Chapitre 4 - Apses
On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la ....
Les thèses des uns et des autres sur ce sujet expriment leurs positions
partisanes. ...... le facteur déterminant de la reproduction sociale d'après Pierre
Bourdieu.
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Chapitre 4
Partie 2 : La dynamique de la structure sociale
Ce que dit le programme
INDICATIONS COMPLÉMENTAIRES :
On présentera les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique (Marx, Weber) ainsi que leurs prolongements contemporains et on s'interrogera sur leur pertinence pour rendre compte de la dynamique de la structuration sociale.
On mettra en évidence la multiplicité des critères de différenciation sociale dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie) et on se demandera dans quelle mesure cette multiplicité contribue à brouiller les frontières de classes.
Acquis de première : groupe social
NOTIONS : Classes sociales, groupes de statut, catégories socioprofessionnelles
DEFINITIONS DES NOTIONS A CONNAITRE POUR CE CHAPITRE
NPT (notions programme de terminale).
NPP (notions programme de première).
NC (notions complémentaires à connaître).
Analyse nominaliste (NC) : la structure sociale est une construction dépendante de lobservateur et non une représentation de la réalité.
Analyse réaliste (NC) : Les classes sociales existent réellement, elles sont les moteurs de lhistoire, notamment par le conflit qui les oppose.
Capital économique (au sens de Bourdieu) (NC) : revenu et patrimoine dont dispose un individu ou un ménage.
Capital culturel (NC) : titres scolaires, mais également dispositions corporelles et familiarité vis-à-vis des biens culturels et plus globalement de la culture légitime.
Capital social au sens de Bourdieu (NC) : réseau de relations socialement utiles.
Capital symbolique (NC) : considération que confère la possession des trois autres formes de capital.
Catégories socioprofessionnelles (NPT) : Ensemble dindividus rassemblés à partir de leur situation socioprofessionnelle (profession, mais aussi mode de vie) et caractérisé par une certaine homogénéité sociale.
Classes sociales (NPT) :
Au sens de Marx : groupes sociaux qui existent objectivement et dont les membres ont une conscience dappartenir à une même classe et sorganisent politiquement pour défendre leurs intérêts communs.
Au sens de Weber : groupes d'individus qui sont dans une situation économique semblable (propriété ou non des moyens de production), partageant les mêmes chances daccès à un certain nombre de biens sociaux.
Classe en soi (NC) : Ensemble dindividus occupant une même place dans les rapports de production et partageant un même mode de vie.
Classe pour soi (NC) : Ensemble dindividus qui ont consciences dappartenir à une même classe sociale, davoir les mêmes intérêts et qui sorganisent pour les défendre.
Groupes de statut (NPT) : Groupe social dont les membres partagent un même style de vie et un même niveau de prestige social qui lui est associé, indépendamment de leurs ressources économiques.
Groupe social (NPP) : Groupe dindividus en interaction et qui se définissent eux-mêmes comme membres du groupe.
Habitus (NC) : Ensemble des dispositions, des schèmes de perception et daction incorporés au cours de la socialisation primaire et qui reflètent les caractéristiques sociales de son environnement dorigine
Lutte des classes (NC) : Antagonisme entre classes sociales à partir dintérêts contradictoires et pouvant prendre la forme extrême de la guerre civile.
Moyennisation (NC) : tendance à la réduction des inégalités de niveaux de vie qui se traduit par le développement des couches moyennes dans la société.
Rapports sociaux de production (NC) : modalités selon lesquelles les hommes (et les classes sociales) entrent en relation pour produire, échanger et répartir les richesses.
Stratification sociale (NPT) : Différenciation dune population en classes ou strates hiérarchiques, fondée sur une distribution inégale de ressources et de positions dans la société (inégalités de richesse, de prestige, de pouvoir).
Style de vie (NC) : ensemble dattitudes et de pratiques caractéristiques dun groupe social.
Sujets de bac possibles
Dissertation (Dossier de 4 documents factuels)
Peut-on parler dun retour des classes sociales aujourdhui ?
La notion de classe sociale est-elle encore pertinente pour analyser la société française ?
Les classes sociales ont-elles disparu ?
Epreuve composée Partie 1 (Questions de cours sans document)
Distinguez la conception des classes sociales de Marx et Weber.
Distinguez lanalyse de la stratification sociale chez Marx et Weber.
Montrez que la multiplicité des critères de différenciation sociale dans les sociétés post-industrielles (statut professionnel, âge, sexe, style de vie) contribue à brouiller les frontières de classes.
Montrez que le genre est un facteur essentiel de différentiation sociale.
Montrez que lâge est un facteur essentiel de différentiation sociale.
En quoi les classes sociales chez Marx se distinguent-elles des CSP ?
Epreuve composée Partie 2 (Après avoir présenté le document, vous
)
Tableau statistique à double entrée sur les pratiques selon lâge, le genre, la CSP.
Epreuve composée Partie 3 (A partir du dossier documentaire et de vos connaissances
)
Montrez que la notion de groupes de statut est utile pour comprendre la société française actuelle.
Expliquez pourquoi lanalyse en termes de classes sociales a perdu de sa pertinence.
Introduction : distinguer classes sociales, ordres et castes
Communiqué de presse des trentenaires de lUMP : "Si Vincent Peillon soffusque du fait que lenseignement catholique diffuse des valeurs catholiques, poursuivent-ils, il devrait être dautant plus choqué par le sectarisme de certains manuels scolaires et de certains professeurs déconomie au lycée qui ont, pour leur part, leur ancien testament marxiste, leur évangile par Keynes et par Bourdieu et leur croisade anti-entreprise et anti-mondialisation". On voit que certains groupes dintérêt dans la société semblent vouloir que soit abandonnée toute réflexion sur la structuration de nos sociétés. Vous devez donc saisir la chance que vous avez en SES de pouvoir réfléchir à ces questions de manière non dogmatique et sans écarter aucune position en présence dans ce débat.
La société est composée de groupes qui ne sont pas simplement juxtaposés les uns à côté des autres, mais hiérarchisés, cest à dire que certains sont « en haut » de léchelle, dautres « en bas », certains « au-dessus », dautres « en-dessous ». Cela signifie quil existe des inégalités économiques et sociales entre ces différents groupes et quon peut classer ces groupes sur une échelle dappréciation (stratification sociale). Si on associe inégalités et stratification sociale, cest tout simplement parce que lexistence de groupes hiérarchisés se voit à travers les inégalités qui les caractérisent.
Marx et Engels (Manifeste du parti communiste en 1848) « Lhistoire de toute société jusquà nos jours na été que lhistoire de luttes de classes ». Depuis, cette notion na cessé de diviser et dopposer sociologues, économistes, historiens, politistes. Les enjeux ne sont en effet pas seulement théoriques mais dimension politique. Les thèses des uns et des autres sur ce sujet expriment leurs positions partisanes.
Lanalyse en terme de classe sociale part du constat suivant : les sociétés contemporaines se présentent toutes comme un regroupement densembles à la fois segmentés, hiérarchisés et conflictuels. Ces sociétés présentent des différenciations internes : tous leurs membres ne sy ressemblent pas, ne présentent pas les mêmes caractéristiques sociales, ne possèdent pas les mêmes attributs sociaux. Plus encore, il se forme à lintérieur de cette société des groupements dindividus partageant des manières de vivre, de faire, de penser qui leur sont communes et qui les différencient dautres groupements du même genre. (Alain Bihr, Les rapports sociaux de classe).
Au cours de ce chapitre, on se demandera en quoi les différentes analyses de la stratification sociale sont encore pertinentes pour analyser la différenciation sociale dans nos sociétés. Les classes sociales existent-elles encore aujourdhui ? Les ouvriers forment-ils encore une classe sociale ? Et la bourgeoisie ? Le processus de moyennisation a-t-il rendu obsolète toute analyse en termes de classes sociales ? La multiplication des critères de différenciation sociale (âge, genre, etc.) ne brouille-t-elle pas les frontières de classe ?
Document polycopié n°1 Castes, ordres, classes
Les castes sont des groupes sociaux strictement délimités et strictement hiérarchisés selon un ordre de dignité, de prestige ou de «pureté» reconnu et accepté par tous. Chaque individu naît dans une caste dont il ne peut sortir, au sein de laquelle il devra se marier, et chacun sait à quelle caste il appartient. Le système de castes repose sur des fondements religieux, par exemple en Inde sur le fait que certaines fonctions sont sacrées, et d'autres impures. La caste définit le métier et les droits particuliers qui ne sont pas les mêmes selon les différentes castes ; la caste définit aussi le degré de pouvoir auquel on peut prétendre.
Les trois états de l'Ancien Régime avaient des droits différents. Des fonctions étaient réservées à un état et d'autres lui étaient interdites ; par exemple, un noble dérogeait s'il pratiquait certaines activités économiques. De même, le clergé disposait de certains privilèges en matière d'impôts par exemple et avait aussi certains droits. Il y avait définition de droit d'un groupe social avec ses privilèges, son autorité et aussi ses limites. Enfin, le tiers état, comme son nom l'indique, c'était le reste, et chacun qui n'était ni noble, ni prêtre, était du tiers. Ce qui caractérisait les états, c'était leur définition juridique : ils avaient une existence de droit.
Par opposition, on parle de classes lorsque la division de la société en groupes n'a pas d'existence légale. S'il est écrit dans la Constitution que tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit, il ny a donc plus de différence entre ce qui est permis à un noble et à un bourgeois. Il ny a plus que des différences de fait, liées aux capacités individuelles. A quoi on répond quil y a quand même des groupes inégaux puisque le fils douvrier, dès sa naissance, a déjà un destin fort différent du destin dun fils de bourgeois.
Henri Mendras, Eléments de sociologie, Armand Colin, Paris, 2003.
1) Quels sont les traits communs au système de castes et au système dordres ?
Castes et ordres ont en commun dêtre des groupes fermés : on y naît, on y meurt (statut assigné à vie), on se marie dans sa caste ou dans son « état ». Autres similitudes : lappartenance de caste ou dordre commande des fonctions définies et des droits différents (privilèges ou obligations) ; castes et ordres ont une existence officielle (réglementation religieuse ou définition juridique).
Néanmoins, le système des ordres du moins au 18ème siècle est plus souple que le système des castes. En particulier, des (riches) roturiers peuvent accéder à la noblesse par la grâce du roi, en occupant telle ou telle charge royale.
2) Quel est le sens de la phrase soulignée ?
1
Les classes nont pas dexistence légale dans la mesure où elles nont aucune base juridique et officielle. Elles sont des groupements de fait et non de droit.
Ce nest plus un statut juridique garanti par lEtat ou la religion qui délimite lappartenance à un groupe social mais désormais lactivité économique exercée
Les inégalités de classes concernent des individus tenus pour fondamentalement égaux dans lhorizon des révolutions démocratiques ; il est possible de changer de classe, alors quil nétait pas possible de changer de caste. Ensuite, les rapports de classes dérivent moins des principes théologico-politiques que du capitalisme et de lopposition des patrons et des salariés.
3) « Tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit. » Cette formule signifie-t-elle que toute inégalité a disparu suite à la révolution française ?
La Révolution française (cf. la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen) et les constitutions post-révolutionnaires proclament légalité civile et politique des individus quelle que soit leur condition économique et sociale : égalité en droit, égalité devant la justice, droits de vote et déligibilité pour tous les citoyens (ces derniers droits ne seront effectifs quen 1848 pour les hommes, en 1944 pour les femmes).
La Révolution française nous a donné légalité civile et politique, mais elle ne nous a pas donné légalité économique et sociale. Avec lavènement des sociétés démocratiques, légalité est inscrite dans le droit. On aboutit donc à des sociétés égalitaires en droit. Cependant, nous allons voir que des inégalités de fait persistent ; ces sociétés demeurent hiérarchisées.
