lentrée dans lOMC suppose ladoption de règles multilatérales applicables par lensemble des pays membres qui les on négociées et acceptées, tandis que laccord dassociation est avant tout un accord régional qui renferme une dimension économique et commerciale mais qui englobe aussi bien une dimension politique majeure. Les deux volets sont donc séparés et différents. Il reste, toutefois, que les deux accords sont fondés, en termes économiques et commerciaux, sur les mêmes règles de base qui sont celles de lOMC et quils sont donc porteurs dune logique de changement très similaire.
5.2.1- Règles de laccord dassociation avec lUE
Les règles contenues dans cet accord et qui concernent, directement, le secteur de la santé, sont principalement les suivantes :
(i) Le cadre général : les règles de l OMC. Aux termes des dispositions de larticle 6 de laccord dassociation, ce sont les règles des accords de lOMC qui sont applicables à toutes les dispositions commerciales de laccord. Laccord dassociation doit être conforme aux dispositions de larticle 24 de lAccord GATT consacré aux accords économiques régionaux, eux-mêmes considérés comme une exception à la clause de la nation favorisée, qui est un des fondements des accords de lOMC.
(ii) la prohibition des restrictions quantitatives. Cest larticle 17 de laccord dassociation qui prévoit que les échanges entre lAlgérie et les pays de lUE ne sauraient être soumis à des limitations de quantités, que ce soit à limportation ou à lexportation. Cette disposition est extrêmement importante dans le cas des produits pharmaceutiques qui font toujours lobjet de limitations quantitatives par le Ministère de la santé.
(iii) le démantèlement tarifaire. Laccord dassociation visant à terme linstauration dune zone de libre échange, les importations algériennes à partir des pays de lUE verront les droits de douane qui leur sont appliqués, progressivement démantelés. Les produits pharmaceutiques sont concernés par ce démantèlement, même si le droit de douane qui leur est actuellement applicable est de 5% seulement : ce droit sera levé à la 7ème année de lapplication de laccord (annexe 3 de laccord).
Quant à lavantage tarifaire qui est appliqué aux importations dintrants (exonération spéciale consentie aux fabricants de produits pharmaceutiques), il sera donc implicitement supprimé puisquil bénéficiera progressivement à lensemble des entreprises importatrices.
(iv) dispositions relatives à la concurrence. Elles font lobjet des articles 41 à 43 de laccord, et visent à prévenir les mesures qui contribueraient à influencer le commerce entre les deux partenaires, via laction des monopoles ou les ententes ou via laction dentreprises publiques. Dans létat actuel de la législation algérienne, il nexiste certes pas de telles mesures, mais nombreux sont les pays qui, dans le secteur de la santé, sont tentés de les mettre en place ; pour lAlgérie, il sagit là dune voie possible pour réguler le marché des médicaments qui se trouve ainsi fermée.
(v) propriété intellectuelle. Larticle 44 de laccord oblige à retenir pour les législations des deux partenaires les standards internationaux les plus élevés. Cest une disposition qui est surtout contraignante pour lAlgérie, dans la mesure où elle oblige à aller encore plus loin que ce qui est retenu dans laccord ADPIC de lOMC (Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle liés au commerce).
(vi) services : traitement national aux sociétés de lUE. Larticle 32-b de laccord dassociation garantit aux sociétés de lunion européenne qui sinstallent en Algérie le traitement national intégral pour ce qui est des conditions de leur installation et des conditions dans lesquelles elles délivrent leurs services sur le marché national. Cela signifie quelles sont alignées en termes de droits sur le même niveau que celui auquel sont soumises les sociétés algériennes. Cest une disposition qui est importante dans le secteur de la santé, où le poids des sociétés étrangères est particulièrement important en particulier dans lactivité de distribution. A noter que ce droit au traitement national nest pas consenti réciproquement aux sociétés algériennes sur le marché de lUE.
5.2.2- Principes généraux des accords OMC
LOMC administre actuellement quelques 24 accords commerciaux que les membres sengagent à appliquer intégralement. Il nest pas possible, dans le cadre de ce rapport, de passer en revue tous ces accords, mais il est souhaitable de présenter rapidement les quelques principes généraux qui gouvernent ces accords et qui, demain, vont devoir sappliquer à léconomie algérienne et donc dans le secteur de la santé.
(i) principe de la non discrimination : la clause de la nation la plus favorisée. En vertu de cette règle, qui est à la base des accords du GATT puis de lOMC, tout avantage concédé à un pays donné est consenti à tous les autres pays membres. Cest la règle de non discrimination dans le traitement des questions commerciales entre chacun des pays membres, une règle qui interdit lavantage préférentiel en dehors de quelques cas limités, comme ceux de larticle 24 du GATT consacré aux accords régionaux (zones de libre échange et unions douanières).
(ii) le second principe fondateur est celui du traitement national. Il implique que les produits étrangers, une fois introduits régulièrement sur le marché national doivent se voir appliquées les mêmes règles et les mêmes obligations que celles auxquelles sont soumis les produits de fabrication locale. Ainsi, à titre dexemple, un médicament importé, une fois entré sur le marché interne, après avoir donc satisfait à toutes les règles applicables à limportation, est considéré exactement comme un produit national du point de vue de sa taxation interne, de la surveillance de ses normes de qualité, de sa distribution, etc.
(iii) une troisième règle importante est celle de la transparence des règles. Les règles qui sappliquent ainsi, à titre dexemple, au marché du médicament, quil sagisse dimportation ou de fabrication locale doivent être affichées et connues préalablement. Elles font, pour lessentiel, lobjet dune obligation de notification au Secrétariat de lOMC. Par ailleurs, le pays est tenu de mettre sur pied un point focal destiné à être consulté par lensemble des pays membres de lOMC ou de leurs sociétés, à chaque fois quune question de réglementation applicable se pose à eux. De tels points focaux sont dune importance particulière pour ce qui est notamment des réglementations techniques qui sappliquent dans un secteur comme celui du médicament.
(iv) la libéralisation permanente par la négociation. Les accords de lOMC ne constituent pas une matière figée ; bien au contraire, ils font lobjet dun processus permanent de négociation, quil sagisse de linterprétation à donner aux dispositions des accords (des comités spécialisés pour le suivi de lapplication de ces accords fonctionnent en permanence au sein de lOMC) ou quil sagisse plus directement de louverture de cycles de négociations multilatérales élargies qui ont pour but pour les pays membres de travailler à élargir le champ de la libéralisation du commerce à léchelle mondiale. Ainsi, il faut noter quun cycle de négociations commerciales multilatérales est ouvert depuis Novembre 2001 : cest le cycle dit de Doha, qui est toujours en cours à ce jour.
(v) enfin, il y a le Mécanisme de règlement des différends qui est une procédure essentielle qui régule lensemble de ce système des accords administrés par lOMC. En cas de litige sur lapplication dune disposition de ces accords, il est prévu que les pays concernés aient recours à cette procédure de règlement des différends qui aboutit, en bout de course, à une interprétation donnée par des arbitres et qui, en théorie du moins, devient obligatoire pour les parties. Ce quil faut retenir de cette procédure, dans le cas dun pays en développement comme lAlgérie, cest que les accords de lOMC une fois acceptés deviennent dapplication obligatoire. Ils doivent, à ce titre, être étudiés et préparés avec beaucoup de sérieux afin de se donner les moyens de préserver les intérêts économiques et commerciaux du pays, une fois laccession achevée. Cette observation générale est valable bien entendu encore plus dans le cas dun secteur aussi sensible que celui de la santé.
5.2.3- Exceptions concernant la santé publique
Le principe général qui est posé dans lensemble des accords de lOMC, cest quaucune mesure concourrant à lobjectif commun de libéralisation des flux de commerce de biens, de services ou des droits de la propriété intellectuelle, ne saurait avoir pour effet de porter atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux.
