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9 oct. 2007 ... Ainsi, au croisement du Marketing et de l'Information, nous avons répertorié ..... du game design et l'auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet[9]. ...... par l' Organisation Internationale des Standards (ISO), 1998 connue ...... Dans un QCM , le plus intéressant, c'est de poser la question mais pas d'y répondre.




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rons par tenter de cerner "l’objectif pédagogique", puis, nous chercherons à observer des liens et des similarités entre l’Approche Par Problème (APP), qui représente un sous-ensemble de l’apprentissage actif, et le serious game. Si cela semble significatif, nous tenterons alors, de le confirmer par la mise en place d’une expérience pédagogique combinant APP et serious game.


Introduction

Dans l’idée d’étudier comment au sein d’un serious game, interfacer le jeu vidéo avec le "scénario pédagogique", que Tricot présente comme étant une "fonction", nous avons dans les chapitres précédents, commencé par tenter de définir la propriété de cette dernière. Puis nous avons inventorié, en prenant appui sur l’étude de cas Technocity, un ensemble de paramètres non exhaustifs, qui jouent, semble t-il, un rôle prépondérant dans cet interfaçage et doivent de ce fait être mis en cohérence.
Dans le cadre de cette thèse, nous ne pourrons cependant pas étudier l’ensemble de ces paramètres et avancer des hypothèses sur la manière de les mettre en cohérence. Ce serait trop ambitieux et probablement hors de notre portée théorique dans la majorité des cas. Pour le lecteur qui disposerait de plus de clés que nous, ou qui souhaiterait approfondir sa réflexion, nous l’invitons à consulter en annexe l’intégralité des interviews, qui nous l’espérons, pourrons peut-être apporter plus de détails et d’informations sur les points que nous n’approfondirons pas ou n’aborderons pas dans le cadre de cette thèse.
Pour ce dernier, nous nous attacherons donc à étudier, plus modestement, les deux composantes qui nous semblent constituer la base du serious game : la pédagogie et le jeu vidéo. Dans ce contexte, le retour d’expérience de Technocity, nous servira, le cas échéant à tenter de recouper des hypothèses théoriques que nous aborderons tout au long de ce chapitre.
Celui-ci se consacre à étudier l’approche qui consiste à mettre en relation le jeu et la pédagogie en tentant de nous questionner sur leurs natures respectives. Ceci s’inscrit dans l’optique d’étudier l’interfaçage du serious game avec un environnement pédagogique.
Pour cela l’idée est dans un premier temps de tenter de cerner "l’objectif" de la "fonction" que représente le "scénario pédagogique". Si nous y parvenons, nous devrions probablement disposer d’une vision plus complète de celle-ci.
Avec cette nouvelle donnée, nous espérons ainsi, pouvoir définir une forme de pédagogie qui pourrait être mise en cohérence avec le serious game.

Les écrits de Brougère dans notamment "Jouer/Apprendre" ou encore celles de Gee, dans par exemple, "What Video Games Have to Teach Us About Learning and Literacy", nous invitent à explorer la piste de l’apprentissage actif pour associer celle-ci au jeu. Cette forme d’apprentissage pourrait-elle être mise en cohérence avec le serious game ? C’est ce que nous tenterons d’explorer.

Dans la première partie de ce chapitre, après avoir inventorié, différents "objectifs pédagogiques", en nous référant à l’état de l’art du premier chapitre, nous tenterons de les trier en fonction de leur type d’apprentissage. Puis nous chercherons à identifier une forme de pédagogie qui soit à même d’englober les apprentissages identifiés. Nous envisagerons que l’apprentissage actif puisse être un bon candidat.
Pour l’éprouver, dans la seconde partie, nous proposerons de chercher de façon pragmatique, des liens et des similitudes entre le serious game et l’Apprentissage Par Problème (APP), qui représente selon James Rhem, un sous-ensemble de l’apprentissage actif.
Si nous parvenons entre ces derniers, à identifier une similitude assez significative, nous pourrons envisager d’étudier leur réciprocité au niveau pédagogique. Ceci afin de conforter notre hypothèse. Pour cela, nous proposerons de mettre en place une expérience pédagogique combinant APP et serious game. Enfin, nous présenterons nos résultats et conclusions.

Cerner une pédagogie compatible avec le serious game

Dans l’optique de tenter d’identifier une forme de pédagogie qui pourrait être interfacée, de manière cohérente, avec le serious game, sans prétention exclusive, nous nous proposons de commencer par tenter de définir "l’objectif pédagogique". En effet, dans le premier chapitre nous avions grâce aux propos de Tricot avancé une première définition du scénario pédagogique, mais nous n’avons pas encore étudié l’objectif de cette fonction dans le cadre de cette thèse.
Pour cela, nous proposons la méthodologie suivante : commencer par inventorier les différents types de serious games. Précisons, d’emblé, que nous ne pouvons pas prétendre être exhaustifs, compte tenu de l’ampleur des champs d’application que nous avons entrevu dans le premier chapitre (cf. chapitre 1 : 1.2). Nous devons donc nous cantonner à un ensemble artificiellement fini, en nous basant sur les domaines qui nous semblent être les plus représentatifs à ce jour et en utilisant le corpus inventorié lors de notre état de l’art. (cf. chapitre 1 : 3)
Une fois les serious games ainsi inventoriés, nous tâcherons de les regrouper en fonction de leur type d’enseignement. Terme, qui pour nous, s’entend au sens large. C’est-à-dire, qui ne se cantonne pas exclusivement, à l’acquisition d’une connaissance ou d’une pratique dans un contexte scolaire ou de formation.
Si nous parvenons à établir de tels regroupements, nous essayerons enfin, de nous représenter une forme de pédagogie qui pourrait convoquer l’ensemble de ces "objectifs pédagogiques". Enfin, nous tenterons de l’identifier.
Pour mémoire, avant de poursuivre notre réflexion, précisons comme nous l’avons évoqué précédemment que dans notre contexte nous entendons le terme pédagogie au sens d’une méthode destinée à entraîner, exercer, instruire, ou encore informer un ou plusieurs utilisateurs dans n’importe quel domaine en dehors du seul divertissement (cf. chapitre 1 : 2.4).

1.1. Définir "l’objectif pédagogique"

1.1.1. Identifier différents types de serious games
Durant le premier chapitre (cf. chapitre 1 : 3), nous avons proposé un état de l’art du serious game. Face à la diversité des domaines d’utilisation du serious game inventoriés, nous avions proposé de privilégier les domaines suivants : Militaire, Militant, Marketing, Education/Formation, Information et Santé. Pour cela, nous nous étions appuyés notamment des approches de Frasca, Michael, Chen, Sawyer, Zyda et de nos propres travaux. Il nous semble en effet, qu’il s’agit à ce jour, des principaux domaines d’application du serious game. (cf. chapitre 1 : 1.2).
Puis, pour chacun de ces domaines, nous avons ensuite recherché s’il existait des applications qui avaient déjà été identifiées et inventoriées. Pour résumer, nous avons établi les correspondances suivantes :

- Domaine Militaire : Military game
- Domaine Militant : Jeux engagés
- Domaine Marketing : Advergames
- Domaine Education/Formation : Edugames
- Domaine Information : Jeux vidéo informatifs
- Domaine Santé : Game for health

Nous avons également identifié que des domaines pouvaient se combiner. Ainsi, au croisement du Marketing et de l’Information, nous avons répertorié une catégorie de serious game, que nous avons désigné par le vocable "Edumarket game". Mais dans notre présente approche, nous n’en tiendrons pas compte, puisque l’objet est ici de tenter d’identifier des composantes primitives.

1.1.2. Regrouper les serious games par type d’apprentissage
A présent, que nous avons identifié différents types de serious games, qui semblent présenter des vocations différentes, tout en étant compatibles avec notre proposition de définition globale, vérifions si ces applications présentent des "objectifs pédagogiques" distincts. (essayons de répérer les objectifs pédagogiques potentiels)
(Quels sont les différents types d’apprentissages ? -> Défintion)
Pour cela, nous devons commencer par faire abstraction du domaine d’application. En effet, ce n’est pas le contexte d’apprentissage qui nous intéresse ici (application militaire, médicale, politique…), mais, le type d’apprentissage : s’agit-il d’enseigner une connaissance, une pratique ou bien les deux ?

Cependant notre approche du type d’enseignement est ici très peu définie. Précisons donc, ce que nous entendons par "enseignement d’une connaissance" et "enseignement d’une pratique" :

L’enseignement d’une connaissance englobe pour nous, l’idée de transmettre une information ou un savoir de type livresque.
L’enseignement d’une pratique correspond pour nous au fait d’entraîner ou de faire exercer l’apprenant. Ceci sur une activité qui peut être d’ordre physique ou de manière non exclusive, intellectuelle.
Comme évoqué précédemment, ces deux types d’enseignement ne se cantonnent pas exclusivement, pour nous, aux seuls cadres scolaires ou de formation.

Avec cette approche de la notion d’apprentissage, tentons à présent de regrouper les différents types d’application que nous avons identifié dans le paragraphe précédent en fonction des critères "enseignement d’une connaissance" et "enseignement d’une pratique" :

Les military games et les games for health, que nous avons répertorié dans le cadre du corpus de notre état de l’art du chapitre 1, semblent privilégier l’enseignement d’une pratique. En effet, l’ensemble des titres à connotation militaire, America’s Army, Battlezone (The Bradley Trainer), Game DIS et, Steel Beasts Professional, ainsi que les applications (pourraient éventuellement) destinées à soigner, l’Entraînement Cérébral du Dr Kawashima ou encore Wii Fitness, se destinent essentiellement à améliorer des performances psychomotrices : augmenter la finesse et la rapidité des mouvements, augmenter la rapidité pour répondre à des questions d’ordre psychotechniques…

Les advergames, les Jeux vidéo informatifs, les Jeux engagés, quant à eux, par essence, privilégient plutôt l’enseignement d’une connaissance. Cette dernière étant ainsi de nature informative, lorsqu’il s’agit de faire connaître une marque à l’instar de Pepsi Invaders (cf. chapitre 1 : 3.4.4), ou encore Kool Aid Man (cf. chapitre 1 : 3.4.5). Ce message peut être également militant comme en témoigne l’application MacDonald’s videogame par exemple (cf. chapitre 1 : 3.3.4) ou lorsqu’il s’agit d’aborder un problème politique, telle l’application Kabul Kaboom! (cf. chapitre 1 : 3.3.2). Le message peut aussi combiner information et savoir livresque en abordant des problèmes sociaux à l’instar du jeu informatif Le Sida et nous (cf. chapitre 1 : 3.6.1) ou encore par exemple Earthquake in Zipland (cf. chapitre 1 : 3.6.3).

Les edugames, semblent bien souvent, quant à eux, privilégier la combinaison des deux types d’enseignement connaissance et pratique : comme l’illustre par exemple The Oregon Trail, Lemonade Stand, Auto junior… (cf. chapitre 1 : 3.5)

1.1.3. Le panel des "objectifs pédagogiques" associé au serious game
Nous venons d’associer des types de serious game avec deux types d’enseignement, celle d’une connaissance et d’une pratique, non pas à l’aide d’une démonstration formelle, mais par une approche subjective. Cette approche classificatoire est de ce fait, par nature, sujette à contreverse.

Aussi, précisons de ce fait, que ce n’est pas l’exactitude de cette classification qui nous intéresse dans notre présente approche. Ce que nous souhaitions observer, ce sont les types "d’objectifs pédagogiques" qui sont associés aux serious game.

Sur ce plan, si l’on se réfère à nos observations, et si nous considérons que chaque type d’enseignement fait l’objet d’un "objectif pédagogique", nous pouvons, pour cette dernière, proposer la définition suivante :

Dans le cadre du serious game, elle semble s’apparenter soit à l’apprentissage d’une connaissance, soit à celle d’une pratique, ou bien des deux à la fois.

Cependant, après avoir entendu les propos de Molinier qui nous invite à nous écarter du schéma de Shannon (1948 : attention il est sur la com et pas sur les apprentissages -> trouver une autre citation) et à évaluer la complexité que sous-tend l’action de transmettre un message (cf. chapitre 1 : 7.3.2), nous nous devons de rester prudent sur la notion d’apprentissage d’une connaissance ou de celle d’une pratique.
Ainsi, lorsque nous les évoquons, nous préférons nous référer à une notion d’intentionnalité (cf. chapitre 1 :?), celle en l’occurrence du concepteur de l’application comme nous l’avions mentionné dans le premier chapitre lorsque nous nous sommes questionnés sur les limites du sérieux, en nous référant entre autres aux écrits de Frasca (cf. chapitre 1 : 3.3.5).
De ce fait, lorsque nous évoquons la notion "d’objectif pédagogique", nous suggérons plutôt de l’entendre comme une "intention pédagogique". 

1.2. Définir la propriété et l’objet de la forme pédagogique recherchée

Comme nous l’explique Tricot, concernant "la fonction" que représente le "scénario pédagogique", nous devons : « d’abord en définir l’objectif puis la définir elle-même. » (cf. chapitre 1 : 2.5)

Nous venons juste d’observer trois possibles concernant l’"objectif pédagogique" associé au serious game. Quant à la définition même de cette "fonction" nous avions avancé, dans le premier chapitre de cette thèse, celle-ci :

Fonction dédiée à un "objectif pédagogique", dont la propriété est de susciter l’envie d’apprendre et dont la réalisation dépend d’un jeu vidéo avec lequel elle s’interface.

En combinant celle-ci avec les trois possibles de "l’objectif pédagogique", et en prenant la précaution d’avancer la notion "d’intention" à la place "d’objectif" (cf. 1.1.3) , nous obtenons une définition de la fonction et de la propriété de la fonction qui semble, de notre point de vue, représenter globalement le scénario pédagogique :

Le "scénario pédagogique" est une "fonction" dont l’intention s’apparente soit à l’apprentissage d’une connaissance, soit à celle d’une pratique, ou bien des deux à la fois, et dont la propriété est de susciter l’envie d’apprendre et dont la réalisation dépend d’un jeu vidéo avec lequel elle s’interface.

Nous sommes, à présent, semble t-il, parvenu à avancer une proposition pour cerner les deux composantes du "scénario pédagogique" dédié au serious game. Ainsi, il nous semble qu’à présent, nous avons une meilleure représentation de ce que nous recherchons comme forme de pédagogie à mettre en cohérence avec le serious game. Nous pourrions la décrire ainsi :

La forme de pédagogie recherchée pour être compatible avec l’approche du serious game, doit avoir, pour propriété de susciter l’envie d’apprendre par l’intermédiaire d’un jeu et pour intention de viser l’apprentissage soit d’une connaissance, soit d’une pratique, ou bien des deux à la fois.

Notons que nous évoquons dans cette description la notion de "jeu" et non pas de "jeu vidéo", afin d’ouvrir notre champ d’investigation (en nous limitant au jeu vidéo, nous serions probablement cantonné au cantonnés aux seuls registres du détournement du jeu vidéo (cf. chapitre 1 : 2.3) et du serious game.
, c’est pourquoi il faut étudier le jeu dans une approche élargie) . Nous serions, en effet dans le cas contraire, probablement cantonnés aux seuls registres du détournement du jeu vidéo (cf. chapitre 1 : 2.3) et du serious game.
Cependant, peut-on faire un tel rapprochement ? Le jeu vidéo est-il bien un jeu ?
Brougère avance une telle hypothèse : "Cette émergence du jeu vidéo comme nouveau loisir et nouvelle modalité de jeu transforme la culture ludique. L’univers de jeu n’est plus la même, il intègre ce type de jeu, ce qui fait que la question de savoir s’il s’agit de jeu ou pas […] est vaine. Le jeu vidéo est inscrit dans notre culture du jeu et la transforme." (p. 137 et 138)
Ce questionnement sur le jeu, met en lumière, qu’il convient, (de tenter de cerner ces différentes notions que sont jeux et apprentissages) pour rechercher des approches pédagogiques qui associent jeu et apprentissage, de tenter de cerner ces différentes notions. Dans cette optique, nous allons à présent étudier le jeu pour essayer de le cerner et de ce fait tenter en parallèle d’affiner notre appréhension des notions de pédagogie et d’apprentissage.

Appréhender le jeu et son interfaçage avec l’apprentissage

Nous souhaitons ici, tenter d’appréhender la notion de jeu en nous référant essentiellement à des écrits théoriques et à nos retours d’expérience fondés sur le développement d’applications et de dispositifs informatiques. Nous espérons par cette démarche comprendre plus finement ce qu’implique l’idée d’interfacer un jeu avec un apprentissage.

2.1. Qu’est-ce que le jeu ?

Katie Salen et Eric Zimmerman mettent en lumière que la langue anglaise, contrairement à une majorité d’autres langues, dont le français, propose deux mots pour désigner le jeu : play et game. Il ne s’agit pas de synonymes, mais bien de deux approches distinctes du jeu, avec leurs significations propres (p.72). En nous référant aux écrits de Frasca (p.6), il semble que nous pourrions rapprocher respectivement play et game de ce que Roger Caillois, sociologue, désigne comme étant la "paidia" et le "ludus". Le premier correspondrait à la "puissance primaire d’improvisation et d’allégresse", le second au "goût de la difficulté gratuite" (p.75).
Cette distinction entre le play et le game, met en lumière le fait que lorsque nous convoquons la notion de "gameplay" dans le champ du jeu vidéo, il y a très certainement la volonté d’associer ces composantes paidia et ludus. Nous étudierons plus amplement cette approche dans le chapitre 4. Mais au préalable, tâchons de comprendre ce que sous-tendent ces deux termes :

Caillois illustre, le paidia, en lui donnant pour support les exemples de jeux suivants : "le nourrisson qui rit à son hochet", "faire s’écrouler un assemblage", "tirer la langue, faire des grimaces", "marcher à cloche-pied"… (p.77 à 78) Ces exemples de Caillois ont en commun que c’est ici l’enfant qui improvise le jeu. Cet acte peut-être vu comme la recherche d’un moment ludique. Nous noterons également, que ces exemples, ordonnés ainsi, semblent marquer en parallèle, une évolution dans les jeux. Ils semblent se complexifier dans le sens où ils nécessiteraient plus de pré requis sur le plan psychomoteur. Cela traduirait ainsi chez Caillois, l’intention de montrer un lien entre la maturation de l’enfant et les jeux qu’il crée. Cela nous renvoie aux travaux de Jean Piaget qui a ainsi classifié les jeux en fonction du développement de l’enfant. Il identifie trois catégories de jeux : sensori-moteurs, symboliques, et avec règles. La première correspondrait au développement de l’enfant lorsqu’il s’attacherait essentiellement à observer, retrouver, puis manipuler des objets. La seconde correspondrait à l’étape où l’enfant rattacherait aux objets une dimension symbolique : par exemple, une boîte en carton représente une maison, un bâton une arme à feu… Enfin, la dernière, serait associée à la période où l’enfant introduit des règles dans ses jeux. Ce qui correspond chez Caillois à l’introduction du ludus. Si l’enfant paraît ici relié prioritairement à la paidia, soulignons comme le précise Kellner que ce n’est pas pour autant son apanage : Ia paidia « désigne ce qui appartient à l’enfant mais ne se limite pas pour autant au jeu des enfants. Ce terme ainsi que ses dérivés, désigne le jeu en général jusqu’à celui le plus noble, et le plus saint. » (p.66)

Caillois illustre, le ludus, en lui donnant pour support les exemples de jeux suivants : le yoyo, le bilboquet, le cerf-volant, le colin-maillard, le jeu du solitaire, les mots croisés, les problèmes liés au bridge et les échecs. (p. 80 à 81). Tous ces exemples ont en commun de fixer un but au joueur, un défi à relever.

Caillois, propose également de classer les jeux selon quatre catégories : l’agôn qui attrait aux jeux de type compétition à l’instar du jeu de tennis (p.50), l’aléa qui concerne les jeux de hasard, dont le jeu de dé est par exemple représentatif (p.56), la mimicry, qui regroupe les jeux liés au simulacre, au faire semblant, comme jouer à la maman ou au cowboy par exemple (p.64), enfin l’illinx représente les jeux liés aux sensations corporelles, telle la recherche de vertige (p.68), les jeux du toboggan, le manège, la balançoire illustrent par exemple cette dernière catégorie. (p.70).
Pour chacune de ces quatre catégories, Caillois répartit dans un tableau, les différents jeux en fonction de la prégnance de la paidia et du ludus. Ces derniers correspondant à deux pôles. Ainsi, pour la mimicry, au niveau du pôle de la paidia, nous trouverons par exemple les imitations enfantines, au niveau du ludus, se situent le théâtre et les arts du spectacle en général. (p.92)
Soulignons, enfin, que Caillois précise dans la seconde partie de son ouvrage, que ces quatre catégories peuvent "se conjuguer". Ainsi, nous pouvons trouver des combinaisons agôn-alea, agôn-mimicry… (p.145). Cependant, certaines combinaisons seraient interdites à l’instar de la combinaison agôn-illinx : « Il est clair, en premier lieu, que le vertige, ne saurait se trouver associé avec la rivalité réglée sans la dénaturer aussitôt. » (p.147)
De nos jours, avec l’avènement d’interfaces de jeux vidéo s’appuyant sur des systèmes d’immersion kinesthésiques à l’instar du CyberTron de la société StaryLight Corp (fig.1) ou encore de la Wii balance (cf. chapitre 1 : 3.6.2), qui proposent bien de mêler illinx et agôn, nous pensons que ces combinaisons interdites n’existent peut-être pas. Du temps de Caillois, il nous semble, que les jeux de joutes à cheval ou sur bateau, pouvaient peut-être illustrer ce type de conjugaison également.



Figure 1 : CyberTron de StaryLight Corp (1994)

Caillois propose ainsi son approche du jeu, bien entendu, elle n’est pas exclusive. Ainsi, Salen et Zimmerman se proposent de passer en revue un corpus composé de neuf auteurs, sans nécessairement ordonner ces derniers dans le temps, mais en instaurant une approche pluridisciplinaire (p.73 à 80): David Parlett, est un historien du jeu qui a essentiellement travaillé sur les jeux de cartes et de plateau. Clark C. Abt, est l’auteur de l’ouvrage Serious Game (Cf. Chapitre 1 : 3.1). Johann Huizinga, anthropologiste allemand, est l’auteur de l’ouvrage Homo Ludens, essai sur la fonction sociale du jeu dont Caillois s’est grandement inspiré. Roger Caillois, sociologue dont nous venons d’étudier l’approche concernant le jeu. Bernard Suits, philosophe qui est fortement intéressé par le champ du jeu. Chris Crawford, est l’un des pionniers du game design et l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. Greg Costikyan est également game designer. Enfin est introduit le binôme Elliot Avedon et Brian Sutton-Smith (aucune citation), ce dernier auteur étant un théoricien du jeu très réputé.

Par cette démarche, Salen et Zimmerman répertorient un ensemble de 15 définitions et approches, identifiées comme suit (p.79):

1- Principes fondés sur des règles qui limitent les joueurs
2- Conflit ou challenge
3- Objectif orienté/ Résultat orienté
4- Activité, processus, ou évènement
5- Implique la prise de décision
6- Pas sérieux et prenant
7- Jamais associé à des gains matériels
8- Artificiel/Sûr/Hors de la vie ordinaire
9- Crée des groupes sociaux spéciaux
10- Volontaire
11- Incertain
12- Fait croire/Représentatif
13- Inefficace
14- Système de répartition/Ressources et prises
15- Une forme d’Art

Ce tableau met également en lumière ce que chaque auteur inventorie dans son approche du jeu. Ainsi Abt défini le jeu comme étant une combinaison des éléments 1, 3, 4 et 5. Crawford quant à lui, recense les éléments 1, 2, 5, 8, 12 et 14. Caillois inventorie de son côté les éléments 1, 7, 8, 10, 11 et 12. La perception du jeu semble de ce fait extrêmement subjective.
C’est ce que confirme Brougère. Lui-même identifie cinq critères pour cerner le jeu :
« …Une activité de second degré constituée d’une suite de décisions, dotée de règles, incertaine quant à sa fin et frivole car limitée dans ses conséquences. » (p.58 et p.59).
Nous pouvons recenser ici les éléments 1, 4, 5, 8, 11 du tableau de Salen et Zimmerman. Cependant, Brougère se refuse d’associer à son approche le terme de définition :
« je récuse l’idée de traiter les critères que j’ai dégagés avant tout pour leur pouvoir d’analyse, sous forme de définition. Il ne s’agit pas de délimiter ce qui est le jeu de ce qui ne l’est pas. Il me semble que plus que trancher, distinguer entre le jeu et les autres activités, ces critères permettent de comprendre les logiques des activités qui peuvent être dénommées "jeu" ou qui sans l’être peuvent en être proches. » (p.59)
Cette prise de recul l’amène à préciser :
« le jeu est non seulement divers dans ses expressions particulières, mais malléable, changeant. Il apparaît pour cela comme un support de projection qui incite certains à y voir ce que d’autres n’y voient pas nécessairement. On peut donc y projeter des valeurs, des intérêts, tels ceux qui sont liés à sa valeur éducative. Le jeu est malléable : il prend des formes différentes, peut se transformer, mais il est fragile, dépendant du maintien du cadre à travers une métacommunication. » (p.63).

