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L’histoire dans le second degré en France au prisme de l’immigration musulmane : des programmes aux manuels ()
Françoise LORCERIE,
CNRS, IREMAM, Aix-en-Provence
Résumé
En France, les questions de l’Islam et de la colonisation-décolonisation sont apparues au programme de l’histoire scolaire à partir du milieu des années 1970. Une étude fine de l’évolution des programmes d’histoire au second degré montre comment ces questions y ont été progressivement insérées. On s’intéresse ensuite à la façon dont les manuels d’histoire ont interprété les programmes pour en faire des leçons. Dans le cas de la guerre d’Algérie, les manuels ont peut-être servi de banc d’essai aux programmes
Mots-clés : Islam, colonisation-décolonisation, histoire scolaire, programmes, manuels
Summary
In France, the subjects of Islam and colonizing-decolonizing were taught from the 1970’. First, the chapter examines the history syllabus, showing how it progressively included these subjects up to 2010. Second, it turns to the way history textbooks have interpreted the curriculum to provide lessons on these matters. As far as the Algerian war is concerned, textbooks could have been bench tests for the syllabus.
Key words: Islam, colonizing-decolonizing, history, syllabus, textbooks



« Le discours sur l’histoire conçue comme vecteur d’une mémoire dans laquelle puissent communier tous les Français » est plus vieux que la République en France, comme le montrent les travaux historiques sur l’enseignement de l’histoire (Garcia Leduc, 2003, p. 50-51, Bruter, 2007). Il remonte au moins à Guizot, qui écrivait : « L’histoire c’est la nation, c’est la patrie à travers les siècles ». Il parlait de sa politique en ces termes : « J’avais à cœur de faire rentrer la vieille France dans la mémoire et dans l’intelligence des générations nouvelles ». Pour lui comme pour Lavisse un peu plus tard et pour les penseurs de l’école républicaine, l’histoire que l’on écrit et que l’on enseigne est un « opérateur de réassurance » nationale, elle associe intimement une visée cognitive et une finalité politique. Aujourd’hui, la modalité politique et tendue vers l’avenir de l’histoire enseignée officiellement n’est plus la même qu’à l’époque de Guizot ou de Lavisse. Elle est moins patriotique, elle inclut une part de critique et d’internationalisme, on le verra. Mais la dimension politique du curriculum, passant spécifiquement par l’histoire, demeure sensible. Cette part politique intégrée au projet d’enseignement de l’histoire dans les Etats-nations contemporains se laisse lire comme une variante du programme anthropologique de l’histoire tel que Koselleck nous a appris à le comprendre : l’histoire est toujours encastrée dans un « horizon d’attente » qui l’oriente essentiellement (Koselleck, 1990). Tous les Etats contemporains ont besoin d’assurer l’avenir par la « communalisation » nationale (pour reprendre le concept de Weber). Ils s’efforcent de favoriser celle-ci notamment par l’école publique. Et l’histoire est souvent une composante privilégiée du curriculum à cette fin.
Dans cette perspective, la question se pose de saisir la façon dont l’histoire enseignée à l’école aujourd’hui en France fait une place aux transformations sociétales qui engagent l’avenir collectif. C’est le cas notamment des flux migratoires post-coloniaux, qui ont renouvelé la population de la France. Combien sont les élèves issus de ces flux ? Leur taux moyen est mal connu, mais il est à coup sûr significatif et peut être localement très élevé. De plus, ces flux ont modifié l’imaginaire collectif du Nous, ils ont introduit un sentiment de pluralité culturelle inédite donnant naissance à des représentations ethno-raciales de la diversité interne de la société, et ce en décrochage marqué par rapport au principe d’invisibilité des appartenances non-politiques cher à la philosophie républicaine. Du coup ils instillent de l’inquiétude et du « problème » dans l’appréhension de l’avenir commun. Comment l’histoire enseignée prend-elle en compte ces transformations, comment amène-t-elle les élèves, tous les élèves, à faire sens de leur expérience de la pluralité sociale et spécialement du racisme, dont tous sont conscients à des titres divers ? Comment les prépare-t-elle à leur destin commun ? Antoine Prost disait en 1984, lors du Colloque national sur l’histoire et son enseignement réuni par Alain Savary : « D’une certaine manière, l’histoire nous permet de cohabiter, de vivre ensemble et de former une collectivité. Son importance pour la nation vient des divisions mêmes de celle-ci » (Prost, 1984, p. 136). Cette réflexion prend tout son sens dans le contexte des flux migratoires post-coloniaux. Jacques Le Goff, alors président de la commission consultative sur l’enseignement de l’histoire, est encore plus explicite dans les conclusions du même colloque : « L'histoire de Lavisse et de Mallet-Isaac était celle d'une nation rassemblée autour de la conscience de son unité affirmée vaille que vaille, de la valeur universelle de son modèle. L'histoire de la France aujourd'hui doit assumer ses divisions du passé et du présent et, sans les gommer, montrer que cela n’empêche pas les Français de vouloir vivre ensemble » (Le Goff, 1984, p. 166).
L’objet de cette contribution est de faire un point sur l’évolution des réponses apportées à ce titre par l’enseignement de l’histoire. Les programmes d’histoire du second degré (collège et lycée général et technologique) ont été examinés sur une trentaine d’années. Ils seront mis en perspective avec les manuels. Les programmes et manuels d’histoire en école primaire, d’instruction civique (au collège) et d’ECJS (au lycée) n’ont pas été pris en compte, ce qui constitue une limite de l’investigation.

Islam et colonisation dans les programmes d’histoire du secondaire depuis les années 1970
Deux objets concentrent les risques de divisions intestines associés au passé de la France, risques imputés aux immigrés post-coloniaux : l’islam, et la séquence colonisation/décolonisation. L’islam fut pendant toute la période coloniale moderne la principale contre-identification collective française (Lorcerie, 2007) . Il partagea ce statut sous la Troisième République avec l’Allemagne, mais on le sait la construction européenne amorcée aux lendemains de la deuxième guerre mondiale transforma l’ennemi allemand en principal partenaire. Quant à la colonisation, c’est dans son cadre que l’image du danger musulman et de l’altérité irréductible de l’Islam prit forme en France à l’époque moderne, dans le rapport de forces entretenu pour le besoin de l’entreprise coloniale. La décolonisation amena une recomposition de cette image d’altérité radicale, mais certainement pas sa purgation. Nous centrerons donc la recherche sur ces thèmes. Comment les programmes s’y prennent-ils pour introduire les élèves à la question de l’islam et à celle de la colonisation-décolonisation ? Quatre phases peuvent être reconstruites dans le traitement de ces thèmes par les programmes d’histoire.
