1 - Tetralogos
Il est aisé de constater que, dans la pensée mythique, le sujet occupe la position
centrale ; au sens propre du terme, l'espace où réside son être, l'espace ......
Dans le formalisme mathématique cette opération est décrite comme l'action d'un
opérateur - quelque chose qui agit sur - appelé, comme nous l'avons déjà vu, ...
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Deuxiéme partie
ERDA OU LE SAVOIR
HYPERLINK \l "_Toc132171778" 1. CHAPITRE III Sciences PAGEREF _Toc132171778 \h 3
HYPERLINK \l "_Toc132171779" 1.1. Introduction PAGEREF _Toc132171779 \h 3
HYPERLINK \l "_Toc132171780" 1.2. Science et mythes PAGEREF _Toc132171780 \h 6
HYPERLINK \l "_Toc132171781" 1.3. La coupure PAGEREF _Toc132171781 \h 15
HYPERLINK \l "_Toc132171782" 1.4. Retour du mythe PAGEREF _Toc132171782 \h 21
HYPERLINK \l "_Toc132171783" 1.5. La partition de l'univers PAGEREF _Toc132171783 \h 26
HYPERLINK \l "_Toc132171784" 1.6. Maître et disciple PAGEREF _Toc132171784 \h 29
HYPERLINK \l "_Toc132171785" 1.7. Déterminisme et destin PAGEREF _Toc132171785 \h 31
HYPERLINK \l "_Toc132171786" 1.8. Qu'est-ce que la réalité ? PAGEREF _Toc132171786 \h 34
HYPERLINK \l "_Toc132171787" 1.9. L'espace sacré PAGEREF _Toc132171787 \h 38
HYPERLINK \l "_Toc132171788" 1.10. Comprendre ! PAGEREF _Toc132171788 \h 41
HYPERLINK \l "_Toc132171789" 1.11. Quantique de Wotan PAGEREF _Toc132171789 \h 46
HYPERLINK \l "_Toc132171790" 1.12. Avoir à être PAGEREF _Toc132171790 \h 52
HYPERLINK \l "_Toc132171791" 1.13. La marque du temps et l'obsession du réel PAGEREF _Toc132171791 \h 55
HYPERLINK \l "_Toc132171792" 1.14. L'espace PAGEREF _Toc132171792 \h 64
HYPERLINK \l "_Toc132171793" 1.15. La non-localité PAGEREF _Toc132171793 \h 67
HYPERLINK \l "_Toc132171794" 1.16. La nostalgie des origines PAGEREF _Toc132171794 \h 69
HYPERLINK \l "_Toc132171795" 1.17. La grande parade PAGEREF _Toc132171795 \h 70
HYPERLINK \l "_Toc132171796" 1.18. La science et l'or PAGEREF _Toc132171796 \h 72
HYPERLINK \l "_Toc132171797" 1.19. L'homme, une seule espèce ? PAGEREF _Toc132171797 \h 74
HYPERLINK \l "_Toc132171798" 1.20. Céder la place PAGEREF _Toc132171798 \h 76
HYPERLINK \l "_Toc132171799" 1.21. Les faiblesses de la science PAGEREF _Toc132171799 \h 77
HYPERLINK \l "_Toc132171800" 1.21.1. Comment avoir confiance ! PAGEREF _Toc132171800 \h 77
HYPERLINK \l "_Toc132171801" 1.21.2. La science et ses errements PAGEREF _Toc132171801 \h 78
HYPERLINK \l "_Toc132171802" 1.21.3. L'âpre guerre PAGEREF _Toc132171802 \h 84
HYPERLINK \l "_Toc132171803" 1.21.4. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? » PAGEREF _Toc132171803 \h 85
HYPERLINK \l "_Toc132171804" 1.22.1. La fin PAGEREF _Toc132171804 \h 86
HYPERLINK \l "_Toc132171805" 1.22.1.1. Se succéder à soi-même, dans « l'Autre » PAGEREF _Toc132171805 \h 87
HYPERLINK \l "_Toc132171806" 2. Chapitre IV Philosophie PAGEREF _Toc132171806 \h 89
HYPERLINK \l "_Toc132171807" 2.1. Introduction PAGEREF _Toc132171807 \h 89
HYPERLINK \l "_Toc132171808" 2.2. La connaissance éclatée PAGEREF _Toc132171808 \h 91
HYPERLINK \l "_Toc132171809" 2.2.1. L'utopie unitaire PAGEREF _Toc132171809 \h 91
HYPERLINK \l "_Toc132171810" 2.2.2. Difficile vérité ! PAGEREF _Toc132171810 \h 94
HYPERLINK \l "_Toc132171811" 2.2.3. Une notion élargie de vérité : la vérisimilitude - ou vérisimilarité - selon K Popper. PAGEREF _Toc132171811 \h 96
HYPERLINK \l "_Toc132171812" 2.3. Le dialogue est-il possible ? PAGEREF _Toc132171812 \h 101
HYPERLINK \l "_Toc132171813" 2.3.1. L'affrontement PAGEREF _Toc132171813 \h 101
HYPERLINK \l "_Toc132171814" 2.3.2. Le mythe de l'harmonie sociale PAGEREF _Toc132171814 \h 103
HYPERLINK \l "_Toc132171815" 2.4. La volonté PAGEREF _Toc132171815 \h 105
HYPERLINK \l "_Toc132171816" 2.4.1. Schopenhauer PAGEREF _Toc132171816 \h 105
HYPERLINK \l "_Toc132171817" 2.4.2.2. Dominer PAGEREF _Toc132171817 \h 108
HYPERLINK \l "_Toc132171818" 2.5. L'autre PAGEREF _Toc132171818 \h 111
HYPERLINK \l "_Toc132171819" 2.5.1.3. Nier l'autre, ou le dominer PAGEREF _Toc132171819 \h 112
HYPERLINK \l "_Toc132171820" 2.5.2.4. Maître et valet PAGEREF _Toc132171820 \h 113
HYPERLINK \l "_Toc132171821" 2.6. La conscience PAGEREF _Toc132171821 \h 116
HYPERLINK \l "_Toc132171822" 2.6.1. Naissance de la conscience PAGEREF _Toc132171822 \h 116
HYPERLINK \l "_Toc132171823" 2.6.2.5. Et la conscience fut PAGEREF _Toc132171823 \h 116
HYPERLINK \l "_Toc132171824" 2.6.3. Métamorphoses de la conscience PAGEREF _Toc132171824 \h 117
HYPERLINK \l "_Toc132171825" 2.6.4. Niveaux de conscience PAGEREF _Toc132171825 \h 118
HYPERLINK \l "_Toc132171826" 2.6.5. Conscience et raison PAGEREF _Toc132171826 \h 120
HYPERLINK \l "_Toc132171827" 2.7. Le mythe unitaire PAGEREF _Toc132171827 \h 123
HYPERLINK \l "_Toc132171828" 2.7.1. Dépassement ou fin de la philosophie ? PAGEREF _Toc132171828 \h 124
HYPERLINK \l "_Toc132171829" 2.7.2. Incarnation de la conscience PAGEREF _Toc132171829 \h 129
HYPERLINK \l "_Toc132171830" 2.7.3. L'émergence de la conscience, problème scientifique ? PAGEREF _Toc132171830 \h 131
HYPERLINK \l "_Toc132171831" 2.7.4. Le repliement sur soi PAGEREF _Toc132171831 \h 132
HYPERLINK \l "_Toc132171832" 2.8. Crépuscule de la conscience PAGEREF _Toc132171832 \h 133
HYPERLINK \l "_Toc132171833" 2.8.1. Conscience individuelle et personnalité PAGEREF _Toc132171833 \h 133
HYPERLINK \l "_Toc132171834" 2.8.2. Conscience intersubjective PAGEREF _Toc132171834 \h 134
HYPERLINK \l "_Toc132171835" 2.9. Le double jeu de la nature : déterminisme et hasard PAGEREF _Toc132171835 \h 140
HYPERLINK \l "_Toc132171836" 2.9.1. Cassée ! Cassée ! Cassée ! PAGEREF _Toc132171836 \h 141
HYPERLINK \l "_Toc132171837" 2.9.2. Un univers de propensions PAGEREF _Toc132171837 \h 141
HYPERLINK \l "_Toc132171838" 2.9.3. Le diable et le bon dieu PAGEREF _Toc132171838 \h 145
HYPERLINK \l "_Toc132171839" 2.10. Un monde ouvert PAGEREF _Toc132171839 \h 147
HYPERLINK \l "_Toc132171840" 2.11. Le complexe de Wotan PAGEREF _Toc132171840 \h 150
HYPERLINK \l "_Toc132171841" 3. Chapitre V PAGEREF _Toc132171841 \h 151
HYPERLINK \l "_Toc132171842" 4. La fin d'un rêve PAGEREF _Toc132171842 \h 151
HYPERLINK \l "_Toc132171843" 4.1. Introduction PAGEREF _Toc132171843 \h 151
HYPERLINK \l "_Toc132171844" 4.2. Réformer ? PAGEREF _Toc132171844 \h 152
HYPERLINK \l "_Toc132171845" 4.3. Qui suis-je ? PAGEREF _Toc132171845 \h 153
HYPERLINK \l "_Toc132171846" 4.4. La réforme de l'enseignement des mathématiques PAGEREF _Toc132171846 \h 155
HYPERLINK \l "_Toc132171847" 4.4.1. Les raisons PAGEREF _Toc132171847 \h 155
HYPERLINK \l "_Toc132171848" 4.4.2. La commission Lichnerowicz PAGEREF _Toc132171848 \h 156
HYPERLINK \l "_Toc132171849" 4.4.3. L'éducation nationale s'illustre à son tour par son incompétence PAGEREF _Toc132171849 \h 156
HYPERLINK \l "_Toc132171850" 4.4.4. La déraison PAGEREF _Toc132171850 \h 157
HYPERLINK \l "_Toc132171851" 4.4.5. Apprend-on les mathématiques ? PAGEREF _Toc132171851 \h 159
HYPERLINK \l "_Toc132171852" 4.4.6. Une stratégie pour l'enseignement peut-elle découler de cela ? PAGEREF _Toc132171852 \h 161
HYPERLINK \l "_Toc132171853" 4.4.7. Qu'est-ce que lefficacité ? PAGEREF _Toc132171853 \h 163
HYPERLINK \l "_Toc132171854" 4.5. Adieu la démocratie PAGEREF _Toc132171854 \h 167
HYPERLINK \l "_Toc132171855" 4.6. Réforme PAGEREF _Toc132171855 \h 168
HYPERLINK \l "_Toc132171856" 4.7. Le devoir de mémoire PAGEREF _Toc132171856 \h 169
HYPERLINK \l "_Toc132171857" 4.8. Une école de la réussite pour tous PAGEREF _Toc132171857 \h 171
HYPERLINK \l "_Toc132171858" 4.9. L'école comme anticulture PAGEREF _Toc132171858 \h 173
HYPERLINK \l "_Toc132171859" 4.10. Mime ou l'essence du système PAGEREF _Toc132171859 \h 173
HYPERLINK \l "_Toc132171860" 4.11. En attendant Godot PAGEREF _Toc132171860 \h 176
HYPERLINK \l "_Toc132171861" 4.12. Qui suis-je ? PAGEREF _Toc132171861 \h 176
Deuxième partie
Erda ou le savoir
INTRODUCTION
Mon sommeil est songe
Mon songe la pensée
Ma pensée le savoir.
(Siegfried, acte 3, scène 1)
Erda incarne le savoir absolu. Mais un savoir qui n'est pour personne. Gardienne des grands secrets, Erda ne livre rien, pas même aux dieux. Et les hommes, même ceux d'aujourd'hui, n'ont arraché à la nature que des bribes de connaissance, suffisantes pour résoudre des problèmes insignifiants, mais incapables de faire comprendre l'essentiel.
Nul ne peut nier que l'esprit humain a acquis une somme considérable de connaissances concernant notre univers et nous-mêmes. Peut-être même ces connaissances sont-elles déjà suffisantes pour atteindre quelques vérités absolues. Mais un cerveau humain sera-t-il jamais capable de réaliser les synthèses nécessaires ? Admettons même qu'un ordinateur soit capable de suppléer cette insuffisance humaine, quelle différence pourrait-on établir entre une méconnaissance et une connaissance inaccessible. Une vérité, peut-être, mais plongé dans un songe aussi impénétrable que celui de la Wala.
Les deux chapitres constituant cette seconde partie sont consacrés à la philosophie et à la science. En filigrane, nous retrouverons un peu partout, parfois en sollicitant quelque peu les faits et les concepts, notre Complexe de Wotan. C'est le but du jeu.
CHAPITRE III Sciences
Introduction
Wotan XE "Wotan" gagne la conscience XE "Conscience" et la puissance en brisant une branche de l'arbre XE "Arbre du monde" du monde. On sait ce qui l'en advint ; l'arbre du monde, garant de l'unité de l'univers dépérit, puis meurt.
