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TD : exercices étude de fonctions. Pour le : Lundi. 10 ... TD Correction ex 43-48-
53-55 p 56-57 ..... Chapitre VIII : Probabilité conditionnelle ? Evénements
indépendants ? Loi binomiale ..... Exercices 46-47-49 Fiabilité des sondages. DS
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ASSISES NATIONALES
COMMISSION 1
RAPPORT DE SYNTHESE
Dakar, décembre 2008
SOMMAIRE
(A Compléter)
GLOSSAIRE
AN : Assemblée Nationale
CADAK : Communauté des agglomérations de Dakar
CAR : Communauté des agglomérations de Rufisque
CCAP : Contrôle citoyen de laction publique
CDD : Comité départemental de développement
CL : Collectivité locale
CLC : Comité local de concertation
CLD : Comité local de développement
CCL : Code des collectivités locales
CCG : Comité de coordination et de gestion
CEDEAO: Communautés des Etats de lAfrique de lOuest
CENA: Commission Electorale Nationale Autonome
CENI : Commission électorale Indépendante
CNRA: Commission Nationale de Régulation de lAudiovisuel
CPC: Coalition pour le Changement
CR : Communauté rurale
CRD : Comité régional de développement
DAF: Direction de lAutomatisation des Fichiers
FACS: Front dAction de la Société Civile
FECL : Fonds déquipement des collectivités locales
FRTE: Front pour la Régularité et la Transparence des Elections
FSS : Front Siggil Sénégal
GIE: Groupement dIntérêt Economique
GLCEC : Gouvernance locale / Cadre dexpression de la citoyenneté
GOANA : Grande Offensive pour lAgriculture ;;;;;;;;;;;;
HCA: Haut Conseil de lAudiovisuel
HCRT: Haut Conseil de Régulation de la Télévision
MINT: Ministère de lIntérieur
MRS: Mouvement Républicain Sénégalais
ONEL: Organisme National Electoral
ONG: Organisation Non Gouvernemental
OGL : Observatoire de la gouvernance locale
OSC : Organisation de la société civile
PAI: Parti Africain de lIndépendance
PAI : Programme annuel dinvestissement
PCR : Président du Conseil rural
PDS : Parti Démocratique Sénégalais
PLD : Plan local de développement
PM : Premier Ministre
PNDL : Programme national de développement local
PNIR : Programme national dinfrastructures rurales
PR : Président de la République
PRA/S :
PS: Parti Socialiste
UPS : Union Progressiste Sénégalaise
RND: Rassemblement national Démocratique
SFIO: Section Française de lInternationale Ouvrière
SOCOCIM : Société de Commercialisation du ciment
TVA : Taxe sur la valeur ajoutée
Présentation de la Commission Institutions, Libertés et Citoyenneté
La commission Institutions, Libertés et Citoyenneté a tenu sa première réunion le mardi 22 Juillet 2008 sous la présidence de Mme Touré Maïmouna Kane. Il a été décidé de constituer les six (6) sous commissions suivantes :
Gouvernance institutionnelle
Gouvernance locale et cadre dexpression de la citoyenneté
Système démocratique
Pluralisme social
Pluralisme médiatique
Garantie de lexercice effectif des droits humains
Composition du bureau :
Le bureau de la commission est ainsi composé :
Présidente : Madame Touré Maïmouna Kane
Vice présidents : Monsieur Yéro Sylla
Monsieur Malick Sy
Rapporteurs : Madame Katy Cissé Wone
Monsieur Chérif Elvalide Sèye
Secrétaire: Dr Mame Marie Faye
Assistante: Mademoiselle Fanta Diallo
Les membres de la commission :
Mme Maïmouna KANE
Pr Yéro SYLLA
Mr El Hadji Malick SY
Mme Katy CISSE WONE
Dr Mame Marie FAYE
Mr Chérif Elvalide SEYE
Pr Madior DIOUF
Pr Ismaila Madior FALL
Pr El Hadj MBODJ
Pr Pape Demba SY
Me Aissata Tall SALL
Me SARR
Mr Aboul Aziz DIAGNE
Mr Abdoul Aziz DIOP
Mr Famara SARR
Mr Mandiaye GAYE
Mr Abdel Kader NDIAYE
Mr Abdoul Latif COULIBALY
Mr El Hadj Momar SAMBE
Mr Ibrahima NDIAYE
Melle Fanta Diallo
Méthodologie de travail
La commission a adopté comme méthodologie de travail pour chaque thème:
La Présentation en commission dune communication sous forme de plan détaillé respectant les éléments suivants :
Etats des lieux du thème présenté
Les problèmes identifiés
les solutions préconisées
cette présentation transmise trois jours avant aux membres de la commission sera suivie dune discussion en séance plénière.
Prendre en compte les pistes de réflexions dégagées
Faire appel si nécessaire à des personnes ressources en vue dapprofondir le thème.
Cest ainsi, quil a été retenu que :
La gouvernance institutionnelle serait traitée par Pr Ismaila Madior FALL et par Mr Famara SARR
La gouvernance locale par Pr Yéro SYLLA
Le système démocratique par Me Aissata TALL SALL et Mr Abdoul Aziz DIOP
Le pluralisme médiatique par Mr Cherif Elvalide SEYE
A la suite des communications les sous commission ont été constituées, de la manière suivante :
Sous commission 1 : Gouvernance institutionnelle présidée par Pr Madior DIOUF avec comme rapporteur Monsieur El Hadji Momar SAMBE
Sous commission 2 : Gouvernance locale présidée par Monsieur Famara SARR, Rapporteur Pr Yéro SYLLA
Sous commission 3 : Citoyenneté et éducation à la citoyenneté présidée par Dr Mame Marie FAYE
Sous commission 4 : Pluralisme médiatique présidée par Monsieur Chérif Elvalide SEYE
Sous commission 5 : Pluralisme social et Effectivité des droits humains présidée par Monsieur Mandiaye GAYE
Sous commission 6 : Système démocratique présidée par Monsieur Abdoul Aziz DIOP.
Introduction
Alors qualentours régnaient le parti unique, la radio unique, le journal unique et que se multipliaient les coups dEtat, le Sénégal faisait exception. Le multipartisme a été la règle générale, toutefois brièvement interrompue, de même que le pluralisme médiatique, et les militaires sont demeurés dans leurs casernes. Lalternance démocratique en 2000 a achevé den faire une des belles vitrines démocratiques africaines.
Néanmoins, à regarder de plus près, la vitrine apparait bien fissurée. Depuis linstauration du régime présidentiel par la constitution du 07 mars 1963, les trois chefs dEtat qui se sont succédé au pouvoir ont exercé un pouvoir avec pour seule limite effective, leur seule volonté et leur éthique.
Ainsi lassignation thématique de la commission 1 circonscrite autour des Institutions, de la Citoyenneté et des libertés selon une perspective démocratique se justifie dans le contexte des assises nationales parce que le Sénégal, connu pour sa success story en matière politique traverse depuis lavènement de lalternance une crise qui remet en cause les acquis qui semblaient lavoir positionné sur la voie progressive dun Etat de droit moderne et laïc. Certes, beaucoup dévénements, de réalités politiques, sociales et culturelles venaient assombrir ce tableau idyllique comme pour dire que les soubresauts qui ont accompagné notre trajectoire démocratique ne datent de la période post alternance ; Cela est certes vrai, mais il faut constater que ces remous nont jamais autant constitué une remise en cause aussi profonde de laspiration démocratique du Sénégal. Que la réputation démocratique du Sénégal ait été surfaite, sublimée ou réelle, la situation recommande aujourdhui la plus grande attention du fait des menaces pressantes qui pèsent sur sa survie.
La Fragilisation de la démocratie depuis lavènement de lalternance est la preuve que latteinte dun niveau démocratique irréversible nest pas la résultante dun processus forcément linéaire et dun horizon temporel court. La construction dun système démocratique fort peut emprunter des chemins tortueux, observer des haltes et être lobjet de velléités de destruction. Lalternance politique qui doit être un signe de progrès démocratique est dans le cas du Sénégal une étape de sa trajectoire politique qui apporte de véritables perturbations à son assise démocratique.
Le multipartisme aboutissant à la création de 144 partis montre ses limites.
Lassemblée nationale comme la Justice sont demeurées, pour lessentiel, sous le contrôle de lexécutif, leffectivité des droits humains souffre encore de nombreuses limites.
Les élections, à lexception notable de 2000, ont toujours été contestées.
La décentralisation, antérieure à lindépendance avec les quatre communes, a été réaffirmée comme option politique dès 1960 avec la création de 33 communes de plein exercice et le processus sest poursuivi depuis mais les moyens indispensables pour rendre la décentralisation plus effective ne sont pas alloués aux collectivités qui souffrent par ailleurs de maintes limites.
Le pluralisme médiatique est de plus en plus effectif depuis 1995, mais labsence dun cadre cohérent constitue une sérieuse menace à sa pérennité et le service public demeure depuis toujours à la dévotion du pouvoir.
La démocratie sénégalaise vaut certes mieux que nombre de ses consurs continentales mais elle nest toujours pas à la mesure de lhistoire du pays, encore moins de la qualité de ses ressources humaines et des exigences de son développement économique et social.
Lassertion de Momar El hadj Dieng dans la note introductive au Forum sur la gouvernance en Afrique, 29 au 31 octobre 2005, à Addis Abeba, sapplique bien à notre pays. « La concomitance de ces deux mouvements à priori contraires - les crises récurrentes, mais aussi le réveil des consciences sociales africaines - est probablement le reflet que les sociétés africaines sont en phase de transition sociale, politique et économique mais, quelles devront régler les contradictions nées de lhéritage postcolonial en acceptant dassumer les profondes révisions nécessaires des modes de gestion de lespace public. Cela appelle à la refondation de lEtat et de la société en Afrique sur des bases sociales et culturelles négociées avec les populations et élaborées à partir des expériences propres à ces sociétés. Mais, la gouvernance en Afrique est en crise de légitimité et defficacité. En Afrique, le décalage entre les dynamiques institutionnelles et les dynamiques socioculturelles revêt une ampleur telle quil pose la question de la légitimité des institutions publiques et de leurs actions. Or, la légalité de laction publique ne saurait prospérer en labsence de la légitimité qui est censée la fonder, lui conférer un ancrage durable dans lorganisation sociale. Enfin, la situation de la pauvreté et la marginalisation économique et politique de lAfrique, après plus de quarante ans dindépendance révèle la faillite des Etats ».
Autrement dit, beaucoup daspects de la définition dune démocratie incivile à savoir « la déligitimisation des institutions, lineffectivité des droits civils, la corruption, la perte de crédibilité de lappareil judiciaire dans le cadre dune démocratie électorale et dun gouvernement élu, dinstitutions qui fonctionnent, dune constitution démocratique et dun Etat formel (Holston, 1998 :3&13) se retrouvent dans la situation politique en cours au Sénégal.
« Les institutions, les libertés et la citoyenneté », thème de la Commission 1 des assises nationales est donc au cur de la refondation de lEtat, de la gouvernance et donc du développement économique et social du Sénégal.
En effet, le système institutionnel recouvre le régime constitutionnel avec ses prolongements électoraux et partisans ainsi que le système administratif investi de la mission de concrétisation des options fondamentales arrêtées par les gouvernants. Ce sont les interactions entre ces différents systèmes et sous-systèmes qui conditionnent lenvironnement dans lequel se déroule le jeu politique en vue du développement durable de la société dans son ensemble.
Les présentes « Assises nationales » sont dès lors un tournant historique dans lévolution de notre système politique, un autre rendez-vous à ne pas rater. Elles devraient permettre aux acteurs sociopolitiques sénégalais de revisiter profondément le système institutionnel du Sénégal en partant de lidentification des tares qui ont plombé son développement démocratique pour aboutir à une thérapie appropriée inclusive, consensuelle et bien intégrée parce que pensée ensemble avec une attention néanmoins soutenue sur les expériences positives des autres systèmes démocratiques.
Le présent rapport de synthèse aborde le sujet à travers :
La gouvernance institutionnelle comprenant le régime politique, les pouvoirs constitutionnels, le système électoral et les partis politiques
La gouvernance locale et le cadre dexpression citoyenne
La Garantie effective des droits humains
le pluralisme médiatique
I. LA GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE
Du point de vue constitutionnel, lon peut dire, de manière générale, que le Sénégal a connu trois (03) constitutions, depuis lindépendance. Toutes sont issues de celle du 24 janvier 1959 fondatrice de la République du Sénégal.
La première, celle du 26 août 1960, adoptée après léclatement de la Fédération du Mali, trace les contours dun régime parlementaire, avec une dualité au sein de lexécutif.
En effet, il était mis en place un exécutif bicéphale composé dun Président de la République élu par un collège électoral et dun Président du Conseil, chef du gouvernement, chargé de conduire la politique de la nation et responsable devant une assemblée nationale élue au suffrage universel. La constitution consacrait également une autorité judiciaire.
Ce régime a très tôt montré ses limites. Avec le conflit survenu en décembre 1962 entre le Président de la République et le Président du Conseil, le Sénégal a connu une crise institutionnelle qui a engendré la Constitution du 07 mars 1963 marquée par lavènement dun régime présidentiel qui marque la fin du régime parlementaire et inaugure celle dun régime dit présidentiel avec un chef de lÉtat, chef de gouvernement, concentrant entre ses mains tous les pouvoirs de lexécutif. Il est ainsi établi un monocéphalisme exécutif avec un chef de lEtat détenteur exclusif du pouvoir exécutif et chef de gouvernement. On assiste alors à une séparation rigide des pouvoirs marquée par une irrévocabilité mutuelle.
Au cours de son évolution, ce régime présidentiel rigide empruntera au système parlementaire des caractéristiques telles que le droit de dissolution à partir de 1967, ladoption du poste de premier Ministre en 1970 ainsi que des modes daction réciproques entre lexécutif et le législatif comme la motion de censure et le droit de dissolution.
Progressivement, lordonnancement constitutionnel va consacrer un régime hyper présidentiel qui sera confirmé par la constitution de janvier 2001 en réalité, une continuation de celle du 7 mars 1963, adoptée suite à lalternance politique qui a vu la défaite du Parti Socialiste et larrivée des libéraux en 2000 avec lélection du Président WADE.
Concernant le système électoral, il faut dire que le vote, au Sénégal, précède lindépendance, contrairement à dautres pays en Afrique. Lhistoire politique révèle que lon vote depuis 1848 au moins.
Le système électoral a connu une évolution, depuis lépoque des Blaise Diagne, Carpot et Ngalandou Diouf. De labsence de code électoral, aux trucages jusquà ladoption dun fichier électronique, en passant par un code électoral consensuel, tout y est passé.
Lexistence des partis politiques est également antérieure à laccession du pays à la souveraineté internationale. Nombre dentre eux nont pas eu une longue vie. Certains ont été phagocytés, pendant que dautres ont connu des crises, mais se sont maintenus, en dépit des vicissitudes de la vie politique.
Malgré les faiblesses et tares soulignées par les observateurs, les partis politiques ont joué un rôle positif pour la conquête des libertés et avancées démocratiques. Ils ont donné vie au système démocratique du Sénégal.
Peu nombreux au début, les partis sont devenus pléthoriques. Ils sont aujourdhui 144. Cette
Pléthore entraîne une réelle confusion et pourrait être source de difficulté de gestion de la vie politique.
I- LE RÉGIME POLITIQUE ET LES POUVOIRS CONSTITUTIONNELS
1.1. Létat des lieux
La Constitution de janvier 2001, adoptée largement par référendum portait les germes dune sérieuse remise en question des acquis démocratiques du Sénégal. « Elle prive de sens les institutions (...) en les laissant flotter sur le corps social sans jamais le pénétrer ».
La Constitution de janvier 2001 est personnalisée et organise lhypertrophie des pouvoirs présidentiels. La pratique institutionnelle organise une subordination totale du Parlement, pourtant premier pouvoir dans la tradition démocratique, à limperium présidentiel, le minimum dexistence que la loi fondamentale confère aux autres institutions constitutionnelles comme le gouvernement est effacé par lhyper interventionnisme présidentiel qui perçoit toute initiative premier ministérielle comme une tentation et une tentative dinstaurer une dyarchie, une velléité de « dualité au sein de lexécutif ». Le Parlement est instrumentalisé pour assumer la responsabilité dinitiatives motivées de desseins inavoués. Quant au pouvoir judiciaire, il est encore en quête dune identité forte, dune indépendance garantie pour rendre en toute sérénité la justice.
Le régime politique qui préside aux destinées du Sénégal fait du Président la clef de voûte des institutions, lépicentre du pouvoir, le détenteur de la prérogative de définir la politique de la nation, de nommer et de révoquer ad nutum à tous les emplois publics, en un mot de décider de tout. Seul détenteur de lensemble des pouvoirs quil peut, à sa guise, déléguer de droit et de fait à nimporte qui (autorité officielle ou non), le Président ne fait lobjet daucun contrôle et nest responsable ni devant lAssemblée, ni devant nimporte quelle autre instance sauf dans le cas hypothétique, indéfinissable et non aménagé de la « haute trahison ».
La vassalisation de lassemblée nationale, soumise au diktat de lexécutif, sest aggravée. Lassemblée a poussé la caricature jusquà voter une réforme constitutionnelle pour évincer le président de lassemblée nationale.
Le sénat supprimé par la constitution 2001 a été recréé et ses membres sont désignés à 65%, discrétionnairement, par le chef de lEtat.
Les pouvoirs du chef d lEtat savèrent même, supérieurs au suffrage des électeurs puisquil lui est loisible de dissoudre des conseils municipaux et ruraux élus. Il ne sen pas privé et les collectivités occupées par lopposition ou des partisans en rupture de ban, en ont exclusivement fait les frais.
Lordonnancement judiciaire vient de subir une nouvelle réforme avec le retour de la Cour suprême. Le fonctionnement de la Justice depuis lindépendance a souffert peu ou prou dune forme de soumission à lexécutif. La présidence du conseil supérieur de la magistrature par le chef de lEtat, la composition du conseil supérieur de la magistrature avec une faible représentation de magistrats élus par leurs pairs, trois sur douze, la gestion de la carrière des magistrats par ce conseil supérieur de la magistrature, labsence dun syndicat des magistrats, ont souvent permis à lexécutif dinfluencer la justice.
Depuis 2000, les dérives se sont multipliées. Le chef de lEtat a contesté dans un courrier une décision du conseil constitutionnel. Il vient également, le plus officiellement du monde de dicter la procédure à suivre dans laffaire du ministre Farba Senghor. Sans oublier lépisode du protocole de Rebeuss qui a sorti lancien Premier ministre Idrissa Seck de prison suivant les conditions posées par le protocole révélé par la presse.
Le conseil constitutionnel est devenu celui de lincompétence. Le temps du président Keba Mbaye qui revendiquait le droit de faire tout ce que la loi ne lui interdisait pas, qui était pénétré de lidée fondamentale que la plus haute juridiction se doit aussi de faire évoluer la justice en faisant jurisprudence pour combler les silences des textes, est bien révolu.
Le Sénégal est aujourdhui en face du seul type de régime politique au monde où le titulaire de la totalité du pouvoir nest soumis à aucun régime de responsabilité, ni justiciable devant aucune juridiction, ni révocable avant le terme de son mandat. Le titulaire du pouvoir cumule en sa personne la puissance (pour ne pas dire lomnipotence), lirresponsabilité et lirrévocabilité. Ce régime est bien plus que ce Michel Debré et à sa suite une certaine doctrine de la science politique ont appelé « monarchie républicaine », il est une «république monarchique»c'est-à-dire une république où le titulaire du pouvoir a tous les attributs et attributions dun monarque sauf lhérédité de son pouvoir, et encore.
Parallèlement à la crise institutionnelle, on assiste à une impasse politique caractérisée par labsence de dialogue entre les principaux acteurs du jeu politique notamment de la majorité et de lopposition. Pourtant cest par le jeu de la concertation politique que la démocratie pluraliste a pris progressivement forme pour conduire à lalternance démocratique de 2000, malgré quelques soubresauts entre 1998 et 2000 où le blocage était causé par les initiatives unilatérales du PS qui était revenu sur certains consensus de 1992 mais aussi le rejet systématique de lopposition de tout dialogue, notamment la médiation politique en vue de lélaboration dun statut de lopposition et le financement des partis politiques.
Fait très grave, beaucoup de crimes à caractère politique sont restés impunis : Balla Gaye, Omar Lamine Badji, Gorgui Mbengue, ect.
II- Le système électoral
2.1. Etat des lieux
Lalternance en 2000 est aussi le fruit des progrès enregistrés depuis des années par le système électoral, parachevés par le Code, dit Code Kéba MBAYE (nom du premier président de la commission qui lui a donné naissance), fruit du consensus entre tous les acteurs politiques qui lont élaboré, dans une démarche participative consensuelle.
Ce code qui a fait la preuve de son efficience a été remis en question, en maints aspects depuis.
De surcroît, des changements ont été opérés dans les six (06) mois précédant les élections, en violation des dispositions de la CEDEAO auxquelles le Sénégal a souscrit :
Remplacement de lONEL par la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome) en vue, selon le pouvoir, de lapprofondissement de notre système électoral. La désignation de ses membres a été faite unilatéralement par le président de la République. Certains de ses membres, contestés par lopposition, nont pas été remplacés, contrairement à ce qui s était passé avec lONEL où le général Dieng refusé par lopposition avait été remplacé.
Remplacement du HCA par le CNRA (Commission Nationale de régulation de lAudiovisuel) dont tous les membres ont également été désignés discrétionnairement par le président de la république en violation de la charte.
Violation du calendrier électoral avec le report multiple des élections,
Prorogation des mandats des députés et des conseillers des collectivités locales,
Destitution des conseillers locaux et institution des délégations spéciales.
remplacement du ministre de lIntérieur, poste dévolu depuis 1998 à un militaire supposé neutre politiquement par un membre du PDS, en rupture avec le consensus.
Suppression du quart bloquant,
Vote des corps militaires et paramilitaires
La refonte totale du fichier de 2000 ayant permis lalternance et dont la fiabilité avait été incontestée.
