Td corrigé Le stéréotype - Td corrigé pdf

Le stéréotype - Td corrigé

BARTHES, Roland, L'ancienne rhétorique, in L'aventure sémiologique, Paris, Seuil, ...... syntaxique, le plus souvent: changement brutal de sujet syntaxique.




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ils projetent ces stéréotypes sur leurs femmes.
pour mettre du piquant dans une vie de couple

C'est facile de taper sur le mari de cette femme en disant que c'est un superficiel et bla bla bla! Sauf que

si les femmes sont influencé par le stéréotype de femmes qu'on nous présente dans les magazines et à la télévision, les hommes le sont aussi!!!!! arrêtez mesdames de toujours taper sur la tête des hommes, ils sont eux aussi influencés par ce qu'ils voient autour d'eux, et c'est donc normal


Le stéréotype
Qu'est-ce qu'un stéréotype ?
Un stéréotype est une image toute faite, qui paraît sortir d'un moule. Le mot vient d'ailleurs du procédé typographique qui permet de reproduire des images fixes. Appliqué à une personne, le mot « stéréotype » décrit un individu réduit à ses caractéristiques les plus superficielles. Le stéréotype reflète une attitude, une option ou un jugement simplifié à l'extrême, ou encore erroné.


« Je n'ai pas d'autre explication pour l'utilisation des stéréotypes que la facilité. [...] C'est une sorte de code qui évite à l'auteur l'ultime effort qu'est la pensée. »
Harve Bennet, producteur de La Femme bionique et de L'Homme de six millions de dollars.



Un stéréotype est une idée toute faite, sans nuance, à propos d'une personne ou d'une situation. Si vous avez déjà entendu une de ces blagues sur les « blondes », vous savez ce qu'est un stéréotype ! Dans ces blagues, les femmes blondes sont toujours idiotes, comme si la couleur des cheveux était une indication du quotidien intellectuel d'une personne et qu'en l'occurrence toutes les femmes aux cheveux blonds étaient inévitablement stupides. Que dire des hommes aux cheveux blonds, ou des hommes chauves, ou des gens qui portent des lunettes dans cette perspective !
En fait, le stéréotype reflète une attitude, une opinion simplifiée à l'extrême et très souvent erronée. Décider à l'avance qu'une personne est stupide avant même de la connaître simplement à cause de la couleur de ses cheveux ou de sa peau est une attitude réductrice, une attitude de fermeture à l'autre.
Le stéréotype est de l'ordre du jugement. C'est une idée que l'on se fait et qui n'est pas toujours facile à défaire.
Ce sont les stéréotypes qui constituent les fondements du sexisme, du racisme, de l'homophobie, etc. Dans une société qui se veut libre et démocratique, respectueuse des droits individuels, il n'est pas étonnant que l'on combatte avec vigueur ces mécanismes de dénigrement et d'exclusion de l'autre.
Les stéréotypes ne sont jamais à l'avantage de la personne visée. Le stéréotype est une façon de la réduire à une caractéristique jugée négative. C'est une façon de dire qu'elle a moins de valeur que nous-mêmes.
Les discriminations Nous retenons comme définition de la discrimination, tout comportement refusant aux individus l'égalité de traitement à laquelle ils aspirent ou ont droit. Bien que le lien entre stéréotype (croyance), préjugé (jugement) et discrimination (comportement) soit observable, un préjugé négatif peut être exprimé formellement sans pour autant se traduire par un comportement concret de discrimination : un hôtelier peut, par exemple, se déclarer raciste lors d'un sondage (anonyme) d'opinion et traiter sans discrimination sa clientèle de couleur. Cette apparente contradiction s'explique si l'on tient compte du fait que les préjugés et les discriminations sont exprimés dans des contextes différents, l'un abstrait, l'autre concret avec des conséquences précises que l'on peut souhaiter éviter: conflit, perte de clientèle, sanction judiciaire,... Selon d'autres auteurs, l'expression même d'un préjugé relève déjà d'un comportement, d'un acte de langage discriminatoire. Ils se réfèrent aux études sur la communication qui ont démontré que le langage sert, bien sûr, à décrire la réalité mais aussi à la construire. Exprimer un stéréotype contribue donc aussi à créer une réalité sociale précise (p. ex., les "jeunes" d'aujourd'hui...). Au-delà de cette distinction entre expression d'un préjugé et comportement discriminatoire, relevons que, dans les faits, un préjugé négatif, sans même qu'il se traduise par un comportement discriminant, peut conduire à une discrimination. Cela a, par exemple, été observé chez des examinateurs face aux premières candidates pilotes d'avions de ligne. Partageant un préjugé soit hostile soit incrédule devant "la prétention" des candidates à pratiquer ce métier traditionnellement masculin, les examinateurs se sont implicitement comportés de façon négative, ce qui a eu pour effet d'augmenter l'anxiété des candidates et de réduire leurs performances à l'examen. Il ressort de ce constat qu'une personne peut provoquer ce qu'elle souhaite, craint ou pense indépendamment de son attitude ou comportement conscients et quelle que soit l'intention de son interlocuteur. Il importe de rappeler que la discrimination n'est pas en soi illégale. Il existe dans notre législation de nombreuses distinctions entre Belges et non Belges. En matière de droits politiques, par exemple, l'exercice du droit de vote est strictement réservé aux Belges et aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne. Ce type de discriminations est établi par la loi et ne peut être combattue sur le plan de leur légalité. Elles peuvent par contre être remises en cause sur le plan de leur légitimité. S'agissant de la discrimination à l'embauche, par contre, nous sommes face à une discrimination non seulement illégitime mais illégale sanctionnée par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie.


Jean-Marc HilgertEmail HYPERLINK "mailto:hilgert@umb.u-strasbg.fr" courrielPhénomènes de groupe, perception de l’identité et stéréotypefrançaisActes du XXI ème Colloque d'Albi: Langages et signification. Le stéréotype: usages, formes et stratégies. 10-13 juillet 2000 (Albi, France)stéréotypes, psychologie sociale, linguistique, analyse de discours

Lorsqu'on aborde la question du stéréotype, deux approches sont possibles : - soit l'on opte pour une démarche linguistique, centrée sur des énoncés à caractère "échoïque", des formules consacrées par l'usage, tels les proverbes, les dictons ou les adages. (LFrçse 99) - soit l'on se place au niveau plus général du "stéréotype de pensée" (On se situe alors dans une optique socioculturelle voire interculturelle, où l'identité de soi se construit dans une relation à l'autre, tantôt proche, tantôt si différent. Le titre de cette communication invite à aborder le stéréotype dans une optique avant tout anthropologique. (Amossy 97) à travers trois phénomènes : - la naissance du sentiment d'appartenance à un groupe avec son corollaire, la perception d'autres groupes ressentis comme étrangers. Nous nous appuierons sur des séries d'expériences convergentes réalisées, dans ce domaine, par des psychologues sociaux qui montrent la façon naturellement naïve et rassurante de se situer soi-même à travers son groupe d'appartenance. "C'est l'opportunité d'établir une discrimination intergroupe qui agit sur l'estime de soi." (Lemyre Smith 85). Appartenir aux "meilleurs", c'est évidemment être "excellent" soi-même. - les mécanismes de perception qui font que les croyances se fondent sur des "observations" peu scientifiques et qu'elles sont d'autant plus convaincantes qu'une fois établies, elles ne disent en général plus d'où elles viennent - le stéréotype qui grossit le trait et le surgénéralise. Il s'agit de "simplifier un environnement trop complexe."(Allport 54)
Cette triple approche - groupale, perceptive et stéréotypique - nous conduira à une définition "revue et corrigée" du stéréotype de pensée, qu'il s'agisse de l'autostéréotype ou de l'hétérostéréotype (Zarate 93).
Mais d'abord, comment différencier le stéréotype du prototype ?
1- Stéréotype et prototype : comment les différencier ? Deux différences fondamentales : - Le stéréotype, à l'inverse du prototype, applique une définition unique à une classe dont tous les individus portent le même nom. - Le stéréotype, à l'inverse des exemples canoniques de prototypicalité, caractérise la façon dont on perçoit un groupe humain.
2- L'approche "groupale" ou le sentiment d'appartenance à un groupe Groupes en contact endogroupe / exogroupe.(Campbell, 85). L'endogroupe trouve un biais qui a pour fonction d'établir une distinction positive par rapport à l'exogroupe. Une trop grande ressemblance peut provoquer une motivation à recréer une sous-catégorisation permettant une discrimination (une même origine géographique, par exemple, voire le même quartier).
3. Les biais liés à la perception
3.1 '"erreur fondamentale d'attribution". Roos (1977) entend par là une tendance générale des observateurs à sous-estimer le rôle des causes situationnelles au profit des causes dispositionnelles pour expliquer les comportements.
3.2 La minorité est perçue comme une déviance de la majorité. Expérience devenue classique: Hamilton et Gifford (1976) On assiste "à la conjonction de la saillance de minorités sociales et des comportements socialement indésirables, généralement les moins fréquents". En clair, la norme sociale étant donnée par la majorité, les minorités subissent un effet de loupe chaque fois qu'apparaît un comportement socialement différent, donc déviant. - Toute perception est automatiquement catégorisée selon notre désir qui est en général inversement proportionnel à notre degré de vigilance - La subjectivité peut être si prégnante qu'elle crée les conditions de réalisation des phénomènes attendus. Yzerbit et Schadron (1997) parlent de "prophéties qui s'autoréalisent en tant qu'hypothèses qui suscitent leur propre confirmation.". - Nous avons une faible conscience des processus de jugement (Nisbett, Bellows, Wilson, 1977). Si l'on demande aux observateurs de justifier leur jugement, ils chercheront, de bonne foi, une justification vraisemblable et socialement attendue.
4- Le stéréotype comme créateur de cohérence
4.1- Le moindre "coût cognitif". La tendance générale est de confirmer des hypothèses (Bodenhausen1988) : - en oubliant les attributs de quelqu'un qui ne correspondent pas aux prototypes du groupe (Rothbart, Evans, Fulero, 1979) ou qui introduisent une incohérence dans la description (Fiske, Taylor,94) - en ajoutant des traits qui vont dans le sens du stéréotype. L'attrait du stéréotype est particulièrement fort lorsqu'il peut s'appuyer sur des caractéristiques très générales et visibles : la race, le sexe et l'âge. Les stéréotypes expliquent ainsi pourquoi les choses sont ce qu'elles sont. Cela se traduit par une "erreur fondamentale d'attribution" : les conditions d'une classe sociale sont interprétées comme la conséquence de la nature de ses membres (Jones 90) (Roland Barthes,1957). (Bourdieu,1982: "Un des privilèges de la consécration réside dans le fait [qu'elle confère] aux consacrés une essence indiscutable et indélébile".)
4.2- Définition Nous proposerons du stéréotype une définition à deux niveaux : - au niveau déclaratif, c'est un préjugé collectif sur les autres et sur soi-même suffisamment partagé par une communauté pour qu'il devienne un jugement "naturel" (Barthes,1957) et dont on peut apporter la preuve. - au niveau procédural, le stéréotype est une unité de sens d'un système partagé de perceptions dont on a oublié le mode réel d'acquisition.
4.3- Autostéréotypes/hétérostéréotypes : un effet de miroir accentué par l'ignorance de l'Autre. - Les Anglais sont violents, froids et refoulés, nuls au lit…alors que, selon les tabloïds britanniques, les français sont des "grenouilles vaniteuses et sexuellement obsédées" (strutting, sex obsessed frogs) (PLATT P,1994)



Le cas du racisme
Historique
L'ethnologie et l'histoire montrent que le stéréotype et surtout le préjugé racial ne sont ni universels ni d'origine lointaine. Il ne faut pas, en effet, confondre orgueil de groupe (chauvinisme) et racisme. Dans le premier cas la distinction et le sentiment de supériorité s'opèrent sur base de motifs culturels ou d'intérêts économiques et sociaux qui ne sont pas définitifs, tandis que, dans le second cas, c'est une prétendue différence de race qui motive la distinction. Chez les grecs de l'antiquité par exemple, l'étranger était qualifié de " barbare " parce qu'il ne parlait pas la même langue (barbare d'où dérive aussi le mot "berbère" signifiant qui parle une langue incompréhensible). De même au Moyen-Age, les juifs sont-ils discriminés sur la base de leur confession religieuse et non de leur race. Apprendre la langue dans le premier cas ou se convertir dans le second pouvait faire cesser la discrimination. Les premières expressions du racisme biologique apparaissent aux XVIIIème et XIXème siècles dans la foulée de l'esclavage et la traite des noirs. L'antisémitisme à caractère racial se développera vers la fin du 19ème siècle en réaction à l'émancipation sociale et au développement économique des juifs. Le lien entre l'apparition du racisme doctrinaire et l'expansion coloniale d'une part ou la volonté de ségrégation sociale des juifs d'autre part est manifeste : le racisme idéologique vise pour l'essentiel à justifier une exploitation ou des privilèges. Les racines économiques et sociales du préjugé de race apparaissent clairement chez le premier doctrinaire important du racisme, le Comte de Gobineau qui, en 1854 publie son " Essai sur l'inégalité des races humaines " avec l'objectif avoué de défendre l'aristocratie (sang bleu) menacée dans ses privilèges par les démocrates.
Prétentions scientifiques du racisme Cherchant à fonder le racisme sur la science, les doctrinaires du racisme ont résumé, jusqu'au XXème siècle, leurs arguments dans les trois énoncés suivants :
> il existerait des races pures > ces races seraient supérieures biologiquement mais aussi culturellement et moralement > ces supériorités légitimeraient leur domination et leurs privilèges.
Il est facile aujourd'hui de démontrer l'inconsistance du premier étage de cet échafaudage et d'invalider ainsi l'ensemble du pseudo-raisonnement. Vu l'incessant brassage des groupes humains, il est impossible de prouver la coïncidence entre un groupe social spécifique et un patrimoine génétique défini. Impossible donc de tracer des frontières " génétiques " précises dans l'espèce humaine tant les échanges migratoires ont été intenses et les isolements éphémères. Sur les 100.000 gènes qui nous caractérisent, six à huit seulement commandent la couleur de la peau sans compter sur l'indéfinissable partage entre l'inné et l'acquis (éducation) pour définir un individu. Nier l'existence des races et la pertinence de cette notion au niveau scientifique n'implique pas d'ignorer les différences biologiques et culturelles entre individus ou populations. Ce n'est pas être raciste que de constater, par exemple que, disons, les Suédois présentent souvent certains caractères héréditaires communs qui les distinguent, au moins superficiellement des Japonais ou des Pygmées. La distinction entre groupes spécifiques n'exclut cependant pas la parenté globale de l'espèce comme le démontre, entre autres, la fécondité potentielle entre tous les humains. Le racisme, lui, fait dépendre la valeur des individus du groupe biologique ou prétendu tel, auquel ils appartiennent. Le racisme apparaît donc comme une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale, selon l'expression du philosophe Comte-Sponville.
Une définition du racisme Parmi les nombreuses définitions possibles du racisme, nous retiendrons celle d'Albert Memmi comme outil pratique de repérage des pratiques racistes et de leurs motivations :
I. Définition Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges ou son agression. II. Analyse de l'attitude raciste L'analyse de l'attitude raciste y révèle quatre éléments importants :
1. Insister sur des différences, réelles ou imaginaires entre le raciste et sa victime. 2. Valoriser ces différences, au profit du raciste, et au détriment de sa victime. 3. S'efforcer de les porter à l'absolu, en les généralisant et en les affirmant définitives. 4. Légitimer une agression, ou un privilège, effectif ou éventuel.

Evolution actuelle du discours raciste Au racisme historique à fondement " biologique " s'est substitué, aujourd'hui, un racisme plus subtil fondé sur :
> le différentialisme: => exemple : les Noirs ne sont pas inférieurs mais intrinsèquement différents et à ce titre " inassimilables " (justification historique de l'apartheid en Afrique du Sud qui prônait " le développement séparé (apartheid) ". ou > le culturalisme: l'autre n'est plus réduit à sa différence biologique mais culturelle comme si cette dernière n'était pas susceptible de modifications, influences, métissages. Islamophobie Islamophobie : haine, rejet d'un islam réduit à une essence maléfique alors que l'islam est de fait pluriel tant au niveau social, géographique, historique que culturel. Cette haine est alimentée par des préjugés et des stéréotypes négatifs qui, le plus souvent, pratiquent l'amalgame entre : "islam, arabe, musulman, islamiste, terroriste, intégriste" mais aussi entre culture et religion. L'étymologie du mot peut prêter à confusion, "phobie" émanant du grec "phobos" qui signifie peur, effroi. L'islamophobie traduirait à ce titre une réaction de peur devant une menace perçue à tort ou à raison comme objective. En réalité, cette phobie relève bien d'une pathologie sociale comme l'agoraphobie est une pathologie individuelle. Autant un individu tente de maîtriser ce mal dont il est le premier à souffrir, autant une société se doit d'intervenir contre cette déviance qui agresse une partie de ses membres et mine les fondements d'une vie commune. Il importe aussi de distinguer l'islam qui, comme toute religion, mérite respect - un respect qui dans une perspective démocratique, ouverte et laïque n'exclut ni le dialogue ni la critique - de l'islamisme qui instrumentalise le religieux à des fins politiques, idéologiques ou personnelles. Autant donc la critique de l'islam dans le cadre légal du respect est un droit, autant combattre l'islamisme dans ses visées terroristes relève d'un devoir. L'amalgame entre islam et islamisme, musulman et islamiste relève à ce titre d'une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale, voire d'une incitation à la haine punissable par la loi. Le libelle d'Oriana Fallaci "La rage et l'orgueil" Plon, 2002 constitue à la fois le symptôme et un ferment de l'islamophobie contemporaine. Il mérite donc, à ce seul titre, une analyse conséquente.
 INCLUDEPICTURE "http://www.agenda-respect.be/fr/Photographies/fleche_petite-verte.gif" \* MERGEFORMATINET Présentation Le livre d'Oriana Fallaci se présente comme un cri. Un cri de douleur et de rage suite à l'attentat du 11 septembre et aux réactions qu'il a suscitées . Pour l'auteur, cet attentat n'est qu'un épisode d'une " croisade à l'envers " menée par les " fils d'Allah " contre l'Occident " qui est pour eux un monde à conquérir. A châtier, soumettre à l'Islam ". La charge explosive du livre, son message principal peuvent être déclinés en quatre questions. 1. Qui sont les nouveaux " Croisés " ? Au sommet, " dans la partie visible de l'iceberg " (p.31), il y a bien sûr les terroristes islamistes, les Oussama Ben Laden soutenus par les monarchies pétrolières mais aussi par les imans qui " d'une manière où d'une autre sont les guides spirituels du terrorisme " (p.39) mais aussi par les mosquées " qui surtout en Italie […] grouillent jusqu'à la nausée de terroristes ou aspirants terroristes " (p.34), des terroristes dont " les plus aguerris sont précisément chez nous " (p.105 ). Mais au-delà de cette phalange extrémiste qui loin d'être minoritaire est constituée " de millions et de millions de fanatiques " qui " se multiplient comme les protozoaires d'une cellule qui se scinde pour devenir deux cellules puis quatre puis huit puis seize puis trente deux, à l'infini " (p.29), au -delà donc de ce sommet de l'iceberg, " le véritable protagoniste " de cette nouvelle guerre de religion, de cette Djihad prônée par l'Islam c'est, " la montagne submergée donc invisible " (p.30) soit, selon l'auteur, peu ou prou l'ensemble des " fils d'Allah " dont " la horde "ceux qui " envahissent " l'Europe sous couvert de " migration " (p. 147) et qui " se multiplie comme des rats " (p. 146). Ailleurs l'auteur semble se raviser de façon ambiguë, il s'agirait " d'une guerre voulue et déclarée par une frange de cette religion, peut-être (peut-être ?) " (p.91) mais le corps du texte, autant dans la lettre que dans l'esprit, insuffle sans conteste l'amalgame, la confusion entre islamistes radicaux, fidèles de l'Islam et immigrés. 2. Que veulent-ils ? La visée de ceux qui " au lieu de contribuer au progrès de l'humanité passent leur temps avec le derrière en l'air, à prier cinq fois par jour " (p.92) n'est pas tant territoriale ( quoique) que " la conquête de nos âmes, la disparition de notre liberté et de notre civilisation, l'anéantissement de notre façon de vivre et de mourir " (p.91). Il s'agit moins d'une guerre réservée aux militaires que d'une " collusion culturelle, intellectuelle, religieuse, morale, politique " (p.33). Et dans cette collusion, nos victoires militaires (contre le terrorisme) ne résoudront pas l'offensive de leur sinistre belligérance mais au contraire l'encourageront, l'exacerberont, l'envenimeront. La vérité, pour l'auteur, est que dans cette Djihad " le pire est encore à venir " (p.33). Et si dans sa volonté d'imposer l'Islam, la Djihad doit vaincre alors " elle détruira notre culture, notre art, notre science, notre morale, nos valeurs, nos plaisirs… " (p.91). 3. Quel est le rapport des forces sur le terrain ? Pour Oriana Fallaci : comme le démontre nos réactions à l'attentat du 11 septembre, notre aveuglement devant l'Islam et notre tolérance face à l'invasion musulmane, le fléau de la balance penche dramatiquement en notre défaveur. En fait, cette fameuse "Croisade à l'envers est nourrie par la faiblesse de l'Occident ", par sa " timidité ", par son " bien-être ", par sa " non-clairvoyance ", par sa " technologie ", par nos " conforts ", nos " principes d'hospitalité ", nos " lois complaisantes ", notre " pacifisme ", notre " peur " (p.105). En face, les " Croisés ont désormais conquis leurs positions et les tiennent comme leurs ancêtres tenaient l'Espagne et le Portugal du IX è au XV ème siècle. Ils sont de plus en plus, ils seront de plus en plus, ils veulent de plus en plus, ils voudront de plus en plus, et ceux qui aujourd'hui vivent sur notre territoire ne peuvent être considérés que comme des pionniers. " (p.106). Par ailleurs : " il se trompe l'optimiste qui pense que la Guerre Sainte s'est achevée avec la défaite du régime Taliban " (p.32). D'abord parce qu'en Afghanistan même " les actuels vainqueurs prient Allah autant que les anciens vaincus " (p.32) et d'ailleurs " fraternisent avec eux " mais surtout parce que " parmi les dix-neuf kamikazes de New York et de Washington il n'y avait pas un seul Afghan " (p.32) et l'auteur de nous gratifier d'une leçon de géopolitique d'où il ressort qu'au sud de l'Afghanistan il y a le Pakistan. Au nord les Etats musulmans de l'ancienne Union soviétique. A l'ouest, l'Iran puis l'Irak puis la Syrie, puis le Liban, puis la Jordanie, puis l'Arabie Saoudite et de l'autre côté de la mer Rouge le Continent Africain avec tous ses pays musulmans. Et dans tous ces pays, " ses vieux et ses jeunes qui applaudissent à la Guerre Sainte " (pp.32-33). 4. Que faire ? Face à une telle marée, à un tel danger, l'auteur commence par payer de sa personne : " avec l'élan d'un soldat qui surgit de la tranchée et se lance contre l'ennemi, je me jetais sur la machine à écrire " (p.12) d'où ce livre, " un sermon " lancé comme une grenade, en toute conscience car : " je n'oublie jamais que les mots peuvent faire beaucoup de bien et beaucoup de mal. Ils peuvent guérir ou bien tuer " (p.23). Car il s'agit bien de tuer ou de mourir : " Guerre vous avez voulue, guerre vous voulez ? D'accord. En ce qui me concerne, que guerre soit. Jusqu'au dernier soupir " (p.42). Cet axe militaire de la " collusion " est bien sûr assumée contre les terroristes islamistes mais pour Oriana Fallaci tout " disciple du Coran " soit en recèle un (de fait ou potentiel) soit participe à " la Croisade à l'envers " notamment par " l'invasion " que constitue à ses yeux l'immigration (p.147). Une solidarité sans faille avec l'Amérique s'impose donc " sans bavardages ni pleurnicheries : une solidarité fondée sur la chasse aux terroristes et sur l'alliance militaire " (p.97). Au niveau personnel, à défaut d'armes, la technique du " coup de pied aux testicules (désormais seule arme donc dispose une femme pour exercer ses droits de citoyenne) " (p.142) est citée comme moyen de riposte " habituel " de l'auteur. Quant à nous, " les braves gens ", il importe de nous " réveiller, de nous lever ", de vouloir enfin " comprendre " que nous devons nous mobiliser contre une " Croisade à l'envers " (p. 142). Il nous faut " ouvrir les yeux " sur " une réalité qui existe depuis mille quatre cents ans " dont " Oussama Ben Laden et les Talibans (je me lasserai jamais de le répéter) ne sont que la manifestation la plus récente " (p.134). Cessons de nous laisser intimider par ce " terrorisme intellectuel ", cette mode du " politically correct " qui " exploite le terme de 'racisme' " (p.188) contre toute contestation des " Croisés de l'Islam ". L'heure est donc à la vigilance, à la défense (p.153) de " nos valeurs ", de " nos patries " de " notre civilisation " et " nos modes de vie " car " chez nous, il n'y a pas de place " pour leur religion et ses mœurs et même " s'il y avait de la place, je ne la leur donnerais pas " (p.153). Conclusion : " négocier avec eux est impossible. Raisonner impensable. Les traiter avec indulgence ou tolérance ou bien espoir, un suicide. Et quiconque croit le contraire est un pauvre con [sic]" (p.106). Le livre ne se réduit pas, bien sûr, à ces quatre questions. Vous y trouverez aussi des digressions instructives, des confidences touchantes ou des témoignages passionnants ainsi qu'une rafale d'invectives qui n'épargnent personne hormis ses parents, les pères fondateurs de l'Amérique et le Dalaï Lama. Mais ces questions en constituent bien l'armature centrale, le message litigieux, la charge explosive dont l'onde de choc se propage chaque jour un peu plus.  INCLUDEPICTURE "http://www.agenda-respect.be/fr/Photographies/fleche_petite-verte.gif" \* MERGEFORMATINET Argumentaire Oriana Fallaci abhorre l'Islam. C'est son droit. Elle dénonce la terreur des islamistes radicaux. Ce devrait être le devoir de tout démocrate. Elle réduit l'Islam à ses intégristes et les musulmans aux fans de Ben Laden . Il s'agit-là d'une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale. Elle " prêche " l'offensive contre les " disciples du Coran " qui " envahissent l'Europe " et clame son " envie de tuer " Oussama Ben Laden (p.105) soulignant que : " les Oussama Ben Laden […] sont partout, et les plus aguerris sont précisément chez nous " (p.105). Propos parmi d'autres qui relèvent manifestement de l'incitation à la haine et à la violence. [et tombent, à ce titre, sous le coup de la loi.] Le style autant que le fond et la portée des propos d'Oriana Fallaci n'appellent pas de réponse mais une réplique, une réplique sous forme de questions adressées, aussi, aux lecteurs interpellés, choqués, réceptifs ou insultés par cet écrit. Tout dans ce livre est-il mensonger, faux, calomnieux ou stupide ? Non bien sûr, il contient aussi comme souligné dans la présentation des digressions instructives sur l'Amérique, des confidences touchantes sur l'enfance de l'auteur ou le courage de ses parents ainsi que des témoignages bouleversants sur les exactions des islamistes ou passionnants sur les rencontres de la journaliste avec des chefs d'Etats. Mais ces pépites sont noyées, emportées par un flot d'invectives, d'amalgames, de cris de haine esthétisée qui bloque par avance toute écoute. L'auteur qui nous somme de nous éveiller, de réfléchir nous assomme en fait sous le choc de ses mots et l'impact de ses formules outrancières. Raciste, Oriana Fallaci ? Elle s'en défend vigoureusement dénonçant par avance l'usage abusif cette étiquette par les tenants d'un terrorisme intellectuel à la mode. Comment pourrions-nous l'insulter de raciste " puisque ce je dis regarde une religion, pas une race " (p.90) ? Notons cependant l'ambiguïté de son expression favorite " fils d'Allah " pour désigner les musulmans qui à défaut d'une prétendue race se voient assignés à une ascendance commune fut-elle divine. Soulignons par ailleurs les glissements fréquents entre les vocables " islamistes ", " Croisés de l'Islam ", " musulman " et " arabe " ainsi que cet " avis " de l'auteur à propos " des hommes arabes dans les quels il doit y avoir quelque chose qui dégoûte les femmes de bon goût " (p.188). Rappelons enfin cette expression de sinistre mémoire utilisée jadis contre les " fils de Moïse " et à présent par Oriana Fallaci contre les " Fils d'Allah " qui " se multiplient comme des rats "(p.146). Un tel libelle mérite-t-il discussion, ouvre-t-il un débat salutaire, lève-t-il un prétendu tabou sur l'Islam, relève-t-il de la liberté d'opinion ? Non quatre fois non, hélas. Que pèse l'argument contre l'insulte ? Que vaut un débat où l'interlocutrice récuse " comme pauvre con (sic) p.106 " qui ne pense pas comme elle ? Il existe, par ailleurs des bibliothèques de livres discutant de l'Islam dont nombre de critiques écrits par des musulmans eux-mêmes et d'autres dénonçant l'islamisme radical dont les premières et principales victimes sont des musulmans ( plus de 130.000 victimes en Algérie). Oriana Fallaci loin donner de " mauvaises réponses " à de " bonnes questions " empoisonne et les questions et les réponses, selon l'expression de Jean Daniel. Loin de combattre l'intégrisme, l'auteur l'avive en pratiquant l'amalgame qui insulte dans un même opprobre les terroristes et tout musulman chez nous, les pratiquants d'un Islam ouvert et respectueux de la démocratie. Quant à invoquer la liberté d'expression, rappelons que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que son exercice comporte des devoirs et des responsabilités et peut donc être soumis à des restrictions relatives à la protection de la réputation ou des droits d'autrui. Bref l'opuscule islamophobe d'Oriana Fallaci à l'instar des écrits antisémites ou négationistes mérite moins réponse que réplique, débat que combat , tribunes que tribunal. Quand un agresseur au nom de la supériorité de sa civilisation désigne une victime, le civilisé regarde le doigt ! Faut-il pour autant interdire la publication du livre ou de nouvelles traductions ? Outre qu'il connaît un succès foudroyant en Italie, le pamphlet après avoir été refusé par plusieurs grands éditeurs est vendu en France depuis fin mai dernier. Dans un tel contexte toute mesure d'interdiction serait aussi néfaste qu'inutile. Quant au principe, la censure d'un livre n'éradique pas le mal dont il est à la fois un ferment mais aussi un symptôme. La tentation serait forte de l'ignorer et de laisser les intégristes de tout bord polémiquer entre eux sans se laisser prendre en otage par leurs hystéries " croisées " mais dans l'actuel climat de crispations identitaires, ce livre qui attise les antagonismes exige réplique et combat puisque tout débat est d'avance refusé. Le passé prestigieux de la militante, la réputation mondiale de la journaliste, le talent reconnu de l'écrivain exonèrent-ils Oriana Fallaci de toute responsabilité civique ? Il y aurait du Céline, talent en plus ou en moins selon les commentateurs, dans ce livre. Le pire Céline celui de " Bagatelles pour un massacre " interdit de vente dans nos démocraties. La gloire d'un auteur et la force d'un style autorisent-ils d'enfreindre la loi ? L'infraction au code routier est-il fonction du statut du conducteur et de la puissance de la cylindrée ? Quand sur nos routes comme dans les livres il y a dépassements manifestes de vitesse ou des limites légales à la liberté d'expression, il y a infraction susceptible de sanction quelle que soit la notoriété du contrevenant.  INCLUDEPICTURE "http://www.agenda-respect.be/fr/Photographies/fleche_petite-verte.gif" \* MERGEFORMATINET Que faire donc de ce brûlot outrageusement islamophobe ? Se taire lui concède le monopole de la parole, réagir accroît sa notoriété. Au-delà des ambiguïtés de l'action, il est cependant des moments où pour reprendre les termes d'Oriana Fallaci " se taire devient une faute et parler une obligation. Un devoir civil, un défi moral ". Parler oui mais non rabâcher une haine stylisée en cri car un cri qui s'écrit n'échappe pas à la responsabilité de ses propos. Et puisque l'écrivain se targue tant de " sa " civilisation occidentale estimée supérieure à toute autre qu'elle y puise au moins cette leçon des Lumières qui, certes, a posé la critique de la religion comme condition de toute critique mais aussi prôné la connaissance, la nuance et l'argumentation comme conditions de la critique même. Reste à défendre Oriana Fallaci contre toute atteinte à sa personne sous prétexte de ses écrits, sachant que les valeurs dont elle se réclame condamnent son livre.



Connaître, Comprendre, Combattre...

      Les races, cela n'existe pas nous disent les scientifiques mais le racisme augmente, selon les observateurs. La formule : "Je ne suis pas raciste mais..." est devenue classique pour introduire constats, clichés, préjugés et autres variantes à caractère racial. Le sionisme a été dénoncé comme racisme à l'ONU et lors de la Conférence internationale de Durban alors que l'antisionisme est devenu l'expression " politiquement correcte " de l'antisémitisme rétorquent les spécialistes. Un journaliste australien attribue les succès d'Harry Potter et du " Seigneur des anneaux " à la vision raciste du monde que ces oeuvres diffusent. Comment s'y retrouver ? L' usage incorrect de certains termes n'ajoute-t-il pas la violence des mots aux maux de la violence ? Faut-il renoncer à combattre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme sous prétexte des significations divergeantes voire contradictoires attribués à ces vocables ? Comment aborder clairement ces thèmes en évitant les discours moralisateurs, émotifs ou érudits ? Nombre d'outils, de supports, de références contribuent déjà à une pédagogie antiraciste. Au niveau de l'enseignement primaire par exemple, un dossier a été diffusé, avec le soutien du ministre Jean-Marc Nollet, via le magazine " L'école des années 2000 " . Pour l'enseignement secondaire, une valise comprenant une vidéo, un manuel de propositions d'animations, un conte sur CD et de nombreuses références documentaires a été élaborée dans le cadre de la campagne : " La haine, je dis non " soutenue par le ministre Rudy Demotte. L'ambition de la présente fiche est à la fois plus modeste et d'une autre nature : elle vise à fournir les premiers repères et quelques sources documentaires autour des mots clés relatifs au racisme. Le sens mais aussi, si nécessaire l'histoire et l'usage de ces mots sont précisés ainsi que les mécanismes qui permettent de comprendre, par exemple, comment s'élabore et fonctionne un stéréotype. L'objectif est de transformer ce texte en rubrique actualisée et complétée afin qu'elle devienne un document de référence utile à tout intervenant scolaire ou autre sur les thématiques antiracistes. Les stéréotypes
Définition:
A partir de nombreuses propositions de définition, nous retiendrons celle qui définit le stéréotype comme: une croyance concernant les caractéristiques, attributs ou comportements d'autrui comme membre de certains groupes auxquels nous n'appartenons pas.
Pourquoi se forge-t-on des stéréotypes ?
Selon une approche psychologique, le stéréotype résulte de notre incapacité à retenir et interpréter toutes les données de notre environnement qui sont pourtant nécessaires à notre orientation ou adaptation à celui-ci. Le stéréotype permet donc de s'orienter et de s'adapter face à la masse d'informations qui nous submerge à chaque instant en les organisant par catégorie opérationnelle. - Exemple: Se retrouvant dans un lieu public pour un rendez-vous à une heure précise et constatant qu'elle est sans montre, une personne choisit de s'adresser, de préférence à une vieille dame qui lui semble avenante plutôt qu'un jeune skinhead qui lui paraît agressif.
Comment se forge un stéréotype ?
Deux mécanismes principaux contribuent à l'élaboration d'un stéréotype:
> La simplification : on sélectionne quelques données jugées pertinentes dans la masse des informations disponibles. > L'exagération : les données sélectionnées sont accentuées au regard de leur poids réel.
Exemple: des photos d'étudiantes sont montrées, aux Etats-Unis, à un public test auquel il est demandé d'indiquer quels traits de personnalité caractérisent ces jeunes filles. Les commentaires varient alors selon la sensibilité de chacun aux photos. Deux mois plus tard, les mêmes photos mais accompagnées de noms typés d'origine juive, italienne ou irlandaise sont présentées au même public. Les commentaires varient, alors, selon les stéréotypes relatifs aux nationalités stipulées par les photos. Affublé d'un nom " juif ", la même personne devient moins "belle" mais plus "ambitieuse et intelligente" alors qu'accompagnée d'un nom " italien ", la personne devient moins "intelligente" mais plus "débrouillarde". Un seul élément d'information, l'origine nationale, devient primordial pour caractériser toute la personne.

