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TD : exercices étude de fonctions. Pour le : Lundi. 10 ... TD Correction ex 43-48- 53-55 p 56-57 ..... Chapitre VIII : Probabilité conditionnelle ? Evénements indépendants ? Loi binomiale ..... Exercices 46-47-49 Fiabilité des sondages. DS 4h.




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ASSISES NATIONALES





COMMISSION 1








RAPPORT DE SYNTHESE












Dakar, décembre 2008
SOMMAIRE

(A Compléter)




































GLOSSAIRE

AN : Assemblée  Nationale
CADAK : Communauté des agglomérations de Dakar
CAR : Communauté des agglomérations de Rufisque
CCAP : Contrôle citoyen de l’action publique
CDD : Comité départemental de développement
CL : Collectivité locale
CLC : Comité local de concertation
CLD : Comité local de développement
CCL : Code des collectivités locales
CCG : Comité de coordination et de gestion
CEDEAO: Communautés des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CENA: Commission Electorale Nationale Autonome
CENI : Commission électorale Indépendante
CNRA: Commission Nationale de Régulation de l’Audiovisuel
CPC: Coalition pour le Changement
CR : Communauté rurale
CRD : Comité régional de développement
DAF: Direction de l’Automatisation des Fichiers
FACS: Front d’Action de la Société Civile
FECL : Fonds d’équipement des collectivités locales
FRTE: Front pour la Régularité et la Transparence des Elections
FSS : Front Siggil Sénégal
GIE: Groupement d’Intérêt Economique
GLCEC : Gouvernance locale / Cadre d’expression de la citoyenneté
GOANA : Grande Offensive pour l’Agriculture ;;;;;;;;;;;;
HCA: Haut Conseil de l’Audiovisuel
HCRT: Haut Conseil de Régulation de la Télévision
MINT: Ministère de l’Intérieur
MRS: Mouvement Républicain Sénégalais
ONEL: Organisme National Electoral
ONG: Organisation Non Gouvernemental
OGL : Observatoire de la gouvernance locale
OSC : Organisation de la société civile
PAI: Parti Africain de l’Indépendance
PAI : Programme annuel d’investissement
PCR : Président du Conseil rural
PDS : Parti Démocratique Sénégalais
PLD : Plan local de développement
PM : Premier Ministre
PNDL : Programme national de développement local
PNIR : Programme national d’infrastructures rurales
PR : Président de la République
PRA/S : 
PS: Parti Socialiste
UPS : Union Progressiste Sénégalaise
RND: Rassemblement national Démocratique
SFIO: Section Française de l’Internationale Ouvrière
SOCOCIM : Société de Commercialisation du ciment
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée




Présentation de la Commission Institutions, Libertés et Citoyenneté

La commission Institutions, Libertés et Citoyenneté a tenu sa première réunion le mardi 22 Juillet 2008 sous la présidence de Mme Touré Maïmouna Kane. Il a été décidé de constituer les six (6) sous commissions suivantes :
Gouvernance institutionnelle
Gouvernance locale et cadre d’expression de la citoyenneté
Système démocratique
Pluralisme social
Pluralisme médiatique
Garantie de l’exercice effectif des droits humains

Composition du bureau :
Le bureau de la commission est ainsi composé :
Présidente : Madame Touré Maïmouna Kane
Vice présidents : Monsieur Yéro Sylla
Monsieur Malick Sy
Rapporteurs : Madame Katy Cissé Wone
Monsieur Chérif Elvalide Sèye

Secrétaire: Dr Mame Marie Faye
Assistante: Mademoiselle Fanta Diallo

Les membres de la commission :
Mme Maïmouna KANE
Pr Yéro SYLLA
Mr El Hadji Malick SY
Mme Katy CISSE WONE
Dr Mame Marie FAYE
Mr Chérif Elvalide SEYE
Pr Madior DIOUF
Pr Ismaila Madior FALL
Pr El Hadj MBODJ
Pr Pape Demba SY
Me Aissata Tall SALL
Me SARR
Mr Aboul Aziz DIAGNE
Mr Abdoul Aziz DIOP
Mr Famara SARR
Mr Mandiaye GAYE
Mr Abdel Kader NDIAYE
Mr Abdoul Latif COULIBALY
Mr El Hadj Momar SAMBE
Mr Ibrahima NDIAYE
Melle Fanta Diallo


Méthodologie de travail
La commission a adopté comme méthodologie de travail pour chaque thème:
La Présentation en commission d’une communication sous forme de plan détaillé respectant les éléments suivants :
Etats des lieux du thème présenté
Les problèmes identifiés
les solutions préconisées
cette présentation transmise trois jours avant aux membres de la commission sera suivie d’une discussion en séance plénière.
Prendre en compte les pistes de réflexions dégagées
Faire appel si nécessaire à des personnes ressources en vue d’approfondir le thème.
C’est ainsi, qu’il a été retenu que :
La gouvernance institutionnelle serait traitée par Pr Ismaila Madior FALL et par Mr Famara SARR
La gouvernance locale par Pr Yéro SYLLA
Le système démocratique par Me Aissata TALL SALL et Mr Abdoul Aziz DIOP
Le pluralisme médiatique par Mr Cherif Elvalide SEYE

A la suite des communications les sous commission ont été constituées, de la manière suivante :
Sous commission 1 : Gouvernance institutionnelle présidée par Pr Madior DIOUF avec comme rapporteur Monsieur El Hadji Momar SAMBE
Sous commission 2 : Gouvernance locale présidée par Monsieur Famara SARR, Rapporteur Pr Yéro SYLLA
Sous commission 3 : Citoyenneté et éducation à la citoyenneté présidée par Dr Mame Marie FAYE
Sous commission 4 : Pluralisme médiatique présidée par Monsieur Chérif Elvalide SEYE
Sous commission 5 : Pluralisme social et Effectivité des droits humains présidée par Monsieur Mandiaye GAYE
Sous commission 6 : Système démocratique présidée par Monsieur Abdoul Aziz DIOP.
Introduction

Alors qu’alentours régnaient le parti unique, la radio unique, le journal unique et que se multipliaient les coups d’Etat, le Sénégal faisait exception. Le multipartisme a été la règle générale, toutefois brièvement interrompue, de même que le pluralisme médiatique, et les militaires sont demeurés dans leurs casernes. L’alternance démocratique en 2000 a achevé d’en faire une des belles vitrines démocratiques africaines.

Néanmoins, à regarder de plus près, la vitrine apparait bien fissurée. Depuis l’instauration du régime présidentiel par la constitution du 07 mars 1963, les trois chefs d’Etat qui se sont succédé au pouvoir ont exercé un pouvoir avec pour seule limite effective, leur seule volonté et leur éthique.
Ainsi l’assignation thématique de la commission 1 circonscrite autour des Institutions, de la Citoyenneté et des libertés selon une perspective démocratique se justifie dans le contexte des assises nationales parce que le Sénégal, connu pour sa success story en matière politique traverse depuis l’avènement de l’alternance une crise qui remet en cause les acquis qui semblaient l’avoir positionné sur la voie progressive d’un Etat de droit moderne et laïc. Certes, beaucoup d’événements, de réalités politiques, sociales et culturelles venaient assombrir ce tableau idyllique comme pour dire que les soubresauts qui ont accompagné notre trajectoire démocratique ne datent de la période post alternance ; Cela est certes vrai, mais il faut constater que ces remous n’ont jamais autant constitué une remise en cause aussi profonde de l’aspiration démocratique du Sénégal. Que la réputation démocratique du Sénégal ait été surfaite, sublimée ou réelle, la situation recommande aujourd’hui la plus grande attention du fait des menaces pressantes qui pèsent sur sa survie.
La Fragilisation de la démocratie depuis l’avènement de l’alternance est la preuve que l’atteinte d’un niveau démocratique irréversible n’est pas la résultante d’un processus forcément linéaire et d’un horizon temporel court. La construction d’un système démocratique fort peut emprunter des chemins tortueux, observer des haltes et être l’objet de velléités de destruction. L’alternance politique qui doit être un signe de progrès démocratique est dans le cas du Sénégal une étape de sa trajectoire politique qui apporte de véritables perturbations à son assise démocratique.
Le multipartisme aboutissant à la création de 144 partis montre ses limites.
L’assemblée nationale comme la Justice sont demeurées, pour l’essentiel, sous le contrôle de l’exécutif, l’effectivité des droits humains souffre encore de nombreuses limites.
Les élections, à l’exception notable de 2000, ont toujours été contestées.

La décentralisation, antérieure à l’indépendance avec les quatre communes, a été réaffirmée comme option politique dès 1960 avec la création de 33 communes de plein exercice et le processus s’est poursuivi depuis mais les moyens indispensables pour rendre la décentralisation plus effective ne sont pas alloués aux collectivités qui souffrent par ailleurs de maintes limites.

Le pluralisme médiatique est de plus en plus effectif depuis 1995, mais l’absence d’un cadre cohérent constitue une sérieuse menace à sa pérennité et le service public demeure depuis toujours à la dévotion du pouvoir.

La démocratie sénégalaise vaut certes mieux que nombre de ses consœurs continentales mais elle n’est toujours pas à la mesure de l’histoire du pays, encore moins de la qualité de ses ressources humaines et des exigences de son développement économique et social.

L’assertion de Momar El hadj Dieng dans la note introductive au Forum sur la gouvernance en Afrique, 29 au 31 octobre 2005, à Addis Abeba, s’applique bien à notre pays. « La concomitance de ces deux mouvements à priori contraires - les crises récurrentes, mais aussi le réveil des consciences sociales africaines - est probablement le reflet que les sociétés africaines sont en phase de transition sociale, politique et économique mais, qu’elles devront régler les contradictions nées de l’héritage postcolonial en acceptant d’assumer les profondes révisions nécessaires des modes de gestion de l’espace public. Cela appelle à la refondation de l’Etat et de la société en Afrique sur des bases sociales et culturelles négociées avec les populations et élaborées à partir des expériences propres à ces sociétés. Mais, la gouvernance en Afrique est en crise de légitimité et d’efficacité. En Afrique, le décalage entre les dynamiques institutionnelles et les dynamiques socioculturelles revêt une ampleur telle qu’il pose la question de la légitimité des institutions publiques et de leurs actions. Or, la légalité de l’action publique ne saurait prospérer en l’absence de la légitimité qui est censée la fonder, lui conférer un ancrage durable dans l’organisation sociale. Enfin, la situation de la pauvreté et la marginalisation économique et politique de l’Afrique, après plus de quarante ans d’indépendance révèle la faillite des Etats ».

Autrement dit, beaucoup d’aspects de la définition d’une démocratie incivile à savoir « la déligitimisation des institutions, l’ineffectivité des droits civils, la corruption, la perte de crédibilité de l’appareil judiciaire dans le cadre d’une démocratie électorale et d’un gouvernement élu, d’institutions qui fonctionnent, d’une constitution démocratique et d’un Etat formel (Holston, 1998 :3&13) se retrouvent dans la situation politique en cours au Sénégal.

« Les institutions, les libertés et la citoyenneté », thème de la Commission 1 des assises nationales est donc au cœur de la refondation de l’Etat, de la gouvernance et donc du développement économique et social du Sénégal.

En effet, le système institutionnel recouvre le régime constitutionnel avec ses prolongements électoraux et partisans ainsi que le système administratif investi de la mission de concrétisation des options fondamentales arrêtées par les gouvernants. Ce sont les interactions entre ces différents systèmes et sous-systèmes qui conditionnent l’environnement dans lequel se déroule le jeu politique en vue du développement durable de la société dans son ensemble.

Les présentes « Assises nationales » sont dès lors un tournant historique dans l’évolution de notre système politique, un autre rendez-vous à ne pas rater. Elles devraient permettre aux acteurs sociopolitiques sénégalais de revisiter profondément le système institutionnel du Sénégal en partant de l’identification des tares qui ont plombé son développement démocratique pour aboutir à une thérapie appropriée inclusive, consensuelle et bien intégrée parce que pensée ensemble avec une attention néanmoins soutenue sur les expériences positives des autres systèmes démocratiques.

Le présent rapport de synthèse aborde le sujet à travers :

La gouvernance institutionnelle comprenant le régime politique, les pouvoirs constitutionnels, le système électoral et les partis politiques

La gouvernance locale et le cadre d’expression citoyenne

La Garantie effective des droits humains

le pluralisme médiatique

I. LA GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE

Du point de vue constitutionnel, l’on peut dire, de manière générale, que le Sénégal a connu trois (03) constitutions, depuis l’indépendance. Toutes sont issues de celle du 24 janvier 1959 fondatrice de la République du Sénégal.

La première, celle du 26 août 1960, adoptée après l’éclatement de la Fédération du Mali, trace les contours d’un régime parlementaire, avec une dualité au sein de l’exécutif.
En effet, il était mis en place un exécutif bicéphale composé d’un Président de la République élu par un collège électoral et d’un Président du Conseil, chef du gouvernement, chargé de conduire la politique de la nation et responsable devant une assemblée nationale élue au suffrage universel. La constitution consacrait également une autorité judiciaire.

Ce régime a très tôt montré ses limites. Avec le conflit survenu en décembre 1962 entre le Président de la République et le Président du Conseil, le Sénégal a connu une crise institutionnelle qui a engendré la Constitution du 07 mars 1963 marquée par l’avènement d’un régime présidentiel qui marque la fin du régime parlementaire et inaugure celle d’un régime dit présidentiel avec un chef de l’État, chef de gouvernement, concentrant entre ses mains tous les pouvoirs de l’exécutif. Il est ainsi établi un monocéphalisme exécutif avec un chef de l’Etat détenteur exclusif du pouvoir exécutif et chef de gouvernement. On assiste alors à une séparation rigide des pouvoirs marquée par une irrévocabilité mutuelle.
Au cours de son évolution, ce régime présidentiel rigide empruntera au système parlementaire des caractéristiques telles que le droit de dissolution à partir de 1967, l’adoption du poste de premier Ministre en 1970 ainsi que des modes d’action réciproques entre l’exécutif et le législatif comme la motion de censure et le droit de dissolution.
Progressivement, l’ordonnancement constitutionnel va consacrer un régime hyper présidentiel qui sera confirmé par la constitution de janvier 2001 en réalité, une continuation de celle du 7 mars 1963, adoptée suite à l’alternance politique qui a vu la défaite du Parti Socialiste et l’arrivée des libéraux en 2000 avec l’élection du Président WADE.


Concernant le système électoral, il faut dire que le vote, au Sénégal, précède l’indépendance, contrairement à d’autres pays en Afrique. L’histoire politique révèle que l’on vote depuis 1848 au moins.

Le système électoral a connu une évolution, depuis l’époque des Blaise Diagne, Carpot et Ngalandou Diouf. De l’absence de code électoral, aux trucages jusqu’à l’adoption d’un fichier électronique, en passant par un code électoral consensuel, tout y est passé.

L’existence des partis politiques est également antérieure à l’accession du pays à la souveraineté internationale. Nombre d’entre eux n’ont pas eu une longue vie. Certains ont été phagocytés, pendant que d’autres ont connu des crises, mais se sont maintenus, en dépit des vicissitudes de la vie politique.

Malgré les faiblesses et tares soulignées par les observateurs, les partis politiques ont joué un rôle positif pour la conquête des libertés et avancées démocratiques. Ils ont donné vie au système démocratique du Sénégal.

Peu nombreux au début, les partis sont devenus pléthoriques. Ils sont aujourd’hui 144. Cette
Pléthore entraîne une réelle confusion et pourrait être source de difficulté de gestion de la vie politique.

I- LE RÉGIME POLITIQUE ET LES POUVOIRS CONSTITUTIONNELS

1.1. L’état des lieux

La Constitution de janvier 2001, adoptée largement par référendum portait les germes d’une sérieuse remise en question des acquis démocratiques du Sénégal. « Elle prive de sens les institutions (...) en les laissant flotter sur le corps social sans jamais le pénétrer ».

La Constitution de janvier 2001 est personnalisée et organise l’hypertrophie des pouvoirs présidentiels. La pratique institutionnelle organise une subordination totale du Parlement, pourtant premier pouvoir dans la tradition démocratique, à l’imperium présidentiel, le minimum d’existence que la loi fondamentale confère aux autres institutions constitutionnelles comme le gouvernement est effacé par l’hyper interventionnisme présidentiel qui perçoit toute initiative premier ministérielle comme une tentation et une tentative d’instaurer une dyarchie, une velléité de « dualité au sein de l’exécutif ». Le Parlement est instrumentalisé pour assumer la responsabilité d’initiatives motivées de desseins inavoués. Quant au pouvoir judiciaire, il est encore en quête d’une identité forte, d’une indépendance garantie pour rendre en toute sérénité la justice.
Le régime politique qui préside aux destinées du Sénégal fait du Président la clef de voûte des institutions, l’épicentre du pouvoir, le détenteur de la prérogative de définir la politique de la nation, de nommer et de révoquer ad nutum à tous les emplois publics, en un mot de décider de tout. Seul détenteur de l’ensemble des pouvoirs qu’il peut, à sa guise, déléguer de droit et de fait à n’importe qui (autorité officielle ou non), le Président ne fait l’objet d’aucun contrôle et n’est responsable ni devant l’Assemblée, ni devant n’importe quelle autre instance sauf dans le cas hypothétique, indéfinissable et non aménagé de la « haute trahison ».

La vassalisation de l’assemblée nationale, soumise au diktat de l’exécutif, s’est aggravée. L’assemblée a poussé la caricature jusqu’à voter une réforme constitutionnelle pour évincer le président de l’assemblée nationale.

Le sénat supprimé par la constitution 2001 a été recréé et ses membres sont désignés à 65%, discrétionnairement, par le chef de l’Etat.

Les pouvoirs du chef d l’Etat s’avèrent même, supérieurs au suffrage des électeurs puisqu’il lui est loisible de dissoudre des conseils municipaux et ruraux élus. Il ne s’en pas privé et les collectivités occupées par l’opposition ou des partisans en rupture de ban, en ont exclusivement fait les frais.

L’ordonnancement judiciaire vient de subir une nouvelle réforme avec le retour de la Cour suprême. Le fonctionnement de la Justice depuis l’indépendance a souffert peu ou prou d’une forme de soumission à l’exécutif. La présidence du conseil supérieur de la magistrature par le chef de l’Etat, la composition du conseil supérieur de la magistrature avec une faible représentation de magistrats élus par leurs pairs, trois sur douze, la gestion de la carrière des magistrats par ce conseil supérieur de la magistrature, l’absence d’un syndicat des magistrats, ont souvent permis à l’exécutif d’influencer la justice.

Depuis 2000, les dérives se sont multipliées. Le chef de l’Etat a contesté dans un courrier une décision du conseil constitutionnel. Il vient également, le plus officiellement du monde de dicter la procédure à suivre dans l’affaire du ministre Farba Senghor. Sans oublier l’épisode du protocole de Rebeuss qui a sorti l’ancien Premier ministre Idrissa Seck de prison suivant les conditions posées par le protocole révélé par la presse.

Le conseil constitutionnel est devenu celui de l’incompétence. Le temps du président Keba Mbaye qui revendiquait le droit de faire tout ce que la loi ne lui interdisait pas, qui était pénétré de l’idée fondamentale que la plus haute juridiction se doit aussi de faire évoluer la justice en faisant jurisprudence pour combler les silences des textes, est bien révolu.

Le Sénégal est aujourd’hui en face du seul type de régime politique au monde où le titulaire de la totalité du pouvoir n’est soumis à aucun régime de responsabilité, ni justiciable devant aucune juridiction, ni révocable avant le terme de son mandat. Le titulaire du pouvoir cumule en sa personne la puissance (pour ne pas dire l’omnipotence), l’irresponsabilité et l’irrévocabilité. Ce régime est bien plus que ce Michel Debré et à sa suite une certaine doctrine de la science politique ont appelé « monarchie républicaine », il est une «république monarchique»c'est-à-dire une république où le titulaire du pouvoir a tous les attributs et attributions d’un monarque sauf l’hérédité de son pouvoir, et encore.

Parallèlement à la crise institutionnelle, on assiste à une impasse politique caractérisée par l’absence de dialogue entre les principaux acteurs du jeu politique notamment de la majorité et de l’opposition. Pourtant c’est par le jeu de la concertation politique que la démocratie pluraliste a pris progressivement forme pour conduire à l’alternance démocratique de 2000, malgré quelques soubresauts entre 1998 et 2000 où le blocage était causé par les initiatives unilatérales du PS qui était revenu sur certains consensus de 1992 mais aussi le rejet systématique de l’opposition de tout dialogue, notamment la médiation politique en vue de l’élaboration d’un statut de l’opposition et le financement des partis politiques.

Fait très grave, beaucoup de crimes à caractère politique sont restés impunis : Balla Gaye, Omar Lamine Badji, Gorgui Mbengue, ect.

II- Le système électoral

2.1. Etat des lieux

L’alternance en 2000 est aussi le fruit des progrès enregistrés depuis des années par le système électoral, parachevés par le Code, dit Code Kéba MBAYE (nom du premier président de la commission qui lui a donné naissance), fruit du consensus entre tous les acteurs politiques qui l’ont élaboré, dans une démarche participative consensuelle.
Ce code qui a fait la preuve de son efficience a été remis en question, en maints aspects depuis.
De surcroît, des changements ont été opérés dans les six (06) mois précédant les élections, en violation des dispositions de la CEDEAO auxquelles le Sénégal a souscrit :

Remplacement de l’ONEL par la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) en vue, selon le pouvoir, de l’approfondissement de notre système électoral. La désignation de ses membres a été faite unilatéralement par le président de la République. Certains de ses membres, contestés par l’opposition, n’ont pas été remplacés, contrairement à ce qui s ‘était passé avec l’ONEL où le général Dieng refusé par l’opposition avait été remplacé.
Remplacement du HCA par le CNRA (Commission Nationale de régulation de l’Audiovisuel) dont tous les membres ont également été désignés discrétionnairement par le président de la république en violation de la charte.
Violation du calendrier électoral avec le report multiple des élections,
Prorogation des mandats des députés et des conseillers des collectivités locales,
Destitution des conseillers locaux et institution des délégations spéciales.
remplacement du ministre de l’Intérieur, poste dévolu depuis 1998 à un militaire supposé neutre politiquement par un membre du PDS, en rupture avec le consensus.
Suppression du quart bloquant,
Vote des corps militaires et paramilitaires
La refonte totale du fichier de 2000 ayant permis l’alternance et dont la fiabilité avait été incontestée.
Introduction unilatérale et sans contrôle de la biométrie comme élément de fiabilisation du fichier électoral
inscription de l’électeur en tout lieu sur le territoire national. La CENA elle-même a reconnu dans son Rapport général sur l’élection présidentielle du 25 février 2007 que : «le caractère national de cette opération favorise la liberté de s’inscrire n’importe où et rend le contrôle difficile. La notion de résidence qui permettait d’identifier les fraudeurs disparaît définitivement et place tout le monde dans l’inconnu. Cette méthode est contraire aux dispositions de l’article L31 du code électoral qui mentionne toujours le domicile de l’électeur pour situer son lieu de vote » (P16).
Le fichier électoral a été examiné par le Front d’action de la société civile sénégalaise (FACS), celui-là même qui avait procédé à l’audit du fichier pour la présidentielle de 2000 Dans son rapport daté de mars 2007, suite à l’audit du fichier, le FACS estime que :
« - L’audit du fichier électoral du 02 au 06 février 2007 n’a pas permis de lever les doutes sur l’unicité de l’électeur dans le fichier ;
le fichier des photos a fait ressortir plusieurs cas de ressemblances ;
la mission sur le terrain afin de faire une confrontation avec les personnes dont les photos ont présenté une ressemblance n’a pas eu lieu du fait de la campagne électorale et de la mise en place des outils et matériaux électoraux ;
Refus de l’évaluation des scrutins tenus en 2007
Absence de dialogue entre le pouvoir et l’opposition

A ces réformes s’ajoutent des interrogations sur la carte électorale, la production et la délivrance des cartes d’électeurs, la présence de non Sénégalais dans le fichier, le vote des Sénégalais de l’extérieur, le vote des militaires et des corps paramilitaires, l’utilisation du spray à la place de l’encre indélébile, etc.

