Sacha GUIITRY (France) (1885-1957) : Il était le ... - Comptoir Littéraire
9 déc. 2017 ... ... de Wedekind, à ''La ronde'' de Schnitzler, à ''Lolita'' de Nabokov). ......
Élargissant le sujet, Sacha Guitry, qui était alors brouillé avec son ...... Ce fut,
pour Jacqueline Delubac, son «examen» devant le Tout-Paris : il fut réussi ...
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Alexandre Georges-Pierre Guitry
dit
Sacha GUITRY
(France)
(1885-1957)
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Au fil de sa biographie sinscrivent ses uvres,
surtout pièces de théâtre et films,
qui sont résumées et commentées.
Puis est tentée une synthèse finale.
Bonne lecture !
Les hasards de la carrière de son père, Lucien Guitry, lun des plus grands et plus célèbres comédiens français de la Belle Époque, un homme mordant, hautain et joyeux, de la race des grands seigneurs, layant conduit en Russie, où il était alors engagé pour neuf saisons avec la troupe permanente du théâtre français de Saint-Pétersbourg, le fameux théâtre Michel, Sacha Guitry naquit à Saint-Pétersbourg, au numéro 12 de la perspective Nevski, le 21 février 1885. Il venait au monde après deux garçons, lun né en 1883 et mort au berceau, lautre, Jean, né en 1884. Leur mère, Renée Delmas de Pont-Jest, allait encore donner naissance en 1887 à un quatrième garçon, lui aussi mort au berceau.
Il fut prénommé Alexandre en l'honneur de son parrain, le tsar Alexandre III, qui appréciait le talent de Lucien Guitry. Mais, comme celui-ci trouvait que le prénom était un peu long, la baronne Bredow proposa le diminutif Sacha.
Le bébé était si laid que son père crut devoir consoler sa jeune femme : «Cest un monstre ! Mais ça ne fait rien, nous laimerons bien tout de même !» Cependant, en 1889, les époux se séparèrent. Renée Delmas rentra en France, et obtint la garde de ses deux enfants. Toutefois, un dimanche d'octobre, Lucien, profitant de son droit de visite, enleva Sacha et le ramena en Russie. Lenfant avait pour son père, dont il entendait dire quil allait «jouer tous les soirs pour travailler», une admiration sans bornes. Élevé dans le culte du théâtre, il figura dans une pantomime en un acte que son père avait faite en collaboration avec le grand comédien russe Davidof, et qui fut créée au palais impérial, devant Alexandre III. Son père y jouait le rôle de Pierrot, tandis quil était Pierrot fils ; et comme, sur une photo célèbre, on les voit en habits de Pierrots, les manches de la chemise de Sacha pendent jusquà terre !
Au printemps 1890, ils revinrent en France, et Sacha retrouva sa mère et son frère, auquel il sunit pour ne rien faire. De 1891 à 1900, il fut incapable de sadapter à la vie scolaire, et établit une sorte de record du genre en se faisant renvoyer successivement de onze établissements publics ou privés, et en se révélant incapable de dépasser le niveau de la classe de sixième. En fait, ce fut dabord en raison des déplacements de son père, car, à l'époque, on recommençait l'année si l'on changeait d'établissement, ce qui était périodiquement son cas. Mais il était aussi très dissipé, faisant les quatre cents coups avec son frère aîné. Il allait ironiser en considérant les écoles comme «des établissements où lon enseigne à des enfants ce quil est indispensable de savoir pour devenir professeur».
Après quelque hésitation entre le dessin et le théâtre, il choisit cette voie. Il bénéficiait de limmense influence sur lui de ce père qui léblouissait et que tout Paris admirait, qui avait dans sa conversation des répliques d'une drôlerie continue et s'en jouait à merveille. Et, comme son père recevait des personnages tels que Tristan Bernard, Alfred Capus, Alphonse Allais, Jules Renard, Octave Mirbeau, Claude Monet, Sarah Bernhardt, Georges Clemenceau, on ne pouvait rêver meilleur creuset d'intelligence et d'esprit. Il voulut, sil avait un nom, se faire un prénom en écrivant des pièces de théâtre, prétendant : «Il suffit de se faire imprimer une carte de visite avec marqué dessus auteur dramatique et après, mais après seulement, décrire».
Il n'avait pas encore dix-sept ans, était encore un élève, quen 1901, il produisit sa première pièce. Recommandé par Francis de Crosset, il porta à la directrice du Théâtre des Mathurins, Marguerite Deval, Le page, opéra bouffe en un acte et en vers. Elle accepta de le monter à condition quil le modifie. Présentée le 15 avril 1902 au Théâtre des Mathurins, la pièce recueillit un succès honorable, avec trente-cinq représentations. Mais rien ne permettait alors de penser que ce fils à papa, mal dégrossi, paresseux et indolent, allait devenir bientôt le prince de l'esprit français.
Il abandonna alors définitivement des études quil navait jamais réellement commencées.
Le 4 juillet 1902, Renée Delmas mourut, à l'âge de 42 ans.
Sacha Guitry fit jouer Yves le fou, pastorale tragique en un acte qui neut quune représentation, le 23 août 1902, à lHôtel Julia de Pont-Aven.
En 1904, dans les coulisses du Théâtre de la Renaissance, dont son père était le directeur, il rencontra lactrice Charlotte Lysès, qui avait vingt-six ans, de l'assurance et du charme malgré une myopie qu'elle corrigeait en jouant avec un face-à-main. S'estimant douée pour le théâtre, elle était, durant l'hiver 1902-1903, venue voir Lucien Guitry, qui avait près de quarante-cinq ans, un physique qui plaît aux dames, et passait, à juste titre, pour le plus grand acteur de son temps. Comme les autres comédiennes qui demandaient son aide pour jouer dans une pièce, elle eut droit à une rencontre très intime avec le maître, qui était très porté sur la bagatelle. Résultat : elle obtint un petit rôle (deux ou trois phrases !) dans la distribution dune pièce, et devint sa maîtresse. Souhaitant se venger d'une si maigre récompense, elle se réjouit de rencontrer un soir, au théâtre, un jeune homme de sept ans son cadet au regard pétillant d'intelligence : Sacha Guitry !
Quand il découvrit cette idylle naissante, Lucien, fou furieux, la chassa de son théâtre, et tenta déloigner delle son fils, l'emmenant même aux Pays-Bas où il le confia à Eugène Demolder, chez qui dailleurs le jeune homme fit la connaissance dAlfred Jarry.
Revenu à Paris, il plaça des caricatures dans quelques hebdomadaires. Mais elles ne lui suffisaient pas pour vivre. Placé par son père, qui exigea quil prenne le pseudonyme de Lorsey (car il ne voulait pas que son fils use de son prestigieux patronyme !), il eut son premier rôle au théâtre, dans la pièce de Maurice Donnay, L'escalier, où il joua avec Charlotte. Allaient suivre quelques petits rôles au théâtre, toujours sous la direction de Lucien Guitry.
En janvier 1905, il joua le rôle du beau Pâris dans La bonne Hélène, un petit acte de Jules Lemaitre. Comme il arriva en retard au théâtre, et rata son entrée en scène car il avait oublié sa perruque, son père le mit à lamende. Il naccepta pas la sanction, quitta le théâtre, et ce fut le début dune brouille entre père et fils, en réalité provoquée par leur rivalité amoureuse, et qui allait durer treize ans, dont Sacha souffrit affreusement. Ils allaient le regretter ensuite, mais aucun des deux n'aurait accepté de faire le premier pas.
Il vécut alors quelque temps chez Alphonse Allais, avant de sinstaller à lhôtel Canada avec Charlotte Lysès qui, le poussant devant sa table de travail, le dégageant de toute contingence administrative, étant en quelque sorte son agent artistique, exerça sur lui une influence bénéfique.
En avril, il eut loccasion daffirmer sa maîtrise et sa verve spirituelle dans :
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Le K.W.T.Z.
(1905)
Drame passionnel en un acte
Des amants (Maximilien Crickboom et Hildebrande Van de Pioch), ne pouvant vivre leur amour, décident de se suicider pour être ensemble dans l'éternité. Le mari, Hans Van de Pioch, tout comme le destin, ne semblent pas l'entendre ainsi... Quant à la bonne (alias Julie, alias Marie, alias Augustine car Maximilien, son maître fauché, se plaît à travers ces différents prénoms à se faire accroire qu'il a plusieurs domestiques !), elle aimerait bien recevoir ses gages...
Commentaire
Par le titre, K.W.T.Z., réminiscence de «witz» (mot desprit, blague, plaisanterie), Sacha Guitry voulut annoncer l'humour absurde de cette pièce de boulevard, qui contenait déjà en germe le style badin-misogyne qui allait être sa marque de fabrique, et qui est comme synthétisé par le résumé final de Maximilien : «Ce qu'on devrait choisir dans la femme d'un autre... ce n'est pas la femme... c'est l'autre !»
La pièce fut créée au Théâtre des Capucines le 13 décembre 1905, avec Félix Galipaux (Maximilien), Charlotte Lysès (Hildebrande), Darcy (le mari), Marcelle Péri (la bonne).
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En avril 1905, Sacha Guitry et Charlotte Lysès se mirent en ménage, au n°8 de la rue d'Anjou, toujours au grand dam de Lucien Guitry.
Comme Charlotte avait décroché un contrat pour une saison au casino de Saint-Valéry-en-Caux, elle imposa son compagnon à l'affiche. Mais son inexpérience lui valut d'être renvoyé, et il joua alors plutôt à la roulette, dépensant largent que Charlotte gagnait. Il songea alors à se consacrer définitivement au dessin. Mais, pour épater son père, il écrivit deux pièces.
En novembre, lune delles fut acceptée par M. et Mme Guillardet, qui dirigeaient le Théâtre des Mathurins. Ce fut :
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Nono
(1905)
Comédie en trois actes
Une cocotte, appelée Nono, est la maîtresse dun riche oisif, Jacques Valois, dont le meilleur ami, Robert Chapelle, un poète raté, tombe amoureux. Lui-même est lobjet des sarcasmes de sa riche et jalouse vieille maîtresse, Madame Weiss, dont il veut séloigner. Nono, en labsence provisoire du premier soupirant, cède au second, jusquà ce que Madame Weiss sen mêle, et que le retour inopiné de lamant de Nono nimpose brutalement lheure des choix
Commentaire
Sacha Guitry indiqua, dans Si j'ai bonne mémoire, les circonstances de la composition de la pièce : «J'avais plié en huit mes feuilles de papier à dessin et, sans autre dessein, sans savoir où j'allais, j'ai commencé d'écrire sur cet in-octavo une scène violente entre un homme de quarante ans et sa maîtresse. La femme est cramponnante et l'homme est excédé. J'avais eu l'occasion d'assister dans mon enfance à une scène de cette espèce, et j'en avais gardé un souvenir, qui ne s'est jamais effacé. Des mots horriblement cruels entre deux êtres qui dix minutes auparavant paraissaient s'adorer encore ; je n'en revenais pas ! [...] Deux heures plus tard, j'avais écrit le premier acte de Nono.»
Dans ces trois actes, quil écrivit à lâge de dix-neuf ans, mais où son style s'affirma déjà, se trouvaient réunis tous les ingrédients qui allaient caractériser son oeuvre : élégance et virtuosité cabotine, humour décapant qui frôle un burlesque amer, mots qui font mouche, répliques cyniques, brillamment audacieuses, moqueuses à lenvi, fusant et rebondissant à merveille. Mais, outre cette forme si brillante, il disait des choses audacieuses sur les femmes et sur les hommes, montrait de lamoralité, son rejet des conventions et des fausses sentimentalités, sa totale liberté d'expression, et une lucidité dont il nallait jamais se départir.
Il reprit le mythe de la «putain sublime», lhistoire éternelle de «la cocotte et du poète», de «la femme-nature et de l'homme-culture» (on pense à la Nana de Zola, à la Lulu de Wedekind, à La ronde de Schnitzler, à Lolita de Nabokov). Nono rend fous les hommes, mais reste une énigme, on ne sait si elle est naïve ou calculatrice. Véritable fantasme ambulant, elle n'existe que dans le regard des autres ; cette «fille de joie» insaisissable et envahissante, navigue sans cesse entre la luxure et la pureté ! Sacha Guitry, sans porter aucun jugement sur son héroïne, parlait du désir et de l'argent, de l'érotisme et du mépris, du sadisme et du bonheur bourgeois, de l'égoïsme et du ciel.
Cette comédie légère, jouée au Théâtre des Mathurins, où elle eut soixante-deux représentations (ce qui était beaucoup à lépoque), du 6 décembre 1905 au 28 janvier 1906, fut le premier grand succès de Sacha Guitry, lui valut lestime amicale des familiers de son père.
Elle fut reprise ;
- le 10 mai 1910 au Théâtre Antoine, Sacha Guitry tenant alors le rôle de Robert Chapelle, et Charlotte Lysès, celui de Nono ;
- le 25 mai 1918, avec Yvonne Printemps ;
- le 7 septembre 2010, au Théâtre de la Madeleine, avec Julie Depardieu.
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Le cocu qui faillit tout gâter
(1905)
Comédie en un acte et en vers
Un mari est heureux jusqu'au jour où il apprend qu'il est cocu. Il pourrait perdre son bonheur si l'amant, pour ne pas tout gâcher, n'utilisait pas une prétention qui fait de lui involontairement un sage.
Commentaire
La pièce eut vingt-six représentations à lOdéon, du 11 décembre 1905 au 16 avril 1906.
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Le 14 décembre 1905, Jules Renard emmena Sacha Guitry chez son père : ils s'embrassèrent. Mais son père lui ayant, de nouveau, demandé de rompre avec Charlotte, la brouille repartit de plus belle...
Il fit jouer Un étrange point d'honneur (1906) comédie en un acte et deux tableaux qui eut, au Tétreau royal, vingt et une représentations du 30 mars au 16 avril 1906.
Il produisit :
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Chez les Zoaques
(1906)
Comédie en trois actes
Commentaire
Les Zoaques était le nom de la résidence d'été des Guitry, à Yainville, en Normandie. Ils y recevaient la visite dOctave Mirbeau, qui venait avec leur commun grand ami, Claude Monet.
Cette autre comédie légère sur le thème de lamour obtint un franc succès. Jouée avec une autre pièce intitulée Biribi, elle eut, au Théâtre Antoine, soixante-treize représentations, du 3 novembre 1906 au 7 janvier 1907. La critique fut excellente. Mais, confia Sacha Guitry dans Si jai bonne mémoire, un jour, peu avant la dernière, «l'acteur [André Dubosc] qui jouait le rôle principal de ma pièce crut devoir s'en aller du jour au lendemain. Il en avait le droit - il eut à mes yeux le grand tort d'en user, car il savait qu'il n'était pas doublé. Pour sauver la situation, j'ai dû reprendre son rôle à pied levé, sans l'avoir même répété - et c'est à ce geste inamical et prémédité que je dois d'avoir joué pour la première fois une pièce dont j'étais l'auteur. / J'eus, ce soir-là, la sensation très nette qu'à l'avenir j'allais pouvoir très bien jouer mes pièces. Je ne dis pas "les jouer très bien" : je dis : très bien les jouer. / À quelque temps de là, un imprésario emmena tel quel le spectacle en tournée, mais le directeur du théâtre de Chartres, à qui l'on avait envoyé la maquette de l'affiche, pensa qu'une erreur avait été commise. Le mot "Zoaque" ne figurant pas dans le dictionnaire, il répara ce qu'il croyait être une erreur et, réunissant nos deux titres en un seul, il composa son affiche ainsi : Biribi - Chez les Zouaves.»
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Bloompott
(1906)
Roman
Bloompott, qui est né d'un couple blanc, a trouvé le moyen d'être noir. C'est un poète, un tricheur, un fêtard, un homme frivole, souvent d'une exquise délicatesse, parfois tout simplement génial. C'est aussi le nouvel ami du narrateur qui, après l'avoir fait naître sur le papier, devient son camarade inséparable.
Commentaire
Sacha Guitry, qui avait prévenu dès l'introduction : «Je m'étais pourtant bien juré de ne jamais écrire de romans !», qui écrivit pourtant celui-ci au jour le jour, et souvent dans l'urgence, conçut une intrigue légère, voire inexistante, une action dune transparence qui agace parfois. Elle fut publiée par épisodes dans l'hebdomadaire Gil Blas, du 30 mai au 7 août 1906. Les chapitres sont donc très courts, et l'ensemble paraît parfois quelque peu saccadé. Il reste que sa plume est vive et ironique. Simple narrateur lorsqu'il s'agit d'évoquer la naissance et l'enfance de son héros, il devient le témoin principal et le compagnon de ses aventures, s'offrant par là-même une nouvelle occasion de nous faire profiter de ses réflexions, sur la société dans laquelle il vit, et dont il profite avec insouciance, et sur lui-même, dont il se moque avec la même légèreté.
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En 1906, Sacha Guitry donna Les nuées, une comédie en quatre actes qui était ladaptation (très libre) de celle d'Aristophane. Elle eut, au Théâtre des Arts, trente-quatre représentations, du 28 décembre 1906 au 27 janvier 1907.
Il écrivit avec Alfred Athis L'escalier de serviceou Dolly, comédie en deux actes qui neut, au Casino de Monaco, quune représentation, le 25 février 1907.
La même année, il donna La clef, comédie en quatre actes qui eut, au théâtre Réjane, neuf représentations, du 3 au 12 mai 1907. Elle fut, de laveu de Sacha Guitry lui-même, un véritable «four», lun des deux ou trois seuls véritables gros échecs de sa carrière. Pourtant, il la défendit bec et ongles, lui ayant donné, lors de son édition, une virulente préface, dune parfaite sincérité, quune majorité de critiques mirent un certain temps à lui pardonner.
En 1907 encore, il écrivit avec Alphonse Allais La partie de dominos, comédie en deux actes, dont il ne ressentit pas la pleine paternité, et quil ne retint pas à son répertoire.
Cette année-là, Sacha Guitry et Charlotte Lysès achetèrent leur première maison à Honfleur où, le 14 août, ils se marièrent.
En octobre eut lieu une tournée (Biarritz, Bruxelles, Monte-Carlo), avec Nono et Chez les Zoaques.
Il fit jouer :
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Petite Hollande
(1908)
Comédie en trois actes
Vers la fin de lacte I, une sorte de «spectacle de société» est donné après le dîner dans un salon parisien : une élève du Conservatoire récite un poème tandis quAristide Bruant fait son apparition pour chanter Les michtons.
Commentaire
La pièce fut créée le 25 mars, au Théâtre de l'Odéon. Dès la première, Sacha Guitry Guitry reçut ce pneumatique d André Antoine, le directeur de l Odéon : «Desjardins [premier rôle] est malade. Sauvez la situation et jouez ce rôle ce soir. Vous connaissez votre pièce par cur et lon aura pour vous toutes les indulgences.» Il fut donc, sans répétition, lancé sur la scène de lOdéon ! Il y eut seulement dix autres représentations.
Admiratif et reconnaissant pour son soutien, Sacha Guitry sollicita dOctave Mirbeau une préface où laîné porta ce jugement sur ses débuts : «On a fait comprendre à cet empêcheur de sembêter en rond que cétait tout simplement scandaleux. Ah ! On lui a fait voir tout de suite quil avait du talent.»
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En 1908, Sacha Guitry produisit Le scandale de Monte-Carlo , comédie en trois actes qui fut representee pour la premiere fois, le 22 avril 1908, au Theatre du Gymnase, et fut un échec.
Il fut découragé un temps, dautant plus quil ne gagnait pas grand-chose comme acteur ni comme auteur. Sans la rente assez confortable que touchait Charlotte Lysès grâce à son oncle, le couple aurait connu de très sérieuses difficultés financières. Ce fut alors quil se proposa en qualité dagent publicitaire ! Ainsi, dans diverses revues, dont Comoedia, parut une page consacrée aux vins Wincarnis : cétait un montage photographique présentant Sacha et Charlotte encadrant une gigantesque bouteille de champagne ; au-dessous, on pouvait lire ces vers : «Si Chloé, toute la nuit adorait son Daphnis / Cest que Daphnis, le jour, buvait le Wincarnis !» Et cétait signé : «Sacha Guitry, honteux !». Un autre montage présentait ce fantaisiste affublé dune large ceinture élastique, avec cette légende : «Mon ventre tombait. Grâce à la ceinture Franck-Braun jai pu me baisser pour le ramasser.» ; cétait une sorte de gaine pour homme dont le succès commercial allait grandissant. Vers la même époque, il dessina une tête de clown, traça en dessous les lettres «L.S.K.C.S.Ki», et alla proposer cette trouvaille au directeur du cacao Elesca, qui la lui acheta avec joie, et lutilisa très longtemps sur ses boites.
Ce fut le soutien indéfectible de son grand aîné, Octave Mirbeau, qui lui donna le courage de continuer dans la voie du théâtre.
En 1908, il écrivit Le mufle, comédie en deux actes, Après, revue en un acte.
Le 9 décembre, il fut appelé à faire son service militaire. Mais il fut réformé pour rhumatismes aigus généralisés.
En 1909, ce jeune auteur dramatique qui n'avait encore connu que guère de succès, rongeait son frein car il avait beaucoup de choses à dire sur le milieu du théâtre, dans lequel il baignait depuis l'enfance. Pour exprimer tout ce qu'il pensait avec une totale liberté, il inventa donc un personnage, Paul Roulier-Davenel, vieil auteur dramatique «qu'on peut placer sans hésitation entre Victorien Sardou et Roger Ferréol», et imagina les lettres que ce dernier aurait pu lui envoyer. Lui, qui ponctuait fréquemment ses missives d'un tonitruant «Mon vieux !», lui racontait tout : ses croustillantes aventures amoureuses, ses déconvenues avec la critique parisienne, ses pannes d'inspiration, quelques méchancetés bien senties à l'encontre des comédiens en vogue. Il célébrait, bien sûr, les femmes à la façon de Sacha Guitry, c'est-à-dire en les écornant souvent, l'homme étant toutefois payé de retour, car il se faisait éconduire, voire dominer. Sacha Guitry s'ingénia à rendre cette correspondance plausible, avec des passages censurés, une liste des pièces écrites par son personnage (Le préféré de maman, Mésaventure amoureuse ou L'argent, La fameuse redingote du général Maleymoit), un index des noms cités dont certains sont d'ailleurs pure invention, des post-scriptum décalés, et même des croquis explicatifs
On trouve dans ce canular tout ce qui allait faire le succès de lécrivain : son sens de la formule, son impertinence intarissable. Cette correspondance fictive fut alors publiée sous forme de chroniques dans la revue Comdia. Puis il en tira à quelques exemplaires un petit volume pour lequel il découpa tout ce qu'il avait écrit pour la publication, laugmenta de passages manuscrits, de temps en temps corrigés. Cette pépite fut distribuée à l'époque de façon confidentielle. En 2009, elle réapparut au grand jour.
La même année, il fit jouer :
- Tell père, tell fils, opéra bouffe en un acte où lhistoire du héros suisse et de son fils est traitée avec désinvolture. Mais cest aussi une de ces comédies tendres où il sut parler joliment de la relation père-fils. La musique fut composée par Tiarko Richepin. La première eut lieu le 17 avril, au Théâtre Mevisto.
- La 33 ème ou Pour épater ta mère, comédie en un acte où Sacha Guitry et Charlotte Lysès jouèrent ensemble, la première ayant lieu le13 août au casino de Trouville.
- C'te pucelle d'Adèle, comédie en un acte et deux tableaux qui fut dédiée à Colette qui y tint le rôle principal, et représentée au Concert de la Gaîté-Rochechouart.
En janvier-février 1910, il fit une tournée organisée par limpresario Schürmann, passant par Varsovie, Saint-Pétersbourg, Helsingfors, Moscou, Odessa, où il dut linterrompre, et payer le retour des artistes.
Le 26 avril, il donna, au Théâtre Antoine, une causerie sur «La loufoquerie».
En novembre-décembre, les nouveaux propriétaires du Théâtre des Mathurins lui en confièrent la direction. Mais il allait n'y créer aucune de ses pièces.
En 1910, il fit jouer une comédie en un acte Tout est sauvé, fors l'honneur, samusant, dans ce titre, à prendre à contre-pied laveu de François Ier vaincu à Pavie : «Tout est perdu fors lhonneur !»
Il marqua un plus grand coup avec :
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Le veilleur de nuit
(1911)
Comédie en trois actes
En labsence de son riche protecteur, un vieux professeur au Collège de France, savant mondialement connu, une femme du demi-monde sennuie. Elle réunit des amis dans son luxueux hôtel particulier, et se laisse volontiers conter fleurette par plusieurs soupirants... Il est presque neuf heures du matin, et la fête continue toujours quand se présente Jean, un jeune peintre à qui lon a commandé une fresque : il vient travailler, tout simplement. Les invités se sauvent.
Sympathique, déluré et costaud, Jean na pas grand mal à séduire son hôtesse, qui va se coucher, fort troublée.
Le peintre doit alors résister aux entreprises amoureuses de la hideuse Félicie, femme de chambre et confidente de sa patronne. Heureusement, cette dernière surgit à temps, et entraîne Jean dans sa chambre...
Devenu son amant de coeur, Jean a fait fuir tous les parasites qui encombraient lexistence de sa maîtresse, à lexception de Félicie, follement jalouse, qui le déteste et quil appelle «Félonie».
Cependant, se présente le professeur et protecteur, gros homme laid, dun âge certain mais dune vive intelligence, qui considère la jeune femme comme un «joujou», dont il est fier. Conscient de ses faiblesses, il manifeste une vive inquiétude à lidée dêtre trompé, et cette perspective empoisonne son existence.
Ravie de trahir Jean, «Félonie» provoque une rencontre entre les deux hommes. Le savant comprend très vite la vérité, dautant plus que deux petits fêtards imbéciles, convoqués par limpitoyable bonne, font une entrée intempestive. Sa maîtresse lui avoue quelle a donné plusieurs réceptions en son absence. Mais le protecteur sinquiète seulement de savoir pourquoi elle nen donne plus ! Très doucement, il lui demande daller faire une promenade au Bois, puis il convoque Jean...
Quelques jours après, Jean travaille encore à sa fresque. Lhostilité entre «Félonie» et lui est telle quil exige son renvoi. Pourtant, il se laisse attendrir par ses supplications et ses larmes.
Le protecteur décide, layant rapidement jaugé, de se faire le complice du peintre, le priant de devenir «le veilleur de nuit» de sa belle
Il accepte dabord cet étrange partage. Mais, bientôt, il nen peut plus... Il est en proie à un cruel dilemne : que doit-il faire? abandonner celle quil aime? lobliger à partager sa misère?... Le protecteur intervient alors : grâce à cette combinaison, il a retrouvé la confiance et le calme. Comme lui et lamant ont des goûts identiques, ils se complètent, et doivent être amis... Auprès de ces deux êtres jeunes et heureux, le savant vieillira à laise et sans problèmes...
Commentaire
Dans cette pièce, qui est une des meilleures comédies de Sacha Guitry, il traita le thème délicat du sigisbée avec une aisance magistrale, de la désinvolture, de la gaîté, du comique et même de la bouffonnerie, de lesprit, de lironie, de lexubérance, de lémotion, une facilité soudaine à envisager les choses sous leur aspect sérieux et quasi mélancolique, et beaucoup dintelligence.
La première fut donnée le 2 février 1911, au Théâtre Michel. Ce fut le premier grand succès de Sacha Guitry.
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En 1911, Sacha Guitry donna encore :
- Mésaventure amoureuse ou L'argent, comédie en un acte qui était un des titres de pièces quil sétait amusé à attribuer à Paul Roulier-Davenel. La pièce fut présentée au Théâtre Fémina à Paris, le 8 mars 1911.
- Un beau mariage, comédie en trois actes, présentée au Théâtre de la Renaissance.
Le 30 octobre, il fit une première exposition de ses tableaux, chez Bernheim Jeune.
En janvier 1912, lui et Charlotte allèrent jouer Le veilleur de nuit à Monte-Carlo, Nice, Lyon.
En février, ils la jouèrent à Bruxelles.
Il présenta :
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Jean III ou L'irrésistible vocation du fils Mondoucet
(1912)
Comédie en trois actes
On frappe les trois coups : la pièce Jean III va commencer... mais on vient annoncer au public que le comédien qui joue le Chevalier vient de se blesser. Heureusement, on apprend quun certain Paul Mondoucet connaît la pièce. Si les spectateurs veulent bien patienter, on va se lancer à sa recherche... Cest un fou de théâtre qui court toutes les salles de Paris pour se faire engager, au désespoir de son père qui préférerait le voir employé dans la quincaillerie familiale. Quand le régisseur du Théâtre Impérial vient solliciter son aide, son père, furieux, le chasse. Deux comédiens, Lambrequin et Léone, viennent à leur tour supplier M. Mondoucet. Il se laisse attendrir, mais Paul a disparu. Pendant ce temps, au Théâtre Impérial, les acteurs, devant le rideau de scène, jouent des monologues. Quand Paul fait son apparition, on lhabille en toute hâte, on le maquille, et on lui raconte la pièce, quil ne connaît pas !
Commentaire
La pièce est un bel exemple de ce «théâtre dans le théâtre» auquel Sacha Guitry se livra à plusieurs occasions. La presse lui réserva les critiques des plus élogieuses. Ainsi, Robert de Flers écrivit dans Le Figaro : «On a beaucoup ri de tous les rires, depuis les plus fous jusqu'aux plus raisonnables. On a ri comme si la vie n'existait pas , comme si l'on n'avait jamais ri. Monsieur Sacha Guitry est une sorte de bienfaiteur.» Cependant, il refusa la reprise de la pièce, jusqu'à ce que, en 1932, son ami Robert Trébor lui propose une distribution (avec entre autres Pierre Fresnay), qui le convainquit d'accepter.
Depuis , bien dautres reprises furent faites, dont celle de Francis Perrin, au Théâtre Montansier, en janvier 1998 ; celle de la Troupe des Pas Sages de Grenoble, en 2005.
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La prise de Berg-Op-Zoom
(1912)
Comédie en quatre actes
Nous sommes chez les Vannaire. Léo Vannaire est un bon garçon, mais pas très futé, qui a la manie de découper des silhouettes de bois, sattaquant même à la planche à repasser, faisant des copeaux dans le salon, où il a établi son atelier. Sa femme, Paulette, aussi ordonnée que vertueuse, a horreur de toute cette menuiserie. Elle n'a pas non plus grand amour pour son mari, mais elle est de ces femmes pour qui la faute est inconcevable. Vannaire a une sur qu'il a mariée richement dans l'intention bien arrêtée d'emprunter de l'argent à son beau-frère. Enfin, il y a deux autres personnages, un ami de Vannaire, Rocher, et la maîtresse de celui-ci, Lucienne ou Lulu, modèle à l'occasion. Lulu plaît fort à Léo Vannaire, qui se met à découper sa silhouette, en attendant mieux. Pendant qu'il travaille, un domestique affolé vient l'avertir que deux étranges personnages font une enquête sur leur ménage chez tous les fournisseurs du quartier. Cela sent la police. Vidal (le beau-frère) demande à Léo s'il n'aurait point, par hasard, fait quelque sottise qui expliquerait cette surveillance. Léo se trouble, et avoue qu'il a détourné, la semaine précédente, une personne d'un âge trop tendre. Mme Vannaire, qui est sortie pour un essayage, revient. Les domestiques la mettent au courant, et son benêt de mari ne peut se tenir de lui avouer la cause présumée de l'enquête. Elle craint le scandale, téléphone au commissaire de police du quartier, et lui demande un rendez-vous, quil lui accorde pour le lendemain, à quatre heures, non pas au commissariat, mais chez lui. Paulette a conté, entre temps, aux Vidal, qu'un inconnu la suit depuis plusieurs jours obstinément. On devine, dès ce premier acte, que l'enquête était menée par le suiveur, que la police n'avait aucun soupçon du détournement de mineure, et que Paulette allait, mal à propos, le révéler au commissaire. Mais on ne devine point ce qui est le principal, que suiveur et commissaire ne font qu'une seule et même personne.
Au second acte, le suiveur, Charles Hériot, rencontre, dans un corridor du théâtre, Paulette, qui, outrée de cette poursuite, le prie de la laisser en paix. Il lui déclare, avec une tranquille assurance, qu'il l'aime, qu'elle l'aimera, qu'ils sont faits l'un pour l'autre, et qu'elle viendra chez lui le lendemain, à quatre heures. Elle y vient, en effet, puisqu'elle a demandé un rendez-vous au commissaire de police, et, à la vue de Charles Hériot, elle éprouve une surprise que nous partageons, puisque nous apprenons en même temps qu'elle que le commissaire est Hériot et qu'Hériot est le commissaire.
Leur scène est à peu près tout le troisième acte. Ils se disent les plus jolies choses, et toujours aussi imprévues que tendres. Paulette est séduite avec une rapidité incroyable, car les honnêtes femmes sont celles qui tombent le plus vite. Il est décidé qu'elle divorcera, qu'elle épousera Hériot, et que, s'ils n'attendent pas tout un an pour s'aimer, ils différeront au moins jusqu'au 24 du mois courant (l'almanach à effeuiller qui est pendu derrière le bureau du commissaire indique que c'est aujourd'hui le 15). Il a choisi le 24, parce que c'est, toujours d'après le même almanach, l'anniversaire de la prise de Berg-op-Zoom. Paulette ne peut s'empêcher de trouver le délai un peu long, et, tandis que sa tête repose sur l'épaule du commissaire, elle arrache, une à une, furtivement, les feuilles de l'éphéméride. Bien que la date réelle soit le 15, ce sera donc demain le 24, et elle promet de revenir pour signer la capitulation de Berg-op-Zoom. Elle est cependant trop honnête, ou trop bourgeoise, pour tenir sa promesse ; elle attendra le divorce et le mariage ; elle prie Hériot, par téléphone, de venir lui rendre visite chez elle ; le mari l'entend téléphoner, et mande lui-même par téléphone le commissaire de police pour constater le flagrant délit. Le commissaire allègue l'impossibilité où il est de jouer à la fois les rôles de commissaire et d'amant, et de dresser procès-verbal contre lui-même. Finalement, cest le mari qui consent à se laisser prendre en conversation criminelle avec Lulu, qui se trouve là à point nommé ; on le tient, d'autre part, grâce à son aventure de la semaine dernière avec la mineure.
Commentaire
Le titre était fait pour intriguer le public. Mais il était facile de deviner que cette opération militaire (la ville hollandaise de Berg-op-Zoom fut prise par les Français le 2 juillet 1747, et livrée au pillage, après un siège célèbre) servait de métaphore à une opération amoureuse, la prise étant celle dune femme malaisée à conquérir, et qu'il faut emporter d'assaut. Dès le lever du rideau, nous sentons un autre mystère qui ne se découvre qu'au troisième acte, ce qui rend les deux premiers actes un peu languissants, malgré la drôlerie des scènes, la bizarrerie du milieu et le comique falot des personnages. Mais Sacha Guitry sut tirer des effets plaisants de ce personnage double du commissaire de police, qui est aussi un amoureux.
La pièce amusa Alphonse Franck, directeur du Théâtre du Gymnase. Mais il la considéra injouable, trouva le titre exécrable, pensa que son sujet ne pouvait intéresser le public. Heureusement, au contraire, Gustave Quinson apprécia loriginalité du personnage et du titre, fit jouer la pièce au Théâtre du Vaudeville, et la mit en scène avec Sacha Guitry et Charlotte Lysès. Elle fut créée le 4 octobre.
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En 1912 encore, Sacha Guitry présenta Pas complet, comédie bouffe en deux actes.
Cette année-là, ce maître du langage déclara n'être pas intéressé par le cinéma, qui était muet : «J'estime que l'influence du cinématographe a été déplorable,[...] qu'il a tenté de faire au théâtre une concurrence déloyale en truquant et en tronquant les uvres dramatiques.» (Le cinéma et moi).
En 1913, il vint habiter 48, rue Pergolèse. Il y rédigea de nouvelles pièces, travailla à son tout premier film. Il y donna de somptueuses réceptions où étaient conviées les figures les plus en vue du Tout-Paris, dont il était lui-même, étant célèbre pour sa silhouette, ses costumes et ses voitures, mais aussi et surtout pour son esprit auquel faisaient fête les spectateurs de ses pièces où il enchaînait les succès.
Cependant, cette année-là, il connut une grave maladie qui le conduisit presque aux portes de la mort.
En avril, il fit une tournée en Italie avec l'imprésario de Sarah Bernhardt, Ullmann.
Il produisit :
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On passe dans huit jours
(1913)
Comédie en un acte
Un auteur dramatique convoque une jeune comédienne, trop réservée, pour lui reprendre son rôle. Furieuse et humiliée, elle lui découvre un tempérament plus que brûlant. Gardera-t-elle le rôle alors quon doit jouer la pièce dans huit jours?
Commentaire
Cette relation entre un auteur et une comédienne, sous son apparence de légèreté, nous montre bien la difficulté de «dire», de «faire», de «communiquer». L'individu est face à lui-même, à sa propre responsabilité, et à sa capacité à se dépasser.
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Jusqu'à nouvel ordre...
(1913)
Recueil de réflexions de 192 pages
On y lit :
- «La vanité, cest lorgueil des autres.»
- «En réalité, ce qu'on entend par avoir du coeur, c'est avoir une faiblesse des glandes lacrymales en même temps qu'une légère paralysie du cervelet.»
- «Chaque accident arrivé à autrui est un accident évité pas vous.»
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En octobre-décembre 1913, Sacha Guitry fit, avec Ullmann, une tournée en Europe et Orient : Gand, Anvers, Amsterdam, Vienne, Bucarest, Constantinople, Athènes, Alexandrie, Le Caire et Bruxelles.
Il fit jouer :
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La pèlerine écossaise
(1914)
Comédie en trois actes
À Dinard, dans leur maison qui est loin de tout, Françoise, une «pèlerine écossaise» très usagée sur les épaules, mène avec son mari, Philippe, une existence conjugale sans histoires. Le train-train quotidien ne leur apporte plus les «épices» nécessaires à des échanges amoureux. Ils vivent tranquillement leur bonheur... Peut-être trop tranquillement. La présence d'un jeune voisin, Marcel, et la venue d'un couple, Adolphe et Huguette, viennent bouleverser leur bel équilibre, déchaîner tous les éléments qui, normalement, mènent tout d'abord au flirt puis à la tentation de l'adultère, qui atteint Françoise et Philippe, pourtant si heureux en ménage. La faute à qui? La faute à quoi? «La pèlerine écossaise» prend alors une importance inattendue. Mais la jalousie est une bonne chose, et les découvertes mutuelles que font Françoise et Philippe, dans ce domaine, leur font rapidement découvrir qu'ils n'avaient jamais cesser de s'adorer.
Commentaire
Sacha Guitry entendait démontrer que le mariage est la mort de I'amour. Avec une insolente liberté de ton et un extraordinaire sens du dialogue, il allia cruauté et grâce, amère philosophie et éclats de rire.
Il écrivit : «Comptez-vous vous présenter à la mairie? - Oui, à cause des mariages ! - Qu'est-ce que vous direz aux fiancés? - Je leur dirai : "Avez-vous bien réfléchi?"»
La pièce fut créée au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 15 janvier 1914, Sacha Guitry (Philippe) jouant avec Charlotte Lysès (Françoise).
Elle confirma sa notoriété.
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Le 27 mars 1914, Sacha Guitry, malade, dut cesser de jouer.
Cependant, il présenta :
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Deux couverts
(1914)
Comédie en un acte
Un père, qui a peut-être autrefois négligé son fils unique, orphelin de sa mère, au jour des résultats du baccalauréat, prend en plein visage l'affront de l'ingratitude et de l'insouciance de son fils qui a échoué. Le renvoyant comme il renvoie sa maîtresse, il dîne seul, et ce repas signifie la fin de sa vie, triste et amère.
Commentaire
Cest une de ces comédies tendres où Sacha Guitry sut parler joliment et avec humour de la relation père-fils, du conflit entre générations, ce qui fait que cela ne tourne pas au drame.
Elle fut créée le 30 mars 1914, à la Comédie-Française.
En 1935, elle fut adaptée au cinéma par Léonce Perret.
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La maladie
(1914)
Journal
Sacha Guitry décrit la maladie quil avait connue.
Commentaire
Cétait un cahier autographe qui fut publié en fac-similé, avec la curieuse injonction de ne rien modifier au texte original. Sacha Guitry nota ses perceptions, constatant : «Ah ! quel champ dexpérience je suis !» Mais on trouve des pages blanches dans lesquelles il eut seulement la force de noter la date et sa température de plus en plus élevée. Il en raya dautres, puis écrivit en diagonale : «Avez-vous lu ces quatre pages qui sont barrées dun grand trait noir? Il faut les lire car elles sont édifiantes !» Le texte ne montre de lesprit et de la lucidité que dans la mesure où il y eut des phases datonie.
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La jalousie
(1915)
Comédie en trois actes
Albert Blondel est un homme de quarante ans, qui n'est pas mal de sa personne et qui est élégant, un juge respectable qui, après huit ans de mariage sous le sceau de la fidélité, a pris la détestable habitude de rentrer chez lui tous les soirs à exactement dix-neuf heures. Or, un jour quil est en retard dune demi-heure, et quil est occupé à construire un mensonge qui devrait lexcuser auprès de Marthe, sa jeune épouse, il saperçoit quelle non plus nest pas rentrée ! Immédiatement, le doute sinstalle en lui : il se voit trompé, senfonce dans la divagation masochiste. Et cette jalousie envahissante, incontrôlée, obsessionnelle, va inconsciemment pousser sa femme dans les bras dun amant idéal, lhomme de lettres Marcel Lézignan.
Commentaire
Née dune grande puissance dobservation, cest une pièce toute en finesse, pleine de ces bons mots chers à lauteur, mais qui dissimule un soupçon dâpreté sous une apparence de gaieté. Cest, en même temps, une de ces oeuvres sensibles où, parlant de lamour, Sacha Guitry laissa parler son coeur. Cest la pièce dont il disait être le plus fier, quon peut considérer comme son chef-d'oeuvre.
Elle fut créée le 6 avril, au Théâtre des Bouffes-Parisiens. Dans la causerie qui la précéda, Sacha Guitry expliqua pourquoi il se remettait à jouer en pleine guerre.
La pièce fut reprise en 1932 à la Comédie-Française, avec Sacha Guitry, Suzanne Devoyod et Gabrielle Robinne.
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Il faut l'avoir !
(1915)
Revue en deux actes et un prologue
Albert Willemetz retrouve Sacha Guitry, l'ami de son enfance, qui l'invite à Jumiège pour écrire cette revue. Albert y rencontre Octave Mirbeau et Claude Monet. Charlotte Lysès leur dit quelle vient d'admirer au Théâtre Antoine une jeune artiste, ajoutant : «Il faut la voir». Le lendemain, Sacha et Albert se rendent au théâtre, découvrent Yvonne Printemps, la grande diva de lopérette, et lengagent, le titre phonétiquement ambigu devenant : «Il faut l'avoir !».
Commentaire
La revue fut écrite avec Albert Willemetz.
La première eut lieu le 6 novembre, avec Raimu, Charlotte Lysès, Lamy, Marguerite Deval, Mondos et Yvonne Printemps.
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Cest sur la recommandation de Charlotte Lysès que Sacha Guitry était allé au Palais-Royal pour voir jouer, dans Le poilu, une jeune chanteuse pétillante et fort séduisante, Yvonne Printemps. Elle avait été la compagne de Georges Guynemer, avait été sacrée par Colette de «meilleure actrice d'opérette de son temps», Anna de Noailles ayant dit delle : «Elle est ravissante, et, en plus, elle a avalé des oiseaux !». Elle ne manquait pas desprit («Les femmes préfèrent être belles plutôt quintelligentes parce que, chez les hommes, il y a plus didiots que daveugles.»). Elle avait un succès fou. Il avait été immédiatement subjugué. En lui offrant de beaux rôles dans ses pièces, il allait faire de cette chanteuse également une comédienne accomplie. Or, avant de le connaître, alors quelle avait une dizaine d'années et quelle faisait déjà montre d'un grand talent scénique, elle s'était moquée de son personnage prétentieux de «Monsieur Moâ» dans une revue des Folies-Bergères !
Il fit jouer :
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Une vilaine femme brune
(1915)
Comédie en un acte
Une jeune femme vient d'apprendre à tirer les cartes. Elle choisit son mari pour cobaye, lui révèle de gros ennuis financiers, et, surtout, la dame de pique tournant autour du roi de cur, devine qu'il a «une vilaine femme brune» dans sa vie. Son mari évoque fâcheusement leur amie, Germaine, et on croit deviner quil n'est pas tout à fait sans reproche. La «cartomancienne» pique une crise de colère jalouse, puis, avec beaucoup de sagesse, réussit à éviter le drame, en prétendant que son expérience nétait pas valable : elle n'avait pas le nombre de cartes désiré !
Commentaire
La pièce est délicieusement impertinente. Cest une brillante démonstration du fait que celui qui tend un piège risque de tomber dedans, surtout sil se laisse emporter par ses émotions.
Elle fut créée en 1915 au Théâtre des Variétés, avec Sacha Guitry et Charlotte Lysès.
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La méfiance de Sacha Guitry à légard du cinéma ne l'empêcha pas de tourner dabord Oscar rencontre Mademoiselle Mamageot, film de famille de 3 minutes 50, puis, pour réagir au Manifeste des intellectuels allemands, qui exaltait la culture germanique, et parce quil avait toutefois compris l'intérêt historique de la bande filmée :
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Ceux de chez nous
(1915)
Film documentaire de 22 minutes
Sacha Guitry, qui déclara : «Je rêvais d'une encyclopédie nouvelle...», réunit, «selon ses goûts» et pour impressionner la postérité, les plus grandes gloires de lépoque. Il les filma «dans leurs attitudes les plus familières, c'est-à-dire au travail, chaque fois que cela fut possible». Sans lui, on n'aurait jamais pu découvrir les gestes de : André Antoine, Sarah Bernhardt, Anatole France (qui classe ses livres), Octave Mirbeau et Edmond Rostand (qui se promènent dans un jardin), Camille Saint-Saëns, Edgar Degas, Claude Monet (qui peint au chevalet dans son jardin), Auguste Renoir (qui a, à son côté, son jeune fils, Claude, et se débat avec ses pinceaux), Henri-Robert, Auguste Rodin (qui sculpte un marbre), et de bien d'autres.
Commentaire
Le film était évidemment muet, mais Sacha Guitry avait pris soin de noter tout ce que disaient les prestigieux intervenants, et il le répéta mot pour mot lors des projections puisquelles étaient accompagnées d'une «causerie familiale faite par l'auteur, avec le concours de Charlotte Lysès». Il inventa ainsi la voix «off» et ce qui allait devenir la post-synchronisation et le doublage.
Le film fut présenté pour la première fois, à Paris, le 22 novembre 1915, au Théâtre des Variétés.
En 1939, Sacha Guitry en fit une version de 44 minutes, sonorisée avec un commentaire, et dans laquelle il ajouta des plans montrant son père, Lucien Guitry, qui ne figuraient pas dans la version de 1915.
En 1952, il produisit, pour une télévision encore à ses débuts, une version finale remaniée, qui dure 44 minutes, avec des plans de lui-même dans son bureau, qui présente et qui commente, tournés par Frédéric Rossif.
