Géraud de Cordemoy, avocat de formation, naquit à Paris le six ...
Plutôt qu'un examen la maîtrise était une cérémonie d'apparat qui imposait au .....
à ce sujet Machet fut député deux fois auprès du recteur avec Jean Fusoris[96]. ...
De nombreux chanoines se rendirent encore à Saint-Paul le 18 mai ..... L'élection
du pape Martin V, le 11 novembre 1417, mettant fin à un schisme de ...
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Remerciements
Cest à Monsieur le Professeur Cuche, mon directeur de thèse, que je souhaite adresser ces remerciements. Il ma orienté dans le choix de mon sujet et ma permis de découvrir un auteur dont jignorais tout. Les livres de Monsieur Cuche, et surtout sa thèse portant sur les membres du petit concile, mont souvent guidé dans mes conclusions, et je nai jamais eu le sentiment dêtre en contradiction avec celles de mon directeur de Thèse. Les directions avaient déjà été largement tracées par son travail monumental, le mien, bien plus modeste, na de prétention que de corroborer ce quil esquissait à propos de notre auteur, Gérauld de Cordemoy.
Veri juris germanaeque justitiae solidam et expressam effigiem nullam tenemus, umbris et imaginibus utimur (Cicéron, De Officiis, III, XVII)
À la mémoire de Marcel Scheidhauer, le psychanalyste et lhomme de profonde humanité.
Et toi, Papa, tu sais bien que je nai écrit aucune des ces lignes sans penser à toi le docteur en Théologie, et à toi, Maman, la rien du tout, comme nous tous, poussière de poussière.
Ma Christine, avec toi je navais rien à régler, mais cest à toi que je dédie ce travail. Jean-Mathieu et Nathan, je ne vous oublie pas, le projet de cette thèse est né presquen même temps que vous.
Gérauld de Cordemoy : historien, politique et pédagogue
Introduction
Gérauld de Cordemoy naquit à Paris le six octobre 1626. Il était dune famille noble dAuvergne originaire de Royat. Son père portait le même prénom, il mourut le 10 février 1636, il avait le titre de maître ès arts de luniversité de Paris « précepteur et professeur de langues humaines ». Le premier mars 1620 il avait épousé Nicole Bucé dont il eut quatre enfants : Catherine, baptisée le 31 mai 1621, morte le neuf septembre 1622 ; Marie, baptisée le 19 novembre 1622 épouse en 1667 de Gilles Poupardin « conseiller du roi en lélection de Bourges... et bourgeois de Paris », Gérauld ; Nicole, née le 28 juin 1634, épouse de Clément - Gabriel de Combes, procureur au Parlement de Paris depuis 1666.
De Gérauld on ne sait rien concernant son enfance et son éducation, en 1645 il épouse Marie de Chezelles fille de Charlotte Danquechin et de Jean de Chezelles, « conseiller du roi en la cour des aides, demeurant à Paris, rue du temple, paroisse Saint-Nicolas - Des Champs ». Le couple eut un fils, Louis-Gérauld, le sept décembre 1651.
Gérauld de Cordemoy sillustre dabord dans la magistrature comme avocat au Parlement de Paris. Il semble avoir eu, si lon en croit son fils Louis-Gérauld, une certaine aversion pour les « mauvaises causes ».
Cest comme philosophe et historien quil se fera connaître. Très proche des milieux cartésiens dont il est un des représentants reconnus, il sintéresse dabord aux mathématiques pour sappliquer ensuite à la philosophie. Il est lauteur dun ouvrage fondamental de métaphysique qui le fera connaître de tout le milieu cartésien : le Discernement du corps et de lAme en six discours, pour servir à léclaircissement de la Physique, en 1666. Le livre sera bien reçu mais critiqué sur les endroits où lauteur sécarte du système de Descartes, surtout le présupposé atomistique de sa conception de la matière étendue, moins loccasionnalisme dont on trouve des prémisses dans la théorie cartésienne de la causalité. Critiqué par certains cartésiens, Cordemoy ne sattache pas moins à défendre lhéritage du maître. En 1667, peut-être à loccasion de la translation des cendres de Descartes il écrit : une lettre [
] à un savant religieux de la Compagnie de Jésus pour montrer : I. Que le système de Monsieur Descartes et son opinion touchant les bêtes, nont rien de dangereux. II. Et que tout ce quil en a écrit, semble être tiré du premier chapitre de la Genèse
édité en 1668. Le religieux en question était Gabriel Cossart (1615 1674), professeur dhumanités au collège de Clermont de 1642 à 1656.
Luvre la plus reconnue de Cordemoy Le Discours physique de la parole sera publiée en 1668. Molière la parodiera dans le Bourgeois gentilhomme, « la leçon du maître de philosophie sur les voyelles ». Cordemoy pensait ce Discours comme une suite des premiers sur le discernement du corps et de lâme.
Les éditions posthumes des uvres de Cordemoy, celle de la veuve de lauteur, Marie de Chezelles, de 1691, celle du fils Louis Gérauld de 1704 ajoutent aux uvres philosophique deux petits traités de Métaphysique.
Gérauld de Cordemoy fut choisi par Bossuet pour devenir lecteur ordinaire du grand dauphin et assurer lenseignement de lhistoire. Il entreprit de rédiger une Histoire de France dont il ne parvint pas à bout et que son fils mena à chef. A sa mort en 1684, si lon en croit Louis - Gérauld, toute la partie qui concerne les Gaulois puis les premières dynasties franques jusquà Charlemagne avait été achevée. Requis par le roi sur la sollicitation de Bossuet de terminer luvre du père, Louis Gérauld publia en 1685 le premier tome de lHistoire de France qui va de la Gaule à Charlemagne, luvre du père donc. Il poursuivit le travail paternel et publia en 1689 le deuxième volume de lHistoire de France.
Ce passage à lhistoire du philosophe peut paraître accidentel il est en fait essentiel, dans le dessein général de Cordemoy lhistoire va prendre la place des principes de toute connaissance qui était celle, traditionnelle, de la métaphysique. Cordemoy est ainsi philosophe parce quil est historien ou historien parce quil est philosophe.
Le petit concile réunit autour de Bossuet des personnalités qui partagent la même idée du politique, de la société et de la religion, Cordemoy en est avec Fleury, Fénelon et La Bruyère : trois ecclésiastiques, Bossuet, Fénelon et Claude Fleury, deux laïcs : La Bruyère et Cordemoy. Cette proximité du petit concile marque profondément la partie proprement politique et pédagogique de notre auteur mais aussi sa pensée de lhistoire. Si Cordemoy névoque que peu lhistoire sainte et les Ecritures parce quil est un laïc, il nen a pas moins les mêmes présupposée heuristiques que Bossuet et Fleury dans leur considération de lhistoire, ceux de Fénelon dans celle du politique ; cest-à-dire la continuité de lhistoire du peuple hébreu jusquà celle contemporaine des peuples modernes dans une même perspective téléologique. Cest signaler la troisième grande parties de luvre de Cordemoy, celle qui sera lobjet principal de nos recherches, les opuscules dhistoire et de politique : Divers petits Traités sur lHistoire et la Politique dans lédition de 1704, comprenant des textes sur lhistoire et sa « nécessité » ainsi quune utopie politique, De la réformation dun Etat. Ce dernier opuscule est aussi une pédagogie des cadres dun Etat utopique amenés à incarner le souverain sous lautorité dun monarque dont la présence sestompe dans un corps constitutionnel de lois.
Cordemoy marque la continuité dune pensée religieuse de la cité de Dieu à un commencement de laïcisation. Dans lutopie dun Etat réformé reposant sur un corps constitué de magistrats, la légitimité du pouvoir nest pas divine mais constitutionnelle. Reste un roi quon met en marbre à lentrée des académies où lon forme les cadres du royaume, sans doute de droit divin, dans ses autres opuscules Cordemoy ne dit pas autre chose mais ce nest plus là le fondement réel du souverain.
La place de Cordemoy dans lhistoire de son temps reste certes minime, ce nest pas un grand auteur, ni même un grand penseur mais lintérêt de ses opuscules réside dans cette perspective dune évolution de la pensée du politique : montrer quil ny a pas dEtat construit et stable sans une éducation des sujets de cet état cest une idée nouvelle. Dans la conception platonicienne de la cité seule importe léducation des élites. Cordemoy ne sexprime pas sur les dangers de lignorance du peuple mais un autre membre du petit concile, Fénelon, montrera tous les risques quelle comporte concernant les femmes pour lesquelles il écrira un traité déducation, encore une fois son uvre très réduite reste dans limplicite mais cest bien le même quil partage avec ses amis du petit concile.
Ces auteurs du petit concile sont politiquement des absolutistes, mais cest un absolutisme qui du moins chez Cordemoy tend à devenir un absolu de lEtat. Si le roi incarne encore le souverain on entend bien que ce sont les magistrats du royaume bien éduqués et formés qui deviennent les garants de la bonne constitutionnalité de lEtat. Comme pour le grand horloger du siècle suivant, quest le dieu voltairien fortement teinté de newtonianisme, le roi absolu à la façon de Cordemoy aurait sans doute mauvais goût à enfreindre les lois quil a lui-même édictées. Il y a des absolus qui aboutissent à des limitations.
Si nous nous résumons : luvre de Cordemoy se divise en deux grandes parties, celle des écrits publiés de son vivant, les six discours sur le discernement du Corps et de lAme et le Discours physique de la parole, la lettre à Cossart et celle des écrits publiés après sa mort, les deux petits traités de métaphysique, les opuscules dhistoire et de politique. Lensemble tient en moins de quatre cents pages, uvre réduite donc et dont la cohérence restait à établir à quoi il faut ajouter le premier tome de Lhistoire de France, lui aussi posthume.
Nous supposons luvre cohérente cest-à-dire que nous nous attachons à trouver dans lHistoire de Cordemoy sa pensée politique mais aussi sa métaphysique et sa théorie du langage, ou, dans sa politique, sa conception de lhistoire. Nous nous intéressons à montrer lunité de cette uvre, nous la mettons en relation avec celles de ces contemporains ou prédécesseurs, Bossuet, Fénelon, Fleury mais aussi, bien sûr, Descartes. LHistoire de France de Mézeray nous conduit à de nombreux parallèles avec celle de Cordemoy. Pour lautorité des anciens si importante pour justifier la pertinence dun propos à lépoque de notre auteur, nous nous attardons à préciser la pensée politique de Cordemoy en la renvoyant à celles de Platon et Aristote. Nous avons sollicité bien dautres auteurs comme Jean Bodin dont luvre nous est apparue si lumineuse, La Mothe Le Vayer, Montchrestien ou Malebranche.
Nous avons suivi une idée inspirée des travaux de notre directeur de thèse, François-Xavier Cuche : naissent dans ce groupe dintellectuels autour du petit concile certains des principes sur lesquels se construiront les Etats modernes. Cette idée nous navons pas cherché à la retrouver dans chacune des pages des traités et opuscules de Cordemoy, mais elle nous est apparue comme un des éléments de cette cohérence que nous évoquions plus haut.
Plusieurs axes de recherche apparaissent. Luvre politique et historique avec comme pièce majeure lutopie De la Réformation dun État qui prend naturellement sa place dans le cadre des travaux du petit Concile sur le même sujet et tout particulièrement les utopies du Télémaque de Fénelon, permet la prolongation dune étude sur la réflexion politique et historique à la fin du XVIIème siècle. François-Xavier Cuche a mené cette étude dans sa thèse portant sur Fénelon, La Bruyère et Fleury, trois auteurs participant comme Cordemoy du petit Concile.
Le Discours physique de la parole conduirait à repenser la linguistique de cette fin de siècle, à mettre en rapport les travaux de Cordemoy avec ceux dArnauld, Nicole et Bernard Lamy pour ne prendre que quelques exemples de quasi contemporains. Cet aspect de luvre de Cordemoy a été abordé, notamment par les Anglo-saxons, parmi eux : Noam Chomsky.
Un autre axe qui croiserait les deux précédents, permettrait de découvrir que la Réformation dun État implique une pédagogie très rigoureuse. Le Discours physique de la parole suppose, comme la montré N. Chomsky dans Linguistique cartésienne, un innéisme de la capacité linguistique. Cet innéisme, la considération de lenfant le vérifie, la linguistique de Cordemoy en fait aussi la base dune pédagogie. Mais par une forme de rétroaction cest lapprentissage du langage qui nous enseigne en quoi consiste la langue dans ses éléments et ses agencements. « Je dirai en passant, quil y a bien de lapparence que ceux qui ont donné les éléments de la Grammaire, ont fait de semblables observations. Comme tout lart de leur méthode na pu être tiré que de la nature même, il faut quils aient bien considéré comment les enfants apprennent à parler ; et je vois quen effet leurs préceptes ne sont quune imitation de ceux que la nature donne aux enfants.»
Lensemble de luvre de Cordemoy procède plus ou moins directement de son premier ouvrage les Six discours sur la distinction et lunion du corps et de lâme, cest celui qui la rendu célèbre de son temps et la fait reconnaître de Malebranche comme de Leibniz. La distinction et lunion du corps et de lâme doivent toujours être présupposées pour une bonne intelligence des écrits de Cordemoy. Il y a une continuité évidente entre religion, métaphysique et philosophie du langage, histoire et politique. La pensée de Cordemoy forme un tout cohérent dont la richesse sexprime dans cette première idée paradoxale quil ny a de réunion que du disparate, lâme et le corps, lidée et le signe linguistique, lÉtat et lindividu particulier. Cest à montrer cette cohérence que nous nous attacherons tout au long de ce travail.
Sil faut penser létude du langage comme une suite du fondement métaphysique de lêtre humain en corps et en âme, il faut comprendre la politique et lhistoire de Cordemoy comme une suite de cette pensée de lêtre humain qui en fait un sujet naturellement parlant et donc, aussi, naturellement politique et historique.
Nous avons choisi dobserver cette cohérence de la pensée dabord dans luvre de lhistorien ou théoricien de lhistoire puis dans celle du philosophe et métaphysicien et enfin dans celle du pédagogue et théoricien de léducation.
Nous avons opéré un décentrement dans le corpus des uvres de Cordemoy : les uvres métaphysiques et le traité physique de la parole sont les plus volumineux. Ce ne sont pas eux que nous avons pris comme centre de notre travail mais les uvres dhistoire et de politique si nous exceptons lHistoire de France que nous prenons en quelque sorte à témoin pour éclairer les écrits théoriques. Ainsi loccasionnalisme métaphysique et le mentalisme linguistique viennent expliquer la pensée historienne et politique de Cordemoy et non linverse.
Le plan que nous suivons procède de ce décentrement : dans une première partie nous exposons les idées du théoricien de lHistoire profondément liées à celles du penseur politique. Dans une deuxième partie nous examinons ce que luvre du philosophe Cordemoy apporte à sa conception de lhistoire et de la politique. Notre troisième partie tend à montrer comment ces différents points de vue se fondent dans une pédagogie comme garante de la pérennité de lEtat lui-même. Elle est en quelque sorte la synthèse de ce qui se construit au fil de la lecture du texte de lauteur : du fondement de lexistence du sujet comme corps et âme, à la découverte des autres sujets comme producteurs de signes de leur existence dans le langage à la constitution du corps politique comme réunion des sujets dans lexpression dune constitution comme corps de lois, dont lenseignement fonde la pérennité. Ainsi lutopie De la Réformation dun Etat répond aux six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme.
Cordemoy est peut-être un des derniers penseurs qui conçoit son époque comme une suspension du temps, mais nest-ce pas le sens premier du mot « époque ». Une dernière fois cet idéal dune perfection immobile dun temps arrêté, dun « ±¹Î½ » se déploie sous nos yeux : des institutions pérennes, une langue parvenue à sa perfection et qui, selon lui, ne changera plus, le français, un monde immobile, ce « calme des dieux » que Valéry contemplait au terme d une pensée conduite à sa fin ultime.
Première Partie : Cordemoy historien
Chapitre I
LHistoire de France : le théoricien de lhistoire
Lutopie De la Réformation dun État de Cordemoy est précédée comme suivie dopuscules portant sur lhistoire. Le titre donné à cette partie de luvre dont fait partie la Réformation dun État, dans lédition posthume publiée par le fils de Gérauld de Cordemoy est : « troisième partie contenant divers petits Traités sur lhistoire la politique ». La première partie inclut les six discours sur la distinction et lunion du corps et de lâme, la deuxième partie le discours physique de la parole, la lettre sur la conformité du système de M. Descartes avec le premier Chapitre de la Genèse, et le traité de métaphysique en deux parties. La troisième partie inclut les Observations sur lhistoire dHérodote, un opuscule intitulé de la nécessité de lhistoire, de son usage ; et de la manière, dont il y faut mêler les autres sciences, en la faisant lire à un Prince, puis De la Réformation dun état, ensuite un opuscule intitulé : Des moyens de rendre un État heureux, ensuite les Maximes tirées de lhistoire, enfin le Discours au Roi sur la mort de la Reine.
Que lutopie politique de Cordemoy : De la Réformation dun État soit entourée décrits sur lHistoire est une indication forte du rôle essentiel quelle tient dans la pensée de Cordemoy. Lenseignement de lHistoire était, dailleurs, au cur de sa fonction de lecteur du Dauphin, cest dans ce cadre quil a écrit une histoire du royaume de France, il na réalisé quune partie de son projet puisquil sest arrêté dans sa rédaction à la mort de Charlemagne. Nous avons donc de lui une histoire de France qui va de la Gaule préromaine jusquau premier carolingien. La deuxième partie de cette histoire a été rédigée par Louis Gérauld de Cordemoy le fils de Gérauld.
La conception de lHistoire quadopte Gérauld de Cordemoy est essentiellement pédagogique et non scientifique. Il est en cela très proche des idées de Bossuet telles que ce dernier les développe dans son Histoire Universelle dans laquelle il sadresse à Monseigneur le Dauphin soulignant dautant la portée pédagogique de son propos. On trouvera chez lun comme chez lautre un projet similaire denseignement. Comme Bossuet, Cordemoy recommande de donner à lélève princier une suite de repères historiques qui lui permettent de situer immédiatement les événements tels que le récit les rapporte. La finalité morale de cet enseignement est également commune aux deux auteurs
Totalement opposé à lHistoire critique qui naît à son époque Cordemoy préconise un récit historique dont le but doit être dabord denseigner les valeurs, les principes des grands hommes qui nous ont précédés. Il recommande de ne jamais mettre en doute la tradition, de refuser lérudition qui invaliderait cette tradition car la tradition est significative de lopinion du grand nombre, elle en a lautorité. La tradition est une forme dépure de la quantité innombrable des événements. Si elle nest pas exacte dans le détail elle est vraie dans lensemble. Fénelon dans sa Lettre à lAcadémie Française de 1713 est en accord avec cette conception de lHistoire qui privilégie la transmission dun enseignement moral et politique, il sexprime ainsi sur le sujet : « LHistoire est néanmoins très importante. Cest elle qui nous montre les grands exemples, qui fait servir les vices mêmes des méchants à linstruction des bons, qui débrouille les origines, et qui explique par quel chemin les peuples ont passé dune forme de gouvernement à une autre. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie Française, nouvelle édition classique, Eugène Belin, Paris, 1879, p.71 [p.71]).
Jean Mabillon ne désavouerait pas cette Histoire que lon charge de transmettre un enseignement de valeurs, il refuse dans son Traité des études monastiques une Histoire qui ne serait que la mémoire du passé, qui, érudite, se limiterait à une liste de dates et dévénements correspondants. Mais derrière cet accord de façade il y a pour lui tout le travail de vérification des sources : une relation historique a la couleur de lauteur qui la porte, elle contient les choix religieux et politiques quil a faits. Il y a une mise en doute permanente, une interrogation des sources, on ne peut valider une tradition parce quelle serait avérée par une majorité dopinions ainsi que le voudrait Cordemoy qui privilégie la tradition sur la critique historique. Cest parce que lHistoire doit être une source denseignements moraux et politiques quil faut la restituer le mieux possible, la débarrasser de la matière du doute qui vient de limprécision et de la déviation des opinions. LHistoire néchappe pas aux règles détablissement de la vérité.
Cette même valeur denseignement portée par lHistoire entraîne pour Mabillon une conception de son établissement radicalement différente, elle implique la reconnaissance de la critique historique comme étant au cur du travail de lhistorien.
Pour Cordemoy la critique historique, dans sa tentative de restituer le détail, affecte le sens, fait perdre au récit historique sa valeur denseignement car lapprentissage passe par lagrément, or lintérêt quon peut avoir à apprendre doit aussi passer par un plaisir de lire. Cest ce plaisir de lire que lhistorien doit privilégier ; dans son éloge de lhistoire dHérodote, Cordemoy insiste sur la façon dont celui-ci recourt à la tradition, voire à des récits légendaires. LHistoire est une ressource, une réserve de préceptes et de maximes, le précepteur royal y trouve une grande variété dexemples qui lui permettront dillustrer son enseignement. Autant dire que lhistorien ne retient de la matière de lHistoire que ce qui confirme la conception a priori dune morale politique des sociétés et des civilisations. Dans lHistoire de France de Cordemoy on trouve lapplication de cette idée : quand la légende, la tradition confirme ce que nous désirons savoir du cours de lHistoire on peut la recevoir sans critique ni approbation excessive. Voici lexemple de visions prémonitoires quil cite dans son ouvrage : « Childéric, si lon en croit Frédégaire, eut une vision pendant la grossesse de Bazine qui lui fit connaître la destinée de cet enfant et de toute sa postérité. Cet Auteur dit que Bazine pria Childéric daller par trois fois différentes devant la porte de son palais durant une même nuit ; quil aperçut la première fois des lions et des licornes ; la seconde, des ours et des loups ; et la troisième, des chiens avec dautres petits animaux ; qui se pillaient les uns les autres.
Frédégaire ajoute que le lendemain Bazine pour expliquer cette vision, dit à Childéric, que ces différents animaux signifiaient les différentes murs de ses successeurs : que les actions de lenfant qui allait bientôt naître delle était représentée par des licornes et des lions, parce quil ne devait rien faire que de grand et de glorieux : que ceux qui devaient sortir de cet enfant, étaient représentés par des ours et des loups, qui sont à la vérité des animaux courageux et forts, mais aimant le carnage et la proie : et quenfin la postérité de ceux-là, était représentée par des chiens, cest-à-dire par des bêtes sans force et qui ne peuvent vivre sans le secours de lhomme ; parce quil devait arriver que les derniers de cette race auraient besoin du conseil des autres pour régner, et que cela donnerait occasion à leurs peuples qui étaient figurés par de petits animaux, de se piller les uns les autres, comme il arrive toujours dans un royaume où le souverain se laisse gouverner par le premier qui lose entreprendre. Que ce soit une vision de Childéric, ou un conte fait par les Historiens sur ce quils savaient des successeurs de ce Prince, il est certain que cela représente tout à fait bien ce qui est arrivé à sa postérité. » (Histoire de France, Page 128). On ne confirme donc, ni on ninfirme le récit légendaire, on se contente de le citer pour en tirer une leçon sur la suite de lhistoire.
Fénelon dans sa Lettre à lAcadémie Française est encore très proche de Cordemoy, il sen distingue néanmoins pour laisser un peu plus de place à la critique et à la discussion des sources mais lidée reste la même, éviter toute érudition excessive, privilégier une histoire récit plus proche dun plaisir de la lecture.
Pourtant, quoiquil en die, il arrive à Cordemoy de critiquer les témoignages quil rapporte ; il entreprend de réhabiliter le personnage de Brunehaut pour lequel il éprouve une grande sympathie malgré la réputation de cruauté et de dévergondage que lui font les historiens du temps.
Brunehaut (550-613), reine du royaume franc dAustrasie, fille dAthanagilde, roi des Wisigoths (554-567). Brunehaut fut mariée à Sigebert Ier, roi mérovingien dAustrasie. Sa sur Galswinthe épousa le frère de Sigebert, Chilpéric Ier, souverain de la Neustrie. Frédégonde, la maîtresse de Chilpéric, fit assassiner Galswinthe avant dépouser Chilpéric. Brunehaut décida de se venger de Frédégonde, et les annales de la Gaule des cinquante années suivantes abondent en exploits sanglants quils attribuent à la haine réciproque que se vouaient les deux femmes. : « tout ce quon se peut imaginer de plus atroce fut dit contre Brunehaut ; et comme il ne se trouve aucuns mémoires qui aient été faits du temps de cette Princesse, ceux qui en ont écrit dans la suite, recueillant sans discernement tout ce qui se disait de leur temps, ont mêlé beaucoup de fables à leurs ouvrages, et sont tombés en mille contradictions. Par cette raison il sera nécessaire de rapporter les différentes choses quils ont dites, afin que ceux qui liront cette Histoire, puisse juger par eux-mêmes ce quil faut croire. » (Histoire de France, Page 275).
Ce souci de réhabiliter Brunehaut est unique dans LHistoire de France par lapplication que Cordemoy y met, il y consacre plusieurs pages pour faire delle presque une sainte ou peu sen faut, le personnage de Frédégonde est au contraire noirci et contesté au rebours de celui de Brunehaut dans la tradition qui se rapporte à elle deux. On pourra en juger par deux autres exemples extraits du même ouvrage de Cordemoy, lun se rapporte de nouveau à Brunehaut, le second met en doute un exploit attribué à Frédégonde par lauteur des Gesta Regum Francorum.
« Dans une si grande contrariété, il est nécessaire, pour démêler la vérité, de rapporter tout ce qui sest écrit, ou pour ou contre cette Princesse : mais, comme il faut que lhistoire ait une suite, il est bon de choisir entre tant de choses opposées, celles qui ont le plus de rapport à tout ce quon sait delle avec certitude, pour en composer le récit de sa vie, et néanmoins exposer les autres faits dans les temps où ils doivent être marqués, pour laisser juger auxquels il y a plus raison de sarrêter. » (Histoire de France, Pages 282 -- 283).
« Tout cela paraît un conte fait à plaisir ; et si tant de choses extraordinaires étaient véritables ; si Frédégonde eût été présente à la bataille de Truccia ; si elle eût harangué ; et enfin si elle eût obtenu une si belle victoire, quelquune de ces circonstances aurait bien mérité dêtre relevée par ceux qui ont écrit de cette guerre dans les temps les plus proches de celui où elle sest faite. Cependant Frédégaire, qui parle aussi peu de Landry en cette occasion, que lorsque Chilpéric fut tué, se contente de dire que Wintrion était entré avec larmée de Childebert au Royaume de Clotaire, et quil fut mis en fuite après un combat où il périt bien du monde de part et dautre. Paul Diacre écrit aussi quil périt en cette bataille plus de trente mille hommes, sans dire non plus que Frédégaire, qui de Childebert ou de Clotaire demeura victorieux, et il ny a aucun Auteur qui dise quelle suite eut cette guerre : mais il est évident par dautres choses quils rapportent, que Childebert y eut de grands avantages. » (Histoire de France, Page 277).
Il y a donc une leçon de lhistoire mais aussi un plaisir de lhistoire. Dans ses observations sur lHistoire dHérodote Cordemoy donne un certain nombre de règles décriture du récit historique. Il prétend tirer ces règles de la considération du texte dHérodote, celles-ci sapparentent étrangement aux règles du récit de fiction (fabuleux) : le vraisemblable à privilégier sur le vrai quand la tradition la préféré, le style concis, le texte pas trop chargé. Dans sa Lettre à lAcadémie Fénelon écrivait bien que lHistoire doit (
) ressembler un peu au Poème épique.
Cordemoy critique les historiens de son temps leur reprochant de privilégier un appareil critique trop abondant, rendant difficile la lecture, et le récit historique peu attrayant. Le récit historique a donc une finalité précise qui est moins celle dune connaissance exacte et précise des temps passés que dun enseignement utile aux générations présentes. Lutilité pédagogique prime la vérité et il convient de toujours retenir la leçon qui saccorde le mieux avec les principes éducatifs que lon entend inculquer aux jeunes gens. Quand la critique historique remet en cause la tradition et que cette remise en cause invalide lenseignement que lon aurait pu tirer de cette même tradition maintenue il faut alors refuser la critique historique.
Lhistoire de Cordemoy nest pas très loin de la légende, elle souligne constamment laction morale des grands hommes, elle montre limportance de léducation du prince. Le malheur des peuples provient souvent dun défaut déducation des gouvernants. Cordemoy sattache à le montrer dans son Histoire de France. Charlemagne qui représente un modèle pour la royauté, une forme darchétype, parfait continûment sa formation soit dans les livres, soit dans lécoute de ses conseillers et hommes sages qui laccompagnent dans tous ses déplacements.
Charlemagne est un modèle historique à plus dun titre, il entretient des rapports étroits avec la papauté romaine mais en même temps il garde toutes ses prérogatives royales. Il sarroge le droit de convoquer des Conciles, donc de convoquer des évêques pour leur demander de statuer sur des questions decclésiologie ou de foi, le pape ne peut nommer des évêques sans son consentement. Cordemoy le montre apprenant le latin et même le grec, il est capable de sentretenir avec les plus sages, son pouvoir nest pas seulement temporel il est aussi moral et spirituel.
Le Grand carolingien offre donc une mesure de la royauté, il apparaît comme un modèle donné par lhistoire, lillustration parfaite du témoignage essentiel de celle-ci et du rôle quelle doit jouer dans léducation du prince. Il convient au prince, en effet, de suivre des modèles pratiques. La morale fondée sur la métaphysique ou la théologie, la morale théorique nest pas celle quil convient denseigner au prince. Léducation princière doit fuir lérudition, doù lintérêt de lhistoire qui permet une forme denseignement basé sur la doxa et non sur la théorie. Le modèle nest plus le roi philosophe platonicien, le monarque donne les lois mais surtout agit et exécute. Pour donner les lois il sentoure de personnes compétentes, cest ce que montre le modèle historique de Charlemagne : Alcuin, le conseiller intime du prince et son Mentor, le guide dans toutes ses décisions importantes : « ce quEginhard a écrit fait connaître, que Charles pouvait faire bien des choses de nature fort différente, sans que les unes empêchassent les autres. Il dit entre autres, quen quelque lieu que fût ce Prince, et quà quelque heure quon le prît du jour de la nuit, il écoutait tous les différends quon lui proposait, et les décider sur-le-champ. Ainsi la guerre chez lui nempêchait point la justice ; et ces pénibles fonctions de Capitaine et de Juge, ne lempêchaient pas de donner bien du temps, non seulement à la famille, quil ne manquait jamais de faire venir dans les lieux où il avait un peu de séjour à faire, mais encore à létude des sciences, pour lesquelles il avait presque toujours Alcuin auprès de lui. » (Histoire de France, Page 535). Charlemagne représente, donc, un modèle positif, un modèle à suivre mais il en existe de négatifs, des exemples à éviter.
Dans Les Maximes Tirées De LHistoire, Cordemoy utilise lhistoire des derniers Valois comme une sorte de recueil de maximes, chaque micro récit est précédé dune leçon que lexemple historique illustre. Maxime dix-sept : la Religion est le plus odieux prétexte, quon puisse donner à une cruauté. « En 1568, les Espagnols jaloux de létablissement des Français dans la Floride, prirent le fort Charles, quon y avait fait bâtir, et déchirèrent tous les Français par morceaux, après leur avoir crevé les yeux, disant quils les traitaient ainsi, non comme français, mais comme Luthériens. » (p.45)
Chaque précepte de morale politique est suivi dun exemple pratique. Cest ce rôle dillustration pratique qui convient par excellence au récit historique. Pour Cordemoy il y a donc bien une leçon de lhistoire, mais une leçon qui la précède. Les Espagnols de la maxime dix-sept seront châtiés dans la maxime dix-huit pour avoir transgressé le précepte énoncé plus haut.
Maxime 18 : Dieu permet ordinairement, que les grandes cruautés soient sévèrement punies. « Dès que les Espagnols se furent rendu maître de la Floride, quelques barbares du pays, qui gémissaient sous leur tyrannie, sétant joints à une troupe de Français étrangement résolus, entrèrent du premier assaut dans le Fort. Tout ce qui sy trouva dEspagnols, furent assommés ou pendus, avec cet écriteau quon mit au-dessus de la potence, non comme Espagnols, mais comme corsaires. » (p.45)
Le cours de lhistoire paraît parfaitement compréhensible, les événements senchaînent suivant des lois ou préceptes a priori en suite de conséquences, selon quils respectent ou non ces préceptes énoncés comme vérités établies. Le récit historique doit faire apparaître cette suite de conséquences, comme il doit constamment aller à lessentiel, il évite le détail, dans ses Observations sur Hérodote Cordemoy exprime cette nécessité : « La troisième chose quon doit remarquer dans Hérodote, est que jamais il ne descend dans un trop grand détail des choses communes : ce qui rend son récit merveilleusement intelligible et succinct. Les Histoires embarrassés de mille petits événements, comme des amours, ou des autres passions particulières des Princes, dont le succès na point apporté de notables changements dans un état, sont toujours fort désagréables. Car, outre quon nen saurait apercevoir la suite, il est certain quon lit toujours avec quelque espèce dennui, ce qui na rien de remarquable, ou na point de rapport aux grands événements qui font le principal, et à vrai dire, le seul sujet de lHistoire. » (Observations sur lHistoire dHérodote, pp.121-124, (p.2))
Cest pour la même raison que Cordemoy rejette la recherche de preuves en histoire : « Il me semble encore que ce qui a beaucoup servi à la netteté de son Histoire (celle dHérodote), est quil napporte que rarement les preuves de ce quil dit. Véritablement il arrive peu que les preuves soient nécessaires ; et comme elles interrompent toujours la narration, elles sont toujours fort désagréables. » (Idem, p. 124, (p.2)). Refuser les preuves revient à aller à lessentiel, cest-à-dire à ne retenir que lenchaînement causal qui conduit aux événements, car, nous lavons vu, lhistoire est une suite logique de causes et de conséquences : « Au reste, quand on se contente décrire les choses principales, on na pas besoin de tant de preuves : les causes des grands événements sont dordinaire assez connues, ou si quelquefois on ne sait pas les véritables, il y en a toujours que lon croit communément, auxquelles il est bon de sarrêter. (...) Mais on écrit toujours bien lhistoire, quand on écrit agréablement et nettement ce que des peuples entiers ont crû des choses passées. » (Ibidem, pp.124-125, (p.3))
Dans les causes qui commandent lenchaînement des événements historiques il y a ce que Cordemoy appelle le naturel des pays, le naturel des peuples, la religion et les murs. Sarrêter à eux a toute son importance, il ne sagit plus de détails mais déléments causaux nécessaires à la compréhension de lhistoire : « Je trouve encore une choses dans lhistoire dHérodote, qui la rend bien différente des nôtres. Elles sont toutes pleines de ce qui ny devrait pas être, et ne font presque pas mentions de ce quelles nous devraient principalement apprendre. Elles ne parlent ni du naturel des pays, ni de celui des peuples, ni de la Religion, ni des murs ; et cest ce quHérodote fait avec une exactitude, un ordre, et une brièveté que je trouve admirable, quand je considère la prodigieuse quantité des événements, qui composent son Histoire. » (Idem, p.127, (p.4))
Hérodote apparaît donc comme un modèle à suivre, il représente bien cette nécessité de lhistoire dans léducation des Princes : « La première chose, qui me paraît de cet historien, est quil a bien connu ce qui doit servir de sujet à lhistoire. Il na fait la vie daucun Prince en particulier, et ne sest arrêté quaux choses principales, qui ont servi aux changements notables des états, dont il sest proposé de parler. Il déclare dabord quil veut écrire les grandes et merveilleuses entreprises des Grecs et des barbares. Il ne dit pas quil va écrire la vie de Crésus, celle de Cyrus, ou celle de quelque autre Prince ; et sil en relève quelque circonstance, ce nest précisément que celles qui ont servi à létablissement ou à la ruine de quelque Empire. » (Observations sur lhistoire dHérodote, p.121, (p.2)). Cette première observation est reprise dans lopuscule suivant : de la nécessité de lhistoire sous la forme dun précepte pédagogique : « un Prince ne doit pas sattacher à LHistoire pour sen entretenir simplement, ni se persuader quil en mérite plus de gloire, pour savoir tous les faits dAlexandre, de César ou de Charlemagne, et de tant dautres, dont on a fait des Héros. Il ne doit lire la vie de ces grands hommes, que pour imiter ce quils ont eu de bon ; et sil veut se proposer quelque chose dexcellent, cest de les surpasser. Il y a toujours je ne sais quoi de bas à nétudier que pour paraître docte ; et si quelquefois cela se peut souffrir, ce nest que dans les personnes, qui pour soulager leur fortune, sont obligés de donner bonne opinion de leur savoir. Mais on ne peut supporter quun Prince fasse le docteur ; et, comme il serait honteux que ceux qui savent lhistoire, saperçussent quil ne la sût pas, on trouverait ridicule quil fit vanité de la savoir. Toute la gloire quil peut tirer de cette lecture, est de montrer par ces actions quil en a bien profité. Cest, à mon avis, la première pensée quil faut donner sur ce sujet. » (De la nécessité de lhistoire, pp.141-142, (p.10)).
La connaissance de lhistoire doit conduire à laction et non pas linhiber. Lérudition, la critique historique conduisent au doute, à lincertitude concernant les enjeux de lhistoire, voire, à se poser la question sil existe vraiment des enjeux historiques. Cest en agissant et non dans une réflexion critique que le prince manifeste sa connaissance de lhistoire, chaque événement narré contient un précepte qui induit une forme daction ou plutôt la recommande.
Les personnages historiques ne comptent pas alors par les circonstances de leur vie, mais parce quils sont les différentes figures quune forme de causalité revêt dans le cours du temps de lhistoire. Ils nont donc dimportance que par leur caractère paradigmatique, ils disparaissent dans la leçon quils donnent ou plutôt quils représentent. Ils nagissent pas dans la sphère privée mais sur lhumanité doù le peu dintérêt des circonstances de leur vie privée.
Dans lopuscule : Ce quon doit observer en écrivant lhistoire, Cordemoy revient sur ces idées, le sixième précepte énonce ainsi : « ne raconter que les grands événements, et nécrire rien en détail que les causes des grands changements. » (Op. cit. p.138, (p.8)). Le septième précepte est encore plus explicite : « Noublier ni les femmes, ni les enfants des rois : mais ne parler des rois mêmes quà propos des affaires ; et ne relever aucune circonstance de leur vie, que celles qui ont servi aux grands changements. » (Op. cit., p.138, (p.8)). Et si dans le registre des causes il advient quun autre personnage que le roi tienne une place plus essentielle, il conviendra de lui accorder, aussi, plus de place quau roi : « Songer bien que les Rois sont à la vérité les plus remarquables personnes de lhistoire, mais que les grands changements en sont le véritable sujet ; que, comme souvent un Ministre, et quelquefois une femme y a plus de part que les Rois, on est obligé en plusieurs endroits de donner plus de place, et de relief à ce qua fait ce Ministre, où cette femme, quà ce que le roi de leur temps a fait. » (Idem, p.139, (p.8))
Cest cette effectivité qui donnera sa légitimité au premier carolingien Pépin le bref quand il revendiquera pour lui la royauté au détriment du dernier mérovingien. Dans son Histoire de France Cordemoy est en effet amené à trancher cette question de la légitimité ; le débat est dimportance étant donné le caractère sacré du personnage du roi. Cordemoy rappelle que lonction royale est dinstitution divine, quelle remonte à Saül et David. Comment justifier, puisque lonction, le choix divin se maintient dans une famille, quun ministre, maire du Palais puisse renverser celui que la lignée désigne comme roi. Dans son Histoire de France Cordemoy montre que le succès dans ses entreprises rencontré par le père Charles Martel et le fils Pépin le bref, est un signe délection divine.
Si lopuscule de Cordemoy sintitule de la nécessité de lhistoire ce nest pas par une clause de style, il faut entendre nécessité au sens premier et fort de ce qui conditionne lexistence dun être, au sens donc de qualité essentielle.
LHistoire est donc nécessaire à léducation parce quelle en constitue le fondement et que sans elle léducation ne serait pas ce quelle est. Ainsi le neuvième précepte de cet opuscule énonce ceci : « Comme lHistoire bien prise, est ce qui peut le plus servir à linstruction dun Prince, il ne lui faut presque parler des autres sciences humaines, quà loccasion de celle-là. On les y peut mêler avec tant dadresse, quil sache tout ce quil en doit savoir, avant même quil saperçoive de les avoir étudiées ; et cette méthode a sans doute de grands avantages. Car, outre quelle est plus agréable que celle dexaminer les sciences par certains principes propres à chacune, il est certain quil y a bien de la peine et du dégoût à les apprendre lune après lautre, sans voir de quel usage elles sont dans le monde. Au lieu que les rapportant toutes à lhistoire, et ne disant de chacune que ce qui peut être dit à propos des lieux, des temps, des personnes, ou des choses qui servent de sujet à lhistoire, on est toujours en état de les bien entendre ; et comme on nen connaît lutilité, on sy applique sans peines. » (De la nécessité de lhistoire, 9, pp.144-145, (p.11))
Dans le propos de Cordemoy un mot est à souligner : « occasion », Il ne faut parler des autres sciences quà loccasion de lhistoire. Ce mot « occasion » dans la pensée de la causalité, dans luvre de Cordemoy, prend un sens tout particulier. Si lenseignement des autres sciences nest, en quelque sorte, mis en mouvement quà loccasion de lhistoire, cela veut dire que cette dernière les précède dans lordre des causes, que donc chaque fois quil faudra susciter dans lesprit du prince les connaissances véhiculées par ces autres sciences, le précepteur du prince les évoquera à loccasion de leur rencontre avec le récit historique; ainsi quun mobile est mu à loccasion de sa rencontre avec un moteur par la seule volonté divine. LHistoire devient principe dorganisation de lensemble des connaissances à enseigner, moteur de celle-ci suivant la volonté même du précepteur du prince.
LHistoire occupe la place des racines, celle de la métaphysique et de la théologie dans larbre cartésien de la connaissance.. Cette priorité de lhistoire, sa nécessité découle du caractère non théorique des contenus denseignement de léducation des princes. Un Prince doit apprendre dabord à agir, les connaissances quil acquiert ne doivent pas être inhibitrices de laction mais au contraire y inciter. Lhistoire, comme nous lavons vu, délivre des modèles, des exemples à suivre, elle sert ainsi de paradigme daction.
Cette préséance de lHistoire la place au commencement de tout apprentissage ; commencer par lHistoire cest ordonner toutes les connaissances au tronc commun historique. Même les sciences premières dans lordre canonique des connaissances, la philosophie et la théologie, se greffent au tronc de lHistoire. Elle devient donc schéma directeur, schéma organisateur. LHistoire permet de comprendre la complexité et la beauté non seulement du monde et des usages des sociétés humaines, mais celles de la création tout entière comme univers : « Ainsi, en commençant lhistoire par la Genèse, un Précepteur qui saura bien mettre en usage la philosophie, et même la théologie, pourra sans cet embarras de principes de syllogismes, dont on fatigue les jeunes esprits dans lécole, faire entendre au Prince ce quon est obligé de savoir touchant la création, en expliquant ce mot, et en exposant sommairement la meilleure raison, quon ait de croire que le monde na pu être de toute éternité. Il pourra faire en même temps admirer à son disciple la beauté de lUnivers, lordre de sa création, lexcellence dun si grand ouvrage, et lui donner par ce seul entretien une plus haute idée de la puissance, de la sagesse, et de la bonté de Dieu, que ne pourrait faire deux années de philosophie, et trois années de théologie. » (De la nécessité lhistoire, op. cit. p.145, (p.11)).
Dans le propos de Cordemoy, ce qui est à proscrire ce sont les principes et les syllogismes, cest-à-dire, pour la philosophie de lépoque, ce qui est au principe de toute connaissance organisée. La Logique de Port-Royal, pour prendre cet exemple dun enseignement fondé sur des principes qui sont, selon lui, ceux de toutes les formes du raisonnement, se veut un art de penser. Elle enseigne les principes du raisonnement indépendamment de toutes circonstances particulières, de tous événements particuliers. Dans les catégories quelle énonce viennent se ranger naturellement circonstances et événements comme les pièces dun jeu dans les cases qui leur correspondent. La démarche de Cordemoy est à lopposé, circonstances et événements historiques organisent lenseignement des sciences premières en invalidant les formes premières de tout raisonnement, les principes et les syllogismes. Ceux-ci sont qualifiés de « fatigants », plus exactement : on en fatigue les jeunes esprits dans lécole. Le rejet de lapprentissage des principes et des syllogismes, cest-à-dire le rejet de ce qui est au fondement de lart de penser, procède du désir de suivre lagrément de lélève princier, il procède dun second ordre de considérations : lefficacité et lutilité : « et lui donner (...) une plus haute idée de la puissance, de la sagesse, et de la bonté de Dieu, que ne pourrait faire deux années de philosophie, et trois années de théologie. » (Idem, p.145, (p.11)).
En tout état de cause il ne sagit jamais de faire du prince un docteur, un savant, le roi agit pour le bien de ses sujets, son rôle nest pas du côté de la réflexion et des considérations théoriques ou artistiques. Dans son Histoire de France Cordemoy donne un contre-exemple, celui de Chilpéric Ier Roy de Neustrie: « Il se mêla aussi de faire des vers, mais faibles, et pleins de fautes pour la mesure. Enfin il ajouta aux lettres, dont on se servait de son temps, quatre caractères pour marquer tout dun coup certaines prononciations, dont chacune avait besoin de plusieurs lettres. Il fut si amoureux de cette invention, quil ordonna quon les enseignerait dans toutes les villes de son Royaume, et quon effacerait de tous les vieux livres les endroits, où ces prononciations étaient exprimées par les lettres ordinaires, pour y mettre les caractères quil avait inventés. On ne sen servit que pendant quil vécut ; et sil crut avoir mérité par là bien de la gloire, il se trompa fort : on estime les Princes qui cultivent les sciences ; et cela sert à leur gloire, quand ils sont justes dailleurs, et attentifs à tous leurs devoirs. Mais on ne peut voir, sans mépris et sans horreur, un Prince aussi injuste dans tous ses desseins, et aussi abandonné à ses sales plaisirs que létait Chilpéric, samuser à faire le docteur, tandis quune femme maîtresse de son esprit, fait servir toute son autorité à de cruelles injustices, et remplit toute la famille de sang. » (Histoire de France I, p.225).
Léducateur ménage le temps de son royal disciple, il lui épargne les difficultés dun ordre des sciences qui ne lui serait daucune utilité, voire, qui entraverait sa décision dagir. Cordemoy évoque Platon au début de la Réformation dun État : « nous parlâmes longtemps de léducation des enfants, dont nous crûmes que dépendait tout le bonheur des États ;(vous savez) que cela nous donna occasion de parler de quelques lois de Platon ; et que dans la liberté de cet entretien que rien ne contraignait, nous parlâmes fort de la Réformation dun État. » (De la Réformation dun État, p.156, (p.16)) Pourtant lordre que suit Cordemoy ne saccorde nullement avec lenseignement de Platon. Il y a deux ordres distingués, celui de léducation, et celui de la constitution et des lois. Concernant la constitution et les lois lordre des connaissances qui président à leur établissement, doit être linverse de celui qui préside à léducation des élèves des académies de lEtat Réformé. Pour létablissement des lois il faut bien sûr suivre lordre qui va des principes métaphysiques et théologiques aux faits et comportements quelles régissent. Dans léducation lordre est inverse, on part des faits et événements énoncés par lhistoire et lon rejoint les principes quils illustrent pour lenseignement du prince comme pour celui des élèves des académies de lEtat Réformé. Lexemple pris par Cordemoy est celui de la religion, le rôle que joue bien sûr lhistoire sainte dans le Christianisme paraît de ce point de vue paradigmatique : « la Religion même, et tous ses devoirs peuvent être enseignés et démontraient avec une évidence toute entière, en examinant lhistoire. La manière dont le premier homme a été formé, et la différence que la Genèse met entre lui et les bêtes, donne lieu de faire connaître à un Prince en quoi consiste la dignité de lhomme, et combien son âme est différente de son corps. » (De la nécessité de lhistoire, 11, pp.145 146, (p.11)).
Sil en est ainsi, si la religion et tous ses devoirs peuvent être enseignés à partir du récit historique cest aussi parce que lhistoire, comme la religion révélée, repose sur la croyance admise et reconnue par la tradition. On retrouve ce point de vue dans le Léviathan de Thomas Hobbes : « Et ceux qui croient ce quun Prophète leur raconte au nom de Dieu acceptent la parole de ce Prophète, lui font honneur, ont confiance en lui, le croient [en ce qui concerne la vérité de ce quil raconte], quil soit un vrai ou un faux Prophète. Il en est de même pour toute autre Histoire ; en ne croyant pas en effet tout ce que les Historiens ont écrit des actes glorieux dAlexandre ou de César, je ne pense pas quaient légitimement lieu de sen offenser [lEsprit d] Alexandre [ou de] César, ni personne autre que lHistorien. En ne croyant pas Tite Live lorsquil dit que les Dieux ont donné la parole à une Vache, nous ne manquons pas de confiance en Dieu, mais en Tite Live. Ainsi, il est évident que quoi que ce soit que nous croyions sans autre raison que celle qui est tirée de lautorité des hommes et de leurs écrits, que ces hommes soient ou non les envoyés de Dieu, notre Foi est seulement dans les hommes » (Léviathan, livre1, chap.7).
Lexemple donné, par Cordemoy, du récit de la Genèse montre bien comment lon passe du récit biblique à la théologie chrétienne de la création pour aboutir à la question métaphysique du Discernement de lâme et du corps.
Adam et Eve, le récit de leur première entente, sera loccasion dintroduire la morale et son fondement métaphysique : « on lui peut aussi faire connaître en quoi consistait le bonheur du premier homme et de la première femme. Un Prince, quelque jeune quil soit, est capable dentendre que Dieu, puissant et sage comme il est, les avait créés dans un état plus parfait que celui où nous sommes. Et, quand on lui fera lire dans la suite, comment ils sont devenus avec toute leur race, sujets aux passions, à la douleur, et même à la mort, il sera capable de ces hautes leçons, et les entendra bien mieux à propos de lhistoire, que si on lui en faisait des discours séparés. » (De la nécessité de lhistoire, op. cit., douze, p.146, (p.11)).
LHistoire sainte est le modèle de cet enseignement qui lui-même se veut un enseignement par lexemple, il sagit toujours « dobserver » de « faire connaître », « faire remarquer », « faire voir ». Celui qui est chargé de lenseignement du prince a comme rôle essentiel de montrer, de faire toucher du doigt, le recours à la raison raisonnante reste secondaire. La démarche est constamment inductive, on remonte de lexemple à la notion théorique : « les exemples quon saura placé à propos dans la suite de lhistoire, lui feront connaître combien la grâce, que Jésus-Christ nous a méritée par sa mort, répare avantageusement le mal, que le premier homme a fait à tous les autres. » (Idem, 14, pp.146-147, (p.12)). Ou bien loccasion dun enseignement du théorique conduira immédiatement à une observation pratique : « il ne faudra pas manquer, à loccasion de la création générale, de lui faire concevoir sur une sphère, comment lunivers est fait, du moins, ce qui nous en paraît. » (Ibidem, 16, p.147, (p.12)).
Une connaissance purement spéculative égare lesprit et cela surtout pour ce qui est de la morale. Il est essentiel que le prince découvre cette science morale à travers lhistoire. Pour les hommes du commun la morale « est une science purement spéculative (...) ; et cest de là sans doute quil arrive que les particuliers qui sy donnent tout entier, se perdent en tant de recherche vaines qui paraissent curieuses, et qui, pour les bien nommer, sont très souvent aussi impertinentes, quelles sont inutiles. » (Ibidem, 18, pp.148-149, (p.12)). Aussi ne doit-on « lire lhistoire, que pour apprendre à régler ses murs ; et comme il ny a principalement que les hommes qui sont dans les premières places, qui puissent y trouver beaucoup dexemples pour eux, il ny a aussi que ces personnes pour qui lon puisse dire que lhistoire soit faite. » (Ibidem). Le caractère exemplaire de lhistoire est ici encore affirmé, elle est ce quil importe que le prince connaisse en tout premier lieu : « Mais les Princes y trouvent quantité dexemples pour eux-mêmes : tout leur représente ce quils sont, ce quils peuvent devenir, ce que certains vices leur peuvent causer de mal, et ce que certaines vertus leur peuvent causer de bien. Ainsi, ceux qui les conduisent en cette lecture, peuvent selon les occurrences, les entretenir, tantôt dune passion, et tantôt de lautre : leur faire concevoir le naturel de chacune, ses effets ordinaires, le profit quon en peut tirer par le bon usage quon en peut faire, les maux quelles causent, quand elles sont les maîtresses ; et enfin comment il les faut gouverner en soi-même, ou dans les autres » (Ibidem).
La politique suit tout naturellement la morale en sen distinguant : la leçon est aristotélicienne, en sy confondant : la leçon est platonicienne, mais au lieu que le politique comme le moral soient déduits des idées premières de bien, de beau, dégal et de mesuré, morale et politique sont abordées à partir dexemples, à partir de lHistoire : « Quant à la politique, qui est la véritable science des rois, elle sapprend mieux dans lhistoire, en examinant en quoi chaque Prince a bien, ou mal fait, en disant pourquoi il est louable, et en démêlant les causes des bons ou des mauvais succès de toutes les entreprises quil a faites, quen raffinant, comme on fait certains Auteurs, que le commun des hommes estime les plus habiles en ces matières. » (Ibidem, 19, p.149, (p.13)). Ces certains Auteurs seraient-ils précisément Platon et Aristote ?
Cordemoy oppose implicitement à lintemporalité des idées platoniciennes, aux essences premières aristotéliciennes, la temporalité de lhistoire cest-à-dire sa chronologie. La chronologie est pour Cordemoy comme un attribut essentiel, sans elle on ne peut rien retenir de lhistoire, science du temps ou science des temps elle est au fondement du jugement que lon doit se faire des événements passés : « pour la chronologie, qui est la science des temps, elle est si nécessairement de lhistoire, quon ne peut savoir lune, sans lautre ; et comme il faut être soigneux de marquer sur le globe les lieux où les choses, dont il apprend lhistoire, se sont passés, il faut être fort soigneux aussi de lui faire marquer le temps que ces choses ont duré. » (Ibidem, 17, Page 148, (p.12)).
Le lieu et le temps sont des modalités de tout ce qui est sujet au changement, et donc au mouvement de la génération et de la corruption. Cordemoy est donc loin dune connaissance des universaux telle que lenseigne la métaphysique dans la philosophie : « il faudra faire remarquer au prince, que pendant ce temps un tel Empire commença, ou quun tel prince commença à faire grand bruit dans une telle partie du monde, afin que liant ainsi par le temps tous les différents événements, il puisse dans la suite mieux juger de chacun. » (Ibidem). LHistoire est le récit (le logos) de ce qui naît et de ce qui meurt, les hommes, les empires, les royaumes : « on lui fera compter les années de la vie des personnes qui sont nommées, ou de la durée des choses qui y sont racontées. » (Ibidem).
Cette science des temps ne peut remplacer la connaissance des universaux que parce quelle est fondée sur lHistoire sainte, celle-ci, en effet, allie lorigine intemporelle de tout ce qui vit et meurt avec ce qui vit et meurt dans le temps, lorigine de tout changement avec tout ce qui change : Dieu et sa créature. Cest dans cette mesure que le récit de la Genèse, ceux du Pentateuque dans leur ensemble peuvent se substituer à la physique et à la métaphysique du premier moteur aristotélicien, au démiurge du Timée de Platon.
Lhistoire sainte sert de ligne de compréhension à lhistoire de lhumanité, dans léducation du prince il faudra y revenir constamment ; cest elle qui rend compréhensible lensemble de la matière historique : « on sera soigneux aussi, quand il lira les autres histoires, de le faire souvenir de ce qui est arrivé au peuple saint dans le temps, dont ces histoires font mention. Cette pratique est dautant meilleure, que le prince saura par ce moyen, quelle a été létat de tout le monde en chaque temps, et pourra bien mieux entendre les raisons de tous les grands changements qui y sont arrivés. » (Ibidem, 26, p.153, (p.14)). Néanmoins la lecture de la Bible ne pourra être commencée quaprès que lélève princier aura pris connaissance de quelque teinture de lHistoire universelle. Pour ce faire il convient de commencer par un abrégé de lHistoire que celui qui linstruit aura eu soin de confectionner : « avant de commencer ce cours dhistoire, qui doit être en même temps celui de toutes les sciences que le prince doit cultiver ; il est bon de lui faire un abrégé de lhistoire, qui lui puisse donner une idée assez claire de la suite des temps, de la naissance de chaque empire ; et qui marquant les différentes époques, fasse assez connaître ce qui sest passé de lune à lautre, pour en faire une liaison continue. » (Ibidem, 24, p.152, (p.14)). Ce nest quaprès avoir pris connaissance de cet abrégé que le prince lira la Bible : « quand on verra quil aura pris par ce moyen quelque teinture de lhistoire universelle, il sera bon de lui faire lire la Bible. » (Ibidem, 26, p.152, (p.14)).
La lecture des historiens suit celle de la Bible, lélève princier disposera alors dun ensemble de repères fournis par son abrégé de lhistoire universelle, et dun fil conducteur ou plutôt dun instrument de compréhension, lhistoire du peuple « dont la Bible contient principalement lhistoire » (Ibidem) qui lui permettra de « bien mieux entendre les raisons de tous les grands changements qui sont arrivés. » (Ibidem), labrégé de lhistoire universelle lui permettant, pour sa part, de savoir « quel a été létat de tout le monde en chaque temps » (Ibidem).
Lenseignement de lhistoire est matriciel, il contient en germes tous les autres enseignements comme nous lavons déjà vu plus haut : la géographie, les mathématiques que lélève princier abordera à propos des fortifications, de leur construction : « et quà propos des sièges, ou des campements, dont il sera fait mention dans lhistoire, on lui fasse des cartes où ils soient représentés, et quon lui en fasse observer toutes les particularités. » (Ibidem, 20, p.150, (p.13)), la chronologie pour laquelle le peuple saint servira encore de modèle, la morale, la philosophie, théologie et bien sûr, la politique. Mais, comme si cela ne suffisait pas, lhistoire, son enseignement est loccasion de connaître : « la différence des coutumes dans les différents pays. » (Ibidem, 22, p.150, (p.13)), le naturel des peuples tenant du naturel des pays et : « souvent ce qui plaît aux uns, déplaît aux autres » (Ibidem, p.151, (p.13)).
Celui qui enseigne lhistoire à un Prince est un homme universel ou peu sen faut, il doit maîtriser toutes ces connaissances, les rendre accessibles, distinguer lessentiel, négliger laccessoire et de plus rendre son propos agréable : « on voit par toutes ces observations, combien de choses celui qui enseigne lhistoire à un Prince, doit faire à la fois ; de quelle adresse il a besoin, pour leur donner leur place à toutes ; et quelle facilité dexpression est requise pour restreindre chacune dans les courtes limites que prescrit lhistoire, dont le récit nest jamais agréable quand il est trop interrompu. Aussi quelque grands que soient les talents de celui qui conduira un Prince en cette étude, il faudra quil médite longtemps sur chaque leçon avant que la faire, pour y mêler utilement et agréablement toutes les autres sciences. » (Ibidem, 27, p.153, (p.14)).
Cordemoy insiste tout particulièrement sur ce que lenseignement de lhistoire doit être agréable, dans sa pédagogie à lusage du prince cest une exigence absolue : « il importe sur tout, de lui rendre lhistoire agréable : cest pourquoi il se faut bien garder de lui faire paraître cette étude fâcheuse, en lobligeant à retenir si exactement les noms, les temps, et les choses. » (Ibidem, 23, p.151, (p.13)). Le pédagogue doit concilier deux choses : laisance et lagrément du récit historique, et la nécessité de mémoriser ce qui a été dit afin de comprendre les leçons suivantes. Un peu comme pour les feuilletons télévisés, le lecteur du prince récapitulera avant chaque leçon, pendant une demi-heure le plus quil pourra des leçons précédentes : « de la lecture des jours précédents, avant que de lire un nouvel endroit de lhistoire » (Ibidem, 23, p.151, (p.13)). Un jour de la semaine sera consacré à tout ce qui aura été le moins retenu. Mais si : « lhistoire est agréable delle-même ; surtout, quand elle est racontée par un homme, qui parle avec aisance et avec agrément : (...) elle est insupportable à un jeune esprit, que lon contraint de retenir tout ce quon lui dit. » (Ibidem). Il reviendra donc au lecteur du roi de répéter souvent en évitant de contraindre le prince de retenir beaucoup. Il y a aussi un profit linguistique de la répétition, elle favorise la facilité de lexpression ainsi que sa correction : « ce quil y a davantageux à suivre cette méthode, cest que celui qui lui répète souvent les mêmes choses, usant de termes différents, et prenant différent tour, apprend enfin au prince à parler de ces matières avec beaucoup dagrément et de facilité. » (Ibidem, 23, p.151-152, (p.14)). Laisance et lagrément sont donc les maîtres mots pour ce qui concerne lenseignement de cette science royale quest lhistoire, il réclame une compétence universelle en même temps que des qualités exceptionnelles de pédagogue. Dans ce programme la crainte de lélève dêtre réprimandé ne doit tenir aucune place, le plaisir dapprendre, favorisant la mémoire, permet déviter le recours à la contrainte. La répétition par le maître du récit historique supplée la mémoire de lélève : « (lHistoire) est insupportable à un jeune esprit, que lon contraint de retenir tout ce quon lui dit. Au lieu que, quand il semble quon ne le veuille obliger quà écouter, il sy attache avec plaisir. Et quand on est assez patient pour lui répéter souvent ce quon voit quil na pas retenu, cette répétition lui rend les choses familières ; et son esprit ne se trouve pas fatigué, comme quand on loblige denfiler des noms et des dates, par la crainte dêtre réprimandé, sil les oublie. » (Ibidem, 23, p.151, (p.13)).
Cordemoy qui met lhéritier du trône au centre de son enseignement dans cet opuscule seulement, pose a priori la nature raisonnable de lenfant en général, il lavait déjà fait dans son Traité physique de la parole, cest que le prince nest pas différent de lenfant en général, il nest pas dune nature distincte, il dispose de la même raison que nimporte quel enfant à sa naissance. Nimporte quel enfant serait donc susceptible de suivre ce programme denseignement royal, la différence entre un quelconque enfant et le prince nest donc quune différence de condition, condition différente qui lamène à fréquenter et à sentretenir avec des personnes qui raisonnent plus juste et sur de meilleurs sujets que ne le font ceux que fréquentent les enfants de moindre condition : « Et, si lon considère que les enfants qui viennent de naître, ont déjà lusage de la raison, quils apprennent en si peu de temps à parler ; on pourra aisément se persuader quil sera facile, en exerçant cette raison par la considération de tout ce qui regarde la vie, et la conduite des hommes, de la rendre bientôt capable des choses les plus sérieuses.
Enfin, si lon examine la différence quil y a entre les enfants des artisans, et ceux quon élève avec un peu plus de soin, on connaîtra quelle ne vient que de ce que les uns conversent avec des personnes qui raisonnent plus juste, et sur de meilleurs sujets, que les gens avec qui les autres se trouvent ordinairement. » (Ibidem, 28, p.153-154, (p.14)).
La différence de condition revient donc à une différence déducation, ce qui distingue le prince du reste de ses sujets cest la formation quil a suivie et non pas une distinction de nature. Est-ce à dire que quiconque suivrait un enseignement de qualité aurait la capacité dêtre roi ! Lélection du prince ne peut reposer sur ce seul critère de la formation et de léducation. Cordemoy dans son Histoire de France montre bien quaucune décision ou considération humaine ne peut consacrer le roi en tant que tel. Il faut nécessairement une insondable décision divine pour quun homme puisse être élevé à cette condition. Lélévation à la royauté de Pépin le bref pose un véritable problème puisquelle ne put avoir lieu sans la déposition de la lignée légitime des mérovingiens ; nous lavons vu plus haut. Cest à loccasion de ce qui pourrait passer pour une usurpation que Cordemoy nous livre son point de vue sur cette question : « Ce qui est remarquable, est que visiblement Dieu, qui tire le bien des plus grands maux, sest servi de lui (Pépin le bref) et de ses descendants, non seulement pour rendre la France heureuse, mais encore pour soutenir lÉglise. Et bien que selon tous les principes de la religion, les Français naient pas dû consentir à lélection de ce Prince, ni Zacharie (le pape) en donner lavis ; on ne peut néanmoins, quand on fait réflexion sur la sainteté de ce Pape, et sur la fidélité ordinaire des Français, sempêcher de regarder ce changement, comme un de ses coups surprenants de la main de Dieu, qui sait tout rapporter à ses fins, et qui ne permettant pas aux hommes de démêler ses voies, ne leur permet pas aussi de juger dun événement si extraordinaire, ni de le tirer à conséquence. » (Histoire de France I, p.437).
Lhistoire de France de Cordemoy donne un autre exemple, celui du rôle décisif de léducation ou de son défaut dans la construction de la personne du roi, cest lexemple dAthalaric le fils dAmalasonte. Amalasonte avait confié léducation de son fils aux hommes les plus sages, mais ses pairs, les Seigneurs ostrogoths, le retirèrent de cette bénéfique influence pour le jeter dans la débauche : « Après la mort de Théodoric arrivée à Rome, le pape Félix troisième ou quatrième du nom, y fut élu en place de Jean ; et Amalasonte qui ny voulut point exciter de trouble, laissa ce Pontife en repos, entretenant dailleurs une grande intelligence avec lempereur ; et voulant par ce moyen procurer une paix profonde à lItalie, pour faire cependant élever le jeune Athalaric en prince qui devait gouverner un grand Royaume. Les Historiens remarquent quelle le mit sous la conduite des plus honnêtes et des plus habiles gens de son siècle. Mais à peine eût-il commencé de les écouter, que les Seigneurs ostrogoths blâmant cette éducation comme mal propre à un Prince qui ne devait, disaient-ils, connaître que les armes, obligèrent Amalasonte de le retirer de la contrainte où le retenaient ceux qui le gouvernaient : et dès que cette contrainte salutaire cessa, il se jeta dans des débauches dont sa jeunesse ne put supporter longtemps lexcès. » (Histoire de France, p.165).
Telle est la force de léducation quelle anoblit ceux dont lorigine est modeste et que son défaut rabaisse à la condition de brute ceux qui sont de noble extraction.
Chapitre II
Une propédeutique historique du politique
Gérauld de Cordemoy a été chargé par le Duc de Montausier, responsable de léducation du dauphin, fils de Louis XIV, denseigner lHistoire de France au royal élève. Il a donc écrit une histoire de France qui est plutôt une histoire de la royauté française rassemblant sa contribution à léducation du Prince.
Si Gérauld de Cordemoy doit son peu de notoriété au Traité physique de la parole et dans une moindre mesure à louvrage de métaphysique Les six discours sur la distinction et lunion du Corps et de lAme, ses travaux dhistoire et de politique, beaucoup moins connus, constituent, pourtant, une partie essentielle de sa pensée. Quoique lon ne connaisse pas la chronologie de ses opuscules, puisquils ont été publiés après sa mort, dabord par sa veuve et ensuite par son fils, Louis Gérauld, le cadre de certains dentre eux semble imposé, cest celui du préceptorat du Dauphin auprès de qui Cordemoy était lecteur ordinaire sous la direction du duc de Montausier. Lutopie De la réformation dun État échapperait à ce cadre, car son écriture, suivant des indices textuels quasi certains, exposés par Pierre Clair et François Girbal dans leur édition critique et partiel des uvres de Cordemoy, remonterait à 1668.
Cordemoy composera divers traités sur lhistoire et la politique, ainsi, donc, quune Histoire de France quil arrêtera à Charlemagne et que son fils, labbé Louis Gérauld de Cordemoy, poursuivra. Jean-François Battail dans son Cordemoy avocat philosophe de 1973 reproduit cette déclaration de Racine extraite du titre : Pierre Corneille remplacé par Thomas Corneille, « sil nétait pas mort prématurément, il aurait peut-être été à lhistoire ce que Corneille fut à la tragédie. » (op. cit., p.38)
Il semble que Cordemoy ait dû sa carrière dhistorien à la disgrâce de Mézeray auteur dune Histoire de France depuis Pharamond qui avait fort déplu, on lui reprochait dêtre irréligieuse et de critiquer la politique financière de la monarchie, bref Mézeray serait antimonarchiste. Il fallait, pour lenseignement du Dauphin, reprendre une matière complexe et difficile mais avec dautres présupposés.
Gérauld de Cordemoy est classé dans ce que lon appelle les petits cartésiens, par ses dates de naissance et de mort il se situe entre Descartes et Malebranche, ainsi en a-t-on fait le successeur de lun et le précurseur de lautre. Descartes a trente ans lorsquil naît à Paris, Malebranche a quarante-six ans lorsquil meurt, avocat au Parlement de Paris, académicien, professeur de langues et philosophe.
Ces dates situent Gérauld de Cordemoy entre Descartes et Malebranche. Considéré, donc, comme un « petit cartésien » il est aussi un précurseur de Malebranche par un des aspects de sa pensée. Entre cartésianisme et occasionalisme il développe une pensée de la causalité que lon retrouve pour partie dans Malebranche, même si son atomisme le rapproche davantage du gassendisme. Si lon sen tient à son traité Du discernement de lâme et du corps et au Traité physique de la parole cest évidemment la question de la postérité de Descartes qui devient essentielle pour comprendre Cordemoy mais ses travaux dhistoire et de politique révèle une pensée originale qui dépasse le cadre du cartésianisme.
Comme pour un de ses prédécesseurs, La Mothe le Vayer, auprès du jeune Louis XIV, le souci pédagogique tient une place importante dans les considérations de Cordemoy. Il y a dans son uvre un rejet très explicite de lérudition historienne au nom dune utilité de lHistoire comme enseignement. Il ne sagit jamais dacquérir des connaissances pour elles-mêmes mais toujours dapprendre lart de gouverner, tous les opuscules sur lhistoire et la politique, comme son histoire de France répondent à cet objectif.
Les « anaktopédies » comme la Cyropédie de Xénophon sont, bien sûr, présentes et jouent un rôle important comme modèles implicites pour la réflexion de Cordemoy, les références aux auteurs antiques sont explicites. Dans lopuscule De la nécessité de lhistoire, il évoque ainsi la figure du jeune prince Cyrus, à partir du texte même de Xénophon : « Cyrus, quon avait accoutumé tout jeune à raisonner sur tout, et à qui lon avait fait comprendre de bonne heure, que peu de chose suffit pour soutenir la vie, en sorte quil ne mangeait souvent que du cresson et du pain, sétonna chez Astyage son aïeul, lorsquil vit tout lappareil dun grand repas. Il demanda ce que cétait ; et quand il eut appris que tout cet apprêt se faisait pour dîner : Pourquoi, dit-il, prendre cette peine ? Et doù vient que lon sembarrasse tant dune chose, qui se peut faire si aisément, et à si peu de frais ? Un enfant qui raisonne ainsi sur le manger, marque bien que, quand la raison est exercée dès le premier âge, elle en devient bien plus forte. » (De la nécessité de lHistoire, op. cit., paragraphe XXVIII, p.154, (p.14))
Hormis Xénophon, il sintéresse également à Hérodote, et ses Observations sur lhistoire dHérodote lui permettent de développer sa propre conception de lhistoire, mais aussi Thucydide, assez peu Plutarque.
Mais lon reconnaît dautres influences plus proches dans le temps de notre auteur. Pour ce qui est du genre de l« anaktopédie » on notera les prédécesseurs, Lamothe Le Vayer mais aussi Erasme de Rotterdam et son Codicille dor. Cela ne signifie pas que le propos philosophique et métaphysique des uvres de Descartes nengage rien dans les opuscules politico-historiques de Cordemoy, et sil ny a pas à proprement parler de réflexion sur le pouvoir et la puissance dans le champ du politique on peut néanmoins voir dans lorganisation théorique-pratique de lÉtat, quil préconise, un certain nombre dimplicites.
Comme tous les penseurs politiques du 17ème siècle, Cordemoy subit probablement linfluence, plus ou moins directe, de Jean Bodin dont on ne saurait sous-estimer limportance pour comprendre les théoriciens politiques du grand siècle. Immense penseur, grand philosophe Bodin bâtit une théorie du politique non pas sur des essences comme le Bien et le Bon et leur finalité, ni tout à fait sur un exercice empirique de la domination, comme le fait Machiavel, mais sur le concept de la puissance dans le champ du politique, il sagit de définir ce que peut chacun. La souveraineté sera ainsi définie comme la puissance maximum et le roi est celui qui lincarne. Le roi peut tout sur ses sujets, il nest, lui, soumis quà Dieu. Sa puissance sexprime au travers des lois auxquelles ses sujets sont assujettis mais qui nont pas puissance coactive sur lui. La morale voudrait simplement quil les respecte, sil ne le fait pas, nul, sauf Dieu, ne lui peut réclamer de comptes.
Cette conception de la souveraineté comme consistant dans la puissance et ses modalités est présente, implicitement, dans la pensée de Cordemoy, elle nest pas discutée ni même explicitée mais toujours sous-entendue. Le roi est celui dont émane toute autorité. Dans lopuscule De la nécessité de lhistoire, Dieu est le seul répondant des rois, de lui seul ils doivent attendre le châtiment de leur mauvaise conduite : « On ne lui saurait trop répéter, quun Prince doit plus à ses peuples quà soi-même ; et les endroits de lHistoire quil lui faut le plus faire remarquer, sont ceux qui font voir que Dieu même (à qui seul il est réservé de juger les Rois) les punit souvent dès ce monde, de labus quils font de leur puissance. Il faut même quil sache que ces punitions visibles ne sont pas les plus terribles jugements de Dieu contre les Souverains, et que les Princes dont il réserve la punition après leur mort, sont les plus à plaindre, quoique souvent ils paraissent très heureux pendant leur vie. » (De la nécessité de lHistoire, op. cit., p.144, paragraphe VII, (p.10))
Comme les autres membres du Petit Concile Cordemoy est bien loin dune vision machiavélienne du politique, François Xavier Cuche le montre clairement à partir des déclarations de Fleury dans ses Réflexions sur les uvres de Machiavel : « (La confiance) est le fondement de toute société entre les hommes (
). Otez cette confiance, la vie humaine nest plus quun brigandage et une confusion horrible, pire que la vie des bêtes les plus farouches. »
Celui qui est chargé de léducation du prince sait que si la filiation qui conduira son élève à la souveraineté est indiscutable et que cette dernière fait de lui une imago Dei, une image de Dieu, la façon dont il lexercera reste éminemment problématique. Cette considération qui sappuie sur lhistoire en tant quelle énoncerait des principes directifs par les maximes quon en peut tirer va distinguer la pensée de Cordemoy dans ses opuscules, lui donnant une place particulière dans la philosophie politique et de la théorie du droit de son temps.
Cest lHistoire qui nous enseigne que si la souveraineté peut être pleine et absolue, son exercice est relatif aux dons et capacités de celui qui la possède, ce qui rend son enseignement primordial et en fait la matière essentielle de léducation du prince. Les opuscules ou petits traités de Cordemoy ayant lhistoire pour sujet le montre dabondance, ainsi De la nécessité de lHistoire, au paragraphe IX : « Comme lHistoire bien prise, est ce qui peut le plus servir à linstruction dun Prince, il ne lui faut presque parler des autres sciences humaines, quà loccasion de celle-là. » (Op. cit., p.144, (p11))
Le providentialisme est un des présupposés de la pensée historique de Cordemoy, lhistoire des hommes a un sens, une direction, Dieu intervient dans celle-ci en fonction du projet quil a conçu pour lhumanité toute entière. Le providentialisme nest jamais formulé comme tel, il appert de la façon même que Cordemoy veut que lon enseigne lhistoire au prince : « On pourra de même lui faire observer dans la suite, que Dieu sest comme réservé certains hommes, quil a distingués de ceux qui ne suivant que leurs passions, avaient perdu toute connaissance de la véritable Divinité. » (De la nécessité de lhistoire, op. cit., paragraphe XIII, p.146, (p.11)). Le modèle historique est le peuple saint, le peuple élu, celui des Hébreux jusquà la nouvelle alliance, la Bible est donc la lecture et la référence première.
LHistoire est à considérer selon deux critères différents : la façon de lécrire, et celle de lentendre pour en tirer des leçons. Pour ce qui est détudier comment se peut écrire lHistoire, Cordemoy en traite dans un opuscule intitulé : Observations sur lHistoire dHérodote. Dans ses observations Cordemoy dégage plusieurs leçons essentielles qui permettent de comprendre sa conception de lHistoire et de son rôle, il en ressort que son but reste toujours dinformer le présent et cest ce but qui doit définir la manière de lécrire : ce quil faut retenir, ce quil faut rejeter : « Il (Hérodote) na fait la vie daucun Prince en particulier, et ne sest arrêté quaux choses principales, qui ont servi aux changements notables des États, dont il sest proposé de parler. » (Op. cit., p.121, (p.2)) En effet les circonstances particulières de la vie dun prince napprennent rien qui vaille sauf si elles renseignent sur les causes qui ont servi « à létablissement ou à la ruine de quelque Empire. » (Idem, p.121, (p.2)) Le mérite de lhistorien grec aura été de ne retenir que « des choses dignes de mémoire. » (Ibidem, p.122, (p.2)) Le récit de la naissance de Cyrus, celui de son enfance noffrent dintérêt que parce quils expliquent les circonstances qui donnèrent commencement à la puissance des Perses et les « rendirent enfin vainqueurs des Mèdes et de toute lAsie. » (Ibidem, p.122, (p.2))
Les Observations sur Hérodote constituent une critique en règle de lHistoire érudite, le plaisir de la lecture doit primer sur le souci du détail : « Et ce grand agrément, que son Ouvrage conserve même dans les versions (traductions) quon en a faites, vient sans doute de ce quil ne raconte que des choses dignes de mémoire, et quil ne les a dites quà propos des sujets quil traitait. » (Ibidem, p.122, (p.2)) « La troisième chose quon doit remarquer dans Hérodote, et que jamais il ne descend dans un trop grand détail des choses communes : ce qui rend son récit merveilleusement intelligible et succinct. » (Ibidem, p.123, (p.2)) En effet le détail en histoire ne peut être que source dennui, lintérêt ne va quà ce qui a « rapport aux grands événements. » (Ibidem, p.123, (p.2)) Ainsi les passions particulières des princes, sauf si elles sont dans ce rapport, « sont toujours fort désagréables (à lire). » (Ibidem, p.124, (p.3))
Lagréable, lagrément devient donc une forme dimpératif quasi absolu ce qui implique nécessairement que soit posée la question de la vérité en Histoire, cette vérité, la recherche de celle-ci, est affaire de preuves. LHistoire nest pas que « ars narrandi » elle est aussi « ars probandi », mais le plaisir de lire lHistoire que ne pourrait susciter que l« ars narrandi » vient forcément contredire la nécessité de la preuve qui ne peut reposer que sur un fastidieux travail de recherche où lérudition a une part essentielle. Le rejet de lérudition conduit à celui du travail de recherche de preuves et à la remise en question de la notion de vérité en Histoire. « Véritablement il arrive peu que les preuves soient nécessaires ; et comme elles interrompent toujours la narration, elles sont toujours fort désagréables. Cependant cest de quoi lon remplit maintenant toutes nos Histoires. » (Ibidem, p.124, (p.3))
La vérité vient au second plan, la croyance la supplée avantageusement : « Au reste, quand on se contente décrire les choses principales, on na pas besoin de tant de preuves : les causes des grands événements sont dordinaires assez connues, ou si quelquefois on ne sait pas les véritables, il y en a toujours que lon croit communément, auxquelles il est bon de sarrêter. » (Ibidem, p.124-125, (p.3)) Dans lHistoire les peuples doivent retrouver ce quils croient deux-mêmes : « Mais on écrit toujours bien lHistoire, quand on écrit agréablement et nettement ce que des peuples entiers ont cru des choses passées. » (Ibidem,p.125, (p.3))
Si le critère de la preuve tombe, il en faut avoir néanmoins un, Cordemoy retient celui de « réputation dhomme de bien » (Ibidem, p.125, (p.3)) puisque pour les choses passées cest la foi qui compte et non la certitude, celle du lecteur mais aussi la bonne foi du rédacteur. Dans largumentation quil développe le mot « croire » , le mot « foi » occupent une place prépondérante. Ainsi concernant celui qui écrit lHistoire : « il faut croire quétant homme desprit, il a démêlé autant quil était possible, les causes de tous les événements quil raconte, et que ce quil en dit, est tout ce quon peut tirer des mémoires ou des pièces quil a recouvrées, ou des opinions les plus communes quon avait du temps quil a écrit ; que si quelquefois elles sont partagées, il le doit dire de bonne foi. » (Ibidem, p 126, (p.3)) Bonne foi, croyance, conviction font que lhistorien « nest pas obligé de faire un procès verbal de ses motifs, ni des recherches quil a faites pour cela. » (Ibidem, p.126, (p.3))
Il y a pour autant une occasion dans laquelle il se doit de justifier ses choix cest quand son récit ne rencontre plus lopinion commune, mais quau contraire, il sen distancie : « Quand il voit, par exemple, que tout le monde est prévenu dune opinion, dont il reconnaît la fausseté, il doit exposer les motifs quil a de ne pas suivre cette opinion. » (Ibidem, p.127, (p.3)). La difficulté est, alors, de faire entendre sa propre leçon des choses sans interrompre le cours de la narration, faute de quoi la confiance (ou la croyance) du lecteur serait perdue. Ecrire lhistoire, cest avant tout raconter une histoire et cela ne se peut sans la captatio benevolentiae du lecteur, cette bienveillance sera perdue si lintérêt sefface devant lennui.
Par un aspect au moins de sa réflexion, Cordemoy se rapproche dune Histoire plus moderne cest quand il demande à lhistorien, toujours sur le modèle supposé dHérodote, dinscrire son récit dans lensemble plus vaste de la géographie du pays dont il fait lhistoire, de sintéresser au « naturel » des pays et des peuples, ce que nous pourrions traduire par mentalité des peuples, suivant un terme employé par les historiens et les ethnographes du début du 20ème siècle, et par climat des pays, puisque dAristote à Montesquieu les deux sont fortement corrélés. Il veut quil sintéresse encore à la religion et aux murs. Cette considération le rapproche quelque peu de lhistoire des religions allemande du « Sitz im Leben » qui préfigure lécole des Annales en France, lidée dune histoire totale incluant les domaines de toutes les sciences humaines, et encore la géopolitique, elle aussi dorigine allemande. Jean-François Battail y voit plutôt une préfiguration de lHistoire voltairienne.
« Je trouve encore une chose dans lHistoire dHérodote, qui la rend bien différente des nôtres. Elles sont toutes pleines de ce qui ny devrait pas être, et ne font presque pas mention de ce quelles nous devraient principalement apprendre. Elles ne parlent ni du naturel des pays, ni de celui des peuples, ni de la Religion, ni des murs ; et cest ce quHérodote fait avec une exactitude, un ordre, et une brièveté que je trouve admirable, quand je considère la prodigieuse quantité des événements, qui composent son Histoire. » (Ibidem, p.127-128, (p.4)) Notons une fois encore la proximité des vues de Fénelon sur cette question : « Le point le plus nécessaire et le plus rare pour un historien, est quil sache exactement la forme du gouvernement et le détail des murs de la nation dont il écrit lhistoire, pour chaque siècle. Un peintre qui ignore ce quon nomme il costume, ne peint rien avec vérité. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie, op. cit., p.76 [76])
Mais ne peut-on pas tout aussi bien dire que ces divers domaines de lhistoriographie moderne, la considération des cultures, des mentalités, des climats, des situations géopolitiques, sont très largement un héritage de la grande historiographie antique dont se réclame Cordemoy ? Il ny aurait là rien de moderne, bien au contraire, notre auteur est très loin de lhistoire critique, de la critique des textes, des sources, sur laquelle se construit lhistoire qui naît à son époque. Il la refuse explicitement quand il nie toute utilité dun appareil critique, au nom de la lisibilité du récit historique. Ce refus est confirmé par le rejet de toute règle décriture de lhistoire, les historiens antiques sont grands parce quils nont point suivi de règle et quils nen ont point données : « Et la première pensée, qui mest venue en faisant cette recherche, est quon na jamais si bien réussi en toute sorte dOuvrages, et principalement en ceux de lesprit, que dans le temps, où lon ne sétait pas encore avisé den donner des règles. » (Ibidem, p.132, (p.5)) « Je remarque la même chose pour les Historiens : nous nen voyons point égaler Hérodote, Thucydide, et ceux qui ont écrit, avant quon se fût imaginé que lhistoire était sujette à certaines lois, quon ne pouvait jamais enfreindre. » (Ibidem, p.132, (p.5))
Cicéron est évoqué comme exemple a contrario mais pour bien montrer que lui non plus, en définitive, ne donne pas de règle, sinon celle du bon sens et de la raison : « Ce qui donne à connaître que Cicéron, après avoir exposé ce que la raison veut quun homme de bien et de bon sens observe en écrivant lhistoire, ne propose lexemple de plusieurs excellents Historiens qui ont écrit très diversement, quafin que chacun connaisse quil doit suivre son génie, et que cest la seule règle quil se doit prescrire quant à la manière. » (Ibidem, p.135, (p.6))
Plus loin, Cordemoy reprend explicitement la seule règle du bon sens et de la raison : « Pour moi, je ne saurais me persuader quil y eût parmi les Grecs ou les Romains de plus grands esprits que parmi nous, je crois quils ne nous ont surpassés, que parce quils se sont moins embarrassés que nous de ces choses inutiles. Ils suivaient en chaque chose la droite raison, cest-à-dire, ce que le sens commun y fait connaître à tout le monde, et du reste leur génie. Ainsi, ne contraignant point leur naturel, ils faisaient tout avec plus de grâce, et dune façon plus originale : au lieu que nos Auteurs se contraignent par de fausses règles, ou veulent copier trop servilement. » (Ibidem, p.135, (p.6))
On sera dautant plus étonné après ce refus de règles, le rejet de la critique érudite, de ce que Cordemoy énonce sous le titre : Ce quon doit observer en écrivant lHistoire, des prescriptions numérotées de I à XX, à respecter dans le travail dhistorien. Le refus de règles devient une forme de règle et on saperçoit que pour Cordemoy lHistoire doit éviter lécueil du roman, cest-à-dire de la fiction, du fabuleux, aurait-on dit à lépoque, tout en se rapprochant le plus possible, dans lécriture, de la narration fabuleuse, celle précisément du roman : règle X : « Les vies particulières doivent tenir du Roman pour être agréables ; et en ce cas elles sont ordinairement très dangereuses : car les choses, qui doivent servir de sujet au Roman, sont si extraordinaires, ou si passionnées, quelles ne peuvent être imitées par les Princes sans exposer tout. » (Op. cit., p.139, (p.8)).
Nous verrons plus loin que lécriture de lHistoire suit pourtant selon Cordemoy, certaines règles qui rappellent celles énoncées dans la poétique dAristote, et celles quun strict contemporain, Corneille, formule à partir de cette même Poétique dAristote. Chaque fois que le récit historique pourrait dévier de son but pédagogique denseigner les conduites à tenir, instruit des actions du passé, il devient source de danger, de risque. Sil ne faut « raconter que les grands événements, et nécrire rien en détail que les causes des grands changements. » (Ibidem, p.138, (p.8)), sil ne faut « relever aucune circonstance de leur vie (celle des rois), que celles qui ont servi aux grands changements » (Ibidem, p.138, (p.8)) cest sans doute que lhistoire doit rester du côté du concept, quelle ne doit prendre en compte que le nécessaire et pas le contingent, elle ne peut être proche dun art de vivre mais plutôt dune conduite de vie. Il faut quil y ait une leçon de lHistoire dont on puisse tirer des conclusions. Lindividu ny a sa part que moyennant les changements quon observe dans le cours des événements, la personne en tant que telle importe moins que le rôle quelle remplit : « Songer bien que les Rois sont à la vérité les plus remarquables personnes de lhistoire, mais que les grands changements en sont le véritable sujet ; Que, comme souvent un ministre, et quelquefois une femme y a plus de part que les Rois, on est obligé en plusieurs endroits de donner plus de place, et de relief à ce qua fait ce Ministre, ou cette femme, quà ce que le Roi de leur temps a fait. » (Ibidem, p.139, (p.8))
Linstruction du prince doit rester lobjet essentiel de lécriture de lhistoire qui devient ainsi une véritable « science » régalienne : « Si la matière principale de lhistoire nest pas la vie des Princes, le but principal quon doit avoir en lécrivant, est de les instruire. » (Ibidem, p.140, (p.8)) Le mot science est à mettre entre guillemets car lobjet nest pas, ici, la recherche de la vérité. Le travail de critique textuelle, létablissement des faits dans leur exactitude sont à proscrire, nous lavons vu dans léloge que fait Cordemoy dHérodote, il revient sur ce rejet de la critique historique dans ces observations : « Quil faut éviter la critique en écrivant lHistoire ; Quen dressant ses mémoires, il ne faut pas trop se perdre dans les recherches de la vérité de certains faits ; et que depuis que la vérité des choses est trop difficile à démêler, il suffit de les écrire comme on les a crues le plus communément, à moins quelles ne choquassent le sens commun, et ne pussent convenir avec quelque fait, dont on a la preuve. » (Ibidem, p.140, (p.9))
Concernant Hérodote, Fénelon est loin den faire un modèle, il appelle de ses vux la mise en forme de règles pour lécriture de lhistoire qui permettrait de juger tous ceux qui sy sont consacrés, Hérodote apparaîtrait dans cette histoire des historiens comme celui qui collectionne les « relations de divers pays » plutôt que comme un véritable historien
Le cartésien Cordemoy privilégie la croyance, en histoire pas de place pour quelque expérience qui permettrait de sorienter, pas de recours à une méthode, donc pas de cheminement comme le mot « méthode : ¼¸Ì´¿Â ¿´Ì » le suggère, comme pour la tragédie le vraisemblable est préférable au vrai : « Pourvu qu on suive la vraisemblance dans les choses douteuses, on instruit autant ceux qui lisent l Histoire, que si lon disait la vérité ; et cest en cela que lHistoire est très différente de la négociation. En lune il faut tout savoir, de peur de faire une méchante affaire : mais en lautre il suffit, quand on ne peut mieux, de suivre lapparence, qui instruit toujours assez. » (Ibidem, règle XX, p.141, (p.9))
Ce nest pas le seul point commun que lécriture de lHistoire partage avec lart dramatique, dans sa règle quatorze Cordemoy paraît très proche de Corneille et de sa compréhension de la tragédie : « Il faut insinuer dans lHistoire un amour de vertu, et de quoi donner un honnête désir de gloire ; et surtout faire connaître avec adresse en quoi consiste la véritable gloire. » (Ibidem, p.140, (p.8)) On obtient une idée de lHistoire plus proche dun art de la composition, plus proche de la création littéraire que dune connaissance, sens premier du mot : ¹ÃÄ¿Á¯±, : « Il vaut mieux employer le temps à la composition, et à arranger les faits de l Histoire, qu à les rechercher. Il vaut mieux aussi songer à la beauté, à la force, à la netteté, et à la brièveté du style, qu à paraître infaillible dans tout ce quon écrit. » (Ibidem, règle XIX, p.141, (p.9)).