Ces nombreux problèmes ont entraîné une sérieuse contestation du scrutin présidentiel de février 2007 et conduit au boycott des législatives de juin 2007 par les partis des candidats arrivés deuxième, troisième, quatrième à la présidentiel. Le taux de participation à ces législatives a été de 34 % seulement, selon les chiffres officiels.

Les élections locales prévues en février 2008 et qui ont finalement été reportées au 22 mars 2009 peuvent être hypothéquées sans le retour au consensus dans les règles du jeu électoral.


III- Partis et vie politique

3.1. Etat des lieux

« Il n’y a pas d’État démocratique sans partis. On doit les moraliser, les revivifier, non les éliminer. Un État sans partis est forcément un État à parti unique, c’est-à-dire un État totalitaire, c’est-à-dire une autocratie. Un État démocratique est forcément une fédération de partis », écrivait, dans une lettre au Général de Gaulle, le socialiste français Léon Blum, cité par Frédéric Weill.
Les partis politiques sénégalais évoluent dans un environnement ambiant où s’imbriquent des règles obsolètes, confuses et contraignantes ainsi que des pratiques qui plombent le développement politique et qui requièrent des thérapies juridiques et comportementales appropriées.
Seulement, une vision partagée de ce qu’est un parti politique est un préalable au diagnostic et à la thérapeutique. Les acteurs politiques devraient s’entendre avant tout sur une définition consensuelle du parti politique afin de faciliter la levée des options sur les réformes qu’il urge d’apporter au système partisan sénégalais.
Les politologues La Palombara et Wiener définissent le parti politique à partir de quatre (4) critères non alternatifs :
Une organisation durable : avec une espérance de vie politique supérieure à celle de ses dirigeants en place, le parti politique se distingue des factions, des cliques, des coteries ou des groupes de soutien qui disparaissent généralement avec leurs fondateurs ou la réalisation des objectifs visés ;

Une organisation bien structurée : avec des ramifications locales entretenant des rapports réguliers et variés avec l’échelon national, le parti politique se différencie des groupes parlementaires qui ne sont pas localement structurés ;

Une organisation dont l’objectif doit être la conquête et l’exercice du pouvoir : les partis politiques s’opposent à cet égard aux groupes de pression qui se contentent d’influencer les décideurs sans chercher à prendre et à exercer le pouvoir ;

Une organisation recherchant un soutien populaire : ce dernier critère distingue le parti politique des clubs et autres organisations qui ciblent un public bien déterminé.

Les partis politiques sont un phénomène assez récent dans l’évolution des systèmes politiques. Ils sont nés et se sont développés en même temps que la conquête et l’expression du suffrage. Au départ, ils n’étaient pas intégrés dans les différents régimes constitutionnels qui les avaient ignorés jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale. Actuellement, les partis politiques sont des organisations incontournables d’aménagement et de renforcement des régimes constitutionnels libéraux qui les reconnaissent formellement dans les textes officiels. C’est ainsi que s’inspirant de la loi fondamentale de la RFA de 1949 et suivie en cela par les constitutions des Etats africains d’expression française, la Constitution française du 4 octobre 1958 procède à une constitutionnalisation des partis politiques qui concourent officiellement à l’expression du suffrage.

Le système partisan sénégalais est toutefois bien antérieur à la Constitution de la Vème République. Bien avant son accession à la souveraineté internationale et au lendemain de son indépendance, le Sénégal connaissait en droit et dans les faits un véritable système multipartite. L’article 3 de la Constitution du 26 août 1960 reconnaissait formellement un multipartisme, qui plus est, déjà fortement ancré dans la culture politique des acteurs politiques de la colonie du Sénégal. Ce multipartisme hérité de la colonisation devait connaître une double évolution : déclinante et ascendante.

Le déclin s’est traduit par le passage d’un multipartisme inégalitaire en 1960 à l’unification du système partisan en 1966.

Le multipartisme était donc une réalité politique du Sénégal colonial et postcolonial. Seulement, à l’instar de ce qui s’est passé dans pratiquement tous les Etats issus du processus de décolonisation, le multipartisme allait connaître une très mauvaise fortune sous la première République du Sénégal. Il était très inégalitaire avec une mainmise du parti au pouvoir – UPS - sur tous les leviers du pouvoir politique et de l’administration. Contrôlant l’appareil d’Etat, l’UPS entama une stratégie d’unification du système partisan en détruisant ou fragilisant les partis existants.
Après une parenthèse de 8 années (1966-1974), le multipartisme, formellement consacré par l’article 3 de la Constitution du 7 mars 1963, allait se traduire dans les faits avec la naissance le 8 aout 1974 du PDS qui obtint son récépissé de déclaration le 8 décembre de la même année. Sur sa lancée, le RND crée en 1975 par le professeur Cheikh Anta Diop déposa ses statuts à la gouvernance de la région du Cap Vert. Face à cette frénésie pluraliste, le gouvernement prit les devants en faisant adopter par sa majorité parlementaire homogène et disciplinée la loi n° 75-68 du 9 juillet 1975 modifiant la loi n° 64-09 du 24 janvier 1964 relative aux partis politiques (J.O. n° 4436 du 21 juillet 1975, p. 1004). La loi modifiée imposa deux nouvelles obligations visant en réalité à renforcer le droit de regard du gouvernement sur l’activité des partis politiques :

Les partis politiques doivent déclarer chaque année dans les 8 jours qui suivent l’anniversaire du dépôt de leurs statuts, les titres et qualités des personnes à la tête de leurs structures administratives ;

Ils doivent en outre déposer au 31 janvier au plus tard le compte financier de l’exercice écoulé, ce qui permet au gouvernement de vérifier que les partis ne recevaient pas de subsides de l’étranger ou des étrangers établis au Sénégal.

Les obligations prescrites n’étaient assorties d’aucune effectivité dans la mesure où elles n’étaient pas respectées par les partis, y compris le parti au pouvoir. En outre, la loi 75-68 n’avait pas empêché la prolifération des partis politiques. Ces conséquences non voulues devaient amener le législateur à agir sur le dispositif juridique en instituant un multipartisme limité assorti d’un contrôle de l’orthodoxie idéologique des partis reconnus.

Le quadripartisme prit fin avec l’avènement du président Diouf à la magistrature suprême. La loi 81-16 du 6 mai 1981 portant révision de la constitution et la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques (J.O. 48-34 du 15 mai 1981) vont bouleverser profondément le paysage juridique des partis politiques.

Le rétablissement du multipartisme intégral a permis au Sénégal de franchir la dernière étape de l’expérience démocratique entamée en 1976. Sur les partis politiques ne pèse plus l’obligation de se réclamer d’une idéologie préalablement définie par le législateur ou le constituant. Les seules clauses contraignantes sont celles portant sur le respect de la démocratie libérale et le non identification des partis à une religion, une ethnie, un sexe, une langue ou une race. Ces limitations sont au demeurant parfaitement légitimes car s’inscrivant dans une perspective de renforcement de la cohésion nationale.

La réforme fut rapidement suivie d’une explosion exponentielle des partis politiques. De 9 partis en 1981, les partis ont amorcé une ascension vertigineuse en passant à 18 en 1992, 68 en 2002, 78 en 2004 et 144 en 2008.

A ses débuts, la réforme de 1981 affaiblissait l’ancienne opposition légale qui perdit ainsi le monopole de la contestation de la majorité en place et, corrélativement, renforçait le PS qui profita de l’atomisation de l’opposition sénégalaise. Toutefois l’opposition va progressivement se structurer, se crédibiliser et se doter d’un leader d’une envergure nationale et d’un charisme exceptionnel. Ce leader de l’opposition tirera profit de la dynamique unitaire de l’opposition pour remporter l’élection présidentielle des 26 et 19 mars 2000 basculant le Sénégal dans le camp des démocraties avec alternance. La logique unitaire a survécu à l’alternance démocratique avec une bipolarisation bien marquée des forces politiques entre le pole de la majorité présidentielle incarnée par le CAP 2000 et celui de l’opposition regroupé successivement dans le cadre du CPC (2002), du front « Clarté Na Leer », de la CPA et maintenant du F.S.S.

LE CADRE JURIDIQUE DES PARTIS POLITIQUES

Les partis politiques sont régis par les dispositions de l’article 4 de la Constitution du 22 janvier 2001 et de la loi 81-17 du 6 mai 1981 modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989 (J.O. 28/10/1989, p.418).
L’article 4 de la Constitution fait des partis politiques des organisations officielles chargées de concourir à l’expression du pouvoir de suffrage. Leur mission est de recruter les candidats aux différentes élections, d’encadrer les électeurs en développant leur conscience politique et d’expliciter les options arrêtées par le gouvernement ou bien de critiquer les dites options en proposant des alternatives crédibles.
Sur les partis politiques pèsent des obligations découlant de la constitution et surtout de la loi 81-17 du 6 mai 1981 qui fixe les règles relatives à la création et à l’encadrement juridique des activités des partis.

LA CREATION DES PARTIS POLITIQUES
La création d’un parti est subordonnée au respect préalable de conditions de forme et de fond.

Les conditions de forme

Les partis politiques sénégalais sont obligatoirement constitués sous forme d’association conformément aux dispositions des articles 812 à 814 du code des obligations civiles et commerciales, deuxième partie. Ils sont soumis aux règles communes à toutes les associations et à des règles particulières.

Les règles communes

Les partis politiques sont des personnes morales de droit privé. Ils obéissent aux règles de constitution des associations.

A la base d’un parti politique il y a un contrat faisant naître des droits et des obligations en faveur et à la charge de tous ses membres. Les règles générales sur la formation du contrat s’appliquent aux partis politiques.

La liberté d’association préside à la formation des partis politiques qui se forment librement sans aucune formalité que celle de la déclaration préalable et de l’enregistrement. Le parti doit être déclaré par le dépôt en double exemplaire de ses statuts, du procès-verbal de la réunion de l’Assemblée générale constitutive et de la liste des membres de son administration auprès de l’autorité compétente (en l’espèce le préfet). Il est délivré récépissé de ce dépôt. La déclaration fait l’objet d’un enregistrement après un contrôle préalable de légalité.

Les règles particulières

La délivrance du récépissé de déclaration d’un parti est subordonnée au respect de mentions, déclarations et dépôts obligatoires.

Les mentions obligatoires : conformément à l’article 2 de la loi 81-17 du 6 mai 1981, les statuts d’un parti, politique doivent obligatoirement mentionner l’engagement de respecter la constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.. La non identification du parti à une race, à une ethnie, à une religion, à une langue, à une région, doit apparaître clairement dans les statuts.

Les déclarations obligatoires : prévues par l’article 3 de la loi 81-17, ces déclarations sont au nombre de deux :

La déclaration sans délai de toute modification apportée aux statuts ;

La déclaration annuelle, au plus tard dans les 8 jours suivant la date anniversaire de la délivrance du récépissé, des prénoms, noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration.

Les dépôts obligatoires : les partis politiques doivent déposer chaque année, au plus tard le 30 janvier, le compte financier de l’exercice écoulé. Ce compte doit faire apparaître que le parti ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations, des dons et legs de ses adhérents ou sympathisants nationaux ainsi que des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations lucratives. Cette disposition interdit aux partis de recevoir directement ou indirectement des subsides de l’étranger (même émanant d’un national) ou d’étrangers vivant au Sénégal.


Les conditions de fond

Elles sont relatives au respect du jeu démocratique et à la non identification des partis à des intérêts sectoriels.

Le respect des règles du jeu démocratique

Les partis politiques sont des institutions de consolidation de la démocratie. Leur action doit être orientée vers le renforcement des valeurs fondamentales de la démocratie. Ils doivent en conséquence inscrire leurs programmes et stratégies de conquête, d’exercice et de conservation du pouvoir dans la perspective de l’idéal démocratique. Cette obligation recouvre l’aménagement d’une concurrence loyale entre les partis et l’adhésion de ceux-ci aux valeurs démocratiques du régime politique.

L’aménagement d’une concurrence loyale : l’action partisane repose sur une compétition sincère et loyale des partis politiques pour la conquête et l’exercice du pouvoir. Pour éviter des manœuvres frauduleuses ou dolosives, l’article 2 alinéa 3 de la loi 81-17 interdit à un parti de prendre l’appellation d’un parti ayant déjà reçu son récépissé de déclaration. Il ne peut non plus se servir pour sa propagande des titres ou slogans déjà utilisés par un autre parti.

L’adhésion aux valeurs démocratiques du régime : l’article 4 de la constitution sénégalaise consacre formellement des valeurs politiques fondamentales que les partis politiques sont tenus de respecter. Ces valeurs politiques concernent le respect de la constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

L’article 4 de la loi du 12 octobre 1989 modifiant la loi 81-17 explicite la portée de l’engagement en définissant « un véritable code de conduite  des partis politiques» . On trouve dans ce code le respect des caractères républicain, laïc et démocratique de l’Etat des institutions de la République, de l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire national et de l’unité de l’Etat, de l’ordre public et des libertés publiques.

L’interdiction des partis sectoriels

Au respect des règles du jeu démocratique s’ajoute l’interdiction faite aux partis politiques de s’identifier à des intérêts sectoriels. En effet, les intérêts pris en charge par les partis politiques doivent être des intérêts généraux et non particuliers. Cette clause limitative prévue par l’article 4 de la Constitution est aménagée par l’article 1 alinéa 2 de la loi 81-17 modifiée. Cette prohibition s’inscrit dans la perspective du renforcement de l’intégration nationale dont le processus de gestation n’est pas encore arrivé à terme. Le constituant cherche ainsi à exorciser les particularismes locaux en cherchant à préserver l’unité nationale dans le cadre du respect de l’égalité de toutes ses composantes. C’est en application de cette disposition que les partis d’obédience religieuse ainsi que les partis régionaux ou régionalistes ne sont pas légalement reconnus au Sénégal.

Le régime du récépissé

Il revient au ministre de l’Intérieur de délivrer le récépissé de déclaration des partis politiques. La délivrance du récépissé est de droit, ainsi que le prescrit l’article 4 de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981. Le ministre est tenu de le délivrer dès lors que le parti politique a respecté les conditions de forme et de fond prévues par la réglementation. Le récépissé doit comporter la citation des dispositions de l’article 12, alinéa 2 de la constitution prohibant « les groupements dont le but ou l’activité est contraire aux lois pénales ou dirigé contre l’ordre public ». il doit en outre être fait mention dans le récépissé de l’article 2 de l’article, alinéa 1 de la loi 81-17 modifiée (respect des valeurs républicaines) et de l’article 812 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales (le contrôle de la légalité des partis politiques). Le refus d’enregistrement ne peut intervenir que pour des motifs de droit. Ce refus doit être motivé et peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant la Cour suprême (art. 812, al.3 COCC).

L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES ACTIVITES DES PARTIS POLITIQUES

Le régime politique sénégalais aménage un statut juridique permettant aux partis politiques de diffuser leurs programmes et de véhiculer leurs messages. Des droits leur sont reconnus mais sur eux pèse en permanence la menace de dissolution.

Les droits des partis politiques

Les partis politiques jouent un rôle fondamental dans l’expression et la consolidation de la démocratie. Ils participent à l’expression du suffrage, encadrent les élus et procèdent à l’éducation de leurs militants. Animant les institutions étatiques ou cherchant à les contrôler, les partis politiques doivent jouir d’un statut fixant leur cadre d’action et leur conférant des droits à coté des obligations auxquelles ils sont soumis. Le régime politique sénégalais reconnaît des droits fondamentaux aux partis politiques.

Le droit d’exister

La constitution sénégalaise proclame solennellement en son article 4 le pluralisme politique qui permet à tout parti politique de jouir d’une existence légale indépendamment de la formation politique qui contrôle l’appareil d’Etat. Cette constitutionnalisation du pluralisme s’oppose à l’instauration sous quelque forme que ce soit du parti unique sur tout ou partie du territoire national et le protège de toute menace existentielle émanant du législateur ou du pouvoir exécutif.

Le droit de s’opposer

Ce corollaire du pluralisme est reconnu aux partis politiques par le préambule de la Constitution qui fait de l’opposition « un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ». L’article 58 garantit aux partis politiques qui s’opposent à la politique du Gouvernement le droit de s’opposer. Le constituant renvoie cependant à une loi, non votée à ce jour, la définition du statut de l’opposition, notamment les droits et devoirs qui leur sont reconnus dans le régime politique.

Le droit de gouverner 

Le principe de la démocratie pluraliste est le gouvernement de la majorité sous le contrôle de l’élection et l’arbitrage du peuple. En application de ce principe, la majorité exerce le pouvoir d’Etat à travers la majorité parlementaire de laquelle émane le gouvernement. Dans les démocraties pluralistes contemporaines la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, n’est plus envisagée sous un angle organique entre un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif distincts mais sous un angle fonctionnel entre la majorité qui exerce le pouvoir d’Etat sous le contrôle de l’opposition. La détention du pouvoir d’Etat qui est un pouvoir de légiférer, de déterminer la politique de la nationale et de la mettre en œuvre se trouve dès lors concentré entre les mains de la majorité politique qui dispose légitimement du pouvoir de gouverner.

Le droit de mener normalement les activités politiques 

Le parti politique doit se trouver dans un environnement institutionnel favorable pour exercer ou conquérir le pouvoir politique. Il a le droit et le devoir de se structurer administrativement, de disposer de moyens financiers et humains de nature à lui permettre de mener ses activités statutaires, de former ses militants et d’encadrer ses élus. Il doit participer au déroulement du processus électoral tant dans les différentes commissions électorales (inscription, distribution, bureaux de vote, commissions de recensement) dans le règlement des différends électoraux et contribuer ainsi à la sincérité et à la légitimité  des conditions de dévolution du pouvoir politique. C’est dans ce cadre qu’un statut doit formellement leur être aménagé, comme c’est le cas de nombre de pays africains : Mauritanie, Mali, Bénin, RD Congo, etc.)

Le droit d’accès aux médias 

Les droits des partis politiques trouvent leur prolongement dans l’accès équilibré aux moyens de communication de masse, en particulier aux médias publics et privés. En effet, les partis politiques ne peuvent concourir effectivement à l’expression du suffrage que s’ils sont en mesure de diffuser leurs programmes.

L’accès des partis politiques sénégalais aux médias d’Etat est expressément prévu par l’article 9 de la loi 89-26 du 12 octobre 1989 modifiant la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques. Il faut reconnaître que ce droit d’accès n’est pas rigoureusement respecté sous le PS comme sous le PDS. Le CNRA est plus outillé que le HCA mais peine à imposer le pluralisme politique dans les médias publics, mais les mêmes pratiques demeurent.

La dissolution des partis politiques

La dissolution est l’acte par lequel une autorité compétente met prématurément fin à l’existence légale d’une personne morale ou d’un corps organisé. Les partis politiques sénégalais entrent dans le champ des organismes pouvant être dissous.

Les causes de dissolution

Outre les déclarations et dépôts obligatoires ainsi que les conditions de fond qui président à sa constitution, un parti politique encourt la dissolution dans les cas suivants :
L’application d’une disposition statutaire qui a été refusé par le ministre de l’intérieur. Cette disposition fait du ministre de l’intérieur, une autorité politiquement engagée et très souvent un membre éminent du parti au pouvoir, le censeur des actes statutaires souverainement adoptés par les organes compétents d’un parti ;

La méconnaissance, par ses activités générales ou ses prises de position,  des obligations découlant de l’article 4 de la constitution;

La violation du « code de conduite » dont les contours ont été définis par l’article 4 de la loi 89-26 du 12 octobre 1989.

Le régime de la dissolution

La dissolution est prononcée par le président de la république sur rapport du ministre de l’Intérieur. Ce pouvoir de dissolution n’est pas discrétionnaire. Il doit se fonder sur des motifs de droit clairement déterminés par la loi sur les partis politiques et non sur des motifs d’opportunité. En outre le décret est subordonné à un rapport préalable du ministre de l’Intérieur qui est le véritable initiateur de la dissolution. C’est en effet lui qui exerce un contrôle administratif sur l’activité des partis politiques et apprécie les manquements à leurs obligations constitutionnelles.

Le décret de dissolution émanant d’une autorité administrative est juridiquement un acte administratif susceptible d’être attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir devant la chambre administrative de la Cour suprême dans les deux mois suivant sa notification. A défaut de notification, eu égard à son caractère individuel, il peut être attaqué à tout moment, même s’il a fait l’objet d’une publication au journal officiel. Régulièrement saisi, le juge appréciera le bien fondé su décret par rapport aux normes classiques de la légalité : respect des règles de compétence, des formalités substantielles, absence de détournement de pouvoir – ce qui est fréquent dans ce domaine – régularité des motifs de fait et de droit, respect des normes qui composent le bloc de légalité.

En conférant un droit de mort aux partis politiques, droit mis en œuvre par un président de la République, chef du parti au pouvoir, sur l’initiative d’un ministre de l’Intérieur, membre très influent du parti au pouvoir, le législateur soumet les partis politiques à un arbitraire éventuel des auteurs de la dissolution et remet en cause l’égalité de principe des partis politiques dans la conquête du pouvoir. Il est souhaitable à l’instar de nombre de démocraties contemporaines – Allemagne, Turquie, USA, Japon, etc. que le pouvoir de dissolution soit retiré au pouvoir exécutif et confié au pouvoir judiciaire qui nous paraît le mieux à même d’assumer cette délicate mission.