Nous retiendrons donc que l’approche du jeu semble extrêmement subjective. Chacun de nous percevant le jeu à sa manière, là où nous l’entendons. Puisque nous serions aussi pluriels (cf : chapitre 2 : 7.3.2), nous pouvons également penser que le jeu apparaît, quand nous sommes disposés à le percevoir. Enfin pour illustrer la notion de métacommunication nous renvoyons ici le lecteur à notre retour d’expérience, lorsque les collégiens se lançaient des défis au sein de la classe ou du CDI, pour savoir qui terminerait le premier certains jeux de Technocity (cf. chapitre 2 : 2.2.6 et 5.4.4)

2.2. Une définition formelle du jeu

La problématique que nous poursuivons dans cette thèse, s’inscrit en grande partie dans le champ informatique. De ce fait, nous nous devons d’essayer de cerner la notion de jeu d’une façon plus formelle, en évacuant au mieux les paramètres subjectifs.
Dans, cette optique, nous nous rapprocherons de la définition du jeu proposé par Salen et Zimmerman. En effet, ces derniers, après avoir pris en compte l’ensemble des 15 éléments proposés par les neuf auteurs de leur corpus, proposent au final une définition qui semble assez formelle. De ce fait, elle sied bien, semble t-il, à une approche informatique :
« Un jeu est un système dans lequel les joueurs s’engagent dans un conflit artificiel, défini par des règles, il en résulte un résultat quantifiable. » (p.80).

Salen et Zimmerman résument ainsi l’approche de leur définition :
« Les éléments clés de cette définition sont le fait que le jeu soit un système, les joueurs interagissent avec ce système, le jeu est une instance du conflit, le conflit dans le jeu est artificiel, les règles limitent le champ des possibles du joueur et définissent le jeu, et chaque jeu est associé à un résultat ou un objectif quantifiable. » (p.83)

Précisons pour nous éclairer, ce que les auteurs entendent ici par : système et résultat quantifiable.

Un système représente : « un ensemble d’éléments qui sont mis en corrélation pour former un ensemble plus complexe. Il existe plusieurs systèmes dans lesquels le jeu peut être cadré : un système mathématique, un système social, un système de représentation, etc. » (p.55)
Les auteurs précisent également que tous les systèmes partagent quatre éléments :

L’objet qui représente les parties, les éléments, ou les variables du système
Les attributs qui représentent les qualités ou les propriétés du système ou de ses objets
Les relations internes qui représentent les relations parmi les objets
Environnement qui représente le contexte qui englobe le système. 

Pour Salen et Zimmerman, ces quatre éléments diffèrent selon le type de système. Ainsi nous n’aurons pas la même approche si nous sommes dans un registre formel (mathématique), ou empirique ou bien encore culturel. Cependant ces trois types de système seraient interdépendants et s’engloberaient ainsi : le formel serait inclus dans l’empirique, et ces deux derniers dans le culturel. Malgré ces interrelations, qui sont importantes à prendre en compte et à assimiler, les auteurs préconisent de se focaliser sur chacun d’eux séparément lorsqu’il s’agit de les analyser ou de résoudre un problème de conception. Les deux auteurs signalent enfin, que ces systèmes peuvent être ouverts ou fermés. Dans le premier cas, il y a présence d’échanges avec un autre environnement, contrairement au second. Formel implique des systèmes fermés, empirique des systèmes ouverts ou fermés, et culturel des systèmes ouverts. Ainsi, nous pouvons considérer qu’un jeu est un système ouvert ou fermé, selon la manière dont on le cadre.
Notons que cette notion de "cadrer", pourrait être mis en relation en sciences humaines avec le concept de "cadre" introduit par Gregory Bateson et développé ensuite par Erwing Goffman. Ce dernier définissant ainsi cette notion (p.19):
« Je soutiens que toute définition de situation est construite selon des principes d’organisation qui structurent les événements – du moins ceux qui ont un caractère social – et notre propre engagement subjectif. Le terme de "cadre" désigne ces éléments de base. »

Nous percevons bien que la notion de "cadre" est ici convoquée par ce qui s’apparente à un système. D’autre part cette notion de cadre est également adaptable au champ du jeu, comme nous le confirme Brougère :
« Cette notion (de "cadre") permet d’expliquer la relation du jeu à ce qu’il évoque. » (p.46)
Brougère sous-tend ici la notion de « second degré » que nous pouvons rapprocher par certains aspects à la notion de "simulation", comme nous le précise par exemple Kellner :
« Ce qui fait du jeu un phénomène à part repose sur son caractère simulatoire. Le jeu est, comme le dit Eugen Fink, un "monde d’apparence" joué par des hommes réels. » (p.71)
Ce lien entre "monde d’apparence" et "hommes réels" induit un lien entre un monde réel, le "cadre primaire" selon Goffman, et un monde second, imaginaire, le « cadre secondaire ». Brougère précise : « Le jeu apparaît ainsi comme une modalisation d’une activité ordinaire » (p.46). Il explique : « Ce qui caractérise la modalisation, qu’elle soit à l’œuvre dans le jeu ou d’autres activités, c’est la transformation d’un matériau qui a déjà un sens et sur lequel elle s’appuie. » (p.47). Ainsi « le jeu est avant tout un cadrage spécifique issu de la transformation d’un cadre antérieur. Ce dernier peut-être aussi bien un cadre primaire que le résultat d’une première transformation. » (p.49).
Dans le chapitre 4, nous nous attarderons un peu plus longuement sur la notion de simulation que nous venons d’évoquer ici. En attendant, il semble que cette mise en perspective dans le champ de la sociologie recoupe les approches de Salen et Zimmerman, sur la possibilité d’appréhender le jeu comme une mise en relation de différents systèmes et que ceux de type culturel semblent effectivement ouverts.

Quant à la notion de résultat quantifiable, elle est ainsi expliquée par les deux auteurs :
« Les jeux (au sens de game) présentent un objectif ou un résultat quantifiable. À la fin d’un jeu, le joueur a soit, gagné ou perdu ou bien reçu un type de score sous forme numérique. Un résultat quantifiable est ce qui distingue généralement un jeu (type game) de ceux qui représentent des amusements moins formels. » (p.80)
Pour appréhender cette explication, établissons un lien avec les propos suivants de Frasca :
« à partir du moment où vous concevez un jeu et établissez un but, à ce moment-là vous dites : "Ca c’est bien, ça c’est mal" en tant que concepteur. » (p.85)
Ainsi, il semblerait qu’un jeu, lorsqu’il implique un but, convoque nécessairement une notion d’évaluation en fin de partie. Celle-ci représentant pour Salen et Zimmerman, la notion de résultat quantifiable. Cette notion nous amène également à percevoir un lien avec le qualificatif "incertain" que Caillois a introduit dans son approche du jeu : « incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement, une certaine latitude dans la nécessité d’inventer étant obligatoirement laissée à l’initiative du joueur » (p.43)
Pour Brougère c’est dans cette notion d’incertitude que "gît l’intérêt du jeu." (p.58). Ce qui nous renvoie au goût de la difficulté gratuite, le ludus que convoque tout jeu proposant un but. C’est ainsi que nous pouvons très certainement interpréter la dernière phrase de l’explication de Salen et Zimmerman où le résultat quantifiable distingue généralement les jeux qui convoquent le ludus de ceux qui convoquent la paidia.

Nous aborderons plus en détail dans le chapitre 4 de cette thèse, l’interfaçage entre le jeu video et le scenario pédagogique dans le cadre d’un système formel. En attendant, nous poursuivons notre questionnement sur la forme de pédagogie qui pourrait éventuellement interfacer le jeu et l’apprentissage au niveau d’un système pragmatique voire parfois culturel.

2.3. Pourquoi jouer ?

Si tenter de cerner le jeu constitue dans notre recherche un point capital, il est également important d’essayer de comprendre pourquoi nous jouons. En effet, bien que l’activité du jeu puisse être qualifiée de "frivole" (cf. 2.1), nous l’aborderons dans le sous-chapitre suivant, nous avons aussi vu précédemment que les approches de Caillois et Piaget sous-tendent un lien avec le développement de l’enfant (cf. 1.3.1). Le jeu a ainsi fait l’objet de travaux important dans le champ de la psychologie.
Dans ce registre, nous pouvons également citer les travaux de Donald W. Winnicott, pour qui le jeu correspond à une "aire intermédiaire" entre le monde et soi, entre "le dehors" et "le dedans". Ainsi, le bébé puis le jeune enfant pourront, dans cette aire située notamment entre la mère et eux, jouer avec des objets dits "transitionnels", tel le doudou, pour construire leur relation avec le monde et tenter d’en affiner leur perception.
Kellner souligne de son côté, que le jeu joue un rôle de cohésion sociale au sein des sociétés : « Parce qu’il est une activité qui peut se pratiquer en groupe, le jeu contribue à assurer la cohésion des sociétés depuis la constitution des premières civilisations. Il permet, entre autre, la gestion des conflits et l’échange entre les hommes. » (p.75). Elle recense également en prenant notamment appui sur le philosophe Eugen Fink, que le jeu peut constituer un exutoire (p.68) ainsi qu’un moyen d’affronter l’idée de mort (p.77).

Pour tenter de mieux appréhender cette relation entre le jeu et les dimensions psychologiques et sociales, nous interviewons Mme Marie-Claire Devillers, orthophoniste. (mieux l’introduire) Il nous semble en effet que la thérapie par le jeu occupe une place importante dans cette approche paramédicale qui consiste à rééduquer le langage :
Mme Devillers : « Moi, je trouve que les enfants ne joue pas assez. »
Julian Alvarez : « A des jeux de société ? »
Mme D. : « Oui […] je pense que c’est important que l’enfant joue et interagisse avec des gens, au moins sur le plan du langage… C’est important d’avoir un partenaire de communication. Il y a des enfants qui ne savent pas jouer. Hier il y a une maman qui est venue. Elle m’a demandé conseil pour des jeux. Et elle m’a dit qu’elle souhaitait acheter une petite cuisine. Elle m’a demandé si c’était une bonne idée. J’ai répondu oui. Puis, elle a ajouté : "Et peut-être que comme ça, je pourrais jouer avec lui." C’était vécu comme un sacrifice… Alors que justement son gamin ne sait pas jouer. Il a besoin qu’on l’aide à construire des scénarios de jeu. »
J.A. : « Effectivement, cela veut dire que les parents sont stressés, ils jouent moins, il n’y a pas la transmission du jeu à l’enfant. Et du coup cela peut-être un des éléments qui génère un blocage ? »
Mme D. : « Oui, comme un retard de langage… »
J.A. : « Mais, est-ce que c’est lié au fait que l’enfant ne joue pas ? Ou bien est-ce plutôt lié au fait qu’il n’ait pas beaucoup de contact avec les parents ? »
Mme D. : « Contrairement aux causettes du soir d’antan qui ont disparu, c’est vrai qu’aujourd’hui, en terme de temps, il y a moins de temps passé entre les parents et les enfants. Attention, je ne veux pas me référer à un âge d’or, ou faire des généralités, il y a énormément de familles en plus. Mais pour certains enfants qui viennent en orthophonie, c’est clair que l’une des raisons de leurs difficultés réside dans le fait, qu’ils n’ont pas assez d’interactions avec leurs parents. Ils n’ont pas assez de modèles de langages tout simplement. On ne leur parle pas beaucoup, ou alors c’est un langage très utilitaire : "Passe-moi ceci, passe moi cela…", un langage de l’action, ça c’est très important, mais ça ne leur permet pas de faire des liens, ou d’anticiper des événements : « Demain, on va faire ci, on va aller voir telle tante… Et si on va la voir, à quoi faut-il penser ? Comment va t-on s’habiller ? ». On ne parle pas. Au dernier moment, au gamin, on lui dit : "Mets ton manteau, on part là." Donc, il y a énormément d’enfants, qui ne se repèrent pas dans l’espace ou dans le temps… »
J.A. : « Mais, est-ce que ce n’est pas lié au fait qu’ils soient trop petits ? »
Mme D. : « Ah non, j’en ai un, il est au CP, il ne sait pas me dire si nous sommes le matin ou l’après-midi… »

À la lumière de cette interview, nous pouvons supposer que le jeu à lui seul ne semble pas représenter un outil thérapeutique de manière intrinsèque. Il servirait plutôt à amener les enfants et les parents à se rencontrer dans un espace donné pour communiquer et permettre à l’enfant de se construire. Ce qui nous renvoie à l’approche de Winnicot et à sa notion "d’aire intermédiaire". (Mettre plus bas Vygo) Cela nous renvoie également aux travaux de Lev S. Vygotski, psychologue russe. Son approche impliquerait pour le jeune apprenant une « zone proximale de développement » (ZPD), définie par : «  la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus avancés » (p.287).  Ainsi le jeune apprenant se situerait entre ce qu’il peut apprendre par lui-même et ce qu’il peut apprendre grâce notamment à un tiers. La présence de ce dernier semble donc être une composante maîtresse dans le champ de l’apprentissage.

Dans le cadre de cette thèse, nous n’avons qu’une vision très parcellaire des champs liés à la psychologie, à la psychanalyse ou à la philosophie puisque nous nous inscrivons dans d’autres disciplines. Cependant, nous pouvons peut-être par cette incursion très limitée, mettre en perspective deux aspects qui peuvent probablement nous faire avancer dans notre problématique :

Tout d’abord, nous devons très certainement reconsidérer la manière d’interfacer la forme de pédagogie et le serious game. En effet dans cette mise en cohérence que nous essayons d’appréhender dans ce chapitre, nous devons peut-être considérer que ces deux notions ne seront pas amenées à s’interfacer directement ou à fusionner mais à se retrouver dans une aire intermédiaire, ou plutôt, comme l’évoque Brougère dans un « espace potentiel d’apprentissage » (p.160) si on se focalise sur la notion de pédagogie. La figure 2 illustre cet espace où tel que nous l’entendons, jeu et apprentissage s’y rencontre sans pour autant fusionner.


Figure 2 : Schéma illustrant la rencontre de l’apprentissage et du jeu dans un "espace potentiel d’apprentissage"

Henry Jenckins l’un des principaux acteurs du TEA (cf. chapitre 1 : 3.5.3), semble confirmer cette approche où le jeu est mis en relation sans pour autant se substituer à d’autres outils pédagogiques. Il relate ainsi dans l’article Entering the Education Arcade, l’attrait des apprenants (niveau lycée), à étudier différentes matières à l’instar de la physique, de l’histoire, de la biologie… avec des applications dont la conception s’inspire du jeu vidéo, mais précise notamment : « Est-ce que l’éducation est réduite à rien, si ce n’est du plaisir et des jeux ? Pas exactement. Dans chaque cas, les jeux ont été intégrés dans un ensemble comprenant d’autres activités. Les jeux mettent en valeur les autres outils pédagogiques traditionnels, comme les cours magistraux, les débats, les comptes-rendus de laboratoire, les travaux personnels, les excursions, les tests, et la lecture d’ouvrages. On permet aux jeux de faire ce qu’ils font le mieux, tandis que les autres formes d’apprentissage fournissent les contenus de cours. » (p.2)

Puis, toujours en nous référant aux travaux de Winnicot et en nous appuyant sur l’interview de Mme Devillers, nous ne perdons pas de vue que l’apprenant doit dans cet espace aller à la rencontre « d’un partenaire de communication » qui représente le "dehors", l’entité avec qui se mettre en relation. Ainsi lorsque la mère décide d’acheter une petite cuisine cela constitue effectivement un objet transitionnel qui crée une aire intermédiaire potentielle. Cependant le manque d’implication de la mère, cette notion de sacrifice à vouloir jouer, ne permet sans doute pas au jeu de naître. De ce fait elle ne transmet pas à l’enfant le comment de la pratique du jeu. Privé ainsi de cette clé, l’enfant semble ainsi ne plus avoir la possibilité d’expérimenter le monde, de pouvoir l’appréhender, donc d’apprendre. Ceci semble être corroboré par le retour d’expérience évoqué dans le chapitre précédent : Nous avions ainsi observé que l’absence de tuteur semblait être un facteur important, dans le fait que les collégiens que nous avions interrogé, dans le cadre du CDI du collège situé en zone d’éducation prioritaire, n’avaient pas adopté, en grande majorité, de posture d’apprenant face à Technocity (cf. chapitre 2 : 6.3.2)
Il semble donc important, voire indispensable, dans notre mise en relation entre une forme de pédagogie et un serious game qu’un tuteur soit présent. Ce que nous avions également avancé dans le cadre du retour d’expérience de Technocity (cf. Chapitre 2 : 6.4.1). Ce tuteur représente par exemple un parent ou encore un enseignant. Le terme "tuteur" nous semble ici pertinent dans la mesure où il cerne toute personne ou entité dont la fonction est de guider l’apprenant dans sa construction intrinsèque et extrinsèque. (Mettre ici Vygotsky) Et ce que ce soit dans un cadre scolaire ou extrascolaire. La figure 3, illustre cette mise en relation dans un « espace potentiel d’apprentissage ».


Figure 3 : Schéma illustrant la rencontre de l’apprenant et du tuteur dans un "espace potentiel d’apprentissage" où apprentissage et jeu sont mis en relation

2.4. Jouer pour le plaisir

Nous venons de questionner le pourquoi du jeu dans un registre où l’on tente de donner une utilité au jeu. Mais, pour affiner notre démarche, nous devons également prendre en compte sa dimension frivole qui convoque notamment la notion de plaisir.
Caillois pose en effet pour principe qu’« à la source du jeu réside une liberté première, besoin de détente et tout ensemble distraction et fantaisie. Cette liberté en est le moteur indispensable » (p.75). Les besoins identifiés ici se rattachent à la recherche de plaisir. Ces derniers pouvant, comme le pose le philosophe Jacques Henriot (p.178) se rattacher soit à une dimension mentale, de conscience réfléchie, tels les jeux de réflexion à l’instar des mots croisés, du sudoku… ou bien corporelle, de l’ordre du sensible, tels les jeux de balançoire, de manège… que Caillois classent dans la catégorie illinx. (cf. 2.1). Ces plaisirs pouvant très certainement se combiner si nous reprenons l’exemple du CyberTron ou de la Wii balance évoqué précédemment. (cf. 2.1)
Ainsi selon Kellner, le jeu « n’a pas ce que nous pourrions appeler une valeur instrumentale. Il ne sert à rien sinon à jouer et à y prendre plaisir. » (p.69)
Cependant, ces notions de gratuité et de plaisir semblent jouer en la défaveur du jeu dans le cadre de l’apprentissage. Dans cette optique, Kellner avance l’idée que puisque le plaisir, peut être perçu comme immoral, car s’opposant à la notion de travail, nous pouvons supposer que les détracteurs de l’apprentissage par le jeu, pourraient probablement soutenir l’hypothèse suivante : « le fruit de la pensée issue du jeu et facilitée par le plaisir (serait) moins riche, de moindre valeur que s’il était le résultat d’un dur labeur » (p.92).
Kellner suggère donc de faire abstraction "de toute la charge morale qui pèse sur la prétendue facilité du jeu pour observer plus objectivement le rapprochement entre jeu et apprentissage. (p.92)

Nous pouvons peut-être nous faire une idée, de la viabilité d’une telle approche si nous nous plaçons, dans le contexte étasunien, où, comme nous l’évoque Brougère beaucoup d’importance est accordé au jeu (p.94). Puisque notre problématique concerne les serious games, plaçons nous momentanément dans le champ des jeux vidéo.
Dans le premier chapitre, nous avons évoqué le programme de recherche du TEA dont l’une des vocations est démontrer le potentiel du jeu vidéo dans le domaine de l’apprentissage. Il est intéressant de rappeler que leur paradigme est :
« d’explorer les jeux qui favorisent l’apprentissage à travers un amusement authentique et attrayant » (cf. chapitre 1 : 2.3). Ce qui nous ramène à la notion de plaisir.
Précisons également que la dimension de plaisir, dans le domaine du jeu vidéo est identifié par le vocable "fun". Ce terme est utilisé comme critère subjectif pour évaluer le plaisir que procure une application de type vidéoludique. Ralph Koster, game designer américain, étudie cette notion. Pour lui le "fun" est étroitement relié au plaisir d’apprendre, à condition que ce soit quelque chose de nouveau : « Le "fun" concerne principalement la pratique et l’acquisition de connaissance, mais pas le fait de s’exercer. ».
Soulignons ici que le fait de s’exercer s’opposerait à la notion de fun. C’est un paramètre que nous prenons en compte. Nous y reviendrons dans la troisième partie de ce présent chapitre.
Nous retrouvons à nouveau une association entre apprentissage et le plaisir suscité par le jeu.
Ainsi dans ce contexte étasunien précis, il semble que nous soyons dans le paradigme souhaité par Kellner : le poids de la morale levé sur la notion de plaisir. De ce fait, il nous semble observer que l’idée n’est plus d’opposer le travail au plaisir, mais de mettre le plaisir au service du travail. Le paradigme semble ici opérer. Bien entendu, nous ne perdons pas de vue que nous sommes ici, avec le cadre du TEA, dans un contexte certainement très privilégié, que sa vocation est de prouver la légitimité du jeu dans le cadre de l’apprentissage, et que cette recherche est subventionnée pour partie par des fonds issus de sociétés privées.

Nous pouvons cependant avancer une autre argument en faveur des détracteurs : Michael et Chen nous décrivent que « le sentiment de "fun" est essentiellement un mécanisme de feedback positif qui nous invite à répéter une même activé, encore et encore. » (p.20). Nous pouvons voir ici le jeu vidéo comme un élément moteur incitant l’apprenant à recommencer plusieurs fois la même tâche jusqu’à ce qu’il réussisse. Cependant nous pouvons aussi imaginer qu’un détracteur puisse y voir une forme d’addiction, en s’appuyant par exemple sur les écrits de Marc Valleur, psychiatre et médecin chef de l’hôpital Marmottant à Paris. Ce dernier soigne des jeunes atteints du syndrome lié à l’addiction par le jeu vidéo. Ainsi, nous pourrions retrouver le poids de la morale qui désapprouverait l’utilisation dans un contexte pédagogique, du jeu vidéo, car ce dernier serait susceptible de créer une forme de dépendance auprès des apprenants.

Mais, peut-être ne s’agit-il pas que d’une histoire de morale ? Brougère émet l’hypothèse que le jeu place l’enfant en « situation de décider ». De ce fait, il pense que : « Les pédagogies hostiles au jeu seraient avant tout des pédagogies hostiles à la reconnaissance d’un pouvoir de décision de l’enfant, sauf à certains moments limités ou encadrés comme la récréation. » (p.75). Il nous semble intéressant de relier cette approche au fait que dans le jeu tout est permis comme le décrit Kellner : « un enfant peut, dans le jeu, se permettre toutes sortes de tentatives, sans craindre qu’il n’y ait de conséquences néfastes sur sa propre vie. Dans le jeu, tout lui est permis et il est déchargé des normes sanctionnantes qu’il rencontre habituellement dans un contexte scolaire et qui risquent de paralyser ses actions. » (p.72). Ainsi, peut-être certains détracteurs pourraient voir dans l’utilisation du jeu des approches qui semblent remettre en question l’autorité de l’enseignant ? Dans ce registre, Brougère relate que l’introduction du jeu dans la pédagogie invite ainsi l’enseignant à devenir avant tout "un pourvoyeur de matériel", "un participant au jeu" et "un observateur" (p.77). Cette triple approche implique de ce fait que l’enseignant qui a l’habitude de donner des cours magistraux doit changer de paradigme, pour passer d’un enseignement « magistro-centré » à un enseignement « pédo-centré » pour reprendre les termes de Mariane Frenay (p.72). Ceci n’est pas simple pour l’enseignant, car comme le décrit Auguste Laloux, qui fait un parallèle avec le théâtre, cet acte lui demande de quitter la scène, et de se mettre en retrait. De devenir non plus acteur mais scénariste. Laloux qualifie ce syndrome de « Blues du pédagogue actif » (p.59). Pour faire le lien avec le plaisir suscité par le jeu et en nous appuyant sur les écrits de Brougère, Laloux et Kellner, il nous semble que nous pouvons ainsi avancer l’idée, qu’introduire le jeu dans la pédagogie, demande finalement au tuteur de mettre en arrière plan son propre plaisir pour laisser celui des apprenants émerger.

2.5. Gérer le plaisir

2.5.1. Un plaisir soumis à des pré-requis
Nous venons d’étudier la notion de plaisir que suscite le jeu. Cependant il nous semble important de revenir sur un point abordé par Kellner lorsque nous l’avons citée. Il s’agit de « La prétendue facilité du jeu ». Ceci pourrait sous-tend entre autres que le jeu peut être perçu comme d’utilisation facile. Qu’en est-il ?
Si nous reprenons la classification des jeux, établie par Caillois, nous trouvons la catégorie baptisée agôn (cf. 2.1) qui regroupe les jeux liées à la compétition. Pour décrire les caractéristiques des jeux de type agôn, le sociologue mentionne les particularités suivantes : « la pratique de l’agôn suppose une attention soutenue, un entraînement approprié, des efforts assidus et la volonté de vaincre. » (p.52). Les qualités requises ici pour pratiquer les jeux de cette catégorie semblent aux antipodes de la facilité. Cependant, Caillois, regroupe d’autres jeux, dans une catégorie appelée alea, dont certaines caractéristiques partagées sont les suivantes : « L’alea marque et révèle la faveur du destin. Le joueur y est entièrement passif, il n’y déploie pas ses qualités ou ses dispositions, les ressources de son adresse, de ses muscles, de son intelligence. […] À l’inverse de l’agôn, l’alea nie le travail, la patience, l’habileté, la qualification ; il élimine la valeur professionnelle, la régularité, l’entraînement. » (p.56 et 57). D’après Caillois, il semblerait donc que le jeu ne puisse pas être assimilée dans son ensemble à une activité facile, mais qu’il existe plutôt des jeux dont la pratique est dans certains cas facile et dans d’autres difficile.

Si nous souhaitons mettre en relation le jeu avec une forme de pédagogie, la question nous paraît plutôt être la suivante : faut-il que le jeu soit d’appréhension facile ou difficile lorsqu’il est mis dans un contexte d’apprentissage ?

