Les lectures théologiques de Claude Hopil - HAL
6, st. 4, p. 11). Dans les Divins eslancemens et les Doux vols, le modèle de l'
énoncé ... L'incompétence de la raison humaine au sujet de Dieu fait encourir le
risque de ..... Deux hypothèses, en particulier, ont été faites et méritent un
examen : il ...... nopces spirituelles, Toulouse, Vve Colomies, 1606 ; pseudo-
Denys, ?uvres, ...
part of the document
iel et des anges ».
Orthodoxie théologique et hétérodoxie mystique du poète Claude Hopil (entre 1603 et 1633)
Audrey Duru (Université de Picardie)
Luvre signée par Claude Hopil résiste à létablissement dun savoir positif. Notre discours critique doit déjouer une ruse : le poète écrit en effet à travers la mise en déroute des savoirs et pour mettre en déroute les savoirs. Ses poèmes enregistrent la défaillance de la raison. Toute interprétation, si elle ne glisse pas dans lécriture mystique, doit donc ruser avec les paradoxes et les contradictions de luvre.
Notre hypothèse de lecture rend compte de léquivoque constitutive des écrits de C. Hopil. Dans son uvre, nous assistons à une contestation mutuelle de la poésie et de la théologie : critique de la poésie par la théologie et critique de la théologie par la poésie. Toutefois, suivant le principe mystique de la coïncidence des contraires, il faut également affirmer la proposition inverse. Dans le mouvement de critique même, nous assistons à une célébration réciproque de la poésie et de la théologie : sublimation de la théologie par la poésie et sublimation de la poésie par la théologie. Toute lecture des poèmes de C. Hopil doit tenir compte de ce principe de contradiction à luvre dans lénoncé. Les poèmes sont à double entente : au plan critique, en toute rigueur, chaque hypothèse dinterprétation devrait donc contenir une correction par son antithèse. Cette énonciation équivoque caractérise la théologie mystique de Claude Hopil ; nous la situons globalement dans la spiritualité du pur amour ou « école abstraite » caractéristique du début du XVIIe siècle à Paris.
Limportante étude en poétique et stylistique dAnne Mantero, La Muse théologienne, offre de fines analyses sur léquivoque dans les Divins eslancemens (1628-1629). Lauteur résume ainsi le projet de théologie mystique de ce recueil :
Hopil ne sattache pas à la description des états ou des sentiments de lâme ravie (
( mais il pratique une contemplation du mystère en laquelle lentendement, sachant ses limites, se dépassant lui-même pour entrer en excès, est comme relayé par la volonté amoureuse.
Létude souligne les vertus de lallusion, de léquivoque, de limpertinence sémantique, qui redéfinissent ce quest la poésie selon C. Hopil :
Il suffit au poète de découvrir dans limperfection même de lemploi équivoque des mots la vertu dune impertinence, en tant que celle-ci est déjà le signe dune extension du dicible, donc du pensable.
Ces résultats en poétique prennent place dans une histoire de létude du style mystique. En les présupposant, nous pouvons questionner lintertextualité de la théologie mystique de Claude Hopil avec la théologie scolastique : nous relevons notamment un emploi critique de la terminologie aristotélico-thomiste. Luvre accomplit ainsi la vulgarisation problématique dune discipline savante ; elle la met en pièces dans un énoncé spirituel de laïc, en langue vernaculaire. Lensemble participe du mouvement de sécularisation du discours chrétien.
En considérant les neuf recueils signés par C. Hopil, rendus plus accessibles depuis la publication de la Muse théologienne par des reproductions numériques et deux éditions critiques, nous visons, au prix dun grossissement du trait, à mettre en évidence la teneur polémique de certains poèmes, dans une perspective dhistoire des idées. Les textes en prose et en vers signés par C. Hopil semblent avoir eu une bonne diffusion imprimée mais une audience confidentielle. Que la difficulté de ces textes réserve leur lecture à une élite cultivée et spirituelle ne rend pas tout à fait raison de lindifférence qui entoure leur réception. À défaut de pouvoir inscrire pleinement lécriture des poèmes dans la biographie de leur rédacteur ou bien dans lhistoire littéraire, nous cherchons plutôt à évaluer leur charge subversive en leur temps.
À cette fin, nous verrons dabord comment un langage poétique sélabore à travers la relecture critique de la théologie scolastique, aristotélico-thomiste. Nous examinerons ensuite ces poèmes en censeur, en dégageant les motifs de suspicion mais aussi les ruses avec la censure. Nous pourrons enfin replacer le conflit entre théologie scolastique et théologie mystique dans le contexte des procès anti-mystiques de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle.
Signifier limpropriété des signes
Lactivité éditoriale de C. Hopil est discontinue : daprès les recueils dont nous avons connaissance depuis une dizaine dannées, il signe une première série de poèmes moraux et spirituels entre 1603 et 1605, puis une seconde série de textes, davantage marqués par lécriture mystique, entre 1618 (environ) et 1633. Entre la première et la seconde série de publications, la transformation naffecte pas principalement la doctrine spirituelle : lessentiel dune spiritualité dionysienne, dans la mouvance de l« école abstraite », est en effet en place dès 1604. Dun pôle à lautre de luvre, la rupture est en réalité dordre linguistique et concerne lemploi du signe verbal.
La théorie linguistique qui sous-tend lécriture demeure infra-théorique ou énoncée de manière fragmentaire et dispersée ; nous pouvons toutefois la déduire des poèmes. Les trois premiers recueils (1603-1604) sont nettement marqués par le modèle de Ronsard. Le poète est à la fois artisan et artiste : sa parole résulte dune capacité à manier les signes verbaux en virtuose. Parmi maints exemples significatifs, citons cette invocation à la Muse, qui se mue progressivement en un cantique de louange, qui médite les puissances de Dieu :
Muse fille de Dieu, qui celebres la gloireDe ce grand Appollon , sur lOlimpe sacré, De tes conceptions vien combler ma memoire,Car sur tous les sujects, son los me vient à gré.
Si tu mas allaicté dés ma fresle naissance,Si de ton favory te reste un souvenir,Vien, des uvres de Dieu, mouvrir la cognoissance,De ses perfections & vien mentretenir.
Vien Muse, je te veux servir de Secretaire,Ce que tu dicteras, soudain je traceray,Tu seras ententive à quelque beau mystere,Et ne le concevant, je le mediteray.
Ma Plume de ta main, (ô Muse) estant guidée,Ne pourra pas errer : Esleve donc ta voix,Et me chante celuy qui dune simple Idée,Tout-puissant, a creé tout cela que tu vois.
Marie tes accents aux accords de ma Lyre,Pour loüer ce grand Dieu, qui ce tout a faict voir,Il a fondé la terre, & le ciel, qui ladmire,Mariant sa puissance avecques son vouloir. (
( (OC, 1604, stance (sic), fo 85vo-86vo)
À travers la figure de la Muse, le poème magnifie la puissance verbale et la met au service de la seule valeur qui puisse faire valoir la poésie, Dieu. Ainsi, le poète quête la gloire poétique et la met en scène dans le recueil de 1604 : un portrait gravé, dû à Thomas de Leu, le représente en poète lauré. Dans la seconde série de publications, la puissance verbale ne se distingue plus de Dieu ; elle est Dieu même.
Le recueil des uvres chrestiennes de 1604 peut être tenu pour une impasse poétique. Le projet paraît du moins se solder par un échec, à cause dun conflit entre la conception linguistique implicitement adoptée et le projet dénonciation théologique. Dès 1604, les poèmes portent la marque du discours dionysien. À partir du modèle spirituel quoffrent les écrits du pseudo-Denys, lécriture se fait poétique de lextase. Elle se combine avec une linguistique marquée par le néo-stoïcisme : lordre du langage correspond à lordre du monde ; larchitecture des vers, la géométrie de la strophe, ont pour tâche de signifier lordre du cosmos. Les hiérarchies dionysiennes sont ainsi redécouvertes dans la géométrie du vers. Aussi, en raison de cette rencontre avec le néo-stoïcisme, la spiritualité du pseudo-Denys se formule-t-elle non pas dans un usage dionysien du lexique (apophatique et cataphatique) mais en des énoncés didactiques :
(
( Le los de Dieu, où nostre ame est dressée,Passe le vol de lhumaine penséeJamais lesprit ny pourroit arriver :Cest un suject si profond, et si ampleQue lon sy perd : qui sy veut eslever,En ladmirant, il faut quil le contemple.
Vagues pensers, indignes de paroistreDevant celuy qui vous a donné lestre,Pour mediter ses ouvrages imparfaicts :Advoüez tous, quil vous est impossibleDe concevoir ses merveilleux effects :Luvre et lAutheur est incomprehensible.
Pensers ravis à cest object supresme,Qui hors de vous, ne vivez quen luy-mesme :Ne contemplez en ceste infinité,Lalme grandeur, qui comble ma mémoire,Ains admirez ceste immense bonté,Qui vous permet de penser en sa gloire. (stances, OC, 1604, fo 66ro)
Le poème est construit par lalternance de maximes au présent gnomique et dadresses à soi-même. Comme dans le thomisme, il est possible de prédiquer certaines qualités du mot Dieu : « alme grandeur », « immense bonté ». Les mots sont employés de façon non équivoque : cest le préfixe privatif, récurrent, qui « rappelle la thématique de la transcendance ». Le poème énonce pourtant un rejet du savoir au profit de la contemplation. Un second extrait de 1604 prend pour thème loraison mentale. Au contraire de loraison verbale, loraison mentale se résout non pas en mots mais dans ladmiration :
Alors que mon esprit, qui ne peut concevoirUn seul de ses effects, medite en son pouvoir,Le silence est depeint sur mes deux levres closes,Les forces de lesprit, recueillies en soy,Jadmire, et ne puis voir ses loüanges escloses,Mais au lieu de la voix, je fais agir la foy. (stances, OC, 1604, fo 92ro)
Ladmiration débouche sur le silence de la foi ; cest la fin du poème. Cest aussi une impasse énonciative : comment dire poétiquement le silence ?, ainsi quune contradiction langagière : comment concilier léquivalence de la raison du monde et de la raison du langage, avec léchappée verbale par-delà les facultés de lâme ? En ce sens, le recueil de 1604 est sans doute autant un échec quun accomplissement de la poétique de la voyance. Cette aporie saccompagne dun silence littéraire tout rimbaldien, pendant les quinze à vingt ans qui suivent, qui scelle autant laccomplissement que la défaite poétiques.