Les partis politiques régulièrement constitués ont vocation à conquérir, à exercer et à conserver le pouvoir politique. Dans les régimes démocratiques, l’effectivité de cette mission est conditionnée non seulement par le respect de la législation y afférente mais aussi par un environnement politique favorable à l’éclosion et à l’expression de comportements, attitudes et valeurs positifs fortement ancrés dans les consciences collectives. Or le cadre juridico-politique du système partisan sénégalais nous semble complètement déstructuré par une politique « libérale » fondée sur l’ostracisme, l’exclusion, l’intolérance et une phobie de tout dialogue politique conduisant ainsi à une ankylose de la vie politique.

1.3. Les réformes souhaitées

Le choix d’un régime politique doit être le fruit de l’histoire informée par les soubresauts et réalités de l’exercice des différents régimes démocratiques.

1.3.1. De la Constitution

La remise en question d’acquis démocratiques démontre la nécessité impérieuse de travailler à l’irréversibilité de certains acquis. La nouvelle Constitution doit affirmer l’intangibilité de :
la République comme forme d’Etat
la laïcité du régime,
l’Etat unitaire décentralisé.

La Constitution doit être stable, consensuelle, concertée, connue par le peuple. Le référendum doit être le seul moyen de l’amender ou à tout le moins, dans des parties clairement indiquées.
Les textes qui nous constituent en tant que nation ayant une volonté commune de vivre ensemble doivent répondre à quatre (4) exigences :

rompre avec le mimétisme des constitutions françaises et occidentales,
prendre en charge ce que notre passé politique nous a légué en termes de bonnes pratiques, en matière de normes démocratiques pour ancrer la constitution dans l’humus culturel du pays,
prendre dans les Constitutions du monde ce qui nous est offert de plus humain, de plus démocratique, de plus progressiste.
avoir une démarche participative impliquant les populations concernées en utilisant leurs langues.

1.3.2. Du régime politique

Après le bref intermède des premiers mois d’indépendance, le régime présidentiel s’accentuant avec le temps a été la norme politique sénégalaise. Ce régime a montré ses limites. Pour refonder l’Etat, les pouvoirs et la République, il est impératif de procéder à une véritable rupture. Même si l’élection du Président de la République au Suffrage universel direct demeure la meilleure manière de conférer au peuple sa souveraineté, il est aujourd’hui impératif de limiter les pouvoirs du détenteur de l’exécutif issu des urnes. L’élection présidentielle est devenue au Sénégal comme presque partout en Afrique, un moment dramatique où s’opposent non des idées et des projets de sociétés mais des hommes, représentants parfois d’intérêts particuliers qui capturent ensuite le pouvoir à leur profit exclusif. La plupart des conflits en Afrique sont nés à la suite d’élections présidentielles. Le Kenya et le Zimbabwe ne sont que les derniers exemples en date. Le président de la république, élu au suffrage universel direct ne doit plus concentrer entre ses mains des pouvoirs excessifs.

Le Régime parlementaire proposé est rationnalisé. La centralité du pouvoir doit revenir au peuple à travers ses représentants au parlement.

Les pouvoirs sont répartis de manière équilibrée entre le pouvoir exécutif, législatif, judiciaire.

1.3.3. De l’Assemblée Nationale

- est dépositaire de la souveraineté et de la volonté du peuple
- vote les lois et contrôle l’action du Gouvernement
- dispose de la motion de censure pour démettre le Gouvernement
- évalue les politiques publiques
- contrôle efficacement l’action du Gouvernement
- contrôle régulièrement l’exécution du budget de l’Etat
- peut déclencher une procédure contre le chef de l’Etat pour haute trahison
- peut interpeller le Président de la République
- doit être multicolore et refléter les différentes sensibilités politiques du pays.
- Les députés doivent avoir un minimum de formation pour exercer cette fonction
- Le monocaméralisme (chambre unique) est proposé, dans les conditions historiques actuelles.

1.3.4. Du Président de la République

- Ses pouvoirs sont clairement définis
- ne doit pas être chef de parti.
- est garant de la souveraineté et de l’intégrité du territoire.
- est le chef des forces armées.
- nomme les ministres sur proposition du PM.
- accrédite et reçoit les lettres de créances
- est élu au suffrage restreint par l’Assemblée Nationale et les représentants des Conseils régionaux et municipaux.
- est responsable devant le collège qui l’a élu
- peut dissoudre l’assemblée nationale mais son mandat est alors remis en jeu
- Le mandat présidentiel dure 05 ans renouvelable 01 seule fois

Les gardes fous :

- des sanctions sont prévues contre le Président de la République en cas de violation de serment par exemple ;
- Fait une déclaration de patrimoine à l’instar du Premier ministre, des ministres et de certains emplois spécifiés

1.3.5. Le Gouvernement
Il comprend le Premier Ministre et les Ministres.
Le Premier Ministre :
- est issu de la majorité parlementaire.
- définit et conduit la politique de la nation
- est responsable devant le parlement qui peut le démettre par une motion de censure.
- propose les membres du gouvernement au PR.
- nomme, concurremment avec le PR, aux emplois civils et militaires définis par une loi organique.
- dispose de l’administration et des forces de sécurité (police et gendarmerie).
- Une loi organique définit le périmètre de ses pouvoirs

1.3.6. Le pouvoir judiciaire

Le pouvoir judiciaire doit être composé de :
- la Cour constitutionnelle, du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et des cours et tribunaux.

La justice constitue un des derniers remparts de la démocratie d’où la nécessité d’avoir :
- Une justice réellement indépendante
- d’élargir les domaines de compétence du Conseil Constitutionnel pour en faire une Cour Constitutionnelle gardienne de la Constitution, de l’esprit de son texte et de son application.
Son Président est élu par ses pairs.
- La Cour Constitutionnelle est chargée du contentieux électoral

- Le nombre de membres de la Cour Constitutionnelle est revu à la hausse

- Elargir la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, en augmentant le nombre des membres élus. Elle sera présidée par le Président de la Cour Constitutionnelle. Le Président de la République y sera représenté ainsi que le gouvernement et l’assemblée nationale.
- Le Conseil supérieur de la magistrature assure la gestion de la carrière des Magistrat du Siège et du Parquet.

- Le parquet n’est plus sous la tutelle du Ministère de la justice

- Le parquet poursuit à l’exclusion de toute injonction gouvernementale.


2.3. Réformes souhaitées

2.3.1. Pour des élections apaisées :

- Donner des bases solides à des élections apaisées en créant un organe indépendant d’organisation des élections avec des compétences en amont et en aval. Ces compétences s’arrêtent là où commencent celles de la Cour Constitutionnelle, à savoir le contentieux juridictionnel.
- Délocaliser l’organisation des élections du MINT vers cet organe qui doit gérer l’ensemble du processus électoral. Cet organe doit jouer un rôle d’arbitre et ne pas avoir de couleur partisane. Il s’occupera de la nomination et de la révocation du personnel devant en avoir la gestion.
L’organe doit être sécurisé sur tous les aspects (juridiques, techniques, financiers, etc.
Une nouvelle loi créant cet organe doit être élaborée en tenant compte des acquis au Sénégal et ailleurs.

2.3.1.2. Inscriptions sur les listes électorales : Obligation pour l’électeur de s’inscrire à son lieu de vote, en respectant la loi électorale qui parle, en son article L.31, de « domicile réel », au sens de domicile politique.

2.3.1.3. Circonscription électorale :

Dessiner la circonscription électorale, en fonction du type d’élection :
- Pour les élections nationales, la circonscription se situe au niveau des départements.
- A l’étranger, il existe la représentation diplomatique ou consulaire.
- Les règles de participation aux élections sont les pour les partis et les indépendants.
- Pour les élections locales, la circonscription électorale est la collectivité locale de base (commune ou communauté rurale).

2.3.1.4. Fichier électoral doit être géré par l’autorité de régulation à créer (voir point 1.

2.3.1.5. Calendrier des élections

Le respect strict du calendrier républicain est la règle ainsi que le stipule le protocole de la CEDEAO signé à Dakar en décembre 2001 qui stipule : « les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la constitution ou les lois électorales ».

2.3.1.6. Revoir le Code électoral : Il doit être audité et réformé notamment en réexaminant toutes les modifications unilatérales. Il doit être le fruit d’un consensus fort entre les forces politiques et celles de la société civile.
Mettre dans le code électoral la recommandation de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en matière de règles du jeu électoral et l’assortir de sanctions.
L’article 2 du protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001, sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnelle au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, stipule : « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (06) mois précédent les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. »

2.3.1.8. Contentieux juridique :

Il doit être du ressort de la Cour constitutionnelle.

2.3.1.9. Evaluation du système électoral :
Evaluer le processus après chaque élection et évaluer l’ensemble du système électoral tous les dix ans doit être une règle.

2.3.1.10. Candidature libre aux élections:
Généraliser la possibilité de la candidature libre, en créant les dispositions nécessaires pour chaque élection.

2.3.1.11. Mode de scrutin 
Retenir le scrutin de liste :
-Liste nationale et liste départementale accepter les listes indépendantes.
-Le mode de scrutin doit combiner la reconnaissance de la candidature libre à tous les niveaux et le scrutin de listes.
-Le scrutin préconisé est celui de la proportionnelle locale et les gains à ce niveau sont reportés au niveau du scrutin proportionnel régional.

NB : La préférence de la commission est la proportionnelle intégrale et considère qu’à défaut d’un tel mode de scrutin, la meilleure clé de répartition est 3/5 des postes pour la proportionnelle et 2/5 pour la majoritaire.

2.3.1.12. Statut de l’élu : définir le statut de l’élu qu’il soit parlementaire ou conseiller en lui garantissant une protection matérielle, morale et juridique de l’élu dans l’exercice de son mandat.

Tout député qui démissionne de son parti ou de la coalition qui l’a fait élire perd son mandat.

2.3.1.14. Vote des militaires et paramilitaires :

La commission déplore le caractère unilatéral de cette mesure de grande portée électorale mais estime difficile de revenir sur un « acquis démocratique » fondé sur le droit inaliénable de tout citoyen à exercer son droit démocratique de choisir les dirigeants qui auront la charge de le diriger.

2.3.1.15. Le cautionnement

La caution fixée à 25 millions CFA pour l’élection présidentielle et 15 millions pour les élections législatives constitue un obstacle censitaire à la participation électorale.

2.3.2. Vie et rôle des partis politiques

Les acteurs politiques devraient s’entendre avant tout sur une définition consensuelle et avoir une vision partagée de ce qu’est un parti politique.

Réforme du régime des partis

Le cadre juridique des partis politiques doit être profondément revu et adapté à la lumière des expériences vécues depuis la réinstauration du multipartisme et des expériences positives des autres systèmes partisans. Partant du constat que la loi de 1981 a été élaborée et adoptée avec une certaine précipitation mettant en lumière ses insuffisances et lacunes, force est alors de reconnaître la nécessité de corriger ses imperfections, d’y apporter des innovations tout en maintenant les acquis positifs. Dans l’ensemble, la réforme du régime des partis devrait tourner autour des conditions de création des partis pour éviter cette profusion tant décriée par les acteurs politiques, de la protection des libertés publiques intimement liées à l’activité des partis politiques et de la préservation de l’autonomie de gestion des partis politiques dans leurs rapports avec le ministère de l’Intérieur.

Conditions de création des partis politiques

La multiplication exponentielle des partis politiques soulève des inquiétudes sur la viabilité du système partisan, eu égard à l’anarchie qui caractérise le paysage partisan et à l’absence de structuration des partis. Des solutions radicales allant dans le sens de la limitation autoritaire des partis politiques sont avancées.

Historiquement des systèmes politiques africains avaient expérimenté la limitation des partis politiques selon des modalités variables.

Le Sénégal avait institué un tripartisme entre 1976 et 1978 et un quadripartisme de 1979 à 1981. Cette limitation était le fait d’abord du législateur et ensuite du constituant. Elle était autoritaire et arbitraire dès lors qu’on faisait peser sur les partis reconnus l’obligation de se référer à des courants idéologiques prédéterminés.

La Haute Volta avait également expérimenté une limitation à trois du nombre des partis de 1978 à 1981. Seuls les trois partis arrivés en tête des élections législatives étaient autorisés, les autres devaient se fondre dans les partis existants ou disparaître purement et simplement. Ce procédé était plus démocratique car la limitation était l’expression de la volonté du peuple qui à travers les voix exprimées décidait en dernière instance des partis devant exister.

Sur le principe, nous considérons que la limitation des partis politiques est anti-démocratique. Les partis lilliputiens ne constituent nullement une menace au système démocratique sénégalais. Il existe une foultitude de petits partis aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, pays pourtant considérés comme des berceaux du bipartisme. Ces partis n’empêchent nullement ces deux systèmes politiques de fonctionner selon la logique du bipartisme, à savoir la réduction de l’exercice du pouvoir aux deux principales formations.

En conséquence, nous considérons que le législateur ne devrait voter aucune loi allant dans le sens d’une limitation autoritaire des partis politiques. Il devrait faire confiance aux lois du marché politique pour les structurer dans un sens plus conforme aux aspirations de la société
Ce droit d’exister de tous les partis politiques ne s’oppose pas à un encadrement plus rigoureux des conditions de création des partis afin d’éviter une prolifération incontrôlée des partis politiques. Au demeurant, en se basant sur la définition empirique du parti politique des politologues La Palombera et Wiener, le législateur pourrait envisager une double exigence en sus des règles générales de constitution des partis.

L’exigence de viabilité: nombre de partis politiques n’ont aucune matérialité car dépourvus du minimum organisationnel comme, par exemple, un simple siège social et a fortiori une bureaucratie. Or, le parti étant une organisation administrativement structurée dotée de ressources humaines, matérielles et financières, l’autorité chargée de délivrer le récépissé pourrait s’assurer de la crédibilité de la structure postulante par rapport à ses aménagements et équipements. L’enquête de police devrait privilégier l’existence matérielle au détriment du parcours de ses dirigeants.

L’exigence d’un seuil de représentativité nationale: le parti étant une organisation nationale avec des ramifications locales, le législateur pourrait imposer aux partis en création d’administrer la preuve de leur représentativité nationale en instituant un système de parrainage similaire à celui des candidatures indépendantes aux élections nationales. La demande pourrait être accompagnée de la signature d’un nombre requis d’électeurs répartis dans toutes les régions ou un nombre représentatif de régions.

La protection des libertés publiques intimement liées aux partis politiques

Les partis politiques sont les principaux protecteurs et en dernière instance bénéficiaires des droits politiques dont la finalité est d’assurer la participation des citoyens à l’expression du suffrage et à la conquête, l’exercice et la conservation du pouvoir politique. Etant des vecteurs extrêmement sensibles de la démocratie, les partis doivent évoluer dans un environnement juridique sécurisé où la part d’arbitraire doit être ramenée à sa portion congrue. Or les partis politiques sénégalais butent souvent sur des obstacles juridiques dont profite le parti au pouvoir dont l’instrument d’action dans ses rapports avec les autres partis est le ministre de l’Intérieur. Ces partis naissants sont souvent confrontés à des lenteurs administratives occultant dès fois une volonté de l’administration de poser des obstacles à un parti dont l’action peut gêner le pouvoir en place. Le droit à la marche, qui apparaît comme une innovation majeure du constituant de 2001 apparaît comme une chimère du fait des entraves souvent irrégulièrement portées à son exercice. Enfin, la dissolution qui est la seule sanction prévue par la loi sur les partis, politiques est une véritable épée de Damoclès qui menace constamment l’existence juridique des partis politiques sénégalais.

En vue de garantir un environnement juridique sécurisé aux partis politiques, le législateur sénégalais devrait alléger le régime du récépissé, préciser l’étendue et les limites du droit à la marche et aménager un régime gradué de sanctions.

Le régime du récépissé : la délivrance du récépissé sanctionne la reconnaissance légale d’un parti. La loi de 1964 réglemente strictement la procédure de dépôt et de délivrance du récépissé de déclaration d’un parti politique. La délivrance est de droit après une simple vérification des conditions de création d’un parti politique. Dans les faits, le ministère de l’intérieur s’est arrogé un véritable pouvoir lui permettant de retarder ou de bloquer la délivrance d’un récépissé. Nous avons vu par exemple que le FNS attendait vainement son récépissé jusqu’à ce qu’il soit dissous alors que la dissolution logiquement devrait frapper des organisations juridiquement existantes. Pourtant, l’administration étant tenue de délivrer le récépissé, sa non délivrance, à l’expiration d’une période de 4 mois équivalant, selon les principes généraux du droit administratif, à une décision implicite de rejet ouvrant droit à un recours pour excès de pouvoir. Les partis n’étant pas enclins à user de cette voie de droit, l’administration tire profit de leur méconnaissance de la légalité ou de leur inertie pour se conférer des prérogatives implicites lui permettant d’autoriser ou de refuser la création d’un parti. Le législateur devrait simplement apporter des précisions au régime juridique du récépissé. Conformément aux principes fondamentaux régissant le droit des libertés fondamentales, tout ce qui n’est pas formellement prohibé étant autorisé, la non délivrance du récépissé après l’expiration d’une période de 4 mois emporte reconnaissance du parti politique demandeur. Ce faisant, le législateur oblige l’administration à prendre clairement ses responsabilités.

Le droit à la marche pacifique : ce droit fondamental, remonté au rang constitutionnel par l’article 10 de la Constitution du 22 janvier 2002, est soumis au régime de la déclaration préalable. A la différence du régime préventif où l’administration autorise préalablement l’exercice d’une liberté, le régime de la déclaration préalable repose essentiellement sur l’information et la publicité. La déclaration vise à informer l’autorité ainsi que les tiers de l’exercice d’une liberté. L’administration est confinée à un rôle passif dans la mesure où il n’est attendu d’elle aucune décision d’approbation. La seule limite constitutionnelle à la marche pacifique est qu’elle ne doit pas porter atteinte à l'ordre public. La pratique administrative de la marche pacifique a travesti ce régime de la déclaration préalable en un régime préventif de l’autorisation préalable. Cet état de fait est la conséquence de l’indétermination du cadre d’exercice de cette marche. La constitution se limitant simplement à consacrer ce droit, il revient au législateur de fixer les règles essentielles permettant d’exercer effectivement ce droit fondamental.

L’aménagement du régime gradué de sanctions : la loi sur les partis ne prévoyant que la dissolution comme unique sanction pouvant être prononcée à l’encontre des partis politiques, il convient d’aménager des sanctions graduées allant des amendes pécuniaires à la dissolution en passant par la suspension.

Les pénalités ou les privations d’avantages financiers consentis aux partis politiques pourraient sanctionner le non dépôt des rapports financiers, l’absence de notification des modifications statutaires ou la violation éventuelle de la législation sur le financement des partis politiques.

La suspension fait perdre temporairement la capacité juridique à un parti politique. Elle pourrait être prononcée en cas de trouble à l’ordre public, d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens ou de violation grave des lois et règlements en vigueur.

La dissolution peut sanctionner les partis politiques coupables d’atteintes à la sécurité interne ou externe du pays, à l’indépendance nationale, à l’intégrité territoriale ou des partis recourant à des procédés anti-démocratiques de conquête ou de conservation du pouvoir.

L’indépendance des partis politiques du gouvernement

De par ses prérogatives, le ministre de l’Intérieur est le véritable épicentre du système partisan sénégalais. Il gère au quotidien l’activité des partis politiques et dispose de ressources juridiques et politiques très étendus lui permettant d’être informé en permanence des activités et des ressources des partis et, le cas échéant, d’enclencher une procédure d’anéantissement d’un parti. Avec un tel ordonnancement juridique, un ministre de l’Intérieur, partie prenante du processus d’exercice et de conservation du pouvoir par le parti au pouvoir, est naturellement tenté de détourner les pouvoirs juridiques à des fins purement partisanes. Aussi, à défaut d’avoir un ministère de l’intérieur arbitre, régulateur, ne serait-il pas indiqué de détacher la gestion des partis de ce ministère pour la confier à une autorité indépendante en mesure d’arbitrer et de réguler tout le processus partisan ?

En sus du retrait de la gestion au quotidien des partis politiques, le ministère de l’Intérieur ne devrait pas disposer d’un pouvoir de sanction des partis politiques. La dissolution ne devrait plus être l’apanage du pouvoir exécutif qui est l’émanation politique des partis de la majorité parlementaire. A l’instar de nombre de démocraties pluralistes la dissolution devrait ressortir à la juridiction constitutionnelle qui est chargée de la régulation normative du régime politique. Le tribunal constitutionnel de la RFA a eu à prendre une décision de dissolution du parti communiste allemand en 1955. Tout récemment, la Cour constitutionnelle de Turquie a rejeté un recours visant la dissolution du PKK, parti islamique au pouvoir.

L’avantage de la dissolution judiciaire est qu’elle émane d’une autorité indépendante située au-dessus des contingences politiques. En outre, la dissolution peut frapper indifféremment les partis de la majorité et ceux de l’opposition. La loi pourrait alors déterminer la procédure de saisine du juge et les cas d’ouverture de la dissolution des partis politiques.

Si la dissolution est judiciaire, les autres sanctions (pénalités ou suspension) peuvent conserver leur nature administrative mais devront être prononcées par l’autorité indépendante de régulation. La sanction devra alors faire l’objet d’une notification et peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction compétente.

LE RENFORCEMENT DES CAPACITES D’ACTION DES PARTIS POLITIQUES

La revisite de la loi sur les partis politiques devra se prolonger par des actions visant à rendre les partis politiques plus aptes à assumer la mission qui leur est dévolue. Ils doivent évoluer dans un environnement politique propice à une expression sereine du pluralisme politique. Il s’agit essentiellement de concrétiser les règles du jeu démocratique par l’adoption d’un véritable code de conduite, la mise en place d’un dispositif garantissant la sincérité et la transparence du jeu politique et, enfin, l’institutionnalisation d’une autorité de régulation de la démocratie.

Le code de conduite

Les nouvelles démocraties fonctionnent sur la base d’un code de conduite qui est en quelque sorte un « gentlemen agreement politique» élaboré sur une base consensuelle et fixant un minimum de règles partagées et respectées par les acteurs politiques. Le code de conduite n’est pas un acte juridique adopté et sanctionné dans les mêmes conditions que la loi. Il s’agit d’un condensé de principes politiques et de valeurs éthiques que les partis s’engagent à respecter dans les rapports qu’ils entretiennent entre eux d’une part, avec les institutions d’autre part et les différents acteurs sociopolitiques enfin. Ce faisant, il contribue à cultiver des rapports civilisés entre les protagonistes du jeu politique et à aménager des procédés alternatifs de règlement des différends politiques.