Aussi bien larticle 20 du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) que larticle 14 du GATS (Accord général sur le commerce des services) garantissent le droit des pays membres à prendre les mesures nécessaires de restrictions des importations ou des exportations de biens ou de services, à chaque fois quelles savèrent nécessaires pour protéger la santé des personnes et des animaux.
La portée de ces mesures de protection de la santé, de même que le niveau de protection approprié, sont laissés à la diligence de chaque pays membre, aucune obligation nétant prévue dans les accords OMC de quantifier le risque pour la vie ou la santé des personnes. Ces accords stipulent, néanmoins, que les mesures prises ne doivent pas être plus restrictives quil nest nécessaire pour faire face aux risques identifiés.
Dans la pratique, la capacité à justifier létendue de mesures prises pour protéger la santé est un élément essentiel, les pays en développement étant en ce sens défavorisés à la base compte tenu des exigences généralement moins astreignantes qui prévalent concrètement en termes de santé publique. Cest pourquoi de nombreux experts recommandent comme première précaution de prévoir dans leur législation et leurs réglementations les situations durgence sanitaire, ce qui leur donne une base plus objective pour traiter des restrictions commerciales en liaison avec la protection de la santé publique.
Cest là une disposition quil est donc recommandé de mettre en place dans la législation algérienne en matière de protection de la santé publique.
Par ailleurs, il convient de noter que le cycle actuel de négociation commerciale multilatérale en cours depuis la Conférence de Doha a inscrit cette question des effets des accords OMC (laccord ADPIC en particulier) sur la santé publique comme un des axes de la négociation. Il importe que les responsables du secteur de la santé suivent avec attention lévolution des discussions à ce sujet.
5.2.4- Règles des accords OTC et SPS de l OMC
Parmi les 24 accords administrés par lOMC, deux en particulier constituent des instruments de référence pour la conception, lélaboration et la mise en uvre des réglementations applicables à lorganisation du marché du médicament. Ces deux accords sont : laccord sur les obstacles techniques au commerce (accord OTC) et laccord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (accord SPS).
Limportance de ces deux accords est liée intrinsèquement au fait que les importations ou les exportations de médicaments sont partout soumises à des réglementations techniques très détaillées et très astreignantes. Cest précisément la possibilité de mettre en place de telles réglementations qui est explicitement reconnue par ces deux accords dont lun (laccord OTC) est de portée générale, en ce sens quil sapplique à tous les secteurs dactivité tandis que lautre (laccord SPS) est plus spécifiquement consacré aux activités liées à la santé humaine, animale et végétale.
La possibilité de mettre en place des normes techniques pour encadrer le commerce est toutefois soumise à un certain nombre de précautions qui concernent notamment :
- la nécessité déviter les mesures de restrictions qui ne sont pas justifiées très précisément par latteinte de lobjectif recherché. Dans les deux accords, il est stipulé que les mesures techniques ainsi retenues doivent être autant que possible proportionnées à lobjectif légitime ciblé.
- les deux accords OTC et SPS encouragent fortement le recours aux normes internationales comme base des mesures techniques quils prennent pour réguler leur commerce. Le recours à des normes internationales permet en effet déviter la profusion de normes techniques et de procédures dévaluation de la conformité au niveau national, ce qui généralement est source dobstacles contraignants et inutiles pour le commerce. Ce recours est toutefois non obligatoire, un membre pouvant choisir des normes purement nationales sous réserve de pouvoir les justifier valablement, à la demande dun autre pays membre.
- Laccord SPS prévoit la nécessité dune justification scientifique appropriée chaque fois quun membre choisit de ne pas recourir à des normes internationales existantes pour fonder une mesure technique donnée. Dans le domaine particulier de la sécurité alimentaire, cet accord SPS reconnaît expressément les normes élaborées par la Commission du Codex Alimentarius (sous légide de la FAO et de lOMS). Il prévoit également la possibilité de mesures provisoires de précaution chaque fois quun doute raisonnable subsiste quant au risque quun produit donné présente pour la santé.
- enfin, il est à signaler que les autorités sont soumises à une obligation de notification de toutes les réglementations et autres mesures techniques quelles prennent pour réguler les flux de commerce, au titre des deux accords OPC et SPS. De même, un point focal devra être mis sur pied et être en mesure de répondre à toute demande émanant dun pays membre quant à toute spécification technique applicable au commerce dun produit donné.
Au total, il faut bien souligner que, dans le contexte de laccession à lOMC, ces deux accords sont particulièrement importants pour fonder juridiquement les mesures que les autorités sanitaires algériennes vont devoir prendre pour réguler les flux de commerce (à limportation, notamment) de médicaments. Quil sagisse des mesures liées aux modalités denregistrement des médicaments, aux conditions de qualité à respecter, aux procédures de contrôle du médicament, etc., cest par rapport à ces accords OTC-SPS que leur conformité sera vérifiée. Il y a donc un intérêt majeur pour les responsables du Ministère de la Santé à bien étudier ces accords et à bien maîtriser les termes de leur application dans le contexte algérien.
5.2.5- Règles de laccord ADPIC (Accord de lOMC sur les droits de la propriété intellectuelle liés au commerce)
Laccord ADPIC de lOMC est un accord à portée très vaste. Il englobe une matière extrêmement étendue allant de la propriété industrielle, aux droits dauteur, aux marques de fabrique et de commerce, aux configurations des circuits intégrés, au secret industriel et commercial, etc. Il y a néanmoins deux aspects importants qui intéressent plus directement le secteur pharmaceutique et qui concernent : les brevets dinvention et les marques de fabrique et de commerce.
Sur les deux aspects ci-dessus, la mise en conformité de la législation algérienne par rapport aux normes de laccord ADPIC a été assurée, en principe, avec les ordonnances du 19 juillet 2003. La principale donnée introduite à ce sujet concerne le thème du brevet et lextension de la protection accordée par la loi au domaine du produit pharmaceutique, une protection jusque là non garantie dans la législation algérienne. Aux termes de cette législation ainsi modifiée et qui simpose à tous les pays membres de lOMC, le titulaire dun brevet dinvention sur un produit pharmaceutique régulièrement enregistré se verra accorder lexclusivité dexploitation commerciale sur son invention pour une durée de vingt années.
La principale conséquence dune telle mesure est la limitation quelle impose aux politiques des pays en développement, notamment, qui souhaitent encourager lintroduction rapide de médicaments génériques sur leur territoire, que ce soit pour les besoins de leur industrie locale ou pour leurs importations de médicaments. Lon sait, à cet égard, que lenjeu financier peut être énorme, le coût de nombreux produits génériques se situant en moyenne sur le marché international à moins du tiers des produits de marque protégés.
De ce point de vue, il est fondamental que, dans le cas de lAlgérie, cette dimension de la protection par le brevet soit évaluée du point de son impact réel sur la facture des importations de médicaments. Surtout, il importe quelle soit intégrée comme un élément à part entière dans la politique affichée par le Ministère de la santé en faveur de lencouragement du produit générique. Celle-ci, qui a été instrumentée jusque là essentiellement à partir de mesures administratives, de restrictions sur les importations et dencadrement autoritaire des prix des produits importés, devra être revue en profondeur, sous peine de renoncer purement et simplement à lobjectif légitime qui était visé.