Pour Frasca, « les jeux doivent contraindre, ils doivent saisir notre attention, ils doivent nous donner quelque chose que nous n'avons pas eu avant que nous les ayons pratiqués.  » (p.2) Cette approche paraît logique, si nous tenons compte du fait que la notion de contrainte, nous rapproche de l’agôn et de ce fait contrairement à l’alea, mobilise chez l’utilisateur, selon les cas, ses facultés intellectuelles ou physiques de manière non exclusive.

Cependant, nous avons noté dans le chapitre 2, qui relate notre retour d’expérience pour élaborer le serious game Technocity, deux exemples qui nous mettent en garde sur la notion de contrainte. D’abord, nous pouvons citer, le jeu du robot, dédié au secteur de l’Electronique et de l’Informatique qui n’a jamais suscité l’adhésion. Sans doute était-il trop difficile à appréhender et de ce fait pas assez "fun" (cf. chapitre 2 : 1.2.1 ; 2.2.4 ; 2.3.1 ; 2.4.2 ; 2.4.6 ; 3.3.2 ; 3.4.1)
D’autre part, lors des tests du jeu d’assemblage des scooters dédié à l’Ingénierie mécanique, nous avions réalisé à quel point il pouvait être délicat de mettre d’entrée de jeu un niveau difficile. Cela risquait de compromettre toute la consultation de l’arborescence liée à ce jeu.
Nous en avions conclu que ménager l’utilisateur en lui offrant d’entrée un niveau de jeu facile paraissait être une meilleure solution. Cette approche semble conforme à celle qu’adopte un game designer lorsqu’il conçoit un jeu vidéo : une règle connue est qu’il est préférable de proposer à l’utilisateur des niveaux de jeu dont la difficulté va croissant. Ce que nous confirment Andrew Rollings and Ernest Adams (p.271) :
« Une des principales choses à vérifier est que la difficulté du jeu augmente en douceur et non en dent de scie. C’est à proscrire dans tous les cas ; […] si vous augmentez la difficulté trop tôt dans le jeu, le reste sera ensuite vécu comme de la déception. »

De ce fait, peut-on considérer qu’introduire une progression linéaire dans un jeu suffit pour obtenir l’adhésion des apprenants ?
L’affaire paraît un peu plus complexe. Il suffit pour cela de se remémorer l’aspect subjectif que représente pour chacun de nous la notion de jeu (cf. 2.1). Ainsi, lorsque nous avions demandé aux collégiens de nous suggérer des améliorations à apporter aux jeux de Technocity, une collégienne nous avait réclamé de pouvoir régler le niveau de difficulté du jeu. Ceci en fonction de l’âge pour accroître l’intérêt des jeux et augmenter ainsi leur durée de vie. (cf. chapitre 2 : 3.2.2)
Ceci nous amène donc à la constatation qu’il y a probablement un lien entre le plaisir de pratiquer le jeu et la manière d’appréhender sa difficulté. Cette approche nous renvoie à la notion d’utilitarisme introduit (créé) par le philosophe anglais Jeremy Bentham du 18ème siècle. Son principe est de mettre en relation la quantité d’effort, la peine qu’un individu doit fournir pour accomplir une tâche et de la mettre en relation avec la quantité de plaisir que cela lui procure au final. Il semblerait que cette dernière doivent toujours être supérieure à la quantité de peine que la tâche nécessite pour être accomplie. Ainsi, si la quantité de plaisir que procure la lecture d’un roman est supérieure à la peine qu’engendre l’effort de déchiffrer les mots, nous exécuterons la tâche.
Cette mise en relation entre l’effort et le plaisir se retrouve également dans l’approche plus contemporaine et affinée du « flow » de Mihaly Csikszentmihalyi (Toute fois depuis le 18e siècle Bentham…). Pour ce psychologue d’origine hongroise, cette notion qui implique le fun, est caractérisé par : « l’état dans lequel sont plongées les personnes qui sont absorbées par une activité qui seule semble importer, et qui ignorent totalement leur environnement tout en appréciant la tâche à accomplir et tout en éprouvant du plaisir (fun) en la faisant.» (p.4)
Pour Csikszentmihalyi éprouver une telle expérience impliquerait de réunir les neufs composantes suivantes (p.58-59):

1- la tâche que sous-tend l’expérience, est réaliste, même si elle représente un challenge qui requière des prédispositions
2- elle exige de mobiliser son attention
3- son objectif est bien défini
4- sa mise en œuvre procure un feed-back immédiat
5- elle induit l’implication et l’oubli de l’effort
6- elle provoque l’oubli des soucis de la vie quotidienne
7- elle procure un sentiment de contrôle sur l’action
8- elle renforce le sens de soi
9- elle altère le sens du temps

Ainsi le plaisir, n’est sans doute pas le seul élément à entrer en jeu dans notre équation : si nous reprenons l’exemple de la lecture du roman, réclame au préalable de savoir déchiffrer les écrits, de savoir lire. C’est la première des composantes que sous-tend la notion de flow. Dans le même registre, l’utilisation d’un jeu, sous-tend des pré-requis. Comme de connaître les règles du jeu. Il est donc fort probable que la notion de plaisir doive être mis en lien avec cette notion de pré-requis.

2.5.2. « Modèle sémiotique du gameplay »
Pour approfondir cette approche, nous pouvons nous référer notamment à Sébastien Genvo, sémiologue ayant pratiqué le game design. Ce dernier s’intéresse en particulier à étudier ce qui peut conduire un utilisateur à adopter « une posture ludique ». C’est-à-dire, à adopter une attitude de joueur face à une application vidéoludique. Il y a bien entendu, comme nous l’avons entrevu avec Molinier une multitude de paramètres à prendre compte (cf. chapitre 2 : 7.3.2) et que Genvo passe en revue dans sa thèse. Cependant, l’un d’eux (transition trop courte) nous intéresse en particulier. Il s’agit de son « modèle sémiotique du gameplay » qui a également fait l’objet d’un article. Pour présenter son approche, Genvo précise s’appuyer sur une partie du schéma narratif canonique du linguiste et sémioticien Algirdas Julién Greimas qui lui semble approprié pour effectuer l’analyse sémio-pragmatique du gameplay. Genvo résume ainsi l’idée de ce schéma : « un sujet-opérateur passe d’une phase de manipulation (1) – où une quête lui est délivrée par un destinateur-émetteur – à la phase d’acquisition des compétences nécessaires (2) à la réalisation d’une performance (3), le programme narratif se terminant par une sanction (4), où le destinateur vérifie si les termes du contrat initial sont respectés […] ». (p.10). Pour cadrer son approche sémio-pragmatique, Genvo se focalise sur les phases de compétence (2) et de performance (3). Il précise également que le sujet-opérateur pour « réaliser la performance » doit avoir pour pré-requis les « compétences nécessaires ». Ces dernières sous-tendent selon Genvo des « modalités du faire » qui sont au nombre de quatre : « devoir-faire », « vouloir-faire », « savoir-faire » et « pouvoir-faire. »


Figure 4 : « Modèle sémiotique du gameplay », Genvo, 2006 (schéma reproduit avec l’autorisation de l’auteur)

Genvo explique que les deux premiers type de faire, constituent un binôme appelé « modalité de la potentialisation », ainsi nommé pour « mettre en perspective la performance à réaliser. » Le second binôme est appelé « modalité de l’actualisation ». Ces deux composantes « déterminent la capacité à faire du sujet opérateur et sont nécessaires pour actualiser la performance. ». (p.11) Genvo illustre l’ensemble de ces composantes dans le schéma appelé « Modèle sémiotique du gameplay » (p.12) (fig.4)

Le schéma de Genvo, nous met bien ici en perspective que pour atteindre l’objectif demandé, le devoir-faire, le sujet opérateur, doit pour accomplir la tâche requise, le pouvoir-faire, passer par deux stades intermédiaires : celles du vouloir-faire et du savoir-faire.
Ce schéma, illustre bien, selon nous, l’idée que le plaisir et les pré-requis sont bien des composantes en interrelation. D’autre part, ce schéma générique, par sa structure, semble s’apparenter à une fonction. Il nous semble qu’elle est applicable aussi bien à un contexte de jeu, qu’à celui de l’apprentissage. Dans ce contexte, nous pouvons, compléter le schéma illustrant la rencontre de l’apprenant et du tuteur dans un espace potentiel d’apprentissage où apprentissage et jeu sont mis en relation (cf. fig 2) que nous avons établi précédemment, en y ajoutant le modèle « sémio-pragmatique » de Genvo. Pour cela, il nous semble devoir considérer que l’apprentissage comporte sa fonction propre, le jeu la sienne, et l’espace potentiel d’apprentissage en génère une troisième. Nous proposons de réunir l’ensemble de ces éléments dans le schéma suivant, que nous pourrions baptiser « Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant », si nous concaténons les termes suggérés par Brougère (cf. 2.3) et par Kellner (cf. chapitre 1 : 3.5.1) :


Figure 5 : Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant

Ainsi, il nous semble à ce stade, que vouloir interfacer l’apprentissage avec le jeu, passe par la prise en compte de trois « modalités du faire » distincts et que l’ensemble fonctionne avec l’interactivité conjointe de l’apprenant et de son tuteur. Il nous semble à la lumière de ces précisions, également utile de remanier nos définitions du scénario pédagogique :

Le "scénario pédagogique" est une "fonction" dont l’intention s’apparente soit à l’apprentissage d’une connaissance, soit à celle d’une pratique, ou bien des deux à la fois, et dont la propriété est de susciter l’envie d’apprendre, en indiquant comment y parvenir, et dont la réalisation dépend d’un jeu vidéo avec lequel elle s’interface.

Nous pouvons de ce fait affiner la description de la forme de pédagogie recherchée :

La forme de pédagogie recherchée pour être compatible avec l’approche du serious game, doit avoir, pour propriété de susciter l’envie d’apprendre, en indiquant comment y parvenir, par l’intermédiaire d’un jeu et pour intention de viser l’apprentissage soit d’une connaissance, soit d’une pratique, ou bien des deux à la fois. Cette pédagogie nécessite l’intervention d’un tuteur, et implique au moins trois « modalités du faire » distincts.

À présent, pour tenter de mieux cerner la notion de pédagogie, nous suggérons au préalable de passer en revue deux retours d’expérience, pour illustrer ce que nous venons de théoriser : à savoir la mise en relation entre un apprentissage et un jeu par l’intermédiaire d’un espace potentiel d’apprentissage avec la présence d’un tuteur et d’un apprenant.

Comme notre problématique concerne les serious games, nos retours d’expérience impliqueront l’utilisation d’application informatiques. Concernant le modèle sémiotique du gameplay, nous nous appuierons sur l’interface de l’application. En effet, en terme de savoir-faire, Genvo nous donne l’illustration suivante : « Le savoir-faire relève du joueur, qui doit savoir maîtriser l’interface logicielle pour pouvoir agir dans le monde de la fiction. » (p.11).

2.6. Premier retour d’expérience : Les poissons de la chance

Ce premier retour d’expérience à pour vocation de tenter de mettre en relief l’importance de réunir l’ensemble des paramètres que nous venons d’inventorier pour permettre au jeu et à l’apprentissage de se rencontrer. Nous verrons également que le contexte joue un rôle prépondérant dans la mise en place d’un espace potentiel d’apprentissage.
Précisons que le terme d’apprentissage se résume dans le cadre de ce premier retour d’expérience à la transmission d’un simple message textuel de type informatif.

2.6.1. Contexte
En avril 2006, un salon toulousain baptisé « Terres numériques » a ouvert ses portes durant deux jours. Consacré aux TIC (Technologie de l’Information et de la Communication), celui-ci a réunit des élus locaux, les techniciens territoriaux, des décideurs sociaux économiques et associatifs. Ce salon est avant tout régional, et a pour vocation d’aider l’implantation des TIC dans les villes et villages locaux. L’idée est ainsi de montrer le potentiel des TIC, mais ces derniers doivent avant tout paraître accessibles et compatibles avec l’environnement local.
Dans ce contexte, le producteur de l’événement commande à une agence de communication toulousaine ainsi qu’aux laboratoires de l’IRIT (Institut de Recherche Informatique de Toulouse) et du LARA (LAboratoire de Recherche en Audiovisuel), appartenant respectivement aux Universités Toulouse Paul Sabatier et de Toulouse Le Mirail, deux dispositifs multimédia. Ces derniers doivent illustrer à la fois une image de modernité et de convivialité. L’agence de communication a souhaité travailler conjointement avec les laboratoires universitaires pour que les dispositifs puissent présenter des caractéristiques technologiques novatrices ou très peu répandues.
Le thème proposé par l’agence de communication pour habiller le salon est celui d’un village du sud-ouest de la France. Les dispositifs multimédia doivent s’intégrer dans ce contexte.

2.6.2. Description des dispositifs
Le premier dispositif ne nous intéressera pas directement dans le cadre de notre problématique. Il s’agit d’un clocher multimédia, affichée sur un grand panneau à led, qui indique l’heure, montre tour à tour les logos des différents partenaires de la manifestation, sonne toutes les demi-heures, génère une ambiance sonore évoquant celui d’un paisible village. Le rôle principal de ce clocher est de signaler le démarrage des conférences ou des animations spéciales qui ponctuent le salon.

Le second dispositif baptisé « Les poissons de la chance » nous intéresse plus particulièrement. Celui-ci propose aux visiteurs d’attirer à eux des poissons virtuels pour qu’ils viennent leur annoncer un « présage ».
Techniquement, ce dispositif se compose d’un écran plat à cristaux liquides d’un mètre de diagonale, couché sur le sol. Celui-ci est relié à un ordinateur de type PC dont la fonction est d’afficher les poissons et de gérer leurs mouvements en fonction des actions du public. Pour cela, une webcam est reliée à l’ordinateur. Celle-ci, suspendue à la verticale de l’écran plat, renvoie une dizaine d’images par seconde à l’ordinateur. Chaque image est analysée par l’ordinateur en comparant celle-ci à une image de référence qui représente le décor sans public. Lorsqu’une image présente une différence avec l’image d’origine, l’ordinateur en déduit qu’une personne ou un groupe de personnes sont entrés dans le champ de la webcam. Après une période d’attente destinée à vérifier qu’il ne s’agit pas d’une anomalie, et que la présence humaine est fort probable, l’ordinateur qui jusqu’à présent, attribuait aux poissons un mouvement aléatoire, les dirige désormais, vers le périmètre où la présence a été détectée.


Figure 6 : Dispositif : « Les poissons de la chance », IRIT, LARA, 2006

Une fois que les poissons sont sur place, l’ordinateur attend un signal sonore. La webcam fait également office de microphone. Lorsqu’un son, dont le volume sonore dépasse le brouhaha moyen qui règne dans le salon, est détecté, l’ordinateur considère que la présence humaine a frappé des mains. Les poissons disparaissent sous l’eau virtuelle et un message, tiré aléatoirement parmi une liste d’une vingtaine d’items préalablement implémentée, est affiché à l’écran. Ce message représente une réponse prophétique à une question que l’utilisateur de l’application a été invité, au préalable, à se poser mentalement. (fig. 6)

Puis, pour rendre le dispositif plus convivial, l’écran est habillé de fleurs, d’écorce de bois et surplombé par une fontaine à eau (fig. 7) . L’ordinateur a quant à lui été caché à proximité de l’écran, dans une cabine construite spécialement pour le dispositif. Un mât surmonte la cabine pour accrocher la webcam à la hauteur nécessaire pour que sa focale couvre la surface nécessaire. (fig. 8) Enfin, deux écriteaux invitant le public à s’avancer et à frapper des mains sont disposés de chaque côté de l’écran plat.

 

Figure 7 : Dispositif : « Les poissons de la chance », IRIT, LARA, 2006 Conception : Isabelle Fonquernie, Emmanuelle Fromont, Luce Pasquini, Julian Alvarez, Jean-Pierre Jessel et Gilles Méthel

 

Figure 8 : Cabine construite pour cacher l’ordinateur à proximité de l’écran plat.

2.6.3. Réaction du public face au dispositif

2.6.3.1. Données chiffrées
Lorsque le salon ouvre ses portes, avec l’équipe de conception du dispositif, nous nous plaçons en retrait pour observer et consigner la réaction des gens.
Précisons que seules sont prises en compte, les personnes qui se sont arrêtées devant le dispositif. Nous en avons recensé 218 sur les deux journées. Parmi ces personnes, 127 étaient de sexe féminin, 91 de sexe masculin.
Les critères que nous avons mis en place sont les suivants :

Regarde, mais n’interagit pas : Nous recensons ici les personnes qui ont repéré le dispositif, se sont arrêtées pour l’inspecter et sont reparties sans interagir avec.
Regarde et tente d’interagir sans succès : Nous recensons ici les personnes qui ont repéré le dispositif, se sont arrêtées pour l’inspecter, ont frappé des mains, mais sont repartis avant de lire le message délivré par les poissons.
Regarde et tente d’interagir avec succès : Nous recensons ici les personnes qui ont repéré le dispositif, se sont arrêtées pour l’inspecter, ont frappé des mains et ont lu le message délivré par les poissons.

Nous avons ainsi obtenu les données suivantes :

Répartition des types d’interaction face au dispositif Les poissons de la chance, sur un total de 218 personnes Regarde, mais n’interagit pas 113 soit 52%Regarde et tente d’interagir sans succès  69 soit 32%Regarde et tente d’interagir avec succès 36 soit 16%
Tableau 1: Répartition des types d’interaction face au dispositif Les poissons de la chance
sur un total de 218 personnes, 5 et 6 avril 2006

La plupart du temps, lorsque les personnes ne parviennent pas à interagir, ou s’attardent assez longuement devant le dispositif, nous partons à leur rencontre pour leur expliquer son fonctionnement. Cependant, nous ne modifions pas pour autant les données recueillies : c’est la réaction première de la personne que nous avons notée.

Cependant, en faisant abstraction de cette donnée, le tableau 1 nous révèle donc que sans aucune intervention de l’équipe de conception, 84% des personnes qui se sont arrêtés devant le dispositif n’obtiennent pas le message délivré par les poissons.

2.6.3.2. Données chiffrées Observations notées
Pour les trois types d’interaction face au dispositif nous notons les observations suivantes :

Concernant la catégorie « Regarde, mais n’interagit pas », nous notons que :

La majorité du temps, il s’agit de personnes non accompagnées
Les personnes sont plutôt des conférenciers ou des personnes venues spécialement pour assister aux conférences ou qui ont un rendez-vous dans le cadre du salon
La plupart du temps, elles ne semblent pas lire les instructions sur les panneaux apposés à côté de l’écran
La consultation du dispositif dure en moyenne une dizaine de secondes (nous précisons cependant que n’avons pas relevé systématiquement le temps pour chaque personne consultant le dispositif)

Concernant la catégorie « Regarde et tente d’interagir sans succès », nous notons que :

Les personnes sont ici seules ou accompagnées par une autre personne dans des proportions équivalentes
Les personnes sont plutôt des personnes du salon tenant des stands ou des visiteurs
La majorité des gens tapent en direction des poissons, ce qui n’optimise pas la détection du clap des mains par la webcam
La majorité des personnes seules ne tapent qu’une fois des mains, et plutôt de façon discrète
La majorité des personnes accompagnées tapent à deux ou trois reprises des mains et plutôt de façon discrète
La consultation du dispositif dure en moyenne une trentaine de secondes (nous précisons cependant que n’avons pas relevé systématiquement le temps pour chaque personne consultant le dispositif)

Concernant la catégorie « Regarde et tente d’interagir avec succès », nous notons que :

La majorité des personnes sont accompagnées
La majorité des personnes sont des femmes
Les personnes sont plutôt ici, soit des personnes organisatrices du salon, soit des visiteurs, soit des connaissances du groupe de conception, soit la presse
La consultation du dispositif dure en moyenne deux à trois minutes (nous précisons cependant que n’avons pas relevé systématiquement le temps pour chaque personne consultant le dispositif)

En parallèle, nous avons également noté des observations techniques :

Lorsque le clocher multimédia sonne, il déclanche systématiquement la disparition des poissons et fait apparaître un message
En début d’après-midi, pendant une heure environ, le soleil se reflète sur l’écran du dispositif
La webcam détecte mieux le son du clap des mains si celles-ci sont positionnées au-dessus de la tête des personnes qui interagissent ou si la frappe est franche et forte.
L’écran a tendance à chauffer car mal ventilé à cause des écorces de bois et de l’habillage de fleurs.
L’écran n’est pas suffisamment protégé : une fillette de 4 ans est venu marcher dessus pour sans doute tenter de piétiner les poissons.

2.6.3.3. Interviews
Lorsque nous venons à la rencontre des personnes qui n’interagissent pas ou qui n’y parviennent pas, nous constatons que la plupart du temps, elles entrent dans le jeu, et acceptent volontiers de taper franchement des mains jusqu’à ce que le message soit affiché. Souvent, les personnes sourient à l’affichage de la prédiction, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Elles demandent souvent des compléments d’information concernant le pourquoi du dispositif et repartent. Nous n’avons cependant pratiquement jamais observé de personnes qui ont recommencé l’expérience une seconde fois.
De notre côté, nous profitons de ces rencontres pour demander aux personnes de nous donner leurs impressions ou formuler des remarques. Voici ce que nous avons noté :

Une grande majorité des personnes qui n’ont pas essayé d’interagir, nous témoignent de ne pas avoir compris que l’installation était interactive. Elles pensaient que la présence seule de poissons animés constituait l’attrait de l’installation.
Parmi les personnes qui ont tenté ou non d’interagir, nombreux sont celles qui n’ont pas perçu que les poissons se dirigeaient vers elles lorsqu’elles abordaient l’écran.
Certaines personnes nous signifient pour conclure l’attrait que suscite l’apparition du message.

2.6.4. Hypothèses en vue d’expliquer la réaction du public
Une semaine après la clôture du salon, les concepteurs se réunissent pour tenter d’évaluer la pertinence des dispositifs et d’analyser la réaction du public.
Sur le plan technique, les dispositifs ont semble t-il, rempli leurs objectifs, et bien fonctionné. Nous n’avons pas constaté de bogues techniques et le matériel a bien résisté aux deux journées du salon.
C’est sur la question du taux de fréquentation et d’utilisation du dispositif Les poissons de la chance, que se focalise notre débat. Sans intervention de l’équipe de conception, seules 16% des personnes s’étant arrêtés devant le dispositif, auraient lu les messages prophétiques des poissons. Il nous semble donc important de tenter de comprendre pourquoi nous n’avons pas obtenu un meilleur ratio.
Nous recherchons pour cela des explications à la fois d’ordre technique, artistique et humain.
Sur le plan technique, nous avançons l’idée que l’écran était disposé trop bas, que ce dernier était trop petit et trop "camouflé" par l’ensemble des fleurs. Les reflets lumineux sur l’écran sont à nouveau évoqués. Sur ce plan nous avançons l’idée que l’écran devra être mieux mis en scène la fois prochaine.
Sur le plan artistique, nous évoquons ensuite la taille des poissons. Ces derniers trop gros, n’ont peut-être pas permis au public de se rendre compte de leur mouvement. Sur ce plan, nous proposons de réduire pour la prochaine fois, leur taille et d’augmenter leur vitesse de déplacement.
Toujours sur le plan artistique, nous nous interrogeons également sur l’idée de susciter plus de magie autour du dispositif, en créant par exemple un effet visuel qui mêle réel et virtuel. Nous évoquons ainsi l’idée de trouver un moyen de faire couler l’eau de la fontaine sur l’écran plat, en protégeant ce dernier par une paroi de verre.
Enfin, sur le plan humain, nous soulevons l’hypothèse que ce dispositif, assez ludique, n’est peut-être pas en adéquation avec ce type de salon et le contexte qu’il engendre. Ainsi, nous avons remarqué que la plupart des personnes qui n’étaient pas parvenu à interagir frappaient discrètement des mains. Etait-ce dans un soucis de préserver leur intégrité dans le cadre de ce salon ?

Cependant, pour reprendre ce dernier plan qui touche la dimension humaine, nous avons également noté lors de nos observations, que les personnes semblaient plus enclins à interagir et à taper correctement dans les mains lorsqu’au moins l’un des membres de l’équipe de conception était à leur côté.
À la lumière du schéma d’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant, que nous avons établi précédemment (cf 2.5.2), et en nous appuyant également sur le retour d’expérience de Technocity, concernant l’importance du rôle joué par le médiateur (cf. chapitre 2 : 6.4.1), nous pouvons également avancer l’idée que l’absence de tuteur dans le périmètre de l’application, a probablement joué un rôle défavorable dans la prise en main du dispositif par le public.
De ce fait, nous pouvons nous demander si notre débat n’est pas faussé d’entrée de jeu. Ainsi n’est-il pas vain de vouloir rechercher comment améliorer le taux d’utilisation d’un dispositif interactif de nature ludique destiné à délivrer un message, si minime soit-il, si nous envisageons d’entrée de supprimer le tuteur ?
Les difficultés rencontrées par les 32% ayant cherché à interagir sans succès avec le dispositif Les poissons de la chance, nous montre également, nous semble t-il, que le tuteur joue ici un rôle prépondérant pour aider ces derniers à consolider leurs modalités du faire.
Enfin, il semblerait dans le cas précis qui concerne ce salon, que même s’il pose un cadre "sérieux", l’approche ludique trouve sa place, pour peu qu’un tuteur soit présent pour guider le public dans cette direction.