Fonctions psychologiques et sociales du stéréotype
Pour l'essentiel, retenons que le stéréotype peut servir à:
> organiser l'environnement : (voir ci-dessus: point 2) > protéger une conception du monde (exemple: défense de notre idéologie individualiste en décrivant un groupe social comme grégaire et indifférencié) > expliquer subjectivement ou arbitrairement la complexité du réel. (exemple: les immigrés sont responsables du chômage) > justifier des comportements positifs ou négatifs (exemple: diabolisation du juif par les nazis qui finissent par mettre en oeuvre le génocide) > Valoriser son groupe par différenciation, ce qui explique pourquoi la majorité des stéréotypes sont péjoratifs (exemple: les Américains sont dépeints comme " incultes" ou "grossiers" par des Européens qui se différencient ainsi positivement sur les dimensions "culture et politesse")
Le stéréotype ne résulte pas seulement d'une technique de catégorisation simplifiée d'une réalité complexe mais répond aussi à notre culture d'appartenance et à nos attentes subjectives. Nous sélectionnerons sur autrui les informations et données pertinentes en fonction de nos attentes et objectifs ou des conditions dans lesquelles se déroule de notre interaction avec l'autre.
Exemple : en contexte de guerre, face à un soldat porteur de l'uniforme nazi, le soldat américain vérifie s'il est armé et en position offensive pour réagir sans s'intéresser au fait que l'adversaire ait par exemple fait des études de chimie, qu'il aime Mozart et apprécie les vins bavarois.

Conclusion
Les stéréotypes - bien qu'ils ne rendent pas compte des nuances et de la complexité du réel - s'avèrent utiles et opérationnels dans des contextes précis. Sachant que mon invité est, par exemple, musulman, je ne lui imposerai pas de la viande de porc au repas. La généralisation des stéréotypes est cependant source d'erreurs et de dérives néfastes. L'ouverture d'esprit et la vérification concrète (en distinguant par exemple les faits de nos opinions à leur égard) permettent l'usage du stéréotype sans se laisser abuser par eux. Bref, le stéréotype étant une croyance, il s'agit, quand on en use, de savoir que l'on croit et non de croire que l'on sait.
Si le stéréotype relève de la croyance, le préjugé reflète, lui, une évaluation d'autrui comme membre d'un groupe jugé négativement ou positivement. A ce titre, nous pouvons distinguer les préjugés favorables ou défavorables en fonction de nos croyances, de nos attentes ou de nos valeurs.
Exemple: si quelqu'un adhère au stéréotype du juif comme être " intelligent" (vu son appartenance à une communauté perçue globalement comme "intelligente" ) cela peut conduire soit vers un préjugé favorable soit vers un préjugé défavorable. Le préjugé sera favorable si pour cette personne l'intelligence est perçue comme quelque chose de positif. Le préjugé sera défavorable si l'intelligence est connotée négativement comme ruse, capacité à manipuler, tricher,...
Les discriminations Nous retenons comme définition de la discrimination tout comportement qui refuse à des individus l'égalité de traitement à laquelle ils aspirent ou ont droit. Bien que le lien entre stéréotype (croyance), préjugé (jugement) et discrimination (comportement) soit observable, un préjugé négatif peut être exprimé formellement sans pour autant se traduire par un comportement concret de discrimination: un hôtelier peut, par exemple, se déclarer raciste lors d'un sondage (anonyme) d'opinion et traiter sans discrimination sa clientèle de couleur. Cette apparente contradiction peut s'expliquer si l'on tient compte du fait que les préjugés et discriminations sont exprimés dans des contextes différents, l'un abstrait, l'autre concret avec des conséquences précises que l'on peut souhaiter éviter: conflit, perte de clientèle, sanction judiciaire,... Selon d'autres auteurs, l'expression même d'un préjugé relève déjà d'un comportement, d'un acte de langage discriminatoire. Ils se réfèrent aux études sur la communication qui ont démontré que le langage sert, bien sûr, à décrire la réalité mais aussi à la construire. Exprimer un stéréotype contribue donc aussi à créer une réalité sociale précise (ex. les "jeunes" d'aujourd'hui...). Au-delà de cette distinction entre expression d'un préjugé et comportement discriminatoire, relevons que, dans les faits, un préjugé négatif, sans même qu'il se traduise par un comportement discriminant, peut conduire à une discrimination. Cela a, par exemple, été observé chez des examinateurs face aux premières candidates pilotes d'avions de ligne. Partageant un préjugé soit hostile soit incrédule devant "la prétention" des candidates à pratiquer ce métier traditionnellement masculin, les examinateurs se sont implicitement comportés de façon négative ce qui a eu pour effet d'augmenter l'anxiété des candidates et de réduire leurs performances à l'examen. Il ressort de ce constat qu'une personne peut provoquer ce qu'elle souhaite, craint ou pense indépendamment de son attitude ou comportement conscients et quelle que soit l'intention de son interlocuteur. Le cas du racisme
Historique:
L'ethnologie et l'histoire montrent que le stéréotype et surtout le préjugé racial ne sont ni universels ni d'origine lointaine. Il ne faut pas, en effet, confondre orgueil de groupe (chauvinisme) et racisme. Dans le premier cas la distinction et le sentiment de supériorité s'opèrent sur base de motifs culturels ou d'intérêts économiques et sociaux qui ne sont pas définitifs, tandis que dans le second cas c'est une prétendue différence de race qui motive la distinction. Chez les grecs de l'antiquité par exemple, l'étranger était qualifié de " barbare " parce qu'il ne parlait pas la même langue. (barbare d'où dérive aussi le mot "berbère" signifiant qui parle une langue incompréhensible). De même au Moyen-Age, les juifs sont-ils discriminés sur base de leur confession religieuse et non sur base raciale. Apprendre la langue dans le premier cas ou se convertir dans le second cas pouvait faire cesser la discrimination. Les premières expressions du racisme biologique apparaissent au 18è et 19ème siècle dans la foulée de l'esclavage et la traite des noirs. L'antisémitisme à caractère racial se développera vers la fin du 19ème siècle en réaction à l'émancipation sociale et au développement économique des juifs. Le lien entre l'apparition du racisme doctrinaire et l'expansion coloniale d'une part ou la volonté de ségrégation sociale des juifs d'autre part est manifeste : le racisme idéologique vise pour l'essentiel à justifier une exploitation ou des privilèges. Les racines économiques et sociales du préjugé de race apparaissent clairement chez le premier doctrinaire important du racisme, le Comte de Gobineau qui, en 1854 publie son " Essai sur l'inégalité des races humaines " avec l'objectif avoué de défendre l'aristocratie (sang bleu) menacée dans ses privilèges par les démocrates.
Prétentions scientifiques du racisme Cherchant à fonder le racisme sur la science, les doctrinaires du racisme ont résumé, jusqu'au XXème siècle, leurs arguments dans les trois énoncés suivants :
> il existerait des races pures > ces races seraient supérieures biologiquement mais aussi culturellement et moralement > ces supériorités légitimeraient leur domination et leurs privilèges.
Il est facile aujourd'hui de démontrer l'inconsistance du premier étage de cet échafaudage et d'invalider ainsi l'ensemble du pseudo-raisonnement. Vu l'incessant brassage des groupes humains, il est impossible de prouver la coïncidence entre un groupe social spécifique et un patrimoine génétique défini. Impossible donc de tracer des frontières " génétiques " précises dans l'espèce humaine tant les échanges migratoires ont été intenses et les isolements éphémères. Sur les 100.000 gènes qui nous caractérisent, six à huit seulement commandent la couleur de la peau sans compter sur l'indéfinissable partage entre l'inné et l'acquis (éducation) pour définir un individu. Nier l'existence des races et la pertinence de cette notion au niveau scientifique n'implique pas d'ignorer les différences biologiques et culturelles entre individus ou populations. Ce n'est pas être raciste que de constater, par exemple que, disons, les Suédois présentent souvent un certain nombre de caractères héréditaire communs qui les distinguent, au moins superficiellement des Japonais ou des pygmées La distinction entre groupes spécifiques n'exclut cependant pas la parenté globale de l'espèce comme le démontre, entre autres, la fécondité potentielle entre tous les humains. Le racisme, lui, fait dépendre la valeur des individus du groupe biologique ou prétendu tel, auquel ils appartiennent. Le racisme apparaît donc comme une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale, selon l'expression du philosophe Comte-Sponville.
Définition du racisme Parmi les nombreuses définitions possibles du racisme, nous retiendrons celle d'Albert Memmi comme outil pratique de repérage des pratiques racistes et de leurs motivations :
I. Définition du racisme Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges ou son agression. II. Analyse de l'attitude raciste L'analyse de l'attitude raciste y révèle quatre éléments importants :
1. Insister sur des différences, réelles ou imaginaires entre le raciste et sa victime. 2. Valoriser ces différences, au profit du raciste, et au détriment de sa victime. 3. S'efforcer de les porter à l'absolu, en les généralisant et en les affirmant définitives. 4. Légitimer une agression, ou un privilège, effectif ou éventuel.
 

Evolution actuelle du discours raciste Au racisme historique à fondement " biologique " s'est substitué, aujourd'hui, un racisme plus subtil fondé sur:
le différentialisme: => exemple : les Noirs ne sont pas inférieurs mais intrinsèquement différents et à ce titre " inassimilables " (justification historique de l'apartheid en Afrique du Sud qui prônait " le développement séparé (apartheid) ". ou > le culturalisme: l'autre n'est plus réduit à sa différence biologique mais culturelle comme si cette dernière n'était pas susceptible de modifications, influences, métissages.













PRIVATECentre Pour l'Egalité des Chances et la Lutte Contre le Racisme - 2002 Version imprimée de www.antiracisme.be 

Pour le Respect Mutuel - Lexique

Connaître, Comprendre, Combattre...
Les races, cela n'existe pas nous disent les scientifiques mais le racisme augmente, selon les observateurs. La formule : "Je ne suis pas raciste mais..." est devenue classique pour introduire constats, clichés, préjugés et autres variantes à caractère racial. Le sionisme a été dénoncé comme racisme à l'ONU et lors de la Conférence internationale de Durban alors que l'antisionisme est devenu l'expression " politiquement correcte " de l'antisémitisme rétorquent les spécialistes. Un journaliste australien attribue les succès d'Arry Potter et du " Seigneur des anneaux " à la vision raciste du monde que ces oeuvres diffusent. Comment s'y retrouver ? L' usage incorrect de certains termes n'ajoute-t-il pas la violence des mots aux maux de la violence ? Faut-il renoncer à combattre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme sous prétexte des significations divergeantes voire contradictoires attribués à ces vocables ? Comment aborder clairement ces thèmes en évitant les discours moralisateurs, émotifs ou érudits ? Nombre d'outils, de supports, de références contribuent déjà à une pédagogie antiraciste. Au niveau de l'enseignement primaire par exemple, un dossier a été diffusé, avec le soutient du ministre Jean-Marc Nollet, via le magazine " L'école des années 2000 " . Pour l'enseignement secondaire, une valise comprenant une vidéo, un manuel de propositions d'animations, un comte sur CD et de nombreuses références documentaires a été élaborée dans le cadre de la campagne : "La haine, je dis non" soutenue par le ministre Rudy Demotte. L'ambition de la présente cette fiche est à la fois plus modeste et d'une autre nature : elle vise à fournir les premiers repères et quelques sources documentaires autours des mots clés relatifs au racisme. Le sens mais aussi, si nécessaire l'histoire et l'usage de ces mots sont précisés ainsi que les mécanismes qui permettent de comprendre, par exemple, comment s'élabore et fonctionne un stéréotype. L'objectif est de transformer ce texte en rubrique actualisée et complétée afin qu'elle devienne un document de référence utile à tout intervenant scolaire ou autre sur les thématiques antiracistes.


Les stéréotypes
Définition:A partir de nombreuses propositions de définition, nous retiendrons celle qui définit le stéréotype comme: une croyance concernant les caractéristiques, attributs ou comportements d'autrui comme membre de certains groupes auxquels nous n'appartenons pas.
Pourquoi se forge-t-on des stéréotypes ? Selon une approche psychologique, le stéréotype résulte de notre incapacité à retenir et interpréter toutes les données de notre environnement qui sont pourtant nécessaires à notre orientation ou adaptation à celui-ci. Le stéréotype permet donc de s'orienter et de s'adapter face à la masse d'informations qui nous submerge à chaque instant en les organisant par catégories opérationnelles. - Exemple: Se retrouvant dans un lieu public pour un rendez-vous à une heure précise et constatant qu'elle est sans montre, une personne choisit de s'adresser, de préférence à une vieille dame qui lui semble avenante plutôt qu'un jeune skinhead qui lui paraît agressif.
Comment se forge un stéréotype ? Deux mécanismes principaux contribuent à l'élaboration d'un stéréotype:
> La simplification : on sélectionne quelques données jugées pertinentes dans la masse des informations disponibles. > L'exagération : les données sélectionnées sont accentuées au regard de leur poids réel.
Exemple: des photos d'étudiantes sont montrées, aux Etats-Unis, à un public test auquel il est demandé d'indiquer quels traits de personnalité caractérisent ces jeunes filles. Les commentaires varient alors selon la sensibilité de chacun aux photos. Deux mois plus tard, les mêmes photos mais accompagnées de noms typés d'origine juive, italienne ou irlandaise sont présentées au même public. Les commentaires varient, alors, selon les stéréotypes relatifs aux nationalités stipulées par les photos. Affublé d'un nom " juif ", la même personne devient moins "belle" mais plus "ambitieuse et intelligente" alors qu'accompagnée d'un nom " italien ", la personne devient moins "intelligente" mais plus "débrouillarde". Un seul élément d'information, l'origine nationale, devient primordial pour caractériser toute la personne.









Fonctions psychologiques et sociales du stéréotype Pour l'essentiel, retenons que le stéréotype peut servir à:
> organiser l'environnement : (voir ci-dessus: point 2) > protéger une conception du monde (exemple: défense de notre idéologie individualiste en décrivant un groupe social comme grégaire et indifférencié) > expliquer subjectivement ou arbitrairement la complexité du réel. (exemple: les immigrés sont responsables du chômage) > justifier des comportements positifs ou négatifs (exemple: diabolisation du juif par les nazis qui finissent par mettre en oeuvre le génocide) > Valoriser son groupe par différenciation, ce qui explique pourquoi la majorité des stéréotypes sont péjoratifs (exemple: les Américains sont dépeints comme " incultes" ou "grossiers" par des Européens qui se différencient ainsi positivement sur les dimensions "culture et politesse")
Le stéréotype ne résulte pas seulement d'une technique de catégorisation simplifiée d'une réalité complexe mais répond aussi à notre culture d'appartenance et à nos attentes subjectives. Nous sélectionnerons sur autrui les informations et données pertinentes en fonction de nos attentes et objectifs ou des conditions dans lesquelles se déroule de notre interaction avec l'autre.
Exemple : en contexte de guerre, face à un soldat porteur de l'uniforme nazi, le soldat américain vérifie s'il est armé et en position offensive pour réagir sans s'intéresser au fait que l'adversaire ait par exemple fait des études de chimie, qu'il aime Mozart et apprécie les vins bavarois.

Conclusion
Les stéréotypes - bien qu'ils ne rendent pas compte des nuances et de la complexité du réel - s'avèrent utiles et opérationnels dans des contextes précis. Sachant que mon invité est, par exemple, musulman, je ne lui imposerai pas de la viande de porc au repas. La généralisation des stéréotypes est cependant source d'erreurs et de dérives néfastes. L'ouverture d'esprit et la vérification concrète (en distinguant par exemple les faits de nos opinions à leur égard) permettent l'usage du stéréotype sans se laisser abuser par eux. Bref, le stéréotype étant une croyance, il s'agit, quand on en use, de savoir que l'on croit et non de croire que l'on sait.
Si le stéréotype relève de la croyance, le préjugé reflète, lui, une évaluation d'autrui comme membre d'un groupe jugé négativement ou positivement. A ce titre, nous pouvons distinguer les préjugés favorables ou défavorables en fonction de nos croyances, de nos attentes ou de nos valeurs.
Exemple: si quelqu'un adhère au stéréotype du juif comme être " intelligent" (vu son appartenance à une communauté perçue globalement comme "intelligente" ) cela peut conduire soit vers un préjugé favorable soit vers un préjugé défavorable. Le préjugé sera favorable si pour cette personne l'intelligence est perçue comme quelque chose de positif. Le préjugé sera défavorable si l'intelligence est connotée négativement comme ruse, capacité à manipuler, tricher,...
Les discriminations Nous retenons comme définition de la discrimination tout comportement qui refuse à des individus l'égalité de traitement à laquelle ils aspirent ou ont droit. Bien que le lien entre stéréotype (croyance), préjugé (jugement) et discrimination (comportement) soit observable, un préjugé négatif peut être exprimé formellement sans pour autant se traduire par un comportement concret de discrimination: un hôtelier peut, par exemple, se déclarer raciste lors d'un sondage (anonyme) d'opinion et traiter sans discrimination sa clientèle de couleur. Cette apparente contradiction peut s'expliquer si l'on tient compte du fait que les préjugés et discriminations sont exprimés dans des contextes différents, l'un abstrait, l'autre concret avec des conséquences précises que l'on peut souhaiter éviter: conflit, perte de clientèle, sanction judiciaire,... Selon d'autres auteurs, l'expression même d'un préjugé relève déjà d'un comportement, d'un acte de langage discriminatoire. Ils se réfèrent aux études sur la communication qui ont démontré que le langage sert, bien sûr, à décrire la réalité mais aussi à la construire. Exprimer un stéréotype contribue donc aussi à créer une réalité sociale précise (ex. les "jeunes" d'aujourd'hui...). Au-delà de cette distinction entre expression d'un préjugé et comportement discriminatoire, relevons que, dans les faits, un préjugé négatif sans même qu'il se traduise par un comportement discriminant peut conduire à une discrimination. Cela a, par exemple, été observé chez des examinateurs face aux premières candidates pilotes d'avions de ligne. Partageant un préjugé soit hostile soit incrédule devant "la prétention" des candidates à pratiquer ce métier traditionnellement masculin, les examinateurs se sont implicitement comportés de façon négative ce qui a eu pour effet d'augmenter l'anxiété des candidates et de réduire leurs performances à l'examen. Il ressort de ce constat qu'une personne peut provoquer ce qu'elle souhaite, craint ou pense indépendamment de son attitude ou comportement conscients et quelle que soit l'intention de son interlocuteur.
Il importe de rappeler que la discrimination n’est pas en soi illégale. Il existe dans notre législation de nombreuses distinctions entre Belges et non Belges. En matière de droits politiques, par exemple, l’exercice du droit de vote est strictement réservé aux Belges et aux ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne.

Ce type de discriminations est établi par la loi et ne peut être combattue sur le plan de leur légalité. Elles peuvent par contre être remises en cause sur le plan de leur légitimité.

S’agissant de la discrimination à l’embauche, par contre, nous sommes face à une discrimination non seulement illégitime mais illégale sanctionnée par la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie.



Le cas du racisme
Historique: L'ethnologie et l'histoire montrent que le stéréotype et surtout le préjugé racial ne sont ni universels ni d'origine lointaine. Il ne faut pas, en effet, confondre orgueil de groupe (chauvinisme) et racisme. Dans le premier cas la distinction et le sentiment de supériorité s'opèrent sur base de motifs culturels ou d'intérêts économiques et sociaux qui ne sont pas définitifs, tandis que dans le second cas c'est une prétendue différence de race qui motive la distinction. Chez les grecs de l'antiquité par exemple, l'étranger était qualifié de " barbare " parce qu'il ne parlait pas la même langue. (barbare d'où dérive aussi le mot "berbère" signifiant qui parle une langue incompréhensible). De même au Moyen-Age, les juifs sont-ils discriminés sur base de leur confession religieuse et non sur base raciale. Apprendre la langue dans le premier cas ou se convertir dans le second cas pouvait faire cesser la discrimination. Les premières expressions du racisme biologique apparaissent au 18è et 19ème siècle dans la foulée de l'esclavage et la traite des noirs. L'antisémitisme à caractère racial se développera vers la fin du 19ème siècle en réaction à l'émancipation sociale et au développement économique des juifs. Le lien entre l'apparition du racisme doctrinaire et l'expansion coloniale d'une part ou la volonté de ségrégation sociale des juifs d'autre part est manifeste : le racisme idéologique vise pour l'essentiel à justifier une exploitation ou des privilèges. Les racines économiques et sociales du préjugé de race apparaissent clairement chez le premier doctrinaire important du racisme, le comte de Gobineau qui, en 1854 publie son " Essai sur l'inégalité des races humaines " avec l'objectif avoué de défendre l'aristocratie (sang bleu) menacée dans ses privilèges par les démocrates.
Prétentions scientifiques du racisme Cherchant à fonder le racisme sur la science, les doctrinaires du racisme ont résumé, jusqu'au XXème siècle, leurs arguments dans les trois énoncés suivants :
> il existerait des races pures > ces races seraient supérieures biologiquement mais aussi culturellement et moralement > ces supériorités légitimeraient leur domination et leurs privilèges.
Il est facile aujourd'hui de démontrer l'inconsistance du premier étage de cet échafaudage et d'invalider ainsi l'ensemble du pseudo-raisonnement. Vu l'incessant brassage des groupes humains, il est impossible de prouver la coïncidence entre un groupe social spécifique et un patrimoine génétique défini. Impossible donc de tracer des frontières " génétiques " précises dans l'espèce humaine tant les échanges migratoires ont été intenses et les isolements éphémères. Sur les 100.000 gènes qui nous caractérisent, six à huit seulement commandent la couleur de la peau sans compter sur l'indéfinissable partage entre l'inné et l'acquis (éducation) pour définir un individu. Nier l'existence des races et la pertinence de cette notion au niveau scientifique n'implique pas d'ignorer les différences biologiques et culturelles entre individus ou populations. Ce n'est pas être raciste que de constater, par exemple que, disons, les Suédois présentent souvent un certain nombre de caractères héréditaire communs qui les distinguent, au moins superficiellement des Japonais ou des pygmées La distinction entre groupes spécifiques n'exclut cependant pas la parenté globale de l'espèce comme le démontre, entre autres, la fécondité potentielle entre tous les humains. Le racisme, lui, fait dépendre la valeur des individus du groupe biologique ou prétendu tel, auquel ils appartiennent. Le racisme apparaît donc comme une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale, selon l'expression du philosophe Comte-Sponville.
Définition du racisme Parmi les nombreuses définitions possibles du racisme, nous retiendrons celle d'Albert Memmi comme outil pratique de repérage des pratiques racistes et de leurs motivations :
I. Définition du racisme Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier ses privilèges ou son agression. II. Analyse de l'attitude raciste L'analyse de l'attitude raciste y révèle quatre éléments importants :
1. Insister sur des différences, réelles ou imaginaires entre le raciste et sa victime. 2. Valoriser ces différences, au profit du raciste, et au détriment de sa victime. 3. S'efforcer de les porter à l'absolu, en les généralisant et en les affirmant définitives. 4. Légitimer une agression, ou un privilège, effectifs ou éventuels.
III. Commentaire Le terme de racisme est évidemment inadéquat pour un mécanisme aussi général. Il est trop étroit, comme antisémitisme est, au contraire, trop large. A strictement parler, il signifierait une théorie de la différence biologique. Les nazis, après les idéologues de la traite des Noirs et de la colonisation, y ont inclus une hiérarchisation politique, morale et culturelle des groupes humains d'après leurs différences biologiques.
> Un mécanisme général En fait, l'accusation raciste s'appuie tantôt sur une différence biologique, tantôt sur une différence culturelle. Tantôt elle par de la biologie, tantôt de la culture, pour généraliser ensuite à l'ensemble de la personnalité, de la vie et du groupe de l'accusé. Quelquefois, le trait biologique est hésitant ou même absent. En somme, nous nous trouvons devant un mécanisme infiniment plus varié, plus complexe, et malheureusement plus courant que peut le laisser croire le terme strict de racisme. Il faudrait songer à la remplacer par un autre mot ou une locution, qui exprimerait à la fois la variété et la parenté des démarches racistes. > L'insistance sur une différence La démarche raciste se présente d'abord comme l'insistance sur une différence entre l'accusateur et sa victime. Révéler un trait différentiel entre deux individus ou deux groupes, n'est cependant pas, à elle seule, une attitude raciste. Après tout, c'est l'une des démarches de tout savant en sciences humaines. L'affirmation de la différence prend une signification particulière dans le contexte raciste : en insistant sur la différence, le raciste veut augmenter ou créer l'exclusion, la séparation de la victime hors de la collectivité ou de l'humanité. Le racisme du colonisateur veut démontrer l'impossibilité d'inclure le colonisé dans une cité commune : parce qu'il serait trop différent biologiquement, culturellement; parce qu'il serait incapable techniquement, politiquement, etc. Le racisme antisémite, en peignant le Juif comme un être radicalement étranger et étrange, s'efforce d'expliquer l'isolement, la mise en quarantaine du Juif. L'utilisation de la différence est nécessaire dans la démarche raciste : mais ce n'est pas la différence qui appelle toujours le racisme, c'est le racisme qui utilise la différence. En ce sens c'est bien le racisme qui historiquement à élaboré les races et non les prétendues races qui ont mené au racisme. > La différence est réelle ou imaginaire La preuve ? Si la différence manque, le raciste l'invente; si la différence existe, il l'interprète à son profit. Il n'insiste que sur les différences utilisables dans son argumentation. En bref, la différence est réelle ou imaginaire importante ou minime en soi. Remarque importante, cependant : contrairement à l'opinion courante, de l'antiraciste sentimental, la différence proposée par le raciste n'est pas toujours imaginaire ni ne relève du pur délire ou mensonge malveillant. Le raciste peut s'appuyer sur un trait réel, biologique, psychologique, culturel ou social : la couleur de la peau chez le Noir ou la solide tradition juive. Le raciste peut certes inventer une différence, s'il en a besoin dans son argumentation, mais la démarche raciste ne se borne pas davantage à cette imagination de traits différentiels, plus ou moins fantaisistes, ni dans un simple constat de différences, effectives quelquefois : elle contient toujours une interprétation de ces différences, une valorisation. Disons en bref que la différence est valorisée au détriment de l'accusé et au profit de l'accusateur. > La différence est valorisée La valorisation de la différence est, assurément, l'un des noeuds de la démarche raciste. Cette valorisation contient, explicitement ou implicitement, un double mouvement : elle tend à prouver l'infériorité de la victime et la supériorité du raciste. Mieux, elle prouve l'une par l'autre : l'infériorité de la race noire signifie automatiquement la supériorité de la race blanche. L'infériorité du colonisé démontre d'une manière éclatante la supériorité du colonisateur. La valorisation est, en somme, à la fois négative et positive; elle affirme du même coup la négativité de la victime et la positivité de l'accusateur. On comprend par suite:
1. Que toute différence, qui sépare la victime de son accusateur, risque d'être suspecte et condamnable. Puisque la démonstration raciste commence avec cette valorisation négative; puisque toute différence réelle ou supposée, se transforme, par un simple changement de signe, en mérite de l'accusateur, en une valorisation positive au profit de l'accusateur. Dans un univers raciste, la différence est mauvaise (celle, bien entendu, qui caractérise la victime par rapport à l'accusateur, posé comme point de repère : ce n'est pas la couleur blanche qui différencie le Blanc du Noir, c'est la couleur noire qui différencie catastrophiquement le Noir du Blanc); 2. Que le raciste va tendre de toutes ses forces à augmenter la distance entre les signes, à maximaliser la différence. En effet : plus il enfonce sa victime, plus il se grandit ; plus il valorise la différence au détriment de sa victime, plus il la valorise à son profit.
Voilà pourquoi une simple différence, biologique ou culturelle, réelle quelquefois, entraîne à sa suite une foule de significations : la biologie du Juif devient en outre laide, malsaine. Encore un pas, et elle devient grosse d'une psychologie particulière, malfaisante, puis d'un être métaphysique, etc. Nous passons de la biologie à la morale, de la morale à la politique, de la politique à la métaphysique. A partir de cette valorisation, on découvre clairement la cohérence des conséquences : il faut donc que cette différence, nocive et infamante, qui accable la victime et avantage son accusateur, devienne absolue. Si l'accusateur veut fonder radicalement sa supériorité, il faut que la différence devienne radicale.
> La différence est généralisée La démarche raciste comporte ainsi un effort de généralisation, de totalisation : de fil en aiguille, c'est toute la personnalité de la victime, qui est ainsi caractérisée; ce sont tous les membres de son groupe social qui tombent sous le coup de l'accusation.
1. On comprend mieux, dans cette perspective, le succès du racisme biologique : il s'y insère particulièrement bien. La différence désastreuse trouve une espèce de substrat : elle est inscrite dans la chair et dans le sang, dans les gènes de la victime. Elle se transforme en destin, en fatalité héréditaire. Dorénavant, et pour toujours, l'être même de la victime en est atteint. Donc, toutes les manifestations de cet être : le corps, l'âme et la conduite. Il est rare qu'un racisme biologique n'entraîne pas un racisme psychologique et un racisme cultuel (ce que l'on pourrait appeler d'ailleurs un ethnisme plutôt qu'un racisme). 2. Si la différence atteint si profondément tout l'être de la victime, elle doit atteindre également tous les siens, qui participent du même être. Il ne s'agit pas ici exactement d'une généralisation d'ailleurs : la relation entre le trait individuel et le trait collectif est en quelque sorte dialectique. Chaque défaut, réel ou supposé, de l'accusé, est étendu à tous ses semblables; mais l'accusé est condamné au nom d'un défaut collectif, sous-entendu. L'antisémite part de l'avidité d'un tel Juif pour conclure que tous les Juifs sont avides; ou décide que l'on ne peut faire confiance à aucun Juif en particulier, parce que tous les Juifs sont avides. De même pour la fameuse paresse du Colonisé. Cependant, à quelque niveau qu'il intervienne, on trouve dans le racisme cet élément collectif, qui est évidemment l'un des meilleurs moyens de totalisation: aucun Juif, aucun Colonisé, aucun Noir ne devraient pouvoir échapper à ce déterminisme social
> La différence est définitive On comprendra que le même mouvement soit également étendu dans le temps : dans le passé et dans l'avenir : le Juif a toujours été avide, le Noir a toujours été inférieur; conclusion : ils le seront toujours, pas d'espoir de changement, pas de salut à attendre. le Globalisation, totalisation, généralisation sociale et généralisation temporelle convergent vers le même but : à la limite, on aboutirait à une substantification de la différence, puis de la figure de la victime : il existerait ainsi une espèce de Colonisé absolu. Figures négatives, bien entendu ; définitivement et absolument négatives. On sait comment le Juif a fini par devenir l'une des incarnations du diable au Moyen Age, comment il redevient l'ennemi radical et antitéthique des Allemands nazis; le Noir devient l'une des catégories inférieures de l'espèce humaine. A la limite, en bref, le racisme tend vers le mythe. Voilà où la construction décolle du réel, auquel elle a pu s'alimenter un moment, pour suivre sa propre cohérence. Sur cet itinéraire qui va de la simple accusation au mythe, prennent place les différentes étapes dans la dévalorisation de la victime. En gros, il s'agit d'une déshumanisation progressive. Le raciste caractérise sa victime par une série de traits surprenants : elle serait incompréhensible, opaque, mystérieuse, étrange, inquiétante, etc. Lentement, il en fait une espèce d'animal ou de chose, ou plus simplement encore un symbole. Au terme de cet effort d'exclusion de toute communauté humaine, la victime est définitivement rivée dans son destin de malheur, de dérision et de culpabilité. Et, définitivement, par contrecoup, l'accusateur est assuré de garder son rôle de justicier légitime. > La justification de l'accusateur En somme, si le racisme tend vers un mythe, ce mythe renvoie au raciste. Les motivations de la démarche raciste se trouvent dans le raciste lui-même. Une analyse, même superficielle, les fait aisément découvrir, que ce soit dans l'agression individuelle ou dans l'agression collective. Je ne reviendrai pas sur les analyses maintenant classiques du phénomène du bouc émissaire ou de l'étranger-corrupteur de l'âme nationale. On sait comment un groupe humain, pour se débarrasser de diverses culpabilités, les projette sur un objet, un animal, un homme ou un autre groupe, qu'il accuse et punit à sa place. Je n'insisterai pas, non plus, sur le racisme-alibi, en vue d'une agression individuelle. La concurrence économique, la rivalité de prestige entre intellectuels ou artistes, peuvent appeler le racisme : c'est-à-dire la justification à priori de toutes les difficultés de l'accusateur et de sa conduite à l'égard de son adversaire. D'une manière moins sordide, il existe même une motivation proprement individuelle, mal étudiée encore. Un certain dépaysement devant le différent, l'anxiété qui en découle, l'agression comme moyen spontané de réduire cette anxiété, tout cela se trouve chez les enfants et probablement chez un grand nombre d'adultes.. Le différent, l'étranger, peut être senti comme un facteur de trouble, donc de scandale : de là à essayer de la faire disparaître. La réaction est primaire, quasi animale, mais elle est certainement plus profonde qu'on ne l'avoue. Et il faudra bien l'étudier, plus sérieusement et non l'éluder par un moralisme optimiste. Dans tous les cas, le mécanisme reste le même : une caractérisation, vraie ou fausse, de la victime, tente d'expliquer, de justifier l'attitude et la conduite à son égard de l'accusateur lui-même. > La légitimation de l'injustice Quelles sont donc cette attitude et cette conduite, qui ont besoin d'être justifiées ? Pourquoi l'accusateur se croit-il obligé d'accuser pour se légitimer ? C'est parce qu'il se sent coupable à l'égard de sa victime. C'est parce qu'il pense que sa conduite et son attitude sont essentiellement injustes et dolosives envers sa victime. Car il faut ici renverser l'argumentation du raciste, il la déclare coupable parce qu'elle est déjà punie. Au mieux, parce qu'il s'apprête à la punir. La preuve ? En fait, la sanction a déjà presque toujours été appliquée. La victime du racisme vit déjà dans l'opprobre et l'oppression. Le raciste ne dirige pas son accusation contre des puissants, mais toujours contre des vaincus. Le Juif est déjà exclu; le Colonisé est déjà Colonisé. C'est pour justifier cette sanction, ce malheur, que le raisonnement est institué : il permet d'expliquer, de légitimer le numerus clausus et l'exploitation coloniale. J'ajoute que, très souvent, cette injustice, la vie précaire de la victime échappent à la volonté même de chaque individu. Le racisme est la contrepartie objective de la situation objective de la victime. En quelque sorte : si la femme souffre, c'est qu'elle méritait de souffrir, si le Noir est esclave, c'est qu'il a été maudit. L'individu peut être tenté par le raisonnement collectif, qui appartient aux valeurs de son milieu, qui lui ôte le poids de son éventuelle responsabilité. Il n'y a plus de scandale, puisque tout le monde le tolère et l'approuve. > Racisme et oppression Voilà pourquoi le racisme accompagne pratiquement toutes les oppressions : le racisme est l'une des meilleurs justifications, l'un des meilleurs symboles de l'oppression. Je l'ai retrouvé dans la relation coloniale, dans l'antisémitisme, dans l'oppression du Noir; il en existe des formes plus ou moins explicites dans la condition prolétarienne, la condition domestique, etc... Bien entendu, il se nuance, s'explicite différemment suivant ses divers contextes sociaux et historiques, suivant ces diverses oppressions. Ce dénominateur commun ne doit nullement dispenser de chercher dans chaque cas la spécificité de chaque contexte. Au contraire, je l'ai assez montré, l'accusation raciste, relativement monotone et banale dans sa démarche, doit suggérer autre chose : ce contexte précisément, cette oppression spécifique, qui est la cause réelle de l'alibi raciste : le Noir est caractérisé comme un incapable congénital afin que l'on puisse le maintenir en esclavage économique; le Colonisé comme un inapte technique définitif, afin que la colonisation puisse durer; le prolétaire comme politiquement et socialement infantile, afin que la domination des classes possédantes reste incontestée. Et, pour finir avec chaque racisme particulier, il faudra bien en venir à s'attaquer à la colonisation ou à la structure sociale et politique de nos sociétés. Cela dit, il reste que nous découvrons un mécanisme fondamental, commun à toutes les réactions racistes : il faut légitimer l'injustice d'un oppresseur à l'égard d'un opprimé : une agression, permanente ou que l'on se prépare à commettre. Et le privilège n'est-il pas l'une des agressions permanentes, infligées à un homme ou un groupe dominé par un homme ou un groupe dominateur ? Comment excuser un tel désordre, si avantageux par ailleurs, sinon en accablant la victime ? Par-delà ses masques, le racisme est une auto-absolution du raciste.