Par ailleurs, et au-delà de la prise en compte de cette conséquence directe sur le coût daccès au médicament, de nombreux aspects de laccord ADPIC demandent à être appréhendés avec précaution, sachant leur influence potentiellement négative sur les politiques de santé dans les pays en développement comme lAlgérie. Les risques potentiels qui sont soulevés par cet accord ADPIC sont en effet nombreux :
risques dune augmentation exagérée des prix ou de fourniture insuffisante pour des produits pharmaceutiques protégés mais nécessaires à la protection de la santé des personnes ;
risques sur les produits actuellement fabriqués ou importés en Algérie qui, du fait de leur soumission à un brevet peuvent disparaître du marché ou voir leur prix augmenter fortement ;
risques sur les accords de partenariat actuels qui pourraient être résiliés par des sociétés qui préféreraient fournir le pays à partir de sources de production étrangères ;
risques que la prise en charge thérapeutique soit transférée vers de nouvelles molécules certes plus efficaces ou moins nocives mais monopolisées par les pays les plus développés. En effet, nous assistons de plus en plus à la mise sur le marché de nouveaux produits issus souvent de la biotechnologie et dun coût fort élevé et sans commune mesure avec leurs prix de revient ;
risques liés à la montée en taille des multinationales, ce qui laisse craindre lapparition dune dizaine de géants qui monopoliseraient près de 80 % du marché international et qui pourraient dicter leurs lois aux pays ;
Tous ces risques, ainsi que dautres, sont autant de questions posées aux politiques que les autorités vont devoir suivre à lavenir pour faire face à leur devoir de protection de la santé publique dans un contexte où les intérêts nationaux peuvent se trouver piégés par les obligations découlant de cet accord international. Il importe plus que jamais que les autorités en prennent conscience et les intègrent au registre des préoccupations de lavenir.
5.2.6- Règles de laccord AGCS (Accord général sur le commerce des services) ou GATS
Le secteur des services est un des secteurs qui sest ouvert aux règles multilatérales avec la création de lOMC, depuis 1995. Un Accord général sur le commerce des services (GATS) a été conclu sur le modèle du GATT déjà en place depuis longtemps pour les marchandises. Cet accord impose des disciplines nouvelles en matière déchanges de services sappuie sur une nomenclature des catégories de services de même que sur une subdivision de chacun de ces services suivant quatre modes de fourniture. Il est à souligner que le secteur de la santé est tout à fait concerné par cet accord sur les services et que la négociation daccession va induire des concessions à contracter dans ce domaine par lAlgérie.
Le niveau de ces concessions nest pas encore défini à ce stade puisque les négociations daccession sont toujours en cours. Les principaux aspects sur lesquels un pays comme lAlgérie sera concerné sont les suivants :
pour le mode de fourniture 1 (fourniture transfrontalière), par exemple : fourniture de services de diagnostic ou de programme de traitement en Algérie par des prestataires étrangers, par le biais des télécommunications (télémédecine) ;
pour le mode de fourniture 2 (consommation à létranger), par exemple : des patients algériens se rendent à létranger pour y recevoir un traitement ;
pour le mode de fourniture 3 (présence commerciale), par exemple : création dun hôpital en Algérie ou investissement dans un hôpital algérien par des personnes étrangères ;
pour le mode de fourniture 4 (présence de personnes physiques), par exemple : fourniture de services en Algérie par des professionnels étrangers de la santé à titre permanent ou à titre temporaire.
Ce quil faut fondamentalement retenir, cest que lentrée dans lOMC va changer fondamentalement la donne pour ce qui de lavenir de lorganisation des services de soins. Lobjet nest pas, dans le contexte du présent document qui est consacré au volet spécifique du médicament, dexaminer le détail de ces changements annoncés. Simplement, il faut retenir que la transformation du système de soins est de nature à influer sur les décisions qui seront prises, demain, en matière dorganisation du médicament.
5.2.7- En définitive, on voit bien que laccession à lOMC et lapplication des disciplines des accords administrés par cette organisation vont se traduire par des conséquences importantes sur le marché national du médicament de même que, à une échelle plus large, sur le système de santé dans son ensemble.
Pour cette raison, il importe par-dessus tout que tous les acteurs concernés se penchent sur le contenu précis de ces accords et sur le contexte économique nouveau que leur mise en uvre va progressivement contribuer à installer. Un contexte nouveau marqué par une accélération de louverture commerciale et qui ne manquera pas davoir des implications importantes sur le système de régulation du marché du médicament de même que sur les perspectives futures du développement de la production nationale.
5.3- Les implications prévisibles de louverture commerciale sur le système de régulation du marché du médicament
La configuration actuelle du système de régulation du marché du médicament a été le résultat dune expérience de la libéralisation assez particulière puisque, dans lensemble, ont été maintenus des instruments de contrôle administratif complet sur les flux commerciaux dans un contexte où la liberté daccès au commerce extérieur a pu être globalement respectée, de même quun transfert très large des activités vers lintervention des entreprises privées.
Il faut prévoir que cette expérience de la libéralisation va devoir être affectée en profondeur par lentrée de lAlgérie dans lOMC et la mise en conformité du système de régulation avec les normes et disciplines de cette organisation multilatérale.
3.1- Précautions de base de lapproche des accords OMC
Il parait sans doute nécessaire de mettre en avant quelques règles de base que le pays devra respecter sil veut assurer une mise en conformité de son système de régulation qui soit compatible avec une préservation et une sauvegarde des intérêts essentiels de sa politique de santé publique. Parmi ces précautions de base, on citera en particulier :
(i) en tout premier lieu, il faut garder à lesprit que les accords de lOMC, sils comportent des dispositions contraignantes, renferment également des dispositions qui permettent des flexibilités quil faut savoir utiliser.
Le secteur de la santé est un exemple parfait de situation où les accords de lOMC reconnaissent aux autorités nationales des marges de manuvre non négligeables que les pays développés, à titre dexemple, ne manquent pas dutiliser pour leur propre compte. Naturellement, ces flexibilités ne sont exemptes du respect de quelques obligations générales touchant à lorganisation des flux de commerce, mais une bonne maîtrise du système des règles de lOMC permet de garder un contrôle relativement important de la réalisation des objectifs dune politique de santé publique attentive aux besoins des citoyens.
De même, il faut noter que les préoccupations de santé publique constituent un objectif commun à tous les pays en développement dans le cadre de lOMC. Ainsi, des accords comme ceux de lADPIC ou OTC-SPS comprennent tous un certain nombre de traitements différenciés et favorables pour les pays en développement quil faut savoir utiliser ; mais aussi, certaines dispositions font lobjet dune interprétation discutable qui a donné lieu à des jurisprudences quil est fondamental de maîtriser. A titre dexemples, on citera les choix à opérer pour ce qui est du mode de protection des renseignements non divulgués, ou bien en matière de brevets les dispositions à prévoir dans la législation nationale pour ce qui est des licences obligatoires, des sauvegardes de la santé publique, des importations parallèles, des dispositions à prendre avant lexpiration dun brevet (disposition Bolar), etc.
(ii) en second lieu, il convient de mettre sur pied une véritable capacité dexpertise juridique et économique en vue dune maîtrise complète du contenu de chacun des accords pertinents de lOMC, pour pouvoir non seulement en assurer une mise en uvre qui ne soit pas contestable par les pays partenaires mais aussi pour préserver les intérêts de léconomie nationale dans un domaine aussi sensible que celui de la santé publique.
Cette expertise est loin dêtre réunie au sein de ladministration sanitaire aujourdhui ; cest une situation assez commune, faut-il le souligner, dans de nombreux pays en développement. Mais il faut ajouter, toutefois quune telle expertise est assez largement disponible dans de nombreuses organisations internationales, à commencer par lOMS et lOMC ou au niveau de la CNUCED ou de lOMPI. Il est anormal que notre pays ne bénéficie pas plus efficacement de cet apport précieux à un moment où il doit faire face à des échéances de négociation extrêmement difficiles.
(iii) en troisième lieu, il y a besoin dune approche globale des transformations à mener à bien dans un secteur comme celui du médicament. Par approche globale, il faut entendre une visibilité aussi complète que possible des différentes tâches à assurer pour parachever la mise en conformité du cadre législatif, réglementaire mais aussi économique avec les règles imposées par les accords signés.