2.6.5. Conclusion de ce premier retour d’expérience
Ce premier retour d’expérience a présenté la mise en place d’un dispositif ludique au sein d’un salon dont les enjeux politiques et sociaux sont des préoccupations plutôt « sérieuses ». Nous avons essayé de mettre en relief que ces éléments, qui paraissent antinomiques, semblent pouvoir co-exister à condition que nous puissions probablement réunir l’ensemble des éléments qui compose notre schéma d’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant.
Dans notre cas de figure, nous avons bien mis en présence une application informatique, qui pourrait s’apparenter à un jeu vidéo, ce dernier réunissant bien les composantes artistiques, techniques et scénaristiques, inventoriés par Zyda (cf. chapitre 1 : 2.4). Nous avons également apporté un scénario pédagogique dont l’objectif est très simple puisqu’il s’agit de lire une information : un message qui se résume à lire une information (« présage »). Puis, nous pouvons ajouter l’apprenant, incarné par le public du salon. La seule composante qui semble donc manquer pour compléter notre schéma, semble donc être le tuteur. C’était en l’occurrence à nous, les concepteurs de l’application, de jouer ce rôle. Or, comme nous l’avions également fait lors des tests d’évaluation de Technocity (cf. chapitre 2 : 6.3.2), en nous mettant en retrait pour observer, nous en avons privé le public. Ce dernier n’a donc certainement pas été à même de remplir l’ensemble des étapes que constitue chaque modalité du faire. Dans cette configuration, nous avons dénombré un taux assez faible de personnes parvenant à interagir avec le dispositif : 16%
Cependant, nous avons noté que dès que nous endossions le rôle de tuteur, nous obtenions plus facilement l’adhésion du public pour interagir avec le dispositif.
Ce constat, nous amène à avancer l’idée que réunir l’ensemble des paramètres qui composent l’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant favorise la venue de l’apprenant en son sein. Bien entendu si ce dernier est enclin à vouloir et à pouvoir le faire.

Cependant, même si le tuteur semble indispensable, nous ne perdons pas de vue cette réflexion de Brougère :
« Un faible engagement, une situation trop marginale ou pauvre ne sont pas favorables à l’apprentissage. Tous les joueurs ne sont pas engagés, tous les jeux n’ont pas d’affordance du point de vue éducatif. » (p.152)
À la lumière de ces écrits, nous pouvons effectivement noter que nous étions dans une situation marginale, salon traitant d’une thématique dont l’objet n’est pas le divertissement, avec un faible engagement de la part du public, celui-ci ayant d’autres préoccupations qui sont aux antipodes de l’utilisation de notre dispositif. Dans ce contexte, ces ingrédients sont également à prendre en compte dans le faible taux d’adhésion de notre public face au dispositif L’absence de tuteur n’explique donc pas tout. Nous retiendrons également la notion d’affordance, sur laquelle, il nous semble pertinent de nous attarder quelque peu.

2.7. Efficience, efficacité et satisfaction

Si nous prenons pour exemple une poignée de porte, celle-ci doit permettre, à tout utilisateur potentiel, par son aspect, sa forme, sa matière… de lui indiquer implicitement comment l’utiliser : une poignée droite et horizontale signifiera qu’il faut l’abaisser ou la relever, une poignée ronde qu’il faut la tourner, une poignée verticale en forme de anse qu’il faut tirer dessus, une plaque remplaçant la poignée qu’il faut pousser dessus… Cette approche qui consiste à donner à l’objet une forme qui convoque chez l’utilisateur un comportement spécifique, résume pour nous la notion d’affordance. (Citer Norman 3 dimensions)
Cette dernière semble sur le plan de l’apprentissage importante à prendre en compte, car elle joue certainement un rôle clé dans la prise en main d’une interface en ce qui concerne un serious game. Ainsi pour notre retour d’expérience concernant Les poissons de la chance, peut-être aurions nous eu, un taux plus élevé de personnes ayant réussi à interagir avec succès, si nous avions pris d’avantage en compte la notion d’affordance dans notre approche ?
Nous pensons qu’il est pertinent d’étudier la question.

Pour effectuer une telle démarche, nous proposons de commencer par tenter d’associer la notion d’affordance à la notion d’utilisabilité, qui nous semble sur le plan informatique plus facile d’appréhension, car normée.

Cette notion d’utilisabilité fait l’objet, dans le champ de l’informatique, d’une norme publiée par l’Organisation Internationale des Standards (ISO), 1998 connue sous le label ISO 9241-11 : « L’utilisabilité est le degré selon lequel un produit peut-être utilisé, par des utilisateurs identifiés, pour atteindre des buts définis avec efficacité, efficience et satisfaction, dans un contexte d’utilisation spécifié. »
Dans le contexte de cette norme, Cédric Bach précise que la notion d’efficience « représente la capacité de produire une tâche donnée avec le minimum d’effort ; plus l’effort est faible, plus l’efficience est élevée. Elle concerne le rapport entre les ressources dépensées, la précision et le degré d’achèvement selon lequel l’utilisateur atteint des objectifs spécifiés.» (p.7) 
Toujours dans le cadre de cette norme, l’efficacité représenterait ici « ce qui produit l’effet attendu par l’utilisateur. Elle concerne la précision ou degré d’achèvement selon lesquels l’utilisateur atteint des objectifs spécifiés. » (p.7)
Ces deux approches, nous renvoient à nouveau à la notion de flow évoquée précédemment (cf. 2.5.1).
La notion de satisfaction est subjective et échappe de ce fait, à notre sens, à une quelconque possibilité de normalisation objective. Bach nous illustre ainsi par son approche de la notion, dans le cadre de cette norme, à quel point cela reste ouvert : « La satisfaction est une dimension importante lorsque le choix d’utiliser ou non un logiciel est laissé à l’utilisateur […] Plusieurs aspects peuvent influencer la satisfaction des utilisateurs comme la facilité d’apprentissage et d’utilisation, les aspects esthétiques et/ou émotionnels (pour les jeuxvidéos) ou encore les préférences. » (p.7)
Nous retiendrons également dans cette approche, le lien qu’il semble possible de tisser entre l’apprentissage et le jeu vidéo via cette notion de satisfaction qui pour nous convoque également la notion de plaisir. Ce que confirme Preece, qui en 1993, a défini l’utilisabilité ainsi : « L’IHM a pour but de développer et d’améliorer des systèmes qui incluent des ordinateurs de sorte que les utilisateurs puissent d’accomplir ses tâches : En toute sécurité, de manière efficace et efficiente, en prenant du plaisir (enjoyably). Ces aspects se regroupent sous le terme d’utilisabilité. ».

Bach précise que d’autres auteurs tels Claude Bastien et Dominique Scapin, ajoutent aux trois composantes, efficacité, efficience et satisfaction de la norme ISO 9241-11, la « facilité d’apprentissage » et celle de « facilité de mémorisation » pour définir l’utilisabilité (p.17).
Bach précise ce que ces deux composantes signifient :
« La facilité d’apprentissage est ce qui permet à un utilisateur débutant de se consacrer rapidement à son travail, en diminuant le temps nécessaire à l’apprentissage de l’application. La facilité d’apprentissage et la facilité d’utilisation sont généralement obtenus par différentes techniques qui permettent un guidage plus ou moins étroit de l’utilisateur. »
Concernant la facilité de mémorisation, il la définit par : « ce qui permet à l’utilisateur, après une période plus ou moins longue de non-utilisation, d’effectuer ses tâches sans avoir à réapprendre le fonctionnement de l’application. […] Une application dont le fonctionnement est facile à retenir ne nécessite pas ou peu de réapprentissage. On voit ici que la facilité d’utilisation est liée à la facilité d’apprentissage. »
La notion de « guidage », nous renvoie bien, nous semble t-il, à la notion d’affordance. Ainsi nous pensons, que nous pouvons inclure dans la notion d’utilisabilité celle d’affordance.

Dans ces différentes approches de l’utilisabilité, nous identifions également ici des composantes qu’il nous semble intéressant de rapprocher du Modèle sémiotique du gameplay de Genvo. (cf. 2.5.2)
Ainsi nous pourrions rapprocher la notion de savoir-faire de celle de facilité d’apprentissage et de mémorisation, celle de pouvoir-faire de celle d’efficacité et de sécurité, et enfin celle de vouloir-faire les composantes d’efficience, de satisfaction et de plaisir. Cette dernière se retrouvant également dans la liste des 15 éléments liées à la notion de jeu (8ème de la liste), listés par Salen et Zimmerman (cf. 2.1). Cette mise en parallèle avec le modèle sémiotique, nous semble être une bonne indication pour nous signifier l’importance de la prise en compte de la notion d’utilisabilité dans les modalités du faire.
Notons également que la composante plaisir ainsi mis en relation avec les notions d’efficacité et d’efficience dans le cadre de cette norme, nous établie ipso facto un lien possible entre le jeu et l’outil comme le sous-tend Bach. Ainsi, avec ces nouveaux liens, il nous semble à présent pertinent de compléter notre schéma d’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant en introduisant cette norme d’utilisabilité. (fig. 9)

Nous tenons à souligner, que la référence à une norme ne sous-tend pas dans notre esprit qu’il s’agit désormais de formater des critères selon des paramètres précis. Nous serions, nous semble t-il, rapidement dans une impasse si nous devions ainsi tenter de mesurer et normaliser ne serait-ce que la notion de plaisir, tant elle est subjective. Dans notre optique, en nous appuyant principalement sur l’approche de Preece qui inclut explicitement la notion de plaisir, nous retiendrons seulement, qu’il s’agit ici, de s’assurer que la présence des quatre critères, efficacité, efficience, plaisir (satisfaction) et sécurité, sont bien prises en compte, et qu’elles sont aménagées au mieux selon des contraintes fixées par le contexte d’utilisation.

À présent, dans le cadre d’un second retour d’expérience, nous allons nous attacher à observer et tenter d’étudier cette notion d’utilisabilité, dans un contexte où nous tâchons de réunir l’ensemble des éléments qui composent notre schéma d’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant.

Figure 9 : Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant agrémenté de la norme ISO 9241-11

2.8. Deuxième retour d’expérience : Les trois dispositifs de Gargas

Dans le cadre de la célébration du centenaire de la découverte de la grotte de Gargas, un ensemble de trois dispositifs multimédia a été mis en place. Ces derniers ont pour vocation principale de s’adresser au grand public, et de lui offrir la possibilité de découvrir des œuvres préhistoriques de manière attractive. La contrainte principale étant de s’adresser à un public certainement peu averti en matière de manipulation informatique, les concepteurs ont réfléchi à la manière de leur rendre cet objet technologie accessible, spectaculaire et ludique. C’est dans ce contexte, que nous allons tenter d’étudier la notion d’utilisabilité défini selon la norme ISO 9241-11 que nous venons d’exposer.

2.8.1. Contexte
En 1906 à Aventignan dans les Hautes-Pyrénées (65), Félix Régnault, un libraire toulousain passionné de montagne et de paléontologie, découvre les mains peintes de la grotte de Gargas. Puis seront également mis à jour des gravures d’animaux. La datation de ces œuvres préhistoriques est estimée entre 22 000 et 27 000 ans. Ces trésors rendent le site exceptionnel.
En 2006, le centenaire de cette découverte est célébré. Pour cette manifestation, l’équipe VORTEX (Visual Objects : from Reality To Expression) de l’IRIT (Institut de Recherche Informatique de Toulouse) est invitée à concevoir et développer des dispositifs multimédia et de réalité virtuelle pour présenter au grand public ces œuvres du passé. En effet, comme pour la grotte de Lascaux en Dordogne (24), l’accès est désormais impossible au public ou très restreint. Le gaz carbonique et la vapeur d’eau, tous deux générés par la respiration des visiteurs de la grotte, ainsi que les sources de lumière artificielle, attaquent peintures et gravures. Les conservateurs doivent donc limiter le nombre de visiteurs au quotidien pour préserver et sauvegarder le patrimoine des effets du temps.
La vocation première des dispositifs est de compenser aussi bien que possible la frustration du quidam de ne pouvoir accéder à la vraie grotte pour y voir les vestiges et ressentir toute l’émotion associée à ces œuvres d’art. L’autre idée est d’éveiller la curiosité du grand public afin de l’amener à s’interroger sur Gargas. L’objectif est de sensibiliser les visiteurs à la démarche scientifique mise en œuvre par les chercheurs et comprendre la manière dont les scientifiques ont œuvré pour révéler l’histoire de la grotte.
Cependant au cours de la manifestation, lorsque le grand public a appréhendé les différents dispositifs, nous avons pu constater qu’ils n’avaient pas suscité la même réaction et le même enthousiasme. Le premier dispositif, en générant un véritable spectacle, a attiré des groupes de tout âge. Les deux autres ont par contre été utilisés de manière plus confidentielle, par peu de personnes à la fois, en général par un enfant et un adulte et souvent sans autre spectateur.

C’est par l’analyse de cette observation que nous avons faite dans le cadre de ce nouveau retour d’expérience, avec Olivier Rampnoux, Jean-Pierre Jessel et Gilles Méthel, qu’il nous semble intéressant d’étudier la notion d’utilisabilité afin de tenter de mieux l’appréhender.

Pour cela nous décrirons dans un premier temps les trois dispositifs ainsi que les intentions de leurs concepteurs respectifs. Nous relaterons ensuite les réactions du grand public face aux dispositifs. Puis dans un second temps, nous analyserons les retours de terrain observés. Nous évaluerons notamment la pertinence de l’approche heuristique des concepteurs en la confrontant à des normes et recommandations issues principalement de la recherche en IHM (Interface Homme Machine). Puis en nous plaçant dans un paradigme phénoménologique nous analyserons les différentes interfaces, les scénarii et les contextes dans lesquels ils ont été placés. Les visiteurs se sont retrouvés confrontés à des objets qu’ils ne rencontrent probablement pas tous les jours, toutefois ils semblent se les être appropriés. Comprendre cette démarche, nous engage à identifier comment à partir de l’apparence et des indices critiques, le visiteur a pu comprendre et manipuler.

2.8.2. Description des dispositifs

2.8.2.1. Premier dispositif : Le tableau multimédia
Le premier dispositif, dont la description technique nous est relatée en détail par Dehais, Charvillat et Conter (2007), se présente sous la forme d’un tableau multimédia relié à un ordinateur de type PC. Ce dernier détecte le mouvement des crayons optiques sur le tableau et affiche leurs tracés par l’intermédiaire d’un vidéo projeteur. Avec cette installation, l’utilisateur est face à une photographie numérique d’un mètre de diagonale environ présentant l’une des parois de la grotte de Gargas. Un animateur, posté au côté de l’installation, l’invite à observer l’image pour repérer des gravures d’animaux. Ces dernières sont difficiles à identifier car elles se sont érodées au fil du temps. A cette difficulté s’ajoute le fait que les animaux sont enchevêtrés entre eux. L’animateur joue le rôle de tuteur et guide l’utilisateur pas à pas. Muni de son crayon optique, il tente de révéler par des couleurs vives, le contour d’un animal désigné comme à repérer (fig.10).

L’utilisateur va voir ces choix confirmés ou infirmés par le dispositif selon, qu’il reprend les tracés identifiés par les paléontologues. Ce dispositif interactif de par sa conception et sa mise en œuvre favorise une mise en scène des peintures de la grotte.
Les concepteurs de ce premier dispositif ont souhaité privilégier d’une part la dimension « spectacle » par l’utilisation d’une technologie peu connue du grand public : Le tableau multimédia. Il offre l’avantage d’afficher une grande image et de proposer une interface entrante intuitive : le crayon optique. La seconde dimension est celle de l’aspect didactique véhiculé par la possibilité de se glisser dans la peau d’un scientifique en charge de relever le contour des gravures d’animaux comme l’avait fait, dans les années 70, le professeur en préhistoire, Claude Barrière. Ce dispositif vise toutes les générations aptes à dessiner sur un tableau classique.
 
Figure 10 : Schéma du dispositif du tableau multimédia de Dehais, Charvillat et Conter (reproduit avec leur aimable autorisation) et enfant utilisant le dispositif à Gargas.

2.8.2.2. Second dispositif : Le serious game
Le second dispositif se présente sous la forme d’une application multimédia fonctionnant sur un ordinateur familial classique avec un écran plat de 19 pouces de format panoramique et en utilisant uniquement la souris. L’utilisateur est face à une application dont le principe est très proche du premier dispositif. Ainsi l’image présentée est la même photographie numérique de la paroi contenant les gravures d’animaux. L’objectif est de retrouver et de relever le contour d’un animal par des tracés de couleur vive (fig. 11). Cependant il y a ici un objectif imposé à l’utilisateur : le tracé de l’animal doit être effectué dans un temps limité ; trois minutes maximum. Il n’y a pas d’animateur pour assister l’utilisateur dans sa recherche et lui désigner l’animal à retrouver. C’est une effigie de l’animal présentée en permanence à l’écran qui remplie ce rôle. Toutefois, un animateur est souvent présent pour renseigner les utilisateurs sur la nature du challenge à relever. Cette application reprend les conventions des jeux vidéo de par le type de mise en scène et par l’ergonomie de l’écran (chronomètre en haut à gauche) et incite l’utilisateur à devenir joueur, c'est-à-dire relever le défi proposé dans un temps limité. C’est pour ces différentes raisons que nous considérons cette application comme ludique et que nous la qualifions de jeu. Il y a aussi, une intention didactique qui vient se combiner au jeu. Ainsi les concepteurs ont souhaité interpeller l’utilisateur sur le travail fourni par les scientifiques pour relever les tracés des différentes gravures sur les parois de Gargas. Cette dimension didactique qui vient se combiner au jeu, nous permet plus précisément de qualifier ce second dispositif de « serious game ».

  
Figure 11 : Schéma et photographie du jeu "Grotte de Gargas" (Vortex/Ja.games – Septembre 2006). Disponible à l’adresse suivante :  HYPERLINK "http://dreampict.free.fr/Gargas/Gargas3.swf" http://dreampict.free.fr/Gargas/Gargas3.swf

Pour ce second dispositif, les concepteurs ont souhaité privilégier en premier lieu la dimension ludique par l’utilisation de codes issus du jeu vidéo : Désignation d’un objectif à atteindre (reproduire l’animal désigné), présence d’un chronomètre évaluant la performance et présentation d’un bilan de type « Perdu » ou « Gagné ». La seconde dimension est didactique et répond au même cahier des charges que le premier dispositif : sensibiliser l’utilisateur au travail des scientifiques qui ont été en charge de relever sur les parois de Gargas, les gravures des différents animaux. Ce Serious Game souhaite toucher les enfants de 5 à 10 ans.

2.8.2.3. Troisième dispositif : Le panoramique sphérique
Le troisième dispositif se présente sous la forme d’un ordinateur familial classique de type PC avec écran plat de 19 pouces, souris, clavier, le tout relié à un vidéo projecteur. Il présente au public un panoramique sphérique en image de synthèse du sanctuaire des mains. C’est une cavité où sont présentes une grande quantité de mains peintes et qui constitue la grande spécificité de Gargas. Ce lieu est aujourd’hui pratiquement inaccessible au grand public. Ce dispositif offre donc à l’utilisateur la possibilité de regarder chaque recoin de ce lieu en déplaçant la souris. Il n’y a pas d’objectif, c’est uniquement contemplatif. Un animateur est présent, pour expliquer la vocation du dispositif et commenter les images (fig. 12) afin de les rendre plus compréhensibles.

 
Figure 12 : Schéma du dispositif du "Sanctuaire des mains" et son panoramique sphérique.

Les concepteurs de ce troisième dispositif ont souhaité privilégier tout d’abord la dimension spectacle par l’utilisation d’une grande image obtenue par vidéo projection et dont la nature correspond désormais à un lieu inaccessible : le Sanctuaire des mains. Il y a aussi la volonté d’apporter du confort à l’utilisateur en lui proposant des images lumineuses du sanctuaire. Ce qu’il n’est plus possible d’obtenir dans la vraie grotte, car une lumière intense génère des dégâts irréversibles sur la peinture des mains. Un autre confort offert à l’utilisateur via le dispositif est la possibilité de regarder le sanctuaire sous toutes ses coutures et aussi longtemps que souhaité. Ceci est également impossible dans la réalité, car la durée des visites dans le sanctuaire est limitée à quelques minutes. Les gaz engendrés par la respiration des visiteurs sont en effet nocifs pour les œuvres rupestres. Puis, tout comme pour les deux autres dispositifs, l’accent a été mis sur la dimension didactique : les images du dispositif sont ici destinées a être commentées par un tuteur qui fait office de guide auprès du grand public. Toutes les générations, des enfants aux seniors, sont ici visées.

2.8.3. Réaction du grand public face aux dispositifs
Tout au long de la journée, nous avons conduit des observations et des entretiens avec des visiteurs et des utilisateurs des dispositifs. Nous avons également filmé les pratiques d’utilisateurs sur les différents dispositifs afin de pouvoir analyser leurs réactions et attitudes. Nous avons cherché à synthétiser les principaux résultats par application et non par type de comportement afin d’essayer de repérer les invariants dans chaque dispositif mais aussi entre eux. De la même façon, cela nous permet d’avancer des conclusions quant aux spécificités des différentes applications.

2.8.3.1. Le grand public face au premier dispositif
Pour le premier dispositif, « le tableau multimédia », nous observons les attitudes et les comportements suivants :
Rapidement, une vingtaine de seniors, visiteurs présents en nombre durant cette manifestation, commencent par prendre des chaises et s’installent à bonne distance du tableau. Puis pour mieux voir, ils se rapprochent au plus près, en se mettant juste derrière l’informaticien chargé d’initialiser le dispositif. Pour eux ce que font les volontaires est davantage perçu comme une performance artistique ou comme un véritable spectacle numérique (fig.13). Cette perception est renforcée par la succession des personnes qui dessinent, debout, avec des crayons optiques sur le tableau multimédia. De voir se reconstituer sous leurs yeux les différentes gravures, peintures revêt un caractère sensationnel. Le mur d’image qui prend forme et qui prend sens accentue cette perception. De la même façon, les volontaires, nombreux, aussi bien des enfants que des adultes de tout âge, n’ont aucune appréhension à manipuler les stylos, à essayer et à découvrir. Tous se laissent volontiers guider par le tuteur pour repérer les différents tracés. Celui-ci donne aussi des explications complémentaires sur les animaux ainsi retracés et peut lui aussi compléter le tracé à l’aide d’un autre crayon optique. La seule gêne constatée avec ce dispositif est l’ombre de l’utilisateur et des spectateurs qui viennent parfois masquer la projection sur le tableau. Ceci oblige le tuteur à maintenir les curieux en dehors du cône de projection et les volontaires à se placer sur les bords du tableau ou parfois à s’agenouiller devant.

À la suite de cette expérience, nous avons interrogé, lors d’entretien individuel en face à face, des utilisateurs d’une dizaine d’années, ils nous ont expliqué la vocation du dispositif, dessiner des animaux, et relaté leurs expériences. De même, ces enfants ont pu nous nommer quels animaux ils ont retrouvé et dessiné sur le tableau multimédia.
Sur le plan de ce qui était attendu par rapport à ce dispositif, nous notons qu’il y a ici une bonne correspondance entre la réaction du public et les intentions initiales des concepteurs. Le grand public a en effet été sensible à la dimension spectacle du dispositif comment en témoigne le regroupement des seniors. La dimension éducative, qui visait à expliciter la difficulté du travail des scientifiques en charge de retracer le contour des animaux, n’est pas restitué par les enfants interviewés. Ces derniers ont plutôt retenu le nom des animaux retracés. Enfin, nous notons que pour ce dispositif, une forte dimension ludique a été perçue, surtout auprès des enfants, ce qui n’était pas l’objectif initial des concepteurs.

 
Figure 13 : Pour le premier dispositif, les seniors se sont installés sur des chaises

2.8.3.2. Le grand public face au second dispositif
Pour le second dispositif, « le Serious Game », un banc disposé par les organisateurs devant l’ordinateur permet aux utilisateurs de s’asseoir et de jouer. Un ou deux parents ou copains viennent parfois leur tenir compagnie ou les guider. Ces derniers sont soit assis à leurs côtés, soit debout derrière eux. Les volontaires sont moins nombreux comparativement au premier dispositif et se composent exclusivement d’enfants âgés de 4 à 12 ans. Les spectateurs sont rares et ne s’attardent pas longtemps pour regarder la performance de l’utilisateur. Ce dispositif bien que reprenant une idée de scénario très proche du « tableau multimédia », est nettement moins « spectaculaire ». Lorsque aucun animateur n’est présent à côté du serious game pour en expliquer le principe de fonctionnement, la majorité des utilisateurs le découvrent et le comprennent par eux-mêmes. Cette application de par son design, n’est pas innovante et reprend des conventions culturelles bien connu des jeunes. En effet, ces derniers ont certainement une réelle culture des produits écrans et n’ont probablement pas d’appréhension ou frein pour manipuler des applications multimédias. Ainsi, les enfants n’abandonnent jamais la partie en cours de route. Et quand des enfants ont du mal à relever le défi, les parents prennent alors systématiquement la souris pour les aider à terminer la partie. Notons cependant que selon François-Xavier Bernard, qui a également testé des dispositifs multimédia dédiés aux enfants dans le contexte de la cité des enfants à Paris, cette aide des parents ne s’inscrirait probablement pas dans un but didactique, mais plutôt dans l’idée d’aider l’enfant à finit d’accomplir sa tâche : « Vraisemblablement, les stratégies tutorielles développées par les parents et celles développées par l’animateur ne sont pas les mêmes. Plusieurs travaux sur les modes d’interactions parents/enfants dans le contexte de la Cité des enfants […] ont montré que majoritairement, les parents ont des conduites qui ne favorisent pas la transmission des connaissances relatives aux dispositifs explorés. Ils sont généralement très directifs et sont plus préoccupés des actions des enfants et de leur réussite que de la compréhension par ses derniers des mécanismes explorés ». (p.9) Quant aux enfants qui gagnent par eux-mêmes, ils enchaînent souvent avec une seconde partie proposant un nouvel animal. Ceci nous donne des durées d’utilisation de quatre minutes et demi en moyenne.
Lorsqu’il est demandé aux enfants de nous parler du dispositif, ils le décrivent uniquement par le challenge ludique qu’il propose :
« Dans ce jeu, il faut retracer la forme des animaux avant qu’il ne soit trop tard ! »
Les enfants n’évoquent jamais le nom des animaux qu’ils ont dessiné. Ils ne formulent pas non plus des questions ou commentaires sur les difficultés auxquelles ont dû faire face les scientifiques qui ont répertorié à l’origine les différents tracés des animaux sur les parois d’origine. Ces aspects sont plutôt abordés par les parents qui observent leurs enfants. En effet, ces derniers sont plus à distance de l’activité, c'est-à-dire qu’ils sont moins immergés dans le jeu (fig.14).