Dans la seconde série de textes (1618 environ-1633) lénoncé poétique mime labstraction du verbe mental, la contemplation sans image. Un intéressant développement de Michel de Marillac, en tête de sa traduction du psautier, offre à la même époque une approche rhétorique de loraison mentale. Il souligne précisément le caractère anti-rhétorique, à la fois du psaume hébreu et de loraison mentale dont le psaume est, selon lui, léquivalent :
Quant à la derniere des raisons de lobscurité, cest celle qui en apporte le plus : dautant, comme jay dit, que les Psaumes sont prieres & meditations dun esprit contemplatif & eslevé, qui exprime ordinairement ses conceptions en telle manière quelles luy sont claires & intelligibles, mais ne le sont quà luy ; & ont beaucoup dinterruptions qui ne sont pas discernées par lesprit occupé, lequel dans une parole voit les clauses toutes entieres, & ne se peut pas mesme sasservir à exprimer par le menu toute lestenduë de sa conception, dautant que son occupation ne peut porter ce divertissement, & comme dit Genebrard, Lesprit est ravy & enlevé par labondance & fecondité de ses pensées. Cela fait que par necessité ce quil nous represente est plein de discontinuité, qui fait paroistre les choses navoir point de sens ny de rapport, lesquelles toutesfois en ont un tres-parfait en lesprit de leur Autheur.
Les « obscurités » du psaume dépendent d« interruptions », de « discontinuités » : asyndètes, ellipses, voire antanaclases. La rhétorique et la poétique du verbe mental reposent sur lassociation de labondance et de la brièveté, en somme, sur lemphase. C. Hopil ne donne pas de description stylistique de loraison mentale ; en revanche, il la nomme, dans son traité La Couronne de la Vierge. Le silence de la Vierge manifeste loraison mentale, que C. Hopil qualifie ainsi :
Je pretends specialement parler du silence de la voix, par lequel elle evitoit les vices et defauts du frequent parler, et au lieu de parler aux hommes, et le langage des hommes, elle parloit aux Anges et à Dieu (le( langage du Ciel et des Anges.
Le traité ne caractérise pas ce « langage du ciel et des anges ». La doctrine de C. Hopil contient en fait plusieurs virtualités. Pour C. Hopil, en disciple du pseudo-Denys, le sens le plus spirituel est lodorat : en conséquence, le langage que parle Dieu est fait de parfums. Cest toutefois par louïe que les recueils de poèmes tentent daccomplir lutopie dun langage des anges et de Dieu. Lénoncé tend à rejoindre labstraction de la musique :
Les Anges pourroient mieux vous dire ses loüanges,Il est vray, mais tousjours ils parleroient en Anges Comme ils font au sainct lieu.Pour chanter sa loüange on ladore et ladmire,Mais il faudroit avoir, pour dignement la dire Une langue de Dieu. (DVols, ct. 6, st. 4, p. 11)
Dans les Divins eslancemens et les Doux vols, le modèle de lénoncé est le chant des anges : le poème idéal serait une mélodie pure. Dans le style simple du Parnasse des odes, les noms doiseaux sont omniprésents, de lalouette à loiseau de paradis, et cest le chant de loiseau qui accomplit labstraction mélodique. Cet idéal de transparence énonciative met en évidence par contraste, lopacité du discours théologique, lorsquil fait lobjet de citations. La poéticité ainsi redéfinie par le modèle de labstraction musicale procède dun rapport polémique à la théologie scolastique. Cest au travers de la récusation systématique des concepts que la parole poétique sépure de la signification rationnelle et se délie de la propriété des termes.
Ainsi que nous allons le montrer, ce langage musical ne sarrache à la langue quen procédant à un violent concassage des énoncés scolastiques, issus des traités métaphysiques et dialectiques dAristote. La contemplation nest pas seulement sans image, elle est aussi sans concept.
La poésie spirituelle contre le concept théologique
Dans le second Hopil, cest le jeu libre des signes qui caractérise ses poèmes. Les signes tendent à devenir de purs signifiants, impropres à désigner leur référent et susceptibles dune brutale désémantisation. Cest ce revers de la langue et de la littérature qui énonce létat danéantissement.
Les poèmes parus en 1628 et 1629 indiquent une modification du rapport à toute doctrine théologique. Les poèmes des Divins eslancemens et des Doux vols présupposent en effet une critique radicale de la raison dans le domaine spirituel :
LAnge nest pas créé pour comprendre en effetLêtre immense de Dieu le parfait du parfait, Comme aussi nest pas lâme ;Étant ravis en Dieu, ne le comprenant pasIls voient tant de Dieu quun chacun deux se pâme Dans lamoureux trespas. (DEl, ct. 63, st. 7)
Je ne veux plus parler de cette TrinitéDe peur de blasphémer, mais sa belle unité Admirer en silence ;Les Anges ne font rien que ladorer toujours,Heureux ladmirateur qui tombe en défaillance En ces saintes amours ! (DEl, ct. 1, st. 6)
Lincompétence de la raison humaine au sujet de Dieu fait encourir le risque de blasphème : la théologie scolastique frôlerait-elle donc le blasphème ? En revanche, les Divins eslancemens reprennent le projet de 1604 : « Jécris en admirant afin de nen médire » mais la poétique de ladmiration défait alors le projet didactique. Cette critique de la raison saccompagne bien entendu de la critique du produit de la raison, le savoir. Cest bien une poésie de la nescience rhéno-flamande ou de la docte ignorance, dans la tradition de Nicolas de Cues :
Toujours cette science on commence dapprendreSans jamais au mystère un grand Maître se rendre, Il est trop glorieux. (
( (DEl, ct. 3, st. 9, p. 75)
Lénonciateur refuse dêtre un savant, de faire état dune mémoire livresque :
Jayme mieux aymer Dieu dans la simple ignorance Que destre homme desprit,La science des Saincts (quon nomme Sapience) Est daymer Jesus Christ. (DVols, ct. 5, st. 8, p. 10)
Une ame apprend de Dieu en maint glorieux mystereNon dans les livres morts, mais dans la croix austere Vivant livre damour. (DVols, ct. 18, p. 35)
Lénonciateur nest pas un érudit de bibliothèque, penché sur des « livres morts ». Les poèmes le confirment, puisquils ne donnent pas à lire une mémoire littéraire. Dans les poèmes de 1626-1633, les traces de citations ou de modèles poétiques antérieurs sont effacées. Le je revendique la seule « science des Saincts » ou « sapience », quil apprend à l« eschole du ciel ». Lexpérience spirituelle dont font état les poèmes de C. Hopil, présuppose léchec de toutes les facultés inférieures comme supérieures de lâme. On note la défaillance des sens intérieurs ou de limagination devant lessence de Dieu ; elle double la défaillance de la raison.
À partir de ce point, les poèmes énoncent une violente critique anti-scolastique. Plutôt dominée par lintérêt pour la suggestion de lineffable et de lindicible, la critique na peut-être pas assez dégagé cette dimension polémique des poèmes. Pourtant, les deux questions ne se confondent pas. Ce nest pas la seule faillite de la raison qui se joue dans le chant poétique ; cest bien aussi linsignifiance du langage de la théologie scolastique. Lunion à Dieu ne saurait donc avoir lieu à travers la volonté et la raison, comme le théorise la tradition aristotélico-thomiste. Les cantiques sont des poèmes anti-doctrinaux qui systématisent lusage de la récusation. La critique découle de lusage en mention dun lexique contesté, par opposition avec lusage en référence. En dautres termes, le mécanisme de signification et de référence des termes scolastiques est désamorcé par lusage de la citation, par le discours rapporté :
Nous ne pouvons avoir une assez haute estimeDe son Être excellent, glorieux et sublime Sur tout temps et tout lieu ;Certes ! nous disons moins de la cause des causesDisant que le Seigneur est en soi toutes chosesQuen disant quil est Dieu. (DEl, ct 82, st. 2)
Dans la recherche de transparence langagière, dans le refus de la réflexivité, cest une étape où lénoncé se désigne comme énoncé, où le poème fait retour sur lui-même : cest un moment dopacité. Par lusage des mots en mention, les mécanismes de référence et de signification des mots sont suspendus. Le discours scolastique est voué à léchec. Lénoncé musical récuse le dire théologique et la puissance de compréhension de la méthode dialectique. Par exemple, Anne Mantero a déjà attiré lattention sur la récusation de la pertinence ou propriété des noms trinitaires dans les Divins eslancemens :
Mais ayant plusieurs noms il nen a point encoreExprimant proprement cet Être que jadore ; Le Père, Esprit et FilsSont des noms qui nétant dignes de sa substanceDéclarent aux mortels ces trois qui dans lessence Règnent en Paradis. (DEl, ct. 79, st. 2)
La strophe des Divins eslancemens fait de la formule trinitaire un pis-aller, de lordre de la coutume, adapté aux facultés humaines ; la poésie a pour charge de rappeler limpropriété des termes théologiques et de viser une signification par-delà la pertinence du langage. Les Doux vols contestent de même la formulation la plus conventionnelle de la Trinité, avec un surcroît daudace, nous semble-t-il :
Il ne faut mesurer aux paroles vocalesCe mystere infiny quon ne peut estimer,Car nous navons au monde aucuns termes capables Linfiny dexprimer,Pere, Fils, S. Esprit (nestant pas un blaspheme) Ce nest dire Dieu mesme. (DVols, ct. 48, p. 95)
La strophe des Doux vols multiplie les assertions négatives (« il ne faut », « on ne peut », « nous navons », « aucuns termes », « nestant », « ce nest dire ») suivant une énonciation apophatique ; elle livre une dénonciation en bonne forme : à la formulation trinitaire, la poésie ne concède pas même le bénéfice de léquivoque ; elle critique son échec. Une incise introduit toutefois une précaution : « nestant pas un blasphème ». Le lecteur ne sait cependant sur quelle proposition porte la défense : est-ce sur la pointe de la strophe, cest-à-dire lattaque anti-scolastique, ou bien sur lusage de la formule trinitaire elle-même ? La syntaxe promeut ainsi une autre équivoque, non plus léquivoque de la théologie scolastique, frappée négativement, mais léquivoque de la poésie, toute positive. La syntaxe autorise une double lecture, lune consensuelle, lautre scandaleuse.