Cette visibilité fait manifestement défaut aujourdhui si lon juge par la démarche incertaine qui caractérise certains amendements apportés à la réglementation : le cas du dernier arrêté du 6 juin 2005 portant nouveau cahier des conditions techniques applicables à limportation du médicament est révélateur dune approche peu sûre et pour tout dire incomplète et faiblement préparée. Le même sentiment prévaut si lon prend en compte le faible niveau de la concertation avec les entreprises concernées par les changements annoncés et, surtout, la faible sensibilité quant aux implications de ces changements sur les entreprises productrices, sur leurs revenus et sur leurs emplois.
(iv) enfin, dernière précaution mais non la moindre, il y a lieu déviter une tare commune à de nombreux pays en développement qui, faute de bien prendre la mesure des risques et des contraintes inhérents aux accords commerciaux quils signent, cumulent les concessions et les engagements lors des négociations et se targuent den assurer une application zélée, tout au moins dans les phases préliminaires.
Il faut insister à ce sujet sur lobligation qui est faite à tous les pays membres de répondre, au besoin devant le système de règlement des différends, de lapplication de lintégralité de leurs engagements à lOMC. Dans ces conditions, mieux les négociations sont conduites et moins le niveau de ces engagements est élevé, plus il y a de souplesse dans lexécution pour lavenir.
5.3.2- Les pressions sur le système des enregistrements de médicaments
La gestion du système des enregistrements est véritablement la clef de voûte de lensemble du système de régulation du marché du médicament. La procédure par laquelle un médicament peut être autorisé à la commercialisation sur le territoire national est un élément essentiel à travers lequel les autorités administrent les flux de commerce sur le marché interne.
Le choix consistant à autoriser (ou à refuser) lentrée dun médicament sur le marché, que ce soit à la fabrication ou à limportation est à la confluence des intérêts commerciaux tout autant que des préoccupations de la gestion et de la protection de la santé publique. Cest à ce niveau que les pressions au changement du système actuel de régulation du marché du médicament vont devoir sexercer, à loccasion de la négociation daccession.
Cest là-dessus que les préparatifs de la négociation daccession à lOMC interpellent significativement les autorités sanitaires ; cest également là-dessus que se situe lenjeu essentiel de la configuration future du marché et cest bien sûr sur ce thème précis que les arguments de la négociation devraient être déployés avec la plus grande clarté. Il est possible de considérer que tous les autres aspects, en aval, quil sagisse des autorisations dapprovisionnement, des procédures particulières dimportation, des normes de surveillance de la qualité ou des règles applicables à la distribution, sont très largement encadrés et définis dans les dispositions des accords de lOMC en vigueur, des dispositions qui sont dapplication obligatoire et donc non négociables.
Dans la pratique, rien dans les déclarations des responsables de ladministration sanitaire ne permet de savoir dans quelle direction le mode dadministration des enregistrements va devoir évoluer dans le contexte de lentrée à lOMC. Il est vrai que ce mode de gestion des enregistrements fait lobjet de difficultés (cf. point 4.2. traité plus haut) sérieuses, liées à des retards importants dans lactualisation des réglementations, au non respect de celles qui sont en place et, de manière générale, à un manque de transparence dans les décisions et à une faible réactivité de ladministration responsable face à une question à tous égard essentielle.
A lévidence, de telles insuffisances risquent fort, si lon ny prend garde, dêtre encore plus fortement aggravées par les contraintes supplémentaires que ne manqueront pas dimposer les accords de lOMC et les engagements de négociation auxquels notre pays sera tenu de souscrire. Aussi, il est réellement important que ladministration du Ministère de la santé soit, dune part, directement impliquée dans la négociation daccession et, dautre part, quelle y soit en conséquence dûment préparée, sur la base dune vision précise des évolutions à imprimer au système des enregistrements et dans le respect des objectifs de la politique de santé publique nationale. Le problème des moyens humains requis au niveau du Ministère de la santé est, à cet égard, posé de manière aiguë.
Bien entendu, il nest pas possible, à ce stade, de préjuger de ce que sera la position des autorités sanitaires à ce sujet, mais lon peut avancer les quelques éléments indicatifs suivants sur les précautions à observer sur cette question au niveau de lOMC :
- la position de lAlgérie en tant que pays négociant son accession est extrêmement fragile et, compte tenu du climat prévalant au sein de lOMC pour les pays accédants, sera rendue encore plus complexe par les pressions souvent exagérées quelle aura à subir de la part de quelques pays développés en particulier. Il faut sattendre et se préparer à des pressions importantes des pays membres pour ce qui est des conditions denregistrement des produits pharmaceutiques destinés à être importés ;
- une bonne connaissance des dispositions des accords OTC & SPS est fondamentale pour appréhender cette question difficile. La position à retenir devrait viser essentiellement à ne prendre aucun engagement précis sur la question dans le protocole daccession, en dehors de celui, très général, davoir à se conformer plus tard aux dispositions des accords en question ;
- La clef pour aborder le système des enregistrements et les justifications des restrictions éventuelles au commerce qui y seraient apportées est celle des justifications scientifiques ; dans cette perspective, il serait convenable de commencer dès à présent à anticiper les difficultés à venir en la matière par une approche scientifique de la politique à suivre à lavenir en matière denregistrement ;
- enfin, cette question, difficile par essence, est un des volets à inscrire de toute urgence au registre des demandes dexpertise à solliciter dorganisations internationales telles que lOMS ou lOMPI, de la part des responsables du Ministère de la santé.
IL EST FORTEMENT RECOMMANDE DEVITER TOUTE APPROCHE DE CETTE QUESTION DE LENREGISTREMENT AU NIVEAU DU GROUPE DE TRAVAIL DES NEGOCIATIONS DACCESSION, SANS UNE POSITION TECHNIQUE PRECISE ELABOREE POUR LE COMPTE DES RESPONSABLES DU MINISTERE DE LA SANTE AVEC LAPPUI DUNE EXPERTISE INTERNATIONALE QUALIFIEE. TOUT ENGAGEMENT QUI SERAIT PRIS EN LABSENCE DUNE TELLE EXPERTISE SERAIT EXTREMEMENT DANGEREUX ET PREJUDICIABLE ET, PAR CONSEQUENT, A EVITER ABSOLUMENT.
5.3.3- Les implications en matière de procédures dimportation du médicament
Comme il a été relevé plus haut, les procédures dimportation du médicament viennent déjà dêtre revues avec larrêté du Ministre de la santé en date du 6 juin 2005 relatif au cahier des conditions techniques (cahier des charges) applicable aux importateurs. Une des motivations à la base de cet arrêté est celle de la mise en conformité de la réglementation avec les accords de lOMC, en prévision de laccession de lAlgérie.
En ce sens, la démarche du Ministère de la santé appelle quelques observations du point de vue de la démarche de mise en conformité et de transformation réglementaire :
- la suppression de la procédure de déclaration statistique de chaque opération de dédouanement était non seulement non conforme du point de vue OMC, elle était surtout inopportune et sans réelle utilité économique du point de vue des besoins du contrôle interne exercé par les services du Ministère sur les importations de médicaments ; ce qui est, à cet égard, encore plu regrettable, cest quaucune statistique fiable nest publiée en dépit des informations amassées au cours des années dans les tiroirs du Ministère ;
- la levée de lobligation de production imposée par le cahier des charges applicable auparavant est également nécessaire du point de vue des nécessités de la mise en conformité avec les accords OMC. Les conditions de cette levée soulèvent néanmoins un double problème :
dune part, cette obligation dinvestir était réellement un élément essentiel du dispositif dorganisation du marché du médicament. Sa levée aurait du raisonnablement donner lieu à une évaluation préalable des effets quelle a produits depuis près de dix années quelle est appliquée, des problèmes quelle aurait éventuellement soulevés, de la situation des investissements engagés sur le terrain et des solutions, des solutions alternatives à mettre en place, etc. Il nest pas normal quun changement dune telle importance soit mené sur la base dune simple décision administrative ;
dautre part, en terme de calendrier, il faut noter que la mesure aurait pu être effectivement programmée en relation avec les négociateurs algériens mais mise en uvre uniquement une fois le processus daccession parachevé. La période intermédiaire aurait alors pu être mise à profit pour engager la discussion et examiner toutes les solutions alternatives en vue de continuer à développer une industrie algérienne du médicament.