Les Nornes sont en scène au prologue du Crépuscule des Dieux, Elles tentent désespérément de tendre la Corde Sacrée qui leur permet de voir et comprendre l'avenir. Le frêne qui servait jadis de point d'ancrage est mort par la faute du dieu, et le rocher auquel l'une des trois Nornes a fixé la corde est tranchant...
Première Norne :
La roche dure coupe la corde
Peu tiennent ensemble les fils
Ils vont s'entremêlant
Angoisse et haine
viennent vers moi de l'anneau
Un vu de vengeance
ronge les fils assemblés
Sais-tu ce qu'il advient ?
Troisième Norne :
Trop lâche le câble.
[...]
Il rompt !
Les trois Nornes :
Science est à son terme
Cette science est celle de la divination. Mais au juste, connaître ce qu'il adviendra n'est-il pas l'un des buts majeurs de la science ?
L'unité de l'univers éclate avec la rupture de la corde. Il est fortuit, mais pour le moins facétieux, que la science moderne invente la théorie XE "Théorie" des cordes - et des supercordes - pour tenter de construire la théorie unitaire achèvement de la Science, qui mettrait donc celle-ci à son terme.
L'art de la divination s'éteint alors que se rompt la corde symbolisant l'union des trois mondes, et la science peut s'éteindre alors que sont créées les cordes unissant les quatre interactions fondamentales, réalisant ainsi la Théorie unitaire, rêve mythique des philosophes et des savants de toutes les époques.
*
Il est bien évident que les rapprochements qui vont être faits entre pensée scientifique et pensée mythique, ne prétendent nullement identifier la science à une espèce de mythe mais :
- que née, justement de la volonté XE "Volonté" - et la nécessité ? - de mettre en cause les mythes XE "Mythes" , elle a gardé, dans son esprit et dans ses méthodes des traces de ses origines ;
- que les buts profonds, eux n'ont pas changé. Avec cette nuance essentielle, qu'avec la science les hommes se sont donné des moyens autrement puissants de comprendre, de prévoir, et, pourquoi pas, d'expliquer.
Les textes philosophiques étudiant les rapports entre pensée scientifique et pensée mythique sont très nombreux. Nous nous bornerons, dans cette introduction à citer quelques passages d'un des ouvrages majeurs de E Cassirer XE "Cassirer" . Il s'agit de développements concernant la notion de causalité qui est au centre de toute démarche scientifique et sur laquelle repose également la pensée mythique.
« Selon Hume XE "Hume" , on doit pouvoir XE "Pouvoir" dériver toute représentation de causalité de la représentation de la simple coexistence (page 67) [...]. Si cela est vérifié - le fait que si deux représentations, dans la pensée mythique se trouvent à un moment en relation de proximité, on ne peut plus les disjoindre - il apparaît curieusement alors que Hume, alors qu'il analysait en apparence le jugement causal dans la science a découvert plutôt l'une des racines de toute explication mythique du monde.»
Cassirer XE "Cassirer" se réfère à Enquête sur l'entendement humain (GF-Flammarion), où Hume XE "Hume" examinant l'idée de « connexion nécessaire » définit la cause comme « un objet suivit d'un autre et dont l'apparition conduit toujours la pensée à l'idée de cet autre objet» (opus cité page 144) ; et il précise, dans une édition ultérieure: « une cause diffère d'un signe vu qu'elle implique antériorité et contiguïté dans le temps et dans l'espace, aussi bien que conjonction constante [...] Si la cause assignée à un effet ne suffit pas à le produire, il faut, soit rejeter cette cause, soit y ajouter des qualités...»
Il est alors manifeste que Cassirer XE "Cassirer" a « abandonné » Hume XE "Hume" à un niveau superficiel de son analyse, et les citations reproduites ci-dessus montre les corrections à apporter au jugement du philosophe. A un certain niveau d'analyse démarche mythique et démarche scientifique se confondent, la différence se situant à un stade supérieur La pensée mythique en reste à la simple concomitance, la science affine constamment l'analyse des vraies causes, en variant les conditions expérimentales.
La pensée mythique croit que le tam-tam fait, tous les matins lever le soleil, mais se garde bien de ne pas jouer un seul matin du tam-tam. La démarche scientifique consiste, en partie, à s'abstenir de jouer et de constater que le soleil se lève quand même. Ce qui ne peut être une preuve aux yeux du primitif, qui, avec logique peut toujours affirmer que, quelque part, à notre insu quelqu'un de prévoyant a bien exécuté les rites !
Restons un moment encore avec Cassirer XE "Cassirer" qui se livre à une étude très profonde des rapports entre pensée scientifique et pensée mythique.
« Le mythe et la pensée scientifique ne se différencient pas, par la nature, la qualité, des catégories qu'elles emploient, mais par leur modalité.Les modes de connexion qu'ils utilisent pour donner la forme de l'unité au divers sensible et pour en rassembler le flot incohérent sous une figure se révèlent analogue et correspondant en tout point. Ce sont les formes les plus générales de la pensée et de l'intuition qui constituent l'unité de la conscience XE "Conscience" en tant que telle et donc l'unité de la conscience mythique autant que celle de la conscience scientifique pure.»
Après ces brèves indications sur ce qui, selon Cassirer XE "Cassirer" , unit pensée mythique et pensée scientifique, voyons, tout aussi sommairement ce qui les différencie profondément.
« La pensée théorique adopte face à ce qu'elle aborde en tant qu'« objet », avec des prétentions à l'objectivité et à la nécessité une attitude d'investigation, d'interrogation, de doute et dexamen : elle s'oppose à lui avec ses propres normes. La pensée mythique au contraire ne connaît aucun affrontement de ce genre. Elle n' « a » l'objet que si elle est dominée par lui. Elle ne le possède pas en le construisant, et serait plutôt possédée par lui. Cette pensée n'est pas poussée par la volonté XE "Volonté" de comprendre l'objet, au sens de l'embrasser par la pensée et à l'incorporer à un complexe de causes et de conséquence. Elle est simplement prise par lui. »
Science et mythes XE "Mythes"
Notre cause est un secret dans un secret, le secret de quelque chose qui reste voilé, un secret que seul un autre secret peut expliquer, c'est un secret sur un secret qui s'assouvit d'un secret.
Ja' far-al sâDIQ, sixième Iman, cité par U Eco XE "Eco" (Le pendule de Foucault)
On peut dire que la science ne s'est pas totalement affranchie de ses racines mythiques, sans pour autant nier sa rationalité. Car il y a deux domaines à bien séparer :
- celui d'abord du discours scientifique, uvres achevées du génie humain, théories cohérentes, définissant sans ambiguïté la notion de vérité.
- celui, ensuite, de la science en gestation, traversée de crises, de retour en arrière, d'avancées prodigieuses, où le langage est un mélange disparate de termes codifiés, d'expression vagues, d'images plus ou moins adaptées. Autrement dit, la science aventure humaine, avec ses grandeurs et ses faiblesses, pétrie de préjugés, de rêves, d'hypothèses folles cherchant à se faire reconnaître comme questions méritant d'être posées à l'intérieur du discours scientifique lui-même ;
De nombreux penseurs ont consacré une partie de leur réflexion à cette mise en évidence de la persistance insidieuse du mythe dans le discours scientifique, là où l'on ne devrait plus en trouver la moindre trace. D Sibony XE "Sibony" est psychanalyste, mais possède de solides connaissances philosophiques et mathématiques XE "Mathématique" . Précédant le texte cité au chapitre 1, page X, l'auteur écrit : « Or les réflexions des scientifiques montrent cet effet poignant : à l'intérieur d'un discours apparemment formalisé et self-contained, on voit surgir de petites antennes, de petits appels à rendre compte de tout autre chose, à faire entendre la connivence avec « autre chose », et cela comporte une dimension symbolique XE "symbolique" , à l'uvre bien qu'informulable dans les termes du discours scientifique.» Certes l'auteur nous met en garde contre toute confusion entre le symbolique et le mythologique XE "Mythologique" ; mais le symbolique ne plonge-t-il pas ses racines dans le mythologique ? Comment savoir si la dimension symbolique exprime un non-dit appartenant à nos racines profondes, donc nécessairement mythiques, ou, au contraire tente d'éclairer un au-delà d'une pensée qui n'a pas encore de langage pour sexprimer ?
René Thom XE "Thom" - qui a quitté le terrain solide des mathématiques XE "Mathématique" pures pour l'univers aventureux de la biologie théorique - se montre beaucoup plus radical. On connaît déjà ses critiques sans complaisance de l'acharnement expérimental en matière d'expérimentation en physique des particules XE "Particules" ; Il déclare, au cours d'une discussion sur la nature des êtres mathématiques. « Même le « comment » pose suffisamment de question. On ne va pas remonter au Big Bang XE "Big Bang" et à la concentration du plasma en gluons, en hadrons, etc. Nous nageons là en pleine mythologie XE "Mythologie" moderne.» (Opus cité page 103)
C Levi-strauss ne pouvait manquer d'évoquer les rapports que la science moderne entretient avec la pensée mythique. Le passage qui suit nous propose une vision particulièrement pénétrante du problème :
« A quoi bon diront certains, s'acharner à percer, analyser, déjouer une stratégie que les mythes XE "Mythes" répètent sans les renouveler depuis, des dizaines, des centaines, de millénaires peut-être, alors que pour expliquer le monde, la pensée rationnelle, la méthode et les techniques scientifiques les ont définitivement supplantés? Le mythe n'a-t-il pas depuis longtemps perdu la partie ? Cela n'est pas sûr, ou du moins ne l'est plus. Car on peut douter qu'une distance infranchissable sépare les formes de la pensée mythiques et les paradoxes fameux que sans l'espoir de se faire comprendre autrement les maîtres de la science contemporaine proposent aux ignorants que nous sommes [...]. Autrement dit, entre le savant qui accède par le calcul à une réalité XE "Réalité" inimaginable et le public avide de saisir quelque chose de cette réalité dont l'évidence mathématique devient les données de l'intuition sensible, la pensée mythique redevient un intercesseur [...] Ainsi les événements que les savants imaginent pour nous aider à combler le gouffre qui s'est creusé entre l'expérience macroscopique et les vérités inaccessibles au vulgaire : Big Bang XE "Big Bang" , univers en expansion, etc, ont tout le caractère des mythes [...] Que des milliers d'événements, chacun hautement improbable, aient en quelques sept millions d'années, assuré le passage d'un monde d'où toute vie était absente, à un monde d'AN (acide nucléique) d'abord, puis à un monde d'ADN, cela semble si difficile à admettre que des savants pourtant illustres en sont réduits à forger des mythes ; les premiers germes de vie, disent-ils, seraient arrivés sur terre à bord d'un vaisseau spatial [...] Il existe donc à nouveau pour l'homme un monde surnaturel [...] Aux yeux du profane (c'est-à-dire l'humanité presque entière) ce monde surnaturel offre les mêmes propriétés que celui des mythes [...]. De la façon la moins attendue, c'est le dialogue avec la science qui rend la pensée mythique à nouveau actuelle. »
Le texte de Lévi-Strauss dégage, d'une certaine façon la responsabilité de la science dans ce retour assez évident de la pensée mythique. Seul serait en cause la volonté XE "Volonté" - maladroite, parce qu'impuissante - du savant de maintenir le dialogue avec le vulgaire. Pour l'auteur le recours au mythe - ou plutôt à des schémas ayant la forme de mythes XE "Mythes" - est avant tout un moyen pédagogique pour suggérer ce que pourrait être la réalité XE "Réalité" . Cela suppose que le savant possède les clés de lecture de la réalité, mais qu'il est le seul à pouvoir XE "Pouvoir" les utiliser pour pénétrer les arcanes de cette réalité. Or la situation est beaucoup moins glorieuse pour le scientifique car sa connaissance du réel est tout aussi illusoire que celle du vulgaire en ce qui concerne les grands problèmes.
Essayons d'examiner la situation d'une façon formelle, en utilisant les notations de M Felden XE "Felden" .Les propos qui suivent sont assez banals, mais à examiner les ouvrages de vulgarisation mis indirectement en cause par Lévi-Strauss, il semble que ces banalités, qui sont autant d'évidences pour n'importe quel débutant dans l'étude des sciences, soient rarement mises en relief.
Il faut soigneusement distinguer, dans tout problème physique, l'espace physique lui-même P, et l'espace géométrique G qui le représente formellement. Or, il est impossible, comme on le suppose implicitement en général, lorsqu'on examine les relations entre P et G, d'établir des isomorphismes complets entre P et G permettant de les identifier ; si bien qu'à tout phénomène se déroulant dans P ne correspond pas généralement un ensemble caractéristique d'éléments de G, rendant compte de la totalité du phénomène. Ce qu'étudie le scientifique, ce n'est pas le phénomène dans P, mais bien son représentant dans G, c'est cet espace qui est pour lui la « réalité XE "Réalité" ». En effet, quelle est la réalité phénoménale d'un photon, d'un électron XE "Electron" , de cette cohorte de particules XE "Particules" virtuelles s'échangeant au cours des interactions fondamentales ? Nul ne le sait ; si bien que le mythe, non seulement est reçu comme tel par le profane mais reste en filigrane dans l'esprit du scientifique, qui bien évidemment ne le ressent pas comme tel (voir plus loin les « défenses » d'un astrophysicien).