Il ny a plus daristocratie et de tiers-état, mais certains auteurs vont parler de bourgeoisie, de classe ouvrière, dautres de classes dominantes, de classes moyennes et de classes populaires.
4) Remplissez le tableau suivant avec les termes ou expressions suivants :
Différenciation religieuse de droit - de fait très forte parfaite forte - Inde traditionnelle Ancien Régime - Profession, niveau dinstruction, pouvoir, prestige différenciation juridique Sociétés modernes
Formes de stratificationSource de différenciationGroupement de droit/de faitHérédité des positionsSociété concernéeCastesOrdresClasses sociales
Formes de stratificationSource de différenciationGroupement de droit/de faitHérédité des positionsSociété concernéeCastesReligion (pur et impur)De droitParfaiteInde traditionnelleOrdresRégime monarchique (différenciation juridique)De droitTrès forteAncien RégimeClasses socialesProfession, niveau dinstruction, pouvoir, prestigeDe faitForte/moyenne/faibleSociétés modernes
1. Les analyses fondatrices de la stratification sociale et leurs prolongements contemporains
1.1. Lanalyse de Marx : les classes sociales sont tout !
Eléments biographiques :
Karl MARX (1818 1883)
Philosophe, économiste, sociologue allemand dont luvre a marqué lhistoire de la pensée économique par lanalyse critique quil fait du capitalisme.
Contextualisation
Marx (1818-1883) écrit dans un contexte particulier : il observe les mutations de l'organisation de la production notamment en Angleterre. Il est frappé par une contradiction entre l'organisation industrielle gage d'efficacité donc de progrès et la grande misère de la classe ouvrière.
Son analyse du capitalisme lamène à une critique radicale de ce système et à un engagement dans le combat politique contre le capitalisme.
Travail à partir des documents 2, 3 et 4 p.185
1) Relevez tous les passages qui vous posent problème, tout ce que vous semblez avoir mal compris.
2) Remplissez ensuite le tableau suivant :
Vision de lhistoire et de la sociétéOrigine de la division socialeRapports sociaux
de production caractéristiques du capitalismeSignification de « classe en soi » et exemplesSignification de « classe pour soi » été exemplesQuest-ce quune classe sociale « réelle » ?Comment adviennent les « classes réelles » ?
Document 2 p.184 Bordas
Les paysans parcellaires forment une masse énorme, dont tous les membres vivent dans la même situation, mais sans être liés par de nombreux rapports. Leur mode de production les isole les uns des autres, au lieu d'établir entre eux un commerce réciproque. Cet isolement est encore augmenté par le mauvais état des moyens de communication et la pauvreté des paysans. [...] Chaque famille de paysans se suffit à peu près à elle seule, produit directement la plus grande partie de sa consommation et gagne ainsi ses moyens d'existence par un échange avec la nature plutôt que par un commerce avec la société. La parcelle, le paysan et sa famille; à côté, une autre parcelle, un autre paysan et une autre famille. Une certaine quantité de familles constituent un village, et une certaine quantité de villages forment un département. La grande masse de la nation française est ainsi constituée par une simple addition de grandeurs de même nom, à peu près comme un sac de pommes de terre est formé de pommes de terre. Par le fait de vivre dans des conditions économiques d'existence qui distinguent leur mode d'existence, leur intérêt et leur culture de ceux des autres classes, et les posent réciproquement en ennemies, des millions de familles constituent une classe; et par le fait de n'être unis que par un lien purement local, par le fait que l'identité de leurs intérêts ne crée pas de communauté, ni d'union nationale, ni d'organisation politique, les paysans parcellaires ne constituent pas de classe.
Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Napoléon Bonaparte (1852), Le livre de poche, 2007.
Marx distingue la classe en soi, définie par sa place dans le processus de production, de la classe pour soi, qui a conscience d'elle-même, à savoir des aspirations et des oppositions communes aux membres qui la composent.
Document 3 p.185 Bordas
Une vision conflictuelle de l'histoire sociale et politique (la «lutte des classes») et l'accent mis sur les relations entre protagonistes (les «rapports de classes») sont la base de l'analyse [de Marx]. Plus qu'à une sociologie des groupes sociaux, on a affaire à une théorie de la division sociale.Lorigine de la division sociale se situe dans la sphère de production, plus précisément dans les «rapports sociaux de production ». Marx désigne par cette expression les modalités selon lesquelles les hommes entrent en relation pour produire, échanger et répartir les richesses : possession ou non-possession des moyens de production et d'échange, organisation du travail et relations d'autorité qui lui correspondent (le « procès de travail »), répartition entre profits et salaires, etc.
Sur la base de ces rapports de production se constituent les deux groupes fondamentaux de la société capitaliste. Les travailleurs salariés et les propriétaires/entrepreneurs du capital.
Une « situation commune » rapproche les individus qui la partagent, des «intérêts communs » les rassemblent contre leur(s) adversaire (s). Le passage de la classe virtuelle à la classe réelle est subordonné à deux critères extra-économiques : l'existence ou la formation d'un lien social, l'auto-organisation politique du groupe.
Serge BOSC, Stratification et classes sociales, Armand Colin, coll. Cursus, 7e édition, 2011.
Document 4 p.185 Bordas
Pour qu'il y ait classe sociale [selon Marx], il ne faut pas seulement qu'un grand nombre d'hommes vivent de manière approximativement semblable, exerçant un travail comparable, il faut encore qu'ils soient en relations permanentes les uns avec les autres, constituent une unité en découvrant tout à la fois leur communauté et leur opposition à d'autres groupes. Il y a classe non pas simplement lorsqu'il y a des traits communs à des millions d'individus, mais quand tous ces êtres individuels prennent conscience de leur unité en s'opposant à d'autres millions d'individus, eux aussi groupés [
]. La classe sociale n'exigerait pas seulement la communauté de fait dans les façons de vivre, elle exigerait d'eux surtout une prise de conscience de leur communauté, qui n'est pas concevable sans conscience d'un antagonisme. D'où résulte un point essentiel de la théorie de Marx : la classe sociale n'existerait réellement que dans la mesure où elle aurait conscience d'elle-même, mais il ne peut pas y avoir conscience de classe sans reconnaissance de la lutte de classes. Une classe n'a conscience d'elle-même que si elle découvre qu'elle a une lutte à mener contre d'autres classes.
Raymond ARON, La lutte des classes (1972), Gallimard, 2001.
Vision de lhistoire et de la sociétéSociété structurée en classes sociales antagonistes. Vision conflictuelle de lhistoire sociale et politique. Les classes sociales saffrontent. Lhistoire cest lhistoire des luttes de classes.
Chez Marx, parler de classes sociales na de sens quau pluriel : les classes nexistent que les unes par rapport aux autres dans un rapport fondamentalement conflictuel qui prend ses racines dans le système de production. En produisant leurs moyens dexistence, les hommes entrent dans des rapports dexploitation et de domination. Donc ces rapports sont nécessairement conflictuels : les uns essayent dassoir leur domination et lexploitation, les autres les opprimés essayent de sen libérer.
Maîtres et esclaves dans lesclavagisme
Seigneurs et paysans dans le féodalisme
Capitalistes contre prolétaires dans le capitalismeOrigine de la division socialeRapports sociaux de production. La sphère productive ne met pas simplement en rapport du travail et des machines, mais elle fait aussi entrer en relations des individus (les capitalistes et les ouvriers) et des classes sociales (la bourgeoisie et le prolétariat).
Chaque classe se définit par sa place dans les rapports de production (conditions dexistence similaires : insertion dans la division du travail, nature et montant de leurs revenus, niveau de formation, etc).
Cette place commune dans les rapports de production conduit à une communauté dintérêt (les ouvriers sont tous dans la même situation, ils ont donc intérêt à lutter collectivement pour améliorer leur situation).Rapports sociaux
de production caractéristiques du capitalismeRapports de production capitaliste : division entre propriétaires des moyens de production et prolétaires. Le salariat est donc caractéristique des rapports de production capitalistes.
La place dans les rapports de production fait quil existe dans la société capitaliste deux classes en lutte : la bourgeoisie (classe des capitalistes) et le prolétariat (classe ouvrière). La bourgeoisie et le prolétariat ont donc des intérêts strictement contradictoires. Le prolétariat (ou classe ouvrière) a pour objectif daugmenter la rémunération du travail et la bourgeoisie a pour objectif de maximiser ses profits.
Lobjet du conflit est donc la répartition de la production matérielle, mais aussi du pouvoir dans la société.
Dans le mode de production capitaliste, « il y a séparation radicale du producteur immédiat (cest-à-dire du travailleur) davec les moyens de production ». Pour survivre, les ouvriers doivent donc vendre leur force de travail auprès des propriétaires des moyens de production (les capitalistes).
Dans le même temps sont affirmées la logique du marché et la liberté de la force de travail. Lexploitation prend une forme voilée dans le rapport social capitaliste : liberté formelle du travailleur, invisibilité du travail impayé (différence entre la valeur du travail fourni et le salaire octroyé).
Voir topo théorie de lexploitationSignification de « classe en soi »
ExemplesRegroupe des individus occupant une même place dans les rapports de production qui débouche sur une même situation, un même mode de vie, une même culture. Partage une même situation au travail.
Des intérêts communs les rassemblent donc contre leur(s) adversaire(s).
Objectivement, les paysans dont parlait Marx partageaient des conditions de vie, de travail et de logement assez proches, ce qui en fait une « classe en soi », ils ont donc des intérêts communs. Ils ont une place similaire dans le processus de production ; ce sont des petits propriétaires (ils disposent dune petite parcelle de terre). Ils vivent des conditions dexistence similaires. Cela va déterminer leurs intérêts, leur mode de vie, leur culture.Signification de « classe pour soi »
Exemples« Il ny a pas de classe sans conscience de classe. » La classe sociale, à commencer par la classe ouvrière qui devient « la classe par excellence », a conscience de son identité sociale et culturelle, conscience dun « Nous » qui loppose aux autres. Elle a aussi la conscience de ses intérêts.
Par exemple, les ouvriers ont conscience dêtre exploités et que leur intérêt est de faire chuter le capitalisme. Ils sorganisent politiquement pour faire évoluer positivement leur position dans les hiérarchies économique, du pouvoir, du prestige.
En revanche, la proximité objective des paysans parcellaires ne débouche pas sur des relations entre eux. Chacun vit isolé des autres paysans, ils ne forment pas une communauté réelle, ils nont aucune organisation politique. Apparaît ici, par la négative, le critère du lien social sur lequel dailleurs Marx ne sarrête pas. Ils ne forment pas non plus une classe [pour soi] car ils nont « aucune liaison nationale », « aucune organisation politique ». [
] Quest-ce quune classe sociale « réelle »A la fois une classe en soi et une classe pour soi.Comment adviennent les « classes réelles »Par la lutte des classes. Cest dans la lutte que les acteurs prennent conscience de leur appartenance à une même classe.
Les défaites comme les victoires cimentent le groupe, lui donnent conscience de lui-même, linstituent en agent historique.
Remarque : à long terme, le développement progressif des rapports capitalistes voue ces groupes au déclin inéluctable. Telle est la « loi de bipolarisation » selon laquelle la structure sociale sachemine vers une forme simple dans laquelle ne subsisteraient pratiquement que des représentants du capital et la masse du salariat.
Théorie de lexploitation
Comment est mesurée la valeur pour Marx ?
Pour Marx, la valeur déchange dune marchandise (son prix) est égale aux heures de travail qui ont servi à la produire.
Exemple : si une chaise nécessite 10 heures de travail et quune table nécessite 20 heures, combien vaut une table ? ( (deux chaises).