Léquivoque mystique peut être comprise comme une écriture du défi. Le poète use des possibilités rythmiques du vers et de la strophe pour aller jusquà suspendre provisoirement le sens sur un énoncé athée :
Il est celui qui est, la même infinité,Cest-à-dire il est Dieu, de toute éternitéRégnant dans son essence :Et cest beaucoup pour nous, de penser quil nest pasTout ce qui peut tomber sous notre intelligenceQui le voit au brouillas. (DEl, ct. 63, st. 5)
La discordance entre le vers et la syntaxique permet deux lectures : la première suspend le vers sur lemploi absolu du verbe « être » (« penser quil nest pas »), la seconde prolonge la phrase par un enjambement et permet un emploi prédicatif du verbe « être » : « il nest pas / Tout ce qui peut tomber sous notre intelligence. » Dans la strophe suivante, le vers 5 sinterrompt sur une proposition provocatrice, qui démolit la raison scolastique au profit dun discours affectif :
Dans ce divin baiser qui me brûle en ces feuxJe ressens plus damour que non pas de lumière,Mon esprit est rendu moins savant quamoureux,Voyant en son Midi cette Essence première :Il vaut mieux ignorer cette cause des causesEt goûter toutes choses. (DEl, ct. 73, st. 2)
La caution dionysienne permet de contester la propriété des termes. Ainsi, aucun mot ne sapplique à Dieu ; tous les mots deviennent donc équivalents :
Être qui mouvant tout, immobile demeure,Sans temps, sans mouvement, sans siècles et sans heure, À soi-même pareil,Il est tout et nest rien comme on estime encore,Le beau monde du monde et Soleil sans aurore Et Soleil du Soleil. (DEl, ct. 90, st. 2)
Le poème peut ainsi énoncer de manière équivoque : « Dieu nest rien » (v. 4). Les poèmes reposent sur un double usage du langage : en même temps, il signifie et ne signifie pas. Les poèmes contiennent donc deux théologies : les formules dune théologie athée ne sont ni plus ni moins impropres que celles de la théologie spéculative.
Ce que met en uvre la poésie de Claude Hopil, cest un acte de création à travers une entreprise de destruction. De lénonciation mystique telle quEckart en fixe le modèle, celle de Claude Hopil conserve le principe de « transfert culturel » : la langue des clercs, celle du magistère, passe dans une pratique vernaculaire et lécriture dun laïc. Elle donne cependant moins naissance à une activité de forge verbale, quà la manifestation de lépuisement de la signification. Dans ses poèmes, la puissance de nomination sabolit dans lacte dénonciation. Le poème repose sur des scories verbales, des désignations usagées, inefficaces. Le cantique 34 des Doux vols offre ainsi lexemple dun poème suspect. Après un prologue amplifiant le motif du Dieu caché (st. 1-3), la définition capitale de Dieu comme « essence tressimple (
( sur essentielle » (st. 4) est donnée comme une révélation ; elle suscite dès lors une logorrhée apophatique :
XXXIV Cantique de Loüanges
1. Jadore ceste essence, et cet Estre de lestre,Il est trop glorieux pour le pouvoir cognoistre, Trop caché pour le voir,Cest un acte tres-pur, abstraict de la nature,Cest un tres-doux secret, les ombres dentrevoir De lessence tres pure.
2. Lesprit illuminé peut chanter ses loüanges,Il voit beaucoup de Dieu, mais bien moins que les Anges, Qui le voyent tousjours :Que son visage est beau ! puisque lame ravieA son ombre dormant, se pasme en ses amours Dans le sein de la vie !
3. Ange qui le voyez, revelez moy son estre,Non faictes, je mourois sil venoit mapparoistre, Il veut estre admiré,Si mon estre creé je ne sçaurois entendreComment le Createur (dans le Ciel adoré) Pourrois-je donc comprendre ?
4. Ceste essence tressimple est sur-essentielle,Sur tous sens, tout esprit, sur-intellectuelle, La mesme esternité ;Lesprit estant borné ne comprend la nature,Au Ternaire parfaict, contenant lUnité, Sans aucune closture.
5. Disant, « Le Seigneur est », je ne peux rien entendre,Le nommant « Eternel », je ne puis rien comprendre, Sur tous temps et tout lieu ;Lappellant « Infiny », sans fin mon cur ladore,Je ne le puis comprendre, en le disant mon Dieu, Son estre me devore.
6. Le nommant « Glorieux », je ne voy sa lumiere,Lappellant « Mon principe et ma cause premiere » Jaspire à lUnitéMais je ne conçois pas ceste essence eternelle,Lentendement finy ne voit linfinité Si Dieu ne la revelle.
7. Quand on me dit quil est amour et sapience,Gloire, vie et bonté, de ceste simple essence Jadmire les grandeurs :De ses suavitez mon ame est embaulméeSuivant les doux attraicts de ses sainctes odeurs De joye elle est pasmée.
8. Ne pouvant entrevoir ce grand Estre de lestreDes yeux de son esprit, elle veut le cognoistre Pour ses fidelles yeux ;Elle a des sentimens de sa beauté parfaicteEt de son pur amour, si doux et glorieux Quelle en demeure abstraicte. (
( (DVols, p. 66-68)
Dans lacte locutoire (dire, nommer, appeler), les mots perdent à la fois leur pouvoir de désignation et leur pouvoir de signification (st. 5, 6, 7). Par la mise en évidence du cliché théologique, le poème glisse vers la répétition lexicale et le ressassement. Les énoncés de la théologie scolastique sont extraits de toute architecture logique ; ils sont mis en pièces et subsistent en association avec une isotopie issue de la contemplation et de laffectivité. La poésie imprime une torsion au sens métaphysique et sert une désémantisation du lexique dAristote :
Mon cur est amoureux de la cause des causes. (DVols, ct. 29, p. 59)
Jadore cette essence, et cet Estre de lestre. (DVols, ct. 34, p. 66)
Le lexique aristotélicien et le lexique de la contemplation se heurtent, se contredisent mais aussi se portent et se réhabilitent mutuellement :
(
( Jentend(s( bien quon ne peut ce mystere cognoistreSil ne vient à lesprit dans le Verbe apparoistre En lun et lautre lieu :Je voy quils sont trois Noms, mais dans lEstre une chose,Et ne sachant que cest, je croy que cest mon Dieu, Mon principe et ma cause.De cet Estre caché, je ne puis rien entendreSinon quil est tres-Un, ne pouvant le comprendre Je ladore en esprit,En disant « Trinité », lentendement adore,En disant « Unité », jadmire en Jesus Christ LEstre qui me dévore. (DVols, ct. 41, p. 80-81)
(
( Mais disant : « LUnité subsiste en ce ternaire ! »Lesprit se pasme et meurt sans que ce grand mystere Saille à luy revelant. (DVols, ct. 46, p. 90-91)
Les verbes relatifs à un acte dintellection sont hors jeu, soit par leur négation soit par leur mise en contradiction (si lon paraphrase : « je comprends que je ne comprends pas », au vers 1). Ce sont alors les verbes de contemplation qui prennent le relais (« je voy », v. 4) et surtout le verbe dénonciation : « dire ». Cest avec ces verbes que sont utilisés les clichés théologiques. Lacte de parole est celui de loraison brève, prisée des tenants du pur amour. Ainsi, les mots « Trinité » et « Unité » ne sont pas utilisés comme des concepts et ne sont pas mis en uvre dans un traité. Détachés de la proposition logique et de la période rhétorique, ils deviennent une exclamation. Le concept est transformé en expression pathétique. Loraison brève est le « moyen court » par lequel le fidèle entre en extase.