1. Dans les années 1960-1970, prévalence du référentiel traditionnel de l’histoire scolaire
On trouve d’abord une phase, dans les années 1960-1970, dans laquelle les thèmes de l’islam et de la colonisation-décolonisation sont à peu près absents des programmes. L’histoire enseignée est alors chronologique et politique. Elle répond à quatre principes qui structurent ce que l’on peut nommer le référentiel traditionnel de l’enseignement de l’histoire en France : « Ce sont : le principe d'universalité : rien de ce qui appartient à l'histoire des hommes n'est en dehors du domaine de l'histoire comme discipline. Le principe d'objectivité : il s'agit d'accéder au vrai de l'histoire; l'étude repose sur la critique des sources et l'analyse des documents. Le principe d'utilité différée : à l'opposé des connaissances directement instrumentales, l'histoire comme discipline scolaire entend donner des outils pour penser et participer librement au progrès humain [une fois l’élève devenu citoyen]. Le principe de priorité nationale : il règle la sélection et la pondération des matières niveau par niveau. » Il règle aussi, discrètement, l’orientation morale d’ensemble. A cette époque, le principe d’universalité étant filtré par le principe de priorité nationale, l’entreprise coloniale est esquivée. « L’espace de référence a varié » – la France ne va plus de Dunkerque à Tamanrasset – et l’on évite « les sujets qui mettraient en cause soit des groupes, soit l’Etat républicain, qui demeure le signe de la continuité de la communauté nationale ». La France demeure « la patrie imaginaire des droits de l’homme », pour reprendre les propos conclusifs de Françoise Lantheaume dans la thèse qu’elle a consacrée à l’étude de l’enseignement de l’histoire de la colonisation en Algérie à travers les manuels de lycée (Lantheaume, 2002, p. 431-432).
2. De la deuxième moitié des années 1970 à la fin des années 1980 : déstabilisation du référentiel traditionnel, premières insertions sur l’islam et la colonisation-décolonisation
La deuxième phase commence avec le ministère Haby (1974-1978). Celui-ci veut introduire au premier cycle de l’enseignement secondaire un changement structurel et méthodologique qui lui semble requis par la démocratisation du système : collège unique, méthodologie active, reconsidération des disciplines à l’école et au collège par référence aux sciences sociales, notamment l’histoire... Le ministère Haby va déstabiliser le référentiel traditionnel de l’histoire scolaire, à l’école primaire particulièrement, débouchant sur un conflit qui restera ouvert jusqu’aux programmes Chevènement de 1985. Il n’introduit finalement dans l’enseignement de l’histoire au second degré qu’un changement ponctuel mais significatif en 5ème, et qui est demeuré en place jusqu’à aujourd’hui : l’enseignement de la civilisation musulmane à ses débuts et à l’époque médiévale :
« On mettra l’accent sur les aspects suivants :
-Naissance et développement de l’Islam, la civilisation musulmane,
- La civilisation occidentale du XIème au XIIIème siècle,
- Les civilisations extra-européennes : Inde, Chine, Amérique précolombienne » [etc.] (BO n° 11, 1977, p. 781)
On le voit, cette insertion se fait alors au titre de l’ouverture aux civilisations du monde, en se calant sur un concept – celui de « civilisation – introduit dès 1957 en classe de Terminale, en référence à l’approche de Fernand Braudel. Les instructions officielles énonceront plus tard au sujet de ce thème de la civilisation musulmane un constat de difficulté pédagogique, reconnaissant tacitement le caractère exceptionnel du thème par rapport au référentiel de la discipline :
«Le réveil contemporain de l'Islam, la place croissante des pays islamiques dans les relations internationales, la présence dans beaucoup de nos classes d'élèves de confession musulmane, autant d'éléments qui renforcent l'intérêt et l'actualité de l'étude de la civilisation de l'Islam. Elle n'en est pas pour autant rendue plus aisée. Il convient donc avant de traiter cette partie du programme d'en bien mesurer les difficultés.
Première difficulté : expliquer l'apparition de l'Islam dans l'Histoire. L'Islam ne constitue pas une innovation religieuse mais s'inscrit dans la tradition du Judaïsme et du Christianisme comme un monothéisme.
Deuxième difficulté : montrer comment l'espace géographique occupé par les conquérants est devenu l'espace d'une civilisation originale et, par certains de ses traits, homogène.
Troisième difficulté : situer la civilisation arabo-islamique dans le contexte des grandes civilisations de l'époque médiévale. Les Croisades elles-mêmes ne seront pas seulement évoquées comme un épisode guerrier mais comme un fait de civilisation où chacun affirme son identité tout en se pénétrant de l'influence de l'autre » (BO spécial n° 4, 1987).
La difficulté tient ainsi pour l’essentiel, selon l’Inspection générale, à l'existence sociale de l'Islam en France, issue d'une histoire difficile. Ce sont les investissements croisés dont il fait l'objet dans la société française actuelle, qui obèrent son traitement scolaire dans les modalités courantes de l'enseignement de l'histoire. « Sans la mémoire coloniale, l'Islam pourrait avoir le statut scolaire du confucianisme. Sans l'immigration, il pourrait être traité comme le protestantisme » (Lorcerie, 1990). L'une et l'autre étant là, l’islam suscite des représentations et des stéréotypes qui peuvent parasiter le processus d’enseignement. La difficulté est alors d’« historiciser » ces représentations en quelque sorte : de sortir des stéréotypes simplistes et de construire à la place de la connaissance historique plus complexe, qui montre à la fois les ruptures et les continuités, les violences et la paix, les antagonismes et les influences…
C’est dans le même esprit qu’on enseignera la colonisation et la décolonisation en classe de 3ème. Dans cette classe, le programme est centré sur le XXe s. jusqu'au temps présent. Il mentionne, pour la période 1945-1960, l'émergence du tiers-monde et la décolonisation. Les Instructions notent en passant l'Islam parmi les composantes du tableau politique du monde contemporain :
« Les concepts de colonisation et de décolonisation sont inséparables dans l'histoire du XXe s. Sans s'attarder au détail des événements on mettra l'accent sur quelques données essentielles : l'affaiblissement des métropoles, la force des idées de nationalisme et d'indépendance, le rôle des rivalités entre super puissances, le réveil de l'Islam. Mais on soulignera également que la décolonisation n'a pas rompu le lien entre métropoles et colonies. Elle en a changé la nature, substitué l'aide à la domination, créé les problèmes mais aussi le dialogue entre Nord et Sud. Colonisation et décolonisation se présentent ainsi moins comme des concepts antagonistes que comme deux phases historiques successives des rapports entre civilisations parvenues à des moments différents de leur évolution » (BO n° 34, 28 septembre 1989).
Au-delà de ces insertions dans les programmes, les années 1980 voient le conflit s’exacerber entre les tenants du référentiel traditionnel de l’enseignement de l’histoire, notamment l’équipe nationale de l’Association des professeurs d’histoire et géographie (APHG), une part de l’inspection générale, et des hommes politiques et hommes de médias (comme Alain Decaux, qui sonna dans la presse l’appel à la résistance en faveur du récit historique en octobre 1979) ; et les tenants d’une modernisation de ces programmes, bien représentés parmi les universitaires et relayés dans l’inspection générale aussi. Des événements (comme le Colloque national sur l’histoire et son enseignement, en 1984 à Montpellier), des rapports (comme le rapport Joutard sur l’enseignement de l’histoire, de la géographie et des sciences sociales, en 1989 – Philippe Joutard, universitaire connu, étant aussi membre de l’APHG) ont consolidé l’inflexion par rapport à la période précédente. En inscrivant l’enseignement de l’histoire dans l’actualité médiatique, ils ont accentué son exposition à la décision politique et à l’expertise universitaire. Au terme de ces années, il n’était plus possible de considérer que le référentiel traditionnel s’imposait encore sans faille. Les programmes continuaient à être organisés année après année au sein des cycles (premier, second) selon les principes phares du référentiel positiviste et national, mais avec un métissage toujours plus visible par un principe nouveau d’actualisation sélective : européanisation et mondialisation parce que l’Europe se construit et que la mondialisation s’impose, levée de l’amnésie coloniale parce qu’il faut faire sens de ce passé là pour que les enfants présents dans les écoles aient leurs repères, etc.