La quantité de travail nécessaire à la production dune marchandise comprend :
la quantité de travail nécessaire à produire les matières premières ;
la quantité de travail nécessaire à produire les machines utilisées (le capital) ;
la quantité dheures de travail effectuée par les ouvriers.
Comment est créée cette valeur ? Pourquoi Marx parle dexploitation des ouvriers ?
Pour Marx, la valeur dune marchandise ne provient que du travail car les machines et les matières premières ont été produites à partir du travail.
Pour Marx, la force de travail (à la fois les capacités physiques et intellectuelles que lhomme engage lorsquil produit) dun homme est une marchandise comme les autres. Cest cette « puissance de travail » que le capitaliste achète sur le marché.
La valeur de la force de travail est donc égale à la quantité dheures de travail nécessaire à sa production. Puisque produire la force de travail, cest, pour le travailleur, consommer les biens indispensables à son existence, il sensuit immédiatement que la valeur de la force de travail est égale au temps de travail nécessaire à la production des marchandises qui assurent sa reproduction, cest-à-dire aux moyens de subsistance (nourriture, vêtements, logement) nécessaires à un ouvrier pour être à nouveau en état de travailler chaque jour. Le travail est une dépense dénergie intellectuelle et physique et cette énergie doit être reconstituée. La valeur de la force de travail est donc la valeur des biens qui permettent cette reconstitution. De plus, ce sont les générations des travailleurs qui doivent être reproduites, ce qui implique la prise en compte des dépenses déducation par exemple.
Linvalidation en disant que les ouvriers actuels gagnent plus que ce qui est juste nécessaire pour reproduire leur force de travail nest pas convaincante. En effet, Marx prévoyait que les conditions de vie dans une société allaient évoluer avec celle-ci et que donc le niveau de vie des ouvriers allait aussi saccroître ; mais pour lui ils continueraient dêtre rémunérés en dessous de ce quils rapportent à lentreprise. Lexpression « moyens de subsistance » est une notion relative au contexte de chaque société.
Mais le capitaliste, en achetant la force de travail, a acquis le droit de se servir de cette force, de la faire travailler pendant toute la journée ou toute la semaine ; en achetant la force de travail de louvrier, il a acquis le droit de lutiliser comme bon lui semble. En effet, la force de travail est une marchandise comme les autres ; or, lorsque vous avez acheté une marchandise, vous avez acquis le droit de lutiliser autant que vous le voulez.
Donc le capitaliste rémunérera le salarié avec un salaire représentant par exemple 6 heures de travail journalier alors que celui-ci aura produit pendant 10 heures par jour. Il y a donc un sur-travail qui nest pas rémunéré, il est volé au salarié.
Pendant ces 4 heures non payées, le salarié crée de la valeur qui est approprié par le capitaliste. Cest ce que Marx appelle la plus-value. Le capitaliste a alors volé 4 heures de travail par jour à louvrier ; cest en ce sens que Marx parle dexploitation. Les prolétaires produisent plus de valeur que ce quils reçoivent comme salaire. En fait, les capitalistes sapproprient la valeur créée par les ouvriers (doù le terme dexploitation).
La force de travail est la seule marchandise qui a cette propriété de créer plus de valeur quelle nen coûte.
Cest parce que le capitaliste a acheté cette force de travail, quil peut sapproprier la valeur créée par elle. De plus, le capitaliste possède la matière première et les moyens de production, et louvrier transmet de la valeur à un objet qui appartient au capitaliste.
Pour Marx, seul le travail crée de la valeur, le capital ne crée pas de valeur. En effet, le capital ne sest constitué quà partir dune appropriation antérieure de plus-value par les capitalistes, à partir dune partie du produit de la classe laborieuse qui lui a été volée au cours de périodes antérieures.
Pourquoi les prolétaires acceptent de continuer à travailler dans ces conditions ?
Parce quils nont que leur travail pour vivre (ils ne possèdent pas les moyens de production) et ne possèdent pas non plus les moyens de subsistance. A la fin de sa journée de travail, louvrier se trouve tout autant démuni quau début, il est contraint de recommencer léchange de sa force de travail contre les moyens de subsistance indispensables à lui-même et à sa famille.
De plus, les ouvriers se font concurrence et si une partie dentre eux accepte lexploitation, les autres sont contraints de laccepter sous peine de mourir de faim. Doù limportance pour les capitalistes de disposer dune armée de chômeurs, que Marx appelle larmée de réserve, prêts à remplacer les ouvriers récalcitrants. Enfin, une autre raison de lacceptation de lexploitation : lillusion propre au capitalisme et à lutilisation de la monnaie pour payer les salaires de croire que cest le temps de travail qui est payé alors que cest le droit dutiliser la force de travail.
Cette situation permet aux propriétaires des moyens de production daccumuler du capital, cest-à-dire dacquérir de nouveaux moyens de production (accumulation du capital).
Voilà pourquoi la fin de lexploitation nécessite la fin du rapport de production capitaliste, (caractérisé par le fait que les moyens de production sont possédés par les capitalistes qui peuvent donc exploiter les ouvriers) donc la fin du capitalisme. Les rapports sociaux de production capitalistes sont donc fondamentalement des rapports de domination dune classe par une autre.
Marx théorise une grande crise du capitalisme (baisse tendancielle du taux de profit et crise de surproduction) et une Révolution qui permettra aux prolétaires de sapproprier collectivement les moyens de production. Voir schéma du document 4 p.185.
Pour Marx, lhistoire, cest lhistoire de la lutte des classes.
1.2. Lanalyse wébérienne : les classes sociales sont quelque chose !
Weber (1864-1920) : sociologue allemand.
Les classes sociales existent bien, mais toute la différenciation sociale ne peut se réduire à celles-ci.
Document polycopié n°2 Lanalyse de la stratification sociale de Max Weber
Dans cette perspective, les processus de segmentation, de hiérarchisation et d'opposition conflictuelle qui structurent les sociétés contemporaines donnent naissance à différents groupements macrosociologiques, dont les classes sociales ne constituent qu'une forme ou type particuliers parmi d'autres possibles, différents d'eux. Autrement dit, les classes sociales existent bien, mais toute la segmentation, la hiérarchisation et la conflictualité de la société ne se condensent pas en elles. Les classes sociales ne sont pas tout, tout au plus quelque chose. (
) Selon [Weber], les classes sociales ne seraient qu'un principe parmi d'autres de segmentation et de hiérarchisation de la totalité sociale. Weber opère trois distinctions.
Les classes qui n'existent, selon lui, que dans l'ordre économique. Ce sont des ensembles d'individus qui partagent une même situation économique (une même situation sur le marché, une même probabilité de pouvoir s'approprier ou non des biens économiques d'un certain type, par le biais d'échanges marchands) et, par conséquent, des intérêts économiques communs. Ces classes ne sont, selon Weber, ni nécessairement des communautés (des groupes dont les membres sont liés par la conscience de leur commune appartenance et de leur commune possession d'un certain nombre de biens matériels ou symboliques), ni, par conséquent, nécessairement des acteurs collectifs, capables de peser sur la dynamique sociale globale. Le fait de partager un commun intérêt économique ne conduit pas nécessairement les membres d'une même classe à agir de pair, de manière concertée et organisée.
Les groupes de statut qui existent dans l'ordre social. Weber soutient l'idée que toute société se définit aussi par la manière dont se distribuent en son sein l'honneur et le déshonneur. De ce fait apparaissent selon lui des groupements d'individus qui partagent une même évaluation positive ou négative de leur dignité. Ce sont donc des groupements d'individus partageant un même honneur, un même prestige lié, selon le cas, à la naissance (exemple : une origine aristocratique), à la profession (exemple : les vedettes du spectacle ou du sport), au niveau d'instruction (exemple : la possession du titre de docteur) ou, au contraire, un même déshonneur, une même indignité, une même stigmatisation (exemple : les hors-la-loi, les drogués, les infirmes).
Enfin les partis politiques qui existent dans l'ordre politique comme rivaux dans la course au pouvoir, dans l'occupation de l'appareil d'Etat (à ses différents niveaux) et l'exercice du pouvoir d'Etat. Ce sont des groupements dindividus qui partagent une même conception du monde et défendent les mêmes propositions politiques, les mêmes orientations gouvernementales, et qui se coalisent de manière à s'assurer les conditions de leur mise en uvre dans et par l'appareil d'Etat. Groupements qui, tant par leur organisation hiérarchique interne (leurs appareils, leurs permanents) que par leur liaison étroite avec l'appareil d'Etat, acquièrent une certaine autonomie à l'égard des groupes sociaux (classes ou groupes de statut) qu'ils représentent.
Selon Weber, classes, groupes de statut et partis politiques ne coïncident pas nécessairement au sein des sociétés contemporaines, sans être pour autant imperméables les uns aux autres. En fait, ces trois types de groupement relèvent de trois échelles différentes de valorisation, de trois hiérarchisations qui se recoupent sans pour autant nécessairement se superposer: l'une dans l'ordre de la richesse, l'autre dans l'ordre du prestige, la troisième dans l'ordre du pouvoir. Si la réponse précédente [celle de Marx] présupposait la réunion en un même groupement (la classe sociale) des trois caractéristiques de la communauté d'intérêt économique, de la communauté de style de vie et de la communauté de valeurs et d'actions politiques, la thèse wébérienne au contraire affirme que ces trois caractéristiques relèvent de trois modes et types de groupement différents.
Alain Bihr, Les rapports sociaux de classe, Editions empreinte, 2012.
1) Les classes sociales de Weber sont-elles les classes sociales de Marx ?
Définition des classes :
Place dans les rapports de production pour Marx et conscience de classe.
La tradition wébérienne suppose que les classes sociales sont des groupes d'individus [qui sont dans une situation économique semblable], partageant une même dynamique. Max Weber parle de Lebenschancen ou « chance de vie », sans qu'ils en soient forcément conscients, « chances daccéder à certain nombre de biens sociaux » : cela inclut la possession ou la non possession des moyens de production, mais aussi le niveau de vie, de consommation.
Réalisme/nominalisme
Selon la conception « réaliste » de Marx, les classes sociales sont des groupes sociaux qui existent objectivement à partir des rapports de production et déchange. Les individus appartiennent alors à une classe selon leur place dans le processus de production.
Dans la conception nominaliste de Weber, les classes sociales sont des collections dindividus, des outils de classement à lintérieur de la société observée. Les individus qui composent ces classes sociales nont pas nécessairement conscience dappartenir à un même groupe et ne sorganisent pas nécessairement pour défendre leurs intérêts. La mobilisation dune classe sociale est envisageable, mais elle nen constitue pas un élément fondateur.
2) Quelle est la différence fondamentale entre lapproche de la stratification sociale de Weber et celle de Marx ?
Lanalyse de Marx est unidimensionnelle : la stratification se structure autour de la sphère économique.
Weber ne nie pas que la sphère économique soit un élément de la stratification sociale (classes sociales), mais il a une vision tri-dimensionnelle de cette stratification qui se structure aussi autour du prestige (groupes de statuts) et du pouvoir (partis politiques). Lapproche de Weber ne se réduit pas aux classes sociales, qui ne constituent pour lui que lun des éléments de la stratification sociale.
Ces trois dimensions étaient réunies dans la classe sociale chez Marx alors que ces trois ordres de hiérarchies peuvent se recouper chez Weber (lordre politique est ainsi fréquemment lié aux deux autres ordres, les membres de lélite économique sont souvent au sommet de léchelle politique et statutaire), mais ne se recouvrent pas nécessairement. On peut se trouver tout en haut dans une échelle et plus bas dans une autre. Trois sphères dactivité sociale conduisant à létablissement, chacune, dune hiérarchie spécifique. Chaque ordre a une certaine autonomie par rapport aux deux autres.