Sur cette parenté de lHistoire avec lécriture poétique et la composition Fénelon est encore plus explicite que Cordemoy, lui qui écrit : « il (lhistorien) lui (au lecteur) épargne beaucoup de redites, il ne le laisse jamais languir, il lui fait même une narration facile à retenir par la liaison des faits : je répète sur lHistoire lendroit dHorace qui regarde le Poème épique : Ordinis haec virtus erit et venus, aut ego fallor, / Ut jam nunc dicat jam nunc debentia dici, / Pleraque differat et praesens in tempus omittat. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie, op. cit., p74 [74])
On remarque, donc, une certaine parenté entre la manière de penser lHistoire de Cordemoy et celle de penser la tragédie de Pierre Corneille, ils sont presque exactement contemporains, et meurent tous les deux en 1684. Dans lintelligente critique que Corneille fait de la Poétique dAristote on retrouve cette distance par rapport au fait ou à la vérité : ce quil faut mettre en scène, cest le représentable et non pas le vrai ou même le vraisemblable. Il faut que le spectateur, comme le lecteur reconnaisse quelque chose de lui :
« Le malheur dun homme fort méchant nexcite ni pitié, ni crainte, parce quil nest pas digne de la première, et que les spectateurs ne sont pas méchants comme lui pour concevoir lautre à la vue de sa punition; mais il serait à propos de mettre quelque distinction entre les crimes. Il en est dont les honnêtes gens sont capables par une violence de passion, dont le mauvais succès peut faire effet dans lâme de lauditeur. Un honnête homme ne va pas voler au coin dun bois, ni faire un assassinat de sang-froid; mais sil est bien amoureux, il peut faire une supercherie à son rival, il peut semporter de colère et tuer dans un premier mouvement, et lambition le peut engager dans un crime ou dans une action blâmable. Il est peu de mères qui voulussent assassiner ou empoisonner leurs enfants de peur de leur rendre leur bien, comme Cléopâtre dans Rodogune; mais il en est assez qui prennent goût à en jouir, et ne sen dessaisissent quà regret et le plus tard quil leur est possible. Bien quelles ne soient pas capables dune action si noire et si dénaturée que celle de cette reine de Syrie, elles ont en elles quelque teinture du principe qui ly porta, et la vue de la juste punition quelle en reçoit leur peut faire craindre, non pas un pareil malheur, mais une infortune proportionnée à ce quelles sont capables de commettre. Il en est ainsi de quelques autres crimes qui ne sont pas de la portée de nos auditeurs. Le lecteur en pourra faire lexamen et lapplication sur cet exemple. » (Discours de lutilité et des parties du poème dramatique [1660])
Il y a comme une honnête médiocrité de lhomme auquel on sadresse, qui contraint à pondérer même la vérité historique et cest le but que lon sassigne qui doit donner la mesure du propos que lon se propose de conduire : « Cette liberté du poète se trouve encore en termes plus formels dans le vingt et cinquième chapitre (de la poétique dAristote), qui contient les excuses ou plutôt les justifications dont il se peut servir contre la censure : Il faut, dit-il, quil suive un de ces trois moyens de traiter les choses, et quil les représente ou comme elles ont été, ou comme on dit quelles ont été, ou comme elles ont dû être : par où il lui donne le choix, ou de la vérité historique, ou de lopinion commune sur quoi la fable est fondée, ou de la vraisemblance. » (Discours de la tragédie et des moyens de la traiter selon le vraisemblable ou le nécessaire) (cest nous qui soulignons)
Ce critère de lopinion commune est celui même quemploie Cordemoy, la source dinspiration est partagée quil sagisse décriture de la tragédie ou dhistoriographie, cest La Poétique dAristote. Le départ entre récit historique et narration fabuleuse (fictive) semble peu défini et lon passe insensiblement de lun à lautre.
Pourtant dans linstruction du prince, puisque loptique de Cordemoy dans cet opuscule focalise ce point de vue, lHistoire occupe une place centrale, paradigmatique même. Elle est le tronc sur quoi se greffent toutes les autres sciences (connaissances) humaines : « Comme lHistoire bien prise, est ce qui peut le plus servir à linstruction dun Prince, il ne lui faut presque parler des autres sciences humaines, quà loccasion de celle-là. » (De la nécessité de lHistoire, op. cit., p.144, (p.11), IX) Cest lhistoire qui doit organiser ces autres connaissances (« des lieux, des, temps, des personnes, ou des choses qui servent de sujet à lhistoire » ).(Idem, p.145, (p.11)) Cordemoy va plus loin puisque ce qui servait de racine à larbre du système cartésien des sciences, la métaphysique et avec elle toute la philosophie, devient une branche greffée sur le tronc de lhistoire : « Ainsi, en commençant lhistoire par la Genèse, un Précepteur qui saura bien mettre en usage la Philosophie, et même la Théologie, pourra sans cet embarras de principes et de syllogismes, dont on fatigue les jeunes esprits dans lécole, faire entendre au Prince ce quon est obligé de savoir touchant la Création, en expliquant ce mot, et en exposant sommairement la meilleure raison, quon ait de croire que le monde na pu être de toute éternité. Il pourra faire en même temps admirer à son disciple la beauté de lUnivers, lordre de sa création, lexcellence dun si grand ouvrage, et lui donner par ce seul entretien une plus haute idée de la puissance, de la sagesse, et de la bonté de Dieu, que ne pourraient faire deux années de Philosophie, et trois années de Théologie. » (Ibidem, X, p.145, (p.11))
Le point de vue de Cordemoy reste pratique, cest celui de quelquun qui pense un enseignement comme éducateur. Pour lui toutes les connaissances que doit acquérir un prince doivent lui être utiles dans lexercice de son pouvoir. Le prince na pas à être savant, nous sommes loin du roi philosophe platonicien, cest une connaissance moyenne quil doit avoir des sciences de son temps : «
on ne peut supporter quun Prince fasse le docteur ; et, comme il serait honteux que ceux qui savent lHistoire, saperçussent quil ne la sût pas, on trouverait ridicule quil fit vanité de la savoir. » (Ibidem, p.142, (p.10))
Pour le prince aucune connaissance ne doit avoir de valeur en elle-même ; sagissant plus particulièrement de lHistoire, le prince a charge de transformer ce quil sait en actes et cest par là quil fera preuve et de science et de sagesse : « Toute la gloire quil peut tirer de cette lecture (celle de lhistoire), est de montrer par ses actions quil en a bien profité. Cest à mon avis, la première pensée quil lui faut donner sur ce sujet. » (Ibidem, p.142, (p.10)) Il est un acteur de lHistoire et son éducation doit le former à bien jouer ce rôle dacteur. LHistoire lui est davantage un manuel dinstructions quune source de connaissances. Comme souvent dans les modèles éducatifs de lépoque, cest lérudition quon proscrit ou quon ridiculise, elle ne sied ni aux filles ni aux gentilshommes ni aux princes, elle nest que pédanterie et prétention.
Ce rejet de l érudition dépasse de loin le propos de Cordemoy, on peut penser que l érudition instruit le doute et donc l athéisme et l hérésie qui n est autre que le droit de choisir en connaissance de cause et en son âme et conscience (du grec : ± ¯ÁµÃ¹Â) ; elle est dégrossissage, l homme grossier (latin : rudis) étant le contraire de l érudit, le dégrossi, comme le seront les Fontenelle, les Bayle, les Leibniz qui remettront l érudition au goût du jour.
L enseignement a pour but essentiel d instruire chacun, ici le prince, des devoirs inhérents à la place quil occupe dans la société civile. Lenseignement par les principes a une extension bien trop grande, et puis les principes sappliquent différemment, alors que le caractère paradigmatique de lexemple historique ne comporterait en lui-même quune seule ligne daction à suivre ou à éviter. Il y a une leçon de lHistoire et elle est pratique, elle impose une ligne de conduite. Cest en cela quil peut y avoir des maximes tirées de lhistoire, et tel est bien le titre dun des opuscules de Cordemoy. La politique étant la science des rois, elle sapprend delle-même dans la lecture dexemples historiques choisis : « en examinant en quoi chaque Prince a bien, ou mal fait, en disant pourquoi il est louable, et en démêlant les causes des bons ou des mauvais succès de toutes les entreprises quil a faites, (mieux) quen raffinant, comme ont fait certains Auteurs, que le commun des hommes estime les plus habiles en ces matières. » (Ibidem, XIX, p.149, (p.13))
De La Réformation Dun État ; portant comme sous-titre : Que la réformation dun État dépend de léducation des enfants, et comment il les faut élever, souvre sur lévocation dun entretien dans lequel lHistoire a tenu une place importante : « Vous savez que nous parlâmes hier de la modestie des premiers Romains, et du nombre dAmbassadeurs, quils envoyaient honnêtement à pied. Vous vous souvenez bien aussi que, recherchant les honnêtes gens de notre siècle, nous demeurâmes assez longtemps sur le chapitre de M. Conrart ; et quexaminant dans la suite, sil y avait des personnes à la cour, qui ayant été élevé dans les armes, sexerçassent dans les lettres, comme avaient fait plusieurs dentre les Grecs et les Romains ; le premier qui nous vint en lesprit, fut M. le duc de Montausier : de sorte que nous le nommâmes tous deux en même temps. » (De La Réformation Dun État, pp.155-156, (p.16)). Le rôle paradigmatique de lHistoire, du récit historique appert à lévidence, les deux interlocuteurs, Gérauld de Cordemoy et Claude Fleury se donnent un modèle de référence pour analyser, pour étudier la personne et la valeur de leurs contemporains. M. Conrart comme le duc de Montausier sont appréciés à partir des modèles antiques. Le rôle de lHistoire ne sarrête pas là, lévocation des Ambassadeurs romains va susciter le récit de fiction en quoi consiste le court traité de De La Réformation Dun État. En effet le rêve de Cordemoy qui constitue lutopie de De La Réformation dUn État retraite la matière de lentretien de la veille, il substitue comme interlocuteur M. Conrart à Claude Fleury et met en scène les Ambassadeurs romains objets de lentretien faisant deux les Ambassadeurs de lEtat réformé.
Lutopie de lÉtat réformé suit deux modèles : Rome et les premiers siècles du christianisme. Ce sont les deux références qui reviennent constamment dans le propos de Cordemoy, ce sont elles dont il se sert pour exprimer la perfection des institutions de lÉtat réformé quil compare à ces deux modèles : « il ny a point de ville (dans lÉtat réformé) dont les bourgeois ne soient aussi sages et aussi savants que ceux de Rome étaient riches et puissants. La religion y est pure, et sobserve à peu près comme dans les premiers siècles de lÉglise » (De La Réformation Dun État, p.159,(p.17)). Plus loin, à propos des institutions religieuses et des réformes que le roi modèle de lÉtat réformé a introduites : « Vous concevez bien qui ayant remis toutes choses dans la pureté des premiers siècles, on ne reçoit aucune personne dans le Clergé, qui nait une fonction nécessaire dans quelque église » (Idem, p.177, (p.25)).
Mais la refondation de lÉtat réformé, la réforme des institutions par le prince providentiel qui en a pris linitiative marque une autre origine de lhistoire sur laquelle lenseignement revient constamment. Par le rappel de lhistoire chacun sidentifie au bonheur de lÉtat, car en définitive cest lÉtat qui doit être heureux. Lindividu trouve son bonheur dans celui de lÉtat. Aussi y a-t-il, dans lutopie de Gérauld de Cordemoy ce rappel récurrent du prince fondateur dont lhistoire tend à se substituer à celle des modèles antiques : « Lhistoire remarque que, pour les faire meilleures, ce prince sétait proposé comme un principe infaillible en matière de loi, quelles sont toutes justes quand elles vont à entretenir la paix et labondance » (Ibidem, p.160, (p.17)). Plus loin : « Nos historiens nous apprennent quil fit des choses incroyables en cette guerre ; et néanmoins je vous avouerai que, comme ils ne savent point flatter parmi nous, ils lont repris de sêtre trop exposés » (Ibidem, p.162, (p.18)). Le buste du prince est sur la porte principale de chacune des académies du royaume pour en perpétuer la mémoire : « On a voulu par là perpétuer la mémoire de ce jeune héros ; et lon a cru que cétait surtout en ce lieu, quil en fallait laisser des monuments » (Ibidem, p.180, (p.26)).
Dans ces académies qui forment tous les enfants mâles (quoique Cordemoy ne précise jamais sil sagit des enfants de toutes conditions, on devine néanmoins que les filles sont exclues et quil y a des cultivateurs et des artisans qui tout en se perfectionnant dans les académies nen suivent pas le cursus) lenseignement de lHistoire occupe une place de choix avec la religion, la connaissance de la langue et celle des lois. Une fois encore on part du modèle antique, cest lui qui sert de terme de comparaison. Le choix pédagogique denseigner en priorité la langue et les lois est jugé à cette aune : « et je ne doute point que ceux quon a tant admiré à Rome et en Grèce, naient suivi cette voie, pour arriver aux grandes choses, quon leur a vu faire dès leur première jeunesse.
Ce que lhistoire men apprend, a répondu lambassadeur, men donne les mêmes idées quà vous, mais il me semble quil leur manquait bien des vertus, que le christianisme nous a découvertes » (Ibidem, p.185, (p.28)).
Pour les enfants de cinq à 10 ans la quatrième heure de la matinée doit être consacrée à lenseignement de lhistoire : « ce quon leur propose en la quatrième heure, les divertit, parce quon leur montre des figures, ou de la Bible, ou des autres histoires. » (Ibidem, .186 (p.28)).
Mais pour les jeunes gens de 10 à 15 ans lenseignement de lHistoire devient véritablement formateur de la personne de lindividu. Il est chargé de fournir des modèles que les jeunes gens sont censés reproduire. « Ensuite on leur fait lire les vies des personnes, qui se sont rendues illustres par leurs bonnes murs, ou par de grandes actions. On leur demande le sentiment quils en ont : on leur fait souvent considérer que ce quil y a de bons en chacune, nest pas toujours le plus éclatant, et que le véritable honneur ne consiste pas à rechercher de faire des actions extraordinaires, mais seulement à faire toujours celles que notre devoir exige de nous, quelque pénibles quelles soient, ou quelque basses quelles paraissent. On prend garde surtout à les rendre plus savants dans lhistoire Ecclésiastique, et dans celle du dernier siècle de leur pays, quen tout le reste. » (Ibidem, pp.193-194, (p.31)). Déjà, sagissant de lenseignement des langues, Cordemoy mettait laccent sur lenseignement du français plutôt que sur celui du latin, concernant lhistoire, il insiste dans le passage que nous citons, sur lhistoire contemporaine. Ce que les élèves de lAcadémie doivent le mieux connaître cest lhistoire de leur temps, comme si se dessinait déjà lidée que ce siècle de Louis XIV dépassait tous les autres, comme la langue parlée à la cour de ce grand roi dépasserait celles des autres peuples de la terre, puisque le prince réformateur de lEtat réformé est identifié in fine à ce dernier.
La fiction du rêve permet de suggérer lidée sans avoir à en débattre, léloge du prince de lÉtat réformé, à lorigine précisément de sa réforme, par les ambassadeurs, justifie ce choix denseignement. Ce prince est celui qui a permis et réalisé le bonheur de son peuple et qui est, à la fin de lutopie, celle aussi du songe, clairement identifié à Louis XIV.
Enfin pour les jeunes gens de 15 à 20 ans lHistoire continue de faire lobjet dun enseignement : « On emploie lheure qui suit, à la lecture de lhistoire ; et depuis huit heures jusquà 10, on les exerce à léloquence, en les faisant parler sur divers sujets » (Idem, page 196).
La fonction pédagogique du récit historique est donc un leitmotiv de la pensée de Cordemoy, elle donne la raison dun des opuscules : Les Maximes tirées de lHistoire.
Dans les Maximes tirées de lHistoire, la maxime pédagogique précède toujours lexemple historique qui lillustre, Cordemoy inverse la démarche énoncée dans De la nécessité de lHistoire, puisque la maxime de laction ne procède pas de la connaissance de lexemple historique mais le précède. Il y a donc parfaite réversibilité ou bijection de la maxime à lHistoire, elles sont quasi interchangeables. En commençant par la maxime dans lénoncé du problème pratique quil expose, Cordemoy privilégie davantage encore la valeur denseignement pratique de lHistoire. Lexemple historique perd toute valeur intrinsèque pour ne garder que celle dillustration ; mais par-là même, il laisse toute liberté au maître de choisir dans la matière historique ce qui lui convient pour son propos sans avoir à en justifier de la pertinence. Nous sommes bien à lopposé de la démarche critique.
Les Maximes sont précédées dun court traité de quelques pages : Des moyens de rendre un État heureux. Lacteur politique sinstruit dans lHistoire des modalités de la chose politique, il doit en saisir aussi la finalité. Dans Des moyens de rendre un État heureux Cordemoy par ce titre assigne déjà le but de la politique : Le Bonheur des peuples part dune proposition première dont découlent trois consécutives : « Il faut toujours avoir en vue ce quil y a de plus parfait ; et bien quon ne doive pas espérer dy parvenir, il faut au moins y tendre, si lon veut suivre le plus droit chemin. » (Des moyens de rendre un État heureux, p.204, (p.36)) Cette proposition apodictique est posée comme principe, elle revient très classiquement, du point de vue du philosophe, à poser le Bien au principe de toute action morale ou politique. Tout aussi classiquement la finalité pratique du Bien est le bonheur suivant la première conséquence : (1) « De là il suit que, si lon veut trouver les moyens les plus sûrs pour régler un État, il faut considérer dabord ce qui le peut rendre parfaitement heureux. » (Idem, p.204, (p.36)) La politique nest quun changement déchelle quant à la morale, on passe de lindividu à un ensemble dindividus et si pour la morale lunité de base est la conscience individuelle, pour la politique elle est la famille: « Un État est à plusieurs villes, ce quune ville est à plusieurs familles, et ce quune famille est à chacune des personnes qui la composent. Si bien que, pour voir jusque dans le principe, ce qui peut rendre un État parfaitement heureux, il faut voir ce qui rend une famille heureuse. » (Ibidem, p.205, (p.36))
La fin du politique comme étant le bonheur natteint pas lindividu elle va jusquà la famille qui constitue, en quelque sorte, la monade sociale.
La proposition apodictique de départ a pour conséquences deux et trois, deux : (2) « Ensuite, il faut considérer entre toutes les choses, quon voit être nécessaires au bonheur parfait de cet État, celles quil a déjà, et celles qui lui manquent. » (Ibidem, p.204, (p.36)) et trois : (3) « Et enfin se servir de celles quil a, pour lui procurer, autant quon le peut, celles quil na pas. » (Ibidem, p.204, (p.36)) Le point de vue est délibérément pratique et basé sur une conception hiérarchique et assembliste de la société humaine : famille familles ville villes État. La morale est le point de vue de lêtre individuel, la politique celui de lêtre collectif, leur finalité pratique est la même : le bonheur par le Bien, ce qui pour toute la philosophie classique est une pétition de principe puisquil ne peut y avoir de bonheur dans le mal.
« Une famille se peut prendre de deux manières ; ou comme elle devrait être dans le pur état de la nature ; ou comme elle peut être, quand il y a du mélange. » (Ibidem, p.205, (p.36))
Une famille dans le pur état de nature est à entendre comme une famille telle que conforme à son essence, une famille telle quelle est par essence. Le sens de « nature » est ici celui de la philosophie classique. La pureté de nature est celle de lessence sans mélange. Un sujet comme substance perd sa nature quand il perd la conformité à lessence par mélange, association, quand son domaine de définition change par addition, soustraction ou une relation déterminante.
Notons que la nature ou lessence de la famille lest par composition, selon Cordemoy : « Jappelle état naturel de la famille, celui où elle est, quand elle nest composée que de celui qui en est le chef, et de ceux qui sont descendus de lui » (Ibidem, p.205, (p.36)).
Il est encore à remarquer que dans cette définition de létat naturel de la famille, la mère est absente, sans doute les enfants procèdent-ils du père. La mère, de plus, comme épouse, provient dune autre famille, elle ne peut donc appartenir à lessence de la famille dans son pur état. Faut-il entendre quelle appartient à la définition de la famille quand il y a du mélange et donc quelle est de ces autres personnes qui y sont admises comme étrangères ? Mais une telle conception de la place de la femme dans la famille patriarcale excéderait le propos de Cordemoy car on ne saurait dire quelle serait admise ou par hospitalité ou pour y rendre service, ou plutôt seulement pour cela.
La Bruyère partage cette conception dune forme de généalogie familiale de létat, il fait du royaume une seule famille dont le souverain est le chef : « un génie enfin supérieur et puissant, qui se fait aimer et révérer des siens, craindre des étrangers ; qui fait dune cour, et même de tout un royaume, comme une seule famille, unie parfaitement sous un même chef, dont lunion et la bonne intelligence est redoutable au reste du monde : ces admirables vertus me semblent refermées dans lidée du souverain ; il est vrai quil est rare de les voir réunies dans un même sujet : il faut que trop de choses concourent à la fois, lesprit, le coeur, les dehors, le tempérament ; et il me paraît quun monarque qui les rassemble toutes en sa personne est bien digne du nom de Grand. » (La Bruyère, Les Caractères, X « Du Souverain ou de la République », 35, I. les caractères gras sont de nous)
Il y a là un paradigme implicite que ne développe pas Cordemoy mais qui appert des théories dune généalogie de la puissance politique chez beaucoup de penseurs du 17ème siècle : tout procède du père et cest donc la puissance paternelle qui sert de paradigme à la compréhension du pouvoir. Sur cette question La Bruyère est lui, parfaitement explicite, le nom de « père » est celui qui définit le plus exactement le souverain : « Nommer un roi Père du peuple est moins faire son éloge que lappeler par son nom, ou faire sa définition. » (Les Caractères, X, « Du Souverain ou de la République », 27, VII.)
Quant au rôle du féminin dans la génération, la procréation, il est loin dêtre uniformément compris à lépoque.
Le père de famille est le modèle herméneutique du pouvoir, déjà chez Bodin qui représente son autorité comme la plus sacrée. Elle doit lêtre en effet, puisquelle est le fondement du pouvoir monarchique. Et pour Bodin il est clair que remettre en cause lautorité paternelle cest remettre en cause, en définitive, lautorité politique et particulièrement celle du souverain. Aussi préconise-t-il les supplices les plus terribles pour condamner toute atteinte, même verbale, à cette autorité. Il donne lexemple dun fils condamné au bûcher malgré les défenses de ses parents, latteinte à lautorité paternelle ayant été avérée par le voisinage. Comme quoi cette autorité excède le père lui-même comme individu, le père de famille étant en quelque sorte père pour un autre (Dieu, le roi), lacte dautorité ou de justice peut saccomplir par devers lui comme individu.
Claude Fleury dans Les murs des Israélites déplore laffaiblissement de lautorité paternelle chez ses contemporains, que le père nait plus droit de vie et de mort sur ses enfants, et ce pour des raisons autant morales, sociales et politiques comme encore de fécondité du pays, de démographie. Labandon des parents âgés, la débauche des jeunes gens, la difficulté à gouverner un pays où chacun prétend se gouverner lui-même quand il faudrait une chaîne de commandement qui passerait par lautorité des pères pour éviter un morcellement du pouvoir sont autant de conséquences de cet affaiblissement. Le père incarne en lui-même le pouvoir, attenter à son autorité cest bouleverser la société et lEtat : « Nous ne voyons que trop les maux qui sont venus davoir laissé affaiblir, ou plutôt anéantir la puissance paternelle. Quelque jeune que soit un fils, sitôt quil est marié, ou quil a le moyen de subsister sans son père, il prétend ne lui devoir plus quun peu de respect. De là vient la multiplication infinie des petites familles et des gens qui vivent seuls, ou dans des maisons publiques, dans lesquelles tous sont également maîtres. Ces jeunes gens indépendants sils sont riches, se plongent dans la débauche et se ruinent ; sils sont pauvres ils deviennent des vagabonds et des gens sans aveu, capables de toutes sortes de crimes. Outre la corruption des murs, cette indépendance peut aussi causer de grands maux dans létat ; car il est bien plus difficile de gouverner une multitude dhommes séparés et indociles, quun petit nombre de chefs de familles, dont chacun répondait dun grand nombre dhomme, et était dordinaire un vieillard instruit des lois. » (Murs des Israélites, op. cit., pp.120-121)
Pour Cordemoy le père de famille dans le pur état de nature est plus que la représentation de lessence du pouvoir, il incarne ce qui émane de lêtre même de celui dont il est dit dans les Evangiles : « vous navez quun seul père qui est dans les cieux. »
De cette incarnation de la puissance comme émanation de la personne du père avatar de la personne divine procèdent les conditions trois et quatre qui déterminent le bonheur dune famille : « La troisième, lorsque le chef est bien persuadé quil nest puissant sur sa famille, que pour la rendre parfaitement heureuse
» et « la quatrième, lorsque pour règle de sa conduite, il (le père) na que lEvangile, et quil le fait garder exactement » (Ibidem, p.205).
La condition première est bien sûr le caractère absolu de lautorité comme personne et de la puissance qui en émane.
Contrairement à Bodin ou à ses contemporains, Bossuet, Fénelon et Fleury, Cordemoy névoque pas les textes bibliques et lhistoire sainte à lappui de ses thèses qui sont pourtant très proches de celles de ceux-ci. Son propos reste dun laïc, or il ny a que les « prétendus réformés » qui autorisent les laïcs à saventurer dans linterprétation des textes sacrés, est-ce la raison de la discrétion de Cordemoy les concernant ?
On retrouve pourtant les formules quemploie lauteur de lutopie de lÉtat Réformé, dans louvrage de Bossuet : La politique tirée des propres paroles de lécriture. Quand même le texte biblique nest pas évoqué par lui, il reste limplicite axiologique de la réflexion du politicien Cordemoy : Ce pouvoir du père, cest celui de Noé, Abraham, Jacob pour ceux auxquels renvoient le plus fréquemment Bossuet comme Claude Fleury.
La référence biblique fait autorité delle-même, toute interprétation du texte dun point de vue historique et critique est exclue. Linterprétation de lauteur ou des pères de lÉglise est toujours donnée pour le sens littéral. Ainsi linterprétation patristique qui fait de chaque figure de lancien testament une préfiguration de celle du Christ est livrée comme un élément même du texte.
La vérité du texte est admise une fois pour toute.
Adam est le modèle du père de la famille à létat pur, de nature. (Bossuet, Politique p.60)
Abraham est le modèle du père de la famille dans le second état, cest-à-dire à létat mélangé : (Politique pp.62-63). État mélangé parce quil présente une première forme dassociation qui préfigure les sociétés humaines plus vastes de la cité et de lÉtat au sens où lentend Cordemoy, dune association des cités : « les hommes qui avaient vu, ainsi quil a été dit, une image de royaume dans lunion de plusieurs familles, sous la conduite dun père commun ; et qui avaient trouvé de la douceur dans cette vie, se portèrent aisément à faire des sociétés de familles sous des rois, qui leur tinssent lieu de père. » (Idem, p.64)
Les monarchies ayant leur fondement « dans lempire paternel, cest-à-dire dans la nature même. », Bossuet écrit que les hommes « naissent tous sujets », il entend quils naissent soumis et donc que « lempire paternel qui les accoutume à obéir, les accoutume à navoir quun chef. » (Idem, p69) de là découle la proposition VIII du livre II : « Le gouvernement monarchique est le meilleur. » (Idem, p.69)
La figure fondatrice de la royauté est David, la référence obligé, le Livre des Rois. Les rois de France se pensent comme les héritiers de la royauté davidique. Les traités déducation du prince les présentent toujours ainsi. Jean Meyer écrit dans la partie de son livre consacré aux traités déducation des princes du 17ème siècle : « Léducation de loeil est le prolongement et le parallèle de lenseignement historique abstrait. Le fondement en est, partout, lallégorisation des royautés juives de lAncien Testament (Livre des Rois). Les rois de la Bible sont, par lintermédiaire de David, quasi-images du Christ et en même temps moyen didentification. Le parallélisme est particulièrement frappant dans la royauté française par lintermédiaire du mythe de Clovis. Celui-ci, par son baptême, fonde la légitimité chrétienne du royaume de France, qui culmine en Saint Louis, référence la plus explicite des temps modernes : « Avec tout lorgueil chevaleresque du Franc occidental, note André Chastel, il déploya ce bel et authentique éclat de dignité royale qui, jusquau Roi-Soleil, ne marqua aucun pays de façon aussi exemplaire que la France. »
Fénelon dans le Dialogue des Morts, le trente quatrième, celui de Camille et Coriolan, montre quil y a une nature raisonnable de lobéissance, une forme de nature seconde qui se surajoute à la liberté naturelle de chacun : « Donc il est de la nature raisonnable dassujettir sa liberté aux lois et aux magistrats de la société où lon vit. »
On a comme un développement des idées de Cordemoy dans louvrage de Bossuet, Fénelon étant sur le même implicite.
Dans les murs des Israélites de Fleury on trouve postuler la valeur dexemplarité de lhistoire du peuple hébreu ; Fleury dans le dessein même de son traité laffirme : « Nous voyons dans ses murs les manières les plus raisonnables de subsister, de soccuper, de vivre en société : nous pouvons y apprendre non seulement la morale, mais encore léconomique et la politique »
La Bruyère tient des propos très proches, « léconomie et la science dun père de famille » deviennent le fondement de la prospérité du royaume a contrario de loisiveté de laristocratie qui les méprise mais rêve den profiter.
On rencontre, donc, dans le cours traité : Des moyens de rendre un état heureux les mêmes assertions concernant les devoirs et obligations de la royauté que dans Bossuet et Fleury seule la référence biblique est absente. Le rapport avec les utopies politiques du Télémaque de Fénelon est tout aussi évident.
Ce qui distingue néanmoins Cordemoy cest labsence de léloge de la vie agreste et pastorale.
Dans les murs des Israélites de Claude Fleury le passage suivant que lon trouverait tout semblable dans La politique Tirée des propres paroles de lEcriture Sainte de Bossuet et dans Fénelon, ne pourrait se rencontrer nulle part dans les opuscules politico - historiques de Cordemoy : « Quand on leur parle de laboureurs et de bergers, ils se figurent des paysans comme les nôtres, menant un vie pénible et triste dans la pauvreté et le mépris, sans cur, sans esprit, sans éducation. Ils ne considèrent pas que ce qui rend nos paysans si méprisables, est quils sont comme les valets de tous les autres hommes : ne travaillant pas seulement pour leur subsistance, mais pour fournir les choses nécessaires à tous ceux qui sont dans les conditions que nous estimons plus relevées. Car cest le paysan qui nourrit les bourgeois, les officiers de justice, et de finance, les gentilshommes, les ecclésiastiques, et de quelque détour que lon se serve pour convertir largent en denrées, ou les denrées en argent, il faut toujours que tout revienne aux fruits de la terre, et aux animaux quelle nourrit. »
Le mépris des vertus morales et politiques de la vie agraire vient des Germains selon Fleury, Germains Francs dont est issue la noblesse dépée suivant lopinion commune du temps, celle encore de Montesquieu au siècle suivant.
Le rejet du luxe reste, néanmoins, un point de vue partagé par Cordemoy. Les valeurs familiales surpassent les honneurs publics et lambition dune carrière, aussi les Israélites ne connaissent-ils pas cette pléthore de juges et réduisent les charges publiques au minimum nécessaire.
La structure de la famille que ce soit à létat pur ou à létat composé, est fortement patriarcale. Elle lest à ce point quaucune présence féminine nest mentionnée dans le texte de Cordemoy, comme nous lavons vu plus haut. Lautorité du patriarche consiste essentiellement à veiller au respect des rapports hiérarchiques. Quand tout le monde se soumet et obéit, « le chef na pas même besoin de se servir de sa puissance. » (des moyens de rendre un État heureux, op. cit. p.206, (p.36)) Cest lentière soumission et un grand respect pour ceux de la famille qui fait que la famille est heureuse. (Idem, p.206, (p.36))
Mais comme cette perfection nexiste pas, les hommes nétant pas parfaits, il faut que chacun veille sur soi et se corrige à tout moment, que le chef en fasse autant et de plus veille sans cesse sur les autres. (Ibidem, p.206, (p.36)) Son pouvoir étant absolu et sans limites humaines il faut quil trouve en lui-même les brides qui tempèreront son usage : « le chef doit avoir de grandes qualités naturelles, et pratiquer continuellement toutes les vertus. » (Ibidem, p.206, (p.36))
Labsence de femme se redouble de celle de tout contrôle extérieur de lexercice du pouvoir, et a fortiori de tout contre-pouvoir, le chef trouve en lui seul les modalités pratiques ainsi que le garde fou le prémunissant de sa propre démesure. Tout repose, donc, en définitive sur la vertu du chef, vertu composite où dominent six dentre elles : « le discernement, pour connaître à quoi chaque personne de la famille doit être employée, et comment elle peut être conduite.
La prévoyance, pour prévenir les troubles.
La justice, pour régler les différents, et pour punir le mal.
La douceur, pour supporter les défauts.
Le bon ménage, pour conserver les biens.
Et ladresse, pour en acquérir par les voies légitimes. » (Ibidem, p.206, (p.36))
La délégation du pouvoir ne répond pas à la nécessité de tempérer le pouvoir dun seul mais à limpossibilité pour le patriarche davoir des yeux partout, aussi ne doit-elle pas diminuer sa puissance : « il la communique selon certaines limites, et avec subordination. » (Ibidem, p.207, (p.36)) Il choisit chaque fois lenfant dont il aura distinguer les dons, les qualités convenant à lexécution de telle tâche.
Plus loin Cordemoy expose brièvement le principe de développement de la cité à partir de lagrégation de plusieurs familles : « Si plusieurs familles semblables se joignant, viennent à composer une ville
» (Ibidem, p. 208, (p.37)). Puis le développement de lÉtat à partir de lagrégation de plusieurs cités : « Enfin, si plusieurs villes se joignant, viennent à composer un État ou Royaume
» (Ibidem, p.208, (p.37))
Ces agrégations comportent une hiérarchie des pouvoirs et leur diversification. Ainsi dans la cité les pères, tout en conservant lautorité au sein de leur famille, sont soumis à celui qui gouverne la cité et chaque famille de la cité devient pour celle-ci comme les individus au sein de la famille pour cette dernière. Il y aura alors pour chacun deux types de devoirs, ceux quil doit à sa famille, ceux quil doit à la cité dans la personne de son gouverneur. « Et, comme chaque famille doit plus à la ville quà soi-même, chaque particulier doit plus aussi à la ville, quà sa famille » (Ibidem, p.208, (p.36)) et ainsi de même pour chaque cité dans lÉtat : « Chaque ville doit plus au salut du Royaume, quà soi-même. » (Ibidem, p.208, (p.36))
Aux deux extrémités de léchelle des devoirs, on trouve dune part le simple particulier, de lautre le roi : « Et ainsi chaque particulier du Royaume a trois devoirs. Ceux de la famille, qui sont préférables à sa commodité particulière ; ceux de la cité, qui sont préférables à ceux de famille ; et ceux du Royaume, qui sont préférables à tous les autres. » (Ibidem, p.209, (p.37))
A lautre bout de la chaîne se trouve le roi, ses devoirs sont symétriques de ceux du simple particulier : « Celui qui, à cause du gouvernement de tout le royaume, portera le nom de Roi, se regardera comme obligé à remplir différents devoirs. Premièrement, celui de particulier, cest-à-dire, dhomme qui, comme tous les autres, doit plus au Royaume quà soi-même. Celui de chef de famille, quil doit moins considérer, que le salut du Royaume. Et celui de Roi, qui loblige à faire tout ce qui dépend de lui, pour rendre le Royaume heureux. » (Ibidem, p.209, (p.37))
Dans la chaîne des devoirs on observera que le palier de la cité disparaît une fois les villes constituées en État.
La royauté trouve son expression la plus juste dans les devoirs du Prince, cest ce que note François Xavier Cuche dans son livre Une pensée sociale catholique, cette idée est commune à lensemble des membres du Petit Concile, elle est clairement présente dans Les Caractères de La Bruyère. Les devoirs du roi sont coextensifs à ses pouvoirs, plus il peut plus il doit. « Il y a un commerce ou un retour de devoirs du souverain à ses sujets, et de ceux-ci au souverain : quels sont les plus assujettissants et les plus pénibles, je ne le déciderai pas. Il sagit de juger, dun côté, entre les étroits engagements du respect, des secours, des services, de lobéissance, de la dépendance ; et dun autre, les obligations indispensables de bonté, de justice, de soins, de défense, de protection. Dire quun prince est arbitre de la vie des hommes, cest dire seulement que les hommes par leurs crimes deviennent naturellement soumis aux lois et à la justice, dont le prince est le dépositaire : ajouter quil est maître absolu de tous les biens de ses sujets, sans égards, sans compte ni discussion, cest le langage de la flatterie, cest lopinion dun favori qui se dédira à lagonie. » (La Bruyère, Les Caractères, « Du Souverain ou de la République », X, 28, VII.).
Quand le roi est grand et puissant il prend sur lui les devoirs de ceux quils commandent, la royauté devient une charge de responsabilité, déchargeant en contrepartie ceux qui se trouvent placés sous son autorité. La Bruyère en vient à plaindre celui qui ploie sous un tel fardeau.
« Sous un très grand roi, ceux qui tiennent les premières places nont que des devoirs faciles, et que lon remplit sans nulle peine : tout coule de source ; lautorité et le génie du prince leur aplanissent les chemins, leur épargnent les difficultés, et font tout prospérer au delà de leur attente : ils ont le mérite de subalternes. » (Idem, 33, I)
« Si cest trop de se trouver chargé dune seule famille, si cest assez davoir à répondre de soi seul, quel poids, quel accablement, que celui de tout un royaume ! Un souverain est-il payé de ses peines par le plaisir que semble donner une puissance absolue, par toutes les prosternations des courtisans ? Je songe aux pénibles, douteux et dangereux chemins quil est quelquefois obligé de suivre pour arriver à la tranquillité publique ; je repasse les moyens extrêmes, mais nécessaires, dont il use souvent pour une bonne fin; je sais quil doit répondre à Dieu même de la félicité de ses peuples, que le bien et le mal est en ses mains, et que toute ignorance ne lexcuse pas; et je me dis à moi-même: « Voudrais-je régner ? ». Un homme un peu heureux dans une condition privée devrait-il y renoncer pour une monarchie ? Nest-ce pas beaucoup, pour celui qui se trouve en place par un droit héréditaire, de supporter dêtre né roi ? »(Ibidem, 34, V)
La vertu du prince occupe une place cardinale dans la pensée politique de Cordemoy ce qui fait toute la nécessité de son éducation et limportance de lanaktopédie comme genre. Le Bonheur des peuples dépend, en définitive, de lexcellence des institutions dont lorigine directe est le pouvoir législatif royale. LHistoire, est alors un recueil de maximes où le prince trouve réflexion et distance nécessaire à son action. Laction découle directement du pouvoir nourrie par lhistoire de ceux qui ont précédé.
Chapitre III
Une politique de lHistoire de France
Gérauld de Cordemoy a écrit une histoire de France qui est plutôt une histoire de la royauté française, rassemblant sa contribution à léducation du Prince, comme nous lavons déjà écrit. Il na pu mener à terme sa tâche, il sest arrêté à la mort de Charlemagne. Son fils Louis Gérauld de Cordemoy a entrepris de continuer luvre paternelle, cest lui, dailleurs, qui la publiera après la mort de son père dans une édition en deux volumes dont il a rédigé entièrement le second.
Au dire même de Louis Gérauld il naurait fait que poursuivre le travail de son père, seul le premier volume de lHistoire de France serait, donc, entièrement de la main de Gérauld de Cordemoy père. Il nous est difficile den être certain. Louis Gérauld était un ecclésiastique intriguant, ambitieux, polémiste vétilleux, auteur dune Conférence de Luther avec le Diable. Un long passage de la fin du premier volume de lHistoire de France se perd dans une argutie théologique de droit canon à propos des concubines de Charlemagne. Cette question du concubinage avait été traitée de façon beaucoup plus sobre précédemment, lauteur montrait quil était reconnu par les autorités religieuses de lépoque et était très courant. Le ton paraît différent, est-ce la même plume ou faut-il y voir celle du prêtre préoccupé du souci de lever toute équivoque concernant la figure emblématique de lempereur ?
Cest que Charlemagne est manifestement un modèle, une référence, une sorte de paradigme de royauté pour linstruction du Prince et lédification des peuples, il est à la fois empereur et saint.
Avant lui dautres représentent, dans le premier volume de lHistoire de France de Cordemoy, la vertu politique sans la sainteté chrétienne : les Gaulois. Sans pouvoir, donc, toujours décider si le propos nest pas infléchi par le souci du fils Cordemoy dune stricte orthodoxie religieuse, nous pouvons voir se dégager, au fil de luvre, différents principes politiques que nous reconnaissons comme appartenant au père si nous nous référons à ses opuscules historiques et politiques.
La recherche dune cohérence entre Les Opuscules et le premier tome de LHistoire de France du même auteur peut nous guider dans la restitution dune pensée originale de philosophie politique et historique
Lhistoire de France commence par une forme dutopie : la France nest pas encore la France mais la Gaule, et ceux qui y habitent, les Gaulois. Les Gaulois de Cordemoy incarnent un certain nombre de vertus politiques : « Ils vivaient avec beaucoup de douceur dans leurs maisons ; et les lois contribuaient fort à y maintenir le repos. » (Histoire de France, p.6). Lespace intérieur de la maison et de la famille est gouverné par des lois qui soumettent entièrement lépouse à son époux avec puissance de vie et de mort. Lespace proprement politique est constitué par des assemblées où sexpriment les vertus civiques des Gaulois: « Pour les vertus Politiques, il fallait quelles ne fussent pas inconnues aux Gaulois. » (Idem, p.6). La parole est le premier enjeu de ces assemblées : à qui elle doit être adressée, comment elle est distribuée : « On rapporte par exemple, quils ne parlaient jamais daffaires dÉtat, que dans les Assemblées qui se faisaient pour aviser aux affaires publiques, et que celui qui apprenait quelque chose dimportant, ne le pouvait déclarer quaux Magistrats, estimant quon ne devait découvrir un secret dÉtat quà ceux qui sont préposés pour conduire les autres. On remarque aussi (...) quon faisait affront à ceux qui parlaient hors de leur rang, quand ils ne se taisaient pas au premier signe quon leur en faisait. » (Ibidem, p.6).
Cest une forme de loi naturelle qui gouverne les nations gauloises, la plus complète quand on veut ignorer les artifices, cest à dire les mensonges, les tromperies, tout ce qui est manquement à la parole donnée : « Enfin tout ce quon a écrit de leur gouvernement, sert à persuader quils savaient autant de politique quon en peut savoir, quand on ne veut point user dartifice. » (Idem, p.6). Cette absence dartifice représente bien la première vertu politique gauloise et si les Gaulois sont dabord vertueux et sans artifice cest quil nont pas encore été au contact des autres nations. Plus tard, leur entrée dans lhistoire produit en eux de profonds changements : « On ne peut considérer les Gaulois en cet état, quon avoue quils étaient devenus bien Barbares: Cette action (les compagnons dun chef de guerre du nom de Brennus, pas celui qui ravagea le Latium et dont Rome fut protégée par les oies du Capitole, ont pillé lor du temple dApollon à Delphes) ne répond ni à la dévotion que les Druides leur avaient donnée pour leurs Dieux, ni à la douceur de leurs premières murs. Mais ce qui est remarquable, cest quils ne sont venus à ce point de barbarie que lorsquils ont commencé à connaître les autres Nations: De sorte quon peut dire, que les Colonies quils avaient envoyées en différents endroits de la terre, ne servirent quà leur apprendre des maux quils ignoraient auparavant. La rudesse et lintempérance des peuples Septentrionaux, lirréligion des Grecs, et lambition déréglée des Romains, gâta le beau naturel de ces peuples; et lors quon voit le premier Brennus donner pour raison du tort quil faisait aux Clusiens, celui que les Romains faisaient à tant dautres Peuples; le second entreprendre le pillage dun Temple par le Conseil de deux Grecs, et les Gaulois dont les devanciers avaient tant aimé la sobriété ne le suivre en cet exploit, que parce quils avaient bu jusquà nêtre plus raisonnables; on ne peut désavouer que le commerce des autres Nations ne les eût étrangement corrompus » (Ibidem, p.20). On notera que le contact des Grecs et des Romains a rendu les Gaulois barbares, singulière évolution de point de vue, puisque le terme de barbare désigne dabord le non grec et puis par extension, celui qui nest pas intégré à la civilisation gréco-romaine, donc sauvage, brutal, violent, non policé. Ici, bien au contraire, ce sont Grecs et Romains qui « ensauvagent », « barbarisent » les vertueux Gaulois, au départ policés au sens politique, cest à dire connaissant les usages politiques, Cordemoy dit : nignorant rien de la politique.
Mezeray, dans lHistoire de France quil a écrite peu avant Cordemoy accorde cette vertu aux Germains, sauf le vice de livrognerie, quil oppose aux Grecs et aux Romains : « Maintenant qui voudrait parler des vertus et des vices des Germains, dirait quils avaient la valeur et lamour de la liberté au souverain degré ; Quils étaient fidèles et sincères, nullement adonnés au luxe ni aux délices, extrêmement chastes, et ennemis de toute impureté ; les abominations si communes parmi les Grecs et les Romains étant très rares parmi eux, et rudement châtiés. Quils avaient une grande sobriété pour le manger, mais une extrême intempérance pour le boire : de sorte que qui eût voulu fournir à leurs excès, les eût plutôt vaincus par le vin que par les armes. Quils se montraient aussi doux et miséricordieux aux suppliants, que cruels à leurs ennemis ; Et quils exerçaient bien la justice entre eux dans la même Cité ; mais quils nen gardaient point à légard de leurs voisins. La force faisait leur droit, et tout ce quil pouvaient ravir était à eux : même ils nenvahissaient pas les terres pour les cultiver, mais pour les déserter. Il était de la gloire et de la grandeur dune Cité davoir une vaste solitude tout au tour de ses frontières, soit pour se rendre plus redoutable, soit pour éloigner davantage les ennemis, et mettre au devant delle la disette et le dégât pour barrière. » (Histoire de France, Mézeray, tome I, X, livre I, p.27, [47])
Les Germains de Mézeray deviennent ainsi des modèles de vertu, et leur résistance à la romanisation, une résistance au vice : « Pour la liberté, jamais peuple nen a été plus jaloux, et ne la plus longtemps et plus heureusement défendue que les Germains. On peut dire, quayant été chassée (la Liberté) de tout lUnivers par les Romains, elle sétait réfugiée au-delà du Rhin, où elle avait pour compagnes et pour Gardes la Pauvreté, lInnocence, la Frugalité, et la Pudeur ; Et que là dans lenceinte des forêts et des marécages, tantôt attaquée, et tantôt faisant de courageuses sorties, elle combattit cinq cents ans durant contre la Tyrannie, et contre toute sa suite : je veux dire lAmbition, le Luxe, les Voluptés, les Flatteries, la Corruption, les Divisions, et tout les moyens, dont cette cruelle ennemie du genre humain se sert à forger des chaînes et des menottes. Aussi les Germains ne voulaient point avoir de villes, ni même apprendre aucun des arts libéraux, comme sils les eussent crus plus propres à flatter les vices, et à ramollir les courages, quà entretenir les véritables et nécessaires vertus. Ils ne connaissaient point dhonneurs, point de dignités que celles que le mérite leur donnait ; Et il navaient point encore foui de mines dor, ni dargent : à peine avaient-ils du fer pour sarmer. Ainsi ny ayant rien parmi eux de tout ce qui fait le prix de la Servitude ; il était bien difficile dy établir la Domination absolue. » (Histoire de France, Mézeray, Idem, p.28, [48]) On peut imaginer que Jean-Jacques Rousseau aurait pu faire la lecture de ces pages.
Le point de vue de Cordemoy est bien plus politique : le modèle gaulois présente une forme de paradigme du bon peuple, comme le peuple hébreu de lhistoire sainte, Charlemagne représentant le paradigme du souverain. Cordemoy suit une perspective axiologique basée sur une théorie implicite du pouvoir politique, ce nest pas le propos de Mézeray, beaucoup moins soucieux de théorie politique. Par contre Mézeray se montre bien plus violent dans la critique de la culture et de la civilisation romaine sans pourtant quadvienne dans ce quil écrit lidée dune construction politique qui reprendrait ses critiques. Il est le continuateur dune tradition qui fait de lhomme civilisé linstrument de passions incontrôlées, le jouet de besoins artificiels ; par le luxe et le raffinement il perd sa vraie nature. Le barbare, par contre, reste plus proche de la bonté de sa nature première, cest un débat ancien que connaissait déjà lantiquité et qui avait été rouvert par la découverte des peuples des nouvelles terres des Amériques et dAfrique. Le civilisé devient le corrupteur de celui qui vit dans la vertu de sa force première : « Bien pis que cela, ils (les Germains) se laissèrent caresser par les Romains, et corrompre par leurs présents, et par léclat des emplois pour passer à leur service, et pour leur suggérer les moyens de subjuguer leur patrie. Et dailleurs il sallumait à toute heure de furieuses guerres entre leurs peuples les plus belliqueux, qui se détruisaient les uns les autres ; De sorte que sil y eut encore eu parmi les Romains quelque reste de lancienne vertu de République, et un peu moins de discorde quil ny avait, la nation Germanique eût peut-être subi le joug aussi bien que les autres. » (Histoire de France, Mézeray, Idem, p.28, [48])
Mézeray met Germains et Gaulois sur le même plan jusquà déclarer : « Cest ce que nous avons jugé à propos de remarquer, touchant les murs et les coutumes des Germains : qui pour la plus grande partie étaient semblables à celles des Gaulois, et dont il est certain que nos anciens François avaient retenu beaucoup de choses, quils ont gardées jusque sous le règne des Capétiens. » (Idem, p.28, [48])
Les Romains sont une domination étrangères ce que ne sont pas les Germains, la parenté entre Gaulois et Germains sert à justifier une identité, quand même elle nest pas formulée explicitement : « Les Gaules ayant été conquises par Jules César, demeurèrent sous lEmpire des Romains près de cinq cents ans : pendant lesquelles elle eurent à souffrir toujours la rigueur de la domination étrangère, souvent les calamités des guerres civiles dentre leurs Maîtres, et plus souvent les maux et les ravages que causaient les incursions des peuples Germains » (Idem, p.28-29, [48-49]), Germains tout à la fois ravageurs et libérateurs puisquils mettent fin à la tutelle de Rome. Cette question de la pureté du peuple puis de la perte de sa nature première est bien sûr à comprendre dans une référence à lécriture sainte. Lhistoire du peuple Hébreu, peuple élu et peuple pécheur, une autre tradition remontant à Platon et Xénophon sont aussi présentes dans cette lecture de lhistoire comme dans celle de Cordemoy bien sûr.
Sans doute les Gaulois de Cordemoy sont-ils proches des premiers Hébreux dans le récit biblique, et ce qui le donne à penser cest un passage dans lequel Cordemoy explique quils nont pas besoin de rois héréditaires pour se gouverner, que lautorité suprême émane du peuple qui choisit en son sein celui qui exercera un temps assez court la souveraine magistrature : « Ils ne reconnaissaient point de Puissance au dessus de celle des Chevaliers: Et ceux, qui étaient assez sages et assez vaillants pour mériter lamitié de tous les Citoyens dune ville, acquéraient quelquefois tant dautorité, quon leur accordait le nom de Rois ou la Souveraine Magistrature. Mais cette Puissance nétait ni absolue, ni héréditaire, ni continuée à certaines familles. » .(Histoire de France, p.6).
Ainsi, comme les Hébreux du temps des Juges, les Gaulois nont pas besoin dun monarque héréditaire et celui quils appellent roi est plutôt un individu singulier, coopté pas ses pairs pour exercer un temps très court un pouvoir limité par des lois.: « Il y avait même des Villes dont les Lois ne souffraient pas quun même Chevalier exerçât la Royauté ou la Souveraine Magistrature plus dune année, et où lon appréhendait si fort que cette Puissance ne dégénérât en tyrannie, quon ne souffrait point que la première place fût occupée par deux proches parents de suite. Au reste la Religion était tellement jointe au gouvernement, quon ne reconnaissait pour Rois ou pour Magistrats Souverains, que ceux dont les Druides, qui faisaient la fonction de Prêtres, avaient confirmé lélection. » (Ibidem , p.7). La limitation du pouvoir du premier magistrat peut être extrême : « Il y avait aussi des Villes, où tant quun chevalier était Roi, il ne lui était pas permis den sortir ; et en toutes on dégradait les Magistrats ou les Rois, dés quon reconnaissait quils préféraient leur intérêt particulier à celui du Public, ou quils suivaient plus leurs mouvements que les Lois du Pays : ce qui les obligeait sans doute à gouverner toujours avec beaucoup de modération et de justice. Ils veillaient sur tout à empêcher que ceux des Villes voisines nempiétassent sur leur territoire. » (Ibidem, p.7).
Les Hébreux de Fleury sont eux-mêmes bien proches des premiers hommes de La Bruyère en qui lon retrouve sagesse, frugalité et moralité, institutions politiques fondées sur la famille extensive. La Bruyère mesure léloignement de nos sociétés modernes de ce modèle implicite
On retrouve le souci de lintérêt public dans les Opuscules de Cordemoy : « Au milieu dune si étrange confusion, ce jeune Prince (celui de lÉtat Réformé dont nous entretient Cordemoy dans son rêve qui est une utopie politique. Ce jeune prince est en fait une représentation élogieuse du jeune Louis XIV) qui semblait devoir céder à linfortune de son État, le rendit le plus heureux du monde : et il usa de tant de conduite en toutes choses, quen moins de six ans, il répara tous les désordres dun siècle entier. Enfin, ayant considéré que les différentes parties de lÉtat étaient sujettes à des lois, la plupart contraires entre elles, et toutes faites, ou par hasard, ou par caprice, ou par intérêt, il crut en devoir faire qui fussent universellement observées, et qui neussent pour fin que le bonheur des peuples. » (De la Réformation dun État, in op. cit., p.160, (p.17)).
Dans les opuscules, cependant, le pouvoir royal est quasi absolu, et le roi na de compte à rendre quà Dieu, du moins est-ce ce que lon trouve dans De la Réformation dun État : « Vous saurez donc, Messieurs, que nous avons un Roi si souverain dans lÉtat, que pour témoigner quelle est sa puissance, nous avons coutume de dire, quil ne doit rendre compte quà Dieu. » (op. cit., p.163, (p.18)). Ainsi sexpriment les ambassadeurs de LÉtat Réformé, ce modèle de gouvernement, cette utopie que Cordemoy met en place dans son opuscule qui, comme lavons écrit, se présente sous la forme dun rêve. Le caractère absolu du pouvoir royal, est un trait de la pensée de notre auteur, on en trouve la marque dans dautres opuscules. Ainsi dans Des Moyens de rendre un État heureux Cordemoy à la proposition : « On ne peut manquer dêtre malheureux sous un Prince tout-puissant, sil arrive quil soit ou méchant, ou insensé », répond : « On ne saurait manquer dêtre malheureux sous un Prince, fût-il tout bon et tout sage, quand il nest pas tout-puissant. Il empêchera bien des maux quil pourra empêcher, mais ceux auxquels il ne pourra rien, deviendront extrêmes. » (Des moyens de rendre un État heureux, op. cit., p.214, (p.40)).
Une des raisons du caractère absolu du pouvoir royal est la nécessaire unité du pays. Cordemoy suit-il la leçon de Hobbes, le pouvoir dun seul serait-il le moyen unique de sortir dun état de guerre civile permanent ? La leçon est sans doute commune à bien des penseurs du temps, au sortir de la Fronde et alors que le souvenir des guerres de religion nest pas si lointain, quand enfin certains sont obsédés par la question de lunité religieuse du pays. De ce point de vue Cordemoy nest pas le plus extrême de son temps, on trouve dans Les Caractères de La Bruyère au chapitre « du Souverain ou de la République », pour caractériser le bon prince, le propos suivant : « Que de dons du Ciel ne faut-il pour bien régner ! (...) Une vaste capacité (...) qui sache aussi se renfermer au dedans, et comme dans les détails de tout un royaume, qui en bannisse un culte faux, suspect et ennemi de la souveraineté, sil sy rencontre ; qui abolisse des usages cruels et impies, sils y règnent » (Les Caractères, X, « Du Souverain ou de la République », 35, I.). Sur la fonction proprement pastorale du souverain Cordemoy paraît, donc, moins radical, concernant la question religieuse : « Il faut, tout au plus, quand une extrême nécessité le veut, tolérer lexercice dune fausse Religion : mais il ne faut, pour quoi que ce soit, accorder des privilèges, ou des exemptions à ceux qui la professent » (Maximes tirées de lHistoire, les uvres de Monsieur de Cordemoy, Idem, p.222, (p.44)). Mais aussi : « La religion est le plus odieux prétexte, quon puisse donner à une cruauté » (Idem, p.225, (p.45)).
La réflexion politique de Cordemoy sur les Gaulois, la façon dont il les représente, est guidée par ce souci dune nécessaire unité des peuples en des ensembles transcendants. En refusant le pouvoir royal, du moins son caractère absolu, les Gaulois sexposent au pire des maux : la division. Lunité a bien entendu, également un sens religieux, lunité de lÉglise voulue par les pères de léglise, le « catholon » et lobligation de contraindre ceux qui voudraient sy soustraire, que lautorité catholique romaine du temps lisait dans le « compelle intrare », contrains les dentrer de la parabole évangélique des invités remplacés par des pauvres, (Luc, 14, 23).
Les premiers Gaulois sont dans un état de dispersion, disséminés en de multiples petites cités-nations. A travers eux cest un état de nature qui est décrit, Cordemoy expliquait le premier état de nature comme celui de la famille patriarcale dirigée par un chef qui nest autre que le pater familias disposant comme le mari gaulois dans le couple, dun droit absolu sur ceux qui lui sont soumis, de vie et de mort même, sagissant du chef de famille gaulois : « Elles (les femmes gauloises) étaient dailleurs fort soumises, à cause dune autre loi qui donnait à leurs maris puissance de vie et de mort sur elles, et sur leurs enfants. » (Histoire de France, tome1, p.6).
Cordemoy dans Des moyens de rendre un État heureux, pose le préliminaire suivant : « Un état est à plusieurs villes, ce quune ville est à plusieurs familles, et ce quune famille est à chacune des personnes qui la composent. Si bien que, pour voir jusques dans le principe, ce qui peut rendre un État parfaitement heureux, il faut voir ce qui rend une famille heureuse. Une famille se peut prendre de deux manières ; ou comme elle devrait être dans le pur état de la nature ; ou comme elle peut être, quand il y a du mélange. » (Des moyens de rendre un État heureux, les uvres de Monsieur de Cordemoy, p.204-205, (p.36)) Nous avons déjà questionné cette distinction entre « état de la nature » et « état de mélange », ce que nous voyons pour linstant cest laffirmation du pouvoir paternel comme pouvoir absolu énoncé non plus comme un fait historique, constaté chez les Gaulois, mais comme un principe politico-familial : « Dans le premier état(de la nature), une famille est heureuse, lors quil sy trouve quatre choses. La première, quand la puissance ny est pas divisée, et que tous les descendants de celui qui en est le chef, lui sont parfaitement soumis. » (Idem, p.205, (p.36)). A notre avis la soumission des épouses est sous-entendue, mais le pouvoir paternel étant une représentation originelle du pouvoir royale, sa mention, ici, ne ferait pas sens. On peut donc parler dune ontogenèse de lÉtat, son principe organisateur existe à létat embryonnaire dans la famille patriarcale. Il se constitue par agrégations successives, létat premier de la nature, comme lexprime Cordemoy, est donc un état de désagrégation. Les Gaulois très proches de cette première organisation en groupes patriarcaux, puis en cités-États, représentent une origine naturelle approximative pour lÉtat - Royaume France, ils possèdent dans leurs lois domestiques les principes de la royauté comme pouvoir pastoral, paternel et fédérateur, mais ils manquent à étendre ces principes à lorganisation politique de leurs États. Il ressort de tout ce quécrit Cordemoy quil nest nullement souhaitable de retourner à la dissémination primitive des populations en groupes patriarcaux ou en de multiples états, rien ne permet pourtant de parler de mouvement de lhistoire dans sa pensée. Le point de vue est plus pragmatique, il sappuie sur les leçons de lHistoire, Les maximes tirées de lHistoire, la désunion est facteur de trouble et lorigine de grands malheurs, néanmoins lhypothèse dune genèse de lÉtat conduit à supposer une dissémination primitive des populations pré-étatiques.
A lopposé de cette dissémination originelle il y a, toujours possible, une désagrégation téléologique, pourrait-on dire, au rebours du processus dagrégation que représente lhistoire du royaume. Cette désagrégation nest aucunement retour à une origine pré-historique, mais plutôt mal résultant dun affaiblissement du pouvoir royal.
A lépoque des Gaulois tout ce qui nuit à lunité entraîne par désagrégation, la dégénérescence du groupe. Il y a deux causes à cette dégénérescence, la désunion qui justifie a contrario le pouvoir dun seul, et la corruption, laliénation de soi par linfluence de murs étrangères. Pour ce qui est de la désunion, elle est, chez eux, primitive et non pas acquise au cours ou au terme dun processus historique, elle demeure néanmoins le principal agent de délitage de la civilisation gauloise.
La décadence politique des Gaulois trouve, donc, son origine dans leur désunion, dans le morcellement de leur territoire en de multiples communautés, cités indépendantes les unes des autres. Ce morcellement entraîne dinévitables guerres sans fin : « Mais comme il est impossible dégaler tant de petits Souverains, et dempêcher quils nentreprennent les uns sur les autres, il y avait toujours des guerres entre eux, il arrivait même souvent quune seule Ville faisait ombrage à plusieurs autres, qui se joignant toutes ensemble choisissaient entre leurs Chevaliers un Roy ou Magistrat capable de les maintenir. Ainsi, quoique tous les Gaulois ne fussent en effet quune même nation, ils étaient divisés en plusieurs peuples, qui faisaient presque autant dÉtats séparés, ou pour parler comme César, autant de Cités différentes quils étaient de différents peuples. Outre que chaque Cité avait ses assemblées, elle envoyait de temps en temps des députés aux Assemblées générales qui sy faisaient pour résoudre des affaires de plusieurs peuples unis. » .(Histoire de France, tome I, p.7).
Lexistence dun roi unificateur, eût, a contrario, empêché ce processus de désagrégation. Voici, donc, par le contraire, définie une vertu essentielle du pouvoir royale : la faculté dunifier un peuple, le roi est lexpression de lunité de son peuple. La fonction unificatrice du prince, Cordemoy laffirme à plusieurs reprises dans ses opuscules. Dans lun deux que nous avons déjà cité, Des moyens de rendre un État heureux, Cordemoy fait un parallèle entre état et famille, comme nous lavons vu plus haut : « (...) une famille est heureuse, lors quil sy trouve quatre choses. La première, quand la puissance ny est pas divisée, et que tous les descendants de celui qui en est le chef, lui sont parfaitement soumis. La seconde, lorsque chaque particulier de la famille traite les autres particuliers comme il veut en être traité, et quil aime beaucoup plus la commodité de toute la famille, que la sienne. La troisième, lors que le chef est bien persuadé quil nest puissant sur sa famille, que pour la rendre parfaitement heureuse, et non pas pour en faire tout ce quil lui plaît. La quatrième, lors que pour règle de sa conduite, il na que lEvangile, et quil le fait garder exactement. » (Des moyens de rendre un État heureux, les uvres de Monsieur de Cordemoy, p.205, (p.36)).
Lautorité absolue du pater familias et au-delà, du monarque dont il est le prototype pour Cordemoy comme la plupart des penseurs politiques de son temps, trouve ici une limite toute relative, celle de rendre heureux ceux qui sont placés sous son autorité. Il devient par cette exigence du bonheur des peuples ou des familles le premier serviteur et non le premier servi. Il faut encore noter combien cette pensée du bonheur séculier des peuples nous éloigne du modèle politique pourtant si prégnant à lâge baroque, de La cité de Dieu augustinienne. Le souverain chrétien doit être pour Augustin dabord soumis à Dieu, instrument de sa volonté ce nest pas le bonheur séculier de son peuple quil a en vu mais la seule gloire de Dieu. Il doit ainsi abandonner toute idée de vaine gloire et ce nest que par leffet dune grâce surabondante et non automatique que Dieu peut lui accorder comme à Constantin ou Théodose le succès de ses entreprises mais qui déjà, par une ruse de la raison divine, sont celles de Dieu lui-même. Le modèle augustinien, celui même que suivront Claude Fleury comme Bossuet, est lhistoire des Hébreux où appert à lévidence la providence divine. Dans luvre de Cordemoy ce travail de la providence nest plus aussi manifeste et de plus, reprenant lorigine gauloise comme un modèle de première vertu politique, Cordemoy semble bien loin du premier modèle augustinien. Alors bien sûr les Gaulois de Cordemoy ressemblent beaucoup aux Hébreux de Fleury ou Bossuet par la simplicité de leur murs, leur proximité dune nature qui les fait sans artifice, mais comment la grâce pourrait-elle opérer en un peuple qui na pas encore reçu le message de lévangile !
Le modèle gaulois nest pas pour autant laïc, cest même plus grave que cela, il est forcément païen mais Cordemoy ny insiste guère, surtout quand il fait léloge des Druides, de leur rôle dans lélection du chef politique. Limportant cest la place du religieux dans lorganisation de lÉtat quand même la religion du peuple est païenne.
Dans LHistoire de France de Mézeray on trouve également cette idée dune première vertu des Gaulois, quils auraient perdue au contact des nations plus policées comme les Phocéens de Marseille : « Le voisinage de cette ville Grecque Asiatique communiqua la langue Grecque, les Arts libéraux, léloquence et la politesse aux peuples de la Gaule : mais avec cela se glissèrent aussi les délices, les voluptés, les vices et les ordures abominables, auparavant inconnues à ces peuples innocents ; dispositions infaillibles à la servitude ; qui suit nécessairement la corruption des murs. » (Histoire de France de Mézeray, Livre I ; page 7, [27]). Mézeray suit les leçons des historiographes grecs et latins, César, Strabon, Plutarque, Tacite, Diogène Laërce, limage de la pureté et de la vertu du barbare et des vices de lurbanité et de la civilisation sont un motif que lon trouve déjà chez Xénophon. Mezeray renvoie souvent à Tacite et sattarde davantage aux Germains quaux Gaulois mais il ny a pas chez lui lélaboration dun modèle premier du politique qui aurait en même temps une puissance herméneutique permettant dappréhender le champ du politique comme le lieu dexpression dun certain nombre de valeurs immuables dont un peuple originel aurait donné les prémices.
Lanalyse que fait Mezeray de létat de la Gaule avant les conquêtes de César diverge sensiblement de celle de Cordemoy. Pour Cordemoy il y a une forme dunité des institutions gauloises celles dune monarchie élective aux pouvoirs trop bridés par les assemblées dont elle émane, mais aussi une multitude de monarques empêchant une unité daction face à un ennemi supérieur en force. Cest donc essentiellement lunité politique qui manque aux Gaulois malgré leur vertu politique et des institutions communes. Pour Mezeray, il ny a pas dunité des institutions mais discordances des pouvoirs qui aboutit à une impuissance politique, il ny a donc là aucun modèle herméneutique à découvrir, il ny a pas daxiome gaulois de la politique telle quelle se dessine dans lhistoire de France. : « Toute la Gaule nétait alors quun grand corps composé de plusieurs États, à peu près comme est aujourdhui lAllemagne, hormis quelle nétait pas toute sous un Chef. Elle avait ses assemblées générales, ses ordres et ses règlements, afin dentretenir lunion, et de pourvoir à la défense commune. Mais cette liaison était fort interrompue, et presque tout à fait anéantie, par des discordes perpétuelles ; car comme il y avait diverses sortes de gouvernements, néanmoins tous électifs et dépendants presque absolument du peuple, les uns en République, dont les peuples sappelaient libres, les autres régies par un certain nombre des meilleurs ou des plus riches, les autres ayant des Princes, quelques-uns des Rois, il était fort difficile daccorder les intérêts contraires de tant de gens. Et ce qui faisait le plus de mal, cétait la jalousie des faibles contre les plus forts, et lambition des Rois et des peuples les plus puissants, qui voulaient empiéter la prééminence et le commandement sur tous les autres ; ainsi les Berruyens leurent un temps, les Auvergnats un autre, les Séquanais un autre. » (Idem, p.8, [28])
Mezeray conduit une sorte de parallèle entre Gaulois et Germains, sexprimant surtout sur ces derniers, il les présentent comme gouvernés par une forme de « démocratie mêlée » : « Il y avait, si je ne me trompe, de trois sortes de gouvernement entre les Germains. En quelques endroits le peuple avait la principale autorité, et néanmoins il élisait souvent, ou un Prince, ou un Roi, quelquefois un Général ou Conducteur ; je le nommerai Duc, du mot latin Dux : Mais la puissance de tous ces chefs dépendait entièrement de la Cité ou Peuple, ainsi il y avait toujours de la démocratie mêlée. En quelques autres pays, comme parmi les Gothons, les Rois régnaient avec plus de pouvoir, non pas toutefois au préjudice de la liberté ; cest-à-dire quils ordonnaient avec connaissance de cause, suivant le droit et la raison : voilà une Royauté tempérée. Les Suïons, ce sont les Suédois, parce quils aimaient fort les richesses, avaient des Monarques absolus, qui tenaient toutes les armes enfermées de peur de révolte, et ne se fiaient de cette garde quà un Serf : cétaient donc Monarchie, et même quelque chose de plus rude ; car les Affranchis, les Valets, et autres gens de basse naissance y gouvernaient. Je noserais pas dire quil ny eut point aussi dÉtats régis seulement par les plus nobles : on nomme cela Aristocratie ; Au moins Strabon écrit en son quatrième livre, que les Belges, qui étaient Germains dorigine, se gouvernaient de la sorte. Et quant à lÉtat des Sitons ou Norvégiens qui se laissaient commander par des femmes, je ne sais quel nom lui donner, puisquil ne dégénérait pas seulement de la liberté, mais même de la servitude.
Jai dit que les Cités où le peuple était le Maître, élisaient un Roi, ou un Duc, ou un Prince. Ce Duc ne commandait que dans la guerre : sitôt quelle était finie, son pouvoir finissait. » (Ibidem, p.21-22, [41-42])
Mezeray décrit les institutions des Gaulois en même temps que celles des Germains partant du principe quelles se confondraient et quon retrouverait sous des noms différents les mêmes réalités.
Un autre principe saffirme, dans les vertus politiques gauloises; selon Cordemoy, celui de la profonde conjonction du pouvoir de gouverner et du pouvoir religieux : « Au reste la Religion était tellement jointe au gouvernement, quon ne reconnaissait pour Rois ou pour Magistrats Souverains, que ceux dont les Druides, qui faisaient la fonction de Prêtres, avaient confirmé lélection.» (Histoire de France, tome I, p.7). Ce nest certes pas lonction papale mais la convergence des autorités nen est pas moins frappante. Si cette conjonction du druide et du magistrat souverain est considérée comme un bien par Cordemoy, un problème de taille se pose alors. Le principe premier serait lalliance du religieux et du politique, la nature de la religion ne serait que secondaire, serait alors secondaire le caractère païen ou chrétien de lautorité religieuse pour définir comme bienfait lalliance du sceptre et du goupillon. Or la religion révélée est par définition la seule vraie, toute autre enseignement ou dogme qui ne serait pas contenu dans la révélation, qui ne serait donc pas chrétien, ne peut être que faux, odieux et méprisable. On voit labîme de contradictions dans lequel nous tombons. Cordemoy serait-il convaincu de croire en une relativité des religions ?
Ce pragmatisme religieux de Cordemoy se manifeste à dautres endroits de son uvre quand il rapporte le pillage du temple de Delphes, temple dApollon, dieu païen, par les Gaulois du chef Brennus. Il condamne ce pillage dun lieu de culte une fois encore comme sil était, dabord, plus important que ce fût un lieu de culte, alors même quil nait pas été chrétien. De même sa condamnation implicite de lirréligiosité des Grecs alors même que leurs dieux étaient païens et eux adorateurs de ceux-ci sils avaient été religieux, comme sil était plus important de professer une religion, fût-elle fausse, que de nen avoir aucune.
Dans ces opuscules il fait part de sa désapprobation, voire de son horreur à propos du massacre de la Saint Barthélemy, faut-il voir dans cette désapprobation une fois encore la marque dune certaine tolérance en matière de religions, qui pourrait nous conduire à lidée dune relativité de celles-ci ? Sans doute pas, lunité religieuse du royaume reste un des principes revendiqués par Cordemoy, comme nous lavons vu plus haut, et Louis XIV est vanté pour son action contre les protestants comme Charlemagne lest aussi pour sa lutte contre le paganisme et les hérésies, son étroite association avec les papes contemporains de son règne, les différents synodes quil a convoqués, pour avoir toujours, donc, associé léglise à son action. « Il est bon aux Princes demployer toute leur puissance à maintenir la Religion, et à convertir le hérétiques : mais il ne faut pas user de violence, pour les y obliger » (Maximes tirées de lHistoire, les uvres de feu Monsieur de Cordemoy, chez Christophe Remy, à Paris, 1704, p.239, (p.51)).
Quand il doit accepter lalliance de potentats musulmans espagnols il nencourt par contre aucun blâme, comme si ce qui est vrai à lintérieur du royaume, lunité religieuse et le rejet de toute tolérance à légard de lhérésie et du paganisme, cessait de lêtre à lextérieur. Dans lopuscule Des moyens de rendre un État heureux, Cordemoy établit la distinction entre intérieur et extérieur dun état toujours à partir de la métaphore familiale, est-ce dailleurs une métaphore ou nest-ce pas plutôt la représentation de létat propriu sensu, la distinction première étant celle de « létat de la nature » et de létat de « mélange », je reprends une troisième fois le même passage, mais plus complètement : « Une famille se peut prendre de deux manières ; ou comme elle devrait être dans le pur état de la nature ; ou comme elle peut être, quand il y a du mélange. Jappelle état naturel de la famille, celui où elle est, quand elle nest composée que de celui qui en est le chef, et de ceux qui sont descendus de lui. Et je dis quil y a du mélange, lorsque dautres personnes y sont admises, ou par hospitalité, ou pour y rendre service.
Dans le premier état, une famille est heureuse, lors quil sy trouve quatre choses. La première, quand la puissance ny est pas divisée, et que tous les descendants de celui qui en est le chef, lui sont parfaitement soumis. La seconde, lors que chaque particulier de la famille traite les autres particuliers, comme il veut en être traité, et quil aime beaucoup plus la commodité de toute la famille, que la sienne. La troisième, lors que le chef est bien persuadé quil nest puissant sur sa famille, que pour la rendre parfaitement heureuse, et non pas pour en faire tout ce quil lui plaît. La quatrième, lors que pour règle de sa conduite, il na que lEvangile, et quil le fait garder exactement.
Dans le second état, la famille est heureuse. Premièrement, lorsquon y traite les étrangers ou les voisins, comme on voudrait en être traité : en un mot, quand on leur témoigne autant damitié, que sils étaient de la Famille. Secondement, lors quon traite les serviteurs, comme ayant compassion de leur état, et comme on voudrait être traité dans une semblable servitude. En troisième lieu, lors que les serviteurs ont une entière soumission au chef, et un grand respect pour tous ceux de la famille. », (Du bonheur dun État, pp.205-206, (p.36)).
A lintérieur de lÉtat les liens qui associent les individus entre eux pour constituer le corps social relèvent de létat naturel ; ce sont ceux que lon trouve dans une même famille entre les membres de la phratrie et entre ceux-ci et le chef de famille. Il existe une première extériorité, celle des rapports entre les membres du corps social et ceux qui lui sont étrangers, les étrangers ou les voisins, notons que les serviteurs se trouvent dans une même extériorité et que leur existence au sein du corps social détermine autant la distinction entre état de nature et état de mélange, que celle des étrangers ou des voisins.
Le rapport du roi à ses sujets est à penser sur le modèle du rapport de filiation du père à ses enfants, cest la filiation qui détermine la religion des enfants, de même, le rapport de sujétion détermine celle des sujets.
Il y aurait relativité du christianisme romain à lextérieur et par contre irrévocabilité et absoluité de celui-ci à lintérieur, suivant le même distinguo entre nature et mélange.
Sil y a absoluité du Christianisme dans le royaume, on trouve néanmoins chez Cordemoy la revendication dune religion plus proche du peuple, dun clergé plus dévoué à ses tâches pastorales : « Il y a autant de Cures en chaque ville, que de quartiers ; et nôtre sage réformateur avait ordonné, quautant quon le pourrait, les Religieux qui avaient des Monastères dans lenceinte des villes, seraient mis dans les quartiers de la campagne, parce que cela convient mieux à la solitude, dont ils font profession. Dailleurs, le secours quils peuvent rendre aux Chrétiens, se ressent mieux dans les champs, quà la ville, où il est difficile que tous les laboureurs et les autres personnes qui servent à la culture des terres, sassemblent si précisément à certaines heures dans une même Paroisse : et cette loi qui na pu sexécuter dès quelle a été faite, a été trouvée si juste, que comme on a tenu la main à la faire observer, enfin les choses sont en tel état, quil ny a plus aucuns couvents dans les villes
Vous concevez bien quayant remis toutes choses dans la pureté des premiers siècles, on ne reçoit aucune personne dans le Clergé, qui nait une fonction nécessaire dans quelque Église ; et cela sobserve si régulièrement, que jamais on ne fait un Clerc, que quand il y a une place vacante quil puisse remplir. » (De la Réformation dun État, pp. 180-181 [pagination erronée : pp.176-177], (p.25)).
Le christianisme de Cordemoy est proche du peuple, parce quil doit être un relais de pouvoir, on le perçoit, à lévidence, dans lutopie dun État Réformé. Nous reviendrons sur ce point plus loin, et nous verrons combien la façon dont notre auteur présente les réformes religieuses de Charlemagne saccorde avec le point de vue exposé dans les Opuscules.
La position de Cordemoy en fait de religion nest donc jamais extrême, comme nous lavons vu plus haut, il raisonne souvent, plutôt en politique quen religieux : « Il faut, tout au plus, quand une extrême nécessité le veut, tolérer lexercice dune fausse Religion : mais il ne faut, pour quoi que ce soit, accorder de privilèges, ou des exemptions à ceux qui la professent », (Maximes tirées de lHistoire, Idem, p.222, (p.44)). Encore ce refus de privilèges et dexemptions nest-il pas motivé par des considérations strictement religieuses, mais aux moins mêlé de lidée dune saine répartition et gestion des redevances fussent-elles celles perçues pour léglise : « Aussi, lors quon fut contraint de tolérer la Religion prétendue réformée en France, ne voulut-on jamais souffrir que les Prétendus Réformés fussent exempts de dîmes. Si cela eût été, la plupart des gens de la campagne se fussent mis de leur parti, pour épargner la dixième partie de leur revenu. » (Idem, pp.222-223, (p.44)), à quoi tiennent les convictions religieuses si lon en croit notre auteur !
La religion, quand elle conduit à des excès de piété, peut même être un danger pour létat, trop de religion ne convient donc pas à un prince, cela nuit à lexercice du pouvoir. Un prince trop pieux est aussi nuisible quun prince trop dissolu, cest Cordemoy lui-même qui fait ce rapprochement quelque peu saisissant ; trop accorder à lÉglise devient une faute politique majeure et une preuve de faiblesse. Lexemple que jemprunte à lHistoire de France de Cordemoy est celui de Sigebert II (dit saint Sigebert II), fils de Dagobert Ier qui régna de 639 à 656, il avait abandonné le pouvoir à son maire du Palais, Grimoald : « Mais que ne peut un Ministre, à qui lon abandonne entièrement la conduite dun État ! Et quest-ce quun Prince fainéant naccorde pas à un homme, qui lui promet de le faire régner longtemps, sans avoir le moindre soin de ses affaires ? Cest par là quon dupe les Rois faibles, cest par là quon les enchante : sils aiment les délices, on ne leur parle que de délices ; et sils ont une pente à la piété, on ne leur parle que de piété afin quils oublient les affaires. Aussi paraît-il par tout ce que les Historiens de ces temps obscurs ont écrit, que Grimoalde ne faisait entretenir Sigibert que de dévotion : il gagnait créance en accordant tout à lÉglise ; lon ne peut douter que les personnes de piété, à qui il donnait tant dentrée au Palais dAustrasie, naient fort servi à porter lesprit de Sigibert à tout ce que désirait ce Maire du Palais. » (cest nous qui mettons en gras) (Histoire de France, tome I, p.341). Cordemoy dans ce jugement est proche dun Louis Machon, un libertin ou presque à en croire Jean-Pierre Cavaillé, même si leurs attendus sont certainement différents. Il nen reste pas moins que pour lun et lautre une trop grande piété est un piège pour le prince : « Le prince chrétien doit se garder en permanence de cette fatale dérive qui lamènerait à soumettre la réalité de laction politique aux apparences religieuses, qui simulent linvestissement de la conscience ; il ne doit pas, autrement dit, se laisser prendre lui-même au piège quil tend à ses sujets, et cest pourquoi il lui faut se défier comme de la peste des moines et autres religieux zélés qui, sous prétexte de conseil et de direction spirituelle, le poussent pernicieusement à cette confusion qui leur est profitable. » (Jean-Pierre Cavaillé, in Dis/simulations, op. cit., p.297, à propos de Louis Machon)
Mais la religion offre aussi des modèles herméneutiques, la providence divine, le dessein de Dieu, son inscription dans lhistoire des hommes est un schème interprétatif très puissant ; nous avons vu que Cordemoy sen éloigne quand il sagit de représenter le prince au service du bonheur de ses peuples, il peut néanmoins y recourir. Cordemoy dont la pensée métaphysique est une refonte de la notion de causalité visant à introduire lidée de cause occasionnelle, nhésite pourtant pas à faire intervenir Dieu directement dans les affaires humaines : « En effet il semblait que Rome ne pût éviter la servitude, exposée comme elle était dun côté aux Gaulois, et de lautre aux Carthaginois ; mais Dieu qui lui destinait lempire du monde sut accommoder tous les conseils à ce quil en avait résolu. » (Histoire de France, tome I, p.34). Cet empire du monde désigne lapogée de la puissance, la perfection politique atteinte au moment de la naissance du Christ : « Ce fut par ces exploits de Drusus, que la guerre finit dans tout lEmpire dAuguste ; et ce fut pendant cette paix universelle que JESUS-CHRIST vint au monde. Auguste avait déjà tenu lEmpire quarante-deux ans ; et la douceur de son gouvernement faisait désirer à tout le monde quil ne finit jamais : aussi ne semploya til quà maintenir la paix. » (Idem, p.55). Lintervention dun dessein de Dieu est encore plus probante dans le passage suivant que nous avons déjà cité : « Ce qui est remarquable, est que visiblement Dieu, qui tire le bien des plus grands maux, sest servi de lui (Pépin le bref père de Charlemagne) et de ses descendants, non seulement pour rendre la France heureuse, mais encore pour soutenir lÉglise. Et bien que selon tous les principes de la religion, les François naient pas dû consentir à lélection de ce Prince, ni Zacharie (le pape qui a consenti à son couronnement) en donner lavis, on ne peut néanmoins, quand on fait réflexion sur la sainteté de ce Pape, et sur la fidélité ordinaire des François, sempêcher de regarder ce changement, comme un de ces coups surprenants de la main de Dieu, qui sait tout rapporter à ses fins, et qui ne permettant pas aux hommes de démêler ses voies, ne leur permet pas aussi de juger dun événement si extraordinaire, ni de le tirer à conséquence. », (Idem, p.563). En effet, le couronnement de Pépin le bref, peut être compris comme ce quil est, une usurpation. La couronne devait revenir à un descendant de Mérovée et de Clovis son fils, considéré comme le premier roi de France. Le couronnement de Clovis aurait eu un caractère sacramentel comme dans lhistoire de la royauté des Hébreux, cest un lien mutuel entre Dieu et son peuple qui a été noué à cette occasion, et ce lien doit être maintenu et perpétué dans la maison de celui avec qui Dieu, par lentremise de ses représentants sur terre, a scellé cette alliance. Cest tout cela qui embarrasse Cordemoy, on ne peut dénouer sur terre ce qui a été contracté avec le Ciel, or cest bien ce que fait Pépin en se faisant couronner après avoir déposé et envoyé dans un monastère le dernier mérovingien Childéric III. Il faut trouver une légitimation, il est intéressant de remarquer que celle envisagée par le lecteur du prince est a posteriori, en justification en après coup, la légitimation par laccord sollicité du pape Zacharie nétant pas suffisante, cest un lien privé et direct que la souveraineté entretient avec Dieu sans autre intermédiaire. En effet, lusurpateur Pépin voit son geste légitimé par les bienfaits qui en ont découlé pour le royaume, et ces bienfaits sont un signe de lacquiescement de Dieu. Dieu, donc, sest servi dun mal, le viol dun pacte sacramentel passé avec la maison de Clovis, pour le faire concourir au bien de ceux qui laiment, les sujets des rois Francs. Cordemoy suit la leçon de Paul dans lépître aux Romains, (8, 28), sauf que ce bien est dabord matériel avant dêtre spirituel. On pourrait voir là une forme danticipation hégélienne de la philosophie de lhistoire, mais ce serait au mépris de la pensée de Cordemoy dont la vision de lhistoire est linéaire, il ny a pas de travail du négatif pour lui. Ce qui serait plus cocasse, consisterait à rapprocher cette idée quun mal en soi puisse se révéler être un bien a posteriori, de la thèse toujours défendue par les monarchomaques, à savoir quun mal, le régicide, puisse, sous certaines conditions, devenir un bien quand il en va de la conscience religieuse des sujets soumis à lautorité royale. Le bienfait comme manifestation a posteriori de la volonté divine reste dailleurs, un fondement de la morale puritaine. Cordemoy, sur ce point, est de plus en contradiction partielle avec lui-même, puisque à la thèse : « On ne peut manquer dêtre malheureux sous un Prince tout-puissant, sil arrive quil soit ou méchant, ou insensé » (p.40), il oppose, comme nous lavons déjà vu, quon serait bien plus malheureux sous un prince tout sage mais qui ne serait pas tout puissant, car ce sont des maux extrêmes quil ne saurait alors éviter. Cordemoy pense peut-être à la guerre civile. Il faut sen remettre sans doute encore au pragmatisme de lavocat qui trouve ses arguments ad hoc dans la nécessité de justifier un point de vue ou descamoter une difficulté, et comme dit, la leçon suivie par lui est déjà paulinienne : « Nous savons dautre part que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. » , (Epître aux Romains, 8, 28, T.O.B., 1981, éditions du Cerf).
Mézeray ne méconnaît pas le problème de lusurpation que présente le couronnement de Pépin le bref, père de Charlemagne, et cest bien dusurpation quil sagit pour lui puisquil écrit : « Sur un Roi fainéant Pépin le magnanime, / Après cent beaux exploits / Usurpe la Couronne au souhait des Français. / Est-ce régner ou renverser les Lois » (Histoire de France, p. 350, [694]). Il semble ne pas trancher puisquil renvoie la décision de lusurpation au « souhait » des Français. Selon Mézeray la justification de lusurpation peut venir aussi de lautorité religieuse : « Et cétait alors une maxime reçue et pratiquée par les Papes, quon pouvait ôter les indignes dune charge, pour y mettre ceux qui en étaient dignes : de sorte quils autorisaient la destitution que les Princes faisaient dun méchant Évêque, pour établir un plus homme de bien dans son siège, quoiquils le fissent sans aucune forme canonique. Suivant ces principes Zacharie (le Pape) ne pouvait manquer de répondre favorablement sur laffaire pour laquelle Pépin le consultait ; Et la réponse fut assurément de grand poids. Aussi les auteurs contemporains disent que ce changement se fit par le conseil et lavis du Saint Père. » (Mézeray, Histoire de France, p.345, livre VIII, p.346, [690]) Une des conséquences de cet appui de lÉglise, et plus précisément du saint Siège, serait une dépendance de la couronne de France par rapport à celui-ci, comme une entente forcée dans la complicité du larcin : « Aussi ce Roi et ses successeurs, comme sils eussent eu entière obligation de leur royauté aux Ecclésiastiques, leur donnèrent beaucoup de part au gouvernement, et rendirent de si grandes soumissions aux Papes quils leur firent, sil faut ainsi dire, un marchepied de leurs couronnes. » (Idem, p. 347, [691]). Enfin, le couronnement de Pépin se serait fait sur le modèle de celui des rois dIsraël, comme pour effacer le coup de force qui lui avait fait gagner le pouvoir : « Boniface Archevêque de Mayence, qui avait un mandement spécial du Pape pour cet effet, le couronna dans la cathédrale de Soissons, et loignit dhuile bénite à la mode des Rois dIsraël, afin que cette onction, suivant la parole de Dieu qui dit : Ne touchez point à mes oints ; servit comme de bouclier à sa personne, et de relief à son autorité.
Lonction et le couronnement commencèrent alors dêtre pratiqués à linauguration des Rois de France, et lont toujours été jusquà cette heure. Il y en a même qui croient que dans la première Race les Rois ne portaient point de couronne, mais seulement des diadèmes : en effet dans tout ce que nous en avons de monnaies ; on leur voit seulement le front ceint dun bandeau semé de perles. » (Idem, p.351, [695])
Cette sacralisation du pouvoir royal protège le souverain du reproche dusurpation, elle organise en même temps une interdépendance du Prince et du Prêtre dans une lecture de lHistoire qui devient la répétition de celle du peuple fondateur et de son élection. Mais Mézeray ne développe pas ce point de vue, comme sil préférait le détail de la chronique à tout essai de formalisation ou de théorisation.
Le pouvoir herméneutique de la religion dans la lecture de lhistoire atteint néanmoins, pour Cordemoy, une limite raisonnable du crédible ou du croyable. Ainsi dans lHistoire de France Cordemoy rapporte lévénement suivant : « Le petit Prince fut nommé Sigibert (fils de Dagobert 1er, année 630, celui dont il est question plus haut, qui se mit entièrement entre les mains de son maire du Palais, Grimoald) ; et lon récite que quoiquil fût dans la première enfance, il répondit Amen à lune des Oraisons que dit lÉvêque qui le baptisait. Mais outre que ce miracle nest point remarqué par Frédégaire (chroniqueur et homme dÉglise), on ne voit en cette occasion aucune des raisons, pour lesquelles il plait quelquefois à Dieu de faire des choses au dessus de la nature ; et il y a grande apparence, que de bonnes gens trompés par un cri de lenfant, crurent lui entendre dire Amen. » (Cordemoy, Histoire de France, T.1, p.318).