3. Années 1990 et début des années 2000 : des ballons d’essai que la pratique va accueillir
A la fin des années 1980, nous observions nous-même au terme de notre étude sur la place de l’islam dans les programmes qu’il suffirait de peu de choses pour que certains points des programmes échappent au carcan traditionnel. « De simples redécoupages d'objet contribueraient à la rectification [de la contre-identification au musulman, notamment]. Programmer en 5e la Méditerranée, plutôt que la succession Byzance / civilisation arabo-islamique / Moyen-Age français, etc., permettrait par exemple d'approcher la région comme système d'interactions et d'échanges de toutes sortes au cours des siècles étudiés, et de faire porter l'accent sur les grands foyers de ces échanges, en tant que tels, dans une perspective braudélienne par exemple. Quel élève accèdera, sinon, au rêve d'Andalousie ? […] En soumettant délibérément l'impératif de fidélité historique au criblage de l'utilité nationale, le référentiel moderniste de l'enseignement de l'histoire favorise ce type d'ajustement, à supposer que l'utilité nationale soit politiquement redéfinie » (Lorcerie, 1990).
De fait, cette innovation a bel et bien eu lieu quelques années plus tard, mais en classe de Seconde, rendue possible par un dispositif décisionnel inédit pour le renouvellement des programmes, les « groupes techniques disciplinaires » (GTD) issus de la mise en place du Conseil national des programmes (1990), prévu par la loi d’orientation du 10 juillet 1989, dite loi Jospin. En 1994, un tandem prend la présidence du GTD « Histoire-géographie », Dominique Borne, inspecteur général et Serge Berstein, professeur d’histoire à l’Institut d’études politiques de Paris et directeur de collection de manuels scolaires. Sous leur houlette, notamment celle de Dominique Borne semble-t-il, deux nouveautés sont introduites dans les programmes : « l’introduction de documents patrimoniaux, et la fin de la chronologie continue » (Legris, 2009, p. 48). Ce dernier changement s’applique spécifiquement au début du programme d’histoire en seconde : il sera consacré à quatre moments historiques forts : la citoyenneté à Athènes au Vème s. av. JC, la naissance et la diffusion du christianisme, la Méditerranée au XIIème s., l’humanisme et la Renaissance. L’étude chronologique reprend ensuite à partir de la Révolution. Les Instructions annoncent : « Il ne s’agit pas d’un retour accéléré sur la continuité chronologique présentée au collège, encore moins d’une révision. Il ne s’agit pas non plus d’une approche thématique. […] La réflexion sur quelques moments essentiels de l’histoire, et la reconnaissance de l’ampleur du patrimoine européen, fondent l’étude de l’histoire de notre temps ». Pour autant, la Méditerranée au XIIème s. n’a pas tout à fait à cette date le même statut que les autres questions introduites. La question est intitulée, modestement : « Carte de la Méditerranée au XIIème siècle : le carrefour de trois civilisations (5 à 6 h) », avec pour tout commentaire : « On situera sur une carte du bassin méditerranéen les civilisations de la chrétienté occidentale, de l’Empire byzantin et de l’Islam au XIIème siècle et on présentera brièvement leurs spécificités. On montrera comment elles s’influencent réciproquement à travers leurs divers contacts ». L’orientation est donc donnée, mais le thème arrive comme par effraction, comme un ballon d’essai. Or il passe inaperçu dans l’opinion publique et dans la sphère médiatique, aucune vague dans l’APHG non plus. La question va dès lors accéder à un statut symbolique ordinaire dans la reformulation des programmes en 2002 :
« La Méditerranée au XIIème siècle : carrefour de trois civilisations.
Les espaces de l’Occident chrétien, de l’Empire byzantin et du monde musulman
Différents contacts entre ces trois civilisations : guerres, échanges commerciaux, influences culturelles » (JO du 10.7.2002)
Le commentaire est le suivant : « Il convient de présenter rapidement le cadre géographique à partir de cartes, et d’expliciter les limites chronologiques du sujet (1095-1204). S'il faut éviter de dresser un tableau exhaustif conduisant à l'étude détaillée des trois civilisations du bassin méditerranéen, il est souhaitable d'en souligner les fondements religieux (catholicisme romain, islam, orthodoxie) et politiques.
Le cœur de la question est bien l'idée de carrefour de civilisations. À l'aide d'un petit nombre d'exemples et de documents librement choisis, il s'agit de mettre en valeur la diversité des contacts que développent ces différentes civilisations : affrontements guerriers (croisades, Reconquista...), échanges commerciaux (comptoirs), influences culturelles (syncrétisme).
Entrées possibles : un carrefour exemplaire : la Sicile, un espace de contacts : l'Andalousie ... »
Au tournant des années 2000, l’innovation à bas bruit va aussi concerner la présentation de la dimension coloniale et post-coloniale de l’histoire de la France. Globalement, les années 1980 et 1990 avaient vu cette question introduite, en relation avec des tendances plus larges : prééminence des droits de l’homme comme principe de référence dans les années 1980, approches plus mondialisées de thèmes comme la relation coloniale à partir des années 1990, etc. (Lantheaume, 2009, p. 113) Mais une présentation peu critique prévalait. « Après la décolonisation, un nouveau récit s’est progressivement construit. On peut résumer ainsi ses points saillants : la colonisation a fait partie d’un processus mondial inéluctable du fait d’une inégalité de développement des économies et des civilisations tandis que la décolonisation – tout aussi inéluctable – illustrait la nouvelle place de la France sur la scène mondiale comme puissance moyenne désormais tournée vers l’Europe. »(Lantheaume, 2009, p. 116) En pratique, l’entreprise coloniale était présentée aux élèves en 4ème d’abord, en 1ère ensuite. Les concepts de colonisation et d’expansion coloniale étaient proposés. L’émergence de nouveaux Etats dans le Tiers-monde, issus des espaces décolonisés, était étudiée quant à elle en 3ème et en Terminale. Mais, le programme de 1988 évite le mot décolonisation, « univoque » de l’avis de D. Borne, « il propose d’analyser les nationalismes et les indépendances pour orienter la réflexion sur les modalités de la naissance de nouvelles nations, encore fragiles » (Borne, 1989, p. 106). Au lycée, la séquence colonisation-décolonisation est dissociée en deux niveaux d’études différents : première et terminale. De plus, en première, la colonisation n’est pas présentée dans le chapitre traitant de la France mais dans celui qui traite en perspective globale de la civilisation industrielle et de l’expansion européenne. Enfin, le processus de décolonisation est éludé au bénéfice de l’émergence du Tiers-Monde. Il n’empêche, le « grand mérite de ce programme », de même que celui de 1983, « a été d’accoutumer professeurs et élèves à l’étude du monde dans lequel nous vivons », argumente Dominique Borne (p. 102).
Il en sera de même dans le programme de 1995, et encore dans celui de 2002, séries L et ES, Illustration : en première, le programme de 2002 dans ces sections s’intitule Le monde, l’Europe, la France du milieu du XIXème siècle à 1945. La partie I, « L’âge industriel et sa civilisation du milieu du XIXème siècle à 1939 » comporte une section 3 : «  L’Europe et le monde dominé : échanges, colonisations, confrontations ». Son contenu est le suivant :  
« On s’interroge sur les causes de l’expansion européenne et la diversité de ses formes (économiques, politiques, culturelles...).