Jadis - naguère, et même aujourd'hui - les grands prêtres inventaient des fictions qui devenaient autant de mythes XE "Mythes" , pour rendre concret un ordre XE "Ordre" transcendant qu'ils s'imaginaient comprendre par la grâce de la révélation. Etait-ce autre chose que création d'une imagination qui ne connaissait aucun frein ? La différence, avec la situation actuelle, est que les grands prêtres de la science moderne, s'ils débordent tout autant et même plus, d'imagination, sont autrement contraints par les faits. Ne doivent-ils pas nécessairement faire correspondre deux séries indépendantes de faits :
- Les prévisions numériques déduites des théories, donc à l'intérieur de G ;
- les mesures expérimentales intérieures à P, même si elles sont commandées par les théories.
J'ai cité, autre part, H Laborit XE "Laborit" , qui à propos de cosmologie dit que nous sommes obligés de faire confiance aux astrophysiciens. Certes, peu de gens, comme le souligne C Lévi-Strauss, ont les connaissances scientifiques nécessaires pour juger de la pertinence des hypothèses, puis des déductions effectuées par les savants ; autrement dit, ont les moyens de les contredire de façon judicieuse. Cette soi-disant obligation pose de toute façon bien des problèmes. Non seulement nous savons, par expérience que la science n'est pas infaillible, mais cette confiance aveugle qu'on nous demande presque pourrait bien expliquer la perpétuation, dans le passé, et encore aujourd'hui, d'étranges croyances.
Jadis des voyageurs, revenant de pays lointains, racontaient leurs aventures à des gens qui ne disposaient d'aucun moyen pour vérifier leur dire. Ainsi se trouvaient-ils dans la même situation que les ignorants que nous sommes aujourd'hui. Ces récits ont manifestement alimenté bien des mythes XE "Mythes" d'autrefois. On peut craindre, qu'aujourd'hui les scientifiques ne tiennent la place de ces antiques voyageurs !
Il semble, même s'ils en sont conscients, que les scientifiques finissent par se convaincre que G est identique à P, et que ce qu'ils déduisent dans G est bien une réalité XE "Réalité" de P. Ils ne sont pas dupes, mais se retranchent derrière l'impossibilité mentale de faire autrement. Chacun sait pourtant pertinemment qu'il n'y a jamais, qu'il n'y aura jamais identification du réel P avec une quelconque représentation donnée par nos sens aidés de nos constructions formelles G ; le scientifique, cependant se comporte, pense ,extrapole, dans son univers G comme si celui-ci était la réalité physique.
Peut-on imaginer une sorte d'approche asymptotique de P par des espaces G ? Cela paraît difficile et surtout vain. Difficile parce que nous ne sommes même pas assurés du nombre réel de dimension de l'espace P (La description en termes de dimensions est-elle seulement pertinente ?). Vain, car le niveau de complexité atteint par les théories modernes, nous éloigne beaucoup plus qu'il nous rapproche d'une réelle compréhension.
Ce qui sépare radicalement vision mythique et vision scientifique du monde ce sont, avant tout, les notions d'explication et de prédiction. Le titre du livre d'entretiens avec R Thom XE "Thom" , Prédire n'est pas expliquer, exprime toutes les ambiguïtés de la science, et sa difficulté de se libérer de ses attaches mythiques Bien sûr que prédire n'est pas expliquer, c'est vrai déjà dans la vie courante ; dans tous les cas, ce qui compte avant tout c'est d'être capable de prédire correctement les événements. M Felden XE "Felden" (opus cité page 28) cite M.A Tonnelat XE "MA.Tonnelat" : «La profondeur d'une hypothèse XE "Hypothèse" ne réside pas dans son niveau explicatif, mais dans le plus grand nombre de faits qu'elle permet de regrouper et d'expliquer.» Expliquer certes, mais au niveau des faits ; une explication qui consiste à mettre en évidence les causes physiques du phénomène, de le reproduire, et d'être assuré que si ces mêmes causes sont à nouveau réunies le même phénomène se reproduira. Il est manifeste qu'alors expliquer c'est prédire, à condition que la totalité des causes ait été clairement reconnue.
La mécanique quantique XE "Quantique" nous donne l'exemple type d'une théorie XE "Théorie" hautement prédictive - on ne lui connaît, à ce jour aucun échec sur ce plan - mais qui n'explique pas l'essentiel, ce qui fait dire à R Thom (opus cité page 86) : «...Encore que l'on puisse pratiquer le principe d'Heisenberg XE "Heinsenberg" . On le pratique, mais on ne le comprend pas [...]. La mécanique quantique est incontestablement le scandale intellectuel du siècle». S'il n'y a pas vraiment d'explications en science, c'est que celles-ci sont toujours relatives à un niveau d'observation (souvent utilitaire). Prenons l'exemple de la gravitation XE "Gravitation" ; on peut se satisfaire de l'explication: la lune tourne autour de la terre en vertu des lois de Newton XE "Newton" , qui explique en même temps la chute des corps,. Mais Newton lui-même n'était pas dupe, la loi d'attraction des masses, effet à distance était incompréhensible, et seul Dieu XE "Dieu" était, pour l'illustre physicien, une explication. On n'est pas beaucoup plus avancé aujourdhui ! En définitive, la différence fondamentale, entre pensée scientifique et pensée mythique réside surtout dans l'attitude devant la mise en échec de la théorie : La théorie scientifique est tuée par un seul contre-exemple ; l'explication mythique, une fois admise, les démentis de l'expérience auraient plutôt tendance à la conforter selon l'adage, c'est l'exception qui confirme la règle ! Si par les rites, les effets escomptés ne sont pas obtenus, les excuses ne manquent, qui, quoi qu'il arrive sauvent le système jugé indispensable à la survie de la communauté. Ainsi, dans une société primitive, les mythes XE "Mythes" dominant résistent à toute critique que nulle vérification expérimentale ne peut démentir. On trouve plusieurs fois, dans l'uvre de Lévi-Strauss, l'idée que les mythes primitifs obéissent à une logique interne très cohérente, qui fait que notre propre logique n'a sur eux aucune prise. La logique primitive exclut de sa sphère tout ce qui risque de contredire les mythes, alors que la démarche scientifique fait exactement l'inverse ; elle confronte ses théories à une expérimentation toujours plus profonde jusqu'à sa mise à mort.
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Il est aisé de constater que, dans la pensée mythique, le sujet occupe la position centrale ; au sens propre du terme, l'espace où réside son être, l'espace sacré, XE "Sacré" est le centre de l'univers. Il semble alors que ce soit la présence, dans tout processus de connaissance, d'un sujet qui n'arrive - ou qui ne veut - pas à reconnaître - ou à accepter la relativité de sa position, qui laisse la porte ouverte à la pénétration du mythe. Or, voici ce que nous dit Michel Paty XE "Paty" (La matière dérobée, page 389) : « Elle (la connaissance scientifique) dispose d'une source, la pensée humaine, la pensée physique par exemple, avec son équipement conceptuel, théorique dont la puissance grandissante assure une révélation de plus en plus vaste. Mais s'il y a source et point de vue, il fait partie de la règle du jeu d'éclairage de n'en point parler quant à l'objet, de léliminer : la connaissance scientifique est un processus sans sujet.».
Dans le mythe, le sujet occupe donc la place centrale : les puissances surnaturelles agissent sur le sujet et son destin, elles n'ont d'existence qu'au travers du sujet. Le discours scientifique tend au contraire à l'élimination du sujet.
Mais on sait aujourd'hui que si l'élimination du sujet reste une grande préoccupation de la science - il s'agit de viser l'objectivité absolue, d'arriver à une vision du monde qui soit indépendante de tout point de vue particulier - si l'idéal scientifique est celui d'un discours sans sujet, cette prétention n'est plus tenable. Même si la science a construit des structures XE "Structures" fermées, dont la cohérence est indépendante de tout sujet, celui-ci réapparaît nécessairement au niveau du métalangage lorsque pour utiliser la théorie XE "Théorie" il faut l'interpréter.
Cet idéal d'objectivité absolue prend sa forme extrême en logique formelle, comme on en EQ trouve une esquisse de description dans Bourbaki XE "Bourbaki" (Théorie des ensembles, Chap I). La première phrase est la suivante :
« Les signes d'une théorie XE "Théorie" mathématique ( sont les suivants :
1 Les signes logiques XE "Logique" , (, (, (, (.
2 Les lettres.
Ces deux premières lignes sont accompagnées des deux notes : (1). Le sens de cette expression (théorie XE "Théorie" ) se précisera progressivement au cours de ce chapitre. (2) : Pour la signification intuitive de ces signes, voir N°3, remarque. Revoicela pas clair
Il est manifeste qu'un tel discours s'adresse à des gens qui sont parfaitement au courant du sens des mots qui ne sont même pas définis. Par exemple, il est question de « signes » ; la question, pourtant essentielle n'est pas posée. On considère, depuis Saussure XE "Saussure" , que le signe à deux faces indissociables, le signifié et le signifiant. Le signifiant est ici le symbole graphique, simple support matériel de quelque chose qui devrait renvoyer à un sens ; Mais le sens pour qui, puisque le sujet a été gommé de la description ? En fait le mathématicien croit à l'existence absolue des objets mathématiques XE "Mathématique" ; l'idée sous-jacente à la construction est que le logicien rend compte d'une structure dont l'existence est indépendante de celui qui la construit.
Examinons sommairement comment s'effectue la construction formelle des mathématiques XE "Mathématique" à partir de la logique formalisée. La logique définit les règles de construction de relations - et de démonstration - à partir des signes et des lettres ; des critères permettent de reconnaître les relations vraies ou théorèmes ; les démonstrations permettent de construire les théorèmes. La théorie XE "Théorie" des ensembles constitue la base sur laquelle se construit la mathématique. Pour construire à partir de là les différentes branches des mathématiques, il faut poser au bon moment des axiomes XE "Axiomes" (de structures XE "Structures" et de compatibilité de structures). Et il s'agit alors d'un choix, car, par exemple, les structures algébriques ne sont pas en germe dans la théorie des ensembles ! Les choix sont commandés par des buts à atteindre, qui sont souvent de construire d'une façon rigoureuse ce que l'intuition humaine a déjà découvert (ou inventé, là est la grande question). Suffit-il de dire : voyez-vous, maintenant nous effaçons le sujet et la construction tient toute seule. Voici un magnifique palais, son existence prouve sa nécessité, donc, ni son architecte, ni son maître XE "Maître" d'uvre ne sont nécessaire pour expliquer son existence.
Soulignons que cette construction de l'objet, le mathématicien ne peut même pas l'exhiber autrement qu'en utilisant des raccourcis intuitifs. Au chapitre 3 §3 de la Théorie des ensembles, Bourbaki XE "Bourbaki" définit le « 1 » mathématique ; à ne pas confondre avec le 1, ou plutôt le « un » du langage courant. En abrégé, cela donne :
(Z(((u)((U)((u=(U,(((,Z)etU((((xZet((x)(x(((((((y)((x,y)(U))et(x(y(y')(((x,y)(Uet(x,y')(U)((y=y'))et((y)(((y(Z)(((x)((x,y)(U))))
Cette formule définit donc le « Cardinal 1 », qui n'est autre que Card {(}, c'est-à-dire dire, le nombre d'éléments d'un « ensemble d'ensembles », ne contenant que l'ensemble vide. Bourbaki XE "Bourbaki" fait suivre cette étonnante formule (relativement à son contenu intuitif d'une grande simplicité) de la remarque « Une estimation grossière montre que le terme ainsi désigné est un assemblage de plusieurs dizaines de milliers de signes (chacun de ces signes étant l'un des signes (, (, ( ,( ,= ,( ,(.
Remarque personnelle : Les quatre premiers signes appartiennent à la logique formelle, les deux suivants à la théorie XE "Théorie" formelle des ensembles. J'ignore ce que vient faire le dernier. Signalons encore que la définition du zéro est relativement fort simple c'est le « terme» : (X (((x(X)) désigne l'ensemble vide (. En clair, c'est « l'objet » (symbole() qui correspond à l'« idée » qu'un ensemble ne possède aucun élément (quel que soit l'objet considéré x, celui-ci n'appartient pas à l'ensemble X).
Ce terme désigné par ( est lassemblage :
________________
| | |
| (((((((( | |
((((((((((((
Les lignes au-dessus des termes sont des « liens » qui indiquent que l'« objet » dont il est question correspond au rectangle. Ce que nous avons voulu souligner c'est l'extraordinaire accroissement de complexité occasionné par la volonté XE "Volonté" de rigueur absolue ; il faut quelques signes pour noter le 0, des dizaines de milliers lorsque l'on arrive au 1. Cela signifie simplement que la rigueur absolue est une vaine illusion du discours scientifique.
Ce que construit le mathématicien est-il autre chose qu'un code pour représenter les créations de son esprit ? Certes le sujet a bien disparu, mais le sens avec lui. Que reste-t-il, sinon l'un des volumes de l'effrayante bibliothèque de Borges XE "Borges" , contenant tous les volumes pouvant être écrits avec des suites aléatoires de lettres d'un alphabet donné ?