Introduction unilatérale et sans contrôle de la biométrie comme élément de fiabilisation du fichier électoral
inscription de lélecteur en tout lieu sur le territoire national. La CENA elle-même a reconnu dans son Rapport général sur lélection présidentielle du 25 février 2007 que : «le caractère national de cette opération favorise la liberté de sinscrire nimporte où et rend le contrôle difficile. La notion de résidence qui permettait didentifier les fraudeurs disparaît définitivement et place tout le monde dans linconnu. Cette méthode est contraire aux dispositions de larticle L31 du code électoral qui mentionne toujours le domicile de lélecteur pour situer son lieu de vote » (P16).
Le fichier électoral a été examiné par le Front daction de la société civile sénégalaise (FACS), celui-là même qui avait procédé à laudit du fichier pour la présidentielle de 2000 Dans son rapport daté de mars 2007, suite à laudit du fichier, le FACS estime que :
« - Laudit du fichier électoral du 02 au 06 février 2007 na pas permis de lever les doutes sur lunicité de lélecteur dans le fichier ;
le fichier des photos a fait ressortir plusieurs cas de ressemblances ;
la mission sur le terrain afin de faire une confrontation avec les personnes dont les photos ont présenté une ressemblance na pas eu lieu du fait de la campagne électorale et de la mise en place des outils et matériaux électoraux ;
Refus de lévaluation des scrutins tenus en 2007
Absence de dialogue entre le pouvoir et lopposition
A ces réformes sajoutent des interrogations sur la carte électorale, la production et la délivrance des cartes délecteurs, la présence de non Sénégalais dans le fichier, le vote des Sénégalais de lextérieur, le vote des militaires et des corps paramilitaires, lutilisation du spray à la place de lencre indélébile, etc.
Ces nombreux problèmes ont entraîné une sérieuse contestation du scrutin présidentiel de février 2007 et conduit au boycott des législatives de juin 2007 par les partis des candidats arrivés deuxième, troisième, quatrième à la présidentiel. Le taux de participation à ces législatives a été de 34 % seulement, selon les chiffres officiels.
Les élections locales prévues en février 2008 et qui ont finalement été reportées au 22 mars 2009 peuvent être hypothéquées sans le retour au consensus dans les règles du jeu électoral.
III- Partis et vie politique
3.1. Etat des lieux
« Il ny a pas dÉtat démocratique sans partis. On doit les moraliser, les revivifier, non les éliminer. Un État sans partis est forcément un État à parti unique, cest-à-dire un État totalitaire, cest-à-dire une autocratie. Un État démocratique est forcément une fédération de partis », écrivait, dans une lettre au Général de Gaulle, le socialiste français Léon Blum, cité par Frédéric Weill.
Les partis politiques sénégalais évoluent dans un environnement ambiant où simbriquent des règles obsolètes, confuses et contraignantes ainsi que des pratiques qui plombent le développement politique et qui requièrent des thérapies juridiques et comportementales appropriées.
Seulement, une vision partagée de ce quest un parti politique est un préalable au diagnostic et à la thérapeutique. Les acteurs politiques devraient sentendre avant tout sur une définition consensuelle du parti politique afin de faciliter la levée des options sur les réformes quil urge dapporter au système partisan sénégalais.
Les politologues La Palombara et Wiener définissent le parti politique à partir de quatre (4) critères non alternatifs :
Une organisation durable : avec une espérance de vie politique supérieure à celle de ses dirigeants en place, le parti politique se distingue des factions, des cliques, des coteries ou des groupes de soutien qui disparaissent généralement avec leurs fondateurs ou la réalisation des objectifs visés ;
Une organisation bien structurée : avec des ramifications locales entretenant des rapports réguliers et variés avec léchelon national, le parti politique se différencie des groupes parlementaires qui ne sont pas localement structurés ;
Une organisation dont lobjectif doit être la conquête et lexercice du pouvoir : les partis politiques sopposent à cet égard aux groupes de pression qui se contentent dinfluencer les décideurs sans chercher à prendre et à exercer le pouvoir ;
Une organisation recherchant un soutien populaire : ce dernier critère distingue le parti politique des clubs et autres organisations qui ciblent un public bien déterminé.
Les partis politiques sont un phénomène assez récent dans lévolution des systèmes politiques. Ils sont nés et se sont développés en même temps que la conquête et lexpression du suffrage. Au départ, ils nétaient pas intégrés dans les différents régimes constitutionnels qui les avaient ignorés jusquau lendemain de la seconde guerre mondiale. Actuellement, les partis politiques sont des organisations incontournables daménagement et de renforcement des régimes constitutionnels libéraux qui les reconnaissent formellement dans les textes officiels. Cest ainsi que sinspirant de la loi fondamentale de la RFA de 1949 et suivie en cela par les constitutions des Etats africains dexpression française, la Constitution française du 4 octobre 1958 procède à une constitutionnalisation des partis politiques qui concourent officiellement à lexpression du suffrage.
Le système partisan sénégalais est toutefois bien antérieur à la Constitution de la Vème République. Bien avant son accession à la souveraineté internationale et au lendemain de son indépendance, le Sénégal connaissait en droit et dans les faits un véritable système multipartite. Larticle 3 de la Constitution du 26 août 1960 reconnaissait formellement un multipartisme, qui plus est, déjà fortement ancré dans la culture politique des acteurs politiques de la colonie du Sénégal. Ce multipartisme hérité de la colonisation devait connaître une double évolution : déclinante et ascendante.
Le déclin sest traduit par le passage dun multipartisme inégalitaire en 1960 à lunification du système partisan en 1966.
Le multipartisme était donc une réalité politique du Sénégal colonial et postcolonial. Seulement, à linstar de ce qui sest passé dans pratiquement tous les Etats issus du processus de décolonisation, le multipartisme allait connaître une très mauvaise fortune sous la première République du Sénégal. Il était très inégalitaire avec une mainmise du parti au pouvoir UPS - sur tous les leviers du pouvoir politique et de ladministration. Contrôlant lappareil dEtat, lUPS entama une stratégie dunification du système partisan en détruisant ou fragilisant les partis existants.
Après une parenthèse de 8 années (1966-1974), le multipartisme, formellement consacré par larticle 3 de la Constitution du 7 mars 1963, allait se traduire dans les faits avec la naissance le 8 aout 1974 du PDS qui obtint son récépissé de déclaration le 8 décembre de la même année. Sur sa lancée, le RND crée en 1975 par le professeur Cheikh Anta Diop déposa ses statuts à la gouvernance de la région du Cap Vert. Face à cette frénésie pluraliste, le gouvernement prit les devants en faisant adopter par sa majorité parlementaire homogène et disciplinée la loi n° 75-68 du 9 juillet 1975 modifiant la loi n° 64-09 du 24 janvier 1964 relative aux partis politiques (J.O. n° 4436 du 21 juillet 1975, p. 1004). La loi modifiée imposa deux nouvelles obligations visant en réalité à renforcer le droit de regard du gouvernement sur lactivité des partis politiques :
Les partis politiques doivent déclarer chaque année dans les 8 jours qui suivent lanniversaire du dépôt de leurs statuts, les titres et qualités des personnes à la tête de leurs structures administratives ;
Ils doivent en outre déposer au 31 janvier au plus tard le compte financier de lexercice écoulé, ce qui permet au gouvernement de vérifier que les partis ne recevaient pas de subsides de létranger ou des étrangers établis au Sénégal.
Les obligations prescrites nétaient assorties daucune effectivité dans la mesure où elles nétaient pas respectées par les partis, y compris le parti au pouvoir. En outre, la loi 75-68 navait pas empêché la prolifération des partis politiques. Ces conséquences non voulues devaient amener le législateur à agir sur le dispositif juridique en instituant un multipartisme limité assorti dun contrôle de lorthodoxie idéologique des partis reconnus.
Le quadripartisme prit fin avec lavènement du président Diouf à la magistrature suprême. La loi 81-16 du 6 mai 1981 portant révision de la constitution et la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques (J.O. 48-34 du 15 mai 1981) vont bouleverser profondément le paysage juridique des partis politiques.
Le rétablissement du multipartisme intégral a permis au Sénégal de franchir la dernière étape de lexpérience démocratique entamée en 1976. Sur les partis politiques ne pèse plus lobligation de se réclamer dune idéologie préalablement définie par le législateur ou le constituant. Les seules clauses contraignantes sont celles portant sur le respect de la démocratie libérale et le non identification des partis à une religion, une ethnie, un sexe, une langue ou une race. Ces limitations sont au demeurant parfaitement légitimes car sinscrivant dans une perspective de renforcement de la cohésion nationale.
La réforme fut rapidement suivie dune explosion exponentielle des partis politiques. De 9 partis en 1981, les partis ont amorcé une ascension vertigineuse en passant à 18 en 1992, 68 en 2002, 78 en 2004 et 144 en 2008.
A ses débuts, la réforme de 1981 affaiblissait lancienne opposition légale qui perdit ainsi le monopole de la contestation de la majorité en place et, corrélativement, renforçait le PS qui profita de latomisation de lopposition sénégalaise. Toutefois lopposition va progressivement se structurer, se crédibiliser et se doter dun leader dune envergure nationale et dun charisme exceptionnel. Ce leader de lopposition tirera profit de la dynamique unitaire de lopposition pour remporter lélection présidentielle des 26 et 19 mars 2000 basculant le Sénégal dans le camp des démocraties avec alternance. La logique unitaire a survécu à lalternance démocratique avec une bipolarisation bien marquée des forces politiques entre le pole de la majorité présidentielle incarnée par le CAP 2000 et celui de lopposition regroupé successivement dans le cadre du CPC (2002), du front « Clarté Na Leer », de la CPA et maintenant du F.S.S.
LE CADRE JURIDIQUE DES PARTIS POLITIQUES
Les partis politiques sont régis par les dispositions de larticle 4 de la Constitution du 22 janvier 2001 et de la loi 81-17 du 6 mai 1981 modifiée par la loi 89-36 du 12 octobre 1989 (J.O. 28/10/1989, p.418).
Larticle 4 de la Constitution fait des partis politiques des organisations officielles chargées de concourir à lexpression du pouvoir de suffrage. Leur mission est de recruter les candidats aux différentes élections, dencadrer les électeurs en développant leur conscience politique et dexpliciter les options arrêtées par le gouvernement ou bien de critiquer les dites options en proposant des alternatives crédibles.
Sur les partis politiques pèsent des obligations découlant de la constitution et surtout de la loi 81-17 du 6 mai 1981 qui fixe les règles relatives à la création et à lencadrement juridique des activités des partis.
LA CREATION DES PARTIS POLITIQUES
La création dun parti est subordonnée au respect préalable de conditions de forme et de fond.
Les conditions de forme
Les partis politiques sénégalais sont obligatoirement constitués sous forme dassociation conformément aux dispositions des articles 812 à 814 du code des obligations civiles et commerciales, deuxième partie. Ils sont soumis aux règles communes à toutes les associations et à des règles particulières.
Les règles communes
Les partis politiques sont des personnes morales de droit privé. Ils obéissent aux règles de constitution des associations.
A la base dun parti politique il y a un contrat faisant naître des droits et des obligations en faveur et à la charge de tous ses membres. Les règles générales sur la formation du contrat sappliquent aux partis politiques.
La liberté dassociation préside à la formation des partis politiques qui se forment librement sans aucune formalité que celle de la déclaration préalable et de lenregistrement. Le parti doit être déclaré par le dépôt en double exemplaire de ses statuts, du procès-verbal de la réunion de lAssemblée générale constitutive et de la liste des membres de son administration auprès de lautorité compétente (en lespèce le préfet). Il est délivré récépissé de ce dépôt. La déclaration fait lobjet dun enregistrement après un contrôle préalable de légalité.
Les règles particulières
La délivrance du récépissé de déclaration dun parti est subordonnée au respect de mentions, déclarations et dépôts obligatoires.
Les mentions obligatoires : conformément à larticle 2 de la loi 81-17 du 6 mai 1981, les statuts dun parti, politique doivent obligatoirement mentionner lengagement de respecter la constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.. La non identification du parti à une race, à une ethnie, à une religion, à une langue, à une région, doit apparaître clairement dans les statuts.
Les déclarations obligatoires : prévues par larticle 3 de la loi 81-17, ces déclarations sont au nombre de deux :
La déclaration sans délai de toute modification apportée aux statuts ;
La déclaration annuelle, au plus tard dans les 8 jours suivant la date anniversaire de la délivrance du récépissé, des prénoms, noms, professions et domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration.
Les dépôts obligatoires : les partis politiques doivent déposer chaque année, au plus tard le 30 janvier, le compte financier de lexercice écoulé. Ce compte doit faire apparaître que le parti ne bénéficie dautres ressources que celles provenant des cotisations, des dons et legs de ses adhérents ou sympathisants nationaux ainsi que des bénéfices réalisés à loccasion de manifestations lucratives. Cette disposition interdit aux partis de recevoir directement ou indirectement des subsides de létranger (même émanant dun national) ou détrangers vivant au Sénégal.
Les conditions de fond
Elles sont relatives au respect du jeu démocratique et à la non identification des partis à des intérêts sectoriels.
Le respect des règles du jeu démocratique
Les partis politiques sont des institutions de consolidation de la démocratie. Leur action doit être orientée vers le renforcement des valeurs fondamentales de la démocratie. Ils doivent en conséquence inscrire leurs programmes et stratégies de conquête, dexercice et de conservation du pouvoir dans la perspective de lidéal démocratique. Cette obligation recouvre laménagement dune concurrence loyale entre les partis et ladhésion de ceux-ci aux valeurs démocratiques du régime politique.
Laménagement dune concurrence loyale : laction partisane repose sur une compétition sincère et loyale des partis politiques pour la conquête et lexercice du pouvoir. Pour éviter des manuvres frauduleuses ou dolosives, larticle 2 alinéa 3 de la loi 81-17 interdit à un parti de prendre lappellation dun parti ayant déjà reçu son récépissé de déclaration. Il ne peut non plus se servir pour sa propagande des titres ou slogans déjà utilisés par un autre parti.
Ladhésion aux valeurs démocratiques du régime : larticle 4 de la constitution sénégalaise consacre formellement des valeurs politiques fondamentales que les partis politiques sont tenus de respecter. Ces valeurs politiques concernent le respect de la constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
Larticle 4 de la loi du 12 octobre 1989 modifiant la loi 81-17 explicite la portée de lengagement en définissant « un véritable code de conduite des partis politiques» . On trouve dans ce code le respect des caractères républicain, laïc et démocratique de lEtat des institutions de la République, de lindépendance nationale, lintégrité du territoire national et de lunité de lEtat, de lordre public et des libertés publiques.
Linterdiction des partis sectoriels
Au respect des règles du jeu démocratique sajoute linterdiction faite aux partis politiques de sidentifier à des intérêts sectoriels. En effet, les intérêts pris en charge par les partis politiques doivent être des intérêts généraux et non particuliers. Cette clause limitative prévue par larticle 4 de la Constitution est aménagée par larticle 1 alinéa 2 de la loi 81-17 modifiée. Cette prohibition sinscrit dans la perspective du renforcement de lintégration nationale dont le processus de gestation nest pas encore arrivé à terme. Le constituant cherche ainsi à exorciser les particularismes locaux en cherchant à préserver lunité nationale dans le cadre du respect de légalité de toutes ses composantes. Cest en application de cette disposition que les partis dobédience religieuse ainsi que les partis régionaux ou régionalistes ne sont pas légalement reconnus au Sénégal.
Le régime du récépissé
Il revient au ministre de lIntérieur de délivrer le récépissé de déclaration des partis politiques. La délivrance du récépissé est de droit, ainsi que le prescrit larticle 4 de la loi n° 81-17 du 6 mai 1981. Le ministre est tenu de le délivrer dès lors que le parti politique a respecté les conditions de forme et de fond prévues par la réglementation. Le récépissé doit comporter la citation des dispositions de larticle 12, alinéa 2 de la constitution prohibant « les groupements dont le but ou lactivité est contraire aux lois pénales ou dirigé contre lordre public ». il doit en outre être fait mention dans le récépissé de larticle 2 de larticle, alinéa 1 de la loi 81-17 modifiée (respect des valeurs républicaines) et de larticle 812 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales (le contrôle de la légalité des partis politiques). Le refus denregistrement ne peut intervenir que pour des motifs de droit. Ce refus doit être motivé et peut faire lobjet dun recours pour excès de pouvoir devant la Cour suprême (art. 812, al.3 COCC).
LENCADREMENT JURIDIQUE DES ACTIVITES DES PARTIS POLITIQUES
Le régime politique sénégalais aménage un statut juridique permettant aux partis politiques de diffuser leurs programmes et de véhiculer leurs messages. Des droits leur sont reconnus mais sur eux pèse en permanence la menace de dissolution.
Les droits des partis politiques
Les partis politiques jouent un rôle fondamental dans lexpression et la consolidation de la démocratie. Ils participent à lexpression du suffrage, encadrent les élus et procèdent à léducation de leurs militants. Animant les institutions étatiques ou cherchant à les contrôler, les partis politiques doivent jouir dun statut fixant leur cadre daction et leur conférant des droits à coté des obligations auxquelles ils sont soumis. Le régime politique sénégalais reconnaît des droits fondamentaux aux partis politiques.
Le droit dexister
La constitution sénégalaise proclame solennellement en son article 4 le pluralisme politique qui permet à tout parti politique de jouir dune existence légale indépendamment de la formation politique qui contrôle lappareil dEtat. Cette constitutionnalisation du pluralisme soppose à linstauration sous quelque forme que ce soit du parti unique sur tout ou partie du territoire national et le protège de toute menace existentielle émanant du législateur ou du pouvoir exécutif.
Le droit de sopposer
Ce corollaire du pluralisme est reconnu aux partis politiques par le préambule de la Constitution qui fait de lopposition « un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ». Larticle 58 garantit aux partis politiques qui sopposent à la politique du Gouvernement le droit de sopposer. Le constituant renvoie cependant à une loi, non votée à ce jour, la définition du statut de lopposition, notamment les droits et devoirs qui leur sont reconnus dans le régime politique.
Le droit de gouverner
Le principe de la démocratie pluraliste est le gouvernement de la majorité sous le contrôle de lélection et larbitrage du peuple. En application de ce principe, la majorité exerce le pouvoir dEtat à travers la majorité parlementaire de laquelle émane le gouvernement. Dans les démocraties pluralistes contemporaines la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, nest plus envisagée sous un angle organique entre un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif distincts mais sous un angle fonctionnel entre la majorité qui exerce le pouvoir dEtat sous le contrôle de lopposition. La détention du pouvoir dEtat qui est un pouvoir de légiférer, de déterminer la politique de la nationale et de la mettre en uvre se trouve dès lors concentré entre les mains de la majorité politique qui dispose légitimement du pouvoir de gouverner.
Le droit de mener normalement les activités politiques
Le parti politique doit se trouver dans un environnement institutionnel favorable pour exercer ou conquérir le pouvoir politique. Il a le droit et le devoir de se structurer administrativement, de disposer de moyens financiers et humains de nature à lui permettre de mener ses activités statutaires, de former ses militants et dencadrer ses élus. Il doit participer au déroulement du processus électoral tant dans les différentes commissions électorales (inscription, distribution, bureaux de vote, commissions de recensement) dans le règlement des différends électoraux et contribuer ainsi à la sincérité et à la légitimité des conditions de dévolution du pouvoir politique. Cest dans ce cadre quun statut doit formellement leur être aménagé, comme cest le cas de nombre de pays africains : Mauritanie, Mali, Bénin, RD Congo, etc.)
Le droit daccès aux médias
Les droits des partis politiques trouvent leur prolongement dans laccès équilibré aux moyens de communication de masse, en particulier aux médias publics et privés. En effet, les partis politiques ne peuvent concourir effectivement à lexpression du suffrage que sils sont en mesure de diffuser leurs programmes.
Laccès des partis politiques sénégalais aux médias dEtat est expressément prévu par larticle 9 de la loi 89-26 du 12 octobre 1989 modifiant la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques. Il faut reconnaître que ce droit daccès nest pas rigoureusement respecté sous le PS comme sous le PDS. Le CNRA est plus outillé que le HCA mais peine à imposer le pluralisme politique dans les médias publics, mais les mêmes pratiques demeurent.
La dissolution des partis politiques
La dissolution est lacte par lequel une autorité compétente met prématurément fin à lexistence légale dune personne morale ou dun corps organisé. Les partis politiques sénégalais entrent dans le champ des organismes pouvant être dissous.
Les causes de dissolution
Outre les déclarations et dépôts obligatoires ainsi que les conditions de fond qui président à sa constitution, un parti politique encourt la dissolution dans les cas suivants :
Lapplication dune disposition statutaire qui a été refusé par le ministre de lintérieur. Cette disposition fait du ministre de lintérieur, une autorité politiquement engagée et très souvent un membre éminent du parti au pouvoir, le censeur des actes statutaires souverainement adoptés par les organes compétents dun parti ;
La méconnaissance, par ses activités générales ou ses prises de position, des obligations découlant de larticle 4 de la constitution;
La violation du « code de conduite » dont les contours ont été définis par larticle 4 de la loi 89-26 du 12 octobre 1989.
Le régime de la dissolution
La dissolution est prononcée par le président de la république sur rapport du ministre de lIntérieur. Ce pouvoir de dissolution nest pas discrétionnaire. Il doit se fonder sur des motifs de droit clairement déterminés par la loi sur les partis politiques et non sur des motifs dopportunité. En outre le décret est subordonné à un rapport préalable du ministre de lIntérieur qui est le véritable initiateur de la dissolution. Cest en effet lui qui exerce un contrôle administratif sur lactivité des partis politiques et apprécie les manquements à leurs obligations constitutionnelles.
Le décret de dissolution émanant dune autorité administrative est juridiquement un acte administratif susceptible dêtre attaqué par la voie du recours pour excès de pouvoir devant la chambre administrative de la Cour suprême dans les deux mois suivant sa notification. A défaut de notification, eu égard à son caractère individuel, il peut être attaqué à tout moment, même sil a fait lobjet dune publication au journal officiel. Régulièrement saisi, le juge appréciera le bien fondé su décret par rapport aux normes classiques de la légalité : respect des règles de compétence, des formalités substantielles, absence de détournement de pouvoir ce qui est fréquent dans ce domaine régularité des motifs de fait et de droit, respect des normes qui composent le bloc de légalité.