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Faisons un rêve
(1916)
Comédie en quatre actes
Le premier acte nous présente un mari et sa femme en train dattendre dans le salon dun monsieur qui les a conviés à venir à quatre heures moins le quart. Le mari, un Méridional gros et suffisant, simpatiente car il a, dit-il, un rendez-vous de la plus grande importance à quatre heures avec «un Américain du Sud» quil doit revoir le soir même. On comprend rapidement que cest dune femme quil sagit. Son épouse, fine, jolie, sensible, qui se moque toujours gentiment de lui, le questionne, car elle nest pas dupe, se doute fort bien quil sagit dun rendez-vous galant ; elle propose dailleurs subtilement à son mari de laccompagner à sa soirée. Comme il est quatre heures passées, le mari quitte lappartement. Surgit alors celui qui sappellera «Lui», beau garçon, avocat célibataire, riche et amateur de jolies femmes, «heureux de vivre, content des autres, enchanté de soi». Il avoue que ce rendez-vous nétait quun prétexte pour la voir, rester seul avec elle, et lui déclarer sa flamme. Il savait que son mari devait partir à quatre heures. Elle répond à son amour en acceptant de revenir dans son appartement le soir même.
Lacte II nest quun long monologue de «Lui». Il a fixé un rendez-vous à sa maîtresse qui ne lest pas encore, mais il doute, hésite, craint quelle ne vienne pas, imagine litinéraire quelle prend pour le rejoindre, passe par tous les sentiments, imite, singe, mime, se prend pour un autre, feint dêtre plusieurs.
À lacte III, les amants se réveillent, tendrement enlacés dans le lit. Hélas, la nuit est passée, tous deux se sont endormis, et il est déjà huit heures du matin ! Pour la femme, cest abominable, elle nose plus rentrer chez elle ; pour lamant, cest charmant : «Vous ne vous rendez pas compte que nous sommes en train de vivre des minutes incomparables
inoubliables». À court de mensonges, il lui propose le mariage. Lorsquelle est presque convaincue, on frappe à la porte, et cest le mari qui arrive. Elle se cache. Or son mari appelle «Lui» à laide. Lui aussi sest laissé aller à oublier lheure cette nuit, il a découché tout comme sa femme, et il nose pas rentrer à la maison. Lamant, rusé, lui conseille alors de partir deux jours à Orléans, et de téléphoner de là-bas à sa femme pour lui dire quil lui a menti en lui prétendant quil avait à voir un Sud-Américain, quil devait en fait soigner une vieille tante dOrléans. Ainsi, non seulement la femme sera sauvée, mais «Lui» pourra la recevoir pendant deux jours supplémentaires.
À lacte IV, les deux jours ont passé. La femme est seule. Elle rédige une longue lettre pour son amant momentanément sorti. Elle lui dit quelle ne peut rester avec lui, et veut retrouver son mari. Le rideau se ferme sur les retrouvailles entre les deux amants qui se font une joie de profiter des quelques heures quil leur reste.
Commentaire
Cest une très ingénieuse, poétique et charmante pièce dun boulevard intelligent, quelque chose de léger, dinsouciant, qui fit souffler un vent de jeunesse sur la scène parisienne, en plein temps de guerre.
La pièce réalise l'idéal classique par ses unités de temps, de lieu et d'action.
Le divertissement naît de ce simple trio amoureux délirant et fantasque, dune action qui se déroule entre quatre murs où se développent la séduction de l'amant et l'éblouissement de la femme. Personne nest épargné dans ce vaudeville quelque peu cynique et désenchanté, à la morale audacieuse. Mensonges et faux-semblants sont la clé de ce marivaudage mondain où la tromperie réciproque est montrée sans aucune honte, avec une manière de bonheur dans la sexualité immédiate, car on pratique le «carpe diem», la volonté de saisir le bonheur dans linstant.
Dans des dialogues ou un monologue (qui, innovation hardie, fait tout un acte, et exige une vraie prouesse dacteur), qui sont toujours pétillants et bourrés desprit, qui déploient le plaisir de la langue, Sacha Guitry exerça contre la femme, même sil lui fait exercer ici sa liberté, une verve particulièrement acérée.
On y lit :
- dans la bouche du mari : «Pourvu quelle ne soit pas malade !... Elles ont toujours quelque chose, cest vrai. On dirait quelles ont deux fois plus dorganes que nous !
Pourvu, surtout, mon Dieu, quelle nait pas réfléchi. Car elles ne font que des bêtises quand elles réfléchissent».
- dans la bouche du célibataire : «Être marié !... ça, ça doit être terrible. Je me suis toujours demandé ce quon pouvait bien faire avec une femme en dehors de lamour».
- dans la bouche des deux amants : «Elle Pourquoi nous serions-nous disputés? Lui Vous êtes mariés !»
La pièce fut créée au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 3 décembre 1916, avec Sacha Guitry dans le rôle de Lui, Charlotte Lysès dans celui dElle, et, dans celui du mari, Raimu qui fut ainsi lancé. Elle obtint un vif succès.
Sacha Guitry la reprit en 1931, au Théâtre de la Madeleine, avec Yvonne Printemps, devenue sa deuxième épouse, et Raimu qui garda, bien entendu, son rôle.
En 1936, il la porta au cinéma avec Jacqueline Delubac, sa troisième femme. Raimu était toujours là (on peut donc dire que, pour Sacha Guitry, les femmes passaient et que les amis restaient !), plus de vingt ans après la première représentation, Sacha Guitry retrouvait à l'écran son partenaire d'origine. Le monstre sacré du cinéma français confia que, face à Sacha Guitry et à son bagout, il n'eut d'autre ressource que de jouer sobrement pour se faire remarquer. L'accusation habituellement faite à Sacha Guitry de se contenter d'un cinéma de théâtre filmé est particulièrement inappropriée face à ce film : non seulement l'ouverture se pare d'un plan-séquence d'une longueur et d'une complexité rarement rencontrées, quinze artistes de première grandeur échangeant un spirituel dialogue, mais la scène d'attente du personnage de Sacha Guitry est également l'objet d'un plan surprenant, l'acteur tournant autour de la caméra pendant que celle-ci le suit... sur 360° ! Non seulement la chose était contraire aux «règles» tacites de réalisation, mais elle nécessitait une maîtrise technique assez remarquable, les lumières et la machinerie ayant l'obligation de tourner en même temps que le personnage pour rester hors champ. Il reste que la suite nest guère cinématographique, car il y a des plans entiers où Sacha Guitry reste seul à monologuer, dans une langue éblouissante toutefois.
En 1957-1958, la pièce fut jouée, au Théâtre des Variétés, par Robert Lamoureux (Lui), Danielle Darrieux (Elle), Louis de Funès (le mari).
En 1981, elle fut mise en scène au Théâtre de l'Athénée par Jacques Sereys, avec André Dussollier (Lui), Annie Sinigalia (Elle), Gérard Lartigau (le mari) ; dans une mise en scène de Michel Roux, avec Jean-Pierre Cassel.
En 1986, au Théâtre Saint-Georges, Jacques Rosny la mit en scène, avec Claude Rich (Lui), Annie Sinigalia (Elle), Pierre Maguelon (le mari) ;
En 1994, elle fut mise en scène par Nathalie Martinez.
En 1996, un téléfilm fut réalisé par Jean-Michel Ribes, avec Pierre Arditi (Lui), Dominique Blanc (Elle), Ticky Holgado (le mari).
En 2000, la pièce fut mise en scène par Nicolas Briançon.
En 2005, elle fut mise en scène, à la Comédie Bastille, par Sébastien Azzopardi, avec Sébastien Azzopardi (Lui), Valérie Even ou Elisa Sergent (Elle), Frédéric Imberty (le mari).
Le 3 novembre 2007 fut retransmise en direct à la télévision, depuis le Théâtre Édouard-VII de Paris, la mise en scène de Bernard Murat avec Pierre Arditi (Lui), Michèle Laroque (Elle), François Berléand (le mari).
En 2007-2008, la pièce fut mise en scène, au Théâtre de La Loge, par Guillaume Bienvenu, avec Guillaume Rumiel (Lui), Éva d'André (Elle), Pierre Prunel (le mari) ;
En 2008-2009, elle fut mise en scène, au Théâtre Édouard-VII, par Bernard Murat, avec Pierre Arditi (Lui), Clotilde Courau (Elle), Martin Lamotte (le mari) ;
François Truffaut, critique sévère, tenait la pièce pour absolument parfaite.
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Jean de la Fontaine
(1916)
Comédie
Acte I : scène de la vie conjugale, en 1654, à Château-Thierry, dans la maison natale de Jean de La Fontaine.
Déçue par son mari, qui la trompe de façon éhontée, Madame de La Fontaine lui reproche de ne rien faire, de ne s'intéresser à rien, sinon à ses lectures. Elle se confie au capitaine Poignan, son amant. Elle ignore que son mari vient de terminer la rédaction d'une comédie en vers imitée de Térence, intitulée L'eunuque. Il survient. Constatant que la nature des mots échangés entre les deux amants l'oblige à se camper dans la posture du mari offensé, sans prévenir son épouse, qui ne doit rien savoir du dessous des cartes, il invite le capitaine Poignan à régler l'affaire sur le pré.
Acte II : scène de la vie de bohème, en 1672, dans le modeste appartement de Jean de La Fontaine, à Paris.
Séparé par une cloison de briques de Mademoiselle Certain qui occupe l'appartement voisin, La Fontaine a démonté une dizaine de briques afin de pouvoir communiquer directement avec la donzelle, et filer la romance avec elle. Mademoiselle Certain, dite «le rossignol», est une jeune chanteuse d'opéra, élève de Lully. La Fontaine, qui se déploie ici dans le style tendre, compose pour elle des vers inspirés par la différence d'âge, empreints d'une douce mélancolie. Madame de La Sablière survient. La Fontaine lui dédie les vers qu'il vient d'écrire pour Mademoiselle Certain. Madame de La Sablière lui offre de résider à l'avenir en sa vaste demeure. Il accepte.
Acte III : scène d'explication entre époux.
Tout juste arrivée de Château Thierry, Madame de La Fontaine survient. Elle reproche à son mari de la fuir, et souhaite renouer avec lui. Se rappelant l'histoire de leur mariage, ils tentent d'éclaircir la nature de leur différend. Madame de La Fontaine, qui, à la suite du mariage du capitaine Poignan, voudrait bien retrouver une place au côté de son mari, lui promet de ne pas contrecarrer ses aventures, et se targue de pouvoir être désormais l'amie, la confidente dont il dit avoir toujours rêvé. Mais l'arrivée d'une autre dame attendue lui révèle que son projet est insoutenable.
Acte IV : scène de vaudeville et «happy end» à l'envers, en 1673, dans le pavillon que Madame de La Sablière a fait aménager pour Jean de La Fontaine dans le parc de son hôtel particulier, à Paris.
Tandis que les invités de Madame de La Sablière, dont Ninon de Lenclos, assistent à une représentation donnée par Lully, La Fontaine, qui est resté dans son pavillon, fait porter une lettre à une dame dont il tait le nom. Il écoute un air de violon venu du parc, puis entend s'élever une voix ravissante qu'il reconnaît pour être celle de son «rossignol», désormais promu au rang de vedette par Lully. Ninon de Lenclos survient. Plaidant la cause de Madame de La Fontaine, elle tance le poète pour sa conduite, et lui ordonne de retourner vivre auprès de son épouse. S'ensuit un échange de propos venimeux, à la faveur duquel La Fontaine, persifleur, se rit de la vieille gourgandine, avant de lui révéler le coup qu'il prépare, le «happy end» de sa façon.
Commentaire
La pièce, qui est fondée sur une documentation très riche, empruntée aux historiens et à la chronique du temps, évoque assez fidèlement la vie et l'oeuvre du fabuliste. Mais Sacha Guitry prit toutefois quelques libertés avec la chronologie, prêtant à Mademoiselle Certain, née en 1662, un âge (dix-neuf ans) qu'elle ne pouvait pas avoir en 1672, date à laquelle Madame de La Sablière invita La Fontaine à venir résider auprès d'elle ; et La Fontaine ne pouvait pas non plus avoir quarante-quatre ans en 1672, puisqu'il est né en 1621. Cest que Sacha Guitry voulut que toutes les femmes évoquées dans la pièce puissent se croiser chez La Fontaine de façon plausible ; il plaça ainsi son héros au centre d'un dispositif panoramique qui lui représentait, dans le même espace, ce que sont les femmes et ce qu'elles deviennent, aux divers âges de la vie.
Au fil des mots qu'il lui prêta, Sacha Guitry, tissa un beau portrait de La Fontaine écrivain. Il le montra grand lecteur, amoureux des Anciens, Homère, Ésope, Virgile, Plaute, Térence, dont les figures peuplent son cabinet de travail. Il rappela aussi son goût pour Rabelais et Malherbe. Il évoqua l'apparente facilité, ou plutôt le rythme libre, secret, de cet écrivain que sa femme disait paresseux.
Sidentifiant à lhomme, il se plut à le montrer un mari infidèle qui se prétendait «mal marié» du fait de la volonté des parents, qui revendiquait la liberté d'aimer, au seul bénéfice des maris cependant. Soupçonnant l'infidélité de sa femme, il en fit potentiellement grief à toutes les épouses. Il observa par ailleurs qu'en sus d'être infidèles, les épouses sont mères, c'est-à-dire ennuyeuses. Il conclut à l'inhumanité du mariage. Opposant à l'artifice de l'institution le naturel du désir, il revendiqua, au titre du droit de vivre humainement, la liberté d'aimer où l'on veut, quand on veut. Étant toutefois lucide sur le sens de sa quête, lui, qui souffre à l'acte IV de rhumatismes, avoue à Ninon de Lenclos qu'il se sait voué à la douleur en guise d'ultime compagne, évoque à mots couverts la peur de vieillir, et, plus généralement, le sentiment de la brièveté de la vie. Cest peut-être dans cette pièce, où il tombe amoureux de son «rossignol» (Yvonne Printemps), que Sacha Guitry dévoila le plus ses propres sentiments.
La pièce, à la fois légère et grave, sonne juste. Plausibles dans la bouche du fabuliste, dignes du génie de ce dernier, les mots de Sacha Guitry font mouche. La fantaisie des situations, traitées dans le style du vaudeville, facilite, en la précipitant, l'expression de désirs et de craintes que la politesse commande généralement de dissimuler.
La pièce fut créée le 17 décembre 1916 au Théâtre des Bouffes-Parisiens, Sacha Guitry étant La Fontaine, Charlotte Lysès, son épouse, Yvonne Printemps étant Mlle Certain dite «le rossignol», car elle était une chanteuse dotée, dit-on, d'une «voix de rossignol», et, étant depuis peu la maîtresse de lauteur, obtint ici son premier rôle au théâtre.
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Le 14 avril 1917, au Théâtre des Bouffes-Parisiens, eut lieu la première de Le nouveau scandale de Monte-Carlo, comédie qui était la reprise, avec des modifications, du Scandale de Monte Carlo.
Ce même mois, Sacha Guitry et Charlotte Lysès se séparèrent. Elle avait créé dix-neuf pièces de son mari, et nallait plus jamais jouer à son côté.
Il fit jouer :
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Un soir quand on est seul
(1917)
Fantaisie en un acte et en vers libres
«Lui» est tiraillé par «sa mémoire», tenté par «sa fantaisie», remué par «sa conscience», secoué par «sa volonté», ne sait plus où s'enfermer pour échapper à sa vieille épouse. Puis il y a un autre «Lui» incorrigible charmeur, bon vivant, sincèrement gai, beau parleur... qui se lance à la conquête d'une jeune épouse.
Commentaire
La pièce fut créée le 2 juin 1917 aux Bouffes-Parisiens, en même temps que Chez la reine Isabeau et que Un type dans le genre de Napoléon, avec Sacha Guitry (Lui), Pierrette Madd (sa mémoire), Gaby Morlay (sa fantaisie), Jane Iribe (sa conscience), Lucy Barlow (sa volonté).
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Chez la reine Isabeau
(1917)
Comédie en un acte
On visite le château du comte de Charençay et son mobilier ancien. Mais les visiteurs et les gardiens de ces trésors ont des façons un peu particulières de les apprécier.
Commentaire
La première eut lieu le 2 juin 1917 aux Bouffes-Parisiens, en même temps que celle de Un soir quand on est seul et de Un type dans le genre de Napoléon.
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Un type dans le genre de Napoléon
(1917)
Comédie en un acte
Après un an et demi de séparation, un homme s'introduit chez son ancienne maîtresse qu'il n'a plus vue depuis un long moment. Se vantant d'être «un type dans le genre de Napoléon», ce qui signifie pour lui avoir horreur du mensonge, il lui rapporte un paquet de lettres damour découvert le jour même derrière un meuble, et prouvant qu'il a été trompé non seulement trois fois, comme il le pensait, mais une quatrième. Situation intolérable ! Il veut lui faire avouer cette vieille infidélité qu'elle lui aurait toujours cachée. Il use de tous les stratagèmes amoureux pour connaître la vérité. Il exige de connaître tous les détails. Mais il ne trouve en fait que ce qu'il ne pouvait, et surtout tout ce qu'il ne voulait pas voir, pardonne généreusement, et se retire !
Commentaire
Avec cet ex-amant qui est un maniaque du pardon ou un cabotin de l'amour, Sacha Guitry nous place face à nous-même et face à notre propre recherche de vérité, à notre propre révélation.
Mais cest amusant, c'est charmant !
La première eut lieu le 2 juin 1917 aux Bouffes-Parisiens, en même temps que celle de Un soir quand on est seul et de Chez la reine Isabeau.
La pièce fut à laffiche en 2007 pour le cinquantième anniversaire de la mort de Sacha Guitry.
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Charlotte Lysès ne joua pas ces trois pièces, et nallait plus jouer au côté de Sacha Guitry.
Le 25 juin 1917, lui et Yvonne Printemps s'installèrent 30 rue Alphonse-de-Neuville.
Il fit jouer :
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L'illusionniste
(1917)
Comédie en trois actes
Teddy Brooks manipule aussi bien les cartes que le cur des femmes. Invité chez un couple de bourgeois, afin de faire quelques tours de prestidigitation pour eux et leurs amis, il ne trouve pour public que Jacqueline, la maîtresse de maison, qui sest arrangée pour être seule avec lui qui vient donc dêtre berné. Lillusionniste va devoir réussir son plus beau tour de passe-passe, sil veut arriver à ses fins, en loccurrence séduire la maîtresse des lieux, lui offrir lillusion de lamour, mais dans le seul but de coucher avec elle.
Commentaire
Cette pièce pétillante montre la difficulté de donner lillusion, de faire croire à lautre que le rêve est possible, pour pouvoir arriver à ses propres fins. On voit que le rêve est détourné à des fins personnelles, que lamour nest que chimère. La morale de la pièce est que lillusionniste, sil crée le rêve, est lui-même prisonnier de son propre piège.
On peut aussi y voir une réflexion sur le théâtre, où Sacha Guitry, pour qui la vie c'était le théâtre et dont le théâtre se nourrissait de sa vie, y parle si merveilleusement de l'art dramatique qu'il laisse entendre que, finalement, là était son vrai grand amour.
La première eut lieu le 28 août 1917. Yvonne Printemps y tint le premier rôle féminin.
La pièce fut reprise en 1989 par Corinne Le Poulain et Jean-Claude Brialy.
En 2010, elle fut jouée au Théâtre du Ranelagh.
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En décembre 1917, Sacha Guitry sintéressa au cinéma en écrivant un scénario : Un roman d'amour et d'aventures (1918), et en jouant avec Yvonne Printemps dans le film qui fut tourné par Louis Mercanton et René Hervil.
Mais il revint au théâtre avec :
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Deburau
(1918)
Comédie en quatre actes et un prologue, en vers libres
Jean-Gaspard Deburau, né à Neuköln, en Bohême, le 31 juillet 1796, fut non seulement un mime fameux, mais le véritable créateur du personnage de Pierrot.
Le prologue nous le montre mime encore obscur, marié et sage.
Au premier acte, il est le Pierrot du Théâtre des Funambules, qui a été quitté par sa femme, qui ne lui a laissé que son enfant et sa chienne, parce quil éprouve un amour fou pour Marie Duplessis. Or, heureux davoir fini son spectacle, il se précipite chez elle pour la trouver en conversation avec Armand Duval qui vient de lui être présenté, et qui fera delle le modèle de La dame aux camélias. Il comprend que ce qui est un grand amour de sa part nest quune passade pour elle.
Au deuxième acte, il a vieilli de sept ans, néprouve même plus le désir de triompher sur scène, délaisse le théâtre, et regarde, aigri, défiant, malade, creusé, agité à la fois de fièvre et de rancune, grandir un fils charmant qui est un adolescent dune grâce aérienne et impatiente, qui lui ressemble comme un rival.
Au troisième acte, le vieux mime, lapidé sur la scène des Funambules, abdique en faveur de son fils.
Au quatrième acte, dans un dernier sursaut, il retourne au théâtre pour y assister aux débuts de son fils, qui reprend son rôle de Pierrot. Il le maquille, le conseille et lhabille lui-même pour la première bataille.. Après quoi il meurt, le 18 juin 1846.
Commentaire
Sacha Guitry partit de données historiques. Ainsi, parmi les spectateurs de Deburau, on voit Victor Hugo, George Sand et Musset. Pour décrire la pantomime Marchand dhabits jouée au premier acte par Deburau, il se servit du texte de Théophile Gautier (La revue de Paris du 4 septembre 1842). Il fit lire, par les comédiens du Théâtre des Funambules, larticle de Jules Janin sur Deburau, paru dans Le journal des débats.
Mais, pour ajouter un attrait supplémentaire, il imagina lintrigue amoureuse, et composa ainsi une comédie tendre.
En fait, le personnage du mime fameux servit de prétexte à glorifier «le plus beau métier du monde», celui de comédien. Élargissant le sujet, Sacha Guitry, qui était alors brouillé avec son père, en profita pour parler joliment de la relation père-fils (dailleurs, les deux hommes se réconcilièrent, et, désormais, tous les rôles de Lucien Guitry allaient être écrits par son fils), pour méditer sur la vieillesse et le renoncement.
Vers libres et prose rythmée alternent dans une écriture d'une belle aisance.
On y entend : «Souviens-toi que les professeurs sont tous mauvais / Et, quand on est doué, qu'ils sont des criminels. Car ils n'enseignent jamais / Hélas ! que leurs défauts.»
La pièce fut représentée pour la première fois sur la scène du Théâtre du Vaudeville, le 9 février 1918. Yvonne Printemps y apparut au côté de Sacha Guitry. Le 10 février 1918, dans Léclair, Colette, qui entretenait avec Sacha Guitry des liens damitié, lui consacra une première chronique à propos de cette pièce, parlant dabord de son «obsession versificatrice», puis admirant sa «patte assurée de peintre et de grime qui travaille en parlant».
En 1951, la pièce fut adaptée pour l'écran par Beaumont.
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Le 8 mars 1918, Sacha Guitry et Yvonne Printemps déjeunèrent avec Lucien Guitry dans son hôtel particulier du 18, avenue Élysée-Reclus, à lombre de la Tour Eiffel.
Sacha Guitry fit jouer :
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La revue de Paris
(1918)
Revue en quatre actes
Est intéressant en particulier le quatrième acte, qui consacré aux théâtres de Paris. Il comprend cinq tableaux : l'Opéra, la Comédie-Française, l'Opéra-Comique, le Vaudeville et le Casino de Paris. Dans le tableau intitulé Au Vaudeville, Sacha Guitry parle à une femme représentée par un mannequin, se livrant à une subtile parodie de lui-même, de son pouvoir de séduction par le langage : il lui parle adroitement et passionnément, passe du vouvoiement au tutoiement, imagine leur liaison, puis leurs voyages à travers l'Europe, l'Asie Mineure (où il la «débauchera»), le Japon, la Birmanie (où il lui apprendra à faire des vers, puis des tours). Cependant, il lui annonce : «En rentrant [...] je te plaquerai, et sitôt que je t'aurai plaquée, je ferai une pièce sur tout ce que je t'aurai dit, en coupant soigneusement ce que tu m'auras répondu... Car hélas ! [...] tout ce que je fais tourne en littérature, tout ce qui m'arrive, je le note... [...] Car j'en ferai, vois-tu, des pièces, j'en ferai sur n'importe quoi... j'en ferai même sur rien du tout... je ne peux pas m'empêcher d'en faire» ; il lui présente la vie «comme une roue» qui tourne et «qui m'entraîne loin de toi [...] que j'adorais il y a cinq minutes encore... et que déjà j'aime un peu moins, depuis que j'ai pensé au jour fatal où j'aurai complètement cessé de t'aimer ! [...] Et puis-je ne pas [...] m'efforcer d'écourter une liaison... que je veux espérer passagère pour toi, dans ton propre intérêt [...]. La vue de ton chagrin me serait bien plus insupportable que ne me serait agréable la vue de ton plaisir ! Prive-toi d'un plaisir pour t'éviter un chagrin ! [...] Ayons donc la force de nous séparer alors qu'il en est temps encore !... Séparons-nous tout de suite... Hein? veux-tu?»...
Commentaire
La revue a été écrite avec la collaboration dAlbert Willemetz. Le 3 octobre 1918, elle fut créée au Théâtre du Vaudeville.
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Le 18 juillet 1918, Sacha Guitry et Charlotte Lysès divorcèrent.
Il présenta :
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Pasteur
(1919)
Pièce en cinq actes
Cest lévocation de la vie du célèbre biologiste français (1822-1895), qui navait quune passion : la recherche scientifique. Étant à contre-courant, se heurtant au conformisme et aux préjugés, il dut lutter contre l'Académie de médecine pour lui faire accepter ses idées sur l'existence d'un infiniment petit contre lequel on peut lutter par l'asepsie. La solitude fut donc son lot quotidien. Mais sa foi en la science le mena au succès lors de l'inoculation, à Arbois, en 1888, du vaccin antirabique de son invention à Joseph Meister, un enfant mordu par un chien enragé. Sa vieillesse fut auréolée de la gloire quand, en 1892, dans la galerie qui précède l'amphithéâtre de la Sorbonne lui, qui avait soixante-dix ans, fut entouré de gens qui le regardaient avec émotion et respect, et lui disaient : «Merci ! Merci ! Merci !»
Commentaire
Dans sa préface, Sacha Guitry indiqua : «C'était en lisant le beau livre de M. René Vallery-Radot que l'idée m'était venue de faire une pièce sur Pasteur. Souvent j'y pensais, mais l'interprétation théâtrale d'un tel personnage me semblait impossible et j'étais sur le point de renoncer à ce projet lorsque mon père me fit l'honneur de me demander de lui faire une pièce. L'idée de "Pasteur" me revint à l'esprit et je relus le livre qui m'avait enthousiasmé trois ans auparavant. En retrouvant ces pages magnifiques, mon émotion fut bien plus grande encore qu'elle ne l'avait été. Il m'a semblé alors que j'avais le droit d'entreprendre un travail pour lequel je me sentais un irrésistible désir....»
Dans cette pièce, qui est à la fois un hommage rendu au grand homme de médecine et un cadeau offert par Sacha Guitry à son père, qui exprime toute l'admiration quil portait à ces deux hommes, il délaissa son ton mordant pour adopter, dans son élégante écriture, un ton humble et admiratif, donnant libre cours à sa passion pour l'Histoire et les personnages historiques. Il nous montre en Pasteur un savant brillant, soucieux du bien commun, sûr du chemin à suivre, combatif à lAcadémie de médecine pour faire admettre lintérêt de ses recherches et de leurs résultats, intraitable dans ce domaine mais sensible et plein dhumanité avec Joseph Meister.
Quand, dans une scène, Louis Pasteur déclare à ses confrères : «Messieurs, je sais que je n'utilise pas le style conventionnel auquel vous êtes habitués», la phrase semble destinée par Sacha Guitry aux critiques qui le dénigraient depuis ses débuts.
La pièce fut créée le 25 janvier, le rôle de Pasteur étant tenu par Lucien Guitry, tandis que Sacha et Yvonne ne jouant pas, se tinrent dans la salle, auprès de la fille du grand savant.
En 1935, Sacha Guitry adapta la pièce pour l'écran, en la reprenant à peu près plan par plan, et réalisa enfin son premier film, sous le contrôle technique de Fernand Rivers.
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Le 10 avril 1919, Sacha Guitry épousa Yvonne Printemps, avec comme témoins Sarah Bernhardt, Georges Feydeau, Tristan Bernard et Lucien Guitry (avec lequel il venait juste de se réconcilier). Ce fut aussi un mariage du talent, de la grâce et de I'esprit. Et allaient suivre douze années dune collaboration théâtrale fructueuse, qui enchanta Paris puisquil écrivit sur mesure pour elle plusieurs comédies musicales à très grand succès, quelle allait créer trente-quatre de ses pièces, en reprendre six autres et jouer dans un de ses films. Il l'appelait «Von», et veillait à ce qu'elle vécût dans un luxe incroyable (Cadillac avec chauffeur !), non seulement dans lhôtel particulier du Champ de Mars mais aussi dans une villa au Cap d'Ail dont le mât affichait, quand ils y séjournaient, un drapeau blanc brodé de leurs initiales. Dautre part, le peintre quil était fit delle un beau portrait.
Ils jouèrent ensemble dans :
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Le mari, la femme et l'amant
(1919)
Comédie en trois actes
Au cours dun dîner, Frédéric Audouin, exaspéré par loeil envieux que son ami, Jacques Ménard, porte à son épouse, Janine, le prie de sortir de chez lui immédiatement. Lautre, offensé par cette accusation injustifiée, semporte, et le ton ne tarde pas à monter, jusquà la gifle irrémédiable. Le prétendu cocu est-il réellement trompé par sa femme ou uniquement par les apparences?
Commentaire
Cest une de ces comédies d'intrigue où Sacha Guitry se joua du triangle amoureux, où hommes et femme vont au bout de leur duplicité. La verve intarissable de lauteur de cette maxime, «Dans un couple, il y a toujours trois personnes», sen donna à coeur joie.
La première eut lieu le 19 avril 1919, sur la scène du Théâtre du Vaudeville, avec Sacha Guitry (Jacques Ménard), Janine Audoin (Yvonne Printemps), Jean Périer (Frédéric Audoin).
En 1936, la pièce fut adaptée pour l'écran.
En 1998, elle fut reprise, au Théâtre des Variétés, par le metteur en scène Bernard Murat qui joua avec Pierre Arditi et Évelyne Bouix.
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Mon père avait raison
(1919)
Comédie en trois actes
Sont en présence trois générations de Bellanger, bourgeois installés. Dabord, il y a le grand-père, Adolphe, hédoniste heureux, bien «décidé à profiter de la vie», qui vante à Charles, son fils, la joie du mensonge («cest une volupté qui n'est limitée que par la crédulité des autres, alors tu vois, ça peut aller très loin...»), la bonne vie («Pour moi, le tabac est brun, le vin est pur, le gigot est à l'ail et les femmes sont jeunes !») et le bonheur d'être seul maintenant quil vient dêtre quitté par sa femme ; il déclare ne croire ni à lhonnêteté ni au devoir. Le jeune garçon est ébahi et scandalisé par cet allègre cynisme.
Puis on voit Charles à trente ans, alors quil a été abandonné brusquement par son épouse, Germaine, élever son propre fils, Maurice, dans une méfiance à légard des femmes, dans une prudence à l'égard de l'amour, peu appréciées par la jeune Loulou.
On voit enfin Charles à l'âge de cinquante ans, faisant à Maurice, maintenant adulte, cet aveu : «Je tai menti moi-même le jour où je tai dit que cétait très grave daimer».
Commentaire
Cette comédie particulièrement brillante, à mi-chemin entre le théâtre de boulevard et la fable philosophique, riche en discussions et réflexions sur la vie, les femmes, le mensonge, l'hérédité, le bonheur, est caractéristique du «ton Guitry» : ironie, mordant, sens de leffet et, bien sûr, misogynie. À coups de bulles, de facéties, avec l'unique dessein de nous amuser, il nous propose finalement une vision réconciliée de la condition paternelle.
Il sy souvint de son enfance à la fois chahutée et douce à l'ombre de son père. Le rapport entre Charles et son fils devait laffecter de deux manières : il lui rappelait ses propres liens avec son père, et lui renvoyait sa cruelle absence d'enfants malgré trois mariages successifs. On retient de cette pièce de réels moments d'émotion, plutôt rares au milieu de l'affectation et de l'humour permanent qui règnent d'habitude dans son théâtre. Cependant, elle ne manque pas pour autant d'être drôle, et de distiller une anti-morale typique du malicieux auteur. ...
On y trouve des discussions, des discussions, des discussions... Des perles d'humour et des perles de vérité à la louche. On y lit :
- «Le plaisir de mentir, c'est une des grandes voluptés de la vie.»
- «La réalité, quelle quelle soit, est bien plus belle que lillusion.» (dit Adolphe).
- «Si tu savais comme on a besoin de peu de chose pour être heureux.» (dit Adolphe).
- «Il y a des gens qui parlent, qui parlent - jusqu'à ce qu'ils aient enfin trouvé quelque chose à dire.»
- «La morphine a été inventée pour permettre aux médecins de dormir tranquilles.»
- «Les femmes sont faites pour être mariées et les hommes pour être célibataires. De là vient tout le mal.»
- «Les femmes n'ont pas d'âges... elles sont jeunes... ou elles sont vieilles !... Quand elles sont jeunes, elles nous trompent... Quand elles sont vieilles, elles ne veulent pas être trompées !...»
Scellant ainsi leur réconciliation après plusieurs années dune brouille causée par le mariage avec Charlotte Lysès, Sacha Guitry joua en compagnie de son père (la succession des situations dans le temps leur permettait déchanger leurs rôles, d'interpréter successivement le grand-père et le père, puis le père et le fils). Ils partagèrent I'affiche avec Yvonne Printemps.
La première eut lieu le 8 octobre, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Sacha Guitry déclara plus tard : «Ce fut le plus beau soir de ma vie». Il obtint une véritable consécration. La dernière représentation eut lieu le 21 janvier 1920.
En 1936, Sacha Guitry adapta sa pièce au cinéma. Lucien Guitry étant mort en 1925, il dut repenser la façon de distribuer les rôles : il se rajeunit donc pour reprendre celui de Charles Bellanger à trente ans, et mit une paire de lunettes pour lincarner plus âgé.
En 2007, pour le cinquantième anniversaire de la mort de Sacha Guitry, la pièce fut à laffiche, mise en scène par Bernard Murat au Théâtre Édouard-VII, avec Claude Brasseur et son fils, Alexandre, dans les rôles principaux.
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Le 19 décembre 1919 fut inauguré le Théâtre des Mathurins. Au cours de la soirée, Sacha et Yvonne interprétèrent Un type dans le genre de Napoléon.
Il présenta :
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Béranger
(1920)
Comédie en trois actes et un prologue
Elle relate des épisodes de la vie de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), auteur de chansons. Au prologue, ses parents layant abandonné, il est chez une nourrice qui, nayant plus de lait, le calme avec du pain trempé dans du vin, et en lui chantant des chansons de la vieille France. En 1813, dans une guinguette où vient parfois Talleyrand pour courtiser la servante, Lisette, il chante la chanson Le roi dYvetot qui promet la paix des rois ; le conseiller de Napoléon, qui prévoit sa chute, lui propose de le servir, mais Béranger, qui est républicain, refuse. En 1828, cet opposant à la Restauration, part en prison, renvoyant une autre Lisette, tandis que réapparaît Talleyrand qui, prévoyant cette fois-ci la fin des Bourbons, sollicite de nouveau ses services, et essuie un autre refus. Enfin, en 1848, devenu vieux, Béranger revient à la guinguette où se trouve une troisième Lisette quil passe à un conspirateur qui prépare la révolution.
Commentaire
Sacha Guitry rendit un hommage musical au chansonnier, et la pièce, plus qu'une fresque historique, est une comédie musicale. Mais il y brocardait aussi l'actualité.
La pièce fut créée le 21 janvier sur la scène du Théâtre de la Porte-Saint-Martin, avec Sacha Guitry dans le rôle de Béranger, Lucien Guitry dans celui de Talleyrand, Yvonne Printemps dans celui de Lisette. Georges Pioch écrivit dans "Le populaire" : «Cette oeuvre est allègre, charmante, émue, non d'une véritable philosophie, mais d'une cordialité naturelle qui donne beaucoup et reprend peu. Deux vertus s'y opposent et s'y complètent, lesquelles sont présentes, d'ailleurs, dans presque toutes les comédies de cet auteur en qui s'épanouit nonchalamment le Don : une jeunesse d'accent qui semble devoir ne s'assoupir jamais, et une pensée précise, mélancolique, dolente, et vieille autant que la vie.»
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Du 10 mai au 12 juin 1920, Sacha Guitry joua à Londres, au "Aldwych Theater".
Le 17 juin, Nono fut repris au Théâtre des Mathurins, ce qui marqua la fin de la direction artistique de Sacha Guitry.
Le 13 septembre, Jean Guitry, le frère aîné de Sacha Guitry (dont on dit qu'il avait autant d'esprit que lui), mourut dans un stupide accident de voiture : il conduisait en portant un monocle ; son véhicule, passant sur un nid de poule, fit sursauter sa tête, et un morceau du verre brisé lui entra dans le crâne...
Sacha Guitry fit jouer :
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Je t'aime
(1920)
Comédie en cinq actes
Lhistoire se résume au défilé triomphant de deux jeunes mariés heureux qui ne se refusent rien : ni lamour, ni la richesse, ni lart de rire des jaloux, et que tout leur entourage jalouse. Sacha Guitry y déclare à Yvonne Printemps : «Comment les autres hommes peuvent-ils vivre sans toi?», y constate : «Cest épouvantable des gens qui saiment pour des gens qui ne saiment pas», et oppose à ses héros un couple fatigué par le temps, et un pique-assiette particulièrement ingrat.
Commentaire
Cette déclaration damour de Sacha Guitry à Yvonne Printemps touche par sa sincérité : il ne rit pas de lamour, il aime. Cependant, la pièce fait rire quand même par certains de ses tableaux caustiques. Mais elle est construite dune manière un peu lâche.
La première eut lieu le 12 octobre au Théâtre Édouard-VII.
En 2010, elle fut mise en scène, au Théâtre du Lucernaire, par Éric-Gaston Lorvoire, avec Gérard Lartigau, Valentine Sauca, Marie-Christine Danède, Jean-François Guilliet, Jacque Fontanel.
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Comment on écrit l'Histoire
(1920)
Comédie en deux actes
Sous le Second Empire, en contrepoint des batailles, Napoléon III courtise la chanteuse Mariette.
Commentaire
La pièce fut créée le 4 décembre au Théâtre Sarah-Bernhardt. Sacha Guitry jouait le rôle de Napoléon III, Yvonne Printemps, celui de Mariette.
Augmentée, la pièce allait, en 1936, devenir Mariette.
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Le 12 janvier 1921, Sacha Guitry fit une exposition de ses peintures chez Bernheim Jeune.
Il fit jouer :
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Le comédien
(1921)
Comédie en quatre actes
Jacques est un grand acteur âgé de cinquante ans qui tombe amoureux de Jacqueline, une admiratrice âgée de vingt ans, qui veut faire du théâtre. Il lui en fait faire, mais cela savère désastreux. Il se demande sil doit céder devant les exigences de la jeune ambitieuse, et la pousser à une carrière théâtrale, ou sil ne doit pas renoncer à cette liaison passionnelle. Il choisit le respect de son art, demeurant fidèle à sa profession de foi, exprimée dès le premier acte : «Il ne faut pas être amoureux du théâtre
il faut ladorer. Ce nest pas un métier, le théâtre, cest une passion !» Et, à la question finale de lhabilleuse : «Vous êtes seul?», il répond : «Oui
mais
jai rendez-vous demain soir
avec douze cents personnes.»
Commentaire
Sacha Guitry écrivit la pièce en hommage à son père, Lucien Guitry.
Cest aussi une pièce sur le théâtre où Sacha Guitry se livra si intimement et si complètement qu'elle remet en question le classement de ses priorités. Car cet homme, pour qui la vie, c'était le théâtre, et dont le théâtre se nourrissait de sa vie, y parla si merveilleusement de l'art dramatique qu'il laissa entendre que, finalement, là était son vrai grand amour.
La pièce fut créée par Lucien Guitry et Falconetti, le 21 janvier, au Théâtre Édouard-VII.
En 1938, au Théâtre de la Madeleine, Sacha Guitry tint le rôle, et joua avec Jacqueline Delubac.
En 1947, il ladapta pour l'écran.
En 1996, Christian de Chalonge en donna une autre adaptation cinématographique, avec Michel Serrault, Charles Aznavour et Maria de Medeiros.
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Le grand-duc
(1921)
Comédie en trois actes
Monsieur Vermillon, un nouveau riche, veut que sa fille, Marie, reçoive la meilleure éducation. Pour cela, il engage comme professeur de bonnes manières le grand-duc Feodor, qui a été chassé de Russie par la révolution. La professeuse de chant, Mademoiselle Martinet, conseille l'engagement d'un professeur de danse, le jeune Michel-Alexis. Or Michel-Alexis est le fils de Mlle Martinet, qui est elle-même l'ancienne maîtresse du grand-duc. Et M. Vermillon est amoureux de Mlle Martinet...
Commentaire
Sacha Guitry se souvint du Bourgeois gentilhomme de Molière.
La première eut lieu le 13 avril, au Théâtre Édouard-VII. Lucien Guitry (le grand-duc), Sacha (Michel-Alexis) et Yvonne (Marie Vermillon) jouèrent ensemble.
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Jacqueline
(1921)
Pièce en trois actes
Commentaire
La pièce fut tirée de la nouvelle Morte la bête de Henri Duvernois.
La première eut lieu le 5 novembre. Lucien Guitry tint le premier rôle. Faisons un rêve compléta le spectacle.
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En 1921, âgé de trente-six ans, Sacha Guitry, déjà atteint des maux qui allaient l'emporter trente ans plus tard, fit une première cure thermale (des bains de boue) à Dax.
Le 30 décembre, il présenta le concert d'inauguration de la TSF (transmission sans fil, la radio) à la Tour Eiffel.
Dès 1922, quand commencèrent les émissions par la radio, il y donna des chroniques.
Le 17 janvier 1922, il célébra, à l'Opéra, le tricentenaire de Molière, et fit jouer Chez Jean de La Fontaine le 17 février 1673, une pièce en un acte en vers où le fabuliste apprend la mort du dramaturge. Le 18, elle fut représentée au Théâtre Édouard-VII.
Il fit jouer encore :
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Une petite main qui se place
(1922)
Comédie en trois actes et un épilogue
Adrien Dorignac, médecin à la retraite, lassé de cette vie, décide de retourner à son activité professionnelle. Très peu encouragé par son épouse et son meilleur ami, il persiste tout de même à réaliser cette ambition. Se succèdent donc les patients et le personnel de la maison, qui mettent à l'épreuve son talent et son humeur.
Commentaire
Ce nest quune suite déclats de rire.
Le 4 mai, la pièce fut créée au Théâtre Édouard-VII. Elle eut cent soixante représentations jusquau 2 janvier 1623.
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Du 12 juin au 8 juillet 1922, Sacha Guitry fit, avec son père, une tournée à Londres.
En septembre, Paul Léautaud écrivit dans la Nouvelle revue française : «Jamais on ne célèbrera assez M. Sacha Guitry comme auteur dramatique. Il a tous les dons : la facilité, la langue, le naturel, linvention, la vérité, le renouvellement, la fertilité, la clarté, la sensibilité, lobservation, lémotion, et lesprit, lesprit par-dessus tout, lesprit sans lequel lintelligence nest quune chose pédante, lente et monotone. Il a aussi ce mérite, et cette sagesse ! de ne jamais sacrifier à l'actualité, de ne jamais s'occuper de la chose publique, ni de ces questions soi-disant sérieuses dont on nous rebat les oreilles, de ne jamais viser ni au moraliste ni au pédagogue. M. René Benjamin a eu bien raison de dire qu'il est notre Molière [
] Si le théâtre mis à part le théâtre lyrique, lequel nest pas forcément le théâtre en vers, a pour objet dintéresser en amusant, de faire rire en peignant la vie, de faire réfléchir en montrant les travers et les ridicules, cela sans discours, sans tirades, sans photos, sans thèse, par le simple jeu des répliques et le caractère des personnages, avec clarté et vérité et le vrai théâtre est cela sans conteste -, M. Sacha Guitry est le premier auteur dramatique daujourdhui... / Quant aux graves auteurs de pièces prétentieuses, qui le regardent sans doute avec dédain et le considèrent comme un simple amuseur, je leur dirai ce que jai déjà dit bien souvent : il est autrement difficile dêtre simple, spirituel et amusant que dêtre grave, discoureur et ennuyeux...»
Sacha Guitry fit jouer :
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Le blanc et le noir
(1922)
Comédie en quatre actes
Maladivement jalouse de son mari, Marcel, Marguerite Desnoyers décide de le tromper avec «le premier homme qui passe», en l'occurrence le chanteur-vedette qui se produit à l'hôtel. L'ayant reçu dans l'obscurité, elle ne peut se rendre compte quil est noir de peau. Neuf mois plus tard, naît un enfant de couleur et donc forcément adultérin. Mais, le mari, s'étant découvert une puissante fibre paternelle, ne peut admettre une telle situation, et, ayant évité que sa femme vît l'enfant, va froidement, via l'Assistance Publique, l'échanger pour un bébé blanc. L'épouse infidèle, n'ayant pas vu son rejeton «inadéquat», découvre avec transports son adorable poupon rose, et tout ira pour le mieux dans le monde parfait de cette riche et insouciante bourgeoisie.
Commentaire
La première eut lieu le 9 novembre au Théâtre des Variétés. La pièce eut cent douze représentations jusquau 11 février 1923.
Sacha Guitry filma un court épilogue de la pièce où il apparaît en tant qu'acteur.
En 1931, la pièce a été, sur un scénario et des dialogues de Sacha Guitry, portée à l'écran par Robert Florey et Marc Allégret, avec Raimu, dont ce fut le premier film parlant.
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On passe dans huit jours
(1923)
Comédie en un acte
La première dune pièce doit avoir lieu dans une semaine, et le directeur du théâtre rédige son communiqué de presse. Cependant, il y a un problème, la pièce est loin dêtre prête
Et il faudrait renvoyer une comédienne connue pour son sale caractère.
Commentaire
La pièce eut soixante-treize représentations au Théâtre des Variétés, du 11 décembre 1922 au 11 février 1923.
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Le 18 décembre, après avoir, au Théâtre Édouard-VII, répété jusqu'à la veille de la générale la pièce de Sacha Guitry, Sarah Bernhardt fut prise d'un malaise, causé par la maladie qui devait lemporter ; le soir, elle dut renoncer à paraître, et la représentation fut annulée. Lactrice fut remplacée par Henriette Rogers, dans :
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Un sujet de roman
(1923)
Pièce de théâtre en quatre actes
L'écrivain, qui a tous les défauts visibles et aussi les qualités profondes des écrivains, qui est fou de littérature, qui est misanthrope, qui refuse énergiquement la mode, les compromissions et la Légion d'honneur, qui est seul parmi des écueils ignorés de ses maîtresses, s'imagine mort, sa mémoire bafouée par les siens, se souvenant avec effroi des méfaits de son épouse qui, ayant voulu épouser celui qui était le favori des salons, de la gloire et des mondanités, était devenue hautaine, dédaigneuse, acariâtre. Résultat : ils sétaient déchirés. Elle l'obligea à écrire des romans de gare, lui fit endosser des articles qu'il n'avait jamais écrits, en contradiction flagrante avec ses idéaux antimilitaristes et libertaires. Mais, à l'acte III, il ressuscite et pardonne comme on se venge.