La coupure XE "Coupure"
Supposons, avec S Hawking XE "Hawking" que la fin de la physique soit arrivée ; Autrement dit que la science ait atteint, avec une superthéorie, la possibilité de tout prédire et de tout expliquer concernant les phénomènes se déroulant dans l'univers. En conclusion, l'auteur se montre cependant très réservé : « Il semble pourtant probable que ces lois forment toutes une partie de quelque théorie XE "Théorie" unifiée que nous avons encore à découvrir. Nous faisons des progrès et il y a de fortes probabilités que nous découvrirons cette théorie d'ici la fin du siècle. A première vue, il pourrait sembler que cela nous permette de tout prédire dans l'univers. Et pourtant nos pouvoirs de prédiction seront sévèrement limités : d'abord par le principe d'indétermination qui énonce qu'on ne peut pas prédire avec exactitude certaines grandeurs, mais seulement une distribution de leur probabilité, et ensuite, de manière encore plus importante, par la complexité des équations, qui les rend impossible à résoudre sauf dans des situations très simples. Nous serions donc encore très loi, de l'omniscience.» (Opus cité page 118-119). Autrement dit La fin de la physique pourrait fort bien être marquée par l'incapacité de l'être humain, dans l'état actuel de son développement mental d'aller plus loin dans la connaissance du monde de ce que nous en connaissons déjà aujourd'hui.
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D'un coté, donc, les mythes XE "Mythes" et le sujet tout puissant ; de l'autre la science proposant un univers sans maître XE "Maître" , dominé par des lois immuables, mais dont nous n'avons qu'une connaissance approximative, et qui, comme nous l'avons vu tend à éliminer le sujet pour atteindre à l'objectivité parfaite. Cependant, avec la mécanique quantique XE "Quantique" , c'est à un retour en force de ce sujet que nous assistons. Est-ce par la même porte que le mythe revient en force ? On pourrait le croire, mais les choses sont de toute évidence, plus complexes.
Les relations d'incertitude XE "Relations d'incertitudes" , et d'une façon générale, les axiomes XE "Axiomes" de la mécanique quantique XE "Quantique" , posés non pas arbitrairement, mais pour rendre compte de la réalité XE "Réalité" observable, ont des conséquences en telle contradiction avec l'intuition sensible que la métaphysique a beau jeu de relever la tête, et de tenter de reconquérir le terrain de cette intuition abandonné par la science. Est-ce négligence ? Evidemment non. Incompétence ? D'une certaine façon oui ; si l'on taxe d'incompétence ceux qui refusent de prendre position sur des sujets qui ne relèvent pas, justement de leur compétence. Or la science ne peut rien faire d'autre, dans ce divorce apparent de l'intuition et des conséquences de la théorie XE "Théorie" quantique que de constater le fait, et faire cependant confiance à la théorie qu'aucun fait actuellement connu n'est venu démentir - alors que l'intuition humaine à maintes fois donné la preuve de sa faiblesse. La science ne peut guère que veiller à la cohérence de son discours, et, éventuellement, dénoncer les imprudents - ou les malins - qui utilisent sans vergogne des théories là où elles ne sont pas applicables.
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Il y a une chose que le scientifique de haut niveau ne comprend pas très bien, c'est ce qui se passent dans la tête de ceux qui sont englués dans un contexte matériel sans attrait, pour qui les événements de la vie mentale se succèdent dans la plus complète incohérence, et qui ne prennent donc, globalement aucun sens. Cette incohérence ne fait d'ailleurs que refléter celle du déroulement des phénomènes matériels. Car enfin, c'est seulement la théorie XE "Théorie" qui donne un sens compréhensible aux phénomènes naturels. Somme toute, le discours de la science moderne s'adressant à l'immense majorité des hommes - y compris ceux qui ont atteint un certain niveau de culture - est sensiblement : « Ne vous inquiétez pas, nous commençons à comprendre... pour vous aussi, bientôt nous comprendrons.». Mais pour l'homme, aussi frustre soit-il au point de vue intellectuel, la seule vérité qui vaille est celle qu'il se sent capable d'atteindre. Et les nouveaux mages sont là, aidés par les médias, qui par ignorance ou cupidité, se font un plaisir d'aider les charlatans. Eux tiennent un discours qui a, au moins, trois vertus :
- avoir l'apparence du discours scientifique, mais en plus simple ;
- donc être compréhensible grâce à des images, suggérées parfois par les scientifiques eux-mêmes.
- ouvrir à une transcendance XE "Transcendance" que la science ne peut que considérer hors de son domaine de compétence, mais qu'on lui reproche de ne pas vouloir prendre au sérieux. La science, et pas nécessairement les scientifiques, beaucoup moins athées qu'agnostiques, refuse de prendre position, non pas par conviction, mais par honnêteté intellectuelle, puisque aucune preuve n'existe, pour ou contre l'existence de phénomènes échappant aux investigations scientifiques.
La science donne-t-elle seule, une vision Vraie de notre univers - embrassant également celui de nos consciences ; ou existe-t-il une complémentarité fondamentale de nos approches de la réalité XE "Réalité" ? Approche scientifique et approche métaphysique. Exactement comme un objet quantique XE "Quantique" a deux aspects complémentaires, soit onde, soit corpuscule, incompatible dans la mesure où s'il est appréhendé sous une forme, il cesse d'être lautre ? Tout concept, toute lecture de phénomène se ferait selon deux points de vue qu'il serait impossible d'occuper en même temps ; scientifique et métaphysique. Comme dans le cas des phénomènes quantiques, la même personne peut occuper successivement les deux points de vue, mais jamais au cours d'une même démarche intellectuelle.
Mais le problème reste inextricable. La raison essentielle en est probablement que l'idée de transcendance XE "Transcendance" colle à toutes nos pensées tant nous sommes marqués par notre histoire, et peut-être par les structures XE "Structures" fondamentales de notre psychisme qui nous poussent hors de la matérialité pure. La science nous demande de considérer nos sentiments, nos élans, en un mot notre conscience XE "Conscience" comme des phénomènes marginaux du fonctionnement physico-chimique de notre cerveau XE "Cerveau" ; c'est selon toute vraisemblance la vérité, mais de quelle vérité s'agit-il ? Car d'éminents scientifiques ne supportent pas la matérialité de l'esprit, et en appel finalement à Dieu XE "Dieu" lorsqu'il s'agit de l'origine de la conscience. Voici comment John C Eccles, prix Nobel de médecine conclut un célèbre ouvrage :
« Puisque les solutions matérialistes sont incapables d'expliquer notre expérience d'unicité, je me sens contraint d'attribuer l'unicité du moi (ou de l'âme) à une création spirituelle d'ordre XE "Ordre" surnaturel. Pour m'expliquer en termes théologiques : chaque âme est une création divine nouvelle implantée dans le ftus à un moment compris entre la procréation et la naissance. C'est la certitude de l'existence d'un noyau intérieur d'individualité unique qui rend nécessaire l'idée de cette création divine. Je prétends qu'aucune autre explication ne tient. Ni l'unicité génétique XE "Génétique" avec sa loterie fantastiquement impossible, ni les différentiations dues à l'environnement, lesquelles ne déterminent pas l'unicité du moi, mais ne font que la modifier.»(Opus cité page 317)
Le moins qu'on puisse dire, c'est le texte est bien éloigné d'une quelconque rigueur scientifique, et même de pensée. Plutôt qu'essayer de donner l'impression qu'il présente des preuves, l'auteur aurait peut-être aussi bien fait de nous mettre au courant de sa foi, finalement assez proche de celle du charbonnier. La grande faiblesse des métaphysiciens est la fâcheuse tendance de l'homme à prendre ses désirs pour des réalités, et ne pas hésiter, pour cela, à se mentir à lui-même - ou être en contradiction avec certains fondements de sa pensée. Le scientifique a certes, comme tous les hommes, droit au rêve ; mais peut-il impunément mélanger les genres ? La science n'est pas contre Dieu XE "Dieu" , elle est en dehors de Dieu ; pour la simple raison que Dieu apportant une réponse à toutes les questions, admettre Dieu dans les fondements de la connaissance scientifique, c'est tout simplement nier la nécessité de la science qui ne devient plus qu'un aimable passe-temps destiné à meubler ce moment désagréable qu'est notre passage sur la terre.
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Imaginons un instant que la science ait atteint la capacité - grâce, éventuellement à ses connaissances peut-être non encore explicitées, mais potentiellement présentes - de se tenir, à elle-même, un discours parfaitement fondé, ne laissant aucune place à une vision alternative de la vérité sur l'univers. Autrement dit supposons que tout rêve rationnel, extrapolation scientifiquement fondée des connaissances explicitées, soit devenu impossible (sans tomber dans le délire des livres et films de science-fiction dont l'intérêt n'est pas évident). Qu'en serait-il cependant pour le reste de l'humanité ? Quel crédit l'homme du commun, qu'une longue tradition philosophique appelle le vulgaire, pourrait-il accorder, à une vérité qui lui est parfaitement impénétrable - autant que les desseins de Dieu XE "Dieu" - assortie de preuves inaccessibles ?
Pour ma part je me sens, et je suis, malheureusement, beaucoup plus près du vulgaire que de l'homme de science - même si je n'ai pas ménagé mes efforts pour ne pas me retrouver totalement en dehors du monde de la science - mais je récuse l'attitude de H Laborit XE "Laborit" dont il a déjà été question un peu plus haut ; l'auteur se propose d'exposer la théorie XE "Théorie" du Bing Bang: « Je voudrais reprendre ces premiers instants, en faisant confiance aux astrophysiciens, auxquels vous serez bien obligés de faire confiance vous-mêmes.».
Obligés ! Alors que la théorie XE "Théorie" en question, même si elle a la caution de la majorité des astrophysiciens, n'est fondée que sur des conjectures dont la fragilité n'a de pareille nulle part ailleurs. Je ne vois guère de différence entre cette demande de croyance aveugle en une vérité transitoire de la science (plus justement en la parole des scientifiques) et les exigences de soumission aux dogmes religieux. Comme dans n'importe quel pari économico politique, l'homme du commun est perdant à coup sûr ; en cas d'erreur (ce qui est la quasi certitude, on lui aura fait prendre des vessies pour des lanternes ; quant au scientifique, il plaidera le fait qu'il n'a jamais, en exposant sa théorie, prétendu posséder la vérité absolue (ce qui sera d'ailleurs vrai dans la quasi totalité des cas).
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« L'ancienne alliance est rompue : l'homme sait enfin qu'il est seul dans l'immensité indifférente de l'univers d'où il a émergé par hasard XE "Hasard" . Non plus que son destin, son devoir n'est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres.»
Peut-on oublier cette terrible et splendide fin du livre de J Monod XE "Monod" , Le hasard XE "Hasard" et la nécessité ? Splendide comme hymne à la liberté XE "Liberté" humaine ; splendide pour ceux qui vivent l'aventure humaine de la connaissance dans sa plénitude. Terrible pour ceux qui ne connaissent que la souffrance, souffrance aussi bien physique que morale.
Le Royaume, dont nous parle Monod XE "Monod" est bien évidemment celui de l'épanouissement de l'homme dans la connaissance, dans la Vérité. Il est bien évident, pour Monod, que le seul espoir de l'homme - ou plutôt de l'individu - est de se réaliser dans ce monde. De se réaliser, en participant à cette glorieuse mais hypothétique marche vers la vérité. Mais quels moyens, quels instruments, possédons-nous, nous, hommes du commun pour que ce rêve de vérité ne soit pas une utopie XE "Utopie" de plus, rêve aussi vain que l'espoir millénaire d'une vie meilleure ? Devons-nous, comme pour le reste, nous satisfaire de voir ce rêve se réaliser pour les autres ? Toutes les religions ont imaginé un monde autre que celui où nous vivons ; un monde de justice et d'égalité, mieux encore, un monde où les inégalités de ce monde ci sont réparées, compensées par une vie meilleure, les derniers seront les premiers. Il fallait de fieffés coquins pour imaginer une telle supercherie...et que l'enjeu soit dimportance : pour maintenir sous le joug des peuples immenses qui pourraient en un instant balayer tous les privilégiés tant les rapports de forces sont inégaux. Mais la science, malgré l'immense estime que j'ai pour la pensée de Monod, nous offre-t-elle autre chose, elle qui quotidiennement donne des preuves de sa collusion avec les profiteurs et les assassins. Celui qui s'investit dans la science (ou la connaissance, en général), qui à l'instar d'un haut responsable d'un état s'identifiant avec son pays, fait corps et esprit avec elle peut tolérer, sans doute - et on peut finalement le comprendre - l'idée des sacrifices à faire pour la servir, mais les autres ; ceux qui crient :
« Vous là-bas ! Moi aussi je suis humain : moi aussi j'ai des idées, des rêves, des sentiments, des désirs ; moi aussi j'ai été créé à l'image de Dieu XE "Dieu" , mais vous n'avez jamais fait attention à mon monde dans vos jolis contes.»