La démocratie pluraliste renvoyant à l’exercice du pouvoir d’Etat par la majorité sous le contrôle de l’opposition, les rapports entre les deux principaux protagonistes du jeu politique devront reposer sur des principes et valeurs permettant à chaque acteur de jouer sa partition démocratique. A la majorité de gouverner à travers le pouvoir d’Etat qui emporte un pouvoir de détermination et de mise en œuvre de la politique nationale. La majorité dispose à cet effet de tous les attributs et toutes les ressources de l’Etat. Ce pouvoir n’est cependant ni illimité ni arbitraire. Il s’exerce dans le cadre du respect de la légalité et des valeurs fondamentales qui sous-tendent la démocratie. La majorité devra respecter l’opposition qui présente un caractère d’utilité publique en démocratie dans la mesure où elle modère les ardeurs de la majorité et constitue une alternative au pouvoir en place. Les valeurs de tolérance, de respect et de courtoisie réciproques entre les acteurs politiques véhiculées par la démocratie devraient être de mise dans les rapports entre la majorité et l’opposition. Le droit de gouverner de la majorité devra être reconnue et respecté par l’opposition. Inversement la majorité devra respecter le droit pour l’opposition d’exister, de s’opposer et de prétendre conquérir le pouvoir d’Etat. La contrepartie des droits de l’opposition est l’obligation de ne pas porter atteinte aux institutions républicaines, à l’indépendance nationales ou à la forme républicaine de l’Etat et d’utiliser des moyens licites et pacifiques pour participer à la vie politique de la nation.

De manière générale, les libertés constitutionnelles d’expression, d’opinion et de marcher ne devraient connaître aucune entrave. Un régime d’immunité limitée pourrait être aménagé pour éviter des procédures judiciaires intempestives dirigées contre les chefs de partis pour les opinions exprimées dans l’exercice de leur fonction. Le législateur pourrait à cet égard donner une plus grande effectivité au statut de l’opposition constitutionnellement consacré mais politiquement neutralisé du fait de l’absence d’une loi d’application.

Le dialogue et la concertation devraient être permanents entre les acteurs politiques et les institutions. Ainsi qu’il le fait avec les syndicats, le patronat, les ruraux, entre autres, le président de la République pourrait organiser une rencontre annuelle avec les leaders de partis politiques pour décrisper le jeu politique et cultiver de larges plages de convergences sur les valeurs fondamentales de notre système politique.

La sincérité et la transparence du jeu politique

La sincérité et la transparence du jeu politique en tant que facteurs de renforcement des capacités d’action des partis politiques passent par l’adoption d’une législation sur le financement de la vie politique, en particulier le financement des campagnes électorales et des partis politique.

Le financement de la vie politique est le plus grand dénominateur commun des démocraties pluralistes contemporaines. Seuls chypre, le Luxembourg et la Suisse n’ont pas encore de législation sur le financement alors que les fonds publics constituent la principale ressource financière des partis politiques en Allemagnes, en Belgique, en Espagne, en France, en Italie et en Scandinavie. En Afrique subsaharienne, nombre d’Etats ont adopté une législation sur le financement : Mali, Bénin, Niger, RDC, Gabon, Cameroun.

Le financement de la vie politique permet aux partis politiques de s’acquitter de leurs missions d’intérêt général, en même temps qu’il autorise les citoyens à s’arroger un droit de regard sur l’origine et la destination de l’argent des partis politiques. Il contribue enfin à réduire les inégalités entre les partis de la majorité qui ont souvent recours aux moyens de l’Etat et ceux de l’opposition. La traçabilité des ressources financières serait ainsi assurée à travers l’instauration d’un système de contrôle des comptes des partis politiques.

L’absence d’une législation sur le financement encourage les financements occultes et autres dérives des partis de la majorité. Les salaires versés aux chefs de la CAP 21 et les dotations en riz qui leur sont allouées ne peuvent, en l’état actuel du droit sénégalais, faire l’objet d’aucune sanction. Les autorités bénéficiaires de fonds politiques peuvent en effet puiser en toute impunité dans leurs ressources budgétaires pour allouer discrétionnairement des fonds à leurs partisans. Le financement occulte ne saurait être invoqué là où il n’existe pas de législation fixant des règles précises de financement assorties de sanctions. Une législation sur le financement des partis politiques contribue ainsi à renforcer les capacités d’action des partis, à réduire les inégalités entre la majorité et l’opposition devant le suffrage, et à clarifier les rapports entre l’argent et la politique par la mise en place d’un dispositif permettant de contrôler l’origine et la destination des ressources des partis et de sanctionner certains travers liés à la politique et à l’argent.

L’Autorité de régulation de la démocratie

L’étreinte du ministère de l’Intérieur sur le déroulement du jeu démocratique devrait être desserrée. Ce ministère de souveraineté étant juge et partie du jeu politique, les rapports entre les acteurs politiques courent le risque d’être déséquilibrés. Aussi, la sécurisation de l’environnement des partis politiques dans les démocraties encore en construction requiert-elle l’institutionnalisation d’une Autorité indépendante chargée de réguler le jeu démocratique dans son entièreté. L’Autorité devrait disposer d’une indépendance existence et d’une autonomie fonctionnelle vis-à-vis du gouvernement et avoir les moyens de cette indépendance.

L’Autorité qui peut être collégiale (commission) ou unipersonnelle devrait prendre en charge tout le processus démocratique incluant tout le processus électoral, à l’exception du contentieux juridictionnel, et toutes les affaires afférentes aux partis politiques (création, déroulement des activités, sanctions éventuelles à l’exception de la dissolution qui serait judiciaire). Cette Autorité serait ainsi le principal surveillant, le protecteur, le contrôleur et en même temps l’interface entre le ministre de l’Intérieur et les partis politiques pour tout ce qui a trait à l’exercice des libertés publiques, notamment le droit à la marche pacifique ou la sécurisation des manifestations des partis.

L’Autorité pourrait également prendre en charge le dialogue républicain à travers des concertations périodiques entre les partis politiques. L’exception Sénégalaise doit beaucoup à la concertation qui a permis de décrisper la crise politique en 1988, de doter le Sénégal d’un code consensuel en 1992, d’évaluer et de réformer le système électoral sénégalais en 1997. C’est ce consensualisme politique qui a permis l’alternance démocratique en 2000. Pourquoi ne pas séculariser le dialogue politique à travers l’institution d’une autorité régulatrice qui pourrait amener les acteurs politiques à la table des négociations dès lors que les circonstances politiques l’exigent ? Le Sénégal pourrait, une fois de plus, faire œuvre de pionner en explorant ce nouveau champ de la régulation démocratique.

II. GOUVERNANCE LOCALE ET CADRE D’EXPRSSION CITOYENNE

Depuis plusieurs décennies, le Sénégal a opté pour une décentralisation territoriale progressive et prudente, mais désormais irréversible.
Cette décentralisation vise à :
- donner aux collectivités locales des compétences propres distinctes de celles de l’Etat ;
- faire élire leurs autorités par les populations ;
- assurer un meilleur équilibre des pouvoirs sur l’ensemble du territoire.
Les collectivités territoriales créées à cet effet disposent d’une personnalité morale, d’un pouvoir de décision, d’une autonomie administrative, d’un personnel propre et des biens et services propres.

La décentralisation sert ainsi à mettre les politiques publiques au plus près des besoins des citoyens, rapproche le processus de décision des citoyens et favorise l’émergence d’une démocratie de proximité.

Au regard des nombreuses revendications et conflits identitaires qui se développent dans plusieurs pays africains, la décentralisation, au-delà de ses missions classiques, contribue à la recherche d’une solution durable à la crise de l’Etat-Nation africain.

Le processus de décentralisation du Sénégal accompagné d’un mouvement parallèle de déconcentration a commencé avant 1960 avec la création des 4 communes. A l’indépendance en 1960, 33 communes de plein exercice sont crées.

En 1972, la décentralisation s’étend au monde rural avec la création des communautés rurales (loi 72-25 du 19 avril 1972).

En 1990, on assiste à un renforcement de la démocratie locale avec le transfert de l’exécution du budget de la communauté rurale du sous-préfet au président du conseil rural et la suppression du statut spécial des communes chefs-lieux de région et du poste d’administrateur municipal.

En 1996, de nouvelles compétences sont transférées, et sont créées la région, la commune d’arrondissement. Cela, s’accompagne de la suppression de la tutelle et du remplacement du contrôle à priori par le contrôle à posteriori.

Des principes de base sous-tendent la décentralisation :
- respect de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire ;
- égale dignité des collectivités locales ;
- libre administration des collectivités locales ;
- bonne gouvernance locale (participation, respect des droits des minorités, transparence, responsabilité) ;
- équilibre entre décentralisation et déconcentration ;
- meilleure répartition des sphères de décision ;
- principe de subsidiarité ;
- contrôle à posteriori aménagé ;
- principe de participation (art.102 de la Constitution).

Malgré ces progrès, la gouvernance locale montre des signes d’essoufflement. Essentiellement adossée aux principes de la démocratie représentative, la gouvernance locale subit les effets pervers du modèle. La théorie de la représentation est de plus en plus battue en brèche par des populations qui revendiquent une participation accrue dans la gestion des affaires locales. La pauvreté et la mal gouvernance dans les institutions publiques (les collectivités locales notamment) rendent conflictuelles les relations entre les administrés et les autorités locales.

1- Architecture institutionnelle et organisation administrative

1.1. Etat des lieux

Le Sénégal est subdivisé en collectivités territoriales de différents ordres :
régions ;
communes ;
communes d’arrondissement;
communautés rurales ;

En l’état actuel, le pays compte 11 régions, 110 communes, 43 communes d’arrondissement et 320 communautés rurales. Les nouvelles créations issues de la réforme de 2008 ne sont pas encore prises en compte, parce qu’elles ne sont pas encore dotées d’assemblées ; même si la loi les a déjà créées.

Quand cette réforme sera formalisée, le Sénégal comptera 14 régions, 340 communautés rurales, 150 communes.

Les collectivités locales, CL, sont composées de conseillères et de conseillers élus pour partie au scrutin majoritaire et pour partie au scrutin proportionnel (scrutin mixte) sur proposition des partis politiques légalement constitués. Elles s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel (art.1er CCL).

Les CL sont dotées des compétences générales de droit commun et des compétences d’attribution (loi 96-07 du 22 mars 1996) suivantes :
domaines ;
environnement et gestion des ressources naturelles ;
santé, population et action sociale ;
jeunesse, sports et loisirs ;
culture ;
éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et de la formation professionnelle ;
planification ;
aménagement du territoire ;
urbanisme et habitat.

Les mécanismes tels l’intercommunalité et les ententes communautaires sont très peu exploités par les collectivités locales. Ainsi, on ne note pratiquement pas de rapports entre elles.
Les rapports entre les élus locaux et les agents de l’Etat sont marqués par une certaine condescendance de ces derniers envers les premiers cités.


1.2. Les problèmes identifiés

1.2.1. Au plan administratif

On note une certaine frénésie de l’Etat dans la création de nouvelles régions collectivités locales sans une véritable étude préalable. Cette explosion institutionnelle va aboutir à un saucissonnage du territoire en petites entités territoriales, sans aucune viabilité sur le plan économique.

Au plan social, cela génère des remous permanents au niveau local et engendre des conflits.
Au plan administratif, ces découpages causent aux populations de sérieuses difficultés dans la recherche de papiers administratifs.

Imprécision des limites

Les limites des communes ne sont pas matérialisées. La loi définit ces limites par des critères géographiques, sans aucune précision sur le point de repère. Du fait de l’imprécision dans la définition des limites territoriales des CL, plusieurs conflits de compétence sont relevés, notamment à Dakar (entre les communes d’arrondissement, entre les communes de Bargny et de Rufisque concernant la territorialité de la SOCOCIM).

Absence de cadastre rural

L’absence d’un cadastre rural pose un problème quant à la maîtrise du foncier rural. Les limites des communautés rurales n’étant pas maîtrisées, il est pratiquement impossible de déterminer avec précision l’assiette des impôts.

Règlements inadaptés

Le règlement intérieur des collectivités locales constitue une simple reprise de celui de l’Assemblée nationale. Il en résulte des difficultés d’application.

1.2.2. Au plan politique

Mode de scrutin injuste

Le mode de scrutin mixte introduit une certaine injustice dans la composition des conseils des CL. Par les mécanismes du système majoritaire, un parti peut disposer d’une majorité écrasante au Conseil et dicter sa loi, alors même qu’il ne dépasse ses concurrents que de quelques voix.

Interdiction de candidatures indépendantes

La loi électorale dispose que seuls les Sénégalaises et Sénégalais ayant acquis la majorité, jouissant de leurs droits civiques et présentés par un parti politique légalement constitué peuvent faire acte de candidature dans le cadre des élections locales. Cette disposition restrictive des droits des citoyens constitue un sérieux obstacle à leur participation à la gestion de leur cité. Par ce canal, des personnes ressources de qualité sont écartées de la gestion locale par le simple fait qu’elles ne sont pas membres de partis politiques.

Immixtion de l’Etat

L’Etat s’immisce de manière quasi permanente dans le fonctionnement des CL. A ce jour, presque toutes les CL contrôlées par des opposants au régime sont placées sous délégation spéciale (Conseils régionaux de Diourbel et de Dakar, Conseil municipaux de Thiès et de Bambey, etc.) sous le prétexte de « fonctionnement bloqué de manière durable ». Dans d’autres cas, c’est des enjeux fonciers et / ou politiques qui ont poussé l’Etat à intervenir (cas de Malicounda et Mbour). Dans la majeure partie des cas, cette procédure de mise sous délégation spéciale a été engagée en violation flagrante des dispositions du CCL. Ainsi, le Conseil Régional de Diourbel est placé sous délégation spéciale permanente.
Les mandats actuels des élus locaux ont été prorogés par la simple volonté du pouvoir en place sans consultation préalable des mandants.

1.2.3. Au plan de l’étendue des compétences transférées

Les compétences transférées sont en deçà des attentes des acteurs locaux. Les neuf (9) compétences sont insuffisantes et en plus, les domaines ne sont jamais entièrement transférés. Il en est ainsi de la santé où le personnel est géré par l’Etat. Il en est de même dans le domaine de l’Education.

Les acteurs locaux souhaitent voir leurs compétences étendues en matière d’hydraulique, des mines et des carrières.

Il est à noter que l’Etat a transféré de manière uniforme les compétences, sans tenir compte des niveaux de développement différenciés des CL. Cette situation fait que certaines compétences ne sont pas exercées par les CL faute de moyens.

1.2.4. Au plan du partenariat

A l’exception de l’entente CADAK / CAR et l’intercommunalité entre Joal et Fadiouth, on note une quasi absence de partenariat entre les CL sénégalaises. Les relations avec les CL du Nord dans le cadre de la coopération décentralisée sont privilégiées sans pour autant que dans ce domaine, les résultats soient à la hauteur des espérances du fait d’un manque de maîtrise des mécanismes (mais également de certains blocages liés à l’absence de statut) par les élus locaux. Cette quasi absence de coopération entre collectivités voisines laisse subsister les problèmes de gouvernance soulevés.

1.3. Réformes souhaitées

Pour résoudre ces différents problèmes, la commission recommande des réformes pour améliorer sensiblement la gouvernance locale. Il s’agit entre autres de :

Créer un Haut Conseil des collectivités locales sous la forme d’une instance consultative, disposant d’un pouvoir de proposition, y compris la saisine du Conseil constitutionnel pour une initiative de loi. Ce conseil ne pourra en aucune manière, être dissous avant le terme normal de son mandat.

maintenir la région comme cadre de programmation du développement régional en la redimensionnant sur la base de critères économiques, socioculturels, administratifs pertinents. Il faudra veiller à bâtir une région économiquement et sociologiquement viable et la doter d’un territoire propre. Sa prééminence sur les autres ordres de CL est nécessaire. Il faut un redécoupage des régions en entités plus viables pour favoriser un développement équilibré. Décentralisation, découpage territorial et foncier sont des éléments qui doivent aller ensemble pour créer les synergies nécessaires. Dans le découpage, il faut veiller à ce que l’étude de polarisation intègre à la fois les aspects économique et administratif. Sinon, on crée des charges de recherche de dossiers administratifs assez lourdes pour les populations. 
Une réforme donnant des compétences économiques à la région s’impose. La région devra être le lieu de coordination des priorités locales et de partage des ressources. L’Etat doit favoriser la génération de ressources propres par la région ; celles-ci proviendraient des activités qu’elle développe à partir des nouvelles compétences cédées. En effet, en dehors des compétences régaliennes, toutes les compétences gardées par l’Etat doivent être partagées avec la région (Exemple : Agriculture /vulgarisation agricole et distribution des semences peuvent être confiées à la région) ;

Supprimer, réduire ou rationaliser le nombre des communes d’arrondissement. Par exemple, il peut ne pas y avoir de commune d’arrondissement à Rufisque ;

délimiter de manière précise les communautés rurales et procéder à leur bornage ;

mettre en place un cadastre rural pour une meilleure maîtrise du foncier rural ;

initier une réforme agraire en vue d’une exploitation plus rationnelle (sur le plan économique) des terres

initier une réforme du foncier urbain en vue de favoriser une urbanisation harmonisée ;

transformer toutes les communautés rurales en communes rurales. Ce changement de statut permet aux nouvelles communes rurales de bénéficier d’affectations plus consistantes en matière de dotation ;

élargir les compétences d’attribution des CL et différencier les compétences à transférer en fonction du niveau de développement. Il faudra néanmoins, en vertu du principe de l’égale dignité des CL, penser à mettre en place des pôles de développement pour vaincre les inégalités entre CL ; 

autoriser les candidatures indépendantes (des listes indépendantes à côté des listes des partis) aux élections locales, afin de renforcer la démocratie locale ;

adopter la proportionnelle intégrale comme mode de scrutin

dans le cadre du fonctionnement normal des conseils élus des collectivités locales, il devrait être envisagé la possibilité de la prise en compte, face à ces nouvelles légitimités démocratiques, des anciennes légitimités locales dans le but d’une meilleure maîtrise des conflits, susceptibles d’entacher le processus de bonne gouvernance locale.

réécrire le Code des collectivités locales ;

lutter contre la pauvreté et l’analphabétisme en mettant en place un Plan National d’Eradication de l’Analphabétisme financé à partir du budget national (augmenter de manière substantielle les ressources allouées au sous secteur de l’alphabétisation et de l’Education non formelle).




II – Cadre d’expression de la citoyenneté participative

La démocratie apparaît comme une aspiration plus que comme un projet réalisé. La représentation peut être un écran qui empêche le peuple, considéré comme souverain de s’exprimer. Il existe une revendication constante pour éviter les médiations abusives et rendre la parole à ceux qui sont concernés. La légitimité de l’ordre social dépend de l’efficacité des institutions (atténuation de l’égoïsme des dirigeants), des mécanismes de socialisation et des processus correcteurs du pouvoir. On parle de plus en plus de démocratie participative. Le concept de démocratie participative n’implique pas nécessairement la suppression de la représentation nationale ou locale, mais il le fait coexister avec des processus décisionnels caractéristiques de la démocratie directe. En ce sens, la notion de démocratie participative recouvre des organisations à mi chemin entre la représentation et l’auto gestion.

Le cadre d’expression de la citoyenneté qui découle d’une telle logique vise la participation pleine et entière du citoyen à la gestion des affaires de sa collectivité.

La participation désigne des tentatives de donner un rôle aux individus dans une prise de décision affectant une communauté.

La décentralisation dite territoriale repose sur le principe de bonne gouvernance locale qui vise notamment à donner un pouvoir effectif aux citoyens par :
- l’ouverture dans sa gestion (transparence)
- l’obligation de reddition des comptes de sa gestion (accountability).
- la participation, c’est-à-dire, la possibilité offerte aux citoyens, de prendre part aux processus de prise de décisions, aux programmes et activités touchant leur vie quotidienne.

Transparence, obligation de rendre compte et participation sont des caractéristiques fondamentales de la bonne gouvernance.

La transparence intègre le fait de présenter les questions publiques de façon accessible et compréhensible de sorte que lorsque les citoyens choisissent de participer, ils puissent le faire en citoyens informés, dans une langue et un langage qui garantissent l’authenticité et la qualité de l’information.

Une autorité publique doit pouvoir rendre compte de sa gestion. Elle est jugée à travers ce qu’elle fait et le citoyen a le droit de savoir ce que fait l’autorité à qui il a donné mandat d’exercer le pouvoir.
Le degré de participation des citoyens est un élément fondamental qui permet de définir et de déterminer ce qui est une bonne gouvernance. Sans participation, il ne peut y avoir de transparence crédible encore moins de reddition des comptes devant les citoyens.

2.1. Etat des lieux

La décentralisation crée des pouvoirs locaux et renforce la démocratie locale.
Au Sénégal, le cadre juridique de la participation est organisé à travers l’article 102 de la constitution du 7 janvier 2001 qui dispose : « les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques »
En outre, et aux termes de l’article 3 de la loi 96-06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales,
« …. Elles (les collectivités locales) associent en partenariat, le cas échéant, à la réalisation des projets de développement économique, éducatif, social et culturel, les mouvements associatifs et groupements à caractère communautaire ».

Les citoyens peuvent assister aux réunions des conseils élus sans toutefois pouvoir prendre la parole si on ne la leur donne pas, faire des propositions relatives au développement de leur localité, demander la communication de documents aux autorités locales (à leurs frais) et demander aux représentants de l’Etat d’exercer leur contrôle de légalité.

Le système prévoit aussi, à tous les échelons de l’administration territoriale et locale, une participation qui se traduit par des organismes consultatifs auprès des autorités administratives et composés des représentants des élus locaux et des forces économiques et sociales : conseil régional, conseil départemental, conseil d’arrondissement ; des structures de coordination et de concertation : comité régional, départemental et local de développement (C.R.D., C.D.D., C.L.D.).

Outre ces structures officielles, des cadres de concertation existent et qui sont initiés par différents programmes. Nous citerons comme exemple le Comité de Coordination et de Gestion (CCG), initié par le Programme National d’Infrastructure Rurale (PNIR)-actuel PNDL-Ce cadre réunissait des représentants de différents comités de gestion, d’OCB, d’élus locaux. Il était présidé par le PCR.

2.2. Les problèmes identifiés

Les structures n’ont pas réussi à garantir une participation pérenne des populations car le fonctionnement des organes délibérants officiels est très irrégulier d’une part, et les cadres analogues au CCG sont des cadres ad hoc qui disparaissent avec les programmes. En réalité ce ne sont pas des cadres d’expression d’une citoyenneté participative au sens politique de renforcement ou de promotion de la démocratie locale.