Commentaire
Inspirée par Octave Mirbeau et par le couple quil formait avec Alice Regnault, créée pour et par Lucien Guitry et Sarah Bernhardt, cest une grinçante comédie de moeurs, une pièce grave où l'esprit devient mordant, une oeuvre pessimiste dans la lignée de Mirbeau, une uvre qui traite du paradoxe de l'écrivain, qui oppose deux sortes décrivains : d'un côté, le nègre sans talent, huileux de flagornerie, sacrifiant à toutes les modes, et prêt à commettre des faux pour gagner quelque argent ; de l'autre, l'écrivain véritable, à la sociabilité défaillante, mais frappé par le génie et par la modestie.
La pièce permit aussi à Sacha Guitry dexprimer son extrême misogynie, car elle est faite de chamailleries et de mensonges, est le drame du couple mal assorti jusque dans ses sinistres conséquences.
Elle fut créée le 4 janvier 1923 au Théâtre Édouard-VII. Elle eut quarante-six représentations, jusquau 11 février 1923.
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L'amour masqué
(1923)
Comédie musicale en trois actes
Acte I
«Elle» a vingt ans. Elle est riche grâce à la libéralité de ses deux «protecteurs», le baron d'Agnot et le maharadjah, que, bien entendu, elle naime pas. Elle est tombée amoureuse dun jeune inconnu dont elle a dérobé le portrait chez un photographe. «Lui» a quarante ans (et même un peu plus). La photo, qui date de vingt ans, est la sienne. Prévenu par le photographe, il se rend chez «Elle» pour récupérer son bien. Elle croit quil sagit du père du jeune homme. Lui ne la contredit pas, et accepte pour son fils linvitation à un bal masqué birman quelle organise le soir même.
Acte II
Le prétendu fils arrive au bal masqué, ainsi que le baron et le maharadjah (flanqué dun interprète) et huit autres invités (quatre femmes et quatre hommes). Deux servantes, habillées comme leur maîtresse, devront se charger du baron et du maharadjah, tandis qu«Elle» passera la nuit avec «Lui».
Acte III
Chacun semble avoir mis la nuit à profit, notamment la seconde servante avec le baron d'Agnot. Par contre, le maharadjah est moins crédule, et cest avec linterprète que la première servante a passé la nuit. «Lui» est donc arrivé à ses fins, mais il ne sait comment avouer la supercherie. Cest une piqûre de rose qui fait découvrir la vérité. «Elle» ne prend pas ombrage de la différence dâge. Dailleurs, elle reste fidèle à ses principes, cest-à-dire davoir deux amants : pour loccasion, le père et le fils réunis en une seule personne.
Commentaire
Dans ce qui, à lorigine, devait sappeler "Jai deux amants", Sacha Guitry fut très en verve. Cest un texte effervescent où passe le souffle de liberté des Années folles. Il trouva un écho spirituel irrésistible dans la musique espiègle de Messager.
La pièce, créée le 15 février, au Théâtre Édouard-VII, procura un triomphe à Yvonne Printemps. Elle eut deux cent trente-deux représentations, jusquau 18 novembre 1923.
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En mars 1923, Sacha Guitry joua dans un film de Louis Mercanton et Léon Abrams, ''La voyante'', dont le rôle était tenu par Sarah Bernhardt qui mourut au cours du tournage (qui avait lieu chez elle, au 56 boulevard Pereire), le 26 mars 1923.
Du 28 mai au 23 juin, il fit une tournée à Londres avec Lucien Guitry et Yvonne Printemps.
Il fit jouer à Paris, à LAlhambra, du 24 août au 21 septembre, Un phénomène, parade en un acte, en vers, puis :
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Le lion et la poule
(1923)
Comédie en trois actes
Monsieur Le Vivier, qui a soixante-dix ans, est corpulent et a des cheveux blancs, aime ingénument, avec fougue, une jeune «poule». Il est contraint à la rupture, mais nest peut-être pas guéri de sa folie.
Commentaire
Une espèce de mélancolie s'insinue dès les premières scènes, et ne va que s'accentuant à mesure que nous connaissons l'âge et le cur du héros, car on pourrait croire que, à un tel âge, le cur ne vibre plus alors quil conserve toute sa fraîcheur, son immuable jeunesse, son incurable fragilité.
La pièce fut donnée au Théâtre Édouard-VII où elle eut cent six représentations du 19 novembre 1923 au 17 février 1924.
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Le 1er octobre, Sacha Guitry fut nommé au grade de chevalier de la Légion d'honneur (promotion Pasteur).
Il présenta :
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L'accroche-cur
(1923)
Comédie en six actes
Andrée Armand est dans un palace de Venise avec Mr Davis, un Américain qui l'entretient. Marcel, un individu peu recommandable, est tombé amoureux delle. Mais elle déteste sa moustache frivole et son accroche-coeur fantaisiste. Pour la conquérir, il commence par éloigner le riche Américain en demandant à son amie, Paulette, de le séduire. Puis, ayant rasé sa moustache et défait son accroche-cur, il pénètre dans la chambre dAndrée, cambriole ses bagages, vole ses bijoux et son argent. Sous sa nouvelle apparence, il lui fait alors la cour, et, lui assurant qu'il peut rattraper son voleur, l'invite à se joindre à lui pour faire le trajet, la traque se transformant en voyage sentimental. Un mois de bonheur se passe. Mais Andrée découvre la vérité. Pourtant, elle lui déclare son amour. Mais, craignant de gâcher cette belle idylle, il préfère y mettre fin. Par amour pour lui, elle tente de se suicider, et il n'en saura jamais rien.
Commentaire
Cette comédie romantique fut créée sur la scène du Théâtre de l'Étoile, le 20 décembre, avec Sacha Guitry et Yvonne Printemps. Elle eut soixante-dix représentations jusquau 17 février 1924.
En 1938, Sacha Guitry, sur le point de se séparer de Jacqueline Delubac, ne fut que le scénariste dun film de 85 minutes, aussi connu sous le titre Riviera Express, préférant déléguer la réalisation à un tiers, Pierre Caron, qui tourna avec Jacqueline Delubac et Henri Garat.
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En 1924, Sacha Guitry composa avec Albert Willemetz La revue de printemps, fantaisie-revue en trois actes et dix-neuf tableaux dont la première eut lieu le 6 mai, au théâtre de l'Étoile, et qui eut cent quarante-cinq représentations jusquau 24 novembre.
Il fit encore jouer cette année-là Une étoile nouvelle, comédie en trois actes où était repris le grand thème traditionnel de la conquête de la belle par lamoureux, malgré le mari. Pour Sacha Guitry, il sagissait évidemment de la conquête dYvonne Printemps. La première eut lieu le 6 décembre, au Théâtre Édouard-VII. Suivirent soixante-dix représentations, jusquau 1er février 1925.
En 1925, il présenta On ne joue pas pour s'amuser, comédie en cinq actes qui fut créée le 26 mars, au Théâtre Édouard-VII, avec Lucien Guitry dans le rôle principal quil tint jusquau 11 mai où elles furent interrompues du fait de son état de santé, les médecins lui interdisant de le reprendre. Puis elles se continuèrent jusquau 31 mai, pour un total de soixante-dix.
Lucien Guitry mourut le 1er juin.
Le 11 septembre, Nono fut repris. Le 25, Sacha Guitry, malade, dut cesser de jouer. Il ne reprit le rôle que le 3 octobre.
En 1926, il fit représenter :
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Mozart
(1926)
Comédie musicale en trois actes et en vers libres
Mozart trouble la société parisienne du baron Grimm, et séduit lépouse de celui-ci, madame d'Épinay.
Commentaire
La pièce fut composée sur une idée de Lucien Guitry.
Sacha Guitry se montra un historien un peu particulier, déclarant au sujet du musicien : «Ne nous avisons pas de le juger mais regardons-le tel quil est. Je ne suis pas un chercheur de tare. Et lhabitude de mettre de côté les défauts dun grand homme et de lautre ses qualités, comme on met doit et avoir dans les comptes de banque, cette habitude me paraît déplorable. Un homme se présente à nous que nous aimons pour son génie, nous devons le prendre tel quil est. Lidée de regretter quil soit bossu ou coléreux me semble puérile. Un ange est venu sur la terre. Oui, le 27 janvier 1756, un ange est venu sur la terre. Il naquit à Salzbourg en Autriche, cest un fait évident, et personne ne songerait à contester ce fait, et même je comprends que les gens de Salzbourg en conçoivent une immense fierté. Et pourtant, ce nest pas à Salzbourg seulement quil est né. Jamais lexpression venir au monde na eu plus de sens que le jour où cet enfant est né car le jour où naquit Mozart, il est venu au monde entier.»
Pour lui, Mozart, après avoir reçu dun inconnu la commande du Requiem, comprend, quand il est terminé et que linconnu ne reparaît pas, tandis que sa maladie le mène à la mort, quil la composé pour lui-même. Et il se fit une conception poétique de sa mort : «Le corps de cet être divin fut déposé peut-être ici, peut-être là, on na jamais pu savoir où. Miracle encore, dernier miracle qui nous permet de supposer quétant venu du ciel, il y est retourné.»
Par ailleurs, il senthousiasma encore : «Ô privilège du génie ! Lorsquon vient dentendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui.»
Yvonne Printemps interpréta le rôle du compositeur en travesti, et Sacha Guitry celui de Grimm, ce qui lui permit de lui parler sous ce masque des infidélités de son épouse, qui le tourmentaient : «Vous aimez mon enfant comme on aime à votre âge, vous êtes comme le papillon, et vous allez de lun à lautre sans penser à mal, je veux bien le croire. Et il se confiait à Mozart : «Si je te disais quun homme est malheureux précisément parce quon taime. Oui, malheureux, très malheureux. Sil te disait enfin que davance, il savoue vaincu par ta jeunesse, sil te disait que la tendresse quon te voue, il la partage et la comprend, en voudrais-tu savoir encore davantage? Non, nest-ce pas, certainement. Deux mots en disent plus, Mozart, quun long poème, à toi qui dis si bien Je taime avec deux notes seulement.» Il est bien certain que Grimm na jamais eu cette conversation avec Mozart.
La création eut lieu le 2 décembre 1925, au Théâtre Édouard-VII. Suivirent deux cent vingt représentations, jusquau 13 juin 1926.
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En 1926, Sacha Guitry composa avec Albert Willemetz Vive la République, revue en deux actes et vingt tableaux dont la première eut lieu le 10 avril. Suivirent cent quatre-vingt-dix représentations, jusquau 29 septembre 1926.
Le 15 juin, Sacha Guitry, Yvonne Printemps et la troupe du Théâtre Édouard-VII, appelés par l'imprésario Howell, partirent jouer Mozart à Londres, du 17 juin au 13 juillet, au Gayty Theater.
De retour à Paris fut présenté À vol d'oiseau, revue en deux actes, cinq parties et trois cents tableaux, composée avec Albert Willemetz. La première eut lieu le 12 novembre, au Théâtre Édouard-VII. Suivirent cinquante-cinq représentations, jusquau 31 décembre 1926.
Le 25 novembre, se tint, au Théâtre Sarah-Bernhardt, le gala des Pouponnières de France, au cours duquel on joua deux actes de Faisons un rêve et Était-ce un rêve? ou Une comédie nouvelle, comédie en deux actes.
Le 14 décembre, la troupe de Sacha Guitry partit pour l'Amérique du Nord pour y jouer Mozart, les imprésarios étant Al Wood et M. Howell. Du 27 décembre 1926 au 2 février 1927, elle donna une série de représentations au Chaning's theater à New York, puis, le 7 février, à Montréal au Princess theater. Enfin, du 14 au 19 février, au Boston opera house.
De retour en France, Sacha Guitry fit représenter :
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Désiré
(1927)
Comédie en trois actes
Aller à Deauville sans valet de chambre? Pas question, dit le ministre Montignac. Comme sa charmante amie, Odette, tient à partir, elle engage Désiré dès qu'il se présente, car il est paré de toutes les qualités requises pour plaire en dépit du fait quil aurait fauté avec son précédent employeur, la duchesse Diepchinska. Mais si, le jour, Odette ne songe qu'à séduire Montignac pour qu'il l'épouse, la nuit elle rêve tout haut de cet épisode. Et Désiré fait de même. Sil arrive à contenir l'amour qu'il porte à ses maîtresses, celles-ci voient monter, jour après jour, lincontrôlable désir quil leur inspire.
Commentaire
La pièce est l'histoire d'un désir qui, alimenté par le rêve, prend des sentiers insoupçonnés. Quand le rêve, si érotique soit-il, reste un rêve, et qu'il n'est connu que du rêveur, celui-ci n'a rien à craindre, c'est un fantasme discret qui ne concerne que celui ou celle qui le vit. Il arrive, cependant, que le rêveur parle en rêvant, et, comme les murs ont souvent des oreilles, des témoins peuvent sans le vouloir apprendre sur le rêveur des choses qu'il aurait mieux aimé cacher. Voilà qui peut devenir gênant. C'est sur ce tour malicieux joué par le subconscient que Sacha Guitry construisit une de ses comédies les plus fines sur les femmes, les hommes et l'amour.
Si la pièce se présente comme une comédie bourgeoise de plus, on y trouve pourtant l'affirmation essentielle que les valets sont des hommes comme les autres, et les insinuations sexuelles sont, comme souvent chez Guitry, d'une audace rare pour l'époque.
On y entend :
- «Quand on n'a pas commis de faute, on ne peut pas être absolument sûr de soi. Tandis que lorsqu'on a bien vu les conséquences d'une bêtise, on ne s'expose plus à la recommencer !»
- «Vous ne remarquez pas que, chaque fois que vous dites d'une femme qu'elle est jolie, c'est toujours d'une femme extrêmement mince que vous parlez?»
- «Quand on s'aime pour plus d'une raison, c'est qu'on ne s'aime pas vraiment.»
La pièce fut, le 28 avril, créée par Sacha Guitry et Yvonne Printemps, au Théâtre-Édouard VII. Suivirent deux cents représentations, jusquau 6 novembre 1927.
En 1937, il en tira un film, avec Jacqueline Delubac. Pour une scène de dîner, il plaça la caméra au-dessus des convives, cette plongée sur eux soulignant la banalité de leurs propos. Il filma un ballet où les domestiques (dont lui-même dans le rôle de Désiré) se meuvent autour dune table immobile.
En 1996, Bernard Murat tourna un film d'après la pièce et le film éponymes, avec Jean-Paul Belmondo et Fanny Ardant.
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Un miracle
(1927)
Comédie en quatre actes
Pour bluffer, un individu s'est installé momentanément dans un appartement qui n'est pas le sien. Sa concierge, qui l'aime, et un individu qui s'est intéressé au succès de ses entreprises lui servent de domestiques.
Commentaire
La première représentation eut lieu le 6 décembre, au Théâtre des Variétés, Pierre Fresnay et Maud Loty étant les vedettes. Suivirent quatre-vingt dix représentations jusquau 20 février 1928.
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Le 8 juin 1928, lors dune soirée à Londres, chez lady Glentenar, Sacha Guitry joua le deuxième acte du Mari, la femme et l'amant.
Le 25 septembre, il donna une conférence sur Tristan Bernard au poste de Radio-Paris.
Il fit jouer Mariette, opérette en quatre actes sur une musique d'Oscar Strauss, qui était ladaptation de Comment on écrit l'Histoire (1920). La première eut lieu le 30 septembre au Théâtre Édouard-VII. Suivirent cent quinze représentations, jusquau 6 janvier 1929.
Il produisit encore :
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Charles Lindbergh
(1928)
Féerie en trois actes et dix-huit tableaux
Laviateur américain réalise son exploit à travers lAtlantique, et est à son arrivée lobjet des attentions dune jeune comtesse française et dune héritière américaine.
Commentaire
Sacha Guitry donna à Lindbergh une impeccable conduite à Paris, ce qui contredisait le stéréotype de lAméricain rustre, vulgaire, futile, et cupide.
Le 29 novembre, la création eut lieu au Théâtre du Châtelet. Ni Yvonne Printemps ni Sacha Guitry ne jouèrent dans ce spectacle à grands effets techniques cependant pas très au point. Suivirent quatre-vingt-huit représentations, jusquau 31 janvier 1929.
La pièce ne put être présentée aux États-Unis, Charles Lindbergh interdisant toute utilisation de son nom.
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Le 12 janvier 1929, lors de l'ouverture du Palais de la Méditerranée, à Nice, Sacha Guitry et Yvonne Printemps jouèrent Mariette.
Furent représentés, à Londres au His Majesty theater, du 3 au 22 juin, Mariette, du 24 juin au 13 juillet, Mozart. Durant ce séjour, des disques furent enregistrés au Queen's hall, et Sacha Guitry prononça un discours pour l'inauguration du Salon de peinture française à Londres.
De retour en France, lui qui adorait les anecdotes, fit jouer :
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Histoires de France
(1929)
Trois actes et douze tableaux
Cest une suite de dialogues anecdotiques qui dresse un panorama de lHistoire de la France : les Gaulois, Jeanne dArc, Louis XI, François Ier, Henri II, Henri III, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV (on assiste à la première représentation de George Dandin à Versailles), Louis XV, la Révolution, le premier Empire, le second Empire, Clemenceau.
Commentaire
La musique était de Henri Büsser.
La première eut lieu le 7 octobre au tout nouveau Théâtre Pigalle qui inaugurait ainsi sa scène tournante, la plus moderne à l'époque. Suivirent cent-vingt-cinq représentations, jusquau 19 janvier 1930.
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Sacha Guitry collabora à une comédie dAlbert Willemetz, en quatre actes et treize tableaux, La IIIe chambre, qui fut jouée au Théâtre de la Madeleine, du 30 octobre, au 11 mars 1930.
Le 29 décembre 1929, lors de linauguration des communications par TSF avec New York, il remercia les Américains de leur accueil durant l'hiver 1926-1927, et leur souhaita une bonne année. Yvonne Printemps chanta l'air de la lettre de Mozart.
Le 1er mars 1930, lors du gala de l'Union des artistes au Cirque d'Hiver, Sacha Guitry et Tristan Bernard firent une vente aux enchères.
Cette année-là, il fit jouer Chez George Washington, à Mount-Vernon, «à-propos en un acte», dont Henri Busser avait composé la musique, tandis que Sacha Guitry tint le rôle de Washington. Le spectacle fut donné le 12 mars, lors du Gala franco-américain au Théâtre des Champs-Élysées, en présence de Gaston Doumergue, président de la République, et de M. Walter, ambassadeur des États-Unis. Le manuscrit fut vendu aux enchères au profit de l'Accueil franco-américain.
Cette année-là encore, il présenta :
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Et vive le théâtre
(1930)
Revue en deux actes et quinze tableaux
Le neuvième tableau, Un homme d'hier et une femme d'aujourd'hui, est un petit acte que Sacha Guitry (qui le joua avec Yvonne Printemps) allait compter parmi ses pièces, et qui est souvent joué à part avec dautres courtes pièces : L«homme d'hier» est un homme de lettres de plus de quarante ans, qui a vécu sa jeunesse à «la Belle Époque» dans de bonnes conditions matérielles, qui peut mesurer le changement accéléré du monde mais, vieux jeu, ne peut supporter l'évolution des murs, déclarant : «Quand j'avais vingt ans, on ne changeait pas de siècle tous les deux ans !» Il reçoit sa maîtresse, la «femme d'aujourd'hui» qui a vingt ans, est desprit moderne, changeante et versatile, comme la mode, et, toujours pressée, marche avec son temps. Ils saiment fort, mais ne se comprennent pas. Vont-ils sentendre? Les nombreux pièges de la relation amant-maîtresse sont amplifiés par le fossé des générations. Chacun dit ce quil pense et comment il aimerait voir lautre. Plaire à lautre tout en respectant ses valeurs, ce qui est un vieux débat toujours dactualité. Sacha Guitry trouva à nouveau une chute pleine d'humour.
Commentaire
La revue a été composée avec la collaboration dAlbert Willemetz.
La première eut lieu le 24 mars, au Théâtre de la Madeleine. Suivirent soixante-sept représentations, jusquau 20 mai 1930.
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Le 7 mai 1930, lors dun gala marquant la retraite de Maurice de Féraudy à la Comédie-Française, Sacha Guitry fit jouer le troisième acte du Veilleur de nuit.
Le 17 juin, lors du gala des Amis de la France au Théâtre des Ambassadeurs, il organisa le spectacle, rassembla les vedettes mais ne joua pas.
Il fit représenter :
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Deauville sous Napoléon III
(1930)
«À-propos en un acte»
Au cours d'un bal supposé donné aux Ambassadeurs, à Deauville, Sacha Guitry est le duc de Morny, fondateur un peu oublié de cette station balnéaire.
Commentaire
Le spectacle fut joué le 24 juin, lors de la "Grande nuit de Paris" au Théâtre Pigalle,
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Le 23 septembre 1930, Sacha Guitry fit un essai de film parlant dans les studios de la Paramount, à Joinville.
Le 28 octobre, il donna une conférence sur Alphonse Allais à Radio-Paris.
Il publia :
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Lucien Guitry raconté par son fils
(1930)
Biographie
Lucien Guitry naquit le 13 décembre 1860 à Paris, fut le plus grand comédien de son époque, légal masculin de Sarah Bernhardt, avec laquelle il joua régulièrement. Il créa des rôles marquants qui lui ont valu des triomphes internationaux répétés. Il est aussi connu pour ses nombreux succès auprès des femmes. Il mourut le 1er juin 1925.
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Le 13 janvier 1931, Sacha Guitry fut promu au grade d'officier de la Légion d'honneur.
Il fit représenter :
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Frans Hals ou Ladmiration
(1931)
Pièce de théâtre en 3 actes et en vers libres
Cest une évocation de la vie du peintre baroque néerlandais à travers ladmiration que lui porte, en 1640, le jeune peintre Adrian van Ostade. Franz Hals a pour compagne Annette quaime aussi le jeune peintre.
Commentaire
Sacha Guitry écrivit la pièce pour obliger Pierre Fresnay, dont il connaissait la passion pour Yvonne Printemps (qui était Annette), à exprimer sur scène et tous les soirs, en jouant le rôle du jeune peintre, Adrian Van Ostade, son admiration pour Franz Hals... rôle interprété par lui-même ! Ainsi Adrian van Ostade déclare à Annette :
- «Quand un homme vous a donné par ses écrits, par sa peinture ou sa musique, dincomparables joies, cest inouï ce quon lui doit.»
- «Si mes baisers parfois te paraissent plus tendres, si je sais taimer mieux, si je sais mieux te prendre, un soir entre mes bras, ne me dis pas merci, cest que jai vu sans doute un tableau merveilleux de ce grand homme-ci.»
- «Ces hommes de génie, nous devons les bénir, nous devons les aimer, nous devons les servir, sans tolérer jamais que nul les calomnie.»
Yvonne Printemps dut très bien comprendre le message, et on peut se demander si, en attendant son entrée en scène, Sacha-Franz Hals ne savourait pas ces mots en coulisses, tout en guettant les réactions de lune et de lun.
La pièce fut créée le 28 mars 1931 au Théâtre de la Madeleine. Suivirent soixante-seize représentations, jusquau 30 mai 1931.
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Sa dernière volonté ou Loptique du théâtre
(1931)
Comédie en deux actes
À lacte I, un ami dévoué vient prendre des nouvelles de létat de santé dun modeste employé des Postes. Celui-ci, à larticle de la mort, fait connaître sa dernière volonté : si la future veuve devait se remarier, il ne fallait pas que ce soit avec le meilleur ami de la maison. Or celui-ci est un auteur dramatique à la recherche dun sujet, qui en trouve donc un «pris sur le vif», mais quil lui faut transposer «dans loptique du théâtre».
Cest justement sa pièce qui constitue lacte II. Le cadre social est radicalement changé : on est dans le «grand salon élégant dun hôtel particulier» ; lobscur postier est devenu M. le marquis, son ami, M. le comte. Et, le malade ne mourant pas, sa dernière volonté est sans objet : la marquise et lami de la maison peuvent continuer leur liaison.
Commentaire
Cest une des pièces majeures de Sacha Guitry du début des années trente.
Nous avons là deux comédies très boulevardières ; l'une dans un style plutôt réaliste, l'autre plus fantaisiste et volontairement pastichée, puisquil utilisa le procédé du «théâtre dans le théâtre». Avec une ironie charmante, il offrit une réflexion sur la spécificité de lart du dramaturge, qui est amené à transposer pour la scène les réalités de la vie, le fruit de ses observations et de son expérience personnelle. Il eut un regard introspectif sur le jeu du comédien et la création théâtrale.
La pièce fut créée en même temps que Franz Hals ou Ladmiration, avec Sacha Guitry, Yvonne Printemps et Pierre Fresnay. Elle eut donc elle aussi soixante-seize représentations, jusquau 30 mai 1931.
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Le 25 mai 1931, le film Le blanc et le noir sortit au cinéma Olympia.
Le 2 juin, au Théâtre de la Madeleine fut repris Faisons un rêve avec Exposition de Noirs, revue en un acte écrite avec Albert Willemetz, créée au Théâtre de la Madeleine, le 2 juin. Suivirent quarante-sept représentations, jusquau 12 juillet 1931. Ensuite, elle fut intitulée Exposition coloniale.
Durant le mois d'août 1931, Sacha Guitry fut en vacances à Royan, chez Albert Willemetz, et y écrivit sept pièces, un poème intitulé Le vieux piano de Royan, et :
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La maison de Loti
(1931)
Essai
Cest une description de la bien curieuse maison que Pierre Loti sétait fait construire à Rochefort. Elle a lallure dune mosquée. Mais Sacha Guitry, amoureux du lieu, ne se trompa pourtant pas sur la vraie destination du lieu en écrivant : «Ce nest pas une mosquée, mais cest un désir très ardent, très émouvant, dêtre une mosquée.» Il porta aussi un jugement sur lécrivain, observant finement, à propos de son mariage : «Lhomme était marié. Lofficier létait moins. Loti ne létait pas.»
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Chagrin d'amour
(1931)
Prétexte musical en un acte
À Paris, en 1775, Sophie Arnould, fameuse cantatrice que son amant vient de quitter, a décidé, en manière de représailles, de ne plus chanter. Désespérés, ses admirateurs lui délèguent le poète Florian, lauteur de la chanson «Plaisir damour ne dure quun moment / Chagrin damour dure toute la vie». Sensuit une conversation brillantissime entre les deux protagonistes, jusquà larrivée dune femme qui est laccordeuse du piano, qui se révèle une compositrice de talent. Sophie Arnould reviendra-t-elle sur sa décision?
Commentaire
La pièce n'est pas qu'un conte spirituel sur la naissance d'un air célèbre, et un bref portrait de la cantatrice Sophie Arnould. On y retrouve le jeu, coutumier chez Sacha Guitry, de la rupture passagère et de la réconciliation.
Le spectacle fut créé le 1er octobre 1931 au Théâtre de la Madeleine. Suivirent quatre-vingt-douze représentations, jusquau 24 décembre.
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Villa à vendre
(1931)
Comédie en un acte
Une propriétaire de villa, Juliette, essaie désespérément de vendre sa maison depuis un mois. Malheureusement, elle ne trouve aucun acquéreur. Alors quelle attend la visite dune nouvelle acheteuse potentielle envoyée par lagence immobilière, un couple ayant vu la pancarte «Villa à vendre» devant la maison arrive pour la visiter. Peu emballés au départ, ils vont finalement changer davis grâce à un mystérieux personnage.
Commentaire
Cette pièce fut créée, le 4 novembre 1931, à loccasion de la représentation de La femme du condamné dHenry Monnier, au Théâtre de la Madeleine, en même temps que Monsieur Prudhomme a-t-il vécu? et La S.A.D.M. P.. Suivirent soixante représentations, jusquau 24 décembre 1931.
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Dans Villa à vendre parut pour la première fois la nouvelle compagne de Sacha Guitry : Jacqueline Delubac.
Il fit jouer :
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Monsieur Prudhomme a-t-il vécu?
(1931)
Pièce en deux actes
Sacha Guitry sinspira librement de la vie dHenry Monnier (1799-1877), dessinateur, écrivain et acteur qui, sous cette triple forme, créa le fameux personnage de Joseph Prudhomme. Lacte I nous le montre chez lui «entre 1830 et 1840». À lacte II, il est dans une loge dacteur après la représentation, «maquillé et habillé» en Joseph Prudhomme, et sidentifiant complètement à son personnage.
Commentaire
Cette pièce fut créée, le 4 novembre 1931, à loccasion de la représentation de La femme du condamné dHenry Monnier, au Théâtre de la Madeleine, en même temps que La S.A.D.M.P. et Villa à vendre. Suivirent soixante représentations, jusquau 24 décembre 1931.
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La S.A.D.M.P.
(1931)
Opéra bouffe en un acte
Quatre messieurs de trente, quarante, soixante et quatre-vingts ans se pressent sur le palier dune «cocotte», se mesurent, saffrontent puis refusent de se battre pour finalement sassocier en fondant la «S.A.D.M.P.», la «Société Anonyme Des Messieurs Prudents», et soffrir la demoiselle «au prorata» de leurs moyens et des jours de visite quelle consent à répartir.
Commentaire
Sacha Guitry écrivit un livret prosaïque et cynique, dont le ton et les audaces stylistiques portent la marque de lEntre-deux-guerres. La musique fut composée par Louis Beydts.
Cet opéra bouffe fut créé, le 4 novembre 1931, à loccasion de la représentation de La femme du condamné dHenry Monnier, au Théâtre de la Madeleine, en même temps que Monsieur Prudhomme a-t-il vécu? et Villa à vendre. Il obtint un vif succès car suivirent soixante représentations, jusquau 24 décembre 1931.
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Le 10 novembre 1931 fut inauguré le monument Lucien Guitry avenue Élisée-Reclus.
Cette année-là encore, Sacha Guitry présenta :
- Tout commence par des chansons, «à-propos en un acte» sur une musique de Louis Beydts, créé le 11 décembre 1931 au Moulin de la Chanson, avant quarante-huit représentations, jusquau 28 janvier 1932.
- Mon double et ma moitié ou Vingt-quatre heures dans la vie d'un homme, comédie en trois actes, créée le 27 décembre 1931 au Théâtre de la Madeleine, jouée par André Brulé et Suzanne Dantès. Suivirent cinquante-six représentations, jusquau 14 février 1932.
Du 28 décembre 1931 au 14 janvier 1932, Sacha Guitry fit une tournée en Italie (Milan, Florence, Rome et Turin).
Le 14 mars 1932, trois de ses pièces furent créées ensemble :
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Les desseins de la Providence
(1932)
Comédie en deux actes
Alors que son mari est parti en voyage, Thérèse Verdier raconte à Henriette, sa meilleure amie, comment elle a rencontré au théâtre Jean Renneval, un grand acteur en tournée, vieillissant mais pourtant beau, auquel elle a fixé rendez-vous chez elle, après le dîner, son époux, Henri, devant partir en voyage. Au dîner, Henri raconte à sa femme et à Henriette comment ses deux précédentes épouses l'ont cocufié : Luce avec son sosie, Hector, et Juliette, avec le sultan de Hammanlif. Henri part prendre son train. Mais revient : il la manqué ! Et il trouve l'acteur dans son lit. Or Renneval, ayant revêtu son costume de cardinal de Mérence dans Primerose, la célèbre pièce de Robert de Flers, le convainc d'accepter ce troisième cocufiage !
Commentaire
Cette farce moliéresque, où le dialogue entre le mari et lamant est plein d'une onction ironique, est dotée d'une chute inattendue.
La pièce fut créée au Théâtre de la Madeleine, le 14 mars. Suivirent quatre-vingt-deux représentations, jusquau 22 mai.
En 1952, cette comédie et Mon double et ma moitié furent repris dans le film Je l'ai été trois fois réalisé par Sacha Guitry.
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Françoise
(1932)
Pièce en trois tableaux
Michel et Françoise filent le parfait amour. Mais Jean, lex-mari de Françoise, vient davoir un grave accident : il est entre la vie et la mort. Peut-être a-t-il voulu se suicider, car il na jamais oublié Françoise? Dailleurs, il la réclame sur son lit de mort. Sous forme dultimatum, Michel accorde une heure à Françoise pour quelle lui rende une visite à la clinique.
Commentaire
Sacha Guitry fit de cette courte pièce, qui est la tragédie d'un amour gâché, un véritable petit chef-duvre de sensibilité, dhumanité, de tristesse. Son style élégant et raffiné y fit merveille.
La pièce fut créée le 14 mars au Théâtre de la Madeleine. Suivirent quatre-vingt-deux représentations, jusquau 22 mai.
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Le voyage de Tchong-Li
(1932)
Légende en trois tableaux
Le marchand chinois Tchong-Li part en voyage d'affaires, et laisse derrière lui sa femme, sa belle-mère, ses poules, ses cochons... Il devra ramener de Canton, en souvenir, un peigne en croissant de lune pour sa belle, mais saura-t-il s'en souvenir?
Commentaire
Sacha Guitry s'était approprié un conte populaire chinois pour écrire cette fable légère, teintée dun orientalisme quelque peu caricatural (dans le décor en particulier : peintures sur soie, nattes, statuettes entourant celle de Confucius), et d'un humour désabusé. Dans ce voyage dépaysant sentremêlent poésie, rires et tendresse. Mais lauteur s'amusa quand même à y distiller sa misogynie légendaire : comme on pose à Tchong-Li la question : «Ne crois-tu pas qu'un jour les femmes seront libres?», il répond : «Le monde ira bien mal alors !»
La pièce fut créée le 14 mars au Théâtre de la Madeleine. Suivirent quatre-vingt-deux représentations, jusquau 22 mai.
Le 21 avril 1959, elle fut reprise la Comédie-Française dans une mise en scène de Jean Meyer , avec Robert Hirsch.
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Le 15 avril 1932, Sacha Guitry, appelé par le docteur Toulouse, raconta des histoires à lhôpital psychiatrique Sainte-Anne.
Le soir, après le spectacle de la Madeleine, à lHôtel George-V, une trentaine d'amis fêtèrent ses trente ans de théâtre. Prononcèrent des allocutions : Robert Trébor, Victor Boucher, Albert Willemetz et Francis de Croisset. Sacha Guitry lut, avec Yvonne Printemps, un «à-propos en un acte et en vers» de sa composition, La nuit d'avril, qui ne fut joué quà cette occasion.
Le 24 mai 1932 furent repris, au Théâtre de la Madeleine, Villa à vendre (Jacqueline Delubac y joua pour la première fois avec Sacha Guitry) et Désiré.
Le 30 mai, La jalousie fut représentée la Comédie-Française, avec Sacha Guitry, Suzanne Devoyod et Gabrielle Robinne.
Le 21 juin, à l'initiative du directeur du Conservatoire, Henry Rabaud, Sacha Guitry fut nommé membre du jury du concours de comédie. Mais il refusa d'être membre du jury du concours de tragédie.
Le 28 juin, Yvonne Printemps joua auprès de lui pour la dernière fois, et, le 15 juillet, le quitta pour Pierre Fresnay (quelle nallait jamais épouser). Elle était connue pour sa cuisse légère et son goût inextinguible des hommes (elle eut aussi des aventures avec Jacques-Henri Lartigue, Maurice Escande, et d'autres
). Elle fut sans doute celle de ses épouses qui le fit le plus souffrir, car il était un jaloux du type maladif, qui surveillait tout au sein de son foyer à commencer par les faits et gestes de sa femme. La séparation engendra, elle aussi, quelques bons mots, comme celui, fameux, de Guitry : «Sur votre tombe, Yvonne, on écrira Enfin froide», ce à quoi, semble-t-il, elle rétorqua : «Vous, Sacha, je ferai écrire sur la vôtre : Enfin raide». Il vécut alors avec Jacqueline Delubac, nouvelle venue qui tombait à pic, car elle lui permit de sauver la face après une séparation qui avait été très commentée dans l'opinion. Progressivement, il se remit du départ d'Yvonne Printemps, reprit goût à la vie, et recommença à rire.
Jacqueline Delubac était née en 1907 dans une famille d'industriels de Lyon. Très belle (les Américains allaient la placer parmi les cinq plus belles femmes du monde !), elle avait de la classe mais fut la plus charmante et la moins sophistiquée de ses compagnes, et fut celle dont il fut le plus amoureux, quil surnommait «Jacq» ou «Mon petit Jacquot». Elle s'installa dans l'hôtel particulier de l'avenue Élisée-Reclus où son sens de l'organisation fit merveille pour contenter son très exigeant amant qui haïssait la bonne franquette, qui, n'ayant rien retenu de son précédent échec conjugal, se montra aussi tyrannique avec elle qu'avec Yvonne Printemps. De plus en plus souvent, elle allait traverser l'avenue pour se réfugier chez sa mère, qui avait emménagé au 15. Et elle appréhendait de monter sur scène pour jouer du Guitry à son tour. Toutefois, e 1933 à 1938, elle allait paraître dans vingt-trois de ses pièces et dans onze de ses films.
Le 5 septembre, il partit, avec elle, pour une tournée en France, Belgique et Suisse.
Le 11 septembre fut inaugurée une plaque apposée sur la maison natale d'Octave Mirbeau, à Trévières, occasion à laquelle Sacha Guitry prononça un discours.
En novembre, il joua, au Cambridge theater de Londres, La jalousie, La pèlerine écossaise, Désiré.
Du 8 au 24 décembre, il fit une toumée à Lille et en Belgique (Bruxelles, Gand, Charleroi, Liège, Verviers, Anvers).
Il publia :
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Mes médecins
(1932)
Recueil de sept nouvelles
Sacha Guitry, faisant léloge de son médecin dont le dévouement est sans limite, déclare : «En apprenant son décès, jai eu limpression très nette de perdre la santé».
Il constata aussi : «Cest le tic-tac dune pendule qui fait apprécier le silence. Sans ce tic-tac on est un sourd.»
Commentaire
Le livre fut illustré de quatre dessins de lauteur et dune photographie.
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En 1933, Sacha Guitry fit dabord jouer
- Châteaux en Espagne, comédie en quatre actes qui est une de ces oeuvres sensibles où, parlant de lamour, il laissa parler son coeur. La pièce fut créée le 5 avril, au Théâtre des Variétés. Ce fut, pour Jacqueline Delubac, son «examen» devant le Tout-Paris : il fut réussi ! Suivirent cent vingt représentations, jusquau 29 octobre.
- Adam et Ève, pièce en deux tableaux, du plus pur style français (apparence de légèreté et fonds très profond), où il sinterrogea sur lorigine du monde et de la croyance. La pièce fut créée le 8 mai à la Comédie-Française. Suivirent sept représentations, jusquau 18 mai.
En juin et juillet, il séjourna à La Baule, et fit la tournée des casinos. À partir du 8 août, il fut à Vittel, Évian, Genève, Aix-les-Bains, Vichy, Deauville, La Baule, Royan et Biarritz.
Il présenta :
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Ô mon bel inconnu
(1933)
Opérette en trois actes
Au lever du rideau, le climat est orageux dans la famille Aubertin. Chacun (père mère, fille, bonne) récrimine contre l'autre, et le petit déjeuner pris en commun nourrit moins les estomacs que le ressentiment et la dissension. Et chacun a son jardin secret. Le père, Prosper Aubertin, que n'enthousiasme plus guère son existence commerciale (il est chapelier) et conjugale surtout, pour se prouver qu'à la cinquantaine il peut jouer les séducteurs et avoir des aventures extra-conjugales, fait paraître dans le journal, de façon anonyme, une petite annonce pour trouver une âme soeur qui est priée d'adresser sa réponse poste restante. Dans le filet des cent trente lettres reçues, il retient les déclarations enflammées de deux femmes. Or, comme il leur demande dans ses lettres dadopter certaines attitudes, il constate que les prennent son épouse, Antoinette, et sa fille, Marie-Anne. De plus, il apprend, par un ami de la famille, Hilarion Lallumette, dont le mutisme assure la discrétion, et qui recueille les confidences croisées de lun et des autres, quelles repoussent les soupirants venus à la boutique, et qui, sous prétexte d'achats, leur font une cour assidue. Ces derniers (Jean-Paul pour Antoinette, Claude Aviland pour Marie-Anne) ne les font pas autant rêver que le bel inconnu de leur relation épistolaire.
Pour prendre sa revanche, Prosper Aubertin donne rendez-vous aux deux femmes dans une villa de Biarritz louée pour l'occasion. Antoinette et Marie-Anne trouvent sans difficulté auprès de leur mari et père de bonnes raisons de s'éloigner quelque temps. C'est sur un entraînant «Partons...» que se baisse le rideau du deuxième acte.
C'est la confortable villa de la côte basque qui sert de décor à l'acte III. Sy trouve encore Victor, son propriétaire, homme d'âge mûr, qui comprend quil est pris pour le «bel inconnu». Il commence par raisonner l'épouse frivole qui est gagnée par le repentir, et finalement partage la même conception du couple que son mari : sans perdre pour autant la face, ils se pardonnent mutuellement leur tentative échouée d'infidélité. Toujours en se faisant passer pour le «bel inconnu», Victor séduit la servante Félicie. Mais il laisse le père recevoir sa fille : Prosper fait croire à Marie-Anne que Claude, qui arrive à point, est le véritable auteur de la correspondance échangée. Cela tombe d'autant mieux que la jeune fille avait imaginé l'élu de son coeur sous les traits du jeune homme qui lui rendait visite à la boutique.
Commentaire
Sacha Guitry présenta son histoire ainsi : «C'est une tragédie bourgeoise. Il ne se passe guère dans ma pièce que des évènements d'une extrême gravité. Un homme, un honnête commerçant, brave au fond mais moralement aveugle, s'imagine que sa compagne, sa progéniture et son personnel se sont ligués contre lui. Cette tragédie aurait pu s'appeler Connais-toi toi-même, elle aurait pu finir très mal. Au moment de l'écrire en vers alexandrins et de l'offrir à la Comédie-Française, j'ai réfléchi pendant une dizaine de minutes et j'en ai fait une comédie. Puis m'étant aperçu que certains passages de cette comédie étaient écrits en vers libres, j'ai demandé à Reynaldo Hahn de bien vouloir mettre en musique les dits passages. La tragédie était devenue une comédie musicale. Dans ma tragédie le personnage principal était proconsul de Rome. J'en ai fait un chapelier. Les soldats, ses hommes d'armes, se sont transformés en une bonne à tout faire. Il y avait un confident comme dans toutes les tragédies et ce confident ne disait pas grand-chose. J'en ai fait un confident muet. Avec ma tragédie, chers spectateurs, je risquais de vous faire sourire ; puissais-je avoir la joie de vous faire rire avec ma comédie.»
Lopérette fut créée au Théâtre des Bouffes-Parisiens le 5 octobre 1933. Les principaux rôles furent tenus par Suzanne Dantès, Arletty, Simone Simon, Aquistapace et Abel Tarride. Suivirent cent cinq représentations, jusquau 1er janvier 1934.
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Le 26 octobre 1933, au Casino de Paris, avec Cécile Sorel, Sacha Guitry créa Maîtresses de rois, fantaisie en treize tableaux qui était le deuxième acte de la revue Vive Paris. Elle eut deux cent quarante-sept représentations, tint l'affiche jusqu'au 25 mai 1934.
Le 6 novembre furent créés, avec, dans les principaux rôles, Jean Périer, Victor Boucher, Huguette Duflos et Germaine Risse, deux pièces :
- Un tour au paradis, comédie en quatre actes qui eut, au Théâtre de la Michodière, quatre-vingt-dix représentations, du 6 novembre 1933 au 21 janvier 1934.
- Le renard et la grenouille, comédie en un acte. Rosy est une femme entretenue que son protecteur, Lucien, a enrichie. Or il est maintenant ruiné, et vient la demander en mariage sous le régime de la communauté de biens, entendant par ce stratagème récupérer une partie de sa fortune envolée. Mais Rosy reste sourde à cet amour devenu soudain sérieux. Dans cette fausse fable de La Fontaine, limage de la femme comme celle de lhomme sont malmenées. Sacha Guitry népargne aucun des deux protagonistes, et son ironie fait mouche. La pièce eut, au Théâtre de la Michodière, quatre-vingt-dix représentations, du 6 novembre 1933 au 21 janvier 1934.
Sacha Guitry fit encore jouer :
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Florestan Ier, prince de Monaco
(1933)
Opérette en trois actes et six tableaux
Au début du XIXe siècle, Florestan Grimaldi, de la famille des princes de Monaco, se sent invinciblement attiré vers le théâtre
et vers une théâtreuse. Sa mère parvient dabord à larracher à cette double passion, et à le marier. Mais, quoique son épouse soit charmante, il lui échappe pour revenir à ses anciennes amours. Or voilà qui laffranchira définitivement de son penchant «condamnable» : on lui apprend quà la suite dun décès imprévu, il est appelé à régner sur la principauté de ses ancêtres. Ce nouveau métier le tente : il sera désormais bon époux et bon prince. La troupe des comédiens lui rend visite sur son rocher, et, après des adieux touchants, le quitte à jamais pour reprendre sa vie de pauvreté et daventures. Florestan Ier avait trouvé vides les caisses de la principauté, mais un juif parisien lui apporte le moyen de les remplir : il lui présente une invention sublime de Pascal, la roulette.
Commentaire
Sacha Guitry affirma : «Mes personnages sont historiques, et ma pièce l'est presque !», indiqua que lexistence de Florestan lui fut signalée par un certain Sam Barlow qui attira son attention sur un article du Figaro, quil fit des recherches sur la famille Grimaldi, Florestan et la principauté de Monaco.
Le spectacle fut créé le 9 décembre au Théâtre des Variétés, les principaux rôles étant tenus par Henri Garat, Pauley, Larquey Henry-Laveme et Jacqueline Francell. Suivirent cent deux représentations, jusquau 4 mars 1934.
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En 1933, René Benjamin publia Sacha Guitry, roi du théâtre.
Le 11 décembre débuta une tournée avec L'illusionniste, qui partit de La Haye et alla ensuite à Lille, Bruxelles, Luxembourg, Liège, et s'acheva le 28 à Anvers.
Le 20 décembre, à Bruxelles, au Palais des Beaux-Arts, Sacha Guitry, après une conférence consacrée à ses souvenirs, créa, avec Jacqueline Delubac, devant le roi Albert I" qui présidait cette soirée, un «à-propos en un acte», À l'école des philosophes où Diderot est sous le charme d'une jeune maîtresse, Sylvie, qui a vingt ans de moins que lui. Comment va-t-il se l'attacher? Sur le conseil d'une vieille amie, madame Geoffrin, il lui fait une scène de jalousie.
Le 9 janvier 1934, à la radio, Sacha Guitry parla de l'acteur, particulièrement des instants qui précèdent son entrée en scène.
Il fit jouer :
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Son père et lui
(1934)
Pièce en quatre tableaux
Elle est consacrée à Laurent Mourguet, créateur du personnage de Guignol et de son compère, Gnafron.
Commentaire
Le premier tableau reconstitue un spectacle sur «une place publique à Lyon, en 1782», et le troisième, une scène entre Guignol et Polichinelle.