Retour du mythe
Laissons l'homme commun et ses mythes XE "Mythes" de consolation...dans les ténèbres...et revenons au royaume de la science et de la connaissance, en compagnie de quelques "grands" penseurs.
Commençons par E Morin XE "E.Morin" , qui intitule l'un des paragraphes de son livre (opus cité page141, « Les idéo mythes ». Cet extrait d'abord d'une lettre de Freud XE "Freud" à Einstein XE "Einstein" :
« Peut-être avez-vous l'impression que nos théories sont une sorte de mythologie XE "Mythologie" ...Mais est-ce que toute science de la nature ne se ramène pas à une sorte de mythologie? Aujourd'hui en va-t-il autrement de la physique?». Revenons quelques lignes plus haut :
«On a pu s'étonner de la résistance des grandes religions et même de leurs contre-offensives victorieuses sur les terres désolées du désenchantement et du nihilisme. Mais il faut surtout voir ce que n'avait pas vu Max Weber : La réinvasion du mythe et même de la religion dans les systèmes d'idées apparemment rationnels.» Puis :
« Tout passage à l'être d'un système d'idées comporte un potentiel mythologisant. Toute idéalisation/rationalisation doctrinaire tend à auto transcendaliser le système. Dés lors le mythe peut s'installer au noyau du système et diviniser les idées maîtresses[...] Les thémata sont des idées obsessionnelles qui tendent à se charger de forces mystiques[...]Le mythe a envahi ce qui lui semblait le plus hostile et qui était censé l'avoir liquidé(page 143) [...] Dés lors, l'idéologie contient souterrainement en son cur les structures XE "Structures" de la pensée symbolique XE "symbolique" -magique - mythique, cachées sous celles de la pensée logique-empirique-rationnelle.(page 144) »
*
L'un des buts déclarés de la science est la libération de l'esprit humain enchaîné à des croyances brisant ses élans vers la liberté XE "Liberté" . Malheureusement, cette vérité la science est incapable de lui donner un contenu clair aux yeux qui n'appartiennent pas à part entière à l'univers scientifique ; elle se laisse seulement deviner ; ce qui est loin d'être suffisant pour donner aux hommes du commun le sentiment, que sur ce plan, la science peut être à la hauteur de ses ambitions. Sait-on exactement de quels carcans elle doit nous libérer ? Certes les arguments ne manquent pas qui glorifient le rôle de la science, et le catalogue de ses bienfaits est bien rempli. Mais est-il sûr que cette avalanche de biens diminue globalement les contraintes qu'elle fait aussi naître ?
La science s'impose aujourd'hui à l'homme comme un irrésistible destin. Non seulement pour les multiples chemins qu'elle a permis d'ouvrir dans le domaine du savoir, mais parce qu'elle est devenue indispensable à l'humanité pour la maîtrise d'un environnement qu'elle a largement contribuer à perturber (pour ne pas dire plus !). Les nostalgiques d'un soi-disant âge d'or, où l'homme faisait corps avec la nature, où justement le discours mythique répondait à toutes les interrogations fondamentales, n'ont plus à rêver, c'est vers une nouvelle alliance qu'il faut évoluer, au-delà, peut-être du discours scientifique, mais sans lui tourner le dos, car les vérités dont il a permis l'éclosion ne pourront plus jamais s'éteindre, en dépit des efforts de certains courants de pensée dont l'inconsistance - et l'inconséquence - est dramatique. Mais le combat contre l'obscurantisme - il s'agit bien de cela même si l'expression est désuète et sent un peu le dix-neuvième siècle - est loin d'être gagné, car si la science a ruiné la quasi totalité des croyances mythiques, celles qui sont communes à toutes les civilisations y compris la nôtre, couvent, et même battues en brèches, renaissent, comme l'a souligné E Morin XE "E.Morin" , à partir des secteurs les plus avancés de la science. Cette difficulté de la science à se débarrasser des vieux démons qui la hantent était déjà soulignée par E Cassirer XE "Cassirer" à qui nous avons déjà largement mis à contribution :
«Toute théorie XE "Théorie" qui vise à expliquer le monde trouve sur sa route dés son apparition une autre force spirituelle, celle du mythe [...] Pour se défendre vigoureusement contre elle, la philosophie et la science doivent non seulement remplacer dans le détail les explications mythiques par d'autres explications, mais encore contester et condamner dans sa totalité la conception mythique de l'être et de l'événement.(
Cette « conception mythique de l'être », justement, non seulement échappe aux coups de la science qui, ne répond, normalement qu'aux comment, mais envahit le domaine des pourquoi qui s'inscrit en filigrane dans le discours scientifique qui se trouve « infecté » malgré ses efforts. Gardons-nous cependant des faux procès. Même si l'on ne peut accorder à la science une confiance aveugle et absolue, il n'en est pas moins vrai qu'elle est et restera la seule source de vérité concernant notre univers Ce qu'elle ne découvrira pas personne ne le découvrira à sa place. Un domaine de connaissance refusant toute confrontation avec un domaine scientifique traitant des mêmes questions se condamne à errer dans les zones ténébreuses d'une mauvaise métaphysique.
Il ne s'agit pas ici de mettre en concurrence science et religion ; quoi qu'en pense M Planck XE "Planck" (voir ci-dessous), chacune ont des démarches qui sont sans commune mesure, et une unité ne peut se faire qu'à l'intérieur des consciences individuelles qui pour des raisons tenant en grande partie à l'éducation et d'une façon générale, aux influences subies dans l'environnement familial-social-intellectuel, ont dû chercher à se construire une philosophie propre à harmoniser en eux des convictions contradictoires. On ne peut même pas parler d'opposition, car il faudrait qu'il y ait pour cela un espace commun où la confrontation des idées puisse avoir lieu. Or, il y a dés le départ des présupposés totalement contradictoires :
- d'un côté, avec la science, le refus méthodologique des causes finales, le rejet, par principe de toute téléologie.
- de l'autre les tenants de croyance en une transcendance XE "Transcendance" dominant la matière et imprimant un mouvement à l'évolution XE "Evolution" .
C'est peut-être cette incommunicabilité radicale qui fait qu'un individu peut être un parfait scientifique et un croyant convaincu ; l'univers mental d'un tel homme est en quelque sorte coupé en deux, les deux parties ne communiquant pas. Cette coupure XE "Coupure" n'a d'ailleurs rien d'étonnant, on la retrouve dans tous les domaines d'exercice théorique de la pensée. Dans son effort pour comprendre l'univers le théoricien travaille dans des espaces de représentation. Celui-ci « comprend » une évolution XE "Evolution" à l'intérieur du cadre théorique, mais cette compréhension ne lui donne généralement que peu d'informations -quand elle lui en donne - sur la réalité XE "Réalité" physique elle-même. S'il veut réfléchir sur celle-ci, il lui faut changer de décors, autrement dit de mode de pensée. Berkeley XE "Berkeley" disait : « Penser avec ceux qui savent, mais parler avec le peuple». Participer, donc au discours théorique, mais revenir ensuite au langage direct des sens. Le drame de la science moderne, c'est qu'une telle pratique est désormais impossible, car l'essentiel de la connaissance scientifique est devenu incommunicable. L'est-elle seulement à l'intérieur d'un même individu ? Autrement dit la rupture est double, intérieure pour le théoricien qui ne peut pas utiliser ses modèles formels pour se représenter la réalité, extérieure, puisque, le « parler comme le peuple » n'est plus possible, et que le langage commun (ou plutôt les concepts qu'il permet de représenter) peut seul nous donner une image de la réalité.
C'est à l'intérieur même de la science que se tient le double discours, il s'instaure entre les scientifiques eux-mêmes qui utilisent le double langage pour tenter de se comprendre, mais sans plus vraiment espérer se faire comprendre des autres. Il faut faire partie du sérail pour percevoir les liens de plus en plus lâches qui unissent l'univers des représentations et celui des sens, celui de l'incertaine réalité XE "Réalité" . L'épistémologie dont l'une des vocations est de traiter des problèmes relationnels entre les deux univers appartient désormais au corpus de la science. Autrement dit, elle est du ressort des scientifiques.
La partition de l'univers
Ainsi la connaissance doit investir trois mondes ; le monde de la représentation théorique, celui de la réalité XE "Réalité" sensible, et le monde intermédiaire des relations entre les deux premiers. Nous rejoignons ainsi le partage mythique de l'univers tel qu'il apparaît dans toutes les civilisations, et toutes les religions ; Nous retrouvons ainsi l'univers de la Tétralogie.
1 Le monde « d'en haut », le ciel, la lumière, les dieux, créateurs, organisateurs du cosmos conduisant et dominant le destin des hommes. Pour la science c'est le domaine de la théorie XE "Théorie" triomphante assurant l'isomorphisme parfait entre les constructions de l'esprit humain et le monde tel qu'il apparaît à nos sens.
2 Le monde « d'en bas », celui des puissances chthoniennes, sous la terre, les ténèbres, les démons ; le désordre XE "Désordre" , les ennemis de la beauté et de la lumière, les forces obscures contre qui il faut mener une lutte continue, car blotties dans les entrailles de la Mère XE "Mère" elles renaissent continuellement de leurs cendres. Ces forces travaillant au sein même de la nature détruisent les théories, obligent la science à se remettre continuellement en question.
3 Le monde du milieu, la terre, avec l'alternance du jour et de la nuit. Le domaine du doute, de l'ambiguïté, de la contradiction. En un mot le domaine des hommes. C'est aussi le monde où s'affrontent dieux et démons, en prenant l'apparence humaine. Le monde du bien et du mal. La science y naît péniblement, tiraillée par les forces du bien et du mal, mais triomphant malgré tout, de l'erreur et du mensonge.
Il est tentant de mettre en parallèle ces trois mondes, et les mondes 1,2,3 de K Popper XE "Popper" (Voir par exemple L'univers irrésolu, page 94, Hermann, ou Eccles, opus cité page 236-237).
Le monde 3 de Popper XE "Popper" serait alors le monde d'en haut : «Par monde 3, j'entends le monde des productions de l'esprit humain...» (Opus cité page 94). Le monde 1 serait le monde du milieu : « Par monde 1 j'entends ce qui d'habitude est appelé le monde de la physique. »
Pour le philosophe, le monde 2 est celui de la psychologie : « monde des sentiments, de la crainte et d'espoir, des dispositions à agir et de toutes sortes d'expériences subjectives, y compris les expériences subconscientes et inconscientes.»
Concernant le monde 3, Popper XE "Popper" ajoute : «...monde des bibliothèques, scientifiques, des livres, des problèmes scientifiques et des théories, y compris les fausses.
Le monde 3 est le creuset de la vérité, mais n'a rien d'un monde parfait. Finalement, il n'est pas si éloigné du monde des dieux de la Tétralogie. Notre monde du milieu étant finalement la réunion des mondes 1 et 2 de Popper XE "Popper" . Le monde des puissances chthoniennes, celui d'Albérich reliant souterrainement les deux autres.
L'univers primordial de la Tétralogie, correspondant à la période pré-wotanienne, est une structure verticale linéaire ; c'est yggdrazil, l'arbre XE "Arbre du monde" sacré XE "Sacré" qui constitue sa charpente, et le principe qui assure l'unité des trois mondes, le chemin qui mène de l'un à l'autre. L'univers de Popper XE "Popper" , lui est circulaire, selon un schéma qui pourrait être le suivant :
Monde 1 : Ténèbres
Monde 2 : Monde du milieu
Monde 3 : Lumière
Selon Popper
La nature
Le monde de la technique (domestication de la nature)
Le monde des idées, des arts, de la pensée
Wotan XE "Wotan" en provoquant la mort de l'arbre XE "Arbre du monde" du monde détruit la structure verticale. Quittant le Walhall, il investit les deux autres mondes. Il devient loup pour créer le lignée des Walsung, erre dans le monde du milieu où il devient l'insaisissable ennemi à abattre (le dieu magicien XE "Magicien" se sortira d'affaire, mais sa famille sera détruite) ; par deux fois il descendra dans le monde du bas :
- pour y séduire, ou plutôt soumettre et violer Erda XE "Erda" , la mère primordiale, celle qui sait ;
- accompagné de loge, il descend dans l'antre d'Albérich pour lui arracher lanneau.
« Là-haut dans les nues / vivent les dieux : / Walhall est leur palais / Wotan XE "Wotan" , Albérich blanc / règne sur eux.». C'est une des réponses de Wotan à Mine, dans le jeu des trois questions imposé par le Dieu XE "Dieu" au pauvre Mime XE "Mime" . L'identification que le dieu opère de lui-même entre lui et Albérich mérite d'être souligné. Elle marque en effet la circularité des mondes occasionnée par la mort de l'arbre XE "Arbre du monde" sacré Les extrêmes, symbolisés par Wotan et Albérich se rejoignent selon deux dimensions: Celle de leur être propre, le mal vient de l'un et de l'autre et entraîne, pour l'un et pour l'autre - par la magie de l'anneau - la ruine de leurs espérances ; celle des humains (Siegfried XE "Siegfried" et Hagen XE "Hagen" ) qu'ils ont fait naître pour continuer leur combat par descendants interposés.