La pauvreté et l’analphabétisme venant renforcer cette carence institutionnelle, nous nous trouvons devant une situation qui nécessite de l’innovation en matière de gouvernance ; car, le problème de fond est celui-ci : la gouvernance locale marche avec un pied (le gouvernement local). L’autre pied (la société civile locale) qui, en réalité, est sa raison d’être, est tout simplement coupé. Il n’existe pas de société civile locale suffisamment formée, informée et organisée pour faire entendre sa voix et défendre ses droits tout en s’acquittant de ses devoirs. C’est cela le vrai défi à relever par les assises.

Comment garantir l’expression citoyenne dans les collectivités locales ? Il est universellement établi que les mécanismes institutionnels de participation directe des citoyens fonctionnent mieux là où les citoyens sont déjà organisés. Donc le facteur le plus important c’est d’organiser les citoyens et non de créer des institutions par le haut.

Il est intéressant à ce stade de l’analyse d’introduire le concept de « capital social » inhérent à la construction d’une société civile efficace, à la lumière de l’ouvrage de Robert Putnam : Making democracy work : civic traditions in modern Italy / Princeton University Press. Le capital social, c’est le degré d’organisation de la société civile fondée sur des liens horizontaux entre les associations. Putnam montre dans cet ouvrage, en prenant l’exemple sur la décentralisation à l’italienne, que les sociétés civiles les mieux organisées sont plus aptes à créer des gouvernements plus efficaces et inversement, un gouvernement efficace a tendance à encourager l’existence de société civile épaisse « thick civil society » fonctionnant en réseaux.
C’est que la vie associative produit beaucoup de bien en termes de partage de valeurs telles que la solidarité, la confiance et l’état d’esprit public et que plus les réseaux horizontaux sont denses, plus la coopération entre les citoyens devient facile.

Une société civile forte est nécessaire pour le renforcement de la démocratie.

2.3. Les réformes souhaitées

Au vu des différents problèmes identifiés, un certain nombre de réformes sont nécessaires. Il s’agit entre autres de :

Mettre en place un cadre formel et pérenne d’expression de la citoyenneté qui pourrait prendre la forme d’un Observatoire de la Gouvernance Locale ou « Maison du citoyen ».

Aujourd’hui, associations spécialisées dans le plaidoyer, mouvements de solidarité, Organisations non gouvernementales de développement et autres groupes d’intérêts diffus s’activent dans le règlement de conflits de tous genres et dans la lutte contre la pauvreté. Ces actions, il est vrai, sont importantes mais trop verticales et leur visibilité et leur impact restent limités par le caractère extraverti et souvent élitiste des leaders et acteurs de ces groupes générés par une dynamique urbaine.

Bâtir une société civile locale dense dans les collectivités locales constitue, à notre sens, une étape fondamentale dans la création d’un cadre d’expression de la citoyenneté participative. Et cela ne doit pas être envisagé de manière abstraite, mais à partir d’une volonté de créer une entité citoyenne capable de défendre ses droits socio-économiques.

Par exemple, les citoyens peuvent être organisés à partir d’une thématique opérationnelle : le budget participatif. Ainsi, le processus de planification participative (réalisation de PLD duquel on extrait le PAI) qui conduit à l’élaboration des budgets, doit en même temps permettre de recenser les organisations communautaires de base actives au niveau local. Organisées en réseaux thématiques, elles sont dotées d’un siège opérationnel qui est un dispositif de veille sur la gouvernance, un observatoire de la gouvernance locale (OGL). A l’image des maisons de l’Etat (gouvernance, préfecture et sous préfecture) et des maisons des élus locaux (hôtel de région, hôtel de ville, hôtel communautaire), on créerait une Maison du citoyen devant servir de cadre permanent à la mise en réseau de la société civile et à l’expression de la citoyenneté.

L’Etat enrichirait ainsi son patrimoine bâti local d’un cadre de rencontres et de dialogue entre acteurs du développement, en le réalisant soit par ses propres moyens, soit en collaboration avec les partenaires au développement ;

Renforcer le capital social par la mise en réseau et le renforcement des capacités des Organisations de la Société Civile (OSC)

Au Sénégal, la crise permanente vécue à tous les niveaux est d’autant plus grave que les citoyens semblent totalement désarmés devant l’inexistence d’une société civile compacte. Dans sa forme actuelle, la SC sénégalaise n’a pas encore atteint la maturité et le degré d’organisation qui lui permette de jouer son rôle de contrepouvoir et de se positionner en tant que force de proposition ;

Instituer dans le cadre du contrôle citoyen de l’action publique (CCAP), un processus de budgétisation participatif qui met en présence, dans le cadre d’une négociation, l’exécutif de la CL, le président de la Commission des Finances de la CL et les représentants d’un Comité Local de Concertation (CLC), l’organe de gestion de l’observatoire dans lequel siègent les différents acteurs locaux.

Institutionnaliser la mise en place d’OGL au niveau du siège de chaque CL pour favoriser la concertation entre acteurs de la gouvernance locale (représentants de la CL, représentants de l’Etat, représentants des OSC, représentants des organismes intervenant au niveau de la collectivité). L’initiative des espaces citoyens d’interpellation démocratique (ECID) qui a été expérimentée avec succès au Mali pourrait être répliquée au Sénégal avec pour objectif d’élargir et de consolider le cadre d’expression de la citoyenneté tel que proposé dans le cadre de la « maison du citoyen ».

Mettre en place un mécanisme de communication participative. En effet, pour assurer une bonne gouvernance locale qui suppose naturellement une gestion efficace et efficiente des ressources de la communauté et requiert une participation consciente de tous les citoyens, il s’avère indispensable de renforcer les capacités des membres des collectivités concernées, pour leur permettre de prendre en charge leur propre développement. Comment atteindre cet objectif dans un contexte de pauvreté, dans un milieu d’épuisement ou d’inexistence même des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins fondamentaux des citoyens et pour stimuler le développement ? C’est toute la problématique de la participation citoyenne. Elle s’inscrit dans une démarche appropriative par les communautés des ressources du milieu, avec le soutien et la participation des collectivités décentralisées, avec l’appui des animateurs sur le terrain et de celui des intervenants communautaires.

Dans cette perspective, la communication participative se présente comme un outil de travail efficace pour assurer la participation des citoyens. La communication participative permet notamment :

de discuter des problèmes et des pratiques de gestion des ressources naturelles (ou de tout autre secteur de développement) ;
de cerner et d’analyser les problèmes et les besoins et d’en déterminer la priorité ;
de concevoir et d’implanter des initiatives de développement concrètes pour remédier à ces problèmes ;
d’acquérir les connaissances nécessaires pour implanter ces initiatives ;
d’évaluer et de faire le suivi des efforts fournis et de planifier les prochaines étapes.
Parmi les moyens et outils de la communication participative, on peut citer : les discussions de groupe ou rencontres-débats, les séances de visionnement public, les techniques de recherche participative, les jeux de rôles, les visites personnelles, les visites guidées, les ateliers, les expositions, les médias de groupe, les affiches et bannières, les enregistrements vidéos, les médias de masse, les journaux locaux, la télévision, l’Internet.
Tout ce mécanisme s’inspire du modèle de participation communautaire tel que proposé par la FAO.

III – Les ressources des collectivités locales

Nous avons opéré une distinction entre les ressources humaines, les ressources matérielles et les ressources financières.

3.1. Etat des lieux

3.1.1. Ressources humaines

A l’exception de la ville de Dakar, on note un déficit de ressources humaines en nombre mais surtout en qualité au niveau des CL sénégalaises. Cette situation découle en grande partie de leur situation d’indigence, mais également de la loi qui interdit aux CL de recruter certaines catégories de personnel. Le profil de recrutement des personnels des CL est de manière générale très bas. Ces derniers sont placés dans une situation précaire. Ils ne disposent pas d’un plan de carrière et souffrent d’un déficit de formation. C’est le cas notamment des assistants communautaires chargés d’administrer la communauté rurale.

On note l’absence d’une Fonction Publique locale qui aurait permis la rotation (par le canal des affectations) des personnels des CL et ainsi, faire bénéficier à celles qui sont moins nanties de l’expertise disponible au niveau national.

3.1.2. Ressources matérielles

Manque d’équipements

Le niveau d’équipement des CL (tout comme des services du commandement territorial au niveau rural) ne milite pas en faveur d’une administration de développement. L’utilisation d’ordinateurs et autres équipements informatiques est assez marginale, notamment dans les Communautés rurales (CR).
Dans les sous-préfectures, les registres d’état-civil sont entassés à même le sol à la merci des intempéries (termites, humidité, etc.).

Manque d’infrastructures

Certaines CL ne disposent pas encore de siège (même si la situation est en train de s’améliorer dans le cadre des réalisations du PNIR / PNDL). Toutefois, les choses risquent de s’aggraver avec la création de CL tous azimuts.

Dans les collectivités locales, l’enclavement est la chose la mieux partagée du fait d’une mauvaise politique d’aménagement du territoire. De manière générale, le développement local est handicapé par des problèmes de disponibilité et de praticabilité des infrastructures routières. Le cas de la Casamance (parmi tant d’autres est assez symptomatique des mauvais choix stratégiques en matière d’aménagement du territoire). Il en résulte au plan économique et social des paradoxes inexplicables en matière de développement.

Maîtrise insuffisante du domaine et du cadastre

Dans la gestion du domaine, les autorités locales font assez souvent face à des contraintes liées au défaut de maîtrise des dispositions de la loi 64 – 46 du 17 juin 1964 portant loi sur le domaine national et de la loi 76 – 66 portant Code du domaine de l’Etat. S’y ajoute le fait que les limites territoriales des CL ne sont pas précises ; d’où les conflits d’interprétation des dispositions relatives au découpage territorial.

Le cadastre qui va de pair avec les domaines n’a pas fait l’objet de transfert. Le cadastre rural n’existe pas.

Par le canal de la Convention type d’utilisation des services extérieurs de l’Etat, les autorités locales recourent aux compétences des agents des services déconcentrés de l’Etat pour les lotissements et restructurations opérés dans leur périmètre territorial. La convention étant gérée par le gouverneur, cette situation ne manque pas parfois de poser des problèmes d’ordre pratique liés aux distances.


3.1.3. Ressources financières

Budgets dérisoires

La CL sénégalaise est indigente de manière générale. Par rapport à l’étendue de ses missions, le budget de la CL est dérisoire. Le budget de la région est exclusivement composé par la dotation.

Le budget de la CR est essentiellement constitué de la taxe rurale qui est faiblement recouvrée de manière générale.

Du fait de la faiblesse des investissements en matière d’infrastructures et équipements marchands et de la non maîtrise de l’assiette, les ressources propres des communes sont assez faibles.

Coopération décentralisée non maîtrisée

Il s’agit d’une part, de la non maîtrise par les élus locaux des mécanismes de la coopération et d’autre part, des difficultés d’obtention de visas.

3.2. Problèmes identifiés

Mauvais fonctionnement des CL découlant de l’absence ou d’un déficit d’administration. On note également une mauvaise gestion des ressources humaines. La clientèle politique constitue une part importante dans les effectifs des CL. La non informatisation des services de l’état civil et du budget (dans beaucoup de cas) donne lieu à des abus fréquemment relayés à travers la presse.

Manque de motivation des élus découlant du défaut de statut. L’élu local ne dispose pas de couverture médicale ni de retraite. Sa fonction ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à l’exception des présidents.

Au plan judiciaire, ils sont justiciables devant les tribunaux de droit commun et selon les procédures applicables, sans aucun privilège de juridiction.

Non satisfaction de la demande sociale découlant principalement de la faiblesse des moyens disponibles  mais également du déficit de communication entre les autorités locales et les administrés. Les priorités en matière d’investissement ne sont pas négociées. La non visibilité des actions entraîne une rupture de confiance entre les élus et leurs mandants et progressivement, un désintéressement des populations par rapport aux affaires de la collectivité. Sans planification participative préalable, le développement local reste une vue de l’esprit.

Financement du développement local par l’Etat du fait de la faiblesse des budgets des CL. Par le canal des dotations et des fonds d’investissement (Fonds de concours, Fonds d’équipement des CL), l’Etat assure essentiellement leur financement.

Insuffisance des concours financiers de l’Etat

L’étude réalisée en 1996 sur le fonds de dotation de la décentralisation pour accompagner les CL avait retenu trois (3) hypothèses (85 milliards en hypothèse haute, 65 milliards en hypothèse moyenne et 45 milliards en hypothèse basse). Dans la réalité, ce que l’Etat donne au titre du fonds de dotation ne fait même pas le 1/5 du montant retenu dans l’hypothèse basse. En plus de sa faiblesse et de sa limitation à quelques domaines de compétences (Santé, Education, Jeunesse et sports...), la dotation arrive en fin d’exercice. La CL fait alors face à la nécessité de voter une autorisation spéciale pour accepter la dotation. Cette dotation ne tient pas compte des besoins réels des collectivités locales. Il n’y a ni concomitance ni compensation ni équivalence.

Le Fonds d’Equipement des Collectivités Locales (FECL) constitue 2 à 3 % seulement de la TVA que l’Etat affecte aux collectivités locales.

Le Fonds de concours permet aux collectivités locales de réaliser des investissements et de libérer les fonds de contrepartie dans le cadre des projets et programmes. Dans le cadre du PNDL, le fonds de concours destiné aux CL a été retenu pour constituer la contrepartie de l’Etat dans ce programme. Maintenant, une autre contrepartie est exigée aux CL. Cela pose un problème de cohérence dans l’intervention des bailleurs.

Absence d’autonomie financière des CL

La fiscalité locale est une fiscalité de l’Etat appliquée aux CL. L’Etat effectue le travail d’évaluation et de collecte de l’impôt en rapport avec les chefs de village. La chaîne fiscale est centralisée. Dans la situation actuelle, les présidents des exécutifs des CL sont écartés de la procédure de détermination de l’assiette et de l’établissement des rôles. Tout est décidé par le gouvernement.

3.3. Réformes souhaitées

Au vu des problèmes identifiés, la Commission suggère un certain nombre de réformes à entreprendre. Il s’agit entre autres de :

décentraliser la signature de contrats types d’utilisation des services de l’Etat en attendant la mise en place d’une véritable fonction publique locale

mettre en place une Fonction publique locale ;

doter l’élu local d’un statut ;

élaborer un Plan National de Renforcement des Capacités des personnels des CL ;

relever le FECL jusqu’à 10% de la TVA ;

initier une réforme foncière pour une privatisation à hauteur de 25% des terres situées en zone de terroir (avec une préservation des zones classées) ;

doter les CL d’une fiscalité locale propre tout en décentralisant la chaîne fiscale. C’est le premier élément de réponse pour permettre aux CL de disposer de ressources financières. 

revoir le principe de l’unicité de caisse en vue de rendre autonomes les CL.

Créer une Agence nationale pour l’investissement des collectivités locales comme mécanisme de mobilisation, de centralisation et de redistribution équitable de toutes les ressources disponibles. Elle aura également pour vocation de participer avec les autres acteurs, au suivi et à l’évaluation des politiques et des programmes mis en œuvre.


IV. garantie de l’exercice effectif des droits humains, citoyenneté et pluralisme social

I. La garantie de l’exercice effectif des droits humains

Les droits humains, naturellement sont très étendus et liés à l’activité humaine dans la société et à travers les âges. L’évolution humaine et les luttes pour la protection de la vie humaine ont abouti petit à petit à formaliser les droits de l’être humain et la nécessité de leur protection absolue.

Le phénomène de violation des droits humains n’est pas propre à l’Afrique, Il a effectivement bien existé dans tous les continents. Mais, au fur et à mesure de l’évolution de l’humanité, des hommes et femmes se sont dressés d’une manière informelle au début, contre le non respect de la dignité et de la vie humaine. Ensuite, sous une forme plus élaborée, à travers des organisations politiques, civiles et des personnalités du monde de la culture et des arts avec l’appui des peuples, ont commencé à exiger auprès de ceux qui détenaient le pouvoir temporel, la prise en charge effective des droits fondamentaux de l’être humain. A cet effet, l’élaboration de constitutions qui définissent des institutions chargées de veiller au respect et à la protection des droits humains, sans aucune discrimination dans l’ensemble de la société, est devenue une revendication fondamentale. L’exigence de la défense des droits de l’homme, est aujourd’hui, une nécessité absolue pour tout individu quel qu’il soit. Il s’agit des droits attachés à chaque individu en tant qu’être humain et ils sont inaliénables et imprescriptibles. Ils découlent de revendications contre l’arbitraire et l’injustice et permettent à l’individu de vivre en toute liberté et dignité dans sa société, conformément à la déclaration des droits de l’homme du 10 décembre 1948.

Le Sénégal souffre aussi, des violations par le pouvoir, non seulement des droits de l’homme.

1.1. Etat des lieux

1.1.1. Constitution

Dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001 et dans les proclamations, figurent tous les principes universels d’égalité entre les citoyens, de justice sociale et de démocratie. Cette constitution en vigueur, qui fait l’objet de multiples révisions et violations de la part du Pouvoir vise plus à capter les préoccupations économiques et sociales des citoyens, ainsi que leur soif de droit et de liberté, mais non pour les appliquer effectivement à la lettre et au bénéfice des citoyens.

En son article 8, elle traite des libertés et droits, garantis aux citoyens dans les moindres détails, mais tout ceci, a été verrouillé et soumis à condition par cette Phrase qui conclut l’article 8 : « Ces libertés et ces droits s’exercent dans les conditions prévues par la loi. »

1.1.2. Justice

L’alignement des droits et libertés de manière détaillée et en bonne place dans la constitution ne constitue pas une garantie suffisante de l’exercice effectif des droits humains. L’Etat du Sénégal bien qu’ayant signé toutes les conventions internationales, interdisant les atteintes aux droits et libertés des citoyens, ne respecte pas ses engagements. La tutelle pesante de l’Exécutif sur le pouvoir judiciaire fait problème.

1.1.3. Comité sénégalais des droits de l’homme

Au chapitre des Institutions et Organes de Protection, relevons que le Comité Sénégalais des Droits de l’Homme régi par la loi 97-04 du 10 mars 1997 est confronté à de sérieux problèmes alors qu’elle doit, en tant qu’organe indépendant, pouvoir jouer un rôle important dans la gestion des droits humains, conformément aux principes de Paris.

Les activités du Comité font l’objet de rapport périodique (tous les ans) à présenter devant le président de la République mais malheureusement depuis 05 ans, cette présentation n’a pas eu lieu.

Le Sénégal doit aussi satisfaire à l’examen périodique universel prévu en février 2009 par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

1.1.4. Inapplication des dispositions de la Charte Africaine sur la Démocratie, les élections et la bonne gouvernance.

La charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance, qui stipule clairement, qu’à six (6) mois des élections, il est formellement interdit de procéder à toute modification relative à la loi électorale et à la constitution par les Etats membres, n’a été ratifiée que par deux membres. En plus, cette disposition est fréquemment violée. Alors, à quoi servent des institutions communautaires qui coûtent cher aux peuples, dont les directives et les recommandations, ne sont observées ni dans l’esprit ni à la lettre, par la plupart de ses membres ? Pourquoi, il n’a pas été prévu des modalités de sanction à l’encontre des Etats membres qui contreviennent à ces directives et recommandations ?

Il en est des organisations africaines comme des organisations internationales. Toutes laissent impunément les Etats violer les droits des populations sans presque jamais de réaction.

1.1.5. Les inégalités comme système de violation des droits de l’homme.

Les inégalités de fait, au plan social, économique, politique et culturel, par une discrimination, conduisant à l’exclusion d’une bonne partie des citoyens, de la gestion des affaires publiques, au profit d’une minorité semble devenir un système de violation des droits humains en expérimentation.

Egalement, une bonne frange de la population est privée d’accès à des services sociaux de base, tels que : l’eau, l’électricité, les soins de santé, l’éducation de base etc. Toutes ces inégalités, participent dans une large mesure aux violations de l’exercice effectif des droits humain.

1.1.6. Citoyenneté et Education à la Citoyenneté

La citoyenneté ne se définit pas uniquement du point de vue juridique par la possession de la nationalité du pays et de ses droits civils et politiques. Elle se définit aussi aujourd’hui comme une participation à la vie de la cité. Cependant les citoyens n’ont aucun rôle obligatoire à jouer, ce qui fait que le statut juridique de citoyen est un statut de liberté. Un citoyen peut choisir de participer (citoyen actif) ou non (citoyen passif) à la vie publique.
Le citoyen actif est celui qui non seulement participe à la vie de la cité, mais exerce aussi son droit de vote. En votant ou en se faisant élire, le citoyen apporte sa contribution majeure à la société en faisant valoir son point de vue et en cherchant à influer sur la vie nationale. Ce rôle actif du citoyen ne se limite pas seulement au droit de vote, mais le citoyen peut jouer de façon quotidienne un rôle important dans la société en tentant de faire évoluer cette société dans laquelle il vit. Ainsi il peut adhérer à une association, un syndicat ou un parti politique.
Les termes citoyen et citoyenneté ont fait leur apparition en Afrique noire avec la colonisation française. Sur une période allant du 19ème siècle à la suppression de l’indigénat en 1946, sur toute l’étendue du territoire colonial français en Afrique noire (AOF et AEF), les africains étaient répartis en deux catégories :
- Les natifs des 4 communes du Sénégal ou « communes de plein exercice » : Saint-Louis, Dakar, Rufisque et Gorée. Ces personnes étaient considérées comme des citoyens français et jouissaient des mêmes droits que les français d’origine. Leur statut juridique était donc supposé être le même que celui des français.
- Tous les autres habitants du reste du territoire colonial français en Afrique noire, aussi bien ceux vivant au Sénégal que dans d’autres pays, étaient considérés comme des indigènes, donc des citoyens de seconde zone et ne jouissaient pas des mêmes droits que les natifs des 4 communes considérés comme des français. Les indigènes pouvaient même être soumis au travail forcé.
L’éducation à la citoyenneté relevait du rôle de l’Etat qui se chargeait d’enseigner aux ressortissants des 4 communes les notions liées à la citoyenneté telles que:
Le rôle du citoyen dans la cité
Les valeurs attachées à la citoyenneté comme la civilité, la solidarité et toutes les valeurs ayant trait au civisme
L’exercice du droit de vote
La participation à la vie politique et à la compétition électorale avec l’existence de plusieurs partis politiques et une réelle démocratie. Ce qui amena les sénégalais à s’intéresser beaucoup plus tôt que les autres africains à la « chose politique », puisque certains sénégalais votaient déjà depuis 1848.