3) A partir document 3 p. 187 du manuel, expliquez comment se caractérise un style de vie chez Weber.
Un groupe de statut est un groupe social dont les membres partagent un même style de vie et un même niveau de prestige social qui lui est associé, indépendamment de leurs ressources économiques.
Le « style de vie », ou « mode de vie », peut se voir dans le quartier habité ou la fréquence et le mode des relations sociales. Par exemple, la consommation, et plus particulièrement les consommations ostentatoires sont une façon de se distinguer. Chaque style de vie jouit dun certain prestige et les individus qui partagent ce style de vie forment un groupe de statut.
4) Complétez le schéma suivant avec les mots ou expressions suivants : politique, économique, social, prestige, pouvoir, richesse, partis politiques, groupes de statut, classes sociales.
Hiérarchie Hiérarchie Hiérarchie
selon la selon le selon le
richesse prestige pouvoir
5) Placez sur chaque échelle hiérarchique du schéma précédent les individus suivants :
Barak Obama, Zinedine Zidane, Bill Gates, Liliane Bettencourt, un médecin, un ouvrier vainqueur du loto, un docteur en sociologie, un titulaire du RSA, un trader.
6) Remplissez le tableau ci-dessous permettant de comparer les analyses de la stratification sociale de Marx et Weber.
Points communsDifférencesDomination de certains groupes qui se situent en haut de la hiérarchie sociale. Chez Weber, les groupes statutaires mettent en uvre une distinction qui participe à un processus global de domination, y compris économique.
Une définition proche des critères objectifs permettant de parler de classes sociales.
Pas nécessairement de conscience de classe chez Weber pour définir une classe sociale.
Réalisme / nominalisme
Situation économique = unique critère de différenciation sociale.
Situation économique : un critère de différenciation sociale parmi dautres.
1.3. Un prolongement contemporain des analyses de Marx et Weber : lespace social représenté par Pierre Bourdieu
Bourdieu (1930-2002)
Bourdieu a développé une sociologie critique destinée à mettre au jour les mécanismes de domination à luvre au sein de nos sociétés, ces mécanismes fonctionnant dautant mieux quils restent cachés.
Le rôle des intellectuels, et en particulier de la sociologie, est selon Bourdieu de mettre en évidence ces mécanismes cachés, de débusquer les discours faussement scientifiques (critique du rôle des sondages et de lusage dun certain économisme).
Comme toute science, la sociologie doit dévoiler, mettre au regard de tous ce qui est caché. Il ne faut voir aucun fatalisme lorsque la sociologie nous permet de découvrir des mécanismes extrêmement puissants qui permettent à la domination de se reproduire. Il y a bien fallu découvrir la loi de la gravité pour arriver à la maîtriser et faire voler des avions. Il est donc nécessaire de connaître les mécanismes qui font la pesanteur du social pour se libérer quelque peu du déterminisme.
On a souvent reproché à Bourdieu de donner une image « surdéterminée » de lhomme qui conduirait à une sorte de fatalisme rendant illusoire toute forme daction politique. Bourdieu a au contraire montré que loin de conduire à un « pessimisme désenchanteur », la connaissance sociologique crée les conditions dune transformation de la société. Il faut progresser dans la connaissance de la nécessité pour progresser dans la liberté possible.
Cest une chance détudier Bourdieu, cest difficile, mais cela en vaut la peine !
1.3.1. Limportance déterminante du capital culturel
Vidéo « La sociologie est un sport de combat ».
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Reproduction sociale
Monde social pas de mouvement perpétuel `" mutations. Au contraire, stabilité, inertie. Stats pour établir ces constantes qui rendent la science possible et aussi de les expliquer.
Inégalités.
Facteurs de permanence : transmission du capital économique.
Aujourdhui : capital culturel.
Langue française, la « bonne » langue française.
Tout ce qui sacquiert dans les familles cultivées.
Capital car ressource rare inégalement distribuée, donc donne des profits de rareté.
Enfants de milieux favorisés donnent à la maîtresse ce quelle veut.
Pré savoir pas nécessairement scolaire.
Bonne volonté à légard du système scolaire. Explique différence de réussite entre filles et garçons. Socialisation. Donne au système scolaire ce quil demande. Donc récompense, donc incitation à continuer les efforts.
Capital culturel : la reproduction des inégalités se fait de plus en plus à travers la transmission du capital culturel.
1) Quest-ce qui rapproche le travail de Pierre Bourdieu de la théorie de Marx ?
Marx a souligné limportance des données économiques et sociales (place dans la production, rapport à la propriété des moyens de production, part dans la richesse issue de la production) pour comprendre lorganisation de la société et le positionnement des individus à lintérieur des groupes sociaux structurant cette société. Bourdieu ne nie pas limportance de ce quil appelle le capital économique (patrimoine et revenu).
On peut ajouter la mise en évidence de rapports dexploitation (rapports de domination chez Bourdieu) dune partie de la population par une autre.
2) Quest-ce qui distingue lanalyse de Bourdieu de celle de Marx et le rapprocherait de la théorie de Weber ?
Bourdieu se rapproche de Weber car il considère comme lui que la stratification sociale ne sorganise pas uniquement autour de la distribution du capital économique. La stratification est pluridimensionnelle (hiérarchie économique, mais aussi hiérarchie du savoir).
On verra également que lon retrouve chez Bourdieu le concept de légitimité et que sa vision des classes est plutôt nominaliste.
3) Expliquez aujourdhui quel est le facteur déterminant de la reproduction sociale daprès Pierre Bourdieu.
Pour Marx, cest essentiellement dans lordre économique et dans lappropriation des richesses produites par une classe particulière quil faut rechercher la domination.
Bourdieu revient sur léconomisme de lanalyse marxiste qui ramène tout au rapport de production et avec lobjectivisme qui oublie les luttes symboliques.
A lépoque de Marx, le capital économique était prépondérant. La société sétant complexifiée, il faut définir de nouveaux concepts permettant de rendre compte des mécanismes qui conduisent à la reproduction des inégalités. Importance du diplôme dans les sociétés contemporaines, donc de la forme de capital qui permet le mieux de rendre compte de ces inégalités, à savoir le capital culturel.
Bourdieu a ajouté le capital culturel dont la possession est un élément essentiel de différenciation entre les individus et les groupes sociaux dans les sociétés contemporaines. Capital car ressource rare inégalement distribuée, donc donne des profits de rareté, notamment laccès à des positions économiques privilégiés, mais aussi du prestige et éventuellement du pouvoir.
Capital social : relations, connaissances de différents milieux (exemple typique des parents qui trouvent un emploi ou un logement à leurs enfants grâce à leurs relations, le fameux piston). Réseau de relations utiles.
Capital symbolique : réputation et prestige personnel. Confère une légitimité à la possession des autres formes de capitaux, notamment le capital économique.
1.3.2. Analyse de lespace social, pratiques culturelles et habitus
A priori, sintéresser aux goûts des individus en matière de cinéma ou de musique semble un peu farfelu pour qui veut étudier la hiérarchie sociale et la domination. Et pourtant
Bourdieu sattaque dans La Distinction non seulement aux logiques de différenciation sociale dans les pratiques culturelles, aux mécanismes sociaux de construction du jugement, mais aussi à lusage social de ce jugement.
Fonction sociale de la culture légitime dominante dans une société hiérarchisée. Les dominants ne peuvent se maintenir par la force dans une société démocratique, ils doivent légitimer leur position, en obtenant lacceptation par les dominés de la hiérarchie sociale telle quelle est. Les systèmes de goût et les pratiques culturelles participent fondamentalement à la reproduction des rapports de domination
Document 2 p. 188 Bordas
1. Laxe vertical, ensemble des ressources des agents, va du plus au moins ; sous ce rapport, les catégories sociales sont classées selon une échelle décroissante du volume de ces ressources. Lespace social mis en évidence ici est donc une représentation de la hiérarchie sociale. Les groupes qui se situent en haut du graphique occupent les positions dominantes. Les distances spatiales sur le papier sont aussi des distances sociales !
Remarque : La vision qua Bourdieu des classes sociales est plutôt nominaliste. Les membres de profession proches dans lespace social ont des choses en commun, ce qui lamène à distinguer trois classes : la classe dominante, les classes moyennes, les classes populaires. Mais cest le chercheur qui a construit ces trois catégories, elles nexistent pas nécessairement dans la réalité comme acteur collectif ayant une conscience de classe. Leurs membres ont des intérêts communs, mais pour que ces classes existent réellement, il faut les construire politiquement.
2.
Il existe une corrélation entre la place occupée dans la hiérarchie sociale et le style de vie. Les goûts et les attitudes sont caractéristiques dune position sociale.
Le capital global (axe vertical) permet dobserver des pratiques différentes mais, à capital économique identique, on constate aussi des différences en fonction du capital culturel.
Laxe horizontal représente la structure des ressources (poids relatif du capital économique et du capital culturel) ; il met en évidence des différences de composition des ressources ; dans ce cas, excluant le classement croissant ou décroissant selon une échelle. Donc différenciation interne au sein des classes sociales.
Deux principes de différenciation à luvre : capital économique et capital culturel : les agents ont dautant plus en commun quils sont proches dans ces deux dimensions et dautant moins quils sont plus éloignés. Deux groupes éloignés sur le papier ont peu de choses en commun.
Il y a de plus daprès Bourdieu une cohérence dans les pratiques culturelles des individus dans les différents domaines (musique, cinéma, lecture, visite ou pas de musées, intérêt ou pas pour les spectacles sportifs, programmes télévisuels choisis
).
Tel individu aimera la chanteuse Jennifer, les films avec Christian Clavier, lit peu et surtout des romans policiers
Apparemment ces différentes pratiques nont pas de lien. Mais le sociologue met en évidence le lien qui unit ces pratiques et ce lien cest lhabitus qui résulte de lhistoire sociale de lindividu et de sa position dans lespace social. A chaque situation (choisir un artiste, un film, lire ou pas
), lhabitus va produire des réponses et ces réponses auront une cohérence.
Tel autre individu aimera lui le jazz, les films de Woody Allen, lira beaucoup et surtout des ouvrages de sociologie.
Lhabitus permet dexpliquer le lien entre position dans lespace social et pratiques culturelles.
La sociologie de Pierre Bourdieu sest bâtie contre lidéologie du don de nature ou du goût naturel. Face à ceux qui pensaient (et pensent parfois encore) que la sensibilité culturelle ou esthétique est une chose innée ou en tout cas inéducable, la théorie de la légitimité culturelle sest attachée à montrer quil existe une correspondance statistique entre la hiérarchie des arts (ou des genres) et la hiérarchie sociale/scolaire des consommateurs ou des publics.
Bourdieu sattaque aux idées communes : « les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas ! » ou « tous les goûts sont dans la nature » ; et bien si cela se discute ! et non ils ne sont pas du tout dans la nature !
Il sintéresse aux mécanismes sociaux de construction du jugement.
Habitus : ensemble des dispositions, des schèmes de perception et daction incorporés au cours de la socialisation primaire et qui reflètent les caractéristiques sociales de son environnement dorigine
Voilà ce quen disait Bourdieu dans un entretien : « Les jugements de goût sont à la fois quelque chose de très superficiel et de très profond à travers lesquels les gens révèlent ce que jappelle un habitus. Cest un grand mot pour dire quelque chose que je crois très complexe, cest-à-dire une espèce de petite machine génératrice qui engendre des foules de réponses à des foules de situations des réponses qui apparemment nont aucun lien entre elles et qui, du point de vue du sociologue, en ont un, parce que le sociologue reconstruit cette petite machine à partir de laquelle les gens se prononcent. Ce qui fait que la sociologie enseigne que, dans ces jugements naïfs, imprudents, ils livrent beaucoup deux-mêmes. »
Lidentité sociale du sujet de goût tient au moins autant à ladhésion positive aux préférences de son milieu, pour laquelle il est en quelque sorte programmé par ses dispositions, quau dégoût exprimé pour les préférences attribuées aux autres groupes sociaux.