Cette expansion est un phénomène complexe : elle rencontre des résistances, elle nourrit des échanges et influe sur les cultures européennes. » (BO 7, 3 octobre 2002)
Puis le programme enchaîne sans transition sur la partie II, consacrée à la France. Le programme de terminale s’intitule quant à lui « Le monde, l’Europe, la France de 1945 à nos jours ». Sa partie I, intitulée « Le monde de 1945 à nos jours », comprend une troisième section qui est la suivante :
« 3 - Le Tiers-Monde : indépendances, contestation de l’ordre mondial, diversification
On analyse l’émancipation des peuples dominés, les difficultés économiques et sociales auxquelles les États nouvellement indépendants sont confrontés et leurs tentatives d’organisation pour obtenir un poids accru dans les relations internationales. La diversification des États du Tiers-Monde s’accentue dans les années 1970. » (Ibid.)
C’est à l’occasion de l’autonomisation relative des programmes de la section S, liée à la diminution de l’horaire octroyé à l’histoire-géographie dans la filière scientifique, que s’insinue, encore une fois de la façon la plus discrète possible, l’innovation politique et didactique majeure de la période sur la question coloniale. En 2002, le programme d’histoire en S est recomposé en « Le monde contemporain I », pour le niveau Première, et « Le monde contemporain II », pour le niveau Terminale. En terminale, il a trois parties : I « Les relations internationales depuis 1945 », III « La France de la Vème République ». La partie II s’intitule « Colonisation et indépendance ». Elle est dotée de 8 h de cours sur les 32 heures annuelles. Elle se présente ainsi :
« II - Colonisation et indépendance (8h)
1 - La colonisation européenne et le système colonial
Ce thème englobe la période qui va du milieu du XIXe siècle aux années 1960. Il permet d’étudier un phénomène majeur de l’histoire humaine sinon dans sa totalité, du moins sur une durée significative
2 - La décolonisation et ses conséquences
On présente les grands traits des conquêtes coloniales, l’organisation des empires, les modalités de la présence et de l’influence européennes, les modes d’exploitation économique.
On analyse l’émancipation des peuples dominés, les difficultés économiques et sociales auxquelles les États nouvellement indépendants sont confrontés et leurs tentatives d’organisation pour obtenir un poids accru dans les relations internationales. » (Ibid.)
La notion de « système colonial » apparaît pour la première fois dans un programme et elle donne la clé de lecture de la question. Le texte de ce point du programme de S est ainsi beaucoup plus analytique que celui du point correspondant dans les sections L et ES. L’introduction du concept de « système colonial » est une énigme totale. Qui l’a mis en avant ? Et pourquoi là seulement ? Nous n’avons trouvé aucun commentaire à ce sujet. L’énigme se renforce à la lecture des documents d’accompagnement réalisés l’année suivante par une équipe de professeurs coiffés par deux IA-IPR, MM. Granier et Poncelet. Alors que l’équipe des rédacteurs est la même pour les deux sous-programmes, le texte destiné aux sections L et ES évoque un traitement factuel et narratif, selon l’orientation consensuelle (autrement dit la perspective majoritaire) identifiée par Françoise Lantheaume supra ; tandis que le texte d’accompagnement destiné à la série S est fortement analytique, imprégné par les sciences sociales et d’une orientation nettement critique. On pourrait dresser un tableau synoptique détaillé des variantes de l’un à l’autre. En voici une brève esquisse :
Accompagnement des programmes d’Histoire de 2002 : thème colonisation
Classes de première L et ESClasses de terminale S« ère coloniale »« système colonial »Les métropoles étendent leur domination sur d’immenses territoiresLe processus aboutit à la domination politique et économique par les puissances européennes d’espaces immensesUn mouvement d’expansion et d’européanisation, indissociable d’un fort sentiment de supériorité, d’une volonté civilisatrice et d’une suprématie scientifique et technologiqueL’expansion européenne fait jouer une série de mécanismes : volonté humanitaire et civilisatrice, ambitions stratégiques et affrontements des nationalismes, développement du capitalisme et révolution industrielle, suprématie scientifique et technologique…Ce mouvement ne se confond pas avec le colonialisme : il se traduit par plusieurs autres manifestations d’impérialisme et d’influenceSans que la colonisation se confonde avec le colonialisme, elle emprunte à ce dernier la majorité de ses traits ; globalement il s’agit bien d’abord d’une exploitation (etc.)[enchaînement colonisation-décolonisation absent]L’émancipation politique des colonies constitue un fait décisif du XXème siècle, qui ne se limite pas à la phase de décolonisation et entretient des liens avec la question contemporaine des rapports Nord-Sud
Les notions peuvent être semblables : placées dans des contextes différents – même légèrement différents – elles prennent des tonalités cognitives distinctes et l’ensemble du document acquiert une consistance notionnelle contrastée.
Sur les sujets que nous étudions, le traitement de l’Islam et de la colonisation-décolonisation, deux novations politiques et didactiques majeures ont donc été introduites successivement dans le programme d’histoire du milieu des années 1990 au début des années 2000, très discrètement d’abord puis plus visiblement, sans être médiatisées ni argumentées politiquement, sans être non plus d’ailleurs expliquées par l’institution à ses agents et sans être contestées par les professionnels, alors qu’elles rompaient avec le référentiel traditionnel de l’histoire qui demeure au fondement de la culture professionnelle. Ces novations sont clairement orientées par l’idée de faire une place aux réalités historiques complexes sous-jacentes aux réalités d’aujourd’hui, – ou encore par l’idée de permettre aux élèves d’aujourd’hui, dans leur diversité, d’historiciser leur expérience sociale composite. Mais rien n’est dit publiquement de cela.
4. 2008-2010, le référentiel traditionnel de l’histoire scolaire appartient désormais au passé
Les programmes des dernières années comportent de nouvelles inflexions dans la sélection des objets d’enseignement, largement en continuité avec les choix que nous venons de mettre en évidence. En outre, ces programmes affichent un changement sémiotique qui, nous semble-t-il, témoigne du fait qu’un nouveau régime d’écriture de l’histoire scolaire s’est installé.
Au titre des choix confirmés et prolongés, figure la volonté de cibler les questions étudiées de sorte à permettre aux élèves de comprendre notre temps.
En cinquième, l’approche de l’islam comme religion et comme civilisation est confirmée. La date de 622 figure au répertoire des grandes dates qu’il faudra connaître à l’issue du collège.