Cest lorsque le poème prend pour modèle la vision prophétique que lénoncé scolastique retrouve son pouvoir de signification et de référence. Les Divins eslancemens comprennent ainsi un renversement de lassertion déjà mentionnée, mettant en doute la pertinence de la formule trinitaire :
Au point que je quittais ce mont voisin des cieuxJouïs une autre voix qui dun air gracieux Chantais ce doux Cantique :« Bienheureux est celui qui croit en Jésus-ChristUn Dieu sous ces trois noms, Père, Fils, S. Esprit, Notre Roi magnifique ». (DEl, ct. 72, st. 11)
Les poèmes peuvent également comporter des emprunts à la théologie scolastique, sous la forme de collages ; le discours théologique est alors délégué au chant dun ange, dans une vision de type prophétique :
Apres que le grand vent et le tonnerre encore Eurent cessé leur bruit,Un ange deputé de celuy que jadore Dans la mystique nuictChantois divinement : « Ces Trois sont une essence Amour et sapience.Toujours avec le Verbe, et cest Esprit supresme Le Pere est glorieux,Une Puissance et Gloire, une Majesté mesme ; Ce ne sont pas trois Dieux,Trois personnes un Dieu, trois Noms une Substance Est la divine essence. » (
( Cest le vray Paradis de voir ce grand mystere Au Verbe salutaire.On lentrevoit icy dans un mystique ombrage En contemplation,Dans nostre esprit humain nous en avons limage, Et non la vision.Lame ravie au Ciel verra dun il supresme Dieu trinun en Dieu mesme. (DVols, ct. 38, p. 57-76)
Au terme de la mise à lépreuve du discours scolastique par lénoncé poétique, la théologie est finalement réintroduite, comme forme possible du langage angélique. On assiste à une recharge sacrale mutuelle, de lénoncé poétique par la théologie aristotélico-thomiste, de la théologie par la poésie.
Le pur amour, des manières de parler hétérodoxes
Pour clarifier la situation de ces écrits dans un contexte de surveillance des « manières de parler », il nous serait utile didentifier au préalable si Claude Hopil est proche dun groupe dont les manières de parler sont authentifiées ou bien soupçonnées. Lenquête intertextuelle paraît être un moyen dapprocher le milieu spirituel dont relèvent ses écrits, puisque lenquête en archives na pas permis déclairer la vie de Claude Hopil. Quelles sont ses lectures en théologie tant spéculative que mystique ? Permettent-elles de discerner une appartenance institutionnelle, telle que lécriture de C. Hopil aurait été promue et protégée ? Deux hypothèses, en particulier, ont été faites et méritent un examen : il convient notamment de voir si lon peut argumenter en faveur dune proximité avec les textes de Bérulle ou bien avec ceux de François de Sales.
À lissue de lenquête, un premier constat simpose. Comme il est dusage dans la mystique, lénoncé de C. Hopil conserve la mémoire de textes et dautorités antérieures : il emprunte le lexique du pseudo-Denys, celui de la spiritualité essentielle, celui du Carmel thérésien, des énoncés augustiniens, de Bérulle. Toutefois, C. Hopil propose une synthèse qui paraît personnelle : elle nest pas le décalque dun seul et unique énoncé existant. Dans leur singularité, ses poèmes sont exemplaires de la « rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du nord », suivant lexpression de Jean Orcibal. Nous identifions une pratique décriture courante chez les mystiques : une circulation dénoncés, de tours, dun lexique, mais la reprise se fait sans fidélité, avec des distorsions de sens. Le lecteur un peu averti identifie des tatouages spirituels, mais ils sont bien insuffisants pour discerner une adhésion à une seule école spirituelle ou une intertextualité dominante. Les énoncés brouillent rapidement toutes les pistes intertextuelles. Le premier résultat, cest donc que lénoncé de Claude Hopil est une création originale. De propos délibéré, lénonciation poétique sémancipe de lesprit de système ; elle conteste pratique ascétique et doctrine théologique en les affaiblissant.
La terminologie spirituelle, qui concerne les opérations de lâme, invalide le rapprochement avec lécole salésienne : lécriture équivoque situe lénoncé dans la tradition dionysienne et rhéno-flamande de la mystique de la suressence. Il est juste néanmoins que tant les écrits de François de Sales que ceux de lécole abstraite utilisent une spiritualité affective issue du Cantique des cantiques et de Bernard de Clairvaux. Par différence avec le courant salésien, dans les Divins eslancemens et les Doux vols, la révélation se fait au « sommet de lesprit », également nommé « sommet de lâme » ou « poincte » :
Quel est cet il divin ? est-ce point la prunelle De la celeste foy ?Ou le sommet de lame où mon Dieu se revelle Pour me tirer à soy ? (DVols, ct. 22, st. 43)
Au sommet de lesprit, lâme est frappée par un rayon divin. Ni le terme de sommet ni celui de pointe ne semble attesté dans le traité en prose des Douces extases. En revanche, il recourt à la notion de fonds ou fond : « fond des âmes » (p. 140), « fonds de lâme » (p. 198), « fonds de lesprit » (p. 199). De même dans les Meditations : fonds intime de lessence (p. 30), fonds intime de lâme (p. 86). On relève également dans les Doux vols la mention du « fond de la pensée » ; le Parnasse mentionne le « fonds de lame ». Enfin, Dieu est également dit « centre de lâme » : « mon âme est dans son centre ». La Couronne de la Vierge rappelle différents synonymes : « le centre de son ame, appellée de quelques-uns le sommet de lame, et par les autres, portion virginale ». Les Meditations, les Douces extases et le Parnasse offrent aussi un terme moins technique, aux connotations augustiniennes : « lintime de lame » : cest également le lieu où le je est touché par la voix de Dieu ; mais aussi « lintime du cur », « lintime de lesprit », « lintime de lessence ». Cette instabilité terminologique manifeste que léquivoque frappe même le lexique de la théologie mystique.
Ce sont toutefois les poèmes du second Hopil qui paraissent les plus litigieux. Le terme de « suressence » est attesté une fois sous la plume de C. Hopil, en 1629, dans les Doux vols, à travers ladjectif dérivé « sur-essentiel ». Ce terme clé de la mystique nordique induit une anthropologie qui fait de lunion à Dieu un au-delà des facultés de lâme ; il est associé à lextase permanente de lâme. On relève également une périphrase qui amplifie la notion de « suressence » dans les Divins élancements : « Cest un Être sur lêtre, essence sur lessence ». En règle générale, ce tour suspect semble écarté. Il est remplacé par des synonymes équivoques. Nous ne relevons le substitut retenu par Benoît de Canfield (après Denys le Chartreux), « suréminent », que dans la seule Couronne de la Vierge, en association avec un mot préfixé par sur- : la Vierge est ravie dune manière « sur-eminente (
( remplie et sur-remplie de sa grâce ». En revanche, « suprême » est présent en masse et semble être un synonyme à double entente, comme dans les écrits de Bérulle : « Il y a sur lessence une suprême essence », lit-on. Comme chez Bérulle, Dieu est nommé « Être suprême ». « Excellent » ainsi que le superlatif absolu semblent aussi être des équivalents possibles, sous forme deuphémismes anodins : lessence est dite « tres excellente », par exemple. Dieu essence peut également être dit « pure essence » ou « essence nue ». En outre, si le substantif « sur-essence » est prudemment mis de côté, le poète multiplie cependant les mots et les périphrases construits à laide du préfixe sur-. Ainsi, Dieu est désigné par périphrases comme un « Estre sur-estant » ou un « étant sur tout étant » ; « un Estre sur tout estre » ; un « Estre sur lestre ». Plusieurs adjectifs sont renforcés par le préfixe sur- : « eaux sur-celestes »; « estre sur-celeste » « (essence, vie( sur-intellectuelle ». Formé selon le même principe de composition, ladjectif « sur-divin » est également attesté. Il est toutefois employé en négation ; la négation introduit une réserve ou une précaution, qui sert à corriger linterprétation du tour « Être sur lêtre » au sens de « sur-essence » :
Dans un Être sur lêtre (où sanéantit lhomme),Qui nest pas sur-divin, mais sur tout ce quon nomme En ce langage humain,Je ne puis entrevoir au Ternaire lessence,Dans ce trois personnel la tres pure substance De mon roi souverain. (Divins eslancemens, ct. 15, st. 1)
Enfin, lâme est ravie en « un lieu sur tout lieu ». En 1628-1629, C. Hopil emploie des manières de parler issues de la mystique nordique, condamnées et interdites de manière répétée depuis le concile de Trente dans lordre des capucins et du Carmel.
Nous pouvons résumer les enjeux aux plans spéculatif, moral et dévot. Si Dieu est sur-essence, lexpérience spirituelle induit un au-delà de lexpérience humaine nommé excès, extase, défaillance, ravissement. Au plan intellectuel, comme nous lavons vu, la conception de Dieu comme « suressence » entraîne ainsi une critique violente de la théologie scolastique, cest-à-dire du discours aristotélico-thomiste : la théologie spéculative ne dit rien de Dieu et elle fait obstacle à lunion. Au plan moral, si Dieu est sur-essence, lexpérience outrepasse également les formes dexercice de soi, telles que lascèse et lexercice de la vertu. Dans les poèmes de 1603-1604, la contemplation a des vertus purgatives ; les recueils comportent quelques poèmes relatifs à la justification, sur le modèle des psaumes de pénitence. En revanche, à partir de 1626, le lexique juridique, propre aux poèmes de pénitence, est écarté. Lexpérience est celle dun état de grâce, dune union immédiate, par un moyen court, de lâme à Dieu. Lâme est « ravie en un lieu sur tout lieu ». Lâme est dite « faite ange » ou même déifiée, faite « un petit Dieu » ou « est Dieu » :
Vous vous estes faict homme afin de faire DieuCeluy qui par peché sestoit fait beste au lieu Dimiter les bons Anges :Par amour vous pouvez mon ame AngeliserCest trop peu, vous voulez lhomme diviniser Pour chanter vos loüanges.Cet Homme estant faict Dieu par grace et par amourQuil aymera bien Dieu ! quil loüra bien un jour Le grand Dieu de la vie. (
( (DVols, ct. 42, p. 84)
Sainte Catherine de Sienne est ainsi dite « un petit Dieu ». Laudace est souvent tempérée par la mention « faite Dieu non par nature mais par grâce », empruntée à Maxime le Confesseur, mais pas toujours. Certaines strophes lèvent léquivoque sur ce quest la divinisation ou encore la déification :
Dieu lui-même est amour, le cur pareillement Est Dieu sil est amant, Damour et non dessence ;Nétant divinisé par son objet divinIl est rendu si beau dedans son excellenceQuil semble un Séraphin. (DEl, ct. 69, st. 11)
L« excellence » est alors attribuée à lâme ; le cur devient Dieu « damour et non dessence » (v. 2). Cest bien entendu la place de la méditation sur lhumanité du Christ qui est en jeu, la méditation de la crucifixion et la rédemption par le Christ.