Nous observons souvent ce souci de lhistorien de restituer une vérité, de corriger des récits tardifs par rapports aux événements narrés, des jugements tendancieux, déformant la réalité des personnes jugées. Lhistorien est en désaccord partiel avec le théoricien de lhistoire dont nous avons vu quil privilégiait la croyance et la crédibilité sur lattestation et la réfutation des faits par la recherche de preuves. Cordemoy nhésite pas à critiquer certaines sources quand elles lui semblent heurter le bon sens ou les lumières de son temps.
La réticence concernant le recours au miracle pour justifier la légitimité dun pouvoir est assez constante dans luvre de Cordemoy quoique parfois le miracle puisse être avéré, du moins cest ce qui ressort du récit quil en fait, encore ne sagit-il dans le cas auquel nous renvoyons dune légitimation quelconque : « Childéric (Childéric 1er, roi de France, fils de Mérovée, année 468) tout Païen quil était eut tant de vénération pour elle (sainte Geneviève), que ne voulant pas sexposer à lui refuser la grâce de quelques criminels dont il jugeait nécessaire de faire un exemple, il ordonna quon les menât hors de la ville : il en sortit lui-même ; et commanda aux gardes de fermer les portes pour empêcher quelle ne le suivit. Mais rien ne la put arrêter ; et la puissance que sa foi lui donnait sur tout ce qui sopposait à ses bons desseins, fit que les portes souvrirent devant elle. Les gardes étonnés la laissèrent ; Childéric à qui ils apprirent cette merveille, se sentit incliné à pardonner aux criminels, et nosa refuser leur grâce à une fille qui faisait des choses si étonnantes : Heureux sil eût su profiter de ce quil voyait ! Il se contenta de ladmirer ; et tant deffets surprenants de la vertu de sainte Geneviève ne servirent ni à changer la croyance, ni à corriger les murs de ce Prince. » (Idem, p.127).
Charlemagne est le modèle du monarque chrétien, nous avons vu quel problème religieux posait la translation du pouvoir monarchique des mérovingiens à Pépin et à ses descendants. La présentation de Charlemagne comme souverain très catholique sert de justification a posteriori mais permet aussi délaborer une archétype, un schème de la figure royale. Avant même quil ne soit investi de lautorité royale Charles, comme son frère sont appelés à restituer limage dun pouvoir royal selon la volonté de Dieu : « Le Pape écrivit en cette occasion aux deux Princes Charles et Carloman pour la première fois. Il les excitait à « imiter leur père et leur aïeul ; et après avoir comparé la protection que Dieu donnait à lÉglise par les Rois de France, à celle quil avait donnée au peuple juif par Moise, par Josué, et par les autres conducteurs de ce peuple, il disait que ce qui était arrivé à David et à ceux de sa race, lorsquils avaient reçu lonction, était arrivé à Pépin et à ses enfants. Et par une seconde lettre (...) il leur parlait en ces termes : (...) Quavons-nous à désirer, depuis que le Seigneur vous préférant à tous les Rois, vous a choisis pour être les libérateurs de son Église, et a bien voulu vous élever sur le trône, par les mains de Saint Pierre qui vous a donné lonction ? » (le changement de caractère décriture est de léditeur) (Idem, p.472).
Princes et rois selon la volonté de Dieu, ils doivent restés dans un rapport privilégié avec lautorité religieuse car elle demeure la caution de leur pouvoir : « Il était même impossible que les deux jeunes Princes fissent réflexion, sur la manière dont la Couronne avait passé de la maison royale dans la leur, et sur la conduite dont Dieu sétait servi pour les élever sur le trône, sans se laisser fortement persuader, quils étaient plus obligés à la défense du saint Siège, que tous les autres Rois de la terre. » (Idem, p.473). La motivation première de leur action doit être encore religieuse : « Pépin dailleurs leur était un grand exemple : tout ce que faisait ce Prince navait pour motif, que lexaltation de lÉglise et la défense de la foi. Il avait fait deux fois la guerre en Italie pour ce sujet ; toutes les guerres de Saxe semblaient navoir eu que ce but ; il avait négligé lalliance de lEmpereur et méprisé ses présents, pour soutenir la religion ; et le principal motif de la guerre dAquitaine qui durait encore, était la restitution du bien des Églises. » (Idem, p.473). Cest ainsi que la seule motivation de Charles, fils de Pépin, dans sa guerre contre les Saxons est le salut de leur âme : « Il ne les voulait dompter que pour les faire Chrétiens ; et il était si passionné pour leur salut, que bien quil eût grand besoin de repos après tout ce quil venait de faire, il prit encore la route du côté de Saxe. » (Idem, p.512). Ce motif pastoral revient constamment, le roi est dabord le berger de son peuple qui veille à son salut et au respect du culte dû et rendu à Dieu : « (Charles dans un édit) parle dans la suite avec tant de reconnaissance des bénédictions de Dieu sur la France, et en fait aux Français un motif si pressant, pour les obliger à faire tout ce que la religion exigeait deux, quon voit bien quil était persuadé que le principal devoir des Rois est de faire que Dieu soit servi par les peuples. » (Idem, p.548). La religion règle donc les desseins royaux : « Mais Charles de qui la religion réglait tous les desseins, et qui se confiait en Dieu, parut ferme, et sappliqua tout entier à corriger les désordres de lÉglise et de lÉtat. » (Idem, p.562).
On sent dans la façon dont Cordemoy construit limage du monarque chrétien, quil met toujours en avant les devoirs avant les pouvoirs, ses opuscules le manifestent à lévidence et la figure de Charlemagne permet de construire ce modèle du roi bien formé et informé : « Outre le soin que Charles prenait des affaires de lÉglise, il demandait de tous côtés des mémoires, touchant les abus qui se commettaient dans lÉtat, pour aviser aux remèdes quon y pouvait apporter, et donnait certaines heures aux deux jeunes Rois, qui demeurèrent pendant tout lhiver auprès de lui. LAuteur de la vie de Louis dit que cétait pour les instruire du devoir des Rois ; » (cest nous qui mettons en gras), (Idem, p.563).
On trouve des exemples a contrario dans son Histoire de France, un jeune prince que lon retire à lenseignement de ses sages maîtres risque infailliblement de tomber dans les excès du vice. Cordemoy donne lexemple dAthalaric fils dAmalasonte sa mère, roi des Ostrogoths à la mort de Théodoric, exemple que nous avons déjà mentionné plus haut
Léducation du prince dans la pensée de Cordemoy occupe une place cruciale, nous en avons une fois encore le témoignage. Nous ne sommes plus dans la pensée dune bonne nature qui gouvernerait la formation du prince dabord chef militaire. Sil ne convient pas au prince davoir le savoir du clerc, il doit au clerc sa formation politique indispensable au bon exercice de sa fonction royale.
LÉtat, dans la pensée de Cordemoy, se construit par une suite dagrégations, comme nous lavons vu plus haut, cette construction hiérarchique de lÉtat est aussi hiérarchie des pouvoirs et des devoirs. Chaque individu se trouve dans une chaîne de responsabilités et dobligations significatives de son niveau de décision. Dans cette hiérarchie le premier niveau de pouvoir, nous lavons vu, est celui du chef de famille, cest donc lui qui donne le modèle de référence, le schème directeur des vertus et des devoirs de lhomme de pouvoir, il est archétypique ou « prototypique » des autres figures investies de charges politiques, jusquà lultime : le roi : « Tellement que le chef doit avoir de grandes qualités naturelles, et pratiquer continuellement toutes les vertus. Mais celles qui lui sont le plus nécessaires, sont.
-Le discernement, pour connaître à quoi chaque personne de la famille doit être employée, et comment elle peut être conduite.
-La prévoyance, pour prévenir les troubles.
-La justice, pour régler les différends, et pour punir le mal.
-La douceur, pour supporter les défauts.
-Le bon ménage, pour conserver les biens.
-Et ladresse, pour en acquérir par les voies légitimes. » (Des Moyens de Rendre un État heureux, op. cit. p.206, (p.36)).
Telles sont les vertus définies par Cordemoy. Reste à préciser le système hiérarchique de soumission qui unira chaque particulier à la figure première de lÉtat en qui se retrouvera lensemble de ces vertus, de ces soumissions et de ces responsabilités : « Si plusieurs semblables se joignant, viennent à composer une ville, chaque chef de famille retenant la puissance dans sa famille, sera soumis à celui qui aura le gouvernement de toute la ville, (...) Tout cela sera soumis au Gouverneur (
). Enfin, si plusieurs villes se joignant, viennent à composer un État ou Royaume, chaque Gouvernement sera soumis à celui qui aura la conduite de tout le Royaume. (..) Et ainsi chaque particulier du Royaume a trois devoirs. Ceux de la famille, qui sont préférables à sa commodité particulière ; ceux de la cité, qui sont préférables à ceux de famille ; et ceux du Royaume, qui sont préférables à tous les autres. » , (Idem, p.208-209,(p.37)). En bout de chaîne, comme nous lavons vu plus haut, le roi somme les responsabilités et les devoirs particuliers de ce système trinitaire : « Celui qui, à cause du gouvernement de tout le Royaume, portera le nom de Roi, se regardera comme obligé à remplir différents devoirs. Premièrement, celui de particulier, cest à dire, dhomme qui, comme tous les autres, doit plus au Royaume quà soi-même. Celui de chef de famille, quil doit moins considérer, que le salut du Royaume. Et celui de Roy, qui loblige à faire tout ce qui dépend de lui, pour rendre le Royaume heureux. » , (Ibidem, p.209, (p.37)).
Lexemple de Charlemagne peut donner une bonne illustration du propos de Cordemoy, une fois encore ce dernier savère être archétype de lespèce royale si lon peut dire : « (...) ce quEginhard a écrit fait connaître, que Charles pouvait faire bien des choses de nature fort différente, sans que les unes empêchassent les autres. Il dit entre autres, quen quelque lieu que fût ce Prince, et quà quelque heure quon le prît du jour ou de la nuit, il écoutait tous les différends quon lui proposait, et les décidait sur le champ. Ainsi la guerre chez lui nempêchait point la justice ; et ces pénibles fonctions de Capitaine et de Juge, ne lempêchaient pas de donner bien du temps, non seulement à sa famille, quil ne manquait jamais de faire venir dans les lieux où il avait un peu de séjour à faire, mais encore à létude des sciences, pour lesquelles il avait presque toujours Alcuin auprès de lui. » (Cordemoy, Histoire de France, T1, p.535).
Mézeray utilise la même source que Cordemoy puisquon trouve le passage suivant dans son Histoire de France : « durant ses repas il se faisait lire lhistoire des Rois ses prédécesseurs, ou quelques livres de Saint Augustin. Après dîner il se mettait au lit, et prenait deux ou trois heures de repos : mais la nuit il interrompait son sommeil, se levant deux ou trois fois pour prier Dieu, ou pour étudier, et pour spéculer les astres. Il écoutait les différends des sujets avec une sérieuse applications, et rendait justice à toute heure, même en shabillant. Il passait le printemps et lété à la guerre, une partie de lautomne à la chasse, lhiver dans les conseils et dans les occupations du Gouvernement, et quelques heures du jour et de la nuit à létude des lettres, de la Grammaire, de lEloquence, de lAstronomie, et de la Théologie. Aussi était-il un des plus savants et des plus éloquents hommes de son Siècle. Il se divertissait à composer divers ouvrages, et faisait souvent des questions aux savants sur les matières les plus profondes. » (Mézeray, Histoire de France, Charles I. Roi XXII. Livre IX, p.389 [733]).
Le portrait de Charlemagne est composite et ne semble suivre une ligne de composition quimplicitement, celle du monarque chrétien selon une représentation essentiellement augustinienne, du moins quand Mézeray pose que le carolingien travaillait non à sa gloire mais au bien de son peuple et à lavancement de la religion chrétienne : « Avec cela il se montrait clément, miséricordieux, aumônier, qui nourrissait charitablement les pauvres jusques en Syrie, en Egypte et en Afrique, qui employait ses trésors à récompenser les gens de guerre, et les gens doctes, à élever grand nombre de jeunes gentils homme proche de son Palais, dans létude des lettres et dans les beaux exercices, afin de les rendre capables de servir dans lÉglise, ou dans les affaires, ou dans les armées, selon leur génie et leur inclination. Il se plaisait à bâtir des ouvrages publics, des Églises et des Palais, à réparer les ponts, les chaussées et les grands chemins, à rendre les rivières navigables, à garnir les ports de bons navires, à civiliser les nations barbares, à porter la gloire de la nation Française avec éclat dans les Royaumes les plus éloignés. On le voyait tous les jours à lÉglise les matin et le soir, quelquefois même la nuit; Il assistait au service divin avec un respect très exemplaire, et priait Dieu avec une tendresse de cur, qui marquait une vive foi. Aux processions solennelles il allait nus pieds de son Palais à lÉglise cathédrale. Sur tout il prenait un grand soin de faire rendre la justice promptement et sans aucuns frais, de policer son État par de bonnes lois, et de les faire exactement observer. Enfin il tournait toutes ses actions, non point à sa propre gloire, ou à sa propre commodité, mais au bien de ses peuples, et à lavancement de la Religion Chrétienne. » (Mézeray, Idem, p.390, [734]). Cette considération de lavancement de la Religion Chrétienne revient plusieurs fois dans le récit de la royauté de Charlemagne: « Là vint aussi le Sarrasin Ibnalarabi Gouverneur de Saragosse, et quelques autres chefs de la même nation, qui imploraient la protection de Charles. Il la leur accorda facilement, et voulut mener son armée lui-même en Espagne, plutôt pour défendre et accroître le Règne de Jésus Christ, qui doit être le principal but dun Prince Chrétien, que pour étendre sa propre gloire et son Empire: ce qui nest le plus souvent quun effet de lambition, ou de linquiétude. » (Mézeray, Ibidem, Livre IX, p.401, [745]). Plus loin: « Il passa lannée 790 dans son Palais de Worms, sans aucune expédition militaire, mais non pas sans occupation. Il sadonnait létude, il rendait justice, il semployait à de uvres pieuses. Il envoyait de grandes aumônes aux Chrétiens qui gémissaient sous le joug des Sarrasins en Espagne, en Afrique, et en Syrie, et recherchait lamitié des Princes Mahométans, afin de les obliger à mieux traiter les Chrétiens. » (Mézeray, Ibidem, p.412, [756]). Cest ainsi que Charlemagne ne guerroie que dans lintérêt de ceux quil combat, il lutte contre lidolâtrie et dans lintérêt véritable de ceux qui sopposent à lui, la longue liste des massacres de Saxons trouvent une justification tout à propos. Il ny a donc pas vaine gloire dans la personne de lempereur, mais au contraire le désir ardent de servir le Christ, sa nouvelle puissance impériale est, en fait, celle de la chrétienté: « Tout lOccident reconnaissait ou honorait son nouvel Empereur, il ny avait plus que Godefroy Roi de Danemark qui contrecarrait sa puissance. Aussi Charles désirait pénétrer dans ses pays, non point par envie de posséder les glaces et les roches du Nord, qui neussent rien contribué à le faire plus grand, ni plus riche : mais pour tirer ces peuples des ténèbres de lidolâtrie, et les amener à la vraie Foi. » (Mézeray, Ibidem, Livre IX, p.433, [777]).
Le Charlemagne de Mézeray est homme à tout faire, il intervient dans tous les domaines de la vie intellectuelle sans, pour autant que se dessine une image de la fonction royale ou impériale : « Il fit rédiger par écrit toutes les lois et les coutumes des nations qui étaient sous son Empire ; il dressa des capitulaires ou ordonnances ; il amassa tous les anciens vers qui contenaient les beaux faits des Français, pour servir de mémoires à leur histoire quil avait envie de composer. Il entendait si bien la Théologie, quil écrivit lui-même contre lhérésie de Félix dUrgel, et touchant la question des images. Il haranguait dans les grandes assemblées, et navait pas moins de gloire à faire triompher son éloquence que ses armes. Durant les nuits sereines il se plaisait à étudier le ciel et les astres; nous en avons de belles et curieuses observations dans ses Annales, quil a dressées lui-même, ou du moins il en a fourni les mémoires. Pour illustrer sa langue naturelle, qui était la Tudesque, il la réduisit sous des règles, et en composa la Grammaire, et donna des noms à tous les mois de lannée en cette langue, comme aussi aux vents, tels à peu près quils les gardent encore aujourdhui. » (Mézeray, Ibidem, Livre IX, p.439, [783])
Les concordances avec le texte de Cordemoy sont frappantes, pourtant Mézeray na pas le souci que montre Cordemoy de construire une image du souverain, paradigme de la royauté. Ce souci dexemplarité du personnage comme modèle historique de référence appartient en propre à lauteur de LÉtat Réformé. Léducation du prince reste un pré requis permanent dans les choix dexposition et décriture de lauteur.
Pour Cordemoy Charlemagne, chef de famille, soumet son devoir de père à lintérêt de lÉtat comme lensemble de son action et de ses pensées. Il se charge lui-même de léducation des futurs rois que sont ses fils. Il sagit toujours dinstruire de leurs devoirs ceux qui sont destinés à régner, le terme de « devoir » est peut-être celui qui revient le plus souvent sous la plume de Cordemoy : « (il) donnait certaines heures aux deux jeunes Rois, qui demeurèrent pendant tout lhiver auprès de lui. LAuteur de la vie de Louis dit que cétait pour les instruire du devoir des Rois ; » (Cordemoy, Histoire de France, tome I, p.563).
Pour ce qui est de la clémence, lempereur apparaît toujours comme un modèle, il sait en faire preuve à lendroit de ses adversaires. Un complot ourdi contre lui sera loccasion de le montrer : « Ce Prince néanmoins donna des marques dune grande douceur, en ce quil ne fit mourir aucun de ceux qui avaient conjuré contre sa personne, bien quil en eût fait arrêter un grand nombre. Il se contenta de faire perdre les yeux au Comte Hartrade, et à une partie des principaux conjurés : le reste fut envoyé en exil ; et il ne serait mort personne pour un crime si capital, si trois des conjurés craignant peut-être de tomber au pouvoir de Fastrade (une des épouses de Charlemagne), ne sétaient fait tuer, en se défendant contre ceux qui avaient été envoyés pour les prendre. » (Idem, p.536).
Le caractère absolu du pouvoir royal sexprime comme une somme de responsabilités et de devoirs hiérarchisés parce quil représente lemboîtement de tous les pouvoirs particuliers subsumés sous le sien. Le roi dispose absolument de tous ceux qui lui sont soumis comme de tous leurs biens : « Quant aux biens des villes, et des particuliers, il en est le maître absolu, non pour en faire ce quil lui plaît, mais pour en faire tout ce qui est utile, ou nécessaire au bien du Royaume. Et, bien quon doive aveuglément lui en laisser la disposition, il doit en user que pour la commodité, lutilité, ou la nécessité publique. De même, il est maître des particuliers, cest à dire, quil les peut employer à tout ce quil lui plaît, et même les envoyer à la guerre. Mais il ne les doit exposer, que quand il sagit du bien de lÉtat. » , (Des Moyens de rendre un État heureux, Idem, p.209, (p.37)).
Le rôle essentiel de léducation du prince est de linitier à cette somme de devoirs qui définissent sa charge et fondent son autorité non sur lexercice de larbitraire mais sur la responsabilité essentielle qui le lit à lidée du bien du Royaume. Le roi est, en quelque sorte, esclave de lidée du bien du royaume, il lui est entièrement soumis. Mais il na au-dessus de lui, pour en rendre compte, que Dieu lui-même.
Léducation ne fait pas tout, ceux qui sont destinés à régner ne sont pas dune nature différente mais le nom de roi transforme en eux la nature. Ils doivent, jeunes, à dix-sept ans, avoir déjà toute la sagesse nécessaire au gouvernement dun État : « dix-sept ans doivent suffire aux Rois ; et de quelque manière quils soient élevés, leur nom seul, qui les avertit continuellement de la grandeur des emplois auxquels ils sont destinés, leur doit ouvrir lesprit de meilleure heure quaux autres hommes. » (Cordemoy, Histoire de France, T1, p.535)
On trouvera lexemple inverse, celui de la bonne nature pervertie par la mauvaise éducation, Charles IX, fils dHenri II et de Catherine de Médicis, que Cordemoy donne dans les Maximes tirées de lHistoire :
LXI
« La mauvaise éducation est ordinairement cause, que les Princes, dont le naturel est le plus excellent, font de grands maux.
Charles IX. était bien formé de corps. Il avait le courage haut, lesprit vif, et clairvoyant, le jugement bon, la mémoire prompte, une activité incroyable, et une expression la plus heureuse et la plus énergique du monde : en un mot, il avait tous les talents dun homme qui doit gouverner. Mais, parce que ceux qui lavaient élevé, lui avaient laissé prendre lhabitude de jurer, il ne parlait presque jamais (p.244, (p.53)) sans cela, même à Catherine sa mère. On lui avait appris à maltraiter de parole les grands : on avait tâché de lui faire aimer la chasse et la paume pour le détourner du soin de ses affaires ; on avait même tâché de le jeter dans la débauche du vin, et des femmes. A quel mal nest pas exposé un jeune Prince, élevé de la sorte ? Plus il a de talents, et plus il est malheureux. »
LXII
« Quelquefois après quune mauvaise éducation semble avoir corrompu un beau naturel, la raison survenant avec un peu dâge et dexpérience, fait que ce beau naturel surmonte la mauvaise éducation.
Cela paraît visiblement en Charles IX. qui pour sêtre enivré un jour, eut tant de honte davoir perdu la raison par le vin, quil sen abstint pendant tout le reste de sa vie. Il reconnut que pour sêtre laissé gouverner, il avait permis, ou fait bien des maux ; et cela lui fit prendre tellement le soin des affaires, que pendant quelque temps, sa mère, avec toute lavidité quelle avait de gouverner, ny eut aucune part. Il avait connu quon lui avait fait tort de le divertir des études ; et cela fit quil eut souvent des conférences avec des personnes de belles lettres. Il composa même assez bien des vers ; et il voulut sappliquer aux sciences dans les heures de son loisir, lors que son mal devint mortel. Cela doit faire avouer à tous les jeunes Princes, que le plus grand bien quon leur puisse fare (sic), est de les bien élever. » (uvre de G. de Cordemoy, maximes LXI, LXII), op. cit., p.243-244, (pp.53-54))
Education, devoir, religion conduisent, néanmoins, à construire le modèle que Charles incarne, modèle de sagesse et de modération : « Il ne faisait, dit cet Auteur, que rarement des festins ; et hors les jours solennels auxquels il appelait bien du monde à sa table, on ne lui servait que quatre plats avec le gibier, qui était la viande quil aimait le plus. Pendant tout le temps quil était à table, on lui faisait la lecture de quelque histoire des anciens Rois, ou de quelques ouvrages de saint Augustin quil aimait fort, et principalement les livres de la Cité de Dieu. Il ne buvait jamais le souper, qui était son plus grand repas, plus de trois fois, encore était-ce rarement. (...) la nuit il se levait jusques à quatre ou cinq fois, et voulait quon fît entrer à chaque fois, non seulement ses amis, cest à dire ceux avec qui il avait coutume de sentretenir, mais encore ceux qui avaient quelque différend que le Comte du Palais navait pu décider. Il écoutait les parties, et les jugeait en shabillant comme sil eut été au tribunal : cétait aussi dans ce temps quil donnait ses ordres à ses Ministres et à ses Officiers. Tout cela marque une grande activité : mais ce qui est surprenant, cest quavec cette activité, il avait une solidité desprit, qui faisait que parmi tant daffaires, il nétait jamais embarrassé ni inquiet. De quoi ne vient pas à bout un Prince qui a de semblables talents, et qui sait vivre de la sorte ! » (Cordemoy, Histoire de France, tome I, p.580). Nous ne sommes pas loin de limage du roi prêtre quincarnera davantage encore son fils Louis le pieux : « (...) les Ecclésiastiques dAquitaine, qui avaient plus lair de gens de guerre que de gens destinés au service de lÉglise, quand il prit la Couronne, avaient tellement changé leurs façons de vivre par les soins quil eut de les réformer, et par les bons exemples quil leur donnait, quon disait hautement quil était non seulement digne de la Royauté, mais aussi du Sacerdoce. », (Idem, p.642).
Cest en effet, dans le domaine des réformes religieuses que le Charlemagne de Cordemoy est le plus proche du discours tenu par lambassadeur de lÉtat réformé dans les opuscules du même auteur. Les réformes préconisées consistent pour lessentiel à rapprocher le clergé du peuple des fidèles, et à contraindre les évêques de ne pas sabsenter de leurs évêchés, les prêtres de leurs cures. Dans le quadrillage du royaume quimagine Cordemoy, où chaque acteur du contrôle royal dirige un secteur défini dans un domaine défini, justice, armée, finance, les religieux ont leur place et leur fonction. Le roi étant le garant de lunité religieuse du royaume, il y a forcément conjonction des différents pouvoirs temporels et du pouvoir religieux. Charlemagne représentait déjà, sous la plume de notre auteur, le paradigme de ce concours de lun à lautre. Dans la guerre contre les Saxons, par exemple, lempereur sauve les âmes en étendant son pouvoir, en soumettant des nations qui y échappaient. Le but est présenté comme religieux, comme si la religion subsumait en fait les autres objectifs poursuivis : « Il ne les voulait dompter que pour les faire Chrétiens; et il était si passionné pour leur salut, que bien quil eût grand besoin de repos après tout ce quil venait de faire, il prit encore sa route du côté de Saxe. Il tint son Parlement à Worms, et marcha avec une extrême diligence droit à la source de la Lippe (où se trouvent les Saxons). » (Ibidem, p.512). Cest tellement vrai que par un juste retour, la religion a, elle, comme rôle de soutenir les différentes forces de lÉtat. Cela nous le lisons dans De la Réformation dun État: « Mais, quand la religion soutient les lois, et que cest elle qui ménage les forces et les finances dun État, il subsiste toujours en repos. Aussi ny a-t-il rien de si exactement observé dans celui-ci (lÉtat Réformé), que ce qui concerne la Religion. Elle y est bonne partout, et elle y est si universellement la même en tous les endroits, quil ny a pas une seule personne, qui ait la moindre créance différente de celle de toute lÉglise. On ne souffre pas quaucun Hérétique en approche; et pour cela on fait faire à qui que ce soit une profession de foi, en y entrant. » (de la Réformation dun État, in uvres de Monsieur de Cordemoy, p.175, (p.24)).
Le prêtre a donc une fonction essentielle dans lorganisation de lÉtat, un pouvoir de contrôle et dadministration des âmes, aussi ne peut-il abandonner son poste sous quelque prétexte, comme une sentinelle en garde dune place forte : « Les Évêques résident indispensablement, et si le Roi en appelle quelques-uns auprès de lui, ils sont obligés de se défaire de leurs Évêchés
Les autres Bénéficiers, quels quils soient, sont obligés aussi à la résidence: en sorte que, sils sont absents durant un mois, sans congé de leur Supérieur, leur bénéfice est vacant, sans quil soit besoin de le faire ordonner; et quand le Supérieur dispense sans cause, il perd lui-même son bénéfice. Enfin, la résidence est dune nécessité si absolue, que quelque juste que soit le sujet dune absence, et quelque autorisée quelle soit par le Supérieur, on compte tous les jours quelle dure; et le Bénéficier absent, en perd à proportion les fruits de son bénéfice. » (Ibidem, p.175, (p.25)).
Les réformes préconisées par Charlemagne viennent comme en écho du discours sur lÉtat réformé : « On condamna ensuite les changements dÉvêchés et de Cures : on défendit aux Évêques dêtre absents de leurs Églises pour leurs affaires particulières plus de trois semaines, on ordonna que les biens quils avaient avant leur promotion, appartiendrait à leurs parents ; et que ceux quils auraient acquis pendant leur Episcopat, appartiendraient à leur Église. » (Cordemoy, Histoire de France, Tome I, p.569).
Lempereur joue un rôle éminent dans le domaine de la religion, ses interventions sont exemplaires et inégalées, les canons adoptés par les conciles du temps de son règne manifestent la pureté et la simplicité de sa pensée : « Plusieurs Canons de ces Conciles font connaître, que les Prélats avaient été vivement touchés des avis quil avait donnés; et qui comparera les Conciles tenus avant son règne avec ces derniers Conciles, connaîtra facilement par la différence qui sy rencontre, combien un Prince savant et soigneux de la discipline Ecclésiastique peut servir à la religion. Toutes les matières y sont bien digérées; celle des Sacrements, surtout en ce qui concerne lindissolubilité du mariage, y est tout à fait bien expliquée; et ce qui regarde ou les murs ou la discipline, y est dans une pureté à laquelle il ne manque rien. », (Ibidem, p.646)
Lintérêt de Charlemagne pour les querelles théologiques est également souligné par Mézeray qui insiste sur son travail de réformateur dans lÉglise. Là encore Cordemoy et Mézeray recourent aux mêmes sources. « Cependant Charles étant parti de Ratisbonne se rendit à Francfort, où il avait convoqué un grand Concile de tous les Évêques de France, dItalie, de Germanie, et de Bavière, pour terminer deux questions de grande importance touchant la Foi, savoir lopinion que Félix Évêque dUrgel soutenait, et la dispute touchant le culte des images. Les légats du Pape qui étaient deux Évêques, y assistèrent, mais ils ny présidèrent pas; ce fut le Roi même. » (Histoire de France, Mézeray, Livre IX, pp. 415-416 [759-760])
Mézeray y insiste tout particulièrement mais pour souligner un trait propre à Charlemagne, en même temps quun souci de tous les instants : « Jamais Prince neut plus de soin de conserver la pureté de la foi orthodoxe, ni plus daffection pour lhonneur et la discipline de lÉglise, ni tant de respect et tant de zèle pour lexaltation du Saint Siège, que Charlemagne. Que ne fit-il point durant tout le cours de son Règne pour corriger les vices du Clergé et des Moines, pour les instruire, et pour les faire rentrer dans la sainteté de leur profession ? Il ne se passa presque point dannée en toute sa vie, quil ne tînt ou des assemblées de Grands de lÉtat, ou des Conciles pour cet effet. Je ne compterai point les années de ceux qui se firent à Worms, (il y en eut cinq) à Valenciennes, à Genève, à Dure; et autres lieux, parce que nous nen avons aucuns décrets. Mais celui de Francfort est très considérable : on le pouvait nommer le Concile de lOccident; car les évêques de la plus grande partie de lItalie, ceux de la Germanie, et ceux des Gaules y assistèrent. Il fut convoqué par Charlemagne, qui y présida, et y raisonna fort savamment contre les erreurs dElipand de Tolède, et de Félix dUrgel, qui enseignaient que Christ, selon la chair, était fils adoptif ou nuncupatif de Dieu le Père, quoiquil fût Dieu, selon la génération éternelle. » (Idem, Livre IX, pp.460-461, [804-805]).
Il ny a pourtant pas pour Cordemoy comme dailleurs pour Mézeray, de soumission du pouvoir temporel de lempereur ou du roi au pouvoir spirituel du pape, il ne revient pas au pape de faire ou de défaire les empereurs ou les rois. Rapportant le sacre de Louis le pieux, fils de Charlemagne, notre auteur fait la remarque suivante : « Il est difficile, quand on fait réflexion sur la cérémonie de ce couronnement, dêtre de lavis de ceux qui ont crû, que les Empereurs devaient être couronnés de la main du Pape ; et Charles, en obligeant son fils à prendre lui-même la couronne sur lAutel, faisait bien connaître, quil ne croyait tenir lEmpire que de Dieu. » (Cordemoy, Histoire de France, tome premier, p.648). Il insiste sur ce point en dautres endroits, le pape ne saurait avoir puissance sur lempereur ou les rois, pas plus que lempereur naurait barre sur dautres monarques, au nom dun privilège ou dune préséance quelconque : « Vers la fin de lhiver le Roy de Northumbre revint de Rome ; et lEmpereur le fit reconduire dans son Royaume par un de ses Secrétaires, et par Nanthair Abbé de Saint-Omer. Adolphe les accompagna suivant lordre de Léon ; et quelques Auteurs ont pris cela pour une marque de lautorité, quils veulent attribuer au Pape sur le temporel des Rois. Mais il ne faut que lire les lettres écrites à Charles par Léon, pour connaître que ce Pape ne renvoyait Adolphe en Angleterre, que parce que Charles lavait souhaité.
Dautres Auteurs, qui ont voulu dire que Charles avait entrepris de remettre le Roy de Northumbre sur le trône, parce quil avait pouvoir sur les Rois en qualité dEmpereur, ne paraissent pas mieux fondés : et bien quil soit vrai que les Rois dAngleterre, aussi bien que ceux dEcosse, eussent une extrême déférence pour Charles ; il est certain, que ce nétait pas parce quil était Empereur, mais parce quil était fort puissant et fort juste. » (Idem, p.631).
Linfluence que peut avoir Charlemagne, il la doit donc à sa puissance et à sa justice, à sa personne privée plus quà sa personne publique. Il est dailleurs empereur malgré lui, ayant, selon Cordemoy, accepté le titre impérial à contre cur, le devoir, encore lui, commandant en loccurrence à lintérêt : « Outre cela il avait rendu tributaires toutes les nations barbares, qui étaient entre le Rhin, la Vistule, la mer Baltique, lOcéan septentrional, et le Danube ; et parmi tant de guerres quils eut à la fois, le dedans de son Royaume fut toujours dans une profonde paix. Il faisait tous les ans des assemblées pour les affaires générales : il terminait chaque jour des différends particuliers, il tenait des Conciles, où il éclatait (sic) entre les plus Savants ; et cétait au milieu de ces grandes occupations quon lavait fait Empereur, malgré toute la répugnance quil avait témoignée pour ce titre. » (Ibidem, p.615).
Dans limage que construit Cordemoy nous ne sommes jamais bien loin de la figure du roi prêtre qui hanta toute la période médiévale de lhistoire de lEurope.
Indépendant du pouvoir spirituel de lévêque de Rome, Charles en défend pourtant les prérogatives. Par son investiture royale, sa place à la tête des peuples, il est dans un rapport direct avec Dieu dont il relève aussi, directement, sans intermédiaire.
Pour achever de faire de lui un paradigme de la personne royale, restait à rappeler sa sainteté. Sa vie certes, mais surtout la façon toute chrétienne dont il est mort, sont essentielles pour lénoncer : « Le même Auteur (Eginhard) en parlant de la mort de ce Prince, use de ces termes : Mortuus est vir justus ; lhomme juste est mort.
Voilà ce que pensaient ceux qui ont vécu de son temps, et qui ont été les témoins de sa vie. Toutes les circonstances de sa mort, écrites par Tegan, font en effet la peinture de la mort dun homme juste : lui donne des éloges qui ne peuvent convenir quà un saint Empereur ; et un autre Auteur sans nom, qui a écrit du même temps, parle le même langage. » (Ibidem, p.655).
Gérauld de Cordemoy ou son fils, Louis Gérauld, évoque la sainteté de Charles à la fin du Tome premier de LHistoire de France pour mieux écarter laccusation de luxure portée contre lui par dautres historiens. Certains rappellent ses nombreuse concubines, dautres racontent comment, à la mort de son père, Louis le pieux eut à renvoyer du palais labondant gynécée paternel. Ceci dépasse le cadre de notre propos et nous voudrions, pour le moment, nous en tenir à limage du saint, à sa valeur dexemple, de schème directeur pour construire le type de la personne royale : « Le Concile de Verneuil, tenu trente ans après sa mort, le donne en exemple à tous les Rois dans le premier Canon, qui porte pour titre, quun Roy doit préférer la religion à toutes choses. Ce Canon après avoir marqué, que David et Ezéchias nont obtenu tant de victoires contre les ennemis du peuple de Dieu, que parce quils étaient saints, donne la même louange à ce Prince ; et dans le Concile de Rome, où Charles le Chauve fut élu Empereur, le Pape Jean VIII, parle ainsi de Charlemagne : Il a augmenté lEmpire par ses victoires, il la orné par sa sagesse, et il a rehaussé léclat de toutes les Églises. Tout ce quon a écrit de lui fait connaître, quil a toujours eu pour but, et que son plus grand désir a été de remettre lÉglise Romaine, dans létat le plus parfait où lantiquité lait vue : cest pourquoi il en a tant augmenté les honneurs, les droits, et les biens, en lui faisant restituer les domaines quon lui avait ôtés, et en lui donnant un grand nombre de Villes. Mais ces choses ne sont rien, au prix de ce quil a fait de grand et de sublime, pour laccroissement de la religion : il la trouvée inculte et comme un champ tout couvert de ronces, offusquée derreurs, presque toute corrompue par les murs ; il lui a enseigné les lettres sacrées ; il la ornée de toutes les sciences divines et humaines ; il la purgée de toutes les erreurs, il ne la nourrie que de bonnes et saintes maximes ; et lamour quil avait pour elle, lui a fait faire de si grands efforts, quen peu dannées on lui a vu renouveler le monde, en le remplissant de grands hommes, qui ont été les luminaires et lornement de lÉglise.
Ce concile a été tenu en huit cens soixante dix-sept ; et jusque-là toute la tradition, cest à dire tout ce qui a été écrit de Charlemagne, va à le faire regarder comme saint. On en fait le même jugement dans les siècles suivants ; et cest ce qui fit que Pascal le canonisa vers le milieu du douzième siècle. A la vérité ce Pascal ne fut quun faux Pape ; mais , ni le Pape Alexandre III. qui vivait alors, ni aucun de ceux qui ont occupé le Saint Siège après lui, nont touché aux actes de cette canonisation : ils ne lont ni rejetée ni révoquée en doute : et lon sait que depuis, Charlemagne a été regardé comme saint : Elle a été approuvée dans lÉglise par la voix publique : ce qui montre que la réputation de ce Prince était sans tache, et que le passage dEginhard, et celui de lAuteur qui a écrit la vie de Louis le Débonnaire (concernant les concubines de lempereur) navaient pas fait dans le temps et dans les siècles prochains, limpression quils ont faite depuis sur les Modernes. » (le changement de caractères est de léditeur), (Cordemoy, Ibidem,p.656-657).
Le vrai saint reconnu comme tel par un faux pape ! Il sagit de lantipape Pascal III, choisi par Frédéric Barberousse, qui canonisa Charlemagne sur la sollicitation de lempereur en 1165 et lannée suivante en 1166 couronna Frédéric Barberousse empereur. Cette canonisation avait donc un sens politique dans la lutte qui opposait Frédéric Barberousse aux cités italiennes et à lautorité de lautre pape Alexandre III (Rolando Bandinelli) dont il dut finalement reconnaître lautorité.
Si Mézeray mentionne sa canonisation par le faux pape Pascal, il nen donne nullement limage dune perfection, contrairement à Cordemoy il nhésite pas à rapporter le récit davertissements divins ayant précédé sa mort, sans les critiquer, mais surtout il admet sans discussion les nombreuses concubines de Charlemagne, et les débordements de sa vie amoureuse. Lempereur est invité à se repentir avant sa mort par des signes extraordinaires lui signifiant sa mort prochaine : « Un nombre incroyable de toutes sortes de prodiges au ciel et en terre, capables détonner ceux mêmes qui ny ajoutent point de foi, précéda la mort de ce grand Prince, comme si Dieu eut voulu lui envoyer des avertissements de se tenir prêt pour partir, et de faire pénitence de ses péchés. Les trois dernières années de sa vie, il y eut plusieurs éclipses de Soleil et de Lune; on vit dans le corps du Soleil une tache noire qui y parut sept jours durant; la galerie quil avait bâtie entre lÉglise et son Palais, fondit tout dun coup, ayant manqué par les fondements ; un embrasement, dont la cause demeura inconnue, brûla en trois heures le pont de Mayence quil avait été dix ans entiers à construire; son Palais dAix-la-Chapelle fut agité dun prodigieux tremblement; les planchers de toutes les maisons où il logeait, semblaient craquer sous ses pieds, le foudre tomba sur lÉglise où il avait choisi sa sépulture; et emporta la pomme dor qui ornait le haut du dôme; et plusieurs remarquèrent quà linscription du frontispice où étaient ces mots, Carolus Princeps, le mot de Princeps fut tellement effacé quon ne le pouvait plus lire. (...) Pascal le mit au nombre des Saints lan 1161. et quoiquil ait passé pour Antipape, lÉglise na pourtant point cassé son jugement. (...) Jusques ici aucun Roi de France na eu le cours de sa vie, ni celui de son Règne si long et si illustre, ni un Royaume si étendu que lui. Sa gloire serait sans tache, comme elle est sans pareille, sil navait pas eu trop dindulgence pour la mauvaise conduite de ses filles, et trop dincontinence pour les femmes. Mais il faut attribuer le premier défaut à une bonté, et une tendresse naturelle, et lautre à une fragilité humaine : laquelle dailleurs, si la loi Evangélique ne défendait pas la polygamie, pourrait avoir son excuse dans la coutume des anciens Germains, qui la permettaient à leurs Princes, et dans la tolérance de ces Siècles-là, qui souffraient quon eût des concubines avec des épouses légitimes. La meilleure raison néanmoins quon puisse apporter pour sa justification, cest quil fit une rigoureuse pénitence deux ou trois ans avant sa mort. » (Cest nous qui mettons en gras) (Mézeray, Histoire de France, Livre IX, pp.440 - 442, [784 - 786]) « Lhistoire a dédaigné de dire les noms de la plupart de ses maîtresses, dont le nombre ne fut pas petit : mais entre ses bâtards on en remarque trois, Pépin le Bossu, Hugues, et Dreux. » (Mézeray, Idem, p.443, [787]).
Mais Mézeray nest pas tenu par le cadre que sest, par contre, fixé Cordemoy, il ne cherche pas à construire un paradigme de la royauté, un modèle représentant laccomplissement de tous les devoirs incombant au souverain.
Linsistance de Cordemoy à présenter Charlemagne comme un modèle, son obstination à justifier la présence de tant de concubines à sa cour, den faire des épouses légales, prises successivement suscitera quelques remarques ironiques de Bayle dans Les Nouvelles de la République des Lettres doctobre 1685, date de la parution de lHistoire de France. Bayle revient brièvement sur la réhabilitation de la reine Brunehaut par notre auteur, pour insister sur la vision nouvelle quil donne des moeurs matrimoniales de lempereur.
Cordemoy veut donner une forme dexemple pédagogique, moins peut-être limage dune perfection que celle dun mode demploi de la souveraineté. Charlemagne doit rendre lidée de ce quest le monarque chrétien accompli, ce qui explique les convergences évidentes entre LHistoire de France et les opuscules dhistoire et de politique : de la Réformation dun État, de la nécessité de lHistoire, des moyens de rendre un État Heureux et les Maximes tirées de lHistoire.
Chapitre IV
Les paradoxes de lhistoire sainte
La question de lhistoire est au coeur de la réflexion de Cordemoy, pourtant comme cartésien ne devait-il pas refuser lhistoire et ses incertitudes, ses vraisemblances et ses invraisemblances qui échappent à toute vérité établie ? Il y a un refus de lhistoire dans la pensée de Descartes, aucune connaissance certaine nest en effet constituable sur ses bases ou plutôt sur son absence de fondement. Dans le discours de la méthode les histoires de lHistoire sont toujours associées à la fable, au fabuleux des contes ou des romans, ceux qui sy fient trop tombent fatalement dans des « extravagances ».
Par contre le scepticisme de Gassendi et des penseurs qui lentouraient comme La Mothe le Vayer ou Naudé, était fondé sur une connaissance érudite de lhistoire. Cest lhistoire dans la grande tradition de Montaigne, qui enseigne le doute, qui enseigne quaucune vérité nest éternelle, que laction humaine est relative et que, ce que les hommes ont appelé Dieu, varie dune époque à lautre. Relativisme de lHistoire, donc, qui soppose à un autre historicisme, celui de lÉglise dans le recours exclusif à lHistoire sainte, norme absolue, posée comme certaine au fondement de toute herméneutique puisque le présent se lit dans les vérités révélées quelle met au coeur du chrétien. Pour Descartes il ny a aucune certitude de lHistoire, elle appartient au domaine peu fiable et peu recommandable du vraisemblable, du fabuleux. Or les fondements de la religion chrétienne, ceux de la croyance, sont les prophéties de lancien testament et les enseignements et actes du Christ, de lhistoire toujours et encore. La religion chrétienne se donne toute entière comme une histoire. Mais pour la philosophie il ny a dans lHistoire aucune certitude possible. Cest bien là-dessus que porteront les attaques de ceux qui sopposeront à ses raisons au nom des vérités révélées par lHistoire sainte.
Cordemoy défendra la pensée de Descartes contre de telles attaques. Un de ses opuscules est consacré à cette question, Cordemoy sadresse à un frère jésuite le révérend père Gabriel Cossart (1615 - 1674), fondateur dans le faubourg Saint-Jacques dune école pour les pauvres dont les élèves furent appelés « Cossartins ». Pour Cordemoy lenseignement de Descartes saccorde avec le récit de la Genèse. Cordemoy va donc mettre en parallèle les uvres et les intentions des deux auteurs : Moïse lauteur du récit de la Genèse, et Descartes. Lun est historien rédacteur de lHistoire sainte, lautre est philosophe - métaphysicien. « Je sais bien que Moïse na pas écrit la Genèse, dans le dessein dexpliquer aux hommes les secrets de la Nature : mais je sais bien aussi, quétant inspiré de Dieu comme il létait, il ne lui a pas été possible de rien dire touchant la formation de cet Univers, qui ne soit véritable. Ainsi jestime que, pour trouver les principes dune Physique infaillible, il ne les faut chercher que dans lhistoire quil nous a donné de la création du Monde; ou du moins, quon ne doit regarder comme faux, tout ce qui se dit de la nature, quand il ne peut convenir avec les circonstances de cette histoire. » (Lettre écrite au R. P. Cossart de la Compagnie de Jésus, pour montrer que tout ce que Monsieur Descartes a écrit du Système du Monde, et de lâme des Bêtes; semble être tiré du premier Chapitre de la Genèse, Les uvres de feu Monsieur de Cordemoy, op. cit., Paris, 1704, p.77-78).
Cordemoy distingue les écrivains et leurs écrits, Moïse est lhistorien de lhistoire sainte, son dessein nest pas dexpliquer les secrets de la Nature, celui de Descartes est, par contre de trouver les principes dune Physique infaillible. Mais cest un troisième terme qui rend compatible les deux écritures. Dieu qui inspire Moïse ne peut lui avoir permis dintroduire dans sa relation historique des inexactitudes concernant son uvre à lui, la Nature.
Comme le but de lhistorien Moïse nest pas de décrire la Nature mais laction de Dieu dans cette nature, ce quil en dit ne peut être que partiel et évasif, alors que le travail herméneutique du philosophe lengage au détail et à la précision.
« La seule différence que vous y trouverez, cest que Monsieur Descartes écrit les choses plus particulièrement, et dans le dessein de les faire connaître en elles-mêmes : au lieu que Moïse écrit comme un historien, qui ne parle de la Nature, quautant quil le faut, pour nous faire admirer la puissance de son Auteur. Ainsi, lun ne dit que les principales choses; et lautre va dans un plus grand détail. Mais enfin, tout ce détail nest visiblement quune explication plus étendue, et une suite de ces choses principales, dont Moïse a fait le récit dune manière si belle, si concise, si hardie, et si véritable. » (Idem, p.78-79)
Dans la pensée de Cordemoy cest pourtant lécriture de lhistorien qui précède celle du philosophe et physicien, lHistoire sainte est première, cest donc de Moïse que Descartes a appris les raisons dont sa philosophie donne les principes : « Si on veut suivre lun dans le progrès de ses raisonnements, et lautre dans le progrès de son histoire ; on pourra juger que cest de Moïse que Monsieur Descartes avait appris, que la lumière avait été faite avant le Soleil : du moins on verra que cet endroit de la Genèse, qui depuis tant de siècles a mis tous les esprits à la torture, se trouve heureusement expliqué, et suivant la lettre, par les principes de Monsieur Descartes. » (Ibidem, p.80). La défense de Descartes quopère Cordemoy se fait au prix dun renversement de lordre des connaissances du cartésianisme. La métaphysique nest plus science première, lhistoire la supplantée à cette place, lhistorien Moïse précède le métaphysicien Descartes dans lordre des connaissances.
Le cartésianisme est détourné de son premier fondement : la certitude métaphysique première du cogito. La certitude première est historienne, revient à la métaphysique le rôle dexpliquer ce dont lhistorien ne fait que le récit. « De sorte que, si en parlant comme un historien, Moïse a marqué le premier Jour de cette ordonnance admirable par la formation de la lumière; cela nous signifie seulement que Dieu disposa les corps, comme il fallait quils le fussent, pour produire ce merveilleux effet. Ce qui suffisait à lHistorien : mais le Philosophe a dû expliquer, comment ces corps ont dû être disposés pour cela. » (Ibidem, p.81). La table rase, le doute hyperbolique nont plus ici leur rôle fondateur ; comme dans le thomisme dont pourtant Descartes pensait séloigner, la philosophie vient au service de la révélation dont lhistoire sainte est le récit historique.
« Ainsi, Monsieur Descartes, qui semble toujours suivre Moïse, dispose les eaux de sorte, quil y en a au-dessus et au-dessous du Firmament : car on sait que ce que le Prophète appelle en cet endroit le dessous, est la terre que nous habitons, et que tout ce qui en est séparé par la matière céleste, se peut dire à notre égard, être au-dessus du Firmament. » (Ibidem, p.86). Le philosophe devient une forme de commentateur dune parole restituée par lhistorien, en effet la parole divine crée lunivers tout entier, Moïse fait le récit de cette parole, le commentateur Descartes en traduit les modalités en une physique élémentaire. « La quatrième parole forma deux grands luminaires dans le Firmament, pour diviser entièrement le jour et la nuit, et marquer la différence des jours, et des années. La même parole forma aussi les Etoiles, suivant lhistoire de Moïse.
Monsieur Descartes, expliquant cela par les moyens naturels, dit que les différents tourbillons, qui sétaient formés de toute la matière céleste, ayant été ajustés les uns aux autres, comme il était plus commode pour la continuation de leurs mouvements, il coula une si grande quantité de la matière la plus subtile vers leurs centres, par le pressement des globules qui tendaient à sen éloigner, quelle fut capable de repousser ces globules jusquaux extrémités de chaque tourbillon; et former ainsi des rayons, comme ceux dont leffort nous fait voir le soleil si brillant. » (Ibidem, p.89-90).
Ce rôle dinterprète de la parole sacrée contraint Cordemoy de recourir à lexpression même du texte mosaïque et donc à lhébreu, langue quil ne connaît pas, ce qui appelle un autre intermédiaire : Monsieur de Compiègne, nom donné à Louis de Veil (ou De Vieil), juif converti qui faisait autorité pour les problèmes de traduction. La difficulté est la suivante, Descartes comme Cordemoy dénient lâme à lanimal, or le texte du Lévitique au chapitre 17 dit bien que lâme de lanimal est dans son sang, de même au chapitre 12 du Deutéronome où il est écrit que le sang est lâme des animaux. Lobjection de Cordemoy portera donc sur le mot âme traduit de lhébreu ; selon Monsieur de Compiègne, il sagirait du mot : Òäé qui signifierait Individu. « Et, parce que cette vie et ce mouvement dépendent de l arrangement et de la correspondance de plusieurs organes, dont la division empêcherait l effet, Moïse, pour signifier cet assemblage par un seul mot, use de celui de Òäé , qui veut dire Individu. » (Lettre écrite au R. P. Cossart de la Compagnie de Jésus, in Ruvres, quatrième édition, 1704, p.92).
Cordemoy retrouverait le fondement même de sa philosophie, élément essentiel aussi de celle de Descartes, la distinction de lâme et du corps. Comme lanimal, lhomme est individu vivant par la partie essentielle de son être quest le corps, mais il associe à ce corps, à la différence de lanimal, lâme, esprit, pensée. Et Cordemoy trouve le principe de cette distinction dans une différence de termes, dans une distinction linguistique de la langue mosaïque, lhébreu : (ÒéÞÔ) « il s exprime par le même mot, dont il s est servi en parlant des bêtes. Mais en même temps il ajoute que le Seigneur inspira à cet individu vivant, dont il voulait faire un homme, une chose qu il exprime par le mot de ÒéÞÔ , qui veut dire Esprit ou Pensée. » (Idem, p.93)
Au terme de la démonstration lhistoire permet de retrouver le fondement théologique de la physique, lHistoire sainte dit la même chose que la physique cartésienne et son principe, celui véritable de toute physique possible, est la double nature du Christ qui devient le prototype de la distinction de lâme et du corps, le schème organisateur : « Après cela, M.R.P si vous me voulez dire encore que lopinion de Monsieur Descartes est dangereuse, en ce quelle fait vivre et mouvoir les brutes sans âme; je vous répondrai que lhistoire de Moïse est donc bien dangereuse, puisquelle nous apprend la même chose.
Mais, si après avoir vu combien Moïse sépare en lhomme ce qui le fait vivre et mouvoir, davec ce qui le fait penser, vous examinez comment le Symbole de saint Athanase, que nous lisons tous les jours, comme la règle de notre foi, définit lhomme, vous verrez quil dit que la chair et lâme raisonnable le font tout ce quil est. Il ajoute que, comme ces deux substances, toutes différentes quelles soient, ne font quun même homme; ainsi Dieu et lHomme ne fait quun même Christ. Mais, comme en Jésus-Christ il nest pas permis, quelque soit lunion de ces deux natures, de les confondre, pour attribuer à lune ce qui vient de lautre ; il y a toujours un extrême danger de confondre dans lhomme les deux substances qui le composent, et les fonctions qui dépendent de chacune delles. » (Ibidem, p.94)
Les paradoxes de la foi chrétienne et de son credo ainsi que ceux de lHistoire sainte sont montrés, ici, comme une des sources véritables des sciences modernes. Le tournant quopère Descartes dans le champ des connaissances ne se fait pas en contradiction du credo reprenant les grandes stations de lHistoire sainte, et du symbole de Nicée énonçant le dogme de la double nature christique, mais en conséquence de ceux-ci. La réflexion quopère Cordemoy tend à montrer que la rupture cartésienne nest pas doctrinale mais herméneutique en même temps quelle fait sortir le texte sacré du champ de la théologie pour le donner comme laxiome premier des nouvelles sciences de la nature.
Mais cette défense du cartésianisme est au dépend puisquelle est faite au prix dun renversement de lordre des connaissances. Pour Descartes la métaphysique était au principe de toute connaissance possible, cest le sens même du cogito. Cordemoy y met lhistoire dont Descartes critiquait la relativité et labsence de certitude. Cordemoy peut donc écrire en conséquence : « (..) il me suffit de vous avoir fait voir que Monsieur Descartes a toujours suivi Moïse, pour vous faire avouer, que sa philosophie na rien de dangereux. » (Ibidem, p.96)
Pourtant un problème subsiste, un problème dordre, de succession. Dans le récit de lhistorien Moïse Dieu crée le soleil après la terre : « Je veux pourtant bien vous avouer que la formation du Monde, selon Monsieur Descartes, semble avoir quelque chose de différent de celle de Moïse. Mais, quand vous aurez considéré le dessein du prophète, et celui du Philosophe; vous avouerez que cette différence ne doit pas faire dire que lun se soit détaché de lautre. » (Ibidem, p.96). Cest la distinction entre lhistorien, chroniqueur de la création et lherméneute qui explique lordre des causes. Moïse explique la création comme elle sest faite: « Il a fait créer la Terre, les eaux, les parties célestes, puis la lumière, et le reste. En sorte que, quand le Soleil a été formé, la Terre était déjà enrichie de fruits, et parée de fleurs. Au lieu que Monsieur Descartes fait le Soleil cause, non seulement des fruits et des fleurs, mais encore de lassemblage de plusieurs parties assez intérieures de la Terre. Il ne la fait même former que longtemps après le Soleil, bien que lEcriture marque, quelle a été créée auparavant. » (Ibidem, p.96)
Une des raisons de cette discordance tient à la démarche herméneutique même, elle procède par succession, elle analyse les données dans une suite, alors que ce dont elle rend compte, lacte créateur est une simultanéité, lomnipotence divine ne connaît pas de délai : « Mais il faut prendre garde à deux choses. La première, que Monsieur Descartes lui-même a dit que son hypothèse était fausse, en ce quil suppose que la formation de chacun des êtres sest faite successivement, et quil assure que cette manière étant peu convenable à Dieu, il faut croire que sa toute puissance à mis chaque chose dans létat le plus parfait où elle pouvait être, dès le premier moment de sa production. » (Ibidem, p.96-97).
La deuxième cause de discordance est que Descartes observe lordre de conservation du monde, et que de celui-ci il infère un ordre de création, Dieu fait que cest par le Soleil que la Terre se conserve dans son état actuel. Il instaure une consécution suivant laquelle le Soleil est lorigine de ce qui se produit sur terre, cette démarche est herméneutique et ne signifie nullement que la toute puissance de Dieu ne puisse créer simultanément, ou dans un ordre inverse ce qui se conserve dans une succession de conséquences ordonnée différemment. « (..) Monsieur Descartes na dû, comme Philosophe, expliquer que la raison pour laquelle les choses se conservent comme elles sont, et les effets que nous admirons maintenant en la nature. Or, comme il est certain que les choses se conservent naturellement par le même moyen qui les a produites ; il était nécessaire, pour éprouver si les lois quil suppose que la nature suit pour se conserver, sont véritables, quil examinât si ces mêmes lois eussent pu la disposer comme elle est. Et trouvant que, selon lhistoire de Moïse même, bien que le Soleil ait été formé depuis la terre, cest néanmoins par le Soleil que Dieu conserve la Terre comme elle est maintenant, puisque la chaleur est cause de toutes les productions, et de tous les changements qui arrivent en elle; il fallait que Monsieur Descartes montrât que ce même Soleil aurait pu la mettre en létat où nous la voyons, si Dieu ne ly avait mise en un instant par sa toute puissance. » (Ibidem, p.97).
Largumentation de Cordemoy est très proche de ce qui motive sa conception de la cause occasionnelle, les lois physiques ne sont que loccasion, cause seconde, dune cause première qui est la volonté divine qui veut que les êtres de sa création se rencontrent dune certaine manière et pas dune autre. Mais cest aussi la conception cartésienne dune création divine permanente qui maintient la nature dans son ordre actuel. Cette ordre est celui auquel obéit la créature, il est succession et consécution, celui, donc, de sa conservation, la création divine ne connaît pas une telle ordre : « A la vérité, la manière dont Monsieur Descartes décrit que le Soleil a disposé la terre, est successive; ce quil avoue, ainsi que je lai déjà remarqué, être peu convenable à Dieu quand il produit. Mais enfin, comme ce que Dieu fait en conservant le monde, est successif, et quil le doit être, afin que chaque chose ait une certaine durée; il a été à propos que notre philosophe examinât si les principes, quil établissait pour rendre raison de la durée de tous les êtres naturels, auraient pu les produire par succession de temps: ce quil a exécuté avec une justesse, qui me paraît incomparable. Ainsi Monsieur Descartes na rien fait en cela qui soit contraire au dessein de Moïse. » (Ibidem, p.97-98)
Le souci de lhistorien Moïse est tout différent, ce nest pas lordre de la nature dans ses causes quil suit mais lordre de laction divine dans son récit, il ne faudrait pas que lordre des causes naturelles se substituât à celui de laction de Dieu dans sa toute puissance. Quand même cest à loccasion du soleil que Dieu conserve la terre et les êtres qui la peuplent, cela ne signifie pas quil en est lorigine : « Ce Prophète savait que cest par le Soleil que Dieu conserve la terre, et les êtres naturels, du moins ceux qui sont les plus proches de nous. Mais, de peur quon ne crût que cet astre fût la cause de tout ; Moïse a voulu précisément que lon sût que la lumière, qui est celle de toutes les créatures qui dépend le plus du Soleil, a été faite avant lui. Et cela était nécessaire, pour marquer à ceux qui sauraient ces merveilles, que Dieu les a toutes opérées par sa seule volonté ; et que, sil les conserve maintenant avec une espèce de dépendance entre elles, néanmoins elles ne se doivent ni lêtre ni la conservation les unes aux autres, mais à Dieu seul. » (Ibidem, p.98)
Le physicien Descartes na de cesse dexpliquer les rapports actuels qui existent entre les êtres créés, la discordance nest alors quapparente, on observerait une discordance de points de vue particuliers dans une concordance densemble des ordres de considérations : « De son côté Monsieur Descartes, qui avait à expliquer cette correspondance, que Dieu a mise entre les êtres naturels, et qui devait rendre raison par le Soleil, de tout ce qui se fait dans la partie du monde qui nous est la plus connue, ne pouvait mieux nous faire entendre combien le Soleil est bien disposé par la première puissance à entretenir létat naturel de tout ce que nous voyons, quen montrant que, suivant cette même disposition, le Soleil aurait pu mettre par succession de temps notre monde en létat où il est, sil navait été plus à propos de former toutes les créatures dans un ordre contraire à celui quexigeait la dépendance qui est maintenant entre elles, et de former chacun des êtres dune manière, qui fit connaître que, comme lAuteur du monde navait eu besoin de rien pour tout faire, il navait pas besoin de temps pour produire aucune des choses que nous admirons. » (Ibidem, pp.98-99)
Pierre Clair et François Girbal ont montré dans leur édition partielle des uvres de Cordemoy limportance de cette lettre, ainsi que lintérêt amusé quelle suscita. Cette tentative de pallier le défaut dune théologie cartésienne ne pouvait pas passer inaperçu, et Pierre Clair et François Girbal qui admettent la date du 5 novembre 1667 figurant au bas de la lettre de Cordemoy, dans lédition de 1704, supposent que le rapatriement, cette année là, des cendres de Descartes nest pas étranger au besoin de mettre en odeur de sainteté un auteur dont plusieurs uvres étaient tombées sous des arrêts de la Sorbonne et dautres autorités religieuses.
« Dans la compagnie de Jésus, on sest beaucoup intéressé à cette lettre apologétique de Cordemoy. Lintérêt quelle a suscité parmi ces religieux nest dailleurs pas toujours dépourvu dironie, prélude à celle de Voltaire contre labbé Pluche. Lauteur de la Lettre dun philosophe à un cartésien, probablement le P. Rochon, S. J., fait allusion à la Lettre à Cossart de M. Des Fournelles, pseudonyme de G. De Cordemoy. Ajoutons le témoignage du P. Daniel, S. J., dans son Voyage du monde de Descartes, op. Cit., t.I, pp. 3 et 4 : « Dieu selon lui » (Descartes) « peut faire que deux et trois ne soient pas cinq ; quun carré nait pas quatre côtés, que le tout ne soit pas plus grand quune de ses parties, chose que tous les autres philosophes mettent sans scrupules au-dessus du pouvoir de Dieu. Mais lauteur dun petit ouvrage intitulé Lettre écrite à un savant jésuite, na-t-il pas montré que cest le monde de Descartes qui est décrit dans le premier chapitre de la Genèse ? un autre livre a paru depuis peu en Hollande, intitulé Cartesius Mosaizans qui prétend la même chose. Lauteur du livre des Influences des Astres (p. 37) explique la fin du monde par lhypothèse de Descartes... » ; voir A.T., V, Descartes à Burman.p. 169
Il convient de replacer cette uvre dans le contexte de lintérêt porté par les théologiens hollandais à Descartes et aux méthodes cartésiennes dans leurs efforts pour résoudre « le problème des rapports de la raison et de la révélation » (cf. larticle de Louise Thijssen - Schoute, dans Descartes et le cartésianisme hollandais,op. cit. 250). Cependant, le Père Daniel aurait pu allonger la liste de ceux qui ont montré laccord de la doctrine de Descartes avec lécriture. Des 1659, par exemple, Christophe Wittich, théologien réformé très attentif à un comportement orthodoxe, avait également fait paraître un ... consensus veritatis in Scriptura divina et infaillibili revelatae cum veritate philosophica a Renato Cartesio detecta, cujus occasione libri II et III Principiorum Philosophiae dicti Cartesii maximam partem illustrantur, in - 12, Nimègue (sur Wittich, cf. Descartes et le cartésianisme hollandais, op. cit., art. de P. Dibon, pp. 261, 268, 269, 272, 274, 277, 278, 298). Il ne serait dailleurs pas impossible que le livre précédent soit une des sources de Cordemoy. Voir aussi les questiones celeberrimae in Genesim de Mersenne dans Lenoble, Mersenne ou la naissance du mécanisme, pp. 234 sq. » (Gérauld de Cordemoy, uvres Philosophiques, Pierre Clair et François Girbal, Presses Universitaires de France, collection : Le mouvement des idées au XVIIème siècle, p.349, note : 1)
Les mêmes auteurs notent que Descartes nest pas étranger à ce souci de mise en accord de sa pensée avec les textes sacrés. Ils écrivent : « que Descartes ait songé à montrer lui-même laccord entre dune part la description de la naissance du monde, telle quil la présente dans sa physique, et dautre part le premier chapitre de la genèse, cela nest pas douteux, ... » (Idem, p.350, note :3) Les textes de référence quils donnent sont une lettre à Boswel de 1646 et lEntretien avec Burman, sur le livre III des Principes de philosophie, article 45.
Au livre trois, article 45 des principes de la philosophie, Descartes écrit : « je ne doute point que le monde nait été créé au commencement avec autant de perfection quil en a. » Il précise dans lentretien avec Burman : « lauteur pourrait expliquer dune manière satisfaisante, daprès sa philosophie, la création du monde, telle quelle est décrite dans la Genèse (ce livre, celui qui lexpliquera à lauteur, ainsi que le cantique et lApocalypse, sera pour lui un fameux Apollon) ; il a essayé quelque temps de le faire, autrefois, mais il a renoncé à cette étude parce quil voulait la laisser aux théologiens et quil ne voulait pas, en conséquence, donner lui-même dexplication. Pour ce qui est de la Genèse, le récit de la création qui sy trouve est peut-être métaphorique ; il doit donc être laissé aux théologiens ; et la création ne doit pas être prise comme divisée en six jours, mais cette division ne doit être faite que par égard à notre manière de concevoir, comme la fait Saint-Augustin dans ses Pensées sur les Anges. Pourquoi est-il dit, en effet, que les ténèbres ont précédé la lumière ? Pour les eaux du déluge, sans aucun doute elles ont été surnaturelles et miraculeuses. Et quant aux cataractes de labîme, cest une métaphore, mais cette métaphore nous échappe. Quelques-uns le tirent du ciel où ils prouvent que les eaux ont été placées depuis la création, parce que Dieu est dit avoir placé les eaux au-dessus du ciel. Mais, le mot ciel, en hébreu, désigne aussi lair dune manière très courante, et cela, si je ne me trompe, vient de nos préjugés qui font que nous confondons lair et le ciel. Ainsi, les eaux qui se trouvent au-dessus de lair sont les nuages. Les Hébreux ont aussi un autre mot pour désigner lair. » (Descartes, Entretien Avec Burman, in Descartes uvres et lettre, Bibliothèque De La Pléiade, NRF, page 1387 -- 1388)
Dans la lettre à Chanut du 6 juin 1647, Descartes écrit : « il est vrai que les six jours de la création sont tellement décrits en la Genèse, quil semble que lhomme en soit le principal sujet; mais on peut dire que cette histoire de la Genèse ayant été écrite pour lhomme, ce sont principalement les choses qui le regardent que le Saint Esprit y a voulu spécifier, et quil ny a parlé daucunes, quen tant quelles se rapportent à lhomme. » (Idem, p.1275)
Largument final de Cordemoy revient une fois encore à lhistoire, celle du droit canon, il montre que les détracteurs de Descartes qui entendent suivre lenseignement dAristote le font en contradiction avec lÉglise qui a plusieurs fois dans son histoire condamné la philosophie aristotélicienne. Ainsi Descartes est mis sur le même pied que le grand maître antique, et linvalidation de la critique se fait plus sûrement par le rappel de lhistoire que par largutie métaphysique : « Je ne sais sil en arriverait de même à ceux qui suivent Aristote, si lon condamnait ses opinions de nouveau : je dis de nouveau, car vous savez, M.R.P. quelles lont été par les Lois, et même par un Concile. Cependant, quoique depuis on nait rien changé aux Canons sur cette matière, plusieurs simaginent le pouvoir suivre de bonne foi. Mais insensiblement je passerais les bornes que je me suis prescrites. Mon principal dessein nest pas de blâmer Aristote : je veux seulement justifier Monsieur Descartes ; et je pense lavoir fait suffisamment. » (Lettre écrite au R. P. Cossart de la Compagnie de Jésus, pour montrer que tout ce que Monsieur Descartes a écrit du Système du Monde, et de lâme des Bêtes; semble être tiré du premier Chapitre de la Genèse, p.102).
De la lecture de cette lettre il ressort cette considération prédominante de lhistoire dans la pensée de Cordemoy, on peut relever la forme caricaturale de largumentation, le recours à une traduction des passages en cause de la Genèse, qui sapparente davantage à une mise en conformité cartésienne des textes sacrés quà une restitution respectueuse de ceux-ci. Lessentiel ne nous paraît pas là. Cordemoy met en scène deux figures essentielles, celle du Philosophe - métaphysicien, celle de lhistorien, deux aspects aussi de lui-même, puisque cest dabord comme métaphysicien quil sest fait connaître. Mais alors que dans sa vie le travail philosophique a précédé celui de lHistoire, avec les Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lÂme, dans lordre des connaissances lHistoire précède la philosophie et la métaphysique. La considération est dabord pratique, largument historique renvoie à des états de faits. Comme plus tard Voltaire dans son Dictionnaire Philosophique, Cordemoy par la connaissance de lhistoire montre les contradictions de linstitution religieuse.
Deuxième partie : Cordemoy philosophe
Chapitre I
La distinction du corps et de lâme et loccasionnalisme dans les Opuscules. Métaphysique et politique
Cest comme philosophe et historien que Gérauld de Cordemoy se fera connaître. Loriginalité de sa pensée est fondée sur le développement des principes généraux dune théorie physique. Il introduit une nouvelle forme datomisme dans le système mécaniste de Descartes en reliant unité et matière substantielle : la matière tout en étant homogène contient une multiplicité de corps chacun consistant en une substance individuelle. Il développe sa pensée physique et métaphysique dans un ouvrage qui fera sa célébrité et dont le titre variera dune édition à lautre : Le Discernement du Corps et de lAme en six discours pour servir à létablissement de la physique en 1666.
Loriginalité de sa physique ne tient pas quà sa conception atomistique de la matière, ce qui ne le distinguerait pas de Gassendi en particulier et des penseurs libertins en général, mais à sa théorie de la causalité quil partage avec dautres esprits de son temps et que reprendra Malebranche, à laquelle on donnera le nom doccasionnalisme. Pour le philosophe occasionnaliste toute interaction entre lâme et le corps passe par Dieu. Lâme sans étendue et le corps étendu ne peuvent interagir directement et immédiatement. Lapparence dune interaction directe est maintenue par Dieu qui meut le corps à loccasion de la volition de lâme et qui met dans lâme les idées à loccasion de la rencontre du corps avec dautres objets matériels. Si, par exemple, une personne réalise la volition dapprocher sa main dune flamme, son âme nagit pas directement sur son corps, mais sa volition de lacte de mouvoir son bras et sa main est loccasion pour Dieu de faire en sorte que sa main se rapproche de la flamme. La flamme nagit pas directement sur lâme mais la proximité de celle-ci est loccasion pour Dieu dinstiller en elle lidée de la chaleur. Cordemoy généralise loccasionnalisme à toute la physique du mouvement. Il ne peut jamais y avoir transmission directe du mouvement dun corps à un autre, la rencontre de deux corps est loccasion pour Dieu de transmettre le mouvement de lun à lautre suivant les lois de la physique.
Philosophe, Gérauld de Cordemoy fréquente les salons de son époque : le salon de Mme de Bonnevaux, le cercle de Henry-Louis Habert de Montmort où il présente un « discours sur laction des corps », sa première oeuvre publiée sans nom dauteur et qui préfigure le Discernement du Corps et de lÂme. Il rencontre Clerselier, le grand cartésien, aux conférences de Rohault, à lAcadémie Lamoignon où se retrouvaient des gens dhorizon très différents, des cartésiens comme des gassendistes, des ecclésiastiques ne se rattachant à aucun de ces deux courants. Cordemoy fréquente également lAcadémie Bourdelot, salon qui nétait ni aristotélicien, ni gassendiste, ni cartésien, ne méprisant pas lArs Magna de Raymond Lulle et les oeuvres de Paracelse.
Lecteur du Dauphin, ami de Fénelon, Bossuet et Claude Fleury, il se fera donc connaître dabord comme philosophe par louvrage précité qui aura un retentissement certain, les Six Discours sur la distinction et lunion du Corps et de lÂme, il reprend le dualisme cartésien pour sen distinguer par latomisme et loccasionalisme que nous avons rapidement éclairé ci-dessus.
Théoricien de la parole, il lest dans la continuité de sa pensée métaphysique et le Traité physique de la parole prolonge les six discours sur la distinction de lâme et du corps. Mais sa pensée politique et historienne est restée très peu connue. Elle sinscrit pleinement dans son époque, celle du Discours sur lhistoire universelle de Bossuet, celle, un peu postérieure, du Télémaque de Fénelon.
Tout en reprenant bien des éléments de la pensée de Descartes dans le Discernement du corps et de lâme en six discours, pour servir à léclaircissement de la Physique, Cordemoy sen détache en quelques points essentiels. Il sagit de reconnaître labsolue distinction de lâme et du corps selon les deux substances, pensante et étendue, tout en montrant la nécessité absolue de leur union. La divergence fondamentale davec Descartes tient de ce que Cordemoy entend par corps. En effet corps se dit de la machine animal sans union dâme, de la machine humaine unie à une âme, mais aussi de la substance étendue en tant quindividuée cest à dire comme matière.
Les corps sont les éléments constitutifs terminaux de la matière et comme tels ils sont indivisibles. Sans que Cordemoy nemploie expressis verbis le terme datome, il faut pourtant bien lentendre ici et cest ainsi que lentendront les contemporains. Cordemoy sattirera à ce propos les critiques de certains cartésiens.
Mais Cordemoy est encore, nous lavons vu, à lorigine dun courant de pensée qui aura un succès certain avec Malebranche : loccasionnalisme. Dans le Discernement il énonce une théorie du mouvement dont il montre quil ne peut jamais être proprio motu mais suscité par une cause première qui est extérieure à chaque corps comme à chaque âme engendrant néanmoins le mouvement de chacun. Ainsi quand deux corps se choquent et que le premier imprime du mouvement au second, il nest que la cause occasionnelle de ce mouvement mais non la cause réelle, efficiente, qui toujours réside en Dieu, comme nous lavons expliqué plus haut. Toute transformation comme tout déplacement pouvant être ramené à du mouvement, Dieu dans sa création est cause réelle mais non occasionnelle de tous les mouvements des corps qui se font à loccasion de leurs rencontres. Pour lâme il en va de même; pourtant lâme nest-elle pas principe moteur du corps ? Selon Cordemoy elle ne lest que médiatement, indirectement, il ny a en effet pas dintermédiaire comme la glande pinéale pour transmettre le mouvement du corps à lâme et inversement. Lunion nécessaire de lâme et du corps nest que loccasion des mouvements du corps comme des perceptions de lâme. « Et; comme on est obligé de reconnaître que la rencontre de deux corps est une occasion à la puissance qui mouvait le premier, de mouvoir le second, on ne doit point avoir de peine à concevoir que notre volonté soit une occasion à la puissance qui meut déjà un corps, den diriger le mouvement vers un certain côté ».
La volonté est motrice, elle est moteur occasionnel du mouvement du corps mais cest la puissance qui meut déjà le corps qui reste la cause réelle de ce mouvement. Il y a différence de nature entre lâme et le corps, lâme immatérielle ne peut mouvoir directement le corps matériel, la glande pinéale cartésienne répondait à cette difficulté, Cordemoy répond par lunité dune cause première réelle, Dieu, dont procède la communication des mouvements à loccasion de lunion de lâme et du corps. Cest ce terme de communication quil convient de souligner.
Louvrage de Cordemoy eut un vif succès et connut plusieurs rééditions quand même il rencontra une opposition mesurée des cartésiens de profession comme le bénédictin Robert Desgabets ou de cur comme Bossuet et Claude Fleury, le premier ami, le second intime de Cordemoy. Leibniz lui accorda une certaine considération, Malebranche, tout en rejetant son atomisme, reconnut ce quil devait à loccasionnalisme de Cordemoy ce dont De la recherche de la vérité (1674-1675) atteste.
La pensée métaphysique de Cordemoy soulève indirectement le problème de la possibilité dune communication entre êtres individués, problème que Leibniz soulèvera encore bien plus radicalement avec la monade sans porte ni fenêtre. Y-a-til une communication possible ou comment corps et âme communiquent-ils à loccasion de la volonté et de la perception ? cest la question posée par le Discernement du Corps et de lÂme, et comment y-a-til communication entre individus distincts constitués chacun de cette union de lâme et du corps ? cest le sujet du Discours physique de la parole publié en 1668. Cordemoy présente clairement ce discours comme une suite du précédent. « Ce discours est la suite de quelques autres (les six du Discernement) qui ont paru dans le public sous lAuguste Nom de votre Majesté (Louis XIV)
Jai les mêmes raisons de lui présenter encore celle-ci (cette partie, le Discours physique de la parole), où je traite, non plus de la connaissance de soi-même, mais du moyen de connaître les autres, et den être connu. Je fais voir que ce moyen est la Parole (souligné dans le texte) : jen explique tous les effets ; et pour en mieux découvrir les causes, je recherche avec soin tout ce quelle emprunte du corps ou de lÂme. » (Discours physique de la parole, op. cit., « Dédicace au Roi »).
La parole rend manifeste, à lévidence, le discernement et lunion de lâme et du corps. La parole est articulée. Les articulations de la voix qui utilisent « lair des poumons », « la trachée, les muscles qui servent à ouvrir ou à fermer ce conduit », les parties de la bouche, « le gosier », « la langue, les dents, les lèvres », ces articulations ne sont que purs effets de la mécanique corporelle et ne nécessitent aucunement lintervention de lâme nen supposant pas même lexistence. En effet, et dévidence, des animaux comme certains oiseaux peuvent reproduire ces articulations sans quil y ait nullement idée de ce qui est ici articulé. Mais chez lhomme : « le mouvement des parties qui servent à la voix, ou de celles qui sont ébranlées, est toujours accompagné de quelques pensées; et (
) dans la parole il y a toujours deux choses, savoir la formation de la voix, qui ne peut venir que du corps, et la signification ou lidée quon y joint, qui ne peut être que la part de lâme. »
Cordemoy développe toute une théorie du signe, sachant « que parler nest en général autre chose, que donner des signes de sa pensée. ». De façon fort intéressante il considère une première catégorie de signes: « mouvements dyeux ou de visage, (
) cris qui accompagnent ordinairement les différents états du corps. ». Ces signes expriment un rapport naturel, ils sont par nature joints aux passions, celles que « lâme ressent à loccasion des changements du corps », ils sont la première des langues et cette langue est universelle puisque naturellement comprise de tous. Léthologie humaine de notre temps ne contredirait pas Cordemoy sur ce point.
Mais ce qui fait de cette première langue une institution proprement humaine cest quelle est capable de tromperie, un cri de douleur peut être feint, le regard peut dissimuler, la bouche bée peut feindre létonnement. Faire de la tromperie une qualité propre à lhomme est intéressant mais aussi difficile à comprendre venant de lauteur dune utopie sociale. Lutopie nest-elle pas par excellence le lieu dune éradication de la tromperie, le lieu dune absolue vérité du langage ! Il faut alors voir, dans ce statut implicite et non explicité de la parole et du langage dans le Traité physique de la parole, une contradiction avec les avenants de lutopie De la Réformation dun État. Au-delà cest bien sûr la question de la parole et de lécriture comme art qui est en jeu. Le débat est ancien et remonte au moins à Platon. Une humanité sans tromperie est-elle encore humaine ? Y-a-til encore une place pour lhomme dans un Etat sans art du mensonge et sans mensonge intentionnel ?
Ce langage premier, le plus universel, celui des signes naturels traduisant les passions, ne traduit néanmoins aucun rapport naturel entre ce quil exprime par un signe et ce qui est exprimé. Il ny a aucun rapport de nature entre la honte et la rougeur par exemple. Ces signes ne prennent leur sens que par référence à lexpérience que jai des correspondances occasionnelles entre mon corps et mon âme. Dès ce premier langage les signes pour naturels quils puissent être dans leur construction nen sont pas moins arbitraires dans le rapport à ce quils signifient. Cette inadéquation du signe à ce quil représente est encore plus flagrante pour une deuxième catégorie de signes, ceux qui sont joints à des pensées par institution. Ils constituent la base sur laquelle repose la société. Ces signes dinstitution nont aucune conformité avec les pensées auxquelles ils sont joints: « Car enfin, quand un homme, pour me témoigner quil nest pas daccord de quelque chose, vient à branler la tête : quand, pour me lexpliquer mieux, il remue la gorge, la langue, les dents et les lèvres pour former des paroles, ou bien quil prend du papier, et trace avec une plume des caractères pour me lécrire, je vois si peu de ressemblance entre tous ces mouvements de la tête, de la bouche, ou de la main, et tout ce quils mapprennent, que je ne puis assez admirer comment ils me donnent si facilement lintelligence dune chose quils représentent si mal. »
Il y a trois sortes de signes dinstitution : les gestes, les articulations de la voix, les caractères décriture. Cest lanalyse des caractères de la voix qui, par Molière interposé, nous fait encore entendre, pour ainsi dire, la voix de Cordemoy. En effet, dans la leçon de philosophie du Bourgeois gentilhomme, le maître reprend presque mot pour mot des éléments de lanalyse des voyelles et des consonnes du Discours physique de la parole.
Molière: le Bourgeois gentilhomme
Maître de philosophie: « Et là dessus jai à vous dire que les lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles parce quelles expriment les voix; et en consonnes, ainsi appelées consonnes parce quelles sonnent avec les voyelles et ne font que marquer les diverses articulations de la voix. »
Cordemoy, Discours physique de la parole :
« La dernière (de la syllabe) exprimant la terminaison du son, cest-à-dire la voix, est appelée voyelle, et la première, qui marque la manière dont cette voix est articulée, sonnant avec elle, est appelée consonne. »
Maître de philosophie : « La voix A se forme en ouvrant fort la bouche ; A »
Discours physique de la parole: « Si par exemple on ouvre la bouche autant quon peut en criant, on ne saurait former quune voix en A. »
Toute la scène reprend le propos de Cordemoy ce qui atteste de la diffusion de son uvre et de ses idées, car il fallait, pour que sinstalle une certaine complicité entre le dramaturge et son public, que ce dernier reconnaisse également à qui il était fait allusion. Il nest dailleurs pas du tout certain que Molière ait voulu se moquer de Cordemoy, mais bien plutôt moquer le ridicule quil y aurait à vouloir accéder immédiatement à une science dont on na pas les rudiments, ce qui, a contrario, soulignerait la valeur de ses travaux.
Le Discours physique de la parole obtint, si lon en croit Bayle, un grand succès. Cest la seule uvre qui garde encore aujourdhui le souvenir de Cordemoy car pour le reste il est tombé dans loubli comme nous lavons déjà vu. Il apparaît en son temps en personnage clef lié à Bossuet, La Bruyère, familier du petit Concile, fréquentant lallée des philosophes à Versailles, il occupe une position importante en cette fin de XVIIème siècle. Homme de transition, très proche de Descartes par les idées, il annonce pourtant Malebranche et Leibniz dans une moindre mesure. Bossuet contribuera pour une bonne part à son établissement. Cest lui qui en 1670 le fit nommer lecteur ordinaire du Dauphin, cest lui encore qui en 1675 obtint son entrée à lAcadémie Française.
Dans lépître au Roi qui précède les six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lÂme, nous trouvons la déclaration suivante à ladresse du roi lui-même : « nous considérons toutes ses actions, comme les suites continuelles du Miracle, qui nous la donnée » (page 87 de lédition de Pierre Clair et François Girbal des uvres philosophiques). Cette déclaration nous donne à penser que loccasionnalisme de Cordemoy pourrait être aussi une théorie du pouvoir. En effet, dans loccasionnalisme toute conséquence lest dune cause première divine, ainsi à loccasion de la rencontre dun corps en mouvement avec un corps immobile Dieu fait que le mouvement se transmette du mobile au corps immobile avec comme conséquence quil se meuve. Dans la précédente citation Dieu est alors le moteur véritable de toutes les actions royales ou de toutes celles qui ont produit son être, les premières étant sa conception et sa naissance miraculeuse, quand on imaginait que la reine Anne dAutriche ne pouvait plus avoir denfant ni Louis XIII, trop faible et malingre, pouvoir lui en faire. La physique du mouvement au principe de loccasionnalisme peut être comprise comme une physique du miracle généralisé, puisque tout mouvement comme toute action ont Dieu, sa volonté particulière, comme origine.
Si lon compare les termes suivants de lépître au Roi avec ceux de De la Réformation dun État, on ne manquera pas de noter des correspondances : « En effet, Sire ! nous ne voyons faire que des prodiges à Votre Majesté. Quand la chaleur de lâge, et le bon succès de ses armes semblaient ne lui devoir inspirer que les combats, Elle nous a donné la Paix ; et quand un si profond repos semblait ne lui devoir inspirer que les délices, on a vu que par mille soins plus grands et plus glorieux que tous les travaux de la guerre, Elle a réparé presque en un moment les désordres de trente années. Ces merveilles ont surpris toute la Terre : mais Votre Majesté nen demeure pas à ces illustres commencements. Elle médite de plus grandes choses pour notre félicité. Elle pense à corriger les abus de plusieurs siècles ; et ce quElle fait chaque jour, pour avancer un si grand dessein, marque bien quElle fait consister toute la gloire de son Règne, à nous rendre parfaitement heureux » (Idem, p.87)
« Au milieu dune si étrange confusion, ce jeune Prince qui semblait devoir céder à linfortune de son État, le rendit le plus heureux du monde : et il usa de tant de conduite en toutes choses, quen moins de six ans, il répara tous les désordres dun siècle entier. Enfin, ayant considéré que les différentes parties de lÉtat étaient sujettes à des lois, la plupart contraires entre elles, et toutes faites, ou par hasard, ou par caprice, ou par intérêt, il crut en devoir faire qui fussent universellement observées, et qui neussent pour fin que le bonheur des peuples. (
) Car ce jeune héros, dont la mémoire sera toujours précieuse aux peuples quil a rendus si fortunés, vint au monde, quand on nespérait plus que la Princesse sa mère put avoir denfants. Il commença à paraître puissant et redoutable à ses voisins, dans un temps où lon croyait quil en devait être opprimé. Il fit la paix avec eux, quand il les eut tous abattus ; et il travailla sans relâche à réformer lÉtat, lors que le repos, quil sétait acquis par tant de pénibles victoires, semblait ne le devoir solliciter quaux plaisirs. Que vous dirai-je ? Il aima tant le repos des ses peuples, et tout vaillant quil était, il aima si peu ces conquêtes, qui nont point dautre fondement que la force et le droit de bienséance, que pour assurer ses frontières, il acheta des places, dont il aurait pu se rendre maître » (De la Réformation dun État, Les uvres de feu Monsieur de Cordemoy, Paris, 1704, p.161, (p.17)).
Cest lambassadeur de lÉtat réformé qui parle du roi fondateur du royaume quil représente, mais sous les traits de ce souverain idéal on aura bien sûr reconnu Louis Dieudonné, cest-à-dire Louis XIV. Dans les lignes suivantes on reconnaîtra les événements de la guerre contre les Provinces Unies : « Enfin, ce Prince tout jeune encore, eut dans ses propres intérêts tant de modération et justice, quétant sur le point se mettre en possession de certaines Provinces, que le droit dune succession légitime déférait à la Reine son épouse, il voulut expliquer ses raisons aux peuples, dont il demandait lobéissance, avant que de leur faire éprouver la force de ses armes. Cétait pour un Souverain, qui pouvait exiger cette obéissance dune autre sorte, la demander dun façon assez touchante : véritablement il y a de lapparence quils se seraient soumis, sils avaient suivi leurs inclinations, mais elles furent contraintes par une injuste puissance, qui les obligea de se révolter. Nos Historiens nous apprennent quil fit des choses incroyables en cette guerre ; et néanmoins je vous avouerai que, comme ils ne savent point flatter parmi nous, ils lon repris de sêtre trop exposé ; et sans doute il aurait été blâmable à jamais, si lexcès de son courage lavait fait périr dans une occasion comme celle-là. » (Idem, p.161, (p.18))
A la fin de lutopie rêvée quest De la Réformation dun État, Cordemoy identifie ce jeune roi de lEtat Réformé à Louis XIV, comme nous lavons vu précédemment.
Loccasionnalisme nest pas une pensée propre à Cordemoy, on le trouve plus ou moins formulé, dans les uvres de plusieurs auteurs de son temps, par exemple dans Les Essais de Morale, volume second, de Nicole, une forme doccasionnalisme, mais dont la raison est essentiellement théologique et morale : « Tous ce quil y a donc dans le monde nous conduit à la connaissance du créateur du monde, matière, mouvement, esprits. Toutes ces choses nous crient dune voix assez intelligible, quelles ne se sont pas faites elles-mêmes, et que cest Dieu qui les a faites. » (Essais de Morales contenus en divers traittez sur plusieurs devoirs importans. Volume second, discours 2, pp.35-36, document électronique, Gallica, B.N.F.)
Le propos de Nicole est religieux mais il résonne au plan moral, cest dire que loccasionalisme est aussi une pensée du rapport de lhomme à lui-même, mais encore à ses congénères, au plan politique ; si la causalité ramène à Dieu, la finalité ne peut quy conduire à travers le chemin quest lHistoire des peuples. Mais une fois lorigine et la fin reconnues, il convient de se préoccuper des causes secondes et particulières dans une réflexion dont les pensées consistent en une interaction, au plan de lentendement, de limagination et des sens, cest déjà dans cette direction quallait la pensée de Descartes, ce sont là des considérations métaphysiques et théologiques qui ne méritent pas que lon y consacre trop de temps.
Ces préoccupations néanmoins retentissent au plan pratique, et Cordemoy sy attarde quelque peu pour montrer limportance quelles peuvent avoir dans la considération du temps et des affaires qui sy mènent.
La distinction de lâme et du corps est avec la pensée de la causalité quest loccasionnalisme, le grand pilier de la philosophie de Cordemoy. Elle est, écrit-il, un exercice utile à ceux qui sont chargés des affaires publiques : « Que si ceux qui sont employez au maniement des affaires publiques ou particulières, nont pas une nécessité si absolue de lapprofondir ; il est pourtant vrai quil leur est très utile dy employer quelque temps. Car, encore que de si belles connaissances semblent être de peu dusage dans le commerce du monde, cependant la manière dont il sy faut prendre pour les acquérir, accoutume si bien lesprit à démêler les plus grandes difficultés, quil ny en a presque point dans les affaires les plus embarrassées, quil ne puisse facilement éclaircir, quand une fois il a pu vaincre celles-là. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, préface, non paginée dans lédition Paris 1704, p.90 dans lédition de Pierre Clair et François Girbal des uvres philosophiques de Gérauld de Cordemoy)
Les « si belles connaissances » ont un rôle de propédeutique, voire dexercice mental préliminaire qui entraîne lesprit à penser juste.