Au niveau de ce que les concepteurs attendaient de ce dispositif, nous notons que le cœur de cible visé est atteint. La dimension ludique a été bien perçue par ce public, même si nous constatons que les enfants trouvent le tableau multimédia plus attractif.
La dimension éducative, a été plus facilement mise en valeur quand un tuteur accompagnait les enfants. Ce qui semble à nouveau recouper nos précédentes conclusions. (cf. 2.3 et 2.6.4)
La dimension spectacle n’était pas ici prévue puisqu’un vidéo projecteur n’a pas été installé. La réaction du public a été conforme aux attentes sur ce point.

 
Figure 14 : Parents regardant ou assistant leur enfants durant l’utilisation du jeu de la grotte de Gargas

2.8.3.3. Le grand public face au troisième dispositif
Pour le troisième dispositif, « le panoramique sphérique » du sanctuaire des mains, nous avons constaté les faits suivants :
Tout comme pour le jeu multimédia, l’utilisateur est invité, de façon implicite par la mise en scène autour du dispositif, à s’asseoir sur un banc. Les enfants utilisent en grande majorité ce dispositif, parfois pendant plus de 5 minutes et font défiler en continu le panorama dans différentes directions. Ils sont âgés de 6 à 12 ans en moyenne. Les adultes préfèrent quant à eux écouter les propos du tuteur et le laisser manipuler la souris et le clavier pour faire défiler le panoramique sphérique et zoomer dans l’image. Les spectateurs, peu nombreux, regardent debout, durant un court laps de temps l’image vidéo projetée du sanctuaire des mains sans pour autant percevoir l’essence même de l’application, l’intention et l’objectif (fig.15).


Figure 15 : Animateur présentant le dispositif du "Sanctuaire des mains"

Les enfants, qui ont manipulé ce troisième dispositif, le décrivent en grande majorité par son contenu informatif. Ils restituent aussi l’intention globale et les propos du tuteur.
Sur le plan de ce qui était attendu par ce dispositif, nous notons que seuls les enfants ont été amenés à l’utiliser directement. La dimension spectacle n’a pas été perçue puisque aucun attroupement de spectateurs n’a été constaté. Mais cependant la dimension éducative a elle été bien perçue. La dimension ludique n’était pas prévue ici. La réaction du public a été conforme aux attentes sur ce point.

2.8.4. Analyse de la conception
Les observations relevées durant cette expérience de terrain menée à Gargas, nous indiquent que seul le dispositif du tableau multimédia montre une pleine adéquation entre l’intention initiale des concepteurs et la réaction du public visé. Les deux autres dispositifs ne remplissent pas entièrement leurs objectifs. Plus précisément, nous pouvons dire que les attentes d’utilisabilité pour les deux derniers dispositifs n’ont pas été perçues par le public visé.

2.8.4.1. Evaluation heuristique des concepteurs
Dans le cadre de l’élaboration des trois dispositifs réalisés pour Gargas, la norme ISO de l’utilisabilité n’a pas été suivie car elle n’était pas connue des concepteurs. Ces derniers ont donc développé les dispositifs en privilégiant une approche heuristique se basant sur leurs intuitions et leurs expériences personnelles.
Pour comprendre le non recoupement dans les deux derniers dispositifs entre les intensions des concepteurs et les réactions du public, il nous paraît pertinent d’évaluer l’approche heuristique des concepteurs pour élaborer des trois dispositifs et de la confronter à la notion d’utilisabilité. L’intérêt d’une telle analyse réside aussi dans le fait qu’il n’existerait selon Moha, Qing, Gaffar et Seffah à ce jour, que peu de travaux sur la « modélisation et la formalisation des tests d’utilisabilité impliquant des utilisateurs. » (p. 115).

Pour déterminer si chaque dispositif a bénéficié d’une conception pertinente, nous allons donc rechercher auprès du grand public son positionnement face aux 4 critères proposé par Preece. À savoir si pour chaque dispositif, le public visé se sent en sécurité, s’il l’utilise efficacement, avec efficience et s’il éprouve du plaisir. (cf. 2.7)
Pour cela nous allons interpréter la notion de sécurité par le fait que le public utilise un dispositif sans appréhender le regard du public. La notion d’efficacité est évaluée sur la rapidité avec laquelle les utilisateurs parviennent à atteindre les objectifs proposés par le dispositif. L’efficience est évaluée par la quantité de questions que posent les utilisateurs pour comprendre le fonctionnement du dispositif. Enfin, le plaisir suscité par le dispositif est évalué en observant l’engouement de son utilisateur mais également auprès du public. Plus l’attroupement est important, plus nous pouvons considérer que l’engouement est important.

Nous attendons de cette démarche de pouvoir vérifier les faits suivants :
Si la conception est pertinente, nous devrions trouver auprès du grand public une réaction positive aux quatre critères de l’utilisabilité. Dans le cas contraire, si la conception n’est pas pertinente, le grand public devrait logiquement ne pas répondre positivement à l’ensemble des quatre critères de Preece.
En fonction de ce retour nous devrions probablement obtenir une évaluation de l’approche heuristique des concepteurs pour la conception de chaque dispositif.

2.8.4.2. Résultats
Si nous comparons la réaction du grand public face au premier dispositif avec les quatre critères de l’utilisabilité, selon l’approche que nous avons établie, nous constatons que l’attrait du public et des utilisateurs sont au rendez-vous. Nous pouvons donc valider la notion de plaisir. L’aspect sécurité, est validé par le nombre de volontaires désireux d’utiliser le dispositif et de se laisser guider par le tuteur. Le critère d’efficacité est également rempli. En effet, chaque utilisateur parvient à retracer le contour des animaux que propose le médiateur. Enfin, l’efficience est aussi au rendez-vous, puisque la manipulation de l’interface du dispositif, à savoir le crayon optique, ne fait l’objet que de très peu de questions de la part des utilisateurs.
Pour ce premier dispositif, nous pouvons bien établir que les quatre critères de Preece sont remplis car le grand public les valide par ses attitudes. L’approche heuristique des concepteurs semble ici pertinente.

Lorsque nous comparons l’attitude du public face aux quatre critères de Preece, pour le serious game, nous notons que les critères de sécurité et de plaisir sont bien remplis. Pour l’aspect efficacité, nous avons noté que les enfants remplissaient les objectifs ludiques mais ne restituaient pas la dimension pédagogique. C’était un adulte présent à leur côté qui jouait cette fonction. Cela peut s’expliquer notamment par l’absence ici en interface de sortie de la vidéo projection qui est présente dans le premier dispositif. Quant à l’aspect efficience l’aide parfois nécessaire des parents semble nous montrer qu’il est ici moins pertinent que dans le cas du premier dispositif.
Pour ce second dispositif, nous constatons donc que parmi les quatre critères de Preece, seulement la moitié sont pleinement efficients. L’approche heuristique semble donc moins pertinente. De ce fait, nous pensons à ce stade pouvoir affiner notre réflexion sur notre test d’utilisabilité : La présence de tous les critères de Preece dans un dispositif ne suffit pas à déterminer si celui-ci est bien utilisable. Rentre également en jeu un degré d’efficience pour chacun d’eux.

Pour le troisième dispositif, nous notons que pour la grande majorité du grand public, les adultes notamment, les critères de sécurité, d’efficacité, d’efficience et de plaisir ne sont pas au rendez-vous. En effet, les adultes ont préféré laisser le tuteur manipuler le dispositif. La notion de sécurité ne peut être validée puisqu’une appréhension a été identifiée. Cette absence de manipulation de permet donc pas d’évaluer une quelconque efficacité ou efficience. Enfin, l’absence de public autour du dispositif dénote, selon nous, un manque d’engouement ce qui atteste aussi de l’absence de la dimension plaisir. Seul quelques enfants ont remplis ces critères d’utilisabilité. Mais ils ne représentaient qu’une part de la cible visée.
Pour le panoramique sphérique nous pouvons donc en conclure que l’approche heuristique des concepteurs n’a donc pas été pertinente car elle n’a pas permis de générer une utilisabilité pour l’ensemble du grand public.

2.8.5. Une voie d’analyse des interfaces entrantes et sortantes

2.8.5.1. Notion de manipulation directe
Sur le plan informatique, le cycle d’interaction peut-être découpé en trois grandes étapes successives qui vont chacune jouer un rôle clé dans la perception du dispositif par les visiteurs. L’interface entrante est celle qui permet à l’utilisateur de transmettre des informations (donner des instructions) au dispositif. Seul la première application est de ce point de vue innovante, au sens qu’elle ne mobilise pas les interfaces habituelles de l’ordinateur, clavier et souris. En effet, dans le tableau multimédia, l’utilisateur se sert d’un stylo pour écrire de façon virtuelle sur une surface plane sensible en temps réelle. Cette première distinction peut être explicative du succès rencontré. Par contre, pour ce qui des traitements et calculs, les visiteurs de la manifestation de Gargas ne peuvent voir que des tours d’ordinateur sans autre signe caractéristique ou significatif, de ce fait nous n’explorerons pas cette piste dans la suite de la réflexion. Enfin, les interfaces sortantes sont de deux natures différentes, soit des écrans plats 19 pouces (pour le dispositif 2 et le dispositif 3) soit des vidéo projecteurs (pour les applications 1 et 3). L’engouement engendré par le tableau multimédia doit être analysé, selon nous, en tenant compte de ces spécificités des interfaces entrantes et sortantes. Le tableau multimédia (dispositif 1) offre à l’utilisateur une interface entrante bien plus « familière » que les interfaces habituelles du monde des nouvelles technologies, un crayon optique qui s’applique directement sur le tableau. L’ergonomie du tableau multimédia est un outil de « manipulation directe » tel que la définit par Ben Shneiderman :
« La manipulation directe implique trois techniques interdépendantes : 1. Fournir un moyen physique et direct de déplacer un curseur ou de manipuler les objets de prédilection.
2. Offrir une représentation visuelle concrète des objets de prédilection et afficher immédiatement la représentation des modifications apportées. 3. Éviter d'utiliser un langage informatique et prendre en compte le modèle cognitif utilisé pour concevoir l’affichage. ».

Nous parlons de « familier » car le stylo, comme le tableau, font partie des objets de communication que chaque individu a normalement côtoyé dès son plus jeune âge au sein de l’école, dans le cadre de notre société. L’apprentissage en est fait à l’école avec un réel objectif d’appropriation par l’individu. C’est un objet du quotidien, qui laisse à l’individu une grande liberté créatrice beaucoup plus large que les autres interfaces proposées. Même si les nouvelles technologies sont de plus en plus fréquentées par les individus, elles imposent encore des règles formelles strictes. L’interaction n’est pas, selon nous, spontanée et exige de la part de l’utilisateur une prise en main préalable, ce qui n’est pas le cas du stylo et du tableau. Ainsi dans le dispositif 1, nous avons une interface entrante plus transparente selon les critères de Stéphane Safin, Christelle Boulanger et Pierre Leclercq :
« Etre transparent : le système n’exige pas de procédure de dialogue pré-établie. Le concepteur compose librement pendant qu’un agent informatique surveille et interprète son dessin. Le logiciel reconnaît les actions di concepteur au travers du contexte. ». (p.108)  Toujours selon leurs critères, l’interface de ce dispositif serait également plutôt « naturelle » :
« Etre naturelle : la philosophie est de garder la simplicité et la polyvalence du papier et du crayon. » (p.108)
Dans le cadre d’une manifestation comme Gargas, plus les interfaces entrantes sont conviviales, à savoir se simplifient, éliminent les contraintes et deviennent « naturelles » en se rapprochant des outils de références issus du réel, plus nous trouvons de volontaires auprès du grand public pour utiliser les dispositifs. Le maniement du crayon optique est plus intuitif et naturel.
Toutefois, une des limites de ce dispositif réside dans la question liée à l’ergonomie du dispositif. En effet, le projecteur était installé sur un support pas suffisamment surélevé ce qui a provoqué des effets d’ombre portée sur le plan de travail et cela était une des difficultés à gérer par l’animateur. Dans d’autres expérimentations, il faudra explorer des possibilités de décentrage plus grand entre l’écran et le projecteur afin que le cône de projection n’entre pas en interférence avec l’utilisateur. Ces développements futurs devraient donner une plus grande latitude à l’utilisateur et faciliter encore plus la prise en main. Nous notons cependant que ce réajustement ergonomique ne sera sans doute pas le seul, comme nous le verrons juste après.

Dans le deuxième dispositif, il faut passer du crayon optique à la souris, ce qui réclame un effort d’adaptation pour dessiner et des compétences de motricité plus importantes car la manipulation est probablement moins encapsulée au sein de l’individu. La souris s’éloigne de l’outil de référence naturel de communication qu’est le stylo. Le stylo donne une liberté d’expression alors que la souris oblige l’utilisateur à dessiner d’une manière spécifique et contrainte. Bouger la souris sur une surface réduite qui n’est pas en contact direct avec le tracé généré à l’écran, réclame à l’utilisateur une concentration supérieure à fournir. De même, cela requiert d’avoir comme pré requis une culture de l’informatique et une pratique au maniement de la souris. Cette dimension est certainement renforcée par la présence le challenge du chronomètre incrusté en haut de l’écran. Cette incrustation dans l’écran change la nature même du sens de l’application. Les adultes doivent de ce fait probablement considérer, à juste titre, qu’ils ne sont pas le cœur de cible de ce dispositif et s’en détournent ou doivent en légitimer l’utilisation par la présence d’un enfant. En analysant les comportements et les cheminements des enfants, nous faisons le même constat, le tableau multimédia est plus attractif que la deuxième application. Le jeu ne constitue pas par lui-même un pôle d’attraction suffisamment fort pour rassembler les visiteurs enfants. Ainsi, ce ne peut pas être la spécificité du contenu proposé par le premier dispositif qui expliquerait à lui seul son attrait : celui de l’interface semble également jouer un rôle prépondérant.

Si nous prenons maintenant le dispositif du sanctuaire des mains qui pour l’interface entrante ajoute le clavier à la souris, les utilisateurs préfèrent cette fois-ci en grande majorité laisser le soin à l’animateur de l’utiliser et de manipuler. L’interface entrante devient, semble t-il, trop complexe ou intimidante pour la majorité du grand public. L’attractivité du dispositif associé s’en retrouve probablement réduite, la multiplicité des interfaces et la nécessité de les combiner, accentuant ce phénomène. L’utilisation du projecteur comme interface de sortie permet de faire partager au plus grand nombre la dimension majestueuse du sanctuaire des mains mais cela n’a pas provoqué auprès des visiteurs le même enthousiasme que le premier dispositif. Une des explications possibles réside dans le fait que la manipulation, la visite dans l’environnement sphérique, est certes libre, au sens ou le visiteur peut se déplacer librement mais cela ne constitue pas une performance qui pourrait faire l’objet d’un spectacle. Au niveau du jeu, nous pourrions traduire cela par une absence de ludus.

2.8.5.2. « Critères Ergonomiques »
Nous venons d’évoquer que des améliorations d’ordre ergonomiques étaient à envisager pour affiner le fonctionnement du premier dispositif. Nous avons également noté, les efforts d’adaptation que nécessitaient l’utilisation des interfaces entrantes du second et troisième dipositifs. Notons pour tenter d’améliorer nos approches futures sur ce point, que nous pourront pour cela très certainement nous référer aux « Critères Ergonomiques » de Bastien et Scapin qui ont par la suite été transposés par Bach aux Environnements Virtuels (E.V.). Ces auteurs nous font état de « 8 critères principaux et de 20 critères élémentaires » (p.44) à prendre en compte. Les principales sont les suivantes (p.45) :

1. Compatibilité : fait référence notamment « à l’accord pouvant exister entre les caractéristiques des utilisateurs » d’ordre cognitif, physique, état, contexte, etc. et des tâches, d’une part, « et l’organisation des sorties, des entrées et du dialogue d’une application donnée, d’autre part. » (Annexes B)
2. Guidage : représente « l’ensemble des moyens mis en oeuvre, avec les diverses modalités disponibles, pour conseiller, orienter, informer, et conduire l’utilisateur lors de ses interactions avec l’E.V. » (Annexes B)
3. Contrôle explicite : « concerne d’une part la nécessité de prise en compte par le système des actions explicites des utilisateurs et d’autre part le contrôle qu’ont les utilisateurs sur le traitement de leurs actions. » (Annexes B)
4. Signifiance des codes, dénominations et comportements : « concerne l’adéquation entre l’objet, le comportement ou l’information présentée ou entrée, et son référent. » (Annexes B)
5. Charge de travail : « concerne l’ensemble des éléments de l’interface qui ont un rôle dans la réduction de la charge perceptive, mnésique ou physique des utilisateurs et dans l’augmentation de l’efficacité du dialogue. » (Annexes B)
6. Adaptabilité : appliquée à un « système concerne sa capacité à réagir selon le contexte, et selon les besoins et préférences des utilisateurs. » (Annexes B)
7. Homogénéité/Cohérence : « se réfère à la façon selon laquelle les choix de conception de l’interface sont conservés pour des contextes identiques, et sont différents pour des contextes différents. » (Annexes B)
8. Gestion des erreurs : « concerne tous les moyens permettant d’une part d’éviter ou de réduire les erreurs, et d’autre part de les corriger lorsqu’elles surviennent.» (Annexes B)

Si nous passons en revue ces critères, nous pouvons noter que ceux de compatibilité, de guidage, de contrôle explicite, de signifiance des codes, dénominations et comportements, ainsi que la charge de travail se retrouvent, nous semble t-il, dans la notion de flow (cf. 2.5.1). Nous notons également que la notion d’homogénéité et de cohérence, se retrouvent dans notre définition globale du serious game (cf. chapitre 1 : conclusion). L’importance de ce critère a également été observé lors de notre retour d’expérience de Technocity (cf. chapitre 2 : 4.1.4 et 4.2.3). Enfin selon nous, l’adaptabilité et la gestion des erreurs nous renvoient aux modalitéx du faire.
Il nous semble donc, que l’élaboration d’une interface convoque à lui seul son propre espace potentiel d’apprentissage. Nous y reviendrons dans la conclusion de cette expérience.

2.8.5.3. Au-delà de l’interface : Le cadre
Je pense que la virtualité doit s’appliquer, enfin me semble t-il, à quelque chose qui fait partie de l’expérience de chacun, déjà. Mais dans laquelle on va beaucoup plus loin que ce que l’on pourrait faire soi-même (Plachez)
L’aspect innovant du tableau multimédia qui permet de tenir un crayon et de dessiner dans un environnement virtuel a suscité des comportements de type spectateur de la part des visiteurs du site de Gargas. Ce mélange entre le réel et le virtuel est très apprécié, semble t-il, du grand public qui a pris place autour du dispositif pour en apprécier la dimension spectaculaire. Le fait que l’interface entrante et sortante soient ainsi fusionnées en une seule, intrigue et surprend probablement mais aussi convoque, nous pouvons le penser, pour certains, des cadres et des références culturelles identifiables, de l’ordre de la performance artistique, notamment. La fusion de l’interface entrante et de l’interface sortante rend visible la performance et le résultat. Les modalités de l’actualisation semblent de ce fait opérer (cf. 2.5.2). De même, la dimension « spectacle » a suscité un nombre important de volontaires qui veulent tenter de réaliser une performance face au public. L’interface sortante devient collective alors que l’interface entrante est profondément individuelle. Ceci semble ainsi remplir les huit premières composantes du flow de Csikszentmihalyi. (cf. 2.5.1)
Enfin le cadre du contexte d’apprentissage est convoqué par l’ergonomie de l’espace en lui-même : Le tableau, le stylo, l’animateur, les chaises. Cette interprétation est renforcée par le fait que l’animateur guide chaque volontaire en ayant pour support un tableau et un crayon. Les protagonistes étant debout, le tuteur fait le lien entre le public et le volontaire qui réalise ses tracés au tableau. Cela rappelle l’image de l’apprenant proposant aux autres ces réflexions. Cette notion d’apprentissage est corroborée par les témoignages des enfants : ces derniers rappelons-le, nous décrivent le dispositif du tableau multimédia comme étant certes ludique, mais aussi didactique, puisqu’ils nous énumèrent spontanément la liste des animaux retrouvés durant son utilisation et restitue avec une grande précision le contexte.
Il y a ensuite certainement d’autres cadres que ce dispositif peut convoquer qui sont propres à chacun. Mais ce qui fait la force des dimensions « spectacle » et « cadre d’apprentissage » c’est qu’ils sont probablement fédérateurs et reconnus par une majorité du grand public, nous semble t-il. Le clavier et la souris du troisième dispositif ne convoquent pas de tels cadres fédérateurs à ce jour, car il s’agit d’inventions trop récentes et qui ne sont pas naturelles pour l’homme.

2.8.6. Conclusion de l’expérience
Dans le contexte de ce retour d’expérience lié aux grottes de Gargas, nous nous sommes questionnés sur la notion d'utilisabilité qui fait l’objet sur le plan informatique d’une norme ISO 9241-11. L’objectif étant de tenter d’évaluer, dans le cadre de notre représentation de l’Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant, le rôle de l’utilisabilité pour amener un apprenant potentiel à y fédérer. Pour cela, notre approche était de considérer qu’un bon indice d’utilisabilité pouvait être associé à l’observation suivante : détecter si un dispositif fédère autour de lui un nombre important et diversifié d’individus.
Nous avons ainsi remarqué que le dispositif 1 (stylo et tableau) était le plus fédérateur. Après analyse, nous avons constaté que c’était celui qui proposait à notre sens, une affordance dont l’appréhension était la plus connue par l’ensemble du grand public. Ainsi, le tableau et le stylo sont des objets qui normalement ont été préalablement utilisés par ce grand public, car cela convoque notamment des situations qui sont vécues dans le contexte de l’école. La rencontre de ces objets, dans le cadre du dispositif dédié au fait de retrouver et dessiner des contours d’animaux, les rendent, nous semble t-il, de ce fait rapidement opératoires. Cela nous renvoie dans le cadre des modalités du faire, associées à l’application informatique à un savoir-faire plus accessible. D’autre part, ce dispositif permettrait au grand public de satisfaire normalement les huit premières composantes du flow (cf. 2.5.1). Ce qui ne semble pas être le cas avec les deux autres dispositifs. Ces derniers impliquant le clavier, voire la souris. Ces outils plus récents que le stylo, réclament des pré requis que toutes les générations du grand public ne semblent pas posséder de nos jours. De ce fait, la première composante de Csikszentmihalyi, qui implique de posséder les pré requis pour accomplir une tâche, ne peut probablement pas être rempli par l’ensemble du grand public. Le savoir-faire est dans ce cas beaucoup moins accessible, semble t-il.

En nous questionnant sur la notion d’ergonomie que sous-tend l’utilisabilité, nous avons avancé l’idée que l’élaboration d’une interface semble convoque à lui seul son propre espace potentiel d’apprentissage. En effet celle-ci, nous avons, dans les Critères Ergonomique de Bastien et Scapin, adapté par Bach aux E.V., décelé, nous semble t-il, un ensemble de critères du flow, des modalité du faire, et de notre définition globale du serious game. Il nous semble intéressant d’approfondir, ce qu’une telle mise en relation, semble sous-tendre pour notre approche.
En effet, cela nous invite à avancer l’idée que la mise en place d’un espace potentiel d’apprentissage au niveau du cadre primaire au sens de Goffman (cf. 2.2), en sous-tendraient peut-être d’autres à différents niveaux. Ainsi, il semblerait bien, comme l’avancent Salen et Zimmerman, que les différents systèmes, formel, empirique et culturel, entrent bien en corrélation à différents niveaux. (cf. 2.2) Ainsi, nous pourrions avancer l’idée que chacune de ces mises en relations se ferait probablement grâce à un espace potentiel d’apprentissage ou aire intermédiaire dédié.
De ce fait, il nous semble possible à ce stade, que la notion d’utilisabilité que nous sommes en train d’étudier aurait pour rôle d’assurer un de ces liens. En l’occurrence celui qui assurerait la jonction entre l’espace potentiel d’apprentissage, sous-tendu par le cadre principal au niveau du système culturel, avec celui que sous-tend l’interface faisant office de système pragmatique. Si nous poursuivons notre cheminement de pensée dans ce paradigme, il doit également exister d’autres espaces potentiels d’apprentissages qui concernent le système au niveau formel avec le ou les interfaçages dédiés. Dans l’approche de cette thèse, cela nous renvoie, notamment au jeu vidéo, au niveau de sa structure. Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre 4.
Une telle approche sous-tendrait également l’idée qu’un dispositif multimédia, tel que nous le concevons, pourrait générer pour chaque utilisateur, un ensemble d’apprentissages multiples. Ces derniers seraient générés par l’ensemble des différents espaces potentiels d’apprentissages que constituerait chaque mise en relation de systèmes mis en présence à travers l’ensemble des différents niveaux. (fig. 16)
Si tel est le cas, alors, selon nous, il serait peut-être pertinent de chercher à prendre en compte l’ensemble de tous ces apprentissages, s’ils sont bien entendu identifiables et gérables, afin de les mettre en interrelation pour guider au mieux l’apprenant à atteindre l’objectif pédagogique visé dans l’espace potentiel d’apprentissage situé dans le cadre primaire. C’est que nous tâcherons d’appréhender dans le cadre d’une expérience pédagogique de la prochaine partie de ce chapitre.
Quoi qu’il en soit, même si ces hypothèses, ne sont à ce stade que des intuitions, elles nous confortent cependant dans l’idée que l’espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant semble être une approche pédagogique où la notion d’utilisabilité, joue probablement un rôle prépondérant.