Le monde d'en-haut, c'est celui de la pure théorie XE "Théorie" . Tout y est transparence et évidence. On y trouve, bien tranchés ; le bien et le mal ; je veux dire le vrai et le faux. Une base axiomatique solide comme le roc, des procédés de déduction permettant de passer, dans la clarté d'évidences en évidences. L'hydromel y coule à flots...je veux dire ces expressions bien formées que la déduction déclare valides et qui remplissent de bonheur, jusqu'à l'ivresse, ceux qui ont réussi la bonne démonstration, celle qu'on a peut-être attendue durant des siècles.
Nous sommes au cur du temple de la science ; un Walhall. De redoutables murs protègent la citadelle ; mais sur quoi sont-ils construits ? Emergeant des nuages personne ne sait vraiment sur quoi ils reposent. Monde suspendu dont certains disent que c'est par la grâce de Dieu XE "Dieu" , les autres constatent que cela tient debout et que c'est finalement le principal. Peut-être suffit-il d'avoir toujours le regard tourné vers le haut pour que les mauvaises questions s'évanouissent. Le salut est alors dans l'ignorance des autres mondes.
Wotan XE "Wotan" a construit le Walhall en partie pour y réunir les héros devant constituer l'armée du Combat. Le grand combat, pour la justice et la vérité ; il faut toujours au moins cela pour accepter aux hommes leur sacrifice. Nous savons que les héros, glanés par les Walkyries sur les champs de bataille - des batailles d'hommes, donc d'espèce inférieure - sont les vaincus. Faut-il imaginer que les nos savants accueillis dans les centres prestigieux de recherche ont été quelque part vaincus en des combats douteux du monde des réalités quotidiennes ? Que grâce à leur défaite ils ont été accueillis au paradis de la science ? Ils ont de toute manière mené un combat qu'il semble bien avoir gagné, car leur mérite a toujours été reconnu et beaucoup ont été comblés d'honneurs... Mais trop peut-être ; Car si un invisible, ou insaisissable Wotan les a triés des communs des mortels, c'est bien pour constituer une armée... Peut-être au sens propre du terme. Il serait en effet intéressant de dénombrer, parmi les héros de la science, ceux qui directement ou indirectement ont contribué à la construction de moyens de destruction...Toujours, évidemment pour la bonne cause, puisque la science est toujours du côté de la lumière, c'est-à-dire des dieux.
Maître et disciple
Finalement Wotan XE "Wotan" fuit le Walhall, et n'y retourne qu'après sa chute ; attendant l'acte rédempteur dont il espère, peut-être, qu'il pourra le sauver.
Le savant créateur XE "Créateur" peut-il s'enfermer indéfiniment dans sa théorie XE "Théorie" ? Le moment du doute ne finit-il pas par nécessairement arriver ? Plus exactement, il arrive un moment, où le doute, accepté d'abord comme nécessaire à la réflexion rationnelle, et qui n'est que la reconnaissance de l'arbitraire des axiomes XE "Axiomes" fondateurs, se radicalise, devient une mise en cause interne, non seulement du système mais de sa finalité. Apparaissant peut-être au moment où, pour le créateur, les facultés créatrices s'amenuisent, le doute mine non seulement le système et l'uvre créée, mais l'idée que l'individu a de lui-même. C'est alors que l'appel à lautre, la recherche de l'autre devient un but en soi, comme un ultime recours devant l'inéluctable désintégration de l'être. Mais l'autre c'est celui qui doit occuper une place qui n'est pas encore libre, et que dans un sursaut d'orgueil, celui qui a appelé au secours ne veut plus quitter. Offrir à l'autre les moyens de continuer une uvre, alors qu'il s'agit avant tout de la dépasser, donc, d'une certaine façon de la nier. C'est bien le drame du maître XE "Maître" . Il veut l'élève respectueux de son uvre, le tenir sous sa dépendance pour le former suivant le modèle qu'il a lui-même choisi et suivi, mais il rêve aussi pour lui de la même liberté XE "Liberté" que celle qu'il a toujours voulue pour lui. Une fois de plus, écoutons Wotan XE "Wotan" :
«...Un seul pourrait / ce qui m'est interdit /.../ celui qui contre le dieu / se battrait pour moi /.l'ennemi amical / où le trouverais-je? / comment créer l'homme libre / Comment créer l'autre / qui ne serait plus moi / et ferait de soi-même / ce que seul je veux.» (La Walkyrie, acte II, scène 2.)
Wotan XE "Wotan" , donc le maître XE "Maître" , n'est pas dupe, il connaît, même s'il feint de croire encore à ses propres rêves, son fatal destin : dans le meilleur des cas, si l'élève continue à admirer son maître, ne cesse de reconnaître sa dette envers lui, il ne peut, en fin de compte qu'uvrer à sa perte, en se substituant à lui, en faisant passer son uvre au second plan - voire en la plongeant dans l'oubli - en imposant la sienne. Et le maître, malgré son désir de voir son élève aller plus loin que lui, se dresse pour tenter de rester le maître. Là réside la contradiction majeure qui fonde le complexe de Wotan.
Les rapports de Siegfried XE "Siegfried" et Wotan XE "Wotan" sont, bien évidemment des caricatures, ou constituent le cas extrême des rapports qui peuvent réellement exister entre le maître XE "Maître" et son disciple. Au cours de la deuxième scène du troisième acte de Siegfried, Wotan tente de se faire reconnaître du jeune héros, mais celui-ci fait mine de ne pas comprendre, et écrase le dieu de son mépris (voir l'appendice consacré au résumé du Ring). Les sentiments de Wotan, correspondent à ceux que pourrait avoir pour son disciple, un maître qui ressent cruellement l'ingratitude de son élève. Ceux de Siegfried sont plus difficiles à comprendre, si l'on n'imagine pas qu'il a hérité de certains pouvoirs magiques de son grand-père, et pressent que les intentions de celui-ci à son égard sont pour le moins ambiguës.
L'attitude des maîtres envers leurs élèves reflète bien cette ambiguïté. On y retrouve, sous de multiples formes ce mélange de volonté XE "Volonté" d'aider d'une part, et d'autre part, cette étrange propension à semer d'embûches le parcours de l'élève. Les bonnes raisons, pour justifier les difficultés artificielles imposées à l'élève ne manquent pas ; il s'agit former le caractère, pour décourager ceux qui manquent de persévérance. Ces embûches doivent affermir la réflexion, apprendre la méfiance, contraindre l'élève à trouver son propre chemin, guider vers la création. Rien de tout cela n'est faux. Et pourtant ne s'agit-il pas de fausses raisons ? Le maître XE "Maître" peut-il aussi facilement accepter d'être dépassé ? Sûrement pas, même si finalement, il agit contre son propre intérêt. A l'instar de Wotan XE "Wotan" brandissant sa lance XE "Lance" devant Siegfried XE "Siegfried" alors que peu de temps avant, il renvoyait brutalement Erda XE "Erda" à son sommeil avec les mots (déjà cités) :
« Cest pourquoi, dors, /ferme les yeux : / vois ma fin en songe ! / Quoi que les autres fassent, / à l'éternellement jeune, / cède, ravi, le dieu.».
Autrement dit, on peut aussi voir, dans le comportement du maître XE "Maître" , le désir semi-conscient de détruire, au moins d'éliminer un rival dangereux ; pour le moins, continuer à dominer, donc perpétuer son statut de maître
Nous avons déjà vu avec quelle détermination Wotan XE "Wotan" programme sa chute, créant, depuis le début les conditions de la victoire - sur lui - de Siegfried XE "Siegfried" . Mais à l'ultime instant, au moment où il brandit sa lance XE "Lance" , il croit encore pouvoir XE "Pouvoir" briser l'épée, donc rester le maître XE "Maître" :
«Si tu ne crains pas le feu XE "Feu" / que ma lance XE "Lance" te ferme la voie ! / Ma main tient toujours / le signe du pouvoir XE "Pouvoir" : / ce bois brisa jadis / l'épée que tu brandis : / qu'elle se brise encore / à la lance éternelle.» (Siegfried XE "Siegfried" , Acte III, scène 2).
Dans la continuité de la volonté XE "Volonté" du dieu, on pourrait penser que celui-ci offre la victoire à Siegfried XE "Siegfried" dans un combat qu'il a décidé de perdre, comme il avait décidé de laisser fuir Brünnhilde XE "Brünnhilde" et Sieglinde, après la mort de Siegmund XE "Siegmund" (fin du deuxième acte de La Walkyrie) ; mais le ton du dieu n'est pas celui d'un homme qui a décidé de céder !
*
C'est alors le moment d'évoquer l'attitude des deux fondateurs de la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" : Planck XE "Planck" et Einstein XE "Einstein" ; tous deux ouvrent à la science moderne une voie royale, mais devant les conséquences mêmes de leurs géniales intuitions, s'écartent du travail accompli par les continuateurs de leur théorie. Bien que reconnaissant l'incomparable puissance de la nouvelle théorie, ni l'un ni l'autre ne participèrent vraiment à ses développements En particulier, Einstein ne cessa jamais de guerroyer cotre les principes de la théorie qu'ils jugeaient insuffisants pour exprimer la totalité de la réalité XE "Réalité" . Dans ces combats d'arrière-garde, l'illustre physicien fut toujours perdant.
Il fallait, pour accepter, selon l'intuition commune - qui était celle de tous les physiciens à la fin du dix-neuvième siècle, renoncer à trois grands principes :
1. L'énergie est une grandeur continue, dont on peut donc considérer une quantité (, aussi petite que l'on veut. Le nouvel axiome étant que l'énergie s'échange par paquet, les « quanta. »
2. Un objet (quantique XE "Quantique" ) étant donné, il n'est pas possible de connaître, au cours d'une même mesure toutes ses propriétés.
3. L'axiome précédent a pour conséquence un indéterminisme fondamental qui est en contradiction avec le principe même de la démarche scientifique qui exige qu'un objet ou un phénomène ne dépende pas des conditions d'observation. XE "Pouvoir"
Déterminisme et destin
Il n'est cependant pas simple d'y voir clair au niveau où nous nous situons ; Et il semble bien, par exemple que la querelle du déterminisme XE "Déterminisme" soit due à de faux problèmes. N'y voit-on pas mélangées des considérations totalement étrangères l'une à lautre ? Indéterminisme physique nécessaire à la liberté XE "Liberté" humaine ; Croyance en un destin niant la liberté donc affirmant le déterminisme rigoureux des phénomènes physiques.
Le thème du destin, donc le problème du déterminisme XE "Déterminisme" affleure tout au long de la Tétralogie. Wotan XE "Wotan" est-il maître XE "Maître" de son destin, ou ce destin est-il décidé, à son insu par une puissance démiurgique, dont Erda XE "Erda" ne serait que le symbole ? Nous savons, dés le début, que l'existence des dieux est menacée ; Erda au quatrième tableau de L'Or du Rhin, met Wotan en garde :
«Tout ce qui est, finira / le crépuscule / menace les dieux / suis mon conseil, lâche l'anneau.».
Wotan XE "Wotan" abandonne l'anneau, sans pourtant échapper à son destin. Son renoncement ne change rien.
« Qui es-tu, qui me mets en garde ? », demande Wotan XE "Wotan" , lorsque Erda XE "Erda" apparaît ; elle répond alors : « Je sais tout du passé / et du présent / et de l'avenir /...». Autrement dit, à ce moment Erda sait déjà que le renoncement du dieu est inutile. Elle sait aussi que Wotan reviendra vers elle, pour la soumettre à sa loi (en fait, la violer ! Comme s'il avait voulu lui arracher la vérité des entrailles, en la personne de Brünnhilde XE "Brünnhilde" ).
Dans le temps hors du temps qui sépare la première et la deuxième journée du Ring, Wotan XE "Wotan" devient Wanderer, le Voyageur, il suit le destin de Siegfried XE "Siegfried" , puis lorsque le jeune héros a terrassé le dragon, invoque Erda XE "Erda" ; malgré les instances de Wotan, qui est maintenant beaucoup plus un homme qu'un dieu elle reste muette. Et le Wanderer s'emporte :
« Tu n'es pas / ce que tu crois ! / La sagesse des mères finit / ton savoir s'efface / devant ma volonté XE "Volonté" /.../ à toi l'ignorante / je te crie.»
Erda XE "Erda" incarne un déterminisme XE "Déterminisme" absolu, récusé par Wotan XE "Wotan" qui au contraire affirme la prééminence de la liberté XE "Liberté" qui est maintenant celle de l'homme, puisqu'en quittant le Walhall pour devenir le Wanderer, il s'est débarrassé de sa divinité, ruinant l'ordre XE "Ordre" immuable du monde, donc le déterminisme, gagnant ainsi cette inconfortable liberté, qui paradoxalement fixe son tragique destin.
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Le déterminisme XE "Déterminisme" est profondément lié au principe de causalité qui domine la description scientifique du monde. « Tout effet à une cause » ; c'est un principe reconnu aussi bien par la pensée scientifique que par la pensée mythique. Et pourtant ce principe a été partiellement remis en cause par les postulats quantiques.