En quatrième, l’année d’histoire est dédiée au balayage « du Siècle des Lumières à l’Age industriel ». Elle comporte un thème 4 consacré aux colonies, dont la description notionnelle mobilise principalement le concept de « domination » (« domination européenne » par la conquête, « monde dominé »)
En troisième, les sujets que nous étudions dans cet article figurent à deux reprises. En première partie de l’année est introduite – c’est nouveau – « l’histoire d’un siècle d’évolution de l’immigration en France », dans le thème « L’évolution du système de production et ses conséquences sociales ». Puis en troisième partie, un thème entier est consacré à « Des colonies aux Etats nouvellement indépendants ». Il est précisé : « L’étude est conduite à partir d’un exemple au choix : l’Inde, l’Algérie, un pays d’Afrique subsaharienne. »
Les nouveaux programmes du lycée, refondus dans le cadre de la réforme du lycée, sont attendus pour septembre 2010. Mais les projets ont été mis en consultation. Ils montrent les mêmes tendances, même si le projet de programme de seconde a suscité un vif débat lors de sa mise en consultation, lorsqu’il est apparu qu’il supprimait le thème « La Méditerranée au XIIème siècle, carrefour de civilisations ». Dans le projet mis en consultation en février 2010, le thème de l’Islam dans le carrefour des civilisations méditerranéennes allait s’illustrer sur le passage de Constantinople à Istanbul, dans un chapitre consacré à la diversité du monde aux XVème-XVIème siècles. « Fausse compensation », pour Hubert Tison, secrétaire général de l’APHG. « Elle ne permet pas de couvrir les contacts entre l’Occident chrétien, Byzance et le monde islamique » (Le Monde, 21-22 février 2010). Pour un autre responsable de l’APHG, « ce chapitre [la Méditerranée au XIIème siècle] faisait consensus parce qu’il donnait des repères essentiels, parce qu’il a une portée civique et qu’il permettait une ouverture auprès d’élèves. C’est un thème qui était très porteur." (France-Info, 18 fév 2010). L’Inspection générale et la DGESCO ont annoncé un nouvel examen du programme. Leur marge de manœuvre est toutefois limitée. En effet, dans le cadre de la réforme en cours du lycée général et technologique, qui veut laisser l’histoire en option en filière S, le choix a été fait d’amener tous les élèves à avoir terminé le programme de base à la fin de la classe de première. Pour cela, il faut périodiser l’histoire à nouveaux frais. Le programme de Seconde devra désormais balayer du Moyen Age jusqu’au XIXème siècle inclus, via des thèmes choisis, tandis que le programme de Première sera focalisé sur les grandes « Questions pour comprendre le XXème siècle ».
Et c’est au titre de ces grandes questions, que le projet de programme pour la classe de Première, mis en consultation en mai 2010, comprend un thème 4 intitulé « Colonisation et décolonisation » (6-7 heures). Il est ainsi présenté :

QuestionsMise en oeuvreLe temps des dominations coloniales- Le partage colonial de l’Afrique dans les années 1880.
- L’empire français au moment de l’exposition coloniale de 1931, ses représentations et ses contestations.Luttes pour l‘indépendance et décolonisation
- La fin de l’empire des Indes.
- La guerre d’Algérie.Deux nouveautés ici : la séquence « colonisation-décolonisation », introduite en 2002 pour les seules filières S, sera généralisée si ce programme est mis en œuvre, tous les lycéens l’étudieront. Par ailleurs, l’étude de la guerre d’Algérie serait rendue obligatoire : elle n’était qu’optionnelle précédemment (elle le demeure en troisième). Il n’est pas besoin de commenter ce changement.
A côté de ces innovations dans la sélection des choses à connaître, la dernière génération des programmes d’histoire propose une modification sémiotique d’importance. Leur organisation visuelle souligne qu’ils visent aussi à exercer des habiletés intellectuelles qui sont identifiées. Parmi les opérations pointées, le récit figure en bonne place : « raconter » devient une opération complexe indispensable à l’histoire et qu’il faut faire travailler aux élèves, en complément de « connaître », « décrire », ou « expliquer ». Voici par exemple la présentation du thème « Des colonies aux Etats indépendants », en Troisième.
Classe de Troisième, thème « Des colonies aux Etats indépendants », programme 2008
CONNAISSANCES
Dès le lendemain du conflit mondial, grandissent des revendications qui débouchent sur les indépendances.
Les nouveaux États entendent être reconnus sur la scène internationale, notamment par le biais de l’ONU.
DÉMARCHES
L’étude est conduite à partir d’un exemple au choix : l’Inde, l’Algérie, un pays d’Afrique subsaharienne.
Elle porte sur le processus de la décolonisation, les problèmes de développement du nouvel État et ses efforts d’affirmation sur la scène internationale.
Les décolonisations sont présentées à partir d’une carte.CAPACITÉS
Connaître et utiliser le repère suivant
- Principale phase de la décolonisation : 1947-1962
Raconter la manière dont une colonie devient un État souverain
Décrire quelques problèmes de développement auxquels ce nouvel État est confrontéCe type de présentation étant commun à l’ensemble des disciplines scolaires, il subvertit l’irréductible spécificité de la discipline historique, et souligne son côté instrumental dans la formation intellectuelle de l’élève. Par suite il tend à écraser la hiérarchie des disciplines, qui conférait à l’histoire une place exceptionnelle dans l’architecture des institutions républicaines, idée pour laquelle les tenants du référentiel traditionnel s’étaient battus au début des années 1980. C’est ainsi que l’histoire était devenue discipline obligatoire à l’écrit du brevet des collèges.
Au total, que reste-t-il du référentiel traditionnel de l’histoire ? Peu de choses à présent. Si l’on se reporte à la présentation sommaire que nous donnions en commençant, il est clair que les quatre principes qui organisaient le référentiel traditionnel ont perdu beaucoup de leur validité au cours des transformations des trente à quarante dernières années. Le principe d’universalité s’opposait à l’idée d’une sélection en fonction d’urgences ou d’intérêts particuliers. On dénonce aujourd’hui le « piège de l’exhaustivité ». Le principe d’objectivité complétait le précédent, il postulait l’idéal d’une étude chronologique sans accents et sans trous, en référence au « vrai de l’histoire », essentiellement à l’histoire politique. On pense aujourd’hui qu’il faut veiller à « l’équilibre entre les différents champs de l’histoire : histoire économique et sociale, histoire politique et histoire culturelle ». On voulait une histoire qui forme le futur citoyen, c’était le principe d’utilité différée. On veut aujourd’hui une histoire qui prenne en compte « des questions majeures pour notre société », un nouveau principe d’opportunité émerge, l’utilité politique et sociale directe est recherchée. Enfin on adhérait sans réserve ou presque au principe de priorité nationale. Le ministère relativise aujourd’hui cette priorité : « La part de l’histoire nationale est fondamentale. L’histoire de l’Europe est aussi présente avec des possibilités d’une véritable vue d’ensemble. Les apports successifs de l’immigration sont étudiés. Des ouvertures sur l’histoire extra-européenne sont prévues. L’histoire des traites et de l’esclavage est replacée dans la durée ». Etc.
Que peut-on dire de l’étiologie de ce changement ? La question dépasse le cadre de cet article, elle impliquerait une étude d’ensemble de la réforme scolaire en France à cette période. Au terme de notre étude de l’évolution des programmes, en tout cas, on trouve une connexion entre le changement global du référentiel de l’enseignement de l’histoire dans un sens moderniste et la nouvelle présence des questions relatives à l’islam et à la colonisation-décolonisation dans les programmes. Garcia et Leduc parlent d’« actualisation épistémologique » (Garcia Leduc, 2003, p. 264) des programmes d’histoire, à juste titre. Il faudrait aussi parler de l’actualisation politique, non pas au sens partisan, mais au sens de prise en compte de « l’horizon d’attente » de la société, pour évoquer Koselleck, – ici, spécifiquement, prise en compte de la « dimension islamo-méditerranéenne » de la France, pour évoquer Berque (1985) cette fois. Cette double actualisation s’est décidée dans un segment peu visible du centre de l’appareil scolaire, où s’articulent le cabinet du ministre et le doyen de l’inspection générale d’histoire-géographie, ainsi que l’expertise universitaire, – à l’écart de la publicité politique. Il est symptomatique à cet égard que le débat autour de l’article 4 de la loi du 23 février 2005, qui stipulait « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit », n’ait jamais mis en cause l’enseignement sur le « système colonial » qui venait d’être instauré au lycée, ni pour le contester ni pour le défendre. Le débat a tout simplement ignoré ce qui s’apprenait dans l’enseignement.