En conférant un droit de mort aux partis politiques, droit mis en uvre par un président de la République, chef du parti au pouvoir, sur linitiative dun ministre de lIntérieur, membre très influent du parti au pouvoir, le législateur soumet les partis politiques à un arbitraire éventuel des auteurs de la dissolution et remet en cause légalité de principe des partis politiques dans la conquête du pouvoir. Il est souhaitable à linstar de nombre de démocraties contemporaines Allemagne, Turquie, USA, Japon, etc. que le pouvoir de dissolution soit retiré au pouvoir exécutif et confié au pouvoir judiciaire qui nous paraît le mieux à même dassumer cette délicate mission.
Les partis politiques régulièrement constitués ont vocation à conquérir, à exercer et à conserver le pouvoir politique. Dans les régimes démocratiques, leffectivité de cette mission est conditionnée non seulement par le respect de la législation y afférente mais aussi par un environnement politique favorable à léclosion et à lexpression de comportements, attitudes et valeurs positifs fortement ancrés dans les consciences collectives. Or le cadre juridico-politique du système partisan sénégalais nous semble complètement déstructuré par une politique « libérale » fondée sur lostracisme, lexclusion, lintolérance et une phobie de tout dialogue politique conduisant ainsi à une ankylose de la vie politique.
1.3. Les réformes souhaitées
Le choix dun régime politique doit être le fruit de lhistoire informée par les soubresauts et réalités de lexercice des différents régimes démocratiques.
1.3.1. De la Constitution
La remise en question dacquis démocratiques démontre la nécessité impérieuse de travailler à lirréversibilité de certains acquis. La nouvelle Constitution doit affirmer lintangibilité de :
la République comme forme dEtat
la laïcité du régime,
lEtat unitaire décentralisé.
La Constitution doit être stable, consensuelle, concertée, connue par le peuple. Le référendum doit être le seul moyen de lamender ou à tout le moins, dans des parties clairement indiquées.
Les textes qui nous constituent en tant que nation ayant une volonté commune de vivre ensemble doivent répondre à quatre (4) exigences :
rompre avec le mimétisme des constitutions françaises et occidentales,
prendre en charge ce que notre passé politique nous a légué en termes de bonnes pratiques, en matière de normes démocratiques pour ancrer la constitution dans lhumus culturel du pays,
prendre dans les Constitutions du monde ce qui nous est offert de plus humain, de plus démocratique, de plus progressiste.
avoir une démarche participative impliquant les populations concernées en utilisant leurs langues.
1.3.2. Du régime politique
Après le bref intermède des premiers mois dindépendance, le régime présidentiel saccentuant avec le temps a été la norme politique sénégalaise. Ce régime a montré ses limites. Pour refonder lEtat, les pouvoirs et la République, il est impératif de procéder à une véritable rupture. Même si lélection du Président de la République au Suffrage universel direct demeure la meilleure manière de conférer au peuple sa souveraineté, il est aujourdhui impératif de limiter les pouvoirs du détenteur de lexécutif issu des urnes. Lélection présidentielle est devenue au Sénégal comme presque partout en Afrique, un moment dramatique où sopposent non des idées et des projets de sociétés mais des hommes, représentants parfois dintérêts particuliers qui capturent ensuite le pouvoir à leur profit exclusif. La plupart des conflits en Afrique sont nés à la suite délections présidentielles. Le Kenya et le Zimbabwe ne sont que les derniers exemples en date. Le président de la république, élu au suffrage universel direct ne doit plus concentrer entre ses mains des pouvoirs excessifs.
Le Régime parlementaire proposé est rationnalisé. La centralité du pouvoir doit revenir au peuple à travers ses représentants au parlement.
Les pouvoirs sont répartis de manière équilibrée entre le pouvoir exécutif, législatif, judiciaire.
1.3.3. De lAssemblée Nationale
- est dépositaire de la souveraineté et de la volonté du peuple
- vote les lois et contrôle laction du Gouvernement
- dispose de la motion de censure pour démettre le Gouvernement
- évalue les politiques publiques
- contrôle efficacement laction du Gouvernement
- contrôle régulièrement lexécution du budget de lEtat
- peut déclencher une procédure contre le chef de lEtat pour haute trahison
- peut interpeller le Président de la République
- doit être multicolore et refléter les différentes sensibilités politiques du pays.
- Les députés doivent avoir un minimum de formation pour exercer cette fonction
- Le monocaméralisme (chambre unique) est proposé, dans les conditions historiques actuelles.
1.3.4. Du Président de la République
- Ses pouvoirs sont clairement définis
- ne doit pas être chef de parti.
- est garant de la souveraineté et de lintégrité du territoire.
- est le chef des forces armées.
- nomme les ministres sur proposition du PM.
- accrédite et reçoit les lettres de créances
- est élu au suffrage restreint par lAssemblée Nationale et les représentants des Conseils régionaux et municipaux.
- est responsable devant le collège qui la élu
- peut dissoudre lassemblée nationale mais son mandat est alors remis en jeu
- Le mandat présidentiel dure 05 ans renouvelable 01 seule fois
Les gardes fous :
- des sanctions sont prévues contre le Président de la République en cas de violation de serment par exemple ;
- Fait une déclaration de patrimoine à linstar du Premier ministre, des ministres et de certains emplois spécifiés
1.3.5. Le Gouvernement
Il comprend le Premier Ministre et les Ministres.
Le Premier Ministre :
- est issu de la majorité parlementaire.
- définit et conduit la politique de la nation
- est responsable devant le parlement qui peut le démettre par une motion de censure.
- propose les membres du gouvernement au PR.
- nomme, concurremment avec le PR, aux emplois civils et militaires définis par une loi organique.
- dispose de ladministration et des forces de sécurité (police et gendarmerie).
- Une loi organique définit le périmètre de ses pouvoirs
1.3.6. Le pouvoir judiciaire
Le pouvoir judiciaire doit être composé de :
- la Cour constitutionnelle, du Conseil dEtat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes et des cours et tribunaux.
La justice constitue un des derniers remparts de la démocratie doù la nécessité davoir :
- Une justice réellement indépendante
- délargir les domaines de compétence du Conseil Constitutionnel pour en faire une Cour Constitutionnelle gardienne de la Constitution, de lesprit de son texte et de son application.
Son Président est élu par ses pairs.
- La Cour Constitutionnelle est chargée du contentieux électoral
- Le nombre de membres de la Cour Constitutionnelle est revu à la hausse
- Elargir la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature, en augmentant le nombre des membres élus. Elle sera présidée par le Président de la Cour Constitutionnelle. Le Président de la République y sera représenté ainsi que le gouvernement et lassemblée nationale.
- Le Conseil supérieur de la magistrature assure la gestion de la carrière des Magistrat du Siège et du Parquet.
- Le parquet nest plus sous la tutelle du Ministère de la justice
- Le parquet poursuit à lexclusion de toute injonction gouvernementale.
2.3. Réformes souhaitées
2.3.1. Pour des élections apaisées :
- Donner des bases solides à des élections apaisées en créant un organe indépendant dorganisation des élections avec des compétences en amont et en aval. Ces compétences sarrêtent là où commencent celles de la Cour Constitutionnelle, à savoir le contentieux juridictionnel.
- Délocaliser lorganisation des élections du MINT vers cet organe qui doit gérer lensemble du processus électoral. Cet organe doit jouer un rôle darbitre et ne pas avoir de couleur partisane. Il soccupera de la nomination et de la révocation du personnel devant en avoir la gestion.
Lorgane doit être sécurisé sur tous les aspects (juridiques, techniques, financiers, etc.
Une nouvelle loi créant cet organe doit être élaborée en tenant compte des acquis au Sénégal et ailleurs.
2.3.1.2. Inscriptions sur les listes électorales : Obligation pour lélecteur de sinscrire à son lieu de vote, en respectant la loi électorale qui parle, en son article L.31, de « domicile réel », au sens de domicile politique.
2.3.1.3. Circonscription électorale :
Dessiner la circonscription électorale, en fonction du type délection :
- Pour les élections nationales, la circonscription se situe au niveau des départements.
- A létranger, il existe la représentation diplomatique ou consulaire.
- Les règles de participation aux élections sont les pour les partis et les indépendants.
- Pour les élections locales, la circonscription électorale est la collectivité locale de base (commune ou communauté rurale).
2.3.1.4. Fichier électoral doit être géré par lautorité de régulation à créer (voir point 1.
2.3.1.5. Calendrier des élections
Le respect strict du calendrier républicain est la règle ainsi que le stipule le protocole de la CEDEAO signé à Dakar en décembre 2001 qui stipule : « les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la constitution ou les lois électorales ».
2.3.1.6. Revoir le Code électoral : Il doit être audité et réformé notamment en réexaminant toutes les modifications unilatérales. Il doit être le fruit dun consensus fort entre les forces politiques et celles de la société civile.
Mettre dans le code électoral la recommandation de la Communauté des Etats de lAfrique de lOuest (CEDEAO) en matière de règles du jeu électoral et lassortir de sanctions.
Larticle 2 du protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001, sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnelle au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, stipule : « aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (06) mois précédent les élections, sans le consentement dune large majorité des acteurs politiques. »
2.3.1.8. Contentieux juridique :
Il doit être du ressort de la Cour constitutionnelle.
2.3.1.9. Evaluation du système électoral :
Evaluer le processus après chaque élection et évaluer lensemble du système électoral tous les dix ans doit être une règle.
2.3.1.10. Candidature libre aux élections:
Généraliser la possibilité de la candidature libre, en créant les dispositions nécessaires pour chaque élection.
2.3.1.11. Mode de scrutin
Retenir le scrutin de liste :
-Liste nationale et liste départementale accepter les listes indépendantes.
-Le mode de scrutin doit combiner la reconnaissance de la candidature libre à tous les niveaux et le scrutin de listes.
-Le scrutin préconisé est celui de la proportionnelle locale et les gains à ce niveau sont reportés au niveau du scrutin proportionnel régional.
NB : La préférence de la commission est la proportionnelle intégrale et considère quà défaut dun tel mode de scrutin, la meilleure clé de répartition est 3/5 des postes pour la proportionnelle et 2/5 pour la majoritaire.
2.3.1.12. Statut de lélu : définir le statut de lélu quil soit parlementaire ou conseiller en lui garantissant une protection matérielle, morale et juridique de lélu dans lexercice de son mandat.
Tout député qui démissionne de son parti ou de la coalition qui la fait élire perd son mandat.
2.3.1.14. Vote des militaires et paramilitaires :
La commission déplore le caractère unilatéral de cette mesure de grande portée électorale mais estime difficile de revenir sur un « acquis démocratique » fondé sur le droit inaliénable de tout citoyen à exercer son droit démocratique de choisir les dirigeants qui auront la charge de le diriger.
2.3.1.15. Le cautionnement
La caution fixée à 25 millions CFA pour lélection présidentielle et 15 millions pour les élections législatives constitue un obstacle censitaire à la participation électorale.
2.3.2. Vie et rôle des partis politiques
Les acteurs politiques devraient sentendre avant tout sur une définition consensuelle et avoir une vision partagée de ce quest un parti politique.
Réforme du régime des partis
Le cadre juridique des partis politiques doit être profondément revu et adapté à la lumière des expériences vécues depuis la réinstauration du multipartisme et des expériences positives des autres systèmes partisans. Partant du constat que la loi de 1981 a été élaborée et adoptée avec une certaine précipitation mettant en lumière ses insuffisances et lacunes, force est alors de reconnaître la nécessité de corriger ses imperfections, dy apporter des innovations tout en maintenant les acquis positifs. Dans lensemble, la réforme du régime des partis devrait tourner autour des conditions de création des partis pour éviter cette profusion tant décriée par les acteurs politiques, de la protection des libertés publiques intimement liées à lactivité des partis politiques et de la préservation de lautonomie de gestion des partis politiques dans leurs rapports avec le ministère de lIntérieur.
Conditions de création des partis politiques
La multiplication exponentielle des partis politiques soulève des inquiétudes sur la viabilité du système partisan, eu égard à lanarchie qui caractérise le paysage partisan et à labsence de structuration des partis. Des solutions radicales allant dans le sens de la limitation autoritaire des partis politiques sont avancées.
Historiquement des systèmes politiques africains avaient expérimenté la limitation des partis politiques selon des modalités variables.
Le Sénégal avait institué un tripartisme entre 1976 et 1978 et un quadripartisme de 1979 à 1981. Cette limitation était le fait dabord du législateur et ensuite du constituant. Elle était autoritaire et arbitraire dès lors quon faisait peser sur les partis reconnus lobligation de se référer à des courants idéologiques prédéterminés.
La Haute Volta avait également expérimenté une limitation à trois du nombre des partis de 1978 à 1981. Seuls les trois partis arrivés en tête des élections législatives étaient autorisés, les autres devaient se fondre dans les partis existants ou disparaître purement et simplement. Ce procédé était plus démocratique car la limitation était lexpression de la volonté du peuple qui à travers les voix exprimées décidait en dernière instance des partis devant exister.
Sur le principe, nous considérons que la limitation des partis politiques est anti-démocratique. Les partis lilliputiens ne constituent nullement une menace au système démocratique sénégalais. Il existe une foultitude de petits partis aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, pays pourtant considérés comme des berceaux du bipartisme. Ces partis nempêchent nullement ces deux systèmes politiques de fonctionner selon la logique du bipartisme, à savoir la réduction de lexercice du pouvoir aux deux principales formations.
En conséquence, nous considérons que le législateur ne devrait voter aucune loi allant dans le sens dune limitation autoritaire des partis politiques. Il devrait faire confiance aux lois du marché politique pour les structurer dans un sens plus conforme aux aspirations de la société
Ce droit dexister de tous les partis politiques ne soppose pas à un encadrement plus rigoureux des conditions de création des partis afin déviter une prolifération incontrôlée des partis politiques. Au demeurant, en se basant sur la définition empirique du parti politique des politologues La Palombera et Wiener, le législateur pourrait envisager une double exigence en sus des règles générales de constitution des partis.
Lexigence de viabilité: nombre de partis politiques nont aucune matérialité car dépourvus du minimum organisationnel comme, par exemple, un simple siège social et a fortiori une bureaucratie. Or, le parti étant une organisation administrativement structurée dotée de ressources humaines, matérielles et financières, lautorité chargée de délivrer le récépissé pourrait sassurer de la crédibilité de la structure postulante par rapport à ses aménagements et équipements. Lenquête de police devrait privilégier lexistence matérielle au détriment du parcours de ses dirigeants.
Lexigence dun seuil de représentativité nationale: le parti étant une organisation nationale avec des ramifications locales, le législateur pourrait imposer aux partis en création dadministrer la preuve de leur représentativité nationale en instituant un système de parrainage similaire à celui des candidatures indépendantes aux élections nationales. La demande pourrait être accompagnée de la signature dun nombre requis délecteurs répartis dans toutes les régions ou un nombre représentatif de régions.
La protection des libertés publiques intimement liées aux partis politiques
Les partis politiques sont les principaux protecteurs et en dernière instance bénéficiaires des droits politiques dont la finalité est dassurer la participation des citoyens à lexpression du suffrage et à la conquête, lexercice et la conservation du pouvoir politique. Etant des vecteurs extrêmement sensibles de la démocratie, les partis doivent évoluer dans un environnement juridique sécurisé où la part darbitraire doit être ramenée à sa portion congrue. Or les partis politiques sénégalais butent souvent sur des obstacles juridiques dont profite le parti au pouvoir dont linstrument daction dans ses rapports avec les autres partis est le ministre de lIntérieur. Ces partis naissants sont souvent confrontés à des lenteurs administratives occultant dès fois une volonté de ladministration de poser des obstacles à un parti dont laction peut gêner le pouvoir en place. Le droit à la marche, qui apparaît comme une innovation majeure du constituant de 2001 apparaît comme une chimère du fait des entraves souvent irrégulièrement portées à son exercice. Enfin, la dissolution qui est la seule sanction prévue par la loi sur les partis, politiques est une véritable épée de Damoclès qui menace constamment lexistence juridique des partis politiques sénégalais.
En vue de garantir un environnement juridique sécurisé aux partis politiques, le législateur sénégalais devrait alléger le régime du récépissé, préciser létendue et les limites du droit à la marche et aménager un régime gradué de sanctions.
Le régime du récépissé : la délivrance du récépissé sanctionne la reconnaissance légale dun parti. La loi de 1964 réglemente strictement la procédure de dépôt et de délivrance du récépissé de déclaration dun parti politique. La délivrance est de droit après une simple vérification des conditions de création dun parti politique. Dans les faits, le ministère de lintérieur sest arrogé un véritable pouvoir lui permettant de retarder ou de bloquer la délivrance dun récépissé. Nous avons vu par exemple que le FNS attendait vainement son récépissé jusquà ce quil soit dissous alors que la dissolution logiquement devrait frapper des organisations juridiquement existantes. Pourtant, ladministration étant tenue de délivrer le récépissé, sa non délivrance, à lexpiration dune période de 4 mois équivalant, selon les principes généraux du droit administratif, à une décision implicite de rejet ouvrant droit à un recours pour excès de pouvoir. Les partis nétant pas enclins à user de cette voie de droit, ladministration tire profit de leur méconnaissance de la légalité ou de leur inertie pour se conférer des prérogatives implicites lui permettant dautoriser ou de refuser la création dun parti. Le législateur devrait simplement apporter des précisions au régime juridique du récépissé. Conformément aux principes fondamentaux régissant le droit des libertés fondamentales, tout ce qui nest pas formellement prohibé étant autorisé, la non délivrance du récépissé après lexpiration dune période de 4 mois emporte reconnaissance du parti politique demandeur. Ce faisant, le législateur oblige ladministration à prendre clairement ses responsabilités.
Le droit à la marche pacifique : ce droit fondamental, remonté au rang constitutionnel par larticle 10 de la Constitution du 22 janvier 2002, est soumis au régime de la déclaration préalable. A la différence du régime préventif où ladministration autorise préalablement lexercice dune liberté, le régime de la déclaration préalable repose essentiellement sur linformation et la publicité. La déclaration vise à informer lautorité ainsi que les tiers de lexercice dune liberté. Ladministration est confinée à un rôle passif dans la mesure où il nest attendu delle aucune décision dapprobation. La seule limite constitutionnelle à la marche pacifique est quelle ne doit pas porter atteinte à l'ordre public. La pratique administrative de la marche pacifique a travesti ce régime de la déclaration préalable en un régime préventif de lautorisation préalable. Cet état de fait est la conséquence de lindétermination du cadre dexercice de cette marche. La constitution se limitant simplement à consacrer ce droit, il revient au législateur de fixer les règles essentielles permettant dexercer effectivement ce droit fondamental.
Laménagement du régime gradué de sanctions : la loi sur les partis ne prévoyant que la dissolution comme unique sanction pouvant être prononcée à lencontre des partis politiques, il convient daménager des sanctions graduées allant des amendes pécuniaires à la dissolution en passant par la suspension.
Les pénalités ou les privations davantages financiers consentis aux partis politiques pourraient sanctionner le non dépôt des rapports financiers, labsence de notification des modifications statutaires ou la violation éventuelle de la législation sur le financement des partis politiques.
La suspension fait perdre temporairement la capacité juridique à un parti politique. Elle pourrait être prononcée en cas de trouble à lordre public, datteinte à la sécurité des personnes et des biens ou de violation grave des lois et règlements en vigueur.
La dissolution peut sanctionner les partis politiques coupables datteintes à la sécurité interne ou externe du pays, à lindépendance nationale, à lintégrité territoriale ou des partis recourant à des procédés anti-démocratiques de conquête ou de conservation du pouvoir.
Lindépendance des partis politiques du gouvernement
De par ses prérogatives, le ministre de lIntérieur est le véritable épicentre du système partisan sénégalais. Il gère au quotidien lactivité des partis politiques et dispose de ressources juridiques et politiques très étendus lui permettant dêtre informé en permanence des activités et des ressources des partis et, le cas échéant, denclencher une procédure danéantissement dun parti. Avec un tel ordonnancement juridique, un ministre de lIntérieur, partie prenante du processus dexercice et de conservation du pouvoir par le parti au pouvoir, est naturellement tenté de détourner les pouvoirs juridiques à des fins purement partisanes. Aussi, à défaut davoir un ministère de lintérieur arbitre, régulateur, ne serait-il pas indiqué de détacher la gestion des partis de ce ministère pour la confier à une autorité indépendante en mesure darbitrer et de réguler tout le processus partisan ?
En sus du retrait de la gestion au quotidien des partis politiques, le ministère de lIntérieur ne devrait pas disposer dun pouvoir de sanction des partis politiques. La dissolution ne devrait plus être lapanage du pouvoir exécutif qui est lémanation politique des partis de la majorité parlementaire. A linstar de nombre de démocraties pluralistes la dissolution devrait ressortir à la juridiction constitutionnelle qui est chargée de la régulation normative du régime politique. Le tribunal constitutionnel de la RFA a eu à prendre une décision de dissolution du parti communiste allemand en 1955. Tout récemment, la Cour constitutionnelle de Turquie a rejeté un recours visant la dissolution du PKK, parti islamique au pouvoir.
Lavantage de la dissolution judiciaire est quelle émane dune autorité indépendante située au-dessus des contingences politiques. En outre, la dissolution peut frapper indifféremment les partis de la majorité et ceux de lopposition. La loi pourrait alors déterminer la procédure de saisine du juge et les cas douverture de la dissolution des partis politiques.
Si la dissolution est judiciaire, les autres sanctions (pénalités ou suspension) peuvent conserver leur nature administrative mais devront être prononcées par lautorité indépendante de régulation. La sanction devra alors faire lobjet dune notification et peut faire lobjet dun recours devant la juridiction compétente.
LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DACTION DES PARTIS POLITIQUES
La revisite de la loi sur les partis politiques devra se prolonger par des actions visant à rendre les partis politiques plus aptes à assumer la mission qui leur est dévolue. Ils doivent évoluer dans un environnement politique propice à une expression sereine du pluralisme politique. Il sagit essentiellement de concrétiser les règles du jeu démocratique par ladoption dun véritable code de conduite, la mise en place dun dispositif garantissant la sincérité et la transparence du jeu politique et, enfin, linstitutionnalisation dune autorité de régulation de la démocratie.