La pièce fut créée le 12 mars, à l'Opéra de Lyon, à l'occasion du centenaire de Jacquart. Suivirent deux représentations.
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Le nouveau testament
(1934)
Comédie en quatre actes
Jean Marcellin, médecin réputé, est un homme blessé. Un soir, au cinéma, il a surpris sa femme dans les bras de son amant, qui n'est autre que le fils de son vieil ami, Worms, médecin comme lui. Avec une vague amertume aux lèvres, il imagine un savant subterfuge pour tout déballer de ses propres faiblesses. Il écrit un nouveau testament, se fait passer pour mort, après avoir demandé quon rapporte chez lui son veston. Sa femme, Lucie, y trouve dans une poche une enveloppe, et, contre toutes les règles établies, louvre, et découvre le testament. Comme il révèle quelques-uns des secrets de la famille, elle est en proie à la stupeur et à la panique. Or il réapparaît, et la vie reprend, à peine différente, la vérité étant cachée sous un couvercle d'hypocrisie. Magnanime, il la fait ressurgir pendant quelques minutes inoubliables, pour s'insurger contre le mensonge, sans toutefois jamais condamner quiconque, considérant l'adultère comme «le seul moment agréable de toute son existence».
Commentaire
Cette comédie d'intrigue, une des plus habiles de Sacha Guitry, est menée à un rythme incroyable. Cest un autre de ses constats aussi féroces que comiques sur le mariage, sur le triangle amoureux. Il livra sa conclusion visionnaire sur le couple, disant que la vérité est parfois bonne à dire, et que peut-être faut-il, bon gré mal gré, s'en accommoder. À son habitude, il bouscula au passage les conventions sociales et l'hypocrisie, égratigna les méfaits du mariage, et vanta les bienfaits du divorce
Sil se montra cruel et cynique, il fit pourtant preuve aussi d'une certaine compassion envers l'individu.
Ayant endossé le rôle de l'époux, et jouant avec Jacqueline Delubac, qui était de vingt-cinq ans sa cadette, comme Molière qui était le mari de la jeune Armande Béjart, il eut l'honnêteté de tourner en dérision cette différence d'âge. Au sein de la pièce se pose la question : s'agit-il de sa maîtresse ou de sa fille?
La pièce fut donnée en avant-première, le 28 septembre, au Théâtre municipal dAmiens, puis, à Paris, au Théâtre de la Madeleine à partir du 2 octobre. Suivirent deux cents représentations, jusquau 7 avril 1935.
En 1936, Sacha Guitry adapta sa pièce pour l'écran, avec la même distribution et la collaboration dAlexandre Ryder. Mais, si, au début de la pièce, nous ignorons, à linstar de Jean Marcellin, linfidélité de sa femme, dans le film, celui-ci comme le spectateur, la connaissent dès les premières minutes grâce à une trouvaille visuelle amusante : alors quil est en voiture, il aperçoit sa femme et son amant dans un taxi ; le couple le reconnaît, et se cache immédiatement les yeux : ils ont vu celui quils ne devaient pas voir, celui par lequel ils ne devaient pas être vus ; ils signalent ainsi ladultère !
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Le 7 novembre 1934, le divorce entre Sacha Guitry et Yvonne Printemps fut prononcé.
Le 20 novembre eut lieu la première diffusion, à Radio-Paris, dune série démissions portant le titre "Un quart d'heure dans la loge de Sacha Guitry", où il traita plusieurs thèmes (le théâtre, lamour, la haine dans les ménages, la jalousie, les domestiques, la peinture) qui lui permirent de livrer, en quelque sorte, une petite anthologie de son oeuvre. Au sujet du théâtre, il déclara : «Je vous ai si souvent parlé de théâtre que jai parfois limpression quà ce sujet, je vous ai tout dit. Ce nest quune impression, dailleurs, et je reste parfaitement convaincu que jusquà ma dernière heure, y compris celle-ci, il me viendra à lesprit quelque observation qui me semblera nouvelle au sujet de cet art que jaurai passionnément aimé et servi de mon mieux.»
Il publia :
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Si jai bonne mémoire et autres souvenirs
(1934)
Autobiographie
Sacha Guitry avait vraiment «bonne mémoire». Tout le prouve dans ce livre où, avec humour, il raconta sa jeunesse, révélant que nul autre que lui ne s'est fait renvoyer de tant d'écoles, de collèges et de lycées, parcourant un itinéraire de cancre ; que nul autre ne s'en est si bien justifié : «Pourquoi apprendre ce qui est dans les livres, puisque c'est dans les livres?» ; nous apprenant quà vingt ans, il se métamorphosa en un auteur dont on acclama la première pièce pour siffler la suivante : «J'ai été applaudi - j'ai été sifflé : je me considère comme un véritable auteur dramatique.»,
Commentaire
Louvrage fut illustré de quinze gravures et six dessins de lauteur.
On y lit :
- «Il y a en Art une catégorie de joies supérieures, si profondes et si hautes que l'on est à jamais l'obligé de celle ou de celui qui vous les ont données.»
- «On parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l'avenir - c'est-à-dire trop des autres et pas assez d'eux-mêmes.»
En 1936, louvrage fut traduit en anglais : à New York, sous le titre : If memory serve ; à Londres, sous le titre : If I remember right.
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Le 11 janvier 1935, dans un gala franco-américain donné au Théâtre de l'Opéra-Comique, au bénéfice de l'hôpital Foch fut joué en matinée Mon ami Pierrot, légende musicale en un acte, qui, basée sur la vie de Jean-Baptiste Lully, indique lorigine de la chanson "Au clair de la Lune". La musique fut composée par Sam Barlow, qui fut le premier compositeur américain a être joué à l'Opéra-Comique.
Le 21 février 1935, à la mairie du VIIe arrondissement de Paris, Sacha Guitry épousa Jacqueline Delubac. Comme il était âgé de cinquante ans et elle de vingt-huit, il annonça leur mariage en déclarant : «J'ai le double de son âge, il est donc juste qu'elle soit ma moitié», rajeunissant légèrement et galamment la mariée (et dès lors, pour la beauté du mot et l'exactitude des comptes, Jacqueline allait prétendre être née en 1910 et non en 1907). Cette année-là, il lui adressa une lettre où il lui confiait : «Dès Ia seconde où tu t'éveilles, dès que j'entends ton cri joyeux, je commence à ne pas en croire mes oreilles.» Il lui écrivit un poème d'amour où aucun cynisme ne pointe. Elle allait jouer dans vingt-trois de ses pièces, dont dix créations et treize reprises à Paris et en tournée, et dans onze de ses films.
Le 24 mars, la société "Arts-Sciences-Lettres" remit à un représentant de Sacha Guitry, alors en tournée, la médaille d'or de la société.
Le 7 mai fut donnée la première de la série d'émissions dite "La demi-heure de Paris" au Poste parisien. Trois autres émissions allaient suivre les 14, 21 et 28 mai.
Le 27 mai fut projeté en privé, aux studios de Billancourt, le film Pasteur.
Sacha Guitry tourna un film de cinq minutes : Dîner de gala aux Ambassadeurs.
Le 28 juin, le Comité international pour la diffusion artistique et littéraire par le cinématographe accorda sa médaille d'or au film Pasteur.
Le 29 juin, au Poste parisien, Sacha Guitry prononça une allocution à l'occasion de l'inauguration du buste de Courteline.
Du 20 septembre au 25 octobre furent projetés, en exclusivité au Colisée, deux films, Pasteur et un autre qui en était un de fiction, Sacha Guitry qui, comme Jouvet, reprochait au cinéma de ne pas avoir la même puissance que le théâtre, ayant cependant compris quil permet une survie en fixant les images sur la pellicule, quil offrait, aux publics de province ou de létranger, la possibilité de voir ses pièces. Sous l'influence de Jacqueline Delubac, il avait donc décidé de commencer à tourner et mettre en boîte certaines de ses pièces de théâtre, parfois sitôt écrites. Mais il traita aussi des sujets directement pour le cinéma, prouvant ainsi qu'il reconnaissait au septième art sa véritable place.
Ce film était :
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Bonne chance
(1935)
Film de 1h12
À Paris. Claude, un rapin bientôt quinquagénaire, vivant chichement de ses croquis, a pour voisine une jeune et jolie blanchisseuse, Marie Muscat, qui habite un modeste appartement avec sa mère. Celle-ci a hâte de la marier. Un prétendant se présente en la personne de Prosper, un benêt, en instance de départ pour treize jours d'instruction militaire. Mais Marie semble plus attirée par le peintre, en dépit de leur différence d'âge. Alors qu'elle va acheter un billet de loterie, il lui souhaite cordialement «bonne chance». Superstitieuse, elle décide de partager son lot avec lui si elle gagne. Et c'est ce qui arrive : elle touche deux millions ! Claude n'accepte qu'à la condition qu'ils s'offrent ensemble un beau voyage. En tout bien tout honneur, car Marie est à présent fiancée à Prosper. Le mariage doit avoir lieu deux semaines plus tard à Fontenac, petite bourgade du Midi dont la jeune fille est originaire. Claude s'engage à accompagner la promise jusqu'à la porte de la mairie, leur escapade terminée.
Des péripéties diverses et cocasses émaillent ce périple, qui ressemble bientôt à un voyage de noces avant la lettre. Pour commencer, Claude couvre Marie de cadeaux, en puisant largement dans leur pactole. Il lui fait une cour discrète, mais assidue. Ils font chambre à part, mais le hasard les rapproche sans cesse. Au casino de Monte-Carlo, il s'aperçoit qu'elle est son porte-chance : il se ruine en son absence, mais regagne une fortune dès qu'elle réapparaît.
À Fontenac, Claude réserve une surprise à sa protégée : grâce à l'envoi au maire du village d'un important chèque, Marie est accueillie comme une reine. Constatant qu'elle est née de père inconnu, il se propose même de la reconnaître, en secret. Ce qui complique les choses, car entre-temps, Prosper s'est trouvé une autre compagne, de sorte que la place du marié reste vide le jour de la cérémonie. Claude se précipite pour l'occuper, quitte à prendre pour épouse celle dont il faillit devenir le père adoptif ! Et tout le monde sera heureux...
Commentaire
Cette comédie sentimentale est une ode au bonheur et à l'amour, loin des tracasseries petites-bourgeoises. Ce scénario original permit à Sacha Guitry de jouer d'une structure complexe en désignant la technique cinématographique pendant le cours du film, et en la faisant analyser par les protagonistes.
Il tint le rôle de Claude, Jacqueline Delubac (dont ce fut le premier rôle), celui de Marie, Pauline Carton, celui de sa mère de Marie, André Numès Fils, celui de Prosper.
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Sacha Guitry fit jouer au théâtre :
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Quand jouons-nous la comédie?
(1935)
Comédie en trois actes, précédée d'un prologue et suivie d'un épilogue
Un couple de chanteurs dopéra au sommet de leur gloire chante pour la dernière fois Werther, et décide de quitter la scène pour se consacrer entièrement à un amour qui fait ladmiration générale. Malgré les efforts de la duchesse de Touzac, qui commandite le Théâtre Lyrique, de ceux du directeur et dun grand journaliste, malgré les supplications du public, leur décision est irrévocable, car ils sentent approcher le jour où lun des deux risque de perdre sa voix. «Ah ! Si nous étions des acteurs de théâtre parlé, ce ne serait sans doute pas la même chose !», disent-ils à leur ami intime. Ce dernier, qui est auteur dramatique, leur propose décrire une pièce spécialement à leur intention. Voici donc cette comédie nouvelle :
Constance, qui adore son époux, Bernard, est convaincue quil a une autre femme dans sa vie. En effet, elle a cru apercevoir une photo suspecte dans son portefeuille. Elle interroge sans détours son amie, Marie-Thérèse, qui samuse de son trouble, et lui jure quelle nest pas coupable. Constance a alors le courage darracher le portefeuille des mains de Bernard. Elle contemple la fameuse photo : cest son propre portrait, pris il y a dix ans !
Bernard veut senfuir. Très amer, il avoue à son ami, Jacques, quil est obsédé par le souvenir de Constance, telle quelle était autrefois. Leur vie actuelle est devenue un enfer. Ils nont plus quà se séparer ! Jacques nen revient pas : quelle surprise ce sera pour leur entourage, qui les considère comme des amoureux de légende ! Constance et Bernard ont prévu depuis longtemps léventualité dune telle situation : ils doivent alors glisser un petit mot dans un livre. Mais, quand Bernard louvre, Constance la déjà utilisé ! Il pousse un cri : «Pourvu quelle ne se soit pas tuée !» Et il se lance à sa recherche.
Constance revient, tout aussi inquiète que son compagnon. Mais, dès quils se revoient, leur exaltation retombe. Pourtant, ils ne se quitteront pas et feindront même de saimer toujours, pour donner aux autres le bon exemple. Dailleurs, seront-ils jamais infidèles lun à lautre? Ils devront vivre désormais avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête. Peut-être se laisseront-ils prendre à ce jeu : «Quand jouons-nous la comédie? Le savons-nous? Et qui nous dit que depuis quinze années nous ne nous mentons pas sans nous en rendre compte ! [
] Cétait peut-être anormal de vivre comme nous vivions
Nous nen pouvons plus de lautre
et nous reconnaissons quil ne va plus nous être possible de nous séparer. Cest tout de même une preuve importante de quelque chose [
] Nous devenons des gens normaux
»
Le rideau tombe. En coulisses, les deux anciens chanteurs, devenus comédiens, se félicitent et sembrassent. Ils saiment toujours autant.
Commentaire
Au début de 1932, dans lespoir de convaincre Yvonne Printemps, qui se détachait de lui irrémédiablement, Sacha Guitry avait commencé une pièce intitulée Lépée de Damoclès, qui exposait le problème dun couple désuni, et dont la conclusion était celle-ci : «Il faut que nous restions ensemble, même si nous ne nous aimons plus
pour ne pas décevoir trop cruellement notre entourage, qui nous considère comme le couple idéal !» Mais il était trop tard, et cet essai resta dans un tiroir.
Cependant, Sacha Guitry eut létrange idée de reprendre cette Épée de Damoclès pour limbriquer dans cette peinture des coulisses de lOpéra !
Bel exemple de «théâtre dans le théâtre», la seconde pièce, la plus longue, nous est présentée comme un pur produit de limagination dun auteur dramatique, puisquelle est interprétée par des chanteurs qui jouent à jouer, incarnés eux-mêmes par dexcellents comédiens, qui jouent. On nen finirait pas de disserter dans le vide sur le faux pirandellisme de la situation ! Or cest bien cette seconde pièce, dailleurs purement dramatique, qui, seule, présente quelque intérêt puisquelle constitue en fait la solution imaginée par Sacha Guitry en 1932 pour conjurer la crise qui allait le séparer dYvonne Printemps.
Cette pièce est un divertissement de la finesse psychologique la plus railleuse et la plus mélancolique à la fois. Elle pose ces questions :
- Quest-ce que lamour si lamitié et la tendresse ne réparent point, le jour voulu, lennui de laccoutumance et les désillusions de lâge mûr?
- Quelle est la part de comédie que les amants se jouent à eux-mêmes et vis-à-vis des autres? Vis-à-vis aussi lun de lautre?
- Quand on cesse de saimer, après avoir été profondément unis, non seulement dans le secret de ses sentiments et de son existence, mais en face dun public qui a les yeux fixés sur vous avec étonnement, envie et désir aussi de vous voir défaillir en ce si périlleux exercice qui consiste à continuer à saimer en dépit de tout et de tous, que peut-on faire, que doit-on décider?
Cette comédie involontaire, celle que les oiseaux commencent lorsque le mâle parade et fait le beau devant la femelle séduite ou récalcitrante, ce jeu de linstinct et aussi de la vanité, combien peu de couples ont su sen libérer pour le remplacer par la vérité du cur, et lattachement de lesprit ! Sacha Guitry, avec sa connaissance adroite et vive des pantins que sont les femmes et les hommes, samusa à nous montrer les ficelles sentimentales qui les font, en ce cas, agir, rire et pleurer. Il choisit, dans la série des amoureux et des amoureuses, ceux-là que leur art et leur métier, cest-à-dire leurs dons et leurs habitudes démotion, de sensibilité et de culte de lapparence, rendent les plus aptes à la démonstration quil méditait. Il voulut que ces personnages tourmentés soient interprétés par un couple dacteurs, pour mieux souligner encore lanalogie entre le duo Sacha Guitry / Yvonne Printemps et le couple Bernard / Constance, et ne laisser subsister aucun doute sur le fait quil na cessé de jouer avec son épouse, pendant plusieurs années, des scènes tirées de leur vie privée !
Ceci étant établi, on peut penser que, lui qui connaissait si bien le théâtre et en parla maintes fois si joliment, a volontairement poussé jusquà une bouffonnerie totalement invraisemblable les séquences de coulisses, afin détablir nettement où se situait le vrai débat.
Le fait que le personnage principal soit un ténor qui chante Werther constitue encore un signe évident puisque cet opéra était lun des rôles les plus fameux du ténor Francell, avec lequel Charlotte Lysès avait jadis trompé Sacha Guitry. Mais tout cela nétait pas très clair pour le public.
Comme cette création intervenait trois ans après la rupture entre Sacha Guitry et Yvonne Printemps, il ne pouvait évidemment être question que le nouveau couple Sacha Guitry /Jacqueline Delubac en soit linterprète ! Aussi la pièce fut-elle créée le 20 septembre 1935, au Théâtre de Paris, avec Suzy Prim (Elle du prologue et Constance), André Luguet (Lui du prologue et Bernard), Henri Crémieux (lauteur dramatique du prologue et Jacques), Marguerite Moreno (la duchesse de Touzac). Elle neut que vingt-trois représentations, la dernière étant donnée le 9 octobre.
Parfaitement conscient, comme toujours, des scories anecdotiques qui entachaient Quand jouons-nous la comédie?, Sacha Guitry publia en 1950 son aimable comédie Constance, qui en était débarrassée.
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La fin du monde
(1935)
Comédie en cinq actes
Cela fait vingt ans que le duc de Troarn, réfugié dans son vieux château familial, ne paie pas ses impôts. Cest que ce royaliste opposé au régime de la IIIe République, considérant que verser le moindre centime à lÉtat équivaudrait à «la fin du monde», a décidé de le priver de ses deniers, qu'il a de toutes façons dilapidés depuis longtemps, et de vivre des biens que lui procure encore son domaine. Mais, un jour, le gouvernement, soucieux de remplir ses caisses, décide d'envoyer un huissier à sa porte, et il doit bien se rendre à lévidence : il va devoir trouver un moyen pour payer ses dettes
Affolée, la marquise d'Aumont de Chambley survient, suivie de son vieux complice, Mgr Le Landier, évêque plus intéressé par la chair en tous genres que par les versets de la Bible. La marquise n'a qu'une idée dans la tête : marier le duc à une bigote, dotée d'une rente impressionnante. L'évêque a un plan plus amusant : transformer le château en maison d'hôtes payants ; mais pas n'importe lesquels, rassure-t-il tout de suite le duc de Troarn qui, pour ne pas entacher la réputation de la lignée, se ferait passer pour M. Gibelin, régisseur. Le temps de teinter son noble accent d'intonations campagnardes, Troarn-Gibelin voit déjà arriver ses clients, dont l'étrange monsieur Gaston, qui ressemble étrangement à l'assassin d'un fait divers... Les surprises commencent.
Commentaire
Vaudeville désopilant où se mêlent personnages truculents, suspens et coups de théâtre, la pièce semble navoir dautre but que de divertir. Mais, en fait, Sacha Guitry y assène quelques petites remarques acérées, des réflexions gratinées, notamment sur la politique, la religion, le sexe.... Il dépeint, avec son charme, son élégance, son esprit et son oeil malicieux, ce qui est une «fin du monde» pour ce duc hautement conservateur, qui aime les femmes, de préférence belles et pas intelligentes, et déteste qu'on lui change ces bonnes vieilles valeurs qui veulent qu'un valet reste un valet. Parmi quelques-unes des perles «traditionnalistes» que la pièce nous sert, relevons : «La réaction, c'est l'action d'un corps sur un autre corps, madame. Donc, pour bien faire l'amour, ne le faites qu'avec des réactionnaires !» ou la réplique finale : «Si j'accepte d'être conservateur (en l'occurrence d'un musée)? Mais je le suis de naissance !»
Le 28 septembre 1935 eut lieu une avant-première au Théâtre Georges-Leygues à Villeneuve-sur-Lot. Le 1er octobre, la première eut lieu au Théâtre de la Madeleine. Suivirent cent soixante dix-sept représentations, jusquau 1er mars 1936.
La pièce est encore montée aujourdhui, ainsi en 1966, au Théâtre de la Madeleine ; en 2011, à Bruxelles.
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Le 8 décembre, Sacha Guitry participa à la première séance de télévision au Conservatoire des Arts-et-Métiers.
Il publia :
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Mémoires dun tricheur
(1935)
Roman
Un jeune garçon, parce quil a volé huit sous dans la caisse paternelle, est privé de champignons. Or ceux-ci étaient vénéneux : quelques heures plus tard, il est le seul survivant dune famille de douze personnes. Placé comme groom dans un restaurant de Caen, puis à Trouville et à Paris, il raconte ses débuts, ses succès et, enfin, son admission comme croupier au casino de Monte-Carlo. Sétant marié avec une joueuse, il imagine avec elle un plan qui, tout en ne demandant quun peu de doigté de la part du croupier, leur permettrait de senrichir à la roulette. Or, dès le premier soir où ce plan est mis en action, il ne réussit pas un seul des coups quil se proposait dentreprendre ; sa femme, qui jouait selon le plan préétabli, perd toute leur fortune, et, suprême malheur, il est mis à la porte pour avoir fait sortir, par malchance, le zéro quatre fois de suite. Le voici donc sur le pavé, pour ne pas avoir su tricher ! Il décide alors de devenir tricheur professionnel, et cest sa vie en cette qualité que les Mémoires relatent : vie heureuse et opulente, jusquà ce quune rencontre fasse de lui
un joueur honnête, qui, comme tout joueur qui se respecte, se ruine. Il finit ses jours employé dans une fabrique de cartes à jouer !
Commentaire
Le texte est délicieux, libre, truculent, moralement et politiquement incorrect. On y lit :
- «L'homme qui thésaurise brise la cadence de la vie en interrompant la circulation monétaire.»
- «L'argent n'a de valeur que quand il sort de votre poche. Il n'en a pas quand il y rentre.»
Sacha Guitry fait lapologie du jeu pour le jeu, cest-à-dire, finalement, de légocentrisme et de lorgueil, car la folie du joueur, cest de croire quil peut gagner sur le hasard, quil peut être, de ce fait, maître du monde. Le tricheur saperçoit finalement que le vrai bonheur de jouer, cest de ne pas tricher, et que perdre est beaucoup plus excitant.
Le livre fut illustré de dessins de lauteur.
La même année, il fut, à Londres, traduit en anglais : Memoirs of a cheat.
En 1936, Sacha Guitry adapta son roman pour lécran, sous le titre Le roman dun tricheur. Le film révéla quil avait létoffe dun grand cinéaste, et est considéré par beaucoup comme son chef-d'uvre. Son audace fut de le tourner presque entièrement en muet, un commentaire dit par lui escamotant tout dialogue (à lexception dun bref duo avec Marguerite Moreno) ; il fut ainsi linventeur de la «voix off», du film à la première personne. Orson Welles allait subir son influence pour Citizen Kane et La splendeur des Amberson. Sous-estimé par la critique française, ce savoureux manuel dimmoralité appliquée fit les délices des Américains, et eut une influence durable sur des réalisateurs aussi divers quOrson Welles (qui le considérait comme son maître), Alain Resnais et François Truffaut.
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Après avoir tourné aux studios de Joinville Le nouveau testament, et, jusqu'au 15, joué le soir La fin du monde, le 16 janvier 1936, Sacha Guitry partit pour Gstaadt avec Jacqueline Delubac, et ils allaient y rester jusqu'au 5 février.
Le 15 février, au cinéma Marivaux, à Paris, eut lieu la première projection en exclusivité du film Le nouveau testament.
Fin juin-début juillet, aux studios d'Épinay, il tourna Le roman d'un tricheur et Mon père avait raison.
Le 18 septembre fut projeté en exclusivité, au cinéma Marignan, le film Le roman d'un tricheur.
Il fit jouer :
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Le mot de Cambronne
(1936)
Comédie en un acte et en vers
Le général Pierre Cambronne est à la retraite, vivant avec son épouse, Mary Cambronne, qui est Anglaise et ne connaît pas certains mots français, notamment celui de son mari, alors que tout le monde met de la malice à y faire allusion. Elle désire l'apprendre enfin, le presse de questions afin d'en connaître la signification. Mais le général se refuse à toute explication, et persiste à ne pas prononcer son fameux mot. Finalement, Adèle, une jolie servante, édifie Mme Cambronne en le proférant dans un instant de maladresse.
Commentaire
Il est exact que le général Cambronne avait, le 10 mai 1820, épousé une Anglaise, Marie Osburn, et que lAngleterre passait en France pour le royaume de la pruderie pudibonde. L'idée quexploita la pièce était dEdmond Rostand, qui en avait parlé à Sacha Guitry quelques années avant sa mort. Il écrivit donc la pièce en hommage au défunt, et, pour cette raison, s'imposa même d'en faire un texte en vers.
Si, sur ce thème, a priori scatologique et scabreux, Sacha Guitry réussit une savoureuse fête de l'esprit, si sa comédie est un régal, un délice, tout n'y est pas que fantaisie en costumes d'époque : selon son habitude, avec la clairvoyance du génie, il dit tout, en quelques répliques, sur le bonheur, les plaisirs de la vie, l'amour, l'enseignement et la politique, y lance plus d'un trait acéré sur la méchanceté ou la muflerie. En trois minutes, il brosse un tableau de la France et des Français, raccourci saisissant, qui demanderait des volumes aux historiens de métier. Admirablement typés, ses personnages prennent une consistance psychologique étonnante, chacun existe, de Mary Cambronne, femme au foyer pas tout à fait aussi gentille qu'elle voudrait le paraître, pas très fine, tatillonne et perturbée par le qu'en-dira-t-on, jusqu'à son beau militaire d'époux, qui a la nostalgie de l'exercice et du célibat, en passant par la préfète, incarnation même de la rosserie et du commérage, sans oublier la servante, qui ne dit pourtant qu'un mot (le bon !) mais sur laquelle le ménage Cambronne nous renseigne suffisamment.
Le 28 septembre, la pièce fut représentée en avant-première au Théâtre du Cercle Interallié, Sacha Guitry jouant évidemment le rôle du général, Marguerite Moreno, celui de sa femme. La première eut lieu le 2 octobre au Théâtre de la Madeleine.
Dès le 19 novembre, il tourna un film de 34 minutes, avec les quatre acteurs qui avaient créé la pièce sur scène. Les accessoires venaient du théâtre, et y retournèrent le soir même. La première eut lieu le 26 mars au cinéma Normandie.
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En 1936, Sacha Guitry donna encore :
- Le saut périlleux, drame en un acte qui fut joué à bord du navire Le Normandie, en rade de New York,
- Geneviève, comédie en cinq actes créée au Théâtre de la Madeleine le 2 octobre.
Le 10 novembre 1936, il commença le tournage de Faisons un rêve aux studios de Billancourt.
Le 19 novembre, toujours aux studios de Billancourt, il tourna Le mot de Cambronne.
Le 27 novembre, au Colisée, fut projeté en exclusivité Mon père avait raison.
Le 31 décembre, au cinéma Le Marignan, fut projeté en exclusivité Faisons un rêve.
Le 1er janvier 1937, il accueillit l'année à la radio, par une tirade en vers qui parut le même jour dans Paris-Soir.
Le 15 février, il commença le tournage du film Les perles de la couronne aux studios de Billancourt. Il allait être achevé le 29 avril.
Le 26 mars eut lieu la première du film Le mot de Cambronne au cinéma Normandie.
Le 9 juin, au Théâtre des Champs-Élysées, eut lieu le premier de dix galas publicitaires donnés au profit de la Caisse de secours des anciens de lécole des Hautes Études Commerciales. Sacha Guitry y présenta Crions-le sur les toits, revue «publicitaire» en deux actes et seize tableaux qui avait été composée en collaboration avec Tristan Bernard, Adolphe Borchard, René Dorin et Albert Willemetz. Il y fit triompher son goût pour les trouvailles publicitaires. Elle eut ensuite dix représentations au Théâtre de la Madeleine.
Cette année-là, Sacha Guitry sinstalla dans le village de Fontenay-le-Fleury, près de Versailles.
Le 5 septembre, pour linauguration du poste Radio 37, il parla du Bar des vedettes avec Maurice Chevalier.
Il fit jouer :
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Quadrille
(1937)
Comédie en six actes
Venu au Ritz pour interviewer Carl Erickson, un jeune premier hollywoodien qui est la sensation du moment, Philippe de Morannes, rédacteur en chef de "Paris-Soir", rencontre sa consur, la jeune et belle Claudine André qui lui est fort sympathique. Tout en flirtant, il lui révèle son intention dépouser la comédienne Paulette Nanteuil, qui est sa maîtresse depuis six ans.
Alors que Carl, de passage à Paris, est sollicité de toutes parts, assailli dadmiratrices, il remarque, en traversant le hall, une belle inconnue qui semble réfractaire à cette frénésie. Sous le charme de la jeune femme, intrigué par son indifférence, lAméricain lui demande un autographe, quelle signe du nom de son amie, Claudine André. Il donne ensuite une interview à Philippe, qui, pour le remercier, lui offre une place au Théâtre du Gymnase pour le soir même.
Or joue dans la pièce la belle indifférente, qui est en fait Paulette Nanteuil. Il va la voir dans sa loge, et, séduite, elle accepte de dîner puis de passer la nuit avec lui.
Ulcéré, Philippe, pour se venger, séduit Claudine, qui nest pas insensible à son charme, comme à celui de Carl. Paulette tente alors de se suicider. Devant un copieux petit déjeuner, Philippe et Claudine se remettent de leurs émotions, et envisagent diverses solutions au problème posé. Claudine conseille le mariage. Il ne commettrait cette folie quà une seule condition : que Claudine lui appartienne le jour du mariage ! Elle le prend au mot.
Quelques semaines après, Philippe et Paulette shabillent pour se rendre à la mairie. Philippe sécrie : «Je me suis fait à tout ! Jamais on naura vu un homme renoncer à ce point à tous ses principes, à toutes ses idées !... On est dans la danse, dansons ! Et quel quadrille !»
Mais ce jour même, Paulette senfuit avec Carl ! Philippe, ravi, épousera plutôt Claudine : «Il est écrit que je ne pourrai jamais rester vingt-quatre heures sans avoir une femme à moi. Cest terrible ! [
] Je ne pourrai donc jamais avoir les femmes des autres !»
Commentaire
Quadrille est une de ces comédies d'intrigue où Sacha Guitry créa un chassé-croisé amoureux fertile en rebondissements. En dépit de son amertume, la pièce est amusante, car sy déroulent détincelants dialogues qui abondent en reparties extravagantes ; on a droit à une fête perpétuelle du verbe, à un ballet où s'enlacent, dans des attitudes toujours nouvelles, l'esprit et la satire, l'observation et la fantaisie.
Lauteur donna quelques détails extrêmement précieux sur la genèse de cette réalisation, nous renseignant du même coup sur sa manière de travailler : «Jai imaginé la situation dans laquelle se trouvent les deux personnages principaux de ma pièce au troisième acte, et, tout de suite, jai commencé cette scène. Je ne connaissais alors que létat civil de cet homme et de cette femme. À la première réplique, son caractère à lui métait révélé. À la vingtième réplique, leurs sentiments réciproques métaient connus. Vers le milieu de la scène, javais deviné, si jose dire, ce qui avait pu se passer avant, et au second tiers de la scène, je savais comment se terminerait la pièce. En somme, Quadrille est une scène à deux personnages, précédée de deux actes et prolongée de trois.»
La construction est étrange. Sacha Guitry lui-même indiqua : «Quadrille est une scène à deux personnages, précédée de deux actes et prolongée de trois. Elle se noue pendant les deux premiers actes, les noeuds sont serrés pendant vingt-cinq minutes, et elle se dénoue non sans difficulté pendant les trois derniers.» En effet, on a dabord une exposition très lente, faite dun badinage aimable et spirituel, qui cependant conserve toujours le ton de la vérité, mais dont on ne discerne que tardivement les perspectives quil nous offre. La scène de séduction où, pour la première fois, apparaît le personnage délicieusement drôle de Paulette, est conduite avec une maestria irrésistible, et lance enfin ce quadrille sur un train denfer. Puis vient la très savoureuse explication entre Paulette, encore en peignoir de bain, et son malheureux compagnon, quelle vient de faire bien proprement cocu. Ce duel, qui est dune belle force comique, aurait parfaitement pu se transformer en sombre drame. Dun côtése présente, en effet, la jeune femme coupable, qui plaide linnocence contre toute logique avec une ingénuité mêlée de rouerie, dautant plus acharnée quelle craint de perdre la proie (une liaison solide et durable) pour lombre, pour un coup de folie engendré par le désir, aussi impérieux que fugace. De lautre, voici lhomme bafoué, pour la seconde fois de son existence, au moment où, totalement confiant en sa compagne, il envisageait de lépouser. Ayant passé les dernières heures à pleurer, puis à réfléchir, il croit sêtre repris, mais prononce quelques phrases cinglantes qui en disent long sur sa peine. Cet affrontement véritablement superbe, prétexte aussi à un magnifique «numéro» de comédiens, est le meilleur moment de loeuvre, dont il accélère encore le rythme. Malheureusement, par la suite, lorchestre semballe, et les personnages, emportés dans un tourbillon vaudevillesque, perdent une partie de leur réalité, de leur crédibilité humaine et sociale, pour devenir des pantins qui, selon la volonté de lauteur, poursuivent un quadrille de rêve ou de cauchemar mi-sinistre, mi-plaisant.
Ici, létude des caractères importa évidemment davantage à Sacha Guitry que les ficelles de lintrigue.
Il fit un choix très symptomatique de la profession de ses personnages. Ils sont divisés en deux clans, les acteurs et les écrivains : les uns aiment le texte, les autres, la façon de le dire ; les uns lisent tout, les autres ne reçoivent même pas leur courrier ; les uns disent, les autres racontent ce que les premiers disent. Ce choix est nullement innocent de la part de ce jongleur de mots.
Il y eut ces formules :
- «Les meilleures leçons sont celles que l'on prend sans que les personnes à qui on les prend en soient informées.»
- «Au début d'une aventure, le cocu y est toujours pour quelque chose.»
- «Il ne faut jamais aller au-devant des choses qu'on redoute.»
- «Quand une femme est seule, elle se voit seule au monde !»
- «Tout nous trahit lorsque nous trahissons.»
Sacha Guitry a fort bien montré avec quelle facilité des êtres en apparence intelligents, équilibrés, maîtres deux-mêmes et des autres (un grand journaliste, une vedette de la scène), peuvent se trouver emportés dans cette farce tragi-comique de la vie, et perdre toute volonté. Les voici soudain flottants, hésitants, à la merci dun mot ou dun geste, ne sachant pas sils doivent opter pour la vengeance ou le pardon, le repentir, la révolte, la muflerie, la tendresse, la rupture ou le mariage.
Dune manière très pirandellienne, le dramaturge samusa à mêler, comme presque toujours, vérités et mensonges : Paulette Nanteuil ayant la réputation dêtre une comédienne hors pair, cest-à-dire dont lapparente sincérité est prodigieuse, on ne sait plus très bien à quel moment elle joue et à quel moment elle redevient elle-même. Le sait-elle seulement? Cest un nouvel exemple de ce perpétuel jeu de masques caractéristique de la vie en société. On pensera donc aussi, en voyant Quadrille, à ces Acteurs de bonne foi, extraordinaire comédie de Marivaux, très peu connue jusquaux dernières
années du vingtième siècle, et que Sacha Guitry lui-même ne connaissait vraisemblablement pas.
On constate quil exprima dans cette pièce lamertume dun cur blessé (et plusieurs fois blessé) qui se dissimula mal sous le froid cynisme et la logique ironique de Philippe. Sans insister outre mesure, il nous conduit ainsi à nous demander jusquà quel point il lui a fallu souffrir pour pouvoir prendre son petit déjeuner en plaisantant avec sa future maîtresse, quand celle quon a aimée et admirée pendant six ans vient dessayer de se tuer !...Sil sagissait de nous faire rire du spectacle dun homme qui aime et qui est trahi, la gageure ainsi tentée savère parfaitement réussie.
Quadrille ne serait-il pas précisément léquivalent, dans toute la production de Sacha Guitry, du Misanthrope, dans celle de Molière, ce Misanthrope que les critiques dailleurs sobstinèrent à lui réclamer?
Cette oeuvre, pensée en juillet, fut rédigée en août, créée le 21 septembre 1937, au Théâtre municipal dOrléans, puis jouée le 24 septembre, au Théâtre de la Madeleine, par Sacha Guitry (Philippe de Morannes), Gaby Morlay (Paulette Nanteuil), Jacqueline Delubac (Claudine André), Georges Grey (Carl Herikson).
Le 30 novembre, Sacha Guitry commença le tournage dun film tiré de sa pièce, avec les mêmes interprètes quà la scène. Il tourna dabord, à laéroport du Bourget, larrivée triomphale de la star, Carl Erickson. Puis on se déplaça jusquaux studios Pathé de Joinville.
Ce film éblouissant semble améliorer encore une pièce si fertile en rebondissements quelle étouffait à la scène, en son décor unique.
Les personnages de Philippe et Claudine, notamment, saisis dans leur vie quotidienne et dans leur propre intérieur, gagnent en vérité. Sacha Guitry, qui possédait au plus haut degré lart de faire passer un soupçon de souffrance dans la gaieté la plus exubérante, comme acteur aussi bien que comme auteur, est au-dessus de tout superlatif.
Gaby Morlay, irrésistible, sensationnelle, est une telle technicienne que tous ses petits trucs semblent témoigner de la plus fraîche spontanéité.
Pauline Carton est, comme toujours, parfaite.
Jacqueline Delubac, qui navait pas tout à fait leur personnalité, est vraiment séduisante, et elle a gagné beaucoup dautorité. Samusant une fois de plus à mêler leur vie privée à leur jeu, Sacha Guitry souligna avec malice cette transformation, lorsque Philippe dit à Claudine : «Quel chemin vous avez fait
depuis deux ans - cest merveilleux ! [
] Et comme vous vous êtes faite aussi, physiquement
Regardez-vous et rappelez-vous comment vous étiez il y a trois ans !» - «Hideuse à voir?» - «Hideuse est excessif, mais vous êtes méconnaissable. Vos yeux, même, ont changé. [
] Et vous êtes devenue tellement parisienne
»
Seul, Georges Grey, presque caricatural, rompt le charme de ce qui aurait dû être un quatuor unique au monde. Au crédit de son incarnation quelque peu forcée, il convient cependant de relever quelle correspond sans nul doute à la volonté de Sacha Guitry, désireux à la fois dironiser sur la personnalité du séducteur qui le supplante, et sur la qualité des stars américaines en général. Le jeune acteur navoue-t-il pas très ingénument : «Franchement, je nai pas grand talent. Quand je tourne, on me dit toujours : Ne faites rien - dites vos mots. Et quand on prend un gros plan de moi, on me dit : Attention, pensez ! Je demande à quoi il faut que je pense, on me répond : À rien ! Alors je ne pense à rien de toutes mes forces - et ça fait une image quon peut placer dans toutes les circonstances !» Cest un rappel évident et moqueur de la fameuse expérience selon laquelle le même visage totalement inexpressif de la vedette russe du muet Ivan Mosjoukine pouvait évoquer tous les sentiments lun après lautre !
Le 3 décembre, le film fut projeté au cinéma Le Marignan.
Lors de la présentation du film à Monte-Carlo, Sacha Guitry réserva une surprise aux spectateurs : soudain la projection sarrêta ; un rideau souvrit et, au dessous de lécran, Sacha Guitry, Jacqueline Delubac et Gaby Morlay jouèrent en chair et en os la suite de la scène
Pièce et film furent simultanément à laffiche.
En 2011, la pièce, mise en scène par Bernard Murat, avec François Berléand (Philippe de Morannes), Pascale Arbillot (Paulette Nanteuil), Florence Pernel (Claudine André), François Vincentelli (Carl Herickson), fut donnée au Théâtre Édouard-VII.
En 1997, un autre film fut tourné par Valérie Lemercier qui jouait le rôle de Paulette, tandis quAndré Dussollier avait celui de Philippe, et Sandrine Kiberlain celui de Claudine.
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Les perles de la couronne
(1937)
Film de 1h 40
Trois narrateurs (lhistorien français Jean Martin, un écuyer royal anglais, et un camérier du pape) racontent lhistoire fabuleuse d'un collier composé de sept perles fines, jadis offert par le pape Clément VII à sa nièce, Catherine de Médicis, quelques mois avant son mariage avec le futur Henri II... Quatre des perles, remises à Élisabeth Ière peu après l'exécution de Marie Stuart, ornent désormais les arceaux de la couronne royale britannique, mais les trois dernières ont mystérieusement disparu en 1587. Les trois narrateurs se rencontrent, décident de partir en quête des joyaux manquants, découvrent les frasques de quelques souverains.
Commentaire
Les événements historiques sont traités avec un humour malin et satirique.
Sacha Guitry prit pleinement conscience des possibilités visuelles et sonores du cinéma dans ce film de grande envergure, auquel participa, autour de lui (qui tint les rôles de Jean Martin et François Ier) et de Jacqueline Delubac (qui tint ceux de Françoise et de Marie Stuart), une pléiade d'acteurs célèbres, dont certains étrangers qui, pour les besoins du scénario, parlèrent leur propre langue. Raimu, reconnaissant envers celui qui l'avait lancé, accepta de jouer gratuitement.
Le texte narratif joue avec I'image qui est chargée de symboles. Le montage et le découpage sont d'un brio et d'une rapidité inhabituels. Comme il allait le faire dans les grandes fresques pseudo-historiques qui allaient assurer sa popularité auprès d'un plus vaste public, Sacha Guitry mêla la fiction à la réalité, écrivit «des histoires à propos de l'Histoire», opposant à ses détracteurs : «Le peu que je sais, je le dois à mon ignorance».
Pour la réalisation, il s'adjoignit les services de Christian-Jaque, qui venait de tourner François 1er avec Fernandel. Aussi ny a-t-il rien d'étonnant à ce que François 1er et Henri VIII soient dépeints de l'exacte même manière dans les deux films.
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Le 6 octobre 1937, Sacha Guitry commença le tournage de Désiré aux studios François-1er .
Le 30 novembre, il commença le tournage de Quadrille.
Le 3 décembre, il projeta Désiré au cinéma Le Marignan.
Comme il continuait à faire chaque année sa cure à Dax, il commença à passer l'été à la villa "Calaoutça" à Biarritz, au quartier de la Négresse, où il recevait de nombreux amis parisiens.
Le 8 mars 1938, au Poste parisien, fut enregistré le premier des "Quart d'heure de Sacha Guitry". Il allait y avoir vingt-quatre émissions, la dernière le 22 avril.
Le 4 mai débuta, avec la collaboration technique de Robert Bibal, le tournage, aux studios de Joinville, de Remontons les Champs-Élysées. Quelques jours auparavant, avaient été tournées, en extérieur, les scènes de chasse.
Le 18 mai, Jacqueline Delubac et Henri Garat partirent pour Cannes. Ils allaient y tourner une partie de L'accroche-cur sous la direction de Pierre Caron. Sacha Guitry, à Paris et aux studios de Joinville, poursuivit les prises de vues de Remontons les Champs-Élysées, avec Geneviève de Séréville.
Le 19 juillet, au palais de l'Élysée, devant les souverains britanniques, le président de la République et ses invités, Sacha Guitry et Jacqueline Delubac jouèrent un «à-propos en un acte», Dieu sauve le roi où, à Versailles, sous Louis XIV, on donne à l'ambassadeur d'Angleterre qui est lord Churchill un menuet de Lully chanté en français par les demoiselles de Saint-Cyr, qui allait devenir le God save the king.
Le 23 septembre, sortit le film L'accroche-cur.
Le 15 octobre, au Poste parisien, commença une série d'émissions dites "Mon agenda", consacrées au rappel d'événements ou de personnages dont c'était l'anniversaire.
Sacha Guitry fit jouer :
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Un monde fou
(1938)
Comédie en quatre actes
Le docteur Flache, «l'illustre psychiatre dont parle tout Paris», s'apprête à prendre une retraite dorée et bien méritée sur la côte d'Azur. Mais, à la dernière minute avant son départ, ses plans sont contrariés par l'irruption dans son cabinet d'un couple extravagant. Dabord entre en scène, avec une autorité, un ton supérieur, un langage précieux qui en disent long sur sa personnalité, lingénieur Jean-Louis Cousinet. Puis se produit lentrée en scène foudroyante de son épouse, Missia Cousinet, qui, en se déplaçant d'un bout à l'autre du cabinet, déroule un long monologue avec un savant accent slave qu'elle module avec dextérité. En présence de Valentine, la bonne et l'infirmière du dr Flache depuis plus de trente ans, chacun décrit, dans des tirades torrentielles, les symptômes de la folie de l'autre ; chacun demande au psychiatre d'examiner son conjoint. Curieusement, leurs ressentiments sont identiques. En critiquant les manies de l'autre, ils révèlent que ce sont leurs propres défauts qui les agacent, et qu'ils ont besoin d'effectuer un retour sur eux-mêmes. Si le mari manque de confiance et se repose sur le psychiatre, sa femme ne cache pas son désir daller lui faire quelques confidences ailleurs que sur le divan !
Dans un premier temps, le docteur Flache se refuse à «rempiler» : il va vendre sa maison aux enchères, et partir pour Nice. Il n'aurait pas hésité à jeter dehors les Cousinet si le charme de la jeune Slave (donc passionnée, comme il se doit !) ne l'avait pas foudroyé. Resté seul avec le docteur, Jean-Louis Cousinet affirme qu'il n'a pas de maîtresse. Quand il apprend, par l'indiscrétion d'une communication téléphonique, que le docteur vend son hôtel particulier de Neuilly, une véritable «folie» que le duc de Richelieu fit construire au XVIII siècle pour l'offrir à une maîtresse en cadeau d'adieu, il le lui achète. Quelle est son intention? veut-il l'offrir à Missia? à une autre femme comme cette curieuse Melle Putifat, à laquelle le docteur Flache a demandé de venir, qui a l'air un peu folle, elle aussi, puisquelle parle tout le temps de la «diagonale» qui se trouve dans la chambre du premier étage?
Le psychiatre conclut des propos des deux époux qu'ils sont tous deux normaux mais lassés l'un de l'autre. Véritable machination nourrie damour ou simple instinct médical, il trouve une solution pour sauver ce couple qui bat de l'aile : un mariage, suivi d'un divorce, que, dans un délirant appel, il promeut au rang de nouveau sacrement !
Commentaire
La pièce en quatre actes se déroule tout entière dans le petit bureau du psychiatre, scène réduite mais sur mesure pour ce «règlement de comptes» intime. Et ce huis clos permet aux personnages de se laisser aller aux confessions, à des actes défiant leur propre personnalité.