Comme ce problème sera repris plus loin, je ne donne ici que de sommaires indications. Un objet quantique XE "Quantique" n'est pas généralement, avant une mesure, dans un état déterminé, mais dans une superposition d'états XE "Surposition d'états" ; par exemple une superposition des états E1, E2, E3, E4 ; ce que permet la théorie XE "Théorie" c'est de connaître la probabilité pour qu'au cours de la mesure, l'objet soit trouvé dans l'un des ces états. Mais cette même théorie ne permet pas d'assigner une cause au fait que l'objet soit trouvé dans tel ou tel état.
Considérant que la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" était à la base de toute description physique des phénomènes, nombreux sont ceux qui ont généralisé ce principe à tous les phénomènes, y compris, par exemple celui de la chute des corps, affirmant sans rire que si l'on observait un mouvement vers le bas c'est qu'à chaque instant la probabilité pour qu'il se meuve vers le haut était plus faible que celle pour qu'il se meuve vers le haut !
Je ne citerai qu'un exemple, celui que l'on trouve dans un ouvrage de M Gardner XE "Gardner" , L'univers ambidextre, Le Seuil (1968, pour la traduction française), page 299 et suivantes. L'auteur commence par évoquer, comme si ce problème avait un rapport avec la chute des corps, le calcul des probabilités Il considère la probabilité d'obtenir, au hasard XE "Hasard" une répartition d'un jeu de 52 cartes (par exemple, du 2 de trèfle, jusqu'à l'as de pique, avec l'ordre XE "Ordre" de force croissante du bridge, trèfle, carreau, cur, pique). La probabilité est très faible, mais non nulle : 1/52 !. Dans ce cas, j'accorde, que même si la probabilité est très faible, l'événement qui est du type tirage d'une boule d'une urne, doit se produire au cours de temps très long . Gardner extrapole ensuite (page 300) au cas d'une boule de billard américain « remontant du trou où elle était tombée », affirmant : « C'est seulement parce que c'est extrêmement improbable que cela ne se produit pas ». L'argument repose sur la réversibilité de toutes les lois de la physique. Mais cette réversibilité est purement axiomatique et n'existe que dans les théories ; elle est une propriété de nos représentations mentales et nullement de la réalité XE "Réalité" elle-même, dominée par la complexité, rendant impossible tout retour à une situation initiale au cours de l'évolution XE "Evolution" d'un phénomène.
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Je trouve affligeant des raisonnements du type de celui qui vient d'être évoqué. La plupart du temps, ce n'est ni l'incompétence, ni la connaissance des limites de toute théorie XE "Théorie" qui sont en cause. Il y a donc d'autres raisons, sans doute peu glorieuse, dont l'une pourrait être le goût du sensationnel ; quelque chose qui pourrait ressembler à la sotte vanité dont fait preuve Wotan XE "Wotan" lorsqu'il affronte le misérable Mime XE "Mime" dans le jeu des trois questions (Acte I de Siegfried XE "Siegfried" ). Car il existe une façon classique de dominer son interlocuteur dans une discussion, c'est l'entraîner sur un terrain où il ne possède plus de références rationnelles pour juger de la pertinence de certaines affirmations. David Hume XE "Hume" , au début du 18é siècle dénonçait déjà cette attitude, condamnant une philosophie abstruse :
« Voici, en vérité, l'objection la plus juste et la plus plausible, contre une partie considérable de la métaphysique, que ce n'est pas proprement une science, mais qu'elle naît des stériles efforts de la vanité humaine qui voudrait pénétrer des sujets absolument inaccessibles à l'entendement, ou de la ruse des superstitions populaires qui incapables de se défendre sur un bon terrain font surgir ces taillis inextricables pour couvrir et protéger leur faiblesse.» (Enquête sur l'entendement humain). Il serait injuste de confondre les discours scientifiques adressés à ceux qui ne possèdent pas l'information suffisante pour décoder le message, avec les jongleurs d'entités fustigés par Hume XE "Hume" , mais il est manifeste que ;
- les propos de certains auteurs dissimulent sous une apparence scientifique des considérations métaphysiques ;
- Ces auteurs font preuves de vanité en laissant entendre qu'ils possèdent la clé scientifique des paradoxes (Peut-être, dans le texte de Hume XE "Hume" , faudrait-il remplacer « superstitions populaires » par « superstitions scientifiques »!) ;
- la science couvre, par un discours triomphaliste, la faiblesse de ses fondements, qui restent, sans doute par nécessité, profondément anthropomorphiques. A cela s'ajoute la difficulté de définir sans ambiguïté le statut de la réalité XE "Réalité" .
Qu'est-ce que la réalité XE "Réalité" ?
La réponse à cette question bizarre semble immédiate : c'est ce qui nous entoure, le monde avec toutes ses manifestations. Et cette réponse de bon sens est celle que nous devons bien, en fin de compte accepter en dépit des réserves que nous allons présenter dans ce qui suit.
Rappelons d'abord que ce que nous nommons le monde extérieur n'est que la représentation que nous en donne notre cerveau XE "Cerveau" par la médiation de nos sens.Nous devons rejeter cependant, pour poser le problème de nos rapports avec le monde, toute identification de la réalité XE "Réalité" avec nos représentations pour au moins deux raisons :
- L'histoire de l'humanité, et les multiples débats philosophiques et scientifiques qui se déroulent encore aujourd'hui nous montrent qu'il existe pour les hommes de multiples façons de voir le monde, même s'il existe une sorte de consensus sur un fond commun d'appréhension.
- Nos représentations canoniques XE "Canoniques" - celles que nous proposent la science - changent avec les progrès scientifiques.
La grande question est la suivante : dans quelle mesure nos représentations sont-elles isomorphes à la réalité XE "Réalité" ? Et celle-ci encore, qui lui est liée : dans quelle mesure les représentations du monde des individus sont-elles isomorphes entre elles ?
La notion disomorphe est l'une des plus importantes des mathématiques XE "Mathématique" formelles ; je lui donne ici son sens strictement mathématique. Deux ensembles E1 et E2 sont isomorphes si (1) il existe une correspondance terme à terme entre leurs éléments (bijection), (2) les deux ensembles sont munis de structures XE "Structures" S1 et S2 telles que si a et b éléments du premier ensemble sont liés selon S1, leurs homologues (leur image par la bijection), a' et b' sont liés selon S2. Cela signifie que deux ensembles sont isomorphes relativement à des structures données. On peut dire alors : il en est de a et b dans E1, comme de a' et b' dans E2. Nous n'établissons avec le monde que des isomorphies partielles qui de plus se modifient continuellement. Nos représentations changent à deux niveaux, ou plus exactement dans l'interaction de deux couples d'entités occupant deux niveaux :
- Le niveau réalité XE "Réalité" / structures XE "Structures" mentales : nos représentations changent car les développements de la technique instrumentale nous permettent de voir plus loin et plus petit.
- Le niveau interne de nos structures XE "Structures" mentales : c'est proprement le domaine théorique où les refontes axiomatiques développent une créativité propre à l'esprit humain. De nouvelles théories naissent qui deviennent quasiment indépendantes du niveau réalité XE "Réalité" /structures mentales.
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Dans la mesure où la physique théorique appartient au domaine des mathématiques XE "Mathématique" , les objets qu'elle considère ont le même statut d'existence que les objets mathématiques ; et se posent pour eux les mêmes problèmes philosophiques. Nous sommes cependant portés à leur accorder davantage de réalité XE "Réalité" , ce qui n'est certainement pas justifié. On peut même se demander si une structure de groupe n'a pas une existence plus palpable qu'un électron XE "Electron" dont les caractéristiques physiques sont plutôt conventionnelles.
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De tout temps les hommes ont cultivé la double métaphore XE "Métaphore" connaissance/lumière et absence de vie intellectuelle/obscurité, ce dernier mot ayant donné obscurantisme, qui s'oppose aux lumières de la connaissance vraie ; ces remarques suffisent pour identifier, comme nous l'avons fait au chapitre I, le Walhall avec l'univers de la science théorique - comprenant son autocritique telle qu'elle se développe en épistémologie ; Albérich est bien, dans cette métaphore le symbole de l'obscurantisme, l'ennemi des lumières, c'est-à-dire du monde de Wotan XE "Wotan" . Ce monde de la lumière est d'accès difficile, impossible même pour ceux que n'éclaire pas déjà une lumière intérieure ; l'homme ordinaire ne peut que deviner, de loin, ce qui filtre imperceptiblement des hautes murailles. Seuls y pénètrent les héros, morts dans des batailles subalternes, perdus pour le monde des turbulences matérielles ; ils deviennent alors les combattants pour la grande cause, prêts pour la lutte finale qui verra la victoire définitive de la lumière sur les ténèbres et le monde intermédiaire.
Le Frêne XE "Frêne" sacré XE "Sacré" , Yggdrazil soutenait les trois mondes ; ses racines plongeaient dans le monde des ténèbres, son tronc émergeant dans le monde du milieu et ses branches s'épanouissant dans le domaine des dieux. Ou était la réalité XE "Réalité" , sinon diffuse dans la triade indissociable des mondes ? Wotan XE "Wotan" blesse l'arbre XE "Arbre du monde" mortellement, en brisant la branche qui deviendra, dans la lance XE "Lance" sacrée le symbole de sa puissance ; mais il disloque en même temps la fragile unité des mondes et brise l'image claire de la réalité. Ainsi, les Runes gravées sur la lance symbolisent-elles un ordre XE "Ordre" nouveau se substituant à l'ordre naturel symbolisé par l'arbre.
Le projet de Wotan XE "Wotan" était insensé : briser l'unité des trois mondes, instaurer un ordre XE "Ordre" arbitraire. Détruire le monde du bas en la personne d'Albérich, ou l'asservir en celle de Erda XE "Erda" . Asservir également, ce qui, du monde du milieu n'a pas été détruit. Insensé, et pourtant n'est-ce pas là l'essence même de tout projet humain, irrespectueux de tout ce qui n'est pas immédiatement utile, en cet instant précis à quelques privilégiés de l'espèce humaine ? Savoir sans cesse toujours plus, sans chercher à savoir ce qu'il en coûtera pour les générations futures, sans prendre le temps d'organiser ce savoir afin qu'il soit accessible au plus grand nombre.
Emporté par la tempête qu'il a lui-même initiée, Wotan XE "Wotan" demande à Erda XE "Erda" :
« Mais ta sagesse / pourrait me dire / comment arrêter la roue qui roule.»
Mais le mouvement qui entraîne toute vie vers la dégradation et la mort ne s'arrête jamais ; la science peut progresser, construire d'imposantes murailles protégeant ce que l'homme a crée de plus précieux, à ses yeux, il arrive un moment où les murailles s'effondrent laissant la place libre à l'espoir d'un monde meilleur. Il y a toujours une destruction mythique d'un ordre XE "Ordre" ancien ; c'est, si j'ose dire le lot quotidien de la science, et plus généralement de la pesée humaine. C'est pour cela que chaque temps présent est ressenti comme période de crise ; en fait la crise est continue, surtout à notre époque où non seulement les théories, et plus globalement les paradigmes se succèdent, meurent, renaissent, mais s'affrontent, en dominant un moment leur sphère respective. On condamne, on redécouvre, on jette des bases nouvelles, chacun accusant l'autre de cécité mentale, de conservatisme désuet, d'aventurisme provocateur... Médicalement, il y a crise lors d'une altération brutale d'un état normal. Mais y a-t-il jamais un « état normal » pour une société ? Précisément parce que l'évolution XE "Evolution" est continuelle et discontinue, nous sommes continuellement en crise, l'état normal correspondant seulement à des alternances de courtes stabilités et de déséquilibres.
L'espace sacré XE "Sacré"
Depuis des millénaires l'ambition des grands philosophes (et penseurs en général) a été de construire un système, qui n'englobe pas nécessairement la totalité des savoirs, mais qui soit une base sue laquelle puisse s'asseoir la totalité des savoirs. Le dernier à croire à ce projet a sans doute été A Comte, mais Husserl XE "Husserl" avait peut-être encore cette ambition ; ce qui est proposé aujourd'hui, ce ne sont plus guère que des clés, ou encore des introductions - ou prolégomènes - à une pensée « à venir ».
Indépendamment du projet global, les grands créateurs de système, ont toujours, selon les apparences, eu la certitude que la base axiomatique de leur système, au moins, ne pourrait jamais être mise en cause. Illusion, bien sûr, ou plutôt demi-illusion, car chaque grande uvre, même si la solidité de ses bases s'est révélée illusoire, a été une avancée dans le domaine de la connaissance, et garde de toute façon une cohérence interne permettant de baliser les zones d'erreurs, d'incertitudes, et de percevoir les vérités éternelles. Cette illusion pourrait provenir du sentiment très fort, d'avoir construit, au moins pour soi un espace de référence absolu, un monde finalement identique à celui que les primitifs trouvaient - ou créaient - dans une partie de leur monde extérieur, espace sacré XE "Sacré" reconnu comme centre du monde.