« Et, lorsquun peu dhabitude en cette Physique, la rendu assez attentif, pour bien observer les particularités de chaque chose avant que den juger, et lui a bien fait connaître par ce moyen toutes celles qui lui sont les plus intimes et les plus importantes, il peut bien plus sûrement juger de celles du dehors, et qui nimportent quaux autres hommes. » (Idem, p.90)
Cest donc lentraînement de lesprit qui, ici, savère utile. Mais aussi le souvenir de lerrance, des erreurs de parcours qui ont précédé la découverte des vérités si essentielles à la connaissance de soi : « Il nest plus si sujet à se précipiter : il se souvient de ses anciennes erreurs ; il en connaît les causes ; il sait comment il sen est tiré ; et ce quil a fait pour lui-même, le met en état de pouvoir aider à ceux qui lécoutent, soit dans une négociation, soit dans une action publique, ou dans une délibération, à discerner, et même à suivre toujours le meilleur parti. » (Ibidem, p.90)
Cette connaissance du discernement est un préliminaire à toute action future, elle annonce en cela et Le Discours physique de la Parole et lopuscule de la Réformation dun État. Il y a une unité profonde de pensée de lensemble de luvre : « Car enfin, tous les hommes étant sujets aux mêmes passions, et aux mêmes erreurs, celui qui sest assez étudié pour connaître les siennes, et toutes les causes de tant de divers mouvements qui lagitent, sait bien mieux les moyens, quil faut employer pour instruire ou pour émouvoir les autres ; et cest en cela, si je ne me trompe, que consiste la véritable éloquence. » (Ibidem, p.90-91). La morale pratique qui considère les passions dans leurs applications est fondée au principe sur une théorie du mouvement et de sa causalité. Celui qui connaît les passions qui lagitent connaît les mouvements dont elles procèdent comme ceux quelles occasionnent en lui. Mais, au-delà, (ce qui annonce le Discours physique de la Parole et encore les opuscules dhistoire et de politique) celui qui connaît en lui les mouvements des passions, les connaît en les autres suivant que la connaissance quil a de son âme et de son corps sétend à autrui par la certitude de lexistence de lautre comme corps et âme, que lui donne lusage de la parole, ce quétablit le début du Discours Physique de la Parole.
Le lien qui unit Les six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme et Le Discours physique de la Parole est établi dès la fin de la préface des Six Discours : « En ce dernier Discours, pour parler avec moins dincertitude, je commence à ne plus parler, que de ce que je reconnais en moi. Jexamine le plus précisément quil mest possible, toutes les opérations qui dépendent de mon Âme, celles qui dépendent de mon Corps, et celles qui résultent de leur union : croyant quil ne sera pas difficile à tout homme de bon sens de démêler toutes choses en soi-même, et de voir ce quil doit juger, 1. de soi, 2. des autres hommes, 3. des bêtes.
Je nai pourtant pas traité ces deux derniers Points ; et quoique le partage du sixième Discours en promette lexplication, quelques considérations mont empêché de la faire. Elles pourront cesser, et me permettre de donner un jour ce que je retiens à présent : mais il semble que, pour peu que lon fasse de réflexion sur ce que jai dit, on pourra facilement suppléer ce qui me reste à dire. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, Gérauld de Cordemoy uvres philosophiques, Pierre Clair et François Girbal, Presses Universitaires de France, Paris, 1968, p.93)
Dans une deuxième édition de 1670 on trouve la variante suivante que lédition posthume du fils Louis Gérauld de Cordemoy de 1704 na pas reprise : «
. quelques considérations mempêchèrent de la faire dans le temps quil fut imprimé la première fois ; Depuis jai donné dans un discours de la parole de quoi satisfaire au second Point qui concerne les hommes ; Pour le dernier qui concerne les bêtes les même considérations qui marrêtaient durent encore ; elles pourront cesser, et me permettre de donner un jour ce que je retiens à présent : mais il semble que, pour peu que lon fasse de réflexion sur ce que jai dit, on pourra facilement suppléer ce qui me reste à dire. »
Lenchaînement des Six Discours et du Traité physique de la Parole est donc avéré, on peut considérer que les opuscules poursuivent ce travail déclaircissement dans le champ de lHistoire et de la Politique.
La continuité des Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme avec le Discours physique de la Parole est encore explicitement marquée par Cordemoy dans « lEpître au Roi » et la Préface qui précèdent cette dernière uvre.
Cette continuité nest, par contre, pas explicitement posée dans les opuscules, mais elle appert à lévidence, lon passe par contiguïté de soi aux autres, aux ensembles dautres que sont les sociétés humaines, et à létude de celles-ci grâce à la considération de lHistoire notamment.
Dans son uvre Murs des Israélites Claude Fleury construit une pensée de lhistoire sur limplicite du discernement du corps et de lâme. Lantiquité païenne est limage de lattachement au corps, elle est la civilisation du corps, ce sont les besoins du corps quelle satisfait et met en valeur dans les uvres dart quelle produit ainsi que dans les activités quelle promeut. Avant lhistoire hégélienne Claude Fleury montre que la société chrétienne spiritualise les aspirations humaines, elle est ainsi civilisation de lesprit. Le passage de lantiquité païenne à la christianisation des sociétés humaines est donc un passage du corps à lesprit ou à lâme. Le discernement du corps et de lâme transcende tout le processus historique et conduit à une lecture singulière de lhistoire païenne dont Claude Fleury reconnaît que son temps est très largement tributaire quant aux institutions politiques, juridiques, artistiques. Le Christianisme vient mettre une âme sur le corpus antique.
Pour Claude Fleury cest à la fois une façon de répondre à la question de la reconnaissance de lautorité des maîtres païens, question traditionnelle depuis au moins saint Augustin (on connaît la solution de Dante dans le personnage de Virgile de « lenfer » et du « purgatoire » de la Divine Comédie) et dorganiser une ébauche de sens de lhistoire dans une forme dacheminement pour finir pas très lointaine du parcours de la Divine Comédie. Leschatologie continue de commander les modèles herméneutiques.
Cette modélisation de lhistoire napparaît pas dans luvre de Cordemoy mais il est intéressant de voir comment un auteur aussi proche et ami reprend la catégorie métaphysique qui transcende toute sa pensée pour en faire un schéma organisateur de sa conception de lhistoire même si ce schéma reste plus implicite quexpressément formulé.
Lentendement usant de limagination et des sens peut étendre, dans le rêve, sa considération jusquà lutopie dune société parfaite : lEtat Réformé dans De la Réformation dun État. On discerne une cohérence densemble : La pensée de la causalité, de loccasionnalisme est aussi une pensée politique, une réflexion sur la souveraineté dans une centralité de lEtat, centralité occupée par un monarque et une élite de représentants du pouvoir désignés par le souverain qui est, dans lEtat Réformé, nous le verrons, expressément le roi. Mais curieusement ce roi est décédé depuis des lustres, son souvenir reste vivant dans les institutions quil a mises en place et quune continuité du pouvoir maintient dans leur perfection première.
Le questionnement métaphysique ne doit cependant occuper trop de temps, comme nous lavons déjà vu plus haut. Cordemoy reprend en cela la leçon de Descartes, la philosophie et particulièrement la métaphysique, une fois étudiées, doivent céder la place à loccupation politique publique, ou privée : « Javoue pourtant quelle ne doit pas occuper toute notre vie, et quaprès avoir passé quelques années avec attache, il est bon de ny penser plus que dans quelques heures, où il est permis de se divertir. Cest apparemment comme Cicéron en avait usé ; et la manière dont il parle en quelques endroits, fait voir quil faut tâcher de la posséder de sorte que lon sen puisse faire un divertissement, (ce qui ne peut arriver, si lon ne sy applique dabord dune manière fort sérieuse) : mais quil faut bien se garder de préférer ce divertissement au service, que lon peut rendre à son pays, ou à sa famille dans des emplois considérables, ou dans une profession particulière. » (Préface des Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, Ibidem, p.91)
Cette utilité est au fondement de la réflexion de Cordemoy, il terminait ainsi son épître au roi : « Je souhaite, Sire, que mon travail soit utile au Public, afin quil soit agréable à Votre Majesté ; Et, si cest trop demander, je souhaite au moins quElle le regarde comme un effet de lextrême passion que jai de lui plaire, et du zèle ardent avec lequel je suis, Sire, De Votre Majesté, le très humble, très obéissant ; et très fidèle serviteur et sujet, De Cordemoy. » (Épître au Roi, Ibidem, p.88).
Un aspect de la pensée de Cordemoy heurtera ses contemporains, son atomisme. Selon lui la matière nest pas indéfiniment divisible et est constituée, in fine, de corps indivisibles qui la constituent, quand même il ne prononce pas le nom datome. Comme pour sa conception de la causalité et celle de la distinction de lâme et du corps, la notion dindivisibles constitutifs de la matière retentit sur toute sa pensée.
Cordemoy emprunte au droit son concept de corps indivisible, ainsi le corps est unité terminale en physique comme en droit et en politique : « Par la même raison les Jurisconsultes appellent Corps dans le droit tout ce qui ne se peut diviser, sans être détruit, comme un cheval, un esclave : et ils appellent quantité tout ce qui nest quun amas de choses qui subsistent, sans dépendance les unes des autres, comme le blé, le vin, lhuile, etc.
Enfin dans toutes les rencontres où lon voit de la matière, dont larrangement doit nécessairement produire un certain effet, qui serait détruit, si cet arrangement létait par la division des parties de cette matière, on lui donne le nom de Corps, parce quon la regarde comme indivisible. » (six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, in Les uvres de feu Monsieur de Cordemoy, Paris, 1704, Discours 1, pp.10-11)
« Le plus ou le moins de corps, dont les tas, les liqueurs, et les masses sont composés, sappelle leur quantité : et leur grandeur ou leur petitesse vient du plus grand ou du moindre nombre de corps, qui sy rencontrent. » (Idem, p12)
Dans lopuscule intitulé le bonheur dun État Cordemoy procède ainsi par suites hiérarchisées : un ensemble dindividus se retrouvent dans la famille, comme un ensemble de corps indivis se trouve dans la matière simple dont la masse est définie par la quantité de ses corps. Suivant que ces corps sont de même ou différente forme, ils forment matière première ou seconde. Un ensemble de familles constitue la cité, un ensemble de matières constituées chacune de corps différents ou identiques, forme une matière troisième. La hiérarchisation de lindividu au politique jusquà lensemble final quest lÉtat reproduit la composition de la matière, de même avec la matière quatrième.
Dans ces principes constituants la matière suit une organisation hiérarchique, suivant des sauts qualitatifs dune nature à une autre, comme les individus en société sassocie suivant un ordre hiérarchisé de la famille à lEtat.
« Si plusieurs familles semblables se joignant, viennent à composer une ville, chaque chef de famille retenant la puissance dans sa famille, sera soumis à celui qui aura le gouvernement de toute la ville ; et chaque famille devenant alors, à légard de la ville , ce que chaque particulier est à légard de la famille, (
) Enfin, si plusieurs villes se joignant, viennent à composer un Etat ou Royaume, chaque Gouverneur sera soumis à celui qui aura la conduite de tout le Royaume.» (Idem, p.208, (p.37))
Le principe de lubiquité de lâme dans le corps est aussi intéressant pour comprendre la prégnance du pouvoir royal sur lensemble de ses sujets, lubiquité donne une image du gouvernement. Le gouvernement doit être présent dans tout le corps de lÉtat quil administre, chaque élément doit être administré sans pourtant que lautorité royale sétende matériellement à lui comme pour les esprits qui agissent partout dans nos corps sans quil faille leur supposer létendue :
« Les mêmes choses posées, il est aisé de voir en quel sens on peut dire que nos esprits sont dans le lieu ; et ce quon doit entendre, quand on dit quils sont transportés. Car, si dun côté il est vrai de dire quils ne puissent être transportés, parce que cela suppose létendue quils nont pas ; dun autre côté, les considérant unis à nos corps de la manière qui vient dêtre expliquée, on peut dire quils sont partout, où est la matière, dont les mouvements sont dirigés suivant leur volonté, et dont les divers changements peuvent exciter en eux des sentiments différents. Et enfin, puisquen quelque lieu que cette matière soit transportée, elle a des mouvements qui répondent à leurs pensées, et quils ont des pensées qui répondent necessairement aux changemens de cette matiere, on peut dire quils sont transportés avec elle.
Les mêmes choses posées, on a raison de dire quun esprit est tout en tout le corps quil anime, et tout en chaque partie : puisque ce tout peut suivre ses volontés, ou lui donner des sentiments, et que chaque partie de ce tout sert à entretenir ce qui le rend propre à cela.
Par là on entend aussi comment Dieu est par tout, sans être étendu. Car, puisque chaque partie de la matière ne subsiste et nest mue que parce quil le veut, cette action de sa volonté sétend par tout. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, op. cit., Discours V, p.76, cest nous qui mettons en caractères gras)
La puissance du roi na de limite que celle de Dieu, il est, donc, dans le royaume comme lesprit dans le corps : « Vous saurez donc, Messieurs, que nous avons un roi si souverain dans lEtat, que pour témoigner quelle est sa puissance, nous avons coutume de dire, quil ne doit rendre compte quà Dieu. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.163, (p.18))
Le pouvoir du politique est aussi puissance de châtiment présent dans toutes les parties du corps ou de lâme. La damnation sert de modèle à lexpression de cette puissance, démons ou esprits doivent souffrir par la seule volonté de Dieu qui dispose de létendue de cette peine donc de sa matérialité. Le prince dispose dune puissance analogue sur ses sujets.
« Dautre côté, on peut concevoir quun Démon, ou un autre esprit, peut être affecté de douleur par union à une certaine portion de matière, sans que la direction daucun mouvement de cette matière soit soumise à sa volonté : en sorte que, Dieu ayant disposé cet esprit à souffrir, autant que cette matière à mouvoir, le mouvement perpétuel de lune fasse le supplice éternel de lautre. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du corps et de lAme, op. cit., V, p.77)
Loccasion qui est toujours la rencontre de la volonté de Dieu comme cause agissante des mouvements et volitions des créatures en tant quobjets disposés à recevoir tel ou tel mouvement de cette volonté, est à limage du principe cohésif du politique. Suivant la disposition des sujets le prince qui est le principe actif du politique, induit divers mouvements en eux selon un équilibre économique qui veut que la quantité totale de mouvement naugmente ni ne diminue. On retrouve le même principe de conservation puisque la cohésion de lÉtat dépend de même de léquilibre des forces sociales soumises à loccasion de la volonté du prince.
« A considérer la chose exactement, il me semble quon ne doit plus trouver laction des esprits sur les corps plus inconcevable, que celle des corps sur les esprits : car nous reconnaissons que, si nos âmes ne peuvent mouvoir nos corps, les corps ne peuvent aussi mouvoir dautres corps. Et, comme on est obligé de reconnaître que la rencontre de deux corps est une occasion à la puissance qui mouvait le premier, de mouvoir le second ; on ne doit point avoir de peine à concevoir que nôtre volonté soit une occasion à la puissance qui meut déjà un corps, den diriger le mouvement vers un certain côté répondant à cette pensée. » (Idem, p.81)
LÉtat Réformé est aussi un modèle pour la circulation et le déplacement des représentants du pouvoir, entraînés au mouvement dès le plus jeune âge, rappelant la circulation des esprits dans le corps, ils peuvent encore à un âge très avancé parcourir à pied les routes du royaume, ainsi des ambassadeurs de lÉtat réformé
Dans les Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme on trouve un modèle de circulation : celui, donc, des esprits « qui ne sont que les plus subtiles parties du sang » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, 3ème discours, p.50), dans le corps à partir du cerveau, la bonne circulation des esprits est la condition de lactivité du corps à létat de veille.
La façon dont se déplacent les esprits dans le corps déterminent les processus vitaux, dans le politique contrôler les déplacements est un enjeu essentiel de survie de lÉtat. Aussi létat physique des sujets de lEtat réformé est dune importance politique majeure. La validité du corps, son union avec une âme distincte, sont à limage de lexcellence des institutions de lEtat qui, en définitive, reposent essentiellement sur la formation des membres qui le constituent en corps. Quoique Cordemoy nemploie pas le terme de constitution, on peut dire quil y une constitution physique des sujets de lEtat réformé qui doit être excellente, et une constitution tout aussi excellente, les institutions politiques de ce même Etat.
La circulation des esprits est un enjeu essentiel pour la conservation du corps, ces esprits sont à distinguer de lâme, le corps pourrait très bien subsister, connaître les mécanismes de la faim, de la douleur sans avoir dâme. Ce quapporte lâme dans son association au corps cest la conscience, ainsi le corps pourrait avoir faim, soif ou mal, mais sans en avoir la conscience et la connaissance : « Il est certain en second lieu, quà ne considérer que le coprs, il ny a que deux choses, qui puissent causer les différents mouvements du cerveau : savoir la différence des esprits, qui y montent incessamment du cur, ou celle des objets, qui en agitant les nerfs des extrémités, transmettent leur action dans le cerveau. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, VI,op. cit., p.108)
Le corps relève des seules lois de la mécanique : « (
) Je considérerai quen observant les divers changements qui arrivent dans mon corps, jai reconnu quil na besoin que de son étendu, de la figure de ses parties, de leur arrangement, et de la disposition de ses organes, pour être nourri, et pour être mû. » « (
) et selon les lois de la Mécanique, quil ne demeure en chacun que les particules qui sont propres. » (pp.98-99) « (...) De même jai trouvé que le mouvement ne se fait que par les délicates parties de ce même sang, qui étant plus échauffées que les autres, montent au cerveau, où forçant des passages étroits, et se démêlant de toutes celles qui sont plus grossières, elles composent les esprits qui coulent, selon quils sont diversement dirigés, tantôt par un nerf, et tantôt par un autre, dans les différents muscles qui peuvent servir ou à reculer mon corps, ou à lapprocher de certains endroits, selon quil lui est convenable. (Idem, pp.98-99)
Les esprits sont donc matériels et ne proviennent que des parties les plus subtiles du sang, il ne semble donc pas que lon puisse comparer terme à terme lÉtat comme corps et lunion du corps et de lâme, sauf à trouver ce qui dans le politique, sunissant à ce corps de lÉtat deviendrait conscience et connaissance de tous ses processus internes et externes. Ce ne pourrait être que le souverain par lintermédiaire des esprits que seraient des officiers qui administrent les provinces du royaume et participent aux conseils royaux, ce sont eux aussi qui circulent dans le pays.
Le corps comme uni et distinct de lâme est administré à limage dun Etat, en lui doit se rencontrer une justesse, sinon une justice, une disposition et un ordre qui définissent son économie. Lâme a tout intérêt à ce que ces dispositions du corps restent bonnes, comme le souverain a intérêt de veiller au bonheur de son peuple.
« Mais, il est certain que, si par la puissance qui a fait ce corps et cette âme, ils sont en telle disposition, quil y ait un rapport nécessaire entre les pensées de lune et les mouvements de lautre, en sorte que cette âme ait intérêt que les mouvements de ce corps soient toujours justes, et les organes qui y servent, bien ordonnés ; elle ne pourra sapercevoir de létat violent ou contraire à léconomie de ce corps quavec douleur. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion, op. cit., p.105)
« Mais quand mon âme, qui prend tant dintérêt à tout ce qui peut conserver mon corps en état dêtre mû commodément, saperçoit quil a besoin daliment pour réparer les esprits dissipés, ou de raffraîchissement pour les calmer, ou enfin dune liqueur qui fasse couler certaines parties trop arrêtées ; elle ressent une espèce de mal, qui est différent selon quil est causé par le défaut du manger, ou par celui du boire. » (Idem, p.107)
La première habilité de lâme est donc de souffrir, de pâtir, sa conscience est sympathique, elle compâtit aux états du corps. Le spirituel, les ordres, les clercs sont souvent représentés comme conscience souffrante de lhumanité pécheresse. Le souverain a, lui-même, cette charge spirituelle par quoi il communique avec le corps de ses sujets dont il peut aussi corriger les passions, cest-à-dire la façon dont ils peuvent être affectés par certains esprits ou par certains aliments. La nourriture est, en effet, une des causes des premières passions, la nourriture qui est aussi léducation quun chacun peut recevoir, premiers aliments, première nourriture, premières impressions jouent ainsi un rôle très important dans la construction de la personne : « les aliments sont les causes des premières passions, que mon âme ait ressenties, depuis quelle a été unie au corps. » (Ibidem, p.107).
La disposition de la partie maîtresse du corps doù partent et où reviennent les esprits, le corps, est essentielle, et selon la nourriture quaura reçue le cerveau avant que lâme ne sunisse à lui, elle ressentira diverses passions. Les esprits sont donc les occasions des mouvements du corps. Or, « lunion dun corps et dune âme ne consiste, quen ce quil y a un rapport si nécessaire entre certaines pensées de cette âme, et certains mouvements de ce corps, que les uns doivent nécessairement suivre les autres.(Ibidem, pp.107-108)
De la nourriture du corps et plus particulièrement du cerveau, dépend létat des réseaux de conduction des esprits et donc leur circulation : « mon cerveau nétait jamais mieux disposé, que lorsque quelque bon aliment, ou quelque sang louable passait dans le cur. Car alors il versait dans les artères de quoi porter partout une bonne nourriture, et nenvoyait au cerveau que des esprits convenables, qui y tournoyant, nont rencontré aucun endroit dont les pores fussent ajustés à leur figure, que ceux qui répondaient aux muscles voisins des parties, doù ce bon aliment ou ce sang louable venait dans le cur. Si bien quils ont coulé dans les muscles, et les ont enflés comme ils le devaient être, pour epreindre ces parties, et faire couler vers le cur le suc dont elles étaient pleines. » (Ibidem, p.109)
Si cette circulation se fait mal, si le cerveau est mal disposé par de mauvais aliments alors « un effet tout contraire a dû arriver » (Ibidem, p.109). Au lieu de la concordance qui accorde chaque esprit à lorgane, partie du corps qui lui convient, règne la discorde ; « le cerveau, étant plein desprits différents de ceux dont je viens de parler, soit par la grosseur, soit par la figure, ou par lagitation, était ouvert en dautres endroits, et laissait couler ces esprits en dautres muscles. » (Ibidem, p.109)
La concordance produit laccroissement du flux, la discordance sa contraction : « Toute la fabrique du cerveau se rapportant à toutes les autres parties, autant quil est nécessaire pour la conservation de tout le corps, les esprits devaient couler vers les parties, doù venait laliment ou le sang : tantôt pour faire en les épreignant, quelles en envoyassent davantage, sil était bon ; et tantôt pour faire, en comprimant les passages, quelles en envoyassent moins, sil était mauvais » (Ibidem, p.109)
La disposition du cerveau ainsi produite est la cause des premières passions de lâme quand elle vient à sunir au corps : « Mais, quand lâme a commencé dy être unie, il est évident que cette bonne ou mauvaise disposition du cerveau na pu arriver, quelle ne lait sentie, et quen même temps elle nait éprouvé une volupté ou une douleur telle que maintenant elle la sent, lorsquil arrive quelque chose qui peut être utile ou nuisible au corps. » (Ibidem, pp.109-110). La relation étroite entre le cerveau et les esprits est un élément déterminant des passions quelle ressent : « mon cerveau na pû étre disposé comme il létait, quand mon âme a commencé dy être unie, que par le cours des esprits ; et que ces esprits ne lont bien ou mal disposé, quautant quils ont été, ou convenables, ou nuisibles à tout le corps. » (Ibidem, p.108)
La bonne disposition du cerveau découlant de la bonne circulation des esprits est donc à lorigine de la première passion de lâme, lamour. Lamour apparaît le signe véritable de la bonne union de lâme et du corps, la première condition en est aussi la bonne circulation des aliments avec celle des esprits : « Ainsi la première fois que mon âme a senti lAmour comme une passion, depuis quelle est unie au corps, ça été lorsquil a passé dans le cur un nouvel aliment, dont les particules montant au cerveau, nont composé que des esprits louables. Car alors elle sest unie de volonté à cet aliment, cest-à-dire, elle a voulu quil continuât de couler dans le cur ; et pour cet effet les esprits ont couru dans les muscles de lestomac, des intestins, et de tous les conduits du chile, et lont fait couler abondamment vers le cur. » (Ibidem, p.111) Laliment est même le plus déterminant suivant la distinction quopère Cordemoy : « quelque bon aliment a dû être la première cause de cette passion (lamour), et non pas un sang louable : nommant ici aliment, ce qui passe dans le cur pour la première fois ; et sang ce qui a déjà circulé. » (Ibidem ; p.112)
De laliment dépend la circulation des esprits qui, eux, sont à lorigine de tous les mouvements du corps : « cette agitation des esprits intéresse tout le corps, qui ne reçoit ses mouvements que deux ; et comme cest à ces mouvements que les pensées de lâme ont ce rapport, qui fait toute son union avec le corps, il nest pas étrange que les changements, quelle souffre à loccasion des esprits, soient les plus considérables de tous ceux qui peuvent arriver en elle. » (Ibidem, p.112)
Toute une économie sorganise dans le corps, dont lâme est la conscience, les artères sont les voies de conduction du sang et des aliments, les nerfs celles des esprits et donc du mouvement. Les esprits commandent la circulations dans les artères du sang par le contrôle quils exercent sur les organes, les pouvant épreindre pour quils libèrent le bon aliment quils contiennent, ou comprimer pour restreindre la circulation dun mauvais aliment, cest ce dont se nourrissent les passions de lâme.
On ne sétonnera plus que le récit de rêve quest lutopie de lEtat réformé ait une origine digestive, cest labsence daliments qui est à lorigine des pensées que Cordemoy élabore dans son sommeil, et sa conception des bonnes institutions politiques a donc une cause alimentaire par défaut : « Enfin vous savez quil était bien tard, quand nous nous quittâmes : mais vous ne savez pas que contre mon ordinaire je ne voulus point manger.
En cet état je me couchai, je mendormis ; et je songeai que jétais en voyage avec Monsieur Conrart. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.156, (p.16))
Cette économie alimentaire voire nutritionnelle des passions de lâme, et donc de lunion de lâme et du corps, est surprenante puisquelle prime sur léconomie des sens, voire de la raison ; pour ce que ressent lâme. La disposition du cerveau dépendant de cette économie nutritionnelle passe avant les impressions que lâme peut recevoir par lintermédiaire et à loccasion du corps. Encore faut-il comprendre comment laliment, élément externe, devient propre au corps : « Mais pour entendre ceci, il faut remarquer que tout ce qui entre de nouveau dans le corps, nen fait point encore partie, tant quil demeure dans les viscères, qui ne servent quà préparer sa nourriture. Par exemple, un bouillon ne fait non plus partie de lestomac, quand il y est descendu, quil le faisait du pot dont on la tiré ; et, sil y reçoit quelque changement par les matières qui sy mêlent, ou par la chaleur des entrailles, il est certain que la même chose lui pourrait arriver en tout autre vaisseau. On en peut dire de même, lorsquil a passé dans les veines lactées, et enfin dans ce conduit, qui le mène jusquau cur. Mais, quand il a passé dans le cur, et quil y a reçu un dernier changement, qui la rendu propre à réparer les organes ou les esprits, il commence à devenir une partie nécessaires et véritable du corps. Doù il résulte que, tandis quil est dans lestomac, dans les veines lactées, et dans le conduit du chile, on ne peut pas dire quil soit effectivement uni à lâme : mais elle peut bien sunir de volonté à cet aliment, cest-à-dire vouloir quil devienne effectivement une partie du corps, auquel elle est déjà unie. Au lieu quelle na pas occasion de vouloir la même chose à légard du sang qui a circulé : car, comme il lui est uni autant quil le peut être, elle na pas sujet de sunir à lui de volonté ; et ainsi, sil est capable de lui causer quelque passion, ce doit être une autre passion que lamour. » (Ibidem, p.112-113)
Cordemoy pour caractériser cette amour de lâme pour le bien du corps employera une formule quasi paulinienne : « Je dis enfin, que sétant unie à cet aliment, cest-à-dire, (suivant la nature de lamour, qui fait que lon veut toutes choses convenablement à ce quon aime) ayant voulu que cet aliment, qui était convenable au corps quelle aime, continuât de couler dans le corps ; il est arrivé que les esprits on couru dans les muscles de lestomac et des conduits, par où les choses qui arrivent de nouveau dans le corps, ont coutume daller au cur, pour en faire couler le suc avec plus dabondance : ce qui me semble assez clair, pour navoir pas besoin de my arrêter davantage. » (Ibidem, p.113)
La formule paulinienne est : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein » (T.O.B., Romains, 8, 28). Or le texte de Paul porte sur la volonté prédestinante de Dieu : « Ceux que davance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à limage de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né dune multitude de frères ; ceux quil a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux quil a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux quil a justifiés, il les a aussi glorifiés. » (T.O.B., Romains, 8, 29-30)
La situation de lâme unie au corps suit le schème de lunion mystique du Christ à son Église. Ce schème est à la foi religieux et politique. Augustin dans La Cité de Dieu le reprend, cest même pour lui un schème herméneutique qui lui permet danalyser lhistoire immédiate, celle du sac de Rome par Alaric. En abaissant la Cité terrestre, la Rome impériale, Dieu élève la cité céleste, celle qui ouvre lhistoire du salut parce que sa seule volonté cest précisément laccomplissement de celle de Dieu, autant dire que cest la volonté de Dieu qui est à lorigine de lunion du Christ à son peuple dans le devenir de la cité céleste. Alors que la Rome impériale est celle qui a poursuivi sa propre gloire, ne reconnaissant que sa volonté, ou plutôt dont la volonté de se glorifier nétait quun leurre labusant et lui cachant la seule volonté de Dieu. Dieu a donc voulu que lune soit abaissée et lautre élevée.
Et cest bien un repas qui scelle lunion du Christ à son Eglise, lEucharistie, un repas dont le Christ lui-même est laliment, le mobile : lamour.
Lautre thème traité ici par Cordemoy est donc le premier amour, on trouve dans Descartes lidée que la première perception dun objet aimé fasse une sorte de pli mémoriel que lauteur appelle réminiscence. Lexemple donné par Descartes est celui de la petite fille « louche » cest-à-dire affectée dun strabisme. Descartes se reconnaît une affection particulière pour les femmes atteintes de ce « défaut » jusquà retrouver la trace du premier objet qui a suscité cette « passion » et qui fait pli dans le souvenir.
Cordemoy traite de façon toute particulière cette question du premier amour. Très logiquement le cerveau étant disposé par laliment à tel ou tel mouvement, et lâme se rapportant à ces mouvements par les pensées, laliment est le premier objet que rencontre lâme après son union avec le corps : « Enfin, comme toute la liaison du corps et de lâme (suivant ce que jai dit, et qui ne se peut trop répéter) consiste dans le rapport des pensées de lune, et des mouvements de lautre ; et que ce rapport est tel, que dès quune pensée a été jointe à un mouvement du cerveau, jamais lâme na cette pensée, par quelque occasion que ce soit, que ce mouvement ne soit excité de nouveau : il sensuit que le premier amour, ayant eu pour objet un suc alimentaire, dont le cours ne pouvait continuer sans les mouvements du cerveau, de lestomac, des intestins, du cur et de la poitrine, ces mêmes mouvements ne manquent point dêtre excités dans le corps, dés que lâme ressent la même passion, pour quelque objet quelle la ressente. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, op. cit., p.114, cest nous qui mettons en caractères gras)
Lanalyse de Cordemoy est assez proche de celle de Descartes et on voit quelle nécessité in fine une théorie du signe, car entre laliment et la pensée qui naît du désir de celui-ci, il ne peut y avoir quun rapport arbitraire, comme le note plus haut Cordemoy, un rapport de signe et non un rapport substantiel. Avec les passions de lâme on sélève dèjà au-dessus dune matérialité des corps ce qui suppose la continuation de la réflexion sur les mouvements de lâme et leur expression dans le Traité physique de la parole. Il y a donc une grammaire des sentiments de lâme qui naît dans lunion avec le corps pour résonner en signes et en mots dans le Traité physique de la parole, et retentir dans lÉtat Réformé en une paideia, « Une nourriture », cest-à-dire aussi, une éducation.
La prédestination dont nous voyions la marque très nette dans Romains, 8, 28-30, signale la volonté et laction de Dieu dans les individus et dans lhistoire. Loccasionnalisme peut-il être une forme de prédestination ? Pour loccasionnalisme nul être créé ne peut-être proprio motu puisquil nest déjà pas causa sui. Dans les êtres créés il ny a que disposition à recevoir le mouvement qui ne vient que de Dieu, cette action permanente de Dieu sur sa création devient particulièrement claire dans la prédestination. Cest ce quon devine chez Geulincx, converti au calvinisme.
On ne soupçonnera certes pas Cordemoy de calvinisme, si lon peut voir un rapport entre occasionnalisme et théorie de la prédestination ce nest pas chez Cordemoy quon le trouvera. Son occasionalisme est bien davantage lié à une pensée du pouvoir et des moteurs du pouvoir. La théorie de la prédestination qui est plutôt le fait des disciples de Calvin que de lui, peut être aussi une théorie du pouvoir, elle est dabord une lecture des textes et particulièrement des épîtres de Paul. Théorie du pouvoir, en effet, puisquelle dénie à léglise toute puissance de salut et donc tout pouvoir de juridiction sur les âmes des fidèles, ne reconnaissant cette puissance quà Dieu et à son omniscience et son omnipotence. Donc laffirmation de lomnipotence divine dénie toute idée de délégation de la puissance spirituelle à une instance humaine, serait-elle ecclésiale.
Dans De la Réformation dun État ce que construit Cordemoy, tout au contraire, cest un pouvoir humain centré sur une figure quasi démiurgique, celle du roi, quand même cette figure est incarnée par un roi mort dont seuls le souvenir et les institutions restent vivants. Le souverain est un lieu central du pouvoir qui, sans doute pour Cordemoy, ne peut être occupé que par un roi. Toujours est-il que les Ambassadeurs de lEtat réformé ne parlent que du prince fondateur, créateur de leur constitution actuelle, mais décédé, les institutions de lEtat réformé telles quils les décrivent impliquent, néanmoins, lexistence dun roi mais qui a le caractère dabstraction du souverain comme principe de gouvernement.
Pour La Bruyère cette centralité du pouvoir est incarné par un souverain « panoptique », il ne dépersonnalise pas linstitution monarchique comme Cordemoy qui en fait un pur lieu institutionnel investi sans doute par une personne royale mais plus comme « corps dEtat » que comme individu constitué : « une puissance très absolue, qui ne laisse point doccasion aux brigues, à lintrigue et à la cabale; qui ôte cette distance infinie qui est quelquefois entre les grands et les petits, qui les rapproche, et sous laquelle tous plient également; une étendue de connaissance qui fait que le prince voit tout par ses yeux, quil agit immédiatement et par lui-même, que ses généraux ne sont, quoique éloignés de lui, que ses lieutenants, et les ministres que ses ministres; » (Les Caractères, X, « Du Souverain ou de la République », X, 35, I. Les caractères gras sont de nous)
Lopuscule De la Réformation dun État commence par ces mots : « Cest un merveilleux secret pour faire de beaux songes, que de sentretenir le soir de belles choses, et de saller coucher sans souper. » (Op. cit., p.155, (p.16)) Cordemoy annonce demblée que son récit sera celui dun rêve. Des rêves, Cordemoy en parle peu dans les Six Discours sur le Discernement et lUnion du Corps et de lAme, pourtant il a ces quelques lignes à la fin du chapitre six de cet ouvrage, il sagit pour lui de trouver un exemple à lappui de lassertion suivante : Pourvu que le cerveau reçoive des impressions des objets éloignés, « lÂme qui en a les sentiments, les rapporte aux objets qui les causent. » (Op. cit., p.131) Largument utilisé est donc celui du rêve : « Et, pour dernière conviction, il ne faut que considérer leffet des songes, dans lesquels nous voyons souvent le ciel, la mer, et la terre, selon toute létendue qui nous est si visible. Cependant nous avons les yeux fermés ; et il ny a que les parties intérieures du cerveau, qui soient ébranlés par le cours fortuit de quelques esprits. Et, comme le mouvement de ces parties est institué pour exciter en lÂme la vision, si ces parties sont ébranlées par le cours des esprits, comme elles le seraient par les objets mêmes, nous avons les mêmes sensations, que leur présence nous causerait ; et nous les rapportons aussi loin que nous les rapporterions, si ces sensations étaient effectivement causées par les objets. De la même manière nous entendons souvent en songe du bruit, nous avons des goûts et nous sentons des odeurs, sans quil y ait dautre cause de toutes ces sensations, que lébranlement des parties intérieures du cerveau. Ainsi, le mouvement de ces parties du cerveau étant joint à quelque sentiment de lÂme, si tôt que ce mouvement arrive dans le cerveau par quelque cause que ce soit, le sentiment, qui y répond, est toujours excité dans lÂme ; et elle ne manque point de le rapporter où il est plus expédient quelle le rapporte, pour la conservation de tout le corps. » (Idem, pp.131-132) Le rêve ou songe est donc défini comme un fonctionnement autonome du cerveau en communication avec lâme seule, en effet : « lÂme na aucune sensation, que quelque mouvement du cerveau nen soit loccasion ; et comme elle nimagine aucun objet corporel, que par ce rapport aux parties du cerveau, il est visible que, tant quelle est unie au corps, elle ne peut imaginer tout à la fois, que les objets, dont le cerveau peut recevoir les impressions en même temps. » (Ibidem, p.133)
Dans un autre passage Cordemoy compte le songe parmi les erreurs, comme celle qui résulte dun ébranlement du cerveau lors dun choc, et qui fait que nous voyons « mille chandelles », il sagit toujours de montrer que lâme nest en rapport direct quavec les mouvements du cerveau et quelle rapporte secondement ces mouvements à quelque objet extérieur : « il est utile à lâme de rapporter la sensation, qui lui est causée par lébranlement des parties intérieures du nerf optique, aux objets qui les ont excités par lentremise des rayons. » Cest là quintervient largument du rêve : « Ce nest pas que quelquefois cela ne soit fautif, comme nous lavons vu par lexemple de ceux à qui quelque grand coup fait voir des chandelles ; et comme on le peut voir par lexemple de ceux, qui en dormant voient comme hors deux, plusieurs objets, qui ne leur sont pas présents. Car, encore que dans le premier exemple cela arrive parce que le cerveau est ébranlé par le coup, comme il le serait par des chandelles ; et dans le second, parce que quelques esprits courant dans le cerveau, ont ébranlé les parties que les objets quon voit dans le songe, ébranleraient, sils étaient présents, il est certain que rien ne pouvait être mieux ordonné que de faire que lâme neut ses sensations, quà loccasion des mouvements intérieurs du cerveau, et quelle ne les rapportât quà ce qui les a causés. » (Ibidem, p.125)
Le songe de La Réformation dun État doit donc être le résultat de mouvements du cerveau dont lorigine ne peut résulter que dimpressions de la veille. Mais pourquoi saller coucher sans souper prédispose à faire de beaux songes ? Dans tout ce que nous avons vu plus haut, la nourriture est aussi laliment des passions et suivant ce que le cerveau reçoit dimpressions favorables ou défavorables des aliments et de la façon dont le corps se les approprie, il sera dans telle disposition favorable ou défavorable, nous avons vu que lamour provenait du sentiment que ressent lâme de la disposition favorable du cerveau produite par une nourriture bénéfique. Mais il est une autre heureuse passion qui naît de labsence de besoin daliment, dans laquelle on a dordinaire moins dappétit « le sang qui est dans le corps, pouvant servir à sa nourriture et à lentretien des esprits, il ny a pas doccasions dappeler de nouveaux aliments. », cest la joie. La joie qui paraît à peine une passion puisquelle est un fonctionnement quasi autonome de lunion de lâme et du corps.
« La joie. Quant à la première joie, elle peut être arrivée de ce que le corps, nayant pas eu besoin dun nouvel aliment qui vint de lestomac et des intestins, ni de celui que la rate ou là vésicule du fiel fournit lors quil y a disette daliment, a pu subsister par le sang, déjà coulant dans les artères, et dans les veines. Car en cet état, par la seule disposition du corps, quelques esprits, au lieu de couler du cerveau vers les endroits répondant à lestomac, aux intestins, à la rate et au foie, ont été vers les endroits des veines, et les ont pressées au sens qui était le plus propre, pour faire couler vers le cur le sang, dont elles étaient pleines : cest ce qui est arrivé, quand il ny a eu que le corps.
Mais, lors que lâme y a été jointe, une si belle disposition na pu être dans toute lhabitude du corps, et principalement du cerveau, que lâme nen ait eu de la joie, cest-à-dire, quelle nait eu cette extrême satisfaction que lon a, quand on sait que rien ne manque à ce quon aime parfaitement, et quil a en soi tout ce qui le peut conserver dans un état convenable à sa nature. Et enfin cette pensée de lâme a été si bien jointe à cette disposition intérieure du cerveau, dans ce moment, que depuis lâme na pu avoir de joie, qui nait excité une semblable disposition dans le cerveau, et de-là dans tout le corps.
Aussi voyons-nous que dans là joie, les esprits, coulant vers les muscles qui sont auprès des veines et des parties extérieures, et non pas vers ceux des viscères, de lestomac, du foie et de la rate, poussent tout le sang des veines vers le cur, dont les orifices étant ouverts par dautres esprits qui coulent par les nerfs qui y répondent, y laissent entrer le sang avec abondance. Et, comme ce sang a déjà passé plusieurs fois des artères aux veines, il se dilate plus aisément dans le cur ; et les esprits que le cur envoie au cerveau, sont plus égaux et plus subtils.
Doù vient que durant la joie le pou est plus égal et plus vite quà lordinaire, sans être toutefois si fort ni si haut que dans lamour ; et lon sent une chaleur agréable, non seulement dans la poitrine, comme en lamour, mais partout à lextérieur, ou le sang est abondant. On a même pour lordinaire moins dappétit, à cause que sortant peu de choses des intestins et de lestomac, et le sang qui est dans le corps, pouvant servir à sa nourriture et à lentretien des esprits, il ny a pas occasion dappui, de nouveaux aliments. » (Ibidem, VI, pp.117-118)
La joie est donc un état de quasi autosuffisance, à linstar de lataraxie stoïcienne, elle est une passion qui naît de labsence de besoin, ce pourquoi jécrivais quelle nen est presque pas une tant, dans la réflexion de Cordemoy, laliment sert de nourriture aux passions. Lémerveillement et la joie sont, dautre part, des vertus philosophiques, le commencement même de toute réflexion philosophique. La diète devrait donc disposer à cet heureux état sauf quil ne sagit pas proprement de raisonner mais de rêver et que le rêve est au départ même une erreur. Dans le rêve, nous lavons vu, le mouvement du cerveau nest plus rapporté à un objet extérieur, cest pour cela que Cordemoy le compte parmi les erreurs : « Ce nest pas que quelquefois cela ne soit fautif (..) comme on le peut voir par lexemple de ceux, qui en dormant voient comme hors deux, plusieurs objets, qui ne leur sont pas présents. » (Ibidem, p.125). Or, le récit de lÉtat Réformé énonce des principes à la fois politiques et pédagogiques, comment fonder des principes sur ce qui, au départ, paraît être fautif ?
Le sous titre de lopuscule : « Que la réformation dun État dépend de léducation des enfants, et comment il les faut élever. » sil est de lauteur montre demblée quil y soutient une thèse. Le rapport entre païdeia et politique est consacré par la philosophie antique, puis très largement repris par nombre de penseurs du politique renaissants comme Érasme avec le Codicille dor.
On rencontre le thème consacré par la tradition que la raison humaine est folie au regard de Dieu, thème fondé sur les écrits pauliniens : la croix considérée comme folie par les nations, mais ce nest vraiment pas un thème auquel sattache Cordemoy, sa démarche paraît étonnement laïque. Le rêve de LÉtat Réformé nest donc pas un scandale pour la raison comme une sagesse aux yeux de Dieu, bien au contraire Cordemoy met en place une raison toute humaine dans lensemble des mécanismes du pouvoir, de leur application dans le politique, de leur reproduction dans le pédagogique. Enfin, il sattachera à montrer comment son rêve sapplique point par point à la réalité louis-quatorzienne, comment le souverain de son État rêvé coïncide avec la figure du roi de France, comme si les réformes du royaume quil prône avaient déjà été réalisées par Louis Dieudonné, alias Louis quatorze.
Dans la Réformation dun Etat le motif du rêve est donc paradoxal, puisque lÉtat Réformé est censé être une sorte de modèle de raison, de gouvernement dun état par la raison, comment comprendre que lexposé de ce gouvernement de ces institutions puisse être le contenu dun rêve ? Le fait que le narrateur soit à jeun modère un peu le paradoxe : en effet, à jeun le rêveur doit être moins pris par les diverses humeurs du corps dont nous avons vu que laliment était un mobile essentiel. Nous avons vu également que pour Cordemoy la joie était la passion de lâme qui correspondait précisément à un état de satiété dans lequel le corps nappelait pas dautre aliment, laissant au cerveau une sorte de libre disposition de lui-même. Cest donc dans cet état de libre disposition de son cerveau que se trouve le narrateur - rêveur de lopuscule de la Réformation dun état. Cette libre disposition favorise une forme de jeu libre de lesprit qui revient sur le souvenir de la veille. Après la phrase douverture : « cest un merveilleux secret pour faire de beaux songes, que de sentretenir le soir de belles choses, et de saller coucher sans souper. » le narrateur donne la matière de ce sur quoi se fera ce jeu de lesprit : « vous savez que nous parlâmes hier de la modestie des premiers Romains, et du nombre dambassadeurs, quils envoyaient fort honnêtement à pied. Vous vous souvenez bien aussi que, recherchant les honnêtes gens de notre siècle, qui pouvait ressembler à ceux de lantiquité, nous demeurâmes assez longtemps sur le chapitre de M. Conrart ; et examinant dans la suite, sil y avait des personnes à la cour, qui ayant été élevé dans les armes, sexerçassent dans les lettres, comme avaient fait plusieurs dentre les Grecs et les Romains ; le premier qui nous vint à lesprit, fut M. de duc de Montausier : De sorte que nous le nommâmes tous deux en même temps. Vous savez aussi, quaprès avoir loué le choix, que le roi venait de faire dun si digne gouverneur pour Monseigneur le Dauphin, nous parlâmes longtemps de léducation des enfants, dont nous crûmes que dépendait tout le bonheur des État ; que cela nous donna occasion de parler de quelques lois de Platon ; et que dans la liberté de cet entretien que rien ne contraignait, nous parlâmes fort de la Réformation dun état. Enfin vous savez quil était bien tard, quand nous nous quittâmes : mais vous ne savez pas que contre mon ordinaire je ne voulus point manger. » (De la Réformation dun État, op. cit., pp.15-156, (p.16))
Voici énoncé en quelques mots ce qui sera la matière de la thèse principale soutenue par Cordemoy : Des personnes ayant été élevées dans les armes, exercés dans les lettres, des ambassadeurs à pied, léducation des enfants dont dépend tout le bonheur dun état, autant déléments dont il sera question plus loin. Sur ces réflexions le narrateur va se coucher : « en cet état je me couchais, je mendormis ; et je songeai que jétais en voyage avec M. Conrart. Je ne sais où nous allions, ni doù nous étions partis : » (Idem, p.156, (p.16))
Dans lÉtat Réformé on pense aussi bien que lon marche : « dans lÉtat Réformé, cétait un signe de navoir pas bonne tête, que davoir de mauvaises jambes ; et que tout homme, qui avait su exercer son corps, et vivre sobrement, navait jamais de peine à marcher, même dans le plus grand âge. » (Ibidem, p.158, (p.17)). Ce souci du corps on le retrouvera dans la partie de lopuscule consacrée à léducation. Les exercices physiques tiennent en effet une grande place dans le programme de Cordemoy. La première chose qui surprend le rêveur et son compagnon M. Conrart ce sont ces ambassadeurs à pied. Malgré leur grand âge ils se déplacent encore sans autre équipage que leur aptitude à la marche. La première interrogation sur les étonnantes capacités des sujets de lÉtat Réformé rencontre une première réponse dans la bouche de lambassadeur de cet État : « comme lon songe fort à rendre (à ceux de notre pays) la santé parfaite, on les accoutume dès la jeunesse à un grand exercice ; et on leur fait considérer comme de grands excès les choses, qui sont si ordinaires parmi nous, que la plupart même des plus honnêtes gens, qui ne veulent pas manquer à ce quils doivent à la société, ne sen peuvent pas dispenser. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.158, (p.17)
Pour renforcer limpression de rêve, Cordemoy introduit des termes qui laissent peser un doute sur la réalité de ce quil a vécu : « je ne me remets pas bien toute la suite de ce discours », « mais il ma semblé ». Mais du doute sur la réalité de lexpérience jaillit une certitude : « ce discours, dont je me souviens mot pour mot, moi qui nest jamais pu retenir une ligne de ce que jai composé avec le plus de temps et de peine. » (Idem, p.159, (p.17)). Du rêve lui-même jaillit la certitude du propos.
Cordemoy laisse la parole à son personnage, lambassadeur de lÉtat Réformé. Ce qui frappe demblée lesprit dans le propos de lambassadeur, cest lapparente égalité des conditions qui semblent régner dans létat modèle : « il ny a point de ville dont les bourgeois ne soient aussi sages et aussi savants que ceux de Rome étaient riches, et puissants. » (Ibidem, p.159, (p.17)). Léducation dans lÉtat Réformé nest pas réservé à une petite élite mais répandue à lensemble de la population masculine du pays. Ainsi, la sagesse semble être le bien le plus partagé de lÉtat Réformé. Tout procède des réformes initiées par un jeune Prince qui nest autre quune représentation de Louis XIV lui-même. Un certain nombre de marques évidentes pour les contemporains signalent le subterfuge : « il était né dans les troubles » (Ibidem, p.159, (p.17)) allusion à la Fronde, « il était venu à la souveraineté des sons bas âge » (Ibidem, p.159, (p.17)) allusion à la mort précoce de Louis XIII, « il semblait que plusieurs lui voulussent dabord disputer la première place » (Ibidem) allusion aux brigues de Mazarin et de la reine mère Anne dAutriche. Le jeune souverain est présenté comme celui qui rétablit lordre et renouvelle la confiance du royaume.
Le recours au rêve semble être là pour autoriser une certaine liberté du propos et de la pensée. Il ne sagit pas de suggérer gravement des réformes du royaume mais de faire comme si elles étaient déjà réalisées en rêve dans un État où « tout marche bien » et didentifier un souverain rêvé au présent roi de France.
Le rêve est pour autant raisonnable, il nest pas un délire mais un peu comme la Fantaisie dans la musique baroque il permet dexpérimenter librement des formes de pensée en dépassant les cadres obligés des formes consacrées comme le Traité ou le Mémoire. Le rêve à jeun, à linstar de la joie, autorise ce jeu libre dans labsence du besoin. Il revêt le sérieux de la considération théorique sans la nécessaire gravité du réformateur.
Chapitre II
La référence platonicienne
Cordemoy dans son utopie De la Réformation dun État se recommande implicitement de Platon. Il emploie une formule qui laisse à penser que le rêve qui constitue cet opuscule serait la suite dune conversation quil aurait eue avec Claude Fleury et qui aurait porté, en sa fin, sur léducation des enfants dont dépend le bonheur des états. À ce propos il mentionne Platon mais de façon imprécise : « nous parlâmes longtemps de léducation des enfants, dont nous crûmes que dépendait tout le bonheur des États ; que cela nous donna occasion de parler de quelques lois de Platon ; et que dans la liberté de cet entretien que rien ne contraignait, nous parlâmes fort De la Réformation dun État. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.156, (p.16)).
Antoine Adam dans son Histoire De La Littérature Française au XVIIe Siècle, au tome 3, Page 22 renvoie tout de go à la République de Platon : « au nom de la Raison encore, dexcellents esprits attendent dune monarchie autoritaire, mais éclairée, les démarches nécessaires pour une meilleure organisation de la société. Ces idées sont en honneur dans lentourage du premier président de LaMoignon. Elles se retrouvent dans les écrits de deux de ses familiers, dans les « pensées politiques » de Fleury, dans létonnant traité de Cordemoy de la Réformation de lÉtat (sic). Les tendances unitaires du cartésianisme y éclate en plein et nous ramènent hardiment à la République de Platon ».
Jean-François Battail, dans son ouvrage LAvocat Philosophe Gérauld De Cordemoy revient lui aussi sur cette filiation platonicienne de lutopie de Cordemoy De la Réformation dun État : « sil admire Platon, Cordemoy nen entend pas moins appliquer ses méditations aux temps présents et propose, sous le couvert dun songe, une véritable philosophie politique ; il appelle de ses voeux des réformes concrètes, à une époque de sa vie où il nest pas encore devenu ce quon pourrait appeler un personnage officiel. » (Op. cit., Page 17).
Cette évocation de Platon pose problème car Cordemoy semble davantage sinspirer dAristote dans la conception quil a du politique, un autre opuscule en témoigne, Des moyens de rendre un Etat heureux, dans ce dernier Cordemoy suit approximativement lordre analytique dorganisation des sociétés humaines comme le fait Aristote dans sa Politique : « un Etat est à plusieurs villes ce quune ville est à plusieurs familles et ce quune famille est à chacune des personnes qui la composent. Si bien que, pour voir jusque dans les principes, ce qui peut rendre un Etat parfaitement heureux, il faut voir ce qui rend une famille heureuse. » (Des Moyens De Rendre Un Etat Heureux, op. cit., p.204, (p.36)).
Ce point de vue est commun à lensemble du Petit Concile, « le Petit concile semble parfois percevoir lextension naturelle et indéfinie de la famille comme lorigine de la société » écrit François Xavier Cuche
Pour Aristote lorganisation finale est la cité. Lorganisation suit lordre des besoins : le couple et la famille pour le besoin de persévérer dans lêtre, donc de se reproduire, la communauté villageoise pour le besoin de survie, et la cité, la polis pour la vie la meilleure, en vue du souverain bien. Lordre suivi par Aristote au chapitre deux, livre un de la Politique va de la matière à la matière dotée dune forme cest-à-dire la cité : la matière quinforme la cité sanalyse en ces parties : les couples, les foyers, les villages. Selon Aristote lhomme est un animal politique, son existence citoyenne est donc sa fin naturelle, il ny a donc pas dexistence individuelle qui entre dans sa nature puisquelle est collective, sociale. La cité comme fin du politique nest donc pas une collection dindividus qui se réuniraient sur un contrat comme pour le sophiste Protagoras précurseur antique des théoriciens du contrat des XVIe XVIIe et XVIIIe siècle comme Bodin, Hobbes, Locke et Rousseau. Lidée dune liberté individuelle qui serait le fondement de lêtre humain et constituerait sa nature et sa réalité pré - sociale ne se rencontre ni dans loeuvre dAristote ni dans celle de Cordemoy. Dans la Politique dAristote, la Cité est la forme une, essentielle donnée à une matière humaine dont elle est la fin naturelle, elle a des qualités propres : cest un tout et non un tas, elle est : « une communauté qui forme une unité générique » (Aristote, Politique, livre sept, chapitre 8, 1328 a 25 ). Ce qui unit les citoyens en une cité cest lamitié telle que LÉthique à Nicomaque la définie, ou en usant dun terme plus proche de nous dans ce sens politique : la solidarité.
Au livre un de la Politique Aristote définit ainsi la cité : elle « est la communauté de la vie heureuse, cest-à-dire dont la fin est une vie parfaite et autarcique pour les familles et les lignages (communautés villageoises) » (Politique, 1280 b 33 -- 35). Par conséquent ce qui réunit la communauté politique nest pas un ensemble de traités ou un contrat, comme si mon concitoyen était mon ennemi en puissance toujours prêt à magresser et à me faire violence, comme le postule finalement les tenants du « contrat », mais lamitié, la solidarité (1280 b 36 -- 38). La vraie fin de la cité nest pas lintérêt individuel mais le bonheur de tous (1280 b 38 -- 40). Cette idée du bonheur de tous comme but du politique est aussi au coeur du propos de Cordemoy, elle donne son titre à un des opuscules : Du bonheur dun Etat. Dans De la Réformation dun État voici ce quil écrit à propos du monarque de lEtat réformé dont il savèrera à la fin du récit du narrateur quil nest autre quun réplique de Louis XIV lui-même: « Enfin, ayant considéré que les différentes parties de lEtat étaient sujettes à des lois, la plupart contraires entre elles, et toutes faites, ou par hasard, ou par caprice, ou par intérêt, il crut en devoir faire qui fussent universellement observées, et qui neussent pour fin que le bonheur des peuples. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.160, (p.17)).
La pensée politique de Cordemoy ignore également la notion de contrat, et comme pour Aristote le fondement de la société humaine qui conduit à la cité pour Aristote, à lEtat monarchique pour Cordemoy, cest le langage. Lhomme nest en effet pas le seul animal social mais il est le seul animal politique, il nest pas le seul animal doué de langage mais le seul capable de parole. Animal de parole - animal politique sont étroitement corrélés dans la pensée aristotélicienne comme dans celle de Cordemoy. Lhomme serait-il simplement social il nexprimerait ses affects à ses semblables que par des voix comme les animaux sociaux. Pour survivre, pour répondre à ses besoins premiers, lanimal humain na besoin de rien dautre. Mais le langage dépasse le besoin, il détourne lorgane, le corps par quoi se satisfait le besoin, comme la cité il vise au-delà, lintellect et les idées, la cité visant le souverain bien et la vie heureuse. Dans la préface du Traité Physique De La Parole Cordemoy distingue comme Aristote ce quil appelle les voix et ce quil appelle la signification : « je tire aussi de là, de quoi me convaincre que les bêtes nont pas besoin dune âme pour crier, ni pour être émues par des voix, ni même pour imiter le son de nos paroles ; et que, si le cri de celles qui sont dune même espèce, les dispose à sapprocher, et fait reculer celles qui sont dune autre espèce, on nen doit chercher la cause que dans leur corps, et la différente construction de leurs organes. Mais en même temps, je reconnais que dans les hommes le mouvement des parties, qui servent à la voix, ou de celles qui sont ébranlées, est toujours accompagné de quelques pensées ; et que dans la parole il y a toujours deux choses, savoir la formation de la voix, qui ne peut venir que du corps, et la signification ou lidée quon y joint, qui ne peut être que la part de lâme. » (Traité Physique De La Parole, op. cit., préface).
Par la parole lindividu corps et âme achève de se connaître comme tel par la reconnaissance quil a de lautre corps et âme : « je propose maintenant le moyen de connaître les autres ; et ce moyen est la Parole. » (Idem). La Parole introduit donc à la communauté des hommes corps et âme et donc au politique. Cordemoy est en cela daccord avec le Petit Concile dont il partage les idées. François Xavier Cuche écrit à ce propos : « Pour lui (le Petit Concile), Dieu a placé en lhomme, avec lamour de soi, lamour dautrui. Par exemple, le langage humain manifeste à la fois la nature raisonnable de lhomme car seul le langage permet la pensée et la vie morale et sa sociabilité naturelle. »
Pour Aristote le politique est la fin en vue de quoi il y a nature humaine et la parole est le moyen de cette fin, chez Cordemoy la parole achève la distinction de lindividu comme corps et âme par la connaissance quelle lui en donne et la communauté des autres êtres quelle lui ouvre. La raison est dabord métaphysique avant dêtre morale, politique ou religieuse.
Selon Aristote encore la fonction du langage est le partage des conditions mêmes du bien commun : « le bien et le mal », « ce qui est nuisible », « le juste, la justice », le juste étant « le bien politique, à savoir lavantage commun » (Politique, trois, 1282 b 17 -- 18). Le titre, choisi par Cordemoy, évoque la fin du politique selon Aristote : Des Moyens de rendre un Etat heureux, puisque la fin de la Polis est la vie heureuse de la Cité comme entité suivant la finalité de lhomme politique que sont les citoyens comme ensemble uni.
Pour Cordemoy, et cest ce qui le distingue fondamentalement dAristote, celui qui incarne la fin du politique comme le bien commun cest le roi, aussi est-ce dans sa personne que se rencontrent la parole et le politique. La fonction de délibération et de discernement que retient Aristote est ici remplacée par celle de propagation de la gloire et de véhicule des ordres : « vous verrez que cest elle (la parole) qui produit ce que vous aimez le plus, je veux dire la gloire ; et vous reconnaîtrez que vous lui devez cet éclat, qui fait briller Votre Majesté au-dessus de toutes les Puissances de la terre. Cest par elle, Sire, que vous expliquez ces généreuses pensées, qui vont toutes à notre félicité ; et cest par elle que vous avez achevé ces grandes choses qui font dire à toutes les nations, que vous êtes le plus grand Prince qui fut jamais. (...) Je sais bien aussi que le secret, tout favorable quil est aux grands desseins, ne saurait seul les faire réussir ; et que si votre Majesté sen est utilement servie dans tous les projets quelle a faits pour notre bonheur, jamais elle nen aurait obtenu lexécution, si elle navait employé la parole. Il a fallu donner des ordres pour cela. Véritablement, Sire, vous les savez donner en Prince, qui na besoin que de soi-même pour méditer et pour résoudre. Vous savez seul, pourquoi vous les donnez ; et ceux qui les reçoivent, ne connaissent souvent la belle fin, que Votre Majesté se propose, que dans le moment qui la fait réussir. » (Discours Physique De La Parole, Épître Au Roi).
La parole, en tant que langage par signe, est la première institution humaine, elle est dinstitution, de convention, il ny a aucun lien naturel entre le signe et ce quil signifie. En tant quelle est le lien nécessaire pour reconnaître lexistence de lautre comme doué dune âme, elle est aussi la première institution sociale et politique : « Parler, à mon avis, nest autre chose que faire connaître ce que lon pense, à ce qui est capable de lentendre ; et supposé que les corps, qui ressemble au mien, aient des âmes, je vois que le seul moyen de nous expliquer les uns aux autres ce que nous pensons, est de nous en donner des signes extérieurs. » (Discours Physique De La Parole, op. cit., p.10) « Doù je conçois que ces signes sont dinstitution ; et comme cette institution suppose nécessairement de la raison et des pensées en ceux qui sont capables den convenir, je navancerais peut-être rien avec témérité, si jassurais dès à présent que ces corps sont unis à des âmes. » (Idem, p.11).
Linstitution ou la convention, cest larbitraire, labsence de continuité entre ce qui est représenté et ce qui le représente, cest aussi pour Cordemoy limage de labsence de continuité entre le corps et lâme pourtant unis dans la personne humaine : « Une des principales choses, que je trouve digne de considération touchant ces signes, est quils nont aucune conformité avec les pensées, que lon y joint par institution. En effet, soit que nous exprimions nos pensées par des gestes, par des discours, ou par des caractères, qui sont les trois sortes de signes les plus ordinaires, par lesquels nous fassions connaître nos pensées, nous voyons bien (si nous y faisons un peu de réflexion) quil ny a rien de moins ressemblant à nos pensées, que tout ce qui nous sert à les expliquer. Car enfin, quand un homme, pour me témoigner quil nest pas daccord de quelque chose, vient à branler la tête : quand, pour mexpliquer mieux, il remue la gorge, la langue, les dents et les lèvres pour former des paroles, ou bien quil prend du papier, et trace avec une plume des caractères pour me lécrire, je vois si peu de ressemblance entre tous ces mouvements de la tête, de la bouche, ou de la main, et tout ce quils apprennent, que je ne puis assez admirer comment ils me donnent si facilement lintelligence dune chose quil représente si mal.
Mais ce que je trouve de plus admirable en cela, cest que cette extrême différence quil y a entre ces signes et nos pensées, en nous marquant celle qui est entre notre corps et notre âme, nous donne en même temps à connaître tout le secret de leur union. Au moins il me semble que cette étroite union, que la seule institution des hommes est capable de mettre entre certains mouvements extérieurs, et nos pensées, est, à qui veut y prendre garde, le plus beau moyen de concevoir en quoi consiste véritablement lunion du corps et de lâme. Car enfin, si lon conçoit que les hommes puissent pas institution joindre certains mouvements à certaines pensées, on ne doit pas avoir de peine à concevoir que LAuteur de la nature, en formant un homme, unisse si bien quelques pensées de son âme à quelques mouvements de son corps, que ces mouvements ne puissent être excités dans le corps, quaussitôt des pensées ne soient excitées en lâme ; et que réciproquement, dès que lâme veut que le corps soit mu dune certaine façon, il le soit en même temps. » (Idem, pp.15-16)
Mais la loi aussi est dinstitution comme le montre le début de De la Réformation dun État, dinstitution royale : « Enfin, ayant considéré que les différentes parties de lÉtat étaient sujettes à des lois, la plupart contraires entre elles, et toutes faites, ou par hasard, ou par caprice, ou par intérêt, il crut en devoir faire qui fussent universellement observées, et qui neussent pour fin que le bonheur des peuples. » (De la Réformation dun État, page 160, (p.17))
Un contemporain de Cordemoy, Thomas Hobbes, donne lui aussi le langage comme préliminaire au politique, dans le premier livre de son Léviathan : « Sans le langage, il ny eût eu parmi les hommes ni État, ni Société, ni Contrat, ni Paix, non plus que parmi les Lions, les ours et les loups. » (Léviathan, livre 1, chap.4)
Linspiration fortement aristotélicienne de la pensée de Cordemoy atteint cette limite, celle de la figure royale, tout le dispositif de la politique dAristote a pour fin le bonheur et le souverain bien dans le principe quest la cité, aboutissement et commencement tout à la fois en tant quaccomplissement de la nature politique de lhomme. Pour Cordemoy dans cet implicite encomiastique quest lépître au roi le dispositif aristotélicien est dévié dans le sens dune mise en valeur de la figure royale. Il situe son Traité Physique De La Parole dans la continuité du travail métaphysique du Discernement De LÂme Et Du Corps : « Jai les mêmes raisons de lui présenter encore celle-ci (partie de cet ouvrage), où je traite, non plus de la connaissance de soi-même, mais du moyen de connaître les autres, et den être connu. Je fais voir que ce moyen est la Parole : jen explique tous les effets ; et pour en mieux découvrir les causes, je recherche avec soin tout ce quelle emprunte du corps, ou de lâme. » (Discours Physique De La Parole, Épître Au Roi). Mais il soumet sa propre Parole à lardent service de la louange du roi : « on ne peut assez louer cette ardeur, qui vous fait quitter les plaisirs au milieu de lhiver (la guerre dannexion du Brabant et du Hainaut) : mais toute noble quelle est, on la doit blâmer, quand elle vous fait chercher le péril, et quelle expose contre des sujets rebelles, une vie si précieuse à tant dautres Sujets Fidèles. Écoutez, Sire, celle qui vous parle ainsi. Elle a toujours aimé les Rois: elle nen a jamais flatté ; et comme elle nen connaît point de plus grand que Vous, elle ne peut dans le temps quelle veut expliquer ce que cest que la Parole, en faire un usage plus utile à tout le monde, quen vous disant ce que vous devez à votre conservation. » (Idem). Cordemoy fait ici allusion à lépisode célèbre du passage du Rhin dans lequel Louis XIV sétait illustré en exposant, dit-on, sa vie. Le débat et la délibération, rôle qualloue Aristote à la Parole dans la cité, sont remplacés par léloge et lencomion, ce déplacement nest pas particulier à Cordemoy il est redevable dune lecture de La Politique dAristote qui déjà dans loeuvre de Bodin fait du philosophe grec un défenseur et un partisan fervent de la royauté.
Pourtant Cordemoy ne parle pas dAristote, cest bien Platon quil évoque au seuil de son utopie De la Réformation dun État, quelle peut-être la raison et le sens de ce qui paraît être une forme de patronage sous lequel il inscrit son propos ?
Commençons par distinguer la pensée dAristote et Platon sur cette question du politique. Dans loeuvre de Platon il ny a pas de distinction du politique, de léthique et de la métaphysique, autant dire quil ny a pas de réflexion spécifique sur le politique. La politeïa est une continuation de léthique en même temps que lobjet dun savoir, savoir politique qui est la science utile aux hommes en les rendant heureux, savants et bons. (Euthydème, 292 c 1 et 292 d 6).La cité est un grand individu, une grande âme qui ressent totalement, globalement ce que chacun de ceux qui la constituent ressent individuellement : « Cet État na-t-il pas une organisation politique excellente ? (...) Nest-ce donc pas aussi celui qui se rapproche le plus de lindividu ? Ainsi, quand il arrive au doigt de lun de nous de recevoir un coup, alors pour la communauté, constituée par une tension des éléments corporels par rapport à lâme dans le sens dune unité darrangement, unité qui procède du principe auquel dans cette communauté, appartient le commandement, ny a-t-il pas conscience de ce coup, et, simultanément à la souffrance de la partie, nen a-t-elle pas tout entière, et dans son ensemble, partagé la douleur ? Nest-ce pas en ce sens évidemment que nous parlons, pour lhomme, de « sa » douleur « au doigt », tenant encore le même langage à propos de quoi que ce soit dautre dans lhomme : de « sa » peine, quand cest une partie de lui qui souffre, de « sa » joie, quand cette partie se rétablit ? (...) LEtat politiquement organisé de façon excellente est celui qui se rapproche le plus de lindividu dans de telles conditions. - ainsi donc, ce quéprouve un seul des citoyens, quoi que ce soit, en bien ou en mal, un Etat de cette sorte sera tout ce quil y a de plus disposé à dire que cest lui-même qui éprouve cela ; tout entier il en partagera le sentiment, tout entier il en partagera la peine. » (La République,V, 462 c - 462 e). Le modèle de compréhension du politique pour Platon est le grand individu, il y a non pas différences de nature de lindividu à la société politique mais continuité. La cité sent, ressent comme un grand individu ce que sentent et ressentent tous les individus particuliers qui la constituent.
Aristote distingue éthique et politique, pour lui les individus assemblés constituent une entité de nature différente de chacun dentre eux par leur unité, et cette entité est la cité. Pour Platon la cité est une grande âme, lindividu et la cité sont deux supports identiques qui ne diffèrent que par la taille. La cité est un grand individu, lexcellence de la cité cest lexcellence de la pensée (République II). La question de léducation devient donc fondamentale pour Platon, plus que pour Aristote pour lequel cest davantage laccès à la délibération et au débat qui transforme lindividu en citoyen politique. Il atteint à sa pleine nature par la participation au politique, il devient ce quil était déjà en puissance depuis toujours. Pour Platon cest laccès à un savoir autant cosmogonique quéthique et métaphysique qui introduit lhomme à la politeia, puisque ce sont les dieux et les astres qui donnent le modèle de ce que doit être la justice dans la cité. Au moment où Cordemoy doit devenir lecteur du prince de Bourgogne cest évidemment cet aspect de la politeïa de Platon quil retient. Pour ce qui est la cohésion de la société politique, elle se fait, dans le propos de Cordemoy, à léchelle de la personne royale, cest elle qui en exprime la totalité.
Cest dans le livre II de La République que Platon introduit la question de léducation, il sagit de déterminer quel enseignement recevrons les gardiens de la cité. Ce sont ceux que Platon compare à des chiens, allusion à lécole cynique dAntisthène ; ils devront discerner ceux auxquels ils doivent le respect, les citoyens de la cité, les étrangers respectueux des règles de lhospitalité, ceux quils devront harceler, les ennemis, ceux qui ne respectent pas les lois de la cité, les étrangers ennemis de la Cité cherchant à sétendre par la guerre. La première éducation, nous dit Platon, est celle des contes, des récits mythologiques concernant les dieux et les héros. Mais voilà, les mythographes, Homère, Hésiode rapportent nombre de récits dont limmoralité ne pourrait aller quà lencontre des valeurs morales et civiques que lon cherche à inculquer aux gardiens de la Cité. Réserve platonicienne quasi théologique qui aboutit à la décision de réserver les récits de castration du père Ouranos par le fils Chronos, de lenchaînement du père Chronos par le fils Zeus et dautres récits choquants, aux initiés des Mystères. Si lon peut parler denseignement religieux à propos de ce livre II de La République, la comparaison avec le programme éducatif de Cordemoy dans De la Réformation dun État est passablement motivée, Cordemoy place lenseignement religieux au principe de ce programme : « Exercices des enfants depuis cinq ans jusquà dix ans. « Dès six heures du matin, ils commencent leurs exercices par la prière, et puis on les instruit des choses qui concernent la Religion » » (De la Réformation dun État¸ opus citatus, p.183 (187), (p.28)).
Mais la réflexion de Platon dépasse largement ce cadre, puisquelle porte sur le sens même du récit mythologique, sur le sens de toute fiction comme mimésis, imitation plus ou moins lointaine dune vérité cachée, cest cette vérité quil sagit dextraire des scories grossières de limagination des auteurs de fiction, transcrivant maladroitement ce quils ont pu apercevoir de vrai, faussant limage des dieux. Pour Platon, très proche en cela des pythagoriciens, la divinité sapproche à travers lexactitude et la justesse (justice) des nombres, mieux quà travers les récits des mythographes. Cette dimension critique de lécrit et de la tradition religieuse, la Bible et les pères de lEglise pour Cordemoy, est totalement absente de son propos, la comparaison avec Platon, sur ce point, ne peut être que purement formelle, dautant que Platon dans son programme déducation, au livre III de la République, met la musique après les récits mytho - théologiques, puis la gymnastique ce qui ne coïncide nullement avec celui de Cordemoy même si ces disciplines y trouvent leur place: « Ils commencent leurs exercices par la prière, et puis on les instruit des choses qui concernent la Religion.
Ensuite, on leur fait réciter les lois, quils ont apprises le soir précédent. (...) Après que les enfants ont récité les lois, on leur enseigne à parler correctement leur langue ; et tout cela sans les presser, (...) Après cela, on les fait lire et écrire ; et lon a grand soin de former leur prononciation en lisant. (...) On emploie la dernière heure du matin à les faire danser. (...) Après le dîner, qui ne dure jamais plus de trois quarts dheure, ils vont dans les jardins, et dans les galeries des Arts. Là, sans les obliger à retenir le nom des simples, de fleurs ou des arbres, il y a toujours quelquun de qui ils les peuvent apprendre ; et les Artisans leur répondent sur tout ce quils leur demandent touchant les Arts.
A deux heures, ils font lexercice dans la lice, avec de petites armes. Après quoi on leur montre la Géométrie dans des Cartes extrêmement grandes, et des globes où les montagnes, et les autres élévations sont en relief. Alors on leur donne quelque temps pour faire collation, et puis on les fait composer en leur langue, et en latin.
Ensuite ils apprennent par coeur les choses qui concernent les langues; et selon les saisons, ils retournent dans les jardins, ou dans les galeries des Arts, ou dans lappartement des Chimistes et de Chirurgiens, où quelquun leur répond sur ce quils demandent.
Après souper, ils sentretiennent en se promenant doucement jusquà huit heures. Alors ils apprennent les lois par coeur; et à neuf heures on les fait coucher, après une prière quils font en commun. » (De la Réformation dun État, pp.183-187, (p.28-29)). Tel est le programme des enfants de cinq à dix ans, placés dans les académies de lEtat réformé. Linsistance sur lapprentissage des lois est tout particulièrement frappante. Alors que dans La République linstitution des lois est un pis-aller nécessaire pour palier limperfection des hommes, leur difficulté à être citoyens, et que la seule nécessité première est la vertu, dans lEtat Réformé les lois précèdent la vertu et en deviennent une condition, cest la bonne constitution de IEtat réformé qui induit la vertu de ses citoyens. Pour Platon le citoyen vertueux na pas besoin des lois puisque sa condition est celle de la mesure de lunivers, de la nature, la loi est du côté des artifices, comme la mimésis, limitation à laquelle recourt le poète pour traduire imparfaitement les réalités auxquelles il est rendu sensible.
Avant lapprentissage des lois, Platon aurait mis celui de la mesure, du « rythme » et de « lharmonie » de la vertu, de plus cet apprentissage respecte une forme deugénisme, chacun reçoit une éducation mesurée à la classe à laquelle il appartient et qui exprime son être, ceux qui sont faits pour commander étant mêlés dor, les auxiliaires (gardiens), dargent, les cultivateurs et hommes de métier, de bronze. (République, III, 415 a-b). De ceci nulle trace chez Cordemoy, cest à travers léducation que sexprime le rang social. Le fils dartisan eût-il reçu une éducation princière en aurait exprimé les qualités et le rang : « Enfin, si lon examine la différence quil y a entre les enfants des artisans, et ceux quon élève avec un peu plus de soin, on connaîtra quelle ne vient que de ce que les uns conversent avec des personnes qui raisonnent plus juste, et sur de meilleurs sujets, que les gens avec qui les autres se trouvent ordinairement. Si bien que, quand on raisonnera de tout avec un jeune Prince, on rendra sa raison maîtresse de tout, et même des passions les plus ordinaires à la jeunesse. (...) Au reste, il faut considérer que, sil est utile à chaque particulier dapprendre de bonne heure à se servir de sa raison, il est de lutilité de tout le monde, que ceux qui doivent commander aux autres, sachent mieux que les autres, comment il se faut servir de la raison. » (de la Nécessité de lHistoire, p.154, (p.14)).
Si chacun reçoit une éducation qui corresponde à son état, cet état, lui, ne correspond pas à une nature, ce qui, implicitement, signifie que léducation pourrait amener un changement détat. Cordemoy ne mentionne nullement à quelles conditions appartiennent les enfants élevés dans les académies de lEtat Réformé. Il ne parle pas non plus de quelque système de sélection ou dexclusion que ce soit. Léducation est une valeur en soi, alors que dans lallégorie platonicienne du livre III de la République qui décalque le mythe de Cadmos semant les dents du dragon pour susciter des enfants à Thèbes, Platon ne conçoit léducation que comme la continuité dune bonne naissance: « En fin de compte, leur dirai-je, ces principes déducation et dinstruction dont vous avez été pourvus par nous, cétait une manière de rêve, toute cette discipline à laquelle vous vous imaginiez soumis comme si elle avait été instituée à votre sujet ; tandis que la vérité est que, en ce temps-là, vous étiez façonnés et élevés dans les profondeurs souterraines, vous-mêmes, vos armes, tous les autres produits manufacturés ; puis, lorsque la terre, qui est une mère, eut pleinement achevé de vous fabriquer, elle vous a fait monter à la surface ; aussi, à présent, votre devoir est-il de régler à son égard vos desseins comme si elle était mère et nourrice du pays où vous êtes, de la défendre vous-mêmes dans le cas où on marcherait contre elle, et davoir au sujet de vos concitoyens en général lidée quils sont vos frères, les enfants de la même terre... (...) Vous tous qui faites partie de la Cité (...), cest entendu désormais, vous êtes frères ! Mais le Dieu qui vous façonne, en produisant ceux dentre vous qui sont faits pour commander, a mêlé de lor à leur substance, ce qui explique quils soient au rang le plus honorable ; de largent, chez ceux qui sont faits pour servir dauxiliaires, du fer et du bronze, dans les cultivateurs et chez les hommes de métier en général. En conséquence, puisque entre vous tous il y a communauté dorigine, il est probable que généralement vous engendrerez des enfants à votre propre ressemblance ; » (La République,III, 414 d -- 415 a).
Sur un point néanmoins Cordemoy saccorde avec Platon quand il sagit déviter que les membres de larmée de lEtat Réformé, les gardiens de la République de Platon aient aucun contact avec les citoyens pratiquant quelque activité que ce soit : « allant prendre tous ensemble leurs repas, ils vivront en commun à la façon de soldats qui se sont installés en campement. (...) Ils sont les seuls dans lEtat, auxquels ils ne soient pas permis de manier or où argent, ni dy toucher, pas davantage de se rendre sous le toit de ceux à qui ce nest pas interdit, (...) Aussitôt quils posséderont individuellement une terre leur appartenant en propre, des maisons, des pièces de monnaie, alors, au lieu dêtre gardiens, ils seront administrateurs de leur bien et propriétaires fonciers ; ils deviendront des maîtres détestés au lieu de rester des alliés pour les autres citoyens, haïssant dailleurs aussi bien que haïs ; » (Platon, Idem, 416 e -- 417 b). Dans lEtat Réformé : « une des principales choses, que jai à vous faire observer dans les armées de terres, est quelles sont toujours sur pied, et quelles campent perpétuellement, soit en paix, soit en guerre. Pour cet effet, on a choisi différents endroits de lEtat, les plus propres à camper, et que les soldats ajustent diversement, selon quil leur est ordonné. Ils font incessamment la garde du camp, et tous les autres exercices qui peuvent les rendre aguerris, et les accoutumer aux fatigues inséparables de leur profession.
Sur mer dans chaque vaisseau, on observe une discipline, qui nest pas moins régulière ; et si quelquefois les vaisseaux cessent de voguer, en sorte que les soldats mettent pied-à-terre, ils campent sur les côtes, ou dans les camps qui sont préparés auprès des villes, sans jamais entrer dans aucune. » (De la Réformation dun État, pp.164 165, (p.19))..
Cordemoy ignore dans son traité toute forme deugénisme, à la différence de Platon qui au livre cinq de la République dénie aux gardiens le droit de choisir eux-mêmes leurs femmes et celui délever leurs enfants (ce droit revenant aux autorités de la cité), il ne fait pas même mention de cette question, si bien que lon ignore de qui peuvent être les enfants qui deviennent les élèves des académies de lEtat Réformé. Cependant on imagine mal que les soldats qui constituent larmée de ce même Etat Réformé et qui ressemblent par les fonctions qui sont les leurs aux gardiens de la République de Platon, puissent être mariés et élever des enfants pendant leur temps dactive, dautant que « les soldats y vivent aussi régulièrement que des Chartreux » (De la Réformation dun État, op. cit., p.159, (p.17)).
On remarquera chez Cordemoy une défiance assez commune à lencontre de la famille et plus particulièrement des mères de famille. Linfluence des mères est stigmatisée, comme elle lest par Malebranche et les auteurs du temps en général, on leur reproche de gâter le caractère des enfants, cette défiance sétend à la domesticité qui, elle aussi, est accusée de gêner la bonne éducation et de transmettre des vices et des défauts. « Vous trouveriez donc bien plus rude encore, (a répondu lambassadeur) si je vous disais, quil ny a point de mère qui ne nourrisse elle-même ses enfants : mais on est persuadé parmi nous, que la tendresse des mères ne peut que rarement saccorder avec les bonnes habitudes, que les honnêtes gens doivent prendre dès la jeunesse, surtout aux choses pénibles.
Dailleurs on craint que les domestiques ne leur donnent de fausses impressions, et leur gâtent limagination par de mauvais contes. » (De la Réformation dun État, p.182, (p.27))
Les mères et les domestiques sopposent à la rectitude de la bonne éducation. Tous deux représentent les intérêts privés, ceux de la tendresse maternelle et dune faiblesse de la raison, ceux de lignorance et des affabulations erronées sagissant des domestiques. Léducation doit être ordonnée dans le sens de lintérêt commun, public, son ressort est donc essentiellement politique puisque son but est le bonheur de létat : « Enfin nous croyons quil faut élever les enfants pour le bonheur de la patrie, et non pas pour le plaisir de leurs familles ; et en cela, je suis assuré que nous ne nous trompons pas. Car on voit que quand les jeunes gens sont élevés dans la pensée de ne servir que le public, il arrive toujours quils rendent leurs familles heureuses, par lhonneur et le crédit quils acquièrent entre leurs citoyens. Au lieu que les enfants élevés délicatement, et pour le plaisir de leurs parents, semportent à leurs passions, et deviennent souvent lopprobre de leurs familles. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.183, (p.27))
Ce point de vue est partagé par le Petit Concile comme le montre François Xavier Cuche, Fénelon en témoigne qui écrit dans Le Télémaque, « Ils (les enfants) appartiennent moins à leurs parents quà la république ; ils sont les enfants du peuple, ils en sont lespérance et la force; il nest pas temps de les corriger quand ils se sont corrompus. »
Cest donc en dehors de la famille que lenfant doit apprendre le respect de la famille, linstitution familiale nest pas contredite, elle est entièrement privée de son rôle éducatif, du moins à partir de lage de cinq ans pour les garçons, mais cette privation est présentée de façon paradoxale comme la garantie de son maintien. « Mais, sans examiner cette question, qui me ferait passer les bornes dun simple récit, et pour vous faire trouver bon que lon ôte sitôt chaque enfant à sa famille, je nai quà vous dire succinctement ce quon leur fait faire dans le lieu dExercices que je vous ai décrit ; et vous avouerez que, quand ils y ont demeuré jusquà vingt ans, ils sont plus propres à leurs familles, que sils nen étaient jamais sortis. » (De la Réformation dun État, p.183, (p.27))
Cette défiance est encore plus présente dans la République de Platon, puisque daprès celle-ci, les parents ne devraient pas même connaître leurs enfants, leur éducation étant entièrement prise en charge par la cité, à tel point que Platon est obligé de se poser la question de savoir comment un père, ne connaissant pas ses enfants, pourrait éviter une alliance incestueuse avec une de ses filles. Dans la République seules les institutions responsables de leugénisme devraient être en mesure déviter toute mésalliance puisque ce sont elles qui dirigent et organisent tout ce qui est mariage et procréation suivant le seul intérêt de la cité.
Dans le modèle platonicien la famille est encore autrement remise en cause que dans le modèle de Cordemoy de De la Réformation dun État. Chez ces deux auteurs il sagit dintroduire la rationalité dans un domaine où le sentiment et la passion risqueraient de tout gâter. Dans cette idée celui qui nobéit quà ses passions ne connaît pas son véritable intérêt, celui seul qui connaît la raison des choses se connaît et connaît son propre intérêt. Au-dessus des individus lEtat incarne cette raison qui sait ce quest lintérêt de tous et donc celui de chacun. Dans cette mesure lEtat qui ôte aux familles leurs enfants âgés de cinq ans, agit dans lintérêt de ces mêmes familles. Du moins dans lutopie de Cordemoy les enfants connaissent-ils leurs parents, ce qui nappert pas du modèle platonicien.
Linspiration platonicienne de Cordemoy paraît donc limitée, dabord parce que sa pensée politique le rattache davantage à une lignée remontant à Aristote et ensuite, quand il renvoie au maître de lAcadémie, il ne peut aller jusquà une remise en question de la famille telle quelle pourrait disparaître dans une forme de fusionnement avec lÉtat. À cela des raisons personnelles peut-être, Cordemoy a toujours su très bien défendre ses propres intérêts familiaux, et la chronique judiciaire du temps témoigne de son éminente capacité à le faire. Lui qui, dans De la Réformation dun État préconise une réforme drastique des institutions judiciaires afin de limiter le plus possible lactivité des plaideurs qui prolongent inutilement et de façon néfaste les procès pour les faire tourner à leur avantage, ne sest pourtant pas privé de plaider de façon discutable pour obtenir des avantages dus ou indus en faveur de sa famille, de ses descendants. Et enfin limage que Cordemoy se fait du roi idéal nest pas celle de Platon, pas de roi philosophe pour Cordemoy, le roi est bien davantage orienté vers laction et leffectivité, et paradoxalement il a beaucoup moins à voir avec la théorie dans un Etat pourtant rationalisé par la réforme.
Lautre source dinspiration de Cordemoy est bien sûr Descartes et plus particulièrement, sans doute, la deuxième partie du Discours de la Méthode. Comme pour Descartes le critère de lexcellence des lois est, pour Cordemoy, lunité, alors que la diversité est toujours la marque dun défaut. Dans la deuxième partie du Discours de la Méthode Descartes insiste sur la diversité des constitutions politiques et sur le hasard et les circonstances qui président à leur établissement : « Ainsi je mimaginai que les peuples qui, ayant été autrefois demi-sauvages, et ne sétant civilisés que peu à peu, nont fait leurs lois quà mesure que lincommodité des crimes et des querelles les y a contraints, ne sauraient être si bien policés que ceux qui, dès le commencement quils se sont assemblés, ont observé les constitutions de quelque prudent législateur. » (Discours de la Méthode, in Descartes uvres et lettres, édition : La Pléiades, deuxième partie, p.133). Cest lunité dune pensée qui fait lexcellence dune constitution, ainsi celle de Sparte dont certaines lois peuvent être très étranges et contraires aux bonnes murs, mais conçue par le seul Lycurgue elle a fait de la cité lacédémonienne un Etat florissant.
La diversité est au contraire pour Aristote un critère dexcellence, chaque peuple est une espèce différente, vivant sous de différents climats, la bonne constitution doit tenir compte de ces différences de nature.
Pour Descartes comme pour Cordemoy la diversité est la marque dune irrationalité et toujours dun défaut : « Puis, pour leurs imperfections (celles des Etats), sils en ont, comme la seule diversité qui est entre eux suffit pour assurer que plusieurs en ont, lusage les a sans doute fort adoucies ; et même il en a évité ou corrigé insensiblement quantité auxquelles on pourrait si bien pourvoir par prudence » (Descartes, Idem, p. 134). Mais Descartes, à la différence de Cordemoy, renonce à toute idée de réformation car ces grands édifices mal bâtis sont dune grande fragilité, aussi « je ne saurais aucunement approuver ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, nétant appelées ni par leur naissance ni par leur fortune au maniement des affaires publiques, ne laissent pas dy faire toujours en idée, quelque nouvelle réformation. Et si je pensais quil y eût la moindre chose en cet écrit par laquelle on me pût soupçonner de cette folie, je serais très marri de souffrir quil fut publié. » (Descartes, Ibidem, p. 135). Le monarque de lEtat Réformé, rêvé par Cordemoy, a-t-il cette folie, est-il de ces humeurs brouillonnes ? Toujours est-il quil crée un corps complet de lois suivant une cohérence de principes clairement énoncés. « ce jeune Prince sétait proposé comme un principe infaillible en matière de lois, quelles sont toutes justes quand elles vont à entretenir la paix et labondance ; et que dans un si grand dessein,on ne doit considérer les particuliers, ni même lintérêt des familles, quautant quil est conforme au bien de lEtat. » (Cordemoy, De la Réformation dun État, op. cit., p. 160, (p.17)) Le prince de lEtat Réformé modifie entièrement la constitution du royaume : « Au milieu dune si étrange confusion, ce jeune Prince qui semblait devoir céder à linfortune de son Etat, le rendit le plus heureux du monde ; et il usa de tant de conduite en toutes choses, quen moins de six ans, il répara tous les désordres dun siècle entier. Enfin, ayant considéré que les différentes parties de lEtat étaient sujettes à des lois, la plupart contraires entre elles, et toutes faites, ou par hasard, ou par caprice, ou par intérêt, il crut en devoir faire qui fussent universellement observées, et qui neussent pour fin que bonheur des peuples. » (Idem, p. 135, (p.17)). Il fait ce que Descartes comme Aristote jugent impossible : refonder lEtat en changeant entièrement ses bases, reprenant le mot de réformation, celui-là même employé par Descartes dans le sens du rejet, faisant de ce mot le titre de son utopie politique, Cordemoy prend le philosophe à rebours et ne peut donc linvoquer.