L’évolution politique du Sénégal est marquée non seulement par une explosion de l’expression partisane à travers un multipartisme illimité mais également par l’émergence et la densification d’un tissu associatif dynamique revendiquant une place importante dans la capitalisation des actions de développement.
Cependant, la citoyenneté étant une donnée encore en construction dans notre pays, il nous faut noter des limites sérieuses dont nous citerons quelques unes :
La faiblesse d’une conscience citoyenne affirmée et organisée
L’ignorance d’une bonne partie des citoyens de leurs droits et de leurs devoirs
Une considération insuffisante de l’intérêt général.
Le manque de respect des citoyens concernant le bien public et de l’environnement exacerbé par les mauvais exemples de mal gouvernance donnés par les autorités
Une insalubrité choquante due à la fois à la mauvaise gestion des ordures par l’Etat et à l’attitude individuelle des personnes.
L’irrespect de beaucoup de libertés des citoyens biens qu’elles soient inscrites dans la Constitution.

1.1.7. Discrimination entre citoyens

Une discrimination dans le traitement des citoyens est aussi constatée dans l’attribution des terres du domaine national, dans l’accès à la propriété foncière et le droit à la terre ou au logement ; la rétention de certains décrets d’application de la loi sur le domaine national est une forme de fraude et d’abus d’autorité, qui pénalise les citoyens des villes mais encore plus lourdement ceux du monde rural. La terre appartenant à ceux qui la travaillent, il est inadmissible de distribuer gracieusement les terres de culture à des ministres, sénateurs, députés, avec titre foncier et financement à l’appui, aux dépens des paysans et éleveurs, pour qui, la terre constitue un outil de travail indispensable.

L’implantation des infrastructures et équipements, presque uniquement dans les centres urbains ou localités privilégiées, divise le pays en zone et citoyens avantagés d’une part et d’autre part, zone et citoyens laissés pour compte.

La situation de certains citoyens, comme les personnes handicapées physiques ou mentales, compte tenu de leur état de citoyen plus vulnérable que d’autres, au-delà du discours, n’est prise en charge par aucune institution spécialisée, pour leur protection et assistance sociale particulière.

1.1.8. La mal gouvernance un terrain propice aux violations des droits et libertés.

La gouvernance de notre pays laisse des régions entières dans le dénuement total et leurs populations avec. La politique de décentralisation qui devait permettre aux collectivités locales de se prendre en charge d’une manière autonome, a été vidée de sa substance par le pouvoir central. Les inégalités sociales entre les populations de Dakar et des autres régions du pays s’aggravent donc. Ce qui accentue la pauvreté et le sous-emploi des jeunes et des femmes dans ces régions démunies en ressources humaines, financières et matérielles. L’exode rural et l’émigration pour la recherche du mieux être s’étendent. Préoccupées par leur survie, les populations pauvres finissent par croire que la lutte pour la défense de leurs droits est finalement un luxe.

1.1.9. La violence et la torture

La violence non sanctionnée encourage l’impunité et inquiète les citoyens. Des cas de violence ont été notés entre les militaires et les membres du Mouvement démocratique des Forces de Casamance. Des décès et disparition de personnes sont déplorées par les familles qui s’emploient parfois seules à retrouver les disparus.

La pratique de la torture s’est banalisée avec l’utilisation des matraques électriques par les forces de police.
Des atteintes aux droits civils et politiques, notamment des violations de la liberté d’expression, de manifestation, de pensée et de réunion se multiplient. Encouragées parfois par l’Etat, elles provoquent des frustrations susceptibles de créer un malaise entre des acteurs appelés à agir ensemble. Les assises nationales elles-mêmes ont fait l’objet de tentatives d’interdiction ouvertes par les autorités et dans certaines localités, les consultations citoyennes se sont heurtées à leur ostracisme.

1.1.10. La Pauvreté

Le niveau de prise de conscience citoyenne des populations est faible dans l’ensemble. Ainsi, malgré toutes les difficultés dues en partie à une pauvreté extrême et à la cherté du coût de la vie, les populations n’arrivent pas encore à se mobiliser en masse pour y mettre fin par une riposte appropriée. Il y a pourtant nécessité pour elles, d’exiger et de réagir avec fermeté, pour le respect de leurs Droits humains fondamentaux, prévus dans la constitution. La pauvreté criarde qui caractérise de plus en plus les populations sénégalaises est dans une certaine mesure l’expression d’une violation des Droits de l’Homme.


1.2. Reformes préconisées

Au regard de qui ce précède il est indéniable que beaucoup efforts restent encore à fournir par le Gouvernement pour l’exercice effectif des droits et libertés des citoyens.

L’exercice effectif des droits humains et la défense des droits de l’homme d’une manière conséquente, dépassent le champ des seuls ONG s’occupant des droits humains. C’est un domaine qui embrasse la communauté toute entière et par conséquent, devrait être pris en charge par l’ensemble des citoyens du pays. Il relève aussi de la responsabilité des organisations politiques, un cadre approprié d’éducation citoyenne et politique, de les prendre en charge dans leurs programmes et luttes quotidiennes, comme tâche permanente, pour imposer une justice sociale plus affirmée et aussi consolider les acquis.

L’Etat est le premier garant impératif du respect et de l’exercice effectif des droits humains exclusifs. Ce rôle primordial qui lui incombe au premier chef, est une obligation qui ne devrait souffrir d’aucune négligence de sa part. Il doit nécessairement s’acquitter de cette charge qui consiste à garantir, à tous les citoyens sans exception aucune, leurs droits au sens large du terme et sans équivoque.

La Société civile, organisée, est aussi un acteur important dans le dispositif de la lutte contre toutes les formes d’atteintes aux droits et libertés des populations.

Il est évident que l’exercice effectif des droits humains est intimement lié à une démocratie véritable, effective. Et quand la démocratie fait défaut, les droits et libertés ne peuvent obtenir aucune garantie contre leur violation, si les populations ne se dressent pas pour les défendre.

Pour améliorer la garantie de l’effectivité des droits humains au Sénégal, il y a lieu :

De renforcer les structures chargées de garantir l’effectivité des droits et les capacités des acteurs.
De permettre au Comité Sénégalais des Droits de l’Homme de s’acquitter de sa mission pour la promotion, la protection des droits humains en le dotant de moyens humains, matériels, techniques suffisants.
d’assurer l’indépendance d’action du Comité conformément aux principes de Paris.
de lutter contre toute ingérence dans l’Administration de la Justice et dans l’Administration en général.
de mettre fin à aux actes d’intimidation et d’harcèlement envers les personnes qui veulent exercer leur droit à la liberté d’expression, d’opinion, de réunion.
de privilégier la participation et la responsabilisation des populations par une meilleure connaissance de leur droit, de leur devoir à travers l’information, l’éducation et la formation en droits humains.
de respecter les obligations et engagements en matière des droits humains dans le respect des dispositions des conventions ratifiées par le Sénégal.
de procéder à une harmonisation des lois internes en lien avec les conventions internationales dont le Sénégal est partie prenante.
Compte tenu de la recrudescence des violences faites aux femmes et aux enfants, violences suivies parfois même de meurtres, il y a lieu de réexaminer les peines prévues.

Faire cesser le traitement inhumain infligé aux talibés par certains maîtres coraniques. Ce phénomène devrait faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’Etat et des parents et nécessite des actions immédiates.

Il est important de souligner et de faire remarquer que pour asseoir un véritable Etat de droit, les citoyens devraient bien comprendre que les droits de l’homme ne sont pas une faveur accordée mais, bien un droit qui fait obligation à l’Etat, de veiller à la garantie de son exercice effectif. Ceci étant, les citoyens doivent se battre conséquemment et avec détermination pour l’exiger et s’opposer à tout pouvoir qui voudrait leur priver d’un droit fondamental.

Les Assises nationales réclament avec force la garantie de l’exercice effectif des droits humains par l’instauration d’un Etat de droit, qui gomme les injustices, les inégalités, les privilèges et autres passe-droits.



V. PLURALISME MEDIATIQUE

Le terme générique de média renvoie à une réalité diversifiée. Les médias sont naturellement de différents types : journaux, radios, télévisions, Internet, aux influences très différentes.

Au Sénégal, la télévision est restée longtemps dominée par le secteur public. Les télévisions privées ont brisé le monopole mais pour l’essentiel elles se focalisent encore, plus sur le divertissement, la culture.

Les journaux sont encore, du fait de l’analphabétisme et à certains égards de leurs coûts, réservés à une élite. Leur influence n’en est pas moins réelle parce qu’ils touchent les décideurs nationaux et le monde extérieur, très important, pour des pays dépendant encore très largement d’apports extérieurs au plan économique et donc politique. Il s’est créé un véritable microcosme politico-intellectuello-médiatique pesant bien plus lourdement que son nombre.

La radio qui a explosé à partir de 1994 est la véritable nouveauté du champ médiatique. S’adressant aux populations dans les langues qu’elles parlent, leur donnant aussi la parole, elle a changé la nature des rapports entre les gouvernants et les administrés.

En particulier l’utilisation des langues nationales a joué un rôle fondamental dans la perception et l’appropriation des concepts et donc des réalités par les populations. La radio a « démocratisé » le discours public.

La presse d’origine étrangère a joué un rôle important. Elle est dominée par les radios et télévisions internationales et des journaux édités en Occident. Leur influence a été fortement altérée par le développement des médias locaux. Les taux d’audience et le nombre d’exemplaires vendus ont baissé dans des proportions très importantes.

On peut affirmer sans risque que le rôle des médias est devenu fondamental dans la démocratie et la bonne gouvernance au Sénégal. Les médias ont réduit de plus en plus le champ de la dissimulation. Tous les gouvernants sont obligés de prendre en compte cette donne. En multipliant les manœuvres pour garder secrètes les indélicatesses ou plus rarement en s’abstenant de certaines manœuvres ou encore plus souvent, en faisant mine de tenir compte de la publicité ainsi faite.

La contribution de la presse concerne presque tous les secteurs, mais l‘on peut citer plus particulièrement l’apport en matière de comportement des hommes publics, de gestion des ressources publiques, de processus électoral, de sauvegarde des droits de l’homme etc.

La situation des médias au Sénégal ne diffère pas de celle de l’Afrique francophone subsaharienne.

Deux secteurs ont connu en Afrique une évolution à nulle autre pareille : les partis politiques et les médias. Le processus de démocratisation qui a commencé avec la décennie 90 s’est traduit par la multiplication des partis politiques et des médias. En France, il y a une dizaine de partis politiques et cinq quotidiens nationaux d’information générale. Dans chacun des pays de l’Afrique de l’Ouest, on dénombre un minimum de cent partis et une trentaine de quotidiens.

Le pluralisme de l’information a été l’une des manifestations de la transition démocratique commencée dans les années 1990 en Afrique de l’Ouest. Le paysage médiatique s’est profondément transformé avec l’apparition de journaux privés qui ont brutalement rompu le monopole public, bientôt suivis par les radios et plus tard les télévisions.

Les médias ne peuvent toutefois pas être considérés comme simple résultat de la démocratisation. Les médias ont aussi été partie prenante du combat démocratique, accélérant le processus quand ils ne le provoquaient pas. Dans plusieurs pays, les médias privés n’ont pas attendu l’avènement de régime plus démocratique pour braver les interdits. Ils ont porté les premiers coups de boutoir aux dictatures en place.

Le rôle des médias n’a toutefois pas été toujours positif. Les pouvoirs en place en ont utilisé certains, généralement les médias publics, pour freiner le processus de démocratisation.


Etat des lieux

1.1. Les médias informent bien

1.1.1. Les chiens de garde

Si l’opinion publique sait que la révision de l’avion présidentiel, La Pointe de Sangomar, a coûté une vingtaine de milliards au contribuable sénégalais, contrairement à la thèse officielle qui prétendait qu’elle avait été financée par des « amis », c’est grâce à un journaliste sénégalais. C’est aussi grâce à la presse sénégalaise que la grave corruption des magistrats a été dévoilée, que le protocole de Rebeuss, du nom de cet arrangement qui a permis la libération d’Idrissa Seck l’a aussi été ou encore les dérives dans la gestion des Industries chimiques du Sénégal et les ventes des actions de la SONATEL que détenait l’Institut de Prévoyance et de Retraite du Sénégal.

Grâce aux médias, les hommes publics sont devenus de plus en plus publics. Ils rendent compte, à leur corps défendant.

Les violations des droits de l’homme sont aussi traquées, portées à la connaissance de l’opinion nationale et surtout internationale et les pressions finissent par avoir raison des plus radicaux.

1.1.2. La veille électorale

Au plan politique également, les apports de la presse sont incontestables. Si en 1996, il a fallu reprendre le vote pour les élections locales dans certains bureaux, l’apparition de radios privées, l’année précédente, n’y était pas pour rien. C’est du reste sur les ondes d’une de ces radios que le ministre de l’Intérieur avait dû évoquer la probabilité de la reprise des opérations dans des bureaux où le vote n’avait pas commencé jusqu’en début d’après midi.

En 2000, la presse n’est pas celle qui a le moins contribué à l’alternance. Sans qu’aucune étude n’en ait encore établi scientifiquement la corrélation, il n’est pas indifférent que le Parti socialiste ait gagné presque partout au Fouta où précisément, il n’y avait encore aucune radio privée.

Acquis menacés

En attendant la disponibilité d’une étude sur la crédibilité des médias au Sénégal, une extrapolation des études réalisées dans des pays limitrophes permet d’avancer que la crédibilité des médias est réelle. Au Nigéria, l’étude sur les médias révèle que la télévision est jugée par plus de 80% des personnes plus crédible que le gouvernement.

En Afrique, les coups d’Etat se jouent invariablement sur le contrôle de la radio nationale. Par la radio, on se proclame roi. Au Sénégal, lors des événements de 1962, le succès final du camp du président Senghor devait beaucoup à la diffusion depuis la station de Rufisque du message du président Senghor alors que les partisans de Mamadou Dia pensaient avoir fait le plus difficile en prenant le contrôle des studios du boulevard de la République.

Néanmoins, au Sénégal, comme en Afrique, les acquis indéniables des médias sont de plus en plus menacés. C’est qu’en la matière, il n’y a pas d’acquis définitifs. Un certain nombre de dérives se font jour, qui les menacent.

Médias d’Etat

Les médias dits d’Etat ont longtemps été en situation de monopole. La justification de ce monopole de fait a été la même que celle pour le monopartisme. La nation, fragile, doit être protégée, les institutions, de création récente, confortées. Le développement aussi, a ses impératifs.

En même temps que se justifiait le parti unique par la nécessité de la construction de l’Etat-Nation, prospérait une notion de « journalisme de développement ». Le journaliste africain se devait de tenir compte de la fragilité des institutions et de travailler à renforcer l’Etat-Nation incarné par le père de la nation. Cela se traduisait par une presse réduite à rendre compte et à magnifier les actions de ce père de la nation.

Ce discours, en apparence pertinent, n’a en fait servi qu’à asservir les médias qui ne sont point de service public. Ils ne sont qu’au service du gouvernement et du parti au pouvoir ou pire, du seul président de la République.

On pouvait penser que le pluralisme et la concurrence ainsi instituée auraient quelque conséquence sur leur fonctionnement. Il n’en a rien été. Hier comme aujourd’hui, la Radiotélévision sénégalaise, l’Agence de presse sénégalaise et Le Soleil sont au service presque exclusif du pouvoir, hormis parfois de timides percées pour les deux dernières citées. Probablement parce qu’elle est jugée plus « sensible », aucun progrès n’est noté en ce qui concerne la RTS. Le journal télévisé est le contre-exemple par excellence. Il est consacré essentiellement aux activités du président de la République.

L’hérésie est poussée jusqu’à la diffusion dans le journal télévisé de reportages réalisés par les attachés de presse des ministres qui se dotent tous de matériel de reportage.

La « sensibilité » de la télévision peut se mesurer au fait que la nomination de son directeur, hier, comme aujourd’hui, est du ressort exclusif du président de la République alors que la nomination des directeurs de l’APS et du Soleil a pu être le fait de ministres.

Le Sénégal, près de cinquante ans après l’indépendance, attend ses médias publics, mis au service de l’intérêt général. Les récents développements en France sur le contrôle des médias par l’Elysée montrent que la question est difficile mais des mécanismes existent, expérimentés avec bonheur par la Grande Bretagne, le Canada, dont les médias publics constituent des références de l’information plurielle, honnête, approfondie.

Aux Etats-Unis, le traitement est autre. Le gouvernement américain n’est pas autorisé à diffuser sur le territoire national. La Voix de l’Amérique et la chaîne de télévision Arabia sont exclusivement destinées au public extérieur avec un souci assumé de propagande.

Régulation sous ordre

Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel du Sénégal est sans doute le plus rétrograde de l’Union africaine. Sans pouvoir, tous ses membres sont choisis par le président de la République en contradiction avec les textes édictés à cet effet par l’UA. Il est aussi l’un des rares à être dirigé invariablement par un magistrat et non par un professionnel des médias.

Le Sénégal est l’un des rares pays au monde où il n’y a aucun critère connu pour l’attribution des fréquences radio et télévision. C’est à la discrétion du seul président de la République. Le CNRA apprend l’attribution en même temps que le grand public.

Libre accès

Au Sénégal, l’accès à la profession de journaliste est libre. La seule condition posée à l’exercice du métier, est de l’exercer puisque est considéré comme journaliste celui qui en tire l’essentiel de ses revenus.

Le journalisme a ainsi tendance à devenir la voie du salut pour ceux qui n’ont pu obtenir ni diplôme, ni qualification et qui peuvent entrer dans le métier comme bénévole ou plus pudiquement stagiaire. Et le salaire que l’organe ne paye pas, il sort bien de quelque part.

Il y a ainsi de plus en plus de journalistes ne comptant pas, études primaires comprises, une dizaine d’années de scolarité. Laissés à eux-mêmes, sans aucun encadrement, ils font un tort croissant à la profession. Quelle sera la crédibilité d’un organe de presse animé par des voisins dont on sait qu’ils l’ont rejoint après avoir échoué partout ?

Le dogme de l’accès libre à la profession, hérité de la législation française, a produit deux logiques contraires. En France, la part des diplômés d’une école professionnelle agréée est passée entre 1990 et 1998 de 8,7% à 43,8% dans les agences de presse, de 10 à 31,8% dans les quotidiens nationaux, de 40% à 57,1% dans les radios nationales.

En Afrique, il a entraîné la réduction croissante des journalistes formés dans les rédactions. Et l’absence de journalistes formés est aggravée par la grande mobilité des journalistes. Quand les journalistes formés et expérimentés n’ont pas changé de métier, ils ne produisent plus dans leur organe, s’orientant vers des tâches administratives, laissant les jeunes prétendants non formés, livrés à eux-mêmes. Il n’y a donc ni formation à l’école, ni formation sur le tas.

Risques identitaires

Il existe aujourd’hui au Sénégal des radios ethniques, religieuses, politiques. Elles appartiennent à une ethnie, à un parti politique ou à tout le moins, à des hommes politiques, à une confrérie religieuse. Tous mesurent le danger d’une telle situation.

Sans aller jusqu'à la radio Mille collines au Rwanda, plus près de chez nous, en Côte d’Ivoire, Reporters sans frontières n’a cessé de dénoncer « le climat de haine et de tension entretenu par une presse partisane ». Le colloque international « Côte d'Ivoire : consolidation d’une paix fragile » organisé par Partenariat Afrique Canada à Ottawa, au Canada les 23 et 24 février 2004 notait que « avant la crise, les médias ont joué un rôle négatif, car ils ont grandement contribué à exacerber les tensions et les conflits latents par la diffusion de fausses rumeurs, tout en ignorant la déontologie de leur profession. Des activistes politiques sont devenus du jour au lendemain des journalistes, transformant ainsi les journaux en caisses de résonance de partis auxquels ils sont inféodés. Une partie de la presse a pris parti pour les forces rebelles et l’autre pour les forces gouvernementales. Au regard d’une telle situation, des forums ont été organisés en vue d’emmener les médias à « désarmer les plumes et les microphones ».

Au Nigeria, un article du journal This day en novembre 2002 après l’élection d’une Nigériane Miss Monde a provoqué la mort de plus de 200 personnes et la blessure de plus de 500 autres à Kaduna.

Le massacre des langues

Le français dans les journaux, toutes les autres langues sur les radios et télévisions sont massacrées et l’on ne sait pas ce que deviendront ces langues dans quelques années. Le professeur Saliou Kandji n’a jamais cessé de s’en indigner en particulier à propos de la traduction du mot virus en wolof par domi djangoro.

Il faut toutefois souligner que les journalistes n’ont pas ce monopole. Récemment, un porte-parole du syndicat de l’enseignement supérieur s’en est donné à cœur-joie comme le dernier des journalistes.

La petite corruption

« L’insuffisance des salaires, doublée du manque de formation et surtout de vocation professionnelle de jeunes rédacteurs venus au journalisme plus par besoin de résoudre un problème d’emploi de manière passagère que par amour du métier, entraîne une omniprésence du journalisme « de commande » où le reporter est rémunéré par l’organisateur de l’événement qu’il va « couvrir ». Cette pratique dite du « communiqué final » ou du « per diem » est tellement répandue que les tarifs sont standardisés : 5 000 F CFA pour une manifestation à Cotonou, 15 000 F CFA si le journaliste doit se déplacer, aux frais des organisateurs, à l’intérieur du pays, écrit, à propos du Bénin, Marie-Soleil Frère, Le Monde diplomatique, aout 2001. Il suffit de remplacer Cotonou par Dakar pour décrire la situation au Sénégal.

La corruption des journalistes, pour appeler les choses par leur nom, prend une place croissante. Cela va du « stagiaire » qui exigera systématiquement le prix du transport sous peine de représailles, au patron de presse qui s’offrira au mieux disant. Les journalistes ne sont certainement pas les plus corrompus. Ainsi que le note la Guatémaltèque Rigoberta Menchú, Prix Nobel de la Paix : « la source principale de corruption est l'exercice du pouvoir, qu'il soit économique, politique ou militaire… L'accession à des fonctions publiques est synonyme de pillage: le poste offre un chèque en blanc et la garantie d'un enrichissement personnel considérable. Ceci est une règle tacitement acceptée par tous ceux qui se déclarent politiciens ».

Manipulation et fausses rumeurs

A condition de mettre la main à la poche, on peut faire « descendre » qui on veut dans beaucoup de journaux. Youssou Ndour a pu chanter avec raison « porter presse ». En quantité, ces dérives représentent une très faible proportion de la production médiatique mais elles sont de plus en plus l’arbre qui cache la forêt des mérites de la presse.