À la folie supposée des patients, qui ont au moins un «petit grain», sajoute celle contractée par le dr Flache, psychiatre légèrement détraqué après tant dannées à côtoyer ces «nerveux». Son nom est dailleurs tout à son image : on hésite entre «flèche» pour sa rapidité (et non sa droiture, que lamour des femmes courbe un peu), et «flash» pour son tempérament crépitant, passant de limpassibilité à une vive agitation.
Si Sacha Guitry revint à son éternel trio par des voies moins vaudevillesques, cette comédie irrévérencieuse et jubilatoire ne brille pas par la rigueur de sa construction. Dès le début, le tourbillon de Sacha Guitry se met en place. N'obéissant qu'à son esprit inventif, il nous entraîne dans une intrigue farfelue, fantaisiste et désinvolte. Au fil des quatre actes, du fait dinvraisemblances (peut-on croire que le docteur Flache puisse improviser la vente aux enchères de sa maison et totalement l'oublier?) et de quiproquos à répétition, la situation s'embrouille à plaisir. Mais on peut regretter le déséquilibre entre des scènes pleines de vivacité et d'autres, plus pâles, qui s'étirent paresseusement. Quand le héros, moteur de l'action, n'est pas en scène, on ressent un fléchissement de l'intérêt et du rythme. En se répétant, certains gags perdent leur effet comique. On remarque ce bel exemple de «théâtre dans le théâtre», quand, au début du quatrième acte, à la question de son assistante : «Est-ce que Monsieur ne croit pas que ce monsieur et cette dame se jouent un peu la comédie?», le docteur Flache répond : «Oui, tout cela, bien sûr, nest quune comédie
et nous en arrivons dailleurs au dernier acte.»
Il reste que le texte manifesta encore le brio de Sacha Guitry. Même s'il se laissa aller à certaines facilités, il séduit par des dialogues souvent incisifs et des formules cinglantes comme : «Dire le contraire de la vérité, c'est s'en être approché de dos, mais de bien près !»
Parfois, l'homme d'esprit devint moraliste, exprima une philosophie lucide et désabusée mais surtout indulgente. Sur fond de comédie, la pièce se penche sur un moment important de la vie du couple : après quelques années de vie commune, les manies de lautre, sa façon dêtre agacent. Ce qui est troublant, cest que les deux personnages ont chacun la même vision de leur conjoint. Plus quune remise en question de leur couple, ils doivent effectuer un retour sur eux-mêmes. On lit cet aphorisme : «Être fidèle, c'est, bien souvent, enchaîner l'autre.»
Sacha Guitry se lança dans des variations originales du traditionnel triangle amoureux. Il ironisa sur le divan trop accueillant des psychiatres, et sur les femmes qui ne se rendent pas chez les chiromanciennes «pour qu'on leur dise que leur mari doit vivre vieux, mais pour tâcher de savoir s'il doit mourir bientôt.» Il mania les paradoxes avec virtuosité, et, chemin faisant, taquina gentiment la psychanalyse et la méthode de l'association libre, dont on parlait beaucoup en ces années trente.
Le rôle de Missia fut écrit pour Elvire Popesco, actrice dorigine roumaine. Sacha Guitry fut Jean-Louis Cousinet, André Lefaur, le docteur Flache, Pauline Carton, la servante Valentine, Jacqueline Delubac, Mlle Putifat (ce fut la dernière comédie quelle joua auprès de son mari).
Le 3 novembre, la pièce fut créée au Théâtre de la Madeleine.
Le 26 mai 1951, au Théâtre des Variétés, Sacha Guitry reprit la pièce sous le titre dUne folie. Il joua le docteur Flache, avec Jacques Morel (Jean-Louis Cousinet), Lana Marconi (Missia), Sophie Mallet (Mlle Putifat) et Jeanne Fusier-Gir (Valentine).
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Le 1er décembre 1938, un grand gala fut tenu au cinéma Normandie pour la sortie de :
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Remontons les Champs-Élysées
(1938)
Film de 1h 40
Un instituteur (descendant à la fois de Louis XV, de Marat et de Napoléon Ier) raconte à ses élèves, par le petit bout de la lorgnette, l'histoire des Champs-Élysées, de la place de la Concorde en 1617 à la place de l'Étoile en 1938. Sont notamment évoqués :
- l'assassinat de Concino Concini ;
- les circonstances qui amenèrent Louis XV, las de la marquise de Pompadour, à faire aménager le Parc-aux-Cerfs ;
- l'établissement des premiers théâtres de marionnettes sur les Champs-Élysées ;
- la mort du Bien-Aimé annoncée par celle, survenue six mois auparavant, du ministre Chauvelin, et son enterrement nocturne ;
- les noires heures de la Terreur ;
- la rencontre, fortuite et improbable, entre Bonaparte et Napoléon, celui-ci reprochant à celui-là d'avoir trahi ses idéaux de jeunesse (Napoléon demande à Bonaparte : «Si cétait à refaire, recommencerais-tu?» - «Oh ! pas pour un Empire !» répond-il) ;
- l'assassinat nocturne de l'inventeur du gaz d'éclairage ;
- les débuts parisiens de Richard Wagner ;
- le retour des cendres de l'Empereur en 1840 ;
- le départ de Louis-Philippe pour l'exil ;
- le succès des chansons de Béranger ;
- le triomphe des valses de Métra lors dun bal à la cour de Napoléon III
Commentaire
Cette deuxième «fantaisie historique» est une fresque dune désinvolture réjouissante, qui propose une remontée du temps aussi ludique qu'instructive. Sacha Guitry interpréta les rôles de Louis XV et de tous ses descendants jusqu'au professeur final. Faut-il voir dans la rencontre entre Bonaparte et Napoléon, personnage(s) récurrent(s) chez lui, un parallèle entre lhomme de théâtre et le cinéaste?
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Le 15 décembre 1938, un dîner fut donné sur la scène du Théâtre de la Madeleine pour la cinquantième représentation d'Un monde fou. Jacqueline Delubac, qui, ce jour-là, avait quitté le 18 de l'avenue Élisée-Reclus pour se rendre chez sa mère au 15, n'y participa pas.
Le 19 décembre, le divorce entre Sacha Guitry et Jacqueline Delubac fut officiel.
Il joua dans le film d'Ernst Lubitsch, Blue Beard's eighth wife (La huitième femme de Barbe-Bleue).
Le 15 janvier 1939, Jacqueline Delubac joua pour la dernière fois avec Sacha Guitry, dans Un monde fou. Mila Parély reprit son rôle le lendemain.
Le 13 février, il partit pour une tournée sur la Côte d'Azur et en Suisse, avec une jeune fille de vingt-cinq ans, Geneviève Ligeau Chaplain de Séréville, sa nouvelle compagne, qui avait une petite expérience cinématographique (un film où elle joua au côté de Raimu), qui avait surtout un physique agréable et reconnu comme tel (elle avait été élue Miss Cinémonde), de la fraîcheur aussi, et une espièglerie qui lui faisait tout prendre avec désinvolture.
Le 23 mars, à Londres, à lIndia Office, devant le roi George VI et la reine Élisabeth, et le président de la République française, en voyage officiel, puis au Coliseum, Sacha Guitry joua un «à-propos franco-anglais» en un acte : You're telling me ou Honni soit qui mal y pense quil avait composé avec sir Seymour Hicks et Geneviève de Séréville, où il joua son propre personnage avec eux.
Le 31 mai commença le tournage, aux studios Pathé à Joinville, de Ils étaient neuf célibataires.
Alors que le nom de Sacha Guitry avait été proposé pour l'Académie française, et quil avait refusé, car on voulait lui imposer cette condition : abandonner son activité de comédien, le 28 juin, grâce à René Benjamin, il entra plutôt à lAcadémie Goncourt, en dépit de lopposition de Lucien Descaves, un des membres fondateurs, qui déclara vouloir en sortir sil y était élu.
Malgré cette prémonition quelle évoqua dans son livre, Sacha Guitry, mon mari : «J'étais trop certaine qu'à partir du mariage, je ne serais plus qu'une ombre, un reflet... et tous ces gens qui rôdaient sans cesse autour de Sacha et qu'il me faudrait supporter !», Geneviève de Séréville accepta de lépouser. Les 4 et 5 juillet furent célébrés, à Fontenay-le-Fleury, leurs mariages religieux et civil. «C'est la première fois que je me sens vraiment marié», déclara le vieil époux de cinquante-quatre ans. Elle fut la seule de ses cinq épouses à porter son nom. Il allait tenter de faire delle une comédienne. Elle allait créer cinq de ses pièces à Paris, en reprendre quatre autres à Paris ou en tournée, et jouer dans cinq de ses films. Ils allaient vivre entre Paris (l'hôtel particulier du 18, avenue Élisée-Reclus) et une propriété de campagne quil avait achetée près de Saint-Cyr, à Ternay. Mais, bien vite, elle découvrit la caractéristique essentielle de son célèbre époux : «Comment fait-il pour travailler ainsi du matin au soir? Il ne parle que travail. Ce n'est pas toujours amusant pour moi...», se plaignit-elle, car ses vingt-cinq ans la poussaient à s'amuser, sortir, danser..., à ne sintéresser quà Nathalie, son caniche, et aux quatre chiots de la portée : Zim, Bala, Boum, Tsouin-Tsouin... Bientôt, elle lui fit des scènes de ménage où, bien que comtesse, elle le rabrouait avec un vocabulaire de charretier, tandis que lui, grand seigneur, gardait toujours son calme. Et, comme Yvonne Printemps, elle ne tarda pas à le tromper.
Le 22 juillet, Sacha Guitry partit pour une tournée dans sept casinos de France.
Il présenta à Paris :
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Une paire de gifles
(1939)
Comédie en un acte
Un amant se rend chez sa maîtresse et son mari, pour exiger qu'elle cède à ses désirs. Éconduit et exaspéré, il finit par la gifler. Mais il fait croire qu'il est la victime de ce geste. Le mari, intervenant, demande alors réparation à son épouse, et, sans le savoir, réconcilie ainsi le couple adultère.
Commentaire
Cette petite farce amusante, énième variation sur l'aveuglement des époux trompés, fut créée le 23 octobre, au Théâtre de la Madeleine, avec André Brûlé, Elvire Popesco et Sacha Guitry.
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Furent jouées aussi deux autres courtes comédies de Sacha Guitry :
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Une lettre bien tapée
(1939)
Comédie en un acte
Dans un hôtel, un voyageur pressé demande les services d'une dactylo pour taper un courrier. Mais c'est une bien étrange jeune femme qui vient prendre sa lettre sous la dictée, et qui le séduit. Un marché se conclut entre eux, et elle, qui a une cervelle légère, échange un dimanche à Amboise contre un manteau de vison.
Commentaire
Chacun des protagonistes trouvant à sa manière le moyen dassouvir son désir, la pièce est un clin dil un peu acide sur la comédie humaine, le pouvoir de largent et les stratégies de séduction. La légendaire misogynie de Sacha Guitry sy exprima pleinement : la femme est présentée comme une créature un peu sotte et très facile à manipuler, mais qui sait pourtant fort bien comment sy prendre.
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Fausse alerte
(1939)
«À-propos en un acte»
À l'occasion d'un couvre-feu, deux voisines se retrouvent dans une cave. Elles se détestent, sans savoir pourquoi, et essaient de se souvenir de l'objet de leur fâcherie !
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Le 30 octobre 1939, se tint, au bal Tabarin, le déjeuner de l'Union des artistes que présida avec Sacha Guitry le président Albert Lebrun.
Le soir, sortit, au Marignan et au Colisée :
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Ils étaient neuf célibataires
(1939)
Film à sketchs
En 1939, sur fond de guerre mondiale imminente, un décret d'expulsion menace d'extradition immédiate les étrangers non régularisés présents sur le territoire français. La première scène montre un restaurant tenu par des réfugiés espagnols, et dont la clientèle est des plus cosmopolites ; arrive un vendeur de journaux qui annoncent la nouvelle en «une» ; cest le tollé dans le restaurant car bien des clients, venus dEurope centrale, sont concernés ; le vendeur de journaux, qui est «bien français» sen félicite, lui, et se fait chasser ; il revient quelques minutes plus tard, menaçant cette fois : «Vous allez voir ce que vous allez voir. Fini de rire. Ça va être votre tour.»
Apprenant incidemment léventualité de la promulgation de cette loi, Jean Lécuyer, un habile escroc, imagine de faire contracter des mariages blancs à plusieurs femmes aisées visées par le nouveau dispositif : une marchande de guano, mère de deux filles, une ravissante demi-mondaine entretenue par un duc, une artiste de cirque d'origine asiatique, une jeune chanteuse américaine, une comtesse polonaise au tempérament de feu... Les maris de paille seront d'inoffensifs (car âgés de plus de soixante ans) clochards ramassés dans la rue, et des pensionnaires dun asile de vieux, parmi lesquels un vieil aristocrate ruiné à moitié fou, un faux aveugle et un veuf récent. Sept mariages sont ainsi célébrés, les cinq candidates initiales ayant été rejointes par deux Françaises. La machine se grippe pourtant lorsqu'au lendemain des cérémonies civiles, chacun des sept «jeunes mariés» décide de s'inviter au domicile conjugal. L'organisateur des mariages blancs n'a plus dès lors qu'à se mettre sur leurs traces...
Commentaire
Dans ce film en prise presque directe avec l'actualité, Sacha Guitry traita du mariage blanc, thème éternel.
Il sut se tenir à lécart, les rôles étant tenus par de grands comédiens : Saturnin Fabre, Elvire Popesco, Gaston Dubosc.
Sil y eut quelques réactions positives, le film fut généralement éreinté par la critique.
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Le 1er septembre éclata la Seconde Guerre mondiale.
Sacha Guitry fit jouer Florence, comédie en un prologue et trois actes dont la première eut lieu le 17 novembre, au Théâtre de la Madeleine, avec Elvire Popesco, et qui allait être, en 1949, fut remaniée sous le titre Toâ.
Sacha Guitry compléta le spectacle par la projection dune autre version de son film Ceux de chez nous, qui était passé à 44 minutes par lajout de plans montrant son père, Lucien Guitry, et avait été sonorisé avec un commentaire.
Il présenta :
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L'école du mensonge
(1940)
Comédie en un acte
Un grand metteur en scène prépare son prochain spectacle pour lequel il lui reste quelques petits rôles à distribuer. Linformation étant passée dans la presse, il reçoit les appels de deux jeunes filles souhaitant faire du théâtre. Après avoir refusé de les recevoir, il décide finalement de leur accorder quelques minutes pour une audition dun genre un peu particulier. Visiblement préoccupé par une affaire, il leur demande tour à tour de jouer la comédie en se faisant passer pour sa fille et sa maîtresse, et leur donne ainsi une tort belle leçon de théâtre.
Commentaire
Le 23 février, la pièce fut créée au cinéma ABC de Genève, avec Hélène Perdrière et Geneviève Guitry.
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Du 18 au 22 avril 1940, Sacha Guitry donna une série de représentations au Théâtre Royal du Parc à Bruxelles.
Le 29 avril 1940, pour le centenaire de l'Association de secours mutuels entre les artistes dramatiques, il présenta Cigales et fourmis, «à-propos en un acte» où, à travers une adaptation inédite de la célèbre fable de La Fontaine, il fit un éloge du baron Taylor, philanthrope du XIXe siècle qui, après sêtre conduit en fourmi, était venu au secours de ces cigales que sont les artistes. Il fut interprété par Denis d'Inès (qui tenait le rôles du baron), par Louis Jouvet et Madeleine Renaud (qui tenaient ceux dun comédien et dune comédienne), et par Sacha Guitry (qui tenait celui du domestique du baron).
Le 6 mai, il enregistra pour la radio d'État des Impressions sur mon voyage en Belgique.
Loffensive allemande à lOuest ayant été déclenchée le 10 mai 1940, et le front français ayant vite été percé, de nombreux amis lincitèrent à se réfugier sur la Côte d'Azur, dans sa villa du Cap dAil, où, chaque année, il retrouvait le soleil. Mais il faisait tellement partie du paysage parisien que la seule idée de vivre ailleurs que dans la capitale lui fut insupportable, et, alors qu'il était riche, adulé, il ne voulut pas renoncer aux honneurs. Il refusa donc de partir.
Ainsi, le 16 mai, il rencontra, à son domicile parisien, le prince Louis de Monaco qui lui annonça sa nomination au grade de commandeur de l'ordre de Saint-Charles.
Cependant, le 17 mai, les représentations au Théâtre de la Madeleine furent interrompues. Alors, dans sa Cadillac, Sacha Guitry se rendit à Dax pour y faire sa cure annuelle, y mettre en sûreté son épouse, y profiter du chauffage des hôtels par l'eau chaude naturelle, et être loin des bombardements, car il prévoyait que la guerre serait longue. Il y arriva le 20 mai, descendit à l'Hôtel Splendid, ne prit pas de bains de boues, mais rencontra des amis, comme le célèbre marchand de tableaux Gaston Bernheim, dont il était un des meilleurs clients, et le philosophe Henri Bergson.
L'armistice ayant été signé le 22 juin, le 28, les Allemands entrèrent à Dax, à cinq heures du matin. Sacha Guitry dut donc prolonger son séjour. Mais, comme il voulait rouvrir son théâtre, empêcher quil soit occupé par les Allemands, ne pas rester inactif, il usa de son influence auprès des occupants pour obtenir deux sauf-conduits, lun pour lui, lautre pour Bergson, qui souhaitait comme lui retourner à Paris.
Le 3 juillet, de retour dans la capitale, il fit des démarches auprès du préfet, Jean Chiappe, et du recteur de l'Académie de Paris, le docteur Roussy, pour savoir s'il était opportun de rouvrir les théâtres.
Le 12 juillet, il demanda aux autorités occupantes qu'elles lui accordent le droit de reprendre les représentations de Pasteur, pièce qui glorifie la France en la personne du savant, comporte des répliques clairement anti-allemandes, et se termine sur La Marseillaise.
Le 15 juillet, il apprit qu'un censeur allemand voulait faire des coupures dans sa pièce, et s'insurgea.
Le 24 juillet, il fut convoqué par le représentant de la propagande allemande, et obtint que Pasteur soit représenté intégralement.
Le 31 juillet, les représentations de Pasteur reprirent au Théâtre de la Madeleine. Elles allaient durer jusqu'au 11 août.
Le 17 août, après avoir bataillé, il projeta, au Théâtre de la Madeleine, son film Ceux de chez nous où figure Sarah Bernhardt (qui était juive donc interdite de représentation, le célèbre théâtre qui portait son nom ayant dailleurs été débaptisé), avec un nouveau commentaire. Il joua aussi la pièce Un soir quand on est seul.
Le 6 septembre, il reprit Florence.
Le 30 octobre, il présenta une nouvelle pièce :
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Le Bien-Aimé
(1940)
Comédie en cinq actes
On voit, à la cour de Versailles, Louis XV (dit «le Bien-Aimé») qui, parlant en vers (ce qui ne relève pas de la vérité historique), dit à la Pompadour :
«Souvenez-vous en toujours,
Quand on est roi de France,
Il faut être heureux en amour.» ;
qui fait à une petite Louisette cette déclaration :
«Je suis la gaîté même, et la joie en personne.
Fermez la porte du salon.
Au cadran de lamour, voilà midi qui sonne.
Je viens poser des jalons.
Jai lestomac dans les talons.
Jai des projets plein la caboche
Et jai des cadeaux pleins mes poches,
Bonbonnières, éventails, présents du mikado.»
Le cinquième acte souvre sur un salon où se trouvent la Pompadour, Fragonard qui exécute le portrait de la favorite, et Voltaire qui déclame quelques vers de Tartuffe :
«Lamour qui nous attache aux beautés éternelles
Nétouffe pas en nous lamour des temporelles.»
Louis XV paraît alors et dit : «Voltaire et Fragonard, la France !», expliquant : «Voltaire et Fragonard, lironie et la grâce, vertus incessibles et insaisissables. Donc, je dis bien : la France. Voltaire vous aurez de lesprit jusquà la dernière heure.» Comme Voltaire répond : «Sire, je marrêterai de mourir sil me venait un bon mot.», Sacha Guitry conclut : «Dès lors, on peut se demander si Voltaire nest pas mort dans un moment de distraction.»
On propose au roi de reprendre Le tartuffe, version en trois actes, pour le centenaire de sa création, «à lendroit même où il fut représenté pour la première fois». Et, dans le dernier tableau, est donné, dans un salon de Versailles, le troisième acte joué par Louis XV qui courtise Elmire, jouée par Mme de Pompadour.
Commentaire
La pièce présente un bel exemple de «théâtre dans le théâtre».
Sacha Guitry tint le rôle de Louis XV,
La pièce fut représentée au Théâtre de la Madeleine.
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Le 14 novembre 1940, au Théâtre Marigny, se tint un grand gala au bénéfice de la Croix-Rouge française, où Sacha Guitry raconta des histoires.
Le 23 novembre, il fit enregistrer par Radio-Paris une scène de la comédie Le Bien-Aimé et le troisième acte de Tartuffe.
Le 19 décembre, en présence dAndré Brûlé, Robert Trébor, Spanelly, Hélène Perdrière, Geneviève Guitry et Jeanne Fusier-Gir, il fit lire une nouvelle pièce, Mon auguste grand-père ou La preuve par sept, comédie en cinq actes qui était une satire des lois antijuives, qui fut interprétée par Hélène Perdrière, Carette et Spanelly.
Le 20 décembre 1940, lors dun grand gala de bienfaisance au profit des indigents de Paris, à l'Opéra, Sacha Guitry raconta des histoires, et dit Les conseils de Deburau à son fils. L'après-midi avait eu lieu la première répétition, au Théâtre de la Madeleine, de Mon auguste grand-père, avec Hélène Perdrière, Carette et Spanelly.
Le 27 décembre fut donnée, au Théâtre du Châtelet, une matinée dite "Noël du maréchal Pétain" pour les enfants des familles réfugiées à Paris. Sacha Guitry y prêta son concours, et parla aux enfants réunis.
Le 25 janvier 1941, la censure allemande interdit les représentations de Mon auguste grand-père.
Le 11 avril, la censure allemande refusa le titre de la nouvelle pièce de Sacha Guitry, Le soir d'Austerlitz, qui devint Vive l'empereur, une comédie en cinq actes où était célébrée la victoire de Napoléon Ier à Austerlitz le 2 décembre 1805, qui fut créée le 10 mai au Théâtre de la Madeleine.
Le 10 mai, il organisa à la Comédie-Française un grand gala intitulé Triomphe d'Antoine, au bénéfice du grand acteur qui, à lépoque, vivait dans des conditions proches de la misère. Pour loccasion toute une kyrielle des artistes les plus prestigieux de lépoque furent conviés. Parmi eux, un jeune homme de vingt-huit ans, auréolé dun chapeau mou, Charles Trenet qui y chanta quatre chansons.
Le 24 mai, la compagnie "Les escholiers" fêta les trente-cinq ans de théâtre de Victor Boucher qui répondit en lisant un discours écrit par Sacha Guitry.
Le 24 octobre, il fit lenregistrement de Vive l'Empereur ! pour la radio nationale.
Le 6 novembre, lors dun gala au profit du Déjeuner des artistes, à Tabarin, François Périer mena les enchères, et Sacha Guitry offrit un manuscrit autographe de Victor Hugo.
Les 13, 14 et 15 novembre, il fit enregistrer pour la radio Mon père avait raison, qui fut diffusé le 16.
Le 30 novembre se réunirent, 18 avenue Élisée-Reclus, des représentants des directeurs de théâtre de Paris.
Le 22 décembre, au cours d'un déjeuner au même endroit, qui réunit J.-H. Rosny aîné, René Benjamin, Roland Dorgelès et Pierre Champion, Sacha Guitry fit part de son intention de léguer à l'académie Goncourt sa maison et les collections qu'elle abritait.
Le 6 mars 1942, il donna, au Théâtre de la Madeleine une conférence intitulée : De 1429 à 1942 - De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, qui était un catalogue des gloires françaises, historiques et artistiques.
Le 9 mars, lors dun gala donné à Magic-City au profit des prisonniers du VIIe arrondissement, il projeta Ceux de chez nous. Puis, assisté de Geneviève Guitry, d'Hélène Perdrière et de René Fauchois, il mit en vente aux enchères des manuscrits autographes.
Il se rendit à Vichy pour donner, les 13,14 et 15 mars, devant les membres du gouvernement français, trois représentations de sa comédie Vive lEmpereur. Le 13, le maréchal Pétain assista à la représentation, et vint féliciter les artistes. Le lendemain, il reçut Sacha Guitry en audience privée, et lui remit un exemplaire de son ouvrage, La France nouvelle (1941), avec cette dédicace : «À monsieur Sacha Guitry de lAcadémie Goncourt, dont le talent dartiste sallie à une pensée hardie, originale et toujours spirituelle. Vichy. Philippe Pétain».
Le 19 mars, de retour à Paris, il fut élu à l'unanimité à la présidence de l'Association des artistes dramatiques.
Le 28 mars, pour la Grande nuit du cinéma au Gaumont-Palace, dont la recette allait aux oeuvres sociales du cinéma, il présenta des séquences de son prochain film qui allaient ne pas être retenues dans la version finale.
Le 3 avril, il produisit lémission Pour eux, en faveur des prisonniers.
Le 7 avril, deux officiers allemands se présentèrent à 15 heures au 18 avenue Élisée-Reclus, et prièrent Sacha Guitry de les suivre : le maréchal Goering le convoquait. Mais lentrevue fut sans intérêt.
Le 15 avril, il produisit une émission sur le théâtre.
Le 16 avril, il intervint auprès du directeur de la maison de retraite des artistes lyriques pour y faire admettre Jane Avril, qui avait été une des danseuses les plus célèbres du Moulin Rouge, et avait soixante-quatorze ans.
Le 9 mai, il produisit une émission sur les collectionneurs.
Il fit jouer :
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N'écoutez pas, mesdames
(1942)
Comédie en trois actes
Ce matin-là, Daniel Bachelet, antiquaire distingué, attend sa femme. En effet, la charmante Madeleine vient de passer la nuit hors du domicile conjugal pour la seconde fois. Et elle ose lui fournir un prétexte invraisemblable. Persuadé qu'elle le trompe, il décide de divorcer. Madeleine entre dans son jeu, et lui demande de lui trouver un nouveau mari puisqu'elle vient de rompre avec son amant supposé. Elle envisage comme amant le moindre client qui entre dans la boutique, alors que Daniel doit faire face à la survenue de sa première femme, d'un amour de jeunesse, danseuse de cabaret (Julie Bille-en-bois) et d'un vieil ami (le baron de Charançay) ! S'en sortira-t-il?
Commentaire
Autre exemple de «théâtre dans le théâtre», la pièce commence par une adresse au public sous forme de monologue, où il est dit : «Nécoutez pas, mesdames», et se clôt avec les paroles du même personnage qui dit : «Rideau !»
La pièce est tissée de railleries contre les femmes :
- «On n'est jamais trompé par celles qu'on voudrait.»
- «On les a dans ses bras - puis un jour sur les bras - et bientôt sur le dos.»
Mais lhomme nest pas épargné : «Je vais donc enfin vivre seul ! Et, déjà, je me demande avec qui.»
Geneviève Guitry n'ayant pas voulu être de la distribution (erreur qui allait la faire trépigner de jalousie
quand elle vit limmense succès remporté), la pièce fut jouée par Sacha Guitry (Daniel Bachelet), Hélène Perdrière (Madeleine Bachelet), Jeanne Fusier-Gir (Julie Bille-en-bois), Léon Walther (le baron de Charançay).
Elle eut, au Théâtre de la Madeleine, six cent sept représentations, du 21 mai 1942 (le 22 mai : elle fut donnée dans un gala au profit des prisonniers de l'école des Hautes Études commerciales) au 29 mai 1944 : ce fut l'un des plus grands succès de Guitry.
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Le 28 mars 1942 sortit :
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La loi du 21 juin 1907
(1942)
Film de court métrage
Commentaire
La loi instituait une nouvelle législation du mariage, alignant l'âge de la majorité matrimoniale sur celui de la majorité civile, désormais le même pour les garçons et les filles : vingt et un ans.
Sacha Guitry mêla film et jeu sur la scène. Les personnages quittent lécran, interpellent et dialoguent avec les acteurs présents dans la salle. Ainsi, il reprit le procédé de la représentation interactive, quavait inventé Buster Keaton dans Sherlock junior, et que Woody Allen allait utiliser dans Purple rose of Cairo.
Le film fut interprété par Arletty (Gertrude), Fernand Gravey (Gaston), Fernand Ledoux (le maître Blanc-Bec).
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Le 4 juillet, lors du gala de l'Union des artistes, Sacha Guitry prononça une allocution, et offrit, pour être vendu aux enchères, un tableau d'Utrillo.
Le 12 juillet fut diffusée à la radio la pièce L'illusionniste.
En août 1942, le nom de Sacha Guitry figura dans la liste, publiée, par le magazine le plus vendu aux États-Unis, Life, de ceux que la Résistance française désignait au jugement de l'avenir sinon à la mort (Céline, Mistinguett, Maurice Chevalier, Pagnol, Jean Luchaire, le pasteur Vallery-Radot, etc.). Il se contenta de trouver cet index de «mauvais goût».
Le 3 septembre fut présenté au cinéma Le Marivaux :
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Le destin fabuleux de Désirée Clary
(1942)
Film de 109 minutes
Filles d'un bourgeois marseillais, Julie et Désirée Clary sont courtisées par les frères Joseph et Napoléon Bonaparte. Joseph épouse Julie, et Napoléon se fiance à Désirée. Mais il rompt ses fiançailles en épousant Joséphine de Beauharnais, et Désirée, rongée de chagrin, se console en convolant avec le général Bernadotte.
Commentaire
Cest une fresque historique cocardière et dune désinvolture réjouissante (le générique est placé en plein milieu du film ; le réalisateur s'offre le luxe de changer plusieurs interprètes avec une finesse rare), qui oppose la figure de l'Empereur aux visées de l'impérialisme allemand.
Sacha Guitry tint les rôles du narrateur et de Napoléon 1er, Jean-Louis Barrault, celui de Napoléon Bonaparte, Aimé Clariond, celui de Joseph Bonaparte, Jacques Varennes, celui de Bernadotte, Geneviève de Séréville, celui de Désirée Clary jeune femme, Gaby Morlay, celui de Désirée Clary épouse Bernadotte, etc..
Le film fut réalisé par Sacha Guitry avec la collaboration technique de René Le Hénaff.
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Le 5 octobre 1942, Sacha Guitry fit un voyage à Vichy pour y donner un spectacle, et présenter De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, au Maréchal, qui lui suggéra qu'un tel titre n'était pas très prudent.
Le 26 octobre, à la requête du Comité d'assistance aux prisonniers, il accepta que soit représenté dans les «stalags» (camps de prisonniers en Allemagne) N'écoutez pas, mesdames !, mais refusa que la pièce le soit ailleurs en Allemagne.
Le 4 décembre, il donna, à la Galerie Charpentier, où étaient exposés des tableaux de son «bureau-musée», une conférence sur la peinture, ses souvenirs de Renoir, de Monet, et de sa rencontre avec Degas. Cette manifestation était donnée au profit de l'Union des Arts.
Le 9 décembre se tint, au cabaret "Sa Majesté", un grand gala au profit du Secours national. Il y raconta des histoires, et offrit pour une mise aux enchères un bronze de Rodin : L'homme au nez cassé.
Le 3 janvier 1943 eut lieu la première émission sur les postes de la Radio nationale de Lalphabet de Sacha Guitry, consacrée à la lettre «F» soit «France».
Le 9 janvier fut diffusée à la Radio nationale la pièce Deburau.
Le 24 janvier furent diffusées à la Radio nationale les pièces Françoise et Chagrin d'amour.
Le 7 mars, aux studios François 1er, commença le tournage du film appelé d'abord La nuit blanche, puis Donne-moi tes yeux.
Le 6 avril fut diffusé à la Radio nationale la pièce Un soir quand on est seul.
Le 19 mai, Sacha Guitry, pour venir en aide à Madame Courteline, qui, étant juive, était privée des revenus tirés des droits dauteur de son mari, organisa en matinée (pour quelle puisse y assister, les théâtres étant interdits aux juifs le soir) :
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Courteline au travail
(1943)
«À-propos en un acte»
Dans un petit café, Courteline, en présence de son personnage, Boubouroche, raconte lhistoire qui lui a donné lidée de sa comédie. Et il se met à lécrire.
Commentaire
La pièce fut le lever de rideau pour la reprise de Boubouroche à la Comédie-Française, où lon célébrait le cinquantenaire de la pièce. Il y eut quinze représentations, du 19 mai au 14 juillet 1943.
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Le 13 juillet 1943 commença le tournage de La Malibran aux studios François 1er.
Le 24 juillet, Sacha Guitry présenta à la censure allemande son projet d'une opérette intitulée : Le dernier troubadour qui aurait comme acteurs principaux, Charles Trenet (auteur aussi de la musique) et Geneviève Guitry. Il la résuma ainsi : «Le premier acte se passe de nos jours. Un jeune homme et une jeune femme (Lui et Elle) ont réuni quelques amis à dîner, et, tous, ils se demandent quand la guerre finira et comment elle finira. Restés seuls tous les deux, Lui et Elle interrogent les esprits, en se servant dune petite table. Un instant plus tard, paraît la femme de chambre qui ne ressemble pas du tout à celle que lon avait vue au début de lacte. Cest une fée. Elle leur dit que, pour être renseigné sur lavenir, il nest rien de mieux que de consulter le passé, ils y trouveront cent raisons davoir confiance dans le destin de la France. Elle leur conseille daller passer quelques heures à Paris en 1423-25 ou 29. Ils sengagent, elle et lui, à conserver ce secret pour eux seuls, au cours de leur visite dans le passé, et à leur retour dans le présent.
Le deuxième acte se passe à Paris, dans une taverne, pendant loccupation anglaise qui a duré cent ans et qui se termine enfin quand Jeanne dArc est apparue. Lui, qui était chanteur dans une boîte de nuit à Paris, devient dans le passé le dernier troubadour. Il chante dans la taverne, et elle, elle danse. Pendant tout ce deuxième acte, il y a, bien entendu, des allusions à la vie que mènent actuellement les Parisiens : difficultés à se procurer de létoffe pour se vêtir, des aliments pour se nourrir, etc.
etc.
marché noir, etc.
etc.
Au troisième acte, ils reviennent du passé ayant compris bien des choses, plus intelligents, plus confiants dans leur pays et plus amoureux aussi lun de lautre.»
Le 14 août, il publia le poème Des goûts et des couleurs, qui fut illustré daquarelles de Dignimont, et dont des vedettes, parmi lesquelles Solange Schwarz, Serge Lifar, Jacques Thibaud, Geneviève Guitry, Yvette Chauviré, Marguerite Long, Sacha Guitry, signèrent des exemplaires, dont la vente aux enchères fut faite au profit des artistes dans le besoin.
Le 9 octobre furent arrêtés à Cannes, et transférés au camp de Drancy Tristan Bemard et sa femme.
Sacha Guitry s'offusqua, soffrit en otage. Le 14 octobre, il leur rendit visite afin de leur apporter quelque réconfort. Il demanda à son vieux complice, son «second père» : «Quel lainage désirez-vous? Un passe-montagne, un chandail, un caleçon?» Et Tristan Bernard de répondre : «Apportez-moi donc un cache-nez ... !»
Le 23 octobre, les représentations de N'écoutez pas, mesdames ! reprirent au Théâtre de la Madeleine.
Le 1er novembre 1940, Sacha Guitry, Arletty et Alfred Cor obtinrent la libération des Bernard. Les détracteurs de lécrivain allaient y voir une preuve que les Allemands navaient rien à lui refuser !
Le 10 novembre, la censure allemande refusa Le dernier troubadour. Ce serait, dit le rapporteur, «un véritable régal pour les gaullistes. Sous le nom de loccupant on ne verrait que nous.»
Le 24 novembre fut présenté au cinéma Le Biarritz :
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Donne-moi tes yeux
(1943)
Film de 101 minutes
Sculpteur de renom âgé d'une cinquantaine d'années, François Bressolles, lors d'un Salon au Palais de Tokyo, remarque une délicieuse jeune femme, Catherine Collet. Il séprend delle, lui demande de poser pour lui, puis de l'épouser. Mais, brusquement, du jour au lendemain, son comportement change, et il devient amer, cassant et même méchant avec elle, avant de s'afficher ostensiblement dans des lieux publics avec une artiste de cabaret, la chanteuse Gilda. À la suite dune scène, cest la rupture. Mais Catherine apprend par un ami que son mari, sachant qu'il perd la vue jour après jour, avait ainsi voulu la détacher de lui. Aussi revient-elle vers lui, au moment précis où il devient tout à fait aveugle. Elle lui apporte ses yeux ; désormais, elle verra pour eux deux.
Commentaire
Ce film mélodramatique offre une réflexion originale sur le regard masculin. On peut voir aussi dans laveuglement du personnage la métaphore de laveuglement du réalisateur (et tenant du rôle de François Bessolles, au côté de Geneviève Guitry).
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Le 18 décembre, lors dun gala donné à la Comédie-Française au profit des oeuvres sociales de la préfecture de police, Sacha Guitry joua le troisième acte de Tartuffe, et Suzy Prim créa une uvre de lui :
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Je sais que tu es dans la salle
(1943)
«À-propos en un acte»
Une chanteuse, au moment de débuter son spectacle, est bouleversée et incapable démettre le moindre son, car on la informée que son amant, quelle a quitté le matin même, est dans la salle ! Elle change son plan, et, au lieu de chanter, décide de lui adresser un savoureux monologue sans savoir où il est assis, et sans se soucier du public.
Commentaire
La pièce fut sous-titrée On ne saurait penser à tout. Elle montre les affres de la rupture amoureuse, lintuition féminine et les risques du mensonge présentés dans un contexte de relation fragile où la complexité de lâme humaine se dessine à travers une apparente légèreté et un cynisme de bon aloi.
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Le 1er janvier 1944, la Radio nationale diffusa Le renard et la grenouille.
En avril, Sacha Guitry et Geneviève de Séréville se séparèrent. Comme il avait promis à son beau-père de ne jamais abandonner sa fille, il lui proposa de l'adopter, histoire qu'elle garde le nom de Guitry auquel elle tenait beaucoup. Ses avocats conseillèrent à Sacha Guitry de garder cette idée pour une prochaine pièce !
Le 15 avril, il publia :
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De 1429 à 1942. De Jeanne dArc à Philippe Pétain
(1944)
Essai de 394 pages
«Oui, de Jeanne dArc à Philippe Pétain, de 1429 à 1942, cest-à-dire : la France. [
] Cest le même problème avec les mêmes chiffres. [
] Jeanne dit : Avant que soit la Mi-carême, il faut que je sois vers le Roi, du²é-je user mes pieds jusqu aux genoux. Car il n y a au monde ni rois, ni ducs, ni autres, qui pui²ent recouvrer le Royaume de France. Il n y a secours que de moi-même. Puis elle dit encore que la grande pitié qui est au Royaume de France a déterminé son départ. Nest-ce pas pour la même raison que le Maréchal a quitté sa retraite, et quil fit à la France le don de sa personne? [
] Voilà pourquoi je dis de Jeanne dArc à Philippe Pétain, de Celle qui la faite à Celui qui la tient tendrement dans ses bras. [
] De Jeanne dArc à Philippe Pétain, il est une autre continuité [
] celle de lesprit. [
] Les Français ont toujours passé pour être les gens les plus spirituels du monde. [
] Légers, nous le sommes à lexcès [
] cest que nous sommes excessifs et nous tomberions alors dans lexcès contraire si nous cessions dêtre légers. Or, ne vaut-il pas mieux être excessivement légers quexcessivement lourds?»
Ensuite, Sacha Guitry établit un catalogue des gloires françaises, historiques et artistiques, revisitant le trésor national, cette civilisation que les Allemands n'auraient jamais. Cependant, dans cette longue genèse de la France, la période révolutionnaire nest abordée que par la bande. Il y a, bien sûr, mais souvrant sur le titre LAmour sacré de la Patrie, une double page consacrée à Rouget de lIsle et à sa Marseillaise. Pour le reste, le lecteur devait se contenter dAntoine Lavoisier (guillotiné en 1794) et de Charles-Maurice de Talleyrand. Dans une page intitulée Lesprit de Talleyrand, Sacha Guitry retint cette phrase parmi quelques autres : «La loyauté, cest très beau, mais, malheureusement, ce pays ne nous laisse jamais le temps dêtre fidèle.»
Vers la fin de louvrage, il proposa un dialogue entre «Celui-Qui-Questionne-Le-Passé» et «Celui-Qui-Interroge-LAvenir». Il le précéda de ces réflexions : «Donc, de 1429 à 1942, cinq siècles de grandeur, de misères et de joies - et devant nous, maintenant lInconnu. Cétait labîme en juin 1940 -et nous nous attendions au pire. Le pire, à cette heure-là, nétant pas advenu, chacun de nous, journellement, pendant des heures et des heures, sest assis devant son échiquier et, prenant sa tête à deux mains, sest mis à chercher la solution du problème - car la partie était perdue, mais la question restait posée, et cela continuait pour nous dêtre un problème.»
Commentaire
Louvrage avait été dirigé et partiellement écrit par Sacha Guitry en 1942. Il accueillit la collaboration des écrivains suivants : Pierre Benoit, le duc de Broglie, Maurice Donnay, Georges Duhamel, Abel Hermant, Jean Tharaud, Paul Valéry, René Benjamin, Pierre Champion, Léo Larguier, J.-H.Rosny jeune, Jean de la Varende, Colette, Louis Beydts, Jean Cocteau, Alfred Cortot, René Fauchois, Paul Fort, Jean Giraudoux, Aristide Maillol, Paul Morand, le R. P. Sertillanges, Jérôme Tharaud. Il le fit illustrer par : Guy Arnoux, Pierre Bonnard, Lucien Boucher, Louis Bouquet, Brianchon, Robert Cami, Despiau, Dignimont, Dunoyer de Segonzac, Galanis, Léon Gard, Jacques Ferrand, Valentin Le Campion, Georges Lepape, Aristide Maillol, Bernard Naudin, Maurice-Edmond Pérot, Utrillo.
Au crédit de Sacha Guitry :
- il inclut, ce qui était étonnant pour lépoque, un fac-similé de Jaccuse
!, la lettre dÉmile Zola publiée dans Laurore du 13 janvier 1898, en défense du capitaine Dreyfus ;
- il évoqua plusieurs personnalités juives (Georges de Porto-Riche, Henri Bergson, Sarah Bernhardt, Camille Pissarro, Paul Dukas, Rachel, Marcel Schwob), des artistes connus pour leurs idées révolutionnaires (Paul Verlaine [mais sans Arthur Rimbaud], Gustave Courbet, Octave Mirbeau [quil sefforça de dépolitiser]). Tous cependant appartenaient à un dix-neuvième siècle politiquement incarné par Napoléon, et plus vaguement par Adolphe Thiers (et son journal Le national).
La censure nazie ne sinquiéta guère dun pareil acte de résistance (en 1945, lors du procès que Sacha Guitry dut subir, comme on lui faisait grief de son livre, il allait rétorquer quil «était en fait un acte de résistance»). Il semble seulement que louvrage nait pas été considéré comme tout à fait prioritaire par les forces doccupation qui réquisitionnèrent même le papier qui avait été réservé pour la publication afin de fabriquer des cartes géographiques !
Il ne fut, imprimé dans le format in-folio, sur papier pur chiffon filigrané à la francisque (nom traditionnel de la hache de jet des Germains occidentaux, que popularisèrent les Francs, qui avait été adopté comme emblème du régime de Vichy), publié quen 1944, en 675 exemplaires. En plus de quelques exemplaires hors-commerce, il a été tiré en 305 exemplaires sur pur chiffon, numérotés et signés par lauteur, et en 4630 exemplaire sur vélin. Sacha Guitry, d'accord avec les éditeurs du livre versa au Secours national le bénéfice des ventes de l'ouvrage soit : 3 425 000 francs.
Il fut réimprimé en 1951, sans le filigrane, mais toujours au format in-folio. Une édition reliée in-octavo est parue en 1966.
L'ouvrage est aujourdhui totalement oublié.
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Le 3 mai, aux cinémas Le Biarritz et Le Français, sortit :
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La Malibran
(1944)
Film de 90 minutes
Apprenant la mort prématurée de la célèbre cantatrice Maria Malibran, son amie, la comtesse Merlin, entreprend, auprès de quelques intimes, de retracer son fulgurant destin. Sont ainsi évoqués sa naissance à Paris ; son enfance vouée à la dure formation imposée par son père, le ténor Garcia ; sa carrière commencée très tôt ; son passage en Italie, à New York ; son bref mariage là-bas avec le banquier Malibran ; son retour en France ; ses nombreuses tournées ; ses amitiés avec La Fayette, Lamartine et Alfred de Musset ; sa rencontre (prélude à une longue histoire d'amour) avec le virtuose Charles-Auguste de Bériot ; son enlèvement «éclair» par un vieil admirateur ; sa réception à Naples ; la chute de cheval qui lui fut fatale ; son ultime récital à Manchester ; la «classe de maître» qu'elle dut trouver la force d'improviser pour une jeune voisine avant de rendre elle-même sa dernière note, à lâge de vingt-huit ans.
Commentaire
Sacha Guitry évoqua ainsi la brève existence de la cantatrice : «Espagnole, née à Paris, elle débute en Italie, poursuit sa carrière à Londres, épouse un Français à New-York, puis se marie avec un Belge et meurt à Manchester. Elle sera née, elle aura vécu et elle sera morte en tournée».
Le rôle de Marie Malibran fut tenu par Géori Boué, qui était de l'Opéra, tandis que Suzy Prim fut la comtesse Merlin, Mario Podesta, Manuel Garcia, Mona Goya, Madame Garcia, Sacha Guitry, Eugène Malibran, Jacques Jansen, Charles de Bériot, Geneviève Guitry, la jeune voisine, Jean Cocteau, Alfred de Musset, Jean Weber, le roi de Naples.
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Le 21 mai 1944, la Radio nationale diffusa la première émission d'une série consacrée à des évocations historiques faites par Sacha Guitry : Histoires de France, qui se poursuivit jusqu'au 31 juillet.
Le 29 mai vit la fin des représentations de N'écoutez pas, mesdames ! Sacha Guitry ne devait plus jamais jouer au Théâtre de la Madeleine.
Le 23 juin, alors que la bataille de Normandie faisait rage, et que lURSS lançait sa grande offensive dété, lors dun gala à lOpéra, Sacha Guitry montra au Tout-Paris :
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De 1492 à 1942 - De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain
(1944)
Film de 58 minutes
Dans un plan fixe, Sacha Guitry feuillette les 400 pages de son essai. En plus de la sienne, on peut entendre les voix de : Roger Bourdin, Jean Cocteau, René Fauchois, Jean Hervé, Jacques Varennes, Michèle Alfa, Geori Boué, Jacqueline Francell, Suzy Prim, Madeleine Renaud, Denise Scharley.
Commentaire
Ce fut l'occasion d'une vente aux enchères d'exemplaires, dont la recette, de 400.000 francs, fut entièrement reversée à l'Union des Arts.
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Le 11 juillet, dans un gala organisé avec le concours d'Édith Piaf au "Beaulieu", au profit des prisonniers du Stalag IV D, Sacha Guitry procéda, avec le concours de Jean Weber, à une vente aux enchères qui rapporta deux millions de francs.