Evolution actuelle du discours raciste Au racisme historique à fondement " biologique " s'est substitué, aujourd'hui, un racisme plus subtil fondé sur :
> le différentialisme: => exemple : les Noirs ne sont pas inférieurs mais intrinsèquement différents et à ce titre " inassimilables " (justification historique de l'apartheid en Afrique du Sud qui prônait " le développement séparé (apartheid) ". ou > le culturalisme: l'autre n'est plus réduit à sa différence biologique mais culturelle comme si cette dernière n'était pas susceptible de modifications, influences, métissages.






















L'islamophobie
Islamophobie : haine, rejet d'un islam réduit à une essence maléfique alors que l'islam est de fait pluriel tant au niveau social, géographique, historique que culturel. Cette haine est alimentée par des préjugés et des stéréotypes négatifs qui, le plus souvent, pratiquent l'amalgame entre : "islam, arabe, musulman, islamiste, terroriste, intégriste" mais aussi entre culture et religion. L'étymologie du mot peut prêter à confusion, "phobie" émanant du grec "phobos" qui signifie peur, effroi. L'islamophobie traduirait à ce titre une réaction de peur devant une menace perçue à tort ou à raison comme objective. En réalité, cette phobie relève bien d'une pathologie sociale comme l'agoraphobie est une pathologie individuelle. Autant un individu tente de maîtriser ce mal dont il est le premier à souffrir autant une société se doit d'intervenir contre cette déviance qui agresse une partie de ses membres et mine les fondements d'une vie commune. Il importe aussi de distinguer l'islam qui comme toute religion mérite respect - un respect qui dans une perspective démocratique, ouverte et laïque n'exclut ni le dialogue ni la critique- de l'islamisme qui instrumentalise le religieux à des fins politiques, idéologiques ou personnelles. Autant donc la critique de l'islam dans le cadre légal du respect est un droit autant combattre l'islamisme dans ses visées terroristes relève d'un devoir. L'amalgame entre islam et islamisme, musulman et islamiste relève à ce titre d'une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale, voire d'une incitation à la haine punissable par la loi. Le libelle d'Oriana Fallaci "La rage et l'orgueil" Plon, 2002 constitue à la foi le symptôme et un ferment de l'islamophobie contemporairne. Il mérite donc, à ce seul titre, une analyse conséquente.

INCLUDEPICTURE \d "../pictures/fleche_petite-verte.gif"Présentation Le livre d'Oriana Fallaci se présente comme un cri. Un cri de douleur et de rage suite à l'attentat du 11 septembre et aux réactions qu'il a suscitées . Pour l'auteur : cet attentat n'est qu'un épisode d'une " croisade à l'envers " menée par les " fils d'Allah " contre l'Occident " qui est pour eux un monde à conquérir. A châtier, soumettre à l'Islam ". La charge explosive du livre, son message principal peuvent être déclinés en quatre questions. 1. Qui sont les nouveaux " Croisés " ? Au sommet, " dans la partie visible de l'iceberg " (p.31), il y a bien sûr les terroristes islamistes, les Oussama Ben Laden soutenus par les monarchies pétrolières mais aussi par les imans qui " d'une manière où d'une autre sont les guides spirituels du terrorisme " (p.39) mais aussi par les mosquées " qui surtout en Italie […] grouillent jusqu'à la nausée de terroristes ou aspirants terroristes " (p.34), des terroristes dont " les plus aguerris sont précisément chez nous " (p.105 ). Mais au-delà de cette phalange extrémiste qui loin d'être minoritaire est constituée " de millions et de millions de fanatiques " qui " se multiplient comme les protozoaires d'une cellule qui se scinde pour devenir deux cellules puis quatre puis huit puis seize puis trente deux, à l'infini " (p.29), au -delà donc de ce sommet de l'iceberg, " le véritable protagoniste " de cette nouvelle guerre de religion, de cette Djihad prônée par l'Islam c'est, " la montagne submergée donc invisible " (p.30) soit, selon l'auteur, peu ou prou l'ensemble des " fils d'Allah " dont " la horde "ceux qui " envahissent " l'Europe sous couvert de " migration " (p147) et qui " se multiplie comme des rats " (p146). Ailleurs l'auteur semble se raviser de façon ambiguë, il s'agirait " d'une guerre voulue et déclarée par une frange de cette religion, peut-être (peut-être ?) " (p.91) mais le corps du texte, autant dans la lettre que dans l'esprit, insuffle sans conteste l'amalgame, la confusion entre islamistes radicaux, fidèles de l'Islam et immigrés. 2. Que veulent-ils ? La visée de ceux qui " au lieu de contribuer au progrès de l'humanité passent leur temps avec le derrière en l'air, à prier cinq fois par jour " (p.92) n'est pas tant territoriale ( quoique) que " la conquête de nos âmes, la disparition de notre liberté et de notre civilisation, l'anéantissement de notre façon de vivre et de mourir " (p.91). Il s'agit moins d'une guerre réservée aux militaires que d'une " collusion culturelle, intellectuelle, religieuse, morale, politique " (p.33). Et dans cette collusion, nos victoires militaires (contre le terrorisme) ne résoudront pas l'offensive de leur sinistre belligérance mais au contraire l'encourageront, l'exacerberont, l'envenimeront. La vérité, pour l'auteur, est que dans cette Djihad " le pire est encore à venir " (p.33). Et si dans sa volonté d'imposer l'Islam, la Djihad doit vaincre alors " elle détruira notre culture, notre art, notre science, notre morale, nos valeurs, nos plaisirs… " (p.91). 3. Quel est le rapport des forces sur le terrain ? Pour Oriana Fallaci : comme le démontre nos réactions à l'attentat du 11 septembre, notre aveuglement devant l'Islam et notre tolérance face à l'invasion musulmane, le fléau de la balance penche dramatiquement en notre défaveur. En fait, cette fameuse " la Croisade à l'envers est nourrie par la faiblesse de l'Occident ", par sa " timidité ", par son " bien-être ", par sa " non-clairvoyence ", par sa " technologie ", par nos " conforts ", nos " principes d'hospitalité ", nos " lois complaisantes ", notre " pacifisme ", notre " peur " (p.105). En face, les " Croisés ont désormais conquis leurs positions et les tiennent comme leurs ancêtres tenaient l'Espagne et le Portugal du IX è au XV ème siècle. Ils sont de plus en plus, ils seront de plus en plus, ils veulent de plus en plus, ils voudront de plus en plus, et ceux qui aujourd'hui vivent sur notre territoire ne peuvent être considérés que comme des pionniers. " (p.106). Par ailleurs : " il se trompe l'optimiste qui pense que la Guerre Sainte s'est achevée avec la défaite du régime Taliban " (p.32). D'abord parce qu'en Afghanistan même " les actuels vainqueurs prient Allah autant que les anciens vaincus " (p.32) et d'ailleurs " fraternisent avec eux " mais surtout parce que " parmi les dix-neuf kamikazes de New York et de Washington il n'y avait pas un seul Afghan " (p.32) et l'auteur de nous gratifier d'une leçon de géopolitique d'où il ressort qu'au sud de l'Afghanistan il y a le Pakistan. Au nord les Etats musulmans de l'ancienne Union soviétique. A l'ouest, l'Iran puis l'Irak puis la Syrie, puis le Liban, puis la Jordanie, puis l'Arabie Saoudite et de l'autre côté de la mer Rouge le Continent Africain avec tous ses pays musulmans. Et dans tous ces pays, " ses vieux et ses jeunes qui applaudissent à la Guerre Sainte " (pp.32-33). 4. Que faire ? Face à une telle marée, à un tel danger, l'auteur commence par payer de sa personne : " avec l'élan d'un soldat qui surgit de la tranchée et se lance contre l'ennemi, je me jetais sur la machine à écrire " (p.12) d'où ce livre, " un sermon " lancé comme une grenade, en toute conscience car : " je n'oublie jamais que les mots peuvent faire beaucoup de bien et beaucoup de mal. Ils peuvent guérir ou bien tuer " (p.23). Car il s'agit bien de tuer ou de mourir : " Guerre vous avez voulue, guerre vous voulez ? D'accord. En ce qui me concerne, que guerre soit. Jusqu'au dernier soupir " (p.42). Cet axe militaire de la " collusion " est bien sûr assumée contre les terroristes islamistes mais pour Oriana Fallaci tout " disciple du Coran " soit en recèle un (de fait ou potentiel) soit participe à " la Croisade à l'envers " notamment par " l'invasion " que constitue à ses yeux l'immigration (p.147). Une solidarité sans faille avec l'Amérique s'impose donc " sans bavardages ni pleurnicheries : une solidarité fondée sur la chasse aux terroristes et sur l'alliance militaire " (p.97). Au niveau personnel, à défaut d'armes, la technique du " coup de pied aux testicules (désormais seule arme donc dispose une femme pour exercer ses droits de citoyenne) " (p.142) est citée comme moyen de riposte " habituel " de l'auteur. Quant à nous, " les braves gens ", il importe de nous " réveiller, de nous lever ", de vouloir enfin " comprendre " que nous devons nous mobiliser contre une " Croisade à l'envers " (p. 142). Il nous faut " ouvrir les yeux " sur " une réalité qui existe depuis mille quatre cents ans " dont " Oussama Ben Laden et les Talibans (je me lasserai jamais de le répéter) ne sont que la manifestation la plus récente " (p.134). Cessons de nous laisser intimider par ce " terrorisme intellectuel ", cette mode du " politically correct " qui " exploite le terme de 'racisme' " (p.188) contre toute contestation des " Croisés de l'Islam ". L'heure est donc à la vigilance, à la défense (p.153) de " nos valeurs ", de " nos patries " de " notre civilisation " et " nos modes de vie " car " chez nous, il n'y a pas de place " pour leur religion et ses mœurs et même " s'il y avait de la place, je ne la leur donnerais pas " (p.153). Conclusion : " négocier avec eux est impossible. Raisonner impensable. Les traiter avec indulgence ou tolérance ou bien espoir, un suicide. Et quiconque croit le contraire est un pauvre con [sic]" (p.106). Le livre ne se réduit pas, bien sûr, à ces quatre questions. Vous y trouverez aussi des digressions instructives, des confidences touchantes ou des témoignages passionnants ainsi qu'une rafale d'invectives qui n'épargnent personne hormis ses parents, les pères fondateurs de l'Amérique et le Dalaï Lama. Mais ces questions en constituent bien l'armature centrale, le message litigieux, la charge explosive dont l'onde de choc se propage chaque jour un peu plus. INCLUDEPICTURE \d "../pictures/fleche_petite-verte.gif"Argumentaire Oriana Fallaci abhorre l'Islam. C'est son droit. Elle dénonce la terreur des islamistes radicaux. Ce devrait être le devoir de tout démocrate. Elle réduit l'Islam à ses intégristes et les musulmans aux fans de Ben Laden . Il s'agit-là d'une erreur intellectuelle doublée d'une faute morale. Elle " prêche " l'offensive contre les " disciples du Coran " qui " envahissent l'Europe " et clame son " envie de tuer " Oussama Ben Laden (p.105) soulignant que : " les Oussama Ben Laden […] sont partout, et les plus aguerris sont précisément chez nous " (p.105). Propos parmi d'autres qui relèvent manifestement de l'incitation à la haine et à la violence. [et tombent, à ce titre, sous le coup de la loi.] Le style autant que le fond et la portée des propos d'Oriana Fallaci n'appellent pas de réponse mais une réplique, une réplique sous forme de questions adressées, aussi, aux lecteurs interpellés, choqués, réceptifs ou insultés par cet écrit. Tout dans ce livre est-il mensonger, faux, calomnieux ou stupide ? Non bien sûr, il contient aussi comme souligné dans la présentation des digressions instructives sur l'Amérique, des confidences touchantes sur l'enfance de l'auteur ou le courage de ses parents ainsi que des témoignages bouleversants sur les exactions des islamistes ou passionnants sur les rencontres de la journaliste avec des chefs d'Etats. Mais ces pépites sont noyées, emportées par un flot d'invectives, d'amalgames, de cris de haine esthétisée qui bloque par avance toute écoute. L'auteur qui nous somme de nous éveiller, de réfléchir nous assomme en fait sous le choc de ses mots et l'impact de ses formules outrancières. Raciste, Oriana Fallaci ? Elle s'en défend vigoureusement dénonçant par avance l'usage abusif cette étiquette par les tenants d'un terrorisme intellectuel à la mode. Comment pourrions-nous l'insulter de raciste " puisque ce je dis regarde une religion, pas une race " (p.90) ? Notons cependant l'ambiguïté de son expression favorite " fils d'Allah " pour désigner les musulmans qui à défaut d'une prétendue race se voient assignés à une ascendance commune fut-elle divine. Soulignons par ailleurs les glissements fréquents entre les vocables " islamistes ", " Croisés de l'Islam ", " musulman " et " arabe " ainsi que cet " avis " de l'auteur à propos " des hommes arabes dans les quels il doit y avoir quelque chose qui dégoûte les femmes de bon goût " (p.188). Rappelons enfin cette expression de sinistre mémoire utilisée jadis contre les " fils de Moïse " et à présent par Oriana Fallaci contre les " Fils d'Allah " qui " se multiplient comme des rats "(p.146). Un tel libelle mérite-t-il discussion, ouvre-t-il un débat salutaire, lève-t-il un prétendu tabou sur l'Islam, relève-t-il de la liberté d'opinion ? Non quatre fois non, hélas. Que pèse l'argument contre l'insulte ? Que vaut un débat où l'interlocutrice récuse " comme pauvre con (sic) p.106 " qui ne pense pas comme elle ? Il existe, par ailleurs des bibliothèques de livres discutant de l'Islam dont nombre de critiques écrits par des musulmans eux-mêmes et d'autres dénonçant l'islamisme radical dont les premières et principales victimes sont des musulmans ( plus de 130.000 victimes en Algérie). Oriana Fallaci loin donner de " mauvaises réponses " à de " bonnes questions " empoisonne et les questions et les réponses, selon l'expression de Jean Daniel. Loin de combattre l'intégrisme, l'auteur l'avive en pratiquant l'amalgame qui insulte dans un même opprobre les terroristes et tout musulman chez nous, les pratiquants d'un Islam ouvert et respectueux de la démocratie. Quant à invoquer la liberté d'expression, rappelons que l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que son exercice comporte des devoirs et des responsabilités et peut donc être soumis à des restrictions relatives à la protection de la réputation ou des droits d'autrui. Bref l'opuscule islamophobe d'Oriana Fallaci à l'instar des écrits antisémites ou négationistes mérite moins réponse que réplique, débat que combat , tribunes que tribunal. Quand un agresseur au nom de la supériorité de sa civilisation désigne une victime, le civilisé regarde le doigt ! Faut-il pour autant interdire la publication du livre ou de nouvelles traductions ? Outre qu'il connaît un succès foudroyant en Italie, le pamphlet après avoir été refusé par plusieurs grands éditeurs est vendu en France depuis fin mai dernier. Dans un tel contexte toute mesure d'interdiction serait aussi néfaste qu'inutile. Quant au principe, la censure d'un livre n'éradique pas le mal dont il est à la fois un ferment mais aussi un symptôme. La tentation serait forte de l'ignorer et de laisser les intégristes de tout bord polémiquer entre eux sans se laisser prendre en otage par leurs hystéries " croisées " mais dans l'actuel climat de crispations identitaires, ce livre qui attise les antagonismes exige réplique et combat puisque tout débat est d'avance refusé. Le passé prestigieux de la militante, la réputation mondiale de la journaliste, le talent reconnu de l'écrivain exonèrent-ils Oriana Fallaci de toute responsabilité civique ? Il y aurait du Céline, talent en plus ou en moins selon les commentateurs, dans ce livre. Le pire Céline celui de " Bagatelles pour un massacre " interdit de vente dans nos démocraties. La gloire d'un auteur et la force d'un style autorisent-ils d'enfreindre la loi ? L'infraction au code routier est-il fonction du statut du conducteur et de la puissance de la cylindrée ? Quand sur nos routes comme dans les livres il y a dépassements manifestes de vitesse ou des limites légales à la liberté d'expression, il y a infraction susceptible de sanction quelle que soit la notoriété du contrevenant. INCLUDEPICTURE \d "../pictures/fleche_petite-verte.gif"Que faire donc de ce brûlot outrageusement islamophobe ? Se taire lui concède le monopole de la parole, réagir accroît sa notoriété. Au-delà des ambiguïtés de l'action, il est cependant des moments où pour reprendre les termes d'Oriana Fallaci " se taire devient une faute et parler une obligation. Un devoir civil, un défi moral ". Parler oui mais non rabâcher une haine stylisée en cri car un cri qui s'écrit n'échappe pas à la responsabilité de ses propos. Et puisque l'écrivain se targue tant de " sa " civilisation occidentale estimée supérieure à toute autre qu'elle y puise au moins cette leçon des Lumières qui certes ont posé la critique de la religion comme condition de toute critique mais aussi prôné la connaissance, la nuance et l'argumentation comme condition de la critique. Reste à défendre Oriana Fallaci contre toue atteinte à sa personne sous prétexte de ses écrits sachant que les valeurs dont elle se réclame condamnent son livre.







LE STRÉRÉOTYPE DU RECLUS DANS LA RELATION  ENTRE PATIENTS ET PERSONNEL MÉDICAL. USAGE ETHNOLOGIQUE D’UN MATÉRIAU LITTÉRAIRE
 HYPERLINK "http://alor.univ-montp3.fr/cerce/r3/l.a.htm" \l "p.p.w" Patrick Peretti-Watel  HYPERLINK "http://alor.univ-montp3.fr/cerce/r3/l.a.htm" \l "c.t" Charlotte Thuillier
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Introduction
        Dans Asiles, Erving Goffman (1968) n’étudie pas seulement la condition sociale des malades mentaux. Il s’intéresse plus largement aux « institutions totalitaires », dont il dresse le portrait suivant : ce sont des organisations qui imposent aux individus en leur pouvoir une promiscuité totale et un traitement uniforme, qui abolissent les frontières habituelles entre les différents champs d’activité de l’existence (repos, loisir et travail) et les soumettent à des obligations strictes. Cette définition rapproche les hôpitaux psychiatriques, les casernes, les couvents, les navires de la marine marchande ou militaire, les prisons, voire les camps de concentration.
        L’institution totalitaire intéresse Goffman parce qu’elle parvient à modifier la personnalité des reclus, en les forçant à intérioriser l’image stéréotypée qu’elle a d’eux, dans un univers clos qui détruit toute référence identitaire[1]. C’est une situation extrême, quasi-expérimentale, qui illustre la puissance des stéréotypes sociaux. Pour faciliter leur travail, et sans doute aussi pour entretenir leur croyance en un « monde juste » (Lerner 1977), les membres du personnel de l’institution « étiquettent » les reclus dès leur arrivée : « Le personnel part en effet du principe que tout entrant est – du fait même de son entrée – une de ces personnes pour lesquelles l’institution a été spécifiquement créée. L’interné d’une prison politique ne peut être qu’un traître, dans une prison civile c’est obligatoirement un délinquant, dans un hôpital psychiatrique ce ne peut être qu’un malade : s’il n’était ni traître, ni délinquant, ni malade, pourquoi serait-il là ? » (Goffman 1968 : 132). Il est très difficile de se débarrasser de cette étiquette, et les reclus finissent souvent par croire (ou feindre de croire) qu’ils sont vraiment tels que le personnel pense qu’ils sont.
        Goffman montre que l’imposition de ce stéréotype du reclus facilite le travail du personnel. Dans le présent article, nous voudrions souligner l’importance de ce stéréotype dans la relation qui s’établit entre le patient et le personnel médical, d’abord dans le cas des hôpitaux psychiatriques, peu illustré dans Asiles, puis dans le cas d’une institution moins totalitaire (un hôpital traitant les cancers), pour suggérer que ce stéréotype qui sert les intérêts du personnel peut aussi servir ceux des patients. Comme Goffman mobilise très souvent des sources littéraires pour étayer son propos, en particulier dans Asiles, nous avons choisi de procéder de même, en mobilisant un matériau homogène (des œuvres de la littérature russe des deux derniers siècles), ce qui nous donnera l’occasion de discuter puis d’illustrer l’usage que peut faire l’ethnologue de documents littéraires.
 
Le recours à la littérature dans Asiles
        Goffman s’appuie d’abord sur ses trois années d’observation ethnographique dans un hôpital psychiatrique de Washington. Toutefois, en bon ethnologue, il ne fréquente pas seulement son terrain mais aussi les bibliothèques (cf. Tabani 2001). En effet, pour les autres types d’institutions totalitaires il s’appuie sur des matériaux ethnographiques, lorsqu’ils existent, et faute de mieux il se sert souvent de témoignages littéraires pour éclairer son propos, mobilisant au passage plusieurs auteurs prestigieux (Dostoïevski, Melville, Orwell)[2].
 
La littérature comme document illustratif
        Comment et pourquoi Goffman utilise-t-il ces sources littéraires pour étudier les interactions de la vie quotidienne au sein d’une institution totalitaire ? En fait, ces récits ne constituent pas le point de départ de son analyse, ils n’ont pas valeur de preuve, ils ne donnent pas de poids quantitatif à l’argument : ils l’illustrent seulement. Goffman ne fait pas l’exégèse des auteurs dont il se sert. L’usage qu’il fait de la littérature pose donc beaucoup moins de problèmes méthodologiques que celui qui consiste à tenter de débusquer une théorie sociologique dans un récit romanesque[3].
        D’ailleurs, si au XIXème siècle de nombreux romanciers (Balzac, Flaubert, Zola, etc.) ont fait d’une certaine façon œuvre de sociologie, du moins avant l’institutionnalisation de celle-ci (Lepenies 1990), Goffman ne s’intéresse guère à ces grandes fresques, mais plutôt à des expériences vécues, à des récits autobiographiques : déporté en Sibérie, Dostoïevski est resté plus de quatre ans au bagne ; Melville a dû malgré lui s’engager dans la marine, faisant cinq années durant l’expérience des conditions de vie à bord de trois baleiniers puis d’une frégate de guerre ; enfin Orwell a passé une grande partie de sa jeunesse dans un pensionnat de l’Angleterre victorienne.
        Si Goffman apprécie les exemples que lui fournit la littérature, c’est parce qu’il s’agit de témoignages in situ, de « récits de société » (Becker 1986) qui, comme l’ethnographie, saisissent les interactions humaines dans leur cadre réel : après tout, les grands écrivains ont sans doute un sens de l’observation, un « sens du social » ni forcé ni systématique (Dubois 1997), mais plus développé que celui des missionnaires et des explorateurs dont les récits de voyage ont nourri presque exclusivement les recherches des premiers anthropologues (qui n’ont jamais quitté l’Europe). Cette qualité d’observation du quotidien sur le terrain rapproche la littérature de l’éthologie, à laquelle Goffman se réfère souvent, en l’opposant aux expériences qui étudient les réactions de cobayes humains en laboratoire, qui le laissent très sceptique[4].
 
Un artifice rhétorique ?
        Si Goffman échappe aux critiques adressées par Florent Champy (2000) aux sociologues qui prétendent tirer une sociologie d’une œuvre littéraire, en revanche, en reprenant les analyses pénétrantes de Jean-Claude Passeron (1990 ; 1991 ; 1994) sur les rapports qu’entretiennent la sociologie et la littérature, on pourrait lui reprocher des artifices rhétoriques, des « effets de manche » : l’expressivité du matériau littéraire cité produit un « effet de réel », un « effet sociographique » qui confère une plus grande force de conviction à l’analyse du sociologue, alors même que l’objectivité et la représentativité du matériau utilisé ne sont pas garanties.
        Sur ce point, Goffman a du moins le mérite de jouer carte sur table, puisqu’il avoue volontiers l’absence de preuves quantitatives et représentatives dans ses recherches : « Je crois que le chercheur qui tente une large analyse pour rassembler les pièces et les morceaux de la vie sociale contemporaine doit nécessairement affirmer un grand nombre de choses sans avoir de preuves quantitatives solides. » (Goffman 1973 b : 15).
        Il décrit ensuite lui-même les « enceintes verbales » auxquels il a recours pour pallier cette absence de preuves : d’une part des marqueurs de fréquence (« souvent », « habituellement »…), d’autre part des marqueurs distributifs (« dans notre société », « dans le monde occidental »…), Il reconnaît les limites de ces artifices rhétoriques[5] (qui d’ailleurs n’en sont plus à partir du moment où il les révèle), mais estime que « l’observation naturaliste non systématique » tel qu’il la pratique n’est en rien inférieure aux approches fondées sur des expériences en laboratoire.
        Ajoutons que, dans le cas particulier d’Asiles, Goffman prend soin de présenter son étude de la façon la plus neutre possible, dans la mesure où il développe une analyse qui est en fait très critique à l’égard de ce qu’il a appelé les institutions totalitaires. Il utilise donc souvent des euphémismes, des circonvolutions de langage (par exemple, il baptise « exposition à la contamination » l’ensemble des humiliations et des brimades que subit le nouvel arrivant, cf. Becker, 1999). Le recours à des exemples littéraires, donc au moins partiellement fictifs, plutôt qu’à des exemples tirés de l’observation ethnographique in situ, constitue peut-être un moyen supplémentaire de désamorcer formellement son analyse critique.
        Dans la suite de cet article, nous nous appuierons sur une sélection arbitraire d’œuvres de la littérature russe pour tenter d’éclairer ou de compléter certains aspects des analyses développées par Goffman dans Asiles, étant entendu qu’à partir d’un tel matériau littéraire nous ne prétendons pas mener des analyses empiriques, mais plus modestement proposer des hypothèses illustrées.
 
Le stéréotype du malade dans les hôpitaux psychiatriques
        Concernant plus particulièrement le stéréotype du malade dans les hôpitaux psychiatriques, Goffman donne peu d’exemples. Il ne cite pas de référence littéraire, ni de témoignages écrits : les anciens prisonniers, pensionnaires ou marins semblent plus prolixes en mémoires que les anciens internés (en s’inspirant d’une remarque tirée d’Asiles, on pourrait suggérer que c’est peut-être dû en partie au fait que l’hôpital garde un contrôle sur l’interné même après sa sortie, toujours exposé à un « réinternement » en cas de rechute).
 
Un stéréotype qui enferme l’interné une seconde fois
        Selon Goffman, le personnel des hôpitaux psychiatriques enferme les internés dans un véritable cercle vicieux. En effet, le premier est persuadé que les seconds sont des malades mentaux, et toutes les réactions de ces derniers renforcent cette conviction, car elles sont comprises comme des symptômes révélateurs de leur pathologie[6] : « Tout ce qu’un malade est amené à faire peut s’interpréter comme un élément de son traitement ou la conséquence des mesures de surveillance qui lui sont appliquées ; tout ce qu’il fait de son propre chef peut s’interpréter comme un symptôme de dérangement mental ou, au contraire, d’amélioration » (Goffman 1968 : 261). Or pour l’auteur, c’est moins la maladie que les contingences de l’existence qui conduisent un individu à l’internement : la population internée est au départ très hétérogène et si, au final, tous les malades finissent par se ressembler, ce n’est pas à cause de la maladie mais du traitement qui leur est infligé, ce qui montre la redoutable efficacité du stéréotype arbitraire qui leur est imposé.
        La nouvelle La salle n°6 de Tchekov [1892] (1997) (médecin de formation, qui a aussi consacré une passionnante monographie au bagne de Sakhaline) propose un exemple extrême de cet arbitraire et de cette efficacité, puisqu’elle met en scène un psychiatre interné abusivement. Une fois qu’il a revêtu l’uniforme des malades, il perd toute autorité sur Nikita, le garde qui auparavant lui obéissait servilement : du jour au lendemain celui-ci ne l’écoute plus, car en tant que malade tout ce que l’ancien psychiatre lui dit n’est plus que le symptôme de sa confusion et de son excitation mentales, que Nikita calme avec le seul traitement qu’il connaisse[7].
        Le stéréotype du malade décrit celui-ci comme très instable, prompt à réagir par des agressions physiques ou verbales, des dégradations matérielles, ou au contraire à se réfugier dans un mutisme total. L’interné se trouve ainsi « roulé », car toute la palette des réactions habituelles dont dispose un individu pour marquer son désaccord ou prendre de la distance par rapport à autrui sont réinterprétées comme des symptômes : son internement physique est redoublé par un enfermement symbolique.
 
Un stéréotype qui contraint le reclus au mutisme
        Non seulement toute protestation véhémente est interprétée comme un symptôme, mais en outre cette interprétation est renforcée par une sorte de réaction en chaîne. L’individu que l’on refuse d’écouter passe de la violence verbale à la violence physique, ce symptôme d’une crise aiguë provoque son isolement, de sorte que la dégradation du matériel environnant devient son seul moyen d’exprimer son désaccord. Le médecin en conclut que son état empire, suite à quoi son isolement est renforcé, le matériel restant à sa portée devenant très rare. Pour continuer à protester, il se trouve alors réduit à utiliser des moyens inattendus qui renforceront encore le diagnostic du médecin[8]. Inversement, si le patient décide de marquer son désaccord par l’indifférence, ce mutisme sera interprété comme le symptôme d’une pathologie « régressive », alors même que cette adaptation peut résulter d’un choix raisonné.
        C’est ce qu’illustre Boulgakov (lui aussi médecin avant d’être écrivain) dans Le Maître et Marguerite (1968). Il y décrit les tribulations d’un poète interné abusivement après une journée agitée et une nuit arrosée. Reprenant ses esprits dans la clinique, celui-ci réagit violemment, exige d’être libéré puis tente de s’échapper avant d’être maîtrisé par les infirmiers. Suite à cet épisode, le médecin diagnostique un délire schizophrénique aggravé par l’alcool. Le lendemain, le poète réfléchit soigneusement à l’attitude qu’il lui faut adopter, sans se rendre compte qu’elle va être interprétée comme un signe de régression :
« Trois voies s’ouvraient devant lui. La première était extrêmement tentante : se précipiter sur ces lampes et tout ce fourbi aux formes alambiquées, les fracasser en mille morceaux (…) pour protester ainsi contre une détention arbitraire. (…) Cette première voie lui apparut bien vite sujette à caution. Il risquait ainsi d’ancrer en eux l’idée qu’il était un fou furieux. Ivan abandonna donc cette première voie. Il y en avait une deuxième : se mettre immédiatement à raconter l’histoire du consultant » (il a fait la veille une étrange rencontre). Cependant, l’expérience de la veille tendait à montrer que ce récit ne serait pas cru, ou tout au moins serait compris, en quelque sorte, de travers. Ivan rejeta donc également cette deuxième voie et choisit la troisième : s’enfermer dans un silence méprisant » (Boulgakov 1968 : 132-133).
 