Dans le courant de la dévotion civile, la méditation de lincarnation permet de définir une anthropologie fondée sur la justification et de rappeler limportance des pratiques ascétiques et des uvres. Dans la seconde série de publications, C. Hopil accorde une place très restreinte à la dévotion à lhumanité du Christ. Dans les Doux vols, la « Contemplation de Jesus en Croix » (cantique 13) fait entrer en extase :
LEstre va defaillant, helas morte est la vie, Le Soleil obscurcy. (
(
Lamour donne la mort à lautheur de la vieSa mort me la donna, lamour me la ravit Pour un temps seulement ;La mort de Jesus Christ tout lhomme renouvelle,La vie prend naissance en lame qui par elle Vit eternellement. (DVols, ct. 13, p. 26)
Il se sépare de lécole thomiste sur la question de la cause de lIncarnation ; il est en ce sens proche de la théologie bérullienne de lIncarnation. Dans luvre de Bérulle, lIncarnation nest pas provoquée par la transgression quest le péché et la nécessité de lexpiation. Elle nest pas contingente mais elle a pour cause la gloire de Dieu. Lincarnation est donc à la fois imitation et adoration de Dieu, ce que lon relève chez Hopil :
O Jesus, vous chantez vous mesmeA vostre pere, Verbe incarné,Luy chantant un Hymne supresmeAussitost que vous fustes né.Il faut que tout vous rende homage,Grand Roy tout bon, puissant et sage. (Parnasse, p. 34, st. 5)
De même, pour le spirituel quest C. Hopil, cest non par la pénitence mais par ladoration, que lénonciateur se conforme au Christ. Ladoration contemple à la fois lhumanité et la divinité, ainsi que lindique le mot composé : « lhomme-Dieu ». Toutefois, à la différence de luvre de Bérulle, les poèmes énoncent peu ladoration des deux états du Christ : les poèmes se concentrent sur la subsistance de la nature humaine dans la nature divine, à travers le motif des plaies de lAmant. Voici un exemple, tiré du Parnasse des odes :
Helas ! ne verray-je doncques plusMon Jesus,LEspoux et le Roy des bien-heureux Esleuz ?Je meurs pour luy damourDans son costé mon vray sejour. (« De la mystique mort dAmour », p. 12-13)
En ce sens, la place accordée au ressassement sur lunité et la Trinité dans les Divins eslancemens peut en partie être interprétée comme une forme de précaution contre certaines défiances théologiques, la représentation de Dieu dans lunion risquant de glisser vers une forme de monisme.
Les recueils offrent ponctuellement quelques garanties dorthodoxie doctrinale : rappel de limportance des uvres associée à loraison mentale ; mention de leucharistie et de la doctrine de la présence réelle. Enfin, lénonciation dionysienne de C. Hopil sadosse à une représentation hiérarchisée du corps spirituel, dans laquelle Dieu est au centre et le roi de France son lieutenant : les poèmes de C. Hopil et le rapport à soi quils indiquent participent de laffirmation dun pouvoir monarchique absolu.
Les procès anti-mystiques que luvre na pas subis
En théorie, les écrits des années 1627 à 1629 publiés sous le nom dHopil sont susceptibles de déclencher des polémiques tant sur le fond que sur la forme. Ils prêtent le flanc à une mise en procès à la fois par les institutions littéraires et par les instances religieuses. Dans les faits, les archives ne gardent nulle trace de controverses publiques auxquelles les poèmes de C. Hopil auraient pu donner lieu. Seule la diffusion des Doux vols de lâme, par ses étrangetés, indique que le recueil a sans doute fait lobjet de suspicions et de réserves préalables à sa mise en vente : ce recueil nest en effet pas vendu par le libraire habituel de C. Hopil et le livre est diffusé sans lapprobation des théologiens ni le privilège du roi. Reste que le recueil est malgré tout imprimé et mis en vente sans susciter davantage de critiques connues. Daprès nos recherches, cest même de ce recueil quest extrait le seul poème de C. Hopil, le « cantique de lindifférence » (cantique 47), republié dans un recueil collectif de cantiques, en 1657. Il demeure donc intéressant de mettre en parallèle la chronologie des procès anti-mystiques, dune part, et la chronologie de lactivité éditoriale de C. Hopil, dautre part, et de signaler labsence de controverse.
Écartons demblée les débats dordre littéraire que pourraient soulever lénoncé. Les choix lexicaux ont peut-être encouru la condamnation des disciples de Malherbe ; le poète use de termes techniques empruntés à la théologie et forge des néologismes, surtout par la composition préfixale ; nous avons également vu combien la syntaxe peut accroître léquivoque sémantique. Les poèmes de Claude Hopil ne font pas lobjet de publication en anthologies et autres recueils collectifs ; les textes descorte, quasi inexistants, manifestent le retrait du poète à légard de la sociabilité lettrée de son temps, parisienne ou non. Par conséquent, cette diffusion discrète, à lécart du milieu littéraire, paraît avoir soustrait le texte à la polémique possible. Quoiquil en soit du jugement littéraire, encourir le désaveu du cercle malherbien demeure un risque bien anodin par rapport aux persécutions qui visent certains mystiques à la même période.
Lhistoire des procès anti-mystiques au début du XVIIe siècle et ses jalons sont bien connus. En rappelant brièvement les motifs de condamnation ou de blâme formulés à cette date, nous voulons situer les écrits de C. Hopil dans une histoire possible de leur réception. En 1593, à lintérieur de lordre des capucins, le chapitre général de Rome interdit que les capucins flamands utilisent un lexique hérité des rhéno-flamands. Il condamne lusage des notions dintroversion, de vie suressentielle, cest-à-dire de termes empruntés à Herp, mais aussi à Ruusbroec, Tauler, Suso. Il interdit également loraison mentale. Il recommande la prière vocale et la méditation de la vie du Christ et de la Vierge. Cette condamnation nendigue pas de telles pratiques au début du XVIIe siècle, notamment au couvent des capucins de Paris, avec Benoît de Canfield, auteur de la Reigle de perfection, qui circule en manuscrit avant 1593, et Laurent de Paris, auteur du Palais damour divin, imprimé pour la première fois en 1602. En 1611, le procès est relancé à lintérieur de lordre du Carmel avec les condamnations de Jérôme Gratien. Elles visent la permanence de telles manières de parler en Flandres. Les énoncés de C. Hopil pourraient tomber sous le coup des condamnations théologiques formulées par J. Gratien dans la cinquième lamentation. J. Gratien attaque la définition suivante de la vie parfaite :
Perficion es Union, Essencial, Immediata, Passiva, Momentanea, Caliginosa, y Oculta, con total Aniquilacion, Suspension, Revelaciones y Gustos espirituales del alma, en el Amor fruitivo. Esta manera de declarar la perficion, es obscura, porque estos terminos dificultosamente se entienden. (p. 313)
En parallèle, Benoît de Canfield est inquiété pour la publication de la troisième partie de sa Reigle de perfection, quil na dailleurs ni autorisée ni contrôlée. Il renonce à lemploi du terme « suressentiel » et lui substitue le terme de « suréminent ». Il fait seulement imprimer les deux premières parties de son traité, qui se tiennent dans la limite dun exercice des facultés naturelles de lâme et ne loutrepassent pas dans les formes de lintroversion ou de lanéantissement. En 1623, Le Mercure françoys publie les articles de lédit de Séville qui ont déclenché des persécutions en Espagne. Les articles sont indéfiniment repris au cours du XVIIe siècle et fixent les critères de discernement dune vraie et dune fausse mystique, à lorigine des différents procès. À partir de 1624, les attaques se multiplient également contre le lexique dionysien : celles du jésuite Étienne Binet accompagnent une apologie de saint Denis et débouchent sur des propositions de traduction des termes mystiques qui en lèvent léquivoque.
Luvre de C. Hopil dans son ensemble est caractéristique de l« invasion mystique » du début du XVIIe siècle. Dans les années qui suivent lédit de Nantes, la publication des uvres chrestiennes en 1604 coïncide avec une effervescence éditoriale, qui multiplie les traductions et limpression de traités dévots et mystiques. C. Hopil cesse toutefois de publier (après 1604) au moment où se constitue un véritable marché, donc un public, pour ce type décrits. La chronologie ultérieure des livres de C. Hopil est donc relativement distincte des tendances de lédition en matière de spiritualité, et des controverses concomitantes. En particulier, il nest pas possible dexpliquer le silence éditorial de C. Hopil entre 1605 et 1627 comme une forme de précaution contre de possibles attaques : en ce sens, la mise en circulation dun manuscrit entre 1618 et 1626 relève certainement davantage dune nécessité propre au poète et à son uvre, que dun souci de soustraire un texte aux contrôles et aux censeurs. Les inflexions spirituelles de luvre ne paraissent pas davantage orientées par les nuances du goût ou des condamnations contemporaines. Au contraire, pour les années 1627 à 1629, les Douces extases, les Divins eslancemens et les Doux vols reprennent des manières de parler mystiques à un moment de contestation forte : C. Hopil signe des écrits nettement dionysiens au moment où ce type dénoncé commence à être condamné. En 1628, que lapprobation des théologiens soit demandée et obtenue en même temps pour deux textes aussi dissemblables que les Divins eslancemens et la Couronne de la Vierge autorise à penser que le traité convenu sur les vertus de la Vierge pouvait faire admettre lorthodoxie des Divins eslancemens. Rappelons quau moment où ces deux derniers textes sont mis en vente (1629), les Doux vols sont publiés en dehors de tout contrôle juridique, sans approbation théologique, sans privilège dimprimeur et vendus par un autre marchand que le libraire habituel de C. Hopil. En 1633, le Parnasse des odes revient à une expression plus convenue : le choix du style simple se prête mal à la description technique de lanéantissement et de lunion à Dieu sans image. La représentation de lexpérience spirituelle est moins fine et davantage dévote ; il est toutefois difficile de trancher si cest par repli prudent, sous leffet de la suspicion, ou par essai de renouvellement des moyens poétiques.