Il se réjouissait des nouvelles qui annonçaient larrivée prochaine des soldats du général américain Patton. Mais son ami, Albert Willemetz, lui conseilla décrire une lettre dans laquelle il se justifierait à lavance des accusations quon ne manquerait pas de porter contre lui. Il finit par le faire, sans enthousiasme. Le 3 août, il dîna avec quelques amis gaullistes, résistants de la première heure qui ne parlèrent pas dexercer des vengeances.
Cest que, pendant lOccupation, Sacha Guitry avait continué à parader comme si de rien n'était, à se montrer dans le monde, à dépenser son argent sans compter, à briller un peu trop. Il avait préféré continuer à donner des spectacles plutôt que de se murer dans un mutisme dont de nombreux artistes nallaient sortir qu'à la fin de la guerre. Mais il sétait abstenu dexprimer aucune opinion politique, avait dailleurs pensé assurer ainsi, à sa façon et avec ses moyens, la présence de l'esprit français face aux Allemands, en créant des uvres qui étaient à la gloire de la France. Il s'était toujours opposé à ce que ses pièces soient jouées en Allemagne, et, contrairement à beaucoup de ses contemporains, il ne travailla pas pour les compagnies cinématographiques allemandes. Ses actes de résistance, sils ne furent pas militaires, furent culturels et même actifs. Dominique Desanti, dans sa biographie de 1982, évoqua «une réussite maintenue à travers l'horreur de l'Occupation, comme si de préserver les succès et le luxe de Guitry était nécessaire à la survie de la France».
Selon Geneviève Guitry, il se lança dans «des manuvres qu'il pensait habiles et qui nous effrayaient, car il ne comprenait rien à la politique. Il avait un fond d'ingénuité, une confiance quelquefois excessive, qui l'amenaient à porter des jugements téméraires sur les gens qui gravitaient autour de lui. Dans cette période, il ne fut pas bon psychologue, ni suffisamment objectif.» (Sacha Guitry, mon mari). En fait, comme la plupart des Français, il fit confiance à Pétain qui, à ses yeux, était toujours le vainqueur de Verdun. Ce pétainisme nempêcha pourtant pas quon mette en doute son aryanité ; il dut rassembler des actes de naissance pour en faire état ; mais ce fut peine perdue, pour certains, il demeura louche. Est-ce ce qui lincita à multiplier ses courbettes aux Allemands, à se livrer avec eux à ses facéties habituelles?. Avec la Gestapo, il fut en constante surévaluation mégalomaniaque de son propre pouvoir. Il fut linvité permanent de la fine fleur de la Propagandastaffel. Ses saillies faisaient le tour de la Kommandantur. Il se lia d'amitié avec le sulpteur Arno Breker.
Pourtant, cet homme de paradoxes, joua de son influence, sengagea fortement pour venir en aide à ses amis déportés, obtenir la libération de prisonniers et, surtout, comme il abhorrait lantisémitisme, sauver des personnalités juives.
Du 19 au 25 août se déroula la libération de Paris, et commencèrent les graves ennuis de Sacha Guitry.
Le 23 août au matin, Arletty lappela ; elle voulait fuir la capitale, mais Sacha Guitry lui conseilla de nen rien faire. Or, à onze heures, cinq hommes, revolver au poing, appartenant à un groupe de résistants, agissant de leur propre initiative, firent irruption chez lui, et lui crièrent de lever les mains. Sans même lui laisser le temps de shabiller et de prendre quelques affaires, ils le mirent en état darrestation (ce dont il allait samuser : «La Libération, jen ai été le premier prévenu.»), le conduisirent, à pied, vêtu dun pyjama dont la veste était à larges fleurs multicolores et le pantalon jaune citron, coiffé d'un panama exorbitant, chaussé de mules de crocodile vert jade, à la mairie du VIIe arrondissement, dans la salle des mariages quil connaissait pour sy être marié (plus tard, il en plaisanta : «Ils m'emmenèrent menotté à la mairie. J'ai cru qu'on allait me marier de force !»). Il y avait là une douzaine de personnes parmi lesquelles des femmes, dont lune, élégante, qui venait dêtre tondue, se présenta ; elle était la fille dun de ses amis intimes.
Le soir, il fut transféré au dépôt, où on lui annonça quil allait être jugé le lendemain matin, et exécuté aussitôt. Il fut placé dans une cellule où se trouvait déjà Jérôme Carcopino, qui, sous l'Occupation, avait dirigé l'École normale supérieure, et avait été secrétaire dÉtat à l'Éducation nationale et à la Jeunesse. Alain Decaux, qui connaissait Sacha Guitry et était à l'époque mobilisé, demanda à surveiller sa maison, et empêcha ainsi son pillage. En reconnaissance pour ce beau geste, Lana Guitry allait lui offrir l'émeraude que Sacha portait, et qui trône désormais sur la poignée de lépée d'académicien de lhistorien. Au dépôt, Sacha Guitry était certainement le détenu le plus visité, sans doute parce que le plus célèbre. Ainsi, des soldats américains vinrent le voir, voulant obtenir de lui un message à destination des États-Unis ; ils lui proposèrent de le faire sévader, mais il refusa ; pour le photographier, ils lemmenèrent au dehors sous le regard effaré du directeur de la prison.
Le 28 août, il fut conduit au Vél dhiv, dont il avait bien dû savoir que, le 16 juillet 1942, y avaient été rassemblés par la police française un grand nombre de juifs que les Allemands allaient déporter. La foule qui se pressait contre les barrières à lentrée était menaçante : un des détenus fut lardé de coups de canif par une femme ; Sacha Guitry reçut un coup de poing sur la nuque et un coup de pied dans les reins ; un des jeunes gardiens asséna un coup de matraque sur les cheveux blancs de Carcopino. On Ies insulta, on leur cria : «À mort !». Ils attendirent toute la journée sans manger dans les fauteuils des gradins. Vers une heure du matin, on les fit descendre sur la pelouse où arrivèrent des femmes tondues. La nuit, alors quil nétait toujours vêtu que de son pyjama, son voisin, M. Rogues, directeur des usines Renault, prit son canif, coupa sans un mot sa couverture en deux, et lui en tendit la moitié.
Létape suivante fut le camp de Drancy, où, auparavant, les Allemands groupaient les juifs avant de les envoyer vers les camps de travail et dextermination. Au colonel, «qui sert probablement dans la forfanterie» allait-il dire plus tard en samusant, venu linterroger sur la qualité de la nourriture, il répondit : «Détestable, monsieur, et cependant insuffisante.» Il allait trouver le moyen dentretenir une relation avec une co-détenue ! Alors quavec une barbe de quinze jours, il ressemblait plus à un clochard quà une vedette du Tout-Paris, un Américain venu lui faire une visite lui confia : «Franchement, ce nest pas pour cela que nous nous sommes battus.» Enfin, le 10 octobre, son avocat, maître Paul Delzons, un ami de longue date, un des seuls à ne pas lavoir abandonné, lui annonça dans une lettre réconfortante quil allait soccuper de son dossier.
La dernière station du calvaire fut la prison de Fresnes où il fut, le 14 octobre, incarcéré sans inculpation. Il passa alors devant un juge d'instruction qui, sil ne voulut pas recevoir ses avocats, ne trouva cependant pas de motif daccusation, ne sut pas très bien de quoi laccuser. Ce ne pouvait être «complot contre la sûreté de lÉtat» ni «commerce avec lennemi» ; il retint «intelligence avec lennemi», et Sacha Guitry répondit : «Il me semble en effet, nen avoir pas manqué !» Mais il navait rien à voir avec les vrais collaborateurs quavaient été, par exemple, Brasillach, Drieu La Rochelle ou Céline. Le lendemain, il reçut une lettre dAlbert Willemetz, son ami le plus intime, et fut très déçu car celui-ci avait déguisé son écriture, et signé dun gribouillis illisible.
Le juge dinstruction fit paraître dans les journaux, à deux reprises, des annonces demandant qu'on lui indique de quoi accuser Sacha Guitry. Il n'obtint aucune réponse probante, seulement le fait quon lavait vu dîner onze fois avec des Allemands dans un restaurant (il disait ny être jamais allé), davoir reçu du lait des Allemands (alors quil avait lui-même des vaches laitières !), de sêtre incliné sur la tombe de son père entouré dAllemands (alors quil ny serait pas retourné !). Cependant, à son avocat, qui demanda sa remise en liberté, le juge dinstruction opposa un refus, invoquant la rumeur publique. En effet, il était dénoncé dans la presse (sur des rumeurs infondées) par des écrivains qui étaient ses ennemis déclarés, comme Lucien Descaves, son fils, Pierre Descaves, ou certains journalistes du Figaro (dirigé alors par Pierre Brisson). On lui reprochait davoir placé un buste de Hitler dans le foyer du Théâtre Édouard-VII, alors que cétait celui de son père ! davoir reçu le maréchal Goering, alors quil sétait invité chez lui ; dêtre antisémite, alors quil avait collaboré avec Alfred Willemetz et Tristan Bernard, quil avait écrit une comédie où les lois raciales étaient ridiculisées, que ses avocats étaient juifs. Plus sérieusement, on lui faisait grief davoir été reçu par Pétain.
Mais, grâce au vif soutien de Tristan Bernard et de nombreuses personnalités de la Résistance, il fut libéré le 24 octobre, avec assignation à domicile. Il avait, dans des conditions épouvantables pour son âge, passé soixante jours en détention, ayant alors eu limpression de vivre une situation à la Kafka.
Il fut conduit dans une maison de santé, la clinique Saint-Pierre, rue Boissière, où il passa plusieurs mois. Il y reçut la visite dArletty, à laquelle, comme la procédure de son divorce avec Geneviève de Séréville avançait, et quil craignait de devoir vivre seul, il proposa de lépouser ; elle refusa car elle était toujours amoureuse de Jean-Pierre Dubost ; mais elle lui vanta les charmes de Lana Marconi. À une des religieuses qui le soignaient, il offrit une toile de Toulouse-Lautrec !
Le 21 février 1945, Alain Decaux, Maurice Teynac, José Noguero et Colin-Simard organisèrent une fête, chez Mme Ror Volmar, pour son soixantième anniversaire. Ils jouèrent un «à-propos», dont Alain Decaux et Colin-Simard étaient les auteurs.
Le 30 avril, par l'intermédiaire de Jean-Pierre Dubost, il rencontra, pour la première fois Lana Marconi, au 18, avenue Élisée-Reclus. Il fut sensible au charme slave (elle était née à Bucarest) de cette belle brune de vingt-huit ans, admira les «belles mains qui fermeront [ses] yeux et ouvriront [ses] tiroirs», ces mains dont il allait faire faire des moulages, et les placer dans les vitrines de ses collections les plus chères. Ce qui l'intéressa aussi, ce fut de la former à jouer la comédie, ce qu'elle n'avait jamais fait jusque-là et ce qu'elle allait ne faire qu'avec lui, jouant ainsi dans ses sept dernières pièces et dans ses douze derniers films. Il allait ne lui reprocher qu'une chose : trop voir, dans sa chambre ou ailleurs, une certaine Frédérique qui tenait, rue de Ponthieu, une célèbre boîte pour femmes...
Cependant, cet homme comblé nen avait pas fini avec lanimosité des jaloux, avec les médisances des médiocres et des mesquins, à qui sétait offerte loccasion de le discréditer. Il put alors mesurer la haine dont il était l'objet. Il se plaignit : «Je suis de ces hommes à qui on ne pardonne rien.»
Et, même si le dossier était vide, un procès eut lieu en avril-mai 1945. Il y déclara : «Si vous me condamnez parce que jai fait jouer des pièces pendant lOccupation, il faudrait aussi que vous condamniez tous ceux qui ont essayé den faire jouer et qui ny sont pas parvenus.» Il considérait quil navait fait que son métier, que, cocardier dans l'âme, il n'avait cessé d'exalter le génie de la France, de célébrer ses artistes et ses grands hommes, de défendre ses valeurs. Comme on lattaquait sur sa fortune, il se récria : vivre dans le faste et lopulence est-il un crime? Il invoqua son âge, reconnut avoir été inconscient, allégua quil avait sauvé des vies, quil avait partagé son charbon, qualors quon laccusait de ne sêtre pas opposé aux lois raciales il avait écrit une comédie où étaient ridiculisées les mesures prises contre les juifs, quil avait résisté à sa manière, qui nétait pas la plus glorieuse. La comédienne Hélène Perdrière, quil avait pourtant fait jouer, déposa contre lui, laccusant dêtre revenu de Dax pour obéir au Maréchal, alors quil navait voulu que rouvrir son théâtre. Comme on lui faisait grief du rapprochement établi dans De 1492 à 1942, de Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, il rétorqua : «Vous devriez lire le livre qui était en fait un acte de résistance.» On laccusa davoir fait partie du réseau dOtto Abetz, lambassadeur dAllemagne en France qui avait organisé la Collaboration, mais celui-ci déclara que cétait faux car les Allemands considérait quil était non-aryen. Vinrent témoigner en sa faveur Mme Gacoin, membre dun organisme gaulliste, qui affirma que laction de laccusé pendant lOccupation avait été patriotique, et le colonel Rémy, membre des Forces françaises libres et «compagnon de la Libération», qui indiqua quil avait toujours opposé une fin de non-recevoir aux demandes des Allemands. Les témoignages contre lui seffondrant, des calomniateurs se désistant, pas une seule conférence, pas un seul article fâcheux nayant été relevé, son activité décrivain étant, en définitive, à labri des critiques, aucune des charges qui avaient motivé à lorigine louverture de poursuites ne pouvant être retenue contre lui, le 2 mai, le parquet de la Cour de Justice de Paris décida un classement de laffaire. Mais on lui interdit de jouer, et on mit ses comptes sous séquestre. Il se considéra comme la victime d'une monstrueuse injustice.
En janvier 1946, il fut encore accusé davoir été un «collaborateur» dans une page entière signée Pierre Descaves, qui y martelait, de paragraphe en paragraphe, les «Jaccuse Sacha Guitry». Celui-ci lattaqua en diffamation, mais laccusateur se rétracta, déclarant avoir dénoncé le dramaturge sur la foi darticles du Figaro.
Il allait connaître ce quil appela «trois années de silence», où, considéré comme un pestiféré, mis au ban du monde artistique, trahi par la plupart de ses amis, se plaignant : «Mes ennemis me font beaucoup d'honneur : ils s'acharnent après moi comme si j'avais de l'avenir», tout en les défiant : «Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage.», il s'enferma dans une solitude hautaine ; où il était physiquement (la maladie le minait) et moralement atteint. Mais, si, de cette épreuve, il allait garder une profonde amertume, son rire, dans des pièces plus mordantes et souvent désespérées, allant devenir de plus en plus féroce, ces années furent aussi des années de reconstruction. Dailleurs, il fut tout de même soutenu par des amis, et la vente d'un Bonnard ou d'un Renoir suffisait à éteindre ses dettes. Comme il ne pouvait plus se produire en public, chaque soir, dans son hôtel particulier, à 21 heures, il frappait pour lui seul les trois coups, sur sa table, avec son crayon. Et il se remit au travail, produisant :
- Dix mots d'anglais (1946), comédie «en plusieurs actes» ;
- Elles et toi (1946), recueil de réflexions où on lit :
- «Quand on me parle d'une femme cultivée, je l'imagine avec des carottes dans les oreilles et du cerfeuil entre les doigts de pied.»
- «Les femmes croient volontiers que parce qu'elles ont fait le contraire de ce qu'on leur demandait, elles ont pris une initiative.»
- «Toi, quand tu arriveras à l'heure, c'est que tu te seras trompée d'heure.»
- «Il y a celles qui vous disent qu'elles ne sont pas à vendre, et qui n'accepteraient pas un centime de vous ! Ce sont généralement celles-là qui vous ruinent.»
- «Deux femmes qui s'embrassent me feront toujours penser à deux boxeurs qui se serrent la main.»
- «Il y a des femmes qui se jettent à votre cou comme elles se lancent à la tête dun cheval... Pour vous faire croire que vous êtes emballé.»
- «Sur l'existence de Dieu, la moindre apparition sera la bienvenue.»
- Toutes réflexions faites (1947) recueil de réflexions où on lit :
- «Illusionniste né, vite il m'est apparu qu'au mépris des coutumes et des conventions, j'avais pour mission de plaire à mes contemporains - sans cependant déplaire à Jules Renard.»
- «C'est une erreur de croire qu'en parlant bas à l'oreille de quelqu'un qui travaille on le dérange moins.»
- «Ma mémoire est fantasque - et parfois il m'arrive de parler très fort à l'oreille d'un myope.»
- «Nier Dieu, c'est se priver de l'unique intérêt que présente la mort.»
- «Oui, c'est être constant que d'adorer l'amour, et ce n'est pas changer de goût que de changer de femme puisque les femmes changent.»
- «Nous sommes loin de nous douter des services que pourraient nous rendre nos défauts si nous savions les mettre en oeuvre.»
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Le 8 août 1947, le commissaire du gouvernement prit une deuxième décision de classement de Laffaire Guitry. Mais la réputation et, surtout, l'orgueil du dramaturge en prirent un coup définitif. Sous lemprise dune rage et dune rancoeur aisément compréhensibles, il publia :
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Quatre ans d'occupations
(1947)
Dossier de 555 pages
Ce sont les pièces que Sacha Guitry avait rassemblées pour sa défense, et quil avait présentées à ses avocats mais qui navaient pas été produites. Cétait un grand nombre de lettres, de documents et de noms quon pourrait considérer comme confidentiels, mais qui étaient bel et bien de nature à effacer totalement les accusations honteuses dont il avait été lobjet. Il entendait mettre au grand jour et porter devant lopinion publique lensemble de ses activités pendant lOccupation.
Dans la préface, il évoque son deuxième non-lieu : «Il ny avait pas lieu de me mettre en prison, de me faire insulter, de prohiber mon nom, dinterdire mes films. Il ny avait pas lieu de mempêcher de remonter sur un théâtre et de poursuivre mon destin. Le 23 août 1944, on marrêtait avec éclat parce quon me supposait coupable. Le 8 août 1947, cest clandestinement que lon me certifie que je suis innocent. Il ny a donc pas lieu pour moi de changer une ligne à ce livre.»
Après une «dédicace» flamboyante, il demande, dans un «avis liminaire», que le lecteur, «honnête homme, intelligent», soit demblée convaincu quon a commis à son encontre «la plus inconcevable injustice», quitte à changer davis à la dernière page. Il affirme aussi navoir éprouvé aucun plaisir «à relater des faits qui souvent [lui] répugnent». Un dernier préambule : «Il fallait à ma vie, qui fut exceptionnelle, un parachèvement qui fut à sa mesure. [
] Et, de ce côté-là, je nai pas à me plaindre.» Mais il espère bien que ce livre apportera des faits nouveaux, «de nature à retourner la situation» de cette comédie «qui tient depuis trois ans laffiche». Car «si certains se sont juré davoir ma peau, moi, je me suis promis quils ne lauraient jamais.» Il ajoute : «Je ne me fais guère d'illusions sur mes amis, mais, en revanche, je crois pouvoir compter sur mes ennemis.» Il ne manque pas de faire de lesprit : «Tant de gens à l'époque vous noircissaient pour se blanchir.»
Il se moque des Allemands en les décrivant à leur arrivée en France : «Cela ne ressemblait pas, d'ailleurs, à des gens victorieux et joyeux qui s'installent. Et ç'avait l'air plutôt d'un envahissement par les rats, par la teigne ou par le doryphore. Car c'était à vrai dire une calamité. Et cela donnait aussi l'idée d'un phénomène comique, d'une catastrophe qui se serait produite ailleurs et qui les aurait conduits jusque-là - d'une catastrophe dont ils seraient un jour, eux-mêmes les victimes - pour en avoir été les complices ou la cause. Leur attitude collective à cet égard avait un sens profond - car ils étaient comme des gens qui n'en croient pas leurs yeux, qui n'en reviennent pas - qui n'en demandaient pas tant. / Ils ne se sentaient pas en pays conquis. En fait ils ne l'étaient pas. Michelet a dit que l'Angleterre était un Empire, que l'Allemagne était un pays - que la France était une Personne. Ils l'ont violée : ils n'en ont pas fait la conquête.»
Parlant de lui, il se plaint : «Certes il ne saurait être question de ranger ce citoyen parmi les héros, mais il m'apparaît qu'une petite place à part pouvait lui être faite - et pas nécessairement à Fresnes.»
Il fustige ses ennemis : «Corrupteurs effrontés, ils parviennent à soudoyer des consciences fragiles et des volontés à tout faire. Une révolution pour ces gens-là, cela consiste toujours à usurper des places, à ternir des réputations, à brûler des images. Sous prétexte de tordre le cou à la routine, ils attaquent la tradition.»
Il vitupère l«épuration» à laquelle on se livra à la Libération : «Époque affreuse que celle où l'on voit les sots s'efforçant de rayer du nombre des vivants un poète immortel, un sculpteur de génie, une actrice, un savant. Décrocher des tableaux ! Recouvrir des statues ! Interdire des livres ! Et prohiber des noms ! C'est cela, la haine et l'impuissance - et c'en est l'aveu répugnant.»
Il défend son ouvrage De 1429 à 1942 - De Jeanne d'Arc à Philippe Pétain, y voyant «un véritable monument à la gloire de la France... Un cri de foi, d'amour et d'espérance, et l'on ne saurait lui attribuer sans mentir une signification politique. [
] Je n'en connais pas qui soit plus beau. Je n'en connais pas qui montre mieux le vrai visage de la France - et son ardente volonté de se suffire à elle-même - et de rester, seule, chez elle. L'avoir réalisé sous lil de l'Occupant, cela représente un tour de force inégalé.» Il se félicite dy avoir placé la célèbre lettre ouverte d'Émile Zola en faveur d'Alfred Dreyfus, J'accuse
! : «N'était-ce pas audacieux, provoquant [sic] même?», ajoutant : «avoir fait reproduire un poème de Porto-Riche, une pensée de Bergson, - avoir nommé Sarah Bernhardt et Pissarro, avoir cité Dukas, Rachel et Marcel Schwob».
Il conclut : «Ce qui primait avant tout, nest-ce pas, cétait que je fusse coupable - et quon en eût la preuve ! Pensez donc : un auteur adulé, Commandeur, Académicien, fils du plus grand des comédiens, frappé dindignité nationale cest cela qui eût été glorieux pour la France ! Malheureusement pour eux, mes ennemis nont pas eu la possibilité de faire promulguer un article de loi quils eussent rédigé de la façon suivante : Tout auteur dramatique français, né à Saint-Pétersbourg dans les trois premiers mois de lan 1885, et ne mesurant pas plus dun mètre quatre-vingt, sera passé par les armes sil a paru sur un théâtre, avec succès, entre fin juin 1940 et juillet 1944. Adieu, Lecteur. Et ne vous posez donc plus de question à mon sujet - car ce quon a tenté de me faire payer, ce sont quarante années de réussite et de bonheur croyez-le bien.»
Commentaire
Le titre calembouresque, où «occupations» sécrit avec un «s» et une initiale minuscule, était plus ou moins bien venu (surtout à lépoque), et cachait une ironie amère.
Le livre fut illustré de nombreuses reproductions et photographies.
Comme on pouvait sy attendre, la presse de lépoque fut, dans la plupart des cas, extrêmement hostile à ce dossier. Dans Le Figaro, qui faisait alors la loi conjointement avec Lhumanité, Pierre Brisson écrivit, le 15 novembre : «Les bassesses peureuses de lingratitude comptabilisées de page en page le disputent aux bassesses du démarcheur qui les dénonce pour sen faire gloire. Cest affreux et lon sen voudrait de commenter un pareil ramassis. [
] Que M. Sacha Guitry retourne à son théâtre, tout ira bien. Quil se déguise en Dagobert, en Vert-Galant ou même en Roi-Soleil, ce sera parfait [
] Mais quil veuille ajouter à son impressionnante collection de vanités celles de champion de la Résistance - là, vraiment, cest un peu trop.»
Aujourdhui, on constate que, si, dans ce volumineux dossier, Sacha Guitry a volontairement omis quelques peccadilles (dont deux ou trois articles sujets à polémique), il ne méritait aucunement lexcès dindignités qui lavait frappé, la plus grave, pour un homme tel que lui, étant limpossibilité dexercer son métier, donc de vivre, pendant près de trois ans.
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Sacha Guitry voulut tourner un film intitulé Le diable boiteux et consacré à Talleyrand, mais, le 26 septembre 1947, la censure française lui en refusa le droit.
Le 21 octobre, il prononça, à la salle Pleyel, une conférence sur ses activités durant l'Occupation.
Au moment de lattribution du prix Goncourt, lui et René Benjamin sopposèrent aux autres académiciens en attribuant un «prix Goncourt hors Goncourt» à Salut au Kentucky de Kléber Haedens.
Le 7 décembre mourut Tristan Bemard, quil était allé voir quelques jours auparavant.
Il publia Vers de Bohème, un recueil de poèmes qui fut accompagné dun disque sur lequel les poèmes Égoïste et Ma chatte avaient été enregistrés.
Ayant dû attendre 1948 pour se produire à nouveau sur la scène, le 17 janvier, Sacha Guitry, malgré les menaces et le chantage, fit sa rentrée, et répliqua à ses adversaires en présentant la comédie tirée du film que la censure n'avait pas encore autorisé :
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Talleyrand ou Le diable boiteux
(1948)
Pièce en trois actes et neuf tableaux
Sacha Guitry, qui annonce : «Le 2 février 1754, naquit à Paris, 4, rue Garancière, le plus grand diplomate qui ait sans doute jamais existé : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord. M. de Talleyrand naquit affligé d'un pied bot et j'aime à penser que, dès l'âge de huit ans, il a dû se demander à quoi cette disgrâce physique pourrait bien lui servir un jour...», suit sa vie à travers une série de croquis et d'anecdotes. Évêque d'Autun, de monarchiste, il devint, sous la Révolution, jacobin, fut ministre sous le Directoire, servit Bonaparte au temps du Consulat, fut conseiller et ministre des affaires étrangères de l'Empereur quil renia pour soutenir la Restauration jusqu'à la Monarchie de Juillet, ce diplomate versatile étant l'un des hommes les plus puissants de France, mais aussi les plus controversés. À ses domestiques, il déclare : «Jai une bonne nouvelle pour vous. Vous allez être augmentés. Vous étiez trois, vous serez quatre.»
Commentaire
En janvier 1948, avant la première de ce spectacle, tout le monde savait ou croyait savoir que Sacha Guitry avait construit son personnage de Talleyrand comme une sorte de justification de sa conduite pendant lOccupation. Interrogé sur ce point, il répondit aux journalistes : «Jai lu bien des sottises sur mon Talleyrand. On a parlé de rapports quil pourrait y avoir entre mon diplomate et moi. Cest absurde. Je travaille à cet ouvrage depuis vingt-cinq ans, cest-à-dire depuis le jour où, dans ma pièce, Béranger, mon père est apparu sous les traits de Talleyrand. Et dire que je crois me reconnaître sous cet illustre personnage serait aussi bête que si lon maccusait de me reconnaître sous les traits de Pasteur, de Jean de La Fontaine ou de Frans Hals !»
Cétait mensonger, car Sacha Guitry, qui, après lépreuve subie, voulait revenir en force, tenait à prendre les traits d'un autre grand Français qui fut critiqué autant que lui-même, en qui on se plaît à voir le félon par excellence, le maître du double jeu et des apparences, un traître, l'homme le plus amoral, peut-être de lHistoire de la France, et le plus vénal.
Il voulait le réhabiliter aux yeux des Français. Mais cette apologie de Talleyrand n'était pas seulement une esquisse historique, il voulait se réhabiliter lui-même en un subtil plaidoyer pro domo, se couvrir de son précédent, se cacher dans son ombre. En filigrane, il commentait son propre comportement, semblant narguer la justice en lui démontrant rétrospectivement sa culpabilité. Savançant masqué et clouant le bec à la calomnie, il sempara de la figure de cet ambigu et poussif diable boiteux, patriote qui trahissait les rois pour ne pas trahir la France, qui prétendait n'avoir pas trahi Napoléon, car, disait-il : «On ne soutient pas un gouvernement qui tombe» - «Si je n'abandonne pas l'Empereur, je trahirai la France», à laquelle il faisait don de ses qualités de diplomate, sans tenir compte des régimes successifs, poursuivant son travail avec toujours comme seul but de servir la grandeur dun pays auquel, ajoutait Sacha Guitry, il est bien malaisé d'être fidèle puisquil change d'avis avec tant de désinvolture.
Inspiré par la haine de la calomnie et du ragot, il truffa la pièce (dont le texte est un peu décevant à la scène car il ne fut pas écrit pour elle), d'allusions aux attaques dont il avait été l'objet et à leurs conséquences. Déclarant : «Rien de plus triste au monde que d'être des émigrés», il attaquait ainsi ceux qui quittèrent la France occupée, ou libérée. Il lança cette pique cruelle : «Plus vulgaire, c'est bourgeois», car il considérait la bourgeoisie comme la pire des choses, ayant vu de ses membres spéculer honteusement et collaborer sans vergogne. Alors quon dit à Talleyrand : «Être en prison, ce doit être merveilleux», cest Sacha Guitry qui répond amèrement : «Ne croyez pas cela».
Il fit de lui lacteur principal de lépopée napoléonienne. Il montra son esprit acéré, lui donna des répliques qui tombent parfaitement sans qu'on sache même qu'elles sont historiques, chacune recelant un trait d'esprit.
Cependant, quand la pièce fut publiée, dans la préface, il baissa le masque, et indiqua : «Talleyrand me trottait par la tête en boitant depuis déjà bien des années. Il était dans Histoires de France, on le voyait encore dans Désirée Clary, enfin, dans Béranger, Lucien Guitry la fait revivre. Or, il mest apparu quà lépoque où, précisément, un homme de sa prodigieuse et souple intelligence nous a tant fait défaut, il serait opportun den présenter quelques croquis, dans la manière de ceux que lon prend sur le vif. De plus, et dans le même esprit, il ma semblé quil était pour le moins piquant dévoquer aujourdhui le souvenir dun ministre français qui sut se rendre utile puis devint nécessaire avant que de passer pour être indispensable aux yeux des quatre souverains qui se sont succédé sur le trône de France, durant les cinquante années de son règne. Car cétaient les monarques et les régimes aussi qui passaient mais, lui, pas. Enfin, il est toujours plaisant de réhabiliter (de le tenter, du moins) un personnage illustre que son temps a vilipendé. Oscar Wilde à cet égard ne se trompait guère quand il disait : Les nations, comme les familles n'ont de grands hommes que malgré elles. Le cinéma moffrait de telles possibilités que, du Talleyrand dont je rêvais, je fis un film. Le synopsis - ou résumé - fut présenté à la censure. La censure ne nous en a pas accordé le visa. Les raisons qui men furent données étaient dune cocasserie presque inimaginable. Des répliques métaient indiquées au crayon bleu comme étant de nature à provoquer des manifestations ! La IVe République ne pouvait cependant pas se sentir menacée par des réparties qui sont de Talleyrand lui-même ou de lEmpereur Napoléon, qui sont de Louis XVIII ou du duc dOrléans ! Elles se trouvent dans cet ouvrage - en très grand nombre - et cest malicieusement que jai négligé de les mettre entre guillemets. Que lon samuse à les trouver. Devant ce refus de la censure, jai tout de suite tiré de mon film une pièce de théâtre - contrairement à lhabitude - et que lon mexcuse den parler, si jen parle - les manifestations qui se sont produites chaque soir navaient aucun sens politique et elles me sont allées au cur. (Je ne tiens pas pour négligeable le coup de sifflet qui maccueillit à mon entrée en scène le soir de la répétition générale. Bien au contraire. Ce seul coup de sifflet prouve excellemment, en effet, quil ny a pas eu deux coups de sifflet). Le visa de la censure me fut alors accordé, sans aucune bonne grâce, dailleurs. Et quant aux erreurs de lieux ou de dates que jai pu faire, quon ne prenne pas la peine de me les signaler elles sont voulues.»
Les autres personnages sont très forts également : Louis XVIII est truculent, Charles X ambitieux, Louis-Philippe raisonnable ; surtout, Napoléon est colérique et grandiose dans sa chute. La scène qui met face à face Talleyrand et Napoléon est sensationnelle, le premier surpassant lautre par sa grandeur. Par ailleurs, Sacha Guitry fit se rencontrer et dialoguer deux êtres qui ne se sont assurément jamais rencontrés, Béranger et Talleyrand. Si les historiens protestèrent, le public samusa.
La pièce fut créée au Théâtre Édouard-VII, le 16 janvier 1948. La seule manifestation hostile fut un coup de sifflet auquel s'opposèrent les protestations du public qui applaudit la pièce et son auteur, demandant dix rappels. Suivirent cent représentations, jusquau 25 avril 1948. Tandis quÉmile Drain incarna Napoléon, Lana Marconi fut lépouse de Talleyrand, et celui-ci évidemment joué par Sacha Guitry qui donna une de ses deux ou trois compositions les plus achevées, car, pour toutes les raisons qu'on connaît, conscientes ou non, seffectua une véritable osmose entre l'acteur et le modèle, dont il allait être désormais impossible de donner une image meilleure.
Mais la pièce fut accueillie très froidement par la presse politisée de l'époque.
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Jusqu'à sa mort, Sacha Guitry allait, malgré, et sans doute à cause de son succès, avoir, avec une critique souvent partisane, des rapports constamment tendus et conflictuels. Lui reprochant sa mégalomanie et sa prétention, elle se montrait très sévère. Pour sa part, il I'accusait de «faire sciemment le mal avec hypocrisie. De commettre une espèce de crime sous la protection d'une loi ambiguë». Il la stigmatisait de mots savoureux et féroces : «La critique est aisée - à qui le dites-vous ! Elle senrichit à nos dépens et se nourrit de petits fours.» Il finit même par lui interdire I'entrée de ses théâtres.
Le 31 janvier débuta le procès intenté par les membres de l'académie Goncourt opposés à Sacha Guitry et à René Benjamin. Le 7 avril, le tribunal condamna conjointement Sacha Guitry et l'éditeur Robert Laffont, mais mit hors de cause René Benjamin.
Même sil eut beaucoup de difficultés à reprendre enfin son travail de réalisateur, en février, dans les studios Gaumont, il tourna ladaptation de sa pièce de 1921 Le comédien. Le film tout entier est un reportage : sur la vie de Lucien Guitry, joué par son fils ; sur le théâtre de Sacha Guitry ; sur le comédien Sacha qui joue son rôle et celui de son père, parfois dans la même scène.
La censure layant autorisé, dans le courant d'avril, fut tourné dans les studios Gaumont :
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Le diable boiteux
(1948)
Film de 125 minutes
Commentaire
Au début, on entend en voix «off» : «Le 2 février 1754, naquit à Paris, au 4, rue Garancière, le plus grand diplomate qui ait sans doute existé : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord». À cette voix de lauteur sajoute la vision du 4, rue Garancière en 1948. Le message de Guitry est clair : «Vous, Parisiens, vous passez devant tous les jours et vous avez oublié... Lhistoire fait partie de votre quotidien...» Ainsi, le texte prit à l'écran toute sa puissance.
Puis Sacha Guitry nous présente sa biographie historique dune façon originale, en filmant la devanture dune librairie. Y figurent lincontournable Talleyrand de Georges Lacour-Gayet, mais aussi Talleyrand par Duff Cooper, Talleyrand par B. de Lacombe, Talleyrand par Alfred Fabre-Luce, par le comte de Saint-Aulaire, par Franz Blei, par Sir Henry Lytton-Bulewer, par le Dr René Laforgue et, bien sûr, un exemplaire du Diable boiteux !
Plus loin, dans la grande scène de laffrontement entre Talleyrand et Napoléon, il montre sa connaissance parfaite du cinéma en les laissant chacun dans son propre plan, au centre de l'image ; mais, dans le cas de Talleyrand, avec un portrait inachevé de Napoléon dans un coin, comme pour préfigurer sa chute.
Quand, à la fin de sa vie, Talleyrand négocie la paix avec l'Angleterre, Sacha Guitry le filme en plongée, affaissé dans son fauteuil, et pourtant superbe, ne lâchant rien, et négociant durant des heures pour le bien de la France.
Le diable boiteux est un film admirable pour son dialogue, même si l'emphase avec laquelle s'expriment les personnages pourrait faire penser à du théâtre filmé. En fait, il s'agit plutôt de cinéma théâtral, ce qui convient parfaitement à ce type de films historiques.
Il y a, comme dans les précédents films de Sacha Guitry de lesprit, de l'humour. Ainsi, les acteurs qui jouent les quatre domestiques de Talleyrand qui ouvrent le film jouent aussi les quatre monarques de France ; la leçon donnée par Talleyrand à un jeune comte qui veut devenir ambassadeur est truculente, et se transpose parfaitement en une leçon que donnerait Sacha Guitry à un élève acteur.
Mais la gravité a remplacé la frivolité. Avec Le diable boiteux, Sacha Guitry fit un bond en avant, changea de ton et d'inspiration, et ce film annonçait ses chefs-d'oeuvre : Si Versailles m'était conté ou Napoléon
La réalisation est sobre, sans effets trop spectaculaires. La séquence de la fête à Valençay contient quelques longueurs. Mais Sacha Guitry y montra la scène de la calomnie du Barbier de Séville, car il se trouvait depuis trois ans déjà face à ce bruit léger décrit par Beaumarchais, «rasant le sol comme lhirondelle avant lorage», et qui sétait enflé à vue dil jusquà le faire accuser de collaboration. Il la commenta par une question atroce posée par Talleyrand : «Quel diable y résisterait?», Montrond lui répondant : «Vous», tandis que Sacha Guitry lâche sous le masque un soupir de dénégation. Tout le film est d'ailleurs basé sur la haine de la calomnie et du ragot.
Cet excellent film, presque constamment passionnant, nous restitue le grand Sacha Guitry au sommet de ses moyens de comédien et de réalisateur, sinon d'auteur.
Il tint de nouveau le rôle de Talleyrand, et Lana Marconi, celui de son épouse. Mais ce fut Raymond Pellegrin qui incarna Napoléon.
Le film fut présenté le 19 mai au cinéma L'Escurial. Il eut un grand succès auprès du public, mais fut lui aussi accueilli très froidement par la presse politisée de l'époque.
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Le 26 mai, Sacha Guitry, à Lyon, donna une conférence, et présenta le film Le comédien au Pathé-Palace. Le soir, il devait donner sa conférence au casino de Charbonnières, mais un commando arrêta sa voiture entre deux passages à niveau, et l'empêcha de la faire.
Le 29 septembre fut présenté, aux cinémas Marignan et Marivaux, le film Le diable boiteux.
Le 4 octobre mourut René Benjamin. Sacha Guitry adressa le même jour sa démission à l'académie Goncourt où on continuait à le blâmer pour son attitude pendant lOccupation.
Le 8 octobre, il fit jouer :
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Aux deux colombes
(1948)
Comédie en trois actes
Jean-Pierre Walther, éminent avocat parisien, mène une vie tranquille avec sa seconde femme, Marie-Thérèse. Un jour, il voit arriver Marie-Jeanne, sa première femme et soeur aînée de Marie-Thérèse, qu'il croyait morte dans un incendie. Comme elle lui demande : «Tu mas pleurée?», il lui répond : «Tu veux rire !» Les deux soeurs se disputent violemment leur mari commun. Jean-Pierre constate qu'il n'a vraiment aimé ni l'une ni l'autre...
Commentaire
Sacha Guitry retrouva sa vraie vocation en donnant cette comédie légère qui est une suite de dialogues émaillés de mots, frêles guirlandes autour d'une absence d'action et qui n'ont d'autre consistance que celle qui leur donne sa forte présence. On est dans le domaine de l'amour bien «parisien». On a droit à la peinture d'un certain type de femmes.
Cette pièce écrite rapidement, sur une situation originale et tragi-comique, ne comptera pas parmi les meilleures de Sacha Guitry. Après un bon premier acte, vif et brillant, le feu d'artifice s'éteint. L'absence de progression dramatique, la psychologie sommaire des personnages, dont les caractères sont à peine esquissés, et la facilité des plaisanteries, auraient découragé les spectateurs, si l'interprétation, extraordinairement enlevée, navait sauvé tout.
Cependant, la pièce eut, au Théâtre des Variétés, cent quarante représentations, du 8 octobre 1948 au 20 février 1949.
La même année, elle fut adaptée pour l'écran.
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Le 5 janvier 1949, Sacha Guitry publia dans L'époque un premier article intitulé Lettre à mon fils. Ce fut le début d'une collaboration qui cessa le 18 mars.
Après des répétitions commença, le 11 avril, aux studios Francoeur, le tournage du film Aux deux colombes. Il fut tourné sous deux angles différents, avec deux caméras. On ne fit qu'une seule prise de vue par plan. Sacha Guitry ajouta un prologue de sa façon au cours duquel les techniciens viennent installer leur matériel sur le plateau. Le comédien Robert Seller présentait aussi les différents protagonistes. À l'exception de ce très original générique, il s'agit, ici, vraiment de «théâtre filmé». Cependant, il faut remarquer cet effet : quand les deux femmes se battent, leur lutte est découverte par la projection de leurs ombres sur un mur. Le tournage fut achevé le 22.
Le 6 mai, Sacha Guitry fit jouer :
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Toâ
(1949)
Pièce de théâtre
Acte I. Un auteur-acteur, Michel Desnoyers, sinspire de sa récente rupture avec sa maîtresse, Écatérina, pour en faire le thème de sa nouvelle pièce.
Acte II. Au Nouveau-Théâtre, le soir de la première de la pièce intitulée Toâ, Écatérina, qui se trouve dans la salle, menace de tuer Michel. Elle affirme devant le public : «Cette pièce [
] a été faite avec notre aventure». Elle ne cesse dinterrompre le spectacle en reprochant à Michel : «Elle se confond trop, la pièce, avec la réalité.»
Acte III. Après le spectacle, Écatérina arrive chez Michel, repentante. Puisquelle fut chassée du théâtre avant la fin de la pièce, Michel lui en raconte la suite : elle se termine par un mariage.
Acte IV. Le lendemain matin, le directeur du Nouveau-Théâtre, ravi du scandale de la veille, supplie Michel dintroduire dans sa pièce la scène qui sest jouée dans la salle. Michel et Écatérina acceptent, et leur vraie histoire se termine par lannonce du mariage.
Commentaire
La trame est tout à fait boulevardière. Mais Sacha Guitry y exploita à fond le procédé du «théâtre dans le théâtre» en y mettant une touche de pirandellisme. Michel exprime ce principe : «Je ne fais pas mes pièces avec ma vie privée [
] mais je vois ma vie privée se conformer à mes pièces.» Il y a, dans Toâ, un double et même triple emboîtement : la pièce intérieure, calquée sur la situation des protagonistes de la pièce extérieure, a un prolongement dans la vie de ceux-ci, prolongement qui inspire une nouvelle version de la pièce intérieure. Mais il y a aussi un enchevêtrement très poussé dans laxe réalité-fiction. Et la mise en abyme, quon perçoit facilement sur le plan de lintrigue, sextériorise dans le procédé scénographique : la pièce intérieure de lacte II est jouée dans «un décor qui est absolument identique au décor précédent : le cabinet de travail de Michel.» Il y a aussi identité entre la salle du «Nouveau-Théâtre» et celle dans laquelle la pièce de Sacha Guitry est jouée : Écatérina est «assise au troisième rang dorchestre», les ouvreuses vendent le programme de Toâ, Michel fait des annonces directes au public.
On y lit : «J'ai observé que, d'ordinaire, on se dit au revoir quand on espère bien qu'on ne se reverra jamais, tandis qu'en général on se revoit volontiers quand on s'est dit adieu.»
La pièce eut, au Théâtre du Gymnase, cent représentations, du 6 mai au 23 octobre 1949.
La même année, un film en fut tiré, le tournage débutant en extérieurs le 27 juin.
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Le 3 juin 1949, à Pont-aux-Dames, la maison de retraite des artistes dramatiques, on joua, au profit des pensionnaires, L'illusionniste, avec Jean Weber.
Sacha Guitry publia :
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Soixante jours de prison
(1949)
Souvenirs
Dans la préface, lauteur explique que cet ouvrage est réellement le journal de sa détention. Il lavait écrit de façon illisible pour le cas où il serait tombé entre les mains de ses geôliers. Il le recopia pour le rendre lisible mais sans rien en changer, la publication sous forme de fac-similé étant destinée à le rendre plus réaliste et plus vivant.
Le récit est organisé en différentes parties, selon un ordre strictement chronologique : Le mois qui précéda mon arrestation (23 juillet - 22 août) - Mon arrestation (23 août) - La mairie du VIIe (23 août) - Le dépôt (23 août - 27 août) - En cellulaire (28 août) - Le Vél dhiv (28 août) - Drancy (2 septembre - 14 octobre) - Fresnes (18 octobre - 24 octobre)
Commentaire
En dépit de laffirmation de Sacha Guitry, on peut supposer quil a légèrement remanié le texte, pour éviter ce qui pourrait se retourner contre lui, ou pour y ajouter cet humour qui lui était propre, mais dont il neut sans doute pas le cur duser lors de sa détention. Ce récit est fait de petits événements, la plupart sans importance, mais très pénibles. Il fut surpris de labandon de ses amis qui craignaient, en le soutenant, dêtre soupçonnés à leur tour.
Le récit fut illustré de dessins de l'auteur.
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Le 24 juillet, la 8e chambre prononça le divorce entre Sacha Guitry et Geneviève de Séréville.
Le 22 septembre, il commença le tournage, à Bois-d'Arcy, du film Le trésor de Cantenac.
Le 28 octobre, le film Toâ sortit aux cinémas Olympia, Alhambra, Les Portiques.
Le 25 novembre, Sacha Guitry épousa Lana Marconi, à la mairie du VIIe arrondissement et à l'église grecque orthodoxe. Il lui déclara de façon prémonitoire : «Toi, tu seras ma veuve !» Elle fut en effet sa demière partenaire à la ville et à la scène, créant sept de ses pièces, en reprenant deux autres, et jouant dans treize de ses films.
Le 15 décembre, il fit jouer :
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Tu m'as sauvé la vie
(1949)
Pièce en quatre actes
Le baron de Saint-Rambert, un riche et solitaire misanthrope, finit sa vie chez lui tranquillement, servi par des domestiques dévoués dont, cependant, il apparaît rapidement quils guignent son héritage. Tout comme, dailleurs, la vieille comtesse de Morhange, qui habite au-dessus, et le harcèle de coups de téléphone. Il refuse de recevoir un clochard, nommé Fortuné Richard (!), venu chercher du travail. Il lui propose, par gouvernante interposée, une forte somme, mais celui-ci refuse toujours. Plus tard, cheminant sur les quais avec la comtesse, le baron manque dêtre renversé par un cheval emballé. Or par qui est-il sauvé? par le même clochard, bien sûr. Il nen faut pas plus pour que lex-misanthrope, conquis, se prenant brusquement d'amitié, installe son sauveur à demeure. Les domestiques et la comtesse sont mécontents, comme lest aussi la ravissante marquise de Pralognan, qui sétait instituée son infirmière privée, et tâchait, elle aussi, de faire son trou dans le fromage ! Le baron reste seul, avec ses domestiques, plus misanthrope qu'auparavant...