Un stéréotype qui requiert l'adhésion du patient
        Si toutes les institutions totalitaires tendent à développer une certaine conception de la nature humaine, afin de rationaliser leur activité en associant aux reclus un stéréotype qui justifie le traitement qui leur est infligé, cette tendance est plus marquée dans le cas des hôpitaux psychiatriques. D’une part, les psychiatres se considèrent explicitement comme des spécialistes de la nature humaine, d’autre part, la doctrine psychiatrique postule souvent que le traitement ne peut être entamé efficacement tant que le patient n’a pas reconnu qu’il est bien malade et qu’il doit par conséquent être soigné : l’institution exige donc du reclus qu’il adhère à la définition que les médecins donnent de lui, définition que Robert Castel juge aliénante : « S’accepter comme malade, c’est se résigner à manifester des symptômes au lieu de produire des actes, et renoncer à toute autre justification de sa conduite que celles qu’ils signifient dans le système séméiologique de la psychiatrie ou de la psychanalyse » (Castel 1968 : 20)[9].
        Parfois, le malade adhère sincèrement à cette définition de lui-même (d’autant que l’institution a au préalable détruit son identité antérieure) ; parfois aussi, il feint d’y adhérer pour en tirer de menus plaisirs (par exemple participer à des psychothérapies de groupe afin d’avoir l’occasion de fumer une cigarette ou de rencontrer des membres du sexe opposé) ou tout simplement pour éviter les ennuis, le médecin concluant alors naïvement à une amélioration de son état.
 
Le stéréotype du reclus dans un service de cancérologie
        Le Pavillon des cancéreux est un roman d’Alexandre Soljenitsyne (1968), largement inspiré d’un épisode de la vie de l’auteur, soigné pour un cancer dans les années cinquante. Avant de s’intéresser au stéréotype du malade dans l’hôpital où se déroule l’action, il faut préciser en quoi cet hôpital peut être rapproché d’une institution totalitaire.
 
Le pavillon des cancéreux : une institution totalitaire ?
        Les premières pages décrivent le rituel d’entrée pour Roussanov, cadre du Parti sûr de son importance : une douche réglementaire et l’abandon des effets personnels pour un pyjama uniforme rappelant un costume de bagnard (pour les femmes, c’est une blouse informe qui les prive de toute féminité). L’uniforme est le premier pas du processus par lequel l’institution dépouille le reclus de son identité antérieure pour mieux pouvoir le gérer, dans la mesure où les effets personnels constituent, selon Goffman, une part importante de la base matérielle sur laquelle se construit la personnalité. Roussanov perd vite sa belle assurance : « En l’espace de quelques heures, Paul Nikolaïevitch avait tout perdu, sa position, ses nombreux mérites, ses plans d’avenir ; il n’était plus que soixante-dix kilogrammes de chair blanche et tiède, ignorante de son lendemain » (Soljenitsyne 1968 : 28).
        Pourquoi le terme de reclus ? Formellement, l’hôpital ne peut retenir un patient malgré lui mais, dans les faits, le médecin conquiert rapidement un net ascendant sur le patient. Seul le premier sait ce dont souffre le second, et s’il tente habituellement de le rassurer tout en le laissant dans l'ignorance, il peut à l'occasion l’effrayer pour étouffer toute velléité de résistance, en évitant généralement de prononcer le mot tabou : cancer. Ainsi, lorsque Roussanov, mécontent, veut quitter la clinique, le docteur Dontsova le fait plier en lui assurant qu’il doit commencer un traitement de toute urgence. De même avec Kostoglotov, déporté politique et forte tête, qui se rebelle contre le rapport infantilisant qu’entretiennent les médecins avec les patients :
 « ‘ Lioudmila Afanassievna ! Sérieusement ! Si vous cessiez de me traiter en enfant ! (…) Pourquoi vous arrogez-vous le droit de décider pour les autres ? C’est un droit redoutable et qui ne mène à rien de bon. Méfiez-vous en ! Ce droit n’est donné à personne, pas même au médecin. ’ (…) Il y a un principe chez les médecins : il ne faut pas effrayer le malade, il faut lui remonter le moral. Mais un malade aussi insupportable que Kostoglotov, il fallait au contraire le désarçonner. (…) ‘ Votre tumeur est l’une des formes les plus dangereuses du cancer ! Elle est dangereuse parce qu’elle se développe très vite et que c’est une tumeur particulièrement maligne, qui donne très vite des métastases. Tout récemment encore, sa mortalité était de quatre-vingt dix pour cent, cela vous convient ? Tenez, je vais vous montrer… ’. Elle tira une chemise d’une pile de dossiers et commença à farfouiller dans les papiers qui s’y trouvaient. Kostoglotov se taisait. Puis il se mit à parler, mais d’une voix douce, qui n’avait plus la belle assurance de toute à l’heure » (Soljenitsyne 1968 : 111-117).
        L’hôpital se rapproche aussi d’une institution totalitaire dans la mesure où son fonctionnement tend à dépersonnaliser le patient, à le traiter comme un matériau humain qui doit être manipulé pour atteindre certains objectifs. L’ensemble du personnel soignant adhère à une conception qui « gomme » l’identité du patient : il ne s’agit pas de sauver un patient précis, un visage, un nom, mais de sauver le maximum de vies en détruisant les tumeurs. Ainsi les médecins soignent-ils avant tout des corps qui sont tous identiques, tous décrits par un seul et même atlas anatomique, et qui diffèrent simplement par la spécialité médicale dont ils relèvent (radiothérapie ou chirurgie).
        Cette attitude engendre deux effets pervers. D’abord, pour améliorer les statistiques qui mesurent les performances de l’établissement, il est de coutume de renvoyer chez eux les cas désespérés, sans bien sûr leur révéler leur état. Ainsi l’ouvrier Prochka est renvoyé à ses foyers : pour tempérer son enthousiasme, on lui précise juste qu’il n’est pas tout à fait guéri, en lui fournissant un certificat destiné aux autorités médicales de son district portant la mention latine tumor cordis, casus inoperabilis (cancer du cœur non opérable), absolument indéchiffrable pour un Russe non lettré. Ensuite, comme il s’agit de sauver des vies à tout prix, les médecins recourent souvent à l’hormonothérapie (injection d’hormones mâles aux femmes, d’hormones femelles aux hommes) sans en révéler les effets aux patients (ce traitement s’attaque aux métastases, mais stimule la pilosité des femmes, les glandes mammaires des hommes, et rend ces derniers impuissants). Le corps du reclus ne lui appartient plus, il est tout entier consacré à la réalisation des objectifs de l’institution, tout comme dans un hôpital psychiatrique : « Certaines parties du corps humain peuvent aussi faire obstacle à une gestion efficace et il arrive que l’on doive opter pour l’efficacité. Pour que les reclus aient toujours la tête propre et soient aisément reconnaissables, l’efficacité commande de leur raser complètement le crâne, leur présentation dût-elle en souffrir. Dans le même ordre d’idées, certains hôpitaux psychiatriques ont jugé utile d’arracher les dents aux sujets qui mordent, de faire subir l’hystérectomie aux femmes qui recherchent trop la compagnie des hommes et de lobotomiser les sujets manifestant une agressivité chronique » (Goffman 1968 : 127).
 
Le stéréotype du malade dans Le pavillon des cancéreux
        Le traitement que le personnel soignant inflige aux patients est grandement facilité par le stéréotype du malade auquel il adhère[10]. D’abord, en calquant sur tous les patients un même stéréotype, le personnel prend de la distance, ne se lie pas d’amitié avec eux, ne les particularise même pas, évitant ainsi ce que Goffman appelle le « piège de la compassion » (dans lequel tombe l’infirmière Zoé, qui flirte avec Kostoglotov et du coup ne voit plus du même œil l’hormonothérapie). Surtout, pour avoir bonne conscience, le personnel se représente les patients comme des êtres immatures, déraisonnables, incapables de décider par eux-mêmes ce qui est bon pour eux, de sorte qu’il peut s’arroger le pouvoir de décider à leur place. De ce point de vue, le médecin représente la « force raisonnable et directrice », et le malade la « masse déraisonnable et récalcitrante ». Cette autorité sur le patient revendiquée par le médecin est bien illustrée par la langue française : le médecin est celui qui délivre les « ordonnances », donc qui donne des ordres (Dagognet 1994). Le fossé entre médecins et patients apparaît bien lorsque Dontsova diagnostique sur elle-même un possible cancer, et se rend chez un autre médecin pour être auscultée : « Mais voilà qu’elle était venue lui avouer sa maladie comme on avoue un crime et, du coup, le rapport d’égalité qui existait entre eux avait sauté (…) par son aveu elle s’était exclue de la noble caste des médecins et s’était reléguée dans la classe inférieure et soumise des malades » (Soljenitsyne 1968 : 555).
        Les patients sont traités comme des enfants, par les médecins mais aussi par les infirmières : « ‘Nous allons prendre la température !’, disait cette voix, et c’était comme si elle annonçait une distribution de bonbons. » (ibid. : 36) ; « Alors, mes gamins, (…) on la fait cette piqûre ? » (ibid. : 354-356). On retrouve ici la logique de réinterprétation décrite dans Asiles. Lorsque les patients soumis à une forte promiscuité tentent de reconquérir un peu d’intimité en aménageant leur table de nuit avec des effets personnels, la direction interprète ces tentatives comme des gamineries et organise des inspections destinées à y mettre fin, exactement comme dans un pensionnat. De même, lorsque les patients tentent de récupérer un peu d’autonomie, par exemple en se permettant d’émettre un jugement critique sur le sang qui va leur être transfusé, ce comportement est perçu comme la confirmation du fait qu’ils ne sont que des enfants capricieux qu’il faut brusquer un peu pour les ramener à la raison[11].
        Les malades sont donc de grands enfants ignorants, qu’il n’est pas souhaitable d’informer des traitements qui leurs sont administrés ni même de la maladie dont ils souffrent, ou alors en des termes incompréhensibles, comme l’illustrent Zoé (« Mais les malades ne doivent pas lire de livres de médecine. C’est contre-indiqué. » [ibid. : 55]) et Dontsova (« En général, nous ne sommes pas obligés de préciser à nos malades le nom de leur maladie. Mais si cela peut vous soulager, je vais vous dire ce que vous avez : une lymphogranulomatose… » [ibid. : 77]). En présence de patients, les infirmières font des allusions (« il sera bientôt sous le drap », pour dire d’un malade qu’il n’en a plus pour longtemps), mais ce sont surtout les médecins qui déploient des trésors d’ingéniosité pour ne pas alarmer les patients, tout en se communiquant entre eux des informations exactes. C’est le cas lors de la visite hebdomadaire du chirurgien en chef, qui avec son équipe, fait le tour du pavillon pour examiner chaque patient et discuter de leur cas :
« Il n’était pas possible non plus de tout dire, d’appeler les choses par leur nom, et par conséquent de se mettre d’accord les uns avec les autres. On ne pouvait même pas dire d’un malade que son état avait empiré, tout au plus pouvait-on dire que ‘ le processus s’était accentu頒. On ne désignait les choses que par de lointaines allusions, des mots-codes (parfois même au second degré) ou en disant le contraire de ce qui était. Non seulement personne n’avait jamais prononcé les mots de ‘ cancer ’ ou de ‘ sarcome ’, mais on ne prononçait pas davantage des synonymes ou des abréviations (…) que les malades avaient fini par comprendre à moitié. (…) Pour arriver tout de même à se comprendre, il était permis de dire des choses telles que : ‘ l’ombre médiastinale s’est élargie ’ , ou ‘ tymponite ’, ou ‘ le cas ne se prête pas à la résection ’, ou ‘ l’issue létale n’est pas à exclure ’ (ce qui voulait dire : pourvu qu’il ne meure pas sur la table d’opérations). (…) Une autre malade s’affolait. ‘ Ecoutez ! Pourquoi est-ce que la colonne vertébrale me fait si mal ? C’est peut-être une autre tumeur ? ’. ‘ Mais non-on ’, disait Léon Leonidovitch en souriant et en allongeant les syllabes. ‘ C’est un phénomène secondaire ’ (Il disait vrai : la métastase était bien un phénomène secondaire. (…) Ainsi, pendant une heure et demie, le temps que prenait la visite générale, le chef du service chirurgical disait autre chose que ce qu’il pensait, veillait à ce que son ton n’exprimât pas ses sentiments, et, en même temps, à ce que les médecins traitants prissent des notes exactes pour le dossier de maladie » (Soljenitsyne 1968 : 477-479).
        Ces efforts déployés pour ne pas révéler leur cancer aux patients ne sont pas spécifiques aux médecins soviétiques, comme le montre Gordon (1991) pour le cas italien.
 
Attitude des malades et fonction du stéréotype
        Pour atteindre au mieux les objectifs assignés par l’institution, les médecins prennent donc beaucoup de liberté avec les malades. Ils leur dissimulent des informations, leur mentent, les manipulent et leur infligent des traitements douloureux ou comportant des effets secondaires non négligeables. Cette attitude est justifiée par la vision stéréotypée qu’ils ont des malades (des enfants ignorants, immatures et capricieux, incapables de savoir ce qui est bon pour eux). Toutefois cette dissimulation et ce mensonge seraient difficile à maintenir si les patients n’y mettaient pas du leur. Dans Le pavillon des cancéreux, hormis Kostoglotov, tous se laissent faire, tous jouent le jeu et acceptent d’être traités comme des enfants. Pour reprendre la terminologie de Goffman, dans le cadre de l’interaction entre médecins et patients, les premiers forment une équipe qui propose une représentation au public que constituent les seconds, représentation qui vise à imposer une définition de la situation, c’est-à-dire une définition des droits et des devoirs respectifs du médecin et du malade. Cette représentation est ici d’autant plus efficace que le public fait preuve de tact à l’égard des acteurs-médecins : Kostoglotov mis à part, les patients ne cherchent pas à saboter cette mise en scène, ils s’y prêtent même de bonne grâce.
        Ainsi, il est assez facile de ne pas tenir informés les malades, de leur mentir, de les convaincre qu’ils n’ont pas le cancer et que leur état n’est pas si grave, tout simplement parce qu’en général ces malades ne veulent pas savoir ce qu’ils ont et sont prêts à se raccrocher à toute parcelle d’espoir quant à leur hypothétique guérison. C’est ce qu’illustre ce dialogue entre un patient et un médecin :
« ‘ Si ça arrive dans… deux semaines, il y aura des métastases dans le foie, n’est-ce pas ? ’. - ‘ Mais non, vous n’y pensez pas ! Bien sûr que non ! ’ dit Vera Gangart, mentant avec beaucoup d’assurance et de vivacité - et, apparemment, elle l’avait convaincu. ‘ Si vous voulez le savoir, ces choses-là prennent des mois. ’ (Mais alors, pourquoi lui palper les fosses iliaques ? Pourquoi lui demander comment il supportait la nourriture ?) Vadim était tenté de la croire. S’il la croyait, les choses devenaient plus faciles… » (Soljenitsyne 1968 : 493).
        En effet les malades craignent de savoir ce dont ils souffrent. En se laissant traiter comme des enfants, ils acquièrent un certain confort moral : ils bénéficient du silence et des mensonges des médecins, qui de cette façon leur évitent le plus longtemps possible (et souvent jusqu’au bout) de devoir admettre qu’ils ont bien le cancer[12]. En somme, le patient accepte d’être perçu comme un enfant ignorant, parce qu’il ne veut rien savoir. Ainsi, le docteur Dontsova, atteinte à son tour, effectue une conversion spectaculaire : passée du côté des patients, elle ne veut plus rien savoir, elle veut confier son sort entièrement entre les mains d’un autre médecin. Elle refuse d’interpréter ses propres symptômes, ne veut pas connaître le diagnostic, ni voir les radios :
« ‘ Les symptômes, je vous les nomme tout de suite. Quant à savoir ce que j’en pense, vous savez, j’essaie de ne pas penser ! C’est-à-dire que j’y pense trop. J’en suis même à ne plus pouvoir fermer l’œil des nuits entières et le plus simple serait pour moi de ne pas savoir ! Vraiment, prenez la décision, et s’il faut passer sur le billard, va pour le billard, mais quant à savoir, je ne le veux pas. S’il faut m’opérer, j’aime mieux ne pas connaître le diagnostic, sinon, durant toute l’opération, je serai là à me dire : que peuvent-ils bien être en train de me faire ? qu’enlèvent-ils ?… Vous comprenez ? ’ » (Soljenitsyne 1968 : 553).
        Cette situation dans laquelle un profane choisit d’accorder une confiance aveugle à un professionnel, lui abdiquant une part d’autonomie en échange d’un confort moral, est plus fréquente qu’on ne le croit. C’est ce que montre Everett Hugues (1996) à propos des relations que nous entretenons avec les plombiers, les dentistes, les avocats ou les prêtres. Il s’agit toutefois ici d’un cas extrême et curieux, puisque le professionnel impose un stéréotype dépréciateur au profane, le manipule et le trompe avec sa bénédiction, ce qui montre aussi que parfois le public ne permet pas aux acteurs d’être sincères : il veut être trompé (cf. Goffman 1973 a : 25-29)[13].
 
Conclusion
        L’usage que fait Goffman de la littérature correspond à des choix de méthode, qui privilégient l’observation ethnographique (par opposition à l’observation expérimentale) et l’illustration qualitative (plutôt que l’accumulation de preuves quantitatives). Dans Asiles, cet usage permet peut-être aussi de développer une analyse critique sans porter d’accusations concrètes. Comme on le voit, il est possible, à partir d’un choix arbitraire de quelques œuvres littéraires russes, d’illustrer la puissance du stéréotype du malade dans les hôpitaux psychiatriques, puis de suggérer un rapprochement entre les institutions totalitaires étudiées par Goffman et un service de cancérologie soviétique.
        Ces divers exemples permettent de comprendre comment le stéréotype du reclus conduit le personnel médical à « sur-interpréter » le comportement des patients, en lui donnant du sens dans un cadre cognitif qui le traduit invariablement en symptôme, ajoutant ainsi un enfermement symbolique à la réclusion. Cette dimension symbolique illustre la nécessité d’inclure dans le champ de l’anthropologie médicale les pratiques contemporaines (Fainzang 2000). Si le stéréotype du malade s’avère fonctionnel et efficace du point de vue du personnel soignant, les exemples littéraires présentés soulignent le fait que le reclus peut lui aussi y trouver son compte. Ainsi, si, en règle générale, les acteurs d’une interaction prennent des précautions rhétoriques pour éviter d’être trop vite catalogués par leurs interlocuteurs dans une catégorie dépréciative (Hewitt et Stokes 1975), inversement, il peut arriver qu’ils participent activement à leur propre étiquetage.
        Dans une recherche ethnologique récente menée en France, Sylvie Fainzang (2001) fait justement mention de cette situation de soumission volontaire où certains patients ne demandent pas la vérité à leur médecin, mais plutôt du (ré)confort. Elle montre aussi que cette soumission est révélatrice d’une attitude plus générale de soumission à l’autorité, qu’elle rattache à une tradition culturelle d’origine religieuse : les patients catholiques et musulmans obéissent davantage à leur médecin que les patients protestants et juifs, du moins ouvertement ; ils tentent moins souvent de négocier avec lui. Les exemples littéraires utilisés ici pourraient-ils suggérer qu'il existe un lien entre une propension particulière à se soumettre à l'autorité et une tradition religieuse, voire une expérience politique propres à certaines classes de la société russe ? C'est une hypothèse qu'il conviendrait d'approfondir.
 
Références bibliographiques
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[1] Cette destruction des références identitaires soulignée par Goffman n’est pas vérifiée par les travaux que Maurice Duval (1998) a consacrés à la Marine marchande, puisque marins méridionaux et bretons persistent à affirmer leurs différences.
[2] Dans Asiles, Dostoïevski est cité deux fois pour ses souvenirs du bagne, Orwell cinq fois pour une évocation de sa jeunesse en pensionnat, Melville seize fois (avec une citation d’une page entière) pour ses années passées dans la marine. A titre de comparaison, dans La présentation de soi (1973 a, 1973 b), Goffman cite quatre fois Simone de Beauvoir, quatre fois Sartre et deux fois Kafka.
[3] Comme cela a été le cas plusieurs fois pour Marcel Proust ces dernières années (Bidou-Zachariasen, 1990 ; Belloi, 1993 ; Dubois, 1997). D’ailleurs, parmi eux, Livio Belloi fait de Proust le précurseur de Goffman, et voit une filiation directe entre La recherche du temps perdu et La mise en scène de la vie quotidienne. Outre le fait que Goffman n’a sans doute pas lu Proust (Champy 2000), on peut douter de cette filiation dans la mesure où, justement, Goffman ne cherche pas son inspiration dans la littérature, mais seulement des illustrations. L’ethnologue Mary Douglas (1992) fournit un autre exemple d’usage illustratif de la littérature, au service d’une théorie qui ne lui doit rien (dans le cadre de ses travaux sur le risque, elle illustre la présentation de ses types culturels avec Flaubert, Sartre et Mishima).
[4] « Cela fait penser à une sorte de magie blanche : si vous accomplissez tous les gestes imputables à la science, la science apparaîtra. Mais elle n’est pas apparue. (…) beaucoup de ces études rappellent les expériences que font les enfants avec une boîte du petit chimiste : ‘ suivez les instructions et vous deviendrez un vrai chimiste, comme sur la photographie ’ » (Goffman 1973 b : 17).
[5] « Il est difficile de prouver que des affirmations ainsi qualifiées sont fausses, ce qui est agréable ; mais cette même qualification réduit la portée de leur vérité éventuelle, ce qui est gênant » (Goffman 1973 b : 15-16). Discutant le caractère sociographique ou sociologique de certaines œuvres de Perec, Becker (2000) repère un procédé stylistique semblable : dans Les choses, l’emploi inhabituel et presque systématique de l’imparfait comme temps de la narration permet de suggérer, de souligner le caractère répétitif et routinier de l’existence des personnages, qui est ainsi présentée comme révélatrice d’un mode de vie.
 HYPERLINK "http://alor.univ-montp3.fr/cerce/r3/p.w.htm" \l "_ftnref6#_ftnref6" [6] Paradoxalement, ce mode de raisonnement observé chez le personnel est censé être caractéristique des malades mentaux. Ainsi, dans Le journal d’un fou de Gogol [1833] (1998), l’un des ressorts comiques repose sur la capacité du fou à réinterpréter systématiquement tout ce qui lui arrive pour renforcer sa conviction. Quoiqu’il arrive, Poprichtchine est persuadé d’être le roi d’Espagne : quand des infirmiers viennent le chercher pour l’interner, il les prend pour une députation ibérique le ramenant à son trône, puis pense que les coups de bâton font partie des coutumes chevaleresques espagnoles.
[7] « Soudain il se sentit envahi par le désespoir, il attrapa des deux mains la grille et la secoua, de toutes ses forces. Mais la grille était solide et ne céda pas. (…) Il s’approcha de la porte et l’ouvrit, mais Nikita bondit immédiatement et lui barra la route. - Où allez-vous ? Il ne faut pas, il ne faut pas ! dit-il. Il est temps de dormir. - Mais je n’en n’ai que pour une minute, je veux faire un tour dans la cour ! (…) - Non, non, c’est interdit. Vous le savez bien. - (…) Je ne comprends pas ! Nikita, je dois sortir, fit-il d’une voix tremblante. J’en ai besoin ! - Ne faites pas de scandale, ce n’est pas bien ! insista Nikita. - (…) Ouvre ! cria Andreï Iéfimytch, tremblant de tout son corps. Je te l’ordonne ! - Cause toujours ! répondit Nikita derrière la porte. Cause toujours ! (…) Nikita ouvrit brusquement la porte, repoussa rudement, des deux mains et du genou, Andreï Iéfimytch, puis il leva la main et lui abattit son poing sur la figure » (Tchekov [1892] 1997 : 68-70).
[8] « Lorsqu’un malade est isolé, nu et sans moyens d’expression à sa portée, il n’a d’autres ressources que de déchirer son matelas, s’il le peut, ou d’écrire sur le mur avec ses excréments, autant d’actes qui justifient son maintien en cellule » (Goffman 1968 : 360)
[10] Le crock est un autre exemple célèbre de stéréotype utilisé par le corps médical dans sa relation avec les patients (Becker 1993). Pour les étudiants en médecine qui officient dans les hôpitaux américains, un crock est un patient qui se plaint de nombreux maux sans présenter de pathologie claire : le seul traitement efficace consiste alors à lui parler pour le rassurer, ce qui, pour ces étudiants, ne présente que peu d’intérêt du point de vue de l’apprentissage de la médecine.
[11] « Voilà déjà deux ans qu’elle faisait des transfusions et elle n’avait pas encore vu un seul malade qui ne se montrât soupçonneux : chacun se conduisait comme s’il avait eu dans les veines du sang princier et qu’il eût craint les mélanges. A tous les coups, les malades louchaient vers le sang, n’aimaient pas sa couleur, son groupe, sa date (…). Seule une attitude résolue permettait de briser cette sotte méfiance. » (Soljenitsyne 1968 : 436-437).
[12] On notera que l’accord tacite entre personnel et patients visant à déresponsabiliser les seconds peut nourrir certaines interprétations « psychologistes » du cancer, qui présentent cette maladie comme la conséquence d’une faiblesse de caractère (Sontag 1993).
[13] « On avait fini par l’envoyer à la consultation des cancéreux, où, à tous les malades sans exception, on disait toujours que ‘ ça n’était pas le cancer ’, Ephrem n’avait toujours pas voulu comprendre, et, plutôt que d’écouter son bon sens naturel, il avait écouté son propre désir : ce n’était pas le cancer qu’il avait, et tout finirait par s’arranger (…) à la clinique, les types étaient déjà collés à leur ballon d’oxygène, c’est à peine s’ils remuaient encore les yeux, mais leur langue continuait d’affirmer : je ne mourrai pas ! je n’ai pas le cancer ! De vraies poules, quoi ! Les poules ont beau savoir que chacune d’elles aura le couteau en travers de la gorge, elles n’en continuent pas moins à glousser et à gratouiller pour trouver leur nourriture. Et on peut bien en prendre une pour l’égorger, ça n’empêchera pas les autres de gratouiller » (Soljenitsyne 1968 : 140-145).




















USAGES, FORMES ET STRATÉGIES
A - Problématiques
0 - Pourquoi le stéréotype ?
Le stéréotype - d'un point de vue théorique - est tout d'abord un objet d'interrogation priviligié dès lors que l'on s'intéresse, d'une manière générale à la question du sens. On comprend que les sémioticiens - dont l'objet d'étude est le sens commun - aient sans cesse intérrogé ou réinterrogé le stéréotype, le cliché, le motif, ou encore le lieu commun.
Le deuxième argument concerne la diffusion des nombreux travaux portant sur le stéréotype qui restent - de notre point de vue - peu connus d'un large public. La problématique des lieux communs - comme le rappelle Semprini - connaît actuellement un renouveau considérable (...) dans le champ des Sciences Sociales qui mériteraint un prolongement tant sur le plan méthodologique (analyse des discours sociaux par exemple) que sur un plan - nous dirons - pratique ou pragmatique : didactique et pratique de classe :
"une fois reconnue l'importance du sens commun dans l'étude des phénomènes sociaux, la problématique des lieux communs est apparue soudainement sous un autre jour." L'étude des lieux communs s'est ainsi élargie "en dépassant les limites d'une problématique purement conceptuelle et langagière pour s'étendre aux systèmes de signification non verbaux et syncrétiques et, surtout, pour s'inscrire au sein même des pratiques situées et incarnées des acteurs".
Le Colloque d'ALBI de l'an 2000 sera ainsi l'occasion de diffuser ces orientations de recherche actuelles d'une part, et d'en mesurer d'autre part, les prolongements tant didactiques que pédagogiques : la place du stéréotype dans la pratique de lecture, la place du stéréotype dans la compréhénsion, dans la construction du sens, dans les échanges interculturels, dans les stratégies discursives diverses (médias, presse, télévision, etc.) dans la construction d'une identité socio-culturelle, etc.
orientations possibles :
Le lieu commun comme ´lieu sémantique communª
le lieu commun comme transformation de la mémoire collective (Barthes)
le lieu commun comme indice de lisibilité des discours
le stéréotype comme porteur de valeurs (axiologie, etc.)
stéréotype et stratégies discursives
lieu commun et lien social
stéréotype et interaction
stéréotype et argumentation
activité créative et réflexive du lieu commun
lieux communs et stratégies de production et réception des discours
stéréotype et humour, etc.
 