Le code de conduite
Les nouvelles démocraties fonctionnent sur la base dun code de conduite qui est en quelque sorte un « gentlemen agreement politique» élaboré sur une base consensuelle et fixant un minimum de règles partagées et respectées par les acteurs politiques. Le code de conduite nest pas un acte juridique adopté et sanctionné dans les mêmes conditions que la loi. Il sagit dun condensé de principes politiques et de valeurs éthiques que les partis sengagent à respecter dans les rapports quils entretiennent entre eux dune part, avec les institutions dautre part et les différents acteurs sociopolitiques enfin. Ce faisant, il contribue à cultiver des rapports civilisés entre les protagonistes du jeu politique et à aménager des procédés alternatifs de règlement des différends politiques.
La démocratie pluraliste renvoyant à lexercice du pouvoir dEtat par la majorité sous le contrôle de lopposition, les rapports entre les deux principaux protagonistes du jeu politique devront reposer sur des principes et valeurs permettant à chaque acteur de jouer sa partition démocratique. A la majorité de gouverner à travers le pouvoir dEtat qui emporte un pouvoir de détermination et de mise en uvre de la politique nationale. La majorité dispose à cet effet de tous les attributs et toutes les ressources de lEtat. Ce pouvoir nest cependant ni illimité ni arbitraire. Il sexerce dans le cadre du respect de la légalité et des valeurs fondamentales qui sous-tendent la démocratie. La majorité devra respecter lopposition qui présente un caractère dutilité publique en démocratie dans la mesure où elle modère les ardeurs de la majorité et constitue une alternative au pouvoir en place. Les valeurs de tolérance, de respect et de courtoisie réciproques entre les acteurs politiques véhiculées par la démocratie devraient être de mise dans les rapports entre la majorité et lopposition. Le droit de gouverner de la majorité devra être reconnue et respecté par lopposition. Inversement la majorité devra respecter le droit pour lopposition dexister, de sopposer et de prétendre conquérir le pouvoir dEtat. La contrepartie des droits de lopposition est lobligation de ne pas porter atteinte aux institutions républicaines, à lindépendance nationales ou à la forme républicaine de lEtat et dutiliser des moyens licites et pacifiques pour participer à la vie politique de la nation.
De manière générale, les libertés constitutionnelles dexpression, dopinion et de marcher ne devraient connaître aucune entrave. Un régime dimmunité limitée pourrait être aménagé pour éviter des procédures judiciaires intempestives dirigées contre les chefs de partis pour les opinions exprimées dans lexercice de leur fonction. Le législateur pourrait à cet égard donner une plus grande effectivité au statut de lopposition constitutionnellement consacré mais politiquement neutralisé du fait de labsence dune loi dapplication.
Le dialogue et la concertation devraient être permanents entre les acteurs politiques et les institutions. Ainsi quil le fait avec les syndicats, le patronat, les ruraux, entre autres, le président de la République pourrait organiser une rencontre annuelle avec les leaders de partis politiques pour décrisper le jeu politique et cultiver de larges plages de convergences sur les valeurs fondamentales de notre système politique.
La sincérité et la transparence du jeu politique
La sincérité et la transparence du jeu politique en tant que facteurs de renforcement des capacités daction des partis politiques passent par ladoption dune législation sur le financement de la vie politique, en particulier le financement des campagnes électorales et des partis politique.
Le financement de la vie politique est le plus grand dénominateur commun des démocraties pluralistes contemporaines. Seuls chypre, le Luxembourg et la Suisse nont pas encore de législation sur le financement alors que les fonds publics constituent la principale ressource financière des partis politiques en Allemagnes, en Belgique, en Espagne, en France, en Italie et en Scandinavie. En Afrique subsaharienne, nombre dEtats ont adopté une législation sur le financement : Mali, Bénin, Niger, RDC, Gabon, Cameroun.
Le financement de la vie politique permet aux partis politiques de sacquitter de leurs missions dintérêt général, en même temps quil autorise les citoyens à sarroger un droit de regard sur lorigine et la destination de largent des partis politiques. Il contribue enfin à réduire les inégalités entre les partis de la majorité qui ont souvent recours aux moyens de lEtat et ceux de lopposition. La traçabilité des ressources financières serait ainsi assurée à travers linstauration dun système de contrôle des comptes des partis politiques.
Labsence dune législation sur le financement encourage les financements occultes et autres dérives des partis de la majorité. Les salaires versés aux chefs de la CAP 21 et les dotations en riz qui leur sont allouées ne peuvent, en létat actuel du droit sénégalais, faire lobjet daucune sanction. Les autorités bénéficiaires de fonds politiques peuvent en effet puiser en toute impunité dans leurs ressources budgétaires pour allouer discrétionnairement des fonds à leurs partisans. Le financement occulte ne saurait être invoqué là où il nexiste pas de législation fixant des règles précises de financement assorties de sanctions. Une législation sur le financement des partis politiques contribue ainsi à renforcer les capacités daction des partis, à réduire les inégalités entre la majorité et lopposition devant le suffrage, et à clarifier les rapports entre largent et la politique par la mise en place dun dispositif permettant de contrôler lorigine et la destination des ressources des partis et de sanctionner certains travers liés à la politique et à largent.
LAutorité de régulation de la démocratie
Létreinte du ministère de lIntérieur sur le déroulement du jeu démocratique devrait être desserrée. Ce ministère de souveraineté étant juge et partie du jeu politique, les rapports entre les acteurs politiques courent le risque dêtre déséquilibrés. Aussi, la sécurisation de lenvironnement des partis politiques dans les démocraties encore en construction requiert-elle linstitutionnalisation dune Autorité indépendante chargée de réguler le jeu démocratique dans son entièreté. LAutorité devrait disposer dune indépendance existence et dune autonomie fonctionnelle vis-à-vis du gouvernement et avoir les moyens de cette indépendance.
LAutorité qui peut être collégiale (commission) ou unipersonnelle devrait prendre en charge tout le processus démocratique incluant tout le processus électoral, à lexception du contentieux juridictionnel, et toutes les affaires afférentes aux partis politiques (création, déroulement des activités, sanctions éventuelles à lexception de la dissolution qui serait judiciaire). Cette Autorité serait ainsi le principal surveillant, le protecteur, le contrôleur et en même temps linterface entre le ministre de lIntérieur et les partis politiques pour tout ce qui a trait à lexercice des libertés publiques, notamment le droit à la marche pacifique ou la sécurisation des manifestations des partis.
LAutorité pourrait également prendre en charge le dialogue républicain à travers des concertations périodiques entre les partis politiques. Lexception Sénégalaise doit beaucoup à la concertation qui a permis de décrisper la crise politique en 1988, de doter le Sénégal dun code consensuel en 1992, dévaluer et de réformer le système électoral sénégalais en 1997. Cest ce consensualisme politique qui a permis lalternance démocratique en 2000. Pourquoi ne pas séculariser le dialogue politique à travers linstitution dune autorité régulatrice qui pourrait amener les acteurs politiques à la table des négociations dès lors que les circonstances politiques lexigent ? Le Sénégal pourrait, une fois de plus, faire uvre de pionner en explorant ce nouveau champ de la régulation démocratique.
II. GOUVERNANCE LOCALE ET CADRE DEXPRSSION CITOYENNE
Depuis plusieurs décennies, le Sénégal a opté pour une décentralisation territoriale progressive et prudente, mais désormais irréversible.
Cette décentralisation vise à :
- donner aux collectivités locales des compétences propres distinctes de celles de lEtat ;
- faire élire leurs autorités par les populations ;
- assurer un meilleur équilibre des pouvoirs sur lensemble du territoire.
Les collectivités territoriales créées à cet effet disposent dune personnalité morale, dun pouvoir de décision, dune autonomie administrative, dun personnel propre et des biens et services propres.
La décentralisation sert ainsi à mettre les politiques publiques au plus près des besoins des citoyens, rapproche le processus de décision des citoyens et favorise lémergence dune démocratie de proximité.
Au regard des nombreuses revendications et conflits identitaires qui se développent dans plusieurs pays africains, la décentralisation, au-delà de ses missions classiques, contribue à la recherche dune solution durable à la crise de lEtat-Nation africain.
Le processus de décentralisation du Sénégal accompagné dun mouvement parallèle de déconcentration a commencé avant 1960 avec la création des 4 communes. A lindépendance en 1960, 33 communes de plein exercice sont crées.
En 1972, la décentralisation sétend au monde rural avec la création des communautés rurales (loi 72-25 du 19 avril 1972).
En 1990, on assiste à un renforcement de la démocratie locale avec le transfert de lexécution du budget de la communauté rurale du sous-préfet au président du conseil rural et la suppression du statut spécial des communes chefs-lieux de région et du poste dadministrateur municipal.
En 1996, de nouvelles compétences sont transférées, et sont créées la région, la commune darrondissement. Cela, saccompagne de la suppression de la tutelle et du remplacement du contrôle à priori par le contrôle à posteriori.
Des principes de base sous-tendent la décentralisation :
- respect de lunité nationale et de lintégrité du territoire ;
- égale dignité des collectivités locales ;
- libre administration des collectivités locales ;
- bonne gouvernance locale (participation, respect des droits des minorités, transparence, responsabilité) ;
- équilibre entre décentralisation et déconcentration ;
- meilleure répartition des sphères de décision ;
- principe de subsidiarité ;
- contrôle à posteriori aménagé ;
- principe de participation (art.102 de la Constitution).
Malgré ces progrès, la gouvernance locale montre des signes dessoufflement. Essentiellement adossée aux principes de la démocratie représentative, la gouvernance locale subit les effets pervers du modèle. La théorie de la représentation est de plus en plus battue en brèche par des populations qui revendiquent une participation accrue dans la gestion des affaires locales. La pauvreté et la mal gouvernance dans les institutions publiques (les collectivités locales notamment) rendent conflictuelles les relations entre les administrés et les autorités locales.
1- Architecture institutionnelle et organisation administrative
1.1. Etat des lieux
Le Sénégal est subdivisé en collectivités territoriales de différents ordres :
régions ;
communes ;
communes darrondissement;
communautés rurales ;
En létat actuel, le pays compte 11 régions, 110 communes, 43 communes darrondissement et 320 communautés rurales. Les nouvelles créations issues de la réforme de 2008 ne sont pas encore prises en compte, parce quelles ne sont pas encore dotées dassemblées ; même si la loi les a déjà créées.
Quand cette réforme sera formalisée, le Sénégal comptera 14 régions, 340 communautés rurales, 150 communes.
Les collectivités locales, CL, sont composées de conseillères et de conseillers élus pour partie au scrutin majoritaire et pour partie au scrutin proportionnel (scrutin mixte) sur proposition des partis politiques légalement constitués. Elles sadministrent librement par des conseils élus au suffrage universel (art.1er CCL).
Les CL sont dotées des compétences générales de droit commun et des compétences dattribution (loi 96-07 du 22 mars 1996) suivantes :
domaines ;
environnement et gestion des ressources naturelles ;
santé, population et action sociale ;
jeunesse, sports et loisirs ;
culture ;
éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et de la formation professionnelle ;
planification ;
aménagement du territoire ;
urbanisme et habitat.
Les mécanismes tels lintercommunalité et les ententes communautaires sont très peu exploités par les collectivités locales. Ainsi, on ne note pratiquement pas de rapports entre elles.
Les rapports entre les élus locaux et les agents de lEtat sont marqués par une certaine condescendance de ces derniers envers les premiers cités.
1.2. Les problèmes identifiés
1.2.1. Au plan administratif
On note une certaine frénésie de lEtat dans la création de nouvelles régions collectivités locales sans une véritable étude préalable. Cette explosion institutionnelle va aboutir à un saucissonnage du territoire en petites entités territoriales, sans aucune viabilité sur le plan économique.
Au plan social, cela génère des remous permanents au niveau local et engendre des conflits.
Au plan administratif, ces découpages causent aux populations de sérieuses difficultés dans la recherche de papiers administratifs.
Imprécision des limites
Les limites des communes ne sont pas matérialisées. La loi définit ces limites par des critères géographiques, sans aucune précision sur le point de repère. Du fait de limprécision dans la définition des limites territoriales des CL, plusieurs conflits de compétence sont relevés, notamment à Dakar (entre les communes darrondissement, entre les communes de Bargny et de Rufisque concernant la territorialité de la SOCOCIM).
Absence de cadastre rural
Labsence dun cadastre rural pose un problème quant à la maîtrise du foncier rural. Les limites des communautés rurales nétant pas maîtrisées, il est pratiquement impossible de déterminer avec précision lassiette des impôts.
Règlements inadaptés
Le règlement intérieur des collectivités locales constitue une simple reprise de celui de lAssemblée nationale. Il en résulte des difficultés dapplication.
1.2.2. Au plan politique
Mode de scrutin injuste
Le mode de scrutin mixte introduit une certaine injustice dans la composition des conseils des CL. Par les mécanismes du système majoritaire, un parti peut disposer dune majorité écrasante au Conseil et dicter sa loi, alors même quil ne dépasse ses concurrents que de quelques voix.
Interdiction de candidatures indépendantes
La loi électorale dispose que seuls les Sénégalaises et Sénégalais ayant acquis la majorité, jouissant de leurs droits civiques et présentés par un parti politique légalement constitué peuvent faire acte de candidature dans le cadre des élections locales. Cette disposition restrictive des droits des citoyens constitue un sérieux obstacle à leur participation à la gestion de leur cité. Par ce canal, des personnes ressources de qualité sont écartées de la gestion locale par le simple fait quelles ne sont pas membres de partis politiques.
Immixtion de lEtat
LEtat simmisce de manière quasi permanente dans le fonctionnement des CL. A ce jour, presque toutes les CL contrôlées par des opposants au régime sont placées sous délégation spéciale (Conseils régionaux de Diourbel et de Dakar, Conseil municipaux de Thiès et de Bambey, etc.) sous le prétexte de « fonctionnement bloqué de manière durable ». Dans dautres cas, cest des enjeux fonciers et / ou politiques qui ont poussé lEtat à intervenir (cas de Malicounda et Mbour). Dans la majeure partie des cas, cette procédure de mise sous délégation spéciale a été engagée en violation flagrante des dispositions du CCL. Ainsi, le Conseil Régional de Diourbel est placé sous délégation spéciale permanente.
Les mandats actuels des élus locaux ont été prorogés par la simple volonté du pouvoir en place sans consultation préalable des mandants.
1.2.3. Au plan de létendue des compétences transférées
Les compétences transférées sont en deçà des attentes des acteurs locaux. Les neuf (9) compétences sont insuffisantes et en plus, les domaines ne sont jamais entièrement transférés. Il en est ainsi de la santé où le personnel est géré par lEtat. Il en est de même dans le domaine de lEducation.
Les acteurs locaux souhaitent voir leurs compétences étendues en matière dhydraulique, des mines et des carrières.
Il est à noter que lEtat a transféré de manière uniforme les compétences, sans tenir compte des niveaux de développement différenciés des CL. Cette situation fait que certaines compétences ne sont pas exercées par les CL faute de moyens.
1.2.4. Au plan du partenariat
A lexception de lentente CADAK / CAR et lintercommunalité entre Joal et Fadiouth, on note une quasi absence de partenariat entre les CL sénégalaises. Les relations avec les CL du Nord dans le cadre de la coopération décentralisée sont privilégiées sans pour autant que dans ce domaine, les résultats soient à la hauteur des espérances du fait dun manque de maîtrise des mécanismes (mais également de certains blocages liés à labsence de statut) par les élus locaux. Cette quasi absence de coopération entre collectivités voisines laisse subsister les problèmes de gouvernance soulevés.
1.3. Réformes souhaitées
Pour résoudre ces différents problèmes, la commission recommande des réformes pour améliorer sensiblement la gouvernance locale. Il sagit entre autres de :
Créer un Haut Conseil des collectivités locales sous la forme dune instance consultative, disposant dun pouvoir de proposition, y compris la saisine du Conseil constitutionnel pour une initiative de loi. Ce conseil ne pourra en aucune manière, être dissous avant le terme normal de son mandat.
maintenir la région comme cadre de programmation du développement régional en la redimensionnant sur la base de critères économiques, socioculturels, administratifs pertinents. Il faudra veiller à bâtir une région économiquement et sociologiquement viable et la doter dun territoire propre. Sa prééminence sur les autres ordres de CL est nécessaire. Il faut un redécoupage des régions en entités plus viables pour favoriser un développement équilibré. Décentralisation, découpage territorial et foncier sont des éléments qui doivent aller ensemble pour créer les synergies nécessaires. Dans le découpage, il faut veiller à ce que létude de polarisation intègre à la fois les aspects économique et administratif. Sinon, on crée des charges de recherche de dossiers administratifs assez lourdes pour les populations.
Une réforme donnant des compétences économiques à la région simpose. La région devra être le lieu de coordination des priorités locales et de partage des ressources. LEtat doit favoriser la génération de ressources propres par la région ; celles-ci proviendraient des activités quelle développe à partir des nouvelles compétences cédées. En effet, en dehors des compétences régaliennes, toutes les compétences gardées par lEtat doivent être partagées avec la région (Exemple : Agriculture /vulgarisation agricole et distribution des semences peuvent être confiées à la région) ;
Supprimer, réduire ou rationaliser le nombre des communes darrondissement. Par exemple, il peut ne pas y avoir de commune darrondissement à Rufisque ;
délimiter de manière précise les communautés rurales et procéder à leur bornage ;
mettre en place un cadastre rural pour une meilleure maîtrise du foncier rural ;
initier une réforme agraire en vue dune exploitation plus rationnelle (sur le plan économique) des terres
initier une réforme du foncier urbain en vue de favoriser une urbanisation harmonisée ;
transformer toutes les communautés rurales en communes rurales. Ce changement de statut permet aux nouvelles communes rurales de bénéficier daffectations plus consistantes en matière de dotation ;
élargir les compétences dattribution des CL et différencier les compétences à transférer en fonction du niveau de développement. Il faudra néanmoins, en vertu du principe de légale dignité des CL, penser à mettre en place des pôles de développement pour vaincre les inégalités entre CL ;
autoriser les candidatures indépendantes (des listes indépendantes à côté des listes des partis) aux élections locales, afin de renforcer la démocratie locale ;
adopter la proportionnelle intégrale comme mode de scrutin
dans le cadre du fonctionnement normal des conseils élus des collectivités locales, il devrait être envisagé la possibilité de la prise en compte, face à ces nouvelles légitimités démocratiques, des anciennes légitimités locales dans le but dune meilleure maîtrise des conflits, susceptibles dentacher le processus de bonne gouvernance locale.
réécrire le Code des collectivités locales ;
lutter contre la pauvreté et lanalphabétisme en mettant en place un Plan National dEradication de lAnalphabétisme financé à partir du budget national (augmenter de manière substantielle les ressources allouées au sous secteur de lalphabétisation et de lEducation non formelle).
II Cadre dexpression de la citoyenneté participative
La démocratie apparaît comme une aspiration plus que comme un projet réalisé. La représentation peut être un écran qui empêche le peuple, considéré comme souverain de sexprimer. Il existe une revendication constante pour éviter les médiations abusives et rendre la parole à ceux qui sont concernés. La légitimité de lordre social dépend de lefficacité des institutions (atténuation de légoïsme des dirigeants), des mécanismes de socialisation et des processus correcteurs du pouvoir. On parle de plus en plus de démocratie participative. Le concept de démocratie participative nimplique pas nécessairement la suppression de la représentation nationale ou locale, mais il le fait coexister avec des processus décisionnels caractéristiques de la démocratie directe. En ce sens, la notion de démocratie participative recouvre des organisations à mi chemin entre la représentation et lauto gestion.
Le cadre dexpression de la citoyenneté qui découle dune telle logique vise la participation pleine et entière du citoyen à la gestion des affaires de sa collectivité.
La participation désigne des tentatives de donner un rôle aux individus dans une prise de décision affectant une communauté.
La décentralisation dite territoriale repose sur le principe de bonne gouvernance locale qui vise notamment à donner un pouvoir effectif aux citoyens par :
- louverture dans sa gestion (transparence)
- lobligation de reddition des comptes de sa gestion (accountability).
- la participation, cest-à-dire, la possibilité offerte aux citoyens, de prendre part aux processus de prise de décisions, aux programmes et activités touchant leur vie quotidienne.
Transparence, obligation de rendre compte et participation sont des caractéristiques fondamentales de la bonne gouvernance.
La transparence intègre le fait de présenter les questions publiques de façon accessible et compréhensible de sorte que lorsque les citoyens choisissent de participer, ils puissent le faire en citoyens informés, dans une langue et un langage qui garantissent lauthenticité et la qualité de linformation.
Une autorité publique doit pouvoir rendre compte de sa gestion. Elle est jugée à travers ce quelle fait et le citoyen a le droit de savoir ce que fait lautorité à qui il a donné mandat dexercer le pouvoir.
Le degré de participation des citoyens est un élément fondamental qui permet de définir et de déterminer ce qui est une bonne gouvernance. Sans participation, il ne peut y avoir de transparence crédible encore moins de reddition des comptes devant les citoyens.
2.1. Etat des lieux
La décentralisation crée des pouvoirs locaux et renforce la démocratie locale.
Au Sénégal, le cadre juridique de la participation est organisé à travers larticle 102 de la constitution du 7 janvier 2001 qui dispose : « les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques »
En outre, et aux termes de larticle 3 de la loi 96-06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales,
«
. Elles (les collectivités locales) associent en partenariat, le cas échéant, à la réalisation des projets de développement économique, éducatif, social et culturel, les mouvements associatifs et groupements à caractère communautaire ».
Les citoyens peuvent assister aux réunions des conseils élus sans toutefois pouvoir prendre la parole si on ne la leur donne pas, faire des propositions relatives au développement de leur localité, demander la communication de documents aux autorités locales (à leurs frais) et demander aux représentants de lEtat dexercer leur contrôle de légalité.
Le système prévoit aussi, à tous les échelons de ladministration territoriale et locale, une participation qui se traduit par des organismes consultatifs auprès des autorités administratives et composés des représentants des élus locaux et des forces économiques et sociales : conseil régional, conseil départemental, conseil darrondissement ; des structures de coordination et de concertation : comité régional, départemental et local de développement (C.R.D., C.D.D., C.L.D.).
Outre ces structures officielles, des cadres de concertation existent et qui sont initiés par différents programmes. Nous citerons comme exemple le Comité de Coordination et de Gestion (CCG), initié par le Programme National dInfrastructure Rurale (PNIR)-actuel PNDL-Ce cadre réunissait des représentants de différents comités de gestion, dOCB, délus locaux. Il était présidé par le PCR.