- par ailleurs, la mise en conformité, telle que supposée prise en charge dans le cadre de cet arrêté est loin dêtre satisfaisante : non seulement certaines dispositions retenues telles que la suppression de lobligation dun délai minimal pour la péremption (2/3 de la durée de vie du produit) nest pas une obligation au regard de la lettre des accords OMC, mais surtout une disposition telle que le maintien dun programme annuel dimportation est assimilable à une restriction quantitative et donc incompatible. Cela signifie clairement que la mise en conformité nest pas menée de manière rigoureuse et complète. En bonne logique, elle devrait se faire de manière ordonnée et globale, sur la base dun dossier exhaustif élaboré en relation avec les négociateurs du dossier daccession, et non pas par des mesures partielles et « saucissonnées » qui vont, de toute manière, être revues à bref délai.
- enfin, il faut suggérer que les responsables du secteur de la santé en charge de la coordination de ce dossier de la mise en conformité avec les accords OMC explorent la possibilité dutiliser un système de licences qui est une matière couverte par un accord OMC (accord de lOMC sur les licences) et qui est parfaitement justifié comme un moyen dadministrer les restrictions techniques au commerce du médicament. Cet instrument est également utile pour développer un système dinformation sur le médicament, système qui manque beaucoup aujourdhui et qui est une voie potentielle de rationalisation du marché pharmaceutique national.
5.3.4- Implications sur la politique nationale dencouragement du médicament générique
Ainsi quil a été relevé plus haut, lencouragement du produit générique est une orientation importante que les autorités souhaitent imprimer au marché du médicament. Jusquici, la mise en uvre de cette orientation sest appuyée, en théorie, sur les restrictions commerciales à limportation ou à lenregistrement. En effet, dune part, les produits génériques fabriqués localement étaient inscrits sur une liste dinterdiction à limportation et, dautre part, les produits génériques étaient censés bénéficier de fait de facilités au niveau de leur enregistrement.
Une des principales conséquences de lapplication des disciplines OMC sera précisément de contribuer à démanteler ce système dencouragement au générique. Ainsi :
- le changement des procédures dimportation ne pourra plus permettre dinfluencer aussi directement les importations pour orienter les choix vers le générique. Il sera nécessaire de trouver des voies moins directes et plus incitatives pour concrétiser cet axe de travail ;
- le système des droits de la propriété intellectuelle tel que requis par lapplication de laccord va contribuer non seulement à reconnaître explicitement dans le droit algérien les droits des détenteurs de brevets mais surtout à mettre en place les moyens juridiques du respect de ces droits via le système judiciaire. Ainsi que noté plus haut, une expertise de externe pour aider à lapplication appropriée de cet accord sera sans doute nécessaire ;
- la responsabilité de lencouragement du générique, si elle incombe au premier chef à ladministration sanitaire, est avant tout du ressort de la politique gouvernementale ; elle implique en effet de nombreuses autres administrations telles que lindustrie, les finances, le commerce, la protection sociale, la recherche scientifique, lagence de propriété industrielle, etc.
En définitive, il faut souligner quune politique du générique ne pourra plus se concevoir, une fois achevée la négociation daccession à lOMC, en dehors des stratégies de firmes étrangères mais aussi locales. Dans ces conditions, il faut regretter quune véritable politique du générique nait pas été développée et appliquée plus tôt. Il faut regretter également quune telle politique ne fasse pas lobjet des préoccupations à défendre dans le cadre des négociations en cours. Tout lenjeu est, en effet, de trouver les moyens dinciter (ou dobliger) les firmes étrangères à accepter de partager les marchés avec des firmes locales. Il nest pas sûr que nos administrations disposent aujourdhui de la capacité de concevoir et de mener à bien une telle politique. Cest pourquoi il faut prévoir que cette orientation vers le générique souffrira beaucoup, tout au moins durant les premières années dapplication des accords OMC.
5.4- Les implications prévisibles de louverture commerciale sur la production nationale du médicament
5.4.1- Contexte général de louverture commerciale
Le secteur national de production du médicament aborde cette perspective de louverture commerciale et de lapplication des accords OMC et UE à un moment assez particulier de son évolution historique, c'est-à-dire un moment où :
- le marché national connaît une croissance de grande ampleur, sa taille ayant quasiment doublé en lespace de quatre années, entre 1999 et 2004. Certes, cette croissance du marché bénéficie en premier lieu au secteur des importations, mais la production nationale connaît elle-même une évolution très importante et très remarquable.
- cette évolution au niveau des dimensions du marché et de la consommation nationale de médicaments saccompagne dune participation de plus en plus active des entreprises privées nationales, le plus souvent seules mais aussi quelques fois comme filiales ou partenaires de grandes sociétés pharmaceutiques internationales ; ce partenariat avec les sociétés étrangères englobe certes le volet des importations mais également, de plus en plus, celui de la production ;
- enfin, les changements importants au niveau des réglementations au cours des années 1990, en accompagnement au mouvement important de libéralisation intervenu sur le marché, commencent à être assimilés et absorbés à léchelle des administrations mais également à léchelle des autres acteurs, au premier chef les entreprises. Cette sédimentation au niveau réglementaire est loin dêtre évidente sachant que, dix années auparavant, lensemble de lactivité de ce secteur faisait lobjet dun monopole absolu de lEtat et des entreprises publiques.
5.4.2- la fin dun contrat de développement
Sans nul doute, lélément remarquable de cette évolution est celui de lintérêt marqué par le secteur privé national au développement de la production dans un secteur relativement difficile marqué par le poids des technologies, de la recherche scientifique de très haut niveau et de normes de fabrication extrêmement rigoureuses. Le poids des investissements réalisés ou en cours à fin 2004, suivant les données fournies par lUNOP (cf. point 3.3.2 ci-dessus) témoigne bien de cet intérêt incontestable.
Pour autant, cet intérêt et lengagement relativement important auquel il a donné lieu, en termes financiers, sexpliquent fondamentalement par deux raisons :
- dune part, les investissements réalisés par le secteur privé sont liés, en grande partie, à lobligation qui était faite, dans le cadre dun cahier des charges dont le principe a été adopté dès le début de la libéralisation au cours des années 1990, pour tout intervenant dans le commerce dimportation de médicaments davoir à sengager dans la production, sous une forme ou sous une autre. Même si ces investissements privés ont été aussi inspirés par le souhait dentrer dans un secteur qui était longtemps fermé, lappel des autorités publiques a été un déterminant essentiel ;
- dautre part, cette obligation saccompagnait dun engagement de ladministration à donner à tout investisseur dans la production une priorité daccès au marché pour les produits ainsi fabriqués. Cet engagement public à protéger le marché pour stimuler linvestissement, a été exercé surtout à travers des restrictions apportées à limportation de tout produit concurrent. Dans les faits, cette forme de protection, outre quelle na été mise en uvre que depuis trois années (depuis lannée 2002), a servi aussi, en labsence dune véritable politique dappui à lindustrie locale, à ouvrir un marché important aux exportateurs traditionnels.
Cette forme de contrat de développement entre les autorités publiques et les entreprises (engagement dinvestir versus garantie de marché), dont les résultats effectifs commencent tout juste à apparaître sur le marché est complètement menacée, dans la mesure où les termes qui le fondent (obligation dinvestir comme condition daccès au marché et restrictions à limportation) sont effectivement incompatibles avec les règles des accords OMC. Mais alors, si, comme le confirment parfaitement les changements récents apportés au contenu de ce cahier des charges, ce contrat de développement est appelé à disparaître avec lentrée dans lOMC, deux questions importantes restent posées :
- dune part, comment prendre en charge les implications directes de cette rupture unilatérale du contrat de la part des autorités publiques ?