1 - Convergences des aspects théoriques du Lieu Commun
1 - 1 - Etat des lieux
Le tableau suivant présente les champs "théoriques" susceptibles d'être convoqués pour une réflexion interdisciplinaire sur le stéréotype. Il s'agit d'un "parcours sélectif" à partir d'approches qui ont construit la stéréotypie comme objet théorique, et de perspectives qui placent l'analyse du stéréotype dans la problématique de praxis de construction du sens. De cette sélection, nous voudrions souligner les lieux de convergences, à partir desquels une proposition des différentes propriétés du lieu commun est possible, à savoir, développer une conception du lieu commun comme noyau de la compétence sémantique des sujets de l'énonciation, comme stratégie de production-interprétation des discours, et enfin comme porteur d'une axiologie. On comprendra mieux ainsi, la pertinence du stéréotype comme objet d'étude, les enjeux et les perspectives d'une approche interdisicplinaire et les nombreuses applications possibles, tant en analyse du discours qu'en didactique du français, qu'en pratique de lecture, etc. .
L'objectif sera d'une part, tenter de proposer une synthèse - ne serait-ce que partielle - qui définirait une essence du lieu commun, et de proposer d'autre part une réflexion méthodologique pour expliciter les articulations entre les différents modes d'existence du stéréotype.
champ scientifiqueconcepts -mots cléspropriétés du
Lieu CommunSémiologie doxa
énonciation et réénonciationcomme lieu commun
comme transformation
de la mémoire collective
(Barthes : 1957)Lecture
Littérature : Théories
de la réception  
L'existence du stéréotype
est fonction de sa lecturecomme construction de
lecture (Amossy, 1991)
Fondement même de la
lecture (J.-L. Dufays : 1994)Théorie de l'énonciationdéictiques ou embrayeurscomme déixis
instituante (Semprini : 1994)Pragmatiqueeffet illocutoire
et réflexivité
de l'acte de langage
 comme procédure pratique
d'instauration et de
restauration des interactions
comme opérateur de sens
commun
lieux de l'allusionSémiotiquesens et valeur activité créative et réflexive
du lieu communSocio-sémiotique
de la réceptionsens négocié
réception activecomme "stratégie de
production et
d'interprétation des discoursThéorie de l'argumentation
(Ducrot)Modificateurs de prédicatscomme porteurs de
valeurs (Galatanu : 1994)Ethnométhodologieaccord partagéopérateur intéractionnel
"liant" communSociologie
phénoménologique (Schutz)
 typicalité
Pour une pragmatique du
lieu commun
stratégieinstauration et restauration
des interactions
comme énoncé par un acte
de discours et comme l'acte
de discours qui énonce
le topos (Daniel Cefaï : 1994)1 - 2 - Le lieu commun comme 'lieu sémantique commun'
Les Mythologies de R. Barthes constituent, de ce point de vue, depuis longtemps déjà un premier inventaire suffisamment large, mais se posant plutôt comme détermination d'un lieu sémantique commun qui donne une assise sociale et fonde la cohérence interne d'un univers sémiotique, rendant compte du discours social à la fois multiple et un.
Le stéréotype devient la forme générique du déjà dit et, pour Barthes, le symbole de l'assertion. C'est, à la limite, le pouvoir d'asserter, de poser son opinion comme vérité qui est mis en cause. Si l'on se place d'un point de vue "pragmatique", on peut dire que Barthes met l'accent sur l'acte illocutoire dans l'activité de "convocation" d'un stéréotype qu'il fait correspondre à un /pouvoir asserter/. Cet effet de sommation - pour reprendre l'expression de Berrendonner (1984)- est très important : en effet, l'emploi du lieu commun renvoie non seulement à une mise en commun d'un savoir déjà-là, mais aussi à un effet d'objectivité, puisque convoquer un lieu commun c'est aussi convoquer l'énonciation présupposée ("impersonnelle"), ce qui donne à son énonciation une force prédicative plus importante. Il ne faut pas voir dans l'emploi de clichés la seule convocation du contenu informationnel qui d'ailleurs est le plus souvent proche d'une valeur zéro.
Ce qui nous intéresse chez Barthes, c'est qu'il place au centre de la problématique du stéréotype la question de son énonciation et de sa réénonciation (nous parlons aujourd'hui de praxis énonciative). Mais, là où Barthes voit un phénomène en quelque sorte réducteur, et qu'il met de ce fait en avant le caractère fermé du lieu commun, il est intéressant d'opposer au contraire le caractère ouvert de ce processus. A l'option "pessimiste" de Barthes (1975) qui voit dans le stéréotype l'impossibilité même d'énoncer et d'écrire, on peut donc opposer au contraire une perspective "optimiste" qui considère le lieu commun comme activité laissant une grande part à la créativité.
Nous proposons - à l'instar de Semprini - de voir et d'étudier le lieu commun comme producteur de significations (Semprini, 1994). "Même dans le cas des motifs, ces "sortes de clichés stéréotypés", la signification n'est pas, loin s'en faut, préexistante à l'acte d'énonciation, souligne J. Courtés : "Auparavant, ce ne sont que des virtualités de sens, théoriquement en nombre indéfini". A. Semprini explicite cette même ouverture à propos du lieu commun
(...) il est important de souligner qu'un LC (lieu commun) avant de véhiculer un savoir (doxique ou scientifique), engendre et rend disponible de la signification. L'inscription de la problématique du L.C. au sein du champ plus général de la signification et de la réception rend immédiatement évidente la fragilité des lectures externalistes et véhiculaires du sens.(...) Le savoir articulé par le L.C. est par définition un savoir ouvert, un savoir flou qui s'offre à l'élaboration et à l'appropriation de l'autre.
1 - 3 - Le lieu commun comme indice de lisibilité des discours
La réflexion pourra prendre comme point de départ la thèse que les lieux communs participent de la lecture-interprétation de l'image et des discours, à savoir que le lieu commun constitue le noyau de la compétence sémantique. On comprend l'image et les divers discours grâce à une certaine stabilité du sens que constituent les lieux communs.
Les différentes approches du lieu commun sélectionnées précedemment seront - en fait - un pré-texte, mieux des arguments (ou points de vue pertinents) à l’étude des formes ou configurations discursives. Si l’on accepte le postulat sémiotique de l’isomorphie entre le plan de l’expression et celui du contenu, les perspectives heuristiques et méthodologiques d’une approche socio-sémiotique du lieu commun pourront être appliquées - à titre d’hypothèse et d’interrogations - sur le genre.
1 - 4 - Le lieu commun comme porteur de valeurs
Une autre problématique relative à l'étude des lieux communs (ou clichés ou stéréotypes) est la prise en compte de la dimension axiologique des lieux communs dans les discours. Nombreuses sont les approches soulignant la caractère subjectif du lieu commun. La question n'est pas de proposer un inventaire des lieux communs dans un univers socio-culturel déterminé ou d'analyser le type de modalisation inscrite dans tel ou tel lieu commun, mais plutôt d'analyser dans quelle mesure, l'utilisation, la convocation de lieu commun permet au sujet de l’énonciation (énonciateur et énonciataire) de poser ou de confirmer une identité. Sans aborder spécifiquement la question de la valeur, A. Semprini propose une approche du lieu Commun comme déixis instituante, en montrant que le lieu commun permet le déploiement d’un mécanisme de déixis instituante qui engendre, au sein de l’interaction, l’identité des sujets, les relations qui les relient et des versions du monde qui les entourent. On aperçoit dès lors, les ouvertures fructueuses d’une telle perspective, si on la transpose à l’étude des genres.
Pourquoi interroger la question du cliché ou du lieu commun ?
Le cliché - comme nous le rappèle H. Quéré est un bel exemple de réflexivité et pose la question simple mais pertinente : "qu'est-ce qui vient en premier ? La répétition qui fait que le cliché prend forme et consistance ou la stabilité qui le rend propice au réemploi ?"
D'un point de vue sémiotique et énonciatif, les procédures de mise en discours d'une réalité extra-discursive mettent en oeuvre les notions de convocation, mais aussi de discursivisation et de représentation . C'est ici que nous plaçons la problématique de la praxis énonciative. Il est tout à fait intéressant dans cette perspective d'analyser la convocation des lieux communs dans la mise en discours des discours sociaux.
Le point d'articulation entre monde naturel et domaine culturel d'une part, et les manifestations discursives d'autre part, est constitué par l'instance d'énonciation, dans chacun de ses actes de mise en discours. Cette instance correspond à un ´sujetª d'énonciation que l'on saisit dans son expression discursive, à travers des formes énonciatives variées parmi lesquelles la langue tient une position certes privilégiée. D'un point de vue linguistique, ces formes énonciatives ne correspondent pas uniquement à ce que Benveniste a appelé ´l'appareil formel de l'énonciationª, mais elles renvoient à un système complexe de repérages par rapport à la situation d'énonciation et de communication (perpective énonciative de Culioli : 1991). Ces différentes formes de prise en charge énonciative à travers la mise en discours ouvrent l'énoncé en particulier aux différentes possibilités de modalisation de la prédication et de l'assertion. A travers différents procédés (formes du conditionnel, adverbes et adjectifs d'ordre axiologique, connecteurs, etc.), l'énoncé est constamment l'objet de jugements d'ordre évaluatif ou affectif (Kerbrat-Orecchioni : 1980). On pourrait poser ici à titre d'hypothèse que le lieu commun comme déixis instituante (Semprini : 1994) participe de ces formes énonciatives derrière un ´impersonnel de l'énonciationª.
Dès lors, l'objectif sera de chercher à saisir ces formes énonciatives impersonnelles qui participent non seulement des formes de prise en charge par le sujet de l'énonciation, mais aussi de l'expression de sa subjectivité. En termes sémiotiques, il s’agirait d’un parcours de référentialisation interne qui tente de rendre compte, d’une part, de "l’autonomisation de la valeur", et d’autre part, d'identifier un niveau (autonome ?) du discours : celui de l’axiologie.
2 - 2 - Le lieu commun dans une sémiotique dialogique
Le lieu commun est pous nous de nature dialogique, et relève de ce que H. Quéré nomme "habitus" au point que le cliché "deviendrait le mode idéal de partage d'une langue". Utiliser, convoquer des clichés à l’intérieur d’une culture donnée, ou d’un groupe socio-culturel (societies), c’est non seulement "parler la langue de l’autre", mais aussi - au niveau de la programmation énonciative - convoquer le matériau préformé (on parle alors de "frames", scripts").
Quel que soit le contexte d’énonciation (conversation de la vie quotidienne, article d’un journal, devoir de classe, etc., le cliché fait l’objet d’une évaluation négative (il suffit d’observer les définitions du dictionnaire) : on reprocherait au cliché de "manquer de personnalité", voire de menacer le propre de l'énonciation, or, l’usage de clichés, de lieux communs ne serait-il pas un des fonctionnements du discours qui ont besoin de s'appuyer sur le déjà dit, le déjà "fait" (au sens de pratique) ? :
"Le cliché, ce peut donc être aussi le support dont le discours s'empare et auquel il se réfère directement ou en sous-main, soit qu'il s'agisse d'y faire écho pour le reprendre à son compte, soir au contraire qu'on ne le cite à comparaître qu'afin de mieux s'en démarquer. Le cliché, en ce sens, représenterait une sorte de "sub-text" courant sous les discours et servant d'appui et tantôt de repoussoir.
On rejoint ici l’approche d’A. Semprini exposée précedemment, pour qui le lieu commun - d’un point de vue ethnométhodologique - fonctionne comme un liant commun:
Situé dans une perspective d'étude d'inspiration ethnomédologique, le LC (lieu commun) permet de mieux comprendre comment les acteurs ´meublentª leurs intéractions et produisent in situ les significations nécessaires à la poursuite des cours d'action et à la stabilisation localisée d'un accord partagé, eu égard à la réalité du monde et à la possibilité même de l'interaction. En simplifiant un peu, on pourrait dire que c'est le terme commun du syntagme ´lieu commun ª qui est ici rendu pertinent. Le LC (lieu commun) fonctionnerait en somme comme un liant commun, serait un opérateur intéractionnel d'importance primaire. (Semprini, 1994 : 8)
Le lieu commun semble offrir une configuration particulièrement souple. Cette configuration permet le déploiement des stratégies de manipulation (dans le sens que la sémiotique narrative attribue à ce terme ; cf. Landowski, 1989) et elle offre la possibilité de parvenir à un accord partagé tout en respectant la diversité des positions des acteurs.
Si le lieu commun - comme le souligne A Semprini - institue un sytème d'acteurs spécifique, si celui-ci renseigne à la fois sur celui qui le propose (Perron et Danesi), sur celui à qui l'on adresse (Cefaï) et sur ce dont il parle (Quéré). Une structure énonciative prend forme et émerge progressivement au cours de l'interation. (Semprini : 1994 : 71). Ne peut-on pas faire l'hypothèse que la forme énonciative, ou le "moule" dans lequel l'énoncé est présenté qui englobe la scène d'énonciation et la scénographie de l'énonciation configure lui aussi une relation énonciative spécifique et modifie de ce fait la relation aux partenaires de la communication.
2 - 3 - Lieux communs et relations énonciatives
Au vu des arguments précedemment exposés, qui développent le changement de statut de la problématique du lieu commun, ceux-ci nous permettent d'évaluer son importance à la fois comme phénomène théorique, comme concept sémiotique et comme outil analytique, étant entendu que notre lecteur attentif "pratique" une double-lecture se déployant parallèlement sur la question du genre. Pour conclure, nous voudrions esquisser rapidement les problématiques et perspectives qui se dégagent de la discussion précédente et qui mériteraient d'être approfondies. On peut ainsi poser le lieu commun comme lien du discours dans une perspective des objets-valeurs, dans le cadre d'une pragmatique de la communication, et bien sûr dans la perspective de l'énonciation .
La première problématique situe le lieu commun comme une unité sémantique de nature hétérogène, représentant un "savoir (quelconque) partagé", et en ce sens, il est un élément déterminant dans la production/interprétation des discours, mais aussi comme lien énonciatif, en ce sens qu’il aurait une fonction dans le contrat énonciatif (ou fiduciaire = question de l’adhésion).
Dans le cadre d’une pragmatique de la communication, le lieu commun comme son nom l'indique participe pleinement du processus de communication (cf. ethnométhodologie ou perspective énonciative proposée par F. Jacques), en instaurant d’une part un effet d’objectivisation, en visant, une communciation optimale, et participant du procès d’argumentation.
Enfin, dans le cadre de la troisième problématique, celle de l’énonciation, nous avons vu comment le lieu commun institue un système d’acteurs spécifiques (Semprini), et implique en ce sens la coopération énonciative, mais il convient enfin, de souligner comment, "travaillé, il entre au service des stratégies inventives".
Nous proposons le tableau suivant qui situe les points de vue (ouvertures) théoriques et méthodologiques de la réflexion, en regard de trois problématiques, celle d’une sémiotique des objets-valeurs, celle d’une pragmatique de la communication et enfin, celle d’une sémiotique de l’énonciation.
 
 
 
 
 
 
LE LIEU COMMUNSémiotique des objets-valeursPragmatique de la communicationSémiotique de l’énonciation´comme doxaª ou comme lieu
sémantique commun
(1-2)univers sémantique stable (BARTHES)
Sémantisme fondamental (GREIMAS)effet d’objectivation lien socio-culturel (ethno-méthodologie)comme ´construction
de lectureª (1-3)producteur de signification
ou activité créative
(Semprini : 1994)
(L'étude du motif : J. Courtés)Communication optimale (Quéré : 1994)Renforce le contrat énonciatif (Carrasco & Fillol : 1998)comme ´porteur de valeursªAutonomisation de la
valeur (Bertrand)Argumentation
(Galatanu : 1994)Comme "contraintes"
´sous une descriptionªSÉMIOTIQUE
DIALOGIQUEPartage d’un code sémiotiqueInteractionRéflexivitéSTRATÉGIES
ÉNONCIATIVESRhétorique de la
´bonne distanceªEffet de subjectivationHumour, ironie, cynisme, dérision,
etc.
Configuration discursive complexe 3 - Lieu commun et lien social
Nous avons repris des conceptions du cliché (LC) que nous faisons nôtre, le cliché, c'est la parole de l'autre, le cliché est ainsi de nature subjective (Perron & Danesi, 1994 : 29-34) mais aussi intersubjective, comme déixis instituante (Semprini, 1994) dont la perspective des acteurs a été largement développée par Landowski.
La perspective proposée par Semprini du lieu commun comme déixis instituante permet de déployer, d’une part, le lieu commun dans une sémiotique de l’énonciation, et permet d’articuler, d’autre part, le "domaine" de l’énonciation à celui du cadre socio-sémiotique :
"Dans le même cadre épistémologique et saisi sous une description interactionnelle, le LC (lieu commun) illustre un mécanisme de constitution du lien social tout à fait spécifique. (...) Le discours du LC (lieu commun) est par définition en devenir, ce qui implique la coopération énonciative pour pouvoir émerger. (...) Un approfondissement de l'analyse dans cette direction pourrait nous éclairer sur les mécanismes de constitution du common groud, de ces accords partagés si importants pour les interactions de la vie quotidienne et pour l'engendrement et le maintien des réseaux de sociabilité."
L'étude du lieu commun dans cette perspective proposerait des hypothèses et pistes d'analyse sur un autre plan, sociologique (ou idéologique ?), en ce sens qu'il s'agirait de rendre compte (en retour ?) des praxis et des usages des lieux communs au niveau des pratiques sociales. La question de la construction des acteurs concernant ici les acteurs sociaux, l'identité se traduirait non en ´identité narrativeª (lecture de Greimas par Ricoeur) mais en terme d'idéologie, si tant est que l'on accepte l'idée "qu' aucune identité collective ne se maintient sans idéologie".
Véronique Fillol, 28/10/1999
 
B - Conférences et ateliers :
propositions
Nous proposons d'organiser le Colloque d'ALBI sur 4 journées (10, 11,12 et 13 Juillet). Les matinées seront conscrées à deux exposés théoriques, chaque jour pouvant correspondre à un champ théorique : ceci n'est qu'une proposition !!!
Lundi 10 Juillet : Un exposé introductif interdisiplinaire et un exposé sémiotique (J. Courtés ? P. Fabbri ?) socio-sémiotique (Semprini ? ou Landowski ?) ou socio-linguistique (Quéré ?)
Mardi 11 Juillet : Stéréotype et littérature (DUFAYS ?)
Stéréotype et lecture (AMOSSY ?)
Mercredi 12 Juillet : Stéréotype et psycho-sociologie (P; Moliner ?)
Stéréotype et sociologie
Jeudi 13 Juillet : Stéréotype et linguistique (Argumenation, sémantique, etc.) : Kleiber ? Bonhomme ? Rastier ? Ducrot ? Boix ?
et les après-midi seront consacrés à des ateliers de quatre après-midi au choix, à titre d'exemple !!!, le tableau suivant :
Stéréotype &approches
socio-linguistiques
étude de cas.    Stéréotype & lecture :études de cas    Stéréotype
& analyse de discours    Stéréotype & pratiques de classe    les fins d'après-midi seront consacrés aux ateliers du soir (17-19 heures): J.-P. Mirguet et autres propositions !!
 HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr/chevrel/Appel.htm" La fiche d'inscription  HYPERLINK "http://perso.wanadoo.fr/chevrel/Appel.hqx" Télécharger la fiche d'inscription


Définition et revendications féministes -

 Contrairement à ce que ses détracteurs peuvent dire, le féminisme reste encore et toujours d'actualité.
Mais déjà qu'est ce que le féminisme ? Il ne s'agit pas de renverser le pouvoir patriarcal en place pour lui en substituer un, aussi violent et virulent. Nous ne souhaitons pas singer les hommes, imiter leurs comportements violents pour nous faire une place au soleil machiste. Nous souhaitons l'égalité stricte de droit et de fait.
La Constitution française, dans son article premier, "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". Qu'en est il de la distinction selon le sexe ? Quand on constate les disparités salariales, les multiples violences faites aux femmes (physiques, verbales et visuelles) et l'absence du partage des tâches domestiques, on peut voir que la tâche reste lourde.
Les esprits chagrins ne manqueront pas de nous signaler que notre sort est beaucoup plus enviable que celui des femmes au Nigeria par exemple. C'est un fait. Je dirais même que notre sort en France est beaucoup plus enviable que dans la majeure partie des pays du monde. Est-ce pour cela qu'il faut nous taire, subir parce qu' "ailleurs c'est pire" ? A-t-on vu les esprits s'échauffer face aux réclamations homosexuelles en leur signalant la situation des homosexuel-ele-s en Egypte par exemple ? A -t-on injurié, insulté et traîné dans la boue SOS racisme dans les années 80 en leur signalant que l'apartheid était encore de mise en Afrique du Sud ? Je ne tiens bien sûr pas, par ces deux exemples, à nous présenter comme des victimes face aux militant-e-s homosexuel-le-s ou anti racistes. Il s'agit juste de montrer combien le féminisme a mauvaise presse (sans mauvais jeu de mots d'ailleurs) en France.
Le féminisme a remporté des combats majeurs au début du siècle, puis dans les années 70. On l'a cru éteint alors que les femmes continuaient leur combat en s'imposant dans les universités, les entreprises et plus globalement dans le monde du travail. Aujourd'hui dans une société plus préoccupée par le profit que par l'égalité nous demandons donc
Travail
- L'égalité stricte des salaires avec l'obligation pour les entreprises de rendre publique un bilan détaillant les salaires, les promotions et les formations par sexe.
- L'application de sanctions dans le cas de non respect d'une loi qui découlerait du premier point.
- Lancer une campagne d'éducation et de sensibilisation au travail domestique, encore géré selon une récente enquête de l'express (septembre 2002) par 80 % des femmes françaises
Education
- L'éducation doit promouvoir les deux sexes. Les lobbys marchands continuent à persister dans un sexisme des plus dévalorisants pour les femmes. On le constate dans les rayons de jouets où un garçon se verra proposer des jeux ludo-éducatifs pendant que la petite fille aura à sa disposition fer à repasser et ménagère.
- L'éducation scolaire doit promouvoir le rôle des femmes dans l'Histoire et la littérature. Louise Labbé peut donc être étudiée au même titre que Pierre de Ronsard.
- Les images dans les manuels scolaires montrant la femme sous un aspect dévalorisant ou entretenant un stéréotype sexiste doivent être supprimées.
Mariage
- Développer l'information au travers des media et des administrations sur le nom de famille : une femme mariée n'est pas obligée de changer de nom et peut donner son nom à ses enfants. Chaque personne peut porter conjointement le nom de sa mère et de son père (cf Circulaire du 26 juin 1986)
Langage
- La circulaire du Journal Officiel du 16/03/1986 sur la féminisation des métiers, grades et fonctions doit être mise en application sous forme de loi
- Les administrations devront par le biais de cette loi, appliquer un langage non sexiste pour désigner leurs employé-e-s
- Les textes législatifs et administratifs doivent être reformulés de manière non sexiste
Sexualités, contraception, maladies, avortement
- Les différents moyens de contraception doivent être intégralement remboursés et les préservatifs masculins et féminins (le femidom, digue dentaire) doivent être gratuits.
- L'ivg doit être autorisée aux femmes étrangères même si elles ne sont pas en règle.
- La gynécologie médicale doit être revalorisée afin que les femmes n'aient pas à s'adresser à leur médecin généraliste, non spécialisé.
- Les dépistages du cancer du sein et du col de l'utérus doivent être annuels et remboursés dans leur intégralité.
- Le nombre de places pour les IVG doit être augmenté ainsi que le personnel qui en est chargé - L'éducation sexuelle doit devenir obligatoire dés le collège et enseignée par des professionnels, des associations, des médecins et des psychologues
Violences
- Créer des maisons d'accueil et d'hébergement dans chaque préfecture et sous-préfecture
- Les femmes victimes de violences conjugales doivent pouvoir conserver le domicile conjugal
- La définition du viol : "toute pénétration sexuelle, qu'elle soit vaginale, anale ou orale ou pénétration par la main ou des objets" (Article 223 du Nouveau code pénal) doit être révisée et intégrer les agressions sexuelles graves sans pénétration.
- l'expertise de personnalité (interrogatoire de sa famille, de ses amis, de ses collègues) visant la victime d'un viol doit être supprimée
- La loi doit être appliquée dans les cas de viols et de violences sexuelles. Il ne s'agit nullement d'appliquer la loi du talion mais une stricte application de la loi.
- Une loi anti sexiste doit être mise en place ainsi qu'une loi anti homophobe comme a pu l'être une loi anti raciste. Tout propos explicitement sexiste doit être condamné
- Une loi punissant les clients des prostitué-e-s comme celle en Suède en 1997 doit être promulguée ; les réseaux proxénètes doivent être démantelés et leurs acteurs subir de lourdes peines.
- Les violences imposées aux femmes vivant en France telles que l'excision, le mariage forcé, la polygamie doivent être sévèrement punies. Il faut à la fois éduquer (former le personnel des crèches et des écoles, expliquer aux enfants les risques que cela implique, favoriser le nombre de "mamans relais ", aider à l'alphabétisation des étrangères) et réprimer. Il faut également aider les associations féministes de banlieue en leur donnant la parole dans un milieu féministe somme toute assez fermé et les écouter pour mieux les aider dans leurs combats
- Il faut donner le statut de réfugiée politique à toute femme victime de violences sexistes dans son pays ; cela vaut donc pour toutes les prostituées clandestines.
Enfants
- Le congé de paternité doit être étendu
- Le nombre de places dans les crèche doit être augmenté et être égal au nombre de demandes.


LES CANDIDATS À L'IUFM : rapport aux savoirs professionnels selon le genre
Sophie DEVINEAU
Ce travail à propos des candidats à l'IUFM, leur rapport au métier et au projet professionnel, fait suite à une recherche intitulée : "Mobilité intergénérationnelle : le rôle de la mère, du couple de parents. Le cas des enseignants". Une première série de résultats avaient permis de faire trois constats : — une autoreproduction de la profession assez importante, et des destinées sociales enviables pour les enfants d'enseignants, — le rôle de la mère enseignante non réductible à celui du père — le rôle du couple parents enseignants dans la réalisation d'une plus grande égalité des sexes entre leurs enfants pour les chances de devenir cadres.
En somme, si les enseignants paraissent dans leur "être social" peu représentatifs de la diversité des publics d'élèves (A. Léger, L.A. Vallet et A. Degenne), par contre, concernant l'égalité des sexes, une partie de ces mêmes agents sembleraient au contraire plutôt bien préparés par leur socialisation familiale. Et si le retournement historique de la scolarisation au bénéfice des filles est attribué à un large mouvement de fond, la question des modèles éducatifs des enseignants vaut sans doute d’être posée. Du moins, si l’on estime d’une part que les modèles éducatifs des enseignants ne sont pas une simple “ affaire de famille ”, c’est-à-dire une pure question de vie privée, mais un enjeu collectif, et d’autre part qu’une orientation mixte est une des missions de l’école. Dans ce sens, la tâche qui nous occupera ici, concerne tout spécialement les représentations sexuées qui peuvent être importées clandestinement au sein des savoirs professionnels. L’observation de différences sexuées dans le rapport aux savoirs professionnels des candidats enseignants doit donc permettre de comprendre une part de la production sexuée des savoirs lors des situations de travail. Il s’agira ainsi d’établir la part d’une “ culture féminine ” ou d’une “ culture mixte ” chez les candidats à la fonction enseignante, sachant que notre échantillon concerne en majorité des femmes diplômées, et qu’une partie non négligeable des candidats (un tiers) ont des parents enseignants ou cadres. Nous examinerons sucessivement les questions suivantes : y-a-t-il une certaine idée féminine du métier  ? dans quelle mesure les différences sexuées résistent à l’analyse « toutes choses égales par ailleurs »  ? quelles sont les caractéristiques des discours féminins et masculins à propos du projet professionnel  ?
Deux séries de données d’opinions serviront ici à décrire les représentations sexuées du métier chez les candidats à l'IUFM : la première rassemble des opinions sur le métier (type Q.C.M.), la deuxième recueille les réponses (question ouverte) dans lesquelles les candidats donnent leur avis sur le projet professionnel.
Une certaine idée féminine du métier
Premiers constats
Pour cet échantillon caennais, la morphologie sociale des candidats ne présente aucune surprise, et est conforme aux observations faites ailleurs, notamment par F. Charles et J.P. Clément à l’IUFM d’Alsace. — Tableau 1 — On relèvera pour les besoins de notre étude que présenter un concours de l’IUFM est le plus souvent le fait des filles, mais que les écarts entre les filles et les garçons sont un peu moins forts lorsque le père est enseignant (75% de filles contre 26% de garçons). Par contre il y a nettement moins de garçons d'origine ouvrière que de filles à candidater à l'IUFM : 83% de filles contre 17% de garçons. Lorsque l’on considère la profession de la mère, les écarts filles/garçons sont également moindres pour les enfants d’enseignantes (75% de filles contre 25% de garçons), mais encore plus accusés pour les enfants d’ouvrières (86% de filles contre 14% de garçons). Enfin, si l’on prend en compte cette fois le couple de parents homogames, l’effet de la profession s’en trouve nettement renforcé, notamment pour les enfants d’enseignants avec 72% de filles et 28% de garçons, contre l’écart enregistré le plus élevé pour les enfants d’ouvriers, soit 88% de filles et 12% de garçons. Certes, présenter les concours des métiers de l’enseignement est un projet féminin, mais il l’est un peu moins lorsque les parents sont enseignants.
L’ensemble des caractéristiques en font une population très particulière : féminine (79%), jeune, diplômée, ayant eu une bonne scolarité, et socialisée dans des contextes familiaux à la fois plutôt favorisés (33% d’entre eux) et moins sexistes (12% ont un père enseignant). Une expérience scolaire et familiale qui a en partie nourri chez les candidats des représentations du métier qui se révèlent globalement très marquées par le genre. — Tableaux 2,3,4 — A titre de simple illustration on retrouve ce qui constitue dans toutes les recherches sur le genre le « noyau dur » de l’expression du stéréotype de sexe. Ainsi, 13% des femmes estiment nécessaire une formation à l’autorité contre 11% des hommes, et 64% d’entre elles déclarent qu’enseigner c’est s’intéresser aux élèves contre 46% des hommes. Enfin les hommes avancent des raisons matérielles au choix du métier alors que les femmes évoquent un intérêt personnel pour l’éducation. Les différences sexuées d’opinions sur le métier sont nombreuses, mais on remarquera également que les candidates sont systématiquement plus nombreuses que les candidats à s’investir dans le questionnaire de sorte que les rubriques semblent elles-mêmes « féminines » et posent en tout cas la question des catégories de la norme scolaire. — Tableau 5 — Graphiques 1, 2 — D’autre part, pratiquement aucune différence sexuée d’opinion sur le métier selon la profession du père ou de la mère n’a pu être mise en évidence, hormis les questions portant sur : « Apprendre l’autorité » et « Le projet c’est le choix d’un style de vie » qui révèlent un renversement du stéréotype sexué féminin à la faveur des garçons dans les familles d’enseignants. En effet, quelques indices convergent dans cette étude pour décrire effectivement un contexte familial moins sexiste dans ces familles.
Une analyse « toutes choses égales par ailleurs »
Menée de façon systématique, l’étude des opinions à caractéristiques sociologiques identiques doit permettre de vérifier que l’investissement plus grand des filles dans les réponses au questionnaire n’est pas simplement dû au fait de leur meilleure scolarité suivie d’un choix réellement motivé du métier, et chez les garçons au contraire la marque d’une orientation par défaut. Or, l’analyse montre encore des différences selon le sexe des candidats — Tableau 6 —. D’emblée, le type de concours présenté varie selon le sexe — tableau 6 —, les femmes ont trois fois plus de chances relatives de présenter le concours de professeur des écoles que les hommes à caractéristiques identiques (âge, profession du père, redoublement dans le secondaire, série du baccalauréat, oral du baccalauréat, mention, filère du DEUG, Année du DEUG, Année de la licence, maîtrise). Inversement les hommes ont trois fois plus de chances relatives de présenter le concours de professeur du second degré que les femmes.
Ensuite, s’agissant des opinions, les femmes relativement aux hommes demandent deux fois plus d’apprendre les théories psychologiques. Les hommes relativement aux femmes estiment deux fois plus qu’enseigner ce n’est pas préparer des élèves à un métier. Les femmes déclarent deux fois plus l’intérêt pour les jeunes comme raison du choix du métier, alors que les hommes disent deux fois plus souvent avoir besoin de gagner leur vie. De cette façon, on prend la mesure du poids que pèse encore “toutes choses égales par ailleurs” l’histoire sociale des rôles sexués sur cette génération de jeunes candidats nés avec la mixité de l’école (1975) et les lois contre les discriminations sexistes de salaires ou à l’embauche (1972 et 1975).

Une définition féminine du projet professionnel
Ici, nous cherchons à connaître chez les candidats à l’IUFM, la culture du projet telle qu'ils ont pu la percevoir pour eux-mêmes, ou telle qu’ils peuvent la penser pour leurs futurs élèves.
L’expérience sociale acquise selon le type de famille et le sexe des candidats produit des opinions différentes à propos du projet professionnel — Tableau 7 —. Ainsi, parmi ceux qui pensent qu'avoir un projet professionnel c'est savoir précisément dans quel secteur d'activité on souhaite exercer sa profession (salarié, libéral, fonctionnaire, travailleur indépendant...), les femmes sont plus nombreuses (90%) que les hommes (81%). De même, plus de femmes que d'hommes se disent pas vraiment d'accord ou pas d'accord du tout qu'avoir un projet professionnel c'est privilégier un statut social, un niveau de responsabilité et de rémunération (54% contre 45%). Par contre, le stéréotype lié aux professions dites féminines, « choisir un style de vie » est plus souvent évoqué par les hommes (70%) que par les femmes (63%).
Sur 1000 candidats interrogés sur le projet professionnel, un tiers ajoutent des remarques supplémentaires. L’analyse de ce discours moins contraint illustre le langage sur lequel s’appuient les opinions avancées  : les divers registres de l’argumentation, le choix du vocabulaire, comme les associations d’idées décrivent ici différents groupes de candidats. Tout d’abord, il est frappant de remarquer que le projet professionnel fait partie des évidences qu’aucun étudiant des années 2000 ne remet en cause  : tous développent des avis très favorables au projet professionnel, à l’exception d’un seul candidat révolté par l’idée de projet qui semble s’imposer à tous.

PROJET PROFESSIONNEL : "Navrant d'être obligé dans notre société d'avoir forcément un "projet professionnel". Toujours là à se définir, se justifier enfin quoi merde ! sans projet, on est rien . Au secours. Je n'en sais rien".
Caractéristiques  : HOMME, BACscientifique, BAC obtenu à la 1ère session avec la mention assez bien , pas de redoublement dans le secondaire, BAC suivi im-médiatement par les études, PEREactif, MEREactive, PERE_Profession intermédiaire, MERE_ Profession intermédiaire, Grand-PERE non Enseignant, Grand-MÈRE non Enseignante, CHOIX DU METIER : Autonomie / Conseil de l’entourage : Non, Moi-même.
C’est donc, au sein d’un univers très consensuel que nous observons toutefois trois types de discours différents dans leur appréciation du projet professionnel (Graphique 3).
Un premier groupe, le plus important (41,95% des réponses), et concernant plus particulièrement les candidats n’ayant pas redoublé dans leur scolarité secondaire, argumente l’intérêt du projet professionnel en se plaçant du point de vue de la motivation dans la réussite des études. En s’appuyant ainsi à la lettre sur la définition institutionnelle disponible dans tous les centres d’information et d’orientation, ce groupe de candidats reprend à son compte le discours officiel et développe ainsi un ensemble de réponses assez conformistes. Les mots les plus représentatifs (au sens du (2) de ce discours sont : motivation (présent à 76% dans ce groupe), étude (65%), but (72%), réussir (69%), être (50%), poursuivre (100%). Ces mots typiques s’organisent en couples significatifs comme : ses + études (association présente à 74% dans ce groupe) profession + être (68%), étude + et (85%), dans + étude (81%), donner + but (100%), motiver + dans (92%), pour + réussir (71%).

Quelques extraits caractéristiques du groupe 1 :
«  – Il permet de se fixer une orientation voire un but dans le parcours scolaire et universitaire et donne une motivation supplémentaire à un écolier pour réussir son parcours scolaire.
– Cela a du bon car permet de se fixer des objectifs dans la vie.
– Dans les études universitaires, le projet professionnel est un facteur essentiel de motivation.
– Le projet professionnel est essentiel pour se donner un but.
– Le projet professionnel est le moteur déterminant de la réussite future.
– Cela donne un but dans mon cursus universitaire.
– Un projet professionnel est déterminant pour le bon déroulement de ses études, c’est très motivant, ainsi il est plus facile de reussir et par conséquent atteindre son objectif professionnel. »
Un deuxième groupe un peu moins important de réponses (31%) concerne des candidats dont la mère est ouvrière, ou encore des candidats ayant passé l’oral du baccalauréat et souhaitant devenir enseignants pour les vacances. Ce groupe établit quant à lui son argumentaire en faveur du projet professionnel sur un registre autant individualiste qu’innéiste. Le vocabulaire caractéristique est essentiellement constitué de verbes : savoir (présent à 92% dans ce groupe), vouloir (96%), faire (68%), aller (90%), diriger (81%), vers (81%), quel (83%), activité (70%). Il s’agit pour ces candidats d’exercer (98%) un métier (98%) dans un secteur (87%) selon (71%) des aptitudes (67%),en fonction (62%) de ses désirs (88%), ses goûts (68%), ses passions (100%), de ce que l’on souhaite (100%), de ce qui plaît (90%). Les couples de mots typiques sont : c’est + savoir (46%) ce que + on (87%) vouloir + faire (100%) selon + ses (100%) ses + goûts (85%) ses + aptitudes (80%).