L’explosion médiatique

Au Sénégal, on dénombre plus d’une vingtaine de quotidiens contre cinq quotidiens nationaux d’information générale en France. L’évolution de la presse africaine est singulière. Le nombre de quotidiens y a augmenté de 10,4% en 2004 contre 1,3% en Europe, 4.1% en Asie, 1,1% en Amérique du Sud, 1,4% en Australie et Océanie et baissé même de 0,1% en Amérique du Nord. Cet accroissement inconsidéré est en grande partie responsable de l’état de faillite de la quasi-totalité des organes de presse, privés comme publics. Sans compter qu’il n’y a pas assez de journalistes formés pour les animer.

Il est erroné de penser que la multiplication des organes de presse est signe de vitalité démocratique. Surtout que l’offre d’information n’est absolument pas corrélée au nombre d’organes. Trop souvent, c’est partout la même information, de plus en plus, de simples procès-verbaux. L’information n’est pas traitée, mise en perspective, expliquée, sélectionnée. N’importe quel quidam est fondé à tenir une conférence de presse que tous les médias se feront un devoir de couvrir.

« Mais, si l’on peut s’émerveiller de la multiplicité des quotidiens privés et de la vitalité de la profession, on ne peut que constater, globalement, la faible qualité de la production journalistique. Le contenu des publications actuelles est maigre et dénote les pires faiblesses : traitement partisan de l’information, omniprésence du journalisme institutionnel ou des publi-reportages déguisés, violations constantes de l’éthique et de la déontologie, distorsions dans la présentation des faits » écrit encore Marie-Soleil Frère à propos du Bénin.

Le même constat peut être fait sur le Sénégal et la plupart des pays subsahariens francophones.

Sans compter les évidents problèmes de viabilité qui sont posés car les ressources ne sont pas extensibles à l’infini. La chute drastique des chiffres de vente des journaux est préoccupant à cet égard. Sud au Quotidien atteignait des tirages de 50 000 exemplaires en 1993. Un chiffre de rêve à présent.

Malgré la précarité des médias, le nombre de parutions se multiplie et apparaissent de nouveaux entrepreneurs de presse qui ne sont pas des professionnels de l’information. Il faut s’interroger sur le fait que la propriété des médias échappe de plus en plus aux professionnels de l’information. Quel est l’intérêt pour la presse de ces nouveaux entrepreneurs et pourquoi y a-t-il de plus en plus d’organes de presse ?

Les entrepreneurs économiques ou politiques qui se lancent dans les médias sont en quête, non de profits financiers mais d’influence ou de moyen de combat. Tel homme d’affaires, grâce à ses journaux, aura accès à des cercles de pouvoir auxquels il n’aurait jamais eu affaire. Les cercles qui accordent par ailleurs les marchés. Tel homme politique, engagé dans une lutte contre un frère de parti, a de même crée un journal pour l’insulter. Il est significatif que le journal ait disparu avec l’accalmie dans l’opposition à cet adversaire.

Il est une troisième catégorie de promoteurs de médias, de moins en moins nombreux, il est vrai. Ils peuvent être assimilés à certains des nouveaux créateurs de partis politiques. L’inflation, peut-on remarquer, frappe également les deux pôles. Ils ont compris que l’influence ou alors les subsides ne concernent que le patron. Alors, il vaut mieux être Dieu que son saint.

Publicité sauvage

La publicité qui doit fournir l’essentiel des ressources aux médias privées n’est pas réglementée. Des métiers, ailleurs incompatibles, sont ici allègrement cumulés, et les milliards de la publicité vont à quelques agences qui sont juges et parties. Elles gèrent les budgets des grandes entreprises qu’elles sont censées répartir aux organes mais comme dans le même temps, elles ont leur propre espace à vendre, le résultat est connu d’avance. Une agence de communication pour faire bonne mesure a crée, en 2008, sa propre radio.

Le Sénégal est l’un des rares pays sans bureau de la publicité. Il faut savoir que même dans les pays occidentaux, réputés libéraux, il existe un tel bureau qui doit viser tous les spots télévisés. C’est l’absence d’un tel bureau qui fait qu’au Sénégal n’importe quel charlatan passe à longueur d’année des spots pour se déclarer capable de soigner toutes les maladies du monde.

Distribution anarchique

La distribution des journaux est devenue sauvage. En l’absence de toute règle, la seule agence régulièrement et formellement installée, l’Agence de Distribution de Presse, ADP, est en train de mourir sous la concurrence de distributeurs informels qui ne payent aucun impôt et se contentent de distribuer dans les zones les plus rentables, Dakar et environ. Quand l’ADP disparaîtra, il n’y aura plus de journaux hors de Dakar.

Discrédit rampant

Dans le « Rapport national sur l’état de la liberté de la presse au Bénin » de novembre 2005, on peut lire : « Ce n’est un secret pour personne que la misère fait le lit des petites magouilles au sein des rédactions entre les chefs et leurs collaborateurs. En effet, étant entendu qu’ils entrent dans le métier comme dans un moulin, très peu de journalistes sont en position de mettre en avant des exigences salariales. Ce qui soulève la sempiternelle question du statut du journaliste béninois. » Similarité encore exemplaire.

Le Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication, SYNPICS, ne fait pas mystère de son appréciation de la qualité de l’information assurée dans notre pays. Il a ainsi entrepris de réfléchir au devenir du Conseil pour le Respect de l'Ethique et de la Déontologie, CRED, en invitant toutes les parties prenantes les 28 et 29 août 2007 à une réflexion sur le thème « Faut-il renforcer le CRED ou promouvoir la mise sur pied d’un Ordre des journalistes ? ».

Le gouvernement ne se pose pas de telles questions. C’est un ministre de la République qui désigne sous le vocable d’ennemis un certain nombre d’organes de presse. Il est vrai que le premier magistrat du pays a pu dire le 1er mai 2006, pour expliquer la suppression de l’aide à la presse, « Je ne vais pas donner de l’argent à des gens qui passent tout leur temps à m’injurier.»

La préoccupante situation des médias ne semble émouvoir que les organisations professionnelles de journalistes. Ni les pouvoirs, ni les oppositions, ni la société civile ne tentent quelque chose pour inverser la tendance. Les tenants du pouvoir sont contents du discrédit croissant des médias. Plus ils se seront déconsidérés, mieux cela vaudra pour les pratiques discutables. Les pouvoirs parient sur une clochardisation de la presse, l’encouragent même, en favorisant la multiplication des titres, en laissant le secteur à lui-même, ou alors se réjouissant secrètement des dérives de la presse. Quelle mesure concrète a été prise par les pouvoirs depuis l’indépendance pour améliorer l’état de la presse dans notre pays ? Aucune hormis l’aide à la presse qui ignore les problèmes structurels de la presse.

II. Les politiques publiques

On chercherait en vain, dans le catalogue des politiques de développement élaborés par les pouvoirs publics sénégalais, la mention : programme de promotion et de développement des médias. En réalité, cette problématique n’a jamais été une préoccupation d’Etat, car celui-ci n’a jamais considéré la promotion de ce secteur comme étant une des conditions de développement. Ce secteur émerge à peine. Les médias ont été regardés avec méfiance. On ne les concevait que dans la seule mesure où ils étaient des relais quasi dociles des discours officiels. Autrement, les médias étaient considérés comme des facteurs de subversion et déstabilisation de l’entité en cours de construction. On comprend que dans ces conditions qu’aucune politique n’ait été élaborée à l’effet de promouvoir un secteur médiatique fort et durablement consistant. Comment mettre en place une telle politique quand dès le départ, les Etats indépendants d’Afrique, le Sénégal compris, ont tous décidé que l’Etat était la seule admise à posséder et à faire fonctionner les organes de presse ? Tout au plus pouvait-on admettre en se référant au texte constitutionnel et aux textes législatifs et réglementaires le fait que les pouvoirs publics ont cherché à organiser les médias, dans le sens d’un encadrement strict du travail des professionnels.

La liberté de travail des journalistes a été partout affirmée. Le législateur a cependant vite fait de l’encadrer, au point que le principe de liberté a été dans bien des cas vidé de son contenu à cause des nombreuses restrictions qui y sont apportées par les textes législatifs de portée générale et par le droit pénal en particulier. Un examen attentif des textes fait apparaître un régime juridique des médias fonctionnant sur une dualité stricte :
un régime de liberté concernant la presse écrite ;
un régime de monopole qui admet des cas de dérogation pour les médias audiovisuels.

La réglementation des médias a suivi un parcours assez singulier dans l’histoire de notre pays. Cette liberté est consacrée dans la constitution sénégalaise de 1963 qui, en consacrant la liberté d’expression, admet également dans différents textes la liberté de travail des médias qui, de notre point de vue, en dépit des réserves que la théorie peut soulever à cet égard, constitue une liberté dérivée de la première nommée. En tout état de cause, la question posée est celle de savoir quelle est le portée effective de cette liberté proclamée et réaffirmée partout, quand dans les faits rien n’est fait par l’Etat pour rendre opérationnel le droit du public à l’information en lui donnant sens concret dans la vie de tous les jours des citoyens. Parfois même, tout semble mis en œuvre pour en limiter l’usage. Avec l’indépendance du pays, on aurait pu imaginer que les autorités nouvellement installées rendraient encore plus effective la liberté des médias, plus qu’elle ne l’a été sous l’occupation coloniale. Paradoxe suprême : c’est tout à fait le contraire qui a été fait. L’application du régime libéral issu de la loi coloniale de 1881, connaîtra un recul, car le système de liberté en vigueur depuis l’époque coloniale jusqu’en 1979 a été peu à peu vidé de sa consistance. Bien qu’ayant opté pour un système politique ouvert et pluraliste, le Sénégal n’a pas toujours su donner aux médias une existence viable et des moyens qui soient à la hauteur des attentes des citoyens et du rôle attendu des médias dans un tel système. Deux ans après son accession à la souveraineté, le Sénégal a connu une grave crise politique. A partir de cette étape de graves restrictions ont été apportées à l’expression des libertés publiques et individuelles. Celles-ci ont particulièrement visé les médias et les professionnels du secteur. Ainsi, pendant une longue période, seuls les titres ayant reçu la bénédiction et l’aval des autorités et du parti unique régnant sans partage sur l’échiquier politique national, avaient droit de cité. Quelques journaux d’opinions bravant tous les interdits ou ayant chois d’évoluer dans la clandestinité paraissaient de façon épisode et au petit bonheur la chance. Pendant cette période, le quotidien gouvernemental Le Soleil était quasiment le seul journal de la place. Il n’avait d’autre souci éditorial que de se faire le porte-parole de la politique officielle et le relais de la propagande du parti unique.

De 1966 à 1976, le Sénégal a vécu en matière de liberté de presse un régime d’exception. Une liberté totalement confisquée par l’Etat, le seul autorisé à éditer des journaux. Et qui plus est, exerce un monopole absolu sans possibilité de dérogation sur les ondes audiovisuelles.

C’est seulement à partir de 1981 que l’esprit de liberté qui traversait la réglementation héritée de l’époque coloniale est revenu peu à peu. Entretemps, le Sénégal avait adopté sa propre loi, celle du 11 avril 1979 relative aux organes de presse et à la profession de journaliste. Cette loi a fait l’objet de trois modifications en 1982, en 1998 et en 1998. Dans le texte de 1998, on s’inspire également de la loi française de 1881, de la Déclaration universelle de 1948, de son article 19, notamment, de la Charte Africaine du Droits de l’Homme et des Peuples, en vue de mieux organiser la liberté des médias. Le fameux code de la presse de 1979 a subi une mutation à la fois dans son contenu et du point de vue sémantique. On parle désormais du Code de la Communication sociale. Ce nouveau texte affiche l’ambition de rompre avec la volonté de répression qui structurait l’ancien texte. Les nouveautés sont nombreuse les plus essentielles concernent cependant les points suivants :
- La prise en compte du secteur de l’audiovisuel ;
- Une définition plus élaborée des droits et devoirs du journaliste ;
- Une meilleure protection des….. de la profession de journaliste et du technicien de la communication sociale ;
- Un libre accès aux sources et une meilleure garantie de leur protection (respect du secret professionnel pour le journaliste) ;
- Une plus grande liberté de création des journaux assortie de la condition d’avoir pour directeur de publication un journaliste professionnel et une équipe rédactionnelle professionnelle composée de 2/3 de femmes et d’hommes du métier de l’information ;
- Un allégement de la procédure légale de création d’organes de communication sociale ;
- Une définition de nouveaux critères d’éligibilité au fonds d’aide à la presse, s’appuyant sur la régularité de la publication, le professionnalisme de l’équipe rédactionnelle, etc.

Le nouveau climat procédant de cette nouvelle législation a favorisé l’émergence d’une nouvelle presse dynamique et très professionnelle qui aura activement participé aux bouleversements politiques qui ont eu cours au Sénégal à la fin de la décennie 90. Cette presse a été pour l’essentiel le fruit de l’audace et de l’imagination de certains professionnels ne se sentant plus à l’aise dans le système médiatique officiel en vigueur dans le pays. L’émergence de cette presse s’est opérée sans appui de l’Etat. Celui-ci l’a même combattue à ses débuts, pour ensuite tenter de faire avec elle. C’est également l’esprit de la loi de 1982 renforcé en 1998 que les dérogations au monopole de l’Etat ont été consenties pour favoriser l’émergence de radios privées au Sénégal à partir de 1994. Le secteur de la télévision a été également libéralisé depuis moins de cinq ans.

Le bilan de l’évolution des médias au Sénégal montre une constante : la carence de l’Etat, quant à sa volonté de se mettre en place une politique soucieuse de favoriser l’émergence d’un secteur médiatique viable, fort et durable. De ce point de vue, rien n’a changé hier comme aujourd’hui.

III. Propositions

3.1. Politique de communication

Il existe une charte culturelle, une loi d’orientation agricole, comme il y a eu une nouvelle politique industrielle… Le Sénégal fait encore l’économie d’une politique de communication. Il n’a pas encore dit le rôle et la fonction qu’il entend faire jouer à la communication, qui tienne compte de ses spécificités, de son histoire, de ses ambitions en Afrique et dans le monde.

Le préalable à toute action conséquente en matière de média passe par la définition d’une politique nationale de communication.

Dans le cas du Sénégal, l’exercice s’impose d’autant plus qu’il peut offrir l’opportunité de résoudre de manière consensuelle quelques questions délicates :
- comment revenir sur l’acquis que constitue l’accès libre à la profession sans apparaître rétrograde, sans sembler revenir sur un acquis démocratique ?
- comment limiter le nombre d’entreprises de presse car il est certain que le marché sénégalais ne peut objectivement supporter une centaine d’organes de presse. Hâtivement, certains avancent qu’il suffit de laisser la concurrence faire et que comme dans la nature, les plus solides survivront. C’est oublier qu’en matière de presse si la concurrence est sauvage, le nivellement se fera par le bas. Prenons l’exemple des journaux. La concurrence peut-elle être équitable entre un journal de faits divers, dont les coûts de production sont nécessairement bien plus bas qu’un journal d’informations qui requiert plus de professionnels. Les lecteurs, ici comme ailleurs, préfèrent hélas le fait divers aux problèmes de fond. Faut-il pour autant laisser mourir les journaux généralistes ?

La politique nationale de communication pourrait définir le statut de l’entreprise de presse assujettie à une offre minimale d’informations pertinentes. Ces entreprises pourraient avoir un accès privilégié aux ressources publiques.

Ces ressources publiques dépassent largement celles qui sont affichées. En 2001, une évaluation sommaire et incomplète de l’ensemble des budgets dédiés à la communication dans les ministères et autres démembrements de l’Etat faisait ressortir une enveloppe de plus de dix milliards CFA. Ils sont en général « gaspillés » dans des banderoles et autres spots qui constituent l’essentiel de la communication gouvernementale totalement inefficiente.

L’ensemble des ressources publiques disponibles pourraient à défaut d’être regroupées dans une seule caisse, avoir une gestion centralisée pour un organisme paritaire indépendant qui attribuerait exclusivement ses ressources aux entreprises de presse se soumettant à des règles convenues qui garantissent la pluralité de l’offre d’information.

C’est le premier pas sur le chemin de l’émergence d’un secteur médiatique fort car il n’y a pas de politique efficiente de communication sans médias forts.

3.2. Repenser le rôle de l’Etat pour l’émergence d’un secteur médiatique fort

3.2.1. La nécessité de réorganiser l’espace médiatique.

Toute réorganisation de l’espace médiatique, tendant à lui donner beaucoup plus de substance et à rendre les médias plus performants et économiquement viable, doit nécessairement s’appuyer sur une démarche d’ensemble, nouvelle qui intègre l’idée d’un renforcement des capacités des entreprises médiatiques déjà existantes et de favoriser l’émergence d’entités nouvelles plus solides. Un tel renforcement doit à son tour avoir pour fondement la construction de marchés nouveaux émergeant à la faveur d’une nouvelle politique économique de développement des médias au Sénégal.

Le problème de la presse nationale, au plan économique, est qu’elle ne dispose pas des ressources financières indispensables à son développement optimal et ne compte que sur le volontarisme de promoteurs n’ayant d’autres moyens pour accompagner leurs entreprises que leur bonne volonté. Or, cela ne saurait suffire pour doter le pays d’entreprises médiatiques à la hauteur des ambitions affichées et des exigences démocratiques. Cette nécessité s’impose d’abord à l’Etat. Ensuite seulement aux responsables des entreprises de presse eux-mêmes.

3.2.2. La responsabilité première de l’Etat

Les entreprises médiatiques, si toutefois ce terme est propre dans le contexte actuel, pour désigner ce qui en tient lieu, sont d’abord victimes, à l’image de toutes les petites et moyennes entreprises du pays, du sous-financement chronique de leurs activités. Il s’y ajoute le fait que les entreprises spécifiques que constituent les médias dans l’espace économique, n’intéressent absolument pas les banques qui jugent ce secteur sans aucun doute le plus difficile et le plus complexe. Non seulement, ce secteur n’est pas, loin s’en faut, rentable et comporte beaucoup de risques financiers pour elles, mais il s’y ajoute, en outre, le risque politique qu’elles peuvent encourir, en acceptant de financer les activités d’entreprises parfois trop critiques pour les gouvernants en place.

Pourtant, cette activité qui est en développement partout ailleurs dans le monde, recèle d’énormes potentialités, à condition toutefois que l’Etat accepte, dans un premier temps, de l’organiser en mettant en œuvre à cet effet une politique hardie de développement des médias. Et ce, en vue de constituer les bases d’une économie sectorielle plus attrayante pour les structures de financement classique d’une activité économique.

3.2.3. Nouveaux mécanismes d’appui aux médias

Pour rédiger cette partie du texte, nous avons estimé utile, pour une meilleure compréhension de nos propositions, de préciser et de clarifier la notion de renforcement des capacités. Celle-ci est le fondement essentiel de ces propositions.

3.2.3.1 Le renforcement des capacités

La notion de capacités désigne les personnes (ressources humaines), les institutions (entreprises de presse) et les pratiques qui permettent aux médias nationaux d’inscrire leurs actions dans une véritable perspective de développement durable. Le renforcement dont il est question ici n’est pas entendu comme un investissement physique seulement. Il infère plutôt l’idée d’apprentissage par la pratique, de la mise au point, au fil du temps, d’actions plus efficaces et plus durables qui assurent aux médias une existence légale et économique plus viable et pérenne. Dans cette hypothèse, le renforcement de capacités s’inscrit alors dans une vision globale et dans une perspective systémique. Il convient donc d’adopter une approche plus globale et plus imaginative de la question des conditions et des moyens à planifier pour asseoir les fondements techniques, matériels du renforcement. Une telle approche doit être capable d’identifier, d’intégrer et de tirer partie des connaissances, des expériences, des ressources et de l’expertise de tous les acteurs susceptibles d’être impliqués par le projet. Fort de cette vision globale et systémique de la problématique du renforcement, une entreprise réaliste d’identification des besoins et des capacités disponibles sur le terrain, une analyse systématique des médias et celle de tous les acteurs qui appuient leur développement, doit être opérée, en vue de passer au stade de la mise au point de programmes spécifiques. De telles actions, indispensables pour la définition d’une approche définitive de la question, devront être engagées sur la base de principes simples, ci-après décrits :
Le renforcement doit s’inscrire dans une perspective globalisante ;
La réflexion issue des différentes réunions nationales (Etats Généraux de la Communication etc.), des études sur le secteur (Journées internationales de la liberté de presse), des colloques internationaux, doit pouvoir servir ;
Le renforcement des capacités doit être soutenu et encadré par la solidarité internationale ;
Au lieu que le renforcement des capacités soit l’une des nombreuses composantes d’un projet ou d’un programme, ou comme un appendice, -c’est malheureusement souvent le cas-, sans signification réelle, accolé à un projet, ce renforcement devra plutôt constituer une partie intégrante, la substance d’un programme de développement des médias sénégalais.

3.2.3.2. Les Conditions du renforcement

Les conditions concernent naturellement les médias et leurs responsables eux-mêmes, mais elles s’adressent également à l’Etat sénégalais et à la Communauté internationale, en particulier, les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux traditionnels. Aussi, de telles conditions devront-elles s’envisager à ce triple niveau de responsabilités. Chacune de ces parties devra, en ce qui la concerne assumer son rôle, pour définir les conditions et les modalités optimales de renforcement des capacités de médias dans le pays.

3.2.3.2.1. Du côté de l’Etat

L’Etat doit enfin comprendre que le développement des médias appelle plus que des discours, des colloques et autres réunions, souvent conçus pour masquer des déficiences ou pour céder à de simples effets de mode. Sous ce rapport, l’Etat doit davantage se convaincre que l’appui aux médias constitue pour ce qui le concerne une obligation morale et politique, mais aussi une exigence démocratique. Cette exigence s’impose à lui dans sa politique législative et la définition de ses programmes de développement économique et social. A défaut de satisfaire une telle exigence à la hauteur des ambitions et des prétentions démocratiques, les pouvoirs publics ne peuvent convaincre personne de leur bonne foi et de leur volonté réelle de construire un environnement médiatique viable au Sénégal. On pourrait également mettre en doute son engagement sincère à veiller et d’œuvrer loyalement et efficacement à l’avènement d’un bien-être et d’un progrès réel au sein de la Nation. Car l’existence de médias efficaces et viables en constitue à la fois un symbole et une parfaite illustration.