Que la chronologie des publications de C. Hopil obéisse à une temporalité propre à légard des développements contemporains de la mystique nest quun des aspects de lénigme de cette uvre.
Luvre de Claude Hopil est variée ; dans la mouvance du pur amour, ses ouvrages offrent différents degrés daudace. Les deux textes les plus litigieux nous paraissent être les Divins eslancemens et les Doux vols, publiés en 1628-1629. Ces énoncés chrétiens ne retiennent à peu près du modèle biblique que le livre du Cantique des cantiques et la force performative de la parole. Du magistère chrétien, ils retiennent un modèle rhétorique tiré de la méditation augustinienne, ainsi que la tradition énonciative du pseudo-Denys. En pratique, lécriture de léquivoque lexicale et syntaxique aboutit, sous la plume de C. Hopil, à un affaiblissement de tout système de pensée ; sa parole poétique manifeste lusure des discours doctrinaux. Le poète a effectivement lu la bibliothèque spirituelle et mystique de son temps : ses options poétiques signifient que cette mémoire elle-même doit être surmontée pour dire lanéantissement.
Dans le courant abstrait, les énoncés dus à des laïcs paraissent bénéficier dune autorité comparable à celle des traités écrits par des clercs. À la même époque, ce type dénoncé mystique divise les ordres religieux qui tendent plutôt à suspecter leur hétérodoxie et à le faire interdire. En revanche, il demeure plus ou moins toléré parmi les laïcs : lapprobation des théologiens, délivrée pour tous les recueils excepté les Doux vols, lindique. Nous connaissions le succès de la mystique dionysienne parmi les parlementaires parisiens et le milieu de la finance ; luvre de Claude Hopil confirme aussi limportance de la promotion par le milieu du livre. Cest son libraire, Sébastien Huré, qui paraît être en définitive le principal soutien et garant de ses écrits. Toutefois, les poèmes de Claude Hopil ne sont pas prescriptifs : aussi ont-ils peut-être échappé aux poursuites et à la censure parce quils relèvent dune parole gratuite, la louange.
Enfin, pourquoi ne pas interpréter le silence qui entoure la vie littéraire de C. Hopil, limpression de ses livres exceptée, comme une extension de léthique propre à lanéantissement permanent ? Lemphase, qui combine une rhétorique de labondance et de la brièveté, caractérise le surgissement du verbe mental. Cette trace de divinisation utilise la figure singulière de lartiste construite à la Renaissance ; lanéantissement, au contraire, ôte les traits individuels et historiques de cette figure subjective.
Recueils de poèmes : Les uvres chrestiennes. Avec un Meslange de poésie, Paris, M. Guillemot et F. Julliot, 1603 (références : OC 1603) ; Les uvres chrestiennes, Lyon, Th. Ancelin, 1604 (OC 1604) ; Les Douces extases de lâme spirituelle, ravie en la consideration des perfections de son divin Espoux. Ou exposition mystique et morale du Cantique des Cantiques de Salomon, Paris, S. Huré, 1627 (traité en prose suivi de quinze cantiques ; références : DEx, citations tirées de lédition critique due à G. Peyroche dArnaud, Genève, Droz, 2000) ; Les Divins eslancemens damour exprimez en cent Cantiques faits en lhonneur de la Tres-saincte Trinité. Avec les celestes flammes de lEspouse Saincte. Et Cantiques de la vie admirable de Saincte Catherine de Sienne de lOrdre de S. Dominique, Paris, S. Huré, 1628 et 1629 (références : DEl, citations tirées de lédition critique de J. Plantié, Paris, Champion, 1999, sauf pour les Cantiques de la vie admirable de Saincte Catherine, non reproduits dans lédition J. Plantié et cités daprès lédition originale de 1629 chez S. Huré) ; Les Doux vols de lame amoureuse de Jesus, Paris, J. Jost, 1629 (DVols) ; Le Parnasse des odes, ou chansons spirituelles, Paris, S. Huré, 1633 (Parnasse).
Traités en prose : Méditations sur le Cantique des cantiques, manuscrit diffusé entre 1618 et 1625, cité daprès lédition procurée par G. Peyroche dArnaud, Genève, Droz, 2000 ; Les Douces extases, op. cit. ; La Couronne de la Vierge, Paris, S. Huré, 1629.
Létude densemble la plus récente sur luvre de Claude Hopil est celle de Catherine Déglise, Au vol de la plume. Poétique de Claude Hopil, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008 (voir la bibliographie critique p. 487-488). Les poèmes de C. Hopil ont été redécouverts par Jean Rousset : « Un poète théologien et mystique du xviie siècle », dans : Nova et vetera, 1957, t. 32, p. 265-278. Signalons les études les plus récentes : Christian Belin, La Conversation intérieure. La méditation en France au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2002, chap. IX « Le prisme trinitaire dans les Divins élancements de Claude Hopil », p. 173-185 ; Christophe Bourgeois, Théologies poétiques de lâge baroque. La Muse chrétienne (1570-1630), Paris, Champion, 2006, « Hopil, ou les excès du silence », p. 521-553; Michèle Clément, « Claude Hopil, "Au mystique tombeau du rien" », Trévoux, La Compagnie de Trévoux, 1996 ; Anne Mantero, La Muse théologienne. Poésie et théologie en France de 1629 à 1680, Berlin, Duncker & Humblot, 1995, passim ; A. Mantero, « Les chants de la « pauvre ame simplette » ou Le Parnasse des Odes de Claude Hopil », dans : Devis damitié. Mélanges en lhonneur de Nicole Cazauran, études réunies par J. Lecointe, C. Magnien, I. Pantin, MC. Thomine, Paris, Champion, 2002, p. 655-675 ; A. Mantero, « "Au secret du silence", les Doux vols de Claude Hopil », dans : Limites du langage. Indicible ou Silence, articles réunis par Aline Mura-Brunel et Karl Cogard, LHarmattan, 2002, p. 181-189.
Ladjectif « abstrait » est fréquent dans les poèmes de C. Hopil. Le nom d« école abstraite » est dû à Louis Cognet, Histoire de la spiritualité chrétienne, La Spiritualité moderne I. Lessor (1500-1650), Paris, Aubier, 1966, p. 233 et suiv. ; voir aussi les « invasions mystiques » selon Louis Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusquà nos jours (11 t. en 5 vol., nouvelle édition sous la dir. F. Trémolières, Grenoble, J. Millon, 2006 ; édition originale : 1916-1936) ; Jean Orcibal, La Rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du nord, Paris, p.u.f., 1959 ; lédition critique du traité de Benoît de Canfield, La Règle de perfection, par Jean Orcibal, Paris, p.u.f., 1982 ; la notice dOptat de Veghel « Spiritualité franciscaine : 16e-17e siècles, 4. En France », Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique : doctrine et histoire, Paris, Beauchesne, 1932-1995, t. 5, col. 1367-1376 ; Kent Emery (Jr), « Mysticism and the coincidence of opposites in sixteenth and seventeenth century France », dans : Journal of the History of Ideas, Philadelphia, 1984, vol. 45, no 1, p. 3-23.
A. Mantero, La Muse théologienne, ibidem, développement sur les Divins eslancemens p. 227-241 et passim.
A. Mantero, id., p. 151.
A. Mantero, id., p. 264.
Sur la recherche dun style mystique, voir Carlo Ossola (dir.), Pour un vocabulaire mystique au XVIIe siècle. Séminaire du professeur Carlo Ossola, textes réunis par François Trémolières, Turin, N. Aragno Collège de France, 2005. Cest une méthode dapproche de la mystique bien établie : voir les travaux de Jean Baruzi, Jean Orcibal, Michel de Certeau, Jacques Le Brun, Joseph Beaude, Michèle Clément, Sophie Houdard.
Claude Hopil, Les Divins élancements damour, éd. J. Plantié, Paris, Champion, 1999 ; Claude Hopil, Méditations sur le Cantique des cantiques et Les Douces extases de lâme spirituelle, éd. G. Peyroche dArnaud, Genève, Droz, 2000.
Nous ne savons pratiquement rien de la vie de Claude Hopil, en dehors du geste éditorial, ni de ses réseaux littéraires ou spirituels. Voir les deux études fondées sur quelques découvertes en archives qui éclairent surtout son milieu familial : lintroduction de G. Peyroche dArnaud à lédition des Douces extases, op. cit., p. XII-XVII ; Catherine Déglise, Au vol de la plume, op. cit., chap. 1 « Itinéraire dun homme insaisissable », p. 21-34. Nous avons examiné la problématique carrière littéraire de C. Hopil, du moins la diffusion imprimée de ses uvres, les soutiens institutionnels quelle suppose, les contrôles qui sexercent sur ses livres, dans notre article « Léquivoque mystique chez Claude Hopil : être autorisé sans faire autorité (entre 1603 et 1633) », Revue dhistoire littéraire de la France, Paris, p.u.f, n° 1, janvier-mars 2013, p. 15-44.