On relève à titre d’illustration dans le groupe 2 :
« - Savoir ce que l'on a envie de faire, dans quel secteur d'activité et savoir quel style de vie on veut mener.
- C’est plutôt mieux d'avoir un projet professionnel qui nous permette de savoir dans quel grand secteur d'activité on veut travailler selon ses goûts et ses aptitudes.
– C’est connaître ses envies, savoir quel secteur d'activité nous plaît.
– C’est savoir où l'on va : connaissance de soi -même, ses goûts, ses limites, et connaissance du métier envisagé.
– Pour moi un projet professionnel c’est savoir quel métier on desire faire selon ses goûts et ses aptitudes.
– Avoir un projet professionnel, c’est avant tout se diriger vers une activité en fonction de ses goûts et de ses aptitudes, c’est-à-dire choisir un métier.
– C’est savoir dans quel domaine et quel genre d'activité on souhaite exercer.
– C’est un secteur ou un métier que l'on envisage en fonction de ses goûts.
- C’est savoir dans quel domaine on veut travailler, domaine choisi par rapport à ses goûts et ses aptitudes et connaître les différents moyens d'atteindre les professions de ce domaine.
– C’est ce que l'on souhaite faire en fonction des goûts et compétences. »
Le troisième groupe, plus faible numériquement (27%), produit un discours plus caractéristique des hommes, de candidats dont le père est au chômage, ou encore de candidats présentant le CAFEP, et/ou ayant obtenu la mention assez bien au baccalauréat, enfin des candidats plus âgés : nés en 1976. Formulant les réponses à la première personne, la question du projet professionnel est ici discutée par les candidats dans ses modalités en fonction des besoins des jeunes. L’usage de nombreux verbes et surtout de restrictions témoigne d’un effort de proposition à la fois volontariste et argumenté. Les mots typiques de ce groupe sont les suivants : devoir (présent à 63% dans ce groupe), évoluer (73%), falloir (72%), réfléchir (91%), répondre (100%), assez (92%), au fur et à mesure (75%), parfois (88%), tôt (77%), très (60%), trop (93%), mais (54%), leur (93%), changer (79%), divers (100%), information (80%), jeune (83%), lycéen (71%), lycée (76%), manque (100%), possibilité (73%), question (88%), scolarité (82%), semble (91%), vague (100%). Quant aux couples de mots les plus significatifs de l’opinion de ce groupe, on relève : tôt possible (association présente à 100% dans ce groupe), très tôt (78%), plus tôt (80%), pouvoir changer (9%), pouvoir évoluer (10%), pour jeune (11%), me semble (100%), ne devoir (100%), pas être (100%), mais pas (64%), mais il (13%), important mais (86%), il + falloir (100%), il faut en (100%), il faut que (75%), en question (100%), cette idée (88%).
Parmi les réponses des candidats du groupe 3 on relève :
“– L’idée du projet professionnel me semble essentielle pour adapter ses études à son choix, mais une décision trop précoce me semble dangereuse.
– Il est très important mais aujourd’hui on nous demande de faire un choix trop tôt : 15 ans.
– Le projet professionnel est certes un plus pour certaines élèves, mais parfois il peut s'avérer qu'il enferme l'enfant dans une certaine vision d'un emploi.
– Il peut être plus ou moins important suivant le métier choisi et la personne concernée mais n'est en rien nécessaire, obligatoire.
– Il faut que chacun trouve sa voie, peu importe le temps que cela prend. il est important de se projeter dans l'avenir mais il n'y a pas de délai.
– Je pense que ce n'est pas évident pour un jeune de 20 ans de savoir d'emblée à quoi il se destine.
– Je pense qu'il est important de mieux renseigner les lycéens sur les perspectives de leur avenir professionnel.
– Je pense que le projet professionnel se dessine plus précisement en vieillissant avec l'experience et la possibilité de faire des stages.
– C’est très important mais il doit être défini seulement à partir du lycée.
– Aujourd’hui, le projet professionnel doit être précisé le plus tôt possible, début de lycée, car même si la réorientation est possible, elle peut-être difficile pour l'étudiant.
– De nos jours, il faut en avoir un de plus en plus jeune, car les orientations se font très tôt surtout pour les filières techniques et professionnalisantes.
– Ce n'est pas l'élaboration du projet qui pose problème mais la concrétisation par un emploi.”
Les trois types de discours dénotent une définition du travail tantôt liée à l’idée de conformité, tantôt intériorisée en tant que qualités personnelles, ou au contraire comme lieu d’affirmation de soi. Les catégories de la pensée sexiste opèrent ici selon deux axes : l’affirmation du moi social (je pense que / c’est) et le sexe. Le positionnement dans l’institution se fait pour les hommes du point de vue de l’adulte qui pense le projet professionnel pour les élèves, alors que les femmes parlent du leur proppre en se plaçant du point de vue de l’étudiant. A cette posture de dépendance envers une tutelle s’ajoute chez les femmes l’idée que le travail répond à des goûts et des aptitudes.
*
* *
Dans l’ensemble donc, les filles et les garçons reprennent dans leurs discours les stéréotypes de rôles sexués. Les représentations du métier, de la formation ainsi que les raisons du choix de l’enseignement attestent de la permanence des différences selon le sexe, facteur explicatif essentiel des représentations du métier. D’autre part, les filles, plus jeunes et ayant eu une scolarité sans redoublement, sont celles qui développent le discours le plus conformiste à propos du projet professionnel, inversement l’expression du “ je ” illustre l’identité sociale des discours masculins. Ce n’est pas sans importance puisque le volontarisme, l’estime de soi et la combativité sont attendus dans l’école à travers le projet professionnel et jouent en défaveur de l’orientation des filles. Ainsi donc, les futures enseignantes — majoritaires — comme les futurs enseignants n’arrivent pas, semble-t-il, à l'IUFM armés a priori pour assumer la mission d’orientation mixte auprès des filles et des garçons. En effet, les indices d’une culture mixte sont encore ténus, y compris pour les candidats dont l’expérience familiale compte parmi les plus égalitaires. Le discours sexué développé à propos du métier, exprime ce que les candidats ont intériorisé comme étant le dicours socialement attendu d’eux. Cette attitude de réponse à la norme sexuée du travail pose en tout cas le problème de sa transmission aux élèves.
Sophie Devineau — GRIS-Cereq de Rouen et LASMAS-CNRS
Bibliographie
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Tableau  SEQ Tableau * ARABIC 1 : Candidats enseignants : proportion d’hommes et de femmes selon la profession des parents (Teachers candidates : men and women ratio according parents’profession)
Profession du père, de la mère
et du coupleFille
Père / Mère / CoupleGarçon
Père / Mère / CoupleAgriculteur82%
45 79%
3084%
2618%
1021%
816%
5Artisan, commerçant80%
8380%3
3779%
2620%
2120%
921%
7Cadre Supérieur82%
15979%
5081%
3019%
3621%
1319%
7Enseignant75%
7975%
11872%
4726%
2725%
3928%
18Profession Intermédiaire76%
11482%
5984%
2624%
3618%
1316%
5Employé77%
12180%2
25181%
6622%
3520%
6119%
15Ouvrier83%
12486%
6888%
4317%
2514%
1112%
6EFFECTIFS72561326419015463Proportion d’hommes et de femmes selon que lenombre d’enseignants parents et grands-parents dans la famille du candidat (men and women ratio according the number of teachers in familly ‘s candidate)
Type de familleFille
Garçon
EffectifO Enseignant79%21%7521 Enseignant80%20%1562,3 ou 4 Enseignants71%29%87Effectif784211995Part des hommes et des femmes candidats enfants d’enseignants (men and women ratio about teachers’children)
GarçonFilleTotalPère enseignant14%11%12%Mère enseignante25%19%20% Tableau 2. La formation à l’IUFM devrait porter sur…(Training at IUFM must be …)
Contenus de la formation à l’IUFM
Jugés très importantsProbabilité X2FemmesHommesContenus de la formation à l’IUFM
Jugés très importantsProbabilité X2FemmesHommesLes contenus diciplinaires0.02724%22%Les causes de l’échec scolaireNSL’évaluationNSL’apprentissage de l’autorité0.006*13%11%La connaissance des groupes d’élèves en classe0.001*29%20%Permettre aux élèves l’acquisition de savoirs par eux-mêmes0.0846%41%Savoir animer des groupes0.01742%35%L’orientation des élèves0.0825%22%La connaissance des élèves0.00946%33%La connaissance de l’entrepriseNSLa connaissance de soi-même0.0132%29%La connaissance de l’environnement socio-culturelNSLes apprentissages0.001*33%26%La réflexion sur les pratiques du métier d’enseignant0.0519%15%Les savoirs faire pratiques0.001*41%30%Les apprentissages pour travailler en équipe0.001*24%18%Comment faire un exposéNSLa connaissance des théories psychologiques0.001*20%11%Comment aider les élèves en difficulté0.002*78%68%Ce tableau reproduit l’ensemble des propositions du questionnaire, mais seulement la proportion de femmes et d’hommes parmi les candidates et les candidats qui les ont jugées très importantes. Le X2 est calculé sur l’ensemble des opinions  : Pas important du tout — Peu important — Assez important — Important — Très important. Sont soulignées en gras les contenus de formation à propos desquels les différences Femmes/Hommes sont les plus significatives (Probabilité du X2 proche de 0.001).
Tableau 3. Enseigner, pour moi, c’est … (For me, teaching, mean …)
Enseigner  :
Pour moi, il est très important de …Probabilité X2FemmesHommesEnseigner  :
Pour moi, il est très important de …Probabilité X2FemmesHommesTransmettre des savoirsNSDégager une élite pour faire avancer le progrèsNSFormer à des savoir faire0.003*46%34%Faire aimer la matière que l’on enseigneNSPromouvoir la cultureNSPermettre aux jeunes de connaître la société0.004*24%16%Former les citoyens de demainNSPermettre aux élèves d’apprendre par eux-mêmesNSEduquer les jeunesNSCommuniquer avec les élèves0.001*70%54%Rendre le jeune autonome0.00948%43%Faire travailler les élèvesNSDévelopper l’ouverture d’esprit0.01263%51%Comprendre l’autre0.00953%40%S’intéresser aux élèves0.001*64%46%Préparer les élèves à un métier0.04713%12%Préparer sa classe, se concerter avec les élèves, les parents0.001*48%33%Développer les capacités intellectuelles des jeunesNSAnimer le groupe classe0.0338%28%Donner envie de savoir0.003*65%53%Exposer des savoirsNSFaire acquérir des valeurs éthiques, esthétiques, sociales0.05629%25%Contribuer à construire des têtes bien faitesNSEtre à l’écoute des élèves0.00972%60%Faire acquérir des compétences0.03*40%33%Faire progresser chacun0.001*67%54%Placer les élèves en situation de se formerNSFaire découvrir le plaisir de l’effortNSPromouvoir la toléranceNSAider les élèves les plus en difficulté0.04056%45%Préparer à la vie en sociétéNSPréparer le jeune à comprendre le monde dans lequel il vit0.05632%25%Approfondir constamment son domaine d’étudesNSFaire acquérir des connaissances dans sa disciplineNSFaire évoluer les élèvesNSFaire découvrir le plaisir d’apprendre0.001*50%36%Permettre aux élèves de se construire0.002*58%50%Développer l’esprit critiqueNSPrendre en compte les différences entre les élèves0.01456%43%Former les adultes de demainNSLutter contre l’exclusionNSCe tableau reproduit l’ensemble des propositions du questionnaire, mais seulement la proportion de femmes et d’hommes parmi les candidates et les candidats qui les ont jugées très importantes. Le X2 est calculé sur l’ensemble des opinions  : Pas important du tout — Peu important — Assez important — Important — Très important. Sont soulignées en gras les définitions du métier d’enseignant à propos desquelles les différences Femmes/Hommes sont les plus significatives (Probabilité du X2 proche de 0.001).


Tableau 4. Genre et opinions (gender and opinions)

Genre / opinions
Les contenus de la formation à l'IUFM devraient porter sur..très
importantEffectifs
EnsembleGenre / opinions
Enseigner pour moi c'est...
très
importantEffectifs
EnsembleGenre / opinions
Raisons du choix du métier
Tout à fait d'accordEffectifs
EnsembleLa connaissance de soi-mêmeFemme32%767Préparer sa classe48%763Je m'intéresse aux jeunes82%777(2=13 P=0,011Homme29%204(2=22,8, P=0,00133%207(2=17,3 P=0,00170%207Comment aider les élèves en difficultéFemme80%772Prendre en compte les différences entre les élèves56%761Je veux participer au développement de la culture46%767(2=14,8 P=0,002Homme68%204(2=12,5, P=0,01443%205(2=20,32 P=0,00135%209L'apprentissage de l'autoritéFemme13%764Préparer les élèves à un métier13%755Il faut bien que je finisse par gagner ma vie6%769(2=14,28 P=0,006Homme11%203(2=9,6, P=0,04712%205(2=12 P=0,01710%208L'orientation des élèvesFemme25%762Faire acquérir des valeurs éthiques, esthétiques, sociales30%754Je dois trouver au plus vite mon autonomie financière7%769(2=8,31 P=0,08Homme22%203(2=9,1, P=0,05825%205(2=9,8 P=0,0410%208La réflexion sur les pratiques du métier d'enseignantFemme19%764Aider les élèves les plus en difficultés55%760Je suis intéressé par les avantages du métier9%764(2=9,41 P=0,052Homme15%203(2=10, P=0,0445%205(2=16,49 P=0,00216%209La connaissance des théories psychologiquesFemme20%767Préparer le jeune à comprendre le monde dans lequel il vit32%761(2=23,47 P=0,001Homme11%203(2=9,2, P=0,05625%206Nous ne reproduisons ici que les réponses aux degrés « très important » ou « tout à fait d’accord ». Le (2 est calculé sur l’ensemble des degrés.
Tableau 5 : Genre et opinions selon la profession du père (Gender and opinions according to father ‘s profession)


Il est très important d’apprendre à être soi-mêmeIl est très important de préparer l’élève à un métierProfession du père / SexeFemmeHommeEffectifFemmeHommeEffectifAgriculteur exploitant11
4.854
7.41155
5,262
8,707Artisan, commerçant, chef d'entreprise21
9,2513
24,073410
10,539
39,1319Employé, administration, armée399481621817,1816,6716,848,70Enseignant222245169,693,705,264,35Ouvrier, chauffeur41
18,066
11,1147
23
24,213
13,0426
Profession intermédiaire, technicien38
16,7412
22,225014
14,746
26,0920Profession libérale, cadre supérieur, autre profession intellectuelle55
24,238
14,816322
23,160
22Effectif227542819523118 (2 = 14,017, 6DL, Prob = 0,029 (2 =18,395, 6DL, Prob = 0,005


Graphique 1



(The project is choosing a style of life)





1.Style de vie :
— filles/garçons/0Ens : (2 Probabilité : 0,51/NS
— filles/garçons/1Ens : (2 Probabilité : 0,38/NS
— filles/garçons/2,3,4Ens : (2 Probabilité : 3,09E-07/TS



Graphique 2

(Learning authority)

2.Autorité :
— filles/garçons/0Ens : (2 Probabilité : 0,25/NS
— filles/garçons/1Ens : (2 Probabilité : 0,001/TS
— filles/garçons/2,3,4Ens : (2 Probabilité : 3,32E-05/TS










6. Analyse « toutes choses égales par ailleurs » (Logistic analysis)
— Synthèse des analyses logistiques réalisées pour chacune des questions —
— Variables significativement associées à chacune des questions —

** Très significatif (seuil de probabilité  : 0,0001 - 0,001) * Significatif (Seuil de probabilité  : 0,01-0,05)


Tableau 7: Avoir un projet professionnel c'est... (To have a professional project , it means …)


Famille/projet professionnelTout à fait d'accord/ Assez d'accordEffectif
EnsembleGenre / projet professionnelTout à fait d'accord/ Assez d'accordEffectif
EnsembleC'est privilégier un statut social, un niveau de responsabilité et de rémunération0 Enseignant37%747Savoir quel métier on souhaite exercerFemme72%7751 Enseignant33%153(2=5,9 P=0,05Homme73%208(2=3,64 P=0,052,3,4 Enseignants31%85Savoir précisément dans quel secteur d'activité on souhaite exercer sa professionFemme90%776C'est choisir un style de vie0 Enseignant62%747(2=14,28 P=0,001Homme81%2101 Enseignant69%156Privilégier un statut social, un niveau de responsabilité et de rémunérationFemme36%772(2=9,08 P=0,052,3,4 Enseignants76%87(2=9,33 P=0,009Homme37%208Pour réussir ses études il faut un projet professionnel0 Enseignant58%744Choisir un style de vieFemme63%7771 Enseignant62%153(2=5,56 P=0,062Homme70%208(2=19,2 P=0,012,3,4 Enseignants38%87

Graphique 3



Annexe méthodologique
ENQUETE :
Date de réalisation : 1999 Organisme responsables : IUFM, ORFS de Caen
Support de l'enquête : Questionnaire distribué au moment de la demande d'inscription aux concours de l’IUFM de Caen
Type d'échantillon : représentatif Effectif : 1000
Thèmes : —Parcours scolaire et universitaire — Raisons du choix du métier — Représentations du métier d'enseignant
MODÈLE LOGIT
Ce type d’analyse statistique des données à pour but de mettre en évidence l’effet propre d’une caractéristique, ici le sexe, et ceci “ toutes choses égales par ailleurs ”. Ce que nous contrôlons dans ce modèle concerne les variables suivantes  : profession du père, profession de la mère, situation du père, situation de la mère, nombre d’enseignants dans la famille (parents et grands-parents), âge, redoublement dans le secondaire, année, série, oral et mention du baccalauréat, département d’origine lors du bac., filière et année du DEUG, année de la licence, maîtris. Les modalités de références des variables sont  : Père profession intermédiaire, Mère profession intermédiaire, Aucun enseignant dans la famille, Père autre qu’actif, Mère autre qu’active, Age : né en 1975 ou 1976, Redoublement dans le secondaire, Bac autre que littéraire ou scientifique, réussite à l’oral du bac, Mention passable, Année du bac  : 1992, 1993, 1994, Département d’origine lors du bac autre que Orne, Calvados, DEUG filière lettres, Année du DEUG  : 1994, 1995, 1996, Année de la licence  : 1994, 1995, 1996, 1997, Filière de la maîtrise autre que lettres et sciences, et pour le sexe tantôt Homme, tantôt Femme. Ces catégories de références sont absentes des tableaux. Lecture  : les odds ratio sont des indicateurs de l’effet d’une caractéristique mesuré (exple  : Femme) par rapport aux caractéristiques de la catégorie de référence (exple : Homme). Ainsi, les femmes ont trois plus de chances, relativement aux hommes ayant les caractéristiques de la catégorie de référence, de présenter le concours de professeur des écoles. * La modalité de référence homme ou femme change selon les tableaux présentés ici pour mettre en évidence les variables positivement liées à un sexe.
ANALYSE TEXTUELLE
Logiciel Alceste (Max Reinert)
Effectif : 665 sur 1000 — 335 non réponses dont les caractéristiques sont comparables à celles des répondants (sexe, âge, PCS, situation des parents, redoublement en secondaire, bac, série, mention, oral, concours IUFM).
Chaque réponse d’un individu correspond à une unité de discours (UCI=UCE — Nombre minimum d’unités de discours par classe = 10 — valeur minimum du (2 d’association d’un mot à une classe = 3,84, P = .05 — Lemmatisation : 1/ réduction des formes et reconnaissance des outils. 2/ analyse de tous les mots : être et avoir actifs).
Nombre d’unités de discours classées = 665. 1ère classe = 279 unités de discours = 42% des répondants. 2ème classe = 205 unités de discours = 31% des répondants. 3ème classe = 181 unités de discours = 27% des répondants.
AFC : les deux premiers facteurs recueillent 100% de l’inertie. Facteur 1 = 56%. Facteur 2 = 44%.




Stéréotypes et théorie phonétique dans l’entre-deux guerres : le poids des dominantes idéologiques sur les champs disciplinairesLanguefrançaisSourceActes du XXI ème Colloque d'Albi: Langages et signification. Le stéréotype: usages, formes et stratégies. 10-13 juillet 2000 (Albi, France)Résumé Mots-clésstéréotype, théorie phonétique, anthropologie de la parole et de la voix, entre-deux-guerres
Après une première phase de fondation de la discipline, à l’aube du 20e siècle, à partir de la philologie classique et de la dialectologie, ainsi qu’à partir des travaux des physiciens et des physiologistes (BOË 1997 ; BONNOT & BOË 2000b ; ABRY, BOË & RAKOTOFIRINGA 1997), les phonéticiens cherchent à renforcer leur position sur l’échiquier scientifique. La phonétique se constitue de plus en plus ouvertement en science frontière, cherchant sa voie dans des orientations multiples : ainsi, lors des premier, deuxième et troisième congrès internationaux des sciences phonétiques (Amsterdam 1932, Londres 1935, Gand 1938), plusieurs thèmes sont définis. A côté des aspects proprement expérimentaux et techniques, on note un intérêt pour la phonologie —surtout pour les orientations praguoises —, pour la physiologie et pour la psychologie. Dans le même temps se fait jour un véritable engouement pour l’« anthropologie de la parole et de la voix », ainsi que pour l’étude du développement de l’individu. Pour les organisateurs du second congrès, il s’agit de porter une attention particulière à l’évolution du développement des caractéristiques individuelles et à leurs modifications dans l’histoire de l’Humanité, à l’influence de l’hérédité, ainsi qu’aux différences raciales dans la base d’articulation et dans la hauteur de la voix chez différents peuples, etc. Ainsi, le R.P. Van Ginneken, Président du Permanent Council (Van Ginneken, Kaiser & Roozendaal, 1933:2) n’hésite pas à déclarer, dans le discours d’ouverture du 2e congrès, que « the evolution of speech sounds in the case of non-European peoples ... seems to correspond with anatomical differences in the organs of articulation. (Cf. prognathia and the form of the lips in relation to the disappearance of the p in the languages of the meditteranean peoples.) Besides, some time ago it was demonstrated by an inductive method, that the majority of languages with a tendency towards open syllables belong to the warm regions, whereas languages with complicated groups of consonants are found in the cold climates. » Même si ces quelques lignes juxtaposent deux des stéréotypes les plus fameux de l’histoire de la linguistique - le rôle de l’anatomie dans la prononciation et dans l’évolution du langage et la théorie des climats - on aurait tort de penser qu’il s’agit là d’un discours isolé. En effet, l’utilisation des théories biologiques et des techniques anthropométriques en vue d’expliquer l’évolution diachronique des langues ainsi que la présence ou l’absence de certains éléments dans les descriptions synchroniques des systèmes phonologiques, loin de constituer un fait isolé, s’inscrit au contraire dans une longue lignée de présupposés théoriques. Nous montrerons d’abord que les origines de la question résident dans certains travaux emblématiques, réalisés dans le courant du 19e siècle ; nous verrons ensuite comment J. Van Ginneken et L. Kaiser - le premier bien davantage que la seconde - se sont coulés dans ce moule à une époque éminemment favorable à la dissémination des théories racistes. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’intégrité de ces savants, mais bien plutôt de comprendre qu’ils étaient « pris dans leur époque », et qu’ils ne disposaient pas des outils leur permettant de porter un regard critique sur leur objet d’étude. En troisième lieu, nous donnerons quelques exemples de la persistance de ces points de vue jusqu’à nos jours, ou peu s’en faut. Enfin, nous proposerons quelques réflexions plus générales sur la place des stéréotypes dans l’histoire de la linguistique.

Représentation des femmes et des filles dans les médias : introduction
La plupart des féministes s’entendent pour dire que l’image des femmes dans les médias a beaucoup évolué depuis une trentaine d’années. Que ce soit comme journalistes à la télévision ou dans les journaux, comme auteures de téléséries ou animatrices, les femmes sont de plus en plus nombreuses et influentes.
L’image que l’on présente d’elles à travers les films et les téléséries a aussi changé, et pour le mieux. Les téléromans comportent plus que jamais des personnages féminins variés et crédibles. Les héroïnes dans Virginie, Fortier, ou les personnages féminins tout en nuances de Emma et La vie, la vie constituent des modèles positifs et actuels de femmes ou de filles qui maîtrisent leur vie, leurs relations interpersonnelles et leur avenir.
Malgré les progrès observés, il y a toujours du chemin à faire. Les médias véhiculent encore trop souvent une image stéréotypée des femmes. Les épouses dévouées, femmes fatales et femmes de carrière agressives font toujours partie de notre paysage médiatique. L’impact de ces stéréotypes est d’autant plus important qu’ils constituent souvent les rares images que les femmes et les filles ont d’elles-mêmes à travers les médias.
Vous trouverez dans cette section un résumé des débats actuels sur le portrait des femmes et des filles dans les médias, y compris les recherches les plus récentes et des exposés sur les questions les plus pressantes. Un bon point de départ pour explorer de quelle manière les médias limitent ou accentuent l’importance des femmes et des filles dans la société.

REPRÉSENTATION DES GROUPES SUIVANTS DANS LES MÉDIAS :

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/minorites_ethniques/index.cfm" Minorités ethniques et visibles

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/aborigenes/index.cfm" Autochtones

Femmes et filles  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/beaute_image.cfm" Beauté et image corporelle dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/sexualite_relations.cfm" Sexualité et relations entre les sexes dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/couverture_mediatique.cfm" Couverture médiatique des femmes et de la condition féminine |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/filles_medias.cfm" Filles et médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/economie_sexisme.cfm" L'économie du sexisme |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/carrieres_femmes_medias.cfm" Carrières des femmes dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/lutte_contre_stereotypes.cfm" Lutte contre les stéréotypes, pour le changement 


Couverture médiatique des femmes et de la condition féminine
Plusieurs spécialistes considèrent la rareté des femmes dans les médias comme étant préoccupante. Sous-représentées dans les émissions d’information, les femmes sont souvent décrites de manière stéréotypée quand elles sont présentes. Les professionnelles et les sportives sont particulièrement touchées par cette tendance.
En 2000, l’Association des femmes journalistes a réalisé, dans 70 pays, une étude sur la couverture médiatique des femmes. On a découvert que seulement 18 % des reportages font référence à des femmes, alors que la proportion de nouvelles dont le sujet principal est une femme ou un sujet lié à la condition féminine s’élève à aussi peu que 10 %. Toujours selon cette étude, les femmes sont encore plus rares dans les reportages sur les sujets considérés les plus importants comme la politique et l’économie. Elles sont cependant très présentes en tant que victimes d’accidents, de catastrophes naturelles ou de violence familiale.
En 1998, le politologue Denis Monière a analysé 83 bulletins de fin de soirée diffusés à la SRC, TVA et à CBC. Il a remarqué qu’« on sollicite le point de vue des femmes surtout à titre de citoyennes et très peu en tant qu’expertes. Les modèles de réussite sociale ou d’influence dans les domaines de la politique, de l’économie et de la société sont toujours massivement masculins. » La visibilité des femmes dans les bulletins de nouvelles aurait même régressé depuis les 10 dernières années, selon cette enquête.
Denis Monière signale, par ailleurs, que « la proportion de politiciennes interviewées est nettement inférieure à leur représentation à la Chambre des communes et à l’Assemblée nationale ». Cette faible couverture pourrait être rachetée par la profondeur et la qualité des reportages. Mais ce n’est pas le cas, selon la journaliste canadienne Jenn Goddu qui a étudié sur 15 ans la couverture accordée dans les journaux et les magazines à trois groupes de pression en faveur des femmes. Elle a découvert que les journalistes s’attardaient souvent à des détails de la vie privée des femmes actives en politique plutôt que d’exposer leurs opinions. Il n’est pas rare que les articles sur les politiciennes et autres femmes de pouvoir mentionnent le style de vêtement qu’elles portent, ou leur restaurant préféré par exemple.
Caryl Rivers, professeur en journalisme à l’Université Columbia, remarque aussi que les femmes actives en politique sont souvent critiquées et stéréotypées par les médias. Durant la présidence de son mari, Hilary Clinton a été qualifiée au moins 50 fois dans la presse de « sorcière » ou autre périphrase équivalente. « Les figures politiques masculines, dit-il, sont parfois victimes d’insultes mesquines ou violentes, mais celles-ci font rarement appel à la terreur superstitieuse. La presse a-t-elle jamais accusé les présidents Carter, Reagan ou Clinton de magie noire ? »
Femmes et sports
Les sportives professionnelles ne sont guère mieux présentées dans les médias. Selon un sondage mené par l’Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique, elles récoltent un maigre 3 % de la couverture sportive dans les plus importants journaux canadiens.
Une couverture souvent teintée de sexisme. Les journalistes qui ont couvert les Internationaux de tennis féminin de Montréal en 2000 se sont d’ailleurs vu attribuer le prix Déméritas de la Gazette des femmes pour le caractère sexiste de leurs commentaires. La Gazette a souligné le vif intérêt des journalistes pour la tenue suggestive de certaines joueuses, de même que l’attention excessive accordée à Anna Kournikova, reconnue pour sa beauté plutôt que pour la qualité de son jeu.
Les commentateurs sportifs (des hommes à 97 %) n’utilisent pas le même langage quand ils parlent des hommes et des femmes. Selon une étude menée par Margaret Carlisle Duncan, professeure à l’Université du Wisconsin, les hommes sont généralement décrits comme « grands », « forts », « brillants », « courageux », « agressifs », alors que les femmes seraient souvent « lasses », « fatiguées », « frustrées », « affolées », « vulnérables » ou « à bout de souffle ». Les commentateurs appellent aussi deux fois plus souvent les hommes par leur seul nom de famille, et trois fois plus les femmes uniquement par leur prénom. Selon Margaret Carlisle Duncan, ceci « réduit les athlètes féminines au statut d’enfant et réserve l’image d’adulte aux athlètes masculins blancs ».
La manière dont les femmes sont représentées dans les reportages sportifs est aussi très différente du traitement réservé aux hommes. Ceux-ci sont généralement saisis en pleine action alors que l’on photographie de plus en plus les sportives dans des poses hyper sexualisées. Les athlètes féminines doivent maintenant être belles et afficher un look sexy pour espérer intéresser les médias à leurs performances et transformer leur médaille d’or en argent comptant.
L'économie du sexisme
« Celles qui militent pour la cause des femmes font face à la conspiration de tous ceux pour qui l'argent passe en premier, et dont le travail est d'en faire le plus. Souvent, plus le film est brutal, meilleur est le revenu brut. »
Jeannine Yeomans, journaliste et productrice de télévision
Les grands médias brassent de grosses affaires. Selon le Girls, Women and Media Project, Hollywood à lui seul génère des revenus en salle de près de 11 milliards de dollars et retire un autre 23 milliards de ses ventes et locations de vidéos. Pourtant, ses dirigeants affirment que le marché rend inévitable la présence de stéréotypes sexistes dans leurs productions.
À la poursuite du jeune mâle avec de bons revenus
Beaucoup de commentateurs affirment que le contenu des médias est conditionné par la publicité. Puisque les publicitaires font majoritairement la chasse aux mâles âgés de 18 à 34 ans, il n'y a rien d'étonnant à ce les jeunes hommes occupent une place si importante dans les médias.
Les cotes d'écoute d'une émission déterminent le prix que les annonceurs seront prêts à payer pour insérer leur publicité. Puisque la plupart des réseaux dépendent des ventes de publicité pour leur financement, ils sont très à l'écoute des publicitaires.
Ainsi, ce n'est pas un hasard si on a tant hésité à confier à une femme et de façon permanente la barre du bulletin de nouvelles de 22 heures. Sophie Thibault a déjà mentionné en entrevue, quelques temps avant sa nomination, que « selon les focus groups, la présence d'un homme dans un bulletin de nouvelles serait plus rassurante que celle d'une femme ». Ceci a pour effet de baisser les cotes d'écoute des bulletins animés par des femmes, avec les conséquences que l'on connaît : la nomination de Sophie Thibault est une exception et le restera peut-être encore longtemps.
Cependant, la plupart des autres émissions québécoises présentent des personnages masculins et féminins en proportions équivalentes. La plupart des émissions de soirée sont des téléromans ou des séries qui, sauf exception, attirent un public majoritairement féminin. Les directeurs de réseaux tentent de satisfaire à la fois une clientèle masculine et féminine, l'une étant tout aussi importante que l'autre à leurs yeux.
D'ailleurs, depuis que les publicitaires se sont aperçus qu'en plus d'avoir un grand pouvoir d'achat, les femmes avaient aussi une influence déterminante sur les achats importants, ils se sont mis à leur faire une cour assidue, sans toutefois délaisser les consommateurs masculins. Autrefois chasse gardée des hommes, les publicités financières et automobiles féminisent de plus en plus leurs messages. Les banques et caisses populaires choisissent souvent des femmes comme porte-parole. Des géants de l'industrie automobile ont emboîté le pas et choisit des porte-parole féminins (Véronique Cloutier). Leurs publicités mettent de plus en plus l'accent sur la sécurité, le confort et l'apparence des voitures, des aspects qui, dit-on, interpellent davantage les conductrices.
Le marché du cinéma
Hollywood n'est intéressé que par ce que les hommes ont envie de voir, des histoires d'hommes vieillissants ou des comédies à la sexualité primaire où toutes les femmes sont des poupées sans cervelle. Source : Jan Walh, réalisateur couronné par un Emmy

Les studios de cinéma utilisent aussi l'argument économique pour expliquer l'abondance de stéréotypes féminins sur le grand écran. Selon eux, le marché international n'achète que des films où le sexe et la violence sont au premier plan. Selon la scénariste Robin Swicord, « il est très difficile de faire accepter des films authentiquement féministes, ou même simplement honnêtes envers les femmes. Je crois sincèrement qu'ils disposeraient d'un large public au pays [les États-Unis], mais tant que ce public restera local, cela ne se fera pas. » Les producteurs se disent obligés de répondre à cette demande puisque leurs revenus proviennent à 80 % de l'étranger.
On pourrait argumenter que cette conception du marché extérieur tient pour beaucoup du préjugé. Plusieurs films ont connu un important succès international sans pour autant mettre l'accent sur la violence et le sexe (Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, La vie est belle).
D'ailleurs, le problème des stéréotypes au cinéma ne se limite pas aux films de sexe et d'action, il est beaucoup plus répandu. Plusieurs films populaires ne sont pas axés sur le sexe et la violence, mais sur l'amour. On n'a qu'à penser au succès de Titanic et aux innombrables comédies sentimentales qui envahissent les écrans, année après année. La plupart des films produits par Hollywood, tous genres confondus, sont remplis de personnages stéréotypés.
Plusieurs critiques de cinéma reprochent parfois aux studios hollywoodiens de faire des films pour des spectateurs ayant « douze ans d'âge mental ». C'est-à-dire que pour atteindre le public le plus large possible et ainsi maximiser le rendement du film sur les marchés locaux et étrangers, on s'arrange pour que tout le monde soit capable de le comprendre.
Et quoi de plus facile à comprendre qu'une histoire et des personnages que l'on a déjà vus mille fois ? Ainsi, les films sont conçus à partir d'un nombre limité de situations et de personnages qui nous sont familiers. Parmi ces personnages, la plupart sont stéréotypés. Rien de plus normal puisqu'ils datent d'avant les mouvements féministes et antiracistes, et n'ont évolué que superficiellement depuis.
Rien n'indique que les spectateurs n'apprécieraient pas un film mettant en scène des personnages féminins plus près de la réalité, mais peu d'investisseurs souhaitent prendre un tel risque. Il n'y a aucune raison économique pour changer une recette qui rapporte. Ce sont les femmes qui paient le prix de cette logique financière. On peut supposer qu'elles le paieront encore longtemps, à moins que les spectateurs se lassent de ce genre de cinéma.Lutte contre les stéréotypes, pour le changement
Les points de vue sur ce que devraient être l’apparence et la manière d’agir des femmes ont changé avec le temps. À la télévision, par exemple, la représentation des femmes a beaucoup évolué en 50 ans. Maman Plouffe et Donalda ont laissé la place aux filles libérées de Moi et l’autre, aux Dames de cœur, puis à des personnages comme Fortier ou Emma. On peut cependant déplorer le fait que, dans plusieurs médias, la « bobonne » ait le plus souvent été remplacée par une superwoman qui combine avec succès une carrière enrichissante, l’éducation des enfants, une maison digne de madame Blancheville, un look à la fois sexy et sophistiqué, des amitiés entretenues et enfin une vie amoureuse fabuleuse. À travers ces images de réussite totale, les grands médias formulent des exigences de plus en plus difficiles à remplir pour les simples mortelles que nous sommes.
Plusieurs militantes affirment que l’industrie a des comptes à rendre et qu’on devrait la forcer à donner une image plus réaliste des femmes.
Certains pourtant ont pris les devants. À la fin des années 1990, Kellogg, le géant des produits céréaliers, a lancé une campagne publicitaire qui présentait des photos de mannequins plus âgées et aux formes nettement plus rondes accompagnées de messages du style « les Ashantis du Ghana pensent que le corps des femmes devient plus séduisant avec l’âge. Pour l’horaire du prochain vol, prière de vous renseigner auprès de votre agence de voyages. » La réaction a été tellement positive que la compagnie a renouvelé l’expérience en 2000, cette fois à la télévision.
Même les magazines féminins qui font rager plus d’une féministe ont évolué. « On déniche des articles sur la musique actuelle et sur les femmes pédophiles, des entrevues avec des correspondantes de guerre ou avec Germaine Greer. On a vu pire. » signale Pierre Frisko, journaliste à la Gazette des femmes. Ce type de sujet demeure cependant assez rare, la majorité des pages étant toujours consacrées à la mode et à la beauté. Selon la journaliste Gloria Escomel : « Le contenu de Elle Québec ou de Madame au foyer a beaucoup évolué, mais il reste les messages subliminaux de la publicité, l’orientation des rubriques. On parle bien sûr des droits des femmes, de leur situation professionnelle, mais on les renvoie toujours à la décoration, au maquillage, à la santé, à bien faire à manger, etc. C’est inévitable, à cause du financement des revues qui vient de la publicité. »
On remarque sensiblement les mêmes progrès du côté des magazines pour adolescentes. Christina Kelly, rédactrice en chef du magazine américain YM, a fait la manchette quand elle a annoncé qu’elle ne publierait plus d’articles sur les régimes et que certains reportages de mode utiliseraient des mannequins plus en chair. Jean Kilbourne, une militante de l’image des femmes dans les médias, a salué l’initiative en déclarant : « Tout magazine qui prétend s’adresser aux femmes et aux filles devrait s’interdire de parler de régimes... Ce serait merveilleux si d’autres rédactrices en chef avaient le courage d’emboîter le pas. » Même si l’essentiel des articles des magazines pour adolescentes porte toujours sur la mode, la beauté et les relations avec les gars, certains sujets plus « sérieux » comme la violence au féminin ou les troubles alimentaires sont abordés dans les pages de Filles d’aujourd’hui ou Adorable.
Une transformation purement cosmétique ?
Il est difficile de savoir jusqu’où ira le changement. Beaucoup de critiques sont déçus ou partagés quant au réel progrès apporté par les canaux de télévision pour femmes ou les magazines alternatifs qui prétendent briser les stéréotypes.
Prenons le cas de Jane, un magazine américain créé pour faire entendre la voix des femmes sur les vraies questions qui les concernent. Comme le font remarquer Andi Zeisler et Lisa Miya-Jervis, « il est exact que vous ne trouverez pas d’articles sur les régimes et le comptage de calories ou de tests psychologiques idiots dans les pages de Jane, au montage sophistiqué sur épais papier mat... pourtant à bien des points de vue significatifs, il reste un magazine comme les autres », rempli de mannequins d’une maigreur maladive et de « conseils pour amincir les jambes et préparer des lunchs nutritifs à ses enfants, habillée comme une top modèle ».
Par les filles, pour les filles
Andi Zeisler, fondatrice de la revue féministe Bitch, avance cependant que les critiques en attendent peut-être trop des grands magazines féminins, qui peuvent difficilement « renverser la tradition d’un contenu éditorial taillé sur mesure pour satisfaire une industrie publicitaire dont, financièrement, ils sont totalement dépendants ». Les entreprises à but non lucratif et les magazines en ligne ont été mieux à même d’offrir aux femmes et aux filles le moyen d’exprimer leurs points de vue.
Internet semble le média idéal pour diffuser des discours féministes militants ou simplement des points de vue différents sur les femmes. Moins coûteux que l’édition sur papier, il permet plus de liberté par rapport au contenu. De nombreux groupes de femmes ont donc créé des sites ou des portails pour les femmes, et on n’y parle pas vraiment de mode et de cuisine. Les Québécoises Colette Lelièvre et Nicole Nepton ont fondé Cybersolidaires, qui regroupe des femmes francophones de partout. Il permet la production et la diffusion de documents susceptibles d’intéresser les femmes. Le Réseau électronique Netfemmes, fondé par le centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine, a un mandat semblable. On y trouve des informations sur plusieurs groupes de femmes, un répertoire de sites féministes et divers documents.
L’aspect très militant de ces sites est pour plusieurs un peu rébarbatif. Plusieurs femmes souhaitent qu’on s’adresse à elles intelligemment, mais ne sont pas nécessairement prêtes à s’associer à un discours militant. Existe-t-il un juste milieu entre la frivolité des magazines féminins traditionnels et le discours engagé des sites féministes ? Si oui, peut-être est-ce dans des revues comme Bust ou dans les magazines alternatifs pour les adolescentes qu’on peut le trouver.
Quelques magazines alternatifs permettent maintenant aux filles de se faire entendre. Les jeunes Canadiennes ont Reluctant Hero et leurs consoeurs américaines, Teen Voices, deux publications qui divergent des autres magazines pour adolescentes de plusieurs façons.
Écrits par et pour les adolescentes, ces publications vivent essentiellement grâce aux revenus générés par leurs abonnées (elles sont 75 000 dans le cas de Teen Voices). Leurs pages ne contiennent aucun test psychologique, aucun truc pour séduire les garçons. Que peut-on y lire ? Entre autres, des articles sur la violence, la bisexualité, la cigarette, le racisme, le féminisme et les relations parents-adolescents, tous écrits par des jeunes. On y parle aussi de mode « Mais on ne vous dira jamais " Si vous voulez être à la mode, vous devez ressembler à ça ", mentionne Sharlene Azam, fondatrice de Reluctant Hero. Les filles vont plutôt parler de ce qu’elles ressentent quand elles portent tel type de vêtement, ou elles vont expliquer comment fabriquer un accessoire ou un vêtement sans se ruiner, des trucs du genre. »
Avec Reluctant Hero, Azam veut « montrer aux jeunes filles comment se prendre en main, réaliser des projets, adopter une attitude constructive plutôt que défaitiste ». Quant à Teen Voices, la rédactrice en chef adjointe, Ellyn Ruthstrom, soutient qu’il « apprend aux filles à prendre la parole, à être suffisamment sûres d’elles-mêmes pour prendre la parole. Nous voulons qu’elles se sentent assez importantes pour qu’on les écoute... parce que, effectivement, elles le sont. »