Des programmes aux manuels… et inversement ?
Les manuels sont en principe la traduction du programme officiel en séquences ou unités didactiques destinées aux professeurs, aux élèves (et à leurs familles). Cette traduction reflète les intentions des auteurs, elle tient compte aussi de la politique commerciale et éditoriale des éditeurs, et des attentes des enseignants ou de ce qu’on en sait (Garcia, Leduc, 2003, p. 281). On est sûr notamment que les pratiques de classe sont modelées par des contraintes spécifiques : telles la tenue du cahier de l’élève, qui sert de support en cas d’inspection surtout dans les petites classes, ou encore la préparation des exercices codifiés des examens (Brevet et Baccalauréat).
Une formule standard
Le survol des manuels d’histoire des années 1990 et 2000-2010 montre une formule sémiotique constante de bas en haut de l’échelle des divisions, jusqu’en terminale, – avec bien évidemment des modulations dans la taille des caractères et l’abstraction du langage en fonction du niveau de la classe. Chaque chapitre se compose d’une série de doubles pages, qui présentent chacune une unité didactique. Chacune de ces unités conjugue du texte et de l’image, ou des dessins, plans, etc. Les unités sont de trois types principalement, avec un rapport différent au cours :
- les « Cours » ou « leçons » : ils présentent toujours des documents (textes, reproductions iconographiques, plans, etc.) au nombre de 3 à 5 ou 6. La tendance a été progressivement d’en présenter davantage et plus courts. L’unité comporte aussi un « cours », autrement dit un texte présentant le concentré des connaissances à acquérir dans l’unité. Il tient généralement aujourd’hui sur une colonne (placée tantôt à gauche de la double page, tantôt à droite, les documents et questions prenant le reste de l’espace). La tendance a été progressivement à réduire le texte de la leçon. Le style en est dépouillé, structuré en paragraphes munis de titres, les concepts sont en gras. Il a donc l’apparence d’un résumé d’information. Les documents présents dans la double page sont souvent référencés dans le texte de la leçon. Il peut y avoir aussi dans cette double page des questions permettant de guider l’activité d’extraction de l’information des documents et de chercher leur rapport à la leçon, et un lexique ;
- les « Dossiers » : la double page est alors titrée, comme une leçon, mais elle ne comporte pas de texte de cours. On trouve dans l’unité des documents (de même nature sémiotique que dans les unités des « leçons ») et des questions placées dans un encart et renvoyant aux documents. Les dossiers sont d’ordinaire moins nombreux que les leçons. Certains dossiers sont focalisés sur des objets considérés comme patrimoniaux et s’intitulent « Patrimoine », ainsi en 5ème le Coran, ou la Grande mosquée de Damas ;
- enfin les unités intitulées révisions/exercices, fiches-méthodes, « vers le bac », etc., entraînent les élèves à mémoriser et mettre en œuvre dans les opérations intellectuelles requises les connaissances vues dans les unités du chapitre. Elles se trouvent en fin de chapitre.
Cette formule très standardisée semble correspondre à une culture professionnelle forte et partagée, dans laquelle les façons de gérer le groupe classe au travail sont stabilisées. Emmanuel Picard parle à ce propos de « pédagogie par document et par questionnement » (Picard, 2009, p. 26). Effectivement, les documents présentés sont conçus pour illustrer la leçon écrite ou la prolonger, et celle-ci a besoin du cours magistral pour prendre vie. La clé du sens des documents est dans le discours magistral, mais celui-ci fait une certaine place à l’activité des élèves.
Sur ce modèle, les leçons consacrées à la naissance et l’expansion de l’Islam en 5ème ne présentent pas d’originalité notable. Elles indiquent les rudiments de la dogmatique musulmane (le prophète Mohammed, la vénération de la Kaaba, les cinq piliers, etc.) et quelques repères historiques sur l’expansion et la civilisation musulmane des premiers siècles de l’Hégire (les villes et leur mosquée, etc.). Conformément au discours d’accompagnement des programmes, elles pointent la continuité entre Christianisme et Islam (qui est Jésus selon le Coran ?) – mais une bonne occasion de montrer la continuité théologique et humaine entre les deux univers religieux est manquée avec la mosquée de Damas, dont les manuels oublient qu’elle contient le mausolée de St Jean-Baptiste. Une limite dans cette entreprise : selon les cas, « Allah » est présenté comme le nom du Dieu unique en arabe (ce qui est exact), ou comme le Dieu unique de l’islam, ce qui ne revient pas au même. Plusieurs manuels montrent que l’Islam n’est pas étranger à l’Europe, en évoquant notamment l’Espagne musulmane. Deux manuels, Magnard 2001 et Magnard 2005 (dus à deux équipes différentes) vont jusqu’à symboliser à l’aide de photos la présence de l’islam aujourd’hui en France : une étiquette halal en français et arabe dans l’un ; et la prière à la mosquée d’Evry-Courcouronnes dans l’autre. L’intention des auteurs est manifestement d’aider l’enseignant à aller à la rencontre des questions identitaires des élèves.
Les chapitres sur la Méditerranée au XIIème siècle, en Seconde (deux chapitres de 6 à 8 unités chacun), sont, parmi les objets que nous étudions dans cet article, ceux qui offrent aux équipes d’historiens auteurs de manuels la plus grande latitude de faire l’histoire qu’ils souhaitent faire en s’inspirant de l’historiographie savante, car la « difficulté » affective est moindre, et la stimulation intellectuelle associée au recadrage de l’épisode des Croisades est maximale. Le programme indique seulement une composition en deux temps : 1. les trois univers politico-religieux (ou « civilisations ») qui bordent la Méditerranée en cette période, la Chrétienté romaine, Byzance, et l’Islam ; et 2. leurs rapports, tant belliqueux que commerciaux et culturels. L’originalité de la question, par rapport aux états antérieurs des programmes, est double. D’abord, elle permet de rechercher les caractéristiques structurales communes des trois systèmes politico-religieux, notamment le type de liens qu’ils construisent entre le spirituel et le temporel, ou le rapport entre villes et campagnes. Ensuite, elle permet de relativiser les affrontements, et de s’arrêter le temps d’une unité didactique sur les espaces de convivance singuliers entre catholiques et musulmans que furent la Sicile des rois Normands, les Etats latins d’Orient, ou encore Tolède (où l’on peut mettre en valeur en outre le rôle des savants juifs). Le manuel Hachette 2006 se distingue en consacrant judicieusement une unité à Venise, « un pont entre l’Orient et l’Occident », et, dans le même sens, une autre unité à « La Méditerranée, carrefour du commerce mondial » [notre soulignement], autrement dit ce manuel entreprend de recadrer le recadrage lui-même.
Quand les manuels servent de banc d’essai aux programmes
Nous réserverons pour finir une place à part au traitement des points du programme qui concernent la dimension coloniale de l’histoire de la France et impliquent de faire une part à sa violence : le chapitre sur la décolonisation en Troisième, et le chapitre colonisation-décolonisation en Terminale S, depuis 2002. Chapitres « difficiles » au plus haut point (pour évoquer les instructions de 1989 sur l’islam en 5ème). A l’analyse, il n’est pas exclu que les audaces tentées par certaines équipes de manuels sur ces questions, et leur accueil par les enseignants et les classes, aient à leur tour confirmé les auteurs des programmes dans leurs propres démarches d’actualisation épistémologique et politique de ces programmes. On voit en effet certains manuels pousser des innovations qui se trouvent permises par les programmes sans être obligatoires. Dans un deuxième temps, les programmes leur accorderont un statut officiel.