La Réformation dun Etat est dailleurs un rêve, presque un délire, tant les rêves peuvent être trompeurs. Le rêve serait de croire que lon peut réformer un état réglé par une multitude de lois diverses et vicieuses, en ne lui en donnant que fort peu « fort étroitement observées » (Descartes, Discours de la Méthode, II, p. 137). Descartes, dans la situation des guerres de trente ans, en terre allemande, ne juge guère possible une réformation des Etats qui les amènerait à plus de raison dans la conduite des affaires humaines. Il préfère sen remettre à lusure du temps, à une forme dérosion qui polirait les aspérités des mauvaises institutions pour les rendre plus acceptables dans un usage plus modéré, une forme de sagesse pondérée qui préférerait une folie douce, respectueuse des vieilles lois « fort adoucies » par « lusage », à la folie furieuse de qui voudrait tout réformer de fond en comble. Une fois encore Descartes recourt à limage du chemin, la méthode en est un : mieux valent « les grands chemins,qui tournoient entre des montagnes, (devenus) peu à peu si unis et si commodes, à force dêtre fréquentés » plutôt que « dentreprendre daller plus droit, en grimpant au-dessus des rochers et descendant jusques au bas des précipices. » (Descartes, Discours de la méthode, II, pp. 134 135). Cest la fréquentation, lusage qui finit par unir le divers, et lon parvient au but en se laissant conduire par lui, la rectitude est ici un défaut quoiquà limage de la droite raison ; cest que Descartes prend les hommes et leurs institutions comme ils sont, sans prendre en compte la possibilité dune réformation par léducation, ce que fait, au contraire, Cordemoy.
Pour Cordemoy si la réformation est possible et nécessaire cest parce que léducation, la formation peut véritablement faire des hommes des citoyens modèles dun Etat gouverné suivant des lois rationnelles et droites. Ce nest plus seulement léducation du prince qui permettra à lEtat, grâce à la justesse des actions de son roi gouvernant suivant les principes de la raison de parvenir à la perfection de son être, mais léducation de lensemble de ceux qui sont amenés à devenir des acteurs politiques, financiers, religieux dans cet Etat. Le recours à Platon, lévocation implicite de la République, qui nest pas explicitement mentionnée, cautionne, en fait, ce changement radical de perspective. DErasme, à Guez de Balzac, La Mothe Le Vayer et bien dautres, la question de léducation cest celle de la formation du prince, curieusement, pour Cordemoy qui sera appelé à devenir lecteur du grand Dauphin elle devient celle de la formation de tous les sujets du royaume à lexception, sans doute, des femmes, mais peut-être pas de la paysannerie de loin la plus importante en nombre. Entre la prudence de Descartes et laudace de Cordemoy il y a comme une coupure, ou du moins la marque dune évolution brutale, on passe dune forme délitisme qui réserve la chose publique à un nombre infime dacteurs, à une élite instruites, la coutume étant cette voie moyenne, celle de la « doxa », des opinions reçues, par quoi se gouvernent les peuples, à une forme dEtat où la chose publique devient laffaire de tous du sexe mâle ou presque, et cela parce que tous seront passés par les Académies du Royaume où ils auront tous reçu le même enseignement. Le choix du nom « Académie » est bien sûr pour rappeler Platon même si nous ne sommes plus du tout dans le cadre du modèle aristocratique de la République.
Chapitre III
La question religieuse
La question religieuse occupe une place relativement peu importante dans les opuscules de Cordemoy. Elle est strictement reliée à celle du politique, point de vue, semble-t-il, assez partagé puisque on le rencontre dans loeuvre de Hobbes clairement défini. La religion est le préliminaire à toute organisation politique et sociale, cest même pour Hobbes le but premier de la religion de permettre la vie en société et lorganisation politique : « Deux sortes dhommes ont cultivé ces semences de la religion, dune part ceux qui les ont fait pousser et en ont réglé la croissance suivant leur propre fantaisie, dautre part ceux qui les ont fait pousser et en ont réglé la croissance sur lordre et sous la direction de Dieu ; mais des uns et des autres le but était de rendre leurs adeptes plus obéissants [, plus disposés à lobservance des Lois, plus Pacifiques, plus Charitables, plus aptes à la Société civile]. Il sensuit que la Religion des premiers est une partie de la Politique [humaine : elle enseigne quelques-uns des devoirs que les Rois de la Terre requièrent de leurs Sujets]. Celle des seconds est la Politique Divine, elle contient des Préceptes pour ceux qui se sont donnés comme sujets du Royaume de Dieu. Des premiers furent tous les fondateurs dEtats, tous les Législateurs des Païens ; des seconds, furent Abraham, Moïse et notre Sauveur Béni par qui sont venues jusquà nous les Lois du Royaume de Dieu » (Hobbes, le Léviathan, traduction R. Anthony, Marcel Giard et Cie, libraires éditeurs, Paris 1921, première partie, chapitre 12, pp.177-178). Quand même il distingue la cité païenne de la cité divine de façon presque augustinienne, dans ces deux cités la finalité de la religion est politique, à tel point quil parle de politique divine sagissant du Royaume de Dieu ou cité de Dieu pour reprendre la terminologie augustinienne : civitas Dei.
Dans De la Réformation dun État la religion est aussi très liée au pouvoir politique. « Vous pouvez concevoir par ce que je vous ai déjà dit, que ce pays doit être bienheureux : mais ce qui fait durer son bonheur plus que tout autre chose, est la religion. Sans elle, on a beau faire des lois pour régler la justice, la guerre, et les finances, il ny en a point que lon ne puisse enfreindre. Mais, quand la religion soutient les lois, et que cest elle qui ménage les forces et les finances dun état, il subsiste toujours en repos. Aussi ny a-t-il rien de si exactement observé dans celui-ci, que ce qui concerne la religion. Elle y est bonne partout, et elle y est si universellement la même en tous les endroits, quil ny a pas une seule personne, qui ait la moindre créance différente de celle de toute lÉglise. On ne souffre pas quaucun Hérétique en approche ; et pour cela on fait faire à qui que ce soit une profession de foi, en y entrant. » (De La Réformation Dun État, op. cit., Page 175, (p.24))
Le rôle politique de la religion dans loeuvre de Hobbes est une conséquence directe de la conception de létat de nature quil développe dans la première partie du Léviathan. En effet dans létat de nature pré - sociale chaque individu tend à étendre sa propre puissance, cest un État dégalité de droit absolu, et cest dans cette mesure que cest un État de guerre de chacun contre tous. Chaque individu ne vise naturellement que son propre intérêt et quand il va contre son intérêt propre cest quil est aveuglé par la passion. Dans lEtat social, politique chaque individu est gouverné par la même propension à suivre son intérêt personnel, mais la loi qui émane du souverain contraint lindividu à poursuivre lintérêt collectif. Or la loi politique némane pas dune autorité naturellement supérieure, donc légalité première de chaque individu interdit à chacun dobéir à ce qui inhibe sa puissance et partant son intérêt. Linvention de Dieu dans les sociétés païennes, sa révélation dans les sociétés chrétiennes constituent linvocation dune puissance supérieure qui simpose à tous du fait précisément de sa puissance supérieure. Dans loeuvre de Hobbes, on le voit, ce qui demeure cest laffirmation de légalité totale de tous les individus, cette égalité est physique et dynamique, cest celle dun potentielle égal qui amènera chacun à développer son domaine dexpression vitale selon létendue de son intelligence ou de sa force physique ou des deux.
Dans loeuvre de Cordemoy le rôle politique de la religion nest pas théorisée à ce point, néanmoins la réorganisation du clergé, le quadrillage du Royaume en cures et en évêchés manifeste à lévidence la fonction policière que celui-ci doit exercer sur les sujets du Royaume. Police des âmes, les membres du clergé ont obligation doccuper en permanence le terrain, leur visibilité est une condition de leur autorité. Lobéissance au roi montre bien la fonction de relais du pouvoir royal quils assument au même titre que les juges qui eux ont puissance sur les corps, même si Cordemoy ne le dit pas explicitement. « Il y a autant de Cures en chaque ville, que de quartiers ; et notre sage réformateur avait ordonné, quautant quon le pourrait, les Religieux qui avait des monastères dans lenceinte des villes, seraient mis dans les quartiers de la campagne, parce que cela convient mieux à la solitude, dont ils font profession. Dailleurs, le secours quils peuvent rendre aux Chrétiens, se ressent mieux dans les champs, quà la ville, où il est difficile que tous les laboureurs et les autres personnes qui servent à la culture des terres, sassemblent si précisément à certaines heures dans une même Paroisse : et cette loi qui na pu sexécuter dès quelle à été faite, a été trouvée si juste, que comme on a tenu la main à la faire observer, enfin les choses sont en tel état, quil ny a plus aucun couvent dans les villes. » (De La Réformation Dun État, op. cit., pp.176 177, (p.25))
Lobligation de résidence est expressément mentionnée : « Les Évêques résident indispensablement ; et si le roi en appelle quelques-uns auprès de lui, ils sont obligés de se défaire de leurs Évêchés.
Les autres bénéficiers, quels quils soient, sont obligés aussi à la résidence : en sorte que, sils sont absents durant un mois, sans congé de leur supérieur, leur bénéfice est vacant, sans quil soit besoin de le faire ordonner ; et quand le supérieur dispense sans cause, il perd lui-même son bénéfice. Enfin, la résidence est dune nécessité si absolue, que quelque juste que soit le sujet dune absence, et quelque autorisée quelle soit par le supérieur, on compte tous les jours quelle dure ; et le bénéficier absent, en perd à proportion les fruits de son bénéfice. Pour cela il y a un tarif de chaque bénéfice, par lequel les journées sont évaluées ; et celui qui est préposé pour la lever des capitations, prend des supérieurs la liste de ceux qui ont été absents, et les fait payer ce quils doivent pour leur absence, outre ce quils doivent pour les capitations, où lentretien des pauvres. » (De La Réformation Dun État, op. cit., pp.175 176 (179-180), (p.25))
Cette occupation du terrain, la présence permanente des membres du clergé permettent encore de comparer les gens dEglise aux juges. Ce qui pourtant devrait distinguer juges et prêtres cest dans un cas lunité du corps des lois sur lesquelles sappuie la magistrature, dans lautre la diversité des textes, la diversité des interprétations de ceux-ci sur lesquels sappuie la cléricature. Or Cordemoy suggère une profession de foi qui conditionnerait le droit dentrer dans le royaume : « on ne souffre pas quaucun Hérétique en approche ; et pour cela on fait faire à qui que ce soit une profession de foi, en y entrant. » (De La Réformation Dun État, p.175 (179), (p.24)) Cette déclaration est faite, il faut le rappeler, par les ambassadeurs de lEtat réformé devant Monsieur de Conrart, dont nul ne pouvait ignorer et certainement pas Cordemoy, quil était protestant, qui le resta refusant toujours de renoncer à sa « religion prétendument réformée ».
Ce que semble suggérer Cordemoy cest un corps de doctrines unique résumé ou rassemblé dans un credo commun à tous les membres du Royaume. Derrière cette revendication il y a bien sûr la dénonciation de la subsistance de la « religion prétendument réformée ». Une profession de foi unique tendrait à éliminer toute forme dhérésie. Mais, ce faisant, Cordemoy se rapproche de ceux quil condamne implicitement à ne pouvoir plus entrer dans le royaume. En effet cette recherche dune profession de foi unique qui permettrait à lintérieur de chaque état de lEurope chrétienne, de reconstituer lunité religieuse est une préoccupation majeure des cercles protestants, davantage, sans doute, en Hollande et en Angleterre quen France.
Le retour à la pureté des premiers siècles est un autre poncif que lon rencontre aussi bien dans la propagande protestante que dans celle catholique post tridentine. Cordemoy le reprend à son compte en posant que chaque poste dans léglise doit correspondre à une fonction nécessaire, et quil ne doit pas y avoir de clercs en surnombre : « Vous concevez bien quayant remis toutes choses dans la pureté des premiers siècles, on ne reçoit aucune personne dans le clergé, qui nait une fonction nécessaire dans quelque église ; et cela sobserve si régulièrement, que jamais on ne fait un Clerc, que quand il y a une place vacante quil puisse remplir. » (De la Réformation dun État, p.177 (181), (p.25)).
En matière de religion, Cordemoy apparaît, comme un modéré. Si la nécessité de lunité religieuse du Royaume est posée, elle ne doit pas être imposée par la force. Il est proche en cela de ceux qui sopposent aux conversions forcées parce que ladhésion du cur et de lesprit, et non la contrainte, devrait présider à celles-ci. Dans les Maximes les choses sont dites expressément : « Il est bon aux Princes demployer toute leur puissance à maintenir la religion, et à convertir les Hérétiques : mais il ne faut pas user de violence, pour les y obliger. » (Maximes Tirées De LHistoire, Maximes nº 49, op. cit., p.239, (p.51)) Pour illustrer son propos Cordemoy recourt à un exemple celui de la Saint-Barthélemy et des événements qui tournèrent autour : « On a blâmé Charles IX de ce que, voyant le prince de Condé obstiné dans sa mauvaise religion, il lui dit, tout transporté de colère : Mort, Messe, ou Bastille. Le prince obéit, cest-à-dire, quil alla à la Messe : mais fût-il converti ? » (Idem, p.239), (p.51)) Pour Cordemoy, en effet, la Saint-Barthélemy fut un mal : « un Prince qui force ses bonnes inclinations, pour consentir un mal, va souvent au-delà de ce mal même. » (Maximes Tirées De LHistoire, Maximes 44, op. cit., p.236, (p.50)) et lexemple qui illustre cette maxime : « on ne conseillait à Charles IX que le meurtre de certains chefs des huguenots. Il eut une extrême peine à sy résoudre : mais leffort quil fit sur lui-même, le mena plus loin quon ne pensait. Car, sur ce quon voulait excepter le roi de Navarre, et le prince de Condé, il dit : Eh bien, puisquil le faut, je ne veux pas quil en reste un seul, qui me le puisse reprocher. Il eut pourtant encore détranges émotions, quand lheure de lexécution approcha, et voulut même la retarder : mais, quand il sut quelle était commencée, il prit lui-même une arquebuse à giboyer, et tâcha de canarder des fenêtres du Louvre Montgomery, et une centaine de gentils hommes qui étaient à lautre bord de la rivière, cherchant des bateaux, pour venir au secours de ce Prince, quil croyait que les Guise avaient investis dans le Louvre. » (Idem, p.236, (p.50))
Le point de vue que soutient Cordemoy, même en matière de religion, paraît plus politique que religieux. A propos du massacre de la Saint-Barthélemy il regrette son inefficacité, ses dégâts collatéraux et le déchaînement de violence irrationnelle quil entraîna. Il nest pas partisan dune tolérance religieuse, dun maintien de la situation qui était celle définie par lédit de Nantes encore en vigueur toute théorique de son vivant malgré les multiples atteintes portées depuis déjà Richelieu. Lunité religieuse est un enjeu trop important de la cohésion politique du Royaume, mais la violence irrationnelle comme toute forme de recours à lirrationnel est sans doute une menace plus importante pour lÉtat que la survivance de lhérésie. En loccurrence, concernant ce massacre, le chef de la ligue, le Duc de Guise, aurait sauvé de la mort plus de cent gentils hommes huguenots, comme si, en cette occasion, les factions opposées se trouvaient daccord dans leur opposition à lÉtat, ce qui fait que tout le discrédit retombe sur lui et ceux qui sont à sa tête : « ces meurtres publics ne sont jamais restreints à ce qui leur sert de prétexte. » « On disait que celui de la Saint-Barthélemy, nétait que pour se défaire des huguenots, qui pouvaient perdre lÉtat. Cependant on tua les vieillards, les enfants, les femmes grosses, et plusieurs catholiques. Un boucher se vanta au roi même, davoir égorgé 150 personnes en une seule nuit ; et un tireur, den avoir expédié 400 pour sa part. Quand on va si vite, on examine peu qui lon tue : il arrive même souvent, quon épargne ceux qui ont le plus de part à la chose, quon fait servir de prétexte à ces tueries. Ainsi le Duc de Guise retira dans son hôtel plus de cent gentils hommes huguenots. » (Idem, 45, p.237, (p.50))
Les événements de la Saint-Barthélemy sont un exemple récurrent sur lequel revient plusieurs fois Cordemoy pour dénoncer le recours au religieux ou au merveilleux dans le combat qui oppose clans et factions à lÉtat et ce dernier à eux. Le signe qui joue un rôle tellement important dans la prophétie et dont linterprétation est la matière de plusieurs textes fondamentaux de lancien comme du nouveau Testament, le signe prophétique dont Spinoza montrera quil ne peut être quune approximation de la vérité, le signe enfin dans son expression linguistique dont Cordemoy fera la théorie dans son ouvrage fondamental du Traité Physique De La Parole, ce signe a tous les traits dune ambiguïté fondamentale qui empêche de jamais lattribuer à Dieu. Et pour cela il est nécessaire que Dieu sabsente du champ de la politique, du champ même de laction humaine parce que les signes quon pourrait lui attribuer ne pourraient quaugmenter la confusion des luttes partisanes. Aussi la volonté de Dieu doit-elle quitter le champ lhistoire. Tout ce qui conduira à la critique et à la fin du providentialisme est ici en germe. « Certaines merveilles sont souvent causes de grandes erreurs ; et il ne faut pas les prendre légèrement pour des signes de ce que Dieu veut. » « Sur le midi du premier jour de ce grand massacre, une aubépine qui était depuis longtemps dans le cimetière des Saints Innocents, demi sèche, et dépouillée de feuilles, poussa des fleurs en quantité. Les Catholiques prirent cette merveille pour un miracle, par lequel Dieu autorisait le meurtre des huguenots ; et des huguenots la prirent pour un miracle, par lequel Dieu marquait, que tous les huguenots que lon tuait, était autant de martyrs. Le roi voulut voir ce prodige : lon y alla de tous les côtés de la ville, tambour battant ; et lon croyait que plus on tuait de huguenots, en faisant cette procession, plus on la rendait agréable à Dieu. » (Ibidem, p.238, (p.50))
Dans le Traité physique de la parole Cordemoy envisage la possibilité dune communication sans signes, cest-à-dire dune éloquence des âmes sentretenant directement entre elles. En effet la communication par signes est un pis aller, elle est la conséquence de lunion de lâme et du corps, sans cette union : « la pensée dun esprit est toujours claire à lautre, des quil la peut apercevoir » (Traité Physique De La Parole, préface, (Clair Girbal, p.199 )). Mais pour autant, Cordemoy pense pouvoir faire léconomie de la religion pour valider lhypothèse dune communication directe : « Et cette vérité (que la pensée dun esprit est toujours claire à lautre, des quil la peut apercevoir), que je discute autant que jen suis capable, me sert à résoudre des difficultés, que quelques-uns ont cru ne pouvoir surmonter, quen se soumettant à la Foi. » (Idem) De façon très cartésienne, il admet la nécessité dune forme de prolégomènes religieux à la connaissance de la raison, ou plutôt de lentendement pour adopter un terme cartésien, mais il invalide tout de suite la nécessité dun recours ultérieur aux vérités de la foi, recours à son avis tout à fait inutile : « Je sais bien que cest delle (de la foi) quil faut apprendre, si certaines choses sont en effet : mais on na pas toujours besoin de son secours pour les concevoir. Cest à elle, par exemple, à nous dire, sil y a dautres Esprits plus éclairés, qui servent à régir les nôtres. Mais, quand une fois elle nous a déclaré cette vérité, il me semble que notre raison y peut atteindre ; et je pense quen faisant un peu de réflexion, sur ce que la suite de mon sujet ma nécessairement obligé den écrire ici, on trouvera quil est plus aisé de concevoir, comment de purs Esprits pourraient nous inspirer leurs sentiments, que de concevoir comment un homme peut inspirer les siens à dautres hommes. » (Idem, (Clair Girbal, p.199)).
La présence de Conrart comme interlocuteur des ambassadeurs peut témoigner par limplicite que ce débat entre religion et connaissance par lentendement, entre vérités de la foi et vérités de la raison ne pourra que rester dans un cadre très restreint, empêchant tout développement. Conrart laisse les ambassadeurs parler, et sil intervient brièvement sagissant dinstitutions politiques ou déducation, sur la question religieuse Cordemoy le fait rester muet, quaurait-il bien pu lui faire dire à lui lhérétique ? mais son silence nest-il pas aussi un accord implicite, comme sil était là pour retenir lauteur rêveur daller trop loin, mais dans quelle direction ? Dans celle de Conrart, peut-être, dont on peut penser quil aurait pu être partisan dune réunion des protestants à un gallicanisme réformé libéré du magister romain ? Dans lEglise de lEtat réformé le pape tient-il encore une place ? dans tous les cas, pas une fois le magister romain nest évoqué par les ambassadeurs de lEtat réformé, quil sagisse de nomination de prêtres ou dévêques. Conrart est-il alors une forme de « quo signum tendit », un signe, une indication de ce quaurait été le propos de Cordemoy sil avait pu ou voulu librement sexprimer ?
Mais, il est vrai, Conrart a de mauvaises jambes et ne se portent plus lui-même, cest un autre signe, surtout si létat physique dun individu est bien, selon les ambassadeurs de lEtat réformé, limage de son état moral ou mental. Dans lEtat réformé on ne raisonne pas bien si lon a de mauvaises jambes car « cest une signe de navoir pas bonne tête, que davoir de mauvaises jambes » (De la Réformation dun État, op. cit., p.158, (p.17)). Mais alors pourquoi sêtre donné ce compagnon déquipée si mauvais marcheur, dans le rêve utopique et la rencontre des ambassadeurs de cet Etat idéal ? Il est plus que probable que lhétérodoxie neffraie pas Cordemoy, son atomisme est déjà une audace et pour les milieux cartésiens et pour les milieux dévots de son temps, or il est cartésien et catholique. Mais en matière de religion il convient néanmoins de sexprimer avec plus de prudence, ce que semble faire Cordemoy qui a pris quelque assurance dans son Histoire de France, en effet, en matière de réforme des évêchés et des cures il ne fait dire aux ambassadeurs que ce quil fait faire à Charlemagne, modèle canonique du bon roi dont il rappelle quil a été sanctifié quand même ce fut par le faux pape Pascal.
Troisième partie : Cordemoy théoricien de léducation
Chapitre I
La question de léducation
Cordemoy dès 1668 avait manifesté un intérêt certain pour les questions politiques, pédagogiques et historiques. Il avait rédigé à ladresse de son ami Claude Fleury une lettre qui constitue en fait un opuscule intitulé De la Réformation dun État, texte dont limpression sera posthume, avec en sous-titre : « que la réformation dun État dépend de léducation des enfants, et comment il les faut élever ». Cordemoy commence par relater une conversation quil eut avec Fleury sur « la modestie des anciens Romains » et « le nombre dAmbassadeurs quils envoyaient fort honnêtement à pied ». On parle des modernes dont la vertu pourrait rivaliser avec celle des « honnêtes gens » de lAntiquité, sans omettre de mentionner le célèbre Valentin Conrart (1603-1675) père de lAcadémie Française, et le Duc de Montausier.
Ce dernier est félicité du choix récent fait par le Roi « dun si digne gouverneur » pour léducation du Dauphin. On avait été amené à parler de pédagogie à ce propos, puis on était passé aux problèmes relatifs à la conduite des États. A lissue dun tel entretien Cordemoy était allé se coucher « sans souper », puis avait fait un songe. Lutopie de lÉtat réformé apparaît donc comme un rêve ce qui semble assez singulier. En effet, lÉtat réformé représente une forme dorganisation politique absolument raisonnable ou, plutôt, entièrement gouvernée par la raison. Il semble étrange que ce soit le rêve plus proche du délire dimagination, de « la folle du logis », suivant le mot attribué à Malebranche, que du discours rationnel dans la tradition cartésienne, qui représente ici ce que devrait être un gouvernement de la raison. Cest au moment même où lâme du rêveur utopiste échappe au contrôle de cette raison quil a la vision dun état gouverné par elle. Cordemoy suit très certainement une tradition antique du rêve prophétique, celle du Rêve de Scipion par exemple. Le paradoxe reste néanmoins suffisamment fort. La précision de lauteur : « mais vous ne savez pas que contre mon ordinaire je ne voulus point manger. En cet état je me couchai
» est intéressante car, sans autre développement, elle semble implicitement renvoyer pour lauteur comme pour son lecteur à une catégorie précise de songes : la catégorie des songes que lon fait à jeun. On est en droit de supposer une connaissance commune aux deux hommes, Cordemoy et Fleury, de loniromancie, celle peut-être dArtémidore de Daldis. Il paraît donc que par cette seule indication de labsence de repas avant le sommeil lauteur oriente son lecteur. Les rêves à jeun seraient ceux pour lesquels les passions du corps influeraient le moins sur lâme. Ainsi lâme serait plus indépendante, moins soumise, plus proche delle-même et des raisons qui la gouvernent. Le rêve ne signifie donc pas pour Cordemoy que son utopie serait une chimère irréalisable, mais bel et bien une vue de lesprit praticable sous les conditions de la raison.
Cordemoy vit en songe un ambassadeur sadresser à Conrart et, après quelques instants dentretien, déclarer que ce vieillard était « le premier homme raisonnable » quil ait rencontré et avec qui il ait « conversé avec plaisir ».
Louvrage raconte, suivant le propos dun des ambassadeurs, en quoi consiste la réformation parfaite réalisée dans son pays de la justice, des finances, de lEglise, de la disposition de chaque ville, des Académies publiques, de léducation des enfants et des jeunes gens.
Conrart affirme quil aurait aimé passionnément connaître un État si bien réformé. Puis il établit un rapprochement entre ce pays et le royaume de France où Louis XIV réalise déjà lidéal précédemment exposé, Louis XIV qui, avait-il été précisé, « fait élever Monseigneur le Dauphin, dune manière à nous faire tout espérer ».
Cordemoy se réveille enfin. Heureusement, il se souvient « mot pour mot » des principes de la « réformation » présentés par lambassadeur, lui qui saccuse de navoir « jamais pu retenir une ligne de ce quil a composé avec le plus de temps et de peine. »
On peut croire que De la Réformation dun État joua un rôle dans la nomination de Cordemoy comme lecteur ordinaire du Dauphin sur la recommandation de Bossuet, même si lécriture de cet opuscule précède de plusieurs années cette nomination. Ce nest pas sans intention que lauteur louait au début de son écrit le Duc de Montausier chargé de léducation du Dauphin. La nomination de Cordemoy ne devait en tout cas pas le heurter.
Dans le cadre de ses fonctions de lecteur ordinaire du Dauphin, Cordemoy entreprit décrire une histoire de France, uvre dont il ne put venir à bout et que son fils Louis Gérauld de Cordemoy fut chargé de terminer. Louvrage na pas été réédité depuis 1704. La question de lHistoire, de sa constitution et de son utilité, est le sujet de plusieurs opuscules dont lintention didactique est manifeste.
Cordemoy accorde la raison à lenfant dès son plus jeune âge, il en donne pour preuve lapprentissage de la parole et la rapidité avec laquelle il lacquiert. Si par la suite lenfant semble sans raison cest parce que les institutions humaines sont éloignées de la nature et que lenseignement de ces institutions réclame plus de temps. Affirmation étonnante qui rappelle Montaigne sur le caractère anti-naturel des coutumes humaines. « Que, si dans la suite de lâge ils paraissent sans conduite, et presque sans raison, il faut considérer que cest la connaissance des affaires et de tous les sujets sur lesquels ils doivent raisonner, qui leur manque plutôt que la raison. Joint à cela que les coutumes du monde, qui en sont toute la sagesse, sont souvent si contraires à ce que la nature bien ordonnée exigerait des hommes, que ce qui naissent, ont besoin de vivre plusieurs années, pour apprendre des choses si éloignées de ce que la nature enseigne. Mais toujours il est évident que leur raison est entière dès le commencement, puisquils apprennent parfaitement la langue du pays où il naissent, et même en moins de temps, quil nen faudrait à des hommes déjà faits, pour apprendre celle dun pays où ils voyageraient, sans y trouver personne qui sût la leur. » (Traité Physique De La Parole, op. cit. p.26). Sur ce que lenfant dispose de toute sa raison à la naissance, cest une conséquence de la distinction de lâme et du corps. La nature est tout entière dans cette distinction, le reste est apprentissage social et linguistique, domaines contigus, étroitement reliés dans tous les cas.
Léducation est une conséquence de lexistence des institutions humaines qui, elles-mêmes, procèdent de la distinction de lâme et du corps. Comme nous lavons déjà vu mentionné par Cordemoy : si lâme nétait pas jointe au corps, elle pourrait communiquer immédiatement avec dautres âmes, sans passer par les mots de façon bien plus parfaite quen recourrant à la communication linguistique qui repose, elle, sur les conventions humaines que sont les diverses langues. Larbitraire du signe linguistique que Cordemoy ne cesse de relever, le fait quil ny a aucun rapport motivé, naturel des idées de lâme aux mots qui les expriment, nécessite que lon fasse lapprentissage de ces conventions qui changent dune langue à lautre et dont ladéquation à lidée est loin dêtre parfaite. Ainsi, la diversité des langues comme institution humaine est une conséquence de cette distinction de lâme et du corps, dont il appert que Le Traité Physique de la Parole est bien une suite logique du premier traité métaphysique de Cordemoy qui porte sur cette distinction.
Lenfant, pourtant, apprend avec une rapidité extrême à parler, à utiliser linstitution de la langue, il faut concevoir quil y ait en chacun des dispositions innées qui facilitent cette apprentissage: « Mais, quelque peine quon se donne pour leur apprendre certaines choses, on saperçoit souvent quils savent les noms de mille autres choses, quon na point eu dessein de leur montrer. Et ce quil y a de plus surprenant en cela, cest de voir, lorsquils ont deux ou trois ans, que par la seule force de leur attention, ils soient capables de démêler dans toutes les constructions quon fait en parlant dune même chose, le nom quon donne à cette chose » (Idem, p.21). Il y a donc en chacun des acquis pré linguistiques quil possède dès la naissance comme disposition et qui expliquent cet apprentissage rapide des langues chez lenfant, dont Cordemoy sétonne en plusieurs endroits de son oeuvre.
Lhéritage cartésien est patent, dans les méditations lâme de lenfant sinon de lembryon est déjà présente et précède la conception de lindividu corps et âme dont elle est un des termes, quand même lenfant ne dispose pas encore de toute sa raison avant que dêtre éduqué.
La connaissance de la langue occupe une place très importante dans la réflexion de Cordemoy. La réflexion sur la langue en effet, est un moment essentiel de la compréhension du système des connaissances humaines. Dans le Traité Physique De La Parole, Cordemoy montre que lapprentissage de la parole chez lenfant est le modèle de toute forme dapprentissage : « (les enfants) napportent, en venant au monde, que ce que la nature donne à tous les hommes, pour exprimer la douleur, la joie, où les autres passions, cependant cela leur suffit. Et, pour peu quils aient vécu, ils étudient si bien le visage de leur nourrice, quelle peut les faire pleurer ou rire, à les regarder seulement. Ainsi ils connaissent aisément les passions de ceux qui les approchent, par les mouvements extérieurs, qui en sont les signes naturels. » (Traité Physique de La Parole, op. cit., p.20).
Le premier apprentissage est donc celui des signes naturels qui expriment les passions. La question de savoir sil convient dutiliser les passions, lexpression de celles-ci dans lapprentissage sera abordée et dans le Traité Physique de la Parole et dans De la Réformation dun État. Mais la parole utilise des signes dinstitution, ceux-ci sont dun apprentissage plus difficile : « en apprenant on sinstruit seulement des signes, dont quelques autres hommes sont déjà convenus » (Idem, p.18). « (Les enfants) sont un peu plus longs à démêler les signes, que les hommes ont institué pour signifier les choses. » (Ibidem, page 21). Les passions, limitation des signes naturels qui les représentent, étaient au principe du premier apprentissage de ces signes naturels. La nécessité, lattention et la désignation des choses, de leur qualité, des actions qui les produisent conditionnent le deuxième apprentissage, celui de la parole. « Mais la nécessité quils ont de quelques-unes, les rend si attentifs à tout ce quon dit de ces choses, quand ils saperçoivent quon les touche, ou quon les montre de la main, quils en apprennent enfin le nom. » (Ibidem, p.21).
Lapprentissage de la langue suit naturellement lordre de la grammaire, ou plutôt, cest lordre de la grammaire qui est calqué sur celui que suit naturellement lenfant dans cet apprentissage, il apprend dabord le nom des choses avant den apprendre les qualités puis des qualités ils passent aux actions ce nest quensuite quil découvre les modalités avec les adverbes. Cet ordre est naturel en ce quil reproduit la métaphysique de Cordemoy. Les noms des choses les représentent comme sujets auxquels se rapportent des qualités dont elles sont les supports, les sujets entrent dans des actions suivant des modalités, en cela Cordemoy ne se distingue guère dAristote, il dédouble simplement le sujet comme substrat en distinguant ce qui sy rapporte au corps et ce qui sy rapporte à lâme. « Ce quil y a de plus surprenant en cela, cest de voir, lorsquils ont deux où trois ans, que par la seule force de leur attention, ils soient capables de démêler dans toutes les constructions quon fait en parlant dune même chose, le nom quon donne à cette chose. » (Ibidem, p.21).
Lenfant, dès cet âge, distingue le nom parmi le brouhaha des autres membres de la phrase. Le substantif, comme dit aussi Cordemoy, est donc le support, le substrat auquel se rapportent les autres parties du discours, il est lunité, le un qui engendre à partir de lui la pluralité de ces autres formes. Lapprentissage commence par les noms, mais cest un apprentissage qui se fait en grande partie de soi : « Mais, quelque peine quon se donne pour leur apprendre certaines choses, on saperçoit souvent quils savent les noms de mille autres choses, quon a point eu dessein de leur montrer. » (Ibidem, p.21).
Les grammairiens nont fait que suivre ce quils observaient chez lenfant, lordre des parties du discours, lanalyse du discours est fondée sur ce quenseigne la façon dont les enfants apprennent à parler, le chemin quils suivent est une analyse implicite que reproduisent les théoriciens du langage : « Je dirai en passant, quil y a bien de lapparence que ceux qui ont donné les éléments de la Grammaire, on fait de semblables observations. Comme tout lart de leur méthode na pu être tiré que de la nature même, il faut quils aient bien considéré comment les enfants apprennent à parler; et je vois quen effet leurs préceptes ne sont quune imitation de ceux que la nature donne aux enfants. » (Ibidem, p.23).
La distinction entre ce qui est dinstitution et ce que donne la nature nest pas clairement établie, il y a des signes naturels communs à lespèce humaine, ceux qui expriment les passions, mais tous ceux qui ont rapports aux idées de lâme sont dinstitution, seule la connaissance de ces derniers passe par un apprentissage. Dans cet apprentissage Cordemoy signale, voire recourt à lusage des passions, du moins dans le Traité Physique De La Parole, dans De La Réformation Dun État il proscrit au contraire tout recours à celles-ci : « Mais, si le cheval vient à faire quelque mouvement ou quelque souffle, qui fasse craindre quil ne blesse lenfant, ceux qui le veulent ôter de là, disent incontinent que le cheval est méchant ; et si cet enfant, lorsquon lemporte, témoigne par des cris que cela lui déplaît, ceux qui le tiennent, feignent de la peur, dont lenfant connaissant les signes extérieurs sur leur visage, sent incontinent les mêmes mouvements, ce qui le fait consentir à séloigner du cheval. Et, comme pendant tout cela on répète souvent le mot de méchant, avec des démonstrations qui le rendent plus attentif, il conçoit ce que veut dire ce nouveau mot, le retient est souvent le répète à sa manière. » (Ibidem, p.22). Il faut mettre en parallèle le passage suivant extrait de De La Réformation Dun État : « Et, comme on doit tout faire par raison, et que les premières pensées quon a de chaque chose, demeurant toujours les plus fortes dans lesprit, on tâche de ne leur en donner dans ce bas âge, que de très raisonnables. Cest une chose étrange, que dans tous les autres pays, on ne gouverne les enfants que par leurs passions, comme par le manger, par les beaux habits, par les jouets, ou bien en leur donnant des louanges, en les méprisant, ou en leur promettant des récompenses ; et dans celui-ci, on ne les gouverne que par raison. Aussi arrive-t-il que les passions sont si fortes dans les enfants, qui sont élevés à lordinaire, quà peine saperçoit-on dans toute la suite de leur vie, quils aient de la raison. Au lieu que parmi nous on exerce la raison de si bonne heure, que devenant bientôt la plus forte en eux, à peine saperçoit-on, quand ils sont un peu avancés en âge, quils aient des passions. » (De La Réformation Dun État, page, op. cit., 189 190, (p.30)).
La peur quutilise le pédagogue de Cordemoy pour enseigner à lenfant la qualification de méchant est pourtant bien une passion dont le ressort permet lapprentissage rapide des diverses qualités qui peuvent se rapporter au substantif cheval. Dans De la Réformation dun État les maîtres des académies recourent à la crainte du ridicule pour réfréner des conduites considérées comme vicieuse, ainsi la coquetterie : « On ne leur promet point non plus de beaux habits, ni de bijoux ; et souvent on pare de petits singes, dont on se moque, pour leur donner du mépris de ces bagatelles. » (Idem, p.189 [193], (p.30)). Mais la crainte du ridicule est justement un biais pour inhiber les passions, comme le refus de toute récompense : « Enfin, on ne leur propose jamais de prix, ni pour les exercices du corps, ni pour ceux de lesprit, croyant que cela ne peut servir quà les rendre jaloux ou envieux. » (Idem, p.189 [193, (p.30)])
Peut-être est-ce la distance de ce qui est à ce qui devrait être, lEtat réformé reste une utopie, un modèle, une direction. Que lhomme se dirige par les passions plus que par la raison est la réalité quobserve le Traité physique de la parole.
La langue est un véhicule nécessaire de la connaissance mais elle sen distingue dans lapprentissage, dans lacquisition des connaissances, ce nest pas la langue dans laquelle on les a apprises que lon retient, mais celles-ci seulement : « Doù vient que, quand on se trouve avec des personnes de différents pays, dont on sait les langues, on retient aisément chaque nouvelle, et tout ce qui a été dit sur les sujets dont on a parlé, sans pouvoir précisément se ressouvenir des mots ni de la langue dont on sest servi, pour nous donner les idées qui nous en restent. » (Traité Physique De La Parole, p.27) « La même chose se peut reconnaître encore par ceux qui étudient quelque langue. Ils savent souvent en un instant la signification dun mot, et ne la savent plus en une autre. Cependant ils se souviennent bien du mot, et ils ont encore lidée de la chose quil leur doit représenter : mais ils nont pas encore si bien joint lune à lautre, que cette idée revienne à leur esprit, dès quon prononce le mot qui la signifie. » (Idem, p.28).
Il y a donc une distinction fondamentale entre nos pensées et les mots parlés qui les expriment, et cette distinction recoupe celle de lâme et du corps indissociablement assemblés. Signes linguistiques et idées sont radicalement distincts, néanmoins quelle que soit la langue dans laquelle un homme a acquis les idées qui sont les siennes il doit passer par les mots dune langue quelconque pour les penser comme pour les exprimer : « cependant, si lâme nétait pas distincte du corps, et si les pensées nétaient pas distinctes des mouvements, il arriverait que, dès que le cerveau de plusieurs personnes serait affecté de la même façon, ils penseraient tous la même chose en même temps : car ils ont tous également ce qui dépend en cela de loreille et du cerveau. » (Ibidem, p.28).
Mais cette distinction fondamentale implique aussi que les mots ne sont que véhicules et liaisons, les idées leur pré existent, elles sont en nous avant et indépendamment des mots qui les expriment, mais si nous navons pas les mots pour les dire, nous ne pouvons pas faire le lien et ainsi elles ne nous apparaissent pas : « Mais, parce que tous ne sont pas convenus que certains mouvements de ces parties signifieront certaines choses, et quils ne les ont pas joints aux idées quils en ont, il arrive quon parle inutilement de ces choses devant eux, et quils ne les comprennent pas, bien que les mots quon emploie pour les exprimer, frappent leur oreille et leur cerveau, comme elles frappent loreille et le cerveau de ceux qui en ont lintelligence. » (Ibidem, p.28).
La compétence linguistique est le modèle même de lapprentissage ; parler consiste à associer du son à de lidée dans le processus dapprentissage comme dans la compétence linguistique, nous retrouvons la distinction de lâme et du corps : « Pour cela il faut remarquer que nous joignons dès la première langue que nous apprenons, lidée dune chose au son dun mot, ce qui est entièrement de la part de lâme : car la sensation (qui naît dans lâme, à distinguer du mouvement « excité » dans le cerveau [voir infra, pp.58-59]), quon appelle son, et lidée de la chose quon lui fait signifier, sont toutes de lâme, ainsi que nous lavons déjà reconnu. De la part du corps, il y a un mouvement des esprits et du cerveau, quexcite chaque voix, et une impression quy laisse chaque chose. Or ce mouvement est toujours joint à cette impression, comme la perception de chaque son est toujours jointe en lâme avec lidée particulière dune certaine chose. » (Ibidem, p.57).
La distinction de lâme et du corps implique également une correspondance : âme et corps se distinguent et correspondent. Il y a trois sortes de correspondances entre lâme et le corps comme il y a trois sortes de signes : « La première naturelle ; et cest cette correspondance nécessaire, par laquelle certaines sensations naissent toujours en lâme, dès que certains mouvements sont excités dans le cerveau, comme des mouvements sont excités dans le cerveau, dès que lâme en a la volonté. (...). Outre cela, il y a une seconde correspondance entre les idées que lâme a des choses, et les impressions que ces choses laissent dans le cerveau. (...) et tandis que lâme est unie au corps, jamais elle na lidée des choses corporelles, que leur impression ne soit dans le cerveau. Mais il y a une troisième correspondance entre le nom de chaque chose et son idée, qui nétant que dinstitution se peut changer : néanmoins, comme le son du premier nom quon donne à une chose, est une sensation que lâme joint étroitement à lidée de cette chose, et que dailleurs limpression de ce nom se trouve jointe à celle de la chose dans le cerveau, on a grande peine les séparer. » (Ibidem, pp.58 -59).
Lapprentissage suit le troisième mode de correspondances entre lâme et le corps, par exemple lapprentissage des langues étrangères : « Ainsi lon peut si bien joindre une même pensée à plusieurs signes, et à des mots de diverses langues, quon pourra avec une facilité égale se servir des uns et des autres pour lexprimer. » (Ibidem, pp.59 -60).
Mais ces différentes correspondances de lâme du corps ont leur corollaire, on peut très bien concevoir, selon Cordemoy, une communication directe dune âme à une autre âme sans passer par les organes du corps, comme nous lavons déjà vu plus haut : « Au reste, il me semble que si lâme est obligée, tandis quelle est unie au corps, de joindre ses pensées à des voix, qui ne se peuvent ouïr ni former sans les organes de la langue et de loreille ; elle pourrait si cette union cessait, découvrir bien plus aisément à tout autre esprit ce quelle penserait. » (Ibidem, p.60). Cette communication directe serait même bien plus aisée que celle qui passe par la parole ou lécriture, parce quelle serait sans déformation et immédiate. On conçoit, donc, que lapprentissage est une conséquence directe de larticulation du corps et de lâme, et des imperfections, des brouillages quimplique cette union. Cordemoy consacre un développement assez long à cette communication desprit à esprit, plus dune vingtaine de pages de son traité physique de la parole qui en compte quatre-vingt-six dans la réédition de ses oeuvres de 1704. Le modèle implicite de communication est donc celui de la transmission directe de la pensée desprit à esprit, Cordemoy considère cette communication bien plus performante : « Et, pour peu de réflexion que lon fasse sur la facilité et sur la netteté, avec laquelle un homme conçoit les pensées dun autre homme par la parole, on avouera quune âme pourrait concevoir incomparablement plus nettement et plus facilement les pensées dun autre esprit, sils ne dépendaient ni lun ni lautre des organes du corps. Car enfin lesprit doit plus aisément apercevoir une pensée, qui est une chose spirituelle, que le signe de cette pensée, puisque ce signe est une chose corporelle. » (Ibidem, p.61). En effet, deux esprits nont besoin, pour se communiquer leurs pensées, que de le vouloir. (Ibidem, p.75).
Claude Fleury dans son Histoire des Israélites semble faire de cette langue de communication dâme à âme quil appelle « langage des esprits » la langue originelle, (davant Babel ?), comme le suggère ce passage dans lequel il montre que lhébreu ancien serait au plus proche de cette première forme de communication : « Cest la langue (lhébreu) la plus courte que nous connaissions, et par conséquent la plus approchante du langage des esprits, qui nont point besoin de paroles pour se faire entendre. Les expressions sont nettes et solides, donnant des idées distinctes et sensibles : rien nest plus loin du galimatias. »
Mais, ce qui est vrai de la communication de purs esprits, lest aussi de la communication dun esprit uni à un corps avec un pur esprit : « Au reste, ce qui se dit de la communication de purs esprits, se doit dire de celle qui peut être entre un esprit uni à un corps, et un esprit qui ny est pas uni. » (Ibidem, pp.75 - 76).
Toute la difficulté de la communication humaine, comme de lapprentissage réside en ceci quil faut : « démêler sa pensée des signes ou des mots, qui souvent ne lui conviennent pas. » (Ibidem, p.61). Souvent, en effet, les signes ou les voix quon emploie ne conviennent pas aux pensées que lon veut exprimer ou tout simplement que lon a. Si bien que nous sommes dépendants des capacités de notre cerveau pour ce qui est de bien concevoir ce lien entre le signe et la pensée ou de le bien exprimer. « Si lon veut rechercher les causes physiques de LEloquence, on les trouvera toutes dans cette heureuse disposition du cerveau » (Ibidem, p.62) heureuse disposition qui appartient à « ceux qui ont naturellement le cerveau le mieux disposé en tout ce qui peut servir aux opérations de lâme, qui ont les impressions les plus vives de chaque chose, qui les savent le mieux disposer, et qui se sont accoutumés à les exprimer par les mots les plus propre, » et qui « sont toujours ceux qui parlent avec le plus de facilité, le plus dagrément, et le plus de succès. » (Ibidem, p.62). Lapprentissage de la langue apparaît fondamentale puisque les idées sont déjà là présentes en nous, apprendre consiste à établir des liens entre et avec ce qui existe déjà.
Cordemoy insiste sur lapprentissage de la langue parlée cest-à-dire du français, cest en français que se fait lenseignement et le latin nest pas préconisé au départ du programme éducatif de lauteur de De La Réformation Dun État : « Après que les enfants ont récité des lois, on leur enseigne à parler correctement leur langue ; et tout cela sans les presser, parce quils ont cinq ans entiers pour apprendre les parties doraison, qui sont les éléments des langues. » (De La Réformation Dun État, op. cit., p.184, (p.28)).
Cordemoy fait intervenir M. Conrart, chez qui se réunissait la première Académie, il en est un cofondateur. Conrart est lun des interlocuteurs avec les ambassadeurs de lÉtat Réformé de lutopie de Cordemoy, il lui sert de garant, dautorité, par sa réputation de grande sagesse. Conrart était protestant, il na jamais renoncé à sa religion première, nous lavons mentionné plus haut, cest pour nous une indication de louverture desprit de Cordemoy. Valentin Conrart ne savait ni le latin, ni le grec, « il avait le goût du beau français » écrit Antoine Adam dans son Histoire de la littérature française au XVIIème siècle, « il réussit » ajoute-t-il « à devenir lun des hommes de France qui connaissaient le mieux notre langue » (op. cit. : T1, p.239). La présence de Conrart est ainsi sollicitée par Cordemoy comme celle dun expert en matière de langage. Conrart, comme Cordemoy privilégie la connaissance de la langue moderne et consacre son apprentissage avant celui des langues anciennes, il le précède, le devance en importance. Conrart fait alors figure de commissaire de la langue française, son uvre, en dehors de la réforme du psautier huguenot, se limitera à peu de choses, quelques préfaces et des notes grammaticales, par contre son rôle de correcteur et critique des uvres de son temps sera de première importance. Le peu quil a produit laissait pourtant dire à Vaugelas, cité par Antoine Adam : « Nous avons à Paris une personne de grand mérite qui ne sait point la langue grecque, ni la latine, mais qui sait si bien la française quil ny a rien de plus beau que sa prose et ses vers. » (Op. cit., 1, p.241).
Sur cette question de la connaissance et de lapprentissage de la langue vernaculaire voici ce que Cordemoy fait dire à Conrart comme pour sy appuyer : « sil métait permis de vous interrompre, a repris M. Conrart, non pour improuver la méthode, que vous avez de donner des leçons de votre langue même, mais pour en louer la coutume, je le ferais avec plaisir. Jai toute ma vie aimé la langue de mon pays ; et je nai presque cultivé que celle-là, croyant quil suffisait à tout honnête homme de savoir bien celle de sa patrie, mais quil nétait pas permis à un homme qui est un peu du monde, de ne la savoir que médiocrement. Ainsi, lon ne peut assez approuver le soin que lon prend chez vous, de montrer aux plus jeunes enfants la langue du pays. Je vois bien que cette connaissance jointe à celle des lois, que vous leur faites apprendre de si bonne heure, en fait bientôt des hommes parfaits ; et je ne doute point que ceux quon a tant admirés à Rome et en Grèce, naient suivi cette voie, pour arriver aux grandes choses, quon leur a vu faire dès leur première jeunesse. » (De La Réformation Dun État, op. cit., p.185, (p.28)).
Cordemoy revient encore sur lapprentissage de la langue dans son programme qui concerne les jeunes enfants de cinq à dix ans pour insister sur le soin donné à la prononciation : « on les fait lire et écrire ; et lon a grand soin de former leur prononciation en lisant. » (Idem, p.185 [189], (p.28)). Sur cinq heures denseignement théorique le matin, une entière est consacrée à létude de la langue et une deuxième à la lecture et écriture dans cette langue. Mais laprès-midi consacrée aux exercices comprend encore un temps où « on les fait composer en leur langue, et en latin » (Ibidem, p.187, (p.29)). Enfin, toujours laprès-midi, un temps est dévolu à lapprentissage par coeur des « choses qui concernent les langues » (Ibidem, p.187, (p.29)).
Lenseignement du français que préconise Cordemoy se démarque considérablement de ce que les Jésuites dans leurs collèges et la majorité des pédagogues contemporains pratiquaient. Dans la plupart des collèges lapprentissage du latin accapare tout lhoraire, et le père jésuite Jouvancy limite sévèrement lusage de la langue maternelle car cest « se rendre très coupable si, séduit par le charme de la langue française, ou rebuté par le travail dune étude plus sérieuse, on y emploie le temps que la Société (des Jésuites) destine à apprendre des langues plus difficiles et nécessaires » Cette défiance professée par les Jésuites à lencontre des langues maternelles a pour corollaires une critique sévère dun enseignement qui laisserait trop de part à lHistoire. Michèle Rosellini dans un article « La curiosité pour lhistoire dans la formation intellectuelle au 17ème siècle » cite une version française du Ratio docendi et discendi de Jouvancy : « Quelques-uns, pour charmer lennui de la classe, recherchent non ce qui serait utile aux enfants, mais ce qui leur est [à eux-mêmes] le moins importun. Ils leur expliquent lauteur avec négligence, leur proposant des sujets pris dans quelque livre français, sans se préoccuper de les mettre à leur portée ; ils feront expliquer un livre historique pendant des classes entières ou bien je ne sais quel livre, jusquà ce quils déposent au bout dun an ou deux le facheux fardeau de la régence » Concernant la défiance à lencontre des langues maternelles, dans le même ouvrage, une citation complétant celle donnée plus haut par Roger Gal : « Un jeune maître doit surtout se garder de trop se passionner pour les ouvrages écrits dans sa langue maternelle, surtout par les poètes qui lui feraient perdre la plus grande partie de son temps et même de sa moralité. (...) Il doit se persuader quil pèche gravement, si, séduit par surtout par les poètes qui lui feraient perdre la plus grande partie de son temps et même de sa moralité. (...) Il doit se persuader quil pèche gravement, si, séduit par le charme de la langue française ou rebuté par le travail dune étude plus sérieuse, il emploie le temps que la société destine à apprendre des langues plus difficiles mais nécessaires, autrement que nos règles lont établi sévèrement et sagement »
Charles Rollin auteur dun Traité des études voudra limiter lenseignement de la langue du pays à une demi-heure par jour ou tous les deux jours
Les Oratoriens, rivaux des Jésuites, faisaient une place bien plus importante au français comme aux sciences, ils sont peut-être une des sources dinspiration de Cordemoy : « Au début du 17ème siècle les Oratoriens, dans leurs écoles rivales des Collèges jésuites (ils en avaient déjà cent cinquante en 1629 et ils en auront deux cent cinquante au siècle suivant), avaient fait une grande place au français, admis dans les trois premières années détudes et dans lenseignement de toutes les matières autres que le latin, ainsi quà lhistoire, à la géographie et enfin aux sciences tenues en grande estime chez eux. Le P. Lamy nécrivait-il pas : « cest un plaisir dentrer dans le laboratoire dun chimiste. Dans les lieux où je me suis trouvé, je ne manquais point dassister aux discours anatomiques qui se faisaient, de voir les dissections des principales parties du corps humain... Je ne conçois, rien dun plus grand usage que lalgèbre et larithmétique ».
Pour Cordemoy il existe une première forme dapprentissage purement réflexe, celle que lon observe dans le monde animal. Lanimal est corps sans âme, en lui, en son cerveau ne simpriment que des impressions mécaniques. Concernant les oiseaux capables de reproduire des sons ou des voix, lapprentissage consiste en la saturation de certaines zones du cerveau qui seront ainsi modifiés comme une cire molle recevant des caractères dimprimerie en sorte que les esprits qui en découlent disposeront en conséquence leur gosier, leur langue, leur bec. Cordemoy donne lexemple de la linotte : « Et nous devons surtout remarquer, que le changement qui arrive en elles (les linottes), quand elles apprennent, et que, leur cerveau étant diverses fois frappé au même endroit des mêmes chants ou des mêmes mots, limpression en demeure si forte en cet endroit, que les esprits, qui en sortent pour sécouler dans les muscles de leur gosier, de leur langue, ou de leur bec, les disposent enfin à répéter ses chants, ou ces paroles. » (Traité Physique De La Parole, op. cit., pp.43 - 44).
Pour cet apprentissage mécanique Cordemoy établit une relation entre la satiété et la capacité dapprendre. Il affirme que l oiseau ne pourra apprendre ce chant, ces mots que l on souhaite l entendre répéter que s il n est pas pris par d autres besoins. Pour l animal aussi c est l école au sens premier, la « scholê » (ÃÇ¿»®) : la cessation d activité, l absence de besoins qui est au départ de léducation. « Il est aussi fort à remarquer que jamais elles (les linottes) ne rendent les chants ou les mots quelles ont appris, que quand elles nont aucun besoin qui divertisse les esprits ailleurs ; et que si dans ces occasions elles forment un cri, ou une voix, cest toujours le cri ou la voix de leur espèce. Si bien quelles ne forment ses chants étrangers, ou les paroles humaines, que quand rien ne leur manque, et que les esprits étant en abondance, ou fort échauffés, coulent sans que rien en divertisse le cours, de lendroit du cerveau que ses chants ou ces paroles ont le plus ébranlé, vers les parties qui servent à la voix : si ce nest quon ait fort observé de ne leur donner toute la nourriture dont elles ont eu besoin, que dans le temps quon chantait ou quon parlait auprès delles ; car alors la présence de la pâture ne manque pas de les exciter à répéter les mêmes chants ou des mêmes paroles. » (Ibidem, p.44).
Il y a donc chez lanimal une correspondance entre lapprentissage, la nourriture et la satiété. Dans cette première forme déducation il nest nul besoin dâme. Toujours concernant la linotte, Cordemoy montre comment il faut en quelque sorte se substituer à la mère pour obtenir de loiseau la reproduction de sons étrangers à son espèce : « Et pour bien entendre cela, il faut concevoir que les bêtes apprennent leur cri des autres bêtes de leur espèce, et quordinairement la pâture en est la cause. Car les petits ayant en même temps loreille frappée des cris, que fait toujours leur mère, en la présence dune pâture quils ne tiennent pas encore, et les yeux frappés de cette pâture ; il doit arriver que lendroit de leur cerveau, qui reçoit toujours ces deux ébranlements à la fois, en ait à la continue une impression telle, que les esprits venant à couler de cet endroit vers le gosier et les muscles qui servent à la voix, les doivent nécessairement disposer dune façon, qui répondant à limpression du cerveau, fassent pousser à ces petites bêtes un cri semblable à celui de leur mère.
Mais, quand elles sont élevées par des hommes, que les linottes, par exemple, sont nourries dans une cage, et quau lieu du cri de leur mère, il arrive quen présence de la pâture certains chants étrangers, ou même des paroles humaines frappent leur oreille ; il ne faut pas sétonner si ces paroles ou ses chants, faisant impression au même endroit du cerveau, doù cette pâture aurait dû faire couler des esprits dans les muscles du gosier et du bec, pour leur faire faire le bruit que font les oiseaux en présence dune pâture quils ne tiennent pas encore, sont cause que les esprits étant autrement dirigés, disposent autrement les muscles du gosier, de la langue et du bec de ses petits oiseaux, et font quau lieu du cri quils auraient poussé, si leurs mères les avaient élevés, ils récitent des chants, ou prononce des paroles. » (Ibidem, p.45).
Dans LÉtat Réformé, Cordemoy veut aussi que les enfants soient séparés très tôt de leurs parents et particulièrement de leurs mères. Déjà pour lapprentissage du corps sans âme de lanimal, éduquer consiste à substituer une relation artificielle denseignement, à la relation maternelle, dans linstitution des enfants la chose est encore plus vraie, dans De La Réformation Dun État, Cordemoy y insiste.
Conrart sétonnant auprès de lambassadeur de lÉtat réformé de ce que lon enlève dès lâge de cinq ans les enfants à lattention de leur mère pour les placer dans les académies où ils seront internes jusquà lâge de vingt ans, et trouvant le procédé bien rude, lambassadeur lui répond : « Vous trouveriez donc bien plus rude encore, (...) si je vous disais, quil ny a point de mère qui ne nourrisse elle-même ses enfants : mais on est persuadé parmi nous, que la tendresse des mères ne peut que rarement saccorder avec les bonnes habitudes, que les honnêtes gens doivent prendre dès la jeunesse, surtout aux choses pénibles. » (De La Réformation Dun État, op. cit., p.182, (p.27)). Le caractère néfaste de la tendresse des mères nest pas le seul obstacle à la bonne éducation des enfants, il y a aussi limagination. Cordemoy met en cause celle de la domesticité, on peut penser que les mères sont aussi en cause sur cet autre point. Il sen prend aux mauvais contes parce quils contrecarrent leffet des autres récits, comme ceux de lHistoire qui occupent une place tellement importante dans lenseignement tel quil le conçoit : « Dailleurs on craint que les domestiques ne leur donnent de fausses impressions, et leur gâtent limagination par de mauvais contes. » (Ibidem, p.182, (p.27)). Lauteur revient plus loin sur cette question pour y insister : « Que cela me faisait regarder comme un grand trait de sagesse, la coutume quon a dans lÉtat réformé, dôter de bonne heure les enfants à leurs mères, et aux domestiques, pour les mettre dans un lieu, ou nayant que de bons exemples, il nont que faire dêtre excités par dautres moyens. » (Ibidem, p.191, (p.30)).
Soustraire lenfant à son milieu familiale, cest louvrir à lapprentissage des signes arbitraires en quoi consiste ce quil devra connaître des lois, comme des sciences, cest léloignement, aussi, de lusage des signes naturels par quoi il faisait connaître ses besoins fondamentaux.
Il ny a pas dans loeuvre de Cordemoy de considération sur la distinction des sexes, sur leur différence. À tel point quil est impossible de trouver clairement un passage où il soit mentionné que les académies de lÉtat réformé seraient réservées aux garçons, et que les filles en seraient exclues. Si rien dans la lettre ne le laisse penser, tout par contre dans lesprit le laisse deviner, certains indices sont même tout à fait explicites. Cordemoy ne mentionne la présence de femmes quà loccasion de jours de fête : « les jours de Fêtes, on fait le matin des actions publiques sur des sujets que le Magistrat envoie : tous les habitants, même les femmes de la ville y assistent. » (Ibidem, p.198, (p.33), cest nous qui soulignons). Un autre indice certain de lexclusion des femmes de lenseignement des académies De LÉtat Réformé, est quil nest question que des jeunes hommes qui en sortent : « je pense vous en avoir assez dit, pour vous faire concevoir que les jeunes hommes qui sortent de cette Académie, sont dhonnêtes jeunes gens et de bons citoyens. » (Ibidem, p.198, (p.33)).
Le passage sur la néfaste tendresse des mères est un indice que cet enseignement basé sur la rigueur de la raison devrait être assez peu approprié aux femmes dont on pensait à lépoque quelles se laissaient plus facilement gouverner par leurs imaginations, comme on dirait aujourdhui leurs fantasmes ou fantasmagories, que les hommes. Malebranche dans La Recherche La Vérité est très explicite à ce propos. Cette dépréciation des femmes, leur disqualification dans léducation des enfants est bien sûr la conséquence dune longue tradition misogyne cléricale, puisque linstitution éducative était entre les mains exclusives du clergé masculin, elle remonte au-delà à des traditions philosophiques antiques. Mais cette misogynie est aussi la conséquence des conceptions que lon se fait de la reproduction sexuée, le préformationnisme est la théorie dominante dans ce domaine jusquà la seconde moitié du XVIIIe siècle. Or, dans le préformationnisme animalculiste, cest-à-dire dans celui qui place lembryon dans la tête du spermatozoïde découvert par Leeuwenhoek, la femme ne joue quun rôle de réceptacle, revient à lhomme toute leffectivité et la réalité de la reproduction du vivant. La semence masculine, et lon verra un embryon préformé dans la tête dun spermatozoïde, contient déjà lenfant en puissance (hypothèse qui permettra à Leibniz dexpliquer rationnellement le péché originel, nous étions tous, tout simplement, déjà présent dans la semence dAdam au moment où il commit le péché fatal, pour dautres, il est vrai, préformationnistes ovistes, cétait dans les ovules dEve). La création, la procréation revient à lhomme, à la femme seule lincubation. Certaines théories épigénétiques ne donnaient pas beaucoup plus dimportance au rôle de la mère dans la création de lembryon.
On peut lire au livre deux, consacré à limagination, de De La Recherche La Vérité de Malebranche que la période dincubation de cet embryon dans le ventre de la mère expose ce dernier à tous les périls de limagination des mères. Il donne lexemple de mères assistant à des exécutions publiques par la roue, et dont les enfants sous leffet des imaginations de leurs mères naîtront les membres rompus. « À la vue de cette exécution si capable deffrayer une femme, le cours violent des esprits animaux de la mère, alla avec force de son cerveau vers tous les endroits de son corps, qui répondait à ceux du criminel, et la même chose se passa dans lenfant. (...) p.72) Selon les principes que je viens détablir, la cause de ce funeste accident fut, que sa mère ayant su quon allait rompre ce criminel, lalla voir exécuter. Tous les coups que lon donna à ce misérable, frappèrent avec force limagination de cette mère, et par une espèce de contrecoup le cerveau tendre et délicat de son enfant. Les fibres du cerveau de cette femme furent étrangement ébranlées, et peut-être rompus en quelques endroits par le cours violent des esprits produits à la vue dune action si terrible, mais elles eurent assez de consistance pour empêcher leur bouleversement entier. Les fibres au contraire du cerveau de lenfant ne pouvant résister aux torrents de ses esprits furent entièrement dissipés, et le ravage fut assez grand pour lui faire perdre lesprit pour toujours. Cest là la raison pour laquelle il vint au monde privé de sens. Voici celle pour laquelle il était rompu aux mêmes parties du corps que le criminel, que sa mère avait vu mettre à mort. » (...) p.72) Mais ce cours rapide des esprits fut capable dentraîner les parties molles et tendres des os de lenfant. (
) p.72) Nous aurions souvent des exemples pareils à celui que nous venons de rapporter, si les enfants pouvaient vivre après avoir reçu de si grandes plaies, mais dordinaire ce sont des avortons. Car on peut dire que presque tous les enfants, qui meurent dans le ventre de leurs mères sans quelles soient malades, non point dautre cause de leur malheur, que lépouvante, quelque désir ardent, ou quelque autre passion violente de leurs mères. (...) p.73) Lorsque ces traces sont formées par une forte passion, et accompagnées dune agitation très violente de sang et desprits dans la mère, elles agissent avec tant de force sur le cerveau de lenfant et sur le reste de son corps, quelles y impriment des vestiges aussi profonds et aussi durables que les traces naturelles : comme dans lexemple du chevalier dIgby ; dans celui de cette enfant né fou et tout brisé, dans le cerveau et dans tous les membres duquel limagination de la mère avait produit de si grands ravages, et enfin dans lexemple de la corruption générale de la nature de lhomme. » (p.83) (De La Recherche La Vérité, livre deux : « De LImagination », chapitre sept, paragraphe trois et six, éditions Presses Pocket, Agora les Classiques).
Cette dangereuse influence des mères remonte donc bien avant la naissance. Dautre part, la physiologie cérébrale est nerveuse présupposée par Malebranche, est très proche de celle de Cordemoy, sinon la même. Cest dans La distinction de lâme et du corps que Cordemoy élabore son propre modèle directement hérité de celui de Descartes : « (
) jai besoin de faire encore ici quelques réflexions. Et premièrement, que mon cerveau est dune substance assez molle, pour recevoir avec facilité différentes impressions : mais que cette substance, toute molle quelle est, nest pourtant pas si fluide, quelle nait quelque consistance.
Secondement, que mes nerfs, nétant quun allongement de mon cerveau, dont la substance et les enveloppes sont étendues jusquaux extrémités de mon corps ; tout ce qui lenvironne ne peut toucher leurs bouts extérieurs, quaussitôt leurs autres bouts intérieurs ne soient ébranlés dans le cerveau, et que cet ébranlement est différent au-dedans, selon que des objets poussent diversement, les parties au-dehors.
En troisième lieu, que les esprits qui remuent dans mon cerveau, comme les vapeurs de quelque liqueur enfermée dans un Éolipile, sont diversement agités, selon que le cerveau et diversement ébranlé.
En quatrième lieu, que selon que cette agitation des esprits est différente, ils vont heurter tantôt un endroit du cerveau et tantôt lautre ; et que selon la disproportion des pores ils sinsinuent dans un nerf, ou dans un autre, qui les conduit dans les muscles du bras, dans ceux du pied, ou de toute autre partie, qui répond aux endroits par où ils sont sortis du cerveau. » (De La Distinction Du Corps et de LÂme, op. cit., pp.99-100).
Cest la plasticité du cerveau quenvisage ici Cordemoy, comme là Malebranche. Cette plasticité est la possibilité même de toute perception sensorielle, de tout ressenti de sentiments ou de passions, et au-delà, de tout apprentissage. Mais Cordemoy esquisse, il ne précise pas, il ne détaille pas. Il donne limpression dadmettre des présupposés implicites, linfluence néfaste des mères dans léducation des enfants, comme celle des domestiques, en est un, mais jamais il ne sexpliquera en détails sur cette question.
Léducation des filles nest nulle part mentionnée dans son oeuvre, comme si elle nentrait pas en considération, elle sera pourtant, cette éducation des filles, un objet détudes pour lami et compagnon Fénelon dans son Traité De LÉducation des Filles. Dans celui-ci pourtant, le propos reste très souvent général se rapportant tout aussi bien à léducation des filles quà celle des garçons, néanmoins on retrouve, quoique atténuée, la même défiance à légard de lenseignement des mères.
Dans son Avis à une Dame de qualité Fénelon accorde son « licet » à une mère, lautorisant à se charger de léducation de sa fille, mais en marquant ce quelle a, comme femme, de particulièrement exceptionnel. Dans le Traité De LÉducation Des Filles la critique de linfluence néfaste des mères, des femmes en général et de la domesticité reste de règle : « Après quoi, on se croit en droit dabandonner aveuglément les filles à la conduite de mères ignorantes et indiscrètes. » (Traité de léducation des filles, chp.1, p.3, [Document électronique] / Fénelon ; publié avec une introduction et des notes par Paul Rousselot, Bibliothèque Nationale de France, Gallica).
Largument qui revient constamment est celui de la plus grande faiblesse desprit, du plus grand gouvernement des passions, du moindre contrôle des imaginations : « Les femmes ont dordinaire lesprit encore plus faible et plus curieux que les hommes ; aussi nest-il point à propos de les engager dans des études dont elles pourraient sentêter » (Idem, p.4) et « Leur corps, aussi bien que leur esprit, est moins fort et moins robuste que celui des hommes. » (Ibidem).
Fénelon tire des conséquences inverses de cette faiblesse, au lieu de renoncer à léducation des filles, il faut au contraire sy attacher fortement : « Mais, que sensuit-il de la faiblesse naturelle des femmes ? Plus elles sont faibles, plus il est important de les fortifier. » (Ibidem). Les mères, même sil leur préfère les couvents dans la plupart des cas, comme en atteste son Avis À Une Dame De Qualité, conservent ladministration de la première éducation des enfants, doù lextrême nécessité de les instruire pour quelle sacquitte honorablement de cette tâche. Fénelon souligne a contrario cette grand nécessité : « Mais les enfants, qui feront dans la suite tout le genre humain, que deviendront-ils, si les mères les gâtent dès leurs premières années ? » (Ibidem, p.5). Les mères, les femmes en général restent dans le propos de Fénelon les principales responsables du mal dans le monde voire dans lhistoire : « Il est constant que la mauvaise éducation des femmes fait plus de mal que celle des hommes, puisque les désordres des hommes viennent souvent, et de la mauvaise éducation quils ont reçue de leurs mères, et des passions que dautres femmes leur ont inspirées dans un âge plus avancé. » (Ibidem, p.6).
Ce qui est en cause cest la faiblesse de leur esprit dont il faut les prévenir, aussi léducation des filles, dès le plus jeune âge, est-elle essentielle si lon veut éviter les risques dun cerveau chaviré, préoccupé dobjets vains, adonné à la préciosité. Comme quoi le cerveau féminin, sinon lâme féminine, reste proche de ce quest celui de lenfant : « Au contraire, les filles mal instruites et inappliquées ont une imagination toujours errante. Faute daliment solide, leur curiosité se tourne toute en ardeur vers les objets vains et dangereux. Celles qui ont de lesprit, sérigent souvent en précieuses, et lisent tous les livres qui peuvent nourrir leur vanité ; elles se passionnent pour des romans, pour des comédies, pour des récits daventures chimériques, où lamour profane est mêlé » (Traité de léducation des filles, op. cit. chap.2, p.10-11)
Le modèle physiologique sur lequel sappuie Fénelon est le même que celui de Cordemoy, très proche, il est vrai, de celui de Descartes. Selon eux trois, il y a une plasticité du cerveau plus grande pendant lenfance, car celui-ci est plus mou, plus humide et donc plus impressionnable, la référence implicite du modèle est celle de limpression dun caractère dans de la cire molle, dans une pâte susceptible de durcir, dans le crépi dune fresque susceptible de sécher, le cerveau des adultes étant, lui, à la fois plus dur et plus sec.
Fénelon manifeste la même admiration devant les facilités quont les enfants dapprendre une langue, et dabord la première, leur langue maternelle : « Il apprend une langue quil parlera bientôt plus exactement que les savants ne sauraient parler les langues mortes, quils ont étudiées avec tant de travail dans lâge le plus mûr. Mais, quest-ce quapprendre une langue ? Ce nest pas seulement mettre dans sa mémoire un grand nombre de mots ; cest encore, dit saint Augustin, observer le sens de chacun de ces mots en particulier. » « lenfant, » dit-il, « parmi ses cris et ses jeux, remarque de quel objet chaque parole est le signe ; il le fait, tantôt en considérant les mouvements naturels des corps qui touchent ou qui montrent les objets dont on parle, tantôt étant frappé par la fréquente répétition du même mot, pour signifier le même objet. » (Traité de léducation des Filles, op. cit., chap.2, p. 14).
Fénelon nous donne ici une clef de sa convergence avec Cordemoy : St Augustin qui avec Descartes est une référence majeure pour comprendre leurs modèles éducatifs. Quand Fénelon écrit : « de là vient que quand on est vieux on se souvient distinctement des choses de la jeunesse, quoi que éloignées, au lieu quon se souvient moins de celles quon a vues dans un âge plus avancé, parce que les traces en ont été faites dans le cerveau lorsquil était déjà desséché et plein dautres images. Quand on entend faire ces raisonnements, on a peine à les croire. Il est pourtant vrai quon raisonne de même sans sen apercevoir. Ne dit-on pas tous les jours : jai pris mon pli, je suis trop vieux pour changer ; jai été nourri de cette façon? » (Ibidem, chap.5, p.44) cest un renvoi presque explicite à la philosophie de Descartes sur la distinction entre souvenirs et réminiscences.
Dans la pensée pédagogique de Cordemoy léducation du corps tient une place non négligeable, les sujets de lEtat réformé entretiennent tous une forme physique excellente qui témoigne des bienfaits de la formation quils ont reçue et de la vie saine quils mènent.
Dans son rêve De la Réformation dun État, Cordemoy est accompagné de Valentin Conrart âgé et peu ingambe. Son abasie devient le prétexte à un échange avec les ambassadeurs de lEtat réformé tout aussi âgés mais ne se déplaçant quà pied, sur limportance de léducation du corps. Aucun membre de ce royaume utopique ne pourrait se trouver dans létat où se trouve Conrart de devoir se faire porter en chaise car lexcellente formation physique reçue dans la jeunesse les prémunit de tous les maux qui frappent la vieillesse des nations où lintempérance commande aux conduites humaines. « mais, comme javais un extrême désir. de savoir ce que cétait que lEtat réformé et pourquoi des Ambassadeurs allaient de la sorte, je me suis imaginé que Monsieur Conrart lui ayant dit, quon était fort étonné parmi nous de voir des Ambassadeurs à pied, il lui a répondu, quon sétonnerait bien davantage parmi eux, si des hommes, pour vieux quils fussent, avaient besoin dêtre traînés par des chevaux, ou portés par dautres hommes ; quils nauraient garde de choisir pour une ambassade des personnes qui ne pussent marcher, parce que dans lEtat réformé, cétait un signe de navoir pas bonne tête, que davoir de mauvaises jambes ; et que tout homme qui avait su exercer son corps, et vivre sobrement, navait jamais de peine à marcher, même dans le plus grand âge. » (De la Réformation dun État, op. cit., pp.157-158, (p.17))
Linvalidité est donc le signe dune conduite vicieuse ou dun défaut déducation, Nicole dans ses Essais de morale représente un point de vue assez proche : « Il nest pas seulement nécessaire de former autant que lon peut leur esprit à la vertu ; mais il est encore nécessaire dy plier leur corps ; cest-à-dire quil faut tâcher quil ne leur serve point dempêchement à mener une vie réglée, et quil ne les entraîne point par son poids au dérèglement et au désordre. Car il faut savoir que les hommes étant composés desprit et de corps, le mauvais pli que lon donne au corps dans la jeunesse, est souvent dans la suite de la vie un très grand obstacle pour la piété. » (Essais de morale, II, op. cit., XXVII). Nicole semble sattacher à une forme de conduite pieuse, alors que Cordemoy insiste davantage sur lidée dune hygiène de vie.
Cordemoy et Fénelon convergent encore quant à la pédagogie, sur un point essentiel : lenseignement de lhistoire. Fénelon comme Cordemoy, fait de lhistoire un enseignement majeur, une discipline première. Comme Cordemoy il préconise le recours à lhistoire plutôt que lapprentissage de finesses théologiques ou métaphysiques difficiles à comprendre et à retenir :
« Il faut ignorer profondément lessentiel de la religion, pour ne pas voir quelle est toute historique : cest par un tissu de faits merveilleux que nous trouvons son établissement, sa perpétuité et tout ce qui doit nous la faire pratiquer et croire. Il ne faut pas simaginer quon veuille engager les gens à senfoncer dans la science, quand on leur propose toutes ces histoires ; elles sont courtes, variées, propres à plaire aux gens les plus grossiers. Dieu, qui connaît mieux que personne lesprit de lhomme quil a formé, a mis la religion dans des faits populaires, qui, bien loin de surcharger les simples, leur aident à concevoir et à retenir les mystères. Par exemple, dites à un enfant quen Dieu trois personnes égales ne sont quune seule nature : à force dentendre et de répéter ces termes, il les retiendra dans sa mémoire ; mais je doute quil en conçoive le sens. Racontez-lui que Jésus-Christ sortant des eaux du Jourdain, le père fit entendre cette voix du ciel : cest mon fils bien-aimé, en qui jai mis ma complaisance ; écoutez-le. Ajoutez que le SAINT-ESPRIT descendit sur le Sauveur en forme de colombe ; vous lui faites sensiblement trouver la trinité dans une histoire quil noubliera point. Voilà trois personnes quil distinguera toujours par la différence de leurs actions : vous naurez plus quà lui apprendre que toutes ensemble elles ne font quun seul Dieu. » (Ibidem, chap.6, p. 64).
Comme pour Cordemoy encore, Fénelon insiste sur le caractère narratif de lHistoire, ce sont des histoires à raconter, qui rendent sensibles au jeune élève des notions difficiles à comprendre par la seule raison, sauf quelles devraient lêtre par le cur, du moins si lon en croyait Pascal.
Chapitre II
De léducation du prince à celle des sujets ou léducation généralisée des académies de lEtat réformé
Au 17ème siècle léducation reste limitée à un petit nombre de privilégiés, elle ne concerne que très peu le peuple qui na accès quà quelques écoles paroissiales dites de charité où des rudiments de chants religieux et de latin déglise sont enseignés. Ces écoles de charité sont réparties très inégalement sur le territoire du royaume, certaines provinces navaient pas une école pour vingt villages, les ville étant généralement plus favorisées.
Les Petites Ecoles de Port-Royal comme les écoles des Frères de la Doctrine Chrétienne, institution créée en 1684, lannée de la mort de Cordemoy, restent des exemples très minoritaires dune tentative de renouvellement de lenseignement élémentaire.
Lenseignement reste centré sur une conception dun humanisme sclérosé qui ignore tout le corpus des oeuvres scientifiques de lantiquité privilégiant excessivement le latin au détriment du français, ignorant les bouleversements contemporains des révolution galiléennes, cartésiennes, képlériennes ainsi que les auteurs contemporains comme ceux du siècles précédent. Il reste réservé à une élite et consacre des privilèges considérés comme naturels.
Léducation du prince est le modèle de ce que doit être une transmission de savoir nécessaire, elle porte en elle la manifestation dune effectivité, le prince est sensé mettre en actions les contenus de lenseignement reçu.
Celui qui sera le précepteur de Louis XIV, Lamothe Le Vayer, montre que limportance de léducation du prince est liée à la nature de sa personne. Selon lui, si lon corrompt le prince cest le peuple tout entier que lon corrompt. Il compare ceux qui exercent leur mauvaise influence sur ceux qui seront amenés à gouverner les peuples comme rois, à des empoisonneurs de sources, car ce nest pas une seule personne quils perdent mais des millions dindividus. « De-là vient, quainsi que jetant du poison dans une fontaine publique, on se rend bien plus coupable, que si on en versait seulement dans le breuvage de quelques particuliers; ceux aussi qui corrompent les murs naissantes dun jeune Prince, comme une source du bien public, sont bien plus détestables, que si leur maléfice ne sétendait que sur des personne communes. Car cette flatteuse coutume de suivre toujours les inclinations de ceux qui dominent, a été de tout temps si puissante, que quand elles ont été vertueuses, celles de leurs sujets nont guères été portées quau bien. Et lon a observé, quau contraire les habitudes dépravées de quelques Rois ont entièrement perverti le naturel de la multitude. » (Lamothe Le Vayer, Instruction Du Prince, Oeuvres, tome 1, partie 1, 1756, page 4-- 5)
Le roi étant de nature quasi divine, son pouvoir est comparé par Lamothe Le Vayer à celui de Dieu sur sa création. Comme Dieu édicte les lois de la nature, le roi édicte celles du royaume. Comme Dieu nest pas soumis aux lois qui régissent sa création, le roi nest pas lié aux lois qui régissent son royaume. Mais Dieu fait en sorte de ne pas interrompre le cours de lunivers et donc en respecte les lois. Suivant ce modèle divin, le roi serait avisé de ne pas violer le commandement des lois quil a lui-même édictées. Ainsi nétant point soumis à la force coactive des lois, il sefforce cependant den respecter lexercice. « Dieu même, de qui ils tiennent toute lautorité quils exercent ici bas, obéit aux lois de cette raison éternelle qui vient de lui ; et nous ne voyons guères quil contrevienne à celles du monde, qui est louvrage de ses mains. Les plus grands Potentats le doivent imiter en cela, et se dispenser aussi rarement des lois mêmes de leur Etat, que Dieu de celles de la Nature ; nusant des prérogatives de leur Toute-puissance, que comme il fait des miracles, cest-à-dire fort rarement, et en de très importantes occasions. Car il faut tenir pour autant de blasphèmes, les reparties de La Nouë et dAntoine de Leve à leurs Maîtres, quil voulaient porter à faire de mauvaises actions. Celui-là touché du reproche de son Roi, de lui avoir conseillé ce quil neût pas voulu faire, dit brusquement, que quant à lui il avait une âme à sauver. Et le dernier eut la hardiesse de prononcer à Charles-Quint, que si la conscience le retenait de faire quelques actions de peu de justice, il devait au même temps renoncer à lEmpire. » (Idem, p.118).
Proche de Gassendi, dun scepticisme profond concernant les institutions humaines et leur relativité, Lamothe Le Vayer se prononce pour labsolutisme. En même temps on comprend bien que cette comparaison du prince et de Dieu, va dans le sens dune invalidation de larbitraire du pouvoir. De même que ce Dieu raisonnable limite son action pour respecter les lois de la nature quil a édictées, ainsi le monarque repensé par Lamothe Le Vayer limite son pouvoir aux lois de son royaume. Paradoxalement, la comparaison du monarque à Dieu va dans le sens dune limitation et esquisse lidée dune monarchie constitutionnelle. Dieu, lui-même, repensé par les lumières au siècle suivant, deviendra cette représentation dun pouvoir absolu dont leffectivité se limite aux raisons quen donnent les nouvelles sciences.
Léducation du prince prend son sens dans ce cadre, le vaste programme que prévoit Lamothe Le Vayer est une image de la connaissance de Dieu et de lintérêt quil porte à sa création. Le programme de Lamothe Le Vayer est encyclopédique, il parcourt lensemble des connaissances de son temps quand même il dit que le prince ne doit pas être un savant. Il se distingue de Cordemoy par limportance et lampleur des connaissances quil entend transmettre au prince.
On ne trouve pas dans les opuscules de Cordemoy une corrélation aussi forte entre pouvoir royal et pouvoir divin, mais léducation princière joue un rôle important quand bien même elle nest pas explicitement distinguée de léducation des élites, celle dont on voit le programme dans LEtat Réformé. Certes, elle ne doit pas être celle dun savant, et lhistoire doit y occuper une place majeure comme on le voit dans lopuscule De la nécessité de lHistoire, elle est destinée à faire du monarque un homme daction plus que de réflexion, linstrument dune raison dont il suit et exprime les principes plus quil nest lexpression incarnée de celle-ci. Lamothe Le Vayer laisse à Dieu les miracles occasionnelles comme au monarque doutrepasser à loccasion les lois du royaume. Cordemoy semble refuser cette limitation, loccasionalisme dont il est un des penseurs le plus radical, fait de toute cause naturelle un miracle de la volonté particulière de Dieu, nous avons observé, plus haut, quelque unes des marques de loccasionalisme de Cordemoy dans sa pensée politique.
Le pouvoir du monarque nest pas plus grand chez Cordemoy que chez Lamothe Le Vayer, il est sans doute plus centralisé et plus concentré. Nulle trace dans lutopie De la Réformation dun État de ceux qui pourraient être des pairs du royaume, de grands aristocrates gouvernant leurs terres, y jouissant dun pouvoir dexception, y rendant la justice en leur nom. La noblesse semble avoir disparu, elle nest pas même évoquée. Il semble y avoir, dans lEtat Réformé, une sorte duniformité des conditions, la hiérarchie sociale est fondée sur une échelle des responsabilités et non pas sur la naissance. Tous les élèves des Académies de lEtat Réformé semblent avoir un mérite égal et paraissent tous pouvoir, avec le temps, remplir les charges les plus hautes. Léducation reçue et elle seule, autorise suivant compétence et âge, à occuper telle responsabilité. Le roi devient une forme dexception dont on ne peut et ne veut pour linstant pas se passer, comme Dieu lui-même jusquà Laplace au siècle suivant, quoique les libertins du 17ème siècle en aient déjà fait léconomie. Il y a une omniprésence voire une omnipotence qui cache, en fait, une manière dévanouissement. Léducation du prince le soumet bien davantage à une règle commune quelle ne le particularise, elle le conforme à une raison commune dont il vaudra mieux pour lui quil suive les principes.
Loccasionalisme ramène la multitude des causes agissantes dans la nature à la seule volonté de Dieu, il y a donc une centralité de leffectivité du pouvoir dagir dans lunivers physique voulu par Dieu lui-même, comme il y a une centralité du pouvoir royal puisque toute puissance dagir remonte au roi à loccasion des délégations de pouvoir quil accorde à ceux qui le représentent. Le monarque occupe un lieu central vers lequel remonte linéairement tous les points de la périphérie, il occupe ce lieu de puissance mais il ne lest pas, Cordemoy montre dabondance, dans son Histoire de France comme dans ses Maximes tirées de lHistoire, que bien des souverains ont été en défaut de cette puissance dont ils occupent le lieu.
Le prince idéal de lEtat Réformé, dont il dresse succinctement le tableau dans lopuscule de lEtat Réformé, est une forme de modèle étatique, de référence absolue ou de point dorigine à partir duquel lEtat Réformé se gouverne comme de lui-même. A preuve, les ambassadeurs que met en scène Cordemoy, ne mentionnent à aucun moment lactuel monarque qui les gouverne, il nest question que du Prince parfait qui réforma leurs institutions, mais depuis, maintenant strictement la lettre des lois édictées par ce souverain, ils paraissent se gouverner deux-mêmes. Cordemoy bien sûr, mais le propos nest-il pas convenu, saperçoit à son réveil, que ce prince de lEtat Réformé, nétait autre, dans son rêve, que Louis XIV lui-même. Mais lidéalité de lEtat Réformé nest-il pas que ce lieu de la puissance serait occupé par un mort dont on maintient la présence par le respect des institutions dont il est lorigine, comme si la personne royale sétait fondue, infusée, à travers lenseignement, dans les juges, les prêtres, les soldats et les officiers chargés de limpôt, formés dans les académies ?
Cordemoy écrit de ces académies publiques « quil y a toujours sur la principale porte de chacune des Académies, un buste du Prince, qui réforma le pays, et qui le mit par ses sages lois, dans le repos où il a duré depuis. On a voulu par-là perpétuer la mémoire de ce jeune Héros ; et lon a cru que cétait surtout en ce lieu, quil en fallait laisser des monuments. En effet, cest par linstitution des Académies, quil a trouvé le secret de faire de bons citoyens ; et cest la belle éducation quon y donne à tous les enfants, qui nous a si bien accoutumé à toutes les vertus, sans lesquelles on ne saurait aimer, ni conserver le repos de la patrie. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.180, (p.26))
Ainsi le prince originaire sest comme introduit dans tous les rouages de lEtat, comme si au lieu dun absolutisme monarchique on aboutissait à un absolutisme étatique. Il nest plus question denseignement du prince dans De la Réformation dun État, le seul texte des opuscules qui traite explicitement de léducation du prince est De la nécessité de lHistoire, de son usage ; et de la manière, dont il y faut mêler les autres sciences, en la faisant lire à un Prince. Les académies de lEtat Réformé, forment les cadres de lEtat, et lune des premières tâches des élèves qui y sont placés dès lâge de cinq ans, sera dapprendre par cur lensemble du corps des lois qui régissent le dit Etat Réformé. Cette transmission par lapprentissage de lensemble du corpus juridique est une assimilation, une absorption de la personne du roi. Chacun sincorpore une part de la puissance originelle du prince fondateur comme dans un repas totémique, léducation nest-elle pas nourriture ! Et cest encore ce mot de nourriture quemploie très largement Lamothe Le Vayer quand il en veut parler, jusquà restituer dans le parfait fonctionnement de la machine étatique, la personne même du monarque originel.
Statufié à lentrée des Académies, image totémique dune paternité constitutionnelle le roi idéal de lEtat réformé est assimilé, dévoré, ingurgité par les élèves qui apprennent par cur le corps constitué des lois dont le corps royal est lincarnation. Comme le Totem et Tabou de Freud le De la Réformation dun État met en place un mythe de lorigine du politique. Nous avons vu combien nourriture et éducation se recoupaient dans la pensée de Cordemoy, on mange du signe comme on dévore des viandes. Laliment est arbitraire comme le signe puisquil est aussi étranger à la substance de celui qui lingère avant quil ne lassimile, que le signe à lidée de lâme avant quelle ne lidentifie.
LEtat Réformé a atteint un état de perfection, Cordemoy parle de repos de la patrie, léducation des académies publiques permet de maintenir cet état de repos. Dans cet état lexistence du monarque est maintenue par le souvenir, les monuments à sa mémoire, les académies sont vouées à prolonger son uvre, le roi reste présent comme une forme de point à quoi tout remonte : des institutions de la justice comme de larmée, du fisc ou de la religion, mais il paraît navoir plus dexistence réelle, charnelle, un pur lieu central, un barycentre permettant limmobilité dun équilibre en repos.
LEtat Réformé de Cordemoy annonce certaines formes détats modernes, bâti sur un corps dofficiers royaux, une sorte de fonction publique généralisée, instruits et formés dans des académies qui sont linstitution première du royaume puisquelles en assurent la pérennité. Sans doute Cordemoy emprunte-t-il aux modèles utopiques qui lont précédé le caractère systématique de lorganisation du pouvoir, sa transmission par délégation, le contrôle de son exercice, la gestion de lensemble des besoins ainsi que luniformisation des convictions religieuses et, on peut limaginer comme une conséquence, celle aussi des pensées.