2.2. Les problèmes identifiés
Les structures nont pas réussi à garantir une participation pérenne des populations car le fonctionnement des organes délibérants officiels est très irrégulier dune part, et les cadres analogues au CCG sont des cadres ad hoc qui disparaissent avec les programmes. En réalité ce ne sont pas des cadres dexpression dune citoyenneté participative au sens politique de renforcement ou de promotion de la démocratie locale.
La pauvreté et lanalphabétisme venant renforcer cette carence institutionnelle, nous nous trouvons devant une situation qui nécessite de linnovation en matière de gouvernance ; car, le problème de fond est celui-ci : la gouvernance locale marche avec un pied (le gouvernement local). Lautre pied (la société civile locale) qui, en réalité, est sa raison dêtre, est tout simplement coupé. Il nexiste pas de société civile locale suffisamment formée, informée et organisée pour faire entendre sa voix et défendre ses droits tout en sacquittant de ses devoirs. Cest cela le vrai défi à relever par les assises.
Comment garantir lexpression citoyenne dans les collectivités locales ? Il est universellement établi que les mécanismes institutionnels de participation directe des citoyens fonctionnent mieux là où les citoyens sont déjà organisés. Donc le facteur le plus important cest dorganiser les citoyens et non de créer des institutions par le haut.
Il est intéressant à ce stade de lanalyse dintroduire le concept de « capital social » inhérent à la construction dune société civile efficace, à la lumière de louvrage de Robert Putnam : Making democracy work : civic traditions in modern Italy / Princeton University Press. Le capital social, cest le degré dorganisation de la société civile fondée sur des liens horizontaux entre les associations. Putnam montre dans cet ouvrage, en prenant lexemple sur la décentralisation à litalienne, que les sociétés civiles les mieux organisées sont plus aptes à créer des gouvernements plus efficaces et inversement, un gouvernement efficace a tendance à encourager lexistence de société civile épaisse « thick civil society » fonctionnant en réseaux.
Cest que la vie associative produit beaucoup de bien en termes de partage de valeurs telles que la solidarité, la confiance et létat desprit public et que plus les réseaux horizontaux sont denses, plus la coopération entre les citoyens devient facile.
Une société civile forte est nécessaire pour le renforcement de la démocratie.
2.3. Les réformes souhaitées
Au vu des différents problèmes identifiés, un certain nombre de réformes sont nécessaires. Il sagit entre autres de :
Mettre en place un cadre formel et pérenne dexpression de la citoyenneté qui pourrait prendre la forme dun Observatoire de la Gouvernance Locale ou « Maison du citoyen ».
Aujourdhui, associations spécialisées dans le plaidoyer, mouvements de solidarité, Organisations non gouvernementales de développement et autres groupes dintérêts diffus sactivent dans le règlement de conflits de tous genres et dans la lutte contre la pauvreté. Ces actions, il est vrai, sont importantes mais trop verticales et leur visibilité et leur impact restent limités par le caractère extraverti et souvent élitiste des leaders et acteurs de ces groupes générés par une dynamique urbaine.
Bâtir une société civile locale dense dans les collectivités locales constitue, à notre sens, une étape fondamentale dans la création dun cadre dexpression de la citoyenneté participative. Et cela ne doit pas être envisagé de manière abstraite, mais à partir dune volonté de créer une entité citoyenne capable de défendre ses droits socio-économiques.
Par exemple, les citoyens peuvent être organisés à partir dune thématique opérationnelle : le budget participatif. Ainsi, le processus de planification participative (réalisation de PLD duquel on extrait le PAI) qui conduit à lélaboration des budgets, doit en même temps permettre de recenser les organisations communautaires de base actives au niveau local. Organisées en réseaux thématiques, elles sont dotées dun siège opérationnel qui est un dispositif de veille sur la gouvernance, un observatoire de la gouvernance locale (OGL). A limage des maisons de lEtat (gouvernance, préfecture et sous préfecture) et des maisons des élus locaux (hôtel de région, hôtel de ville, hôtel communautaire), on créerait une Maison du citoyen devant servir de cadre permanent à la mise en réseau de la société civile et à lexpression de la citoyenneté.
LEtat enrichirait ainsi son patrimoine bâti local dun cadre de rencontres et de dialogue entre acteurs du développement, en le réalisant soit par ses propres moyens, soit en collaboration avec les partenaires au développement ;
Renforcer le capital social par la mise en réseau et le renforcement des capacités des Organisations de la Société Civile (OSC)
Au Sénégal, la crise permanente vécue à tous les niveaux est dautant plus grave que les citoyens semblent totalement désarmés devant linexistence dune société civile compacte. Dans sa forme actuelle, la SC sénégalaise na pas encore atteint la maturité et le degré dorganisation qui lui permette de jouer son rôle de contrepouvoir et de se positionner en tant que force de proposition ;
Instituer dans le cadre du contrôle citoyen de laction publique (CCAP), un processus de budgétisation participatif qui met en présence, dans le cadre dune négociation, lexécutif de la CL, le président de la Commission des Finances de la CL et les représentants dun Comité Local de Concertation (CLC), lorgane de gestion de lobservatoire dans lequel siègent les différents acteurs locaux.
Institutionnaliser la mise en place dOGL au niveau du siège de chaque CL pour favoriser la concertation entre acteurs de la gouvernance locale (représentants de la CL, représentants de lEtat, représentants des OSC, représentants des organismes intervenant au niveau de la collectivité). Linitiative des espaces citoyens dinterpellation démocratique (ECID) qui a été expérimentée avec succès au Mali pourrait être répliquée au Sénégal avec pour objectif délargir et de consolider le cadre dexpression de la citoyenneté tel que proposé dans le cadre de la « maison du citoyen ».
Mettre en place un mécanisme de communication participative. En effet, pour assurer une bonne gouvernance locale qui suppose naturellement une gestion efficace et efficiente des ressources de la communauté et requiert une participation consciente de tous les citoyens, il savère indispensable de renforcer les capacités des membres des collectivités concernées, pour leur permettre de prendre en charge leur propre développement. Comment atteindre cet objectif dans un contexte de pauvreté, dans un milieu dépuisement ou dinexistence même des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins fondamentaux des citoyens et pour stimuler le développement ? Cest toute la problématique de la participation citoyenne. Elle sinscrit dans une démarche appropriative par les communautés des ressources du milieu, avec le soutien et la participation des collectivités décentralisées, avec lappui des animateurs sur le terrain et de celui des intervenants communautaires.
Dans cette perspective, la communication participative se présente comme un outil de travail efficace pour assurer la participation des citoyens. La communication participative permet notamment :
de discuter des problèmes et des pratiques de gestion des ressources naturelles (ou de tout autre secteur de développement) ;
de cerner et danalyser les problèmes et les besoins et den déterminer la priorité ;
de concevoir et dimplanter des initiatives de développement concrètes pour remédier à ces problèmes ;
dacquérir les connaissances nécessaires pour implanter ces initiatives ;
dévaluer et de faire le suivi des efforts fournis et de planifier les prochaines étapes.
Parmi les moyens et outils de la communication participative, on peut citer : les discussions de groupe ou rencontres-débats, les séances de visionnement public, les techniques de recherche participative, les jeux de rôles, les visites personnelles, les visites guidées, les ateliers, les expositions, les médias de groupe, les affiches et bannières, les enregistrements vidéos, les médias de masse, les journaux locaux, la télévision, lInternet.
Tout ce mécanisme sinspire du modèle de participation communautaire tel que proposé par la FAO.
III Les ressources des collectivités locales
Nous avons opéré une distinction entre les ressources humaines, les ressources matérielles et les ressources financières.
3.1. Etat des lieux
3.1.1. Ressources humaines
A lexception de la ville de Dakar, on note un déficit de ressources humaines en nombre mais surtout en qualité au niveau des CL sénégalaises. Cette situation découle en grande partie de leur situation dindigence, mais également de la loi qui interdit aux CL de recruter certaines catégories de personnel. Le profil de recrutement des personnels des CL est de manière générale très bas. Ces derniers sont placés dans une situation précaire. Ils ne disposent pas dun plan de carrière et souffrent dun déficit de formation. Cest le cas notamment des assistants communautaires chargés dadministrer la communauté rurale.
On note labsence dune Fonction Publique locale qui aurait permis la rotation (par le canal des affectations) des personnels des CL et ainsi, faire bénéficier à celles qui sont moins nanties de lexpertise disponible au niveau national.
3.1.2. Ressources matérielles
Manque déquipements
Le niveau déquipement des CL (tout comme des services du commandement territorial au niveau rural) ne milite pas en faveur dune administration de développement. Lutilisation dordinateurs et autres équipements informatiques est assez marginale, notamment dans les Communautés rurales (CR).
Dans les sous-préfectures, les registres détat-civil sont entassés à même le sol à la merci des intempéries (termites, humidité, etc.).
Manque dinfrastructures
Certaines CL ne disposent pas encore de siège (même si la situation est en train de saméliorer dans le cadre des réalisations du PNIR / PNDL). Toutefois, les choses risquent de saggraver avec la création de CL tous azimuts.
Dans les collectivités locales, lenclavement est la chose la mieux partagée du fait dune mauvaise politique daménagement du territoire. De manière générale, le développement local est handicapé par des problèmes de disponibilité et de praticabilité des infrastructures routières. Le cas de la Casamance (parmi tant dautres est assez symptomatique des mauvais choix stratégiques en matière daménagement du territoire). Il en résulte au plan économique et social des paradoxes inexplicables en matière de développement.
Maîtrise insuffisante du domaine et du cadastre
Dans la gestion du domaine, les autorités locales font assez souvent face à des contraintes liées au défaut de maîtrise des dispositions de la loi 64 46 du 17 juin 1964 portant loi sur le domaine national et de la loi 76 66 portant Code du domaine de lEtat. Sy ajoute le fait que les limites territoriales des CL ne sont pas précises ; doù les conflits dinterprétation des dispositions relatives au découpage territorial.
Le cadastre qui va de pair avec les domaines na pas fait lobjet de transfert. Le cadastre rural nexiste pas.
Par le canal de la Convention type dutilisation des services extérieurs de lEtat, les autorités locales recourent aux compétences des agents des services déconcentrés de lEtat pour les lotissements et restructurations opérés dans leur périmètre territorial. La convention étant gérée par le gouverneur, cette situation ne manque pas parfois de poser des problèmes dordre pratique liés aux distances.
3.1.3. Ressources financières
Budgets dérisoires
La CL sénégalaise est indigente de manière générale. Par rapport à létendue de ses missions, le budget de la CL est dérisoire. Le budget de la région est exclusivement composé par la dotation.
Le budget de la CR est essentiellement constitué de la taxe rurale qui est faiblement recouvrée de manière générale.
Du fait de la faiblesse des investissements en matière dinfrastructures et équipements marchands et de la non maîtrise de lassiette, les ressources propres des communes sont assez faibles.
Coopération décentralisée non maîtrisée
Il sagit dune part, de la non maîtrise par les élus locaux des mécanismes de la coopération et dautre part, des difficultés dobtention de visas.
3.2. Problèmes identifiés
Mauvais fonctionnement des CL découlant de labsence ou dun déficit dadministration. On note également une mauvaise gestion des ressources humaines. La clientèle politique constitue une part importante dans les effectifs des CL. La non informatisation des services de létat civil et du budget (dans beaucoup de cas) donne lieu à des abus fréquemment relayés à travers la presse.
Manque de motivation des élus découlant du défaut de statut. Lélu local ne dispose pas de couverture médicale ni de retraite. Sa fonction ne donne pas lieu au versement dune indemnité à lexception des présidents.
Au plan judiciaire, ils sont justiciables devant les tribunaux de droit commun et selon les procédures applicables, sans aucun privilège de juridiction.
Non satisfaction de la demande sociale découlant principalement de la faiblesse des moyens disponibles mais également du déficit de communication entre les autorités locales et les administrés. Les priorités en matière dinvestissement ne sont pas négociées. La non visibilité des actions entraîne une rupture de confiance entre les élus et leurs mandants et progressivement, un désintéressement des populations par rapport aux affaires de la collectivité. Sans planification participative préalable, le développement local reste une vue de lesprit.
Financement du développement local par lEtat du fait de la faiblesse des budgets des CL. Par le canal des dotations et des fonds dinvestissement (Fonds de concours, Fonds déquipement des CL), lEtat assure essentiellement leur financement.
Insuffisance des concours financiers de lEtat
Létude réalisée en 1996 sur le fonds de dotation de la décentralisation pour accompagner les CL avait retenu trois (3) hypothèses (85 milliards en hypothèse haute, 65 milliards en hypothèse moyenne et 45 milliards en hypothèse basse). Dans la réalité, ce que lEtat donne au titre du fonds de dotation ne fait même pas le 1/5 du montant retenu dans lhypothèse basse. En plus de sa faiblesse et de sa limitation à quelques domaines de compétences (Santé, Education, Jeunesse et sports...), la dotation arrive en fin dexercice. La CL fait alors face à la nécessité de voter une autorisation spéciale pour accepter la dotation. Cette dotation ne tient pas compte des besoins réels des collectivités locales. Il ny a ni concomitance ni compensation ni équivalence.
Le Fonds dEquipement des Collectivités Locales (FECL) constitue 2 à 3 % seulement de la TVA que lEtat affecte aux collectivités locales.
Le Fonds de concours permet aux collectivités locales de réaliser des investissements et de libérer les fonds de contrepartie dans le cadre des projets et programmes. Dans le cadre du PNDL, le fonds de concours destiné aux CL a été retenu pour constituer la contrepartie de lEtat dans ce programme. Maintenant, une autre contrepartie est exigée aux CL. Cela pose un problème de cohérence dans lintervention des bailleurs.
Absence dautonomie financière des CL
La fiscalité locale est une fiscalité de lEtat appliquée aux CL. LEtat effectue le travail dévaluation et de collecte de limpôt en rapport avec les chefs de village. La chaîne fiscale est centralisée. Dans la situation actuelle, les présidents des exécutifs des CL sont écartés de la procédure de détermination de lassiette et de létablissement des rôles. Tout est décidé par le gouvernement.
3.3. Réformes souhaitées
Au vu des problèmes identifiés, la Commission suggère un certain nombre de réformes à entreprendre. Il sagit entre autres de :
décentraliser la signature de contrats types dutilisation des services de lEtat en attendant la mise en place dune véritable fonction publique locale
mettre en place une Fonction publique locale ;
doter lélu local dun statut ;
élaborer un Plan National de Renforcement des Capacités des personnels des CL ;
relever le FECL jusquà 10% de la TVA ;
initier une réforme foncière pour une privatisation à hauteur de 25% des terres situées en zone de terroir (avec une préservation des zones classées) ;
doter les CL dune fiscalité locale propre tout en décentralisant la chaîne fiscale. Cest le premier élément de réponse pour permettre aux CL de disposer de ressources financières.
revoir le principe de lunicité de caisse en vue de rendre autonomes les CL.
Créer une Agence nationale pour linvestissement des collectivités locales comme mécanisme de mobilisation, de centralisation et de redistribution équitable de toutes les ressources disponibles. Elle aura également pour vocation de participer avec les autres acteurs, au suivi et à lévaluation des politiques et des programmes mis en uvre.
IV. garantie de lexercice effectif des droits humains, citoyenneté et pluralisme social
I. La garantie de lexercice effectif des droits humains
Les droits humains, naturellement sont très étendus et liés à lactivité humaine dans la société et à travers les âges. Lévolution humaine et les luttes pour la protection de la vie humaine ont abouti petit à petit à formaliser les droits de lêtre humain et la nécessité de leur protection absolue.
Le phénomène de violation des droits humains nest pas propre à lAfrique, Il a effectivement bien existé dans tous les continents. Mais, au fur et à mesure de lévolution de lhumanité, des hommes et femmes se sont dressés dune manière informelle au début, contre le non respect de la dignité et de la vie humaine. Ensuite, sous une forme plus élaborée, à travers des organisations politiques, civiles et des personnalités du monde de la culture et des arts avec lappui des peuples, ont commencé à exiger auprès de ceux qui détenaient le pouvoir temporel, la prise en charge effective des droits fondamentaux de lêtre humain. A cet effet, lélaboration de constitutions qui définissent des institutions chargées de veiller au respect et à la protection des droits humains, sans aucune discrimination dans lensemble de la société, est devenue une revendication fondamentale. Lexigence de la défense des droits de lhomme, est aujourdhui, une nécessité absolue pour tout individu quel quil soit. Il sagit des droits attachés à chaque individu en tant quêtre humain et ils sont inaliénables et imprescriptibles. Ils découlent de revendications contre larbitraire et linjustice et permettent à lindividu de vivre en toute liberté et dignité dans sa société, conformément à la déclaration des droits de lhomme du 10 décembre 1948.
Le Sénégal souffre aussi, des violations par le pouvoir, non seulement des droits de lhomme.
1.1. Etat des lieux
1.1.1. Constitution
Dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001 et dans les proclamations, figurent tous les principes universels dégalité entre les citoyens, de justice sociale et de démocratie. Cette constitution en vigueur, qui fait lobjet de multiples révisions et violations de la part du Pouvoir vise plus à capter les préoccupations économiques et sociales des citoyens, ainsi que leur soif de droit et de liberté, mais non pour les appliquer effectivement à la lettre et au bénéfice des citoyens.
En son article 8, elle traite des libertés et droits, garantis aux citoyens dans les moindres détails, mais tout ceci, a été verrouillé et soumis à condition par cette Phrase qui conclut larticle 8 : « Ces libertés et ces droits sexercent dans les conditions prévues par la loi. »
1.1.2. Justice
Lalignement des droits et libertés de manière détaillée et en bonne place dans la constitution ne constitue pas une garantie suffisante de lexercice effectif des droits humains. LEtat du Sénégal bien quayant signé toutes les conventions internationales, interdisant les atteintes aux droits et libertés des citoyens, ne respecte pas ses engagements. La tutelle pesante de lExécutif sur le pouvoir judiciaire fait problème.
1.1.3. Comité sénégalais des droits de lhomme
Au chapitre des Institutions et Organes de Protection, relevons que le Comité Sénégalais des Droits de lHomme régi par la loi 97-04 du 10 mars 1997 est confronté à de sérieux problèmes alors quelle doit, en tant quorgane indépendant, pouvoir jouer un rôle important dans la gestion des droits humains, conformément aux principes de Paris.
Les activités du Comité font lobjet de rapport périodique (tous les ans) à présenter devant le président de la République mais malheureusement depuis 05 ans, cette présentation na pas eu lieu.
Le Sénégal doit aussi satisfaire à lexamen périodique universel prévu en février 2009 par le Conseil des Droits de lHomme des Nations Unies.
1.1.4. Inapplication des dispositions de la Charte Africaine sur la Démocratie, les élections et la bonne gouvernance.
La charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance, qui stipule clairement, quà six (6) mois des élections, il est formellement interdit de procéder à toute modification relative à la loi électorale et à la constitution par les Etats membres, na été ratifiée que par deux membres. En plus, cette disposition est fréquemment violée. Alors, à quoi servent des institutions communautaires qui coûtent cher aux peuples, dont les directives et les recommandations, ne sont observées ni dans lesprit ni à la lettre, par la plupart de ses membres ? Pourquoi, il na pas été prévu des modalités de sanction à lencontre des Etats membres qui contreviennent à ces directives et recommandations ?
Il en est des organisations africaines comme des organisations internationales. Toutes laissent impunément les Etats violer les droits des populations sans presque jamais de réaction.
1.1.5. Les inégalités comme système de violation des droits de lhomme.
Les inégalités de fait, au plan social, économique, politique et culturel, par une discrimination, conduisant à lexclusion dune bonne partie des citoyens, de la gestion des affaires publiques, au profit dune minorité semble devenir un système de violation des droits humains en expérimentation.
Egalement, une bonne frange de la population est privée daccès à des services sociaux de base, tels que : leau, lélectricité, les soins de santé, léducation de base etc. Toutes ces inégalités, participent dans une large mesure aux violations de lexercice effectif des droits humain.
1.1.6. Citoyenneté et Education à la Citoyenneté
La citoyenneté ne se définit pas uniquement du point de vue juridique par la possession de la nationalité du pays et de ses droits civils et politiques. Elle se définit aussi aujourdhui comme une participation à la vie de la cité. Cependant les citoyens nont aucun rôle obligatoire à jouer, ce qui fait que le statut juridique de citoyen est un statut de liberté. Un citoyen peut choisir de participer (citoyen actif) ou non (citoyen passif) à la vie publique.
Le citoyen actif est celui qui non seulement participe à la vie de la cité, mais exerce aussi son droit de vote. En votant ou en se faisant élire, le citoyen apporte sa contribution majeure à la société en faisant valoir son point de vue et en cherchant à influer sur la vie nationale. Ce rôle actif du citoyen ne se limite pas seulement au droit de vote, mais le citoyen peut jouer de façon quotidienne un rôle important dans la société en tentant de faire évoluer cette société dans laquelle il vit. Ainsi il peut adhérer à une association, un syndicat ou un parti politique.
Les termes citoyen et citoyenneté ont fait leur apparition en Afrique noire avec la colonisation française. Sur une période allant du 19ème siècle à la suppression de lindigénat en 1946, sur toute létendue du territoire colonial français en Afrique noire (AOF et AEF), les africains étaient répartis en deux catégories :
- Les natifs des 4 communes du Sénégal ou « communes de plein exercice » : Saint-Louis, Dakar, Rufisque et Gorée. Ces personnes étaient considérées comme des citoyens français et jouissaient des mêmes droits que les français dorigine. Leur statut juridique était donc supposé être le même que celui des français.
- Tous les autres habitants du reste du territoire colonial français en Afrique noire, aussi bien ceux vivant au Sénégal que dans dautres pays, étaient considérés comme des indigènes, donc des citoyens de seconde zone et ne jouissaient pas des mêmes droits que les natifs des 4 communes considérés comme des français. Les indigènes pouvaient même être soumis au travail forcé.