Commentaire
Sacha Guitry tint le rôle du baron, et celui du clochard fut relevé par Fernandel.
La pièce eut, au Théâtre des Variétés, cent représentations, du 15 décembre 1949 au 29 mai 1950.
En 1950, elle fut adaptée pour l'écran, avec une distribution analogue, seule Pauline Carton (la domestique Irma) ayant cédé son rôle à Luce Fabiole.
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Le 28 janvier 1950, les représentations de Tu m'as sauvé la vie ! furent interrompues car Sacha Guitry était victime dune forte grippe, qui dégénéra en bronchite. Il souffrait aussi beaucoup de cet ulcère qui, jusqu'à son opération, un an plus tard, nallait pas le laisser en repos.
Le 2 mars, ce fut, au cinéma Le Marignan, la première de :
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Le trésor de Cantenac
(1950)
Film de 105 minutes
Cantenac, une petite localité imaginaire en proie à de mesquines querelles, abrite une galerie de personnages pittoresques, dont un vieillard de cent vingt-huit ans et un baron septuagénaire ruiné. Ce dernier songe au suicide. Le centenaire lui révèle qu'existe un trésor dont il est l'héritier. Il le récupère, et choisit d'en faire profiter la communauté. Dès lors, Cantenac devient un paradis, où chacun oublie ses rancoeurs, et retrouve la joie de vivre.
Commentaire
Sacha Guitry tourna cette comédie avec lui-même, Lana Marconi, Henri Laverne, etc..
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En mai 1950, le film tiré de Tu mas sauvé la vie ! fut tourné sur le plateau du Théâtre des Variétés en une semaine.
Sacha Guitry réécrivit, sous le titre de Constance, sa pièce Quand jouons-nous la comédie? (1935), en la débarrassant de ses scories anecdotiques. Mais elle ne fut pas jouée.
Durant le mois de juillet, il prépara la reprise de Deburau, et acheva le scénario dun autre film.
Puis il fit jouer :
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Beaumarchais
(1950)
Comédie en quatre actes
Il est question des multiples activités de Pierre-Augustin Caron :
- ses relations avec Louis XV et Louis XVI ainsi que Benjamin Franklin ;
- sa rencontre avec le chevalier dÉon (elle eut lieu, cest historiquement prouvé. On dit même que le chevalier (ou la chevalière !) aurait été jusquà guider la main de Beaumarchais (à vrai dire experte) vers lobjet secret du désir afin de le (ou la) mieux connaître. Vrai ou faux? La réalité de cette scène est sans doute très éloignée de la vérité historique).
- sa conception de lidée dune Société des auteurs (tableau XI) ;
- la première représentation, à la Comédie-Française, le 23 février 1775, du Barbier de Séville ; on en entend quelques répliques (tableaux XIII et XIV) ;
- la lecture du Mariage de Figaro devant le roi (tableau XV) ;
- sa condamnation de la nullité de la production dramatique depuis 1789 (tableau XVII).
Dans une apothéose finale, après sa mort, cest Molière qui lui fait franchir le seuil de lImmortalité, malgré lopposition de quelques membres obscurs de lAcadémie française.
Commentaire
Cette pièce rassemble plusieurs éléments du «théâtre dans le théâtre» : un lieu théâtral sy trouve reproduit ; il y a le spectacle (bien que très fragmentaire) dune pièce ; il y a la lecture privée dune autre.
La pièce ne fut pas jouée. Aurait-elle pu lêtre? Sacha Guitry avait prévu soixante-six personnages, alors quil navait absolument pas les moyens d'engager une pareille distribution. Était-ce mégalomanie? Non : simple courtoisie envers le spectateur, qui «pourra ainsi se faire une idée plus exacte du physique des personnages de ma comédie».
En 1995, sous le titre Beaumarchais l'insolent, Édouard Molinaro tourna une adaptation de la pièce et du scénario, inédit lui aussi, Franklin et Beaumarchais.
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Avant les fêtes de Noël, Sacha Guitry partit à Cap-d'Ail.
Le 18 janvier 1951, il revint à Paris sur une civière, et, le même jour, entra à l'Hôpital américain de Neuilly. Ainsi, dans ses dernières années, le retour de la gloire saccompagna du naufrage de la vieillesse et de la maladie. Du fait de sa polynévrite, ses pieds enflaient au point que, lorsquil se produisait en scène, il fallait découper ses escarpins à coups de ciseaux, ce qui n'était pas sans rappeler la fin de son père.
Le 24 janvier, il fut, pendant trois heures, opéré d'un ulcère.
Le 20 septembre sortit le film Tu m'as sauvé la vie !.
En novembre, Sacha Guitry prépara les prises de vues de Deburau, et termina lécriture d'Adhémar qu'il devait tourner en janvier.
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Adhémar ou Le jouet de la fatalité
(1951)
Scénario et dialogues
Adhémar Pomme, qu'il soit ordonnateur de pompes funèbres, garde-malade ou souffleur, n'a qu'un seul défaut : dès quon le voit, il déclenche l'hilarité générale à cause de son faciès chevalin. Après moult péripéties, il finit par se faire admettre à l'asile de «monstres» créé par le riche mais disgracieux milliardaire Brunel-Lacaze. S'étant moqué du physique de ses camarades d'infortune, il en est renvoyé le lendemain même de son admission, et, finissant par accepter son involontaire don comique, devient clown dans un cirque itinérant...
Commentaire
Ce film annonçait la suite de l'uvre du cinéaste. Le ton en est plus mélancolique, parfois caustique, mais toujours comique.
Le rôle dAdhémar Pomme fut écrit pour Fernandel.
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Le 2 décembre 1951 débutèrent les prises de vues de Deburau.
Le tournage d'Adhémar fut confié à Fernandel, qui fut assisté de Georges Lautner et de François Gir.
Le 26 mai, Sacha Guitry fit jouer une reprise dUn monde fou (1938) quil intitula Une folie, qui était toujours une comédie en quatre actes, qui fut jouée par Sacha Guitry (le docteur Flache), Jacques Morel (Jean-Louis Cousinet), Lana Marconi (Missia), Sophie Mallet (Mlle Putifat) et Jeanne Fusier-Gir (Valentine), qui eut, au Théâtre des Variétés, cent cinquante-trois représentations, du 26 mai 1951 au 13 janvier 1952. Du 14 janvier au 11 avril 1993, elle fut reprise au Théâtre du Palais-Royal, par Jacques Échantillon, avec Robert Hirsch (le docteur Flache), Michèle Laroque (Missia), Jean-Jacques Moreau (Jean-Louis Cousinet), Sophie Forte (Mlle Putifat), Annie Grégorio (Valentine).
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Le 29 juin, aux cinémas Le Royal et Méliès, sortit le film Deburau.
Le 9 août sortit le film Adhémar. Sacha Guitry, devant les modifications apportées au scénario original et devant la réalisation, s'estima trahi, et intenta un procès à Fernandel, quil perdit.
Le 6 septembre, il fit la première prise de vues pour un autre film qui sortit le 30 novembre aux cinémas Berlitz, Colisée et Gaumont-Palace :
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La poison
(1951)
Film de 85 minutes
Lhorticulteur Paul Braconnier et sa femme, Blandine, n'ont qu'une seule idée en tête : trouver le moyen d'assassiner l'autre sans risque, et tout le village de Remonville le sait. Ne supportant plus cette alcoolique, mauvaise et littéralement invivable, Paul se réfugie chez sa maîtresse, à la terrasse du café ou dans sa collection de timbres. Ayant entendu à la radio le célèbre avocat, Me Albanel, expliquer comment il venait d'obtenir son vingt-cinquième acquittement, il décide de monter à Paris pour le rencontrer. Comme il lui fait croire qu'il a tué sa femme, l'avocat linterroge pour reconstituer les circonstances du drame, et explique, bien malgré lui, la marche à suivre pour que Paul assassine sa femme en mettant de son côté toutes les chances d'éviter la guillotine, voire d'être acquitté... Pendant ce temps, Blandine est allée acheter de la mort aux rats quelle verse dans le vin de son mari. Ils s'engueulent, et il ne boit pas. Comme il sait comment la tuer sans être condamné, il suit à la lettre les «recommandations» de lavocat. A lieu un procès où, caustique et cynique, Paul Braconnier se défend en retournant les accusations du président du tribunal, arguant que, s'il n'avait pas tué sa femme, il ne serait pas là pour en entendre le reproche. Les enfants du village, laissés à la garde de la fleuriste, parodient les adultes, font le procès à leur manière ; et, comme la vérité sort de la bouche des enfants, ils miment la condamnation et l'exécution de Braconnier, qui n'a pas lieu car il est acquitté. Ni condamné, ni pardonné par la justice, il est louangé par les villageois qui, plus hypocrites que solidaires, sont venus en masse le soutenir, qui le remercient, car son crime a fait connaître le village, et, par la même occasion, y a relancé la vie économique.
Commentaire
Après avoir produit quelques pièces mineures, Sacha Guitry retrouva sa force corrosive dans ce film.
Dans le générique de début, on le voit préciser à Pauline Carton que le décor de la prison est exact car il a été réalisé à partir des souvenirs quil gardait de celle quil avait connue à la Libération, et on sent poindre l'amertume dans sa voix. Sil y a du Chaplin (Le dictateur et Monsieur Verdoux) dans la scène du procès, qui est dailleurs juridiquement invraisemblable, le jugement nayant ni queue ni tête, ce film noir, ce conte macabre est une critique de la société :
- une critique économique. À Remonville, nombreux sont ceux qui souhaitent un événement qui ferait connaître le village, qui y amènerait des visiteurs qui feraient tourner le commerce plutôt moribond. Certains vont même voir le prêtre pour lui suggérer de faire croire à un miracle, ce à quoi il se refuse.
- ensuite une critique sociale. Les médias, tels des rapaces, vont de fait divers en fait divers, tous plus morbides les uns que les autres. Ils font à l'avocat Aubanel une publicité qui aura pour lui de fâcheuses conséquences, et se précipitent au village une fois le crime connu. Doù un afflux de curieux voulant voir la maison du crime.
- une critique psychologique. L'avocat Aubanel, tout à la joie de son centième acquittement, se livre à une apologie de son style et de ses convictions, soutenant des thèses parfois effrayantes sur les criminels.
Paul Braconnier fut joué superbement par Michel Simon, pour lequel avait été écrit ce film, qui fut tourné en onze jours, du 10 septembre au 25 septembre 1951 (Michel Simon ayant déclaré qu'il détestait plus que tout autre chose refaire deux fois la même prise, seule la première étant la bonne), aux studios de Neuilly, et sortit le 30 novembre 1951, à Paris. Germaine Reuver tint le rôle de Blandine Braconnier, et Jean Debucourt celui de Maître Aubanel.
Comme toujours, les critiques ne furent pas enthousiastes. La plupart se concentrèrent sur le générique où l'on voit Guitry faire, durant cinq minutes, l'éloge de ses acteurs et de ses techniciens. En fait, ce générique annonce le thème du film : la dénonciation du mensonge. Ils reprochèrent à Sacha Guitry sa misogynie, mais, en fait, il ne critiquait pas toutes les femmes mais uniquement l'acariâtre épouse Braconnier.
En 2000, Jean Becker donna une autre version du film, sur un scénario de Sébastien Japrisot : Un crime au paradis, avec Josiane Balasko, Jacques Villeret et André Dussollier ; laction fut transposée en plein début de troisième millénaire, Paul étant devenu Jojo, Blandine, Lulu, tandis que lémission de radio en était une de télévision.
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Le 25 janvier 1952 fut ouverte au public une exposition des collections de Sacha Guitry à son hôtel de l'avenue Élisée-Reclus, le montant de la recette (1 794 000 francs, somme quil arrondit pour verser deux millions de francs) aux oeuvres de la Société des auteurs.
Le 2 avril fut donnée à Radio-Luxembourg la première émission dentretiens de Sacha Guitry avec Alex Madis.
Le 15 avril fut célébré son jubilé, sa première pièce ayant été jouée le 16 avril 1902. À cette occasion, l'éditeur Raoul Solar publia gracieusement un ouvrage intitulé simplement 18 avenue Élisée-Reclus, commenté par Sacha Guitry lui-même. Il peut être considéré comme le catalogue de l'exposition de ses collections.
Le 3 mai, il commença le tournage dun film de 81 minutes dont une partie fut faite, en extérieurs, à Monte-Carlo, et dont la première mondiale eut lieu au casino de Deauville le 13 août : Je l'ai été trois fois, qui était un amalgame de ses pièces Mon double et ma moitié et Les desseins de la providence (1931) ; Il tint le rôle de Jean Renneval, tandis que Lana Marconi fut Thérèse Verdier, Bernard Blier, son mari, Simone Paris, sa première épouse d'Henri.
En septembre, il commença le tournage dun film qui sortit le 18 février 1953 :
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La vie dun honnête homme
(1953)
Film de 85 minutes
Albert et Alain Ménard-Lacoste sont frères jumeaux. Le premier a réussi dans sa vie : il est devenu un homme riche et respectable, craint de son entourage, et faisant subir à sa famille une vie infernale, mais n'est pas heureux. Le second a beaucoup voyagé, et vit très modestement. Une rencontre a lieu, au cours de laquelle Alain meurt brusquement. Albert endosse alors sa personnalité, et revient chez lui. Accueilli comme l'héritier d'Albert, il se retrouve vite dans la situation qui était la sienne avant sa «mort». Même sa femme, n'agissant que par intérêt, veut l'épouser. Le médecin de famille découvre alors la supercherie, et pousse Albert à disparaître sans laisser de trace.
Commentaire
Sacha Guitry fut le narrateur, Michel Simon tint les rôles dAlbert et dAlain Ménard-Lacoste, tandis que Lana Marconi était une prostituée, surnommée «la comtesse».
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Le 28 avril 1953, Sacha Guitry fit jouer Palsembleu !, comédie en quatre actes, qui eut, au Théâtre des Variétés, cinquante représentations, du 27 mars au 13 mai 1953.
Le 1er juin, il assista, à Londres, à un dîner présidé par Winston Churchill, puis créa Écoutez bien, Messieurs, comédie en quatre actes qui eut, au Winter garden theater, dix-huit représentations, du 4 au 21 juin 1953.
Il écrivit à Londres une partie dun autre film, Si Versailles métait conté, dont le tournage commença le 6 juillet.
Le 12 octobre fut diffusée la première émission d'une série enregistrée avec Pierre Lhoste : Et Versailles vous est conté... qui allait s'achever le 28 décembre.
Le 13 décembre, pendant une représentation de Deburau à Bruxelles, Sacha Guitry subit un malaise cardiaque : ce fut la dernière fois quil joua en scène. Il fit ses adieux au théâtre avec les adieux de Gaspard Deburau, mais il n'avait pas, comme lui, de fils qui puisse recueillir le flambeau.
Le 15 décembre sortit à l'Opéra :
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Si Versailles métait conté
(1953)
Film de 165 minutes
Il est centré sur la construction par Louis XIII et l'aménagement ultérieur par Louis XIV et Louis XV du palais de Versailles. Il relate longuement la vie d'un cour brillante et fastueuse, puis les événements de la Révolution.
Commentaire
Cest un film à grand spectacle, une fresque historique dune désinvolture réjouissante, car Sacha Guitry, qui y tint le rôle de Louis XIV, évoqua lhistoire du château et de la France à sa manière, en prenant quelques libertés (il gomma toute la Régence ; il escamota le personnage de la comtesse du Barry, dernière favorite de Louis XV), en commettant des erreurs (Louis XIV, à l'article de la mort, reçoit son architecte, et lui donne des indications en mesures métriques, alors que c'est la Révolution qui allait instituer le système métrique ; Louis XVI, au balcon de Versailles, assure les émeutiers de sa probité, disant : «Je n'ai pas donné un centime, je le jure», alors que ni francs ni centimes n'étaient monnaies de l'époque). Il sen amusait, et, au sujet de lune delles, raconta : «Nous tournions ce jour-là, une scène entre le roi et Madame de Montespan, scène au cours de laquelle, je disais à Mme de Montespan : Je vous garde à Versailles et vous exile dans les combles» ; comme le conservateur en chef de Versailles, Gérald van der Kemp, se fit un devoir de laviser que ce nétait pas dans les combles mais bien au rez-de-chaussée de laile droite du château que Louis XIV avait logé sa maîtresse, il lui répondit aussitôt : «Cher van der Kemp, le roi Louis XIV navait-il pas assez dindépendance et dautorité pour revenir le lendemain sur une décision quil avait prise la veille?» Il indiqua avec une effarante mauvaise foi : «Il y a dans Versailles une erreur que personne na cru devoir me signaler encore. Elle se trouve dans la dernière image du film et elle en a définitivement assuré le succès. Dans cette image, sur le grand escalier majestueux, on peut voir Louis XIV et Georges Clemenceau. Or, si ma mémoire est bonne, ils ne se sont cependant jamais rencontrés».
Il justifia la construction du château en quatre vers quil tira de son propre film Remontons les Champs-Élysées (1937), où déjà il disait en «voix-off» :
«On nous dit que nos rois dépensaient sans compter,
Qu'ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils.
Mais quand ils construisaient de semblables merveilles,
Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté?»
Ce film reste célèbre par les qualités de narration propres à son auteur, et par sa distribution prestigieuse, où on remarque les noms de Sacha Guitry (Louis XIV âgé, et, dans la version française, le narrateur), Lana Marconi (Marie-Antoinette), Georges Marchal (Louis XIV jeune), Gérard Philipe (D'Artagnan), Fernand Gravey (Molière), Claudette Colbert (Madame de Montespan), Pauline Carton (la Voisin), Jean-Louis Barrault (Fénelon), Daniel Gélin (Jean Collinet), Brigitte Bardot (Mlle de Rosille), Danièle Delorme (Louison Chabray), Jean Marais (Louis XV), Michel Auclair (Jacques Damiens), Jean Desailly (Marivaux), Micheline Presle (Madame de Pompadour), Jean-Pierre Aumont (le cardinal de Rohan), Gino Cervi (Cagliostro), Jean-Claude Pascal (Axel de Fersen), Gaby Morlay (la comtesse de la Motte), Orson Welles (Benjamin Franklin, et, dans les versions anglophones, le narrateur), Louis Seigner (Lavoisier), Charles Vanel (M. de Vergennes), Édith Piaf (une femme du peuple), Tino Rossi (un gondolier), Bourvil (un gardien de musée), Annie Cordy (Mme Langlois), Jeanne Fusier-Gir (une révolutionnaire).
Le film eut un énorme succès ; il fait partie des cent plus gros succès du «box-office» en France, ayant réalisé sept millions d'entrées.
Mais il fut éreinté par la critique de gauche, qui reprocha à Sacha Guitry sa mégalomanie, sa prétention, son penchant royaliste ; qui osa même prétendre quil était passé à côté de son sujet, nayant fait faire aux spectateurs quune visite au musée Grévin !
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En janvier 1954, Sacha Guitry enregistra, avec Pierre Lhoste, une série de vingt-quatre entretiens sur Le théâtre et l'amour, et termina par Et puis voici des vers...(recueil de poèmes publié en 1964).
Le 7 avril, il enregistra le premier entretien sur Les cent merveilles, où il faisait découvrir, dans son hôtel particulier du 18, avenue Élisée-Reclus, les toiles de Cézanne, Poussin, Renoir, Monet, etc., quil avait collectionnées. Il y affirma : «Avoir le sens critique, c'est porter le plus vif intérêt à un ouvrage qui, justement, vous paraît en manquer.»
En juillet, il commença le tournage de Napoléon. La bataille finale fut tournée le 13 septembre, en Provence, à 1 200 mètres d'altitude, où, le coeur malade, il ne put aller, commandant les prises de vues par la radio.
En octobre, il enregistra, pour Radio-Luxembourg, quinze émissions sur Napoléon.
En décembre, pour la série "Tels qu'en eux-mêmes... ", Pierre Lhoste enregistra quelques-uns de ses propos sur le thème du dernier quart d'heure.
Le 31 décembre, il adressa ses voeux de bonne année aux auditeurs d'Europe n° 1.
En janvier 1955, il subit une nouvelle opération.
Le 21 février, pour ses soixante-dix ans, Jean Nohain lui consacra une émission de télévision intitulée "70 chandelles", en duplex entre Paris et Cap-d'Ail où il se reposait un peu en préparant un autre film.
Le 10 mars se tint, au Théâtre national de l'Opéra, un gala pour la première présentation de :
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Napoléon
(1955)
Film de 182 minutes diffusé en deux époques
La vie de Napoléon, de 1769 à 1821, est racontée par M. de Talleyrand à ses amis : sa naissance en Corse, ses études à l'école militaire de Brienne, ses fiançailles à Toulon, son arrivée à Paris, sa rencontre avec Joséphine de Beauharnais, son exploit à Arcole, sa campagne d'Égypte, son coup dÉtat du 18 brumaire, sa fonction de premier consul, son accession à lEmpire, ses victoires, sa campagne de Russie, son abdication, son exil à l'île d'Elbe, sa défaite à Waterloo, son exil à Sainte-Hélène.
Commentaire
Cest un autre film «à grand spectacle», une fresque historique dune désinvolture réjouissante.
On remarque dans la distribution : Sacha Guitry (Talleyrand), Raymond Pellegrin (Napoléon), Daniel Gélin (Bonaparte), Pierre Brasseur (Barras), Yves Montand (le maréchal Lefebvre), Henri Vidal (le maréchal Murat), Luis Mariano (le chanteur Garat), Serge Reggiani (Lucien Bonaparte), Michèle Morgan (Joséphine de Beauharnais), Danielle Darrieux (Éléonore Denuelle), Dany Robin (Désirée Clary), Lana Marconi (Marie Walewska), Patachou ("Madame Sans-Gêne"), Micheline Presle (la reine Hortense de Beauharnais), Jean Gabin (le maréchal Lannes), Pauline Carton (une aubergiste), Maria Schell (Marie-Louise, l'archiduchesse d'Autriche), Noël Roquevert (le général Cambronne), Jean Marais (le comte de Montholon), Orson Welles (sir Hudson Lowe), Erich von Stroheim (Ludwig van Beethoven), Armand Mestral (le général Oudinot), Jean-Pierre Aumont (Regnault de St-Jean d'Angely), Louis de Funès (Laurent Passementier, un soldat), etc..
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Le 3 mai 1955, la télévision donna L'illusionniste.
Au début juin, Sacha Guitry, incité par le succès de Si Versailles métait conté, commença les prises de vues dun second long-métrage du même modèle sur l'histoire de la ville de Paris.
Le 27 juin, il enregistra une émission en duplex, avec Jean Nohain, sur les vacances.
Le 6 juillet, la Société des auteurs lui remit sa grande médaille d'or.
Le 5 décembre, pour lémission de la télévision "36 chandelles" de Jean Nohain, il fut montré filmant la bataille de Valmy.
Le 22 décembre, il donna, pour une vente aux enchères au profit des vieux comédiens, un portrait de Lucien Guitry par Sem, et une dédicace autographe de lui.
Le 30 décembre, il remit, à M. Féron, président du conseil municipal de Paris, les bobines du film qui fut, le 26 janvier, présenté lors dun gala, à l'Opéra :
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Si Paris nous était conté
(1955)
Film de 130 minutes
L'histoire de Paris, de ses origines à 1955, est racontée à de jeunes étudiants par Sacha Guitry, sous forme de «déclaration d'amour lucide». Sont notamment évoqués la première rencontre de Charles VII et d'Agnès Sorel, la création de l'imprimerie sous l'impulsion de Louis XI, le Louvre au temps de François 1er, le vol de la Joconde, la nuit de la Saint-Barthélemy, l'assassinat d'Henri III par un moine fanatique, l'abjuration d'Henri IV à la prière de sa maîtresse Gabrielle d'Estrées, l'embastillement du conseiller Broussel et celui du jeune Voltaire, l'énigme de «l'homme au masque de fer», les évasions de Latude, les salons littéraires de Mmes Geoffrin et d'Épinay, le règne de Rose Bertin sur la mode en 1780, l'agonie de Voltaire et son enterrement à la sauvette, la prise de la Bastille commentée par Beaumarchais, l'exécution de Louis XVI et le procès de Marie-Antoinette, les soirées littéraires au Café Procope, la Commune de Paris, l'affaire Dreyfus, les premières de "Louise" et de "Cyrano de Bergerac", la découverte du vaccin antirabique par Pasteur...
Commentaire
Cest un autre film «à grand spectacle», une fresque historique dune désinvolture réjouissante. Sacha Guitry commit quelques petites erreurs historiques ; ainsi, lorsque le roi Charles VII rencontre Agnès Sorel, et fait delle sa maîtresse, elle lui dit qu'ils sont en l'an 1432, ce qui est impossible car cette année-là elle n'avait que dix ans.
Dans la distribution, on remarque les noms de : Sacha Guitry (le narrateur et Louis XI), Lana Marconi (la reine Marie-Antoinette), Michèle Morgan (Gabrielle d'Estrées), Gisèle Pascal (la comtesse de Montebello), Simone Renant (la marquise de La Tour-Maubourg), Renée Saint-Cyr (limpératrice Eugénie), Jean Weber (Henri III), Gérard Philipe (le trouvère), Louis de Funès (Antoine Allègre), Françoise Arnoul (la duchesse de Bassano), Danielle Darrieux (Agnès Sorel), Sophie Desmarets (Rose Bertin), Odette Joyeux (la passementière), Robert Lamoureux (Latude), Jean Marais (François Ier), Julien Carette (un cocher), Pauline Carton (la bouquiniste), Jeanne Fusier-Gir (la patronne), Aimé Clariond (Beaumarchais), Pierre Vaneck (François Villon), Maurice Utrillo (dans son propre rôle), etc..
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En 1954, Sacha Guitry fut, dans un article célèbre, puis dans la préface d'un de ses ouvrages, "Le cinéma et moi", reconnu comme un grand metteur en scène par le critique des Cahiers du cinéma, François Truffaut, futur chef de la Nouvelle vague.
Du fait de sa polynévrite, il était dans l'incapacité de se mouvoir, mais continua à diriger ses films assis dans un fauteuil roulant. Il sentait venir le collapsus. À sa compagne, il murmurait : «Ne regardez pas, ma chérie... ce n'est pas un spectacle !»
Cependant, Paul Léautaud étant mort le 22 février 1955, il se chargea de sa sépulture.
En 1955, il fut de nouveau opéré de l'estomac. Et il continuait de souffrir, et cruellement, de sa polynévrite...
En 1956, une éruption cutanée l'obligea à devenir barbu...
Le 14 avril, pour le mariage de Rainier de Monaco avec Grace Kelly, il composa et dit un impromptu.
À la fin davril, il se réconcilia avec son ami, Albert Willemetz.
En mai, malgré la maladie, il réalisa dans la bonne humeur un film qui fut présenté le 7 février 1957 :
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Assassins et voleurs
(1957)
Film de 85 minutes
Philippe d'Artois, riche oisif, voleur par dandysme, confortablement installé dans son appartement, songe au suicide. Ses réflexions sont interrompues par l'arrivée dun cambrioleur, Albert Lacagneux, qui, surpris, tente de s'enfuir. Mais Philippe le retient, et lui demande contre une forte somme de devenir son assassin. Pour le persuader, il commence le récit de son extraordinaire existence. Ainsi Albert Lecagneux se rend compte quil a été condamné, il y a quelques années, à la place de Philippe d'Artois pour le meurtre du mari de la maîtresse de ce dernier. Et l'assassin, restant fidèle à lui-même, se débarrasse du voleur.
Commentaire
N'oubliant pas son arrestation, Sacha Guitry sinspira du premier scénario quil avait écrit : Un roman d'amour et d'aventures.
Ce film, dans lequel on peut voir une sorte de testament, est une comédie caustique, une farce subversive et grinçante, où il nous convainc qu'il ne croyait définitivement plus ni en I'Homme ni en la Société. L'arrestation et l'emprisonnement d'Albert Lecagneux à la place du véritable coupable, Philippe d'Artois, sont une allusion évidente à son arrestation à la Libération.
Le film se déroule de façon rigoureuse, jusqu'à son cynique dénouement.
Pour la première fois, Sacha Guitry fut totalement absent de son film : non seulement il ne joua pas, mais le commentaire en «voix off» fut assuré par Jean Poiret, qui tint le rôle de Philippe dArtois, tandis que son compère, Michel Serrault, était Albert Lecagneux. Darry Cowl fit ses débuts avec une scène pratiquement improvisée, mais hilarante.
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Sacha Guitry produisit son dernier film :
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Les trois font la paire
(1957)
Film de 85 minutes
Un acteur de complément a été assassiné à Montmartre durant les prises de vue d'une comédie tournée par un metteur en scène farfelu. À la grande joie de son épouse, toute fière d'être la compagne d'un nouveau Maigret, le commissaire Bernard est aussitôt chargé de l'enquête. Mais ses investigations piétinent, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit que la caméra, n'ayant cessé de fonctionner, a enregistré le crime... et, partant, son auteur. Les policiers de la police judiciaire se réjouissent, mais doivent déchanter tout aussi vite : ils tiennent désormais trois suspects : une petite «escarpe» et deux jumeaux, l'un et l'autre clowns à Medrano. Une sémillante prostituée a le mot de la fin, tandis que la pègre se charge du vrai coupable.
Commentaire
Cest le film-somme sur le cinéma de Sacha Guitry car l'on y retrouve tout ce qui fait le sel de son uvre : humour caustique, jeu avec les procédés filmiques, fidélité à certains acteurs (Michel Simon accepta, par amitié pour le maître, dy jouer le rôle du commissaire Bernard alors quil n'aimait pas le scénario). Il était mourant, et il réalisa avec l'aide de l'acteur-producteur-réalisateur Clément Duhour. Il napparut quau générique et à fin en présentateur-narrateur.
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Sacha Guitry écrivit encore :
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La vie à deux
(1957)
Scénario
Auteur à succès, Pierre Carraud, rédige son testament, et, par devant Maître Stéphane, en présence de ses meilleurs amis et de son secrétaire, M. Lecomte, déclare léguer sa fortune à ceux qui ont servi de modèles aux personnages de son grand succès La vie à deux, sous condition que leur vie ait été et soit toujours heureuse, faute de quoi, ce sont ses amis qui hériteraient. Deux généalogistes, Pommier et Santis, sont désignés et se mettent en chasse. Ils sont poursuivis par le directeur, Arthur Vattier, et l'éditeur Roland Sauvage, deux amis alléchés par l'appât du gain. Se succèdent alors divers extraits de comédies de Sacha Guitry : Désiré, Faisons un rêve, Le blanc et le noir, L'illusionniste, Une paire de gifles et Françoise. Aucun couple n'ayant rempli la condition, Carraud meurt en ayant auprès de lui la seule femme qu'il ait aimé profondément, Françoise.
Commentaire
Ce fut le testament artistique de Sacha Guitry car il y fondit cinq de ses pièces reliées par un texte dont on ne sait dans quelle mesure il fut écrit par lui-ci et non par son secrétaire, Stéphane Prince, qui se cacherait derrière le mystérieux Jean Martin crédité par le générique comme coscénariste.
En 1958, après la mort de Sacha Guitry, Clément Duhour réalisa le film avec une pléiade de vedettes venues rendre hommage au maître : Pierre Brasseur (Pierre Carreau), Louis de Funès (Maître Stéphane), Danielle Darrieux, Sophie Desmarets, Fernandel, Edwige Feuillère, Robert Lamoureux, Jean Marais, Lilli Palmer, Gérard Philipe, Jean Richard, Pauline Carton, etc..
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Le 12 juillet 1957, Sacha Guitry fut victime dune première hémorragie.
Le 24 juillet, à quatre heures du matin, non sans avoir prononcé quelques derniers bons mots («Cest lheure où les médecins viennent mentir»), il cessa de vivre, dans les bras de Lana Marconi qui, jusqu'au bout, lavait veillé jour et nuit.
Les Parisiens lui rendirent massivement un dernier hommage. François Truffaut écrivit : «Il n'a plus d'ennemis, puisqu'on lui reprochait avant tout d'être vivant».
Il rejoignit au cimetière Montmartre son père et son frère, Jean.
On publia encore :
- Lesprit (1958), recueil de textes divers. On y lit : «Le cigare donne à ceux qui sont pauvres l'illusion de la richesse. Il en donne l'assurance à ceux qui sont fortunés.»
- Histoires de France (1959), recueil de pièces de théâtre.
- Théâtre, je tadore (1959), notes et croquis au fil de la plume.
- À partir du troisième trimestre de 1959 commença la publication de quinze volumes de Théâtre.
- Au voleur !(1960), scénario (Le Nabob est un diamant énorme, d'une valeur inestimable, que tout le monde convoite, y compris les plus riches. De subtilisation en échange, une course au Nabob se poursuit) qui fut remanié et adapté par Jean-Bernard Luc, le film de 90 minutes étant réalisé par Ralph Habib, mais passant inaperçu lors de sa sortie en France, alors que sa version allemande "Affäre Nabob connut outre-Rhin un succès d'estime.
En 1963, malgré les protestations de ses nombreux amis, lhôtel particulier de Sacha Guitry, au Champ de Mars, 18 avenue Élisée-Reclus, fut démoli.
Dans les années 90, plusieurs de ses films furent l'objet de nouvelles versions, produites notamment par Daniel Toscan du Plantier.
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SYNTHÈSE
L'homme
Sacha Guitry, qui montra toujours une grande ardeur, qui put affirmer : «Ce qui ne me passionne pas mennuie», fut un phénomène, un personnage exceptionnel, plus grand que nature. Il eut une vie publique et une vie privée plus mouvementées que celles de ses personnages les plus improbables.
Doté dune exubérance naturelle, de brio, de faconde, il conçut sa vie privée comme une pièce de théâtre, se conduisit toujours en très grand seigneur, toujours comme s'il était en représentation, passant chez lui des heures en pantoufles brodées à ses initiales et robe de chambre en laine peignée des Pyrénées à changer les vitrines de son musée intime.
Dans sa vie publique, il parut doté dun gigantesque ego, dune magnifique superbe, dune imposante prétention, dune grande suffisance, dun goût du luxe, de lépate et de la parade, étant, selon Louis Pauwels, «ostentatoire jusquà la disgrâce», imbu de lidée que le monde ne pouvait tourner sans lui. Cet exhibitionniste put admettre : «Il y a des bêtises que j'ai faites, uniquement pour avoir le plaisir de les raconter.» Il proclama : «Faire des concessions? Oui. C'est un point de vue, mais sur un cimetière.»
Il fut un mondain qui ne cessa de faire parler de lui par son élégance, sa distinction, son raffinement, sans être jamais formel. Ce roi de Paris fut plus un gentilhomme quun grand bourgeois. Dailleurs, il refusait de payer ses impôts, ne voulant jamais rien partager avec lÉtat, avec ses concitoyens.
Il jouait de sa voix de nez, gourmée et pontifiante, «sa voix, étoffée, émouvante, qui baisse jusquau murmure sans cesser dêtre distincte, [avec] sa force contenue, sa suavité habile» (Colette), de sa diction traînante, de son phrasé inimitable, de son ton souvent emphatique, que les imitateurs samusèrent à copier. Aimant la grandiloquence, sinon une certaine préciosité, il semblait trouver une grande satisfaction à dire «moâ» (du fait de son narcissisme, il fut dailleurs surnommé «Monsieur Moâ»), à se faire appeler «Maître». Il faut reconnaître quil prenait des poses, que sa vie entière fut théâtrale, une de ses épouses ayant confié : «Cest fatigant de vivre au côté de Sacha. Il est constamment en train de jouer !» En conséquence, si l'on ne tombait pas sous son charme qui était immense, si lon nétait pas fasciné par le séducteur, on pouvait être irrité par cet homme qui cependant avoua : «Quand je me suis vu à lécran, jai tout de suite compris pourquoi jétais antipathique à tant de gens.» Mais il proclama aussi : «Du jour où j'ai compris quels étaient les gens que j'exaspérais, j'avoue que j'ai tout fait pour les exaspérer.»
Réputé pour son langage coloré, il avait la verve facile et le goût du bon mot, forgeant sans cesse des saillies avec un petit air désabusé. Monument de l'esprit français, incarnant à lui seul le typique esprit parisien davant-guerre, brillant et caustique, faisant mot de tout bois, il avait le sens de la formule et du bon mot, lançait en tir serré des répliques acérées, prononcées avec un grand art de mise en valeur du verbe. Ce jongleur de mots, chaque matin au petit déjeuner, pondait des aphorismes comme un pommier fait des pommes («J'ai pris mon rhume en grippe.» !)
Il eut un franc-parler qui ne lui attira pas toujours des louanges et des sympathies. Lançant des réflexions pleines dironie, il manifesta constamment un humour grinçant, mais qui nexcluait toutefois pas la gravité. Car on peut distinguer Sacha, qui est désinvolte, dont la légèreté est affichée, et Guitry qui est plus sombre, qui est un moraliste qui exprima une philosophie lucide et désabusée mais surtout indulgente.
Sa vie sentimentale fut agitée, car il fut un obsédé de l'amour, montrant une tendresse hyperactive, presque hystérique pour les êtres. Son amour était puissant et entier, et son désamour caustique et parfois cruellement lucide.
Il entretint avec son père des rapports passionnels faits d'admiration, daffection et de grandes fâcheries, qui lamenèrent à parler joliment de la relation père-fils dans des comédies tendres. Même physiquement, ils en étaient arrivés à se ressembler, même si Lucien avait une carrure de bûcheron, car, tous deux, lorsqu'ils vieillirent mirent des bretelles à tendeur pour effacer le ventre. Toute leur vie, ils arborèrent des feutres qui accentuaient leur genre «artiste», et ils le portaient de travers avec un chic incomparable. On retrouvait dans les moindres plaisanteries de Sacha le reflet, l'ombre de ce qu'était son père. Sur scène, le jeu immobile que Lucien Guitry ramena de Russie et qui se propagea à tout le théâtre de cette époque se retrouva dans les pièces de son fils où l'on ne bougeait que si l'action le commandait. Que de fois, entendant Sacha jouer ses pièces, on croyait entendre son père !
Les femmes furent la passion et le tourment de Sacha Guitry. Il affirma souvent sa prédilection pour elles, affirmant : «La vie sans femme me paraît impossible ; je n'ai jamais été seul, la solitude c'est être loin des femmes.», reconnaissant : «Il y a deux sortes de femmes : celles qui sont jeunes et jolies et celles qui me trouvent encore bien.», ou faisant remarquer, travers quil avait mais quil attribuait à tous les mâles : «Chaque fois que vous dites d'une femme qu'elle est jolie, c'est toujours d'une femme extrêmement mince que vous parlez?» Il indiqua que, sil était «contre les femmes», il était «tout contre», ce qui montrait que sa sulfureuse réputation de misogyne, quil exploita plaisamment, que bien des répliques et des «bons mots» de ses pièces ou de ses causeries semblent confirmer, quil sest amusé à pousser jusquà la caricature, nétait pas fondée. Il les célébra tout en les écornant, les aima autant quil les désaima, étant capable de déclarer parfois de jolies choses à une femme aimée comme de proférer ses fameuses «vacheries» sur les femmes en général car, selon lui, «On met la femme au singulier quand on a du bien à en dire, et on en parle au pluriel sitôt qu'elle vous a fait quelque méchanceté.»
En fait, aucun témoignage ne donne d'exemple de propos, de gestes ou d'attitudes sexistes quil aurait eus dans l'intimité, les femmes qui lont connu lui ayant reproché bien des choses, mais jamais le mépris de leur sexe ; elles indiquèrent au contraire son amour pour elles, sa séduction et sa finesse. On constate que, dans ses lettres d'amour, le sentiment est là, en continu, même si les interlocutrices changent.
On lui connaît de nombreuses liaisons avec des comédiennes et artistes, parmi lesquelles la danseuse de la Belle Époque Jane Avril, la comédienne Arletty, qui refusa de l'épouser («J'allais pas épouser Sacha Guitry, il s'était déjà épousé lui-même !», confia-t-elle), les actrices Simone Paris (qui consacra un chapitre de ses mémoires, Paris sur l'oreiller, au récit détaillé de leur relation), Mona Goya, Yvette Lebon, etc.. Surtout, il partagea officiellement la vie de cinq femmes qui, son uvre se confondant avec sa vie, nourrirent son inspiration, et furent ses co-interprètes. En fait, ces cinq actrices (encore que les deux dernières ne le soient devenues qu'à son contact) partagèrent plutôt leur vie avec lui, car le rôle quil leur donna fut toujours le même : elles devaient écouter, donner la réplique, laccompagner, préparer de petits dîners, rendre compte à chaque instant de leur emploi du temps. Car il sopposa la revendication de ces femmes qui veulent «vivre leur vie».
Et il était trop pris par le travail pour bien se consacrer à elles, qui avaient le sentiment de nexister pour lui quà travers son théâtre. Toutes, à ce régime, furent vite excédées, finirent par quitter leur Pygmalion. Dans Faut-il épouser Sacha Guitry?, Jacqueline Delubac écrivit dune part : «À la femme il refuse la logique de l'esprit, pas celle du sexe ! Traduction : il ne suffit pas que la femme dispose, il faut qu'elle propose. C'est le caprice de Sacha de tout attendre du caprice des femmes» ; mais, plus loin, elle sécria : «Sacha, tu es un diable électrique ! Tu connais les escaliers cachotiers du cur ! Les drôles de coin !» Geneviève de Séréville, dans Sacha Guitry mon mari, évoqua ses causeries sur l'amour et les femmes, et avança une hypothèse : «Parler des femmes et de l'amour n'est-il pas devenu, pour lui, une sorte de jonglerie dans laquelle son cur ne joue aucun rôle, mais seulement son aisance dans l'ironie, son goût excessif du paradoxe». Dominique Desanti, dans la biographie qu'elle lui consacra, remarqua à propos de N'écoutez pas, Mesdames, pièce tissée de railleries contre les femmes : «Sous les répliques spirituelles court l'angoisse de l'homme vieillissant face à une femme trop jeune qui lui échappe
ce qu'il trouve à la fois insupportable et naturel». Francis Huster, fin connaisseur du «maître», prit sa défense : «On dit souvent que Guitry est misogyne ; c'est n'importe quoi. Dans ses pièces, c'est l'homme qui trompe, pas la femme. Il était fou des femmes. Elles n'ont malheureusement jamais été folles de lui. Peut-être parce qu'il n'a jamais su les entendre, même s'il savait leur parler.» (Journal du dimanche, 10 janvier 2008).
Lui-même se justifia en affirmant : «Tout ce mal que je pense et que je dis des femmes, je le pense et je le dis, mais je ne le pense et je ne le dis que des personnes qui me plaisent ou qui m'ont plu». Ce n'est d'ailleurs pas tant avec les femmes qu'il eut un problème, qu'avec le mariage : «Le mariage, cest lart de ne pas résoudre à deux les problèmes quon ne se posait pas quand on était célibataire.» La séduction eut certainement pour lui plus de charme que le quotidien à deux. Mais étant peut-être perpétuellement incertain de ses capacités, il écrivit : «Il faut courtiser sa femme comme si jamais on ne l'avait eue
il faut se la prendre à soi-même.», Et, sil a dit des femmes beaucoup de mal, cest aussi quil a douloureusement souffert à cause d'elles.
Et, de cette souffrance, naquit une grande partie de son uvre. Lui qui confia : «Tout ce que je fais tourne en littérature. Tout ce qui m'arrive, je le note», puisa son inspiration dans son expérience personnelle, commenta ses successives relations conjugales pour un public complice et ravi, à légard duquel il neut à lévidence quun souci : le divertir, le faire sourire. «Quand un homme a lhonneur dêtre un délassement pour ses contemporains, il doit y consacrer le plus clair de sa vie», déclara-t-il. De ses histoires de coeur, de ses infortunes sentimentales, de tous les malheurs qui lui sont arrivés, de ses fours («Des fours, il en faut, sinon on ronronne.»), et de toutes les calomnies dont il fut abreuvé («Songez quon est allé jusquà maccuser dêtre pédéraste, ce qui, jose le dire, est une accusation sans fondement»), il fit donc, à la fois en satisfaisant son goût du masque et du funambulisme, et en se mettant en scène sans pudeur, des pièces à succès, poursuivant sur scène le dialogue avec son épouse du moment, voyant ses différentes amours comme les différents actes d'un même vaudeville. Et, inversement, le personnage qu'il s'était fabriqué pour la scène se prolongea à la ville. Chez lui, la vie et l'oeuvre s'imbriquèrent étroitement.
Doué de multiples talents, il fut un touche-à-tout très occupé, un extravagant polyvalent, un artiste multidisciplinaire qui s'illustra non seulement dans l'écriture, étant lauteur de pièces, de romans, de Mémoires, de poèmes, darticles de journaux, de chroniques à la radio, de scénarios, mais aussi dans le dessin (il excella dans la caricature, laissa des livres de dessins, et, attachant toujours une importance très légitime à la publicité, traça lui-même les maquettes de ses affiches-textes, tandis que, pour ses films, il choisit les affichistes les plus talentueux), la peinture, la sculpture, surtout le jeu théâtral et la réalisation cinématographique. On le vit même, laissant son esprit cavalcader en toute liberté, inventer des slogans publicitaires. Il envoya encore des articles, donna des conférences, organisa des galas, étant prêt à relever à peu près n'importe quel défi, cette trop grande facilité agaçant dailleurs ses contemporains. Amateur avisé duvres dart, il en possédait une splendide collection dont il souhaita faire, à sa mort, un musée ; malheureusement, elles furent alors peu à peu dispersées, et son projet ne vit jamais le jour.
Ces talents, il sut les faire fructifier, car ce fantaisiste éblouissant fut un travailleur acharné, infatigable. À force de l'avoir vu en smoking, on oubliait qu'il écrivait en pyjama, entouré de fumée de cigarette, dans le capharnaüm monstre de son bureau, et que cest ainsi quil produisit une uvre immense et éblouissante.
Cependant, si ses multiples activités lui apportèrent la gloire, celle-ci éclipsa son travail, ses pièces furent effacées par ses films, qui furent supplantés par ses superproductions, et il fut ainsi victime de son succès lui-même !
Lhomme de théâtre
Fils dun couple de comédiens et mari de comédiennes, Sacha Guitry fut un homme de théâtre complet, un homme-orchestre qui écrivit lui-même ses pièces, en assura la mise en scène et l'interprétation, fut aussi un directeur de théâtre. Il pouvait à la fois écrire une future pièce, en faire répéter une autre, et, le soir, en jouer sur scène une troisième. Sa carrière, qui dura un demi-siècle, est absolument hors-norme.