Beauté et image corporelle dans les médias
« Nous n'avons pas besoin d'une burqa à l'afghane pour disparaître en tant que femmes. Ce sont, à l'inverse, nos corps continuellement revampés et exhibés pour répondre à un idéal féminin imposé qui nous effacent de la réalité. »
Robin Gerber
Les médias nous bombardent constamment d'images du corps féminin. Celui-ci sert à vendre n'importe quoi : des yogourts, des voitures, des films... Dans cette abondance d'images, on remarque cependant peu de diversité. Les visages et les corps sont jeunes, très minces, la peau est généralement blanche et sans défaut. Les images des magazines féminins et de la publicité nous présentent des femmes « parfaites » et irréelles, clonées les unes sur les autres.
Comment se fait-il que cet idéal de beauté unique s'impose, à une époque où plusieurs auteurs font l'éloge des femmes mûres ou des femmes rondes - L'obsession des médias pour la minceur et la jeunesse aurait, selon certains spécialistes, des racines économiques. En présentant un idéal difficile à atteindre et à maintenir, on assure la croissance et la rentabilité de l'industrie des produits amincissants et des cures de jouvence. Les femmes inquiètes de leur apparence sont plus susceptibles d'acheter des produits de beauté, de nouveaux vêtements et des produits de régime. Ces derniers à eux seuls rapporteraient 160 milliards de dollars par année.
D'ailleurs ce n'est pas un hasard si la jeunesse s'impose de plus en plus comme critère de beauté, aux côtés de la minceur : « Une foule de produits nous sont proposés pour nous permettre de nous rapprocher du modèle idéal. Les signes du vieillissement sont perçus comme une calamité que l'on doit corriger. C'est certainement payant car si nous n'avons pas toutes du poids à perdre, toutes nous vieillissons », souligne le Réseau québécois d'action pour la santé des femmes dans un rapport intitulé Changements sociaux en faveur de la diversité des images corporelles, paru en 2001.
Le flot de messages sur la minceur, les régimes et la beauté ne cessent de répéter aux femmes que leur corps est un objet imparfait qui nécessite un important investissement ainsi qu'un travail constant. En 2003, le magazine américain Teen rapportait que 35 % des jeunes filles de 6 à 12 ans avaient déjà suivi au moins une régime et que 50 à 70 %d'entre elles croyaient souffrir d'embonpoint alors que leur poids était tout à fait normal. En tentant d'atteindre un idéal de beauté inaccessible, les femmes mettent bien plus que leur budget en péril : leur santé physique et psychologique inquiète plusieurs spécialistes. Des études montrent que des femmes et des filles constamment exposées à des images de corps féminins d'une impossible minceur risquent de développer des dépressions, une mauvaise estime de soi et de mauvaises habitudes alimentaires.
Une étude de l'Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie mentionne que maigrir est perçu par plusieurs filles comme le moyen d'améliorer leur estime de soi. Selon l'Institut, les fillettes tentent de contrôler leur poids dès l'âge de neuf ans. Sauter le déjeuner, suivre un régime, fumer la cigarette et pratiquer un sport de manière intensive font partie des méthodes employées par ces jeunes pour maigrir. Toutes ont un impact sur leur santé. « L'activité physique, plus saine que la cigarette et les régimes pour contrôler son poids, sert malheureusement parfois à maigrir au point d'atteindre un poids inférieur à la normale au lieu d'aider à garder un poids normal et sain. »
Le culte de la minceur Les magazines féminins sont probablement parmi les meilleurs promoteurs d'une beauté qui repose sur la jeunesse et une minceur excessive. Leurs pages sont souvent remplies de photos retouchées et d'articles vantant la nouvelle diète en vogue ou la crème anti-rides miracle. Des recherches montrent que ces magazines comportent 10 fois plus d'articles et de publicités faisant la promotion de la minceur que leurs équivalents masculins. Plus des trois quarts de leurs pages couvertures ont au moins un titre sur la meilleure manière de changer son apparence, que ce soit par le biais d'un régime, d'un programme d'exercices ou de la chirurgie esthétique. Enfin, l'âge apparent des femmes représentées dans les magazines est systématiquement inférieur à celui du groupe cible de la revue.
Ceci s'explique facilement par l'influence qu'ont les annonceurs - principalement des compagnies de cosmétiques - sur le contenu de ces magazines. Quand New Woman, un magazine australien, a mis en page couverture la photo d'un mannequin aux rondeurs évidentes, il a reçu un camion de lettres de lectrices reconnaissantes, mais la réaction très négative de ses annonceurs l'a vite découragé de poursuivre dans cette voie. Advertising Age International y a vu la « confirmation de l'influence des publicitaires, qui restent persuadés que seuls des mannequins minces favorisent la vente des produits de beauté ». En publicité, le règne de la minceur va d'ailleurs en s'accentuant : il y a 20 ans, la plupart des mannequins pesaient 8 % de moins que la femme moyenne. Aujourd'hui, on parle de 23 % de moins.
Bien sûr, les magazines et la publicité ne sont pas seuls à promouvoir un idéal de beauté inaccessible. Le cinéma et la télévision contribuent grandement à le diffuser. Les actrices de séries télévisées et de cinéma sont, généralement, de plus en plus minces et de plus en plus jeunes. La série Ally McBeal illustre bien cette tendance. Sa vedette, Calista Flockhart, était carrément maigre et la quasi-totalité de la distribution suivait un régime, même si ces actrices étaient déjà plus minces que l'Américaine moyenne. Au Québec, les comédiennes qui tiennent un premier rôle dans une série ou un film sont aussi majoritairement minces et jeunes. Après 40 ans, les rôles intéressants se font rares selon plusieurs actrices.
Certains médias font cependant de timides efforts pour proposer une image plus réaliste des femmes. Depuis quelques années, Coup de pouce présente régulièrement des femmes rondes dans ses pages de mode. D'autres magazines, comme Châtelaine, se sont récemment engagés à ne plus retoucher les photos qu'ils publient et à ne plus présenter de mannequins ayant moins de 25 ans. En publicité, Danone combat doucement les stéréotypes avec une porte-parole mince, mais tout de même plus près d?un poids moyen : Sophie Lorain. Il est trop tôt pour voir l'impact de telles initiatives. S'agit-il de tendances superficielles ou d'un courant fort qui transformera la façon dont les médias présentent les femmes ?


Carrières des femmes dans les médias
« Au Canada, les femmes représentent 28 % des journalistes de quotidiens et 37 % des journalistes de télévision. »
Fédération internationale des journalistes
Le nombre de femmes qui font carrière dans les médias a augmenté significativement durant les dernières années, on est cependant toujours loin d’une représentation équitable des femmes en journalisme et dans les divers métiers reliés aux médias. Tout porte à croire que ce n’est pas par manque d’intérêt de leur part, mais parce qu’il y a toujours de la discrimination à leur égard.
Selon Évaluation-Médias, plus de la moitié des diplômés en journalisme au Canada sont des femmes, mais elles ne signent que 30 % de tous les articles de journaux. Une série d’études sur les médias, menées par Gertrude Robinson et Armande St-Jean, établit à 28 % en 1997 le nombre de femmes responsables de section dans les quotidiens canadiens, alors que seulement 5 % des rédacteurs en chef et rédacteurs en chef adjoints sont de sexe féminin.
Selon Denis Monière, politologue et professeur à l’Université de Montréal, même si la visibilité des femmes journalistes s’est accrue depuis les 10 dernières années, il ne faudrait pas crier victoire trop rapidement. En plus d’être sous-représentées, celles-ci sont encore sous-utilisées pour couvrir les sujets considérés les plus importants (politique, économie, société). Et, lorsque vient le temps de présenter les bulletins de nouvelles en soirée, les femmes sont presque invisibles. Le plus souvent, les femmes se voient confier les journaux télévisés du midi ou de la fin de semaine. Jusqu’à tout récemment, la plupart des observateurs considéraient que le poste de lecteur de nouvelles au bulletin de 22 heures était encore pour longtemps réservé à un homme. La nomination de Sophie Thibault au journal de fin de soirée de TVA a démontré que les réseaux étaient prêts pour le changement. Le fait que ce soit une première, en 2002, prouve que les postes prestigieux sont difficilement accessibles aux femmes dans le domaine de l’information.
Les hommes continuent d’occuper environ 75 % des positions d’autorité dans les grands médias. Les perspectives de carrière pour les femmes s’assombrissent de beaucoup au fur et à mesure qu’on monte dans l’échelle hiérarchique. Une étude menée en 2001 par l’Annenberg Policy Center de l’Université de Pennsylvanie arrive à la conclusion qu’aux Etats-Unis, seulement 13 % des hauts dirigeants de l’industrie des médias et des télécommunications sont des femmes. Et peu d’entre elles arrivent au sommet de la hiérarchie : les conseils d’administration de ces compagnies ne comptent que 9 % de femmes et leurs plus hauts postes, 3 %.
Chaque année, Martha Lauzen, professeure de communication à l’université de San Diego, effectue une étude sur les femmes dans l’industrie cinématographique. Son enquête révèle que 24 % des producteurs, scénaristes et réalisateurs de télévision sont des femmes et qu’elles ne représentent que 17 % des créateurs derrière les films qui ont rapporté le plus d’argent à Hollywood.
Avoir le pouvoir de décision change bien des choses Les études prouvent que la présence de femmes dans une équipe, surtout des femmes en position d’autorité, peut influencer le contenu des médias. Selon une enquête internationale réalisée en 2000 par l’Association des femmes journalistes (AFJ), les femmes sélectionneraient 6 % plus de sujets féminins dans leurs reportages que les hommes. Cette différence peut sembler minime, mais elle est tout de même significative.
Toujours selon l’AFJ, c’est à la télévision que l’on retrouve une plus grande proportion de nouvelles ayant des femmes comme sujet (de 5 à 9 % de plus que dans les autres médias). Ce n’est pas un hasard, car on retrouve davantage de journalistes féminins à la télé qu’à la radio et dans les journaux.
L’étude de Martha Lauzen confirme que la présence de femmes à l’intérieur de l’industrie fait vraiment une différence. Depuis les coulisses, elles peuvent exercer une influence réelle sur la représentation des femmes à l’écran et dans la presse écrite. Ainsi, conclut-elle, « quand on accorde à des femmes un rôle plus décisif dans la fabrication d’un film ou d’une émission de télévision, on peut être sûr que les personnages féminins à l’écran seront plus forts, plus réels et moins unidimensionnels ».
Même dans le domaine du sport professionnel, il y a du changement dans l’air quand les femmes s’impliquent. En 2002, la Société Radio-Canada a choisi une femme pour un poste important lié à la couverture du hockey professionnel : une première au Canada et aux États-Unis. À sa nomination comme analyste à La soirée du hockey, Danièle Sauvageau a promis certains changements dans le contenu de l’émission et dans la façon de commenter les jeux.
Deux pas en avant, un pas en arrière L’auteure Kathi Maio rappelle que la marche pour l’égalité des femmes dans les médias a traversé des hauts et des bas : « Notre histoire, écrit-elle, n’en est pas une de progrès constants. Par exemple, il y avait plus de femmes réalisatrices dans les années 1920 (quand l’industrie était jeune et plus ouverte) que dans les années 1950. Et les rôles positifs de femmes fortes étaient plus fréquents au début des années 1930 qu’au commencement des années 1970. » Il est donc primordial de rester vigilants car les progrès observés aujourd’hui pourraient être balayés par de nouveaux reculs.
Sexualité et relations entre les sexes dans les médias
La publicité, la télévision, le cinéma et les nouveaux médias influencent significativement notre perception de la sexualité et des relations entre les sexes. Nous reproduisons, souvent sans nous en rendre compte, les attitudes et les comportements présentés par ces médias. Ceux-ci nous enseignent indirectement quel est notre rôle dans une relation de couple, comment une femme ou un homme « normal » doit se comporter, comment être sexuellement attirante, etc. Tous ces « apprentissages » nous amènent à adopter des comportements stéréotypés plutôt que des attitudes naturelles et personnelles.
La femme, objet sexuel
Les images provocantes de femmes nues ou légèrement vêtues sont particulièrement abondantes dans la publicité. Shari Graydon, une ancienne présidente d’Évaluation-médias, affirme que la publicité sexualise le corps des femmes pour mieux attirer l’attention du public. Les femmes deviennent des objets sexuels à partir du moment où leur corps et leur sexualité sont associés à des marchandises.
De nombreux vidéoclips et plusieurs films utilisent le corps des femmes dans un but semblable. Dans ces productions, d’innombrables actrices et figurantes sont engagées pour servir de décoration aux côtés d’un chanteur ou d’un personnage viril. Dans un document intitulé La violence et le sexisme dans les vidéoclips, le ministère de l’Éducation du Québec signale par ailleurs que les vidéoclips présentent une sexualité de l’image qui met l’accent sur l’apparence. Ceci a pour résultat de banaliser la sexualité et de la ramener au rang de produit de consommation. Plus inquiétant, l’association entre le sexe et la violence est très fréquente dans ces productions. L’agression sexuelle, le harcèlement et la violence y sont souvent présentés comme des manifestations de la passion amoureuse.
Beaucoup de chercheurs se demandent si cette sexualisation outrancière du corps féminin dans les médias est vraiment libératrice. Il y a en effet de quoi douter devant certaines tendances observables dans le monde de la publicité. En France, notamment, plusieurs grandes marques et produits prestigieux (parfums, vêtements signés, accessoires de luxe) ont lancé des campagnes publicitaires dont l’esthétique s’inspire de la pornographie. Ceci a lancé le porno chic, une mode qui a inquiété de nombreux groupes de femmes. Selon eux, ce type de publicité véhicule le stéréotype de la femme-objet et banalise la violence sexuelle en lui donnant une image glamour.
Richard Poulin, professeur de sociologie à l’Université d’Ottawa et spécialiste de la pornographie, leur donne raison. Selon lui, la pornographie est profondément sexiste. « La chosification et la déshumanisation du corps féminin [propres à l’esthétique porno] ont pour effet de conférer aux hommes une supériorité... humaine sur les femmes ravalées à l’animalité. »
La chosification du corps féminin se manifeste aussi dans une foule de publicités qui n’appartiennent pas à l’esthétique porno. Jean Kilbourne, une militante de l’image des femmes dans les médias, fait remarquer que les publicités présentent souvent le corps des femmes en images isolées, jambes, seins ou cuisses. Ce choix d’images ne fait que renforcer l’idée qu’elles sont des objets sexuels et non des êtres humains à part entière. Ceci a nécessairement un impact sur les relations qu’elles entretiennent avec les hommes.
Le couple : une affaire de femmes
Le couple est l’un des sujets de prédilection des magazines féminins qui offrent une panoplie de conseils pour séduire l’homme de sa vie ou d’une nuit, amener son copain à s’engager, ou redonner du piquant à sa vie sexuelle. Dans ces chroniques, souvent inspirées par des livres de psychologie populaire, la vie de couple est présentée de manière irréaliste et figée. La communication et le pardon semblent pouvoir régler n’importe quel problème, cinq étapes suffisent à vous donner la vie sexuelle de vos rêves, les hommes répondent tous de la même façon aux avances des femmes, etc. Le plus grand problème des magazines féminins, selon Laurie Abraham, rédactrice en chef adjointe du magazine Elle américain, « c’est la quantité de mensonges qu’ils propagent sur la sexualité ».
En plus de ne refléter en rien la réalité, les articles sur la sexualité dans les magazines tendent à renforcer les stéréotypes sexuels. Les lectrices de magazines apprennent indirectement, par le biais de recettes de bonheur, que leur vie amoureuse, sexuelle et familiale est uniquement sous leur responsabilité. Ces publications transmettent une vision très traditionnelle du couple et de la famille, dans laquelle la femme prend soin de son monde et assure l’harmonie du foyer.
S’ajoute à ces obligations traditionnelles celle de performer au lit pour satisfaire son homme. En plus d’être présentée de manière superficielle et irréaliste, la vie sexuelle est dénaturée au point de devenir une activité comme une autre, soumise aux modes passagères et aux diktats de l’industrie. Plusieurs chroniques ou émissions dites d’information sur la sexualité ont les mêmes effets pervers sur notre façon de percevoir la sexualité, le phénomène ne se limite donc pas aux magazines.
Jean Kilbourne fait remarquer que le sexe dans les médias est souvent condamné « d’un point de vue puritain » : il y en a trop, il va trop loin, il encourage les jeunes à la promiscuité, etc. Mais, en fait, « les médias banalisent le sexe beaucoup plus qu’ils n’en font la promotion. Ce n’est pas un problème de moralité, mais de superficialité et de cynisme. On nous propose une pseudo-sexualité qui rend d’autant plus difficile la quête de notre authentique sexualité personnelle. »
Les relations entre les hommes et les femmes sont aussi le principal centre d’intérêt de plusieurs séries télévisées et téléromans. Qu’elle soit présentée sous un mode humoristique (Un gars, une fille) ou plus sérieux (Mon meilleur ennemi, Les poupées russes, Virginie), la vie des couples à la télévision est souvent teintée par les stéréotypes. Les femmes jouent encore fréquemment le rôle de mère, d’épouse ou de fille d’un personnage masculin plus important. Elles adoptent les attitudes traditionnellement associées à la féminité et à la maternité : douce, protectrice, attentive aux autres, généreuse, magasineuse...
Plusieurs téléséries présentent cependant un personnage principal féminin qui a une vie personnelle, professionnelle et familiale complexe (Emma, Fortier). Bien que la majorité des films à succès présentent des couples très traditionnels, on remarque une ouverture pour des personnages féminins plus forts et plus actifs. Même l’univers très macho des films d’action a fait une petite place aux dames. Les héroïnes de Tomb Raider et Charlie et ses drôles de dames sont fortes et distrayantes, à l’image de leurs confrères, mais toujours ultra féminines, élégantes et sexy (rien n’est parfait !).
Quelques points forts
Du semestre d’hiver
2003-2004
1. Connaître les contextes sociopolitiques et économiques dans lesquels l’école est implantée (notamment le texte de Pagé – donné au cours) – les modalités du rapport à l’autre.
2. Les politiques migratoires des pays dans lesquels se situe l’institution scolaire (plus ou moins intégratives ou discriminantes).
3. Les dispositifs mis en place dans une école hétérogène au niveau culturelle et linguistique (l’école obligatoire / le primaire et le secondaire à
Genève – les différences entre régions). (texte concernant les dispositifs à mettre en place dans une société d’immigration – ici la société française).
4. Racisme et influence de la discrimination sur l’investissement scolaire (film américain et bibliographie particulière).
5. Comment la culture vient aux enfants et comment ces derniers se construisent dans le changement socioculturel ? La question des implicites culturels et socioculturels et comment chercher à lever des malentendus : stratégies plus universalistes ou plus relativistes (relatives). Textes sur la logique cachée des relations sociales les processus d’enculturation et d’acculturation.
6. Ethnocentrisme, stéréotypes et préjugés. La nécessité de la prise de conscience du fonctionnement cognitif, affectif et social concernant : a)la représentation de son groupe (endo-groupe) et son rôle dans la société et dans le monde et la représentation des autres groupes /exo-groupes) b) l’organisation des connaissances sur le monde. (texte de Preiswerk et Perrot, etc.). Quelle influence dans le rapport à l’autre ? Entre enseignants et élèves, entre élèves, entre parents et enseignants ?
7. La construction des appartenances. L’exemple de pré-adolescents (texte concernant le quartier de la Jonction – texte d’Amin Maalouf sur les identités meurtrières, Geneviève Vinsonneau et psychologie sociale). Appartenances en mouvement – répertoire d’appartenances. Par analogie, construction identitaire, composantes identitaires demandant des réélaborations de la part du sujet sans perdre le sentiment d’être soi à travers le changement (G, Vinsonneau). Notion de répertoires identitaires et de répertoires culturelles en analogie avec le répertoire linguistique de Gumperz.
8. L’école, la famille et l’aîné. Le rôle acculturant de la scolarisation de l’aîné dans la famille (parfois plus perceptible dans les familles migrantes).
Développer une zone d’intercompréhension entre la famille et l’école - texte Perregaux, C. (1994).
Odyssea. Neuchâtel : COROME).
(Voir bibliographie du cours)









Une révolution vertigineuse a lieu dans le domaine de la communication, a travers le monde… Ces changements sont porteurs d'un potentiel énorme, autant positif que négatif, pour faire avancer ou bloquer l'avènement d'un ordre plus juste et équitable entre les genres. Selon la manière dont ces changements seront déployés, ils peuvent devenir des facteurs déterminants de renforcement des femmes ou ils peuvent consommer de manière irréconciliable la fracture entre les technologiquement puissants et la multitude de femmes technologiquement démunies et autres groupes marginaux. ( HYPERLINK "http://www.womenaction.org/ungass/caucus/fr_media.html" Déclaration du caucus sur les femmes et les médias, juin 2000).
Savoir comment ces changements se déploient et quelle place est faite aux femmes dans le paysage médiatique, tel est l'objectif d'un projet piloté par le CDÉACF pour le compte de  HYPERLINK "http://www.womenaction.org" WomenAction.  HYPERLINK "http://www.womenaction.org" Un réseau mondial d'information, de communication et de médias,  HYPERLINK "http://www.womenaction.org" WomenAction a pour but à long terme de renforcer le pouvoir des femmes, en particulier dans le domaine des femmes et des médias. Le Centre assume la coordination mondiale de ce projet de recherche en deux volets. Des équipes de chercheuses dans chaque grande région du monde (Afrique, Europe/Amérique du Nord, Amérique Latine, Asie, Moyen-Orient) se pencheront sur la situation dans leur région. Dans différentes régions, des femmes emploient différentes stratégies médiatiques : la radio communautaire pour diffuser l'information au plus grand nombre, surtout dans des pays ou le taux d'analphabétisme est élevé; du théâtre de rue pour braquer les projecteurs sur l'injustice; les nouvelles technologies pour informer et mobiliser; des campagnes de sensibilisation ou des programmes de surveillance médiatique pour faire un portrait plus juste et moins stéréotypé des femmes.
Pendant les prochains mois, le CDÉACF et ses collaboratrices sur cinq continents sondent les groupes du monde entier pour connaître les bonnes pratiques et les stratégies gagnantes des femmes en matière des médias. Un questionnaire qui circule en anglais, français, espagnol et arabe nous permettra de documenter ces pratiques et d'en publier une sélection.


O P E R A T I O N   S E D U C T I O N
Femmes nulles en maths, la force du stéréotype
Lors du dernier épisode d'Opération Séduction, l'héroïne ne savait plus son livret du 8. Faiblesse réelle de la candidate? Une étude américaine démontre qu'en présence d'hommes, les femmes oublient leurs notions élémentaires de mathématiques.
PAR  HYPERLINK "http://www.largeur.com/getAgent.asp?agentNom=Genevieve_Grimm-Gobat" GENEVIEVE GRIMM-GOBAT


La réponse est tombée comme un couperet: 8x7=54. La sculpturale jeune femme qui en est l'auteur ne se doutait pas, en affûtant ses armes de séductrice, qu'elle aurait mieux fait de muscler aussi ses neurones avant le casting d'«Opération séduction aux Caraïbes», la  HYPERLINK "http://operationseduction.m6.fr/" \t "_blank" saga de l'été de M6. Son imposante plastique ne lui a pas permis de rattraper son erreur de livret. Le jury composé de quatre beaux garçons l'a éliminée après avoir accompagné d'un hochement de tête éberlué cet incongru «54». Elle ne montera pas à bord du splendide trois mâts. Est-elle vraiment aussi nulle en maths? Peut-être a-t-elle seulement été victime d'un comportement fraîchement décrit par des scientifiques, baptisé «menace du stéréotype» («stereotype threat»), qui enlève aux femmes leurs moyens en mathématique lorsqu'elles se trouvent en présence d'hommes. Michael Inzlicht et une équipe de  HYPERLINK "http://www.brown.edu/Administration/News_Bureau/2000-01/00-023.html" \t "_blank" chercheurs de l'université texane Brown ont fait passer des tests de maths et de culture générale à 168 étudiants des deux sexes. Testées dans des pièces sans hommes, les étudiantes ont obtenu 70% de réponses correctes en math. Celles-ci ont chuté à 58% dans des salles à majorité masculine. Leur déficit était directement proportionnel au nombre d'hommes présents. Pour les questions de culture générale, leurs performances sont restées inchangées. Quant aux hommes, leurs prestations, dans les deux registres, sont demeurées insensibles à la connotation sexuelle du contexte dans lequel ils se trouvaient. Ces résultats étonnants s'expliqueraient par la sensibilité des femmes à la «menace du stéréotype». Stéréotype toujours très tenace qui prête à la gent féminine moins d'aptitude pour les maths qu'aux hommes. Confrontées à la présence du sexe opposé, les femmes se rappelleraient soudainement ce cliché. Ceci perturberait leur esprit, incapable de se concentrer exclusivement à la résolution des problèmes qui leur sont soumis. Une autre étude basée sur la relation entre taux de testostérone et performances intellectuelles chez les femmes et les hommes confrontés à une situation stéréotypique vient d'être  HYPERLINK "http://homepage.psy.utexas.edu/homepage/faculty/josephs/pdf%20documents/Josephs_et_al.pdf" \t "_blank" publiée. On y découvre non seulement l'aspect négatif, «menaçant», des stéréotypes déjà mis en évidence dans la première étude, mais une facette positive, «stimulante», lorsque les stéréotypes sont valorisants (les hommes semblent en bénéficier en math, discipline dans laquelle ils jouissent d'un stéréotype valorisant). Que faire de tels constats? Exiger la réouverture de classes unisexes comme le suggère Inzlicht dans la conclusion de son travail? N'est-ce pas alors laisser intact le stéréotype et abandonner la mixité, objet de lutte des premières féministes? Pour Elisabeth Badinter, ce serait à coup sûr faire «fausse route» comme elle s'attache à le démontrer dans son dernier livre (« HYPERLINK "http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/273811265X/largeurcom08" \t "_blank" Fausse route»). «Le féminisme de ces dernières années décrit une femme qui se pose trop facilement en victime, dénonce-t-elle. Cela mène à des rapports détestables entre les sexes.» Au lieu de construire de nouveaux stéréotypes («les femmes perçues comme des enfants sans défense»), Elisabeth Badinter encourage les féministes à s'attaquer de front aux clichés qui les discréditent. «Les femmes sont nulles en maths» figure au nombre de ceux-ci

Mort d'un stéréotype "Moi, une vieille fille? J'ai plutôt l'impression de renaître depuis que j'ai quitté mon conjoint, lance Nathalie, une comptable de 31 ans. Je fais enfin ce que je veux et il n'y a plus personne pour me demander de baisser le son de la radio, de ne pas laisser traîner mon manteau sur une chaise ou d'éteindre ma lampe de chevet à 22 heures!" Les vieilles filles version moderne n'ont plus rien de celles d'antan. Ni les poils au menton ni les dents déchaussées. Elles ne coiffent plus sainte Catherine l'année de leurs 25 ans et ne vivent aux crochets de personne. Mais surtout, elles ne sont plus perçues par l'ensemble de la société comme des laissées-pour-compte ou des marginales. Difficile de faire autrement puisque près du quart des femmes de 15 ans et plus sont célibataires. Bon nombre de femmes optent pour le célibat parce qu'elles voient des avantages à ce genre de vie et estiment qu'elles ont ainsi de plus grandes chances d'être heureuses. À l'époque, la vie à deux était le projet central des femmes. Aujourd'hui, il y a une foule d'autres projets qui s'offrent à elles. Même la publicité présente les célibataires de façon positive. Elles ne sont pas rivées à leur fauteuil, en larmes! Elles sont plutôt actives et dynamiques, surtout dans la génération qui monte, celle des 20-30 ans. L'image de la vieille fille qui restait enfermée dans une chambre de bonne pour filer sur son rouet des jours d'une morne tranquillité a donc été nappée. En fait, " 93 % des femmes qui n'ont jamais été mariées disent que, quels que soient leurs problèmes, elles aiment l'indépendance et la liberté de leur vie de célibataire, le plaisir de rencontrer et de connaître des gens différents, d'être maîtresses de leur vie", relate Shere Hite dans Le Nouveau Rapport Hite (1988).

Des préjugés coriaces C'est que le célibat est très souvent considéré comme une période transitoire. On pense généralement qu'une fille seule finira par se marier, à moins qu'elle ne joue vraiment de malchance. Les préjugés persistent. On voit encore la nécessité très grande d'asseoir nos acquis, de lutter contre les schèmes culturels. Prenons l'exemple de quatre femmes qui se retrouvent dans une brasserie. Un homme va se diriger vers elles et leur demander: "êtes-vous seules?", le mot "seules" désignant ici l'absence d'hommes. Cette phrase-là véhicule tous les préjugés. On refuse presque, parce que cela nous met mal à l'aise, que cela puisse être un choix délibéré. C'est tellement agréable, la vie à deux! Pourtant, si à 25 ans - eh oui, l'âge où on coiffait sainte Catherine! - 71 % des femmes nées en 1946-47 étaient déjà mariées, la proportion baisse à 53 % chez les femmes nées en 1956-57 et à 19 % chez celles nées en 1969-70 (source: Louis Duchesne, Statistiques démographiques, 1996). Avec les unions libres, on en vient à considérer la conjugalité autrement. Il n'y a plus qu'une seule raison pour vivre en couple, et c'est vivre son amour. La finalité du couple consiste en la réalisation de soi et du désir amoureux. Dès que l'effervescence amoureuse disparaît, le couple disparaît. Et dans le futur, la tendance va probablement être aux unions séquentielles. On vivra en mode alterné: on aura des périodes de célibat et de conjugalité plus ou moins longues.

Pour conclure, une petite estimation tirée du Nouveau Rapport Hite: une femme mariée ou ayant vécu en couple deux fois pendant dix ans et vivant jusqu'à 70 ans serait célibataire pendant 32 ans de sa vie adulte. Ça fait réfléchir sur le statut de célibataire, non?