Cette exigence de rationalisation de lEtat est manifeste dans la volonté duniformiser limpôt, cette même volonté que lon rencontrera un peu plus tard chez Vauban et Boisguillebert. La nécessité de réformer limpôt renvoie pour les trois auteurs au même constat, la pérennisation dun mode de financement des besoins du royaume trop complexe, occupant trop de personnes, autorisant le détournement de trop de fonds. Pour Cordemoy comme pour les autres il sagit de voir disparaître fermiers généraux et traitants mais à la différence des deux autres, Cordemoy ne généralise pas la dîmes comme Vauban, ou limpôt sur les revenus de la terre comme Boisguillebert mais la capitation, cest-à-dire limpôt par tête, un peu comme celui sur les foyers que préconisait Boisguillebert en même temps que celui sur les revenus de la terre. La capitation pour Cordemoy doit frapper également riches et pauvres, et à hauteur égale, mais les pauvres qui ne peuvent la payer et qui sont sous la puissance de riches qui les emploient, ne la paient pas. En contrepartie ceux qui les emploient lacquittent à leur place, ou ceux sur le diocèse de qui ils vivent, qui leur doivent, en outre, la nourriture : « je crois vous devoir expliquer plus précisément ce que cest que les capitations. Cest ce que paie chaque personne pour les charges, et les nécessités de lEtat. Les moindres personnes paient autant que les plus riches : mais ceux qui en ont dautres sous leur puissance, paient pour eux ; et sil y a des pauvres en un Diocèse, ils sont comptés ; et leurs capitations son rejetées sur les Bénéficiers, qui paient outre cela, la nourriture, et lentretien des Invalides. Que sil y a des pauvres qui puissent travailler, et qui naient pas eu assez dindustrie pour apprendre un métier, les Bénéficiers, ainsi que je lai dit , sont chargés de leur nourriture, et de leur capitation. Mais on emploie ces pauvres, qui peuvent travailler, aux ouvrages publics : ainsi il ny a point de mendiants. Ceux qui ont le plus grand train, paient le plus ; et le revenu des Bénéfices est le mieux employé, quil le puisse être. » (De la Réformation dun État, op. cit., p. 171, [175], (p.23))
La référence à Platon en ouverture de lopuscule De la Réformation dun État, devrait être une indication de la source dinspiration de lauteur - rêveur de lutopie présentée. Nous avons vu, dans un chapitre précédent, que cette référence nest pas vraiment respectueuse de la pensée du philosophe grec, ou, plutôt, quelle mêle platonisme et aristotélisme. Mais limportance accordée à léducation, le fait dôter très jeunes les enfants à leurs familles sont des points communs au texte de La République de Platon et à celui de De la Réformation dun État de Cordemoy. Platon, nous lavons dit, est dailleurs plus radical que Cordemoy qui parle dôter les garçons dès lâge de cinq ans à leurs familles, puisquil préconise une destruction de la famille, les enfants ne doivent pas connaître leurs parents ni ceux-ci leurs enfants, ils sont dès la naissance pris en charge par les gardiens de la cité qui les orientent vers telles ou telle formation suivant les qualités ou les défauts quils leur découvrent. Une telle sélection nexiste dailleurs pas dans lEtat Réformé de Cordemoy, tous semblent posséder les mêmes aptitudes. « Dès que les enfants ont cinq ans accomplis, on les mène au Magistrat, pour les faire présenter au grand Maître de lAcadémie. Il y demeurent nécessairement jusquà vingt ans, si quelques notables incommodités ne les en empêchent ; et ils ne peuvent (comme je pense vous lavoir déjà dit) entrer en aucune charge de lEpée, de la Robe ou des Finances, ni dans aucune fonction Ecclésiastique, quils naient fait ce temps dexercice. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.182, (p.27)).
Lencadrement très strict du commerce, la défiance à légard des hommes dargent est un autre point commun avec Platon, mais plus quà Platon on peut penser à une forme de colbertisme, les activités et la résidence des commerçants sont exclusivement réservées à certains quartiers, on enferme, on délimite, on contrôle, on reste loin du mercantilisme commercial qui se développe à cette époque en Angleterre. Proches des académies se trouvent les paysans, il faudrait plutôt dire des agriculteurs voire des ingénieurs agronomes, tant Cordemoy ne mentionne que leur rôle de transmettre des connaissances concernant plantes et cultures. Les grands absents sont les manufacturiers, la production de biens semble noccuper quune place réduite dans lEtat Réformé contrairement à lEtat colbertiste où elle joue un rôle déterminant, que lon songe aux cités ouvrières construites auprès des manufactures crées par Colbert, comme Villeneuvette dans le département de lHérault en Languedoc. Cordemoy concentre les activités commerciales de la façon que Colbert concentrait les activités de production manufacturière mais il ne mentionne pas ces dernières.
Contrairement aux agronomes, les commerçants nont rien à apprendre aux élèves des académies on limite même les contacts quils pourraient avoir avec la population. « (les Marchands en détail) dans chaque quartier sont tous en un même endroit ; et ceux de même marchandise sont associés : ce qui ne peut faire craindre de monopole, attendu que lon met toujours le taux aux denrées.
Mais afin quen chaque quartier ni les ouvriers, ni les marchands en détail ne se mêlent point trop avec les bourgeois, tous les ouvriers et les marchands en détail dun quartier, sont en des endroits séparés et fermés.
La dernière chose que je voulais vous dire, est quen chaque quartier il y a un, ou plusieurs hospices, pour recevoir les voyageurs, où tout est vendu par un Officier préposé par le Magistrat. On attache un tarif à la porte de lhospice, où le prix de chaque chose est écrit ; et si lOfficier en prend davantage, quil nest taxé, ou sil falsifie le tarif, il est puni de mort. Quant à la maison et aux meubles, ils appartiennent aux bourgeois propriétaires des maisons du quartier, qui sont obligés de bien entretenir lhospice de tous les meubles nécessaires, sans que cela augmente le prix des vivres qui sy débitent : Vous pouvez croire que les bourgeois en sont fort soigneux, parce que cela leur rend à eux-mêmes la commodité de voyager plus grande.
Vous pouvez bien juger aussi, que lon ne souffre pas quaucune personne reçoive les bourgeois, ou les artisans chez soi, pour se faire traiter, pour jouer, ou pour dautres débauches : ces choses sont défendues, à peine de vie. » (De la Réformation dun état, op. cit., p.178 179, (p.26))
Certains marchands semblent être étrangers à lEtat Réformé, ce sont, des voyageurs quil sagit dhéberger dans des lieux consacrés et réservés à cet usage. Quand les ouvriers sont évoqués, cest dans le cadre esquissé dune organisation bien en retard sur le début de concentration du travail quest la manufacture colbertiste. Celle-ci concentrait différents corps de métier en vue de la production quasi industrielle dun bien particulier, ainsi une manufacture construisant des carrosses, faisait travailler ensemble forgerons, menuisiers, ébénistes, doreurs à la feuille etc. Cordemoy ignore une telle concentration du travail. « (
) tous les ouvriers dun quartier, et de même métier, travaillent sous un seul maître, qui les loge, et les nourrit tous avec leurs femmes et leurs enfants. Il les paye suivant leur convention, en sorte que chacun paye sa capitation ; et lorsque le maître vient à mourir, les ouvriers en élisent entre eux le plus capable, en présence du Juge du quartier, et par lavis de tous les autres maîtres des autres quartiers. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.178, (p.26)).
Tout est fait pour que la force de travail reste la propriété de ceux qui produisent, cest entre eux que les ouvriers élisent leur maître, leurs ateliers ne doivent pas pouvoir être rachetés par des bourgeois ignorant tout du métier quils pratiquent. Il sagit dempêcher toute forme de spéculation sur le travail et la production, ce qui explique, sans doute, quil faille éviter les contacts entre bourgeois et ouvriers, cest-à-dire entre la puissance financière et la force de production. Cette défiance à légard de largent, de sa capacité à se reproduire lui-même par lintérêt spéculatif est déjà présente dans luvre dAristote.
Les réflexions de Cordemoy sur ouvriers, marchands et bourgeois se trouvent dans une section de son opuscule De la Réformation dun État qui précède immédiatement celle où il décrit les académies de lEtat Réformé et explique leur programme denseignement, elle sintitule « Disposition de chaque ville ». Cordemoy explique lattribution de bâtiments à chacun des corps institutionnel dont pour chaque ville une « Académie pour la Religion, pour les lois, pour léloquence, pour les sciences, et pour les beaux arts », lénoncé même est programmatique et annonce les matières enseignées au sein de chacune delle. La disposition offre une lecture de la société toute entière, elle est indicative des fonctions remplies par ceux qui occupent chacune des divisions de lespace, elle construit en même temps des frontières qui empêchent une dilution des populations et favorisent une forme de pérennisation des différents états au sein de la société. Il sagit bien de trouver un état de repos dans un idéal atteint et qui se maintient par une dénonciation de tout ce qui pourrait modifier de lintérieur ou de lextérieur les catégories sociales et professionnelles ainsi définies. « Il ny en a point (de villes), dont le territoire ne soit divisé en différents quartiers, quon a fait les plus égaux, quil a été possible. Les uns sont compris dans les murs ; et les autres, pour être hors lenceinte, nen sont pas moins de la ville. Il y a dans chacune un château capable de loger le Capitaine, et les Officiers de la Capitainerie : il y a même en toutes un appartement pour le Gouverneur de la Province, lorsquil fait sa visite.
Il y a aussi un Palais, quon nomme le Palais de la Ville,où loge le Magistrat, avec tout les Officiers de la Magistrature : on y réserve toujours un appartement pour le Président , quand il va par les villes.
Enfin, il y a en chaque ville un hôtel, où loge le Trésorier avec les Officiers de la Trésorerie, et dans lequel on laisse un appartement pour lIntendant, et un autre pour les assemblées des Notables. (
) Je vous ai dit aussi, que chaque ville a un auditoire pour son Magistrat ; et chaque quartier un pour son Juge. » (De la Réformation dun État, op. cit., p.177 178, (p.26)) Chacune des fonctions institutionnelles est ainsi isolée dans un corps de bâtiments ou un quartier dans lequel ceux qui lassument restent confinés pour lexercice de leur charge comme pour la vie quotidienne, ainsi de tous les corps de métiers. Cordemoy ne sattarde pas aux détails, cette disposition est une sorte dintroduction à ce quil veut développer avec plus de précision, à ce qui, certainement lui tient le plus à cur, les académies publiques où sont formés les jeunes gens de lEtat Réformé de lâge de cinq à vingt ans. Les académies sont ce qui donne véritablement sens à cette disposition, lordre de la raison quelle reflète trouve en elles le lieu de sa reproduction, de sa perpétuation. On passe ainsi du contrôle généralisée et de la sanction uniforme : la peine de mort ou peine de vie, la seule évoquée par Cordemoy, à la contrainte éducative. « Je ne vous explique pas en cet endroit mille choses, qui sobservent exactement en chaque quartier, soit pour lhonnêteté, soit pour la sûreté, soit pour lornement des Eglises, des places publiques, des maisons, des rues, et des chemins. Et, quoique ce détail fût capable de vous faire admirer lesprit de notre sage Réformateur, sa prévoyance, et son exactitude ; néanmoins, pour ne vous pas retenir trop longtemps, je crois ne vous devoir plus expliquer en particulier, touchant la disposition de nos ville, que ce qui concerne les Académies publiques. » (De la Réformation dun État, p.180, (p.26)).
Après lontogenèse, la phylogenèse, après lexposé de chacun des grands corps de létat, létude de la façon dont lensemble de ces corps se reproduisent comme espèce, c est la cité toute entière qui est un animal politique un « zôon politikÌn » (¶É¿½ À¿»¹Ä¹ºÌ½). Notons au passage l abolition de toute particularité régionale : dans tout l Etat Réformé le même quadrillage, la même organisation. Les académies seront des machines à fabriquer du même, de lipséité, de même que le lieu de reproduction des élites. La raison étant généralisante, elle exprime les universaux, lEtat Réformé nest pas une expression particulière, un peuple singulier, il est universalité humaine. « (
) cest par linstitution des Académies, quil a trouvé le secret de faire de bons citoyens ; et cest la belle éducation quon y donne à tous les enfants, qui nous a si bien accoutumé à toutes les vertus, sans lesquelles on ne saurait aimer, ni conserver le repos de la patrie » (De la Réformation dun État, op. cit., p.180, (p.26))
Les enfants ne sont distingués que suivant leur âge, et sans doute leur sexe puisquil ne semble pas que les filles puissent être admises dans les académies de lEtat Réformé, quoique Cordemoy ne sexprime pas explicitement à ce propos, mais on peut linduire de plusieurs indices textuels, comme nous lavons vu plus haut. « Mais je dois vous faire remarquer (pour être plus intelligible dans la suite) quon met en différents endroits les enfants, selon la différence de leur âge,
» (Idem, p.181, (p.27)) Léducation dans les académies gomme les identités particulières, tout ce qui distingue, particularise est proscrit : le goût pour lhabillement, les bijoux. Chacun est destiné à devenir une partie du corps de lEtat sans que pourtant il soit jamais question de spécialisation ni de spécialité. « Au reste, on se garde bien, quand on les veut louer davoir bien fait, de leur dire quils sont de beaux garçons, ni de les dégoûter de faire quelque chose, en leur disant quils sont plus laids après lavoir faite. On tient que cette manière de les exciter, ne leur inspire que de la vanité, et que cette fausse gloire ne saurait jamais produire de véritables biens. On ne leur promet point non plus de beaux habits, ni de bijoux ; et souvent on pare de petits singes, dont on se moque, pour leur donner du mépris de ces bagatelles. Enfin, on ne leur propose jamais de prix, ni pour les exercices du corps, ni pour ceux de lesprit, croyant que cela ne peut servir quà les rendre jaloux ou envieux. Et, comme on doit tout faire par raison, et que les premières pensées quon a de chaque chose, demeurant toujours les plus fortes dans lesprit, on tâche de ne leur en donner dans ce bas âge, que de très raisonnables. (
) Cest un chose étrange, que dans tous les autres pays, on ne gouverne les enfants que par leurs passions, comme par le manger,par les beaux habits, par les jouets, ou bien en leur donnant de louanges, en les méprisant,ou en leur promettant des récompenses ; et dans celui-ci, on ne les gouverne que par la raison. » (Ibidem, p.189, (p.30))
La langue, seule, reste particulière, celle enseignée dans les académies est la langue vernaculaire, le français, parlé par tous les élèves. Mais dans son discours dentrée à lAcadémie Française Cordemoy montre bien que le français est lexpression dune raison universelle. Il a atteint sa perfection comme les institutions de lEtat Réformé, cest ainsi que Cordemoy assigne comme tâche aux académiciens de lAcadémie Française de garder le français dans létat dachèvement auquel il est parvenu. « Surtout ce dictionnaire où vous définissez si bien chaque mot, et où vous distinguez si bien les différentes façons de sen servir. Vous faites, Messieurs, en marquant avec tant de soin les mots et les phrases qui sont du bon usage; ce quont fait ceux qui ont rédigé les coutumes de France : depuis quelles lont été par des personnes quon en a estimé capables, et quon a vu autorisées par les Rois, elles nont plus changé. Il en sera de même de ce riche et précieux recueil que vous faites de toutes les façons de parler. On retiendra pour toujours celles que vous aurez approuvées ; on comptera pour faute tout ce qui ne se rapportera pas aux règles, que vous aurez prescrites ; et comme vous les prenez toutes de lusage, il demeurera toujours le maître de la Langue : mais comme vous nautorisez que ce quil a de bon, il cessera den être le tyran, et notre Langue ne sera plus sujette à ses caprices. Oui, Messieurs, ce que vous écrivez présentement, et que notre âge admire, sera bien écrit dans mille ans : ceux qui parleront bien alors parleront comme vous parlez, et il nen sera pas de notre langue comme de celle des Romains. La France nest pas sujette aux maux qui ont exposé lEmpire à tant de changements ; et qui lont fait le partage de tant de conseils quil tient tous les jours pour procurer de nouveaux biens à la France, ou pour assurer ceux dont elle lui est déjà redevable : jamais homme de quelque profession quil puisse être et de quelque manière quil ait été élevé, naura si avantageusement que lui toutes les qualités quil faut pour être Protecteur dune Académie dÉloquence. » (« Discours de réception de Gérauld de Cordemoy » in Gérauld de Cordemoy uvres Philosophiques, Pierre Clair et François Girbal, Presses Universitaires de France, 1968, pp. 59 63, cest nous qui mettons en caractères gras).
Les Académiciens ont donc le même rôle que les gardiens des institutions de lEtat Réformé, maintenir, ne varietur, linstitution de la langue, comme la constitution définie par le jeune prince dont Cordemoy parle au début de son utopie sous forme de rêve.
Les académies de lEtat Réformé étendent, en fait, les préceptes qui doivent présider à lenseignement du prince, à lensemble des individus mâles du royaume suivant le principe que Cordemoy énonce dans lopuscule De la Nécessité de lHistoire : « si lon examine la différence quil y a entre les enfants des artisans, et ceux quon élève avec peu de soin, on connaîtra quelle ne vient que de ce que les uns conversent avec des personnes qui raisonnent plus juste, et sur de meilleurs sujets, que les gens avec qui les autres se trouvent ordinairement. Si bien que, quand on raisonnera de tout avec une Jeune Prince, on rendra sa raison maîtresse de tout, et même de passions les plus ordinaires à la jeunesse. » (De la Nécessité de lHistoire, op. cit., p.154 (p.14)) Et sur ce que léducation est véritablement formatrice de la personnalité sans que lappartenance sociale définisse une différence de nature, on trouve la remarque suivante dans De la Réformation dun État : « Mais, si vous faites un peu de réflexion sur la différence quil y a pour lordinaire entre les enfants de vos Princes, et ceux de vos artisans, vous concevrez aisément, quon nest jamais si susceptible des bonnes, ou des mauvaises impressions, que dans la plus tendre jeunesse, et que sil y a quelque temps, où lon doive parler fort sérieusement avec les enfants, cest dans le premier âge. » (De la Réformation dun État, op. cit, p.188, (p.29)). Dans ce passage Cordemoy semble vouloir dire, sans le formuler expressément, que ce qui distingue le prince de lenfant de lartisan, ce sont les bonnes impressions que le premier a reçu par léducation, alors que le second a pu en recevoir de mauvaises.
« Impressions » est à prendre au sens proprement mécanique du terme, de quelque chose que lon imprime et qui laisse une trace physique dans une matière impressionnable, cest le modèle « impression mémoire » ou « pli réminiscence » que lon rencontre dans luvre de Descartes. La lettre a Arnauld du 29 juillet 1648 porte sur cette question de limpression mnésique. Les impressions de léducation simpriment dans la matière molle du cerveau, ainsi de la mémoire directe qui consiste aussi en de pareilles traces imprimées. Il existe une autre forme de traces pour Descartes, celles que laisse la mémoire immédiate de la réminiscence, Descartes ne recourt plus, alors, au modèle mécanique de limpression mais à celui du pli, la réminiscence prend le pli au sens où lexpérience immédiate marque comme un pli dans une feuille de papier et que celle-ci se pliera toujours plus facilement suivant celui-là ; Descartes en donne pour exemple : une réminiscence de son enfance, « la jeune fille louche » de la lettre à Chanut du 6 juin 1647 : « Car les objets qui touchent nos sens meuvent par lentremise des nerfs quelques parties de notre cerveau, et y font comme certains plis, qui se défont lorsque lobjet cesse dagir ; mais la partie où ils ont été faits demeure par après disposée à être pliée derechef en la même façon par un autre objet qui ressemble en quelque chose au précédent, encore quil ne lui ressemble pas en tout. Par exemple, lorsque jétais enfant, jaimais une fille de mon âge, qui était un peu louche ; au moyen de quoi, limpression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui sy faisait aussi pour émouvoir en moi la passion de lamour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer quà en aimer dautres, pour cela seul quelles avaient ce défaut ; je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela. Au contraire, depuis que jy ai fait réflexion, et que jai reconnu que cétait un défaut, je nen ai plus été ému. » (Descartes, uvres et Lettres, textes présentés par André Bridoux, Bibliothèque de la pléiade, « Lettre à Chanut, La Haye, 6 juin 1647 », p. 1277)
Cordemoy nopère pas une telle distinction quand il parle de bonnes et de mauvaises impressions, léducation imprime directement ses représentations, et ce, dès lenfance. Dans la lette à Arnauld du 29 juillet 1648, Descartes dénie aux enfants davoir des impression conscientes. Cordemoy emprunte, donc, le modèle de limpression mécanique à Descartes mais en le simplifiant et en le déplaçant, sans distinguer une mémoire consciente impliquant lâme, dune réminiscence sans conscience nimpliquant, simple pli dans la matière, que le corps.
La généralisation de léducation, dans lEtat Réformé, suit donc ce modèle simplifié de limpression, et pourquoi pas de limprimerie pourrait-on dire en conséquence lointaine de la généralisation et de la diffusion des connaissances que cette dernière autorisait.
Cordemoy affecte dattribuer lidée dune généralisation de léducation à lensemble des sujets du royaume à celui que le prince de lEtat réformé est sensé décalqué, Louis XIV, il en présente le projet comme non abouti et à venir. Pourtant la formule même quil emploie, détendre léducation à tous ceux qui doivent un jour « soutenir » la France, manifeste à lévidence quun Etat moderne, réformé ne se soutient pas par le sommet mais par la base, telle est sans doute la leçon de son texte utopique, dans tous les cas presque les dernières lignes : « Je pense même quavant cet âge, il (Louis XIV) aura fait daussi grandes choses pour nous, et selon nos manières, que celui dont la mémoire est en si grande bénédiction dans lEtat réformé. Je vois dailleurs, quil fait élever Monseigneur le Dauphin, dune manière à nous faire tout espérer. Vous en pouvez bien présumer par ce que tout le monde publie du cur et de lesprit de Monsieur le Duc de Montausier. Mais, comme dans la bonté particulière, quil a toujours eue pour moi, il ma découvert une grande partie de ses pensées, je vous puis assurer, quil ne laissera point prendre de fausses idées au jeune Prince, dont il lui a confié la conduite. Il a toute la force quil faut pour résister à ce torrent, qui emporte la plupart du monde, et surtout les jeunes Princes, à suivre plutôt une mauvaise coutume, que la raison ; et si quelquun peut trouver de grands moyens pour rendre la France heureuse, par léducation de toutes les personnes qui la doivent soutenir un jour, cest de lui sans doute, quon doit attendre ce secours. » (De la Réformation dun État, op. cit., pp.201-202 (205-206), (p.34), les caractères gras sont de nous)
Jean Meyer dans son livre Léducation des princes du XVe au XIXe siècle semble noter cette évolution du discours pédagogique du traité déducation à propos de ce quil appelle la Hausvaterliteratur, la littérature de père de famille, qui sous couvert de sadresser au prince sadresse en fait à tous ceux susceptibles de recevoir une éducation élevée, nobles, bourgeois fortunés, le propos de Cordemoy restant nettement plus politique puisque la généralisation dun modèle éducatif est au principe de la construction constitutionnelle de lEtat.
Jean Meyer signale dans la position de Louis XIV sur la question de léducation royale une évolution importante : celui qui est amené à régner ne doit plus bénéficier dun enseignement particulier qui le distinguerait de ses frères cadets. Cordemoy poursuit donc une réflexion qui était en cours à son époque, il la conduit bien plus loin puisquil contredit le schéma dorigine platonicienne dun gouvernement élitiste éduqué et raisonnable commandant à une masse ignorante et rétive, en montrant quun Etat moderne ne peut se gouverner sans diffusion de léducation dans tous ceux qui de près ou de loin participent à la décision politique, juridique, économique ou religieuse, cest-à-dire la majorité des sujets. Cette conception élitiste du politique est encore largement celle de Richelieu dans son testament politique, il y souligne les dangers de la multiplication des collèges. Hostiles à tout ce qui peut éveiller lesprit critique il écrit : « Ainsi qu'un corps qui aurait des yeux en toutes ces parties serait monstrueux : de même un état le serait-il si tous les sujets étaient savants ; on y verrait aussi peu d'obéissance que l'orgueil et la présomption y seraient ordinaires... Si les lettres étaient profanées à toutes sortes d'esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup seraient plus propres à s'opposer aux vérités qu'à les défendre. »
Dans lopuscule De la nécessité de lHistoire, le sujet que se propose Cordemoy est encore léducation du Prince qui doit se distinguer de celle du commun par un recours encore plus grand à la raison : « il faut considérer que, sil est utile à chaque particulier dapprendre de bonne heure à se servir de sa raison, il est de lutilité de tout le monde, que ceux qui doivent commander aux autres, sachent mieux que les autres, comment il se faut servir de la raison. » (Op. cit., p.154) Entre « se servir de sa raison » pour les particuliers, et « se servir de la raison » pour ceux qui sont en charge de commandement, il y a toute la distance dune éducation réservée au prince. Dans lopuscule De la Réformation dun État cette distance sabolit puisque dans lEtat Réformé la chaîne du pouvoir est largement partagée entre ceux qui représentent la personne du monarque, et que tous sont passés par les académies où ils ont été instruits suivant les principes de cette raison directrice qui doit commander leurs actions.
Il y a dans la pensée politique de Cordemoy deux moments bien différents, celui de la paternité du pouvoir traditionnellement attribuée à un seul homme, figure de père de son peuple, sur le modèle du chef de famille, le roi, et celui de léducation généralisée dans un Etat utopique où un roi défunt a réformé pour toujours les institutions du pays jusquà leur faire atteindre une forme de perfection que lensemble des sujets est en charge de préserver en suivant lenseignement des académies du Royaume de lEtat réformé.
Conclusion
Nous avons particulièrement insisté dans notre travail sur lhistorien Cordemoy. La part consacrée à lhistoire est majeure dans luvre de notre auteur et cette dernière occupe une place conséquente tant dans sa pensée politique que pédagogique.
Nous avons vu que ce nest pas sa conception de lhistoire qui fait de Cordemoy un penseur original que plutôt la place quil lui accorde dans le système des connaissances. Son refus de lhistoire critique nen fait pas un « moderniste » par contre de mettre lhistoire au fondement des sciences dans une forme de généalogie où, dans lenseignement, elles procéderaient toutes delle est tout à fait singulier.
Il y a une défiance du cartésianisme à lencontre de lhistoire, il est étonnant quun auteur que lhistoire de la philosophie a classé dans les « petits cartésiens » adopte un point de vue aussi radicalement différent de celui du grand philosophe. Il sagit ni plus ni moins de mettre dans le programme denseignement des connaissances lhistoire en lieu et place de la métaphysique. Il semble bien pourtant que ce programme soit celui retenu pour léducation du prince, en effet, concernant les académies de lEtat réformé imaginé par Cordemoy lapprentissage de la langue française dispute la prépondérance à lhistoire. Lhistoire devient donc, dans le propos de lauteur, une science première comme une science princière.
La pensée historienne de Cordemoy sallie étroitement à une conception du politique. Les sociétés humaines se constituent par agrégation et ce qui fait leur force cest leur cohérence ou au contraire leur faiblesse leur manque de cohésion. LHistoire de France quécrit notre auteur paraît significative de ce point de vue. Lidéal politique gaulois manque de ce facteur de cohésion quest le monarque nanti de la toute puissance. Quoique nayant rien à devoir aux « modernes » concernant le sens politique, la société gauloise se délite faute davoir su se constituer en Etat monarchique. Ainsi lhistoire a pour rôle de nous restituer un sens politique, une compréhension de nos propres sociétés.
Dans une telle pensée la morale occupe un champ important. Le récit historique est rempli dévénements et de personnages qui ont valeur dexemple autant à suivre quà rejeter. Un peu comme si, et cest ce que dira Bossuet, lhistoire permettait au prince de sessayer à laction politique, de mesurer les conséquences morales de ses actes sur ses peuples sans avoir à leur faire subir les contrecoups de son impéritie. Une forme de champ de manuvre où les balles seraient à blanc. Le prince apprend dans lhistoire parce quil sessaye en elle et quil y trouve de quoi construire sa propre mesure.
Le récit historique devient loccasion denchaîner de courts préceptes destinés à initier laction de lélève princier en suite de causes et conséquences sur quoi modeler son comportement.
Une figure ressort du travail de Cordemoy sur lhistoire de France, celle de Charlemagne. Il est présenté comme une forme de paradigme du bon roi, il est probable que Louis IX aurait partagé cette exemplarité si lauteur avait pu aller jusquau bout de son projet. Cordemoy sest arrêté au grand carolingien montrant quil avait tout du saint, il rassemble en lui toutes les vertus politiques et religieuses en même temps que la puissance qui lui permet de mener à bien les entreprises guerrières quil conduit pour la gloire de Dieu et de lEglise. Cest donc tout naturellement que nous retrouverons dans les réformes préconisées par le prince de lutopie de lEtat réformé certaines règles et lois que lhistorien Cordemoy attribue à Charlemagne dans son Histoire de France, par exemple lobligation de résider pour les évêques et les prêtres.
La pensée politique de Cordemoy est empreinte de limage du monarque tout puissant. Lidée est commune à bien des théoriciens politiques du temps, elle remonte au moins à Jean Bodin : la puissance politique ne se partage pas, toute limitation, tout partage de pouvoir équivaut à une invalidation de la souveraineté. Mais si le pouvoir doit être absolu cest aussi quil sexprime en une chaîne de devoirs, le caractère absolu de la souveraineté devient paradoxalement une forme de limite. Le prince na de répondant que Dieu mais cest parce que son pouvoir est une somme de devoirs qui visent à réaliser le bonheur des peuples que le monarque gouverne. Il na la souveraineté que pour réaliser ce but du bonheur des peuples.
Lhistoire vient alors comme une sorte de jugement de laction des rois une fois leur règne accompli. Les souverains sont jugés avant leurs sujets, sils nont à rendre compte quà Dieu, leur jugement ne sera par dernier mais premier. Premiers jugés pour servir dexemples et peu seront repêchés. Qui enviera encore la condition royale ? Elle est très peu enviable au dire de La Bruyère.
Lhistoire des peuples ne cesse de croiser lhistoire sainte, « croiser » est sans doute trop faible, elles tendent à coïncider. Etant donné la place axiologique et architectonique occupée par le discours de lhistoire dans luvre de Cordemoy, la question du rapport quentretient lhistoire sainte avec les nouvelles idées et les nouvelles sciences représentées par Descartes doit forcément être posée. Nous avons vu Cordemoy opposer les deux figures de lhistorien Moïse et du philosophe Descartes dans un dialogue où finalement le propos de lun vient décalquer celui de lautre. Etonnante cette présentation dun récit originel qui suit lordre des événements, la Genèse, et dun discours herméneutique qui suit lordre des causes, lévénement impulsant un ordre de causes second par rapport à lui, lévénement transformant la causalité. Ceci expliquant que lordre de lhistorien nest pas celui du philosophe physicien. Faire remonter la causalité physique à un événement qui limpulse est une idée qui nous est proche parce que les cosmologies modernes, celle du big bang surtout, nous y ont habitué. La volonté daccorder la cosmologie cartésienne au récit de la Genèse a fait sourire ses contemporains, on voit pourtant la fertilité de la contradiction qui comme souvent parvient à penser limpensable. Ces amphibologies comme celle par exemple de leucharistie sont au principe de nos modernes sciences. La contrainte théologique ou religieuse devient paradoxalement linstrument dune libération de la pensée parce quil faut bien parvenir à accorder ce qui ne saccorde pas, la rencontre est alors étonnante et les solutions trouvées toujours saisissantes.
La pensée métaphysique de Cordemoy structure toute son uvre, loccasionnalisme est une théorie de la causalité qui sétend à lensemble des domaines quaborde notre auteur. Loccasionnalisme définit une forme de centralité de la cause universelle tout est ramené à la cause première quest Dieu à lorigine de tous les mouvements, déplacements dans lunivers, des astres ou des êtres corps et âmes que sont les hommes, soit que je bouge mon bras ou que je formule mes idées en mots. La centralité du pouvoir politique dans lutopie De la Réformation dun État devient lectype de la centralité de la cause universelle quest Dieu. Le souverain (comme lieu de la souveraineté) investit ou incarne cette centralité, celle aussi de lEtat. LEtat lui-même est pensé comme corps et âme. Nous avons retrouvé dans les mouvements et circulations de ce corps de lEtat ceux du corps individu du Discernement du Corps et de lÂme. Il y a ceux qui résident, occupent le terrain : les organes de lEtat, juges, prélats, et ceux qui, comme les esprits dans le sang et les nerfs, se déplacent, parcourent en tout sens ce grand corps, comme les ambassadeurs et les représentants de la souveraineté centrale.
Le rêve, forme de récit, nest alors que la retranscription dune certaine disposition du corps et de lâme propre à lélaboration dune pensée sans contrainte. Le sommeil précédé par le jeun libère le corps, lève la contrainte de lassimilation de laliment étranger, le cerveau se nourrit de lui-même dans son rapport aux idées de lâme. La joie dont procède cet état explique la liberté des contenus avant quils ne soient soumis au jugement de lentendement, Cordemoy sy consacrera à la fin de son texte faisant du défunt monarque de lEtat Réformé le présent Louis XIV. Si De la Réformation dun État est un rêve, une fiction il est une manière dexpression libre de la raison, une fantaisie ou une folie « folia » comme la musique du temps en produisait, une création qui échappe aux règles consacrées dune forme définie.
La référence platonicienne cache mal le recours implicite au corpus aristotélicien, les conceptions politiques de Cordemoy sont plus proches des Politiques aristotéliciennes que de la République platonicienne. Le bonheur de la Cité, celui de lEtat pour lauteur des opuscules, est la fin du politique pour Aristote comme pour Cordemoy. Cest le langage qui introduit le sujet individuel au politique, autre point commun aux deux auteurs. Ce qui les distingue cest bien sûr la figure du monarque. Pour Aristote lexpression politique la plus achevée est la délibération, lassemblée des citoyens élaborant les lois ; pour Cordemoy lexpression ultime comme première du politique cest le souverain dabord comme personne, puis comme institution. De Platon Cordemoy hérite lidée dune paideia de la citoyenneté, les Académies de lEtat Réformé reprenne partiellement les projets de la République de Platon mais sans la destruction de la famille.
Quant à Descartes Cordemoy sen démarque par lidée même de réforme, pour lauteur du Discours de la méthode vouloir réformer lEtat est proprement une folie de rêveurs ou de fanatiques, comparée à celle de celui qui voudrait bâtir des routes droites, perpendiculaires au sommet en pays de montagne, là où elles doivent être détournées et sinueuses. Faisant de sa Réformation dun Etat un rêve, cest-à-dire une forme de délire, Cordemoy semble daccord avec Descartes mais pour ensuite donner lillusion que le présent monarque : Louis XIV la réalisé. Ainsi le départ de la fiction et de la réalité est laissé dans une indécision et le rêve prend un tour raisonnable suivant le sillon dune saine raison.
En matière de religion les idées de Cordemoy ne sont pas très explicites cest-à-dire quil ne sexprime que peu sur les questions religieuses. Néanmoins et dans son Histoire de France et dans son utopie De la Réformation dun État, il sous-entend le lien étroit qui unit le religieux au politique mais cest un point de vue généralement partagé de son temps. La soumission au souverain se modèle sur celle au divin et sans Dieu il ny a pas dautorité politique possible. Le clergé comme investi du pouvoir de soutenir lautorité des lois doit occuper le terrain tout entier du royaume doù lobligation de résidence sur quoi Cordemoy insiste dans son Histoire de France comme dans De la Réformation dun État.
Cordemoy apparaît en catholique modéré, il condamne le massacre de la saint Barthélemy et soppose à toute idée de conversion forcée. Mort en 1684 il na pas pu se prononcer sur la révocation de lédit de Nantes. Dans son rêve de « la Réformation dun Etat » il se donne comme compagnon de route Valentin Conrart qui na jamais abjuré son protestantisme. Pourtant lunité religieuse lui tient à cur et il imagine pour lEtat réformé une forme de credo obligatoire que toute personne serait obligée de prononcer à lentrée du royaume. Mais cette idée que les sujets doivent partager la religion du prince nest pas plus catholique que protestante ou anglicane, elle est commune à la majorité des représentants des différentes confessions chrétiennes. Par contre la volonté dunifier lensemble des croyances dans une déclaration commune sur un accord a minima est un souci constant de bien des intellectuels contemporains de Cordemoy. La volonté darriver à un credo commun à tous se présente alors, comme une tentative de surmonter les divisions et de retrouver une forme duniversalité de « Catholon ». Ce nest pas loption que suit Cordemoy. Mais réclamer de lautorité religieuse catholique une forme de déclaration de foi qui unisse le croyant et le sujet le soumettant au souverain, cest aller vers une politisation du religieux qui annonce les prestations de serments révolutionnaires.
Cordemoy dans ses opuscules est dabord un pédagogue, léducation est un sujet qui occupe une place majeure dans sa réflexion. Sa conception de lenseignement repose sur une perception de lenfant. Lenfant possède déjà la raison mais en lui tout simprime comme dans une cire molle, son cerveau est mou quand celui de ladulte sest durci conservant les marques imprimées dans lenfance. Cette plasticité du cerveau doit être utilisée au mieux par le pédagogue dans les apprentissages et dabord celui de la langue.
Laliment tient une place conséquente dans lidée que Cordemoy se fait de la machine corporelle humaine et léducation se substitue à des conduites alimentaires. Cordemoy pour lapprentissage de la langue donne lexemple de la linotte. On détache loiseau de sa mère, on le libère du souci de salimenter et il se trouve dans la disposition dapprendre cest-à-dire dimprimer mécaniquement des sons verbaux que sont les mots et de les reproduire. Léducateur écarte la mère pour se substituer à elle, nourrit loiseau daliments solides puis de mots qui vont simprimer dans la matière molle du cerveau quand la satiété alimentaire aura disposé favorablement lanimal par une saine répartition des esprits dans le sang et les nerfs à recevoir lenseignement du maître. Cest ce modèle implicite que suit Cordemoy pour les élèves des académies de lEtat réformé. Séparés de leur famille et particulièrement de leur mère ces derniers sont internes et entièrement pris en charge par linstitution. Ils vont apprendre, être formés pour devenir les rouages indispensables de lEtat réformé. Aucune charge ne peut être occupée par quiconque sil na pas suivi le cursus des Académies sur quinze ans, de cinq ans à vingt ans, charge de magistrats, de financiers publics, de prêtre comme de militaires.
Lenseignement de même que lalimentation consiste en une assimilation, il sagit dabord dassimiler le corpus entier des lois de lEtat réformé, de le connaître par cur. Cest une forme dassimilation du souverain qui autorise le magistrat, le financier public, le prêtre comme le militaire à investir une parcelle du pouvoir de souveraineté par une participation qui ne prive le souverain daucune des parcelles investies par ceux qui participent de sa souveraineté.
Le souverain tend à devenir une entité abstraite de tout individu particulier quand même il est très généralement incarné par la personne physique du monarque, il nest pas loin dun principe intangible. Aussi léducation du prince devient-elle un cas particulier de ce que doit être plus généralement léducation au « souverain » ou de la souveraineté. Cette éducation plus générale est celle délivrée dans les académies de lEtat réformé, elle concerne lensemble des hommes susceptibles dassumer une charge dans celui-ci.
Cordemoy se trouve à cette limite de la pensée politique où labsoluité du pouvoir royale tend à se transformer dans lidée dune totalité de lEtat doù limage platonicienne dorigine, du grand corps constitué de la masse des sujets, celle déjà du Léviathan de Hobbes. Ce qui est absolu cest lEtat comme expression dune totalité, la personne du monarque réformateur de lEtat nest plus quun souvenir sculpté aux portes des Académies, il a littéralement fondu dans les institutions quil a créées et quil infuse.
Quand il exprime que lEtat réformé retrouve les vertus des premiers Chrétiens Cordemoy ne peut ignorer que cette référence à la première communauté chrétienne a toujours été accompagnée dune réflexion sur les hiérarchies sociales. Autour de la table eucharistique y a-t-il encore des rois, des évêques, des puissants ou seulement des frères égaux en Christ ? Réflexion concomitante de celle sur la pauvreté du Christ : sa « robe » partagée par les centurions romains au pied de la croix lui appartenait-elle ? Etait-il possédant ou non possédant ?
Cordemoy ignore toute distinction sociale dans son Etat réformé, il nen mentionne aucune, comme dans une communion au corps christique par assimilation de la chair et du sang, les membres masculin de cet Etat participent au souverain par assimilation des lois qui en constituent la manifestation.
Renvoyer aux vertus des premiers Chrétiens a toujours signifié une condamnation de pratiques sociales contemporaines, lusure, le luxe, lorgueil et la magnificence, le mépris du pauvre, la division des esprits
Les académies de lEtat réformé sont la réponse apportée par Cordemoy à cette grande thématique de la réforme de lEtat et de la société. Léducation collective délivrée dans ces académies fait participer chacun au corps du souverain dans une pratique commune des vertus morales et politiques de la première Eglise.
Postface
Gérauld de Cordemoy, auteur connu en son temps, a été à peu près oublié de nos jours. Une thèse de Joseph Prost de 1907 : Essai sur l'atomisme et l'occasionalisme dans la philosophie cartésienne (Paris : Paulin), présente de façon assez circonstanciée les thèses du philosophe atomiste, penseur de loccasionnalisme. Le linguiste américain Noam Chomsky le mentionne plusieurs fois dans son livre La linguistique cartésienne. Lédition critique des uvres philosophiques par Pierre Clair et François Girbal est parue en 1968. Cordemoy na depuis la dernière publication de son uvre par son fils Louis Gérauld en 1704 suscité la curiosité que de très peu de chercheurs. Mentionnons encore le Cordemoy and Malebranche de G. Boas. En 1973, Jean-François Battail faisait paraître sa thèse de troisième cycle, Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, où il reprend lensemble des travaux philosophiques, linguistiques et politiques de lauteur.
Une deuxième thèse est parue sur un aspect bien particulier de la philosophie de Cordemoy, de Andreas Scheib, Zur Theorie individueller Substanzen bei Gérauld de Cordemoy en 1997, létude porte sur son atomisme.
Enfin, un travail très récent dont nous prenons connaissance de Ablondi, (Fred.), Gerauld de Cordemoy: Atomist, Occasionalist, Cartesian, Milwaukee, Marquette University Press, 2005, portant lui encore sur uvres philosophiques de Cordemoy. Nous mentionnons encore quelques articles dans notre bibliographie
François Xavier Cuche renvoie souvent à Cordemoy en notes, dans sa thèse, Une pensée sociale catholique, Fleury, La Bruyère, Fénelon , Cordemoy participait, en effet du petit concile au même titre que les auteurs étudiés par F.X. Cuche, associé de plus à léducation du Dauphin prince héritier, fils de Louis XIV, en tant que lecteur ordinaire.
Annie Bruter mentionne plusieurs fois Cordemoy dans les chapitres quatre et cinq de son Histoire enseignée au grand siècle, naissance dune pédagogie, aux éditions Belin, collection « Histoire de léducation », 1997.
Depuis 1704 luvre de Cordemoy na connu en France que deux republications partielles. En 1966 la revue du Graphe sous les auspices de Jacques Alain Miller reproduisait en fac-simile de lédition de 1704, Le Discours physique de la parole, et en 1968 Pierre Clair et François Girbal republiait, toujours à partir de lédition de 1704, diverses uvres : Six discours sur la distinction et lunion du corps et de lâme, Le discours physique de la parole, La lettre écrite au R.P. Cossart, deux petits traités de métaphysique et un extrait de De la Réformation dun État. La bibliothèque numérique Gallica, sur le site Internet de la Bibliothèque Nationale de France a mis à disposition les titres suivants : Copie dune lettre écrite à un sçavant religieux de la Compagnie de Jésus [le P. Cossart] pour montrer I, que le système de M. Descartes et son opinion touchant les bestes nont rien de dangereux, II, et que tout ce quil en a écrit semble estre tiré du premier chapitre de la Genèse, 1668.
Discours physique de la parole, 1668.
Divers traitez de métaphysique, dhistoire et de politique par feu M. de Cordemoy,... ; [publié. par son fils L.-G. de Cordemoy], 1691.
Le discernement du corps et de lâme en six discours [Texte imprimé] : pour servir à léclaircissement de la physique..., 1666.
Le Discours physique de la parole, traduit en Anglais, a été plusieurs fois republié en Angleterre et aux États Unis, cest louvrage le moins méconnu de notre auteur.
BIBLIOGRAPHIE
(Nous reprenons la présentation de la bibliographie des uvres de Cordemoy telle que présentée dans Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy (1626-1684) de Jean-François Battail, Martinus Nijhoff, La Haye, 1973)
BIBLIOGRAPHIE DES UVRES DE CORDEMOY
(Quand, dans lensemble de notre travail, nous indiquons un renvoi de page entre crochets, il sagit soit de la pagination de la reproduction numérique en fichier image (pdf) de luvre citée, (la pagination de lédition reproduite figure alors devant celle entre crochets) soit, pour les opuscules de Cordemoy seulement, dune discordance entre la numérotation de lédition en haut de page et la numérotation réelle mise par nous entre crochets.)
SAUF INDICATION CONTRAIRE CORDEMOY EST CITE DAPRES LEDITION DE 1704 (BN R. 4314)
1664
Le Monde de Mr Descartes ou le traité de la lumière et autres principaux objets des sens, avec un discours de laction des corps et un autre des fièvres, composés selon les principes du même auteur, à Paris, chez Jacques Le Gras. Le Discours de laction des corps nest autre que le 2e discours du Discernement.
1666
Le Discernement du corps et de lâme en six discours pour servir à léclaircissement de la physique. Dediez au Roy.
A Paris, chez Florentin Lambert. Avec Privilège du Roy. in-12, XX-230 pages. BN R. 13654.
1668
Discours physique de la parole.
Dédiez au Roy. A Paris, chez Florentin Lambert. Avec Privilège du Roy; in-12, XXX-201 pages. BN X. 5982 et 13659.
A philosophical Discourse concerning Speech, conformable to the Cartesian Principles . Englished out of french.
John Martin. In the Savoy. In-12. Le catalogue du British Museum (référence 1135.b.40) attribue louvrage à Louis-Gérauld de Cordemoy.
Copie dune Lettre écrite à un sçavant Religieux de la Compagnie de Jesus: Pour montrer, I. Que le Systeme de Monsieur Descartes, et son opinion touchant les bestes, nont rien de dangereux. II. Et que tout ce quil en a écrit, semble estre tiré du premier Chapitre de la Genese. In-12, 67 pages, sans nom dauteur. BN Sz 1153 et 31996. Léditeur nest pas mentionné.
1669
2e édition de la Copie dune Lettre écrite à un sçavant Religieux.... A Paris, chez Théodore Girard, in-12, 71 pages. BN R. 13623 et R. 14455. A noter: la disparition de la mention « de la Compagnie de Jesus» dans le titre, et lemploi du pseudonyme Desfournelles.
1670
2e édition du Discernement.. .
A Paris, chez Michel Le Petit et Estienne Michallet. Avec Privilège du Roy; in-12, XXVIII-248 pages.
A Discourse written to a learned friar [i.e. Gabriel Gossart], by M. Des Fourneillis; showing, that the system of M. Des Cartes, and particularly his opinion concerning brutes, does contain nothing dangerous; and that all he hath written of both, seems to have been taken out of the first chapter of Genesis. To which is annexed the System General of the same Cartesian philosophy. By Francis Bayle, etc., pour Moses Pitt. In-8, 139 pages. Référence du British Museum: 8467.a.3. Le catalogue du BM attribue par erreur cette oeuvre à Louis-Gérauld de Cordemoy.
1671
Nouvelle édition du Discernement...
A Paris, chez Michel Le Petit. BN R. 25724. Texte identique à celui de lédition de 1670.
2e édition du Discours physique de la Parole. A Paris, chez Michel Le Petit. Avec Privilege du Roy. In-12, XXX201 pages.
1676
Discours Prononcez A lAcademie Françoise Le XII de Decembre M. DC.LXXV A la reception de Monsieur Rose, Conseiller du Roy en ses Conseils, Secretaire du cabinet de sa Majesté; et à celle de M. de Cordemoy, en la place de M. Conrart, et de M. de Balesdens.
A Paris, chez Pierre Le Petit, Imprimeur et Libraire ordinaire, du Roy, et de lAcademie Françoise. Avec privilege du Roy.
In-12, 48 pages, BN X. 19037.
1677
Nouvelle édition du Discours physique de la parole. A Paris, chez Estienne Michallet. Avec Privilege du Roy. In-12, XXX-200 pages. BN R. 25812.
1679
Nouvelle édition du Discernement... Dédié au Roy.
A Paris, chez Estienne Michallet. BN R. 32384.
Mêmes caractéristiques que led. de 1670.
D. De Cordemoy. Tractatus Physici duo. I. De Corporis et Mentis distinctione. II. De loqueta. Latine versi a Ixxx. C.xxx. Genevae. Apud Joannem Pictetum, in-12, comportant une praefatio auctoris pour chacune des deux parties; première partie: 180 pages; deuxième partie: pp 3 à 119, précédée du titre: Dissertatio physica de Loqueta a DN de Cordemoy. Gallice scripta, Latine vero versa a IxxxCxxx
1683
Nouvelle édition du Discernement... A Lyon, chez Claude Charles Carteron, avec Approbation Permission, in-12, XXII-214 pages. Mêmes caractéristiques que lédition de 1670.
1685
Histoire de France, par M. De Cordemoy, Conseiller du Roy, Lecteur Ordinaire de Monseigneur le Dauphin, de lAcadémie Françoise, Tome l.
A Paris, chez Jean Baptiste Coignard, Imprimeur du Roy. Avec Privilège du Roy. In-folio de VIII-658-XLVIII pages. Cette édition comporte une épître signée De Cordemoy, Abbé de Féniers, une Table des Histoires et des règnes (placée avant le texte , et une Table des matières à la fin. BN Res L. 116.
1689
Histoire de France..., Tome II. Avec Privilège de sa Majesté. In-folio, XXIV-644-XLIV pages. Volume comportant en tête une Préface et une Table des règnes, et à la fin une Table des matières. BN 1. 116 et Res. L. 116.
1689/1690
Dissertations physiques sur le discernement du corps et de lâme: sur la parole, et sur le système de Monsieur Descartes. Par feu M. de Cordemoy, de lAcadémie Françoise, Conseiller du Roy, Lecteur ordinaire de Monseigneur le Dauphin. Dédiées au Roy. Troisième édition. A Paris, chez la veuve de D. Nion.
Tome premier (daté de 1690). Avec Privilège du Roy, in-12, XXII-227 pages. Contient le Discernement ...
Tome second (daté de 1689). Avec Privilège du Roy, in-12, XXI-194 pages. Contient la Parole et la Lettre au P. Cossart. Les deux volumes sont reliés ensemble. BN R. 13657 et R. 13658.
1691
Divers Traitez de Métaphysique, dHistoire, et de Politique. Par feu M. De Cordemoy, Conseiller du Roy. Lecteur ordinaire de Monseigneur le Dauphin, de lAcadémie Françoise. A Paris, chez la veuve de Jean Baptiste Coignard. Imprimeur et Libraire ordinaire du Roy... Avec Privilège de Sa Majesté, in-12, VI292 pages. BN R. 13660.
1704
Les Oeuvres de Feu Monsieur de Cordemoy, Conseiller du Roy, Lecteur ordinaire de Monseigneur le Dauphin, de lAcademie Françoise. Première partie contenant six discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme. Quatrième Edition, revûe et corrigée. Avec Privilège du Roy. In-4, XIV-134 pages. Seconde partie, contenant I. Un Discours physique de la Parole. Une lettre sur la conformité du Systême de M. des Cartes avec la premier chapitre de la Genése. III Deux petits Traitez de Metaphysique. Troisième partie, contenant divers petits Traitez sur lHistoire et la Politique, in-4, XVI-247 pages.
A Paris, chez Christophe Remy. BN R. 4314.
Les divers traités dhistoire et de politique sont:
Observations sur lHistoire dHerodote (pp 121 à 137)
Observations pour lHistoire (pp 138 à 141)
De la Nécessité de lHistoire, de son usage; et de la manière, dont il y faut mêler les autres sciences, en la faisant lire à un Prince (pp 141 à 154)
De la Réformation dun État... (pp 155 à 203)
Du Bonheur dun Etat (pp 204 à 216)
Maximes tirées de lHistoire (pp 217 à 244)
Discours au Roy sur la mort de la Reine (pp 245 à 247).
Rééditions ultérieures
1966
Discours physique de la parole, texte intégral reproduit daprès lédition de 1704. Supplément au numéro 9 des Cahiers pour lanalyse. Bibliothèque du Graphe. Pas dindication de lieu ni de date.
1968
Oeuvres philosophiques, avec une Etude bio-bibliographique, Edition critique par Pierre Clair et François Girbal, sixième volume de la collection «Le mouvement des idées au XVIIe siècle» (dirigée par André Robinet). Paris, 1968 (Presses Universitaires de France).
Ce volume contient le Discernement, la Parole, la Lettre au P. Cossart, les deux petits Traités de métaphysique et la partie pédagogique de De la Réformation dun État.
Depuis 1995 le site Gallica de La Bibliothèque Nationale de France a publié :
- Discours physique de la parole [Document électronique] / par G. de Cordemoy,Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : XXX-201 p. Reproduction : Num. BNF de l'éd. de, Paris : France-Expansion : AUPELF/CNRS, cop. 1972. 2 microfichesArchives de la linguistique française ; 90Reprod. de l'éd. de, Paris : F. Lambert, [1668]
- Le Discernement du corps et de l'âme en six discours pour servir à l'éclaircissement de la physique... / [signé de Cordemoy]. Publication : Paris : F. Lambert, [1666]. Description matérielle : XXII-230 p. ; in-12
- Divers traitez de métaphysique, d'histoire et de politique par feu M. de Cordemoy,... ; [publ. par son fils L.-G. de Cordemoy] Publication : Paris : Vve de J.-B. Coignard, [1691].Description matérielle : VI-292 p. ; in-12
- Copie d'une lettre écrite à un sçavant religieux de la Compagnie de Jésus [le P. Cossart] pour montrer I, que le système de M. Descartes et son opinion touchant les bestes n'ont rien de dangereux, II, et que tout ce qu'il en a écrit semble estre tiré du premier chapitre de la Genèse / [par G. de Cordemoy]. Publication : [S.l.] : [s.n.], [1668]. Description matérielle : 67 p. ; in-12
OUVRAGES ECRITS AVANT 1600
Aristote, Ethique à Nicomaque, édition Vrin, Les Politiques, édition Garnier-Flammarion, Paris, 1990.
Augustin (Saint), La Cité de Dieu, UVRES, II), trad. du latin par Jean-Yves Boriaud, Jean-Louis Dumas, Lucien Jerphagnon et Catherine Salles. Édition publiée sous la direction de Lucien Jerphagnon avec la collaboration de Sophie Astic, Jean-Yves Boriaud, Jean-Louis Dumas, Catherine Salles et Henri-Pierre Tardif de Lagneau, Paris, Collection Bibliothèque de la Pléiade (No 468), Gallimard, 2000.
Averroès, (Abú al-Walìd ibn Ruchd), Philosophie und Theologie aus dem Arabischen uebersetzt von Marcus Joseph Müller, München, G. Franz, 122 p. ; in-4, [Philosophie et théologie par Averroès, traduit de l'arabe par Marcus Joseph Muller] (Gallica)
Bèze, (Théodore de), Du Droit des magistrats sur leurs subjets [Document électronique] : Traité très nécessaire en ce temps, pour advertir de leur devoir, tant les magistrats que les subjets, type de ressource électronique : Données textuelles, publication : 1995, description matérielle : 126 p., reproduction : Num. BNF de léd. de [S.l.] : [s.n.], [1575], (Gallica)
Bodin (Jean), Les six Livres de la République,... [Document électronique], Type de ressource électronique : Données textuelles, Publication : 1995, Description matérielle : 759 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (French books before 1601 ; 283.2). 1 microfilmReprod. de léd. de, à Lyon : de limpr. de Jean de Tournes, [1579]. (Gallica)
- Discours de Jean Bodin, sur le rehaussement et diminution des monnoyes, tant dor que dargent et le moyen dy remédier [Texte imprimé] ; et responce aux paradoxes de monsieur de Malestroict plus un recueil des principaux advis donnez en lassemblée de Sainct-Germain-des-Prez, au mois daoust dernier avec les paradoxes sur le faict des monnoyes / par François Garrault,... Publication : Paris : J. Du Puys, [1578]. Description matérielle : Sig. a-y4 ; in-8Note(s) : Les « Paradoxes » du Sr de Malestroict sont joints au « Discours » de Jean Bodin. (Gallica)
Castiglione (Baldassar), Le Livre du Courtisan, Titre(s) : Le parfait Courtisan du comte Baltasar Castillonois [Texte imprimé] / es deux langues respondans par deux colomnes, lune à lautre... de la traduction de Gabriel Chapuis,... Publication : Paris : par N. Bonfons, [1585]. Description matérielle : 658 p. ; in-8. Autre(s) auteur(s) : Chappuys, Gabriel (1546?-1613?). Traducteur [Document électronique] (Gallica).
Cicéron, De Natura Deorum, adresse site : HYPERLINK "http://www.uah.edu/student_life/organizations/SAL/claslattexts/cicero/denatdeorum11.html" http://www.uah.edu/student_life/organizations/SAL/claslattexts/cicero/denatdeorum11.html
- De Oratore, Classiques Garnier, texte établi, traduit et annoté par François Richard, Paris, 1932.
Érasme (Didier), Éloge de la folie, [1509], [Texte imprimé] / Érasme ; trad. nouv. par G. Lejeal. Publication : Paris : bureaux de la Bibliothèque nationale, 1899. Description matérielle : 148 -[10]p. ; in-16. Autre(s) auteur(s) : Lejeal, Gustave. Traducteur. [Document électronique] (Gallica)
- Enchiridion militis Christiani, [Chez Thierry Martens, en 1503, Anvers] Traduction française par A.J. Festugière, Paris, Vrin, 1971.
- Codicille dor ou petit recueil tiré de linstitution du Prince Chrestien composée par Erasme, [Texte imprimé] [1516] ; avec dautres pièces / composée par Érasme ; mis premièrement en françois sous le roi François I, et à présent pour la seconde fois [par Claude Joly] Publication : [S.l.] : [s.n.], 1665. Description matérielle : 189 p. ; in-12. Autre(s) auteur(s) : Joly, Claude (1607-1700). Traducteur. Titre alternatif : Petit recueil tiré de lInstitution du prince chrestien. [Document électronique] (Gallica)
- La Civilité morale des enfans [Texte imprimé] / composée en latin par Érasme ; trad. en français par Claude Hardy,..., publication : Paris : J. Sara, 1613, description matérielle : [9]-87 p. ; in-8, note(s) : texte en français, trad. du latin en regardAutre(s) auteur(s) : Hardy, Claude (1604-1678) traducteur, sur Gallica [Document électronique].
- De Pueris statim ac liberaliter instituendis, D. Erasmi,... libellus et novus et elegans, in studiosorum gratiam separatim editus Publication : Argentorati : apud C. Egenolphum, [1529], sur Gallica [Document électronique].
Hotman, (François) (1524-1590), La Gaule francoise [Texte imprimé] / de François Hotoman,..., nouvellement trad. de latin en françois [par S. Goulart] Edition :Éd. Première, publication : A Cologne : par Hierome Bertulphe, [1574], description matérielle : XV-216 p. ; in-8Autre(s) auteur(s) : Goulart, Simon (1543-1628). Traducteur. (Gallica)
Machiavel (Nicolas), Le Prince,[1513], édition Folio, Paris, 1980..
Montaigne (Michel Eyquem de), Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1967.
Edition numérique de LEncyclopédie de la Littérature française, édition Bibliopolis, 1999.
More (Thomas), La Description de lisle Utopie, où est comprins le miroer des républicques du monde, [Utopia, 1516], [Document électronique] / par Thomas Moraus ; avec lépistre liminaire composée par M. Budé ; trad. par Jean Leblond. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 242 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : C. lAngelier, 1550. in-8) Autre(s) auteur(s) : Leblond, Jean Traducteur ; Budé, Guillaume (1468-1540) Préfacier (Gallica)
Platon, La République, uvres complètes, édition La Pléiade, Paris, 1950.
OUVRAGES ECRITS APRES 1600 ET AVANT 1800
Amelot De La Houssaye (Nicolas), Tibère. Discours politique sur Tacite..., Amsterdam, 1683.
- Abrégé du procès fait aux Juifs de Mets [Texte imprimé] : avec trois arrests du Parlement qui les déclarent convaincus de plusieurs crimes, et particulièrement Raphaël Levi... /, Paris : impr. de F. Léonard, 1670, 96 p. ; in-12. Autre(s) titre(s) conventionnel(s) : [Factum. Metz. 1670] (Gallica)
Arnauld (Antoine), Réflexions philosophiques et théologiques sur le nouveau système de la nature et de la grâce, Cologne, 1685 - 1686.
- Quatre Lettres de Monsieur Arnauld au père Malebranche, de lan 1694, sur deux de ses plus insoutenables opinions, Liège, 1699.
- Oeuvres philosophiques dArnauld, comprenant les objections contre les méditations de Descartes, la logique de Port-Royal, le traité des vraies et fausses idées, publiées avec des notes et une introduction par C. Jourdain, Paris, L.Hachette : Ladrange, 1843.
Arnauld et Nicole, La Logique ou lart de penser, [Paris : chez C. Savreux, 1662], Editions Champs Flammarion, Paris, 1970.
Arnauld et Lancelot, Grammaire générale et raisonnée,[ Paris : chez Pierre le Petit, 1660], Republication Paulet, introduction de M. Foucault, Paris, 1969.
Baillet (Adrien), Jugement des savants sur les principaux ouvrages des auteurs, Paris, 1685 - 1686, neuf volumes.
Balzac (Jean-Louis Guez de), Le Prince, [Document électronique] : Lettre I-II à Monseigneur le cardinal de Richelieu / [par Jean-Louis Guez de Balzac] Type de ressource électronique : Données textuelles (317 Ko). Publication : 1997. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q738Reprod. de léd. de, Paris : T. Du Bray : P.-R. Rocolet : C. Sonnius, [1631] (Gallica)
- Aristippe ou de la cour, Paris, 1658 (posthume). (Oeuvres complètes français). [1665] Titre(s) : [Document électronique] / par Monsieur de Balzac ; [publ. par Valentin Conrart] Titre densemble : Les oeuvres de Monsieur de Balzac ; 2, 1Lien au titre densemble : Les oeuvres de Monsieur de Balzac, Type de ressource électronique : Données textuelles (197 Ko) Publication : 1997, Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q932Reprod. de léd. de, Paris : T. Jolly, 1665) (Gallica)
- Socrate chrestien [Document électronique], Oeuvres de Monsieur de Balzac, type de ressource électronique : Données textuelles (182 Ko), publication : 1997, note(s) : reproduction : Num. BNF de léd. de Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q933Reprod. de léd. de Paris : T. Jolly, [1665], (Gallica)
- Dissertations politiques [Document électronique] / [Lien au titre densemble : Oeuvres de Monsieur de Balzac, Type de ressource électronique : Données textuelles (248 Ko), Publication : 1997, Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q935 Reprod. de léd. de, Paris : T. Jolly, [1665]. (Gallica)
Bayle (Pierre), Pensées diverses à un docteur de Sorbonne, à loccasion de la comète qui parut au mois de décembre 1680, Rotterdam, 1683, 2 volumes.
- Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ Contrain-les dentrer, ou Traité de la tolérance universelle [Document électronique] / [par Pierre Bayle] Titre densemble : Oeuvres diverses / [par Pierre Bayle] ; 2, Lien au titre densemble : Oeuvres diverses / [par Pierre Bayle], Type de ressource électronique : Données textuelles (709 Ko), Publication : 1997, Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q527-Q528Reprod. de léd. de La Haye : P. Husson, [1727], Autre(s) forme(s) du titre : Traité de la tolérance universelle) (Gallica)
- Dictionnaire historique et critique, [1697], [Microforme] / de Pierre Bayle... ; éd. augm. de notes extraites de Chaufepié, Joly, La Monnoie, Leduchat, L.-J. Leclerc, Prosper Marchand, etc... Edition : [Reprod.], Publication : Paris : AUPELF : France-expansion, 1973, Description matérielle : 99 microfiches de 98 images ; 105x148 mm, Collection : Archives de la linguistique française ; 30, Lien à la collection, Archives de la linguistique française. Comprend : T. I, Aaron-Amphitryon : T. II, Anabaptistes-Azote ; T. III, Babelot-Borstel : T. IV, Bosc-Caussin ; T. V, Céa-Doriéus ; T. VI, Drabicius-Furius ; T. VII, Gabriel-Hemmingius ; T. VIII, Hénault-Kuhlman ; T. IX, Labé-Luxembourg ; T. X, Maccius-Multius ; T. XI, Nannius-Pézélius ; T. XII, Phaon-Rutilie ; T. XIII, Sabellicus-Sutlivius ; T. XIV, Tabor-Xylander ; T. XV, Zabarella-Zuérius ; T. XVI, Préfaces des éditions précédentes, vie de Bayle et table des matière, Reproduction : Reprod. de léd. de, Paris : Desoer, [1820-1824]. 16 vol.) Sujet(s) :Biographies - Dictionnaires - Ouvrages avant 1800 (Gallica)
- Ce quest la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand, édition E.Labrousse, H. Himelfarb, R. Zuber, Paris, 1973.
Boisguilbert (Pierre Le Pesant de), Le Détail de la France, Traité des grains, le Factum de la France, dissertation sur la nature des richesses, de largent et des tribus, [1695], ces quatre ouvrages in E.Daire, Économistes Financiers du XVIIe siècle, Paris, 1843, réimpression, Osnabruck, 1966 [Document électronique] (Gallica)
Bossuet (Jacques Bénigne), Discours sur lhistoire universelle à Monseigneur le Dauphin [Document électronique] : pour expliquer la suite de la religion et les changemens des empires / par messire Jacques-Bénigne Bossuet,... Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 561 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (French books 1601-1700 ; 53.3). 1 microfilmReprod. de léd. de, Paris : S. Mabre-Cramoisy, [1681] (Gallica)
- Politique tirée de lEcriture sainte à Mgr le dauphin [Texte imprimé] / [Document électronique] ouvrage posthume de messire Jacques-Bénigne Bossuet,... ; [publ. par labbé J.-B. Bossuet]. Publication : Paris : P. Cot, [1709]. Description matérielle : [XXXIV]-48-[38]-614 p.-[1] f. de front ; in-4. Note(s) : Contient : « De institutione Ludovici delphini, Ludovici XIV filii ad innocentium XI pontificem maximun », suivi de la trad. française « De linstruction de Monseigneur le dauphin au pape innocent XI » ; « Table des livres articles et propositions de la politique tirée des propres paroles de lécriture sainte ». Autre(s) forme(s) du titre : - : De institutione Ludovici delphini, Ludovici XIV filii ad innocentium XI pontificem maximun. Sujet(s) : Monarchie absolue - Ouvrages avant 1800. Morale politique - Ouvrages avant 1800. Éducation des princes - Ouvrages avant 1800 (Gallica)
- Traité de la concupiscence, Paris, 1731.
Campanella (Thomas), La Cité du Soleil, [1623], traduction A. Zevaès, nouvelle édition, Paris, 1981.
Clerselier (Claude), « Préface du Traité de lhomme » de Descartes : Descartes, René auteur du texte. Titre : Lhomme de René Descartes, et La formation du foetus [Texte imprimé] / avec les remarques de Louis de La Forge. ou Traité de la lumière du mesme autheur / [publ. par Clerselier et suivi de la trad. de la préface de Schuyl], 2e éd. rev. et corr., Paris : F. Girard, [1677], 520 p. ; in-4, Autres auteurs : La Forge, Louis de (1632-1666). Annotateur, Clerselier, Claude (1614-....). [Document électronique] (Gallica)
Corneille (Pierre), Théâtre complet [Document électronique]. Tome premier, texte établi par Georges Couton, Oeuvres critiques, Document fourni par la société Bibliopolis : HYPERLINK "http://www.bibliopolis.fr/"http://www.bibliopolis.fr , 1999
Courtilz de Sandras (Gatien), Auteur présumé du texte : LAlcoran de Louis XIV, ou Le testement [« sic »] politique du cardinal Jules Mazarin, traduit de litalien [Texte imprimé] Publication : Roma : A. Maurino, [1695]. Description matérielle : 224 p. ; in-8. Note(s) : Attribué à Sandras de Courtilz, ou à un protestant réfugié (Bourgeois et André, 3043). - Nest pas la traduction dun pamphlet italien. Titre alternatif : Le testement [« sic »] politique du cardinal Jules Mazarin, traduit de litalien
Coustel (Pierre), Les Règles de léducation des enfants pour leur inspirer les sentiments dune solide piété et pour leur apprendre parfaitement les belles lettres, Paris, 1687.
Cyrano de Bergerac, uvres complètes, texte établi et présenté par Jacques Prévot, Librairie Belin, Paris, 1977.
Descartes (René), uvres, Lettres, Editions Bibliothèque de la Pleïade, Paris, 1953.
Faret (Nicolas), LHonneste Homme, ou lArt de plaire à la court, [Texte imprimé]par le sieur Faret. Publication : Paris : T. Du Bray, 1630. Description matérielle : 268 p. ; in-4. Titre alternatif : Lart de plaire à la court. [Document électronique] (Gallica)
Fénelon, Les Aventures de Télémaque, [Paris : F. Delaulne, 1717], édition de J.L. Goré, Classiques Garnier, Paris, 1994.
- Dialogues des morts [Document électronique] : composés pour léducation dun prince [1712], type de ressource électronique : Données textuelles (452 Ko), publication : 1997Note(s) :Reproduction : Num. BNF de léd. de Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q367Reprod. de léd. de Paris : P. Didot et J. Didot, 1819 (Collection des meilleurs ouvrages de la langue française ; 16), (Gallica).
- Traité de léducation des filles [1687], [Document électronique] ; publié avec une introd. et des notes par Paul Rousselot, type de ressource électronique : Données textuelles (204 Ko), publication : 1997, note(s) : reproduction : Num. BNF de léd. de Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q369Reprod. de léd. de Paris : Ch. Delagrave, 1883, autre(s) auteur(s) : Rousselot, Paul (1833-1914). Éditeur scientifique, (Gallica).
- Direction pour la conscience dun roi ou Examen de conscience sur les devoirs de la royauté [1734]/[1747], [Document électronique], type de ressource électronique : Données textuelles (67 Ko), publication : 1997 Note(s) : reproduction : Num. BNF de léd. de Paris : INALF, 1961 - (Frantext ; Q664Reprod. de léd. de Neuchatel : Ides et Calendes, 1961, Examen de conscience sur les devoirs de la royauté, (Gallica).
- Lettre à lAcadémie française sur la grammaire, la rhétorique, la poétique et lhistoire par Fénelon [Document électronique] suivie du Mémoire sur les occupations de lAcadémie, du discours de réception et de la correspondance entre Lamotte et Fénelon sur les anciens / nouv. éd. classique accompagnée de notes philosophiques, littéraires et historiques par M. A. Mazure, Paris, éd. E. Belin, 1879, 143 p ; in-12, disponible sur Gallica.
- Lettre à Louis XIV, précédé de un prophète à la cour / Fénelon, accompagné de notes par François-Xavier Cuche, Rezé : Séquences, 1994
Fleury, (Claude), Murs des Israélites et des Chrétiens, [Paris, 1681 1682], nouvelle édition, à Paris, chez les Libraires Associés, 1810.
Traité du choix et de la méthode des études, introduction de Bernard Jolibert, coll. Education et Philosophie, éd. LHarmattan, Paris 1998.
Fontenelle (Bernard Le Bovier de), Oeuvres, Paris, 1761, 11 volumes.
Fortin de la Hoguette (Philippe dit Pierre), Catéchisme royal, Paris, 1645.
- Testament ou conseils fidèles dun bon père à ses enfants, où sont contenues plusieurs raisonnements chrétiens, moraux et politiques, Paris, 1649 (troisième édition)
- Les Éléments de la politique selon les principes de la nature, Paris, 1663.
Godeau (Antoine), LInstitution du prince chrétien, Paris, 1644
Gourville (Jean Héraut, sieur de), Mémoires de M. Gourville, conseiller dÉtat, concernant les affaires auxquels il a été employé par la cour depuis 1642 jusquen 1698, édition dAmsterdam et Paris, 1782, 2 volumes.
Mémoires de François de Paule de Clermont,... [Ressource électronique] : contenant lhistoire de la guerre entre la France et la maison dAutriche durant ladministration du cardinal de Richelieu et du cardinal Mazarin, sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, depuis la déclaration de la guerre en 1635, jusques à la paix des Pyrénées en 1660. Mémoires de La Rochefoucauld. Mémoires de Jean Hérault de Gourville,... / [publ.] par MM. Michaud,... et Poujoulat. Titre densemble : Nouvelle collection des mémoires pour servir à lhistoire de France ; 3, 5. Lien au titre densemble : Nouvelle collection des mémoires pour servir à lhistoire de France. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 593 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : Ed. du commentaire analytique du Code civil, 1838. 24 cm). Autre(s) auteur(s) : Michaud, Joseph-François (1767-1839). Éditeur scientifique. Poujoulat, Jean-Joseph-François. Éditeur scientifique. Sujet(s) : La Rochefoucauld, François de (1613-1680 ) Biographies : Gourville, Jean Hérault de (1625-1703) Biographies : Montglat, François-de-Paule de Clermont (16..?-1675 ; marquis de ) Biographies. France - 1610-1643 (Louis XIII ). France -- 1643-1715 (Louis XIV ) (Gallica)
Gracian (Balthazar) LHomme de Cour, traduction Amelot de la Houssaye, [Document électronique] / Baltasar Gracian ; trad. de lespagnol par Amelot de la Houssaie. Traduction de : Oraculo manual y arte de prudencia. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 192 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : G. Lebovici, 1990. 22 cm. ISBN 2-85184-114-9Reprod. de léd. de, Paris : Veuve Martin et J. Boudot, [1684]. Autre(s) auteur(s) : Amelot de La Houssaye, Abraham-Nicolas (1634?-1706). Traducteur. Sujet(s) : Savoir-vivre - Espagne - 17e siècle - Guides, manuels, etc. (Gallica)
Grotius, Traité du magistrat politique sur les choses sacrées, [1632], [Texte imprimé], traduit du latin de Grotius [par C. A. Lescalopier de Nourar]. Publication : Londres : [s.n.], 1751. Description matérielle : VI-519 p. ; in-12. Note(s) : Rogge, 137. Autre(s) auteur(s) : LEscalopier de Nourar, Charles-Armand (1709-1779). Traducteur [Document électronique] (Gallica)
Hobbes (Thomas), Léviathan. Traité de la nature, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile, [1660], [Document électronique]. Tome premier, De lhomme / Thomas Hobbes ; trad. française... par R. Anthony. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : XLI-286 p. : ill. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : M. Giard, 1921. Autre(s) auteur(s) : Anthony, Raoul (1874-1941). Traducteur. (Gallica)
- Le Citoyen ou les fondements de la politique, traduction S. Sorbière, édition S. Goyard - Fabre, réédition, Paris, 1982.
Huet (Pierre-Daniel), Traité de lorigine des romans [Document électronique] : suivi dobservations et de jugemens sur les romans français... / par Huet,... Type de ressource électronique : Données textuelles, Publication : 1995,Description matérielle : VIII-191 p., Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : N.-L.-M. Desessarts, an VII-[1798-1799] (Gallica)
Jurieu (Pierre), La Politique du clergé de France, ou entretiens curieux de deux catholiques romains, lun parisien & lautre provincial, sur les moyens dont on se sert aujourdhuy, pour destruire la religion protestante dans ce royaume [Ressource électronique Gallica] Type de ressource électronique : Données textuelles Publication : 1995, 252 p., Num. BNF de léd. de, [S.l.] : [s.n.], [1681].
- Examen du livre de la réunion du christianisme ou traité de la tolérance en matière de religion... [Texte imprimé], Publication : [S.l.] : [s.n.], [1672], Description matérielle : 424 p., Note(s) : Par Pierre Jurieu selon Paul Hazard dans « La crise de la conscience européenne » t. II, 1935, Titre alternatif : Traité de la tolérance en matière de religion. (Gallica)
- Auteur présumé du texte, Le Vassor (Michel), Auteur présumé du texte, Les soupirs de la France esclave qui aspire après la liberté [Document électronique], Type de ressource électronique : Données textuelles, Publication : 1995, Description matérielle : 238 p., Reproduction : Num. BNF de léd. de, [Amsterdam] : [s.n.], [1689] (Gallica)
La Forge (Louis de), Traitté de lesprit de lhomme, de ses facultez et fonctions, et de son union avec le corps, suivant les principes de René Descartes [Document électronique], type de ressource électronique : Données textuelle, publication : 1995, description matérielle : 462 p., note(s) : reproduction : Num. BNF de léd. de Cambridge (Mass.): Omnisys, [ca 1990] (French books 1601-1700; 35.7). 1 microfilmReprod. de léd. de Amsterdam : chez Abraham Wolfgang, [1666], Sujet(s) : Médecine - Ouvrages avant 1800, (Gallica)
La Hontan (Louis - Armand de Lom dArce, baron de), Dialogues de M. le baron de Lahontan et dun sauvage, dans lAmérique [Texte imprimé] : contenant une description exacte des moeurs et des coutumes de ces peuples sauvages ; Avec les voyages du même en Portugal et en Danemarc... Publication : Amsterdam :Vve de Boeteman, [1704]. Description matérielle : 222 p. : pl., cartes ; in-12. Note(s) : Par Nic. Gueudeville, daprès Barbier. Autre(s) auteur(s) : Gueudeville, Nicolas (1652-1721?). Auteur du texte [Document électronique] (Gallica)
- Nouveaux voyages de M. le baron de La Hontan dans lAmérique septentrionale [Texte imprimé]. Publication : La Haye : les frères LHonoré, [1703]. Description matérielle : 2 vol. : pl., cartes ; in-12. Comprend : T. I. Mémoires de lAmérique septentrionale, ou La suite de voyages de M. le Bon de Lahontan ; T. II. [publ. et en partie rédigé par Nicolas Gueudeville]. Autre(s) auteur(s) : Gueudeville, Nicolas (1652-1721?). Éditeur scientifique. Auteur du texte [Document électronique] (Gallica)
La Mothe Le Vayer, (François), uvres, type de ressource électronique : données textuelles, publication : 1995, description matérielle : 60-382 p, reproduction : Num. BNF de léd. de [Paris] : AUPELF : France-Expansion, cop. 1973. 4 microfiches Archives de la linguistique française ; 210-1Reprod. de léd. de Dresde : Michel Groell, [1756], [Document électronique] (Gallica)
Lamy (Bernard), Nouvelles Réflexions sur lart poétique, [Document électronique] : dans lesquelles en expliquant quelles sont les causes du plaisir que donne la poësie, & amp; quels sont les fondemens de toutes les regles de cet art, on fait connoître en même tems le danger quil y a dans la lecture des poëtes / [par Lamy]. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [14]-245 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, [Paris] : AUPELF : France-Expansion, cop. 1973. 3 microfichesArchives de la linguistique française ; 211Reprod. de léd. de, Paris : chez André Pralard, [1668] (Gallica)
- La Rhétorique ou lart de parler, [Document électronique] / par le R. P. Bernard Lamy. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : XXIV-380 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : A. Pralard, [1688] (Gallica)
- LArt de parler [Document électronique] ; avec un Discours dans lequel on donne une idée de lart de persuader / Bernard Lamy. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [18]-292 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : chez A. Pralard, [1678]. Autre(s) forme(s) du titre : De lart de parler (Gallica)
- Entretiens sur les sciences, dans lesquels, outre la méthode détudier, on apprend comment lon doit se servir des sciences pour se faire lesprit juste et le cur droit et pour se rendre utile à lEglise, Paris, 1683, réédition de 1684 à Bruxelles
Le Laboureur (Louis), Les Avantages de la langue française sur la langue latine, Paris, 1667.
Le Maître De Claville (Charles - François - Nicolas), Traité du vrai mérite de lhomme, considéré dans tous les âges et dans toutes les conditions, avec des principes propres à former des jeunes gens à la vertu, [Document électronique]. Type de ressource électronique : Données textuelles (595 Ko). Publication : 1997. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q553-Q554Reprod. de léd. de, Paris : Saugrain, [1736]. in-12). Sujet(s) : Mérite -- Ouvrages avant 1800 (Gallica)
Louis XIV, Mémoires, édition J. Longnon, nouvelles éditions, Paris, 1978.
Loyseau (Charles), Traité des Seigneuries, in les oeuvres de M. Charles Loyseau, contenant les cinq livres du droit des offices, les traités des seigneuries, des ordres et simples dignités, du déguerpissement et délassement par hypothèques, de la garantie des rentes et des abus des justices de village, Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 398 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : A. LAngelier, [1608]. in-4) (Gallica)
Mabillon (Jean), Traité des études monastiques... [Document électronique] / Type de ressource électronique : Données textuelles (647 Ko) Publication : 1997 Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q657-Q658Reprod. de léd. de, Farnborough : Gregg press, 1967, [1691] (Gallica).
- Ouvrages posthumes [Texte imprimé] / de D. Jean Mabillon et de D. Thierri Ruinart,... ; [publ.] par D. Vincent Thuillier,... Publication : A Paris : chez François Babuty, [1724], Description matérielle : 3 vol. ; in-4, Autre auteur : Ruinart, Thierry (1657-1709). Auteur du texte : Thuillier, Vincent (1684?-1736). Éditeur scientifique, (Gallica).
Maintenon (Françoise dAubigné, marquise de), Correspondance générale de madame de Maintenon [Texte imprimé] / publ. pour la première fois sur les autographes... par Théophile Lavallée. précédée dune étude sur les lettres de Mme de Maintenon / publiées par La Beaumelle... Publication : Paris : Charpentier, 1865-1866. Description matérielle : 5 vol. ; in-16. Autre(s) auteur(s) : Lavallée, Théophile (1804-1865). Éditeur scientifique. La Beaumelle, Laurent Angliviel de (1727-1773). Éditeur scientifique [Document électronique] (Gallica)
- Recueil des instructions que Mme de Maintenon a données aux demoiselles de Saint-Cyr, Paris, 1908.
Malebranche, De la Recherche de la vérité où lon traite de la nature de lesprit de lhomme, & de lusage quil en doit faire pour éviter lerreur dans les sciences [Document électronique]. Tome premier / [par Nicolas de Malebranche]. Type de ressource électronique : Données textuelles.Publication : 1995. Description matérielle : 496 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (French books before 1601 ; 96.2). 1 microfilmReprod. de léd. de, Amsterdam : chez Henry Desbordes, [1688] (Gallica)
Mézeray, (François Eudes de), Histoire de France depuis Faramond jusquau règne de Louis le juste [Document électronique] : enrichie de plusieurs belles et rares antiquitez et de la vie des reynes,. Tome premier, type de ressource électronique : Données textuelles, publication : 1995, description matérielle : 712 p. ill., note(s) : reproduction : Num. BNF de léd. de Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (French books 1601-1700; 89.1). 1 microfilmReprod. de léd. de Paris : chez Denys Thierry : Jean Guignard : Claude Barbin, [1685], (Gallica)
Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, [Paris : P. Le Monnier, 1671] Gallimard, Paris, 1999.
Molinier (Étienne), Les Politiques chrétiennes, ou tableau des vertus politiques considérées en létat chrétien, [Document électronique]. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [22]-501-[5] p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : M. Collet, [1621]. Autre(s) forme(s) du titre : Tableau des Vertus politiques considérées en lestat chrétien... (Gallica)
Montchrestien (Antoine de, sieur de Watteville), Traité déconomie politique, éditions Funck-Brentano, Paris, 1889. Type de ressource électronique : Données textuelles (541 Ko). Publication : 1997. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q672-Q673Reprod. de léd. de, Paris : E. Plon : Nourrit, 1899. in-8) Autre(s) auteur(s). Funck-Brentano, Théophile. Éditeur scientifique. Autre(s) forme(s) du titre : Traicté de loeconomie politique [1615], (Gallica)
Montesquieu (Charles Louis de Secondat de) Oeuvres complètes, éditions du Seuil, Paris, 1964.
Naudé (Gabriel), Considérations politiques sur les coups détat, Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 358 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Caen : Centre de philosophie politique et juridique, 1989. 21 cm Bibliothèque de philosophie politique et juridique. Textes et documents, ISSN 0758-0428. Fac-sim. de léd. de , [Paris] : [s.n.], [1679] (Gallica)
Nicole (Pierre), De lEducation dun Prince, [Document électronique] : divisée en trois parties, dont la dernière contient divers traittez utiles à tout le monde / Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 426 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (French books 1601-1700 ; 94.8). 1 microfilm Reprod. de léd. de, Paris : chez la veuve Charles Savreux, [1670] (Gallica)
- Essais de morale [Document électronique] : contenus en divers traittez sur plusieurs devoirs importans. Volume premier / Type de ressource électronique : Données textuelles (415 Ko) Publication : 1997 / Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de Paris : INALF, 1961 - (Frantext ; Q382 Reprod. de léd. de Paris : G. Desprez, [1701]. in-12, (Gallica).
Pascal (Blaise), Oeuvres complètes, Paris, éditions du Seuil, 1963.
- Oeuvres complètes, éditions J. Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, 1964.
- Pensées, nouvelle édition établie pour la première fois daprès la copie de référence de Gilberte Pascal par Philippe sellier, Paris, 1976.
Poullain de la Barre (François), De lEgalité des deux sexes, [Document électronique] : discours physique et moral... / Type de ressource électronique :Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : XIV-221 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : J. Dupuis, [1676] (Gallica)
- De lEducation des dames pour la conduite de lesprit dans les sciences et dans les murs : entretiens, [Document électronique] : Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [16]-358 p. Note(s). Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : J. Du Puits, [1674] (Gallica)
- De lExcellence des hommes contre légalité des sexes [Document électronique] / Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : 334 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : J. Du Puits, [1675] (Gallica)
Pufendorf (Samuel, baron von), Le Droit de la nature et des gens, ou système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence et de la politique, Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle. CXXXIV-613 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Caen : Centre de philosophie politique et juridique, 1987. 27 cm Bibliothèque de philosophie politique et juridique. Textes et documents, ISSN 0758-0428 Fac-sim. de léd. de, Basle : E. & J. R. Thourneisen, [1732]. Autre(s) auteur(s) : Barbeyrac, Jean. Traducteur, 5 vol. (Gallica)
Rameau (Jean-Philippe), Complete theoretical Writings, edited by E. Jacobi, American Institute of Musicology, 1966 - 1969
Ramsay (André Michel, chevalier de), Discours de la poésie épique et de lexcellence du poème de Télémaque, in Fénelon, Les Aventures de Télémaque, Paris, 1717 deux volumes. [Document électronique] (Gallica)
- Histoire de la vie de Messr. François de Salignac de la Motte-Fénélon, archevesque Duc de Cambray [Document électronique] : [discours philosophique sur lamour de dieu / par le chevalier de Ramsay] Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication. 1995. Description matérielle : 212 p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Bruxelles : E. H. Fricx, [1724] (Gallica)
Richelieu (Armand Jean du Plessis, cardinal, duc de), Mémoires du cardinal de Richelieu [Document électronique]. [1], Sur le règne de Louis XIII, depuis 1610 jusquà 1620 / [éd. par M. Petitot] Lien au titre densemble : Mémoires du cardinal de Richelieu. Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 2001. Description matérielle : 501 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : Foucault, [1821] (Collection complète des mémoires relatifs à lhistoire de France. 2e série ; 10) Autre(s) auteur(s) : Petitot, Claude-Bernard. Éditeur scientifique, 12 vol. (Gallica)
Rollin (Charles), Traité des études, nouv. éd., rev. par M. Letronne et accompagnée de notes de Crévier. Nouv. éd., Paris : F. Didot frères, 1863, 3 vol. ; 18 cm. [1726-1731], (Gallica)
Saint-Simon (Louis de Rouvroy, duc de), Projets de gouvernement du duc de Bourgogne, Dauphin édition P. Mesnard, Paris, 1860.
Senault (Jean-François), De lUsage des passions, Paris, 1643.
- Le Monarque les devoirs du Souverain, Paris, 1661.
Sorel (Charles), De la Perfection de lhomme, où les vrays biens sont considérez, et spécialement ceux de lâme, avec les méthodes des sciences,... [Texte imprimé] Publication : A Paris : Chez Robert de Nain, 1655, 397 p., in-4, [Document électronique] (Gallica)
Spinoza (Baruch), Oeuvres, éditions Garnier Flammarion, Paris, 1964, quatre volumes.
Sully (Maximilien de Béthune, baron de Rosny, duc de), Mémoires des sages et royales économies dÉtat, domestiques, politiques et militaires de Henri Le Grand, [Texte imprimé] Edition : Nouv. éd., plus exacte et plus correcte que les précédentes. Publication : Paris : J.-F. Bastien, 1788. Description matérielle : 6 vol ; in-8. Sujet(s) : France - 1589-1610 (Henri IV) - Ouvrages avant 1800 [Document électronique] (Gallica)
Vauban (Sébastien Le Prestre de), La Dîme royale, in E. Daire, Économistes financiers du XVIIIe siècle, Paris, 1843, réimpression, Osnabruck, 1966, (première édition, 1707). Type de ressource électronique : Données textuelles (230 Ko). Publication : 1997. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : INALF, 1961- (Frantext ; Q357Reprod. de léd. de, [S.l.] : [s.n.], [1707] : Sujet(s) : Dîme - Ouvrages avant 1800 (Gallica)
Yves de Paris, LAgent de Dieu dans le monde [Document électronique] / par le R. P. Yves de Paris,... Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [16]-496-[12] p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : D. Thierry, [1656]
- Très-humble Remonstrance faite à la Reyne [Document électronique] / par le R.P. Yves de Paris,... Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle :20 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, [S.l.] : [s.n.], [1644] (Gallica)
- Les Morales chrétiennes, où il est traité des devoirs de lhomme en la vie particulière et publique, Paris, 1638 -- 1642, 4 volumes.
- Le Gentilhomme chrestien [Document électronique] / par le R. P. Yves de Paris,... Type de ressource électronique : Données textuelles. Publication : 1995. Description matérielle : [2]-560 p. Reproduction : Num. BNF de léd. de, Paris : Vve D. Thierry, [1666] (Gallica)
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Encyclopaedie Universalis, version numérique 10, DVD, Logiciel et moteur de recherche OPTIMEDIA, Paris 2004
Encyclopaedia Britannica 2005, Version numérique, Ultimate reference suite DVD 2005
Encyclopédie de la littérature française, édition numérique Bibliopolis, 1999
Bibliographie de la littérature française du XVIIe siècle, Cioranescu (Alexandre), 3vol., ed. du CNRS, Paris, 1965-1966.
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Vocabulaire de la Psychanalyse, J. Laplanche et J.-B Pontalis, Presses Universitaires de France, huitième édition, 1984.