Léducation à la citoyenneté relevait du rôle de lEtat qui se chargeait denseigner aux ressortissants des 4 communes les notions liées à la citoyenneté telles que:
Le rôle du citoyen dans la cité
Les valeurs attachées à la citoyenneté comme la civilité, la solidarité et toutes les valeurs ayant trait au civisme
Lexercice du droit de vote
La participation à la vie politique et à la compétition électorale avec lexistence de plusieurs partis politiques et une réelle démocratie. Ce qui amena les sénégalais à sintéresser beaucoup plus tôt que les autres africains à la « chose politique », puisque certains sénégalais votaient déjà depuis 1848.
Lévolution politique du Sénégal est marquée non seulement par une explosion de lexpression partisane à travers un multipartisme illimité mais également par lémergence et la densification dun tissu associatif dynamique revendiquant une place importante dans la capitalisation des actions de développement.
Cependant, la citoyenneté étant une donnée encore en construction dans notre pays, il nous faut noter des limites sérieuses dont nous citerons quelques unes :
La faiblesse dune conscience citoyenne affirmée et organisée
Lignorance dune bonne partie des citoyens de leurs droits et de leurs devoirs
Une considération insuffisante de lintérêt général.
Le manque de respect des citoyens concernant le bien public et de lenvironnement exacerbé par les mauvais exemples de mal gouvernance donnés par les autorités
Une insalubrité choquante due à la fois à la mauvaise gestion des ordures par lEtat et à lattitude individuelle des personnes.
Lirrespect de beaucoup de libertés des citoyens biens quelles soient inscrites dans la Constitution.
1.1.7. Discrimination entre citoyens
Une discrimination dans le traitement des citoyens est aussi constatée dans lattribution des terres du domaine national, dans laccès à la propriété foncière et le droit à la terre ou au logement ; la rétention de certains décrets dapplication de la loi sur le domaine national est une forme de fraude et dabus dautorité, qui pénalise les citoyens des villes mais encore plus lourdement ceux du monde rural. La terre appartenant à ceux qui la travaillent, il est inadmissible de distribuer gracieusement les terres de culture à des ministres, sénateurs, députés, avec titre foncier et financement à lappui, aux dépens des paysans et éleveurs, pour qui, la terre constitue un outil de travail indispensable.
Limplantation des infrastructures et équipements, presque uniquement dans les centres urbains ou localités privilégiées, divise le pays en zone et citoyens avantagés dune part et dautre part, zone et citoyens laissés pour compte.
La situation de certains citoyens, comme les personnes handicapées physiques ou mentales, compte tenu de leur état de citoyen plus vulnérable que dautres, au-delà du discours, nest prise en charge par aucune institution spécialisée, pour leur protection et assistance sociale particulière.
1.1.8. La mal gouvernance un terrain propice aux violations des droits et libertés.
La gouvernance de notre pays laisse des régions entières dans le dénuement total et leurs populations avec. La politique de décentralisation qui devait permettre aux collectivités locales de se prendre en charge dune manière autonome, a été vidée de sa substance par le pouvoir central. Les inégalités sociales entre les populations de Dakar et des autres régions du pays saggravent donc. Ce qui accentue la pauvreté et le sous-emploi des jeunes et des femmes dans ces régions démunies en ressources humaines, financières et matérielles. Lexode rural et lémigration pour la recherche du mieux être sétendent. Préoccupées par leur survie, les populations pauvres finissent par croire que la lutte pour la défense de leurs droits est finalement un luxe.
1.1.9. La violence et la torture
La violence non sanctionnée encourage limpunité et inquiète les citoyens. Des cas de violence ont été notés entre les militaires et les membres du Mouvement démocratique des Forces de Casamance. Des décès et disparition de personnes sont déplorées par les familles qui semploient parfois seules à retrouver les disparus.
La pratique de la torture sest banalisée avec lutilisation des matraques électriques par les forces de police.
Des atteintes aux droits civils et politiques, notamment des violations de la liberté dexpression, de manifestation, de pensée et de réunion se multiplient. Encouragées parfois par lEtat, elles provoquent des frustrations susceptibles de créer un malaise entre des acteurs appelés à agir ensemble. Les assises nationales elles-mêmes ont fait lobjet de tentatives dinterdiction ouvertes par les autorités et dans certaines localités, les consultations citoyennes se sont heurtées à leur ostracisme.
1.1.10. La Pauvreté
Le niveau de prise de conscience citoyenne des populations est faible dans lensemble. Ainsi, malgré toutes les difficultés dues en partie à une pauvreté extrême et à la cherté du coût de la vie, les populations narrivent pas encore à se mobiliser en masse pour y mettre fin par une riposte appropriée. Il y a pourtant nécessité pour elles, dexiger et de réagir avec fermeté, pour le respect de leurs Droits humains fondamentaux, prévus dans la constitution. La pauvreté criarde qui caractérise de plus en plus les populations sénégalaises est dans une certaine mesure lexpression dune violation des Droits de lHomme.
1.2. Reformes préconisées
Au regard de qui ce précède il est indéniable que beaucoup efforts restent encore à fournir par le Gouvernement pour lexercice effectif des droits et libertés des citoyens.
Lexercice effectif des droits humains et la défense des droits de lhomme dune manière conséquente, dépassent le champ des seuls ONG soccupant des droits humains. Cest un domaine qui embrasse la communauté toute entière et par conséquent, devrait être pris en charge par lensemble des citoyens du pays. Il relève aussi de la responsabilité des organisations politiques, un cadre approprié déducation citoyenne et politique, de les prendre en charge dans leurs programmes et luttes quotidiennes, comme tâche permanente, pour imposer une justice sociale plus affirmée et aussi consolider les acquis.
LEtat est le premier garant impératif du respect et de lexercice effectif des droits humains exclusifs. Ce rôle primordial qui lui incombe au premier chef, est une obligation qui ne devrait souffrir daucune négligence de sa part. Il doit nécessairement sacquitter de cette charge qui consiste à garantir, à tous les citoyens sans exception aucune, leurs droits au sens large du terme et sans équivoque.
La Société civile, organisée, est aussi un acteur important dans le dispositif de la lutte contre toutes les formes datteintes aux droits et libertés des populations.
Il est évident que lexercice effectif des droits humains est intimement lié à une démocratie véritable, effective. Et quand la démocratie fait défaut, les droits et libertés ne peuvent obtenir aucune garantie contre leur violation, si les populations ne se dressent pas pour les défendre.
Pour améliorer la garantie de leffectivité des droits humains au Sénégal, il y a lieu :
De renforcer les structures chargées de garantir leffectivité des droits et les capacités des acteurs.
De permettre au Comité Sénégalais des Droits de lHomme de sacquitter de sa mission pour la promotion, la protection des droits humains en le dotant de moyens humains, matériels, techniques suffisants.
dassurer lindépendance daction du Comité conformément aux principes de Paris.
de lutter contre toute ingérence dans lAdministration de la Justice et dans lAdministration en général.
de mettre fin à aux actes dintimidation et dharcèlement envers les personnes qui veulent exercer leur droit à la liberté dexpression, dopinion, de réunion.
de privilégier la participation et la responsabilisation des populations par une meilleure connaissance de leur droit, de leur devoir à travers linformation, léducation et la formation en droits humains.
de respecter les obligations et engagements en matière des droits humains dans le respect des dispositions des conventions ratifiées par le Sénégal.
de procéder à une harmonisation des lois internes en lien avec les conventions internationales dont le Sénégal est partie prenante.
Compte tenu de la recrudescence des violences faites aux femmes et aux enfants, violences suivies parfois même de meurtres, il y a lieu de réexaminer les peines prévues.
Faire cesser le traitement inhumain infligé aux talibés par certains maîtres coraniques. Ce phénomène devrait faire lobjet dune attention particulière de la part de lEtat et des parents et nécessite des actions immédiates.
Il est important de souligner et de faire remarquer que pour asseoir un véritable Etat de droit, les citoyens devraient bien comprendre que les droits de lhomme ne sont pas une faveur accordée mais, bien un droit qui fait obligation à lEtat, de veiller à la garantie de son exercice effectif. Ceci étant, les citoyens doivent se battre conséquemment et avec détermination pour lexiger et sopposer à tout pouvoir qui voudrait leur priver dun droit fondamental.
Les Assises nationales réclament avec force la garantie de lexercice effectif des droits humains par linstauration dun Etat de droit, qui gomme les injustices, les inégalités, les privilèges et autres passe-droits.
V. PLURALISME MEDIATIQUE
Le terme générique de média renvoie à une réalité diversifiée. Les médias sont naturellement de différents types : journaux, radios, télévisions, Internet, aux influences très différentes.
Au Sénégal, la télévision est restée longtemps dominée par le secteur public. Les télévisions privées ont brisé le monopole mais pour lessentiel elles se focalisent encore, plus sur le divertissement, la culture.
Les journaux sont encore, du fait de lanalphabétisme et à certains égards de leurs coûts, réservés à une élite. Leur influence nen est pas moins réelle parce quils touchent les décideurs nationaux et le monde extérieur, très important, pour des pays dépendant encore très largement dapports extérieurs au plan économique et donc politique. Il sest créé un véritable microcosme politico-intellectuello-médiatique pesant bien plus lourdement que son nombre.
La radio qui a explosé à partir de 1994 est la véritable nouveauté du champ médiatique. Sadressant aux populations dans les langues quelles parlent, leur donnant aussi la parole, elle a changé la nature des rapports entre les gouvernants et les administrés.
En particulier lutilisation des langues nationales a joué un rôle fondamental dans la perception et lappropriation des concepts et donc des réalités par les populations. La radio a « démocratisé » le discours public.
La presse dorigine étrangère a joué un rôle important. Elle est dominée par les radios et télévisions internationales et des journaux édités en Occident. Leur influence a été fortement altérée par le développement des médias locaux. Les taux daudience et le nombre dexemplaires vendus ont baissé dans des proportions très importantes.
On peut affirmer sans risque que le rôle des médias est devenu fondamental dans la démocratie et la bonne gouvernance au Sénégal. Les médias ont réduit de plus en plus le champ de la dissimulation. Tous les gouvernants sont obligés de prendre en compte cette donne. En multipliant les manuvres pour garder secrètes les indélicatesses ou plus rarement en sabstenant de certaines manuvres ou encore plus souvent, en faisant mine de tenir compte de la publicité ainsi faite.
La contribution de la presse concerne presque tous les secteurs, mais lon peut citer plus particulièrement lapport en matière de comportement des hommes publics, de gestion des ressources publiques, de processus électoral, de sauvegarde des droits de lhomme etc.
La situation des médias au Sénégal ne diffère pas de celle de lAfrique francophone subsaharienne.
Deux secteurs ont connu en Afrique une évolution à nulle autre pareille : les partis politiques et les médias. Le processus de démocratisation qui a commencé avec la décennie 90 sest traduit par la multiplication des partis politiques et des médias. En France, il y a une dizaine de partis politiques et cinq quotidiens nationaux dinformation générale. Dans chacun des pays de lAfrique de lOuest, on dénombre un minimum de cent partis et une trentaine de quotidiens.
Le pluralisme de linformation a été lune des manifestations de la transition démocratique commencée dans les années 1990 en Afrique de lOuest. Le paysage médiatique sest profondément transformé avec lapparition de journaux privés qui ont brutalement rompu le monopole public, bientôt suivis par les radios et plus tard les télévisions.
Les médias ne peuvent toutefois pas être considérés comme simple résultat de la démocratisation. Les médias ont aussi été partie prenante du combat démocratique, accélérant le processus quand ils ne le provoquaient pas. Dans plusieurs pays, les médias privés nont pas attendu lavènement de régime plus démocratique pour braver les interdits. Ils ont porté les premiers coups de boutoir aux dictatures en place.
Le rôle des médias na toutefois pas été toujours positif. Les pouvoirs en place en ont utilisé certains, généralement les médias publics, pour freiner le processus de démocratisation.
Etat des lieux
1.1. Les médias informent bien
1.1.1. Les chiens de garde
Si lopinion publique sait que la révision de lavion présidentiel, La Pointe de Sangomar, a coûté une vingtaine de milliards au contribuable sénégalais, contrairement à la thèse officielle qui prétendait quelle avait été financée par des « amis », cest grâce à un journaliste sénégalais. Cest aussi grâce à la presse sénégalaise que la grave corruption des magistrats a été dévoilée, que le protocole de Rebeuss, du nom de cet arrangement qui a permis la libération dIdrissa Seck la aussi été ou encore les dérives dans la gestion des Industries chimiques du Sénégal et les ventes des actions de la SONATEL que détenait lInstitut de Prévoyance et de Retraite du Sénégal.
Grâce aux médias, les hommes publics sont devenus de plus en plus publics. Ils rendent compte, à leur corps défendant.
Les violations des droits de lhomme sont aussi traquées, portées à la connaissance de lopinion nationale et surtout internationale et les pressions finissent par avoir raison des plus radicaux.
1.1.2. La veille électorale
Au plan politique également, les apports de la presse sont incontestables. Si en 1996, il a fallu reprendre le vote pour les élections locales dans certains bureaux, lapparition de radios privées, lannée précédente, ny était pas pour rien. Cest du reste sur les ondes dune de ces radios que le ministre de lIntérieur avait dû évoquer la probabilité de la reprise des opérations dans des bureaux où le vote navait pas commencé jusquen début daprès midi.
En 2000, la presse nest pas celle qui a le moins contribué à lalternance. Sans quaucune étude nen ait encore établi scientifiquement la corrélation, il nest pas indifférent que le Parti socialiste ait gagné presque partout au Fouta où précisément, il ny avait encore aucune radio privée.
Acquis menacés
En attendant la disponibilité dune étude sur la crédibilité des médias au Sénégal, une extrapolation des études réalisées dans des pays limitrophes permet davancer que la crédibilité des médias est réelle. Au Nigéria, létude sur les médias révèle que la télévision est jugée par plus de 80% des personnes plus crédible que le gouvernement.
En Afrique, les coups dEtat se jouent invariablement sur le contrôle de la radio nationale. Par la radio, on se proclame roi. Au Sénégal, lors des événements de 1962, le succès final du camp du président Senghor devait beaucoup à la diffusion depuis la station de Rufisque du message du président Senghor alors que les partisans de Mamadou Dia pensaient avoir fait le plus difficile en prenant le contrôle des studios du boulevard de la République.
Néanmoins, au Sénégal, comme en Afrique, les acquis indéniables des médias sont de plus en plus menacés. Cest quen la matière, il ny a pas dacquis définitifs. Un certain nombre de dérives se font jour, qui les menacent.
Médias dEtat
Les médias dits dEtat ont longtemps été en situation de monopole. La justification de ce monopole de fait a été la même que celle pour le monopartisme. La nation, fragile, doit être protégée, les institutions, de création récente, confortées. Le développement aussi, a ses impératifs.
En même temps que se justifiait le parti unique par la nécessité de la construction de lEtat-Nation, prospérait une notion de « journalisme de développement ». Le journaliste africain se devait de tenir compte de la fragilité des institutions et de travailler à renforcer lEtat-Nation incarné par le père de la nation. Cela se traduisait par une presse réduite à rendre compte et à magnifier les actions de ce père de la nation.
Ce discours, en apparence pertinent, na en fait servi quà asservir les médias qui ne sont point de service public. Ils ne sont quau service du gouvernement et du parti au pouvoir ou pire, du seul président de la République.
On pouvait penser que le pluralisme et la concurrence ainsi instituée auraient quelque conséquence sur leur fonctionnement. Il nen a rien été. Hier comme aujourdhui, la Radiotélévision sénégalaise, lAgence de presse sénégalaise et Le Soleil sont au service presque exclusif du pouvoir, hormis parfois de timides percées pour les deux dernières citées. Probablement parce quelle est jugée plus « sensible », aucun progrès nest noté en ce qui concerne la RTS. Le journal télévisé est le contre-exemple par excellence. Il est consacré essentiellement aux activités du président de la République.
Lhérésie est poussée jusquà la diffusion dans le journal télévisé de reportages réalisés par les attachés de presse des ministres qui se dotent tous de matériel de reportage.
La « sensibilité » de la télévision peut se mesurer au fait que la nomination de son directeur, hier, comme aujourdhui, est du ressort exclusif du président de la République alors que la nomination des directeurs de lAPS et du Soleil a pu être le fait de ministres.
Le Sénégal, près de cinquante ans après lindépendance, attend ses médias publics, mis au service de lintérêt général. Les récents développements en France sur le contrôle des médias par lElysée montrent que la question est difficile mais des mécanismes existent, expérimentés avec bonheur par la Grande Bretagne, le Canada, dont les médias publics constituent des références de linformation plurielle, honnête, approfondie.
Aux Etats-Unis, le traitement est autre. Le gouvernement américain nest pas autorisé à diffuser sur le territoire national. La Voix de lAmérique et la chaîne de télévision Arabia sont exclusivement destinées au public extérieur avec un souci assumé de propagande.
Régulation sous ordre
Le Conseil national de régulation de laudiovisuel du Sénégal est sans doute le plus rétrograde de lUnion africaine. Sans pouvoir, tous ses membres sont choisis par le président de la République en contradiction avec les textes édictés à cet effet par lUA. Il est aussi lun des rares à être dirigé invariablement par un magistrat et non par un professionnel des médias.
Le Sénégal est lun des rares pays au monde où il ny a aucun critère connu pour lattribution des fréquences radio et télévision. Cest à la discrétion du seul président de la République. Le CNRA apprend lattribution en même temps que le grand public.
Libre accès
Au Sénégal, laccès à la profession de journaliste est libre. La seule condition posée à lexercice du métier, est de lexercer puisque est considéré comme journaliste celui qui en tire lessentiel de ses revenus.
Le journalisme a ainsi tendance à devenir la voie du salut pour ceux qui nont pu obtenir ni diplôme, ni qualification et qui peuvent entrer dans le métier comme bénévole ou plus pudiquement stagiaire. Et le salaire que lorgane ne paye pas, il sort bien de quelque part.
Il y a ainsi de plus en plus de journalistes ne comptant pas, études primaires comprises, une dizaine dannées de scolarité. Laissés à eux-mêmes, sans aucun encadrement, ils font un tort croissant à la profession. Quelle sera la crédibilité dun organe de presse animé par des voisins dont on sait quils lont rejoint après avoir échoué partout ?
Le dogme de laccès libre à la profession, hérité de la législation française, a produit deux logiques contraires. En France, la part des diplômés dune école professionnelle agréée est passée entre 1990 et 1998 de 8,7% à 43,8% dans les agences de presse, de 10 à 31,8% dans les quotidiens nationaux, de 40% à 57,1% dans les radios nationales.
En Afrique, il a entraîné la réduction croissante des journalistes formés dans les rédactions. Et labsence de journalistes formés est aggravée par la grande mobilité des journalistes. Quand les journalistes formés et expérimentés nont pas changé de métier, ils ne produisent plus dans leur organe, sorientant vers des tâches administratives, laissant les jeunes prétendants non formés, livrés à eux-mêmes. Il ny a donc ni formation à lécole, ni formation sur le tas.
Risques identitaires
Il existe aujourdhui au Sénégal des radios ethniques, religieuses, politiques. Elles appartiennent à une ethnie, à un parti politique ou à tout le moins, à des hommes politiques, à une confrérie religieuse. Tous mesurent le danger dune telle situation.
Sans aller jusqu'à la radio Mille collines au Rwanda, plus près de chez nous, en Côte dIvoire, Reporters sans frontières na cessé de dénoncer « le climat de haine et de tension entretenu par une presse partisane ». Le colloque international « Côte d'Ivoire : consolidation dune paix fragile » organisé par Partenariat Afrique Canada à Ottawa, au Canada les 23 et 24 février 2004 notait que « avant la crise, les médias ont joué un rôle négatif, car ils ont grandement contribué à exacerber les tensions et les conflits latents par la diffusion de fausses rumeurs, tout en ignorant la déontologie de leur profession. Des activistes politiques sont devenus du jour au lendemain des journalistes, transformant ainsi les journaux en caisses de résonance de partis auxquels ils sont inféodés. Une partie de la presse a pris parti pour les forces rebelles et lautre pour les forces gouvernementales. Au regard dune telle situation, des forums ont été organisés en vue demmener les médias à « désarmer les plumes et les microphones ».
Au Nigeria, un article du journal This day en novembre 2002 après lélection dune Nigériane Miss Monde a provoqué la mort de plus de 200 personnes et la blessure de plus de 500 autres à Kaduna.
Le massacre des langues
Le français dans les journaux, toutes les autres langues sur les radios et télévisions sont massacrées et lon ne sait pas ce que deviendront ces langues dans quelques années. Le professeur Saliou Kandji na jamais cessé de sen indigner en particulier à propos de la traduction du mot virus en wolof par domi djangoro.
Il faut toutefois souligner que les journalistes nont pas ce monopole. Récemment, un porte-parole du syndicat de lenseignement supérieur sen est donné à cur-joie comme le dernier des journalistes.
La petite corruption
« Linsuffisance des salaires, doublée du manque de formation et surtout de vocation professionnelle de jeunes rédacteurs venus au journalisme plus par besoin de résoudre un problème demploi de manière passagère que par amour du métier, entraîne une omniprésence du journalisme « de commande » où le reporter est rémunéré par lorganisateur de lévénement quil va « couvrir ». Cette pratique dite du « communiqué final » ou du « per diem » est tellement répandue que les tarifs sont standardisés : 5 000 F CFA pour une manifestation à Cotonou, 15 000 F CFA si le journaliste doit se déplacer, aux frais des organisateurs, à lintérieur du pays, écrit, à propos du Bénin, Marie-Soleil Frère, Le Monde diplomatique, aout 2001. Il suffit de remplacer Cotonou par Dakar pour décrire la situation au Sénégal.
La corruption des journalistes, pour appeler les choses par leur nom, prend une place croissante. Cela va du « stagiaire » qui exigera systématiquement le prix du transport sous peine de représailles, au patron de presse qui soffrira au mieux disant. Les journalistes ne sont certainement pas les plus corrompus. Ainsi que le note la Guatémaltèque Rigoberta Menchú, Prix Nobel de la Paix : « la source principale de corruption est l'exercice du pouvoir, qu'il soit économique, politique ou militaire
L'accession à des fonctions publiques est synonyme de pillage: le poste offre un chèque en blanc et la garantie d'un enrichissement personnel considérable. Ceci est une règle tacitement acceptée par tous ceux qui se déclarent politiciens ».