Figure 16 : Agencement de plusieurs espaces potentiels d’apprentissage qui relient chaque système au sein d’un espace potentiel d’apprentissage appartenant au cadre primaire.

2.9. Bilan

Tout au long de cette seconde partie, nous avons tenté d’appréhender comment mettre en relation le jeu avec l’apprentissage, dans l’optique de mieux cerner par la suite quelle pourrait être la forme de pédagogie adaptée à une mise en relation avec le serious game.
Nous avons durant cette démarche, modifié notre approche sur la mise en relation du jeu et de l’apprentissage. Désormais, il nous semble que ces deux éléments ne viendront pas s’interfacer directement, mais seront amené à se rencontrer dans une aire intermédiaire.
Cette aire, que Brougère nomme Espace potentiel d’apprentissage, doit permettre la rencontre d’un tuteur et d’un apprenant, pour que ce dernier puisse se construire.
Puis, nous avons tenté de prendre en compte la notion de plaisir que le jeu convoque. Cette piste, nous a permis d’appréhender notamment la notion de flow de Csikszentmihalyi et le « Modèle sémiotique du gameplay » de Genvo. Ceci nous a amené à enrichir notre approche en introduisant trois modalités du faire dans la zone de jeu, d’apprentissage et de l’Espace potentiel d’apprentissage. Cela nous a également permis d’affiner nos définitions du scénario pédagogique et la description de la forme de pédagogie recherchée. (cf. 2.5.2)
Enfin, nous avons pris en compte la notion d’utilisabilité qui sous-tend pour nous la notion d’affordance. Par des retours d’expériences, nous avons tenté d’éprouver nos approches théoriques. Ces dernières nous ont, de leur côté, permis d’avoir, nous semble t-il, une perception un peu plus fine des phénomènes que nous avons observé sur le terrain.
Pour conclure, nous avons tenté de consigner dans un schéma (fig.9) baptisé « Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant », l’ensemble des points que nous venons de résumer, et qui nous semblent à ce stade nous aider à mieux cerner notre approche.

APP et Serious Game

À présent, avec l’ensemble des nouvelles données que nous venons de recenser dans la partie précédente, tentons d’identifier une pédagogie qui pourrait être mise en relation avec l’utilisation d’un serious game. Pour mémoire, celle-ci doit correspondre à l’approche suivante :

La forme de pédagogie recherchée pour être compatible avec l’approche du serious game, doit avoir, pour propriété de susciter l’envie d’apprendre, en indiquant comment y parvenir, par l’intermédiaire d’un jeu et pour intention de viser l’apprentissage d’une connaissance, soit celle d’une pratique, ou bien des deux à la fois. Cette pédagogie nécessite l’intervention d’un tuteur, et implique au moins trois « modalités du faire » distincts.

3.1. Identifier une pédagogie compatible avec le serious game

3.1.1. Quatre types de pédagogie
Selon Gerlese Åkerlind, nous pouvons identifier au niveau universitaire quatre types d’approche pédagogique :
La première consiste à transmettre du contenu. Nous sommes ici dans une approche magistrale, où l’enseignant transmet un savoir aux apprenants. Ces derniers réceptionnent les données sans participer activement à l’apprentissage, dans le sens où aucune interactivité avec l’enseignant n’est prévue, hormis la possibilité de poser des questions. C’est un apprentissage que l’on peut ainsi qualifier de passif, même si les apprenants sont actifs au sens sociologique du terme.
La seconde approche consiste à établir des liens entre l’enseignant et les apprenants. Ici, l’enseignant les assiste pour les aider à résoudre des problèmes posés. La pédagogie reste passive, dans le sens où les apprenants sont ici guidé sans pouvoir prendre de réelles initiatives. L’enseignant recherche plutôt ici une image valorisante auprès de ses apprenants.
La troisième approche se base sur l’engagement des apprenants. Nous sommes ici dans une approche active de la pédagogie, dans le sens où ces derniers sont invités à prendre des initiatives dans un cadre que l’enseignant aura au préalable mis en place en s’inspirant notamment de situations réelles. Le but est ici de susciter chez les apprenants enthousiasme et envie d’apprendre.
La quatrième approche vise l’autonomie des apprenants. Il s’agit ici de les conduire à développer leurs propres recherches. L’enseignant encadrant ponctuellement la démarche. Nous sommes ici dans une démarche dont l’objectif est par exemple la réalisation d’un exposé, d’un mémoire, d’une thèse…

3.1.2. Pédagogie active et engagement des étudiants
Si nous comparons à présent ces quatre types de pédagogies avec la forme de pédagogie que nous recherchons, il semble que la troisième approche, fondée sur la pédagogie active et l’engagement des apprenants soit la plus compatible.
En effet, nous trouvons dans la description de Åkerlind les éléments suivants qui semble se recouper avec notre description de la forme de pédagogie recherchée :
La présence d’un tuteur : cette composante joue un rôle central dans notre approche pédagogique. La notion d’autonomie proposée dans la 4e approche pédagogique, implique un tuteur peu présent qui de se fait risque de générer une situation où il ne rencontrera pas l’apprenant dans l’Espace potentiel d’apprentissage. C’est pour cette raison que nous préférons l’écarter pour le moment.
Susciter l’envie d’apprendre et ce de façon enthousiaste : cette notion de plaisir lié à l’apprentissage fait partie de nos critères. D’autre part, ce critère semble recouper les approches de Brougère, Laloux et Kellner, que nous avons abordés précédemment et qui mettait en avant l’idée que le tuteur devait mettre en arrière plan son propre plaisir pour laisser celui des apprenants émerger. Rappelons que ce paradigme induisait également l’idée, selon Frenay, de passer d’un enseignement « magistro-centré » à un enseignement « pédo-centré » (cf. 2.4) Cela semble de ce fait, nous aiguiller vers une pédagogie active, et nous permet de ce fait d’écarter la première approche pédagogique où rien ne convoque de telles notions.
La mise en place d’un cadre s’inspirant notamment d’une situation réelle, dans lequel l’apprenant peut prendre des initiatives : La création d’un tel cadre s’inspirant de la réalité convoque pour nous la notion de cadre secondaire et de ce fait celle de second degré. (cf. 2.2) Celles-ci peuvent de ce fait convoquer la notion de jeu. C’est un ingrédient indispensable à notre recherche pédagogique que seule la troisième approche propose ici.

3.2. L’apprentissage actif

3.2.1. Poser des questions, susciter la réflexion
Nous avons à ce stade opté pour la pédagogie active afin d’interfacer le serious game. Tentons à présent d’en affiner notre perception.

Benoît Raucent, professeur dans le département mécanique de l’Université Catholique de Louvain en Belgique, s’intéresse particulièrement à la pédagogie active. Il prône notamment l’apprentissage par projet qu’il oppose à la notion d’exercice : l’avantage du problème selon lui, est que la nature de son énoncé est « ouvert », et que de la sorte il « suscite le questionnement » pour de la sorte « donner du sens à l’apprentissage. » Ceci susciterait la réflexion. De ce fait, « l’intérêt du problème par rapport à l’exercice est qu’il place cette réflexion au centre de l’activité. »
Le questionnement de l’apprenant, suscité par la réflexion est ainsi au cœur de l’approche de Raucent qui précise : « C’est en se posant les bonnes questions que l’étudiant va apprendre et, par la suite, être capable de transférer ses apprentissages à des cas plus complexes. » (87)

Cette approche semble recoupée par les propos de Guy Casteignau, professeur à l’Université de Limoges, responsable entre autres de la filière TIC, que nous avons interviewé pour connaître son approche de la pédagogie :
« Dans un QCM, le plus intéressant, c’est de poser la question mais pas d’y répondre. Car poser la question c’est plus difficile. Quand les étudiants travaillent en groupe, dans une communauté d’apprentissage, ils se chamaillent comme des chiffonniers. Pourquoi ? Parce que l’un dit : « Tu as posé une question. On ne la comprend pas ! C’est nul ! »
Ou alors : « Tu as posé la question. La bonne répondre serait oui. Mais il est aussi possible de répondre non.»
Donc c’est cette discussion qui est intéressante. Et si tu veux, […] en réalité, c’est de faire faire les exercices qui importe. On dit bien : « On ne connaît bien que ce que l’on enseigne. » »
La réflexion qui découle du questionnement suscité par le problème initial semble donc être l’une des principales approches de la pédagogie active, comme nous le confirme Raucent : « L’énoncé du problème doit être interpellant et introduire un questionnement visant la réflexion […]»

Il est intéressant, nous semble t-il, de nous référer ici aux écrits de Koster, abordé précédemment, qui dans son approche du fun, écarte la notion d’exercice. (cf. 2.4) Cette approche dans le domaine du jeu vidéo nous semble intéressante à mettre en relation avec la pédagogie décrite par Raucent. Cette mise en correspondance, nous conforte dans le cadre de notre démarche qui consiste à rechercher une forme de pédagogie qui pourrait être mise en relation avec le serious game, à opter pour cet apprentissage actif qui convoque la notion de problème.

3.2.2. Définitions de l’apprentissage actif
Nous venons d’appréhender la notion de problème que sous-tend la pédagogie active. À présent, tâchons de nous référer quelques définitions pour tenter de cerner l’apprentissage actif.

Tout d’abord, voici celle que propose La Faculté des Sciences appliquées (FSA) de l’Université Catholique de Louvain (UCL) dans laquelle Raucent mène ses travaux de recherche. L’UCL définit trois principaux axes pour l’apprentissage actif : (p.14)

Apprendre à partir de situation-problèmes
Apprendre en s’aidant du groupe
Apprendre avec l’aide d’un tuteur

Puisque le serious game, d’après notre état de l’art (cf. chapitre 1 : 3), semble être principalement d’origine américaine, il nous semble intéressant de recouper cette approche de l’UCL avec celle de Chet Meyers et Thomas B. Jones, universitaires américains promouvant également la pédagogie active. Pour eux, la définition est la suivante : un environnement d’apprentissage qui permet aux « étudiants de parler et d’écouter, de lire, d’écrire, et de réfléchir à la manière dont ils peuvent aborder le contenu du cours par : des exercices de type résolution de problème, du travail en groupes, des simulations, des études de cas, des jeux de rôle ou d’autres approches encore – chacune d’elles nécessitant que les étudiants puissent appliquer ce qu’ils sont en train d’apprendre. » (p.xi)

Dans les deux définition, nous retrouvons bien, nous semble t-il, l’idée d’une approche par problème et d’un travail par groupe. Nous noterons que le rôle du tuteur n’est pas mentionné dans l’approche américaine. Elle est, nous semble t-il, cependant induite par le fait que c’est lui qui propose certainement aux apprenant le cadre d’apprentissage que Meyers et Jones décrivent. Nous pouvons, de ce fait, malgré cette différence, en déduire que l’approche belge et étasunienne semblent assez similaires. Ainsi, nous pensons qu’il est légitime de pouvoir nous référer aux deux pour tenter d’avancer dans notre problématique

3.3. APP et Serious game

3.3.1. APP et APP
En explorant l’ouvrage de Raucent et Vander Borght, « Etre enseigant, Magister ? Metteur en scène ? », nous pouvons identifier deux catégories d’apprentissage actif, qui pourraient être désignées par le même sigle : « APP ».
Le premier désigne « Apprentissage Par Problème », le second «Apprentissage Par Projet ». Soulignons que dans la langue anglaise nous retrouvons le même phénomène : L’Apprentissage Par Problème se traduit par « Problem-Based Learning », et correspond au sigle « PBL ». L’Apprentissage Par Projet, se traduit par « Project-Based Learning », et propose de ce fait le même sigle « PBL ».

De ce fait tâchons d’étudier les définitions données pour ces deux types d’APP afin d’opter pour l’un d’eux dans le cadre de notre problématique.

Selon Raucent et Cécile Vander Borght l’Apprentissage Par Problème serait « basé sur :
une situation-problème issue ou inspirée de la pratique professionnelle (au sens large) ;
une combinaison de travail en petits groupes et de travail individuel ;
un déroulement systématique en plusieurs étapes prédéfinies ;
l’aide d’un tuteur pour certaines étapes du processus. » (glossaire) 
Les auteurs précisent que l’approche du problème serait ici monodisciplinaire et comporterait « huit à douze heures de travail étudiant. »

Toujours selon ces deux auteurs L’Apprentissage Par Projet serait une « activité interdisciplinaire » visant « la contextualisaton et l’intégration de concepts abordés dans différentes disciplines. ». Ils précisent que cette approche «  comporte quatre-vingts à cent heures de travail étudiants sur l’ensemble du semestre. »

Les deux APP semblent donc juste différer au niveau de leur durée de pratique et par le nombre d’approches disciplinaires pris en compte. Pour le reste tout semble identique. Dans notre contexte, par le fait que nous étudions des objets multimédia, tels les jeux vidéo ou les serious games, nous convoquons nécessairement une approche interdisciplinaire. Dans ce sens, nous avions notamment évoqué l’approche de de Peuter, Witheford et Kline, qui voient dans le jeu vidéo des composantes « marketing », « technique » et « culturelles » (cf. chapitre 1 : 4.4). Ainsi la conception, et la réalisation de ces objets peut difficilement, selon nous, s’établir en huit à douze heures avec des apprenants n’ayant jamais développé de gameplay. Il nous semble donc plus approprié d’opter pour l’Apprentissage Par Projet dans le cadre de cette thèse. C’est donc ainsi que nous entendrons le sigle APP désormais. Cependant, dans les définitions et approches que nous seront amenées à étudier, nous pourrons, nous semble t-il, prendre en compte indifféremment celles qui concernent ces deux types d’APP, dans la mesure où nous gardons bien à l’esprit que nous sommes dans une approche interdisciplinaire avec une durée de pratique idoine.

3.3.2. L’approche américaine de l’APP
Toujours dans l’optique d’établir un lien avec le serious game, découvrons quelle sont quelques unes des approches américaines de l’APP.

Selon John Cavanaugh, le vice-principal de l’Academic Programs and Planning (Programmes et planification d'universitaire) at Delaware l’APP est un sous-ensemble de l’apprentissage actif (p. 2) : « Imaginez un arbre famillial: L’apprentissage actif serait à la cime de celui-ci. Les approches Coopérative et Collaborative seraient une sous partie de cette structure, et je verrais l’APP comme une sous partie de cette dernière. Toutes les formes de groupe de travail ne sont pas centrés sur des études de cas contrairement aux groupes basés sur l’approche par problème. » 
Selon James Rhem, universitaire, gérant le journal américain dédié à la pédagogie et apprentissages The national Teaching & Learning Forum, une description officielle de l’APP serait : « une stratégie éducative qui place les étudiants dans un contexte, où ils se confrontent à des problèmes ouverts et tâchent de trouver des solutions appropriées. » (p.1)

Rhem nous relate une brêve histoire de l’APP :
« L’histoire moderne de l’APP débute à l’aube des années 70 à la faculté de Médecine de l’université de McMaster au Canada. L’histoire de son approche est cependant plus ancienne. Thomas Corts, président de l’université de Samford voit l’APP comme “une nouvelle redécouverte d’un mode d’apprentissage.” De son point de vue, cela se rapprocherait des questions-réponses dialectales de Socrate, ainsi que sur la dialectique hégélienne de thèse-antithèse-synthèse. »
Nous noterons, que c’est également en 1970, qu’Abt a publié son ouvrage Serious Game. (cf. chapitre 1 : 3.1). Nous noterons également concernant la période de la Grèce Antique, que l’approche de Socrate évoqué par Corts, pourrait aussi faire office d’un jeu, en l’occurrence celui du jeu de Socrate dont l’objet serait de mettre son interlocuteur en défaut. Peut-être pouvons-nous voir dans ces correspondances de périodes, un indicateur nous signifiant que l’apprentissage actif et le serious game (sous forme de jeux de plateau et de jeux de rôle à l’époque) sont apparus dans la même période car il s’agit peut-être d’approches similaires ou complémentaires ?

3.4. Découvrir des similarités entre l’APP et le serious game

La pédagogie que sous-tend l’APP et le serious game semblent donc présenter des points communs, et de ce fait une possible compatibilité. Est-ce la forme de pédagogie que nous recherchons depuis le début de ce chapitre ?
Pour vérifier cette hypothèse, nous proposons à présent, de tenter d’identifier des similarités significatives entre l’APP et le serious game au niveau de leur structure respectives.
Si nous y parvenons, nous tâcherons alors d’observer si un espace potentiel d’apprentissage entre l’APP et le serious game peut-être mis en place. Pour nous, un tel espace pourrait éventuellement être mis à jour par l’observation d’un phénomène de réciprocité entre ces deux composantes sur un plan pédagogique. Pour cela, nous tâcherons, le cas échéant de mettre en place une expérience pédagogique qui puisse nous permettre de le vérifier.

Pour commencer, tâchons donc de découvrir comment se conçoit globalement un serious game et un APP, dans l’optique de découvrir si des similarités significatives au niveau de leur structure respectives peuvent être identifiées.

3.4.1. Conception globale d’un serious game
Dans le premier chapitre, nous avons vu que Zyda postule d’abord qu’un jeu vidéo est défini par "l’histoire, l’art et le logiciel". (cf. chapitre 1 : 2.3)
Puis, tout comme Tricot, il précise que pour atteindre un "objectif pédagogique", il faut mettre ce jeu vidéo en cohérence avec un "scénario pédagogique".
De notre côté, durant notre démarche, nous avons noté à quel point le tuteur semble jouer un rôle prépondérant pour que l’apprenant, dans sa phase d’utilisation d’un serious game, puisse éventuellement accéder à un espace d’apprentissage. La figure 17, résume cette approche. Dans la partie gauche du schéma, nous avons schématisé la phase de conception, en nous inspirant du schéma de Zyda (cf. chapitre 1 : fig.2). La partie droite de notre schéma symbolise la phase d’utilisation par l’apprenant. L’ensemble de ce dispositif ayant pour but d’atteindre l’objectif pédagogique placé en bout de chaîne :




Figure 17 : Serious game : conception et utilisation

3.4.2. Conception globale d’un APP
Selon Raucent, que nous avons interviewé, créer un APP c’est : « essayer de trouver quel est l’obstacle, chez chaque personne ou groupe de personnes, ainsi que la mise en situation adéquate. C’est du théâtre ! Et le tout doit générer un conflit cognitif. C’est ce qui crée la motivation. C’est ce qui crée le sens. » (cf Annexes page ?)

Dans cette approche, l’APP semble intégrer un scénario pédagogique dont le support associé convoquerait la dimension du « théâtre ». L’ensemble doit permettre de générer un « conflit cognitif ».
Cette notion de théâtre est confirmée par la définition de Meyers et Jones qui implique : « des simulations, des études de cas, des jeux de rôle ou d’autres approches encore ». Ces éléments sont des ingrédients que le peut retrouver dans le théâtre. Nous notons que ce dernier convoque notamment les composantes « histoire » et « art ».
Le théâtre ne semble pas être considéré comme un art à part entière à l’instar du cinéma qui représente le 7e Art par exemple. Cependant le théâtre pourrait convoquer, nous semble t-il, pour mettre en scène l’histoire conté, ceux de l’architecture (1er art), de la sculpture (2ème art) ou encore de la peinture (3ème art) pour l’élaboration des décors, ceux de la danse (4èmeart), de la musique (5èmeart) ou de la poésie (6èmeart) pour illustrer la narration, au quel nous pouvons ajouter celui de la prestation (8èmeart). Le théâtre, nous semble t-il peut, à notre sens convoquer également le 7ème art et le 9ème art (la bande dessinée).

Pour résumer, concevoir un APP, implique, semble t-il, de définir un scénario pédagogique et de le mettre en cohérence avec deux composantes "l’histoire et l’art" qui constituent, la notion de théâtre. Bien entendu, nous ne suggérons pas ici, que ces deux composantes sont exclusives. La figure 18 schématise cette approche. Nous avons également rajouté la phase d’apprentissage, qui réclamerait un tuteur. L’ensemble de ce dispositif ayant pour but d’atteindre, par nature, un objectif pédagogique :



Figure 18 : APP : conception et utilisation (Mettre en synthèse -> Fin 3.4.4 et 3.45)

3.4.3. APP et serious game: différences et ressemblances
Si nous comparons la manière de concevoir un serious game avec celle d’un APP (fig.17 et 18), il nous semble pouvoir observer que dans leur globalité, les deux approches mis ici en présence, sont très proches. Au niveau des différences, nous recensons surtout, que le serious game serait le seul à impliquer la composante “Logiciel” et que L’APP impliquerait quant à lui un conflit cognitif.
Pour poursuivre nos démarches, nous pensons donc, qu’il faut tenter de vérifier à présent si les deux différences identifiées constituent de réels obstacles ou peuvent se concilier.

3.4.4. APP et serious game: le conflit cognitif
D’après Raucent, le conflit cognitif serait un moyen d’amener l’apprenant à se questionner. Si nous souhaitons pouvoir concilier cet aspect entre le serious game et l’APP, il serait selon nous, pertinent d’observer si un jeu vidéo est à même de pouvoir générer un conflit cognitif également.
Cependant, avant de mener une telle recherche, tentons au préalable de cerner cette notion de conflit cognitif.
Lorsque nous avons interviewé Raucent, ce dernier nous a éclairé sur ce point (cf. annexes mettre référence de l’interview) :

Julian Alvarez : « Prenons ton paradigme (du conflit cognitif) et transposons-le à l’univers du jeu vidéo. Ce dernier est aussi porteur de challenges, de défis à relever pour accéder à la victoire. Dans ce contexte, que penses-tu de l’idée suivante : Le jeu vidéo génère des obstacles pour empêcher le joueur d’atteindre facilement son objectif. Donc, ces obstacles peuvent être vus comme des éléments incitateurs qui stimulent le joueur pour remplir sa quête. De la même manière, nous pourrions imaginer un serious game dans lequel on conçoit un chemin rempli d’obstacles qui au final donnerait l’envie à l’utilisateur d’aller se renseigner sur un métier. »
Benoît Raucent : « Là, où je m’interroge, c’est : où se trouve le conflit ? »
J.A. : « On peut envisager un conflit dans le challenge ludique lui-même. C’est-à-dire que l’on va fixer au joueur des objectifs à atteindre tout en lui mettant des barrières. Par exemple : tu conduis une voiture que tu dois mener à bon port. Pour cela, le code de la route doit être respecté. Tu dois également faire attention aux dangers qui peuvent surgir à tout moment … »
B.R. : « Oui, mais ce n’est pas un conflit. »
J.A. : « D’accord. Pour moi, un conflit c’était un challenge, un défi à relever. »
B.R. : « Non, ça c’est un enjeu. Il en faut. Mais, le conflit cognitif c’est de dire :
« Pourquoi est-ce que je pense que c’est juste alors que c’est faux ? ». Par exemple […] « Pour un enfant de 5 ans qui pèse tant de kilos, et qui saisit une poignée de porte, après qu’une personne chargée d’électricité statique l’ait touché, risque t-il l’électrocution ? »
On se dit, que pour soi, ce n’est pas grave. Mais, pour un bébé qu’en est-il ? Ca crée un conflit cognitif. Bien entendu, l’électricité statique n’a pas de puissance. Ce n’est donc pas dangereux. Mais pour pouvoir répondre à la question, les étudiants vont devoir étudier la matière en allant lire différents livres, etc…Et ils vont échanger là-dessus. Parce qu’ils sont interpellés : « Pour moi, je sais que ce n’est pas dangereux de toucher une porte. Mais pour un bébé ? Si on me pose la question, c’est peut-être parce que c’est vrai dans certains cas ? » […] Donc c’est ça. Il faut trouver le truc, qui va donner l’envie d’en savoir plus. » 

Ainsi, Raucent nous invite à ne pas faire l’amalgame entre un enjeu et un conflit cognitif. Ce dernier semble nous renvoyer à la zone proximale de développement de Vygotski (cf. 2.3). En effet, peut-être s’agit-il finalement par la mise en place d’un conflit cognitif de positionner l’apprenant dans une ZPD pour que celui-ci prenne éventuellement conscience de ce qu’il sait et de ce qu’il ne sait pas, afin de l’inciter à se mettre ainsi en situation d’apprentissage ?
Quoi qu’il en soit, nous devons à présent rechercher, nous semble t-il, si à travers un jeu vidéo, nous pourrions trouver un moyen de susciter un conflit cognitif chez l’utilisateur de l’application.