Ces implications sont à envisager bien sûr par rapport à des entreprises dont la viabilité serait menacée du fait des mesures ainsi rendues nécessaires. Les situations seront bien sûr extrêmement différenciées dune entreprise à lautre selon le poids des investissements consentis, la taille, les financements engagés, les produits réalisés, etc. Néanmoins, il est nécessaire pour les autorités daccompagner les entreprises afin de leur permettre de se réorganiser que ce soit pour limiter leurs pertes éventuelles, pour se redéployer ou pour engager les mises à niveau indispensables, etc. Il nest pas concevable quune démarche qui a servi de base à ce contrat de développement soit abandonnée dans le silence, au détour dun arrêté du Ministre de la santé.
Les implications sont surtout à envisager du point de vue de la négociation à lOMC, pour faire en sorte, notamment, que certaines dispositions soient échelonnées dans le temps et soumises à des périodes transitoires, pour favoriser une industrie pharmaceutique naissante. Cela suppose un effort conséquent de préparation et dargumentation et un choix délibéré de négocier pied à pied la libéralisation du secteur et non pas de se résigner à lacceptation des conséquences des accords OMC comme une fatalité.
- dautre part, quelles formes nouvelles de protection mettre en place pour aider au développement dune industrie pharmaceutique locale ?
Dans la mesure où les protections qui sont actuellement garanties par les autorités pour aider à lémergence dune industrie nationale doivent être enlevées pour faciliter la décision dentrée dans lOMC, rien nempêche de concevoir dautres formes daides moins directes, non ciblées par les accords OMC et qui, néanmoins, peuvent être tout aussi stimulantes.
5.4.3- Vers de nouvelles formes de protection de lindustrie pharmaceutique nationale
Si lentrée dans lOMC est de nature à influer quelquefois en profondeur sur les règles dorganisation dune activité économique donnée, en revanche il est toujours possible dimaginer que le soutien accordé à un moment puisse emprunter des formes nouvelles. Dans le cas du secteur pharmaceutique national, il est possible de suggérer à ce titre les quelques pistes de réflexion suivantes.
(a) Le besoin dune volonté politique affirmée daider un secteur sensible de léconomie
Cette volonté politique est, bien entendu, un élément essentiel et part de lanalyse des risques que fait peser louverture commerciale sur un secteur sensible de léconomie nationale. Comme il a été noté plus haut, ce secteur, en raison de son lien intime avec la politique de santé publique, se voit accorder un haut degré de priorité dans lensemble des pays du monde. Cest bien pour cela quil fait lobjet, du point de vue même de son traitement à lintérieur des accords de lOMC, dun traitement très spécifique.
Dune certaine façon, la question qui se pose est celle-ci : par-delà les aspects de protection de la valeur ajoutée et de lemploi, les autorités sont-elles prêtes à accepter que lapprovisionnement du marché national en médicaments puisse un jour dépendre entièrement de sociétés étrangères ?
Suivant les réponses apportées à cette question, il est possible dimaginer, le cas échéant, plusieurs formes de soutien au développement dune industrie nationale du médicament, combien même lentrée dans lOMC est de nature à compliquer lexercice.
Le contrat de développement qui était à la base du cahier des charges applicable aux intervenants dans le secteur pharmaceutique pourrait, alors, se voir valablement maintenu en en reformulant les termes pour ladapter au contexte économique et commercial nouveau.
(b) une négociation plus renforcée de la problématique pharmaceutique dans le contexte de laccession
Dans la mesure où cette volonté politique existe, alors la première forme du soutien est celle de commencer à négocier fermement le statut futur de ce secteur, dans le contexte même du dossier daccession. Cela signifie non seulement que lon mobilise des expertises internationales sur ce sujet, que lon prépare sérieusement largumentation de la négociation et surtout que lon ne se résigne pas à considérer que rien ne peut être fait et quil suffit de saligner sur les exigences des pays partenaires.
Une implication plus appropriée des services du Ministère de la santé dans le cadre de la négociation est, à cet égard, tout à fait requise, sachant que le traitement à réserver à ce secteur ne relève pas seulement de la logique économique et commerciale mais également du souci de préserver des objectifs sociaux importants, pour lavenir.
Il faut rappeler avec force quune telle option de négociation, difficile certes, est néanmoins possible et faisable.
( c) Lenjeu du système denregistrement et de la négociation du prix
Comme il déjà été noté plus haut, cest le système denregistrement qui est la clef de voûte du système de régulation de lensemble du marché national, y compris dans ses implications avec les impératifs de santé publique. Cest la porte essentielle dentrée sur le marché de tout produit pharmaceutique et cest également le moment essentiel au cours duquel les autorités peuvent intervenir pour négocier le prix dentrée de ce même produit.
Il est fondamental quaucun engagement à lOMC ne soit pris avant quune visibilité complète soit obtenue sur leur portée éventuelle et ne soient analysés rigoureusement du point de vue des expériences et des réglementations en place dans les autres pays en développement similaires au notre.
Une expertise internationale sur cette question semble tout à fait indispensable.
(d) Lenjeu de la politique du remboursement
Lexistence dun système élargi de remboursement du médicament, à léchelle nationale, est une chance importante pour la reformulation future du système de régulation. En effet, ce système de remboursement est géré par des caisses nationales de sécurité sociale qui sont ainsi, via leurs assurés, les clients finaux sur le marché. Ces clients disposent, ainsi, dun pouvoir de négociation majeur pour orienter le marché et stimuler lindustrie locale, tout autant que pour rationaliser les dépenses et maximiser le bénéfice de la couverture sociale de leurs assurés.
Moyennant quelques précautions dorganisation, la politique de remboursement pourra être déployée pour atténuer les effets négatifs de lapplication des accords OMC et préserver une dimension sociale et de préservation de lemploi dans ce secteur du médicament, les assurés étant aussi les employés nationaux qui alimentent le système de remboursement.
Il faudra cependant prendre en compte la complexité des choix dorganisation (politique de prix ; choix thérapeutiques ; contraintes financières ; etc.) et, sans doute, requérir également sur ce sujet, une expertise de haut niveau pour articuler aussi correctement que possible les choix de régulation du marché, les contraintes OMC et celles de loptimisation des intérêts des assurés sociaux.
(e) Autres formes de soutiens
Au-delà des aspects complexes liés aux accords OMC et à la négociation daccession, une multitude dautres formes de soutiens qui relèvent, quant à eux et pour lessentiel, de choix de politique interne, est également possible. On peut citer, de ce point de vue :
- les soutiens de mise à niveau sur la base des crédits et des politiques qui existent déjà aujourdhui et qui pourraient faire lobjet dun programme spécifique adapté aux besoins de lindustrie pharmaceutiques. Ces besoins peuvent toucher spécifiquement aux achats de licences, aux politiques de développement de la qualité, aux équipements de laboratoires de développement, etc.
- les facilitations administratives et laccès simplifié à linformation économique et réglementaire. Les procédures, de ce point de vue, pourraient être largement adaptées pour faciliter leur accès aux producteurs nationaux. Cest une méthode qui est en pratique dans lensemble des pays du monde ;
- les achats publics comme moyen de stimuler la production locale. Des contrats programmes pluriannuels pourraient à cet égard être mis sur pied sous lautorité de ladministration sanitaire qui est aussi la tutelle des établissements de soins à travers lensemble du pays. Ce type de partenariat est de nature à aider aussi bien les entreprises productrices que les établissements de soins qui peuvent trouver là un moyen de rationaliser lusage du médicament et préserver leurs ressources budgétaires.