Table des matières
HYPERLINK \l "intro" Introduction page 4
Première partie : Cordemoy historien
Chapitre I : HYPERLINK \l "chap1" LHistoire de France : le théoricien de lhistoire page 12
Chapitre II : HYPERLINK \l "chap2" Une propédeutique historique du politique page 40
Chapitre III : HYPERLINK \l "chap3" Une politique de lHistoire de France page 78
Chapitre IV : HYPERLINK \l "chap4"Les paradoxes de lhistoire sainte page 126
Deuxième partie : Cordemoy philosophe
Chapitre I : HYPERLINK \l "chap5"La distinction du corps et de lâme et loccasionnalisme dans les Opuscules. Métaphysique et politique page 140
Chapitre II : HYPERLINK \l "chap6"La référence platonicienne page 182
Chapitre III : HYPERLINK \l "chap7"La question religieuse page 205
Troisième partie : Cordemoy théoricien de léducation
HYPERLINK \l "chap8"La question de léducation page 217
HYPERLINK \l "chap9"De léducation du prince à celle des sujets ou léducation généralisée des académies de lEtat réformé page 248
HYPERLINK \l "conclusion" Conclusion page 272
HYPERLINK \l "postface"Postface page 281
HYPERLINK \l "biblio" Bibliographie page 283
Daprès Jean-François Battail, Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, éd. Martinus Nijhoff, La Haye, 1973 et Pierre Clair et François Girbal, Gérauld de Cordemoy, uvres philosophiques, PUF, 1968, op. cit., p.15
Daprès Pierre Clair et François Girbal, Gérauld de Cordemoy, uvres philosophiques, PUF, 1968, op. cit., p.16
Histoire de France, tome II, Paris, Coignard, 1689, Préface, p.III
Il est cité comme cartésien notoire ayant assisté, le 24 juin 1667, à la translation des cendres du philosophe, mort à Stockholm en 1650 (daprès Pierre Clair et François Girbal, in Gérauld de Cordemoy, uvres philosophiques, PUF, Paris, 1968, p.26, op. cit.)
Le titre variera suivant les éditions, ainsi lédition posthume de 1704 donne comme titre : six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme,
En 1664 paraît Le Monde de Mr Descartes ou le Traité de la lumière et autres principaux objets des sens, avec un Discours de lAction des corps et un autre des Fièvres, composés selon les principes du même auteur, à Paris, chez Jacques Le Gras. Le Discours de laction des corps nest autre que le 2e discours du Discernement (daprès Jean-François Battail, lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, op. cit., 1973, p.254)
Nous revenons plus loin sur ce terme pour en expliquer le sens et la portée.
Daprès Clair et Girbal in op. cit., p.33
Dautres y prendront part suivant les époques comme Mabillon, Fléchier ou Huet.
Les travaux de François Xavier Cuche nous ont puissamment aidé à comprendre cet aspect de la pensée de Cordemoy.
Par « souverain » on entend avec Bodin ce qui possède la souveraineté et non pas forcément celui qui lincarne, les deux peuvent être confondus mais ils tendent à se dissocier dans le discours des théoriciens du politique tout au long du siècle.
Fénelon, (François de Salignac de La Mothe), Traité de l'éducation des filles, op. cit.
François Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique, Fleury, La Bruyère, Fénelon, Les éditions du Cerf, Paris 1991.
uvres philosophiques, Discours physique de la parole, P.U.F., 1968, p.215.
Nous revenons plus loin sur ce terme pour en expliquer le sens et la portée.
Bossuet fit désigner Cordemoy comme « lecteur ordinaire » de son élève le Dauphin : le brevet de nomination date du 21 mars 1673, signé de Louis XIV et de Colbert, et la prestation de serment fut fixée au 25 du même mois. On alloua 4500 livres démoluments au nouveau maître, qui se trouva dans un milieu intellectuel particulièrement distingué dès cette année 1672. (daprès Pierre Clair et François Girbal, « Biographie » in op. cit.)
Cordemoy dans De la nécessité de lHistoire, in op. cit. « Avant de commencer ce cours dhistoire, qui doit être en même temps celui de toutes les sciences que le Prince doit cultiver ; il est bon de lui faire un abrégé de lhistoire, qui lui puisse donner une idée assez claire de la suite des temps, de naissance de chaque Empire ; et qui marquant les différentes époques, fasse assez connaître ce qui sest passé de lune à lautre, pour en faire une liaison continue » p.152, (p14).
Bossuet dans Discours sur lhistoire universelle : « Mais de peur que ces histoires et celles que vous avez encore à apprendre ne se confondent dans votre esprit, il ny a rien de plus nécessaire que de vous représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles. Cette manière dhistoire universelle est à légard des histoires de chaque pays et de chaque peuple, ce quest une carte générale à légard des cartes particulières. » ([Document électronique], (Gallica), p.3) « Un tel abrégé, monseigneur, vous propose un grand spectacle. Vous voyez tous les siècles précédents se développer, pour ainsi dire, en peu dheures devant vous : vous voyez comme les empires se succèdent les uns aux autres, et comme la religion dans ses différents états se soutient également depuis le commencement du monde jusquà notre temps. » (idem, p.4)
Cordemoy dans De la nécessité de lHistoire, in op. cit. « Mais, afin quil sache de bonne heure les principes, sur lesquels ces sortes de jugements doivent être fondés, il est nécessaire de lui faire souvent considérer que ce quil y a de bon en chaque action, nest pas toujours ce quelle a de plus éclatant, et que la véritable gloire ne consiste pas à faire des actions extraordinaires, mais à faire toujours celles que notre devoir exige, quelque pénibles quelles soient, et quelque petites quelles paraissent » p.143, (p.10)
Bossuet dans Discours sur lhistoire universelle : « Les histoires ne sont composées que des actions qui les occupent, et tout semble y être fait pour leur usage. Si lexpérience leur est nécessaire pour acquérir cette prudence qui fait bien régner, il nest rien de plus utile à leur instruction que de joindre aux exemples des siècles passez les expériences quils font tous les jours. Au lieu quordinairement ils napprennent quaux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent : par le secours de lhistoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les événements passez. Lors quils voient jusquaux vices les plus cachez des princes, malgré les fausses louanges quon leur donne pendant leur vie, exposez aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joie que leur cause la flatterie, et ils connaissent que la vraie gloire ne peut saccorder quavec le mérite. » (([Document électronique], (Gallica), p.2 - 3)
Avec Jean Mabillon (1632-170) qui contribua à fonder les méthodes de la critique historique à loccasion de sa participation à lhistoire des bénédictins et créa la diplomatique, étude historique des textes officiels, dans les six livres de De re diplomatica (1681, traduit en 1707) ; il voyagea dans toute lEurope en quête darchives. (daprès Encyclopédie Universalis, article dAnne Ben Khemis).
Avec aussi Leibniz, Gottfried Wilhelm (1646-1716), chargé par le duc de Brunschvicg, en 1680, de faire une histoire de sa famille, il consacra une grande introduction à son uvre où il fonde sa théorie de lhistoire.
En note de page de lédition de La Lettre de Fénelon cette citation de Cicéron dans de lorateur : « Historia testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae, nuntia vetustatis » (De Oratore, II, 9)
« Cest peu de chose davoir la mémoire remplie dune enfilade, pour ainsi dire, dannées, de siècles, dolympiades, dépoques, et de savoir une infinité de noms dempereurs et de rois, de conciles, dhérésies, et même une infinité dévènements et de beaux faits. Cette manière de les connaître par la mémoire seulement, ne mérite pas même le nom de science de lhistoire. Car savoir, cest connaître les choses par leurs causes et leurs principes. Ainsi savoir lhistoire, cest connaître les hommes qui en fournissent la matière : cest juger de ces hommes sainement. Etudier lhistoire cest étudier les motifs, les opinions, et les passions des hommes, pour en connaître tous les ressorts, les tours et les détours, enfin toutes les illusions quelles savent faire à lesprit, et les surprises quelles font au coeur. En un mot cest apprendre à se connaître soi-même dans les autres : cest trouver dans les saints et dans les personnes vertueuses de quoi sédifier, et dans les méchants et les vicieux ce que lon doit éviter, et comme il faut se comporter dans les événements avantageux ou désavantageux. Sans ces dispositions, au lieu que lhistoire devrait servir à nous faire apprendre la morale par de sages réflexions, elle ne sert quà nous donner une vaine idée dune science fade, et à nous persuader que nous savons quelque chose, lors quen effet nous ne savons rien : ce qui est un effet dangereux dune bonne cause.
1) Une des premières choses que lon doit observer dans lhistoire, est de se défendre de lerreur où lon tombe, en prenant le faux pour le vrai, et en épousant les passions des auteurs. Il faut donc en premier lieu bien connaître les qualités de son auteur, sil est habile et sincère ; pour quelles fins, et par quel motif il a écrit ; sil nest pas attaché à quelque parti, comme Eusèbe à celui des ariens, Socrate et Sozomène aux novatiens, Théodoret à Théodore de Mopsueste. Avec cette précaution on ne sétonnera pas que ces auteurs favorisent ceux de leur parti. On doit en général se défier un peu plus des grecs, qui ont accoutumé dexagérer beaucoup les choses en leur faveur.
2) Il faut voir si lauteur quon lit est contemporain, sil est copiste ou original ; sil est judicieux, ou sil ne donne pas trop aux conjectures. Car toutes les autres choses étant pareilles, il faut préférer le sentiment dun auteur contemporain à celui dun auteur qui serait plus récent. Je dis toutes les autres choses étant pareilles. Car il se peut faire, et il arrive même quelquefois, quun auteur qui ne sera pas contemporain, aura écrit sur de bons et fidèles mémoires, quil sera diligent, grave et judicieux : et quau contraire celui qui sera contemporain aura été négligent, peu informé des choses, ou quil se sera laissé corrompre par la flatterie ou par lintérêt. » (Jean Mabillon, Traité des études monastiques... [Document électronique] / Gallica, pp.232-233)
La vision est en même temps programmatique pour le récit historique, elle donne à lhistorien un plan dorganisation de son récit en trois grands moments, le ressort est narratif.
« (Lhistorien) nomet aucun fait qui puisse servir à peindre les hommes principaux et à découvrir les causes des événements ; mais il retranche toute dissertation où lérudition dun savant veut être étalée. Toute sa critique se borne à donner comme douteux ce qui lest, et à en laisser la décision au lecteur, après lui avoir donné ce que lhistoire lui fournit. Lhomme qui est plus savant quil nest historien, et qui a plus de critique que de vrai génie, népargne à son lecteur aucune date, aucune circonstance superflue, aucun fait sec et détaché. Il suit son goût, sans consulter celui du public. Il veut que tout le monde soit aussi curieux que lui des minuties, vers lesquelles il tourne son insatiable curiosité. Au contraire un historien sobre et discret laisse tomber les menus faits qui ne mènent le lecteur à aucun but important. Retranchez ces faits, vous nôtez rien à lhistoire. Ils ne font quinterrompre, quallonger, que faire une histoire, pour ainsi dire, hachée en petits morceaux, et sans aucun fil de vive narration. Il faut laisser cette superstitieuse exactitude aux compilateurs. Le grand point est de mettre dabord le lecteur dans le fond des choses, de lui en découvrir les liaisons, et de se hâter de le faire arriver au dénouement. LHistoire doit en ce point ressembler un peu au Poème épique. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie Française, op. cit., p.73 [p.73]*)
*(Quand nous indiquons un renvoi de page entre crochets, il sagit soit de la pagination de la reproduction numérique en fichier image (pdf) de luvre citée, soit, pour les opuscules de Cordemoy seulement, dune discordance entre la numérotation de lédition en haut de page et la numérotation réelle mise par nous entre crochets.)
Les Gesta Regum Francorum, sont dauteur anonyme. Cet ouvrage, plein de fables, ne contient presque rien dailleurs qui ne soit raconté, avec plus de détail et dune façon plus animée, dans Grégoire de Tours, Frédégaire ou ses continuateurs, la vie de Dagobert et celle de saint Léger.
Observations sur lhistoire dHérodote, Les uvres de Feu Monsieur de Cordemoy, Troisième partie contenant divers petits Traités sur lHistoire et la Politique, Paris 1704, p.121, (p.2)
.
Alcuin (730-804) surtout, qui de 790 à 800 fut le conseiller le plus intime et le plus écouté de Charlemagne.
Les papes Adrien Ier (772-795) et Léon III (795-816), ce dernier le couronna empereur.
Cordemoy semble très proche dans son tableau de Charlemagne de limage que donne Erasme du bon roi, voici comment Jean Meyer dans son livre Léducation des princes du XVe au XIXe siècle résume le portrait quen fait lhumaniste dans son Institution du Prince chrétien : « père, très bon, plein de mansuétude, doux, libéral, méprisant largent, incorruptible par les sentiments, qui se tient lui-même en main, maître de ses désirs, desprit aigu, plein de compréhension, bon conseiller, juste, réaliste, assidu aux exercices religieux, qui soccupe des besoins de ses peuples, solide, inébranlable, infaillible, qui a des plans vastes, qui achève ce qui a été commencé, qui se préoccupe de ceux dont il est le souverain, qui possède lautorité, travailleur, lent à la vengeance, préoccupé de la justice, charitable, sauveur, attentif à ce que lon dit du souverain, égal dhumeur et de murs, facile à atteindre, familier dans la conversation, aimable, plein de sollicitude envers ceux qui lui obéissent, capable de mener un guerre, mais sactivant à la paix, capable daméliorer les murs du peuple, général de ses armées, souverain créateur de lois bienfaisantes, né pour acquérir des vertus, daspect quasi divin. » (Jean Meyer in op. cit., p.90)
Maximes Tirées de lHistoire, Les uvres de Feu Monsieur de Cordemoy, Troisième partie, p.216, (p.45)
Nous renvoyons entre parenthèses, à la pagination de notre publication en document numérique, sur notre site, des Opuscules dhistoire et de politique de Gérauld de Cordemoy.
Pagination de notre édition numérique.
Le choix dHérodote est certainement significatif, Etienne Thuau a montré limportance de lhistorien Tacite dans la réflexion sur lutilité de lHistoire au début du 17ème siècle, il note que linfluence de ce dernier décroît avec le temps et quil cesse dêtre une référence rejetée par le anti-machiavéliens ou privilégiée par les machiavéliens à la fin du siècle. Etienne Thuau cite la préface à la reine mère Marie de Médicis de louvrage de François de Carrigny, sieur de Colomby, paru en 1613 : Observations politiques, topographiques et historiques sur Tacite. « Entre tous les historiens profanes, Tacite est le plus recommandable pour les affaires dEtat. Il enrichit et délecte lesprit par les belles choses quil récite. Il forme le jugement par les fortes raisons quil allègue et enseigne au Prince à bien vivre par les louanges des vertus et par le blâme des vices » (Etienne Thuau, Raison dEtat et pensée politique à lépoque de Richelieu, op. cit., p.37) Louvrage dEtienne Thuau ne comporte par contre pas une seule occurrence du nom dHérodote !
De la Nécessité de lHistoire, de son usage ; et de la manière, dont il y faut mêler les autres sciences, en la faisant lire à un Prince, Les uvres de Feu Monsieur de Cordemoy, Troisième partie contenant divers petits Traités sur lHistoire et la Politique, p.141 (p.10).
Ce quon doit observer en écrivant lHistoire, in op. cit., p.138 (p.8).
Voici ce que lon trouve écrit dans LHistoire de France de Cordemoy : « Ce Prince (Pépin) qui essayait par tous moyens de faire passer ce changement (son accession au trône par la destitution de Childéric II) pour un coup du Ciel, et qui savait, que les Français navaient pas moins de vénération pour Zacharie et pour Boniface (les papes qui sétaient succédés sur le trône de Pierre), que le peuple Juif en avait pour ses Prophètes, espérait quétant sacré par Boniface, après avoir fait approuver son Election par Zacharie, il serait regardé, comme un homme choisi de Dieu, et respecté comme lOint du Seigneur.
Ce qui est remarquable, et que visiblement Dieu, qui tire le bien des plus grands maux, sest servi de lui et de ses descendants, non seulement pour rendre la France heureuse, mais encore pour soutenir lEglise. Et bien que selon tous les principes de la religion, les François naient pas dû consentir à lélection de ce Prince, ni Zacharie en donner lavis ; on ne peut néanmoins, quand on fait réflexion sur la sainteté de ce Pape, et sur la fidélité ordinaire des Français, sempêcher de regarder ce changement, comme un de ces coups surprenants de la main de Dieu, qui sait tout rapporter à ses fins, et qui ne permettant pas aux hommes de démêler ses voies, ne leur permet pas aussi de juger dun événement si extraordinaire, ni de le tirer à conséquence. » ([Cest nous qui soulignons], Cordemoy, Histoire de France I, pp.436-437)
Pierre Nicole dans son traité De léducation dun Prince est dun avis plus mitigé. Il critique ceux qui présentent lHistoire comme la matière essentielle de lenseignement du prince : « On fait par exemple beaucoup détat de lhistoire pour les Princes, et avec raison, puisquelle leur peut être fort utile, pourvu quon la leur montre comme il faut. Mais si on ny apporte le discernement nécessaire, elle leur nuit souvent plus quelle ne leur sert. Car lhistoire nest delle-même quun amas confus de faits. Les gens dont on y parle sont pour lordinaire vicieux imprudents, emportés, leurs actions sont souvent rapportés par des écrivains peu judicieux, qui louent et blâment les choses par caprice, et qui impriment par leurs discours mille mauvais modèles et mille fausses maximes dans lesprit de ceux qui les lisent sans discernement. (X) Un Précepteur qui aura le jugement peu exact rendra encore cette étude de beaucoup plus dangereuse. Il versera indifféremment dans lesprit du jeune Prince les sottises des livres et les siennes propres (
) (XI) La plupart des choses sont bonnes et mauvaises selon le tour quon y donne. La vie des méchants peut être aussi utile que la vie des Saints quand elle bien proposée, quon en fait voir la misère, et quon en inspire lhorreur. Et la vie des Saints peut être aussi dangereuse que celle des méchants, quand on la propose dune manière qui porte, ou à en abuser, ou à la mépriser. » (Pierre Nicole, De léducation dun Prince, Paris, 1670, pp.5-7 [33-35], première partie, IX, X, XI)
Descartes, Les Principes de la Philosophie, « lettre de lauteur à celui qui a traduit le livre » , éd. La Pléiade, p.566
Pierre Nicole fait commencer léducation du Prince, comme des enfants en général, par lenseignement de la géographie, il nen fait pourtant pas une racine de toutes les connaissances comme Cordemoy pour lHistoire : « Suivant cette ouverture, on peut dire que la Géographie est une étude très propre pour les enfants ; parce quelle dépend beaucoup des sens, et quon leur fait voir par les yeux la situation des Villes et des Provinces ; outre quelle est assez divertissante, ce qui est encore fort nécessaire pour ne les pas rebuter dabord, et quelle a peu besoin de raisonnements ; ce qui leur manque le plus en cet âge. » (De léducation dun Prince, op. cit., II, VIII, p.37 [65])
Notamment dans les Maximes Tirées de lHistoire, in op. cit., pp.217-244 (p.42)
Arnauld et Nicole, La logique ou lart de penser, éditions Flammarion, Paris, 1970
Chilpéric Ier (539-584), roi de Neustrie (561-584).Fils de Clotaire Ier et petit-fils de Clovis, il se partage lhéritage paternel avec ses demi-frères Caribert, Gontran et Sigebert. Il épouse en secondes noces Galswinthe, fille dAthanagilde, roi des Wisigoths, en 567, et la fait probablement assassiner afin dépouser sa maîtresse Frédégonde. (Daprès lEncyclopédie Universalis)
Linterlocuteur de Cordemoy est Claude Fleury.
Dans De la Réformation dun Etat, il ne sagit plus de léducation du prince, mais de celle de ceux que ce dernier chargera dexercer concrètement son pouvoir.
De la Nécessité de lHistoire.
De la Réformation dun Etat.
Thomas Hobbes, Léviathan ou la Matière, la Forme et la Puissance dun Etat ecclésiastique et civil, Traduction française en partie double daprès les textes anglais et latin originaux par R. Anthony, Tome premier, « De lHomme ». Marcel Giard et Cie Libraires-Editeurs, Paris, 1921.
Aristote, Ethique à Nicomaque, X, 10, 1180.
Platon, Gorgias, 520
Aristote, Physique, livre VIII, 256 a
Platon, Timée,33 c et 51 b à 52 d
Louvrage déjà cité : Gérauld de Cordemoy, uvres Philosophique avec une étude bio-bibliographique, Edition critique présentée par Pierre Clair et François Girbal, Presses Universitaires de France, collection : le mouvement des idées au XVIIe siècle, Paris, 1968.
Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, (1626-1684), Jean-François Battail, édition Martinus Nijhoff, La Haye, 1973.
François Eudes de Mézeray (1610-1683) dont lHistoire de France est un des best-sellers du siècle. (daprès Encyclopédie Universalis, article de Marie-Madeleine Fragonard).
La Mothe Le Vayer François de (1588-1672) : philosophe et écrivain français, représentant du libertinage érudit, nommé précepteur du duc dAnjou avant de devenir historiographe du roi, il rédige de nombreux traités pédagogiques « ad usum Delphini », mais aussi des « parallèles historiques » qui révèlent une habile méthode comparative. (Daprès Encyclopédie Universalis, article de Bernard Croquette).
Nous créons ce terme d « anaktopédie » pour désigner un genre qui remonte à la Cyropédie de Xénophon, le traité déducation ou le récit de lenfance du prince. Erasme a renouvelé le genre avec son Codicille dor. Naudé utilise le terme de « pédie de bien gouverner ».
Xénophon, Cyropédie, Livre I, chapitre 3 : « Astyage dînant un jour avec sa fille et Cyrus, et voulant rendre le dîner le plus agréable possible à lenfant, afin quil regrettât moins la maison paternelle, lui fit servir des hors-doeuvre, des sauces et des mets de toute espèce. Cyrus, dit-on, sécria : « Grand-père, quelle peine tu te donnes pendant le dîner, sil faut que tu allonges les mains vers tous ces plats et que tu goûtes ces mets de toute espèce ! Eh quoi ! dit Astyage, ne trouves-tu pas ce dîner beaucoup plus beau que ceux que lon fait en Perse ? » Alors Cyrus, dit-on, lui répondit : « Nous avons une voie bien plus simple et plus courte que vous pour nous rassasier. Chez nous, le pain et la viande y suffisent ; et vous, qui tendez au même but, même avec une foule de détours et en vous égarant dans tous les sens, cest à peine encore si vous arrivez au point où nous sommes arrivés depuis longtemps. » (traduction Pierre Chambry, 1958)
La tradition de lanaktopédie dont sinspire Cordemoy est profondément anti-machiavélienne, on comparera avec la « pédie de bien gouverner » dont parle Gabriel Naudé dans ses Considérations politiques sur les coups dEtat : « Ce que pour mieux comprendre, il faut savoir comme dit Charron, (Lib.3. cap.2.) que la justice, vertu et probité du Souverain, chemine un peu autrement que celle des particuliers ; elle a ses allures plus larges et plus libres à cause de la grande, pesante et dangereuse charge quil porte, cest pourquoi il lui convient marcher dun pas qui peut sembler aux autres détraqué et déréglé, mais qui lui est nécessaire, loyal, et légitime ; il lui faut quelque fois esquiver et gauchir, mêler la prudence avec la justice, et comme lon dit, cum vulpe junctum vulpinarier (renarder, ou user de finesse, avec le renard) : Cest en quoi consiste la pédie de bien gouverner. Les Agents, Nonces, Ambassadeurs, Légats sont envoyés, et pour épier les actions des Princes étrangers, et pour dissimuler, couvrir, et déguiser celles de leurs Maître. Louis XI, le plus sage et avisé de nos Rois, tenait pour Maxime principale de son Gouvernement que qui nescit dissimulare nescit regnare (qui ne sait pas dissimuler ne sait pas aussi régner) ; et lEmpereur Tibère nullam ex virtutibus suis magis quam dissimulationem diligebat (de toutes les vertus quil possédait il ny en avait point quil aimât plus que la dissimulation). » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, in op. cit., pp.59-61 [67-69], cest nous qui mettons en caractères gras). (Voir note 151, p.145)
Bodin (Jean) 1529-1596, dans sa République, reprise du titre consacré par les traductions de luvre de Platon, il développe une pensée singulière et profonde de la souveraineté politique.
« Cest pourquoi la loi dit, que le Prince est absous de la puissance des lois : et ce mot de loi emporte aussi en Latin le commandement de celui qui a la souveraineté. » (Bodin, La République, livre premier, chapitre VIII, op. cit., p.91). On opposera aux thèses de Bodin le texte suivant de Théodore de Bèze extrait de Du droit des Magistrats sur leur sujets : « Que ceux-là donc qui élèvent lautorité des souverains jusque là, quils osent dire quils nont autre juge que Dieu, quelque chose quils fassent, me montrent quil y ait jamais eu nation, qui sciemment, et sans crainte ou force, se soit oubliée jusques à se soumettre à la volonté de quelque souverain, sans cette condition expresse, ou tacitement entendue, dêtre justement et équitablement gouvernés. » (Théodore de Bèze, Du droit des magistrats sur leurs sujets, Magdebourg 1550, pp.81-82)
Fleury, Réflexions sur les uvres de Machiavel, O., III, p.238, et Devoirs des Domestiques, O., I, p.323.
Sur cette représentation du prince imago Dei, ce quexprime Bodin dans le passage suivant de sa République : « Car si la justice est la fin de la loi, la loi uvre du Prince, le Prince est image de Dieu, il faut par même suite de raison, que la loi du Prince soit faite au modèle de la loi de Dieu. » (La République, livre premier, chapitre VIII, op. cit., p.112)
Les observations sur lHistoire dHérodote, ouvre la troisième partie des uvres complètes de Cordemoy, « contenant Divers petits Traités sur lHistoire et la Politique », dans lédition des uvres complètes de 1704, elle ouvre la section consacrée à lhistoire dans lédition des seuls opuscules de 1691, Divers Traitez de métaphysique, dhistoire et de politique / par feu M. de Cordemoy,... ; (Publiés par son fils L.-G. de Cordemoy.) Les publications des opuscules étant posthumes, il est impossible de dire si lordre de présentation est celui voulu par lauteur, force est de constater quil ne varie pas dune édition à lautre, mis à part que lédition de 1691 sépare les opuscules de politique de ceux dhistoire. Enfin lédition de 1704 ninclut pas le Traité de Métaphysique dans la troisième partie consacrée aux opuscules mais le fait suivre La lettre écrite au R.P. Cossart et le Discours (ou Traité) physique de la parole.
Sitz im Leben : Derrière les documents identifiés, on recherche les situations, les comportements, les usages et les intentions qui ont déterminé leur apparition, à tel moment, en tel lieu et surtout sous telle forme littéraire. (Daprès Encyclopédie Universalis, article « Bible, Létude de la Bible » de André Paul)
« Cette attention à la multiplicité des causes annonce cette histoire-science que la tradition scolaire fait généralement remonter à Voltaire. » (Jean-François Battail, Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, op. cit., p.31)
« Hérodote, quon nomme le père de lHistoire, raconte parfaitement. Il a même de la grâce par la variété des matières ; mais son ouvrage est plutôt un recueil de relations de divers pays, quune histoire qui ait de lintérêt avec un véritable ordre. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie, op. cit., p.79-80 [p.79-80])
On rapprochera cette déclaration de Cordemoy de Montaigne dans Essais, II, 12 : « La plupart des occasions des troubles du monde sont grammairiennes. Nos procès ne naissent que du débat de linterprétation des lois ; et la plupart des guerres, de cette impuissance de navoir su clairement exprimer les conventions et traités daccord des princes. »
Corneille, Théâtre complet [Document électronique]. Tome premier / Corneille ; texte établi par Georges Couton « Oeuvres critiques » Document fourni par la société Bibliopolis : http://www.bibliopolis.fr, Gallica, Bibliothèque Nationale de France.
Corneille, Théâtre complet [Document électronique]. Tome premier / Corneille ; texte établi par Georges Couton Oeuvres critiques, Gallica, BNF.
Le point de vue de Bossuet est plus mesuré et même étonnamment méfiant à lencontre de lHistoire pour quelquun qui a exercé les fonctions de directeur des études auprès du grand dauphin lamenant à enseigner cette discipline, et pour lauteur du Discours sur lhistoire universelle à Monseigneur le Dauphin : « Cette curiosité sétend aux siècles passés les plus éloignés : et cest de là que nous vient cette insatiable avidité de savoir lhistoire. On se transporte en esprit dans les cours des anciens rois, dans les secrets des anciens peuples : on s'imagine entrer dans les délibérations du sénat romain, dans les conseils ambitieux dun Alexandre ou dun César, dans les jalousies politiques et raffinées dun Tibère. Si c'est pour en tirer quelque exemple utile à la vie humaine, à la bonne heure ; il faut le souffrir, et même louer, pourvu quon apporte à cette recherche une certaine sobriété. Mais si cest, comme on le remarque dans la plupart des curieux, pour se repaître limagination de ces vains objets, quy a-t-il de plus inutile, que de se tant arrêter à ce qui nest plus, que de rechercher toutes les folies qui ont passé dans la tête d'un mortel, de rappeler avec tant de soin ces images que Dieu a détruites dans sa cité sainte, ces ombres quil a dissipées, tout cet attirail de vanité, qui de lui-même sest replongé dans le néant, doù il était sorti ? Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous tant la vanité, et pourquoi vous délectez-vous à étudier le mensonge (Ps. IV 3) » (Traité de la concupiscence, chap.VIII, art.5, « De la concupiscence des yeux, et premièrement de la curiosité ».)
« Ainsi toute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales : à savoir la médecine, la mécanique et la morale ; jentends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. » (Descartes, Les Principes de la Philosophie, « lettre de lauteur à celui qui a traduit le livre », éd. La Pléiade, p.566)
Maximes tirées de lHistoire, uvres de Feu Monsieur de Cordemoy, « troisième partie contenant divers petits Traités sur lHistoire et la Politique », pp.217-244, (p.42), Paris 1704.
Sur lidée de réforme de lEtat dans les écrits des membres du Petit Concile la thèse de Francois-Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique, partie IV, chap. 1 et 2.
Point de vue partagé par les membres du Petit Concile, reprenant La Bruyère et Fleury, François Xavier Cuche écrit : « En toute société, lintérêt de chaque particulier, même de celui qui gouverne, doit céder à lintérêt de la société entière » (op. cit., p.214). Et plus loin : « Le droits particuliers ne pèsent rien auprès du droit général, et lexpression même de « droits particuliers » constitue une sorte de contradiction dans les termes. Le droit appartient au collectif, non à lindividu » (Idem, p.215) Bossuet également dans le Discours sur lhistoire universelle : « on vous a montré avec soin lhistoire de ce grand royaume, que vous êtes obligé de rendre heureux. » (in op. cit. [Document électronique] (Gallica), p.3)
Pierre Coustel, pédagogue janséniste qui rédige en 1687 un traité fondamental de pédagogie : Les règles de léducation des enfants pour leur inspirer les sentiments dune solide piété et pour leur apprendre facilement les belles lettres, comme Cordemoy se posait le problème de lenseignement des langues et du latin en particulier, il consacre de nombreuses pages à cette question. Il était favorable à ladoption de la langue vulgaire comme base de linstruction, reconnaissant que le latin était désormais une langue destinée à une élite érudite et que la vraie question était de trouver la meilleure méthode pour lenseigner comme seconde langue sur le fondement de la langue vulgaire. Cest une vision des choses que défend Cordemoy avant même Coustel. Comme Cordemoy encore, Coustel pose que lenseignement devrait être dispensé, autant que possible, sous forme de passe-temps et de jeux. Il voulait que la difficulté soit graduelle, que lon procède toujours du facile au difficile, du connu à lignoré.
Pierre Nicole, tout au contraire, reste très attaché au latin comme langue internationale et langue de lEglise : « Il faut donc tâcher de leur faire comprendre combien ce défaut (dignorer la langue latine) est grand, et combien ils ont sujet de sen repentir lorsque voyageant dans les pays étrangers, ou étant visités par les étrangers qui viennent en France, il se trouvent dans limpuissance de les entretenir. Il leur faut dire quil ny a quen France où lon trouve des Gentilshommes qui ignorent le latin ; quen Pologne, en Hongrie, en Allemagne, en Suède, en Danemark toutes les personnes de condition non seulement lentendent, mais le parlent facilement ; quenfin il ny a rien de plus honteux que de nentendre pas la langue de lEglise, de ne pouvoir prendre part à ses prières que comme les plus ignorants dentre les paysans et dentre les femmes ; dêtre borné à lentretien de ceux de son siècle, et dêtre privé de celui de tous les grands Hommes qui nous parlent dans les ouvrages composés en cette langue, que lon ne connaît jamais quimparfaitement quand on ne les lit que dans les traductions, et que lon ne lit même guères quand on en est réduit là. » (De léducation dun Prince, op. cit., II, XXII, pp.47-48 [75-76])
« Un jeune prince dont lesprit est grand, dont la volonté est droite, et dont les résolutions sont fermes ; en un mot, un prince comme le nôtre, peut aisément faire observer toutes ces choses et tout de bon, il me paraît quil sy prend comme il faut. Sa naissance, et les suites de sa vie sont aussi pleines de merveille, et le font ressembler parfaitement au Héros de lEtat Réformé. Il a fait la paix aussi jeune : il use de son repos encore plus glorieusement, quil na fait des ses armes ; il a déjà corrigé des abus quon croyait sans remède ; il fait des lois, et na pas encore trente ans.
Je pense même quavant cet âge, il aura fait daussi grandes choses pour nous, et selon nos manières, que celui dont la mémoire est en si grande bénédiction dans lEtat réformé. Je vois dailleurs, quil fait élever Monseigneur le Dauphin, dune manière à nous faire tout espérer. Vous en pouvez bien présumer par ce que tout le monde publie du cur et de lesprit de Monsieur le Duc de Montausier. Mais, comme dans la bonté particulière, quil a toujours eue pour moi, il ma découvert une grande partie de ses pensées, je vous puis assurer, quil ne laissera point prendre de fausses idées au jeune Prince, dont il lui a confié la conduite. Il a toute la force quil faut pour résister à ce torrent, qui emporte la plupart du monde, et surtout les jeunes Princes, à suivre plutôt une mauvaise coutume, que la raison ; et si quelquun peut trouver de grands moyens pour rendre la France heureuse, par léducation de toutes les personnes qui la doivent soutenir un jour, cest de lui sans doute, quon doit attendre ce secours. » (De la Réformation dun Etat, op. cit. p.201-202 [205-206], (p.34).
uvres Complètes, troisième partie, Paris 1704, pp.217-244, (p.41)
uvres complètes, troisième partie, Paris 1704, pp.204-216, (p.35).
« Une famille est en petit limage dun Etat qui nest que lassemblage de plusieurs familles : plus la famille est grande, plus il y a de rapport entre ces deux gouvernements » (Fénelon, Murs des Israélites, op. cit., p.11)
Guez de Balzac dans ses Dissertations politiques recourt à limage de la famille pour exprimer lunion et le bonheur de lEtat dans lidéal que représente le règne dOctave Auguste, cest donc un topos immédiatement saisissable par tous : « Jamais les plaisirs de lesprit ne furent mieux goustez que par ces gens-là, et des mesmes mains dont ils gagnoient les batailles, et signoient le destin des nations, ils escrivoient des comedies, ou applaudissoient à ceux qui en joüoient devant eux. Il ny avoit pas tous les jours un annibal à vaincre, ni une afrique à assujettir. Antoine et le fils de Pompée ne moururent chacun quune fois : et apres cela vint ce calme general, dans lequel les plus inquiets furent de loisir, et le monde se laissa gouverner aussi paisiblement que sil neust esté quune famille. » (Dissertations Politiques, « dissertation 2 », p.430, in op. cit., Gallica, BNF)
Cest ce présupposé que lon retrouve dans Le Prince de Guez de Balzac, la morale qui maintient la famille comme unité nest pas différente de celle qui conserve à lEtat son intégrité : « Parmy eux (les païens) ceux qui ont eu de plus droites opinions, et qui ont jugé des choses plus sainement, nont gueres separé la prudence de la probité : et quoy quils ayent crû que la raison eust son estenduë plus libre et moins indeterminée en la politique quen la morale, ils nont pas crû pourtant que cet espace deust estre infiny, et que tout ce qui est mauvais et deffendu dans les familles, fust bon et legitime dans lestat. » (Le Prince, in op. cit., p.296, Gallica, BNF)
Le gouvernement du royaume présente une étroite parenté avec celui dune famille, cest une idée partagée nombre de théoriciens du pouvoir, Ronsard en 1561 dans son Institution pour ladolescence du roi très chrétien Charles IXe de ce nom écrit : « Le Prince qui ne peut gouverner sa maison / Ne sçauroit gouverner une grande Republique / Pensez long temps devant que de faire aucuns Edicts / Mais si tost quils seront devant le peuple dicts / Quil soient pour tout jamais dinvincible puissance. » (Cité par Jean Meyer, Léducation des princes du XVe au XIXe siècle, op. cit., p.120)
On trouvera dans luvre de Poullain de la Barre (1647-1723) une toute autre manière denvisager le rôle et la présence des femmes comme en atteste ce passage de son traité de léducation des femmes, celui qui sexprime est Stasimaque, porte parole de lauteur : « Je limiterais si bien lautorité maritale que pas un homme nen abuserait. Car rien ne mest plus sensible que de voir une femme obligée de vivre avec un brutal ou un jaloux qui la rende misérable. Jétablirais un conseil souverain mi-parti dhommes et de femmes qui connaîtrait uniquement de ce qui pourrait concerner les intérêts du beau sexe. » (Poullain de la Barre, De léducation des Dames pour la conduite dans les sciences et dans les murs. Entretien, Paris, 1674, p.6 [22])
Différentes thèses saffrontaient sur ce sujet dans le cadre prévalant au 17ème siècle du préformationnisme, celles des ovistes selon lesquels lembryon était préformé dans luf, le spermatozoïde, récemment découvert par Leeuwenhk étant un parasite du sperme. Les animalculistes soutenaient, au contraire, que lembryon était préformé dans le spermatozoïde, luf ne servant quà son alimentation.
On trouvera dans Grotius une conception très proche de la puissance comme celle de lépoux, inaliénable à celui à qui elle a été transmise par ceux mêmes qui la lui ont transmise sans quelle leur appartienne ou quils puissent même la conférer : « La Fonction et lOrdre sont bien différents, une comparaison rendra ma pensée. La puissance du mari vient de Dieu, lapplication de cette puissance à une personne naît du consentement ; il ne donne cependant pas le droit : si le consentement en était la source, la liaison conjugale se dissoudrait par le consentement, ou il arriverait quon ne souffrirait plus la supériorité au mari. Maxime erronée, la puissance impériale nappartient pas aux Electeurs, ils ne la confèrent point ; mais ils en revêtent une certaine personne. Les hommes avant dêtre réunis en République nont point en eux le droit de vie et de mort ; et le particulier na pas celui de se venger ; néanmoins ils le communiquent à un Corps, ou à un Chef. » (Grotius, Traité du pouvoir du magistrat politique sur les choses sacrées ; Traduit du Latin de Grotius. A Londres, 1751, pp.327-328)
« Je ne puis user de meilleur exemple que du fils envers le père : la loi de Dieu dit, que celui qui aura médit au père ou à la mère, soit mis à mort. Et si le père est meurtrier, voleur, traître à la patrie, incestueux, parricide, blasphémateur, athéiste, quon y ajoute ce quon voudra : je confesse que tous les supplices ne suffiront pas pour le punir : mais je dis que ce nest pas au fils à y mettre la main : quia nulla tanta impietas, nullum tantum scelus est, quod sit paricidis vindicandum, comme disait un ancien Orateur : et toutefois Cicéron ayant mis cette question en avant, dit que lamour de la patrie est encore plus grand. Or le Prince de la patrie est toujours plus sacré, et doit être plus inviolable que le père, étant ordonné et envoyé de Dieu : je dis donc que jamais le sujet nest recevable de rien attenter contre son Prince souverain, pour méchant et cruel tyran quil soit : il est bien licite de ne lui obéir pas en chose qui soit contre la loi de Dieu ou de nature, senfuir, se cacher, parer les coups, souffrir la mort plutôt que dattenter à sa vie, ni à son honneur. O quil y aurait de tyrans sil était licite de les tuer : celui qui tire trop de subsides serait tyran, comme le vulgaire lentend : celui qui commande contre le gré du peuple serait tyran, ainsi quAristote le définit ès Politiques : celui qui aurait gardes pour la sûreté de sa vie serait tyran : celui qui ferait mourir les conjurés contre son état serait tyran. » (Jean Bodin, La République, livre II, Lyon 1589, chapitre 5 : « Sil est licite dattenter à la personne du tyran, et après sa mort annuler et casser ses ordonnances. », pp.213-214)
Jean Bodin, La République, Livre I, Lyon 1589, pp.21-32.
Pufendorf se distingue de cette vision des choses, pour lui le pouvoir paternel ne fonde pas, à proprement parler, le pouvoir politique, la relation qui fonde le pouvoir paternel na rien dun pacte réellement conclu, d« une convention formelle » ; en acceptant de prendre en charge et délever leur enfant, les parents engagent certes celui-ci par une « obligation réciproque aussi forte que sil avait donné un consentement formel : tout ce quil y a, cest quelle ne déploie son effet actuellement que quand il est venu en âge de comprendre ce que son père et sa mère ont fait pour lui » (op. cit. infra, t.2, VI, 2, p.189, §2). Ainsi un contrat supposé demeure un quasi-contrat, dont les conséquences, sinon les termes, doivent pouvoir être discutés ; la référence au pouvoir paternel - quasi-contrat - ne peut donc servir à fonder, comme le fait par exemple Hobbes, le pouvoir souverain : « il faut remarquer, quoutre le Pouvoir Paternel proprement ainsi nommé, les Pères on aussi quelque autorité en tant que Chefs de famille ; quoique dune manière différente, selon quils vivent dans la Liberté Naturelle, ou dans une Société Civile. Une famille séparée et indépendante ayant quelque ressemblance avec un petit Etat ; celui, qui en est le Chef, a aussi sans contredit un Pouvoir qui tient un peu de la Souveraineté. Je dis, ayant quelque ressemblance : car Hobbes a tort de lappeler un Etat, et la raison en est, que le but de lunion des Familles, et celui de létablissement des Sociétés Civiles, sont tout différents : doù vient que plusieurs parties de la Souveraineté nappartiennent pas aux Chefs de famille. » (Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, traduction de Jean Barbeyrac, tome second, édition de Bâles de 1732, fac simile du Centre de Philosophie politique et juridique de lUniversité de Caen, 1987, livre VI, chapitre 2, pp.194-195 [202-203], Gallica)
Matthieu 23, 1-12
« Au sein de la famille, cest lhomme qui, naturellement, exerce lautorité. Il le fait à légard de son épouse comme de ses enfants, mais le chef de famille est plutôt désigné comme père que comme époux. En exerçant son pouvoir avec amour, cela va de soi - , il fait lunité, sous lui, de la famille et mérite ainsi de servir de modèle aux Rois. Réciproquement, reprenant la Cité de Dieu, Fleury nimagine pas dautre modèle possible de lorganisation familiale que le système monarchique. » (François Xavier Cuche, op. cit., II, chap.1, p.180)
La convergence avec la pensée de Bodin est frappante, mais les attendus de ce dernier sont autrement fondés comme nous pouvons le remarquer dans ce passage de sa République : « Nous avons dit du gouvernement de la famille, et de ses parties, et jeté les premiers fondements sur lesquels toute République est bâtie. Et tout ainsi que le fondement peut être sans forme de maison, aussi la famille peut être sans cité, ni République, et le chef de famille peut user du droit de souveraineté sur les siens, sans rien tenir après Dieu que de lépée : comme il y en a plusieurs ès frontières du Royaume de Fez, et de Maroc, et aux Indes Occidentales : mais la République ne peut être sans famille, non plus que la ville sans maison, ou la maison sans fondement. Or quand le chef de famille vient à sortir de sa maison où il commande, pour traiter et négocier avec les autres chefs de famille, de ce qui leur touche à tous en général, alors il dépouille le titre de maître, de chef, de seigneur, pour être compagnon, pair et associé avec les autres : laissant la famille pour entrer en la cité : et les affaires domestiques, pour traiter les publiques : et au lieu de seigneur, il sappelle citoyen : qui nest autre chose en propres termes, que le franc sujet tenant de la souveraineté dautrui. Car auparavant quil y eut ni cité, ni citoyens, ni forme aucune de République entre les hommes, chacun chef de famille était souverain en sa maison, ayant puissance de la vie et de la mort sur la femme, et sur les enfants : et depuis que la force, la violence, lambition, lavarice, la vengeance eurent armé les uns contre les autres, lissue des guerres et combats, donnant la victoire aux uns, rendait les autres esclaves : et entre les vainqueurs, celui qui était élu chef et capitaine, et sous la conduite duquel les autres avaient eu la victoire, continuait en la puissance de commander aux uns comme aux fidèles et loyaux sujets, aux autres comme esclaves. Alors la pleine et entière liberté, que chacun avait de vivre à son plaisir, sans être commandé de personne, fut tournée en pure servitude, et du tout ôtée aux vaincus : et diminuée pour le regard des vainqueurs, en ce quils prêtaient obéissance à leurs chef souverain, et celui qui ne voulait quitter quelque chose de sa liberté, pour vivre sous les lois et commandement dautrui, la perdait du tout. Ainsi le mot de seigneur, et de serviteur, de Prince, et de sujet auparavant inconnus, furent en usage. La raison et lumière naturelle nous conduit à cela, de croire que la force et violence a donné source et origine aux Républiques. » (De la République, Livre premier, Chapitre VI : « Du citoyen, et la différence dentre le sujet, le citoyen, létranger, la ville, cité et République », op. Cit., pp.47-48). On a ici une source possible de la philosophie politique de Hobbes, on notera quà la différence de Hobbes mais comme Cordemoy, Bodin fonde son concept de la puissance politique sur une considération de lHistoire. Bodin évoque explicitement dans la suite de son exposé, lhistoire antique, lhistoire sainte, lhistoire médiévale et celle contemporaine pour lui.
Le père de famille est aussi un modèle axiologique pour La Bruyère, il y recourt comme par antithèse pour stigmatiser la brigue sociale des classes dominantes : « Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à se faire valoir : maxime inestimable et dune ressource infinie dans la pratique, utile aux faibles, aux vertueux, à ceux qui ont de lesprit, quelle rend maîtres de leur fortune ou de leur repos : pernicieuse pour les grands, qui diminuerait leur cour, ou plutôt le nombre de leurs esclaves, qui ferait tomber leur morgue avec une partie de leur autorité, et les réduirait presque à leurs entremets et à leurs équipages ; qui les priverait du plaisir quils sentent à se faire prier, presser, solliciter, à faire attendre ou à refuser, à promettre et à ne pas donner ; qui les traverserait dans le goût quils ont quelquefois à mettre les sots en vue et à anéantir le mérite quand il leur arrive de le discerner; qui bannirait des cours les brigues, les cabales, les mauvais offices, la bassesse, la flatterie, la fourberie; qui ferait dune cour orageuse, pleine de mouvements et dintrigues, comme une pièce comique ou même tragique, dont les sages ne seraient que les spectateurs ; qui remettrait de la dignité dans les différentes conditions des hommes, de la sérénité, sur leurs visages ; qui étendrait leur liberté; qui réveillerait en eux, avec les talents naturels, lhabitude du travail et de lexercice ; qui les exciterait à lémulation, au désir de la gloire, à lamour de la vertu; qui, au lieu de courtisans vils, inquiets, inutiles, souvent onéreux à la république, en ferait ou de sages économes, ou dexcellents pères de famille, ou des juges intègres, ou de bons officiers, ou de grands capitaines, ou des orateurs, ou des philosophes ; et qui ne leur attirerait à tous nul autre inconvénient, que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples. » (La Bruyère, Les Caractères, « Du Mérite Personnel », II, 11, VII. Cest nous qui mettons en caractères gras)
Politique tirée des propres paroles de lEcriture Sainte, livre second, troisième proposition, « Le premier empire parmi les hommes est lempire paternel », Paris, 1709.
Idem, troisième proposition.
Antoine de Montchrestien dans son traité déconomie politique présente le gouvernement domestique comme le modèle du gouvernement politique : « le bon gouvernement domestic, à le bien prendre, est un patron et modelle du public ; soit que lon regarde le droit commandement, soit la fidelle obeïssance, liaison principale de lun et de lautre. La bonne administration politique est une santé universelle de tout le corps de lestat, et par conséquent une entiere disposition de chaque membre particulier. ( Léconomie politique patronale, Traicté de loeconomie politique : dédié en 1615 au Roy et à la Reyne mère du Roy, par Antoyne de Montchrétien, édité par Th. Funck-Brentano, Librairie Plon, Paris, 1889, p18, Gallica). Bodin définit lEtat comme : « un droit gouvernement de plusieurs ménages et ce qui leur est commun avec souveraine puissance » (Bodin, La république, livre I, Chapitre 1, op. cit., p.1, déclaration liminaire.)
Livre II, proposition IV.
Livre II, proposition VII.
Jean Meyer, Léducation des princes du XVe au XIXe siècle, p.144.
Dans lédition numérique disponible sur Gallica : p.199
Murs de Israélites et des Chrétiens, par Mr. lAbbé Fleury, Nouvelle édition à Paris chez les Libraires Associés, 1810, p.1
« Pendant que les grands négligent de rien connaître, je ne dis pas seulement aux intérêts des princes et aux affaires publiques, mais à leurs propres affaires; quils ignorent léconomie et la science dun père de famille, et quils se louent eux-mêmes de cette ignorance ; quils se laissent appauvrir et maîtriser par des intendants ; quils se contentent dêtre gourmets ou coteaux, daller chez Thaïs ou chez Phryné, de parler de la meute et de la vieille meute, de dire combien il y a de postes de Paris à Besançon, ou à Philisbourg, des citoyens sinstruisent du dedans et du dehors dun royaume, étudient le gouvernement, deviennent fins et politiques, savent le fort et le faible de tout un État, songent à se mieux placer, se placent, sélèvent, deviennent puissants, soulagent le prince dune partie des soins publics. Les grands, qui les dédaignaient, les révèrent: heureux sils deviennent leurs gendres. » (La Bruyère, Les Caractères, « Des Grands », IX, 24, VII, édition numérique, Gallica)
Lutopie de La Bétique au septième livre du Télémaque, lutopie de Salente que Fénelon développe du onzième au dix-septième livre du Télémaque.
Lutopie fénelonienne présente certaines analogies avec les utopies paysannes des siècles précédents. Parlant dun de ces utopistes paysans du 16ème siècle Carlo Ginzburg écrit : « La société rêvée par Scolio est en fait celle, pieuse et austère, des utopies paysannes : débarrassée des professions inutiles (« quil ny ait ni boutiques ou arts manuels, / Sinon plus importants et principaux ; / Estimez vanité toute science, / Médecins et docteurs, passez-vous en »), fondée sur les agriculteurs et sur les guerriers, dirigée par un unique souverain, qui sera Scolio lui-même. » (Carlo Ginzburg, in op. cit., 58, p.164)
Murs des Israélites et des Chrétiens, in op. cit., pp.20-21.
« Ainsi il fallait peu de charges différentes et peu dofficiers, en comparaison de ce que nous en voyons aujourdhui ; car il est honteux parmi nous dêtre simple particulier, et de navoir dautre emploi que de faire valoir son bien, et gouverner sa famille. Tout le monde veut être personne publique, avoir des honneurs, des prérogatives et des privilèges ; et les charges sont considérées, ou comme des métiers qui font vivre les hommes, ou comme des titres qui les distinguent. Mais si lon voulait ny regarder que ce quelles ont dessentiel, cest-à-dire, les fonctions publiques, réelles et nécessaires, on verrait quelles peuvent être exercées par un petit nombre de personnes, leur laissant encore du temps pour vaquer à leurs affaires particulières. » (Murs des Israélites et de Chrétiens, op. cit., pp.128-129.
Pour Montchrestien lautorité dans la famille comme dans létat doit se modérer au respect des particularités des individus : « tout cela revient à ce poinct : quen lestat aussi bien quen la famille cest un heur meslé de grandissime profit de mesnager bien les hommes selon leur particulière et propre inclination. Et sur la consideration de ce rapport quils ont ensemble, en ce qui concerne le poinct de lutilité, joint avec plusieurs autres raisons qui seroient longues à deduire, on peut fort à propos maintenir, contre lopinion dAristote et de Xenophon, que lon ne sçauroit diviser loeconomie de la police sans demembrer la partie principale de son tout, et que la science dacquerir des biens, quils nomment ainsi, est commune aux républiques aussi bien quaux familles. » (Montchrestien, Traicté de lOeconomie politique, in op. cit., p.32)
« Elles ne doivent ni gouverner lEtat, ni faire la guerre, ni entrer dans le ministère sacré » (Fénelon, Education des Filles, Chap.1, p.4 de lédition numérique consultable sur Gallica : Traité de léducation des filles [Document électronique] / Fénelon ; publié avec une introd. et des notes par Paul Rousselot)
Selon Montchrétien le principe dagrégation qui préside à la constitution des sociétés et des Etats est le gain et lintérêt personnel en ce quil rencontre nécessairement lintérêt collectif : « Aussi les plus habiles, et, qui ont mieux estudié le livre des affaires en (se) determinant par lexperience commune, ont tenu que les necessitez diverses que chacun sentoit en son particulier, ont esté la première cause des communautez generalles. Car la plus ordinaire liaison des hommes et leur plus frequent assemblage depend du secours quils sentreprestent et des offices mutuels quils se rendent de main en main..., mais en telle sorte que chacun est plus porté de son profit particulier comme dun mouvement propre et à part de cest autre mouvement general que luy donne, sans quil sen aperçoive quasi, la nature son premier mobile... tant de tracas, tant de labeurs de tant dhommes nont point dautre but que le gain. à ce centre se reduit le cercle des affaires ; la necessité du mouvement cerche ce poinct. » (Montchrétien, Traité de loeconomie politique, in op. cit., p.39 [160]). Selon Hobbes la crainte de la mort et le désir de sauver sa vie sont le principe dagrégation qui conduit à létablissement des sociétés, létat de nature qui est celui dégalité et de liberté est aussi un état de guerre permanente où chacun se gouverne soi-même dans le désir détendre indéfiniment sa puissance. La crainte de la mort et le désir de sauver sa vie conduit à renoncer à légalité et à la puissance en faveur dun pouvoir commun tout-puissant qui imposera sa loi à tous dans la communauté politique et, du même coup, assurera un ordre et une paix.(voir le Léviathan de Hobbes)
Gérauld de Cordemoy semble avoir voulu suivre le même plan que Bossuet pour son Discours sur lhistoire universelle, en effet ce dernier observe deux parties dans lhistoire : lantiquité qui va des anciens dont les Grecs et les Romains, jusquà Charlemagne, et lépoque suivante des successeurs de Charlemagne jusquau siècle de Louis le grand. « Je vous donne cet établissement du nouvel empire sous Charlemagne, comme la fin de lhistoire ancienne, parce que cest là que vous verrez finir tout à fait lancien empire romain. Cest pourquoi je vous arrête à un point si considérable de lhistoire universelle. La suite vous en sera proposée dans une seconde partie, qui vous mènera jusquau siècle que nous voyons illustré par les actions immortelles du roi votre père, et auquel lardeur que vous témoignez à suivre un si grand exemple, fait encore espérer un nouveau lustre. » (in op. cit. [Document électronique] (Gallica), p.6)
Histoire de France, Par M. De Cordemoy Conseiller du Roy, lecteur ordinaire de Monseigneur le Dauphin, de lAcadémie Française, Tome I, A Paris chez Jean-Baptiste Coignard, Imprimeur du Roy, ruë S. Jacques, à la Bible dor. MDCLXXXV. Avec Privilège du roy, côte BNF : R 132 300. Le tome II est daté de MDCLXXXIX, côte BNF : R 132 301.
« Sire, je présente à votre Majesté le premier Tome de lhistoire de France, que mon père avait commencée par vos ordres. Il sefforçait de répondre à lhonneur que Votre Majesté lui avait fait de lappeler auprès de Monseigneur le Dauphin et de le choisir pour écrire lhistoire de la plus ancienne et de la plus puissante Monarchie qui fut au monde. Il achevait la seconde Race, et sur le point doffrir à V. M. une partie si considérable de son ouvrage, la mort lui a enlevé cette seule consolation quil attendait de ses soins et de ses veilles. Il a tâché par son exactitude, à ne laisser rien échapper de tout ce quon pouvait tirer de lobscurité de ces premiers temps. » (Histoire de France, Epistre au Roy signé : « De Cordemoy Abbé de Féniers », in op. cit. Tome I)
Histoire de France depuis Faramond jusquau règne de Louis le juste : enrichie de plusieurs belles et rares antiquitez et de la vie des reynes. Des portraits au naturel des Rois, de Reines, et des Dauphins, tirez de leurs Chartes, Effigies, et autres anciens Originaux. Et dun recueil des médailles qui ont esté fabriquées sous chaque Regne ; et de leur explication servant déclaircissement à lHistoire. Par le sieur F. de Mézeray, Historiographe de France. Nouvelle Edition. Reveuë, et augmentée par lAuteur dun Volume de lOrigine des François. Tome premier. A Paris, chez Denys Thierry, ruë S. Jacques, devant la ruë du Plâtre, à la ville de Paris. Jean Guignard, à lentrée de la grand Salle du Palais, à lImage Saint Jean. Et Claude Barbin, sur le second Perron de la Sainte Chapelle. M.DC.LXXXV. Avec privilège du Roy.
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La vision qua Fénelon des Germains et particulièrement des Francs est bien moins favorable, les Gaulois polis par Rome sont préférés à ces Germains barbares que sont les Francs : « Les Francs nétaient alors quune troupe errante et farouche, presque sans lois et sans police, qui ne faisait que des ravages et des invasions. Il ne faut confondre les Gaulois polis par les Romains avec ces Francs si barbares. Il faut laisser voir un rayon de politesse naissante sous lempire de Charlemagne ; mais elle doit sévanouir dabord. La prompte chute de sa maison replongea lEurope dans une affreuse barbarie. Saint Louis fut un prodige de raison et de vertu dans un siècle de fer. La résurrection des lettres et des arts a commencé en Italie, et a passé en France fort tard. La mauvaise subtilité du bel esprit en a retardé le progrès. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie, op. cit., p.78 [78])
Platon dans le Timée : 22d-27b, Xénophon dans la Cyropédie : chapitre 3.
« Alors, ni ce que nous appelons la politesse de nos moeurs, ni la bienséance de nos coutumes, ni notre faste, ni notre magnificence ne nous préviendront pas davantage contre la vie simple des Athéniens que contre celle des premiers hommes, grands par eux-mêmes, et indépendamment de mille choses extérieures qui ont été depuis inventées pour suppléer peut-être à cette véritable grandeur qui nest plus.
La nature se montrait en eux dans toute sa pureté et sa dignité, et nétait point encore souillée par la vanité, par le luxe, et par la sotte ambition. Un homme nétait honoré sur la terre quà cause de sa force ou de sa vertu; il nétait point riche par des charges ou des pensions, mais par son champ, par ses troupeaux, par ses enfants et ses serviteurs; sa nourriture était saine et naturelle, les fruits de la terre, le lait de ses animaux et de ses brebis; ses vêtements simples et uniformes, leurs laines, leurs toisons; ses plaisirs innocents, une grande récolte, le mariage de ses enfants, lunion avec ses voisins, la paix dans sa famille. Rien nest plus opposé à nos moeurs que toutes ces choses; mais léloignement des temps nous les fait goûter, ainsi que la distance des lieux nous fait recevoir tout ce que les diverses relations ou les livres de voyages nous apprennent des pays lointains et des nations étrangères. » (La Bruyère, Les Caractères, « Discours sur Théophraste » p.68 dans lédition du Livre de Poche, 1995.
Au livre premier de La République chapitre VIII, intitulé : « De la souveraineté », page 92 dans lédition de 1579 à Lyon chez Jean de Tournes, Jean Bodin écrit : « Et tout ainsi que le Pape ne se lie jamais les mains, comme disent les canonistes : aussi le Prince souverain ne se peut lier les mains quand ores il voudrait. Aussi voyons nous à la fin des édits et ordonnances ces mots : CAR TEL EST NOTRE PLAISIR, pour faire entendre que les lois du Prince souverain, ores quelles fussent fondées en bonnes et vives raisons, néanmoins quelles ne dépendent que de sa pure et franche volonté. Mais quant aux lois divines et naturelles, tous les Princes de la terre y sont sujets, et nest pas en leur puissance dy contrevenir, sils ne veulent être coupables de lèse majesté divine, faisant guerre à Dieu, sous la grandeur duquel tous les Monarques du monde doivent faire joug et baisser la tête en toute crainte et révérence. Et par ainsi la puissance absolue des Princes et seigneuries souveraines, ne sétend aucunement aux lois de Dieu et de la nature : et celui qui a mieux entendu que cest de puissance absolue, et qui a fait ployer les Rois et les Empereurs sous la sienne, disait que ce nest autre chose que déroger au droit ordinaire : il na pas dit aux lois divines et naturelles. »
On trouvera le parallèle suivant dans La République de Bodin : « Tout ainsi donc que la famille bien conduite, est la vraie image de la République, et la puissance domestique semblable à la puissance souveraine : aussi est le droit gouvernement de la maison, le vrai modèle du gouvernement de la République. Et tout ainsi que les membres chacun en particulier faisant leur devoir, tout le corps se porte bien : aussi les familles étant bien gouvernées, la République ira bien. » (Op. cit., Livre premier, Chapitre II, « Du ménage et la différence entre la République et la famille », p.8)
Sur la question du droit paternel, Bodin écrit dans La République : « Le Droit gouvernement du père et des enfants gît à bien user de la puissance, que Dieu a donné au père sur ses enfants propres, ou la loi sur les enfants adoptés, et en lobéissance, amour, et révérence des enfants envers les pères. Le mot de puissance, est propre à tous ceux qui ont pouvoir de commander à autrui. Ainsi le Prince, dit Sénèque, commande aux sujets,le magistrat aux citoyens, le père aux enfants, le maître aux disciples, le capitaine aux soldats, le seigneur aux esclaves. Mais de tous ceux-là, il ny en a pas un, à qui nature donne aucun pouvoir de commander, et moins encore dasservir autrui, hormis au père, qui est la vraie image du grand Dieu souverain, père universel de toutes choses, comme disait Procle Académicien. Aussi Platon ayant en premier lieu articulé les lois, qui touchent lhonneur de Dieu, il dit, que cest une préface de la révérence que lenfant doit au père, duquel, après Dieu, il tient la vie, et tout ce quil peut avoir en ce monde. Et tout ainsi que nature oblige le père à nourrir lenfant, tant quil est impuissant, et linstruire en tout honneur et vertu : aussi lenfant est obligé, mais beaucoup plus étroitement, daimer, révérer, servir, nourrir le père, et ployer sous ses mandements en toute obéissance, supporter, cacher, et couvrir toutes ses infirmités et imperfections, et népargner jamais ses biens, ni son sang, pour sauver et entretenir la vie de celui, duquel il tient la sienne. » (Op. cit., Livre I, chapitre IV, « De la puissance paternelle, et sil est bon den user comme les anciens Romains. », p.20
Et tout particulièrement ceux du Petit Concile comme lécrit François Xavier Cuche : « La première phrase des Pensées Politiques de Fleury tranche avec netteté : "Le but de la politique est de rendre un peuple heureux." Aucune idée nest plus commune aux écrivains du Petit Concile, à la suite de Bossuet lui-même, comme déjà de tous les auteurs chrétiens antérieurs et, avant eux, des philosophes antiques. » (Une pensée sociale catholique, op. cit., p.219)
On trouve dans les Mémoires de Louis XIV la déclaration suivante : « Nous devons considérer le bien de nos sujets plus que le nôtre propre. Ce nest que pour leurs avantages que nous devons leur donner des lois ; et ce pouvoir que nous avons sur eux ne nous doit servir quà travailler plus effectivement à leur bonheur. » (Cité par Théodore Funck-Brentano dans une note de son édition du Traité déconomie politique de Montchétien, op. cit., p.4 [125], note 1)
Considération du souverain au service du bonheur des peuples très éloignée également de la vision machiavélienne dun Gabriel Naudé dans son traité Considérations politiques sur les coups dEtat, dun peuple brute et versatile à dominer par la ruse et la tromperie : « Or dautant que la force gît toujours de son côté (le peuple), et que cest lui (le peuple) qui donne le plus grand branle à tout ce qui se fait dextraordinaire dans lEtat, il faut que les Princes ou leurs Ministres sétudient à le manier et persuader par belles paroles, le séduire et tromper par les apparences, le gagner et tourner à ses desseins par des prédicateurs et miracles sous prétexte de sainteté, ou par le moyen des bonnes plumes, en leur faisant faire des livres clandestins, des manifestes, apologies et déclarations artistement composées pour le mener par le nez, et lui faire approuver ou condamner sur létiquette du sac tout ce quil contient. » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, in op. cit., pp.255-256 [263-264]). (Voir note 151, p.145)
Dans son travail sur les minutes du procès en hérésie dun meunier frioulan au 16ème siècle Carlo Ginzburg montre combien était ancrée dans les croyances populaires lidée dune égalité des religions, du moins de celles du livre : toute religion est bonne et ce qui importe cest que celui qui y est né la pratique avec conscience : « toutes les fois sont bonnes pour qui les observe sans les violer. » (Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. Lunivers dun meunier du XVIe siècle, Editions Aubier Histoires, Flammarion, Paris, 1980, 59, p.168)
Platon dans le Timée : 22d-27b, Xénophon dans la Cyropédie : chapitre 3.
On trouvera dans le traité de Gabriel Naudé Considérations politiques sur les Coups dEtat, ce jugement radicalement différent concernant le massacre de la saint Barthélemy, jugement qui confine à ladmiration : « bref tout fut si bien disposé, que lon ne manqua en chose quelconque sinon en lexécution, à laquelle si on eût procédé rigoureusement il faut avouer que ceût été le plus hardi Coup dEtat, et le plus subtilement conduit, que lon ait jamais pratiqué en France ou en autre lieu. Certes pour moi, encore que la Saint Barthélemy soit à cette heure également condamnée par les Protestants et par les Catholiques, et que Monsieur de Thou nous ait rapporté lopinion que son père et lui en avaient par ces vers de Stace, Occidat illa dies aevo, neu postera credant saecula nos certe taceamus, et obruta multa Noce, tegi propriae patiamur crimina gentis. (Quil ne se parle jamais plus de ce jour, et que les siècles avenir ne croient point quil ait été ; et pour nous gardons les silence et couvrons les crimes de notre propre nation, les ensevelissant dans des profondes ténèbres.) Je ne craindrai point toutefois de dire que ce fut une action très juste, et très remarquable, et dont la cause était plus que légitime quoique les effets en aient été bien dangereux et extraordinaires. » (Gabriel Naudé, in op. cit., pp.179-180 [187-188]) (Voir note 151, p.145) Il sera difficile détablir ce quun tel jugement doit à la dissimulation dont parle Jean-Pierre Cavaillé dans son ouvrage : Dis/simulations à propos de Naudé entre autres. On notera que dans cette appréciation des événements Naudé met le religieux entièrement au service du politique : en nobservant pas la religion du roi les huguenots menacent dabord lautorité politique.
Le sentiment de Bodin sur cette question va encore davantage à la tolérance : « mais si le Prince qui aura certaine assurance de la vraie religion veut y attirer ses sujets, divisés en sectes et factions, il ne faut pas à mon avis quil use de force : car plus la volonté des hommes est forcée, plus elle est revêche : mais bien ensuivant et adhérant à la vraie religion sans feinte ni dissimulation, il pourra tourner les curs et volontés des sujets à la sienne, sans violence, ni peine quelconque : en quoi faisant non seulement il évitera les émotions, troubles et guerres civiles, ains aussi il acheminera les sujets dévoyés au port de salut. » (La République, Livre IV, chapitre VII : « Si le Prince ès factions civiles se doit joindre à lune des parties, et si le sujet doit être contraint de suivre lune ou lautre, avec les moyens de remédier aux séditions. », p.455)
« Saint Sigebert II ou Sigebert. Roi dAustrasie (Nord Est de la France et région rhénane en Allemagne), il gouverna ses Etats avec sagesse et les dota de nombreux monastères pour y faire rayonner la foi. Il mourut à lâge de vingt-cinq ans sans avoir connu beaucoup de succès durant son règne. Il fut inhumé dans léglise de Saint-Martin de Metz quil avait fondée. Il est également considéré comme le fondateur de labbaye de Malmédy en Belgique. » (daprès Nominis, site hébergé par lEglise catholique de France :
HYPERLINK "http://nominis.cef.fr/contenus/saints_544.html" http://nominis.cef.fr/contenus/saints_544.html)
Le peuple hébreu.
Il sagit de Thégan ou Thégand, chroniqueur, auteur dune vie de Louis le pieux, évêque de Trêves, mort aux environs de 850.
« Après la mort de Théodoric arrivée à Rome, le Pape Félix troisième ou quatrième du nom, y fut élu en la place de Jean ; et Amalasonte qui ny voulut point exciter de trouble, laissa ce Pontife en repos, entretenant dailleurs une grande intelligence avec lEmpereur ; et voulant par ce moyen procurer une paix profonde à lItalie, pour faire cependant élever le jeune Athalaric en Prince qui devait gouverner un grand Royaume. Les Historiens remarquent quelle le mit sous la conduite des plus honnêtes et des plus habiles gens de son siècle. Mais à peine eut-il commencé de les écouter, que les Seigneurs Ostrogoths blâmant cette éducation comme mal propre à un Prince qui ne devait, disaient-ils, connaître que les armes, obligèrent Amalasonte de le retirer de la contrainte où le retenaient ceux qui le gouvernaient : et dés que cette contrainte salutaire cessa, il se jeta dans des débauches dont sa jeunesse ne put longtemps supporter lexcès. » (Idem, p.165) et chapitre I, première partie de notre travail.
Le rôle dAlcuin auprès de Charlemagne et de ses fils.
Ici encore le texte de Cordemoy résonne avec celui de La République de Bodin : « Que dirons nous donc de celui qui a du peuple la puissance absolue, tant et si longuement quil vivra ? en ce cas il faut distinguer : si la puissance absolue lui est donnée purement et simplement, sans qualité de magistrat, ni de commissaire, ni forme de précaire, il est bien certain que cestui-là est, et se peut dire monarque souverain : car le peuple sest dessaisi et dépouillé de sa puissance souveraine, pour lensaisiner et investir : et à lui, et en lui transporté tout son pouvoir, autorité, prérogatives, et souverainetés : comme celui qui a donné la possession, et propriété de ce qui lui appartenait. La loi use de ces mots, EI, ET IN EUM OMNEM POTESTATEM CONTULIT. Mais si le peuple octroie sa puissance à quelquun tant quil vivra, en qualité dofficier, ou lieutenant, ou bien pour se décharger seulement de lexercice de sa puissance : en ce cas il nest point souverain, ains simple officier, ou lieutenant, ou régent, ou gouverneur,ou gardien, et bail de la puissance dautrui : car tout ainsi que le Magistrat, ores quil fasse un lieutenant perpétuel, et quil nait aucun soin de sa juridiction, laissant, lentier exercice à son lieutenant, ce nest pas toutefois en la personne du lieutenant, que gît la puissance de commander, ni de juger, ni laction et force de la loi : et sil passe outre la puissance à lui donnée, ce nest rien fait, si les actes ne sont ratifiés, loués, et approuvés par celui qui a donné la puissance. Et pour cette cause, le Roi Jean après son retour dAngleterre, ratifia solennellement tous les actes de Charles son fils aîné, établi régent, pour iceux valider et confirmer, en tant quil serait besoin. (
) Car le peuple ou les seigneurs dune République, peuvent donner purement et simplement la puissance souveraine et perpétuelle à quelquun, pour disposer des biens, des personnes, et de tout létat à son plaisir, et puis le laisser à qui il voudra.
» (Bodin, La République, livre premier, chapitre VIII : « De la souveraineté », op.cit., pp.88-89)
Bodin montre bien que ce qui distingue la souveraineté absolue qui est celle du prince cest précisément quil nen a à rendre compte quà Dieu : « Aussi le peuple ne se dessaisit point de la souveraineté, quand il établit un, ou plusieurs lieutenants, avec puissance absolue à certain temps limité : qui est beaucoup plus, que si la puissance était révocable au plaisir du peuple, sans préfixion de temps : car lun et lautre na rien à soi, et demeure comptable de sa charge, à celui duquel il tient la puissance de commander : ce qui nest pas au Prince souverain, qui nest tenu rendre compte quà Dieu. » (La République, livre premier, chapitre VIII, op. cit., p.87)
Théodore Funck-Brentano montre dans luvre de Bossuet le même souci de rapprochement du clergé de ses devoirs envers le peuple : « Méconnaissant la grande pensée de Bossuet, qui désirait unir de plus en plus le clergé à la nation par les libertés de lEglise gallicane, - grande idée dont nous trouverons déjà un pressentiment surprenant chez Montchrétien, - le clergé se retranche sans cesse derrière lautorité papale, pour disputer chacun de ses subsides, sous forme de don gratuit, à la royauté en détresse, en même temps que, perdant de vue tous les intérêts nationaux, il obtient la révocation de lédit de Nantes et finit, en soulevant toutes les haines contre lui, par se faire révoquer lui-même. » (Introduction du Traicté de loeconomie politique dAntoine de Montchrétien, Théodore Funck-Brentano, Librairie Plon, Paris 1889, pp.CVI-CVII [pp.109-110])
Cette conjonction des deux pouvoirs spirituel et temporel est envisagée plus cyniquement par Gabriel Naudé : le prêtre comme prédicateur soumet par sa parole séductrice les esprits grossiers du peuple aux volontés du politique : « Quoy plus y eut-il jamais un meurtre plus méchant, et plus abominable que celui de Louis Duc dOrléans fait lan 1407, par le Duc de Bourgogne ? Néanmoins il se trouva Maître Jean Petit Théologien et grand Prédicateur, qui le sut si bien pallier, couvrir et déguiser par les sermons quil fit à Paris dans le parvis de Nôtre-Dâme, que tous ceux qui voulaient par après soutenir le parti de la Maison dOrléans étaient tenus par le peuple pour mutins et rebelles ; ce qui les contraignit duser du même artifice que leur ennemi, et de se mettre sous la protection de ce grand homme de bien Jean Gerson, qui entreprit leur défense, et fit déclarer au Concile de Constance la proposition tenue par Petit, pour hérétique et erronée.(..) Montluc Evêque de Valence, fut envoyé vers les Vénitiens pour légitimer par ses belles paroles, le secours que son Maître faisait venir de Turquie pour se défendre contre lEmpereur Charles V, et lorsque la S. Barthélemy fut faite, le même Montluc et Pibrac, travaillèrent si bien de la plume et de la langue, que cette grande exécution ne put détourner, comme nous lavons déjà remarqué, les Polonais, quoique instruits particulièrement de tout ce qui sy était passé par les Calvinistes, de choisir Henri III pour leur Roi, au préjudice de tant dautres Princes qui navaient rien épargné pour venir à bout de leurs prétentions. » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, in op. cit., pp.272-273 [280-281] et pp.275-276 [283-284]). (Voir note 151, p.145)
« En 1611, un prêtre, Claude Villette, publie un traité de liturgie souvent réédité par la suite : Les raisons de loffice et cérémonie qui se font en lEglise catholique. Nous y trouvons les raisons théologiques de la nature mixte reconnue au monarque par Duchesne. Commentant les rites du sacre, et en particulier lonction sur les mains, les offrandes faites par le roi et surtout la communion sous les deux espèces, Villette conclut que le roi est « personne mixte et ecclésiastique ». A propos de la communion, il écrit que le souverain communie sous les deux espèces comme fait le prêtre
afin que le Roi de France sache sa dignité être Presbitérale et Royale » (Etienne Thuau, Raison dEtat et pensée politique à lépoque de Richelieu, p.21)
Mézeray donne la date 1161 pour la canonisation de Charlemagne, toutes nos recherches nous ont donné celle de 1165, ce décalage de quatre ans ne peut pas sexpliquer par lutilisation dun calendrier ancien davant la réforme grégorienne du 15 octobre 1582, le décalage serait alors de 11 jours et non pas de quatre ans.
Bayle, dans les Nouvelles de la République des Lettres doctobre 1685 (éd. dAmsterdam)1 écrit : « La Nouvelle Histoire de France2 de M. de Cordemoy en est une preuve » (de ce que la revision des pièces « historiques » efface « quelquefois les sanglants outrages quon a reçus ») « puisquil y fait lApologie de la Reine Brunehaut, et quil montre que les impudicités de Charlemagne sont des visions. Il montre que les quatre femmes et les cinq concubines quon attribue à ce Prince ont été à lui légitimement les unes après les autres par un mariage ou plus ou moins solennel, et il dit que sans examiner les raisons pour lesquelles les Médecins peuvent dire quil y a des hommes qui abrègent la vie de leurs femmes, on ne manque point dexemples de gens mariés des 15, 18, et 20 fois. Cela servira, si lon veut, du supplément au 3e article de nos dernières Nouvelles » (sur le Traité de lExcellence du Mariage, de sa nécessité et des moyens dy vivre heureux. Où lon fait lApologie des femmes contre les calomnies des hommes. Par Jacques Chaussé Sieur de la Terrière. A Paris chez Samuel Perier, 1685 ; Nouvelles... de sept. 1685, ibid., pp. 948 sq.). « Il ne faut pour cela que se prévaloir des découvertes de M. de Cordemoy afin dajouter un nouveau fleuron aux couronnes de Charlemagne, en disant quil sest incomparablement plus illustré par ses noces souvent réitérées que par toutes ses conquêtes. Quand nos Libraires sauront que M. de Cordemoy éclaircit beaucoup de faits qui étaient confus jusquà présent, quil en découvre quelques uns que lon ignorait encore et quil en réfute dautres que lon tenait pour certains, ils auront je massure autant de soin de se fournir de son Histoire que de la grande de M. de Mézeray laquelle se trouve à Amsterdam chez Wolfgang et Boom, à Leyde chez Haackius et à la Haye chez Moetjens... »
1) Chez Henry Desbordes, pp. 1150-1151 (art. VII).
2) Voir ibid., avril 1685, p. 457 (art. X), où BAYLE avait tout dabord annoncé avec enthousiasme louvrage de Cordemoy : « On parle de ce livre comme dun Chef-doeuvre. Nous devons le recevoir incessamment. Dès que nous laurons reçu, nous tâcherons de lui rendre tous les honneurs quil mérite ».
« Mais, ne proposant cet écrit que comme une histoire, ou, si vous laimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples quon peut imiter, on en trouvera peut-être aussi plusieurs autres quon aura raison de ne pas suivre, jespère quil sera utile à quelques uns sans être nuisible à personne, et que tous me sauront gré de ma franchise ». (Discours de la méthode, I, p.127, Descartes uvres et Lettres, édition de La Pléiade)
« Je savais que les langues quon y apprend sont nécessaires pour lintelligence des livres anciens; que la gentillesse des fables réveille lesprit; que les actions mémorables des histoires le relèvent, et quétant lues avec discrétion elles aident à former le jugement; » (Idem, p.128)
« Mais je croyais avoir déjà donné assez de temps aux langues, et même aussi à la lecture des livres anciens, et à leurs histoires, et à leurs fables. Car cest quasi le même de converser avec ceux des autres siècles que de voyager. Il est bon de savoir quelque chose des moeurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi quont coutume de faire ceux qui nont rien vu. Mais lorsquon emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger en son pays; et lorsquon est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. Outre que les fables font imaginer plusieurs événements comme possibles qui ne le sont point; et que même les histoires les plus fidèles, si elles ne changent ni naugmentent la valeur des choses pour les rendre plus dignes dêtre lues, au moins en omettent-elles presque toujours les plus basses et moins illustres circonstances, doù vient que le reste ne parait pas tel quil est, et que ceux qui règlent leurs moeurs par les exemples quils en tirent sont sujets à tomber dans les extravagances des paladins de nos romans, et à concevoir des desseins qui passent leurs forces ». (Ibidem, p.129)
Ce souci de mise en conformité nest pas propre à Cordemoy, Louis de la Forge montre ainsi la conformité de la philosophie de Descartes avec la pensée de saint Augustin, identifiant le « cogitare » cartésien au « intelligere » augustinien. (La Forge, Louis de, Traitté de lesprit de lhomme, de ses facultez et fonctions, et de son union avec le corps, suivant les principes de René Descartes, exemplaire en référence : pp.27-28 de lédition électronique, préface.) Claude Clerselier recherche cette même conformité dans sa préface à lédition réalisée par ses soins du Traité de lhomme de Descartes, les deux auteurs renvoie au chapitre 10 du de Trinitate de saint Augustin. (pp.38 et ss., pp.52 et ss. p.59 de lédition électronique en référence : « préface du Traité de lhomme » de Descartes : Descartes, René auteur du texte. Titre : Lhomme de René Descartes, et La formation du foetus [Texte imprimé] / avec les remarques de Louis de La Forge. ou Traité de la lumière du mesme autheur / [publ. par Clerselier et suivi de la trad. de la préface de Schuyl], 2e éd. rev. et corr., Paris : F. Girard, 1677, 520 p. ; in-4, Autres auteurs : La Forge, Louis de (1632-1666). Annotateur, Clerselier, Claude (1614-....). Gallica.
Pierre Claire et François Girbal notent : « Il était fils dun juif de Metz et se fit chrétien fort jeune après la mort de son père. Il se retira en Angleterre avec son frère Charles-Marie, auteur de quelques commentaires littéraux sur Joël, le Cantiques des Cantiques, Saint Mathieu et Saint Marc ». Gérauld de Cordemoy, uvres Philosophiques, Pierre Claire et François Girbal, Presses Universitaires de France, collection : Le mouvement des idées au XVIIème siècle, p.351, note : 13)
Le titre complet du Cartesius Mosaizans est Cartesius Mosaizans Seu Evidens Et Facilis Conciliatio Philosophiae Cartesii cum Historia Creationis Primo Capite Geneseos per Mosem Tradita, et on attribue cet ouvrage à Joh. Âmerpoel « cf. Journal des Savants de 1677 et Louise Thijssen - Schoute, Nederlands caretesianism, p.494
Daprès Pierre Clair et François Girbal, Gérauld de Cordemoy, uvres philosophiques avec une étude bio-bibliographique, « Le mouvement des idées au XVIIe siècle », P.U.F., Paris, 1968
Idem, p.151
Pierre Clair et François Girbal in op. cit., « Biographie », chap. V, pp.39-43.
Idem, p.193.
Ibidem, p.197.
Ibidem, p.198.
Ibidem, p.196.
Ibidem, p.197
Cest le lieu dun anti-machiavélisme radical au rebours de cette prudence mêlée dont parle Gabriel Naudé dans le deuxième chapitre de ses Considérations sur les coups dEtat : « Aussi sefforce-t-il (Juste Lipse) de montrer par son éloquence, que telle sorte de Prudence (la prudence mêlée) doit être estimée honnête, et quelle peut être pratiquée comme légitime, et permise. Après quoi il la définit assez judicieusement, Argutum consilium a virtute, aut legibus devium, Regni Regisque bono (Un conseil fin et artificieux qui sécarte un peu des lois et de la vertu, pour le bien du Roi et du Royaume) ; et de là passant à ses espèces et différences, il en constitue trois principales : la première desquelles, que lon peut appeler une fraude ou tromperie légère, fort petite, et de nulle considération, comprend sous soi la défiance, et la dissimulation ; la seconde qui retient encore quelque chose de la vertu, moins toutefois que la précédente, a pour ses parties, conciliationem et deceptionem (la conciliation et la déception), cest-à-dire le moyen de sacquérir lamitié et le service des uns, et de leurrer, décevoir, et tromper les autres, par fausses promesses, mensonges, présents et autres biais, et moyens, sil faut ainsi dire, de contrebande, et plutôt nécessaires que permis ou honnêtes. Quant à la dernière, il dit quelle séloigne totalement de la vertu et des lois, se plongeant bien avant dans la malice, et que les deux bases, et fondements plus assurés sont la perfidie et linjustice. » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, Bibliothèque de philosophie politique et juridique, Textes et Documents, Centre de Philosophie politique et juridique, ERA CNRS, Université de Caen, 1989, pp.56-57 [64-65]). Gabriel Naudé (1600 1653) est, en politique, un disciple de Machiavel, il faut selon lui abolir toute idée de droits autres que ceux du chef, rendre la politique indépendante de la morale, et souveraine par rapport à la religion.
Ibidem, pp.209-210.
Le Bourgeois Gentilhomme, A.II, Sc.4.
Cordemoy, uvres philosophiques, Discours physique de la parole, P.U.F., 1968, p.220.
Idem, p.220.
Ibidem, p.35.
Etienne Thuau dans sa thèse sur Raison dEtat et pensée politique à lépoque de Richelieu atteste ce courant de pensée qui fait du roi un miracle perpétuel : « Roi prêtre, le monarque est aussi Roi thaumaturge. Aux grandes fêtes, les malades atteints dadénites tuberculeuses, ou écrouelles, viennent se faire toucher par le roi qui prononce la formule consacrée : « Le roi te touche et Dieu te guérit ». Cette croyance au pouvoir guérisseur du monarque donne tout son sens à lexpression de « miracle royal » et de « miracle perpétuel », employée par les apologistes de labsolutisme. » (Etienne Thuau, op. cit., p.21)
Plus loin Etienne Thuau cite René de Ceriziers (1603-1662) qui deviendra aumônier du duc dOrléans et de Louis XIV : « Cest cette admirable puissance de guérir les écrouelles qui est peut-être une des plus éclatantes marques de la grandeur et de la majesté du sceptre français. Il est vrai que notre Monarque est seulement roi de France et de quelques autres provinces, mais il est médecin de toute la terre. Le Barbare, lIndien et lEspagnol lui sont sujets en ceci
Malgré toutes les inclinations naturelles, il faut que ceux qui ne laiment pas se mettent à genoux pour adorer un rayon de la divinité en sa personne. La nature na presque point de remède dans tous ses simples, pour cette honteuse maladie ; mais la Providence de Dieu a pourvu à ce défaut, en ce quelle a planté un Lys miraculeux dans la France dont le seul attouchement est salutaire ». (Les heureux commencements de la France chrétienne sou lapôtre de nos rois Saint Rémy, in op. cit., p.29)
« Enfin, comme je crois quil est très nécessaire davoir bien compris, une fois en sa vie, les principes de la métaphysique, à cause que ce sont eux qui nous donnent la connaissance de Dieu et de notre âme, je crois aussi quil serait très nuisible doccuper souvent son entendement à les méditer, à cause quil ne pourrait si bien vaquer aux fonctions de limagination et des sens ; mais que le meilleur est de se contenter de retenir en sa mémoire et en sa créance les conclusions quon a une fois tirées, puis employer le reste du temps quon a pour létude, aux pensées où lentendement agit avec limagination et les sens. » (Lettre à Elisabeth, Egmont-du-Hoef, 28 juin 1643, Descartes, uvres et Lettres, Bibliothèque de La Pléiade, éd. NRF, p.1160)
Et loccasionnalisme est une théorie métaphysique de la cause en même temps quune physique du mouvement.
« Ce discours est la suite de quelques autre, qui ont paru dans le public sous lauguste Nom de Votre Majesté.(
) je traite, non plus de la connaissance de soi-même, mais du moyen de connaître les autres, et den être connu. Je fais voir que ce moyen est la Parole » (Epitre au Roi, op. cit., dans lédition Clair et Girbal, p.193)
« Jai proposé dans les six Discours, qui ont précédé celui-ci, le moyen de se connaître ; et jai fait voir quil ne consiste quà discerner en soi-même les opérations de lAme, et celle du corps. Je propose maintenant le moyen de connaître les autres ; et ce moyen est la Parole. » (Préface, Idem, p.196)
« Il sétait conservé parmi tous les peuples une tradition constante, quil y avaient une nature plus excellente que lhomme, capable, de lui faire du bien et du mal. Ne connaissant que des corps, ils* voulaient que cette nature, cest-à-dire, la divinité fut aussi corporelle, et par conséquent quil y eût plusieurs dieux, afin quil y en eût en chaque partie de la nature ; que chaque nation, chaque ville, chaque famille eût les siens. Ils les imaginaient comme des hommes immortels, et afin de les faire heureux, ils leur attribuaient tous les plaisirs sans lesquels ils nimaginaient point de bonheur, et jusquaux débauches les plus honteuses, ce qui leur servait ensuite à autoriser leurs passions, par lexemple de leurs dieux. Ce nétait pas assez de les imaginer, ou dans le ciel ou sur la terre, il fallait les voir et les toucher, cest pourquoi ils honoraient les idoles comme les dieux mêmes, se persuadant quils y étaient attachés et incorporés » (Murs des Israélites, op. cit. p.110)
*Hormis les Hébreux bien entendu qui eux connaissent le seul vrai Dieu et qui en interdisent toute représentation matérielle. Le propos de Claude Fleury concernent surtout Grecs, Romains et Egyptiens.
« Nous-mêmes qui croyons être si spirituels, et qui le devrions être sans doute, si nous étions véritablement Chrétiens, ne préférons-nous pas souvent la possession des biens sensibles à lespérance des biens éternels » (Idem, p.116)
La réflexion sur la causalité appuyant une pensée politique nest pas originale, Etienne Thuau montre comment la notion de cause seconde a pu permettre de justifier le ministériat de Richelieu dans les pamphlets de ses partisans : « En faveur du ministériat, la Remontrance à Monsieur (1631) invoque un argument dordre pratique : le roi ne peut suffire seul à sa tâche écrasante et agit par des causes secondes » (in op. cit., p.239)
Au siècle suivant, reprenant à son compte les travaux de Sauveur* sur le phénomène de la résonance mais très inspiré par Malebranche, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) créera un concept universel cosmogonique : le corps sonore qui par résonance et agrégation produit toutes les proportions observables dans la nature. Le corps sonore est lorigine de tout ce qui est observable dans lunivers et partant, lorigine de toutes les sciences et connaissances. (in « Lorigine des sciences » dernière partie du Code de Musique pratique de 1760, Complete theoretical writings, edited by E. Jacobi, American Institute of Mucicology, 1966-1969) Rameau construit une utopie écrivant avoir retrouvé dans le corps sonore le secret dune société de prêtres dancienne Egypte. Il pourrait sagir de la reprise dun vieux mythe pythagoricien (voir notamment dans Le Timée de Platon le discours du sage Egyptien qui fait des savoirs de lancienne Egypte lorigine de toutes les connaissances que développeront les Grecs. Le pythagorisme de Platon est avéré) que Rameau se serait réapproprié. Le corps sonore de Rameau comme près dun siècle auparavant le corps indivisible de Cordemoy pourrait avoir une origine pythagoricienne. * Joseph Sauveur (1653-1716) fondateur de lacoustique.
Ne pourrait-on pas reconnaître comme une autre source possible de latomisme de Cordemoy le matérialisme populaire profondément ancré dans les croyances des populations rurales dont parle Carlo Ginzburg dans son livre Le fromage et les vers à propos du procès en hérésie dun meunier frioulan au XVIe siècle ? (voir op. cit., p.94 et ss., p.161 et ss.)
« Ainsi chaque corps nest point une quantité, quoiquil soit une partie de la quantité, comme lunité nest pas un nombre, quoi quelle fasse partie du nombre. Tellement que la quantité et létendue sont deux choses, dont lune convient proprement au corps, et lautre convient proprement à la matière. »
« 9. Comme les figures des corps sont fort diverses, leur rencontre fait que les portions perceptibles ou imperceptibles, quils composent, peuvent être de très différentes figures.
10. Mais, comme entre les corps plusieurs sont de même figure, il y a aussi bien des portions, qui sont de figures semblables.