Manipulation et fausses rumeurs
A condition de mettre la main à la poche, on peut faire « descendre » qui on veut dans beaucoup de journaux. Youssou Ndour a pu chanter avec raison « porter presse ». En quantité, ces dérives représentent une très faible proportion de la production médiatique mais elles sont de plus en plus larbre qui cache la forêt des mérites de la presse.
Lexplosion médiatique
Au Sénégal, on dénombre plus dune vingtaine de quotidiens contre cinq quotidiens nationaux dinformation générale en France. Lévolution de la presse africaine est singulière. Le nombre de quotidiens y a augmenté de 10,4% en 2004 contre 1,3% en Europe, 4.1% en Asie, 1,1% en Amérique du Sud, 1,4% en Australie et Océanie et baissé même de 0,1% en Amérique du Nord. Cet accroissement inconsidéré est en grande partie responsable de létat de faillite de la quasi-totalité des organes de presse, privés comme publics. Sans compter quil ny a pas assez de journalistes formés pour les animer.
Il est erroné de penser que la multiplication des organes de presse est signe de vitalité démocratique. Surtout que loffre dinformation nest absolument pas corrélée au nombre dorganes. Trop souvent, cest partout la même information, de plus en plus, de simples procès-verbaux. Linformation nest pas traitée, mise en perspective, expliquée, sélectionnée. Nimporte quel quidam est fondé à tenir une conférence de presse que tous les médias se feront un devoir de couvrir.
« Mais, si lon peut sémerveiller de la multiplicité des quotidiens privés et de la vitalité de la profession, on ne peut que constater, globalement, la faible qualité de la production journalistique. Le contenu des publications actuelles est maigre et dénote les pires faiblesses : traitement partisan de linformation, omniprésence du journalisme institutionnel ou des publi-reportages déguisés, violations constantes de léthique et de la déontologie, distorsions dans la présentation des faits » écrit encore Marie-Soleil Frère à propos du Bénin.
Le même constat peut être fait sur le Sénégal et la plupart des pays subsahariens francophones.
Sans compter les évidents problèmes de viabilité qui sont posés car les ressources ne sont pas extensibles à linfini. La chute drastique des chiffres de vente des journaux est préoccupant à cet égard. Sud au Quotidien atteignait des tirages de 50 000 exemplaires en 1993. Un chiffre de rêve à présent.
Malgré la précarité des médias, le nombre de parutions se multiplie et apparaissent de nouveaux entrepreneurs de presse qui ne sont pas des professionnels de linformation. Il faut sinterroger sur le fait que la propriété des médias échappe de plus en plus aux professionnels de linformation. Quel est lintérêt pour la presse de ces nouveaux entrepreneurs et pourquoi y a-t-il de plus en plus dorganes de presse ?
Les entrepreneurs économiques ou politiques qui se lancent dans les médias sont en quête, non de profits financiers mais dinfluence ou de moyen de combat. Tel homme daffaires, grâce à ses journaux, aura accès à des cercles de pouvoir auxquels il naurait jamais eu affaire. Les cercles qui accordent par ailleurs les marchés. Tel homme politique, engagé dans une lutte contre un frère de parti, a de même crée un journal pour linsulter. Il est significatif que le journal ait disparu avec laccalmie dans lopposition à cet adversaire.
Il est une troisième catégorie de promoteurs de médias, de moins en moins nombreux, il est vrai. Ils peuvent être assimilés à certains des nouveaux créateurs de partis politiques. Linflation, peut-on remarquer, frappe également les deux pôles. Ils ont compris que linfluence ou alors les subsides ne concernent que le patron. Alors, il vaut mieux être Dieu que son saint.
Publicité sauvage
La publicité qui doit fournir lessentiel des ressources aux médias privées nest pas réglementée. Des métiers, ailleurs incompatibles, sont ici allègrement cumulés, et les milliards de la publicité vont à quelques agences qui sont juges et parties. Elles gèrent les budgets des grandes entreprises quelles sont censées répartir aux organes mais comme dans le même temps, elles ont leur propre espace à vendre, le résultat est connu davance. Une agence de communication pour faire bonne mesure a crée, en 2008, sa propre radio.
Le Sénégal est lun des rares pays sans bureau de la publicité. Il faut savoir que même dans les pays occidentaux, réputés libéraux, il existe un tel bureau qui doit viser tous les spots télévisés. Cest labsence dun tel bureau qui fait quau Sénégal nimporte quel charlatan passe à longueur dannée des spots pour se déclarer capable de soigner toutes les maladies du monde.
Distribution anarchique
La distribution des journaux est devenue sauvage. En labsence de toute règle, la seule agence régulièrement et formellement installée, lAgence de Distribution de Presse, ADP, est en train de mourir sous la concurrence de distributeurs informels qui ne payent aucun impôt et se contentent de distribuer dans les zones les plus rentables, Dakar et environ. Quand lADP disparaîtra, il ny aura plus de journaux hors de Dakar.
Discrédit rampant
Dans le « Rapport national sur létat de la liberté de la presse au Bénin » de novembre 2005, on peut lire : « Ce nest un secret pour personne que la misère fait le lit des petites magouilles au sein des rédactions entre les chefs et leurs collaborateurs. En effet, étant entendu quils entrent dans le métier comme dans un moulin, très peu de journalistes sont en position de mettre en avant des exigences salariales. Ce qui soulève la sempiternelle question du statut du journaliste béninois. » Similarité encore exemplaire.
Le Syndicat des Professionnels de lInformation et de la Communication, SYNPICS, ne fait pas mystère de son appréciation de la qualité de linformation assurée dans notre pays. Il a ainsi entrepris de réfléchir au devenir du Conseil pour le Respect de l'Ethique et de la Déontologie, CRED, en invitant toutes les parties prenantes les 28 et 29 août 2007 à une réflexion sur le thème « Faut-il renforcer le CRED ou promouvoir la mise sur pied dun Ordre des journalistes ? ».
Le gouvernement ne se pose pas de telles questions. Cest un ministre de la République qui désigne sous le vocable dennemis un certain nombre dorganes de presse. Il est vrai que le premier magistrat du pays a pu dire le 1er mai 2006, pour expliquer la suppression de laide à la presse, « Je ne vais pas donner de largent à des gens qui passent tout leur temps à minjurier.»
La préoccupante situation des médias ne semble émouvoir que les organisations professionnelles de journalistes. Ni les pouvoirs, ni les oppositions, ni la société civile ne tentent quelque chose pour inverser la tendance. Les tenants du pouvoir sont contents du discrédit croissant des médias. Plus ils se seront déconsidérés, mieux cela vaudra pour les pratiques discutables. Les pouvoirs parient sur une clochardisation de la presse, lencouragent même, en favorisant la multiplication des titres, en laissant le secteur à lui-même, ou alors se réjouissant secrètement des dérives de la presse. Quelle mesure concrète a été prise par les pouvoirs depuis lindépendance pour améliorer létat de la presse dans notre pays ? Aucune hormis laide à la presse qui ignore les problèmes structurels de la presse.
II. Les politiques publiques
On chercherait en vain, dans le catalogue des politiques de développement élaborés par les pouvoirs publics sénégalais, la mention : programme de promotion et de développement des médias. En réalité, cette problématique na jamais été une préoccupation dEtat, car celui-ci na jamais considéré la promotion de ce secteur comme étant une des conditions de développement. Ce secteur émerge à peine. Les médias ont été regardés avec méfiance. On ne les concevait que dans la seule mesure où ils étaient des relais quasi dociles des discours officiels. Autrement, les médias étaient considérés comme des facteurs de subversion et déstabilisation de lentité en cours de construction. On comprend que dans ces conditions quaucune politique nait été élaborée à leffet de promouvoir un secteur médiatique fort et durablement consistant. Comment mettre en place une telle politique quand dès le départ, les Etats indépendants dAfrique, le Sénégal compris, ont tous décidé que lEtat était la seule admise à posséder et à faire fonctionner les organes de presse ? Tout au plus pouvait-on admettre en se référant au texte constitutionnel et aux textes législatifs et réglementaires le fait que les pouvoirs publics ont cherché à organiser les médias, dans le sens dun encadrement strict du travail des professionnels.
La liberté de travail des journalistes a été partout affirmée. Le législateur a cependant vite fait de lencadrer, au point que le principe de liberté a été dans bien des cas vidé de son contenu à cause des nombreuses restrictions qui y sont apportées par les textes législatifs de portée générale et par le droit pénal en particulier. Un examen attentif des textes fait apparaître un régime juridique des médias fonctionnant sur une dualité stricte :
un régime de liberté concernant la presse écrite ;
un régime de monopole qui admet des cas de dérogation pour les médias audiovisuels.
La réglementation des médias a suivi un parcours assez singulier dans lhistoire de notre pays. Cette liberté est consacrée dans la constitution sénégalaise de 1963 qui, en consacrant la liberté dexpression, admet également dans différents textes la liberté de travail des médias qui, de notre point de vue, en dépit des réserves que la théorie peut soulever à cet égard, constitue une liberté dérivée de la première nommée. En tout état de cause, la question posée est celle de savoir quelle est le portée effective de cette liberté proclamée et réaffirmée partout, quand dans les faits rien nest fait par lEtat pour rendre opérationnel le droit du public à linformation en lui donnant sens concret dans la vie de tous les jours des citoyens. Parfois même, tout semble mis en uvre pour en limiter lusage. Avec lindépendance du pays, on aurait pu imaginer que les autorités nouvellement installées rendraient encore plus effective la liberté des médias, plus quelle ne la été sous loccupation coloniale. Paradoxe suprême : cest tout à fait le contraire qui a été fait. Lapplication du régime libéral issu de la loi coloniale de 1881, connaîtra un recul, car le système de liberté en vigueur depuis lépoque coloniale jusquen 1979 a été peu à peu vidé de sa consistance. Bien quayant opté pour un système politique ouvert et pluraliste, le Sénégal na pas toujours su donner aux médias une existence viable et des moyens qui soient à la hauteur des attentes des citoyens et du rôle attendu des médias dans un tel système. Deux ans après son accession à la souveraineté, le Sénégal a connu une grave crise politique. A partir de cette étape de graves restrictions ont été apportées à lexpression des libertés publiques et individuelles. Celles-ci ont particulièrement visé les médias et les professionnels du secteur. Ainsi, pendant une longue période, seuls les titres ayant reçu la bénédiction et laval des autorités et du parti unique régnant sans partage sur léchiquier politique national, avaient droit de cité. Quelques journaux dopinions bravant tous les interdits ou ayant chois dévoluer dans la clandestinité paraissaient de façon épisode et au petit bonheur la chance. Pendant cette période, le quotidien gouvernemental Le Soleil était quasiment le seul journal de la place. Il navait dautre souci éditorial que de se faire le porte-parole de la politique officielle et le relais de la propagande du parti unique.
De 1966 à 1976, le Sénégal a vécu en matière de liberté de presse un régime dexception. Une liberté totalement confisquée par lEtat, le seul autorisé à éditer des journaux. Et qui plus est, exerce un monopole absolu sans possibilité de dérogation sur les ondes audiovisuelles.
Cest seulement à partir de 1981 que lesprit de liberté qui traversait la réglementation héritée de lépoque coloniale est revenu peu à peu. Entretemps, le Sénégal avait adopté sa propre loi, celle du 11 avril 1979 relative aux organes de presse et à la profession de journaliste. Cette loi a fait lobjet de trois modifications en 1982, en 1998 et en 1998. Dans le texte de 1998, on sinspire également de la loi française de 1881, de la Déclaration universelle de 1948, de son article 19, notamment, de la Charte Africaine du Droits de lHomme et des Peuples, en vue de mieux organiser la liberté des médias. Le fameux code de la presse de 1979 a subi une mutation à la fois dans son contenu et du point de vue sémantique. On parle désormais du Code de la Communication sociale. Ce nouveau texte affiche lambition de rompre avec la volonté de répression qui structurait lancien texte. Les nouveautés sont nombreuse les plus essentielles concernent cependant les points suivants :
- La prise en compte du secteur de laudiovisuel ;
- Une définition plus élaborée des droits et devoirs du journaliste ;
- Une meilleure protection des
.. de la profession de journaliste et du technicien de la communication sociale ;
- Un libre accès aux sources et une meilleure garantie de leur protection (respect du secret professionnel pour le journaliste) ;
- Une plus grande liberté de création des journaux assortie de la condition davoir pour directeur de publication un journaliste professionnel et une équipe rédactionnelle professionnelle composée de 2/3 de femmes et dhommes du métier de linformation ;
- Un allégement de la procédure légale de création dorganes de communication sociale ;
- Une définition de nouveaux critères déligibilité au fonds daide à la presse, sappuyant sur la régularité de la publication, le professionnalisme de léquipe rédactionnelle, etc.
Le nouveau climat procédant de cette nouvelle législation a favorisé lémergence dune nouvelle presse dynamique et très professionnelle qui aura activement participé aux bouleversements politiques qui ont eu cours au Sénégal à la fin de la décennie 90. Cette presse a été pour lessentiel le fruit de laudace et de limagination de certains professionnels ne se sentant plus à laise dans le système médiatique officiel en vigueur dans le pays. Lémergence de cette presse sest opérée sans appui de lEtat. Celui-ci la même combattue à ses débuts, pour ensuite tenter de faire avec elle. Cest également lesprit de la loi de 1982 renforcé en 1998 que les dérogations au monopole de lEtat ont été consenties pour favoriser lémergence de radios privées au Sénégal à partir de 1994. Le secteur de la télévision a été également libéralisé depuis moins de cinq ans.
Le bilan de lévolution des médias au Sénégal montre une constante : la carence de lEtat, quant à sa volonté de se mettre en place une politique soucieuse de favoriser lémergence dun secteur médiatique viable, fort et durable. De ce point de vue, rien na changé hier comme aujourdhui.
III. Propositions
3.1. Politique de communication
Il existe une charte culturelle, une loi dorientation agricole, comme il y a eu une nouvelle politique industrielle
Le Sénégal fait encore léconomie dune politique de communication. Il na pas encore dit le rôle et la fonction quil entend faire jouer à la communication, qui tienne compte de ses spécificités, de son histoire, de ses ambitions en Afrique et dans le monde.
Le préalable à toute action conséquente en matière de média passe par la définition dune politique nationale de communication.
Dans le cas du Sénégal, lexercice simpose dautant plus quil peut offrir lopportunité de résoudre de manière consensuelle quelques questions délicates :
- comment revenir sur lacquis que constitue laccès libre à la profession sans apparaître rétrograde, sans sembler revenir sur un acquis démocratique ?
- comment limiter le nombre dentreprises de presse car il est certain que le marché sénégalais ne peut objectivement supporter une centaine dorganes de presse. Hâtivement, certains avancent quil suffit de laisser la concurrence faire et que comme dans la nature, les plus solides survivront. Cest oublier quen matière de presse si la concurrence est sauvage, le nivellement se fera par le bas. Prenons lexemple des journaux. La concurrence peut-elle être équitable entre un journal de faits divers, dont les coûts de production sont nécessairement bien plus bas quun journal dinformations qui requiert plus de professionnels. Les lecteurs, ici comme ailleurs, préfèrent hélas le fait divers aux problèmes de fond. Faut-il pour autant laisser mourir les journaux généralistes ?
La politique nationale de communication pourrait définir le statut de lentreprise de presse assujettie à une offre minimale dinformations pertinentes. Ces entreprises pourraient avoir un accès privilégié aux ressources publiques.
Ces ressources publiques dépassent largement celles qui sont affichées. En 2001, une évaluation sommaire et incomplète de lensemble des budgets dédiés à la communication dans les ministères et autres démembrements de lEtat faisait ressortir une enveloppe de plus de dix milliards CFA. Ils sont en général « gaspillés » dans des banderoles et autres spots qui constituent lessentiel de la communication gouvernementale totalement inefficiente.
Lensemble des ressources publiques disponibles pourraient à défaut dêtre regroupées dans une seule caisse, avoir une gestion centralisée pour un organisme paritaire indépendant qui attribuerait exclusivement ses ressources aux entreprises de presse se soumettant à des règles convenues qui garantissent la pluralité de loffre dinformation.
Cest le premier pas sur le chemin de lémergence dun secteur médiatique fort car il ny a pas de politique efficiente de communication sans médias forts.
3.2. Repenser le rôle de lEtat pour lémergence dun secteur médiatique fort
3.2.1. La nécessité de réorganiser lespace médiatique.
Toute réorganisation de lespace médiatique, tendant à lui donner beaucoup plus de substance et à rendre les médias plus performants et économiquement viable, doit nécessairement sappuyer sur une démarche densemble, nouvelle qui intègre lidée dun renforcement des capacités des entreprises médiatiques déjà existantes et de favoriser lémergence dentités nouvelles plus solides. Un tel renforcement doit à son tour avoir pour fondement la construction de marchés nouveaux émergeant à la faveur dune nouvelle politique économique de développement des médias au Sénégal.
Le problème de la presse nationale, au plan économique, est quelle ne dispose pas des ressources financières indispensables à son développement optimal et ne compte que sur le volontarisme de promoteurs nayant dautres moyens pour accompagner leurs entreprises que leur bonne volonté. Or, cela ne saurait suffire pour doter le pays dentreprises médiatiques à la hauteur des ambitions affichées et des exigences démocratiques. Cette nécessité simpose dabord à lEtat. Ensuite seulement aux responsables des entreprises de presse eux-mêmes.
3.2.2. La responsabilité première de lEtat
Les entreprises médiatiques, si toutefois ce terme est propre dans le contexte actuel, pour désigner ce qui en tient lieu, sont dabord victimes, à limage de toutes les petites et moyennes entreprises du pays, du sous-financement chronique de leurs activités. Il sy ajoute le fait que les entreprises spécifiques que constituent les médias dans lespace économique, nintéressent absolument pas les banques qui jugent ce secteur sans aucun doute le plus difficile et le plus complexe. Non seulement, ce secteur nest pas, loin sen faut, rentable et comporte beaucoup de risques financiers pour elles, mais il sy ajoute, en outre, le risque politique quelles peuvent encourir, en acceptant de financer les activités dentreprises parfois trop critiques pour les gouvernants en place.
Pourtant, cette activité qui est en développement partout ailleurs dans le monde, recèle dénormes potentialités, à condition toutefois que lEtat accepte, dans un premier temps, de lorganiser en mettant en uvre à cet effet une politique hardie de développement des médias. Et ce, en vue de constituer les bases dune économie sectorielle plus attrayante pour les structures de financement classique dune activité économique.
3.2.3. Nouveaux mécanismes dappui aux médias
Pour rédiger cette partie du texte, nous avons estimé utile, pour une meilleure compréhension de nos propositions, de préciser et de clarifier la notion de renforcement des capacités. Celle-ci est le fondement essentiel de ces propositions.
3.2.3.1 Le renforcement des capacités
La notion de capacités désigne les personnes (ressources humaines), les institutions (entreprises de presse) et les pratiques qui permettent aux médias nationaux dinscrire leurs actions dans une véritable perspective de développement durable. Le renforcement dont il est question ici nest pas entendu comme un investissement physique seulement. Il infère plutôt lidée dapprentissage par la pratique, de la mise au point, au fil du temps, dactions plus efficaces et plus durables qui assurent aux médias une existence légale et économique plus viable et pérenne. Dans cette hypothèse, le renforcement de capacités sinscrit alors dans une vision globale et dans une perspective systémique. Il convient donc dadopter une approche plus globale et plus imaginative de la question des conditions et des moyens à planifier pour asseoir les fondements techniques, matériels du renforcement. Une telle approche doit être capable didentifier, dintégrer et de tirer partie des connaissances, des expériences, des ressources et de lexpertise de tous les acteurs susceptibles dêtre impliqués par le projet. Fort de cette vision globale et systémique de la problématique du renforcement, une entreprise réaliste didentification des besoins et des capacités disponibles sur le terrain, une analyse systématique des médias et celle de tous les acteurs qui appuient leur développement, doit être opérée, en vue de passer au stade de la mise au point de programmes spécifiques. De telles actions, indispensables pour la définition dune approche définitive de la question, devront être engagées sur la base de principes simples, ci-après décrits :
Le renforcement doit sinscrire dans une perspective globalisante ;
La réflexion issue des différentes réunions nationales (Etats Généraux de la Communication etc.), des études sur le secteur (Journées internationales de la liberté de presse), des colloques internationaux, doit pouvoir servir ;
Le renforcement des capacités doit être soutenu et encadré par la solidarité internationale ;
Au lieu que le renforcement des capacités soit lune des nombreuses composantes dun projet ou dun programme, ou comme un appendice, -cest malheureusement souvent le cas-, sans signification réelle, accolé à un projet, ce renforcement devra plutôt constituer une partie intégrante, la substance dun programme de développement des médias sénégalais.
3.2.3.2. Les Conditions du renforcement
Les conditions concernent naturellement les médias et leurs responsables eux-mêmes, mais elles sadressent également à lEtat sénégalais et à la Communauté internationale, en particulier, les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux traditionnels. Aussi, de telles conditions devront-elles senvisager à ce triple niveau de responsabilités. Chacune de ces parties devra, en ce qui la concerne assumer son rôle, pour définir les conditions et les modalités optimales de renforcement des capacités de médias dans le pays.
3.2.3.2.1. Du côté de lEtat
LEtat doit enfin comprendre que le développement des médias appelle plus que des discours, des colloques et autres réunions, souvent conçus pour masquer des déficiences ou pour céder à de simples effets de mode. Sous ce rapport, lEtat doit davantage se convaincre que lappui aux médias constitue pour ce qui le concerne une obligation morale et politique, mais aussi une exigence démocratique. Cette exigence simpose à lui dans sa politique législative et la définition de ses programmes de développement économique et social. A défaut de satisfaire une telle exigence à la hauteur des ambitions et des prétentions démocratiques, les pouvoirs publics ne peuvent convaincre personne de leur bonne foi et de leur volonté réelle de construire un environnement médiatique viable au Sénégal. On pourrait également mettre en doute son engagement sincère à veiller et duvrer loyalement et efficacement à lavènement dun bien-être et dun progrès réel au sein de la Nation. Car lexistence de médias efficaces et viables en constitue à la fois un symbole et une parfaite illustration.