Il proclama : «Il ne faut pas être amoureux du théâtre
il faut ladorer. Ce nest pas un métier, le théâtre, cest une passion !» Il se plut à peindre le milieu dans lequel il avait été plongé dès sa naissance, et dont il connaissait tous les secrets. Sil samusa de ce paradoxe : «Tous les hommes naissent comédiens, sauf quelques acteurs», sil retrouva même «le paradoxe du comédien» de Diderot («Tout le talent de lacteur consiste à faire éprouver aux spectateurs des émotions quil ne ressent pas lui-même.»), tout au long de son uvre, il se fit le chantre du comédien, de son père en particulier quil considérait, avec Sarah Bernhardt, comme lun des plus grands acteurs du monde, auquel il rendit hommage dans ses pièces Le comédien et Mon père avait raison, dans de nombreux articles qu'il signa. Il fit sentir admirablement la grandeur du métier de comédien, «le plus beau métier du monde», quil glorifia en particulier dans Deburau. Il se livra si intimement et si complètement dans ses pièces sur le théâtre qu'il faut remettre en question le classement de ses priorités : pour lui, la vie c'était le théâtre, le théâtre se nourrissait de sa vie, et il en parla si merveilleusement qu'il laissa entendre que, finalement, là était son vrai grand amour. Cet auteur prodigieux, cet acteur étonnant, cet écrivain prolifique ne vivait que pour imaginer, écrire, mettre en scène. Il était «le» théâtre. En lui, la «bête de théâtre» nétait jamais assoupie, au point que, même en voiture ou dans le train, il emmenait une mallette emplie de blocs de papier et de crayons bien taillés, pour «noter des idées». Dans La revue de Paris, il confia : «Tout ce que je fais tourne en littérature, tout ce qui m'arrive, je le note... [...] des pièces, j'en ferai sur n'importe quoi... j'en ferai même sur rien du tout... je ne peux pas m'empêcher d'en faire».
Auteur d'une fécondité rarement égalée, et avant tout homme de théâtre, il a, entre 1902 et 1953, produit cent trente-quatre pièces, certaines en vers, certaines, et des meilleures, rédigées en moins de trois jours et presque sans ratures, avec une élégance, une finesse, une parfaite maîtrise de la désinvolture, une légèreté, quil défendit : «Mes pièces sont des croquis, des esquisses que la crainte de mentir mempêche souvent de fignoler, de terminer. Jai le goût des choses inachevées parce que rien ne finit jamais. Et puis cest adorable, une ébauche, cest une chose qui vient de naître, qui viendra toujours de naître, cest la Genèse, la jeunesse dune uvre avec ce que cela comporte de désordonné, dimparfait, parce que cétait urgent...». Si, dans cette abondante et foisonnante production, toutes ses pièces ne sont pas de la même qualité, si on décèle bien des scories, des redites, des facilités, des derniers actes bâclés avec une excessive désinvolture, aucune ne manque d'esprit, de talent, et beaucoup furent de grands succès.
Le 1er décembre 1937, au reporter de Cinémonde venu linterroger au moment où il tournait Quadrille, il donna quelques indictions extrêmement précieuses sur sa manière de travailler : «Je fais une pièce, comme je fais toute chose dans la vie : pour mon plaisir dabord, et sans préméditation, sans aucun plan, sans la moindre arrière-pensée, avec le secret espoir de réussir ce que jentreprends. Espoir souvent déçu dès le premier abord, car si jai fait jouer déjà cent pièces, jen ai bien commencé trois cents depuis trente ans. Et si jai pu réaliser déjà douze films, jen ai certainement projeté plus de vingt-cinq, que lon ne projettera jamais ! [
] Il est notoire que lon doit établir avec précision son scénario, son découpage et même aussi la mise en scène, et cette méthode doit avoir certainement de très grands avantages. Même, il mest arrivé denvier parfois pendant quelques instants ceux qui sont capables de travailler ainsi. Mais je dois convenir, pour ma modeste part, que jai toujours fui les règles, redouté les barrières et les obligations. Cest se priver de limprévu que de décréter à lavance que les choses se passeront de telle ou telle manière. [
] Contrairement à la majorité des auteurs dramatiques, il ne me vient jamais de sujet de pièces, et, quand il me vient quelque chose, cest une idée de pièce. En vérité, nosant pas me vanter dêtre peintre, je crois que je suis un dessinateur et, parfois, un caricaturiste. Je le constate sans regret, convaincu que le sujet dune uvre est peu de chose, que lauteur le plus honnête et le plus libre en devient lesclave dans la seconde partie de son ouvrage, et quil en est généralement la victime dans la dernière partie. Il ne ma jamais été possible de me raconter à moi-même un sujet de pièce, pour la raison toute simple que je nai aucune des qualités qui font quun écrivain est un romancier. [
] Une pièce est un ouvrage littéraire composé de répliques dites par des personnages, et elles sont dictées à lauteur par les personnages. Nous ne devons pas les imposer, car nous risquerions de les faire mentir, ou bien nous les empêcherions de mentir à leur aise, ce qui serait aussi grave. Si nous ne voulons pas que nos personnages soient des marionnettes, nous ne devons pas les faire agir avant de les connaître intimement. Or, pour les bien connaître, il faut quils soient vivants, et tant quils nauront pas parlé, ils nauront pas vécu.»
Du théâtre, il aborda tous les genres : comédie, drame, opéra-bouffe, comédie musicale (dont il fut un précurseur), revue, comédie-bouffe, biographie, tableau historique, féerie à grand spectacle, «à-propos», prétexte musical, légende musicale, fantaisie, impromptu, baisser de rideau, revue publicitaire, divertissement.
Tout au long d'une carrière d'auteur dramatique d'une cinquantaine d'année, il s'adonna notamment à l'art des pièces courtes en un acte, se révélant un maître dun genre qui est au théâtre ce que la nouvelle est au roman, un exercice difficile où il faut exposer, développer et conclure une situation avec le maximum de concision en donnant constamment l'impression d'improviser. On pourrait même dire qu'il arriva à faire de l'excellent théâtre, sans avoir à tout prix besoin d'une pièce ! Avec tout, avec rien, avec une situation, un incident, un vol d'impondérables, un éclair sentimental ou une observation narquoise, il échafauda instantanément des oeuvres qui nétaient ni des comédies, ni des tragédies, ni des pantomimes, ni des opérettes, ni des ballets, ni des vaudevilles, qui étaient tout cela à la fois et mieux que tout cela, qui étaient «du théâtre», cette chose féérique et mystérieuse qui échappe à toute définition et à toute description, mais qui ne trompe pas le connaisseur.
En fait, marchant sur les traces de maîtres humoristes comme Jules Renard, Alphonse Allais, Georges Feydeau, Octave Mirbeau, Tristan Bernard, Courteline, Capus ou Anatole France, il fut surtout un virtuose de la comédie, qui connaissait bien une «mécanique» (vivacité, verve, habiles quiproquos) dont le bon fonctionnement est jouissif, nous plongea surtout dans le rire, tantôt un rire fin et délicat où l'esprit domine, où les mots font mouche, tantôt un humour futé, insolent, impertinent, décapant, provocateur, sinon cynique, des répliques moqueuses, brillamment audacieuses, fusant et rebondissant à merveille. À lironie il sut joindre la grâce, la délicatesse pour exprimer des choses graves et réalistes de la vie. Il dissimula souvent un soupçon dâpreté sous une apparence de gaieté pour parler de choses cruelles et douloureuses.
On peut considérer aussi quil fit souvent du théâtre de boulevard puisquil montra essentiellement des rapports entre hommes et femmes, qui forment des figures triangulaires ou quadrangulaires, dans un milieu bourgeois nanti, valets et femmes de chambre étant omniprésents (il donna toujours de l'importance au personnel domestique et subalterne, engageant fréquemment, que ce soit pour ses pièces ou pour ses films, Pauline Carton ou Jeanne Fusier-Gir, deux comédiennes spécialisées dans ce genre de personnage), leurs relations avec leurs maîtres constituant un élément dramaturgique important, les uns et les autres emportés dans des dialogues percutants fabriqués à base de pirouettes bien envoyées et bien déclamées. Mais, de ce genre, il s'appropria les règles, les codes, pour les détourner et les plier à son propre style, le sauva de sa fragilité par le mordant quil lui donna. Ne suivant pas la tradition puisque sa seule loi fut de mettre en scène son personnage dauteur-acteur, dimposer sa personnalité pendant quarante ans. Cette originalité lui valut ses premiers succès. Si, aux yeux de certains critiques, lâge, le contentement de soi et la réussite lenfermèrent dans la même formule, plus fausse à mesure quil vieillissait, pour dautres il renouvela la comédie de murs, lallégea de ses règles bourgeoises dalors, créa des personnages plus proches de la réalité, introduisit le quotidien, trouva une spontanéité de ton et de verbe très novatrice. Il est curieux de penser que, pour beaucoup aujourdhui, il est un auteur bourgeois, alors quil a balayé toutes les règles, quil nen a toujours fait quà sa tête, quil a sans cesse inventé, quil ne sest jamais enfermé dans un genre, et que ses morales nont jamais rien de conventionnel.
Son originalité fut telle, sa marque si personnelle, que les contrefacteurs ont bien du mal à limiter, quil est inimitable. On peut insinuer qu'il sest parfois imité lui-même, mais cest le cas de ceux à qui il est donné de poursuivre longtemps leur oeuvre. La pire erreur de la critique est de demander à un écrivain de se renouveler ; un écrivain de valeur ne se renouvelle pas. Il entretint avec les critiques des relations conflictuelles, et ce dès son début. Cest que, dune part, il avait inventé un style qui lui était propre ; que, dautre part, son statut de comédien et d'auteur complet, son apparente facilité et le succès constant qu'il obtint pendant plus de vingt ans le rendaient insupportable à leurs yeux. Du reste, il se vengea en ne cessant, tout au long de son uvre, de railler cette profession qui n'a jamais voulu faire l'effort de le comprendre : «Les critiques sont des eunuques. Ils savent comment ça se fait mais ils ne peuvent pas le faire.»
Ce théâtre, quil écrivit sans méthode, avec facilité, il lécrivit dabord pour son plaisir car, à lexemple de Molière, qui se réservait ses premiers rôles, il fut souvent le principal interprète de ses pièces, pouvant se rajeunir ou se vieillir à loisir ; mais il était de toute façon difficile de lui donner un âge : à vingt ans il en paraissait trente-cinq, à cinquante il n'en paraissait pas plus. Metteur en scène, il se donna le plaisir d'être vraiment chez lui en scène, s'y installant de plus en plus confortablement, entouré de ses meubles et de ses toiles de maîtres ainsi que de ses différentes épouses.
Il écrivit aussi son théâtre pour le plaisir des acteurs et pour celui du public, en restant fidèle à sa devise : «Illusionniste né, vite il mest apparu quau mépris des coutumes et des conventions, javais pour seule mission de plaire à mes contemporains afin daider ceux qui mécoutent à être le moins malheureux possible, à ne se résigner en quelque sorte quau bonheur». Il s'amusa à prétendre : «Ce qu'il y a de plus difficile à réussir dans une pièce, c'est l'entracte.»
Ce théâtre est remarquable par ses trouvailles malicieuses, comme le procédé du «théâtre dans le théâtre». Et il ny négligea jamais le souci de la qualité littéraire. Il se révéla un magicien des mots, usant dune langue naturelle, dune écriture enjouée, dun style à la limite du classicisme et du modernisme, déroulant toujours des phrases marchant droit et tombant juste. Beaucoup de ses répliques sont dailleurs devenues des citations d'anthologie. Il savait, en quelques traits, donner vie à ses personnages. De ce fait, il imposa sur la scène un ton neuf, un style nonchalant et spirituel, où les bons mots («Un bon mot est une chose sacrée, on na pas le droit de la garder pour soi.») font oublier dans un éclat de rire les situations les plus scabreuses.
Même si beaucoup de ses pièces sont d'indiscutables chefs-d'uvre, il demeura incroyablement modeste quant à leur valeur, déclarant : «Aucune de mes pièces ne me satisfait complètement. Et, quant à la situation que joccupe, elle me surprend bien plus quelle ne comble mes vux».
On a pu dire de celui qui fut lauteur dramatique le plus joué de son époque quil fut le Molière du XXe siècle (Alain Decaux lappela malicieusement «le Molière dAlbert Lebrun», un des présidents de la Troisième république). Cependant, Alceste, Célimène, Tartuffe sont toujours vivants, tandis que de Sacha Guitry, il ne reste quun personnage : lui-même.
Le cinéaste
Sacha Guitry, qui fut longtemps hostile au cinéma, affirmant quil n'était bon que pour le documentaire, et réalisant d'ailleurs, en 1914, une suite de portraits filmés (Ceux de chez nous), fut finalement le réalisateur de trente-trois films de fiction et de trois documentaires. Surtout, il fut un exceptionnel inventeur dans le septième art.
Si, en 1918, il écrivit le scénario dUn roman d'amour et d'aventures, film que réalisèrent René Hervil et Louis Mercanton, il fallut attendre 1935 pour que, voyant dans le cinéma «une lanterne magique» dont «l'ironie et la grâce ne devraient pas être exclues», ayant découvert toutes les possibilités de renouvellement quil lui offrait, il se soit décidé à commencer à s'exprimer avec une caméra. Sans pour autant abandonner le théâtre, il consacra au septième art le meilleur de sa créativité, étant à la fois scénariste, dialoguiste, réalisateur et acteur.
Sétant initié à la technique cinématographique avec une évidente facilité, ayant su s'approprier les règles, les codes, pour les détourner et les plier à son propre style, faire preuve de virtuosité et dinnovation, il traça seul sa voie, en définissant d'autres règles à mesure qu'il tournait. Ainsi, il inventa détonnants pré-génériques, fit du générique un défilé des acteurs, créa une distanciation par l'enregistrement frontal des actions, pratiqua une narration en «voix off», peu répandue à l'époque, révéla la mécanique cinématographique (lors du tournage de Napoléon, un technicien, en visionnant les «rushes», lui fit remarquer qu'on voyait une caméra dans le champ, il lui répondit : «Mon ami, le public se doute bien que nous avons utilisé des caméras pour réaliser ce film.»), cassa les stéréotypes, séduisit ainsi un nouveau public, et s'imposa, en un temps où la plupart des réalisateurs baignaient dans lacadémisme, comme l'un des grands cinéastes modernes de son époque, qui a peut-être encore plus révolutionné le cinéma que le théâtre.
Dune part, il porta à l'écran dix-sept de ses propres pièces, mettant brillamment en boîte du «théâtre filmé». En effet, il fit souvent venir les décors au studio pendant la nuit ; puis, les acteurs étant arrivés sur le plateau comme au théâtre un soir de générale, texte su, il tourna en ayant le découpage en tête, en une journée, de face, sans varier beaucoup ses angles de prise de vue, mais avec une désinvolture, une élégance, une finesse, un humour et un dynamisme étourdissants, en apposant sa griffe.
Dautre part, il réalisa dix-neuf scénarios originaux, aux sujets variés : psychologiques, sociaux, comiques, policiers, biographiques, surtout historiques culminant dans des superproductions à grands spectacles avec lesquelles la reconnaissance lui vint au point quil put presque passer pour le cinéaste officiel de la IVe République, leur charme tenant aux mots d'esprits et aux distributions prestigieuses. Il conçut ces films avant tout pour les acteurs. Sil fut fidèle à des amis, comme Pauline Carton (qui joua souvent pour lui les rôles de femme de chambre) ou Michel Simon, il sut détecter de nouveaux talents : Raimu, Louis de Funès, Darry Cowl, Michel Serrault. Sil tint presque toujours le rôle principal, il sut s'effacer lorsque cétait nécessaire, comme dans le film à sketchs Ils étaient neuf célibataires.
Pourtant, comme dans le cas de ses pièces de théâtre, la critique réserva généralement un accueil assez tiède à ses films, qui furent toutefois appréciés du grand public. Comme Marcel Pagnol, autre auteur dramatique de théâtre et de cinéma, il travailla sous les quolibets des esthètes, des puristes, des intellectuels qui le trouvaient futile. Georges Sadoul ne voulut voir dans son oeuvre de cinéaste que du théâtre boulevardier «mis en conserve», débordant de «fatuité satisfaite». Plus tard, on considéra que, dans ses grandes fresques historiques, il racontait une Histoire de France qui nétait quimages d'Épinal.
Cependant, il fut réhabilité par Les cahiers du cinéma (Spécial Guitry-Pagnol, décembre 1965), et par les cinéastes de la Nouvelle Vague. Un curieux document de 1974 montre plusieurs de ces cinéastes interrogés au téléphone dans une mise en scène visiblement préparée à l'avance. On y trouve Jacques Rivette, Éric Rohmer et, bien sûr, François Truffaut, cet admirateur de longue date intarissable sur le sujet ; il voyait en Sacha Guitry un auteur complet, comme Charlie Chaplin, et écrivit : «Sacha Guitry fut un vrai cinéaste, plus doué que Duvivier, Grémillon et Feyder, plus drôle et certainement moins solennel que René Clair. Guitry est le frère français de Lubitsch. Il est lauteur dune oeuvre qui a trouvé sa forme parfaite et définitive.» (Les films de ma vie [1975]) ; il le compara encore à Jean Renoir, les deux réalisateurs tendant pour lui à donner «une plus claire vision de la vie comme elle est : une ample comédie aux cent actes divers, dont lécran peut offrir les plus exacts reflets» ; il affirma enfin quil était «la figure idéale de lhomme libre, au-dessus des conventions, indifférent aux jugements dintellectuels méprisants, et aux condamnations de la conscience politique» ; il indiqua encore qu'il aurait aimé adapter à l'écran lune de ses pièces, à condition qu'elle ne l'ait pas déjà été par lui. Alain Resnais aussi apprécia un style original, une écriture particulière où les trouvailles abondent.
Lamateur dHistoire de France
Si Sacha Guitry ne soccupa pas de la chose publique ni des «questions dites sérieuses», si, pas plus dans ses pièces de théâtre que dans ses films, on ne trouve de traces de lHistoire de la première moitié du XXe siècle qui vit pourtant léclosion du communisme dans la Russie tsariste, où il était né, la Première Guerre mondiale, la naissance de lUnion des Républiques Socialistes Soviétiques dont les idées sétendirent sur le monde, la montée et lexpansion des fascismes, de lantisémitisme, la Seconde Guerre mondiale, bouleversements qui entraînèrent des millions de morts ; sil passa donc à côté de lactualité de son temps, il fut, à lévidence, plus à laise dans le passé, ne suivant donc pas ce conseil quil donnait : «Sois de ton temps, jeune homme. Car on nest pas de tous les temps si lon na pas été dabord de son époque.» Il consacra à des sujets historiques de nombreuses pièces et films.
Ce passé était celui de son pays dont lamour illumina sa vie, dont il célébra la grandeur, ses trésors, ses grands hommes, Paris et, au pied de ces magnificences, les rentiers complaisants et les séducteurs débrouillards. Il affirmait que le passé de la France, sil ne fut pas toujours exemplaire, nen continuait pas moins de fournir de grands exemples. Il célébra lAncien Régime, citant dailleurs Talleyrand : «Ceux qui nauront pas vécu au XVIIIe siècle nauront pas connu la douceur de vivre». Il estima que, si les rois dépensaient sans compter, avec de «semblables merveilles» (Versailles), ils « mettaient notre argent de côté » (Remontons les Champs-Élysées).
Toutefois, sil fut intéressé par lHistoire, il manifesta une grande méfiance à légard de lHistoire officielle, celle enseignée dans les écoles, dautant plus que le vrai historien, respectueux des dates et de la chronologie des événements, doit se soumettre à lexigence des faits. Il critiqua les livres scolaires après que la fille de son jardinier lui ait prêté un jour son Histoire de France, quil lait lue dun bout à lautre, et quoutré, il fustigea lauteur de ce manuel, qui ne mentionnait «que des victoires et des défaites, [
] des assassinats, des pillages et des persécutions», précisant : «Si vous croyez devoir apprendre à vos enfants que les Français furent défaits à Pavie, en 1525, faites-le, mais quils sachent aussi quen cette même année, Rabelais concevait son Pantagruel tandis que sélevait le château de Chambord. Si vous racontez à vos enfants avec tant dhorribles détails le massacre de la Saint-Barthélémy, ne manquez pas de leur apprendre que quelques mois plus tard, Montaigne a fait paraître un immortel chef-duvre.»
Il voulut donc écrire une Histoire bien à lui, être un historien «à la façon dun peintre» : «Je suis un historien comme le fut Louis David quand il composa son magnifique tableau intitulé Le sacre de Napoléon où lon voit, trônant au centre, madame Laetitia, alors que notoirement, la mère de lEmpereur était à Rome ce jour-là. Son absence est un fait et cest peut-être même un fait historique - ne désapprouvait-elle pas en effet le couronnement de Joséphine par son fils? Quant à moi, je lignore, et David, informé, a très bien pu se dire : La question nest pas là parce que ce fait nest pas le sujet du tableau. Je ne peins pas labsence ou la présence de madame Mère au couronnement de lEmpereur et je ne voudrais précisément pas que cette absence fût un sujet de distraction. Sa présence est normale, elle est logique, et je ne tiens pas à passer dans cent ans pour un peintre distrait.»
En fait, ne se prenant jamais au sérieux, il ne songea quà amuser. Aussi réécrivit-il lHistoire à sa manière, la trafiqua-t-il, romança-t-il à sa guise les vies de personnages historiques, de grands artistes de la fin du XIXe siècle qui suscitaient son admiration enthousiaste, choisit-il des événements plaisants, privilégia-t-il les faits divers, se plut-il à montrer le petit côté des grands hommes, car seul comptait leffet que son texte, pièce ou film, ferait sur le public. Il aima les rencontres insolites qui neurent jamais lieu mais qui auraient pu avoir lieu, mêla la réalité et la fantaisie. Si, parfois, on y découvre des propos que ne désavouerait pas un historien sérieux ou un homme politique contemporain, il faut prendre ses uvres dites historiques comme une approche divertissante et souvent réussie, si parfois inachevée. Il inventa ainsi un genre : la comédie historique, où il fit uvre dhistorien sans cesser de rester lui-même avec son goût des mots et son exquise qualité décriture.
Lanalyste de lamour
Sacha Guitry, observateur aigu de la nature humaine doté dun sens profond de la vie et des réalités, sintéressa particulièrement à cette mécanique qui fait bouger les couples, de l'extase la plus absolue au désespoir le plus confondant.
La thématique qui resta en première ligne de sa verve acrimonieuse, c'est celle de l'amour, du désir, de la séduction, de l'inconstance, de l'infidélité, de la jalousie, des rapports, qui demeurent fondamentalement les mêmes derrière la façade mouvante des époques, entre les membres du couple, du triangle amoureux, du «quadrille», où les hommes sont voués à la chasse au plaisir, tandis que les femmes, charmantes et fragiles, savent prendre, à loccasion, leur revanche.
Le jeu des mensonges est à la base des pièces de Sacha Guitry. Elles mettent en scène des hommes et des femmes, dont lactivité principale est de mentir, dont chacun sait que lautre ment, dans une partie de bluff, dont le public lui-même est un joueur. Il considérait cette mauvaise foi lucide, cette manipulation, comme une maladie incurablement humaine sil en est. Il montra lhumain dans ses perversités où le désir est trompeur.
Il se révéla la plupart du temps désabusé, parfois indulgent, de l'âme des femmes, auxquelles il donna dailleurs les rôles les plus intéressants. Il disséqua cette âme avec la gourmandise d'un misogyne amoureux de l'amour, se plaisant à de plaisants jeux de mots («La femme est un sujet sur lequel j'aime m'étendre.»), à damusantes observations («Le meilleur moyen de faire tourner la tête à une femme, c'est de lui dire qu'elle a un joli profil.»), à des méchancetés sexistes :
- «Je conviendrais bien volontiers que les femmes nous sont supérieures, si cela pouvait les dissuader de se prétendre nos égales.»
- «Elles ont un redoutable avantage sur nous, elles peuvent faire semblant, nous pas.»
- «Les femmes c'est charmant, mais les chiens c'est tellement plus fidèle.»
- «Il y a des femmes dont l'infidélité est le seul lien qui les attache encore à leur mari.»
- «Les honnêtes femmes sont inconsolables des fautes qu'elles n'ont pas commises.»
- «Une femme doit avoir trois hommes dans sa vie : un de soixante ans pour le chèque ; un de quarante ans pour le chic ; et un de vingt ans pour le choc.»
- «Les avocats portent des robes pour mentir aussi bien que les femmes.»
- «C'est entre trente et trente et un ans que les femmes vivent les dix meilleures années de leur vie.»
- «Elles vous ont tout un système philosophique - en vérité sommaire, et qui ne concerne que les hommes - mais qui tient parfaitement debout quand ceux-ci sont couchés.»
- «Ce qui les inquiète toutes - à leur propre sujet - c'est la facilité avec laquelle je me console du départ de la précédente.»
- «Une femme ne quitte en général un homme que pour un autre homme - tandis qu'un homme peut très bien quitter une femme à cause d'elle.»
- «Nous nous imaginons bien à tort qu'en donnant à une femme tout ce que nous avons, nous lui donnons tout ce qu'elle désire.»
- «On entend sans doute par demi-mondaine une femme qui se donne à un homme sur deux.»
- «Il faut s'amuser à mentir aux femmes ; on a l'impression qu'on se rembourse !»
- «Combien d'admirables actrices ont été d'excellentes courtisanes !»
- «On dit un galant homme, et on dit une femme galante. Un galant homme, c'est exquis et une femme galante, c'est horrible.»
- «Abstenez-vous de raconter à votre femme les infamies que vous ont faites celles qui l'ont précédée. Ce n'est pas la peine de lui donner des idées.»
- «Il y a des femmes dont l'infidélité est le seul lien qui les attache encore à leur mari.»
- «Si vous voulez que votre femme écoute ce que vous dites, dites-le à une autre femme.»
- «Patience ! Elles finissent toujours par nous faire une chose qui nous empêche d'avoir de l'estime pour elles.»
- «C'est une erreur de croire qu'une femme peut garder un secret. Elles le peuvent, mais elles s'y mettent à plusieurs.»
- «Une femme, sur les genoux, avec laquelle on n'est plus d'accord, c'est lourd !»
- «Pourquoi n'aimerions-nous pas les femmes pour ce qu'elles font de mieux : mentir?»
- «Quand on me parle d'une femme cultivée, je l'imagine avec des carottes dans les oreilles et du cerfeuil entre les doigts de pied.»
- «Les femmes ne font que des bêtises quand elles réfléchissent !»
- «Elles n'aiment pas qu'on leur dise des choses inexactes - et, ce qu'elles préfèrent, c'est en dire elles-mêmes, sachant parfaitement que personne ne saurait faire mieux...»
- «Deux femmes qui s'embrassent me feront toujours penser à deux boxeurs qui se serrent la main.»
- «Les femmes croient volontiers que parce qu'elles ont fait le contraire de ce qu'on leur demandait, elles ont pris une initiative.»
- «Si Ia femme était bonne, Dieu en aurait une.»
- «Il vaut mieux aimer qu'être aimé. Cest plus sûr.»
Mais ces traits acerbes ne furent jamais aussi forts, chez lui, que l'enchantement des sentiments. Il parla joliment de l'amour filial, de la relation entre père et fils («N'ayant pas eu d'enfant, je suis toujours un fils»). Il montra un respect affectueux de la jeunesse. Avec une tendresse presque pudique et le charme le plus exquis, il composa et proposa un véritable bréviaire de bonheur. Ses pièces illustrent, avec plus ou moins d'optimisme, cette conviction déjà profondément ancrée en lui : si les êtres humains sont laids, la vie, elle, est magnifique.
Si, du fait de sa fantaisie, de ses boutades, de ses paradoxes, de ses bons mots, on est tellement habitué à ce qu'il soit drôle qu'on rit avant de le lire, il faut constater que, sous une apparence de légèreté, il sut aussi, grâce à son don de fin observateur de la condition humaine et de ses travers, grâce aussi à sa totale liberté d'expression et à sa lucidité, multiplier les aperçus ingénieux ou profonds, car jamais on ne vit autant de lucidité noyée dans autant de passion, le plus souvent conjugale. Et il ne fut pas toujours drôle, et mérite d'être lu sans rire car on peut placer certains de ses ouvrages auprès de ceux des meilleurs moralistes de la tradition française. Comme eux, il émailla ses textes de maximes. On peut en citer quelques-unes, en sachant, comme il la si bien dit, que «Citer les pensées des autres, c'est regretter de ne pas les avoir trouvées soi-même.» !
Sur les relations entre hommes et femmes :
- «Je suis en faveur de la coutume qui veut quun homme baise la main dune femme la première fois quil la voit. Il faut bien commencer quelque part.»
- «La lumière, ou, plutôt, l'obscurité joue un grand rôle dans l'amour !»
- «Ne faites jamais l'amour le samedi soir, car, s'il pleut le dimanche, vous ne saurez plus quoi faire.»
- «Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui ; c'est un feu qui s'éteint, faute de nourriture.»
- «Flirter avec une femme, c'est courir après elle jusqu'à ce qu'elle vous rattrape.»
- «Il y a celles qui vous disent qu'elles ne sont pas à vendre, et qui n'accepteraient pas un centime de vous ! Ce sont généralement celles-là qui vous ruinent.»
- «La réussite, pour un homme, c'est d'être parvenu à gagner plus d'argent que sa femme n'a pu en dépenser.»
- «Elle s'est donnée à moi, et c'est elle qui m'a eu.»
- «Pourquoi courir quand elles marchent?»
- «Pour se marier, il faut un témoin, comme pour un accident ou un duel.»
- «Un mariage risque d'être une erreur, hélas, productive.»
- «Mariage : c'est une si jolie idée que celle de vouloir faire le voyage à deux !»
- «Mariage de raison - folie. Et je crois aux divorces de raison.»
- «Que s'aimer modérément soit l'apanage des médiocres.»
- «Quel ravage un être peut causer par la seule force de sa séduction.»
- «Cest épouvantable des gens qui saiment pour des gens qui ne saiment pas».
- «Un moment, nous avons vécu côte à côte. Puis nous fûmes dos à dos. À présent, nous sommes face à face.»
- «Le divorce est le sacrement de l'adultère.»
- «Dans un couple, il y a toujours trois personnes.»
- «Certains hommes n'ont que ce qu'ils méritent ; les autres sont célibataires.»
- «Entre hommes on ne s'acharne jamais sur une seule femme... on n'a pas le temps... Non, la coutume veut seulement qu'on dise du mal de toutes les femmes... en général.»
- «Il y a des femmes qui se jettent à votre cou comme elles se lancent à la tête dun cheval... Pour vous faire croire que vous êtes emballé.»
- «Les femmes sont faites pour être mariées et les hommes pour être célibataires. De là vient tout le mal.»
- «On les a dans ses bras - puis un jour sur les bras - et bientôt sur le dos.»
- «Quand une femme est seule, elle se voit seule au monde !»
- «Je crois, moi, que ce qui fait rester les femmes, c'est la peur qu'on soit tout de suite consolé de leur départ !»
- «Le mariage est comme le restaurant, à peine est-on servi que I'on regarde dans l'assiette du voisin.»
- «Le mariage est soit une corne d'abondance, soit une abondance de cornes.»
- «Une comédie qui se termine par un mariage, c'est une autre qui commence, ou bien un drame.»
- «Le célibat? On s'ennuie. Le mariage? On a des ennuis.»
- «Le divorce est plus sage que le mariage, là on sait ce qu'on fait».
- «Il n'y a de raisonnables que les divorces : on se connaît.»
- «Je crois aux divorces de raison.»
- «Le bonheur à deux, ça dure le temps de compter jusqu'à trois.»
- «Quand on s'aime pour plus d'une raison, c'est qu'on ne s'aime pas vraiment.»
- «Deux personnes mariées peuvent fort bien s'aimer, à condition de ne pas être mariées ensemble.»
- «Jai eu deux drames conjugaux dans ma vie : ma première femme est partie, et la seconde est restée !»
- «Au début d'une aventure, le cocu y est toujours pour quelque chose.»
- «Ce soir, je vais faire trente cocus d'un coup, je vais coucher avec ma femme...»
- «C'est une grande erreur de croire que, parce qu'on est cocu, on a droit instantanément à toutes les autres femmes !»
- «C'est un cocu, et c'est pour cela que je le trompe.»
- «Je connaissais une femme très vertueuse. Elle a épousé un cocu. Depuis, elle couche avec tout le monde.»
- «On ne couche pas avec les femmes de ses amis. Mais alors avec lesquelles?»
- «Combien de gens se croient tout permis dans leur ménage sous prétexte qu'ils sont fidèles.»
- «Dire à une femme quon laime, cest dire à toutes les autres quon ne les aime pas.»
- «Être fidèle, c'est, bien souvent, enchaîner l'autre.»
- «On n'est jamais trompé par celles qu'on voudrait.»
- «Je vais donc enfin vivre seul ! Et, déjà, je me demande avec qui.»
- «Ce qu'on devrait choisir dans la femme d'un autre... ce n'est pas la femme... c'est l'autre !»
- «Une femme qui s'en va avec son amant n'abandonne pas son mari, elle le débarrasse d'une femme infidèle.»
- «Quand ma femme prend un amant, je trouve inadmissible quun monsieur, quelle connaît à peine, soit informé de ma disgrâce avant moi.»
- «Il ne faut jamais épouser que de très jolies femmes si nous voulons qu'un jour on nous en délivre.»
- «À l'égard de quelqu'un qui vous prend votre femme, la pire vengeance est de la lui laisser.»
- «Si les femmes savaient combien on les regrette, elles s'en iraient plus vite.»
- «Une femme sur ses genoux avec laquelle on n'est plus d'accord, comme c'est lourd !»
- «Mesdames, il nous est difficile de revenir aussi vite que vous sur les décisions que vous prenez.»
- «Oui c'est être constant que d'adorer I'amour, et ce n'est pas changer de goût de changer de femme, puisque les femmes changent.»
- «Les femmes n'ont pas d'âges... elles sont jeunes... ou elles sont vieilles !... Quand elles sont jeunes, elles nous trompent... Quand elles sont vieilles, elles ne veulent pas être trompées !...»
- «On n'est jamais trompé par celles qu'on voudrait.»
- «Se séparer, ce n'est pas quitter quelqu'un, c'est se quitter tous les deux.»
Sur la comédie sociale :
- «Tout le monde est bon comédien, sauf peut-être quelques acteurs.»
- «À un menteur invétéré, la vérité apparaît comme une espèce de fiction.»
- «J'ai observé que, d'ordinaire, on se dit au revoir quand on espère bien qu'on ne se reverra jamais, tandis qu'en général on se revoit volontiers quand on s'est dit adieu.»
- «Le cigare donne à ceux qui sont pauvres l'illusion de la richesse. Il en donne l'assurance à ceux qui sont fortunés.»
- «Ayez du talent, on vous reconnaîtra peut-être du génie. Ayez du génie, on ne vous reconnaîtra jamais du talent.»
- «Dans la conversation, gardez-vous bien d'avoir le dernier mot le premier.»
- «Il est possible, en ce moment, que j'aie raison - mais je me demande si c'est mon intérêt d'avoir raison en ce moment.»
- «On s'attaque à ta vie privée? C'est que l'on ne trouve rien à redire à tes ouvrages.»
- «Vos amis qui vous ont prédit des malheurs en arrivent bien vite à vous les souhaiter, et il les provoqueraient au besoin pour garder votre confiance.»
- «Le jour où lon vous traitera de parvenu, tenez pour certain le fait que vous serez arrivé.»
- «Donne-t-il un peu d'argent, il aurait pu en donner plus ! En donne-t-il beaucoup, hein, faut-il qu'il en ait !»
- «Il y a des gens sur qui on peut compter. Ce sont généralement des gens dont on n'a pas besoin.»
- «C'est très reposant d'être sourd. On ne vous dit que l'essentiel.»
- «Il ne faut jamais regarder quelqu'un qui dort. C'est comme si on ouvrait une lettre qui ne vous est pas adressée.»
- «Comment ça va? - Précisément, docteur, je vous ai fait venir pour que vous me le disiez.»
- «On sourit aux distractions des mathématiciens. On frémit en songeant à celles que pourrait avoir un chirurgien.»
- «En cherchant bien lon trouverait à la plupart des bonnes actions des circonstances atténuantes. Jaurai passé ma vie à confirmer la règle.»
- «En réalité, ce qu'on entend par avoir du coeur, c'est avoir une faiblesse des glandes lacrymales en même temps qu'une légère paralysie du cervelet.»
- «Que c'est difficile de trouver un véritable ami intime pour partager avec lui son propre égoïsme.»
- «Être léger, visiblement, cest démasquer les vaniteux, cest inquiéter les hypocrites, confondre les méchants. Cest opposer la grâce à la mauvaise humeur, et cest donner en outre un témoignage exquis de pudeur morale.»
- «Les meilleures leçons sont celles que l'on prend sans que les personnes à qui on les prend en soient informées.»
Sur le fonctionnement de la société : Si, comme Talleyrand, Sacha Guitry se flatta de n'avoir pas d'opinions, fut à la fois royaliste, bonapartiste et républicain ; si Léautaud le félicita davoir «ce mérite, et cette sagesse ! de ne jamais sacrifier à l'actualité, de ne jamais s'occuper de la chose publique, ni de ces questions soi-disant sérieuses dont on nous rebat les oreilles, de ne jamais viser ni au moraliste ni au pédagogue», il ne manqua pas cependant de porter des jugements sur son temps. Aux yeux de certains, il fut le chantre d'une société française établie. En fait, stigmatisant la bêtise, les idées reçues, les conventions et les fausses sentimentalités, il concilia une sorte de transgression, allant jusqu'à lamoralité, avec le maintien de lordre établi, critiquant sans complaisance un siècle voué à ces valeurs surfaites (le modernisme, pour ne pas dire le clinquant) qui animaient toutes les catégories sociales. Il put déclarer :
- «Le luxe est une affaire d'argent. L'élégance est une question d'éducation.»
- «L'homme qui thésaurise brise la cadence de la vie en interrompant la circulation monétaire.»
- «Il y a deux choses inadmissibles sur la terre : la mort - et les impôts. Mais j'aurais dû citer en premier les impôts.»
- «Le cigare donne à ceux qui sont pauvres l'illusion de la richesse. Il en donne l'assurance à ceux qui sont fortunés.»
Sur le fonctionnement de lesprit :
- «Il y a des gens qui parlent, qui parlent... jusquà ce quils aient enfin trouvé quelque chose à dire.»
- «Ce qui probablement fausse tout dans la vie c'est qu'on est convaincu qu'on dit la vérité parce qu'on dit ce qu'on pense.»
- «On peut faire semblant dêtre grave, on ne peut pas faire semblant davoir de lesprit.» Pour Sacha Guitry, un esprit est dautant plus brillant, quil est léger. «Être sérieux, cest visiblement se prendre au sérieux. Cest attacher beaucoup trop dimportance à soi, à ses opinions, à ses actes. Être léger, visiblement, cest démasquer les vaniteux, cest inquiéter les hypocrites, confondre les méchants, cest opposer la grâce à la mauvaise humeur et cest donner en outre un témoignage exquis à la pudeur morale.» Il considérait que la légèreté desprit est compatible avec les vertus les plus hautes, avec le génie même. Il avait «quelque méfiance à légard de la gravité - car il est fort aisé den faire le simulacre. Cela peut être une attitude, un parti pris, tandis quon ne peut pas prendre le parti dêtre léger. On ne peut pas faire semblant davoir de lesprit. Il faut en avoir. Et nen a pas qui veut. [
] Les gens qui ne peuvent pas admettre lironie me donnent de linquiétude à leur propre sujet. Et quant à ceux qui ne tolèrent pas la plus inoffensive plaisanterie à légard de leurs entreprises et de leurs conceptions, ceux-là me laissent à penser que leurs conceptions, comme leurs entreprises, ne sont peut-être pas raisonnables. Redouter lironie, cest craindre la raison. [
] Lesprit vient modérer le zèle intempestif, il tient en respect les médiocres et intellectuellement il est, si jose dire, un excellent thermomètre du climat des individus. Les vertus sont impersonnelles et la probité dun coiffeur ressemble à sy méprendre à celle dun teinturier. [
] Les vertus que nous pouvons avoir nous ont été prêtées et nous les rendons intactes, afin quelles puissent servir à dautres. La Fantaisie nest pas un prêt, elle est un don. Elle est, je le répète, un sens. Sens qui, à limage de nos autres sens, naît, vit et meurt avec nous. Il en va de même de lhumour. Et cest parce que la plupart des gens en sont dépourvus quil est si mal considéré. Il est vrai que, si tout un chacun possédait ce sens, lhumour en souffrirait, car, pour quune plaisanterie humoristique ait son plein rendement, il convient dêtre trois : celui qui la profère, celui qui la comprend et celui à qui elle échappe.» (De 1429 à 1942).
- «On n'est pas infaillible parce qu'on est sincère.»
- «Il n'y a pas de gens modestes. Il y a des ratés qui ont la prétention d'être modestes - et qui font les modestes pour faire croire qu'ils ne sont pas des ratés.»
- «Aimez les choses à double sens, mais assurez-vous bien d'abord qu'elles ont un sens.»
- «Lintelligence incite à la réflexion, et la réflexion conduit au scepticisme. Le scepticisme, lui, mène à lironie.»
- «Redouter I'ironie, c'est craindre la raison.»
- «Avoir le sens critique, c'est porter le plus vif intérêt à un ouvrage qui, justement, vous paraît en manquer.»
- «Il y a en Art une catégorie de joies supérieures, si profondes et si hautes que l'on est à jamais l'obligé de celle ou de celui qui vous les ont données.»
Sur la conduite à tenir dans la vie :
- «Pourquoi, dans les villes où l'on passe, s'applique-t-on à choisir douze cartes postales différentes, puisqu'elles sont destinées à douze personnes différentes?»
- «On parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l'avenir - c'est-à-dire trop des autres et pas assez d'eux-mêmes.» De son adolescence de cancre et parfait autodidacte, Sacha Guitry garda une grande défiance pour les méthodes sclérosées déducation de son temps.
- «Quand on n'a pas commis de faute, on ne peut pas être absolument sûr de soi. Tandis que lorsqu'on a bien vu les conséquences d'une bêtise, on ne s'expose plus à la recommencer !»
- «Quand on s'aime pour plus d'une raison, c'est qu'on ne s'aime pas vraiment.»
- «Le seul amour garanti fidèle, cest lamour-propre».
- «La plus grande des solitudes, c'est de se trouver en face d'une personne qui ne pense pas la même chose que vous.»
- «Dire le contraire de la vérité, c'est s'en être approché de dos, mais de bien près !»
- «Imitez vos défauts pour vous en corriger. Vous buvez trop d'alcool? Faites semblant d'être ivre, et vous en boirez moins. Vous êtes pointilleux? Froissez-vous sans raison aucune, et vous rirez. Vous êtes coléreux? Simulez la colère, et vous verrez combien c'est bête, la colère.»
- «Celui qui ne tolère pas la plaisanterie supporte mal la réflexion.»
- «Je préfère dépenser pendant que je suis jeune l'argent que je gagnerai quand je serai vieux !»
- «Limportant, dans la vie, ce nest pas davoir de largent, mais que les autres en aient.»
- «L'argent n'a de valeur que quand il sort de votre poche. Il n'en a pas quand il y rentre.»
- «Nous devons considérer que tous les événements qui nous arrivent sont des événements heureux.»
- «Il faut être heureux car, lorsquon se met à être heureux, lexistence devient une chose tout à fait inouïe.»
- «La vie ne se renouvelle pas. On renouvelle sa vie !»
- «Le bonheur exige certaines aptitudes, il y a des gens qui ne sont pas faits pour être heureux !»
- «Chaque accident arrivé à autrui est un accident évité pas vous.»
- «Le plaisir de mentir est une des grandes voluptés de la vie.»
- «Plaire à tout le monde, cest plaire à nimporte qui.»
- «Tout nous trahit lorsque nous trahissons.»
- «La vanité, c'est l'orgueil des autres.»
- «Nous avons beau dire: Je perds mon temps...je prends mon temps..., ce possessif est dérisoire : c'est toujours lui qui nous possède.»
Sur la métaphysique : On peut relever ces aperçus :
- «Nier Dieu, c'est croire en soi. Comme crédulité, je n'en vois pas de pire.»
- «Nier Dieu, c'est se priver de l'unique intérêt que présente la mort.»
- «Sur l'existence de Dieu, la moindre apparition sera la bienvenue.»
Comme ils se contredisent parfaitement, la conclusion est que Sacha Guitry ne fut guère préoccupé de métaphysique, fut donc vraiment un sage !
Sa postérité
Sacha Guitry avait pu confier au comédien Jean Danet : «Quand je serai mort, on ne jouera plus jamais mes pièces !», et son théâtre connut en effet alors lhabituel purgatoire. On jugea dabord quon ne pouvait plus jouer ses pièces, sous prétexte qu'elles ne pouvaient lêtre sans être interprétées par leur auteur ; que leur intérêt avait disparu avec lui ; que son énorme production, plaisir dun temps, mais trop enfermée dans le carcan boulevardier, écrite sur mesure, était condamnée à un oubli rapide et définitif. Mais on commit une grossière erreur.
À I'occasion d'une reprise de Mon père avait raison en 1959, Pierre Marcabru publia cette critique : «La comédie qui était très exactement à Ia mesure d'une époque n'est plus à nos mesures. Le talent n'applique plus [
]. À la place du metteur en scène, j'aurais replacé I'action en 1918. C'est la seule façon de faire accepter ses rides : en les avouant franchement.» Cependant, vingt ans plus tard, en 1978, le même Marcabru disait de la même pièce qu'on reprenait pour Ia nième fois : «Sacha Guitry, vieux? Vous plaisantez. C'est aujourd'hui tout neuf, tout frais, sans une ride. Bon pied, bon oeil, du vif argent. Quelle leçon !»
Preuve dun intérêt renouvelé, en 1996, parurent les deux volumes du théâtre de Sacha Guitry, qui nest pas toutefois complet, car léditer est impossible : on n'a conservé que quarante-trois pièces. Ils furent réédités en 2012, avec deux préfaces (l'une de Jean-Claude Brialy, l'autre de Daniel Toscan du Plantier), ce qui permet daffirmer que, si, bien quimmense auteur dramatique, il na pas eu la chance de Molière ou de Feydeau, il est plus vivant que jamais, ses pièces, sans cesse reprises, étant considérées indémodables. Universellement reconnu par ses pairs et par le public qui le fête, il apparaît surtout aux jeunes générations comme une révélation.
En 2007, cinquante ans après sa mort, un foisonnement de livres, de pièces, d'expositions et de films accompagna cet anniversaire. La Cinémathèque française organisa une grande exposition (Sacha Guitry, une vie dartiste) riche de documents exceptionnels, souvent inédits, car, en 1995, son secrétaire, Henri Jadoux, avait légué à la BNF un fonds comprenant dessins, lettres, bustes, tableaux, livres d'art, signés de sa main ; et dune rétrospective de ses films.
Les films de Sacha Guitry avaient continué de séduire le public, tout en demeurant toujours, pour la critique, du «théâtre filmé». En 1957, un débat télévisé avait opposé Henri Agel, qui s'échina à enfoncer le cinéaste, le considérant comme un auteur-réalisateur trivial et un amuseur superficiel, tandis que, face à lui, François Truffaut, Robert Lamoureux, Jacques Siclier, semployèrent à le réhabiliter. En 1965 fut réalisé un émouvant documentaire de près d'une heure, contenant des témoignages de plusieurs personnes ayant23MNOPYZ[tæÑɾɱÉlSA,A(h}>h`RCJOJQJ^JaJmHsH"h`RCJOJQJ^JaJmHsH1hÕhý#B*CJOJQJ^JaJmHphsH4hÕhý#5B*CJOJQJ^JaJmHphsH"hý#CJOJQJ^JaJmHsH.hý#5B*CJ$OJQJ^JaJ$mHphsHh¡Xthý#0JmHsHh¡Xthý#mHsHjhý#U(h7:hý#CJOJQJ^JaJmHsH2jhý#CJOJQJU^JaJmHnHsHuOPZ[|}¦§
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