11. Même plusieurs corps de différentes figures mêlés en nombre égal et de même façon, peuvent faire différentes portions toutes de même figure, et ayant les mêmes propriétés ; et ce qui résulte de lassemblage de ces portions, est ce quon appelle une telle matière, ou, si vous voulez, matière seconde. Tellement que la matière première peut être bien définie (suivant ce qui a été dit) un assemblage de corps : et lon voit que chaque corps est une partie de cette matière première.
De même la matière seconde serait bien définie, un assemblage de plusieurs portions de même nature ; et chacune de ces portions est une véritable partie de cette matière seconde.
Et, parce que chaque portion dune certaine nature peut être jointe à quelques portions dune autre nature, dont il résultera une troisième sorte de portions, on voit que plusieurs de ces dernières portions composeraient une matière que lon pourrait appeler matière troisième ; et ces portions mixtes seraient les véritables parties de cette matière troisième, qui serait mixte des deux autres.
De la même façon les choses peuvent aller dune troisième à une quatrième nature ; et pour garder un ordre qui rende ces changements intelligibles, les portions en quoi se résout dabord chaque matière, doivent être appelées les parties de cette matière. » (Ibidem, p.15)
« Un Etat est à plusieurs villes, ce quune ville est à plusieurs familles, et ce quune famille est à chacune des personnes qui la composent. » (Du Bonheur dun Etat, in Les uvres de Monsieur de Cordemoy, Paris 1704, p.204, (p.36))
Montchrétien poussera très loin cette analogie entre une physiologie animale et une physiologie politique : « Il y a un grand raport et bien fort estroite convenance, entre les corps des estats bien composés, et les corps des animaux. Les animaux se gouvernent par trois facultés plus differentes que diverses, que les medecins appellent ames. La premiere est la vegetative qui leur est commune avec les arbres et les plantes, laquelle gist au foye et au sang qui sy fait. Ceste-ci nourrit le corps, et est dispersée en ses membres avec le sang par ses veines. Les laboureurs et maneuvres travaillans à la terre, tiennent le lieu de ceste ame en la republique. La seconde est la sensitive, laquelle reside au coeur, source de la chaleur naturelle, et du coeur sespand en tout le corps par les arteres. En lestat, les artisans et gens de mestier ressemblent proprement à ceste faculté. La troisiéme est lanimale et a son siege au cerveau, ou elle préside aux instincts et actions et par les organes des nerfs departis en plusieurs rameaux, donne mouvement à tout le corps, à ceste dernière se peuvent avec beaucoup de raison approprier les marchands qui sont en la société civile. Par ces trois sortes dhommes, laboureurs, artisans, marchans, tout estat est nourri, soustenu, entretenu. Par eux tout profit vient et se fait, et en sont les diverses digestions, ne plus ne moins quau corps naturel, tousjours transmuées en mieux... toute richesse, qui procede et vient ès republiques, comme dune main à lautre passe par ces trois degrés dhonneur, destinez pour élabourer à perfection le chile du profit, lequel naist au reste, comme de deux sources vives et non jamais taries, de lesprit et de la main, operans separément ou conjointement en des subjets naturels. » (Montchrétien, Traicté de loeconomie politique, présenté par Théodore Funck-Brentano, librairie Plon, Paris, 1889, livre premier, pp.32-33 [153-154])
« Puisquil ny a rien plus grand en terre après Dieu, que les Princes souverains, et quils sont établis de lui comme ses lieutenants, pour commander aux autres homme, il est besoin de prendre garde à leur qualité, afin de respecter et révérer leur majesté en toute obéissance, sentir et parler deux en tout honneur : car qui méprise son Prince souverain, il méprise Dieu, duquel il est limage en terre » (Bodin, République, livre premier, chapitre X « Des vraies marques de Souveraineté », op. cit., p.147)
« mais, comme javais un extrême désir de savoir ce que cétait que lEtat réformé, et pourquoi des Ambassadeurs allaient de la sorte, je me suis imaginé que Monsieur Conrart lui ayant dit, quon était fort étonné parmi nous de voir des Ambassadeurs à pied, il lui a répondu, quon sétonnerait bien davantage parmi eux, si des hommes, pour vieux quils fussent, avaient besoin dêtre trainés par des chevaux, ou portés par dautres hommes ; quils nauraient garde de choisir pour une ambassade des personnes qui ne pussent marcher, parce que dans lEtat réformé, cétait un signe de navoir pas bonne tête, que davoir des mauvaises jambes ; et que tout homme, qui avait su exercer son corps, et vivre sobrement, navait jamais de peine à marcher, même dans le plus grand âge. » (De la Réformation dun dun Etat, op. cit., pp.157-158, (p.16))
« Après avoir examiné ce qui mappartient à cause de lâme, il faut voir ce qui mappartient à cause du corps.
La figure. Le mouvement. - Et les organes en général. Ce que jai déjà observé des apanages du corps, me fait connaître que si je remarque de la figure, du mouvement, et des organes différents en moi, cest parce que jai un corps.
La nourriture. Si jai un cur, où le sang séchauffe ; si jai des artères où il coule ; si ces artères ont des pores par où des parties de ce sang séchappent ; si jai des chairs où ces particules sarrêtent, pour en accroître la masse : En un mot, si je me nourris ; cest que jai un corps.
Le cours des esprits au cerveau. Si des parties de ce sang plus mues et plus subtiles que les autres, montent comme une fumée, de lendroit que jappelle mon cur, à celui que je nomme mon cerveau, par une artère qui les empêche de se dissiper en allant de lun à lautre.
Leur passage dans les nerfs. Sil y a des cavités dans mon cerveau, où cette foule de petits corps, que lon nomme les esprits, tourne en mille façons diverses, jusquà ce que quelque chose leur faisant ouverture, ou déterminant leur cours plus fortement dun côté que dautre, leur donne moyen de souvrir un passage dans mes nerfs, cest-à-dire entre ces filets déliés, qui, composés de la substance de mon cerveau, sallongent jusquaux extrémités de mes membres, avec les mêmes enveloppes, qui servent à les conserver dans la tête.
Leur passage dans les muscles. - Le mouvement des membres Si mes nerfs, rassemblés comme des cardans en quelques endroits, et comme des tissus en dautres, se divisent pour se mêler à certaines chairs retendues en filets très-déliés, et se rejoindre vers lextrémité opposée à celle par laquelle ils sy sont introduits pour y répandre les esprits ; et si les esprits répandus dans tous les filets de ce composé de nerfs et de chair, que lon appelle Muscle, les raccourcissent ; de sorte que les deux extrémités, se rapprochant vers le milieu, elles tirent les membres auxquels elles sont attachées.
Le transport de tout le corps. Enfin, si tous mes Muscles sont disposés de telle façon, que lun deux ayant toujours communication avec un autre, ce quils ont desprits passe de lun à lautre, selon quils y sont déterminés par de nouveaux esprits, qui descendent incessamment du cerveau : en sorte que par ces tours et ces retours, quelquefois lents, et quelquefois précipités, ils tirent lun de mes membres, et souvent tout mon corps, tantôt vers un côté, et tantôt vers un autre. En un mot, si je suis transporté dun lieu en un autre ; cest que jai un corps.
La veille. Si ce cours des esprits étant assez abondant, tient les cavités de mon cerveau si bien ouvertes, et les filets de mes nerfs si bien tendus, que ce qui touchera les extrémités de mon corps, en poussant un de ces filets, remue mon cerveau à lendroit doù naît ce même filet ; et quà loccasion de ce mouvement, dautres esprits soient déterminés à passer à des endroits, où ils nauraient pas passé sans cela : En un mot, si je veille, cest que jai un corps.
Le sommeil. Si quelquefois ces mêmes esprits étant épuisés, et ne montant plus, ni avec assez de force, ni en assez grande quantité, les parties de mon cerveau viennent à saffaisser, et les filets de mes nerfs à se détendre ; en sorte quil ny ait plus que ceux, qui envoient des esprits aux muscles, qui servent à entretenir ces battements, par lesquels la poitrine se haussant et se baissant, fait entrer lair dans les poumons, ou len chasse, cest-à-dire, si je dors, et si en dormant je respire ; cest que jai un corps.
Lassoupissement. Si quelquefois ces gros nerfs, dont les filets se répandent dans le fond de mon il, étant plus détendus que ceux qui vont aboutir à mon oreille, soit parce quils ont été plus exercés, soit parce que le cur, commençant denvoyer moins desprits, quil nen faut, pour enfler un nerf aussi large que le nerf optique, en envoie encore assez pour tenir tendus les filets du nerf de loreille, qui est bien plus étroit ; il arrive que ce qui touche mon oreille, transmette son action jusques dedans mon cerveau, tandis que mes paupières déjà fermées, et tous les nerfs de mon il affaissés, ne transmettent plus aucun mouvement au cerveau par cet organe : En un mot, si quelquefois je dors à demi ; cest que jai un corps. (
)
La mort : Si mon cur ou les autres vaisseaux, qui contiennent mon sang, ou mes esprits, sont ouverts, de sorte quils ne puissent plus arrêter cette liqueur ou cette fumée. Si je manque des aliments qui les peuvent réparer, ou si je me rencontre en des endroits, où les corps voisins trop émus, ou trop arrêtés, donnent trop ou trop peu de mouvement au sang ou aux esprits : En un mot, si je meurs dune blessure, de faim, de froid, ou de chaux ; cest que jai un corps. » (Six Discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme, VI, op. cit., pp.90-94)
Limportance de la condition physique dans léducation est également soulignée par Pierre Nicole dans De léducation dun Prince : « le mauvais plis que lon donne au corps dans la jeunesse, est souvent dans la suite de la vie un très grand obstacle pour la piété. Il y en a qui saccoutument à être si remuants, si impatients, si prompts, quils deviennent incapables de toutes les occupations uniformes et tranquilles : dautres se rendent si délicats, quils ne sauraient souffrir tout ce qui est tant soit peu pénible. Il y en a qui deviennent sujets à des ennuis mortels qui les tourmentent toute leur vie. On dira que ce sont des défauts desprit ; mais ils ont une cause permanente dans le corps ; et cest pourquoi ils continuent lors même que lesprit en paraît dégagé. » (De léducation dun Prince, op. cit., p.28 [56], I, XXXVI)
« Comme jétais en cette peine, jai cru que lAmbassadeur ayant remarqué que Monsieur Conrart avait marché avec assez de difficulté pour laborder a incontinent ajouté. Cela, Monsieur, nest pas dit pour vous blâmer, car vous navez pas été élevé dans les exercices que nous sommes obligés de faire dans les premières années de notre vie : et tout modéré que vous êtes, vous pouvez être sujet à des maux que ceux de notre pays ne sauraient avoir, que par un défaut de leur conduite. Comme lon songe fort à leur rendre la santé parfaite, on les accoutume dès la jeunesse à un grand exercice ; et on leur fait considérer comme de grands excés mille choses, qui sont si ordinaires parmi nous, que la plupart même des plus honnêtes gens, qui ne veulent pas manquer à ce quils doivent à la société, ne sen peuvent dispenser. » (De la Réformation dun Etat, opus citatus, p.158, (p.17))
« Vous saurez donc, Messieurs, que nous avons un Roi si souverain dans lEtat, que pour témoigner quelle est sa puissance, nous avons coutume de dire, quil ne doit rendre compte quà Dieu.
Il a trois Conseils : lun est pour la Guerre, lautre pour la Justice, et le troisième pour les Finances. On nomme trois Officiers généraux, pour présider à ces trois Conseils. Le premier fait en guerre à peu près la même fonction, que les Connétables de France faisaient autrefois, selon que votre histoire nous lapprend. Le second fait à peu près la même fonction que votre Chancelier. Et, pour prendre toutes mes comparaisons chez vous, afin que cela vous soit plus intelligible ; le troisième fait à peu près la fonction de Sur-Intendant.
Ainsi le Roi a toujours trois Conseils à sa suite, et trois Officiers généraux. Outre cela, il envoie tous les deux ans en chaque Province un Gouverneur, un Président, et un Intendant. » (De la Réformation dun Etat, op. cit., p.163, (p.18).
Comment ne pas songer au concept psychanalytique dexpérience de satisfaction ! Nous citons Le vocabulaire de la Psychanalyse de J. Laplanche et J. B. Pontalis : « Expérience de satisfaction : Type dexpérience originaire postulée par Freud et consistant en lapaisement chez le nourrisson, grâce à une intervention extérieure, dune tension interne créée par le besoin. Limage de lobjet satisfaisant prend alors une valeur élective dans la constitution du désir du sujet. Elle pourra être réinvestie en labsence de lobjet réel (satisfaction hallucinatoire du désir). Elle ne cessera de guider la recherche ultérieure de lobjet satisfaisant. » (op. cit., p.150)
Dans la conception que se fait Montchrétien de lEtat, la paysannerie a tour à tour la place des pieds qui portent le corps tout entier et celle du foie qui produit le sang et celle des aliments qui nourrissent le corps par le sang : « Comme les humeurs coulent tousjours sur les parties plus basses et plus debiles, cest tousjours le peuple qui souffre le plus de toutes ces charges. On peut dire que les laboureurs sont les pieds de lestat ; car ils le soustiennent et portent tout le faix du corps. Vos majestez en doyvent garder la lassitude, car, sils se laschoient, le chef en patiroit comme les autres membres. Il niroit plus où il voudroit sils luy manquoyent. Vous en devez donc prendre un soin tres-particulier. Cest par eux que vous soudoyez vos armées, que vous payez vos garnisons, que vous munissez vos places, que vous remplissez vostre espargne. Cest par eux que vostre noblesse vit et que vos villes sont nourries. Et, à le prendre ainsi, on peut dire à propos quils sont encor en lestat ce que le foye est au corps. Lun fait le sang par lequel les esprits sont charriez et distribuez en tous les membres ; les autres fournissent les alimens par lesquels la vie est entretenuë, de sorte que vous mesme avez besoin de leur aide aussi bien que vos subjects, lesquels tous ensemble, je nen doute pas, parlans par la bouche de vos trois estats assemblez, intercederont tres-humblement envers vos majestez pour leurs nourrissiers et obtiendront la satisfaction et le contentement que meritent tant de labeurs pris pour le public, trempez de sueur et bien souvent de larmes. » (Montchrétien, Traicté de loeconomie politique, in op. cit., pp.43-44 [164-165])
Il y a donc un arbitraire de laliment comme un arbitraire du signe. De laliment sassimile au corps et à lâme comme du signe dans le langage sy comprend, sy reconnaît.
Récipient
Nous avons déjà rencontré cette référence paulinienne implicite dans lidée de providence divine qui peut user dun mal pour obtenir un bien supérieur, par exemple lusurpation de Pépin le bref qui produit de grand biens pour ses peuples et lEglise.
Il faut comprendre la digestion comme un processus dassimilation, cest-à-dire celui par lequel du différent, de lautre est progressivement réduit à du « même ». La nature du bouillon est différente de celle du récipient qui la contient, comme de celle de lestomac ou de lindividu tout en entier qui lingère, mais au terme du processus, cest son semblable que lâme reconnaît dans laliment auquel elle achève de sallier par amour pour le corps auquel elle est unie.
« Car les objets qui touchent nos sens meuvent par lentremise des nerfs quelques parties de notre cerveau, et y font comme certains plis, qui se défont lorsque lobjet cesse dagir ; mais la partie où ils ont été faits demeure par après disposée à être pliée derechef en la même façon par un autre objet qui ressemble en quelque chose au précédent, encore quil ne lui ressemble pas en tout. Par exemple, lorsque jétais enfant, jaimais une fille de mon âge, qui était un peu louche ; au moyen de quoi, limpression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui sy faisait aussi pour émouvoir en moi la passion de lamour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer quà en aimer dautres, pour cela seul quelles avaient ce défaut ; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela. Au contraire, depuis que jy ai fait réflexion, et que jai reconnu que cétait un défaut, je nen ai plus été ému. Ainsi, lorsque nous sommes portés à aimer quelquun, sans que nous en sachions la cause, nous pouvons croire que cela vient de ce quil y a quelque chose en lui de semblable à ce qui a été dans un autre objet que nous avons aimé auparavant, encore que nous ne sachions pas ce que cest. Et bien que ce soit plus ordinairement une perfection quun défaut, qui nous attire ainsi à lamour ; toutefois, à cause que ce peut être quelquefois un défaut, comme en lexemple que jai apporté, un homme sage ne se doit pas laisser entièrement aller à cette passion, avant que davoir considéré le mérite de la personne pour laquelle nous nous sentons émus. » (Descartes, « lettre à Chanut », La Haye, 6 juin 1647, uvres et lettres, Bibliothèque de la Pléiade, Nouvelle Revue Française, pp.1277-1278)
On évoquera à nouveau le concept psychanalytique dexpérience de satisfaction, voir Vocabulaire de la Psychanalyse, Laplanche et Pontalis, p.150)
« Cest du fils du tyran que jai fait ce héros, / Tant ce quil a reçu dheureuse nourriture, / Dompte ce mauvais sang quil eut de la nature! » (Corneille, Polyeucte, IV, 4) « Pour un esprit de cour, et nourri chez les grands, / Tes yeux dans leurs secrets sont bien peu pénétrants. »(Corneille, Rodogune Princesse des Parthes, II, 2)
GEULINCX ARNOLD (1624-1669)
« Philosophe flamand né à Anvers, métaphysicien et moraliste, Geulincx enseigna à Louvain, doù il fut chassé en 1658 pour ses critiques de la scolastique ; il alla à Leyde et se convertit alors du catholicisme au calvinisme. Influencé dans ses études par le cartésien Guillaume Philippi, il attaqua dans son enseignement la physique scolastique à partir des principes cartésiens ; il fut aussi attiré par la doctrine de Jansénius et se montra proche des idées augustiniennes. Il publia dabord des traités de logique : La Logique ramenée à ses fondements (Logica fundamentis suis restituta, 1662) et une Méthode pour trouver des arguments (Methodus inveniendi argumenta, 1663) ; puis la première partie de son ouvrage le plus important, une Éthique. La plupart de ses uvres parurent en édition posthume : lÉthique au complet, en 1675 ; la Physica vera, en 1688 ; des commentaires et annotations aux principes de Descartes, en 1691 ; enfin, daprès les notes dun étudiant, sa Métaphysique (Metaphysica vera).
Geulincx est surtout connu pour sa théorie occasionnaliste de la causalité et pour son refus de reconnaître une quelconque substantialité aux choses particulières créées. Un principe exprime la condition nécessaire implicite dans notre conception de toute action : Impossibile est, ut is faciat, qui nescit quomodo fiat ; quod nescis quomodo fiat, id non facis (« il est impossible que celui qui ne sait pas comment se fait une chose laccomplisse ; ce dont tu ne sais pas comment cela se fait, tu ne le fais pas »). En conséquence, les mouvements du corps ne peuvent se voir assigner pour cause le moi ou lâme ; les choses corporelles, inconscientes par définition, ne peuvent agir ni sur les esprits, ni sur les autres choses corporelles. Doù vient donc la production des effets ? Geulincx rejoint les occasionnalistes Gérauld de Cordemoy et Malebranche, pour voir en Dieu lagent responsable de tous les changements dans le monde ; toute causalité est surnaturelle ; toutes choses sont dépendantes à légard de Dieu. Dans une thèse entièrement consacrée à Geulincx (LOccasionnalisme dArnold Geulincx, 1969), Alain de Lattre voit loriginalité de son occasionnalisme dans la « prévalence, sur le principe cartésien de lhétérogénéité des substances, du principe augustinien de laction du supérieur sur linférieur ». Dans cette uvre imprégnée de religiosité, « le chapitre le plus effacé de physique fait penser à Dieu et rappelle à la connaissance de soi » ». (Encyclopaedia Universalis ; article Geulincx).
« Lassociation première de plusieurs familles, mais formée en vue de rapports qui ne sont plus quotidiens, cest le village, quon pourrait bien justement nommer une colonie naturelle de la famille ; car les individus qui composent le village ont, comme sexpriment dautres auteurs, « sucé le lait de la famille » ; ce sont ses enfants et « les enfants de ses enfants ». Si les premiers États ont été soumis à des rois, et si les grandes nations le sont encore aujourdhui, cest que ces États sétaient formés déléments habitués à lautorité royale, puisque dans la famille le plus âgé est un véritable roi ; et les colonies de la famille ont filialement suivi lexemple qui leur était donné. » « Lassociation de plusieurs villages forme un État complet, arrivé, lon peut dire, à ce point de se suffire absolument à lui-même, né dabord des besoins de la vie, et subsistant parce quil les satisfait tous. Ainsi lÉtat vient toujours de la nature, aussi bien que les premières associations, dont il est la fin dernière ; car la nature de chaque chose est précisément sa fin ; et ce quest chacun des êtres quand il est parvenu à son entier développement, on dit que cest là sa nature propre, quil sagisse dun homme, dun cheval, ou dune famille. On peut ajouter que cette destination et cette fin des êtres est pour eux le premier des biens ; et se suffire à soi-même est à la fois un but et un bonheur. » (Aristote, La Politique, livre I, chapitre premier, paragraphes 7 et 8, trad. en français daprès le texte collationné sur les manuscrits et les éd. principales par J. Barthélemy-Saint-Hilaire,... 3e éd. rev. et corr. - Paris : Ladrange, 1874 - 545 p. ; in-8, reproduite sur le site : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/table.htm)
François Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique, op. cit., II, chap.1, p.174.
Dans lédition Clair-Girbal des uvres philosophiques de Cordemoy ce passage se trouve à la page 198
Edition Clair-Girbal, page 196
François Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique, op. cit., II, chap1, p.158
Edition Clair-Girbal, pp.193-195
uvre de Feu Monsieur de Cordemoy, Le discours Physique de la parole, Paris, 1704.
Si pour Cordemoy il ny a aucune analogie de conception entre la loi est lobjet auquel elle se rapporte, comme le langage, elle est dinstitution, pour Bodin au contraire il y a une « mimésis » de la loi à son modèle premier, Dieu, auquel se rapporte également la souveraineté comme principe : « Car si la justice est la fin de la loi, la loi uvre du Prince, le Prince est image de Dieu, il faut par même suite de raison, que la loi du Prince soit faite au modèle de la loi de Dieu. » (la République, livre premier, chapitre 8 « De la souveraineté », op. cit., p.112)
Edition Clair Girbal, pp.193-195
« quil ny a point de mère qui ne nourrisse elle-même ses enfants » (p.27), on trouve le même « ne » dans lédition de 1691, il ne sagit donc pas dune coquille, pourtant le sens de la phrase entière semble imposer la lecture : « quil ny a point de mère qui nourrisse elle-même ses enfants », le « ne » serait alors explétif. Cest cette lecture que nous adoptons, dautant que nourrir peut prendre les sens multiples du verbe « élever ».
Une pensée sociale catholique, op. cit., p.215
Télémaque, livre XI, p.318
Je cite in extenso le chapitre que Clair et Girbal consacre à « laffaire de labbaye de Feniers », où ceux-ci montrent que Cordemoy sentendait à défendre ses intérêts familiaux : « Louis-Gerauld fut encore cause, cette fois involontaire, de souci pour son père, vers lannée 1680. Le 1er octobre 1678, le jeune homme avait obtenu le bénéfice de labbaye de Feniers en Auvergne, dans le « Val Honnête » (actuellement région située aux confins du Puy-de-Dôme et du Cantal) et en prit possession en 1679. Certaines difficultés dadministration surgirent, et le père, intervenant avec le sens le plus parfait de la famille, présenta laffaire au Grand Condé sous un jour particulier (28 mai 1680).
« Le défaut des livres », écrivait-il, « nest pas la seule chose qui mempêche de continuer le travail de lhistoire ; un Prieur quon a mis dans lAbbaye de Feniers dont mon fils est pourvu, se prépare à nous faire des procès capables doccuper quatre hommes comme moi, et je crois que je conseillerais à mon fils de quitter labbaye, si je ne savais que votre Altesse Sérénissime peut dun seul mol finir toutes mes inquiétudes en faisant rappeler ce Prieur. Il sappelle Dom Grangier, il est de Dijon, à ce que lon ma dit, et tous ceux de son ordre en parlent comme du plus redoutable chicaneur qui soit parmi eux ; aussi est-il visible que ce nest que pour nous inquiéter que M. lAbbé de Morimont nous la envoyé : mais comme ce Prieur est un Religieux de la filiation de Cîteaux, V. A. S. na quà faire témoigner à M. lAbbé de Cîteaux quelle souhaite quil le rappelle. Je ne sais même si M. lAbbé de Cîteaux a donné son consentement par écrit à ce Religieux pour passer à Feniers qui est de la filiation de Morimont, car il mavait promis de ne point donner ce consentement. Et en effet Dom Grangier en montrant linstitution que lui a donnée Mr lAbbé de Morimont, na pas fait voir quil eût le consentement de Mr lAbbé de Cîteaux : Mais, Monseigneur, soit quil ait ce consentement ou quil ne lait pas, V. A. S. voit que Dom Grangier dépendant absolument de Mr de Cîteaux, elle peut aisément faire quil le rappelle. Les Religieux de Feniers sont dans des transes mortelles quand ils pensent que Dom Grangier pourra demeurer leur Prieur ; ils ont même écrit à mon fils pour le prier dempêcher autant quil le pourra quils ne tombent sous ce joug, et mon fils ne doit pas avoir moins dappréhension queux, puisque ce Prieur la menacé, par la première lettre quil lui a écrite, dun procès au grand conseil. On a dit à Mr lAbbé de Morimont que javais fait en présence de V. A. S. le récit de tout ce qui sétait passé, lorsquon trouva le trésor du défunt Abbé de Feniers, et quoiquassurément je neusse point mêlé Mr lAbbé de Morimont à tout ce récit, quelquun qui avait intérêt de lanimer contre moi, lui en a fait le rapport de sorte quil ma écrit comme si jeusse fait des railleries de lui. Je sais que V. A. S. peut encore beaucoup sur lesprit de cet Abbé à cause de M. le commandeur de Machault. Et peut-être sera-t-il bon, quand on aura fait rappeler Dom Grangier par Mr de Cîteaux, demployer Mr de Machault le commandeur pour adoucir lesprit de Mr de Morimont et lobliger à nommer un Prieur avec qui mon fils puisse avoir toute lintelligence nécessaire pour remettre le spirituel et le temporel de son Abbaye dans un meilleur état. Je suis honteux, Monseigneur, quand je considère que nayant jamais rendu aucun service à V. A. S. je ne laisse pas de lui demander des grâces. Je puis lassurer que je ne demande du loisir, que pour me mettre en état de faire des choses qui puissent lui donner quelques moments de divertissement, et que je ne souhaite davancer mon travail que pour me donner à moi-même la joie décrire lhistoire dun temps quelle a rendu fameux par des actions qui surpassent, à mon avis, tout ce que je sais des autres temps... ».
Condé voulut, bien intervenir au sujet de Feniers, comme nous le constatons dans ces propos adressés au prince par lAbbé de La Victoire : « ... et de lui » (à son « Altesse Sérénissime ») rendre compte de la lettre que Monsieur de Coeurdemoye » (sic) ma rendue de sa part, par laquelle elle mordonnait de voir Mr lAbbé de Cîteaux, de lui rendre sa lettre et tous les services qui dépendraient de moi auprès de lui. Je ne manquai pas à lheure même, quoique je fusse malade daller chercher Mr lAbbé de Cîteaux jeudi dernier. Je le trouvai parti pour Bourgogne. Je fus le dire à Mr de Curdemoye et nous convînmes quil fallait lui écrire, et lui envoyer la lettre de V. A. S., ce que je fis le lendemain. Sitôt que jen aurai la réponse, je ne manquerai pas den rendre compte à V. A. S. et à Mr lAbbé de Curdemoye et de parler à M. le commandeur de Machault de la part de V. A. S. quil ne se peut rien ajouter à la reconnaissance avec laquelle Monsieur de Curdemoye reçoit les démonstrations de bonté et de protection dont il plaît V. A. S. de lhonorer... ».
Les démarches entreprises furent couronnées de succès, et Jean de Cîteaux, condescendant à la demande de Condé, ordonna le rappel de Grangier. Quant à lAbbé de la Victoire, il devenait, le 10 juin 1680, le porte-parole de Cordemoy pour adresser au Prince toutes sortes de remerciements et de reconnaissances.
On espérait que D. Grangier obéirait sans difficulté aux ordres de labbé de Cîteaux. Il fallait songer au successeur du prieur indésirable, et apporter à cette désignation tout le soin désirable. On découvrit quelquun qui, selon labbé de la Victoire, « sera fort propre » au père de labbé de Feniers. Afin davancer les choses, visite sera rendue au commandeur de Machault, chargé, lui, de contacter avec fruit son frère labbé de Morimont, tout cela en faveur de Cordemoy.
Cordemoy, et La Victoire lexplique en ces termes dans la lettre du 10 juin, avait besoin de Condé pour une autre question : « il faisait tant de fond sur sa protection quil ne faisait nulle difficulté de lui demander quelques sollicitations de sa part auprès de Mr Leboulch, de la grand chambre et rapporteur dun procès qui lui est de conséquence et qui le retient ici, et de Messieurs Godard, Petitmarais, Hervé, et Lotin de Charny, ses commissaires, lorsquil serait temps de les voir... ». Le procès nétait vraisemblablement autre que celui concernant la terre de Nueil-en-Saumurois, affaire délicate en cours depuis 1657.
G. de Cordemoy eut dautres préoccupations touchant labbaye de son fils. En 1680, il avait obtenu gain de cause au sujet du prieur. Jean de Cîteaux sétait rendu aux sollicitations et lui avait accordé « tout ce quil souhaitait », cest-à-dire la nomination à la place de Grangier du personnage quon lui avait « indiqué ». Mais en 1681, un certain Dom Martinet devint indésirable à Feniers, et Cordemoy sadressa à Condé pour obtenir son départ, toujours en sollicitant lintervention de labbé de Cîteaux : cette fois le père de Louis-Gerauld eut préalablement recours à Chauveau, secrétaire du prince, qui lui servit dintermédiaire pour remettre un « mémoire » à Son Altesse Royale. Condé fit le nécessaire. Comme les choses tardaient, malgré une intervention de Bossuet dans le même sens, Condé précisa par écrit à Jean de Cîteaux : « cela moblige de vous prier de nouveau de vouloir finir celle affaire en len faisant sortir » [Martinet] « et vous mobligerez fort, étant bien aise de procurer celle satisfaction à M. de Cordemoy qui est une personne pour qui jai beaucoup destime et damitié. Je suis persuadé que vous ferez en cela pour lamour de moi tout ce qui dépendra de vous... ».
On trouve ici, à nen pas douter, une nouvelle preuve des excellentes relations établies entre le premier prince du sang et le lecteur du Dauphin. » (Gérauld de Cordemoy, uvre philosophiques, édition critique présenté par Pierre Clair et François Girbal, PUF, Paris, 1968, pp.65-68)
Lacte fondateur de lEtat est donc, pour Cordemoy, lénoncé de la bonne constitution. A lopposé, le machiavélien Gabriel Naudé dans ses Considérations politique sur les coups dEtat, fait de la ruse et de la tromperie le fondement des empires et royaumes, le pouvoir se fonde sur le coup dEtat, et pour régner il faut violer le droit : « Or si lon ajoute à ces Coups dEtat de Romulus, ceux de que Numa Pompilius son successeur pratiqua au moyen de sa nymphe Egérie, et des superstitions quil établit pendant son Règne, il sera facile ensuite de juger, Quibus auspiciis illa inclita Roma Imperium Terris animos aquavit Olympo. (Virgile) [Par quelle fortune cette fameuse Rome, a maîtrisé toute la terre, et a porté son ambition aussi haut que lOlympe.] Il est encore à propos de remarquer, que tout ainsi que cette domination Monarchique ne sétait pu établir sans beaucoup de ruses et de tromperies, il nen fallut aussi guères moins pour la détruire, lorsque les Tarquins étant chassés de Rome à cause du violement de Lucrèce, on changea lEtat dun Royaume en celui dune République. » (Naudé, in op. cit., pp.148-149 [156-157]). (Voir note 151, p.145)
Cest la même idée que lon trouve dans luvre de Machiavel : « Cétait un peuple féroce que Numa avait accoutumé à lobéissance en le façonnant aux arts de la paix. Il eut recours à la religion comme au soutien le plus nécessaire de la société civile, et il létablit sur de tels fondements que jamais en aucun lieu on ne vit respecter la divinité comme on le vit à Rome, et cela pendant des siècles. » (Machiavel, Discours sur la première décade de Tite Live, I, 12, édition Pléiade, p.415)
Cordemoy ne se montre néanmoins jamais partisan dune instrumentalisation du fait religieux au service du politique à la façon du pragmatisme machiavélien dont témoigne Gabriel Naudé dans ses Considérations politiques sur les coups dEtat, ici, à propos de la conversion de Clovis : « Et pour ce faire, considérant que la Religion Payenne commençait insensiblement à vieillir, et à se diminuer, après avoir gagné la bataille de Tolbiac sur un Prince Allemant, il prit résolution de se faire chrétien, et de se concilier par ce moyen la bienveillance non seulement de la Reine Clothilde sa femme, mais encore de beaucoup de Prélats, et de tout le commun peuple de la France. Sur quoi je dois remarquer comme en passant, quencore quil me serait plus séant de rapporter les premiers motifs dun changement si remarquable à quelque sainte inspiration, octroyée au Roi Clovis par les prières de la bonne Reine Clothilde, et que je ferais mieux dinterprêter toutes ces chose douteuse en bien ; il faut néanmoins que je me range ici du côté des Politiques, qui seuls ont le privilège de les interprêter en mal, ou au moins dy remarquer quelque ruse et stratagème, afin de demeurer toujours du côté des plus fins, et daiguiser lesprit de ceux quils instruisent par le récit de ces actions remarquables et judicieuses à la vérité, mais qui ne sont fondées le plus souvent que sur de vaines conjectures, et sur des soupçons qui ne donnent et ne peuvent en aucune façon préjudicier à la vérité de lHistoire. » (Naudé, in op. cit., pp.158-159 [166-167], cest nous qui mettons en caractères gras). (Voir note 151, p.145)
On songe a contrario au : « si Dieu est mort, tout est permis » de Dostoïevski dans Les frères Karamazov.
Lunité religieuse est une nécessité constamment invoquée par Gabriel Naudé qui présente les protestants comme de dangereux et sanguinaires factieux, responsables de tous les maux du royaume : « un Royaume Chrétien bien policé ne doit jamais recevoir dautres nouveautés en la religion, que celles que les Papes ou Conciles ont accoutumé dy introduire de temps en temps pour saccommoder au besoin que lEglise en peut avoir, laquelle Eglise doit être la seule règle de la sainte Ecriture et de notre foi, comme les Conciles le sont de lEglise, et entre les Conciles celui-là qui a été célébré le dernier doit être préféré à tous les précédents. » (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, in op. cit., p.212 [220]). (voir note 151, p.145)
Jacqueline Lagrée dans son livre La raison ardente étudie ce courant qui se développe au 17ème siècle avec Herbert de Cherbury, Louis Meyer, Hugo Grotius, Isaac dHuisseau, Andréas Wissowaty mais aussi Leibniz et Spinoza, pour lequel « les livres de lAncien Testament et du Nouveau Testament sont le verbe infaillible de Dieu » (Louis Meyer in op. cit., p.146). Le fondement de toute théologie passe par ces deux textes, mais dans le même temps la philosophie est considérée comme la norme certaine et tout aussi infaillible pour interpréter les lettres sacrées. La définition dun credo universel permettant de sortir des querelles qui troublent la paix civile doit reposer sur ces deux réquisits permettant de bâtir sur la concorde publique les moyens daccroître le savoir, la puissance et le bien-être des hommes (Idem, p.154). A la page 188 de son livre Jacqueline Lagrée cite le de natura deorum de Cicéron où le penseur latin note lapport décisif de la philosophie dans les questions religieuses : « Sunt enim philosophi et fuerunt, qui omnino nullam habere censerent rerum humanarum procurationem deos. Quorum si vera sententia est, quae potest esse pietas, quae sanctitas, quae religio? Haec enim omnia pure atque caste tribuenda deorum numini ita sunt, si animadvertuntur ab iis, et si est aliquid a deis inmortalibus hominum generi tributum. Sin autem dei neque possunt nos iuvare nec volunt nec omnino curant nec, quid agamus animadvertunt, nec est, quod ab iis ad hominum vitam permanare possit, quid est quod ullos deis inmortalibus cultus, honor es, preces adhibeamus? In specie autem fictae simulationis, sicut reliquae virtutes, item pietas inesse non potest, cum qua simul sanctitatem et religionem tolli necesse est, quibus sublatis perturbatio vitae sequitur et magna confusio; 4. atque haud scio an pietate adversos deos sublata fides etiam et societas generis humani et una excellentissima virtus, iustitia, tollatur. Sunt autem alii philosophi, et ii quIdem magni atque nobiles, qui deorum mente atque ratione omnem mundum administrari et regi censeant, neque vero id solum, sed etiam ab isdem hominum vitae consuli et provideri; nam et fruges et reliqua, quae terra pariat, et tempestates ac temporum varietates caelique mutationes, quibus omnia, quae terra gignat, maturata pubescant, a dis inmortalibus tribui generi humano putarit multaque, quae dicentur in his libris, colligunt, quae talia sunt, ut ea ipsa dei inmortales ad usum hominum fabricati paene videantur. Contra quos Carneades ita multa disseruit, ut excitaret homines non socordes ad veri investigandi cupiditatem. 5. Res enim nulla est, de qua tantopere non solum indocti, sed etiam docti dissentiant; quorum opiniones cum tam variae sint tamque inter se dissidentes, alterum fieri profecto potest, ut earum nulla, alterum certe non potest, ut plus una vera sit. » (Cicéron, De natura deorum, liber primus, II, 35).
On est loin en apparence de lidée dune égalité des religions, pourtant en insistant sur limportance de la religion pour la cohésion du corps social sans en définir les dogmes Cordemoy sen rapproche. Cette idée dune égalité des religions pourrait être profondément ancrée dans les croyances populaires du temps si lon en croit Carlo Ginzburg : « toutes les fois sont bonnes pour qui les observe sans les violer » (in op. cit., 59, p.168) Il ajoute plus loin : « A plusieurs reprises, nous avons vu affleurer, sous la très profonde différence de langage, de surprenantes analogies entre les tendances de fond de la culture paysanne que nous avons cherché à reconstruire, et celle des secteurs les plus avancés de la haute culture du XVIe siècle »(in op. cit., 61, p.176) Malgré les tentatives déradication dont témoignent les nombreux procès en sorcellerie et en hérésie pourquoi ce lien aurait-il été entièrement rompu au siècle suivant ?
Le jugement porté par Gabriel Naudé sur ce roi est radicalement différent, il justifie son action en même temps que le massacre de la saint Barthélemy : « cest une grande lâcheté ce me semble à tant dHistoriens Français davoir abandonné la cause du Roi Charles IX, et de navoir montré le juste sujet quil avait eu de se défaire de lAmiral (de Coligny) et de ses complices : on lui avait fait son procès quelques années auparavant, et ce fameux arrêt était intervenu en suite, qui fut traduit en huit langues et intimé ou signifié, si lon peut ainsi dire, à toutes ses troupes, on avait donné un second arrêt en explication du premier, et tous les Protestants avaient été si souvent déclarés criminels de lèse Majesté, quil y avait un grand sujet de louer cette action (la saint Barthélemy), comme le seul remède aux guerres qui ont été depuis ce temps-là, et qui suivront peut-être jusques à la fin de notre Monarchie, si lon neût point manqué à laxiome de Cardan, qui dit : Nunquam tentabis, ut non perficias. (in Proxen.) (Il ne faut jamais rien entreprendre si on ne le veut achever). » (Gabriel Naudé, in op. cit.pp.180-181 [188-189]). (Voir note 151, p.145)
Jurieu, le pasteur réformé et polémiste, nest pas très éloigné dune telle réflexion dans le dialogue quil fait tenir à deux catholiques, lun provincial, lautre parisien sur les malheurs qui frappent les protestants français. Nous renvoyons à : La politique du clergé de France, ou Entretiens curieux de deux catholiques romains, lun parisien & lautre provincial, sur les moyens dont on se sert aujourdhuy, pour destruire la religion protestante dans ce royaume dans lédition numérique Gallica.
Sur cette question de lhétérodoxie il est étonnant de lire dans le traité de Gabriel Naudé Considérations politiques sur les coups dEtat, que lathéisme et les formes nouvelles dhétérodoxie qui sépanouirent en Europe au 16ème siècle, remonteraient à 1452, cest-à-dire à la prise de Constantinople par les Turcs (en fait le 29 mai 1453 dans notre calendrier), celle-ci ayant entraîné le départ de nombreux érudits byzantins vers les capitales européennes, dont les connaissances seraient à lorigine des sciences nouvelles elles-mêmes suscitant la remise en cause des dogmes de lEglise : « Et en effet cest une chose hors de doute, quil sest fait plus de nouveaux systèmes dedans lAstronomie, que plus de nouveautés se sont introduites dans la Philosophie, Médecine et Théologie, que les nombre des Athées sest plus fait paraître depuis lannée 1452, quaprès la prise de Constantinople tous les Grecs, et les sciences avec eux se réfugièrent en Europe, et particulièrement en France, et en Italie, quil ne sen était fait pendant les mille années précédentes. Pour moi je défie les mieux versés en notre Histoire de France, de my montrer que quelquun ait été accusé dAthéisme, auparavant le règne de François I, surnommé le Restaurateur des lettres, et peut-être encore serait-on bien empêché de me montrer le même dans lHistoire dItalie, auparavant les caresses que Cosmes et Laurent de Médicis firent aux hommes lettrés ; ce fut de même sous le siècle dAuguste que le poète Horace (lib.I.Ode XXXIV.) disait de soi-même : Parcus Deorum cultor, et infrequens, Insanientis dum sapientia Consultus ero. (Lestude que jai faite dune sagesse insensée, mavait rendu si peu soigneux dhonorer les Dieux, que je les adorais rarement.) (Naudé, Considération politiques sur les coups dEtat, in op. cit., pp.233-234 [214-242]). (Voir note 151, p.145)
Les uvres de Feu Monsieur de Cordemoy, De la Réformation dun État, A Paris, chez Christophe Rémy, 1704, B.N.: R.4314, p.155 (p.16 et ss).
Idem, p.156, (p.16).
Ibidem, p.156, (p.16).
Ibidem, p.156, (p.16).
Ibidem, p.157, (p.16).
Ibidem, p.201, (p.34).
Ibidem, p.159, (p.17).
On trouve dans la préface de la publication des uvres philosophiques de Gérauld de Cordemoy par Pierre Clair et François Girbal en 1968 lhypothèse dun lien entre lopuscule De la Réformation dun Etat et la nomination de lauteur comme lecteur du grand Dauphin : « Lécrit sur la « réformation » circula. Bossuet fut persuadé davoir rencontré un penseur non seulement apte à la profondeur et à lextrême rigueur philosophique, mais encore ouvert à des problèmes pratiques.
Appelé en 1670 à diriger, en remplacement du défunt président de Périgny, les études du Dauphin, il se serait souvenu des mérites divers de son ami cartésien. Il savait dailleurs que cette proposition ne devait pas déplaire à Montausier, loué dans la lettre sur la Réformation, et en outre prévenu par Chapelain en faveur de Cordemoy. Bossuet fit désigner Cordemoy comme « lecteur ordinaire » de son élève : le brevet de nomination date du 21 mars 1673, signé de Louis XIV et de Colbert, et la prestation de serment fut fixée au 25 du même mois. » (Gérauld de Cordemoy uvres philosophiques, Edition critique présenté par Pierre Clair et François Girbal, PUF, Paris, 1968, pp.49-50)
Voir ce quen dit Fénelon dans son Traité déducation des filles ; « Il apprend une langue quil parlera bientôt plus exactement que les savants ne sauraient parler les langues mortes, quils ont étudiées avec tant de travail dans lâge le plus mûr. Mais, quest-ce quapprendre une langue ? Ce nest pas seulement mettre dans sa mémoire un grand nombre de mots ; cest encore, dit saint Augustin, observer le sens de chacun de ces mots en particulier. « lenfant, dit-il, parmi ses cris et ses jeux, remarque de quel objet chaque parole est le signe ; il le fait, tantôt en considérant les mouvements naturels des corps qui touchent ou qui montrent les objets dont on parle, tantôt étant frappé par la fréquente répétition du même mot, pour signifier le même objet. » il est vrai que le tempérament du cerveau des enfants leur donne une admirable facilité pour limpression de toutes ces images ; mais quelle attention desprit ne faut-il pas pour les discerner, et pour les attacher chacune à son objet ? Considérez encore combien dès cet âge les enfants cherchent ceux qui les flattent, et fuient ceux qui les contraignent ; combien ils savent crier ou se taire, pour avoir ce quils souhaitent ; combien ils ont déjà dartifice et de jalousie. « jai vu, dit saint Augustin, un enfant jaloux ; il ne savait pas encore parler, et déjà, avec un visage pâle et des yeux irrités, il regardait lenfant qui tétait avec lui. » (Traité de léducation des filles, édition, voir infra, chap.2, p.14)
Montaigne Les Essais, livre I, chap.22 « De la coustume, et de ne changer aisément une loy receue. »
Montaigne Les Essais, livre I, chap.24 « Du pédantisme ».
Montaigne Les Essais¸ livre I, chap.25 « De linstitution des enfans, à Madame Diane de Foix, Contesse de Gurson. »
Dans son De pueris statim ac liberaliter instituendis Erasme écrit concernant ce premier apprentissage et notamment celui qui recourt à limitation comme pour certains oiseaux ici sansonnets et perroquets : « Rogabis ut tibi commonstrem illa cognata aetatis ingenio, quae statim instillanda sint parvulis. Primum linguarum usus, qui citra studium omne contingit infantibus, quum adultis ea facultas vix ingenti studio comparetur. Et huc, ut diximus, invitat infantulos nativa quaedam imitandi voluptas, cujus vestigium aliquod videmus et in sturnis ac psittacis. » (Érasme, Didier, De pueris statim ac liberaliter instituendis, D. Erasmi,... libellus et novus et elegans, in studiosorum gratiam separatim editus Publication : Argentorati : apud C. Egenolphum, 1529, sur Gallica, p.39 [78])
« Pour ce qui regarde mes parents, desquels il semble que je tire ma naissance, encore que tout ce que jen ai jamais pu croire soit véritable, cela ne fait pas toutefois que ce soit eux qui me conservent, ni qui maient fait et produit en tant que je suis une chose qui pense, puisquils ont seulement mis quelques dispositions dans cette matière, en laquelle je juge que moi, cest-à-dire mon esprit, lequel seul je prends maintenant pour moi-même, se trouve renfermé ; et partant il ne peut y avoir ici à leur égard aucune difficulté, mais il faut nécessairement conclure que, de cela seul que jexiste, et que lidée dun être souverainement parfait (cest-à-dire de Dieu) est en moi , lexistence de Dieu est très évidemment démontrée. » (Descartes, Troisième Méditation, uvres et Lettres, Bibliothèque de La Pléiades, p.299) « Et ainsi encore je pensai que pourceque nous avons tous été enfants avant que dêtre hommes, et quil nous fallut longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni si solides quils auraient été si nous avions eu lusage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous neussions jamais été conduits que par elle. » (Descartes, Discours de la Méthode, deuxième partie, La Pléiade, p.133-134)
Concernant le danger des passions et du recours à celles-ci Nicole formule expressément son refus sauf les quelques concessions nécessaires aux habitudes prises : « Il en est de même de toutes les autres passions, de colère, dimpatience, de crainte. Elles produisent toutes leur impression dans le corps. Cette impression sexcite ensuite malgré quon en ait, lorsque ces objets se présentent, et elle se communique à lesprit jusquà quelque degré. Ainsi lun des plus grands biens quon puisse faire à un prince quon instruit, est de réprimer pendant quil est jeune, les effets extérieurs de ses passions, si lon ne peut pas len guérir absolument, de peur que le corps ne sy accoutume, et quayant pris son pli, la guérison nen devienne infiniment plus pénible et plus difficile. » (Nicole, Essais de morale, II, XXXIX)
On comparera avec ce quexpose Nicole dans ses Essais de morale, dans le second où il traite de léducation du prince : « « Il y a deux choses dans les vices ; le dérèglement qui les rend désagréables à Dieu ; la sottise ou le ridicule, qui les rend méprisables aux hommes. Les enfants sont dordinaire peu sensibles à la première ; mais on leur peut faire beaucoup sentir la seconde, par mille manières ingénieuses que les occasions fournissent. Ainsi en leur faisant haïr les vices comme ridicules, on les préparera à les haïr comme contraires aux lois de Dieu : et lon diminuera cependant limpression quils font sur leurs esprits. » (Nicole, Essais de morale2, de lEducation dun prince, p.1, XXIX)
On retrouve une distinction analogue à celle du corps et de lâme, la « double articulation » du signe linguistique a un fondement métaphysique.
La partition pensée âme et signe corps est ici beaucoup plus clairement et expressément formulée quelle ne létait plus haut : page 57 du Traité physique de la parole dans lédition de référence de 1704. On a donc bien partition renvoyant à larticulation corps et âme du sujet individuel.
Claude Fleury, Histoire des Israélites, in op. cit., p.71
Valentin Conrart contribue à la révision et à la modernisation du psautier huguenot. Les Psaumes retouchés sur l'ancienne version de Clément Marot et Théodore de Bèze, ont été publiés par ses héritiers (Charenton, 1677). Aujourdhui encore les huguenots dexpression française chantent le dimanche au temple bien des psaumes de leur psautier sur les paroles de Valentin Conrart revues de Clément Marot. « Il a aussi encouragé lédition en Hollande de certains livres qui n'avaient pas l'agrément du roi en France, notamment celle des Mémoires de Philippe Duplessis-Mornay. En dépit de nombreuses pressions, il n'a jamais voulu abjurer. » (Musée virtuel du protestantisme français, article : « Valentin Conrart », site Internet)
Il convient sans doute de nuancer le jugement de Roger Gal qui présente dans son Histoire de léducation le collège des Jésuites comme le modèle dun enseignement sclérosé, certes Descartes sest montré critique à légard de ses maîtres du collège de La Flèche mais huit ans avant lui cette institution avait accueilli Mersenne Philosophe et religieux français, lune des figures les plus influentes de la révolution scientifique du XVIIe siècle, au sein de laquelle, sans être proprement homme de science, il a joué un rôle considérable de témoin et danimateur. Ces deux piliers des nouvelles sciences à lâge baroque ne doivent-ils rien aux maîtres qui les ont formés ?
« Jouvancy (Joseph de) s.j. 14 septembre 1643 (Paris) 29 mai 1719 (Rome) - Jésuite depuis 1659, le Père Joseph de Jouvancy est de ceux qui, au XVIIIe siècle, craignent laffaiblissement de la vie religieuse et de lintérêt pour les lettres classiques. Tirant parti de son expérience dans les collèges de Compiègne, Caen et La Flèche, désireux de revenir à la tradition éducative jésuite, il entend traiter de la formation du professeur, mieux que la Ratio studiorum dabord soucieuse dapprendre aux élèves. » (Dictionnaire historique de léducation chrétienne dexpression française, éditions Don Bosco, 2001)
Histoire de léducation, Roger Gal, PUF, coll. Que sais-je ?, p.71, citation extraite du Ratio discendi et docendi de Jouvancy, mentionné ci-dessous
Dans une publication des éditions universitaires de Dijon : La représentation de lHistoire au 17ème siècle, sous la direction de Georges Ferreyrolles, pp.51-76, Dijon, 1999.
Jouvancy, Ratio discendi et docendi, Archivum Historicum societatis Jesu, Roma, 1951, Deuxième partie, chapitre III, article III, (En quoi les maîtres pèchent le plus souvent), V.F. de Dainville, p.130.
Idem, Première partie, chapitre I, article III, p.19.
« ROLLIN (Charles), 1661-1741 Le jansénisme et lesprit de modernité caractérisent ce célèbre professeur de luniversité de Paris. Sa vie correspond à la forte empreinte de Port-Royal sur la pensée pédagogique en France. Il est lui-même un exemple de cette nécessité denseigner les enfants, affirmée par les pédagogues jansénistes. Malgré sa naissance son père était coutelier à Paris -, il put faire des études et occuper tous les emplois dune belle carrière universitaire : régent de seconde dès 1683 puis professeur de rhétorique, il enseigna léloquence au collège royal et assuma la charge de principal au collège de Beauvais ; Il fut élu recteur de 1694 à1696, puis de nouveau en 1720. Son jansénisme affirmé le rendit suspect au gouvernement royal qui lobligea à se démettre, mais son Traité des études (1726-1728) lui assura une belle fidélité des pédagogues des XVllle et XIXe siècles. Lhomme et sa pédagogie sont restés un modèle jusque vers 1880. » (Dictionnaire historique de léducation chrétienne dexpression française, éd. Don Bosco, Paris, 2001)
Histoire de léducation, Roger Gal, PUF, coll. Que sais-je ?, p.71
Histoire de léducation, op. cit., p.73
Erasme donne lexemple des sansonnets et des perroquets : « « Rogabis ut tibi commonstrem illa cognata aetatis ingenio, quae statim instillanda sint parvulis. Primum linguarum usus, qui citra studium omne contingit infantibus, quum adultis ea facultas vix ingenti studio comparetur. Et huc, ut diximus, invitat infantulos nativa quaedam imitandi voluptas, cujus vestigium aliquod videmus et in sturnis ac psittacis. » (Érasme, Didier, De pueris statim ac liberaliter instituendis, D. Erasmi,... libellus et novus et elegans, in studiosorum gratiam separatim editus Publication : Argentorati : apud C. Egenolphum, 1529, sur Gallica, p.39 [78], cest nous qui soulignons)
Dont rien ne dit dans lécriture de Cordemoy quelle serait naturelle, ou quelle ne le serait pas, dailleurs. Nous pensons que ce débat dune « maternité » naturelle, relation maternelle naturelle est postérieur à notre auteur.
Sur la lecture que nous retenons de ce passage, la compréhension du « ne », voir la note 191, p.196.
« En 1677, le Hollandais Leeuwenhoek, grâce au microscope, découvre les spermatozoïdes. La découverte est surprenante, certains pensent à de minuscules vers parasites. À quoi, en effet, peuvent bien servir ces innombrables animalcules (comme on les appelait à lépoque). Certains, pour préserver lépigenèse dAristote ou lovisme de Harvey, prétendent même quil ne sagit que de microbes qui apparaissent dans la semence par génération spontanée. Ils ne joueraient aucun rôle dans la reproduction. Puis, après la découverte de Leeuwenhoek confirmée, on plaça lembryon dans le spermatozoïde redonnant ainsi au père le premier rôle (hérédité patrocline) » (daprès Histoire de la notion dhérédité, HYPERLINK "mailto:gilles.bourbonnais@dgpc.ulaval.ca" Gilles Bourbonnais, site de luniversité Laval, Québec.) Leeuwenhoek est un contemporain de Cordemoy, six ans plus jeune, il naît en 1632 il meurt trente neuf ans après lui en 1723. Les observation de Leeuwenhoek sur le spermatozoïde sont peut-être un peu tardive pour que Cordemoy ait pu en avoir connaissance cependant le préformationnisme issu du mécanisme cartésien est la théorie de la procréation la plus en accord avec les conceptions physico mécaniques de Cordemoy. Placer lembryon dans la tête des spermatozoïdes découverts par le Hollandais ne fait que renforcer cette théorie qui donne au père toute leffectivité de la reproduction. Le passage suivant des Six discours sur la Distinction et lUnion du Corps et de lAme montre, du moins, que Cordemoy connaissait le microscope, invention de Leeuwenhoek : « La premiere est, qu'avant que les Microscopes eussent été inventez, nous n'avions pas le moyen de connoître par les sens mille particularitez de la figure & des mouvemens de plusieurs petites parties de nos corps » (Troisièrme discours, p.40, édition 1704, la mise en caractères gras est de moi)
Épigenèse : théorie selon laquelle lembryon se forme progressivement à partir dune matière informe.
« Même je pourrais, encore plus outre, vous montrer comment quelquefois elle (la peinture semblable aux objets qui se forme dans le fond de lil) peut passer de là par les artères dune femme enceinte, jusques à quelque membre déterminé de lenfant quelle porte en ses entrailles, et y former ces marques denvie, qui causent tant dadmiration à tous les Doctes. » (Descartes, uvres et Lettres, La dioptrique, discours cinquième, La Pléiade, p.246)
« Et je pourrais ajouter ici, comment les traces de ces idées passent par les artères vers le cur, et ainsi rayonnent en tout le sang ; Et comment même elles peuvent quelquefois être déterminées par certaines actions de la mère, à simprimer sur les membres de lenfant qui se forme dans ses entrailles. » (Descartes, Traité de lhomme, cinquième partie, édition de 1664, préfacée et annotée par Louis de la Forge, à Paris chez Charles Angot, BNF sur Gallica, p.73)
« Le docte et subtil Chevalier dIgby, dans le Traitté quil a fait de la Poudre de sympathie, aporte un exemple fort remarquable de ces sortes daversion, dans la personne du Roy Jacques de la Grand-Bretagne, qui avoit une telle aversion pour les espées nuës, quil ne pouvoit voir sans une extréme frayeur. Il dit mesme que lorigine de cette aversion venoit de ce que la Reine sa Mere estant grosse de luy, fut extremement épouvantée du meurtre dun de ses Officiers, qui fu tué dans sa chambre en sa presence » (De la Forge, Traité de lEsprit, chapitre XXII, à Amsterdam, chez Abraham Wolfgang, exemplaire BNF sur Gallica non daté, p.387)
AVIS A UNE DAME DE QUALITE de M. De Fénelon, archevêque de Cambrai, à une dame de qualité, sur léducation de Mlle sa fille.
« Quels sont les premiers fondements de léducation ? Pour remédier à tous ces maux, cest un grand avantage que de pouvoir commencer léducation des filles dès leur plus tendre enfance : ce premier âge, quon abandonne à des femmes indiscrètes et quelquefois déréglées, est pourtant celui où se font les impressions les plus profondes, et qui, par conséquent, a un grand rapport à tout le reste de la vie. Avant que les enfants sachent entièrement parler, on peut les préparer à linstruction. On trouvera peut-être que jen dis trop ; mais on na quà considérer ce que fait lenfant qui ne parle pas encore. » « si, au lieu de les laisser suivre toutes les imaginations de leurs nourrices pour les choses quils doivent aimer ou fuir, on sattachait à leur donner toujours une idée agréable du bien et une idée affreuse du mal, cette prévention leur faciliterait beaucoup dans la suite la pratique de toutes les vertus. » (op.cit., p.16)
« ce qui est bon aujourdhui est dangereux demain : une conduite toujours uniforme ne peut être utile. Le moins quon peut faire de leçons en forme, cest le meilleur ; on peut insinuer une infinité dinstructions, plus utiles que les leçons mêmes, dans des conversations gaies. Jai vu divers enfants qui ont appris à lire en se jouant : on na quà leur raconter des choses divertissantes quon tire dun livre en leur présence, et leur faire connaître insensiblement les lettres ; après cela ils souhaitent deux-mêmes de pouvoir aller à la source de ce qui leur a donné du plaisir. » (Idem, chap.5, p. 44)
« il faut que le plaisir fasse tout. Ne les pressez pas ; vous en viendrez à bout, même pour les esprits communs ; il ny a quà ne les point trop charger, et laisser venir leur curiosité peu à peu. » (Idem, chap. 6, p. 69)
« Enfin, saint Paul attache tellement en général leur salut (celui des femmes, des mères) à léducation de leurs enfants, quil assure que cest par eux quelles se sauveront. » (Idem, chap.11, p. 118)
Il y a des sujets quil vaut mieux que les filles nabordent pas car leur esprit y est peu propre ce qui ne pourrait que les mettre en danger : « Elle ne peut dordinaire rien savoir quà demi ; elle est plus éblouie quéclairée par ce quelle sait ; elle se flatte de savoir tout, elle décide ; elle se passionne pour un parti contre un autre dans toutes les disputes qui la surpassent, même en matière de religion : de là vient que toutes les sectes naissantes ont eu tant de progrès par des femmes qui les ont insinuées et soutenues. » (Avis à un dame de qualité, op. cit., p.154)
« La substance de leur cerveau est molle, et elle se durcit tous les jours ; pour leur esprit, il ne sait rien, tout lui est nouveau : cette mollesse du cerveau fait que tout sy imprime facilement, et la surprise de la nouveauté fait quils admirent aisément et quils sont fort curieux. Il est vrai aussi que cette humidité et cette mollesse du cerveau, jointe à une grande chaleur, lui donnent un mouvement facile et continuel : de là vient cette agitation des enfants qui ne peuvent arrêter leur esprit à aucun objet, non plus que leur corps en aucun lieu. » (Ibidem, p.19). « Nous avons remarqué que le cerveau des enfants est tout ensemble chaud et humide, ce qui leur cause un mouvement continuel. Cette mollesse de cerveau fait que toutes choses sy impriment facilement, et que les images de tous les objets sensibles y sont très vives. Ainsi, il faut se hâter décrire dans leur tête pendant que les caractères sy forment aisément, mais il faut bien choisir les images quon y doit graver, car on ne doit verser dans un réservoir si petit et si précieux que des choses exquises : il faut se souvenir quon ne doit à cet âge verser dans les esprits que ce quon souhaite qui y demeure toute la vie. Les premières images gravées pendant que le cerveau est encore mou, et que rien ny est écrit, sont les plus profondes : dailleurs elles se durcissent à mesure que lâge dessèche le cerveau ; ainsi, elles deviennent ineffaçables ; de là vient que quand on est vieux on se souvient distinctement des choses de la jeunesse, quoique éloignées, au lieu quon se souvient moins de celles quon a vues dans un âge plus avancé, parce que les traces en ont été faites dans le cerveau lorsquil était déjà desséché et plein dautres images. Quand on entend faire ces raisonnements, on a peine à les croire. Il est pourtant vrai quon raisonne de même sans sen apercevoir. Ne dit-on pas tous les jours : jai pris mon pli, je suis trop vieux pour changer ; jai été nourri de cette façon ? Dailleurs, ne sent-on pas un plaisir singulier à rappeler les images de la jeunesse ? Les plus fortes inclinations ne sont-elles pas celles quon a prises à cet âge ? Tout cela ne prouve-t-il pas que les premières impressions et les premières habitudes sont les plus fortes ? Si lenfance est propre à graver des images dans le cerveau, il faut avouer quelle lest moins au raisonnement. Cette humidité de cerveau qui rend les impressions faciles, étant jointe à une grande chaleur, fait une agitation qui empêche toute application suivie. » (Fénelon, Traité de léducation des Filles, op. cit., chap. 5, p. 29).
« (
) Cela , Monsieur, nest pas dit pour vous blâmer, car vous navez pas été élevé dans les exercices que nous sommes obligés de faire dans les premières années de nôtre vie : et tout modéré que vous êtes, vous pouvez être sujet à des maux que ceux de notre pays ne sauraient avoir, que par un défaut de leur conduite. Comme lon songe fort à leur rendre la santé parfaite, on les accoutume dès la jeunesse à un grand exercice ; et on leur fait considérer comme de grands excès mille choses, qui sont si ordinaires parmi nous, que la plupart même des honnêtes gens, qui ne veulent pas manquer à ce quils doivent à la société, ne sen peuvent dispenser. Je ne me remets pas bien toute la suite de ce discours, ni ce qua répondu Monsieur Conrart : mais il ma semblé quen ce moment je me suis mêlé à leur entretien, et quayant dit que je nétais pas surpris de voir appeler un pays, où lon vit si régulièrement, lEtat réformé, mais que je létais fort, de voir quon eût pu réformer ainsi tout un Royaume ; » (De la réformation dun Etat, op. cit., pp158-159, (p.17))
Histoire de léducation, Roger Gal, PUF, coll. Que sais-je ?, chap. VI, p.67
Voir aussi Jean Bodin : « Car si la justice est la fin de la loi, la loi uvre du Prince, le Prince est image de Dieu, il faut par même suite de raison, que la loi du Prince soit faite au modèle de la loi de Dieu. » (Les six livres de la République, livre premier, chapitre VIII, op. cit., p.112)
Etienne Thuau note ainsi : « Au XVIIe siècle, peut-on parler dun accord des pensées quand on voit par exemple lidée de droit divin entendue dans des sens opposés, tantôt comme un frein, tantôt comme un renforcement du pouvoir ? » (Etienne Thuau, in op. cit., p.32)
Nest-ce pas cette égalité des conditions que suggère La Bruyère dans Les Caractères : « Les grands ne doivent point aimer les premiers temps : ils ne leur sont point favorables; il est triste pour eux dy voir que nous sortions tous du frère et de la soeur. Les hommes composent ensemble une même famille : il ny a que le plus ou le moins dans le degré de parenté. » (Les Caractères, « Des Grands », IX, 47, I). Au cur de lutopie lon retrouve le mythe de lorigine. Carlo Ginzburg montre dans son travail basé sur le procès dinquisition dun meunier frioulan à la fin du 16ème siècle combien cette croyance en un passé mythique de perfection et dégalité des conditions modèle les aspirations populaires : « Cest seulement dans les périodes de transformations sociales aiguës quémerge limage, généralement mythique, dun passé différent et meilleur. Un modèle de perfection devant lequel le présent apparaît comme une décadence et une dégénération. When Adam delved and Eve span / Who was then a gentleman? (proverbe célèbre, dont la diffusion est attestée depuis la révolte des paysans anglais en 1381) La lutte pour transformer lordre social devient alors une tentative consciente pour retourner à ce passé mythique. » (Carlo Ginzburg, Le fromage et les vers. Lunivers dun meunier du XVIe siècle, Editions Aubier Histoires, Flammarion, Paris, 1980, 40, p.122)
Elle lest très certainement pour Bernard Lamy qui sexprime ainsi dans ses Entretiens sur les sciences.. :« (
) il en est de létude comme des viandes qui ne nourrissent quaprès quelles ont été digérées en lestomac. Il faut que les études se changent en notre substance, et que par des réflexions sur ce que nous avons lu ou entendu, nous fassions entrer avant dans notre esprit, et que nous y attachions des maximes solides, des vérités claires, qui le nourrissent et le fassent, pour ainsi dire, croître à mesure que nous étudions. Cest là ce qui nous peut rendre fort dans les sciences : c'est ce qui sappelle profiter de létude. » (Entretiens sur les sciences, dans lesquels, outre la méthode détudier, on apprend comment lon doit se servir des sciences pour se faire lesprit juste et le cur droit et pour se rendre utile à lEglise, Paris, 1683, réédition de 1684 à Bruxelles, IIIe Entretien, p.79-80.
Freud, Totem et Tabou, Petite Bibliothèque Payot, « Le retour infantile du totémisme », 5, p.161 et ss.
Dans le sens général daliments.
Cordemoy ne part pas, comme Vauban et Boisguillebert dun état de la misère du royaume dont la cause serait lincohérence et linjustice de limposition, ainsi dans :le détail de la France de Boisguillebert, lauteur constate une baisse générale de la consommation dans le royaume quil attribue à la façon dont sont levés les impôts de la taille et des aides : « Ainsi, pour trouver les causes de la ruine de la France, il ne faut que découvrir celles de la ruine de la consommation [
] La consommation a cessé, parce quelle est devenue absolument défendue et absolument impossible. Elle est défendue, par lincertitude de la Taille, qui étant entièrement arbitraire, na point de tarif plus certain que dêtre payée plus haut plus on est pauvre
».(Boisguilbert, Le détail de la France, édité par M. Eugène Daire, réimpression de lédition de 1843, Osnabrück, Otto Zelle, 1966, chap.II, p.180-181 [32-33]) Il met en évidence des mécanismes dinteraction économique, comment la mévente dun certain produit en un lieu peut entraîner en cascade lécroulement dun marché en un autre lieu : « il suffit quil se rencontre deux sacs de blé plus quil ne faut pour la consommation ordinaire, et que le marchand est obligé de vendre à quelque prix que ce soit, pour apporter une extrême diminution au prix des blés dans un marché ; et sil en arrive de même dans les marchés suivants, ce mal va toujours en augmentant, et après sêtre communiqué à la contrée, il gagne les pays les plus éloignés : ainsi le vin qui se consommait autrefois, par le transport qui sen faisait aux pays où il manquait, et les autres marchandises quon en rapportait en contre échange, pour faire au moins valoir la voiture du retour, ne pouvant plus passer, par les raisons traitées ci-dessus, non seulement deviennent en pure perte au propriétaire, mais encore ruine celle des voisins, qui les eussent pu faire consommer sur le lieu, parce que le prix en étant avili par cette grosse abondance, il ne peut pas même suffire pour les frais des façons, qui sont toujours les mêmes. » (Boisguilbert, Le détail de la France, édité par M. Eugène Daire, réimpression de lédition de 1843, Osnabrück, Otto Zelle, 1966, chap.XIV, p.201 [53]) Mais la présentation générale de linégalité de limpôt que fait Cordemoy a comme implicite ou pré requis létablissement des mêmes faits, lappauvrissement des sujets de lEtat.
Voici le constat que fait Cordemoy : « que quand on ne fait pas les levées par tête, on lève un si grande quantité de droits sur tant de différentes choses, si inégalement, eu égard aux personnes, ou aux biens, par tant de mains différentes, et par conséquent avec si peu dordre, que le peuple est toujours opprimé ; les fripons toujours riches ; et le Prince toujours si incommodé, que ne pouvant rien entreprendre, lEtat est toujours en proie. » (De la réformation dun Etat, op. cit., pp.173-174, [177-178], (p.24))
Boisguilbert se ralliera dans son Factum de France à lidée dune capitation généralisée, très proche, donc, du constat et des idées de Cordemoy : « On a dit au commencement de ses mémoires, que les princes les plus riches étaient ceux qui avaient moins de genres de tributs, et qui passaient plus droit en leurs mains, sans poser nulle part au sortir de celles de leurs peuples. Or pour en former un de ce genre, il nest point nécessaire de faire rien de nouveau, il ny a quà sadresser à la capitation, qui a dabord ces deux qualités de passer droit sans frais des mains des peuples en celles du monarque ; et pour lui faire atteindre jusquau niveau de ses besoins dans la conjoncture présente : ce quelle ne fait pas à beaucoup près, quoique ce fût lintention des fondateurs portée même par le titre de son établissement, il nest pas tant nécessaire de la perfectionner, que de la faire cesser dêtre ridicule. »(Boisguilbert, Factum de France, Chapitre 11, édité par M. Eugène Daire, réimpression de lédition de 1843, Osnabrück, Otto Zelle, 1966, p.334, [186])
Boisguilbert a changé dans sa pensée dune réforme de limpôt, il a dabord imaginé dans Le Détail de la France sous le règne présent une meilleure répartition de la taille, impôt complexe et dont la définition variait dune province du royaume à lautre, elle était dans plusieurs dentre elles, un impôt foncier. Dans le factum il prônera, au contraire, la généralisation de la capitation comme Cordemoy : « Mais ensuite, linjustice sétant introduite avec la hausse dans la répartition des tailles ; en sorte, quon accablait les pauvres pour soulager les riches, cela produisait la difficulté des paiements, et loccasion au receveur de demander des remises pour le dédommager des avances. Ainsi il est de leur intérêt que la taille aie toujours une montre de difficulté de paiement ; ce qui ne serait pas, étant justement repartie. Car bien loin de ruiner personne de cette sorte, elle est bien au dessous de ce quelle pourrait être, sans faire la moindre peine. Il nen faut point dautre preuve que les lieux taillables, comme les petites villes, qui ont obtenu du roi le pouvoir de mettre leur taille en tarif ; cest-à-dire, au lieu dune capitation très injuste, et telle quon la décrite ci-devant, la faculté de la mettre sur les denrées qui se consomment sur le lieu, par où toute injustice est évitée. » (Boisguilbert, Le détail de la France sous le règne présent, présentation de M.Eugène Daire, réédition de 1843, Osnabrück, 1966partie II, chapitre 2, p.191, [43])
La partition de la société en corps de métiers quopère Cordemoy détermine son choix de la capitation comme impôt généralisé, le compte se fait par tête quand même certains paient pour dautres dont ils ont la charge, lensemble des sujets est considéré comme un troupeau et lon détermine la valeur de limpôts par addition du nombre des contribuables. Pour Vauban comme pour Boisguillebert cest la circulation de la marchandise qui détermine la richesse du pays, limpôt doit être mesuré à cette circulation sans lentraver. La vision de la société est tout autre, pas de partition cloisonnante des métiers et conditions sociales, ce que consomme le manuvre rejaillit sur tout le reste des « professions du corps de lEtat », jusquau roi lui-même : « En effet, un journalier na pas plutôt reçu le prix de sa journée, quil va boire une pinte de vin, étant à un prix raisonnable ; le cabaretier en vendant son vin en rachète du fermier ou du vigneron ; le vigneron en paye son maître qui fait travailler louvrier, et satisfait sa passion à bâtir, ou à acheter des charges, ou à consommer de quelque manière que ce puisse être, à proportion quil est payé de ceux qui font valoir ses fonds ; que si ce même vin, qui valait quatre sous la mesure, vient tout dun coup par une augmentation dimpôt à en valoir dix, ainsi que nous lavons vu arriver de nos jours ; le journalier voyant que ce qui lui resterait de sa journée ne pourrait pas suffire pour nourrir sa femme et ses enfants, se réduit à boire de leau, comme ils font presque tous dans les villes considérables, et fait cesser par là la circulation qui lui fournissait la journée, et est réduit à laumône, non sans blesser les intérêts du roi, qui avait sa part à tous les pas de cette circulation anéantie. Il en va de même des autres denrées, ny en ayant aucune dont lanéantissement de la consommation, causée par les désordres marqués ci-devant, ne fasse dabord cesser dix ou douze sortes de métiers, qui roulaient tous sur ce premier principe, et ne rejaillisse ensuite par contrecoup, et sur le roi, et sur tout le reste des professions du corps de lEtat : et bien que largent demeure, il cesse, faute de circulation, de fortifier aucun revenu, et est comme sil était mort à légard du pays. » (Boisguillebert, op. cit., chap. XIX, p.212 [64]. Si Boisguillebert finit par adopter la capitation comme impôt plus juste, il le fait pour des raison différentes de celles de Cordemoy, pour favoriser la circulation des marchandises en ne les taxant pas, mais cette circulation décloisonne la société, alors que pour Cordemoy la capitation oblige chacun à rester dans les limites de son appartenance sociale, le patron payant la capitation pour ses ouvriers, le propriétaire foncier pour les paysans travaillant sur ses terres, etc.
On comparera avec ce quécrit Vauban à propos de son projet dune dîme royale généralisée, dans son essai La Dîme royale : « en effet, létablissement de la Dîme royale imposée sur tous les fruits de la terre, dune part, et sur tout ce qui fait du revenu aux hommes, de lautre, me paraît le moyen le mieux proportionné de tous ; parce que lune suit toujours son héritage qui rend à proportion de sa fertilité, et que lautre se conforme au revenu notoire et non contesté. Cest le système le moins susceptible de corruption de tous, parce quil nest soumis quà son Tarif, et nullement à larbitrage des hommes.
La dîme ecclésiastique, que nous considérons comme le modèle de celle-ci, ne fait aucun procès, elle nexcite aucune plainte, et depuis quelle est établie, nous napprenons pas quil sy soit fait aucune corruption ; aussi na-t-elle pas eu besoin dêtre corrigé.
Cest celui de tous les revenus qui emploie le moins de gens à sa perception, qui cause le moins de frais, et qui sexécute avec le plus de facilité de douceur. » (page 52 -- 53 [40 41]), plus loin : « le roi ne dépendrait plus des traitants, il naurait plus besoin deux, ni détablir aucun impôt extraordinaire, de quelque nature quil puisse être, ni de faire jamais aucun emprunt, parce quil trouverait dans létablissement de cette dîme et des deux autres fonds qui lui seraient joints, dont il sera parlé ci-après, de quoi subvenir à toutes les nécessités extraordinaires qui pourraient arriver à lÉtat. » (page 54 [42]) (Vauban, Projet dune dîme royale, édition commentée par M. Eugène Daire, réimpression de lédition de 1843, Osnabrück, Otto Zeller, 1966)
« Le mercantilisme anglais pour sa part est dit "commercial" car cest lactivité marchande en elle-même qui est utilisée pour drainer les métaux précieux, en sappuyant sur la puissance de la flotte anglaise. Ainsi Cromwell promulgue-t-il lActe de navigation de 1651 (suivi de celui de 1660) qui en est lun des éléments centraux, puisquil vise à réserver à la flotte anglaise le transport des marchandises entrant et sortant des ports britanniques et le commerce avec ses colonies. Il taxe également les importations de céréales, afin de protéger les producteurs anglais (premières corn laws), développe les voies de communication, cherche à accentuer, la mainmise anglaise sur lEcosse et lIrlande, et engage le combat contre ses rivaux hollandais. Cette politique agressive à légard de lextérieur sera poursuivie à la fin du siècle et au début du suivant, puisque lAngleterre se heurtera à plusieurs reprises à la Hollande, à lEspagne et à la France, avec pour objectif de sassurer la suprématie maritime dans le commerce lointain, et dévincer la France des Indes orientales et dAmérique du Nord. Ainsi, il ne sagit pas de développer une politique protectionniste stricte qui viserait à interdire les importations, mais plutôt de prendre les mesures qui permettent aux exportations de toujours être supérieures aux importations. Dune façon générale, il convient pour cela de maîtriser les coûts de production, donc de maintenir aussi bas que possible à la fois le taux de salaire (doù des recommandations populationnistes) et le taux dintérêt (avec une insistance marquée pour une politique de taux dintérêt faible) »
( HYPERLINK "mailto:giannini@club-internet.fr" Giancarlo Giannini, La macroéconomie, site Internet de lauteur : HYPERLINK "http://giannini.club.fr/shuttle/macro/index.htm#plan" http://giannini.club.fr/shuttle/macro/index.htm#plan)
Cordemoy comme les autres membres du Petit Concile semblent se méfier des commerçants dont la mauvaise influence et les pratiques illicites sont toujours soupçonnées : « Tout est faux et mensonger chez un marchand, dit le Petit concile : ses paroles, son aunage, sa balance. Comme les dévots de la Compagnie du Saint Sacrement, le Petit Concile mettrait volontiers les marchands, leurs produits et leurs prix sous surveillance. » (François Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique, op. cit., p.57) Carlo Ginzburg retrouve cette même défiance dans les utopies paysannes (op. cit., 58, p.164)
Dans sa préface au traité déconomie politique de Montchrestien, Théodore Funck-Brentano cite cette doléance faite par les corps de métiers aux états généraux dOrléans : « Quaucune lettre de maîtrise ne soit accordée, sinon à la charge que les impétrants fussent tenus de faire expérience bonne et suffisante du métier quil entendent exercer » Ordonnance dite des bannières, août 1560. Funck-Brentano poursuit en note : « Les contemporains en admirèrent sincèrement la sagesse : « Lordonnance veut, écrit Loyseau, quon soit trois ans apprenti, puis on devient compagnon ou bachelier pendant trois ans
alors, on peut être reçu maître, après avoir fait épreuve de sa suffisance quon appelle chef-duvre et par iceluy être trouvé capable. Chose très-bien instituée, etc.
» » (Traicté de lOeconomie politique, introduction et note de Th. Funck-Brentano, op. cit. pp.LXXV-LXXVI [pp.78-79] et note 1)
Aristote, Politique, I, 3, 1258, b, 7 8.
Cette volonté de classer, de distinguer les individus suivant telle appartenance sociale, ethnique, propre à nombre dutopies et quHuxley reprendra dans sa dystopie du Brave new world, se rencontre aussi dans lutopie de Salente du Télémaque de Fénelon, pour le sage Mentor cest lhabit, luniforme qui doit distinguer : « Les personnes du premier rang après vous (le prince Idoménée auquel sadresse Mentor) seront vêtues de blanc, avec une frange dor au bas de leurs habits. Ils auront au doigt un anneau dor, et au cou une médaille dor avec votre portrait. Ceux du second rang seront vêtus de bleu : ils porteront une frange dargent, avec lanneau, et point de médaille; les troisièmes, de vert, sans anneau et sans frange, mais avec la médaille; les quatrièmes, dun jaune daurore; les cinquièmes, dun rouge pâle ou de rose; les sixièmes, de gris-de-lin; et les septièmes, qui seront les derniers du peuple, dune couleur mêlée de jaune et de blanc. Voilà les habits de sept conditions différentes pour les hommes libres. Tous les esclaves seront vêtus de gris-brun. Ainsi, sans aucune dépense, chacun sera distingué suivant sa condition, et on bannira de Salente tous les arts qui ne servent quà entretenir le faste. Tous les artisans qui seraient employés à ces arts pernicieux serviront ou aux arts nécessaires, qui sont en petit nombre, ou au commerce, ou à lagriculture. On ne souffrira jamais aucun changement, ni pour la nature des étoffes, ni pour la forme des habits : car il est indigne que des hommes, destinés à une vie sérieuse et noble, samusent à inventer des parures affectées, ni quils permettent que leurs femmes, à qui ces amusements seraient moins honteux, tombent jamais dans cet excès. » (Télémaque, dixième livre, p. 338 dans lédition Goré, Classiques Garnier)
On notera le point de vue radicalement différent de Fénelon dans sa Lettre à lAcadémie française : « Le Dictionnaire auquel lAcadémie travaille mérite sans doute quon lachève. Il est vrai que lusage, qui change souvent pour les langues vivantes, pourra changer ce que ce Dictionnaire aura décidé. (
) Enfin, quand notre langue sera changée, il servira à faire entendre les livres dignes de la postérité qui sont écrits en notre temps. » (Fénelon, Lettre à lAcadémie française, Librairie classique Belin, Paris 1879, p.8-9 [p.8-9]). Le texte de Fénelon est de 1713, le discours dentrée de Cordemoy de 1675. Dans son Mémoire sur les occupations de lAcadémie française, première formulation peut-être de sa lettre à lAcadémie, il écrit à propos du dictionnaire et de limportance de son élaboration : « Je suis persuadé quil faut continuer le travail du Dictionnaire, et quon ne peut y donner trop de soin ni trop dapplication, jusquà ce quil ait reçu toute la perfection dont peut être susceptible le Dictionnaire dune langue vivante, cest-à-dire sujette à de continuels changements. » (Fénelon, op. cit., pp.102-103 [102-103]). Lidée de la permanence du Français qui dépasserait les langues latine et grecque par la résistance au temps de ses institutions échappe totalement à Fénelon alors quà lépoque où il écrit ses lignes, sévit la querelle des Anciens et des Modernes dans laquelle, quoique sollicité par Houdar de La Motte, il ne prendra pas parti pour lun ou pour lautre. Mais nest-ce pas là une réponse implicite ?
Le discours de Cordemoy en 1675, précède le moment culminant de cette querelle, en 1687, le 27 janvier, on récite, à lAcadémie, un poème de Charles Perrault, Le Siècle de Louis le Grand. Lauteur ose comparer, pour le lui préférer, « le siècle de Louis au beau siècle dAuguste ». La querelle rebondit en 1713, lannée de la lettre à lAcadémie de Fénelon, Houdar de La Motte tire de la traduction en prose que Mme Dacier avait donnée de lIliade (1699) une adaptation en vers dans laquelle, supprimant les longueurs et les passages ennuyeux ou vieillis, il ampute le poème de moitié. Un des buts de Fénelon dans sa Lettre à lAcadémie semble de vouloir apaiser les esprits en faisant des Anciens un éloge chaleureux mais nuancé, tout en invitant les Modernes à les dépasser. La compréhension que Fénelon a de lévolution des langues est grande elle lamène à cette remarque judicieuse concernant lutilité dun dictionnaire : « (
) il sétablit tous les jours des mots nouveaux dans notre langue ; ceux qui y sont établis perdent leur ancienne signification et en acquièrent de nouvelles. Il est impossible de faire un édition du Dictionnaire à chaque changement ; et cependant ces changements le rendraient défectueux en peu dannées, si lon ne trouve le moyen dy suppléer par ces remarques qui seront, pour ainsi dire, le journal de notre langue, et le dépôt éternel de tous les changements que fera lusage. » (Fénelon, op. cit., p.106 [p.106])
Cest une lecture partielle de luvre de Cordemoy, celle du seul opuscule De la nécessité de lHistoire, qui conduit Annie Bruter à écrire dans son livre LHistoire enseignée au grand siècle, naissance dune pédagogie : « La réflexion de Cordemoy, en dépit de son ambition de montrer comment toutes les « sciences humaines » peuvent trouver place au sein de lexposé historique, laisse dans lomblre la question des langues, peut-être en raison de la spécialisation des tâches dévolues au « lecteur » quil était, peut-être aussi en raison de la difficulté de montrer grâce à lhistoire la nécessité de létude du latin » (in op. cit., p.184)
« La Hausvaterliteratur » (traduction littérale: la littérature de père de famille) occupe une place très particulière dans lénorme volume des écrits déducation « princière ». Mais en fait-elle réellement partie? Elle ne sadresse pas expressément à eux, mais au gemeiner Mann. Expliquons-nous. Hausvater est léquivalent du latin pater familias. Il sagit à la fois du prince, mais aussi de tout « père de famille » chargé dâmes et de la gestion des biens dune famille élargie, habitant dans la même propriété. Sétablit ainsi une hiérarchie au sommet de laquelle se trouve Dieu, considéré comme modèle du père de famille. Le roi lui est immédiatement subordonné; il doit soccuper de la gestion de son royaume dans le sens quasi notarial: « gérer ses biens en bon père de famille ». Il sagit donc dune vision du monde symbolique, assimilant le roi dune part à Dieu et dautre part au maître de maison. La traduction gemeiner Mann est encore plus délicate. On traduira ici par un homme, roi, noble ou bourgeois à laise, indépendant. » (Jean Meyer, Léducation des princes du 15ème au 19ème siècle, p.141)
« Louis XIV juge utile davertir son aîné que, en cas de naissance de frère, il ne disposerait pas de privilèges spéciaux éducatifs. « Car il faut faire voir à la terre entière que vous méritez [...] par votre vertu, ce rang qui ne semble être donné quà lordre de votre naissance. » Cela est passé bien inaperçu, Louis XIV nayant plus eu dautre héritier mâle. Cest pourtant laffirmation, combien inattendue de prime abord, de légalité des droits à linstruction comme à la formation politique des cadets. Ce qui contrevient aux pratiques antérieures de la maison de Bourbons, à commencer par les très réelles disparités éducatives entre le roi laîné et Monsieur, le cadet. » (Idem, p.151)
Richelieu, Testament politique, cité par Etienne Thuau in Raison dEtat et pensée politique à lépoque de Richelieu, op. cit., p.352, note : 2.
On pourra comparer cette vision dun peuple formé de sujets éduqués, garants dune constitution hérité dun souverain dévoué au service de son royaume et de son bonheur, à celle, machiavélienne, présentée par Naudé, dun peuple gouvernable par la seule force des craintes religieuses et des supplices du bourreau : « Mais comme il ny a jamais eu que deux moyens capables de maintenir les hommes en leur devoir, savoir la rigueur des supplices établis par les anciens législateurs pour réprimer les crimes, dont les juges pouvaient avoir connaissance ; et la crainte des Dieux et de leur foudre, pour empêcher ceux dont par faute de témoins ils ne pouvaient être suffisamment informés, conformément à ce que dit le Poète Palingenius : (in Libra) Semiferum vulgus fraenandum est religione Poenarumque metu, nam fallax atque malignum Illius ingenium est semper, nec sponte movetur Ad rectum. (Cest par la religion et par la crainte des supplices, quil faut brider la populace à demi sauvage, car son esprit est toujours trompeur et malin, et soi-même ne se porte point à ce qui est droit.) (Gabriel Naudé, Considérations politiques sur les coups dEtat, in op. cit., pp.256-257 [264-265]). (Voir note 151, p.145)
« Au lieu quordinairement ils (les princes) napprennent quaux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent : par le secours de lhistoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les événements passés. » (Bossuet, .4K}~§¨ÎÏ; < k l ¨ © ª 0
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« Je songe aux pénibles, douteux et dangereux chemins quil (le souverain) est quelquefois obligé de suivre pour arriver à la tranquillité publique; je repasse les moyens extrêmes, mais nécessaires, dont il use souvent pour une bonne fin; je sais quil doit répondre à Dieu même de la félicité de ses peuples, que le bien et le mal est en ses mains, et que toute ignorance ne lexcuse pas ; et je me dis à moi-même : "Voudrais-je régner? " Un homme un peu heureux dans une condition privée devrait-il y renoncer pour une monarchie ? Nest-ce pas beaucoup, pour celui qui se trouve en place par un droit héréditaire, de supporter dêtre né roi ? » La Bruyère, Les Caractères, in op. cit., « Du souverain ou de la république », 34 (V)
La cosmologie cartésienne comme celle de Cordemoy est bien entendu fixiste et non pas expansionniste comme celle du big bang, lintérêt du propos de Cordemoy est quil met en relation deux conceptions épistémiques contradictoires celle dévénement qui implique lidée de changement et de mutabilité et celle de loi physique ou astrophysique qui jusquau vingtième siècle impliquait lidée dimmuabilité. Tel est le paradoxe auquel sattaque Cordemoy, celui du rapport de la vérité de lhistoire sainte à la vérité des sciences modernes et plus particulièrement de la physique et de la lastrophysique que son siècle est en train de constituer.
Leucharistie de lopus operatum nie le principe hérité des physiques antiques de la permanence et de limmuabilité de la substance comme sujet autrement que par corruption altération puisque le vin devient vrai sang et le pain vraie chair. Il ny a donc pas corruption altération mais passage dune substance à une autre ce qui est une négation de la définition même de la substance.
Le jeu de mots sur « folia » (foglia ou follia en italien) : feuillée ou folie est avéré que lon songe au titre Les folies dEspagne, celles de Marin Marais notamment.
Noam Chomsky, La linguistique cartésienne, Editions du Seuil, Paris, 1969.
Pierre Clair et François Girbal, Gérauld de Cordemoy,uvres Philosophiques avec une étude bio-bibliographique, « Le mouvement des idées au XVIIe siècle », Presses Universitaires de France, Paris, 1968.
Jean-François Battail, Lavocat philosophe Gérauld de Cordemoy, Editions Martinus Nijhoff, La Haye, 1973.
Andréas Scheib, Zur Theorie individueller Substanzen bei Gérauld de Cordemoy, Editions P. Lang, Frankfurt am Main, New York, 1997.
François-Xavier Cuche, Une pensée sociale catholique Fleury, La Bruyère, Fénelon, Editions du Cerf, 1991, Paris
Gérauld de Cordemoy, A philosophical discourse concerning speach, 1668, and A discourse written to a learned friar, 1670, facsimile reproductions with an introduction by Barbara Ross, Editions Dolmar, New York, ScholarsFacsimiles and Reprints, 1972.
Ceci permettant dutiliser la fonction « aller à la page » du logiciel employé pour lire ce type de fichier image (pdf), les deux paginations ne coïncidant que très rarement, dans aucun des documents cités par nous, dans tous les cas.
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