Cest-à-dire sous réserve dautres trouvailles éditoriales ou de compléments dinformation sur la vie littéraire de C. Hopil, toujours possibles.
Sur les deux recueils duvres chrétiennes, voir Catherine Déglise, « Conversion du cur, conversion des modèles poétiques dans les uvres de jeunesse de Claude Hopil », dans : Réforme, Humanisme, Renaissance, Association détudes sur la Renaissance, lhumanisme et la réforme, no 65, décembre 2007, p. 43-64 ; pour la mise en évidence du néo-stoïcisme augustinien de ces premières uvres, voir notre thèse : Essais de soi. La poésie spirituelle entre Montaigne et Descartes (1580-1641), Genève, Droz, 2012, chap. « Lunion à Dieu chez C. Hopil (1603 et 1604), p. 339-383.
A. Mantero, op. cit., p. 176 ; voir aussi p. 179.
Michèle Clément, « Limpossible représentation : limage chez quelques poètes baroques », Studi francesi, no 107, anno XXXVI, fasc. II, mai-août 1992, p. 297-300.
Michel de Marillac, Les CL Pseaumes de David et les X. Cantiques inserés en l'office de l'Eglise traduits en vers françois, Paris, Edme Martin, 1625. Michel de Marillac fréquentait le salon de Barbe Acarie, centre de diffusion de la spiritualité abstraite.
M. de Marillac, ibid., « Advis sur la presente traduction ».
M. Levesque et O. Pédeflous (dir.), L'emphase : copia ou brevitas ? XVIe XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, « Bibliothèque des styles », 2010.
C. Hopil, La Couronne de la Vierge, chap. 8, p. 89. Nous corrigeons le texte original qui porte : «
au langage du Ciel et des Anges. »
« Il faut noter icy que lEspouse use de (ce( mot dodeur plustost que de celuy de goust, ou de quelque autre semblable, pource que lodorat semble moins terrestre en son action, et plus approchant de la nature de lesprit que les autres sens. Aussi que lodeur ne dégouste et ne lasse point le sentiment, au lieu que les autres dégoustent fort, et que les autres sens se lassent bien tost en leurs opérations. (
( Or, comme il ny a point de plus excellente odeur que celle de la miséricorde, ainsi lâme dévote court de grande violence après ce parfum plus délicieux, parfum et tymiame sacré, qui sexhale du précieux sang de lAgneau sans macule, sang très odorant qui, estant jetté dans le feu du divin amour, embaume le cur, et ravit lâme dévote et religieuse. » (DEx, p. 133-134)
Ces analyses prennent appui sur létude dA. Mantero pour les Divins eslancemens, La Muse théologienne, op. cit., notamment la section « Le vocabulaire théologique », p. 155-241.
Pour une présentation de la notion danéantissement (ou annihilation, abnégation) dans les traités et une approche du courant spirituel abstrait, voir Frédéric Gabriel, « Contemplation, anéantissement, récit : les stratégies du sujet spirituel à lâge moderne », dans : Dire le néant, numéro spécial des Cahiers de Philosophie de luniversité de Caen, n° 43, p. 179-209 ; Jean Orcibal, « La divinisation selon Benoît de Canfield (1562-1610), dans : Études dhistoire et de littérature religieuses. XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Klincksieck, 1997, p. 409-418.
DEl, ct. 2, st. 10.
Voir larticulation de létude dAnne Mantero en deux parties : « Le didactisme » puis « Au-delà du didactisme : la théologie présupposée » (La Muse théologienne, op. cit.).
DEl, ct. 52, st. 8, v. 3.
La Muse théologienne, op. cit., note 14, p. 51. A. Mantero suggère un rapprochement avec la Docte ignorance de Nicolas de Cues (I, 24).
Voir Alain de Libera, « Sermo mysticus. La transposition du vocabulaire scolastique dans la mystique allemande du XIVe siècle », dans : Rue Descartes, numéro « De lintraduisible en philosophie », Paris, Albin Michel, novembre 1995, n° 14, p. 41-73.
Alain de Libera, ibidem : « Avec la prédication dEckhart (
(, le langage scolastique et la version scolastique du spirituel passent à leur tour en vernaculaire. Du même coup, cest tout le système de références conceptuelles des maîtres universitaires, leur culture, leur univers de lecture qui se trouvent traduits. Cest là ce qui fait la spécificité de la mystique rhénane : avec elle, dans un mouvement souvent tâtonnant, toujours saturé, lensemble profondément hétérogène des sources qui forment le champ dénoncés disponibles à la pratique discursives des maîtres, laristotélisme scolastique (dans toute sa diversité et ses multiples niveaux de langue, où se heurtent sémantiquement deux corpus dAristote, le gréco-latin et larabo-latin), mais aussi le corpus dionysien livré en plusieurs traductions discordantes (Hilduin, Érigène, Jean Sarrazain, Robert de Lincoln) élaborées par plusieurs générations de commentateurs et de lecteurs professionnels de Denys bref, la philosophie péripatéticienne et la théologie chrétienne néoplatonicienne sortent de luniversité. Cest donc un véritable transfert culturel qui sopère dans la prédication allemande dEckhart. » (p. 49)
En raison de lintérêt du poème et des difficultés daccès au recueil, nous transcrivons un large extrait. Pour faciliter la lecture, nous introduisons des guillemets autour des fragments au style direct. Ces guillemets nappartiennent pas aux normes typographiques de lédition originale.
Sur lusage de la répétition, voir lanalyse de J. Plantié en introduction à son édition des Divins eslancemens, op. cit., « §1. Vague sur vague, redite sur redite » (p. 40-45). Elle met en évidence la répétition dun matériau lexical, dhémistiches, dalexandrins, de rimes. Ses conclusions nous paraissent pouvoir être étendues au recueil des Doux vols : ce dernier partage le trait stylistique du ressassement avec le précédent recueil.
Cest une lecture que Christophe Bourgeois propose pour lensemble du corpus de la « Muse chrétienne » dévote (La Muse chrétienne, op. cit.).
Hypothèse de J. Plantié dans lintroduction à son édition des Divins élancements, éd. cit., p. 26.
À partir de lintertextualité avérée du Traité de lamour de Dieu dans les Douces extases de lâme (voir lédition de G. Peyroche dArnaud, éd. cit.), Catherine Déglise argumente en faveur dun modèle salésien dans les poèmes (Au vol de la plume, op. cit., p. 351-363).
Pour la bibliothèque de Claude Hopil, un aperçu des lectures que lon décèle dans ses écrits, voir en priorité lintroduction et lannotation des deux éditions critiques disponibles par J. Plantié et G. Peyroche dArnaud. Voir aussi la bibliographie générale des études sur C. Hopil, notamment Catherine Déglise (op. cit, p. 274-390), Michèle Clément (« Claude Hopil, "Au mystique tombeau du rien" », art. cit.).
Signalons les variations sur le thème de la caliginosité : « Broüillats », « divin nuage », « ombres mystiques » (expressions tirées de DVols) ; Dieu est dit par oxymore « abysme de lumière » (DVols, ct. 41, p. 81), « lumieres sombres (DVols, ct. 9, st. 2) ; « rayon tenebreux », « lumineux abysme » (DVols, ct. 5, st. 3, p. 6). Sur ce point, voir létude de Werner Indermühle, Essai sur luvre de Claude Hopil, Thèse de Lettres présentée à luniversité de Zurich, Zurich, Juris Druck-Verlag, 1970 ; voir aussi létude de Michèle Clément, « Claude Hopil, "Au mystique tombeau du rien" », art. cit., p. 2-4 ; Catherine Déglise, ibidem, p. 309-327.
Dieu désigné sous le terme d« essence » et dacte pur. Voir Paul Mommaers, « Benoît de Canfeld : sa terminologie "essentielle" », Revue dhistoire de la spiritualité, t. 47, 1971, no 188, p. 421-454.
Le motif du « vol de lesprit », en titre de cantique dans les DEl (voir la note dAndré Derville, « Vol de lesprit », dans : Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t. XVI, 2e partie, Paris, Beauchesne, 1993, col. 1216) ; le motif récurrent de la « playe damour » (DVols, ct. 1, p. 3 ; ct. 5, p. 10 ; Parnasse, « Cantique de la playe damour », p. 65-67).
Pour le relevé des citations des Méditations, Manuel, Soliloque du pseudo-Augustin dans les uvres chrestiennes de 1603 et 1604, nous renvoyons à notre thèse publiée Essais de soi, op. cit.
Termes de « subsistance », de la « grandeur » ou des « grandeurs » (Doux vols, ct. 6, p. 12 : « Dans le sein de Jesus annoncez la premiere / Les grandeurs dun tel fils. ». Dans les DEl, une quarantaine doccurrences au pluriel et une vingtaine au singulier), ladjectif « suprême » (dont « Être suprême »), probablement le substantif « excès » (DVols, ct. 6, p. 14 : « Ha ! quaymable est lexcez où lame nagissant / Souffre le tout-Puissant ! » ; ct. 8, p. 15 « mon ame en cet exces » ; ct. 19, p. 39 : « exces amoureux ») qui est partagé avec Bérulle et les capucins.
Jean Orcibal, La Rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du nord, Paris, p.u.f., 1959 ; voir aussi du même auteur, Saint Jean de la Croix et les mystiques rhéno-flamands, Bruges, Desclée de Brouwer, 1966.