A travers nos goûts, nos attitudes et nos pratiques culturelles (ces décisions qui paraissent anodines), cest toute notre histoire sociale et notre place dans la structure sociale qui sexprime.
Lhabitus offre plutôt des tendances, un espace de réponses possibles à une situation, au regard de notre position dans lespace social.
Lhabitus offre une certaine marge de liberté mais dans un espace borné, un individu ouvrier issu dun milieu ouvrier qui a fait des études courtes et vit en couple avec une ouvrière pourra aimer au cinéma aller voir des films comiques, dactions, des films dhorreur
(il a donc une marge importante de liberté)
Par contre, il a très peu de chances daller voir un film dauteur asiatique.
Habitus de classe.
Il existe autant dhabitus individuels que dindividus car il est exclu que tous les membres de la même classe (ou même deux dentre eux) aient fait les mêmes expériences et dans le même ordre. Donc habitus individuels. Mais des individus proches dans lespace social auront de fortes chances davoir un habitus proche. Ainsi Pierre Bourdieu affirme que lon peut repérer des classes dhabitus individuels (des habitus individuels très proches les uns des autres) à tel point que lon peut parler dhabitus de classe.
Habitus de la classe dominante : aisance face à la culture dominante et volonté de distinction par adoption des pratiques les plus légitimes. Les pratiques culturelles des classes à fort capital culturel saffirment comme indépendantes de toute fonction. Il ne sagit plus de se divertir ou de se reposer mais de se cultiver : acquérir des connaissances pour le seul plaisir de les acquérir.
Habitus des classes moyennes : bonne volonté culturelle (cherchent à adopter les pratiques dominantes mais ne disposent pas des codes culturels pour y parvenir avec autant daisance que les dominants).
Habitus de classe des classes populaires : goût du nécessaire. Les pratiques culturelles dans les classes les plus démunies de capital scolaire se définissent donc essentiellement par leur fonction de divertissement et de repos par rapport à la contrainte du travail. On observe aussi une prééminence de la fonction sur la forme. Un meuble sera préféré à un autre pour sa robustesse, un appartement pour son côté pratique, de même quun vêtement. Ce qui est transmis par la famille représente plus que des connaissances : des dispositions envers la connaissance. Dans les classes populaires, ces dispositions envers la connaissance révèlent un sentiment dindignité (ce nest pas pour nous, ce nest pas accessible), doù une auto-exclusion des pratiques les plus légitimes.
3. Idée de violence symbolique (qui conduit à légitimer la domination), de domination. Certaines pratiques sont plus légitimes que dautres car associées aux catégories sociales qui ont le plus de prestige. De plus, violence symbolique liée au niveau de diplôme.
Entre ces classes le conflit nest pas une nécessité mais il existe bien des rapports de domination et des luttes, notamment pour le contrôle du capital culturel, enjeu majeur selon Bourdieu. Les classes dominantes cherchent ainsi à imposer leur modèle culturel et leur vision du monde aux autres classes par le biais de pratiques de distinction, pour cela elles doivent contrôler les institutions productrices de légitimité comme lécole ou lÉtat. Il y a donc chez elles une stratégie consciente de reproduction. Bourdieu tente de dépasser lopposition entre classes réelles et constructions du sociologue, qui distingue le réalisme marxien du nominalisme wébérien, en proposant la notion de « classes virtuelles ».
Celles-ci, construites par le sociologue peuvent néanmoins prendre corps à travers un processus de mobilisation et de représentation, ce qui semble être observable pour la classe dominante. En ce sens, la définition des classes elle-même est perçue comme un enjeu dans la lutte que se livrent les classes.
Ladoption de certaines pratiques par les membres des classes dominantes apparaît innée, naturelle, presque génétique ! En effet, les individus nont pas conscience du fait que leurs pratiques sont le produit de leur habitus lui-même structuré par leur histoire sociale et leur place dans lespace social.
Voir aussi partie 1 sur les inégalités culturelles.
2. La dynamique des classes sociales dans la société française
2.1. La nomenclature des PCS : un outil pour analyser la stratification sociale
Voir power point sur les PCS
Exercice polycopié n°1 saider du document 2 p.194
Quelles sont les P.C.S. en essor/déclin ?Déclin : 1, 2 et 6Essor : 3, 4 et 5
Quel est le groupe socioprofessionnel dactifs le plus important aujourdhui, depuis quand ?P.C.S. : 5
30% Depuis : 1990Quelle est la part de la P.C.S. « Ouvriers » dans la population active occupée aujourdhui, à quelle date a-t-elle commencé à décroitre ?P.C.S. « Ouvriers » en 2011 :
22%Date décrue :1970Dans quelles P.C.S. les femmes sont-elles le plus/le moins présentes aujourdhui ?
Le plus : 5Le moins : 6Dans quelles P.C.S. ya-t-il le plus/le moins détrangers ? (données 2010)
Le plus : 6Le moins : 4 et 3Quels sont les groupes réunissant des indépendants (entièrement ou qquns) ?
Entièrement : 1 et 2 Qquns : 3 et 4Répartition salariés / indépendants aujourdhuiSalariés : ( 90%Indépendants : ( 10%Dans quelle(s) PCS sont rangés les chômeurs ? Les chômeurs nayant jamais travaillé?
Chômeurs : PCS de leur dernier emploiChômeurs nayant jamais travaillé :
Avec les inactifsSelon vous, quelle est la P.C.S. la plus homogène/hétérogène socialement (en termes de revenus et en termes de mode de vie) ? Justifiez à loral.
Homogène revenus
6Hétérogène revenus
2 et 3Homogène mode de vie
6Hétérogène mode de vie
5Dans quelles P.C.S. trouve-t-on les plus / les moins diplômés ?
Les + diplômés : 3Les diplômés : 6Dans quelles P.C.S. trouve-t-on les plus grosses / faibles rémunérations ?
Grosses rémunérations : 2 et 3Faibles rémunérations : 5 et 6Dans quelles P.C.S. trouve-t-on les « patrons » ?
2Dans quelles P.C.S. trouve-t-on les chefs / subalternes ?
Chefs : 2 et 3Subalternes : 5 et 6Comparez les P.C.S. 5 et 6
Point communs : peu qualifiés, exécutionDifférences : type de tâches effectuéTrouvez un exemple de métier de la P.C.S. « Employés » qui pourrait appartenir à la P.C.S. « Ouvriers » et inversement. Employé chez MacdonaldOuvrier qualifié surveillance de machinesDonnez un exemple de profession « Employés » ou « Ouvriers » appartenant aux classes moyennes, aux classes populaires.Classe moyenne :
Employé : Employé de bureau
Ouvrier : Ouvriers qualifiés dans un secteur de pointeClasse populaire :
Employé : caissière, vigile
Ouvrier : ouvriers non qualifiés
Document 2 p.193 Bordas Les limites actuelles de la nomenclature des PCS
Elaborée au tournant des années 1980 1990, la nomenclature PCS est-elle ore pertinente ? Certains en doutent, vu de l'ampleur des évolutions qu'a connues la société française depuis vingt ans. De fait, la structure des emplois s'est modifiée, de nouveaux métiers, de nouveaux champs professionnels sont apparus (cf l'informatique, la communication), certaines professions ont été reclassées (instituteurs). L'explosion des emplois dans les services fragilise la nomenclature du groupe «employés» (discordances grandissantes entre emplois « qualifiés » «non qualifiés », alors que la nomenclature est muette sur ce point). [...] La différenciation des statuts par rapport à l'emploi, l'accroissement des populations [pensées] sous le terme d'exclusion, la montée des registres identitaires (identités ethniques, de sexe, d'âge) déconnectés des appartenances de classe contribuent à brouiller les clivages sociaux classiques. [...]
Des économistes ont émis le même type de critiques. Jean-Paul Fitoussi et Pierre Rosanvallon écrivaient notamment : «Les statistiques traditionnelles s'avèrent inaptes à décrire ce nouvel univers social, plus atomisé et plus individualiste, aux contours plus fluctuants et plus instables.»
Luc ALBARELLO, Stratifier le social, ire édition, De Boeck Supérieur, 2007
1. Quelles sont les critiques formulées envers les PCS ?
Les PCS sont considérées comme un outil qui « date » et ne correspond plus à lévolution actuelle des qualifications ; elles ne prennent pas en compte les nouvelles catégories sociales, lémergence de nouvelles formes didentités sociales, les transformations du marché du travail.
2. Montrez comment les transformations actuelles de la société remettent en cause la pertinence de la notion de PCS.
Le dualisme du marché du travail remet en cause lhomogénéité sociale à lintérieur dune même PCS. Ce changement génère des clivages entre dune part les titulaires demplois plus ou moins stables et dautre part les « vulnérables » (chômeurs à répétition, actifs aux emplois précaires) et les «marginalisés » (chômeurs longue durée, individus découragés, etc.). Et ces clivages traversent plusieurs groupes socioprofessionnels. La nomenclature ne parvient donc pas à en rendre compte.
Par exemple, le statut de cadre cache des diversités importantes en termes de rémunération, prestige, stabilité de lemploi
Même chose pour les employés et les ouvriers : oppositions qualifiés/non qualifiés, stables/précaires, risque de chômage
Le manque dhomogénéité de certaines CSP. Cest une critique souvent entendue à propos du groupe employés, notamment écart important entre employés qualifiés (plus proche des classes moyennes) et employés non qualifiés (vigiles, caissiers, agents de nettoyage
) plus proches des ouvriers.
MAIS Il est difficile de soutenir que la fracture stables/vulnérables prend le dessus sur les différences entre CSP. La précarisation touche certes nombre de professions intermédiaires et de cadres, mais reste concentrée sur les catégories subalternes (employés et ouvriers).
Nomenclature des PCS encore utile notamment parce que cette nomenclature permet une « vision des divisions » pour reprendre lexpression de Pierre Bourdieu.
Il ne sagit pas de vous amener à penser que la nomenclature est totalement dépassée et doit être rangée au placard. Il sagit de comprendre, quen sciences sociales, tout outil de classification ou de mesure doit être questionnée, on doit analyser ses principes de construction et avoir conscience de ses limites pour lutiliser de manière pertinente.
Autre critique : Dautres éléments de la différenciation sociale que la seule appartenance socioprofessionnelle étudiée par la nomenclature :
Place des immigrés dorigine maghrébine par exemple (discriminations, habitats en HLM, chômage, racisme, pratiques religieuses).
Lâge : la jeunesse est aujourdhui dans une situation difficile sur le marché de lemploi, dans laccès au logement, pas de RMI avant 25 ans.
2.2. Le discrédit de lanalyse en termes de classes sociales
2.2.1. Une tendance à la moyennisation durant les Trente glorieuses
Document 2 p. 194 Bordas
1. La PCS n° 6 nest plus la première PCS en France, on constate une montée des catégories les plus qualifiées et du secteur des services.
Le groupe ouvrier a ainsi perdu les figures de proue qui le structuraient socialement et symboliquement : les mineurs ont disparu depuis longtemps, plus récemment les sidérurgistes, les métallurgistes, les travailleurs de lautomobile aux effectifs fortement réduits, nont plus la place centrale quils occupaient dans les années 1960. Même les catégories ouvrières de certains grands services (les cheminots) néchappent pas au rétrécissement de leurs rangs.