3.2.3.2.2. Du Côté des médias
Les médias eux-mêmes doivent sengager à se professionnaliser davantage. En quoi faisant ? Par exemple, en arrivant à formuler leur propre stratégie de développement organisationnel, en intégrant le perfectionnement de leurs ressources humaines et la professionnalisation des profils, en ayant enfin un sens plus poussé des responsabilités, par rapport à léthique et à la déontologie. La pratique du métier doit désormais sappuyer, plus quelle ne la jusquici fait, sur une meilleure organisation de la corporation qui passe par la mise « en place dorganes dautorégulation et une plus grande confraternité entre collègues ». La presse doit faire preuve dune très grande responsabilité, en pratiquant dans un esprit douverture et de tolérance, en traitant avec rigueur les faits, en sollicitant, enfin, les idées et les opinions de tous les éléments et composantes de la nation, dans sa diversité plurielle. Tout doit se dérouler dans lesprit des textes légaux, mais surtout en conformité avec les règles éthiques et déontologiques qui fondent lexercice du métier de journaliste.
3.2.3.2.3. Du côté des Bailleurs
La Communauté internationale, à travers certains des ses organes dexécution, en matière de coopération, doit davantage sengager dans le combat pour la promotion dune presse libre, pluraliste et responsable. Celle-ci doit désormais considérer tous les projets ayant un caractère structurant pour le développement. Pas nécessairement les seuls projets conçus sous la houlette de lEtat et placés sous sa tutelle. Tout financement accordé doit à priori être conçu comme un moment de renforcement des capacités des médias. A cet égard, les bailleurs de fonds doivent avoir une autre approche par rapport à la problématique du développement des médias. Une approche qui sappuie sur une démarche systémique de la question. Etant donné que les nombreuses interventions et soutiens financiers jusquici accordés par les bailleurs de fonds internationaux aux médias nont manifestement eu que des résultats à faible impact, la nouvelle approche préconisée doit fortement insister sur la nécessité dencourager un changement fondamental de pratiques, de comportements et de procédés. Et ceci, tant de la part des bailleurs de fonds que des médias bénéficiaires des subventions, mais aussi de la part de lEtat.
3.2.3.3. Les domaines de priorité du renforcement
La Communauté internationale, en partenariat avec lEtat sénégalais désormais engagé dans un authentique processus de renforcement et de développement des capacités des médias, devrait réorienter son assistance sous plusieurs manières et dans plusieurs matières. Il semble cependant que trois domaines se dégagent comme étant prioritaires, au regard de létat de la question sur le terrain. Cest ce que nous avons pu constater au cours de nombreuses années de pratique à divers niveaux de responsabilités dans lespace médiatique national.
3.2.3.3.1. La gestion et le management des médias
De nombreuses études disponibles actuellement établissent que les entreprises médiatiques disposent de peu de ressources managériales. Celles-ci restent encore des lieux de gestion approximative nayant rien à voir avec les règles de management dune entreprise moderne inscrivant son action dans la durée et dans le souci defficacité. En réalité, ce problème nest pas spécifique aux medias sénégalais. En effet, les évaluations faites en ce qui concerne certaines entreprises de presse africaines révèlent quil y a un grand manque de managers ayant une vision claire de ladministration et de la gestion des industries culturelles comme les médias. Les faiblesses les plus fréquemment mentionnées à cet égard sont :
- Les dirigeants et les gestionnaires des entreprises de presse ne conçoivent pas et nénoncent pas une vision appropriée de leurs entreprises. De même, ils ne mettent pas en pratique les principes clés dun rôle dirigeant dentreprises digne de ce nom, telles que la poursuite dobjectifs, la mise en place de mécanismes de suivi, la détermination de buts et de normes de gestion et de qualité, la préparation dun environnement propice à la libération des énergies et la fourniture de moyens nécessaires à la responsabilisation et à lexercice de compétences déterminées.
- Lenvironnement dans lequel évoluent de nombreux responsables de médias et les gestionnaires est très indigent en termes de ressources. La conséquence immédiate est que les gestionnaires ne disposent pas souvent de moyens suffisants et adéquats pour traiter les questions relevant de leurs compétences. Lentreprise médiatique reste fondamentalement marquée par une absence totale de projet organisationnel appuyé sur une démarche rationnelle de la gestion dentreprise.
3.2.3.3.2. Léquipement technologique
Les salles de rédaction et des nouvelles sont dépourvues en tout. Les besoins en matériel (ordinateurs, accessoires, émetteurs et autres équipements) sont immenses. Les investissements de base nécessaires pour la création dune entreprise de presse ne sont jamais réalisés au préalable. Les organes médiatiques démarrent leurs activités dans une indigence toujours presque totale. Dimportants investissements devront être réalisés. Cela constitue un préalable et une condition du renforcement des capacités des médias sénégalais. En réalité, cest la question du sous-financement des médias qui est posée ici. Ceux-ci nont jamais de fonds propres pour constituer une trésorerie. Tous les médias, à quelques exceptions près, sont confrontés à dimportants déficits de financement et font du mieux quils peuvent pour trouver les ressources utiles pour sortir une édition du jour ou pour faire marcher lantenne, en attendant des lendemains meilleurs qui ne viennent jamais.
3.2.3.3.3. La formation
Il convient dans ce secteur précis, de fixer des objectifs clairs tendant à :
- fournir une formation pratique de très haute qualité aux dirigeants des médias, aux professionnels eux-mêmes et à lensemble des acteurs impliqués directement dans la vie quotidienne des médias ;
- répondre de manière flexible et aisément adaptable, aux besoins changeants en aptitude, sur le marché en fournissant soigneusement des programmes de formation ciblée, et aussi en contribuant au renforcement durable des capacités ;
- développer des approches et des matériaux innovateurs pour lavancement des connaissances générales et spéciales et pour expérimenter de nouvelles approches en matière denseignement des métiers des médias ;
- faire réaliser des recherches dans les domaines critiques où les besoins sont identifiés et de promouvoir léchange dexpériences et de connaissances entre professionnels du pays et dailleurs.
Il importe à cet égard de renforcer les capacités et les moyens des centres de formation déjà existants pour leur faire jouer le rôle qui doit être le leur dans cette uvre de construction dun espace médiatique plus efficace et plus durable. Le but, à court terme, est de répondre aux besoins immédiats de la presse nationale, afin de la doter dune masse critique de personnels très hautement qualifiés. A moyen terme, lobjectif est de favoriser le développement des institutions par le biais de la formation permanente. A ce sujet, on peut dire sans risque de trop se tromper que les besoins en formations découlent de la faiblesse observée aujourdhui dans la qualité des productions des médias, mais aussi repérable au niveau des compétences et du savoir-faire des professionnels.
3.2.4. Cadre opérationnel du programme dappui
Ce chapitre du texte définit le cadre et le contenu du nouveau programme daide envisagé pour un développement optimal des médias nationaux. Les mécanismes opératoires du programme daide sont décrits, mais sont aussi indiqués les résultats attendus de ce nouveau système. Sont également analysées les perspectives densemble liées à lapplication du nouveau système préconisé, dans lespace médiatique du Sénégal.
3.2.4.1. Fonds de promotion des médias
Ce Fonds, dont la dotation initiale et les mécanismes dalimentation seront déterminés par la loi, fonctionnera comme un organisme indépendant de lEtat. Toutes les dotations du Fonds seront assurées par le budget de lEtat et par le concours des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Il aura pour mission essentielle dassurer aux médias des financements substantiels et durables. Il aura enfin pour but de financer un certain nombre dactivités de renforcement des moyens et des capacités des médias nationaux. Ce fonds disposera de deux mécanismes opératoires pour rendre effectives et efficaces ses interventions. Il va fonctionner avec deux guichets. Chaque guichet poursuit des objectifs précis. Ces deux guichets sont différents dans leurs méthodes dintervention mais seront rigoureusement complémentaires lun lautre.
Le guichet premier sera essentiellement orienté vers la promotion des médias, par le biais de subventions libres et de petits prêts concédés aux promoteurs à des taux préférentiels. Quant au deuxième guichet, il opérera comme système de garantie bancaire. Les actions combinées des deux guichets constitueront le mécanisme de renforcement des capacités de la presse.
3.2.4.2. Le Fonds de développement de la presse
Ce Fonds aura pour mission de financer des projets présentés par les entreprises de presse, mais dont limpact sur le développement des médias est établi par la pertinence des objectifs poursuivis mais aussi par les résultats attendus de leur mise en application. Il assurera ainsi la pérennité des entreprises déjà existantes. Il pourra aussi favoriser la naissance de petites unités médiatiques, comme il pourra renforcer la solidité de certaines dentre elles menacées dans leur existence. Laccès à ce guichet sera libre. Les fonds alloués dans le cadre des activités de ce guichet seront remboursés quand il sagit de prêts. En principe, chaque organe de presse qui fait une demande de prêt pour lachat déquipement ou pour la conduite dun projet éditorial cohérent peut obtenir des allocations à condition toutefois que le projet présenté à cet effet remplisse les critères requis pour pouvoir disposer de ressources. Ce guichet allouera également des subventions dont les montants ne peuvent pas dépasser un certain niveau préalablement déterminé par le Conseil dadministration du Fonds. Au cours dune même année, un organe médiatique ne peut pas bénéficier de deux prêts cumulatifs.
3.2.4.3. Le Fonds de garantie de la presse
La mise en place de ce fonds part dun constat : les entreprises de presse peuvent parfois recevoir dimportantes ressources financières provenant dorganisations non gouvernementales, mais il reste que pour celles-ci, laccès au crédit bancaire leur est souvent fermé. Or, on ne peut pas prétendre assurer un développement conséquent du secteur de la presse, ni dun quelconque autre secteur économique dailleurs, sans accès au crédit bancaire. Dans le cas des entreprises médiatiques, cette fermeture du crédit bancaire sexplique souvent par des raisons économiques liées à labsence de garanties (actifs, bien meubles ou immobiliers, etc.). Déjà, même dans le cas de certaines unités économiques, petites et moyennes entreprises classiques, évoluant dans des domaines différents et où la rentabilité est à priori établie, les banques commerciales refusent de satisfaire leurs besoins de crédits. Des crédits nécessaires pour le déploiement de leurs activités. A fortiori, quand il sagit des médias, un produit sensible, tant du point de vue politique, économique que social. Cela est encore plus vrai dans un pays sous-développé où lautorité politique souvent très peu ouverte à la critique, en arrive à surveiller les banquiers qui oseraient donner des moyens à « leurs adversaires » : les médias. Ce sont des facteurs supplémentaires déloignement des banques du secteur des médias. On constate quau Sénégal, les entreprises qui on fait le pari de se déployer dans le champ des médias sont nées à la faveur didées généreuses, dun idéalisme débridé ou du volontarisme de quelques individus. Tout ceci sest souvent déroulé en labsence totale dun plan daffaires adossé à un projet dentreprises clair et précis. Les promoteurs dorganes médiatiques nont presque jamais pu obtenir, même de petits crédits, auprès des institutions bancaires. A défaut de garanties, les banques qui sont tout sauf philanthropes, sont ainsi restées sourdes aux sollicitations des entreprises de presse. Aussi, plusieurs gouvernements africains, dont la presse nationale faisait face aux mêmes difficultés qui tenaillent les médias sénégalais dans la quête demprunts bancaires, ont tenté de mettre en place des mécanismes palliatifs. Cest qui explique la création un peu partout en Afrique dun fonds budgétaire inscrit dans la loi de finance destiné à appuyer les médias. Dans certains cas, les inscriptions budgétaires ont varié entre 200 et 400 millions de Francs : Sénégal (300 millions Francs CFA), le Bénin (350 millions Francs CFA), le Mali (300 millions Francs CFA), et enfin, la Côte dIvoire (400 millions Francs CFA). Au-delà des problèmes posés par la distribution de cette enveloppe aux médias, on a pu noter que même si cette aide avait été distribuée de façon satisfaisante, elle naurait pu suffire pour régler la situation de sous-financement chronique de la presse. Autrement dit, ce problème du sous-financement des médias nen resterait pas moins entier. Se trouve ici questionnée toute la problématique des aides ponctuelles qui ne sinscrivent pas dans une vision et un cadre structurel durables. Ces aides règlent un problème précis à un moment donné, tout en laissant intacte la base de linfrastructure qui est la véritable source du problème. Cest là un véritable piège, que nont pas su éviter les aides gouvernementales accordées aux médias, comme celles consenties parfois par les bailleurs de fonds. Autrement dit, laide internationale na pas été plus heureuse que laide accordée par les Etats, du point de vue de la promotion effective des médias, même si celle-ci a été parfois plus massive et plus substantielle que les concours gouvernementaux. Cette aide internationale sest souvent manifestée dans des programmes et projets dacquisition de matériels dans certains cas, dans dautres, daccompagnement de quelques initiatives éditoriales, de soutien pour lachat de matériels technologiques, de tenue de sessions de formation et de fourniture de prestations diverses, parfois à haute valeur ajoutée. Le cas échéant, durant toute la période damortissement du matériel acquis, le mécanisme tourne à la satisfaction de lentreprise aidée et à celle du bailleur. Cette satisfaction ne peut cependant aller et ne va pas, souvent, au-delà de ce délai indicatif et symbolique damortissement. Aujourdhui, aucune des structures citées nest en mesure de procéder au renouvellement des équipements acquis par lintervention dun bailleur extérieur. Il faudra une autre assistance dun autre ou du même bailleur étranger, pour éviter à lorganisation de se trouver en état de cessation dactivités. Tous les efforts jusquici développés ont certes été louables et utiles, mais leurs limites sont certaines. Car la solution du problème attaqué na pas été pensée dans la perspective dun réel développement des capacités internes des médias et entreprises de presse. Ces efforts nont pas su ce nétait pas non plus leur vocation -, faire face aux énormes besoins en capitaux, pour assurer les investissements indispensables à un développement maîtrisé et harmonieux des médias. Il faut à cet effet un soutien décisif des établissements financiers, des banques, en particulier. Ce soutien doit sopérer avec des instruments financiers adaptés qui pourront aider à trouver des solutions au mal endémique de sous-financement des médias. Or, ces banques ont naturellement besoin de garanties pour accepter dentrer dans ce jeu. Il suffit alors, à défaut de pouvoir doter les entrepreneurs de presse de sûretés bancaires et garanties acceptables, de mettre en place des instruments à cet effet. Des instruments qui seront essentiellement adossés sur un fonds de promotion des médias. Le mécanisme de garantie ainsi préconisé, étant donnée la nature particulière du produit presse, fonctionnera différemment des formes classiques généralement connues des fonds de cette nature. En effet, le Fonds de garantie de la presse, dont la création est envisagée, devra fonctionner sur un modèle quelque peu particulier et dans le bénéfice exclusif des médias. Dans cette hypothèse, les projets admis aux programmes se verront attribuer un certificat de garantie qui accompagnera les dossiers demprunt auprès des services des banques et établissement financiers participant à lexécution du programme. Chaque fois quun projet sera financé à la faveur du mécanisme, une rémunération de la garantie sera prélevée. Cette rémunération sera fixée à un taux déterminé par la loi. Le taux de location de largent sera étudié par les partenaires du programme.
3.1.5. Résultats attendus du mécanisme
Dune part, la question fondamentale à laquelle répond ce projet de renforcement des capacités de la presse est la suivante : comment les médias peuvent-ils réduire leur dépendance économique et financière, être moins tributaires daléas non maîtrisables pour leur développement ? Dautre part, cette même question renvoie à la manière dont les organes de presse peuvent faire, dans un contexte économique global donné, pour atteindre un niveau élevé de financement de leurs activités ; afin de sassurer, eux-mêmes, que les efforts quils déploient sont suffisants et adéquats pour leur développement assuré de façon durable. Enfin, il y a lieu de faire observer que linterrogation posée au départ soulève la problématique de la préparation des ces mêmes médias, afin quils puissent négocier et établir un partenariat suivi avec toutes les parties intéressées à lintérieur, comme à lextérieur par leur développement. En définitive, cest toujours, toute la question du renforcement des capacités des médias qui se trouve au centre du défi que lenvironnement dresse sur le chemin de leur développement. Pour les chefs dentreprises de presse, la préoccupation est : comment acquérir de nouvelles compétences, du savoir et du savoir-faire, en vue de mieux assurer le fonctionnement de leur organisation, disposer de ressources suffisantes et pouvoir compter sur des marchés porteurs qui assurent à leur activité une durabilité ?
Conclusion
La démocratie sénégalaise sous le Magistère des différents présidents depuis 1963 a connu un mode de gouvernance qui a consacré à des degrés divers la puissance dun homme à la tête de lEtat. Les dysfonctionnements qui en ont découlé nous commandent de nous doter dune loi fondamentale qui va assurer "lencadrement normatif du pouvoir présidentiel afin déviter les dérives de toutes sortes inhérentes à ce mode de régime et amplifiées par la pratique institutionnelle du magistère du Président Wade" (Ismaïla Madior Fall, 2008).
Si le mode de désignation du Président de la République doit demeurer celui du suffrage universel direct qui semble être la meilleure illustration de lexpression de la souveraineté du peuple, les prérogatives et la responsabilité du Président de la République doivent être clairement définies et organisées de manière à contenir son pouvoir.
Concomitamment, le pouvoir législatif doit retrouver une place centrale dans le dispositif institutionnel et constitutionnel en devenant le lieu par excellence du débat démocratique et de limpulsion de la vie politique. Il doit contrôler laction du Gouvernement, la soutenir ou la sanctionner si besoin est. Mais pour cela, il faut quelle soit réhabilitée et crédible. Le député du peuple dont limage a été ternie au fil des législatures doit satteler à remplir véritablement sa mission de représentation et de défense des intérêts des populations qui lui ont confié leurs voix.
Lhémicycle doit accueillir des Hommes et des femmes compétents et soucieux du bien être des populations plutôt que dexécuter les moindres désirs dun Chef de lEtat dont la seule préoccupation est dutiliser les lois et règlements pour combattre ses ennemis politiques et se maintenir au pouvoir.
Le pouvoir judiciaire dont lindépendance est sérieusement mise à mal doit faire lobjet dune véritable entreprise de restauration de sa Crédibilité et de la confiance des justiciables. Le pouvoir judiciaire doit être doté de moyens suffisants pour assurer sa modernisation et jouer son véritable rôle darbitre et de régulateur de léquilibre institutionnel.
Sil ne faut pas se leurrer sur la nature quelque peu incertaine de la démocratie (Nancy Thede, 2002) dans la mesure ou lon ne peut jamais savoir ce que les gouvernements successifs issus du jeu démocratique en feront, lon peut néanmoins de manière consensuelle définir les limites de lespace légitime dans lequel les conflits politiques peuvent se dérouler , ce qui peut être objet de remise en cause et ce qui ne doit pas lêtre et enfin les valeurs immuables constituant les piliers sur lesquels repose un système démocratique.
Mais ces moments de contradictions, de doutes et de menaces sont fondateurs du mouvement à partir duquel les peuples choisissent leur voie. La jeune démocratie sénégalaise est certes vulnérable mais à lépreuve des assauts post alternance, elle exprime ses capacités de résistance à travers la radicalisation des oppositions de tous bords et lexplosion des fronts sociaux. Le seul mérite de lalternance est de permettre laffirmation de la certitude de ce dont le Sénégal ne veut pas comme mode de gouvernance au-delà de toute démocratie simplement formelle et incivile. En définitive, ce que lalternance est entrain de démontrer, cest que les valeurs des hommes et des femmes qui animent la vie démocratique et portent la responsabilité de sa pérennité sont déterminantes. Lhomme nétant pas par définition vertueux, il est impératif de développer des mécanismes de dissuasion et de contrôle de toutes velléités de souillure de la démocratie. La démocratie suppose donc au-delà des structures institutionnelles, le développement dune véritable culture institutionnelle et démocratique portée par des citoyens habités du reflexe de participation.
Une véritable démocratie doit favoriser des contrepouvoirs ainsi que lélargissement croissant de lespace public à de nouveaux acteurs à travers la promotion dun pluralisme politique, social et citoyen dont les voix des acteurs peuvent être relayées dans le cadre dune liberté médiatique réelle.
Se doter dune véritable identité politique fondée sur des piliers démocratiques solidement implantés dans le socle socio culturel dune nation intégrée, consciente de ses valeurs intrinsèques mais résolument tournée vers lavenir à limage des démocraties modernes : telle est lentreprise historique à laquelle sont conviés les sénégalais qui aujourdhui plus que jamais doivent sinventer un futur politique.
Katy Cissé WONE
Chérif Elvalide SEYE
Liste des Contributions (A Completer)
Pr Ismaila Madior FALL, Concept Paper sur les Institutions constitutionnelles du Sénégal
Pr El hadj MBOBJ, Les partis politiques et la vie politique.
Mr Mamadou Lamine Loum, Ancien Premier Ministre du Sénégal, Ladministration publique au Sénégal
Mr Mamadou NIANG, IFANDécoupage territorial, aménagement et décentralisation ;
Ousmane BADIANE, Le système électoral sénégalais ;
Pr Penda Mbow, La démocratie multiculturelle
Auditions
Mr Ousmane SY, Ancien Ministre de la décentralisation du Mali ;
Mr Seydou Sy Sall, Ancien Ministre de laménagement du territoire du Sénégal
Mr Gorgui CISS, Président conseil rural de Yenne, chef du département de géographie de lUCAD ;
Mr Mamadou Lamine LOUM, ancien Premier Ministre du Sénégal ;
Mr Mamadou NIANG,
(Dominique Marchetti, contribution à une sociologie des évolutions du champ journalistique dans les années 80 et 90, thèse EHESS Paris, 1998, P. 198).
En France, le Bureau de Vérification de la Publicité devenu le 25 juin 2008 lAutorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a quatre fonctions :
Etablir avec les acteurs majeurs de la publicité (agences de publicité, annonceurs, médias, syndicats professionnels) les règles d'autodiscipline de la profession.
Assurer, à la demande de l'ensemble des acteurs de la publicité télévisée en France et avec l'accord tacite du CSA, l'examen préalable systématique des spots télévisés avant diffusion.
Conseiller tous les supports de publicité (presse, affichage, radio, internet, cinéma, télévision) avant l'insertion d'une publicité.
Veiller au respect des règles déontologique établies par la profession.
A ce titre, le BVP publie chaque année une charte déontologique à l'attention des annonceurs et des professionnels de la publicité qui décrit précisément, en fonction des domaines concernés, les limites qu'il convient de ne pas franchir. Certains termes ou certains concepts sont ainsi prohibés.
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