3.2.3.2.2. Du Côté des médias

Les médias eux-mêmes doivent s’engager à se professionnaliser davantage. En quoi faisant ? Par exemple, en arrivant à formuler leur propre stratégie de développement organisationnel, en intégrant le perfectionnement de leurs ressources humaines et la professionnalisation des profils, en ayant enfin un sens plus poussé des responsabilités, par rapport à l’éthique et à la déontologie. La pratique du métier doit désormais s’appuyer, plus qu’elle ne l’a jusqu’ici fait, sur une meilleure organisation de la corporation qui passe par la mise « en place d’organes d’autorégulation et une plus grande confraternité entre collègues ». La presse doit faire preuve d’une très grande responsabilité, en pratiquant dans un esprit d’ouverture et de tolérance, en traitant avec rigueur les faits, en sollicitant, enfin, les idées et les opinions de tous les éléments et composantes de la nation, dans sa diversité plurielle. Tout doit se dérouler dans l’esprit des textes légaux, mais surtout en conformité avec les règles éthiques et déontologiques qui fondent l’exercice du métier de journaliste.

3.2.3.2.3. Du côté des Bailleurs

La Communauté internationale, à travers certains des ses organes d’exécution, en matière de coopération, doit davantage s’engager dans le combat pour la promotion d’une presse libre, pluraliste et responsable. Celle-ci doit désormais considérer tous les projets ayant un caractère structurant pour le développement. Pas nécessairement les seuls projets conçus sous la houlette de l’Etat et placés sous sa tutelle. Tout financement accordé doit à priori être conçu comme un moment de renforcement des capacités des médias. A cet égard, les bailleurs de fonds doivent avoir une autre approche par rapport à la problématique du développement des médias. Une approche qui s’appuie sur une démarche systémique de la question. Etant donné que les nombreuses interventions et soutiens financiers jusqu’ici accordés par les bailleurs de fonds internationaux aux médias n’ont manifestement eu que des résultats à faible impact, la nouvelle approche préconisée doit fortement insister sur la nécessité d’encourager un changement fondamental de pratiques, de comportements et de procédés. Et ceci, tant de la part des bailleurs de fonds que des médias bénéficiaires des subventions, mais aussi de la part de l’Etat.

3.2.3.3. Les domaines de priorité du renforcement

La Communauté internationale, en partenariat avec l’Etat sénégalais désormais engagé dans un authentique processus de renforcement et de développement des capacités des médias, devrait réorienter son assistance sous plusieurs manières et dans plusieurs matières. Il semble cependant que trois domaines se dégagent comme étant prioritaires, au regard de l’état de la question sur le terrain. C’est ce que nous avons pu constater au cours de nombreuses années de pratique à divers niveaux de responsabilités dans l’espace médiatique national.

3.2.3.3.1. La gestion et le management des médias

De nombreuses études disponibles actuellement établissent que les entreprises médiatiques disposent de peu de ressources managériales. Celles-ci restent encore des lieux de gestion approximative n’ayant rien à voir avec les règles de management d’une entreprise moderne inscrivant son action dans la durée et dans le souci d’efficacité. En réalité, ce problème n’est pas spécifique aux medias sénégalais. En effet, les évaluations faites en ce qui concerne certaines entreprises de presse africaines révèlent qu’il y a un grand manque de managers ayant une vision claire de l’administration et de la gestion des industries culturelles comme les médias. Les faiblesses les plus fréquemment mentionnées à cet égard sont :
- Les dirigeants et les gestionnaires des entreprises de presse ne conçoivent pas et n’énoncent pas une vision appropriée de leurs entreprises. De même, ils ne mettent pas en pratique les principes clés d’un rôle dirigeant d’entreprises digne de ce nom, telles que la poursuite d’objectifs, la mise en place de mécanismes de suivi, la détermination de buts et de normes de gestion et de qualité, la préparation d’un environnement propice à la libération des énergies et la fourniture de moyens nécessaires à la responsabilisation et à l’exercice de compétences déterminées.
- L’environnement dans lequel évoluent de nombreux responsables de médias et les gestionnaires est très indigent en termes de ressources. La conséquence immédiate est que les gestionnaires ne disposent pas souvent de moyens suffisants et adéquats pour traiter les questions relevant de leurs compétences. L’entreprise médiatique reste fondamentalement marquée par une absence totale de projet organisationnel appuyé sur une démarche rationnelle de la gestion d’entreprise.

3.2.3.3.2. L’équipement technologique

Les salles de rédaction et des nouvelles sont dépourvues en tout. Les besoins en matériel (ordinateurs, accessoires, émetteurs et autres équipements) sont immenses. Les investissements de base nécessaires pour la création d’une entreprise de presse ne sont jamais réalisés au préalable. Les organes médiatiques démarrent leurs activités dans une indigence toujours presque totale. D’importants investissements devront être réalisés. Cela constitue un préalable et une condition du renforcement des capacités des médias sénégalais. En réalité, c’est la question du sous-financement des médias qui est posée ici. Ceux-ci n’ont jamais de fonds propres pour constituer une trésorerie. Tous les médias, à quelques exceptions près, sont confrontés à d’importants déficits de financement et font du mieux qu’ils peuvent pour trouver les ressources utiles pour sortir une édition du jour ou pour faire marcher l’antenne, en attendant des lendemains meilleurs qui ne viennent jamais.

3.2.3.3.3. La formation

Il convient dans ce secteur précis, de fixer des objectifs clairs tendant à :
- fournir une formation pratique de très haute qualité aux dirigeants des médias, aux professionnels eux-mêmes et à l’ensemble des acteurs impliqués directement dans la vie quotidienne des médias ;
- répondre de manière flexible et aisément adaptable, aux besoins changeants en aptitude, sur le marché en fournissant soigneusement des programmes de formation ciblée, et aussi en contribuant au renforcement durable des capacités ;
- développer des approches et des matériaux innovateurs pour l’avancement des connaissances générales et spéciales et pour expérimenter de nouvelles approches en matière d’enseignement des métiers des médias ;
- faire réaliser des recherches dans les domaines critiques où les besoins sont identifiés et de promouvoir l’échange d’expériences et de connaissances entre professionnels du pays et d’ailleurs.

Il importe à cet égard de renforcer les capacités et les moyens des centres de formation déjà existants pour leur faire jouer le rôle qui doit être le leur dans cette œuvre de construction d’un espace médiatique plus efficace et plus durable. Le but, à court terme, est de répondre aux besoins immédiats de la presse nationale, afin de la doter d’une masse critique de personnels très hautement qualifiés. A moyen terme, l’objectif est de favoriser le développement des institutions par le biais de la formation permanente. A ce sujet, on peut dire sans risque de trop se tromper que les besoins en formations découlent de la faiblesse observée aujourd’hui dans la qualité des productions des médias, mais aussi repérable au niveau des compétences et du savoir-faire des professionnels.

3.2.4. Cadre opérationnel du programme d’appui

Ce chapitre du texte définit le cadre et le contenu du nouveau programme d’aide envisagé pour un développement optimal des médias nationaux. Les mécanismes opératoires du programme d’aide sont décrits, mais sont aussi indiqués les résultats attendus de ce nouveau système. Sont également analysées les perspectives d’ensemble liées à l’application du nouveau système préconisé, dans l’espace médiatique du Sénégal.

3.2.4.1. Fonds de promotion des médias

Ce Fonds, dont la dotation initiale et les mécanismes d’alimentation seront déterminés par la loi, fonctionnera comme un organisme indépendant de l’Etat. Toutes les dotations du Fonds seront assurées par le budget de l’Etat et par le concours des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Il aura pour mission essentielle d’assurer aux médias des financements substantiels et durables. Il aura enfin pour but de financer un certain nombre d’activités de renforcement des moyens et des capacités des médias nationaux. Ce fonds disposera de deux mécanismes opératoires pour rendre effectives et efficaces ses interventions. Il va fonctionner avec deux guichets. Chaque guichet poursuit des objectifs précis. Ces deux guichets sont différents dans leurs méthodes d’intervention mais seront rigoureusement complémentaires l’un l’autre.

Le guichet premier sera essentiellement orienté vers la promotion des médias, par le biais de subventions libres et de petits prêts concédés aux promoteurs à des taux préférentiels. Quant au deuxième guichet, il opérera comme système de garantie bancaire. Les actions combinées des deux guichets constitueront le mécanisme de renforcement des capacités de la presse.

3.2.4.2. Le Fonds de développement de la presse

Ce Fonds aura pour mission de financer des projets présentés par les entreprises de presse, mais dont l’impact sur le développement des médias est établi par la pertinence des objectifs poursuivis mais aussi par les résultats attendus de leur mise en application. Il assurera ainsi la pérennité des entreprises déjà existantes. Il pourra aussi favoriser la naissance de petites unités médiatiques, comme il pourra renforcer la solidité de certaines d’entre elles menacées dans leur existence. L’accès à ce guichet sera libre. Les fonds alloués dans le cadre des activités de ce guichet seront remboursés quand il s’agit de prêts. En principe, chaque organe de presse qui fait une demande de prêt pour l’achat d’équipement ou pour la conduite d’un projet éditorial cohérent peut obtenir des allocations à condition toutefois que le projet présenté à cet effet remplisse les critères requis pour pouvoir disposer de ressources. Ce guichet allouera également des subventions dont les montants ne peuvent pas dépasser un certain niveau préalablement déterminé par le Conseil d’administration du Fonds. Au cours d’une même année, un organe médiatique ne peut pas bénéficier de deux prêts cumulatifs.

3.2.4.3. Le Fonds de garantie de la presse

La mise en place de ce fonds part d’un constat : les entreprises de presse peuvent parfois recevoir d’importantes ressources financières provenant d’organisations non gouvernementales, mais il reste que pour celles-ci, l’accès au crédit bancaire leur est souvent fermé. Or, on ne peut pas prétendre assurer un développement conséquent du secteur de la presse, ni d’un quelconque autre secteur économique d’ailleurs, sans accès au crédit bancaire. Dans le cas des entreprises médiatiques, cette fermeture du crédit bancaire s’explique souvent par des raisons économiques liées à l’absence de garanties (actifs, bien meubles ou immobiliers, etc.). Déjà, même dans le cas de certaines unités économiques, petites et moyennes entreprises classiques, évoluant dans des domaines différents et où la rentabilité est à priori établie, les banques commerciales refusent de satisfaire leurs besoins de crédits. Des crédits nécessaires pour le déploiement de leurs activités. A fortiori, quand il s’agit des médias, un produit sensible, tant du point de vue politique, économique que social. Cela est encore plus vrai dans un pays sous-développé où l’autorité politique souvent très peu ouverte à la critique, en arrive à surveiller les banquiers qui oseraient donner des moyens à « leurs adversaires » : les médias. Ce sont des facteurs supplémentaires d’éloignement des banques du secteur des médias. On constate qu’au Sénégal, les entreprises qui on fait le pari de se déployer dans le champ des médias sont nées à la faveur d’idées généreuses, d’un idéalisme débridé ou du volontarisme de quelques individus. Tout ceci s’est souvent déroulé en l’absence totale d’un plan d’affaires adossé à un projet d’entreprises clair et précis. Les promoteurs d’organes médiatiques n’ont presque jamais pu obtenir, même de petits crédits, auprès des institutions bancaires. A défaut de garanties, les banques qui sont tout sauf philanthropes, sont ainsi restées sourdes aux sollicitations des entreprises de presse. Aussi, plusieurs gouvernements africains, dont la presse nationale faisait face aux mêmes difficultés qui tenaillent les médias sénégalais dans la quête d’emprunts bancaires, ont tenté de mettre en place des mécanismes palliatifs. C’est qui explique la création un peu partout en Afrique d’un fonds budgétaire inscrit dans la loi de finance destiné à appuyer les médias. Dans certains cas, les inscriptions budgétaires ont varié entre 200 et 400 millions de Francs : Sénégal (300 millions Francs CFA), le Bénin (350 millions Francs CFA), le Mali (300 millions Francs CFA), et enfin, la Côte d’Ivoire (400 millions Francs CFA). Au-delà des problèmes posés par la distribution de cette enveloppe aux médias, on a pu noter que même si cette aide avait été distribuée de façon satisfaisante, elle n’aurait pu suffire pour régler la situation de sous-financement chronique de la presse. Autrement dit, ce problème du sous-financement des médias n’en resterait pas moins entier. Se trouve ici questionnée toute la problématique des aides ponctuelles qui ne s’inscrivent pas dans une vision et un cadre structurel durables. Ces aides règlent un problème précis à un moment donné, tout en laissant intacte la base de l’infrastructure qui est la véritable source du problème. C’est là un véritable piège, que n’ont pas su éviter les aides gouvernementales accordées aux médias, comme celles consenties parfois par les bailleurs de fonds. Autrement dit, l’aide internationale n’a pas été plus heureuse que l’aide accordée par les Etats, du point de vue de la promotion effective des médias, même si celle-ci a été parfois plus massive et plus substantielle que les concours gouvernementaux. Cette aide internationale s’est souvent manifestée dans des programmes et projets d’acquisition de matériels dans certains cas, dans d’autres, d’accompagnement de quelques initiatives éditoriales, de soutien pour l’achat de matériels technologiques, de tenue de sessions de formation et de fourniture de prestations diverses, parfois à haute valeur ajoutée. Le cas échéant, durant toute la période d’amortissement du matériel acquis, le mécanisme tourne à la satisfaction de l’entreprise aidée et à celle du bailleur. Cette satisfaction ne peut cependant aller et ne va pas, souvent, au-delà de ce délai indicatif et symbolique d’amortissement. Aujourd’hui, aucune des structures citées n’est en mesure de procéder au renouvellement des équipements acquis par l’intervention d’un bailleur extérieur. Il faudra une autre assistance d’un autre ou du même bailleur étranger, pour éviter à l’organisation de se trouver en état de cessation d’activités. Tous les efforts jusqu’ici développés ont certes été louables et utiles, mais leurs limites sont certaines. Car la solution du problème attaqué n’a pas été pensée dans la perspective d’un réel développement des capacités internes des médias et entreprises de presse. Ces efforts n’ont pas su – ce n’était pas non plus leur vocation -, faire face aux énormes besoins en capitaux, pour assurer les investissements indispensables à un développement maîtrisé et harmonieux des médias. Il faut à cet effet un soutien décisif des établissements financiers, des banques, en particulier. Ce soutien doit s’opérer avec des instruments financiers adaptés qui pourront aider à trouver des solutions au mal endémique de sous-financement des médias. Or, ces banques ont naturellement besoin de garanties pour accepter d’entrer dans ce jeu. Il suffit alors, à défaut de pouvoir doter les entrepreneurs de presse de sûretés bancaires et garanties acceptables, de mettre en place des instruments à cet effet. Des instruments qui seront essentiellement adossés sur un fonds de promotion des médias. Le mécanisme de garantie ainsi préconisé, étant donnée la nature particulière du produit presse, fonctionnera différemment des formes classiques généralement connues des fonds de cette nature. En effet, le Fonds de garantie de la presse, dont la création est envisagée, devra fonctionner sur un modèle quelque peu particulier et dans le bénéfice exclusif des médias. Dans cette hypothèse, les projets admis aux programmes se verront attribuer un certificat de garantie qui accompagnera les dossiers d’emprunt auprès des services des banques et établissement financiers participant à l’exécution du programme. Chaque fois qu’un projet sera financé à la faveur du mécanisme, une rémunération de la garantie sera prélevée. Cette rémunération sera fixée à un taux déterminé par la loi. Le taux de location de l’argent sera étudié par les partenaires du programme.

3.1.5. Résultats attendus du mécanisme

D’une part, la question fondamentale à laquelle répond ce projet de renforcement des capacités de la presse est la suivante : comment les médias peuvent-ils réduire leur dépendance économique et financière, être moins tributaires d’aléas non maîtrisables pour leur développement ? D’autre part, cette même question renvoie à la manière dont les organes de presse peuvent faire, dans un contexte économique global donné, pour atteindre un niveau élevé de financement de leurs activités ; afin de s’assurer, eux-mêmes, que les efforts qu’ils déploient sont suffisants et adéquats pour leur développement assuré de façon durable. Enfin, il y a lieu de faire observer que l’interrogation posée au départ soulève la problématique de la préparation des ces mêmes médias, afin qu’ils puissent négocier et établir un partenariat suivi avec toutes les parties intéressées à l’intérieur, comme à l’extérieur par leur développement. En définitive, c’est toujours, toute la question du renforcement des capacités des médias qui se trouve au centre du défi que l’environnement dresse sur le chemin de leur développement. Pour les chefs d’entreprises de presse, la préoccupation est : comment acquérir de nouvelles compétences, du savoir et du savoir-faire, en vue de mieux assurer le fonctionnement de leur organisation, disposer de ressources suffisantes et pouvoir compter sur des marchés porteurs qui assurent à leur activité une durabilité ?

























Conclusion

La démocratie sénégalaise sous le Magistère des différents présidents depuis 1963 a connu un mode de gouvernance qui a consacré à des degrés divers la puissance d’un homme à la tête de l’Etat. Les dysfonctionnements qui en ont découlé nous commandent de nous doter d’une loi fondamentale qui va assurer "l’encadrement normatif du pouvoir présidentiel afin d’éviter les dérives de toutes sortes inhérentes à ce mode de régime et amplifiées par la pratique institutionnelle du magistère du Président Wade" (Ismaïla Madior Fall, 2008).
Si le mode de désignation du Président de la République doit demeurer celui du suffrage universel direct qui semble être la meilleure illustration de l’expression de la souveraineté du peuple, les prérogatives et la responsabilité du Président de la République doivent être clairement définies et organisées de manière à contenir son pouvoir.
Concomitamment, le pouvoir législatif doit retrouver une place centrale dans le dispositif institutionnel et constitutionnel en devenant le lieu par excellence du débat démocratique et de l’impulsion de la vie politique. Il doit contrôler l’action du Gouvernement, la soutenir ou la sanctionner si besoin est. Mais pour cela, il faut qu’elle soit réhabilitée et crédible. Le député du peuple dont l’image a été ternie au fil des législatures doit s’atteler à remplir véritablement sa mission de représentation et de défense des intérêts des populations qui lui ont confié leurs voix.
L’hémicycle doit accueillir des Hommes et des femmes compétents et soucieux du bien être des populations plutôt que d’exécuter les moindres désirs d’un Chef de l’Etat dont la seule préoccupation est d’utiliser les lois et règlements pour combattre ses ennemis politiques et se maintenir au pouvoir.
Le pouvoir judiciaire dont l’indépendance est sérieusement mise à mal doit faire l’objet d’une véritable entreprise de restauration de sa Crédibilité et de la confiance des justiciables. Le pouvoir judiciaire doit être doté de moyens suffisants pour assurer sa modernisation et jouer son véritable rôle d’arbitre et de régulateur de l’équilibre institutionnel.

S’il ne faut pas se leurrer sur la nature quelque peu incertaine de la démocratie (Nancy Thede, 2002) dans la mesure ou l’on ne peut jamais savoir ce que les gouvernements successifs issus du jeu démocratique en feront, l’on peut néanmoins de manière consensuelle définir les limites de l’espace légitime dans lequel les conflits politiques peuvent se dérouler , ce qui peut être objet de remise en cause et ce qui ne doit pas l’être et enfin les valeurs immuables constituant les piliers sur lesquels repose un système démocratique.
Mais ces moments de contradictions, de doutes et de menaces sont fondateurs du mouvement à partir duquel les peuples choisissent leur voie. La jeune démocratie sénégalaise est certes vulnérable mais à l’épreuve des assauts post alternance, elle exprime ses capacités de résistance à travers la radicalisation des oppositions de tous bords et l’explosion des fronts sociaux. Le seul mérite de l’alternance est de permettre l’affirmation de la certitude de ce dont le Sénégal ne veut pas comme mode de gouvernance au-delà de toute démocratie simplement formelle et incivile. En définitive, ce que l’alternance est entrain de démontrer, c’est que les valeurs des hommes et des femmes qui animent la vie démocratique et portent la responsabilité de sa pérennité sont déterminantes. L’homme n’étant pas par définition vertueux, il est impératif de développer des mécanismes de dissuasion et de contrôle de toutes velléités de souillure de la démocratie. La démocratie suppose donc au-delà des structures institutionnelles, le développement d’une véritable culture institutionnelle et démocratique portée par des citoyens habités du reflexe de participation.
Une véritable démocratie doit favoriser des contrepouvoirs ainsi que l’élargissement croissant de l’espace public à de nouveaux acteurs à travers la promotion d’un pluralisme politique, social et citoyen dont les voix des acteurs peuvent être relayées dans le cadre d’une liberté médiatique réelle.
Se doter d’une véritable identité politique fondée sur des piliers démocratiques solidement implantés dans le socle socio culturel d’une nation intégrée, consciente de ses valeurs intrinsèques mais résolument tournée vers l’avenir à l’image des démocraties modernes : telle est l’entreprise historique à laquelle sont conviés les sénégalais qui aujourd’hui plus que jamais doivent s’inventer un futur politique.



Katy Cissé WONE
Chérif Elvalide SEYE






































Liste des Contributions (A Completer)


Pr Ismaila Madior FALL, Concept Paper sur les Institutions constitutionnelles du Sénégal
Pr El hadj MBOBJ, Les partis politiques et la vie politique.
Mr Mamadou Lamine Loum, Ancien Premier Ministre du Sénégal, L’administration publique au Sénégal
Mr Mamadou NIANG, IFANDécoupage territorial, aménagement et décentralisation ;
Ousmane BADIANE, Le système électoral sénégalais ;
Pr Penda Mbow, La démocratie multiculturelle


Auditions

Mr Ousmane SY, Ancien Ministre de la décentralisation du Mali ;
Mr Seydou Sy Sall, Ancien Ministre de l’aménagement du territoire du Sénégal
Mr Gorgui CISS, Président conseil rural de Yenne, chef du département de géographie de l’UCAD ;
Mr Mamadou Lamine LOUM, ancien Premier Ministre du Sénégal ;
Mr Mamadou NIANG,


 (Dominique Marchetti, contribution à une sociologie des évolutions du champ journalistique dans les années 80 et 90, thèse EHESS Paris, 1998, P. 198).

 En France, le Bureau de Vérification de la Publicité devenu le 25 juin 2008 l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a quatre fonctions :
Etablir avec les acteurs majeurs de la publicité (agences de publicité, annonceurs, médias, syndicats professionnels) les règles d'autodiscipline de la profession.
Assurer, à la demande de l'ensemble des acteurs de la publicité télévisée en France et avec l'accord tacite du CSA, l'examen préalable systématique des spots télévisés avant diffusion.
Conseiller tous les supports de publicité (presse, affichage, radio, internet, cinéma, télévision) avant l'insertion d'une publicité.
Veiller au respect des règles déontologique établies par la profession.
A ce titre, le BVP publie chaque année une charte déontologique à l'attention des annonceurs et des professionnels de la publicité qui décrit précisément, en fonction des domaines concernés, les limites qu'il convient de ne pas franchir. Certains termes ou certains concepts sont ainsi prohibés.











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