Une piste que nous pouvons explorer, c’est celle de l’interface d’une application. En effet, nous avons vu précédemment que celle-ci semble convoquer à elle seule, un espace potentiel d’apprentissage par le lien qu’il semble notamment tisser entre le monde réel et virtuel (cf. 2.8.5.2 et 2.8.5.3) Si tel est effectivement le cas, peut-être pouvons-nous y déceler la présence d’un conflit cognitif potentiel ?
Il semblerait que Hideo Kojima, game designer japonais, et auteur des différents épisodes du jeu vidéo d’infiltration militaire futuriste Metal Gear Solid (MGS), exploite précisément cet espace potentiel d’apprentissage de l’interface. Ludovic Graillat nous relate l’approche de ce game designer : « Le jeu vidéo suppose une interaction constante, où le joueur est physiquement actif. […] Kojima a tenté d’exploiter cet état de réception du joueur pour l’intégrer à sa narration. Jusqu’alors, les jeux vidéo tentaient de s’affranchir de la réalité du joueur. […] Kojima va faire l’inverse, et rappeler au joueur qu’il a affaire à une machine. […] Vers le début de MGS, alors que votre personnage évolue dans un couloir, un de vos mentors vous répète à l’envi : « Dans la pièce où tu te trouves, il y a une boîte, et au dos de cette boîte le code que tu cherches. » Bien évidemment, le joueur va faire aller son personnage dans tous les coins pour trouver cette fameuse boîte, et ne la trouve pas. […] Le fameux code est inscrit au dos deu boîtier du jeu, et ce boîtier est dans la pièce où se trouve le joueur, c’est à dire dans son propre salon. Cette séquence va provoquer le déclic d’une nouvelle forme de communication entre le joueur et le jeu. Désormais, il se sait impliqué autant en tant que joueur (lui, chez lui) qu’en tant que personnage dans le jeu. » (p.43 à 44)
Graillat, nous explique, que Kojima exploiterait cette même idée dans les différents épisodes de MGS en exploitant d’avantage le concept en proposant « au joueur de, tour à tour, tuer son référant dès le premier niveau, manipuler un autre héros qu’il sait être un pantin, se faire sermonner par une voix féminine qui lui demande s’il n’a rien de mieux à faire que jouer aux jeux vidéo et se battre même contre la console lorsque celle-ci lui créera des game over fictifs.» (p.45 à 46) 
Les exemples de Graillat semblent nous mettre en évidence une série de conflit cognitif que Kojima suciterait chez le joueur. Pour tenter de nous en assurer, nous avons interviewé un joueur. Robin Barrière est monteur réalisateur et passionné par les jeux vidéo. Il nous raconte l’expérience vécue avec le jeu vidéo MGS.
Robin explique que dans ce jeu, on affronte un personnage qui prétend posséder des pouvoirs de télékinésie. Pour le prouver, ce personnage invite le joueur à poser réellement sa manette de jeu par terre. Le personnage met ses mains sur ses tempes et commence à se concentrer faisant ainsi trembler réellement la manette. L’astuce réside dans la fonction vibratoire incluse dans la manette qui est sollicitée au maximum par programmation. Le personnage à l’écran se targue alors d’être imbattable. Effectivement, si le joueur chercher à utiliser sa manette qui vibre en permanence, il ne peut en aucun cas atteindre son adversaire. Pour le vaincre, le joueur est donc invité à réfléchir pour trouver une solution. Celle-ci ne trouve pas dans le jeu, mais dans le monde réel, à l’instar du code secret évoqué par Graillat : La solution consiste à débrancher physiquement la manette et à la connecter sur un autre port de la console. Le personnage à l’écran se demandera ce qu’il se passe et prétendra n’avoir plus aucun contrôle sur la manette. Le joueur sera alors en mesure de le battre.

À la lumière des écrits de Graillat et du témoignage qui nous semble concordant de Robin, nous pensons que l’approche de Kojima, nous permet d’avancer que la notion de conflit cognitif peut-être généré à partir d’un jeu vidéo, et par extension à partir d’un serious game.

3.4.5. APP et serious game: une relation théâtrale
Tâchons de voir à présent si la composante Logiciel constitue un obstacle à l’établissement d’un lien entre le serious game et l’APP.
Ce qui semble être la valeur ajoutée de cette composante, selon nous, c’est qu’elle apporte notamment la possibilité pour l’utilisateur d’interagir au sens informatique du terme. C’est-à-dire, que l’ordinateur va être en mesure, selon son programme, dans un premier temps de fournir une question de type fermée avec une liste finie de réponses possibles à l’utilisateur, et dans un second temps, de prendre en compte et traiter la réponse de ce dernier.

Partant de ce constat, il nous semble, que pour tendre vers une compatibilité entre l’APP et le serious game, nous devons de ce fait, rechercher un type de théâtre qui soit aussi interactif.
Il se trouve, que Frasca a précisément établi un lien entre le jeu vidéo et une catégorie de théâtre interactif appelée "Théâtre de l’Oppression” :
« […] les jeux vidéo n’ont pas seulement le potentiel de représenter la réalité, mais ils peuvent aussi le modeler au travers de simulations. […] Pour le faire, j'ai basé mes conceptions sur les principales approches du Théâtre de l’Oppression d'Agusto Boal. » (p.113)
Cette approche de Frasca semble être recoupée par les écrits de Sean Hammond, Helen Pain et Tim J. Smith. Ces auteurs ont étudié trois types d’approches théâtrales qui sont celles d’Aristote, de Bretch et de Boal. Il semblerait que cette dernière soit effectivement la plus compatible avec l’environnement informatique, et présenterait de surcroît une certaine compatibilité avec l’apprentissage de type constructiviste. Celle-ci nous renvoie à Piaget et de ce fait, nous renvoie, nous semble t-il à l’apprentissage actif (cf. 2.1) :
“Ce passage en revue tend à démontrer que l’implication du joueur dans le récit interactif s'améliore, en ce qui concerne la motivation pour l’apprentissage constructiviste, si nous allons de l’approche aristotélicienne, en passant par celle de Brecht, pour atteindre au final celle de Boal.” (p. 393 )
Il est également important de noter cette précision de Frasca : « les travaux d’Augusto Boal sont étroitement liés à ceux de son collègue brésilien Paulo Freire : Pedagogy of the Oppressed (Pédagogie de l’Oppression) (2000) […] Freire s’inscrit également dans l’approche de Piaget selon laquelle la connaissance n’est pas transmise mais construite. La pédagogie de Freire est basée sur le dialogue entre le formateur et l’apprenant, et sur le paradigme qui stipule que même si l’apprenant est illettré, ce dernier détient déjà les clés de la connaissance.” (p.58)
Nous pouvons également noter que le terme “simulations” que l’on retrouve dans les écrits de Frasca, se retrouve aussi dans la définition de l’apprentissage actif de Meyers et Jones (cf. 3.2.2).
Ces précisions nous établissent, semble t-il, un lien entre l’apprentissage actif et le Théâtre de l’Oppression. Et comme nous avons également d’après Frasca un lien potentiel entre le Théâtre de l’Oppression et le jeu vidéo, nous avons nécessairement un lien potentiel entre l’apprentissage actif et les jeux vidéo et de ce fait avec les serious games.
L’ensemble de ces correspondances semble décrit par Monique Clavel-Levêque :“L’expérience ludique comme modèle réduit permet de faire l’économie de l’expérience vécue, elle exorcise, elle fait vivre par procuration des émotions et des pulsions que la vie quotidienne réprime […] Mais le modèle réduit est aussi outil de connaissance : le théâtre pour comprendre le monde, le cirque pour le maîtriser […]”(p. 84)
Dans notre approche, le "cirque" pourraient correspondre aux phases d’utilisation du serious game (cf. l’étoile dans la fig. 17) et d’apprentissage actif dans le cadre de l’APP (cf. l’étoile dans la fig. 18).

Ainsi donc, avec cette mise en correspondance par le théâtre interactif, il semblerait à présent, que nous n’ayons plus d’obstacles majeurs qui puissent nous empêcher d’observer de fortes similarités dans la manière de concevoir et d’utiliser respectivement un serious game et l’APP.
Il existe probablement d’autres obstacles ou similarités à identifier entre l’APP et le serious game. Cependant, ces similarités sont, d’après nous, à ce stade suffisamment nombreux et explicites, pour que nous puissions désormais envisager d’étudier une éventuelle réciprocité, au niveau pédagogique, entre l’APP et le serious game. Ceci correspondrait pour nous, à l’observation d’un éventuel espace potentiel d’apprentissage qui s’établirait entre ces deux approches.

3.5. Etudier la réciprocité entre l’APP et le serious game

3.5.1. Objectif de l’expérience
Nous avons, semble t-il, à ce stade, identifié des liens et des similarités significatifs entre l’APP et le serious game. Cela signifie normalement qu’ils devraient tous deux être compatibles sur un plan pédagogique. C’est-à-dire, dans notre approche, qu’ils pourraient être mis en relation et générer un espace potentiel d’apprentissage. Pour le vérifier, nous pensons, que nous devons à présent, tenter d’observer une réciprocité, sur le plan pédagogique, entre l’APP et le serious game.

3.5.2. Description de l’expérience
Le principe de l’expérience est de combiner l’APP et le serious game sur le plan pédagogique et d’observer si nous obtenons ainsi un éventuel espace potentiel d’apprentissage.

Dans cet approche, dans le cadre de l’APP, nous proposons aux étudiants de créer un serious game. L’objectif pédagogique qui leur est dédié est de tâcher de comprendre comment créer une application multimédia. Le conflit cognitif que nous leur soumettons est le suivant :
« Est-ce qu’un serious game peut remplir les mêmes fonctions qu’une application multimédia traditionnelle ? »
Nous entendons ici application multimédia traditionnelle par une application démunie de gameplay. Nous entendons ce dernier, au sens d’un système formel (cf. 2.2), comme nous le présentons plus en détail dans le chapitre 4 de cette thèse.
Précisons enfin, qu’ici nous positions l’enseignant comment étant le tuteur.

Dans le cadre du serious game, nous proposons aux étudiants d’utiliser leur application comme un support d’apprentissage destiné à faire découvrir un métier inconnu ou dont la définition est mal connue à des collégiens. Nous reprenons donc ici le même sujet que nous avons abordé avec Technocity dans le chapitre 2. Cependant le véritable enjeux pédagogique, n’est pas tant de faire découvrir un métier aux collégiens, le véritable objectif se destine en fait aux étudiants (pas clair). Il s’agit pour nous qu’ils apprennent de façon pointue la définition du métier qu’ils sont en charge d’expliquer aux collégiens. Cela nous renvoie à l’adage évoqué par Casteignau : « On ne connaît bien que ce que l’on enseigne. »
Ici le conflit cognitif que nous soumettons aux étudiants est le suivant: “Est-ce qu’un jeu vidéo peut faire découvrir un métier inconnu ou mal connu ?"
Ici, nous invitons les étudiants comme tuteurs auprès des collégiens.

La figure 19 résume cette expérience :



Figure 19 : Schéma de l’expérience combinant sur un plan pédagogique l’APP et le serious game.

3.5.3. Résultats attendus de cette expérience
L'expérience sera pour nous concluante si :

les deux objectifs pédagogiques que nous venons de définir pour l’APP et le serious game sont atteints
l’APP et le serious game permettent d’inscrire l’étudiant dans un cercle vertueux d’apprentissage. Ce qui sous-tendrait pour nous qu’il est entré dans un espace potentiel d’apprentissage.

3.5.4. Description des étudiants
Les étudiants sont au nombre de 30. Ils étudient le multimédia dans le cadre d’une licence professionnelle en multimédia dans un IUT département Service Réseau Communication. La moyenne d’âge est de 20 ans. Ils commencent juste à apprendre comment gérer un projet multimédia et ce, uniquement sur le plan théorique. Ils ont également commencé depuis un mois et demi à s’initier aux logiciels dédiés à la creation multimédia tels : Flash, Photoshop, Illustrator, Dreamweaver… Notons également que la plupart de ces mêmes étudiants, ont appris le maniement de ces logiciels durant les deux années qui précède ce fin de cycle de licence.
Ils n’ont cependant, jamais conçu de serious game, mais ont suivi durant une journée, des travaux dirigés présentant des approches de game design, de gameplay, et de serious game. Ils ont pour cela, testé par eux-mêmes différents types de serious games et de jeux vidéo. Ils ont également vu des reportages audiovisuels présentant des portraits de game designers.

3.6. Les consignes soumises aux étudiants

3.6.1. Sujet soumis aux étudiants
Le sujet soumis aux étudiants a été le suivant :
« Aujourd’hui, selon plusieurs sondages et études menées dans des pays comme le Canada, la France, les Etats-Unis… nous observons que les jeunes générations, entre 12 et 24 ans, utilisent de plus en plus Internet et les jeux vidéo (Sauvé, p.54-55). L’idée de communiquer avec ce public par le biais du jeu vidéo semble donc être un paradigme pertinent.
Dans cette optique, vous devez concevoir un serious game,  destiné aux collégiens de 3e. Ces derniers sont sur le point de quitter le collège et doivent de ce fait choisir leur orientation. L’idée est donc de les aider à explorer le monde professionnel (Tricot) en leur montrant de façon attractive, des métiers qui leur sont inconnus ou dont la définition leur paraît floue. »

Ici le cadre proposé aux étudiants s’inspire donc de l’expérience de Technocity évoqué dans le chapitre 2 de cette thèse.

Les éléments que les étudiants sont tenus de remettre à l’échéance du projet sont :
Le cahier des charges du serious game : Ce document doit comporter la description de la cible visée, le métier choisi, l’approche choisie pour le présenter à la cible, le scénario du serious game, son arborescence, le cahier artistique (choix graphique, typographique, ambiance sonore…), le planning et enfin le budget estimé de l’application.
La maquette du serious game : dans le temps imparti, nous partons sur l’idée que l’application sera une maquette, dont une partie doit être jouable.
Les questionnaires soumis aux collégiens : les étudiants sont invité à questionner les collégiens sur le terrain pour apprendre à les connaître dans un premier temps. L’idée étant de vérifier si le métier choisi leur est effectivement inconnu, mais aussi d’identifier leurs goûts afin de justifier le scénario et l’habillage du serious game.
Le rapport d’activité : au quotidien, les étudiants sont invités à consigner par écrit leurs expériences, ceci pour faire office sur le plan pédagogique de distanciation réflexive. Approche que nous entendons au sens où Marie-Reine Boudarel l’appréhende : « Nous voyons l’approche réflexive comme un processus cognitif continu. À travers ce processus, est encouragé un retour de la pensée sur elle-même. […] Il est essentiel à nos yeux qu’une phase de conscientisation s’exprime à travers le récit, de façon à ce que les actions puissent devenir sources de méthodologies futures. » (p.921)
Les documents liés à la présentation du serious game auprès des collégiens : il est demandé aux étudiants de tenter de prouver l’efficacité de leur serious game auprès des étudiants en filmant les phases de consultations ou en les interviewant. Ceci entre dans la logique d’inciter les étudiants à tenter d’affiner leur serious game en effectuant des tests auprès de leur cible.

Précisons cependant que nous sommes ici dans le cadre d’un projet limité par le temps. Le but n’est donc pas de faire un projet de longue haleine. Nous n’avons donc pas exigé aux étudiants de nous fournir un cahier des charges très détaillé. Ainsi à l’image de la figure 20 qui illustre par exemple la justification graphique et le principe du gameplay de l’un des serious games, les étudiants nous ont seulement fourni les grandes lignes de leur concept.

 
Figure 20 : Exemple de cahier des charges de l’un des serious games

3.6.2. Conditions de développement du serious game
Pour réaliser leur serious game, les étudiants ont disposé de 60 heures de cours, reparties sur un mois et demi. Bien entendu, les étudiants ont également continuer à réaliser leur application en dehors des heures de cours.
Les étudiants ont été répartis selon leurs affinités, en 6 groupes de 5 étudiants.
Sur le plan technique, les étudiants avaient juste pour contrainte d’utiliser les logiciels appris dans le cadre de la licence et de remettre leur serious game sous la forme d’un exécutable fait sous Flash.
Pour la conception du serious game, la stratégie des étudiants était libre. Ces derniers pouvaient ainsi :
Concevoir leur serious game en partant d’un fichier vierge.
S’inspirer de jeux vidéo existant en vue de parodier leurs habillages graphiques et sonores ou encore leurs règles
Télécharger via Internet, des fichiers de jeu vidéo déjà programmés dont les sources sont libres de droit pour les adapter à leur besoin.
Combiner d’autres langages de programmation à celui de l’action script sous-tendu par Flash.
Associer à leur réalisation des interfaces spécifiques tels webcams, microphones, joystick…

L’expérience était ainsi ouverte, afin que les étudiants puissent prendre des initiatives. Cependant, ces derniers avaient pour consignes de noter au quotidien, dans un journal de bord, le rapport de leurs activités quoitidienne,

3.7. Description du déroulement de l’APP

3.7.1. Description du cadre mis en place pour l’APP
L’enseignant incarne pour commencer le rôle du commanditaire du serious game. L’inspiration provient en grande partie du vécu du retour d’expérience de Technocity. Le commanditaire est ici un responsable de l’ONISEP, qui cherche à aider les collégiens de 3ème dans le cadre des DP3 (cf. chapitre 2 : 3.1.2) à faire dans le cadre de l’orientation scolaire de l’exploration de métiers. Cette approche vise notamment à aider les collégiens à découvrir des métiers que ces derniers ne connaissent sans doute pas, ou mal, afin d’ouvrir leur horizon des possibles. Par cette approche, l’enseignant décrète ne rien connaître aux technologies liées au aux serious games. Les étudiants sont donc invités à gérer leurs groupes comme des agences de communications et à devoir mobiliser leurs propres ressources pour concevoir le serious game. Les étudiants doivent également se distribuer des rôles (chef de projet, infographiste, programmeur, game designer, rédacteur…) pour s’organiser au mieux. Chaque groupe peut ainsi, prendre rendez-vous avec le commanditaire pour avancer sur le projet et en discuter. L’enseignant joue durant chaque entretien, qui dure 30 minutes, deux rôles. Dans la première partie, il incarne le commanditaire. Pendant cette phase, il joue le candide concernant les serious games pour inciter les étudiants à prendre des initiatives. Mais le commanditaire prépare également ses « pièges » : Vouloir beaucoup sans trop dépenser, s’approprier la direction artistique du projet, être rassuré quant au bon impact de l’application auprès des collégiens…
Puis, quant arrivent les dix dernières minutes de l’entretien, le commanditaire devient tuteur. C’est une période de debriefing, où certains questionnement sont abordés avec les apprenants afin de tenter de recadrer la gestion du projet.

3.7.2. Description de la démarche des étudiants
Les étudiants ont commencé par rechercher une liste de métiers qui pourraient inconnus ou dont les définitions seraient mal connues pour une majorité de collégiens. Une fois la liste établie, les étudiants ont ensuite élaboré des questionnaires en vue d’interroger les collégiens pour savoir quelles étaient leurs perceptions de ces différents métiers. Pour cela, les questions posées étaient ouvertes et consistaient à demander aux collégiens de donner leur propre définition pour chaque métier. Les étudiants ont ainsi sélectionné le métier à traiter dans leur serious game, en tenant compte du nombre de définitions erronées et en fonction de leurs envies.
En parallèle, il a été suggéré aux étudiants de questionner les collégiens sur la manière dont ces derniers souhaiteraient qu’on leur présente un métier par l’intermédiaire d’un serious game. Ainsi les étudiants ont inclus dans leurs questionnaires des critères ayant pour objectif d’identifier des goûts, des tendances, concernant des titres de films, d’émission télévisé, de musiques, de bandes dessinées…
Ces données ont ensuite été croisées avec les souhaits du commanditaire incarné par l’enseignant. L’idée étant ainsi de mettre en relief les contraintes qu’impose notamment le contexte d’apprentissage du collège.

3.8. Les serious games développés par les étudiants

Les étudiants ont choisi au final les métiers de nutritionniste, d’urbaniste, d’ébéniste, de designer industriel, et de sérigraphe. Voici un bref résumé des différentes réalisations.

3.8.1. Fat Mario
Dans ce serious game, l’objectif des étudiants est de faire découvrir le métier de nutritionniste. Pour cela, leur approche pour concevoir le serious game est de prendre pour base le jeu vidéo Super Mario Bros. (fig. 21 : gauche) Ce jeu de plateforme met en scène un personnage un peu rond, qui doit traverser un monde en évitant des ennemis et en récoltant des pièces d’or.
Dans le contexte du serious game, les pièces ont été remplacées par des aliments et les ennemis jettent sur le joueur de la nourriture très calorique. L’objectif de l’utilisateur dans le serious game est donc de traverser le monde mis en place en collectant des aliments pour constituer un repas équilibré. Ceci réclame de collecter des légumes, des laitages, des féculents et des protéines. Il est donc permis de manger un aliment riche pour collecter des féculents par exemple. Cependant, si l’utilisateur en abuse, son personnage devient rapidement obèse. Ceci le ralentie et l’empêche de franchir la ligne d’arrivée dans les temps imparties. À l’inverse, l’utilisateur qui ne collecterait aucun aliment, se retrouverait lui, en hypoglycémie et ne pourrait atteindre la fin du parcours. (fig. 21 : droite)

 

Figure 21 : A gauche : Super Mario Bros, Nintendo, 1985 - A droite : Fat Mario

3.8.2. Projet ONISEP et UrbaniZ
Pour ces deux serious games, les étudiants ont opté pour le métier d’urbaniste. Les deux groupes ont cependant choisi deux approches différentes. Ainsi le serious game Projet ONISEP se présente d’avantage comme une succession de quiz scénarisés par une histoire linéaire (fig 22 : gauche). Le titre UrbaniZ reprend quant à lui le principe du premier SimCity, où l’on doit sur une carte en mode plan, construire une ville en plaçant les différents éléments : maisons, arbres, routes, cours d’eau… (fig 22 : gauche).
À l’issu de la consultation de ces deux applications, l’application propose de consulter la fiche métier correspondante sur le site de Internet de l’ONISEP.

 

Figure 22 : A gauche : Projet ONISEP - A droite : UrbaniZ

3.8.3. Ebeniste game
Le serious game Ebeniste game propose au collégien de se plonger à l’époque des cowboys, une contexte où le bois semble prédominant dans la confection des habitations, des meubles, et de certains moyens de locomotion.
L’application propose deux phases. La première consiste à faire des puzzles qui représentent des meubles à assembler. L’épreuve est chronométrée (fig. 23). Plus l’utilisateur parvient à assembler de meubles, plus il engrangera de vies pour la seconde épreuves.

 

Figure 23 : Ebeniste Game, première épreuve

Celle-ci s’inspire notamment de l’épeuve du train que propose le jeu vidéo Nord et Sud (fig. 24 : gauche). Il s’agit d’un jeu de combat se déroulant sur le toit d’un wagon roulant à vive allure. L’utilisateur doit le serious game parvenir à acheminer les meubles assemblés durant la première épreuve, jusqu’à ses clients (fig. 24 : droite). S’il y parvient, l’utilisateur est invité à se connecter sur le site de l’ONISEP présentant la fiche métier d’ébéniste.


 

Figure 24 : A gauche : Nord et Sud, Infogrames, 1989 - A droite : Ebeniste Game, deuxième épreuve

3.8.4. L’atelier du sérigraphe
Pour cette application, les étudiants proposent de présenter aux collégiens le métier de sérigraphe, en invitant ces derniers à créer un motif sur un tee-shirt. Dans un premier temps, le serious game demande à l’utilisateur de choisir un mannequin de type masculin ou féminin et de lui choisir un vêtement. L’utilisateur est ensuite invité à dessiner un motif sur ce dernier. Pour cela il accède à un utilitaire de dessin simplifié, où il peut choisir des brosses et y associer des couleurs. Lorsque cette phase est validée, l’utilisateur peut découvrir le résultat sur le mannequin choisi initialement. Puis l’utilisateur peut également imprimer son motif pour faire son propre transfert s’il le souhaite. Enfin, l’application propose d’aller consulter cette fiche métier sur le site Internet de l’ONISEP. (fig. 25)
 

Figure 25 : L’atelier du sérigraphe

3.8.5. Fée design
Pour ce dernier projet de serious game les étudiants se sont inspirés d’une mini série télévisée qui met en scène une fée présentant à chaque fois une situation coquasse. Ce personnage est ici parodié pour présenter le métier de designer industriel. S’introduisant dans une salle de classe, la fée explique dans un premier temps en quoi consiste ce métier (fig 26 : gauche). Puis, elle propose à l’utilisateur de designer un meuble dans le cadre d’un utilitaire qui permet de choisir, couleurs, matières et formes. Les objets ainsi modélisés sont en 3D précalculé. Si l’utilisateur est satisfait de son œuvre, il peut la sauvegarder sur son disque dur (fig 26 : droite). L’application propose ensuite de se connecter au site de l’ONISEP pour consulter la fiche de ce métier.

 

Figure 26 : L’atelier du sérigraphe : À gauche, l’animation d’introduction avec la fée – À droite, l’utilitaire qui permet de designer des meubles.

3.9. Affinage des serious games

Durant les phases de conception, les étudiants sont amenés à consulter des forums, interroger des connaissances correspondant à la cible, pour tenter d’affiner leur serious game. Le commanditaire demande de son côté à être rassuré. Il souhaite avoir des preuves tangibles prouvant l’efficacité du serious game auprès des collégiens.
Pour cela les étudiants filment les séances de tests auprès des collégiens (fig. 27) ou s’ils n’ont pas l’autorisation audiovisuelle, enregistre des interviews. Bien entendu, nous ne sommes pas ici dans une approche sociologique très poussée. Ainsi, certains groupes d’étudiants se contentent de ramener les extraits où les collégiens sont positifs par rapport à l’expérience. Ceci est donc signalé par l’enseignant.
D’autre part, certains projets, notamment Fée design et L’atelier du sérigraphe n’intègrent pas vraiment, selon nous, un véritable gameplay. Dans ce cas, nous ne pouvons pas vraiment leur donner le statut de serious game, nous semble t-il.