Voir les DEl, ct. 3, st. 1, v. 4 ; ct. 28, st. 6, v. 2 ; ct. 95, st. 2, v. 3.
Voir les DEl, ct. 74, st. 3, v. 4 ; DVols, ct. 22, p. 43.
Voir les DEl, ibid., occurrence unique.
DVols, ct. 19, p. 36.
Parnasse, st. 6, v. 6, p. 54.
Voir les DEl, ct. 40, st. 6 : « Mon âme est dans son centre, à linstant quelle est toute / Absorbée en son Dieu, comme au tout est le rien. » (v. 5-6)
Couronne de la Vierge, op. cit., chap. XI « De la devotion de la Vierge », p. 141.
Parnasse des odes, « De la beauté de Jesus », st. 7, p. 30.
DEx, chap. 1, p. 120.
DEx, chap. 5, p. 289.
DEx, chap. 2, p. 196 ; chap. 8, p. 384.
Sur cette notion spirituelle, voir larticle dAlbert Deblaert, « Essentiel (Superessentiel, Suressentiel) », Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, t. IV, 2e partie, Paris, Beauchesne, 1961, col. 1346-1366.
Large extrait du poème cité supra (DVols, ct. 34, st. 4, p. 66-68).
Voir les DEl, ct. 76, st. 9, v. 1.
Couronne de la Vierge, chap. VI, p. 71 ; « devotion sur-eminente » p. 138.
Voir les DEl, ct. 57, st. 1, v. 2.
Nombreuses occurrences. Voir par exemples les DVols, ct. 6, v. 10.
Parnasse des odes, st. 6, v. 2, p. 45, etc.
DEl, ct. 57, st.1, v. 5. « Essence nue » apparaît comme une reformulation des tours «Être sur-étant » et « sur lessence une suprême essence » dans les vers précédents de la même strophe. Occurrences multiples : DEl, ct. 74, st. 4, v. 2 ; etc.
On le relève fréquemment dans les Divins élancements : ct. 34, st. 7 ; ct. 52, st. 8 ; ct. 54, st. 4, v. 2 ; ct. 57, st. 1, v. 1 ; ct. 65, st. 2, v. 1.
Voir les Divins élancements : « Suprême être de lêtre, étant sur tout étant » (ct. 29, st. 4, v. 1) ; ct. 60, st. 7, v. 2 ; ct. 64, st. 7, v. 6. Dans le même ct. 64, st. 9, v. 1 : « un nombre sur tout nombre ».
Voir DVols, ct. 32, p. 62.
Voir DEl, ct. 15, st. 1, ct. 99, st. 12, v. 1.
Voir DVols, ct. 45, p. 88 ; « main surceleste », ct. 37, v. 11, p. 72.
Voir DEl, ct. 13, st. 6, v. 4.
Voir DVols, ct. 3, p. 6.
Syntagme courant : voir les Divins élancements, ct. 1, st. 11, v. 1 ; ct. 16, st. 10, v. 1 ; ct. 24, st. 2, v. 3 ; ct. 30, st. 12, v. 2 ; etc. Doux vols, ct. 4, p. 9 ; ct. 15, p. 30 ; etc.
Voir DVols, ct. 4, p. 9.
Cantiques de la vie admirable de Saincte Catherine de Sienne (S. Huré, 1628-1629), ct. 1, st. 4, v. 4, p. 348.
« Lidentité selon la grâce », formule de Maxime le Confesseur, Ad Thalassium, q. 25, PG 90, 333a.
Jean Dagens, Bérulle et les origines de la restauration catholique : 1575-1611, Paris, Desclée de Brouwer, 1952.
DVols, ct. 13 ; DEl, ct. 12.
« Ô trop heureux qui sert la Trinité parfaite, / Et non qui la contemple en loraison abstraite / Sans la vouloir servir : / À laimer et servir, bienheureux qui sembrase ! / Je voudrais bien toujours en elle me ravir / Dune pareille extase ! » (DEl, ct. 48, st. 11)
« Ainsi ne pouvant voir celuy que mon cur aime / En ce monde ennuyeux, / Jespère le trouver par un amour extresme / Non pas dedans les Cieux : / Mais dans le Sacrement où sa bonté feconde / Se laisse à nous au monde. » (DVols, ct. 9, p. 18) ; voir aussi à la suite des Divins eslancemens, dans la section consacrée à Catherine de Sienne, le cantique « De la grande devotion quelle avoit au S. Sacrement, et de ses merveilles » (éd. 1629, p. 359-363).
Voir « Du Prince et de sa Republique. Discours », OC 1604, fos 30ro-31vo. Les capucins de Paris, dans la mouvance de Benoît de Canfield ou de Laurent de Paris, ont pu appartenir au plus proche entourage du roi : on connaît le rôle politique et diplomatique du capucin Joseph Du Tremblay, connu aussi sous le nom de Joseph de Paris ou l« Éminence grise ». Il fut le conseiller officieux de Richelieu, à partir de 1616, puis de manière officielle à partir de 1624. Voir Raoul de Sceaux et André Rayel, « Joseph de Paris », dans : Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris, Beauchesne, t. 8, col. 1372-1388 ; Secondo Pastore, Le Resserré et létendu. Introduction à Joseph du Tremblay LÉminence grise, I. Herméneutique et logique, dans : Études franciscaines, Paris, t. XIX, supplément annuel 1969, p. 26.
Nous développons cet aspect de la diffusion et de la réception des uvres de C. Hopil dans larticle : « Être autorisé sans faire autorité : léquivoque mystique dans luvre de Claude Hopil (1603-1633) », art. cit.
Ferdinand Brunot, La Doctrine de Malherbe daprès son « Commentaire » sur Desportes, Paris, G. Masson, 1891.
Voir une étude historique du lexique des Divins élancements par Wolker Mecking, « Le vocabulaire de Claude Hopil (environ 1580-vers 1633) et son potentiel lexical pour le français préclassique (1500-1650) », dans : La Langue, la linguistique et le texte religieux, Paris, LHarmattan, 2008, p. 131-151.
Voir Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux, rééd. sous la dir. F. Trémolières, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, vol. 11 ; Sophie Houdard, Les Invasions mystiques, op. cit., 1re partie ; Jean Orcibal, op. cit.
Voir Hildebrand de Hooglede, « Les premiers capucins belges et la mystique », Revue dascétique et de mystique, t. XIX, 1938, p. 254-294.
Laurent de Paris, Le Palais damour divin entre Jesus et lame chrestienne, auquel toute personne tant seculiere que Religieuse peut apprendre à aymer Dieu en verité, seconde édition reveuë et augmentée, Paris, Vve La Nouë, 1602 (rééd. 1603, 1614, 1622, 1626).
Voir Jean Orcibal, La Rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du nord, Paris, p.u.f., 1959, chap. 2 « Les premières polémiques aux Pays-Bas (1594-1611) et le rôle de Jérôme Gratien », p. 18-45.
Jeronimo Gracian de la Madre de Dios (Jérôme Gratien(, Diez lamentaciones del miserabile estado de los ateistas de nuestros tiempos, dans Beatus vir : carne de hoguera, éd. Emilia Navarro de Kelley, Madrid, Editora nacional, p. 263-361. Après la première édition en 1611, une deuxième édition paraît à Bruxelles en 1616.
Ibidem, p. 306-317 : « Atheistas spirituales, o perfectistas ».
Traduction de travail : « La perfection, cest lunion essentielle, immédiate, passive, temporaire, caligineuse et cachée, accompagnée de lanéantissement complet, suspension, révélations et goûts spirituels de lâme, dans lamour de fruition. Cette manière de parler pour dire la perfection est obscure, parce que les termes sont difficilement compréhensibles. »
Estienne Binet, La Vie apostolique de Sainct Denis areopagite, patron et Apostre de la France, seconde édition, Paris, Sébastien Chappelet, 1624. Pour un relevé dautres critiques de lénonciation mystique, qui proposent de lever léquivoque langagière, voir Jean Orcibal, Le Cardinal de Bérulle. Évolution dune spiritualité, Paris, Cerf, 1965, p. 130-131.
Les uvres ont pu être connues antérieurement en langue latine ou originale ; les différentes impressions de traductions nen sont pas moins lindication quil existe une demande et un public pour ce type décrit. Citons quelques lectures de C. Hopil : les trois principales uvres de Thérèse dAvila paraissent à Paris chez G. La Noüe en 1601 ; La Perle évangélique, Paris, La Noüe, 1602 ; Jean Rusbroche (Ruusbroec(, LOrnement des nopces spirituelles, Toulouse, Vve Colomies, 1606 ; pseudo-Denys, uvres, Paris, J. de Heuqueville, 1608 ; pseudo-Denys, uvres, seconde traduction, Paris, Vve Nicolas Buon, 1629 ; etc. Voir Jean Dagens, Bibliographie chronologique de la littérature de spiritualité et de ses sources (1501-1610), Paris, Desclée de Brouwer, 1952.
Les approbations sont signées des deux mêmes noms, S. Pestel et Fr(ère ?( M. Chrestien, et délivrées le même jour (20 octobre 1628).
Sur ce recueil, la seule étude est celle dA. Mantero, « Les chants de la "pauvre ame simplette" ou Le Parnasse des Odes de Claude Hopil », art. cit.
Daniel Vidal, Critique de la raison mystique. Benoît de Canfield : possession et dépossession au XVIIe siècle, Grenoble, J. Millon, 1990.
Cet article a bénéficié de la lecture et des conseils de Michèle Clément et dAnne Mantero. Que toutes deux lisent ici lexpression de ma reconnaissance et mes remerciements. Ce quil reste dimparfait ou de contestable demeure néanmoins de ma seule responsabilité.
PAGE
PAGE 1