C’est d’abord le cas du traitement de la guerre d’Algérie en Troisième. Ce point est optionnel depuis la dernière révision du programme en 2008. Il était auparavant simplement possible dans le cadre du chapitre sur la décolonisation, mais sans être spécialement désigné. De ce fait, les manuels pouvaient le traiter de façon allusive. C’est le parti adopté par exemple par le manuel Magnard de 1999. Une unité didactique y traite de la décolonisation de l’Afrique française. Elle présente cinq documents dont un seul a trait à l’Algérie : une photographie de femmes (une Européenne en chapeau, les autres en haïk avec des enfants dans les bras) en train de voter – elles votent « oui » indique la légende -, lors du référendum du 1er juillet 1962, autrement dit un document soit anodin soit ambigu, mais dont l’ambiguïté n’est pas signifiée dans l’unité. Toute la charge d’historiciser cet événement en contexte pédagogique est laissée au professeur. Deux alinéas sont consacrés à la décolonisation de l’Algérie dans la colonne cours, l’expression « guerre d’Algérie » n’y figure pas. Au professeur de s’appuyer sur ce cours s’il le souhaite pour prolonger. Or l’enquête sur le terrain montre que les professeurs, conscients de la passion des élèves pour la guerre d’Algérie et la lutte d’indépendance, ressentent vivement les lacunes de leurs connaissances sur ce point (Falaize, 2004). En contraste avec ce traitement allusif, les manuels de la dernière génération, parus en 2007 c’est-à-dire avant la révision du programme, sont plus audacieux et trouvent des solutions pour historiciser l’épisode. D’abord ils nomment « guerre d’Algérie » l’épisode de la décolonisation en Algérie. Rappelons que les événements d’Algérie ont été reconnus comme guerre par la loi du 18 octobre 1999 seulement. Tous les manuels de 2007 lui consacrent une unité didactique entière, titrée La guerre d’Algérie. Mais on remarque aussi que l’unité concernée n’a jamais le statut de leçon : c’est un « Dossier » (Magnard 2007, Hachette 2007), ou un « Document » (Hatier 2007) : au professeur encore une fois de décider en contexte, avec les élèves tels qu’ils sont, de ce que sera la leçon à tirer de l’unité.
Les documents présentés balisent la trame agonistique de l’épisode. Tous les manuels étudiés amènent le lecteur (l’élève, le professeur) à réfléchir sur l’injustice de la situation au départ de la guerre, en commençant par un point statistique sur la structure sociale et économique discriminatoire de l’Algérie coloniale en 1954. Un seul (Hachette 2007) évoque ensuite la chronologie de la guerre. Deux donnent des cartes de l’Algérie pendant la guerre (Hachette et Hatier 2007). Les deux mêmes mentionnent « la torture » pratiquée par l’armée française comme une caractéristique de la guerre. Tous s’arrangent pour traduire dans le dispositif textuel l’antagonisme des points de vue ou leur dualité inconciliable, aboutissant aux accords d’Evian et à « l’exode des Français d’Algérie » (Hatier 2007). Le moyen adopté typiquement est la mise en regard d’informations montrant chacun des points de vue, sans paratexte qui amorcerait une comparaison et sans leçon dégagée du parallèle. La forme classique est la mise en vis-à-vis de documents. Hatier 2007 place ainsi en vis-à-vis un document intitulé « La guerre et la torture » (témoignage, texte) et un document intitulé (« L’exode des Français d’Algérie 1962) » (une photo). Souffrance des victimes de part et d’autre, par conséquent. Hachette 2007 adopte le parti de rapprocher dans un seul document intitulé « La ‘sale’ guerre » deux témoignages sur les crimes de guerre de part et d’autre (le mot n’est pas employé), l’un évoque les attentats du FLN, l’autre la torture par l’armée française. Ce manuel n’a ni question ni document sur l’issue de la guerre. Enfin Magnard 2007 construit sa double page presque entièrement sur le principe de la mise en vis-vis de points de vue opposés au sein de chaque document. Après une présentation d’environ 800 signes, l’unité présente des documents doubles, « Deux communautés face à face », « Deux positions officielles tranchées », « Une guerre sans merci : deux témoins racontent », « Une profonde déchirure » (deux photos : les Algériens fêtant l’indépendance le 5 juillet 1962 vs des Français rapatriés arrivant à Marseille). Le document final de cette unité a un statut conclusif : « Un lourd bilan ». Il s’agit d’un paragraphe extrait des travaux de Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault sur l’estimation par l’histoire savante du nombre de morts dans cette guerre, de part et d’autre. Au total donc, ces manuels de Troisième de la génération 2007 se distinguent par un affichage thématique clair : « la guerre d’Algérie », devançant la proposition du programme de 2008. Néanmoins le traitement didactique est quelque peu embarrassé : un espace est donné au déroulement de la guerre et à la division des expériences sociales de l’épisode, mais les manuels renoncent à construire une leçon sur cette guerre.
Le deuxième cas où il se pourrait que les manuels aient servi de banc d’essai aux programmes est l’enseignement du couple colonisation-décolonisation. Avec l’autonomisation relative du programme d’histoire en première et terminale dans les filières S, par rapport aux filières L et ES (2002), la séquence colonisation-décolonisation a été mise pour la première fois au programme, pour les Terminales S, tandis que le sujet restait divisé entre la classe de Première et celle de Terminale dans les autres filières. Mais les éditeurs ont continué à n’offrir qu’un ouvrage par niveau, en indiquant le cas échéant par des codes les parties de programme qui ne sont pas destinées à telle filière. La séquence colonisation-décolonisation est donc présentée dans tous les manuels de terminale depuis 2002, à charge pour les enseignants – et pour les élèves éventuellement – d’adapter leur parcours à la filière. Or, on l’a noté, la séquence colonisation-décolonisation est plus propice à la conceptualisation historique du phénomène colonial et de sa fin que la division du sujet sur deux années, – les instructions accompagnant les programmes en portent témoignage (supra). Les manuels ont su prouver l’intérêt d’une telle séquence pour les classes et les enseignants. Elle devrait être mise au programme de toutes les filières, en Première, dans les nouveaux programmes annoncés pour 2011.
Le plus récent des manuels de terminale, Magnard 2008, est l’illustration de l’intérêt qu’offre la séquence pour la formation des élèves. Pour la circonstance, l’équipe rédactionnelle s’est enrichie par l’arrivée de Benoît Falaize, spécialiste de la question. Au terme d’une enquête systématique auprès des professeurs d’histoire de l’académie de Versailles au début des années 2000, B. Falaize disait son « sentiment d’être face à un formidable impensé colonial » et il annonçait en ces termes ce qui pourrait être une ambition didactique sur le sujet : « Il ne s’agit pas de jouer une mémoire douloureuse contre une autre, ce qui n’aurait, historiquement, civiquement et pédagogiquement, aucun sens, mais peut-être d’assumer scolairement la colonisation, dans le cadre d’une histoire désaliénée (et pas une histoire ‘décolonisée’ qui ferait de la repentance et de la culpabilité son ressort unique), qui réévaluerait l’ensemble de la relation de la France et de l’Europe aux empires coloniaux, jusque dans ses conséquences en termes d’émigrations, d’immigrations et aussi de construction d’un imaginaire colonial qui, sur bien des points, persiste » (Falaize, 2004, p. 78 ; aussi Falaize, 2010).