Tous les soutiens ci-dessus peuvent être mis en uvre dans le cadre de programmes déjà existants. Dautres types de soutiens pourraient être envisagés, comme ceux destinés au développement de programmes de recherche dans les entreprises, à la prise en charge de frais de formation dans les universités ou dans les centres de recherche publics, au financement de programmes de partenariats entreprises universités, etc.
De nombreuses autres propositions du même type pourraient venir des entreprises, sur la base dune concertation qui devrait être organisée par les pouvoirs publics.
(f) Une cellule de veille et de concertation conjointe
Parmi les nombreux documents de lOMS touchant aux politiques du médicament dans les pays en développement (cf. note bibliographique en fin de document) et notamment ceux consacrés aux problématiques de louverture commerciale, la recommandation qui revient comme un leitmotiv est celle de la concertation indispensable entre les entreprises et les autorités responsables de la santé publique.
Cette concertation fait cruellement défaut aujourdhui en Algérie, alors même que les menaces posées par le processus douverture sont plus que jamais présentes. Elle est, par ailleurs dautant plus requise que les questions à considérer via une telle concertation sont nombreuses et complexes.
Faut-il rappeler que la motivation dune organisation comme lUNOP à travers la confection du présent document nest rien dautre que celui de servir de matière introductive à un dialogue avec les responsables publics.
6- Une expérience étrangère à méditer : le cas Tunisien
La Tunisie offre une expérience intéressante dorganisation de son secteur pharmaceutique qui mérite réellement dêtre étudiée par les responsables publics algériens. En effet :
- la Tunisie est, malgré les performances quelle réalise depuis plus dune dizaine dannées maintenant, un pays à niveau de développement économique et social très proche de celui de lAlgérie ;
- cest un pays qui est concerné par les mêmes types daccords commerciaux internationaux que lAlgérie : accord dassociation avec lUnion européenne et entrée dans lOMC. Il offre lavantage davoir déjà négocié et appliqué ces mêmes accords que lAlgérie entreprend dappliquer ou de négocier aujourdhui ;
- lexpérience tunisienne est surtout intéressante en considération des solutions quelle a mises en uvre dans son secteur pharmaceutique sans remettre en cause son statut de membre de lOMC et de partenaire associé à lUE.
6.1- le secteur pharmaceutique tunisien en quelques chiffres
Les quelques données chiffrées ci-dessous sont tirées dune étude réalisée pour le compte du gouvernement tunisien par des experts de lOMS, en en 2001. Elle a servi à montrer que le maintien de certaines restrictions (pointées du doigt par certains pays membres de lOMC ou de lUE) commerciales pouvait être parfaitement compatible avec une concurrence entre les acteurs, des performances sociales indéniables et une préservation des ressources rares dans un pays en développement.
espérance de vie à la naissance de 72,2 années (74,2 pour les femmes contre 70,1 pour les femmes) ;
dépense nationale de santé : 5,6 % du PIB en lan 2000 ;
financement des dépenses de santé : 50% par les ménages, 50% par lEtat et les caisses dassurances sociales ;
consommation par habitant passée de 30 à 42 Dinars Tunisiens (DT) entre 1995 et 2001 ;
Poids important (22%) des médicaments anti-infectieux, mais transition épidémiologique (12 % cardiographie angiographie) ;
Réseau des officines en forte croissance : 1730 en 2000 représentant quelques 60% du marché national contre 40% pour les pharmacies dhôpitaux ;
6.2- Le rôle majeur de la Pharmacie Centrale Tunisienne (PCT) comme régulateur central de lensemble du marché
La PCT est un établissement public qui assume la mission stratégique de régulation du marché pharmaceutique tunisien. Il dispose pour cela des prérogatives essentielles suivantes :
il assure le monopole de toutes les importations de médicaments sur le marché tunisien.
Il se charge de lapprovisionnement direct du réseau des hôpitaux publics, que ce soit à partir des importations quil réalise ou que ce soit par recours à des contrats avec les producteurs locaux ;
Tout en lui confiant le monopole effectif et le contrôle complet sur les importations dont elles régulent ainsi lentrée sur le marché, les autorités tunisiennes ont pris le soin daménager un certain nombre de flexibilités et de précautions qui en font un outil tout à fait original et efficace. Cest ainsi que :
la PCT ne négocie avec ses partenaires étrangers que le prix dentrée sur le marché tunisien (prix CAF). Les quantités, quant à elles, restent libres et ne dépendent que des demandes qui sont émises directement que soit via la PCT elle-même (qui traite directement les demandes des hôpitaux), le réseau des officines ou des réseaux grossistes spécialement constitués pour les approvisionner ;
lessentiel des achats auprès des partenaires étrangers (près de 95%) passe à travers des contrats négociés de gré à gré sur la base dune formule de prix prédéterminée, à savoir : prix grossiste hors taxes dans le pays dorigine, diminué de 12,5% représentant la marge PCT. Le système des appels doffres nest utilisé que de manière sélective quand la nature des produits le permet ;
les prix sur le marché interne sont stabilisés et ne subissent pas les contrecoups des éventuelles fluctuations sur le marché des changes. Cest une des missions de service public qui est assurée par la PCT pour le compte des autres opérateurs quelle compense, le cas échéant.
Ce système ainsi mis en place, qui combine les avantages du monopole, à savoir pouvoir de négociation renforcé face aux firmes multinationales, stabilisation des prix et constitution dun stock stratégique, permet aussi (surtout) de garantir un niveau élevé de protection de la production nationale.
6.3- La protection du producteur national tunisien : le système de la corrélation
Un des avantages majeurs (sans doute aussi une des motivations principales) de ce système dorganisation a été celui dorganiser lappui au producteur national tunisien et de lui assurer une protection efficace contre la concurrence importée.
Cette protection a été bâtie autour du système dit de « la corrélation ». Un système qui prévoit, notamment :
lobjectif déclaré de ce système de corrélation est, suivant la réglementation tunisienne, explicitement celui de « soutenir et encourager la production locale de médicaments, dune part et dassurer un approvisionnement régulier du pays en produits pharmaceutiques, dautre part » ;
une corrélation est ainsi établie entre les importations effectuées par la PCT et la commercialisation des produits de fabrication locale : limportation est ainsi suspendue dès lors quun fabricant local est prêt à prendre le relais ;
un stock dit « de sécurité » équivalent à trois mois de consommation est constitué au niveau de la PCT ;
le fabricant qui souhaite bénéficier de la corrélation doit sengager à assurer un approvisionnement régulier du marché pour son produit et détenir pour ce faire un stock de sécurité permanent dont il détermine lui-même le niveau ;
après vérification de la capacité réelle du fabricant de respecter son engagement, le Ministre de la santé prend une décision de le faire bénéficier de la corrélation. Un échange dinformation sopère avec la PCT quant au niveau des stocks disponibles chez elle afin daider afin daider le fabricant à définir le niveau de stock de sécurité qui lui est nécessaire ;
la corrélation est suspendue en cas dincapacité du fabricant à tenir ses engagements. La PCT reprend alors immédiatement les importations et est habilitée, le cas échéant, à imputer au fabricant tout surcoût éventuel ;
si un même produit est commercialisé par deux fabricants différents, le niveau de stock de sécurité est partagé entre eux. Au cas où un troisième fabricant intervient sur le même produit, la procédure de corrélation et limportation sont suspendues.
Leffet majeur de cette mesure a été celui dune croissance importante des capacités de la production locale qui, de 8% en 1987 est passée à 45% de parts de marché en 2000 et 48% en 2003.
6.4- Les pressions de lOMC et de lUE en vue du démantèlement de ce système dorganisation du marché pharmaceutique en Tunisie
Bien entendu, ce système dorganisation du marché tunisien suscite quelques critiques et remarques de la part des pays partenaires au sein de lOMC comme au niveau des fonctionnaires de la Commission européenne à Bruxelles.