2. La tertiarisation de léconomie et la montée de la qualification expliquent ces évolutions.
3. Ces évolutions entraînent une moindre visibilité de la classe ouvrière en France, une importance numérique plus forte de catégories sociales à lidentité moins forte. Ces transformations ont conduit une partie des sociologues à en conclure que lanalyse en termes de classes sociales nétait plus pertinente pour comprendre notre société.
Lidée est que si la classe moyenne regroupe une majorité de la population, lanalyse en termes de classes sociales en lutte (perspective marxiste) perd de sa pertinence.
Mais dautres sociologues soulignent que les classes populaires (ouvriers + employés) regroupent encore près de 50% de la population active et que leur situation dans lunivers professionnel demeure dominée.
Document polycopié n°3 Vers une grande classe moyenne
Plusieurs arguments tentent de valider cette hypothèse de la moyennisation. En termes de modes de vie : la réduction de l'éventail des revenus, le rapprochement des structures de consommation des ménages, la diffusion rapide des nouveaux biens et services dans la population. En termes d'attitudes : la similitude de l'évolution des comportements en matière de conjugalité, de modèles familiaux ; la « privatisation » du mode de vie des classes populaires et inversement, la moindre prégnance des rituels bourgeois dans les classes moyennes ; la scolarisation de masse et ses effets (hausse du niveau d'instruction, condition juvénile, flux de mobilité). (
) Ce phénomène de long terme aurait une double incidence : un glissement vers le haut (« up-grading » dans la terminologie des sociologues anglo-saxons) ou encore une amélioration du « statut social moyen » (O. Galland et Y. Lemel, La nouvelle société française, 1998) ; une segmentation plus fine et plus complexe du corps social autorisant davantage de fluidité et de circulation (rôle d'interface des professions intermédiaires).
Serge Bosc, Stratification et classes sociales, © Armand Colin, 2004.
Document polycopié n°4
Les dynamiques sociales des « trente glorieuses » sont marquées dabord par les consolidations statutaires du salariat. La généralisation de la Sécurité sociale (1945), la mise en places dinstances de représentation (comités dentreprise, délégués du personnel), [
] la stabilisation des statuts facilitée par le plein-emploi, concourent à rendre moins précaire la condition salariale. La généralisation de la mensualisation des salaires ouvriers, dans les années 1960 met fin à un clivage symbolique entre les cols bleus et les cols blancs (les premiers étant traditionnellement payés à la semaine). Surtout, le pouvoir dachat enregistre une évolution sans commune mesure avec les périodes précédentes. Toutes les catégories salariales bénéficient de fortes hausses salariales (en termes réels) permises par les gains importants de productivité et un partage du surplus plus favorable aux salariés. Loin de se réaliser dans la concorde (les conflits sur les salaires restent importants), cette logique fordiste simpose malgré tout progressivement. Avec la socialisation des risques, elle permet aux classes laborieuses déchapper à la précarité générale et de participer, à partir des années 1960, à la consommation dite de masse : desserrement des contraintes, accès aux normes standards du logement (les HLM représentent à lépoque un progrès matériel par rapport aux classiques habitations populaires). Parallèlement, dautres évolutions importantes sont à noter : la hausse des départ en vacances dété, une première poussée des études secondaires parmi les enfants des classes populaires (scolarité obligatoire portée de 14 à 16 ans en 1959, développement des CEG puis des CES).
Incontestablement on peut déceler des tendances à la « déprolétarisation » dune partie notable du monde ouvrier et des catégories proches : la pauvreté recule, la condition ouvrière nest plus synonyme de précarité générale de nombreux ménages ouvriers accèdent à un standing matériel proche de celui des employés et des salariés « moyens ». Ces évolutions autorisent certains observateurs à parler, dès les années 1960 dintégration aux classes moyennes voire dembourgeoisement* de la classe ouvrière.
Serge Bosc, « Stratification et classes sociales » Cursus, Armand Colin, 7ème édition, 2011, p. 155-156.
1) Recensez les facteurs économiques, mais aussi sociaux, qui conduisent à un effacement des frontières entre classes sociales.
Tendance séculaire à la réduction des inégalités, notamment durant la deuxième moitié des Trente glorieuses. Développement dune consommation de masse et de la protection sociale. Accès aux standards de confort du logement. Plein-emploi. Rapprochement entre groupes sociaux au niveau économique (embourgeoisement des ouvriers). La moyennisation signifie ici que la classe moyenne deviendrait le groupe majoritaire dans la société par réduction des inégalités économiques entre les groupes extrêmes. Voir aussi partie 1.
Moyennisation culturelle : rapprochement des modèles familiaux, repli sur la sphère privée. Affaiblissement des rituels bourgeois dans les classes moyennes. Développement du libéralisme culturel porté par mai 68 et les années 70. Diffusion des modèles culturels forgés dans les couches moyennes. Homogénéisation progressive des comportements, des pratiques et des styles de vie (il y aurait, avec la montée de l'individualisme, un desserrement des liens entre les conduites et les appartenances sociales).
Démocratisation quantitative et scolarisation de masse. En 1975, parmi les personnes sorties de lécole depuis moins de 5 ans, il y avait 4 fois plus de non diplômés que de diplômés du supérieur. En 2008, il y a trois fois plus de diplômés du supérieur que de non diplômés. La croyance en lécole se généralise dans toutes les catégories sociales.
( Les frontières entre déventuelles classes sociales seraient donc beaucoup moins marquées à tel point que certains parlent de fin des classes sociales.
Document 2 p. 190 Bordas Les approches « stratificationnistes »
Ce type de représentation va être largement développé aux États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale vont être mises au point des échelles hiérarchiques soit en termes de prestige, soit, le plus souvent, en termes de statut socio-économique.
Bien que variées, ces classifications ont en commun un certain nombre de postulats explicites ou implicites : une représentation de la société comme une «gradation régulière de la base au sommet» (R. Aron), la continuité du tissu social excluant l'idée d'oppositions tranchées entre groupes sociaux et favorisant la fluidité : si «la structure sociale est faite pour être reproduite », «l'échelle hiérarchique est faite pour être grimpée1»; une concordance entre la position professionnelle et les autres attributs statutaires (revenu, instruction, standing, prestige), autrement dit une «congruence de statut», la référence des agents aux mêmes aspirations et aux mêmes valeurs; l'évacuation des notions d'exploitation et de domination, la prédominance de la compétition individuelle sur les oppositions collectives et les conflits sociaux.
Serge BOSC, Stratification et classes sociales, Armand Colin, coll. Cursus, 7e édition, 2011.
1. Bruno DURIEZ, «Institutions statistiques et nomenclatures socioprofessionnelles », RFS, 1991
1. Les approches « stratificationnistes » sont « nominalistes » : les sociologues ou les statisticiens distinguent plus ou moins arbitrairement des couches (strates) dans une échelle continue de positions.
Plutôt inspirées par lanalyse de Weber.
2. Ces approches sous-entendent une conception de la société sans lutte des classes, où les différences entre strates sociales sont quantitatives mais non qualitatives. Les strates sempilent (allant des groupes dindividus ayant les situations les plus enviables en termes de revenus ou de prestige vers les moins enviables, mais on peut facilement passer dune strate à une autre. Entre ces couches ou strates, il y a de simples différences de degré (du plus au moins), mais aucune différence de nature, de simples différences quantitatives, mais non qualitatives. Dans cette perspective, on se trouve davantage devant des luttes de places que des luttes de classes.
2.2.2. Un affaiblissement de la conscience de classe dans les catégories populaires
Document polycopié n°5 Léclatement de la classe ouvrière
S'il y a eu longtemps en France une « classe ouvrière », c'est parce qu'elle était portée et représentée par des militants, des délégués et des élus. Cette « classe mobilisée », comme dit Bourdieu, faisait exister collectivement un groupe par ailleurs traversé par une série d'oppositions (qualifiés/non qualifiés, Français/immigrés, hommes/femmes, etc.) avec l'appui des fractions progressistes d'autres groupes sociaux, notamment les enseignants et les « intellectuels », alliance propre à la France (depuis Jaurès) [...]. Ceux qui choisissaient le « bleu », c'est-à-dire de rester fidèles à leur origine ouvrière et aux valeurs de solidarité de ce monde, le faisaient aussi pour continuer à « militer », à « aider les copains », à résister et aussi à espérer un autre avenir. [...] Ils avaient une ouverture d'esprit qui renforçait leur combat militant. Avec la progressive disparition des ouvriers professionnels et l'éloignement des intellectuels, le milieu ouvrier a eu aussi tendance à se fermer sur lui-même.
Les « dominés » sont [aujourd'hui] savamment divisés entre eux au travail et ségrégués dans l'espace géographique, les moins dominés cherchant à échapper au pire en se réfugiant dans les lotissements et à l'écart des cités. [...] Une honte a progressivement envahi les milieux populaires au fur et mesure que le PCF cessait de pouvoir les représenter, dont la honte de s'en prendre à plus faible que soi (les immigrés, les « kassosses » [cas sociaux], les érémistes, etc.). Le tableau social a bien changé depuis la fin des années 1960, avec la défaite ouvrière, la fragmentation des classes populaires, l'enrichissement d'une classe dirigeante de plus en plus sûre delle-même.
Daprès S. Beaud, M. Pialoux, « De la fierté à la rage », Lhumanité, 20 juin 2002.
1) Expliquez pourquoi les ouvriers et leurs militants étaient plus puissants de 1936 aux années 1970.
Certaines organisations représentaient les ouvriers dans la sphère politique : on peut penser au PCF et à la CGT (le PCF était le premier parti de France à certaines élections et il sexprimait au nom de la classe ouvrière). Ce parti à tort ou à raison cristallisait lespoir des ouvriers de prendre le pouvoir et de transformer la société. Donc déclin des partis politiques et des syndicats censés représenter et défendre la classe ouvrière.
Soutien dautres groupes, notamment des intellectuels.
La classe ouvrière a éclaté sous l'effet :
de la désindustrialisation (qui conduit à la diminution des effectifs et des pourcentages d'ouvriers, en particulier des non-qualifiés). Diminution de la place des ouvriers dans les catégories de lInsee.
Le chômage fait basculer le rapport de force en défaveur des ouvriers.
des modifications des technologies qui changent le contenu du travail ouvrier. Transformation de la nature du travail des ouvriers. Ils travaillent de plus en plus dans les services. Il y a aujourdhui plus douvriers travaillant dans le tertiaire que dans le secondaire. Ouvriers dentretien et de maintenance notamment. Même dans le secteur secondaire, ils effectuent moins souvent des tâches de production au sens strict car celles-ci sont de plus en plus automatisées. Développement des tâches de tri, demballage et de manutention, de surveillance, de contrôle, de réglage des machines. Donc finalement, limage de louvrier travaillant la matière, ce qui le distinguait nettement des employés par exemple est quelque peu remis en cause.
de la fragmentation des espaces de production (petites entreprises sous-traitantes au lieu de grand bastion ouvrier). Les grands rassemblements ouvriers à louverture des grilles de lusine ne font bien souvent plus partie de lexpérience vécue des ouvriers.
Opposition stables/précaires qui rend plus compliqué la possibilité déprouver un sentiment dappartenance commune.
Les ouvriers ont pour une bonne part perdu cet espoir de faire évoluer leur situation collectivement. Comme faire évoluer leur situation individuellement est peu probable et quelle a plutôt tendance à se dégrader, tendance à sen prendre aux fractions les plus précarisées et en difficulté : les immigrés, les chômeurs de longue durée (qualifiés d « assistés »).
2) Pourquoi les auteurs parlent-ils dune « honte » qui se serait emparée des milieux populaires ?