VIEILLE FILLE OU CÉLIBATAIRE ?
Qui coiffe encore sainte Catherine? Jusqu'en 1969, année où la fête disparaîtra du calendrier romain, la mémoire de sainte Catherine était honorée tous les 25 novembre. Ayant tour à tour goûté au supplice de la roue et à la décapitation pour avoir prêché le christianisme à une époque où Il était lit de le !aire, sainte Catherine deviendra au cours des siècles la patronne des jeunes filles car, de son vivats, elle a refusé mute proposition de mariage, y compris celle de l'empereur romain Maxence. Dès le régime français, la Sainte-Catherine a été très fêtée au Québec, même si elle annonçait l'hiver et la fermeture de la navigation sur le fleuve Saint-Laurent. Ce jour-là, tout s'arrêtait. Les gens ne travaillaient pas et ils étaient obligés d'aller à la messe, tandis que le soir on donnait une grosse veillée où ça chantait et dansait. La coutume voulait aussi qu'on pointe du doigt toutes les célibataires de 25 ans et plus, et qu'on les coiffe d'un chapeau, car la Sainte-Catherine cherchait surtout à rire du célibat et à provoquer le mariage.
Mais aujourd'hui, il ne se passe plus rien à la Sainte-Catherine. Les animateurs de radio y font peut-être allusion, surtout en région, mais cette fête a pratiquement disparu. Il y a tellement de gens qui vivent seuls qu'on n'aurait pas idée de se moquer d'eux. D'ailleurs qui se moquerait de qui aujourd'hui? Les couples des célibataires ou les célibataires des couples? De nos jours, on parle plutôt d'un choix de vie, et le bonheur n'es! garanti ni mur les uns ni pour les autres! qð

Stéréotype, situation minoritaire, performance...
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "1#1" Solo statut
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "2#2" Menace du stéréotype
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "3#3" Test croisé
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "4#4" Quelles conclusions peut on tirer de ces expériences  ?
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "5#5" Mais au fait, à quoi servent les stéréotypes  ?
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "6#6" A quoi peuvent servir ces recherches ?
Quel est l'impact des stéréotypes sur les personnes qu'ils stigmatisent ? Quand on est la seule fille d'une classe, cela n'a-t-il aucune influence sur les résultats scolaires ? La psychologie sociale s'intéresse à ces questions, et les résultats de plusieurs recherches HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "nota#nota" (1) permettent de commencer à y répondre.
Différentes recherches ont été réalisées, dans lesquelles on mesure les performances des femmes dans des matières considérées comme "masculines", par exemple les mathématiques : dans certains cas c'est l'impact d'être en minorité dans le groupe (solo statut) qui est étudié, dans d'autre l'impact des stéréotypes liés au domaine(stereotype threat = menace du stéréotype), dans d'autres la conjonction des deux.
Le statut "solo"
Se trouver en statut "solo" signifie être le seul représentant d'une catégorie, par exemple le genre (mais l'expérience peut identiquement être menée pour l'origine ethnique), dans un groupe : une femme entourée d'hommes, ou un hommes entouré de femmes. Dans une recherche, on a fait passer un test de mathématique à des femmes dans les deux situations suivantes : une seule femme avec deux hommes, ou bien uniquement des femmes présentes. Les résultats sont les suivants : les femmes ont de meilleurs résultats aux examens quand elles les passent avec d'autres femmes. Plus la proportion de femmes est faible, moins les résultats des femmes sont bons. C'est déjà un élément intéressant en soi, mais, plus intéressant, l'inverse n'est pas vrai : les résultats des hommes, en situation minoritaire ou pas, ne sont pas différents.
Menace du stéréotype
Le deuxième type de test concerne l'impact des stéréotypes sur les résultats. Le protocole de recherche consiste cette fois à faire passer le même test à des femmes, en leur disant dans un cas que le test de mathématique est neutre au niveau du genre, et qu'elles devraient avoir les même résultats que les hommes, ou bien, dans l'autre cas, que le test est biaisé  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "nota2#nota2" (2) en terme de genre et qu'elles devraient normalement avoir de moins bon résultats que les hommes. Dans le premier cas, elles ont les mêmes résultats que les hommes, et elles ont de moins bons résultats dans le second cas que dans le premier cas, alors que le test est en tout point identique…
Test croisé
Le test croisé consiste à voir si ces éléments sont cumulatifs : est ce que des femmes, en situation de solo statut, sont influencées par la peur des stéréotypes ? Les résultats sont les suivants : quand les deux facteurs défavorables sont présents, c'est à dire quand elles sont à la fois en situation de solo statut et qu'on leur présente le test comme biaisé en terme de genre, elles ont de plus mauvais résultats, et les résultats dans la situation inverse (uniquement des femmes dans la salle d'examen, et un test présenté comme non biaisé au niveau du genre) sont meilleurs. Le tableau récapitulatif donne les résultats suivants dans les quatre cas :
Solo statut Non solos Moyenne de la ligne Stéréotype threat 13.05 14.71 13.88 No threat 14.51 16.23 15.47 Moyenne de la colonne 13.66 15.44 
Nota : les hommes, dans les différentes situation, ont des résultats compris entre 14.32 et 14.71, différence qui n'est pas significative.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces expériences  ?
Les personnes stigmatisées par des stéréotypes sont influencées par ces stéréotypes, et les stéréotypes « produisent » la réalité sociale. Si je dis à une jeune fille : « tu ne peux pas avoir de bons résultats en mathématique, parce que c'est une discipline scientifique et que les sciences sont un domaine où les filles ne sont pas bonnes », non seulement je véhicule un stéréotype négatif, mais surtout j'influence négativement ses performances, et, de fait, elle aura de moins bons résultats en mathématique. En deuxième lieu, une personne appartenant à un groupe victime de stéréotypes, quand elle est en situation minoritaire, vit une forme de stress qui est nocive pour ses résultats. (A noter qu'une autre expérience réalisée par ces chercheurs montre que si on introduit une menace fictive, du type « des ultrasons sont diffusés dans la pièce où vous aller passer l'examen », les résultats des femmes ne sont pas moins bons que ceux des hommes, et pas moins bons suivant qu'elles sont ou non en solo statut : l'introduction d'une source de stress sans rapport avec le statut de minoritaire annule semble-t-il l'effet du stress dû au « solo statut », le stress étant attribué à un phénomène n'ayant rien à voir avec le contenu de l'examen ou l'environnement. )
Mais au fait, à quoi servent les stéréotypes  ?
Les chercheurs qui travaillent sur la construction des stéréotypes et sur leur fonction sociale ont montré qu'ils servent à construire une représentation simplifiée de la réalité. Si, quand je rencontre une personne pour la première fois, je peux dire à partir de son sexe, quelle est la couleur qu'elle préfère, qu'elles sont les matières dans lesquelles elle excelle, et quelle va être la nature de ses arbitrages entre vie familiale et vie professionnelle, mes rapports avec elle vont être simplifiés, j'aurais l'impression de savoir qui elle est plus rapidement. Mais les stéréotypes sont une forme de simplification qui, dans la mesure où la réalité est plus complexe que ce qu'en disent les stéréotypes, peut m'amener à des erreurs fatales... Une femme peut être douée en math, un homme peut aimer le rose : il est donc dangereux de préjuger des caractéristiques de mon interlocuteur en fonction uniquement de son sexe, de son origine sociale, ou de la couleur de sa peau. En d'autre terme : les stéréotypes sont une manière simplifiée, simpliste, d'envisager la réalité. Les utiliser, y croire, c'est limiter sa vision de la réalité, et on court le risque de se tromper. (Cela fournit aussi une réponse efficace si vous êtes confrontée à l'expression d'un stéréotype : ceux qui utilisent les stéréotypes sont ceux qui ne prennent pas la peine, ou ne sont pas capables, d'avoir une vision objective d'une réalité complexe…)
A quoi peuvent servir ces recherches ?
Il va de soit que pour Ada les recherches ci-dessus ne veulent pas dire que les femmes ne peuvent pas réussir dans des disciplines non traditionelles commes les sciences ou l'informatique. Ces études sont intéressantes parce qu'elles permettent de comprendre certains freins que rencontrent les femmes, et donc de mieux lutter contre. En particulier, montrer que les stéréotypes ne sont pas seulement des opinions, des discours « hors réel », mais qu'ils ont une influence sur les performances des groupes qu'ils stigmatisent, donne une raison supplémentaire de lutter contre eux. Ces tests montrent aussi (cf le tableau de résultats) que les filles compensent ces obstacles, soit par davantage de travail, soit par davantage de capacités. Dans des conditions correctes, elles ont des résultats supérieurs à ceux des garçons… Les filles qui terminent des études d'informatique sont donc à priori plus compétentes que les garçons de leur promotion... Avis à leur futur employeur  ! Enfin, il y a sans doute actuellement, dans les cursus scientifiques, un phénomène de renforcement négatif de ces deux problèmes : les stéréotypes produisent des moins bons résultats des filles (stereotype threat), donc il y a moins de filles dans les filières scientifiques, donc elles ont de moins bons résultats (solo statut), donc on renforce les stéréotypes… Mais plus il y a aura de filles dans ces filières, moins le statut de minorité jouera, plus il deviendra évident que les stéréotypes ne sont pas fondés, et moins la « menace des stéréotypes  » sera problématique… Un peu de patience et on va bien finir par y arriver  !
(1) Trois références à lire sur cette question : Ben-Zeev, Inzlicht, Fein [2002] Arousal and stereotype threat ;  HYPERLINK "http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/arousal_paper_jan_16,_2002.htm" \t "_blank" http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/arousal_paper_jan_16,_2002.htm Inzlicht M. Ben-Zeev T. [2000]A threatening intellectual environment : why females are susceptible to experiencing problem solving definicts in the presence of males.  HYPERLINK "http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/revisionFINAL3.pdf" \t "_blank" http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/revisionFINAL3.pdf Sekaquaptewa D., Thompson M. [2001] Solo status, stereotype thereat, and performance expectancies : their effect on women's performance.  HYPERLINK "http://www.sciencedirect.com" \t "_blank" http://www.sciencedirect.com.
(2) On dit qu'un test est biaisé notamment quand il utilise des références implicites à des domaines culturellement mieux maîtrisé par un groupe en particulier. Un test faisant références à des temps de cuisson du riz est à priori plus favorable aux femmes, un test utilisant des références aux voitures, au bricolage, est à priori plus favorable aux hommes, un test suposant des connaissances de la religion chétienne est plus favorable aux occidentaux…On ne peut pas se fier aux résultats d'un test biaisé, les performances étant influencées par un domaine externe à ce qu'on veut tester.
Les Femmes, les Belles, les idiotes et les diaboliques
Vous rappelez-vous nos urnes virtuelles qui vous ont permis de votre pour la meilleure et la pire "pub IT" ? Voici les résultats du vote !
En novembre 2004, 103 personnes ont voté en ligne pour choisir la meilleure et la pire "pub IT". A cette occasion, ADA avait organisé aussi une expo d'images de pub du secteur IT, présentés dans le cadre des Netdays-Digitales, organisées par la commune d'Ixelles en collaboration avec Constant. L'expo faisait le point sur une publicité qui s'adresse toujours aux hommes, en risquant de perdre des « clientes potentielles ».  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/article.php3?id_article=168" Découvrez les réactions des visiteurs…
Les Femmes !


Les femmes, celles que l'on peut croiser dans la réalité ! Ce sont des femmes qui travaillent avec l'informatique ou qui l'utilisent pendant leurs moments de loisir... En tout cas, elles s'en servent avec l'air de comprendre ce qu'elles font !
Ada les aime bien, vous l'aurez compris, et cela même si, il faut l'avouer, les choix des annonceurs et de publicitaires s'avèrent stéréotypés : elles sont toujours bien habillées, jolies. Elles sont très souvent blanches. Elles sont souvent jeunes. Elles sont souvent riches.
Et vous, qu'est-ce que vous pensez de cette pub ? Comment une bonne pub d'un produit ICT représentant une femme devrait être ? Participez à notre  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/article.php3?id_article=164" \l "forum" forum de discussion !


Celle Que Vous Voudriez Comme Collègue ?
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Les Belles-Futiles
Les belles-futiles ? Elles sont là uniquement pour faire joli. Souvent elles sont entières, mais parfois elles ne sont que des morceaux de femme : ici une cuisse, là un sein...
Vous l'aurez compris, Ada ne les aime pas spécialement, elles ont sur elle un effet soporifique ! Quel manque d'originalité et d'imagination !
Et vous, ça vous énerve ce genre de publicité ? Ou tout cela ne vous agace pas ? Participez à notre  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/article.php3?id_article=164" \l "forum" forum de discussion ! 
Les Idiotes
Les "idiotes" sortent tout droit de l'imagination morbide des "créatifs". Elles essaient de parler à l'ordinateur avec un mégaphone ou se déchirent les cheveux pour le choix d'une imprimante. Parfois, elles sont des belles-futiles-idiotes et alors la situation se complique : elles jouent à cache-cache en culotte, ou essaient de toaster leur tartines dans un fax. De quoi persuader n'importe quel employeur d'engager des femmes !
Vous l'aurez compris, Ada se fâche !
Et vous, vous êtes choqué/e par ce genre de publicité ? Participez à notre  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/article.php3?id_article=164" \l "forum" forum de discussion ! 
Stéréotype, situation minoritaire, performance...
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "1#1" Solo statut
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "2#2" Menace du stéréotype
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "3#3" Test croisé
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "4#4" Quelles conclusions peut on tirer de ces expériences  ?
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "5#5" Mais au fait, à quoi servent les stéréotypes  ?
 HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "6#6" A quoi peuvent servir ces recherches ?
Quel est l'impact des stéréotypes sur les personnes qu'ils stigmatisent ? Quand on est la seule fille d'une classe, cela n'a-t-il aucune influence sur les résultats scolaires ? La psychologie sociale s'intéresse à ces questions, et les résultats de plusieurs recherches HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "nota#nota" (1) permettent de commencer à y répondre.
Différentes recherches ont été réalisées, dans lesquelles on mesure les performances des femmes dans des matières considérées comme "masculines", par exemple les mathématiques : dans certains cas c'est l'impact d'être en minorité dans le groupe (solo statut) qui est étudié, dans d'autre l'impact des stéréotypes liés au domaine(stereotype threat = menace du stéréotype), dans d'autres la conjonction des deux.
Le statut "solo"
Se trouver en statut "solo" signifie être le seul représentant d'une catégorie, par exemple le genre (mais l'expérience peut identiquement être menée pour l'origine ethnique), dans un groupe : une femme entourée d'hommes, ou un hommes entouré de femmes. Dans une recherche, on a fait passer un test de mathématique à des femmes dans les deux situations suivantes : une seule femme avec deux hommes, ou bien uniquement des femmes présentes. Les résultats sont les suivants : les femmes ont de meilleurs résultats aux examens quand elles les passent avec d'autres femmes. Plus la proportion de femmes est faible, moins les résultats des femmes sont bons. C'est déjà un élément intéressant en soi, mais, plus intéressant, l'inverse n'est pas vrai : les résultats des hommes, en situation minoritaire ou pas, ne sont pas différents.
Menace du stéréotype
Le deuxième type de test concerne l'impact des stéréotypes sur les résultats. Le protocole de recherche consiste cette fois à faire passer le même test à des femmes, en leur disant dans un cas que le test de mathématique est neutre au niveau du genre, et qu'elles devraient avoir les même résultats que les hommes, ou bien, dans l'autre cas, que le test est biaisé  HYPERLINK "http://www.ada-online.org/frada/rubriqueimpression.php3?id_rubrique=98" \l "nota2#nota2" (2) en terme de genre et qu'elles devraient normalement avoir de moins bon résultats que les hommes. Dans le premier cas, elles ont les mêmes résultats que les hommes, et elles ont de moins bons résultats dans le second cas que dans le premier cas, alors que le test est en tout point identique…
Test croisé
Le test croisé consiste à voir si ces éléments sont cumulatifs : est ce que des femmes, en situation de solo statut, sont influencées par la peur des stéréotypes ? Les résultats sont les suivants : quand les deux facteurs défavorables sont présents, c'est à dire quand elles sont à la fois en situation de solo statut et qu'on leur présente le test comme biaisé en terme de genre, elles ont de plus mauvais résultats, et les résultats dans la situation inverse (uniquement des femmes dans la salle d'examen, et un test présenté comme non biaisé au niveau du genre) sont meilleurs. Le tableau récapitulatif donne les résultats suivants dans les quatre cas :
Solo statut Non solos Moyenne de la ligne Stéréotype threat 13.05 14.71 13.88 No threat 14.51 16.23 15.47 Moyenne de la colonne 13.66 15.44 
Nota : les hommes, dans les différentes situation, ont des résultats compris entre 14.32 et 14.71, différence qui n'est pas significative.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces expériences  ?
Les personnes stigmatisées par des stéréotypes sont influencées par ces stéréotypes, et les stéréotypes « produisent » la réalité sociale. Si je dis à une jeune fille : « tu ne peux pas avoir de bons résultats en mathématique, parce que c'est une discipline scientifique et que les sciences sont un domaine où les filles ne sont pas bonnes », non seulement je véhicule un stéréotype négatif, mais surtout j'influence négativement ses performances, et, de fait, elle aura de moins bons résultats en mathématique. En deuxième lieu, une personne appartenant à un groupe victime de stéréotypes, quand elle est en situation minoritaire, vit une forme de stress qui est nocive pour ses résultats. (A noter qu'une autre expérience réalisée par ces chercheurs montre que si on introduit une menace fictive, du type « des ultrasons sont diffusés dans la pièce où vous aller passer l'examen », les résultats des femmes ne sont pas moins bons que ceux des hommes, et pas moins bons suivant qu'elles sont ou non en solo statut : l'introduction d'une source de stress sans rapport avec le statut de minoritaire annule semble-t-il l'effet du stress dû au « solo statut », le stress étant attribué à un phénomène n'ayant rien à voir avec le contenu de l'examen ou l'environnement. )
Mais au fait, à quoi servent les stéréotypes  ?
Les chercheurs qui travaillent sur la construction des stéréotypes et sur leur fonction sociale ont montré qu'ils servent à construire une représentation simplifiée de la réalité. Si, quand je rencontre une personne pour la première fois, je peux dire à partir de son sexe, quelle est la couleur qu'elle préfère, qu'elles sont les matières dans lesquelles elle excelle, et quelle va être la nature de ses arbitrages entre vie familiale et vie professionnelle, mes rapports avec elle vont être simplifiés, j'aurais l'impression de savoir qui elle est plus rapidement. Mais les stéréotypes sont une forme de simplification qui, dans la mesure où la réalité est plus complexe que ce qu'en disent les stéréotypes, peut m'amener à des erreurs fatales... Une femme peut être douée en math, un homme peut aimer le rose : il est donc dangereux de préjuger des caractéristiques de mon interlocuteur en fonction uniquement de son sexe, de son origine sociale, ou de la couleur de sa peau. En d'autre terme : les stéréotypes sont une manière simplifiée, simpliste, d'envisager la réalité. Les utiliser, y croire, c'est limiter sa vision de la réalité, et on court le risque de se tromper. (Cela fournit aussi une réponse efficace si vous êtes confrontée à l'expression d'un stéréotype : ceux qui utilisent les stéréotypes sont ceux qui ne prennent pas la peine, ou ne sont pas capables, d'avoir une vision objective d'une réalité complexe…)
A quoi peuvent servir ces recherches ?
Il va de soit que pour Ada les recherches ci-dessus ne veulent pas dire que les femmes ne peuvent pas réussir dans des disciplines non traditionelles commes les sciences ou l'informatique. Ces études sont intéressantes parce qu'elles permettent de comprendre certains freins que rencontrent les femmes, et donc de mieux lutter contre. En particulier, montrer que les stéréotypes ne sont pas seulement des opinions, des discours « hors réel », mais qu'ils ont une influence sur les performances des groupes qu'ils stigmatisent, donne une raison supplémentaire de lutter contre eux. Ces tests montrent aussi (cf le tableau de résultats) que les filles compensent ces obstacles, soit par davantage de travail, soit par davantage de capacités. Dans des conditions correctes, elles ont des résultats supérieurs à ceux des garçons… Les filles qui terminent des études d'informatique sont donc à priori plus compétentes que les garçons de leur promotion... Avis à leur futur employeur  ! Enfin, il y a sans doute actuellement, dans les cursus scientifiques, un phénomène de renforcement négatif de ces deux problèmes : les stéréotypes produisent des moins bons résultats des filles (stereotype threat), donc il y a moins de filles dans les filières scientifiques, donc elles ont de moins bons résultats (solo statut), donc on renforce les stéréotypes… Mais plus il y a aura de filles dans ces filières, moins le statut de minorité jouera, plus il deviendra évident que les stéréotypes ne sont pas fondés, et moins la « menace des stéréotypes  » sera problématique… Un peu de patience et on va bien finir par y arriver  !
(1) Trois références à lire sur cette question : Ben-Zeev, Inzlicht, Fein [2002] Arousal and stereotype threat ;  HYPERLINK "http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/arousal_paper_jan_16,_2002.htm" \t "_blank" http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/arousal_paper_jan_16,_2002.htm Inzlicht M. Ben-Zeev T. [2000]A threatening intellectual environment : why females are susceptible to experiencing problem solving definicts in the presence of males.  HYPERLINK "http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/revisionFINAL3.pdf" \t "_blank" http://bss.sfsu.edu/ben-zeev/revisionFINAL3.pdf Sekaquaptewa D., Thompson M. [2001] Solo status, stereotype thereat, and performance expectancies : their effect on women's performance.  HYPERLINK "http://www.sciencedirect.com" \t "_blank" http://www.sciencedirect.com.
(2) On dit qu'un test est biaisé notamment quand il utilise des références implicites à des domaines culturellement mieux maîtrisé par un groupe en particulier. Un test faisant références à des temps de cuisson du riz est à priori plus favorable aux femmes, un test utilisant des références aux voitures, au bricolage, est à priori plus favorable aux hommes, un test suposant des connaissances de la religion chétienne est plus favorable aux occidentaux…On ne peut pas se fier aux résultats d'un test biaisé, les performances étant influencées par un domaine externe à ce qu'on veut tester.
























REPRÉSENTATION DES GROUPES SUIVANTS DANS LES MÉDIAS :

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/minorites_ethniques/index.cfm" Minorités ethniques et visibles

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/aborigenes/index.cfm" Autochtones

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/index.cfm" Femmes et filles  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/beaute_image.cfm" Beauté et image corporelle dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/sexualite_relations.cfm" Sexualité et relations entre les sexes dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/couverture_mediatique.cfm" Couverture médiatique des femmes et de la condition féminine |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/filles_medias.cfm" Filles et médias | L'économie du sexisme |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/carrieres_femmes_medias.cfm" Carrières des femmes dans les médias |  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/femmes_filles/lutte_contre_stereotypes.cfm" Lutte contre les stéréotypes, pour le changement 
 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/masculinite/index.cfm" Hommes et garçons

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/gais_lesbiennes/index.cfm" Gais et lesbiennes

 HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/enjeux/stereotypes/blancs/index.cfm" Blancs et privilèges accordés aux Blancs


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Table des matières Chère Télé... ou comment regarder la télévision en famille  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_chere_tele.cfm" Introduction 1.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_enfant_tele.cfm" L'enfant et la télévision 2.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_famille_tele.cfm" La famille et la télévision    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_cinq_questions.cfm" Cinq bonnes questions    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_famille.cfm" Fiche maison 3. Les stéréotypes à la télévision 4.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_valeurs_tele.cfm" Les valeurs et la télévision    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_valeurs.cfm" Fiche maison 5.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_enfants_nouvelles.cfm" L'enfant et les nouvelles    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_nouvelles.cfm" Fiche maison 6.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_violence_tele.cfm" La violence à la télévision    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_violence.cfm" Fiche maison 7.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_programmation.cfm" La programmation 8.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_technologies.cfm" Les nouvelles technologies (fiche maison) 9.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_production_tele.cfm" La production télévisuelle (fiche maison) 10.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_fiche_pub_tele.cfm" La publicité à la télévision (fiche maison)    HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/mieux_agir_que_subir.cfm" Mieux vaut agir que subir 11.  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/parents_ressources/trousse_proaction.cfm" Proaction
Documents du Réseau sur ce sujet  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/profils/groupes_de_pression/alliance_enfant_tele.cfm" L'Alliance pour l'enfant et la télévision  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/textes_d_opinion/dis_moi_regardes.cfm" Dis-moi ce que tu regardes, je te dirai qui tu es

Pour en savoir plus à ce sujet, visitez le  HYPERLINK "http://www.media-awareness.ca/francais/outils/plan_du_site/" plan du site.









Les stéréotypes
Voici une brochette de stéréotypes communs :
la blonde écervelée ;
l'Asiatique expert en karaté ;
le bon ou le mauvais policier ;
l'hôtesse de l'air facile ;
l'Italien mafioso ;
le joueur de football abruti ;
l'enfant à lunettes studieux ;
l'Arabe terroriste ;
le Mexicain paresseux ;
le gros jovial.
Puisque la plupart des émissions de télévision sont relativement courtes – environ 22 minutes par demi-heure – les scénaristes et les producteurs ont souvent recours à des stéréotypes pour camper les personnages le plus rapidement possible. Ces personnages s'habillent et se comportent de façon que les spectateurs puissent les identifier facilement. Dans le western traditionnel, par exemple, on reconnaît le héros à son chapeau blanc, alors que le méchant est coiffé en noir.
Le fait de pouvoir reconnaître un personnage dans une émission ou un film peut être rassurant. Mais le problème des stéréotypes est qu'ils présentent des images incomplètes et parfois trompeuses des gens. Pensez aux vieilles dames et aux pères de famille du petit écran : les unes sont généralement distraites les autres sont nuls en cuisine. À force de voir ces stéréotypes, nous avons tendance à les confondre avec la réalité.

Le stéréotype sexuel
Les images des hommes et des femmes véhiculées par les médias influencent notre conception de ce qu'une personne peut faire ou être.
les femmes et les hommes que nous montre la télévision répondent à des modèles précis, schématiques et à l'opposé l'un de l'autre.

Les filles et les femmes : timides, émotives, soumises et incapables de résoudre elles-mêmes leurs problèmes ; elles s'intéressent aux histoires d'amour, à leur maison et à leur apparence physique. Les « mauvaises » femmes sont sexy ou, du moins, séduisantes ; les femmes « bien » ne le sont pas. Les garçons et les hommes sont entreprenants, bien informés, indépendants et résolvent leurs problèmes tout seuls ; ils s'intéressent aux voitures, aux sports et à leur travail.

Les images stéréotypées des femmes peuvent affecter profondément l'image que se font les femmes d’elles mêmes.
souffrent de maladies comme l'anorexie et la boulimie. Leur désir d'être mince est renforcé par l'image des mannequins filiformes qu'elles voient dans les annonces.

«Femme, stéréotype ou réalité ?» Animé par Alexis
Sujet difficile pour ce deuxième atelier de l'année 2003. La présence de deux femmes nées femmes parmi nous pour cet atelier permettra d'avoir aussi leurs témoignages et leurs sentiments sur la question qui nous réunis ce soir...
Comment définir la féminité ? D'ailleurs, se définit-elle ? Que représente-t-elle pour les transgenres ? Comment les transgenres ressentent la féminité.
Par l'habillement et l'aspect physique ? Par des attitudes ? Par une sensibilité plus forte ? Chaque personne peut avoir des vues différentes sur cette question. Le débat de ce soir, s'il ne permet pas de répondre à la question aura participé à une réflexion intéressante sur le sujet.
...découvrez la suite de cet article en adhérant au CARITIG

 Voir « la haine ? je dis non » Dossier établi par le Mrax et la Ligue des droits de l’Homme et une collaboration du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme. Diffusé par « L’école des années 2000 » Labor,
 Valise pédagogique produite par Iteco, la Ligue des droits de l’Homme, le Mrax, le Centre Belge d’Action interculturelle et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme
[1] Cette destruction des références identitaires soulignée par Goffman n’est pas vérifiée par les travaux que Maurice Duval (1998) a consacrés à la Marine marchande, puisque marins méridionaux et bretons persistent à affirmer leurs différences.

[2] Dans Asiles, Dostoïevski est cité deux fois pour ses souvenirs du bagne, Orwell cinq fois pour une évocation de sa jeunesse en pensionnat, Melville seize fois (avec une citation d’une page entière) pour ses années passées dans la marine. A titre de comparaison, dans La présentation de soi (1973 a, 1973 b), Goffman cite quatre fois Simone de Beauvoir, quatre fois Sartre et deux fois Kafka.

[3] Comme cela a été le cas plusieurs fois pour Marcel Proust ces dernières années (Bidou-Zachariasen, 1990 ; Belloi, 1993 ; Dubois, 1997). D’ailleurs, parmi eux, Livio Belloi fait de Proust le précurseur de Goffman, et voit une filiation directe entre La recherche du temps perdu et La mise en scène de la vie quotidienne. Outre le fait que Goffman n’a sans doute pas lu Proust (Champy 2000), on peut douter de cette filiation dans la mesure où, justement, Goffman ne cherche pas son inspiration dans la littérature, mais seulement des illustrations. L’ethnologue Mary Douglas (1992) fournit un autre exemple d’usage illustratif de la littérature, au service d’une théorie qui ne lui doit rien (dans le cadre de ses travaux sur le risque, elle illustre la présentation de ses types culturels avec Flaubert, Sartre et Mishima).

[4] « Cela fait penser à une sorte de magie blanche : si vous accomplissez tous les gestes imputables à la science, la science apparaîtra. Mais elle n’est pas apparue. (…) beaucoup de ces études rappellent les expériences que font les enfants avec une boîte du petit chimiste : ‘ suivez les instructions et vous deviendrez un vrai chimiste, comme sur la photographie ’ » (Goffman 1973 b : 17).

[5] « Il est difficile de prouver que des affirmations ainsi qualifiées sont fausses, ce qui est agréable ; mais cette même qualification réduit la portée de leur vérité éventuelle, ce qui est gênant » (Goffman 1973 b : 15-16). Discutant le caractère sociographique ou sociologique de certaines œuvres de Perec, Becker (2000) repère un procédé stylistique semblable : dans Les choses, l’emploi inhabituel et presque systématique de l’imparfait comme temps de la narration permet de suggérer, de souligner le caractère répétitif et routinier de l’existence des personnages, qui est ainsi présentée comme révélatrice d’un mode de vie.

 HYPERLINK "http://alor.univ-montp3.fr/cerce/r3/p.w.htm" \l "_ftnref6#_ftnref6" [6] Paradoxalement, ce mode de raisonnement observé chez le personnel est censé être caractéristique des malades mentaux. Ainsi, dans Le journal d’un fou de Gogol [1833] (1998), l’un des ressorts comiques repose sur la capacité du fou à réinterpréter systématiquement tout ce qui lui arrive pour renforcer sa conviction. Quoiqu’il arrive, Poprichtchine est persuadé d’être le roi d’Espagne : quand des infirmiers viennent le chercher pour l’interner, il les prend pour une députation ibérique le ramenant à son trône, puis pense que les coups de bâton font partie des coutumes chevaleresques espagnoles.

[7] « Soudain il se sentit envahi par le désespoir, il attrapa des deux mains la grille et la secoua, de toutes ses forces. Mais la grille était solide et ne céda pas. (…) Il s’approcha de la porte et l’ouvrit, mais Nikita bondit immédiatement et lui barra la route. - Où allez-vous ? Il ne faut pas, il ne faut pas ! dit-il. Il est temps de dormir. - Mais je n’en n’ai que pour une minute, je veux faire un tour dans la cour ! (…) - Non, non, c’est interdit. Vous le savez bien. - (…) Je ne comprends pas ! Nikita, je dois sortir, fit-il d’une voix tremblante. J’en ai besoin ! - Ne faites pas de scandale, ce n’est pas bien ! insista Nikita. - (…) Ouvre ! cria Andreï Iéfimytch, tremblant de tout son corps. Je te l’ordonne ! - Cause toujours ! répondit Nikita derrière la porte. Cause toujours ! (…) Nikita ouvrit brusquement la porte, repoussa rudement, des deux mains et du genou, Andreï Iéfimytch, puis il leva la main et lui abattit son poing sur la figure » (Tchekov [1892] 1997 : 68-70).

[8] « Lorsqu’un malade est isolé, nu et sans moyens d’expression à sa portée, il n’a d’autres ressources que de déchirer son matelas, s’il le peut, ou d’écrire sur le mur avec ses excréments, autant d’actes qui justifient son maintien en cellule » (Goffman 1968 : 360)

[9] Cette forme de totalitarisme, qui nie la qualité de sujet du malade (ou plutôt de celui qui est étiqueté comme tel), est encore aggravée par les technologies modernes, qui objectivent la définition stéréotypée du « groupe à risque » des malades à travers la mise en œuvre de méthodes dites scientifiques, qui combinent le diagnostic-expertise, l’informatique et les statistiques, tout en reposant sur une étiologie à la fois implicite et très sommaire (Castel 1981).

[10] Le crock est un autre exemple célèbre de stéréotype utilisé par le corps médical dans sa relation avec les patients (Becker 1993). Pour les étudiants en médecine qui officient dans les hôpitaux américains, un crock est un patient qui se plaint de nombreux maux sans présenter de pathologie claire : le seul traitement efficace consiste alors à lui parler pour le rassurer, ce qui, pour ces étudiants, ne présente que peu d’intérêt du point de vue de l’apprentissage de la médecine.

[11] « Voilà déjà deux ans qu’elle faisait des transfusions et elle n’avait pas encore vu un seul malade qui ne se montrât soupçonneux : chacun se conduisait comme s’il avait eu dans les veines du sang princier et qu’il eût craint les mélanges. A tous les coups, les malades louchaient vers le sang, n’aimaient pas sa couleur, son groupe, sa date (…). Seule une attitude résolue permettait de briser cette sotte méfiance. » (Soljenitsyne 1968 : 436-437).

[12] On notera que l’accord tacite entre personnel et patients visant à déresponsabiliser les seconds peut nourrir certaines interprétations « psychologistes » du cancer, qui présentent cette maladie comme la conséquence d’une faiblesse de caractère (Sontag 1993).

[13] « On avait fini par l’envoyer à la consultation des cancéreux, où, à tous les malades sans exception, on disait toujours que ‘ ça n’était pas le cancer ’, Ephrem n’avait toujours pas voulu comprendre, et, plutôt que d’écouter son bon sens naturel, il avait écouté son propre désir : ce n’était pas le cancer qu’il avait, et tout finirait par s’arranger (…) à la clinique, les types étaient déjà collés à leur ballon d’oxygène, c’est à peine s’ils remuaient encore les yeux, mais leur langue continuait d’affirmer : je ne mourrai pas ! je n’ai pas le cancer ! De vraies poules, quoi ! Les poules ont beau savoir que chacune d’elles aura le couteau en travers de la gorge, elles n’en continuent pas moins à glousser et à gratouiller pour trouver leur nourriture. Et on peut bien en prendre une pour l’égorger, ça n’empêchera pas les autres de gratouiller » (Soljenitsyne 1968 : 140-145).













[9] Cette forme de totalitarisme, qui nie la qualité de sujet du malade (ou plutôt de celui qui est étiqueté comme tel), est encore aggravée par les technologies modernes, qui objectivent la définition stéréotypée du « groupe à risque » des malades à travers la mise en œuvre de méthodes dites scientifiques, q3cdú ü


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