Mais ne perdons pas de vue que le but est ici d’amener les étudiants à comprendre comment se conçoit une application multimédia via l’APP et en parallèle à affiner leur connaissance d’un métier via le serious game. Sur ce dernier point, nous pouvons donc noter, que lorsque les étudiants rapportent leurs interviews et films audiovisuels, l’enseignant, cherche en premier lieu, à travers ces documents, à identifier si dans la manière dont les étudiants abordent les questions avec les collégiens, ils appréhendent correctement la définition du métier à faire découvrir.

  

Figure 27 : Film réalisé par les étudiants montrant des collégiens en train de tester leur serious game

3.10. Bilan de l’expérience

Les étudiants ont réussi à fournir l’ensemble des éléments demandés (Cahier des charges, maquette du serious game, questionnaires, rapport d’activité, présentation) dans les temps impartis. Les apprenants ont également fait preuve d’une très bonne implication pour réaliser le projet. Ceci a pu être mis en relief par le fait que d’autres professeurs dispensant des cours magistraux ont signalé de nombreux absentéismes pour cette promotion. Ce qui n’a pas été constaté dans le cadre de cet APP.
Au niveau des collèges, l’accueil des étudiants et de leur projet par les professeurs, chargés de dispenser des cours de DP3 a été, semble t-il, très favorable. Ces derniers ayant trouvé, dans certains cas, un lien concret entre leur programme et la démarche des étudiants chargés de venir questionner les collégiens en vue de leur présenter un métier. La présentation des maquettes de serious game a été, d’après les étudiants plutôt bien perçus dans les établissements, tant par les collégiens que par les enseignants. Un groupe d’étudiant a même été invité par un professeur à venir parler de leur propre formation en multimédia et de la manière dont ils ont conçu le serious game.

Sur le plan des remarques formulées par les étudiants, nous noterons cependant, qu’ils ont a plusieurs reprises exprimé le manque de temps pour réaliser une maquette à la hauteur de leurs ambitions. Deux étudiants ont également demandé à comprendre durant cette expérience, quel était le rapport concret entre leur futur métier de concepteur multimédia et l’APP que nous étions en train de faire. Cela leur semblait trop ludique et trop éloigné des cours traditionnels qu’ils avaient l’habitude de suivre. Pour répondre à ces propos, il est intéressant de noter qu’en plus des explications fournies par l’enseignant, des étudiants de la promotion même ont souhaité répondre directement à leurs collègues pour donner des arguments en faveur de ce projet APP.
Ce retour négatif d’une minorité d’étudiants sur l’ensemble de la promotion, semble être un ratio acceptable. Peut-être d’autres étudiants n’ont-ils pas osé s’exprimer sur le sujet ?
Nous avons également noté des questionnements de la part des étudiants concernant la manière dont été évalué les projets. Nous avons pour cela expliqué le système de notation, constitué de 5 parties, prenant en compte respectivement, l’implication des étudiants dans le projet, la qualité de l’ensemble des documents remis, la qualité technique de l’application multimédia (serious game), la pertinence et l’originalité du concept proposé, et enfin la qualité de la présentation finale. Il n’est pas toujours aisé d’attribuer une note objective pour l’ensemble de ces paramètres. Cela concerne bien entendu les aspects subjectifs tels l’aspect artistique (graphisme, pertinence du gameplay, originalité…), mais également l’aspect humain. Il est ainsi difficile de savoir si l’ensemble des membres d’un même groupe mérite la même note, certains ayant certainement travaillé plus que d’autres. Cet aspect, dans le cadre de la pédagogie active, semble être un point complexe à résoudre. Cependant, cet aspect sort de la problématique de cette thèse. Nous tâcherons donc de suivre cet aspect dans nos futurs travaux.
Globalement, il nous semble que nous obtenons les mêmes retours que Raucent et Vander Borght, lorsqu’ils ont, de leur côté, questionné des étudiants s’essayant pour la première fois à l’APP : « ils (les étudiants) estiment que les enseignants les soutiennent davantage dans leurs apprentissages (écoute, échanges, etc.) et font davantage le lien entre théorie et pratique. Par contre, les évaluations leur paraissent moins cohérentes et ils se disent davantage débordés par leur travail. » (p.375)

Ainsi, même si, des ajustements destinés à améliorer notre pédagogie sont encore nécessaires à apporter dans notre approche, il semblerait d’après l’ensemble de ces retours, que :

dans le cadre de l’APP, nous ayons atteint globalement l’objectif pédagogique fixé, consistant à faire appréhender aux étudiants comment concevoir une application multimédia.
sur le plan du serious game, d’après la consultation des documents sonores et audiovisuels, remis par les étudiants, qu’ils ont également cerné de manière satisfaisante la définition du métier à transmettre aux collégiens (cf. 3.2.1).

Concernant maintenant, ce que nous attendions de l’expérience, à savoir tenter d’observer si un espace potentiel d’apprentissage pouvait apparaître entre l’APP et le serious game, nous pensons l’avoir observé dans le fait que les étudiants ont d’une part, été amenés à se questionner sur des approches pédagogiques en vue de jouer le rôle de tuteur auprès des collégiens et que d’autre part, ils ont été amenés, dans cette même optique, à écouter de leur côté, les remarques des collégiens et du commanditaire pour améliorer leur serious game, et ce, de façon continue, tout au long de leur projet.
Ceci implique donc, selon nous, que les étudiants affinent probablement de la sorte, à la fois leur connaissance en conception multimédia et leur approche de la définition du métier présenté. Ce que nous pourrions décrire par un phénomène de réciprocité.
Ce dernier constituait, selon nous, une mise en évidence d’un espace potentiel d’apprentissage, par le fait que les étudiants sembleraient de la sorte s’initier à la pédagogie en cherchant à élaborer un apprentissage pour mettre ceux issus de l’APP et du serious game en cohérence.
Notre approche, semble ici recouper les écrits de Brougère qui évoque la notion d’apprentissage informel : « Apprendre devient une activité continue, fondamentalement sociale, qui accompagne de façon consciente ou non, nombre de nos comportements. C’est à partir de cette vision de l’apprendre que le jeu, comme bien d’autres activités, peut-être analysé comme espace potentiel d’apprentissages. » (p.160) 
Notre approche semble également concorder avec les écrits de James Paul Gee, un professeur de lettres, membre actif du TEA. Ce dernier est un adepte de la pédagogie active, cependant, il pense que l’apprentissage doit également inclure une dimension critique. C’est-à-dire tendre aussi vers le quatrième type d’apprentissage décrit par Åkerlind (cf. 3.1.1). Évoquant l’apprentissage actif, il precise : « Cependant ce type d’apprentissage n’est pas encore ce que j’appelle un « apprentissage critique ». Pour que celui-ci devienne aussi bien critique qu’actif, une composante supplémentaire est requise. L’apprenant n’a pas seulement besoin de comprendre et produire du sens dans un domaine sémiotique en particulier qui serait reconnaissable par ceux qui sont en lien avec ce dernier, mais doit en plus, appréhender comment penser le domaine à un niveau “meta” comme étant un système complexe d’éléments en interrelation. L’apprenant doit également apprendre comment innover dans le domaine - comment produire du sens qui tout en étant reconnaissable, soit perçu comme étant, d’une façon ou d’une autre, nouveau ou imprévisible.  » (p.238 à 239)

À la lumière de ces écrits, et suite à l’ensemble des données que nous avons récoltés durant l’expérience, celle-ci nous semble plutôt concluante : L’APP et le serious game, dans notre configuration, sur un plan pédagogique, semblent pouvoir se combiner. Ainsi donc, nous pensons pouvoir avancer l’idée que la mise en relation dans notre cas de figure, de l’APP avec le serious game semble aussi permettre la création d’un espace potentiel d’apprentissage.

Conclusion

Poursuivant nos travaux de recherche en vue d’étudier comment interfacer le scénario pédagogique avec le jeu vidéo, nous avons tenté dans ce chapitre d’identifier une forme de pédagogie qui pourrait être mise en cohérence avec le serious game.
Pour cela, nous avons d’abord tenté d’affiner ce que pouvait être une représentation possible de la fonction pédagogique et du but pédagogique qu’elle sous-tend. Cette étape nous a, semble t-il permis de définir une forme de pédagogie que nous pourrions mettre en relation avec le serious game.
Dans l’optique d’identifier l’une d’entre elles, nous avons tenté d’affiner notre appréhension de la notion de jeu et de comprendre comment celui-ci pourrait éventuellement s’interfacer avec l’apprentissage. Pour cela, nous avons interrogé plusieurs approches, notamment dans les domaines de la psychologie, pédagogie, et du game design. En recoupant ces approches théoriques avec des réalisations informatiques, il semblerait que l’apprentissage actif, et notamment une de ses sous catégories, l’Approche Par Projet (APP), soit sur un plan pédagogique compatible avec le serious game.



Cependant, nos démarches nous ont, semble t-il, amené à reconsidérer l’interfaçage entre le serious game et l’apprentissage. Celle-ci impliquerait désormais une aire intermédiaire, pour reprendre l’approche de Winnicott. C’est dans celle-ci que pourrait apparaître un ou plusieurs apprentissages potentiels. Nous avons ainsi tenté de cerner cet interfaçage au travers de cette aire tout au long de ce chapitre et d’en établir un schéma. Désormais, il semblerait que nous puissions le compléter en insérant l’APP. La figure 28, représente cet Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant.

 Figure 28 : Espace potentiel d’apprentissage ludo-éduquant

Maintenant, Salen et Zimmerman, nous invite à voir un jeu vidéo comme étant constitué d’un ensemble de trois systèmes, culturel, pragmatique et formel. (cf. 2.2). Ces deux auteurs, nous précisent qu’il est recommandé de les appréhender individuellement. Nous avons jusqu’à présent plutôt abordé le serious game par les deux premiers d’entre eux. À présent, nous souhaitons mener notre introspection au niveau formel. L’idée étant de comprendre comment pourrait s’interfacer le scénario pédagogique à ce niveau, qui serait fermé.
Cette approche est également motivée par les propos suivants de Jean-Noël Portugal qui lors du second Serious Game Summit Européen qui s’est tenu à Lyon en Décembre 2006, exposait l’approche suivante pour faire le lien entre apprentissage et le jeu vidéo :
« Alors comment on va faire la passerelle ? Comment va t-on faire le pont entre les deux ? Moi ça fait quelques années que je travaille là-dessus. Et je pense que la réponse, elle est dans un mot que tous les gens de jeu vidéo prononce cent fois par jour, au point de même avoir oublié à quel point, il est important : c’est le mot "gameplay » (cf. annexes JN Portugal)

Tâchons donc d’étudier à présent ce que pourrait représenter le gameplay dans le cadre d’un système formel. Peut-être que cette démarche, nous permettra de mettre à jour, ce que nous recherchons depuis le premier chapitre, à savoir identifier une caractéristique informatique, qui nous permettrait de considérer que le serious game représente un type d’application informatique présentant une caractéristique propre sur le plan formel. (cf . chapitre 1 : 2)
 G., Jouer/Apprendre…
 Brougère nous indique, que la langue portugaise, à l’instar de l’anglais, mais selon des logiques fort différentes, présente également deux mots pour désigner le jeu,  : "brincar" et "jogar" (Ibid, p.6)
 Salen K., Zimmerman E., The Rules of play…
 Frasca G., these…
 Caillois R., Des Jeux et des Hommes…
 Piaget J., La formation du symbole chez l’enfant, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel-Paris, 1976, texte original 1945
 Kellner C., La médiation parle cédérom « ludo-éducatif » : Approche communicationnelle, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Metz école doctorale « Pratiques interculturelles : écrits, médias, espaces, sociétés » Centre de Recherche sur les Médias, 2000
 Huizinga J., Homo Ludens, essai sur la fonction sociale du jeu, 1951
 Crawford C., The Art of Computer Game Design,…
 Son ouvrage phare : The ambiguity of play. Préciser…
 Proceeds according to rules that limit players ; Conflict or contest ; Goal-oriented/outcome-oriented ; Activity, process, or event ; Involves decision-making ; Not serious and absorbing ; Never associated with material gain ; Artificial/Safe/Outside ordinary life ; Creates special social groups ; Voluntary ; Uncertain ; Make-believe/Representational ; Inefficient ; System of parts/Resources and tokens ; A form of Art (traduction de l’auteur)
 Ibid Jouer/Apprendre
 A game is a system in which players engage an artificial conflict, defined by rules, that results in a quantifiable outcome (traduction de l’auteur)
 The key elements of this definition are the fact that game is a system, players interact with the system, a game is an instance of conflict, the conflict in game is artificial, rules limit player behaviour and define the game, and every game has a quantifiable outcome or goal. (traduction de l’auteur)
 a set of parts that interrelate to form a complex whole. There are many ways to frame a game as a system : a mathematical system, a social system, a representational system, etc. (Traduction de l’auteur)
 "Object are the parts, elements, or variables within the system ; Attributes are the qualities or properties of the system and its objects ; Internal relationships are the relations among the objects ; Environment is the context that surround the system." (Traduction de l’auteur)
 Formal, Experiential, Cultural (Traduction de l’auteur)
 Bateson G., Une théorie du jeu et du fantasme, dans Vers une écologie de l’esprit – 1, Le Seuil, Paris, 1977, traduit de l’anglais, texte original 1955
 Goffman E., Les cadres de l’expérience, Les éditions de Minuit, Paris,1991, traduit de l’anglais, texte original 1974
 Ibid, Jouer/Apprendre
 Ibid, Thèse Kellner
 "Games have a quantifiable goal or outcome. At the conclusion of a game, a player has either won or lost or received some kind of numerical score. A quantifiable outcome is what usually distinguishes a game from less formal play activities." (Traduction de l’auteur)
 Graillat L., Actes du colloque "De Tron à Matrix : réflexions sur un cinéma d’un genre nouveau", Documents : Actes et Rapports pour l’écudaction, PNR, SCEREN, Toulouse., février 2004
 Précisons que dans le cadre d’un jeu vidéo, différents niveaux ou étapes de jeu fragmentent parfois le déroulement de la partie. Dans ce contexte, la fin d’une partie peut également correspondre à la fin de chacune d’elles.
 Ibid Les jeux et les Hommes
 Ibid, Jouer/Apprendre
 Winnicott D.W, Jeu et réalité, l’espace potentiel, Gallimard, Paris, 1975, traduit de l’anglais, version originale, 1971
 Vygotski L. S., in Le développement de l’enfant, savoir-faire, savoir-dire, Bruner J.S., P.U.F., 1991
 Jenkins H., Klopfer E., Squire K., Tan P., Entering The Education Arcade, Comparative Media Studies, MIT, HYPERLINK "http://www.google.com/url?sa=t&ct=res&cd=3&url=http%3A//website.education.wisc.edu/kdsquire/manuscripts/tea-acm.pdf&ei=BnboRcbhLKD-wQLJ9Pz2CQ&usg=__lYYYi-4fPmzLJfpaswMb0ptgE7w=&sig2=tbVBEpxNUJdrK9NCAghnQA"Computers in Entertainment 1(1), 17-17., 2003, http://website.education.wisc.edu/kdsquire/manuscripts/tea-acm.pdf
 « Has education become nothing but fun and games? Not exactly. In each case, the games are being integrated into a range of other curricular activities. Games are enhancing traditional educational tools such as lectures, discussions, lab reports, homework, fieldtrips, tests, and textbooks. Games are being allowed to do what games do best, while other kinds of teaching support those lessons. » (traduction de l’auteur)
 Ibid Des jeux et des hommes…
 Henriot J., Sous couleur de jouer, José Corti, Paris, 1989
 Ibid, Thèse Kellner
 Ibid, …
 "Our mission is to demonstrate the social, cultural, and educational potentials""(Traduction de l’auteur), http://www.educationarcade.org/about
 Koster R., Book Excerpt: "A Theory of Fun for Game Design" - What Games Aren't, 2004, http://www.gamasutra.com/features/20041203/koster_01.shtml
 "Fun is primarily about practicing and learning, not about exercising mastery"(Traduction de l’auteur)
 http://www.educationarcade.org/about
 Ibid, Serious game, Michael et Chen
 "The feeling of fun is essentially a positive feedback mechanism to get us to repeat the activity over and over." (traduction de l’auteur)
 Valleur M., Les nouvelles formes d'addiction : L'amour, le sexe, les jeux vidéo, Flammarion, 2004
 Ibid,
 Frenay M., Deux visions du rôle de l’enseignant…, in Etre enseignant : Magister ? Metteur en scène ?, Raucent B., Vander Borght C., de boeck, Bruxelles, 2006
 Laloux A., Acteur ou scénariste ? ou le Blues du padagogue actif, in Etre enseignant : Magister ? Metteur en scène ?, Raucent B., Vander Borght C., de boeck, Bruxelles, 2006
 « Games need to be compelling, they need to grab our attention, they need to give us something that we didn’t have before we played them. » (traduction de l’auteur)
  HYPERLINK "http://seriousgamessource.com/features/feature_101806_little_game_1.php" http://seriousgamessource.com/features/feature_101806_little_game_1.php
 Rollings A., Adams E., on Game Design, New Riders, 2003
 « One of the major things to be checking for is that the game's difficulty increases smoothly and does not peak or spike irregularly. This is definitely something we need to avoid ; […] if you show off your strongest hand too early in the game, anything after that is a disappointment. » (traduction de l’auteur)
 Csikszentmihalyi, M. Flow, the Psychology of Optimal Experience, Harper and Row, New York, 1990.
 « The state in which people are so involved in an activity that nothing else seems to matter, totally unaware of their surroundings but enjoying the task and having fun while doing it. » (Traduction de l’auteur)
 Genvo, S., Le game design de jeux vidéo : Approche communicationnelle et interculturelle, Thèse en sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine - Metz, 2006, disponible en ligne : HYPERLINK "http://www.ludologique.com/publis/these.html"http://www.ludologique.com/publis/these.html
 Genvo, S., Les conditions de validité de l’immersion vidéoludique : pour une approche descriptive de la jouabilité, in Actes du Colloque Scientifique International Ludovia, 2006
 ibid, Genvo
 ibid, Genvo
 ibid, Genvo
 Ibid, Genvo
 ibid G. Brougère
 Bach C., Elaboration et validation de Critères Ergonomiques pour les Interactions Homme-Environnements Virtuels, Thèse de Psychologie ergonomique, Université de Metz, Ecole Doctorale PIEMES - Perspectives interculturelles : Ecrits, Médias, Espaces et Sociétés, 2004
 Ibid, Bach C.
 Ibid, Bach C.
 Preece, J. Ed., A guide to usability: Human factors in computing. Wokingham, Addison-Wesley, 1993
 « The goals of HCI are to develop and improve systems that include computers so that users can carry out their tasks: safely, effectively, efficiently and enjoyably. These aspects are collectively known as usability. » (Traduit par O. Rampnoux, J-P. Jessel, G. Méthel et J. Alvarez)
 Bernard F-X., Les logiciels de simulation pour enfants comme outils d’acquisition de connaissances, in Actes du Colloque Scientifique International Ludovia, 2006
 Moha, N., Qing L., Gaffar, A., Seffah, A., Enquête sur les pratiques de tests d’utilisabilité, in IHM 2005, Toulouse, 2005, p.115 à 122
 Shneiderman, B., Direct manipulation: A step beyond programming languages, in Proceedings of the joint conference on Easier and more productive use of computer systems. (Part - II): Human interface and the user interface - Volume 1981, in Conference on Human Factors in Computing Systems, p 143 Ann Arbor
 « Direct manipulation involves three interrelated techniques: 1. Provide a physically direct way of moving a cursor or manipulating the objects of interest. 2. Present a concrete visual representation of the objects of interest and immediately change the view to reflect operations. 3. Avoid using a command language and depend on operations applied to the cognitive model which is shown on the display. » (traduction de O. Rampnoux, J-P. Jessel, G. Methel et J. Alvarez)
 Safin, S., Boulanger, C., Leclercq, P., Premières évaluations d’un Bureau virtuel pour un processus de conception augmentée, in IHM 2005, p 107-114 Toulouse.
 Ibid, Safin, S., Boulanger, C., Leclercq, P
 BASTIEN, J. M. C., SCAPIN, D. L., Ergonomic criteria for the evaluation of human-computer
interfaces. in Technical report N° 156, Rocquencourt, France : Institut National de Recherche en
Informatique et en Automatique, 1993
 Ibid, Bach C.
 Ibid, Bach C.
 Ibid, Bach C.
 Directeur des Expositions et du Développement à la Cité de l’Espace, Toulouse (31), 2004
 Âkerlind G.S., A new dimension to understanding university teaching, in Teaching in Higher Education, Routledge , 2004, p.363 à 375
 Raucent, B., Qu’est-ce qui différencie un problème d’un exercice ?; in Raucent B., Vander Borght C., Etre enseignant : Magister ? Metteur en scène ?, de boeck, Bruxelles, 2006, p. 84 à 88
 Translated by the authors of this paper
 Raucent B., Vander Borght C., Etre enseignant : Magister ? Metteur en scène ?, de boeck, Bruxelles, 2006
 “students to talk and listen, read, write, and reflect as they approach course content through problem-solving exercises, informal small groups, simulations, case studies, role playing, and other activities -- all of which require students to apply what they are learning." (Traduction de l’auteur)
 Meyers, C., Jones, T.B., Promoting Active Learning. Strategies for the College Classroom, San Francisco, Jossey-Bas, 1993
 Ibid, Raucent B., Vander Borght C
 Raucent B., Vander Borght C., Etre enseignant : Magister ? Metteur en scène ?, de boeck, Bruxelles, 2006
 Rhem, J., Problem-Based Learning: An Introduction, The National Teaching & Learning, volume 8; number 1, Oryx Press, 1998,  HYPERLINK "http://www.ntlf.com/html/pi/9812/v8n1smpl.pdf" http://www.ntlf.com/html/pi/9812/v8n1smpl.pdf
 « Imagine a family tree: Active Learning would be at the top. Cooperative/Collaborative would be a subset of that, and I see PBL as a subset of Coop/Collab based on cases. All forms of group work don’t center on cases; problem-based groups do. » (traduction de l’auteur)
 “an instructional strategy in which students confront contextualized, ill-structured problems and strive to find meaningful solutions “(traduction J. Alvarez)
 « The modern history of problembased learning begins in the early 1970s at the medical school at McMaster University in Canada. Its intellectual history is far older. Thomas Corts, president of Samford University, sees PBL as “a newly recovered style of learning” In his view, it embraces the question-and answer dialectical approach associated with Socrates as well as the Hegelian thesis-antithesis-synthesis dialectic. » (traduction J. Alvarez)
 Metal Gear Solid Konami/Kojima, 1998/2007
 Graillat L., Actes du colloque "De Tron à Matrix : réflexions sur un cinéma d’un genre nouveau", Documents : Actes et Rapports pour l’écudaction, PNR, SCEREN, Toulouse., février 2004
 Ibid, Graillat L.
 “[…] videogames have the potential not only to represent reality, but also to model it through simulations. […] For doing this, I have based my designs on the main characteristics of Agusto Boal’s Theatre of the Oppressed."
 G. Frasca, Videogames of the oppressed: Videogames as a means for critical thinking and debate, Master’s thesis, School of Literature, Communication and Culture, Georgia Institute of technologie, 2001,  HYPERLINK "http://www.ludology.org/articles/thesis/" http://www.ludology.org/articles/thesis/
 “This review argues that the form of player agency in interactive narrative improves, with respect to the motivation of constructivist learning, as we move from Aristotelian, to a Brechtian, to a Boalian approach.”
 Hammond S., Pain H., Smith T., Player Agency in Interactive Narrative: Audience, Actor & Author, in AISB’07, Patrick Olivier and Christian Kray, 2007, p.386 to 393
 "that Augusto Boal’s work heavily relies on fellow Brazilian Paulo Freire’s Pedagogy of the Oppressed (2000) […]Freire also draws on Piaget’s idea that knowledge is not transmitted but constructed. Freire’s pedagogy is based on the dialogue between educator and student, and on the student’s recognition that, even it he is illiterate, he already holds the key to knowledge.” (traduction de l’auteur)
 Clavel-Levêque M., L’empire du jeu – espace symbolique et pratique sociale dans le monde romain, CNRS, Paris, 1984
 Sauvé L., Les eJeux : Un moyen pour s’engager activement dans son apprentissage, in Actes du 4è colloque de Questions de Pédagogies dans l’enseignement supérieur, Louvain-La-Neuve, Belgium, 24-26 January 2007.
 A.Tricot, L’information sur le travail et l’environnement économique. Quelques propositions, Université de Rennes, CCAFE, 2001
 Boudarel, M-R., Vers la réflexivité dans l’apprentissage de la conduite de projet, in Actes du 4è colloque de Questions de Pédagogies dans l’enseignement supérieur, Louvain-La-Neuve, Belgium, 24-26 January 2007, p. 919 à 928.
 Nintendo, 1985
 Infogrames, 1989
 Ibid Raucent, Vander Borght
 G., Jouer/Apprendre, Economica/Anthropos, 2005
 « This is “active learning”. However, such learning is not yet what I call « critical learning ». For learning to be critical as well as active, one additional feature is needed. The learner needs to learn not only how to understand and produce meaning in a particular semiotic domain that are recognizable to those affiliated with the domain, but, in addition, how to think about the domain at a “meta” level as a complex system of interrelated parts. The learner also needs to learn how to innovate in the domain - how to produce meanings that, while recognizable, are seen as somehow novel or unpredictable. » (traduction de l’auteur)
 Gee J.P., Semiotic Domains : Is Playing Video Games a « Waste of Time ? », in Salen K., Zimmerman E., The Game Design Reader : A Rules of Play Anthology, The MIT Press, Massachusetts, Londres, 2005









Chapitre 3 : Apprentissage et serious game