Les ouvriers aspirent aux mêmes modes de vie que les classes moyennes. Sur le plan scolaire, il y a une aspiration à la réussite et beaucoup moins de comportements d'auto-exclusion. Uniformisation de la consommation, moyennisation, embourgeoisement des ouvriers.
Elévation de la qualification personnelle des ouvriers, ils exercent souvent un emploi dont la qualification est inférieure à celle quils possèdent. Ce niveau de diplôme plus élevé les rapprocherait des membres des autres groupes.
Sur de nombreux plans, les jeunes issus de parents ouvriers ne reproduiront plus la culture de leurs parents, la culture ouvrière. Dévalorisation de la condition ouvrière, les jeunes ne sidentifient plus aux modèles de leurs parents.
Dans ces conditions il est difficile de parler encore de classe ouvrière. Stéphane Beaud et Michel Pialoux préfèrent parler de condition ouvrière pour montrer qu'il reste des situations spécifiques, une « classe sur le papier », mais la diminution de la conscience de classe ne permet plus de véritablement parler de « classe mobilisée ».
Une certaine baisse de la syndicalisation et de la conflictualité (en tout cas sous ses formes traditionnelles) dans les entreprises.
La fierté d'être ouvrier a disparu, tout ce qui fait ouvrier, que ce soit dans les modes de vie ou dans les manières d'être, dans les représentations politiques est déprécié.
Document polycopié n°6
Avez-vous le sentiment dappartenir à une classe sociale ?
Sondage Ifop pour lhumanité.
1) Comment évolue le sentiment dappartenance à une classe sociale ?
Affaiblissement du sentiment dappartenance à une classe sociale.
Document 3 p.199 Bordas
1. En France, sur 100 membres de la catégorie « cadres et professions intellectuelles supérieures », 80 déclarent appartenir aux classes moyennes, selon un sondage CSA réalisé en avril 2009. Sur 100 Français, il y en a 63 à se classer parmi les classes moyennes.
2. Un ouvrier sur deux se reconnaît dans les catégories populaires. Autant dans les classes moyennes.
Lidentification à la classe sociale ouvrière nest donc pas évidente ; il est intéressant de rappeler le témoignage de Cédric et Alexandre qui refusent de se définir comme ouvriers.
3. Le sentiment dappartenance à une classe sociale est donc faible, lassimilation aux classes moyennes est générale pour toutes les PCS.
Cependant, des individus avec des niveaux de revenu très différents se définissent comme membre des classes moyennes, ce qui laisse penser à un affaiblissement des frontières de classe. Les classes moyennes nexistent pas réellement, nous pouvons donc parler de brouillage de classes dans la mesure où les classes moyennes sont multiples et peu identifiables.
4. On peut se demander comment un individu décide de son appartenance à telle ou telle classe. Le débat peut avoir lieu avec les élèves de la classe, en faisant remarquer que leurs connaissances en matières de stratification sociales sont sans doute supérieures à la moyenne grâce aux cours de SES
Donc idée que la conscience dappartenir à la classe ouvrière tend à diminuer. Critère subjectif permettant de définir une classe sociale dans une perspective marxiste semble saffaiblir.
Document polycopié n°7 La fin du vote de classe ?
1) Présentez lévolution du vote à gauche des ouvriers et des employés depuis 1988.
Régression du vote à gauche chez les ouvriers et employés, malgré une légère hausse en 2007.
2) Sur quoi semble sêtre reporté le vote ouvrier ? Existe-t-il toujours une spécificité du vote ouvrier ?
En 1995 sur la droite et en 2002 sur lextrême droite. Le vote ouvrier semble donc perdre de sa spécificité.
3) Pourquoi la somme des votes ouvriers à gauche, droite et extrême droite ne vaut-elle pas 100 ?
Parce que le % est calculé sur les inscrits, donc il faut y ajouter labstention qui a augmenté notamment en 2002.
Voir le livre de Braconnier « La démocratie de labstention ».
La mal-inscription sur les listes électorales est la première cause de labstention dans les quartiers populaires. Lenquête indique que la majeure partie des abstentionnistes réguliers dans la cité est composée dindividus non ou mal inscrits.
Les individus mal inscrits ne font pas leffort daller voter dans leur ancien bureau de vote.
A chaque élection, environ 60% des électeurs potentiels ne vont pas voter soit parce quils ne sont pas inscrits, soit parce quils sabstiennent. Topo sur les chiffres de labstention donnés dans les soirées électorales : ne tiennent pas compte de la non inscription sur les listes électorales.
Destructuration des milieux populaires :
Monde du travail : précarisation, chômage, éclatement des collectifs de travail. Le travail était traditionnellement un lieu important de politisation des individus.
Fragilisation des couples. Les individus en couples votent davantage : influence du conjoint.
Déstructurations des relations de voisinage, amicales, etc.
On peut ajouter plus globalement le rapprochement de loffre électorale de la gauche et de la droite, le désenchantement après 25 ans dalternance, celle-ci nayant à aucun moment permis daméliorer sensiblement la situation dans les quartiers populaires.
Lanalyse du vote des classes populaires tendrait à penser que la conscience de classe et la mobilisation sest réduite au cours du temps. Les ouvriers formeraient donc moins une classe pour soi.
2.2.3. Une multiplication des critères de différenciation qui brouillerait les frontières de classe
Reprendre partie 1
De nouvelles fractures se dessineraient à travers les questions de genre, de génération, dâge, ou dorigine géographique par exemple ; elles seraient plus opératoires, tant pour les individus eux-mêmes que pour expliquer et observer lhomogénéité des comportements.
Ces critiques sincarnent notamment dans le glissement sémantique entre « classe ouvrière » et « classes populaires », qui traduit la difficulté de nommer un ensemble plus flou, dont lidentité ne peut plus se résumer à celle des ouvriers et dont lhomogénéité est bousculée par les transformations économiques et sociales. Ainsi, les classes populaires sont traversées par les clivages de genre car elles sont constituées essentiellement autour de la catégorie des ouvriers, très masculine et de celle des employées, très largement féminine.
2.3. Une analyse en termes de classes sociales qui demeure pertinente
2.3.1. Les groupes sociaux demeurent hiérarchisés
Voir partie 1
La société française demeure fragmentée : inégalités économiques, mais aussi de logement, de santé, de conditions de travail et demploi, daccès aux vacances, inégalités culturelles, etc. On nassiste donc pas vraiment à une uniformisation des modes de vie comme le prétendent les partisans de la thèse de la moyennisation.
De plus les inégalités formes systèmes et sont cumulatives : cumul davantages pour certains groupes et de désavantages pour dautres.
Inégalité des chances.
La société française demeure hiérarchisée en groupes relativement cloisonnés.
Lapprofondissement des inégalités dans la période récente résulte de la moindre capacité des dominés à mener des luttes pour améliorer leur sort. La montée du chômage, la précarisation, le capitalisme financiarisé, la mondialisation, lavènement du néolibéralisme, autant de phénomènes qui rendent la mobilisation plus compliquée quauparavant et qui expliquent que la situation des dominés se soit dégradée ces trente dernières années. Par ailleurs, ces phénomènes (baisse dimpôts, financiarisation de léconomie, mondialisation) relèvent de décisions politiques sur la base de rapports de force entre groupe sociaux. Warren Buffet : « La lutte des classes existe et nous sommes en train de la remporter ! »
Au contraire, durant les Trente glorieuses, le rapport de force était beaucoup plus favorable aux ouvriers qui y ont su par leurs luttes obtenir certains compromis qui ont amélioré leurs conditions dexistence.
Document polycopié n°8 La composition sociale de lAssemblée nationale
1) Quelle est la composition sociale de lAssemblée nationale ?
Surreprésentation des classes dominantes et sous-représentation des catégories populaires.
2) Quelles peuvent être les conséquences dune telle composition sur les politiques menées?
Dans une perspective bourdieusienne, on peut argumenter que notre vision du monde, nos opinions politiques, notre conception de lintérêt général, sont très dépendantes de la place que lon occupe dans lespace social.
On peut donc penser que même lorsquils agissent sincèrement selon leurs convictions et le souci de lintérêt général, les dirigeants politiques prendront des décisions conformes aux intérêts de leur classe sociale.
2.3.2. La bourgeoisie : une classe mobilisée
Séparez votre feuille en deux colonnes dans lesquelles vous noterez dun côté tous les éléments permettant de penser que les critères objectifs sont réunis pour parler de classe sociale en soi et de lautre tous les éléments subjectifs qui permettront de parler de classe pour soi. Vous puiserez des arguments dans les extraits vidéo et dans les documents polycopiés n°9 et 10
Documentaire Baisemains et mocassins, dAntoine Gallien, Arte France.
Documentaire sur la haute bourgeoisie qui sintéresse notamment aux rallyes.
Les rallyes sont des réunions dont les participants principalement issus de familles de la haute bourgeoisie sont sélectionnés par les familles qui les organisent. Ils commencent dès 8 ans avec des sorties culturelles, puis vers 12-13 ans on y apprend à danser ou à jouer au bridge, enfin pour les adolescents sont organisées des soirées dansantes.
Extrait 1 : de 515 à 8 : jeune garçon qui évoque les rallyes
Extrait 2 : de 9 jusquà 11 : fonctions sociales des rallyes
Extrait 3 : de 13 à 1420 : jeune fille qui veut faire HEC et rencontrer son conjoint dans cette école.
Présentation du document polycopié n°9
Sociologues qui travaillent depuis près de 20 ans sur le sujet de la grande bourgeoisie. Un livre au CDI qui est assez facile à lire « Sociologie de la bourgeoisie ».
Savez-vous ce quest un portefeuille de valeurs mobilières ? Des actions de différentes entreprises.
Le bottin mondain ? Cest un bottin, mais dun genre particulier puisque vous pouvez y être inscrits à condition de vous faire parrainés par deux membres déjà inscrits et dune acceptation de votre dossier. Les familles nobles représentent 40% des inscrits. Et 60% des inscrits sont des décideurs.
Les maisons de maitre sont des demeures dexception par leur architecture ou par leur rareté.
Cercle : sy retrouvent des hommes et des femmes qui occupent des positions dominantes dans les différents univers de lactivité sociale (univers économique et politique notamment). Le Jockey Club, le Cercle de lUnion Interalliée ou lAutomobile-Club de France.
Document polycopié n°9
Questionnaire en forme de test, diffusé à loccasion dune soirée thématique de la chaîne Arte, consacrée à la bourgeoisie
Capital économique
Possédez-vous un portefeuille de valeurs mobilières ?
Disposez-vous dau moins une personne à temps plein pour vos besoins domestiques ?
En plus de votre résidence principale, disposez-vous dau moins deux autres résidences ?
Etes-vous assujetti à limpôt de solidarité sur la fortune (ISF) ?
Possédez-vous des biens mobiliers ou immobiliers à létranger ?
Capital culturel
Etes-vous élève ou ancien élève dune grande école ?
Enfant, vos parents vous emmenaient-ils dans les musées de façon régulière ?
Allez-vous au théâtre, au concert ou à lOpéra au moins une fois par mois en moyenne ?
Achetez-vous des uvres dart ou des antiquités ?
Parlez-vous au moins deux langues étrangères ?
3. Capital familial et social
Connaissez-vous les prénoms de vos arrière-grands-parents ?
Pendant lenfance, avez-vous passé des vacances en compagnie de cousins et cousines, dans des maisons de famille ?
Participez-vous à des dîners au moins deux fois par semaine ?
Etes-vous membre dun cercle auquel vous auriez été présenté par des parrains ?
Capital symbolique
Etes-vous dans le Bottin mondain ?
Des rues portent-elles le nom de membres de votre famille ?
Votre famille dispose-t-elle dune maison de maître ?
Etes-vous membre actif dune société caritative ?