Il est intéressant dobserver que la Tunisie, malgré ces pressions, na pas cédé jusque là et continue de négocier fermement tout en travaillant au quotidien à renforcer les capacités et le savoir faire de ses entreprises. Il faut prévoir quelle devra céder quelques concessions, à lavenir, en particulier face à linsistance des pays de lUE qui linvitent à démanteler le monopole de la PCT et à respecter la lettre de laccord dassociation quelle a signé (dispositions relatives à la concurrence).
La démarche quelle fait prévaloir est intéressante à plusieurs égards :
le fait de garder le monopole commercial tout en supprimant les restrictions quantitatives est un procédé adroit qui permet de sauvegarder lessentiel, dassouplir le fonctionnement du marché tout en désarmant les critiques des juristes de lOMC ou de lUE qui réfutent toute concession à cet égard ;
laffirmation dobjectifs politiques clairs au système (soutien à la production locale, accessibilité du médicament, préservation des ressources rares), ce qui permet de discipliner les approches au niveau interne, dassurer une efficacité réelle de lorganisation du marché et de pouvoir négocier sur des bases sûres avec les partenaires ;
la mise en avant de largument de lefficacité du système en place et de la nécessité de le préserver de tout changement intempestif face aux arguments plus idéologiques des tenants dune ouverture commerciale plus rapide ;
la parfaite coordination de la mise en uvre de cette politique entre le niveau politique (négociation avec lextérieur), le niveau administratif (régulation efficace) et le niveau des entreprises (développement sur le marché national).
Certes, il sera très difficile, compte tenu des retards pris par lAlgérie, de pouvoir espérer obtenir une efficacité aussi remarquable dans la gestion de son ouverture commerciale extérieure. Néanmoins, il sagit bel et bien dun exemple qui peut servir de base pour comprendre la nécessité quil y a pour notre pays à défendre son marché et ses entreprises, dans le cadre de la négociation actuelle pour laccession et à ne pas considérer que cette dernière est une simple étape pour la mise en conformité réglementaire. Le cas tunisien est là pour nous dire quil est possible de se protéger dans le contexte propre de lOMC et de lassociation au marché européen.
7- Conclusions - Recommandations finales
Au terme de ce document danalyse de la situation actuelles et des défis qui confrontent le marché national du médicament face aux contraintes de son ouverture commerciale et de lapplication des accords OMC et UE, il est possible de retenir quelques conclusions recommandations qui, du point de vue des experts des accords commerciaux internationaux conviés notamment lors dune journée de réflexion organisée à ce sujet, le 19 juin 2005, sous légide de lUNOP, comme de celui des chefs dentreprises regroupés au sein de cette association, résument les actions nécessaires à entreprendre pour sauvegarder une industrie nationale du médicament et préserver les intérêts du consommateur national.
7.1- Prendre toute la mesure des enjeux et des risques
Le constat établi jusque là est celui dune situation dans laquelle des enjeux aussi essentiels que ceux liés à la préservation de la santé publique et à lavenir de lindustrie nationale du médicament sont traités sans considération de la nature réelle des enjeux auxquels les confrontera une ouverture commerciale irréfléchie et insuffisamment maîtrisée.
Dans la pratique, lévaluation effectuée notamment lors de cette journée de réflexion du 19 juin 2005 a bien montré la nécessité dune implication directe et qualifiée des responsables du secteur de la santé dans le cadre de la négociation daccession à lOMC. Or, non seulement ces derniers ne sont pas suffisamment au fait des caractéristiques de cette négociation complexe, mais surtout cela a pour effet de faire prévaloir les seuls enjeux commerciaux dans une négociation qui englobe dautres aspects plus sensibles comme ceux de la politique de santé publique ou de la protection sociale.
Cest un aspect quil faut dautant plus corriger rapidement que les implications potentiellement menaçantes de cette négociation sont traitées aujourdhui (comme la montré la dernière opération damendement de larrêté portant cahier des charges) comme une opération technique de mise en conformité réglementaire.
7.2- Point focal interministériel à mettre sur pied
La mise en place dun point focal interministériel sur ce sujet, qui serait piloté par le Ministère de la santé et qui aurait pour vocation dassurer une coordination indispensable sur un dossier qui implique plusieurs départements ministériels. Il nest pas normal que des Ministères clefs comme ceux en charge de lindustrie ou de la protection sociale ne soient pas directement impliqués dans la formulation des objectifs que la négociation daccession devra sefforcer de préserver.
Accessoirement, il faudra sassurer que ces objectifs existent bel et bien et quils sont correctement pris en charge. Lappui dune expertise internationale pour mieux appréhender la négociation et la mener à bien sur cette matière extrêmement complexe semble à cet égard tout à fait requis.
7.3- Adapter la politique publique du médicament au contexte de louverture commerciale et de lentrée dans lOMC
Une des difficultés les plus sérieuses, dans le contexte actuel, est celui de labsence dune politique publique du médicament qui définisse les choix que les autorités publiques font sur la manière de faire face, avec les accords OMC notamment, aux défis tels que ceux de la qualité des produits, de leur prix et de leur accessibilité pour le consommateur, de leur disponibilité et des possibilité de leur fabrication directe sur le marché local.
Cest labsence de cette politique claire du médicament qui explique que des risques aussi importants que ceux liés à lapplication des disciplines OMC sont abordés avec légèreté et désinvolture, lopacité des objectifs ne permettant pas de saisir la réalité des menaces.
Par-dessus tout, une mise en conformité réglementaire improvisée, parcellaire et sous la pression directe des négociations, telle quentreprise aujourdhui, pourrait avoir des effets néfastes et dangereux. Une approche globale des transformations à apporter à lorganisation du marché devrait, au contraire, servir de base pour sinterroger sur ce qui pourrait constituer lembryon de choix de développement futur pour le marché national du médicament.
7.4- Mettre en place un espace de concertation administration producteurs
Un tel espace manque cruellement aujourdhui. La concertation est pourtant le passage obligé si notre pays souhaite négocier efficacement des accords commerciaux aussi importants que ceux de lassociation à lUnion européenne et de lentrée dans lOMC. En effet, ladministration, qui est en charge de la conduite et de la finalisation des négociations ne saurait, seule, définir les positions à défendre. Les producteurs, quant à eux, ne peuvent pas interférer dans une négociation dEtat même si cest à eux quil reviendra, plus tard, dappliquer les dispositions qui auront été finalement retenues dans les accords.
Labsence (ou linsuffisance) de la concertation entre ladministration sanitaire et les intervenants sur le marché du médicament renseigne, en fait, sur labsence de vision prospective et danticipation des contraintes qui résulteront du nouveau contexte juridique et économique qui sera à luvre, demain.
Cest pourquoi, la mise en place dun cadre de concertation est urgente. Cest une opération qui ne requiert aucune précaution particulière, au départ, sinon celle de la définition des tâches et des plans dactions que chacun se devra dassumer. La confection du présent document est précisément destinée à venir en appui à une telle concertation.
Quelques références bibliographiques
(Documents publics tous disponibles sur les sites Web des organismes concernés)
Les accords de lOMC et la santé publique Etude conjointe OMS OMC (2002)
Implications de la Déclaration de Doha sur laccord ADPIC et la santé publique (WHO/EDM/PAR/2002.3)
Drugs and Health Sector Reform (WHO/TFHE/96.2)
Guide danalyse économique du circuit du médicament (WHO/DAP/95.2)
Stratégie pharmaceutique de lOMS 2002-2003 (OMS/EDM/2000.4)
OMS - Rapport de latelier sur la fixation différenciée des prix et sur le financement des médicaments essentiels (8-11 Avril 2001, Hosbjor, Norvège)
Développement des médicaments génériques en France La documentation française (1996)
Le commerce international des services de santé : difficultés et possibilités pour les pays en développement CNUCED - Juin 1997 (TD/B/COM.1/EM.1/2)
La branche Pharmacie en Algérie La Lettre du Forum des Chefs dEntreprises - N° 41 Novembre 2004
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