Le manuel d’histoire de Terminale Magnard 2008 est une réalisation de cette ambition. Il consacre 50 pages au thème du programme « Colonisation et indépendances », en deux chapitres : « La colonisation européenne et le système colonial », et « La décolonisation et les indépendances ». Les chapitres sont découpés en unités didactiques présentées chacune sur une double page, selon le modèle standard, mais l’arrangement des documents présentés et des leçons est élaboré de sorte à favoriser le travail autonome ou guidé d’analyse et de synthèse par les élèves. Chaque chapitre est introduit en première page par une série de questions, dont chacune donnera ensuite son thème à une unité didactique au statut de « Document ». Ces unités sont au nombre de neuf (pour 8 heures attribuées à la séquence dans le programme). Les questions qui les orientent, formulées en termes simples, correspondent aux grandes problématiques explicatives du « système colonial », de sa déconfiture, et de l’émergence du Tiers-monde. Pour le chapitre sur le système colonial : expansion coloniale, domination coloniale et indigénat, imaginaire colonial, etc. Et pour le chapitre sur la décolonisation et les indépendances : acculturation, résistance, émancipation, etc. L’une des questions posées d’entrée de jeu dans ce chapitre est « Pourquoi le souvenir de la guerre d’Algérie est-il toujours aussi vif ? » La ligne de réponse présentée se lit dans le titre donné à l’unité : «La violence au cœur de la guerre d’Algérie ». Cinq documents sont proposés dans cette double page : une chronologie de la guerre, un bilan des morts, un témoignage sur la torture par un militaire français, une photo du départ des pieds-noirs, et un extrait du discours du président Jacques Chirac devant le Parlement d’Alger le 3 mars 2003, montrant la persistance de la conflictualité politique autour de l’épisode et les efforts pour en venir à bout, quarante ans après. Par l’insertion de cette unité dans la série relative aux modes d’émancipation des colonies, la singularité de la guerre d’Algérie se trouve mise en évidence sur le fond d’une analyse comparative et transversale de la fin des empires européens. Autre innovation : chaque série de deux à quatre unités « Document » est conclue par une unité « Cours », qui donne sur une double page une synthèse explicative des processus socio-historiques qui ont présidé aux entreprises coloniales du XIXème siècle et aux décolonisations, synthèse complétée de lexique, de biographies de personnalités, etc.
Pour conclure : Cette étude du traitement de l’Islam et de la séquence colonisation-décolonisation par les programmes et les manuels d’histoire français a mis en évidence d’abord, sur trente-cinq ans, une insertion progressive de leçons sur ces thèmes à différents niveaux du curriculum. L’insertion de ces thèmes s’est faite prudemment et sans à-coups, sans discours d’explicitation de l’intérêt politico-pédagogique de ces questions auprès des enseignants, en restant soigneusement en retrait de la scène politique. Cette insertion a été rendue possible par la lente modernisation du référentiel de l’histoire scolaire, et elle a en retour contribué à cette modernisation. En 2010, terme de la période étudiée, les normes didactiques particulières qui encadraient l’histoire scolaire jusqu’au milieu des années 1970 –ce que nous avons appelé le référentiel traditionnel de l’histoire scolaire – ont à peu près disparu. L’histoire scolaire est à présent – c’est nouveau – une discipline qui peut traiter de sujets sensibles politiquement sans gommer leur sensibilité, en s’efforçant au contraire de l’expliquer en l’historicisant. Ce faisant, l’histoire scolaire renoue avec l’espoir que Durkheim plaçait en elle lorsqu’il fixait à cette discipline la mission d’introduire le futur citoyen à la complexité des choses humaines (Durkheim, 1990, p. 368)..
Les manuels n’ont pas rechigné à s’engager dans la voie ouverte par les changements du programme sur l’Islam et la colonisation. Ils se sont attachés à trouver des solutions pour fournir aux enseignants et aux élèves des outils afin d’historiciser ces sujets. Cette ambition apparaît dans le traitement nouveau que font les manuels de Troisième de la guerre d’Algérie. Même si les manuels examinés ne fournissent pas aux enseignants la charpente d’une leçon sur ce sujet, ils en parlent et ils l’illustrent, alors même que le programme ne les y oblige pas. Le traitement par les divers manuels du thème La Méditerranée au XIIème siècle en seconde, et de l’Islam des premiers siècles en cinquième fait également place à l’idée d’historiciser les questions sensibles du présent, même avec des thèmes en apparence éloignés de l’actualité. Dans le manuel de Terminale Magnard 2008, l’ambition d’historiciser des questions qui remuent de l’émotion au présent se manifeste avec éclat dans le traitement de la séquence colonisation-décolonisation, et spécifiquement de la guerre d’Algérie.


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PICARD E., « Introduction », in Laurence De Cock & Emmanuelle Picard, dirs., La Fabrique scolaire de l’histoire. Marseille, Agone.
PROST A. (1984), « Rapport des commissions sur les finalités de l'enseignement de l'histoire et de l'instruction civique ». - Colloque national sur l’histoire et son enseignement. Montpellier, CNDP.
 paru dans Verdelhan-Bourgade, M., Denimal, A. & Diabate, A. (2011). Manuels et altérités dans l'espace méditerranéen : enjeux institutionnels et linguistiques. Paris, L'Harmattan, p. 21-44, coll. Manuels scolaires et sociétés.
 Les enquêtes passées aux adultes en France, par exemple l’enquête annuelle de la CNCDH, le montrent. Sur l’expérience spécifique des élèves de lycée sur ce point, nous pouvons renvoyer à notre enquête Cités cosmopolites. Sur les identités sociales des lycéens marseillais. IREMAM, Aix-en-Provence, janvier 2005,
 Une analyse du Journal des Instituteurs de 1881 à 1914 met en évidence le stéréotypage de l’islam dans les textes destinés aux instituteurs du début de la Troisième République : voir Falaize 2009.
 La colonisation et l’expansion impériale étaient précédemment présentées sous un jour positif. Voir F. Lantheaume, 2002.
 Nous avons présenté ces principes et justifié leur complémentarité dans un article ancien auquel nous nous permettons de renvoyer : Lorcerie 1990.
 Voir sur ces points les informations réunies par Patricia Legris, 2009.
 BO n° 12, 29 juin 1995, « Présentation générale des programmes d’historie-géographie en classe de Seconde ».
 Les programmes Joutard (2002) introduisent ce thème Islam et Méditerranée au Moyen Age dans l’enseignement primaire aussi.
 L’auteur commente le programme de 1988.
 D’après : Accompagnement des programmes, Histoire et Géographie, CNDP 2003.
 Les citations de ce paragraphe sont extraites de l’introduction aux Programmes de l’enseignement d’histoire-géographie-éducation civique, Collèges, BO spécial n° 6 du 28 août 2008.
 C’est dans les années 1990 que les manuels cessent de dénommer le Prophète de l’islam « Mahomet », comme le faisait Voltaire, et généralisent Mohammed. Pour une analyse détaillée du changement de la présentation de ce sujet dans les manuels français, voir l’article d’Anissa Bouayed, 2004.
 Falaize B., Lauby J-P., Sirel F., Histoire Terminales. Le monde contemporain de 1945 à nos jours. Paris, Magnard, 2008









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