Etes-vous membre de la Légion dhonneur ?
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Sociologie de la bourgeoisie, La Découverte, Paris, 2000.
Document polycopié n°10 Paris : HLM en friche dans le ghetto des riches
Une grande menace pèse sur le XVIe arrondissement de Paris, où 20% des contribuables payent lISF et possèdent un patrimoine moyen de 2,95 millions deuros. La municipalité veut y construire des HLM. Aussi est-ce la révolte dans ce quartier où le nombre de foyers riches est onze fois supérieur à la moyenne nationale.
Pour atteindre lobjectif légal de 20% de logements sociaux et amener, au passage, un peu de mixité sociale, léquipe de Bertrand Delanoë a lancé quatre projets, totalisant 407 appartements, portes dAuteuil et Dauphine, à La Muette et à Exelmans. Tous ont été stoppés net par une mobilisation tous azimuts des habitants, soutenus publiquement par des élus UMP, dont le maire darrondissement, Claude Goasguen. La méthode ? Des recours, ou menaces de recours, déposés devant les tribunaux administratifs par des justiciables suffisamment armés sur le plan juridique pour être efficaces. Les engins de chantier se sont donc arrêtés au stade du terrassement. Et les parcelles, si rares à Paris, demeurent à létat de friches.
Référé. Tout est suspendu, y compris un petit immeuble de cinq étages, rue Nicolo (à la Muette), qui ne compte pas plus de 31 appartements, dont un tiers de studios et un tiers de trois pièces. «Les riverains ont attaqué de toutes parts. Pour freiner, pour ensabler, faire capoter», sexaspère Daniel Meszaros, du cabinet darchitectes Projectile, en charge du projet. Des voisins ont dabord fait venir sur place des inspecteurs de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) afin dobtenir le classement dun vieil immeublepromis à la démolition pour libérer la parcelle. «Sans intérêt patrimonial», ont conclu les fonctionnaires du ministère de la Culture. Les riverains ont alors attaqué en référé le permis de démolir du vieux bâtiment. Déboutés. Quà cela ne tienne : le permis de construire est contesté devant le tribunal administratif et, cette fois, ils ont gain de cause. «Le plan local durbanisme (PLU) de Paris est tellement complexe quon peut toujours trouver, dans un permis de construire, un petit détail, une faille pouvant motiver son annulation, souligne un haut fonctionnaire municipal. Il suffit davoir les moyens de se payer dexcellents avocats.»
Largent nest pas un problème. Lassociation Quartier Dauphine Environnement, qui a fait suspendre lun des projets, a déjà «dépensé 25 000 euros en frais de procédures [devant les tribunaux]», a indiqué à Libération son président, Eric Lefranc. Et elle entend continuer. «Ce projet na pas de futur. Nous voulons que le terrain sur lequel on souhaite construire les immeubles demeure un espace vert [
]. Les gens qui habitent le quartier ont payé au prix fort leur appartement pour bénéficier dun cadre de vie agréable», justifie-t-il. Doù viennent les fonds ? De cotisations de riverains déterminés à faire capoter la construction des 135 logements sociaux prévus sur place. Lassociation, qui compte 500 membres, utilise Internet pour faire rentrer des contributions. Il est possible de faire des dons en ligne dun montant de 100 à 500 euros, et même de 2 000 euros au titre de «membre bienfaiteur».
Dans les recours, les permis sont passés au crible : largeur de vue, limite séparative des façades, hauteurs des bâtiments, formes architecturales, impact visuel, accès des secours
Toutes les arguties sur des mesures prévues pour le bonheur des futurs occupants de ces immeubles sont utilisées pour mieux torpiller les projets.
Dans leurs écrits, ces associations ne mettent jamais en avant leur hostilité au logement social. Elles sabritent derrière des considérations urbaines, architecturales, ou ayant trait à lenvironnement. La défense du cadre de vie est rabâchée dans leurs textes. «Halte au massacre des espaces verts !» peut-on lire sur des communiquésde Quartier Dauphine Environnement, en lutte contre un projet avenue du Maréchal-Fayolle. Un argument peu crédible : lavenue Fayolle jouxte le bois de Boulogne et ses 846 hectares de verdure. Les 135 logements prévus sur place ne menacent en rien cet environnement privilégié.
Pour mieux combattre ce programme, les riverains sen prennent aussi à larchitecture des immeubles, pourtant dessinés par lagence japonaise Sanaa, qui vient dobtenir le Pritzker, sorte de nobel de la discipline. «Trop novateur», aux yeux des voisins. «Un choix purement pour limage, au mépris de lenvironnement», proclame leur site internet. Le projet a pourtant été approuvé par larchitecte des bâtiments de France. «Architecture bling-bling», balaye dun revers de phrase Eric Lefranc. Un peu plus loin, le programme de la porte dAuteuil, qui mêle logements sociaux et logements privés, a lui aussi été dessiné par des professionnels reconnus : Rudy Ricciotti, Anne Demians, Francis Soler, Finn Geipel. Menacé de recours. Celui de la rue Varise (à Exelmans) a été confié au prestigieux Atelier Christian de Portzamparc. Suspendu. Pareil pour la rue Nicolo. «On est écuré. On a proposé un petit bâtiment organisé autour dun jardin. On a soigné le moindre détail», sexaspère larchitecte Daniel Meszaros.
Riverains et élus jurent, la main sur le cur, quils nont «rien contre les logements sociaux». Ni contre leurs bénéficiaires. Ce qui ne convainc pas Jean-Yves Mano, adjoint (PS) au maire de Paris chargé du logement et élu du XVIe : «Tous les stéréotypes sont à luvre. Les gens pensent que les HLM vont faire baisser la valeur de leurs appartements, que des familles à problèmes vont venir perturber leur quiétude
Mais ils nosent pas le dire comme ça. Alors ils font de la procédure.» A chaque fois, le tribunal administratif a tranché en leur faveur.
«Immondice». Pudiques à lécrit, les gens se lâchent parfois lors de réunions publiques organisées par les associations. En février dernier, le député UMP Bernard Debré a qualifié d«immondice inhabitable» le projet de Sanaa. Et le député et maire Claude Goasguen ne veut pas de ces HLM à «proximité immédiate de lambassade de Russie, avec qui cela va poser des problèmes de sécurité évidents» (le Figaro du 18 février).
Et tout cela se passe dans un arrondissement qui compte à peine 2,5% de HLM, contre plus de 30% dans les XIXe ou XIIIe. Pourtant le XVIe compte aussi ses demandeurs dun logement social : 3 800, au total. «Des retraités ou des familles qui éclatent. Ils nont plus les moyens de payer des loyers du privé. On a aussi des couples avec enfants logés dans des chambres de bonne», précise Jean-Yves Mano. Ces considérations némeuvent pas outre mesure les associations. «Tous les projets de logements sociaux sont bloqués dans le XVIe ? Ce nest pas notre affaire», lâche sans détour Eric Lefranc.
Par TONINO SERAFINI, Paris : HLM en friche dans un ghetto de riches, Libération.fr, 18 mai 2010.
Critères objectifs
CLASSE EN SOIPartage dune même situation économique privilégiée (place dominante dans les rapports de production)
postes de décision et de pouvoir (voir Bottin Mondain) et fort capital scolaire ;
revenus élevés (personnes à temps plein pour les besoins domestiques) ;
patrimoine élevé (actions, biens immobiliers, ISF) ;
Intérêts communs (par exemple concernant la fiscalité ou la maîtrise de lespace)
Culture commune et mode de vie en commun : goûts et pratiques légitimes, forte sociabilité (diners mondains, vernissage, cercle, rallyes pendant ladolescence).Critères subjectifs
CLASSE POUR SOIConscience de classe visible à travers le culte de lentre-soi (volonté de se constituer un carnet dadresse, des relations utiles) :
On fréquente des individus du même milieu social. Appartenance à des cercles regroupant des personnes du même milieu et influentes dans les sphères économique ou politique. Cooptation. ;
Quelques membres du cercle de lUnion interalliée : maire du 16e arrondissement, ancien vice président du Sénat, Président de la commission financière du Sénat, Conseiller dEtat, Président dhonneur du CNPF (ancêtre du MEDEF), membre du conseil économique et social, ancien premier ministre, ancien directeur du ministre de léconomie.
Rallyes pour éviter les mésalliances. Volonté que les jeunes fréquentent dautres jeunes issus du même milieu.
Le souci apporté à lentretien du capital social est assimilé par Pinçon et Pinçon-Charlot à une forme de mobilisation pour défendre les intérêts communs. Notamment concernant la transmission du patrimoine.
Vote assez marqué à droite dans les beaux-quartiers.
Dans les beaux quartiers, les résultats aux élections démontrent un soutien infaillible aux candidats de droite (près de 80%). Même aux grandes heures du parti communise, ce parti na jamais atteint de tels scores dans les quartiers populaires.
« Les ghettos du gota ».
La grande bourgeoisie est probablement la dernière classe sociale qui possède tous les attributs dune classe pour soi au sens de Marx :
ils partagent les mêmes conditions matérielles dexistence : place privilégiée dans les rapports de production (soit propriétaire des moyens de production, soit cadre dirigeant), revenus et patrimoine élevés (au sens de Bourdieu = fort capital économique).
ils ont conscience dappartenir à une même classe (homogamie sociale, culte de lentre-soi avec cooptation, rallyes, inscription dans une lignée
).
Ils luttent pour défendre leurs intérêts. Le dernier livre des Pinçon, Pinçon-Charlot, montre quils savent se mobiliser pour défendre les beaux espaces (rénovation des châteaux que certains habitent avec les deniers de lEtat et mobilisation dans des associations de défense du patrimoine historique, utilisation de leurs réseaux dans les sphères du pouvoir pour faire enfouir des routes à proximité de leurs quartiers dhabitation), vote très marqué à droite (Sarkozy et le bouclier fiscal).
Conclusion : si les classes sociales sont mortes, où est passé le corps ?!
Document polycopié n°11
Louis Chauvel montrait en particulier que si lidentification subjective à une classe avait décliné dans les enquêtes dattitude 1 les inégalités entre catégories socio-professionnelles (conçues comme un instrument dobjectivation empirique des « classes ») [Briand, Chapoulie, 1985] avaient plutôt tendance à stagner voire à augmenter dans de nombreux domaines, créant une situation paradoxale de décalage croissant entre les dynamiques objectives, polarisant les groupes sociaux et leurs traductions subjectives, notamment sous la forme didentification à une « classe ».
Ajoutant la proportion des employés à celle des ouvriers, il rappelait aussi, contre les prophéties mendrasiennes de la « moyennisation » [Dirn, 1998, p. 21-24], le maintien dun poids prédominant des « classes populaires » dans la structure des actifs et plus largement au sein de la population (lorsquon tient compte de la dernière catégorie occupée par les retraités).
Ces constats ne semblent pas avoir été remis en cause par les évolutions récentes dans différents domaines tels que la santé, léducation, les conditions de travail, la consommation 2
Comment alors expliquer ce sentiment de « disparition » qui persiste au sujet des « classes sociales », dans un contexte pourtant a priori favorable à un regain dintérêt pour ce concept ?
Frédéric Lebaron, « Léternel retour des classes sociales », Revue Française de Socio-Économie 2012/2 (n° 10).
1) Pourquoi peut-on affirmer avec plus de certitude que les classes sociales existent au sens de Weber quau sens de Marx ?
Chauvel : les classes existent encore si définition Weber, mais pas si définition de Marx (seule la bourgeoisie correspond encore totalement à cette définition).
Lutte des classes
Classe pour soi
Classe en soi
Conscience de classe et identité collective
Organisation politique
Place dans les rapports de production
Ordre économique
Classes sociales
Ordre politique
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