Décréter qu'un certain espace est sacré XE "Sacré" est toujours une décision arbitraire, et défiant la plupart du temps toute logique. Il suffit, par exemple qu'un illuminé soit pris au sérieux lorsqu'il prétend avoir été témoin d'une apparition. Par contre, dans le domaine scientifique, où le caractère sacré disparaît, ou tout au moins se transforme en une exigence opératoire, le choix obéit à une logique intangible : rendre la description la plus simple possible. On choisit, en physique, un centre, des axes de références, des unités. Mais à chaque fois l'arbitraire n'est qu'apparent, car il n'y a guère que deux cas de figure :
- On peut choisir de n'importe quelle façon, par exemple l'origine sur une droite.
- Le choix est effectué pour des raisons de commodités.
Certains choix, toujours en science peuvent être effectués pour des raisons historiques, mais jamais pour des raisons magiques ! Il n'en reste pas moins, que certaines conventions, peuvent parfaitement devenir tabou, et s'imposer longtemps, alors que leur utilité est devenue plus que contestable.
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Nous construisons tous nos propres tabous, s'ajoutant à ceux imposés par la société. L'individu dont la personnalité est assez forte pour imposer sa pensée, à un moment donné de sa vie, peut faire de ses propres tabous ceux d'une société toute entière.
«...Car tout être humain tend, même inconsciemment vers le centre et son propre centre, qui lui confère la réalité XE "Réalité" intégrale, la sacralité. Ce désir, profondément enraciné dans l'homme de se trouver au cur même du réel, au centre du monde, là où se fait la communication XE "Communication" avec le ciel, explique l'usage immodéré des centres du monde». Ce texte de M Eliade XE "Eliade" est extrait de Images et symboles(Gallimard, Tel), page 69 ; Il permet au moins de comprendre l'utilisation qui est faite, aujourd'hui de la notion viscérale d'espace sacré XE "Sacré" , alors que la sacré lui-même n'est plus considéré que comme une survivance n'occupant plus que les esprits attardés. Les pouvoirs - de toute nature - y trouvent le plus sûr instrument de domination par l'intérieur. Un objet qu'une communauté ressent comme sacré n'a plus besoin d'être protégé ; mieux, chacun veille à ce que nul ne le profane.
Le Walhall est bien évidemment l'archétype du centre, Wotan XE "Wotan" tend vers lui, comme le philosophe vers son système, le savant vers sa théorie XE "Théorie" , le romancier son espace imaginaire, l'homme de la rue vers son lieu privilégié, l'ivrogne vers le bistrot. Ainsi, il y a autant de centre que l'individu, même si les lieux sacrés sont partagés, car chacun en fait son espace propre. La présence de l'autre nous contraint malgré tout à considérer comme relative cette position d'observateur privilégié. Nous devons bien admettre que cet autre occupe aussi un centre ! De notre point de vue, nous ne pouvons pas voir le monde comme l'autre le voit ; et pourtant nous voyons le même monde. La science a dû inventer des méthodes pour coordonner tous les points de vue, et donner des phénomènes des descriptions absolues. La science a parfaitement réussi dans son entreprise, mais nous attendons toujours qu'un effort du même type soit entrepris pour qu'un même schéma soit adapté aux idées philosophiques et morales ; autrement dit que s'ouvre la possibilité de coordonner les différents points de vue philosophiques de façon que s'éliminent les contradictions qui apparaissent lorsque l'on veut penser globalement les relations que chaque conscience XE "Conscience" entretient avec le reste du monde. Sans doute y a-t-il là, comme dans de nombreux autres domaines un principe de complémentarité, mais il suffit peut-être, à l'instar de la physique qu'il soit honnêtement reconnu pour qu'un espoir de solution apparaisse ! Il faut cependant être conscient du fait, qu'en physique la reconnaissance du principe de complémentarité n'a pas pour autant, sauvé l'intuition, puisque nous ressentons toujours comme bizarre le comportement des particules XE "Particules" élémentaires.
Qu'est-ce que le centre sinon un point de vue absolu sur lunivers ? C'est le lieu cherché par tous les philosophes, qui même s'ils sont conscients de la vanité d'une telle recherche, ne peuvent jamais abandonner leurs efforts, et finissent toujours par estimer qu'ils ont en partie réussi dans leur quête. Ecoutons E Husserl XE "Husserl" , s'exprimant sur ce qu'il nomme l'époché transcendantale.
« Il est manifeste que l'époché qui est requise avant toute autre, est celle qui touche toutes les sciences objectives. Cela ne veut pas dire seulement faire abstraction d'elle, un peu comme si l'on imaginait une révolution fictive dans la façon de penser l'existence humaine actuelle, comme si en elle rien n'apparaissait qui ait part à la science. Ce qui est visé ici est bien davantage une époché à l'égard de toute participation à l'accomplissement des connaissances des sciences objectives, une époché à l'égard de toute prise de position critique qui sintéresserait à leur vérité ou à leur fausseté, et même à l'égard de l'idée directrice qui est la leur, celle d'une connaissance objective du monde. Bref, nous accomplissons une époché à l'égard de tous les intérêts théoriques objectifs, de l'ensemble des visées et des activités qui nous sont propres en tant que nous nous considérons comme des savants objectifs ou même simplement comme des personnes curieuses de savoir.»
Ce que le philosophe pense avoir ainsi atteint c'est un état de pure conscience XE "Conscience" ; la conscience débarrassée de tous ses désirs de toutes ses pulsions, de sa volonté XE "Volonté" même, se retrouvant à l'état de miroir qui ne garde que sa propriété de miroir, renvoyant une image dépassionnée du monde. Mais au fait pour qui est cette image. Comme dans le discours scientifique, le sujet a brutalement disparu ; et nous retrouvons l'angoisse de Wotan XE "Wotan" enfermé au Walhall, dont il doit nécessairement fuir pour retrouver quelque chose de lui-même.
Car Wotan XE "Wotan" ne s'y trompe pas, et nous, qui lui ressemblons, ne nous faisons guère d'illusion. Cet univers au-dessus ou au-delà du réel est aussi pure illusion. Nous nous trouvons un moment à l'aise dans cet univers de pure fiction où ne figurent plus que des « fantômes d'objets » nous y sommes en sécurité, parce que si nous restons, malgré tout ancré dans la rationalité, nous savons que nous n'avons rien à craindre des créations de notre esprit ; mais nous savons, aussi, que nous perdons ainsi notre raison d'être qui est de comprendre ce monde, et non pas nous installer dans le rêve.
Wotan XE "Wotan" donne naissance au Walhall ; mais le Walhall devient une entité qui absorbe le dieu, qui prend le pas sur sa propre existence. Alors Wotan fuit ; fatigué de l'illusion, il devient le voyageur. Comme un théoricien de la physique, las de solliciter des équations qui, résolues, ne lui renvoient jamais que ce qu'il y avait mis au départ, retourne ver le laboratoire retrouver la réalité XE "Réalité" réconfortante des phénomènes qui attestent que le monde existe bien.
Mais pour comprendre l'univers, le fini est trop court et l'infini est trop long ; et entre les deux, rien. De même la théorie XE "Théorie" est trop pauvre, et la réalité XE "Réalité" trop riche ; et entre les deux, l'époché transcendantale est une illusion. Ni alternative, ni juste milieu ; seul reste possible l'incessant voyage d'un pôle à l'autre. Puis lorsque le moment est venu, laisser la place à l'éternellement jeune, et s'en aller, dans le temple désolé, attendre que le feu XE "Feu" rédempteur - qui, pour l'homme n'est que celui de l'oubli - fasse son uvre.
Comprendre !
Pour le savant, comprendre c'est construire une théorie XE "Théorie" , contenant un modèle de la réalité XE "Réalité" , et qui par le calcul, permet de retrouver les résultats de mesures effectuées sur les objets réels. En ce sens, le commun des mortels même s'il possède quelques rudiments de science, ne peut pas comprendre le monde qui l'entoure. Le grand problème est de savoir qui comprend quoi. La physique quantique XE "Quantique" nous affirme que, par exemple l'équation de Schrödinger nous permet de connaître, de l'objet, tout ce que nous pouvons en connaître, et donc qu'il est inutile et vain de vouloir en savoir davantage. Mais peut-on, humainement accepter un tel verdict ? Certes les réussites de la théorie quantique sont stupéfiantes, et aucun physicien n'est à ce jour en mesure de seulement présenter l'idée d'une théorie alternative. Sans doute les spécialistes ont-ils raison ; et tout porte à croire que plus rien de sérieux ne se fera en dehors de la théorie quantique et de ses développements.
Plus de « réalité XE "Réalité" cachée », la théorie XE "Théorie" épuise la réalité. La science, bien loin de là, n'est pas achevée, mais elle n'a plus en elle-même les capacités d'envisager un autre chemin. Exactement comme sur le chemin de l'évolution XE "Evolution" , on ne pourrait revenir en arrière pour choisir un autre embranchement en espérant ainsi aboutir à une espèce supérieure à l'homme. Si la route n'est pas la meilleure, le seul espoir qui reste - si l'on s'apercevait qu'une autre voie eut été préférable - est de continuer en espérant, retrouver, au-delà, le bon chemin.
La belle assurance de la science moderne est-elle légitime ? N'y a-t-il pas prétention injustifiable à soutenir que le vrai chemin a été définitivement trouvé, et qu'aucun autre ne pouvait, et ne pourra mener plus loin ? Il semble que la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" englobe dans sa description, non seulement la totalité des phénomènes observables, mais les limitations intrinsèques de l'être humain, qu'au centre même de sa problématique, se trouve le sujet humain, que la science classique avait occulté. (La théorie quantique fait ce qu'elle peut, mais elle n'aborde plus les problèmes annexes parce que c'est déjà assez compliqué comme cela. Maintenant il paraît évident qu'aussi bien en physique qu'en mathématique, l'exclusion du sujet est purement fictive. En fait le sujet est sur le bord de la théorie, regarde ce qui se passe et fait comme si il était absent du processus. Mais c'est seulement une illusion, parce que le sujet exclus, il n'y a plus de connaissance.)
Faut-il accepter cette profession de foi ? Certes la science moderne ne prétend pas avoir atteint les fondements de toute connaissance, mais semble bien affirmer avoir construit les instruments définitifs aptes à conduire l'esprit humain à la connaissance absolue de ces fondements. Et pourtant, parmi ces outils, aucun ne semble appropriés pour répondre aux grandes questions que l'homme ne cesse de se poser depuis le début des temps : Qu'est-ce que la matière ? La réalité XE "Réalité" ? Y a-t-il un élan vital, une Volonté, un dieu. Qu'est-ce que linfini ? Quelles sont les origines de l'univers, de la vie ? Que signifient les constantes fondamentales comme « c », »h » ; pourquoi c, la vitesse de la lumière est-elle une vitesse limite ? Pourquoi quelque chose plutôt que rien ?
Il ne s'agit pas d'oublier les succès de la science qui sont considérables ; ni le fait qu'elle est la seule source de connaissances véritables. Mais l'homme est ainsi fait qu'il reste dominé par cette exigence invraisemblable de l'esprit, désespérante, mais en même temps cause de tous les progrès : ce qui n'explique pas tout n'explique rien. Or, une chaîne causale peut se révéler sans faille au regard de la plus exigeante des logiques XE "Logique" , et ne rien expliquer d'important pour l'esprit humain ; tout au plus confirmer des conjectures qui ne faisaient déjà aucun doute. Et cela pour deux raisons :
- les prémisses des inférences premières sont toujours des axiomes XE "Axiomes" donc comportent une part importante d'arbitraire ;
- dans des déductions de pures logiques XE "Logique" , les seules qui soient parfaitement rigoureuses, on ne retrouve jamais que ce qu'on avait mis initialement (par l'intermédiaire des axiomes XE "Axiomes" ) dans le système.
Ce sont là les faiblesses des théories les mieux fondées. Elles sont construites sur des bases axiomatiques qui ne prennent réellement en compte la réalité XE "Réalité" qu'à posteriori, en se bornant à montrer l'efficacité de la théorie XE "Théorie" concernant la prédiction des phénomènes.
Wotan XE "Wotan" fonde son pouvoir XE "Pouvoir" sur les Runes qu'il grave lui-même sur sa lance XE "Lance" . Ces runes XE "Runes" sont en quelque sorte les axiomes XE "Axiomes" de la puissance du dieu ; il scelle ainsi son destin en fermant son système ; il est le maître XE "Maître" à l'intérieur de sa théorie XE "Théorie" . Il a cru y enfermer la totalité de l'univers, matérialisant même sa base axiomatique par la construction du Walhall ; malheureusement l'univers est trop vaste pour un tel projet. Plus malheureusement encore, ce qui devient le plus désirable, c'est justement ce qui échappe au système.
Le savant, même s'il croit profondément à son système, n'est cependant pas dupe. On peut même dire que sa croyance est une sorte de jeu. Et pourquoi pas une transposition des jeux de notre enfance où nous entrions avec sérieux dans des fictions dont nous n'étions aucunement dupes. Richard Feynman XE "Feynman" , dans son uvre a manifesté sa foi absolue en la physique moderne, contribuant à sa construction. Il parle plusieurs fois de l'équation de Schrödinger comme de l'équation du monde. Vision toute laplacienne de la puissance de la science ; mais jusqu'à la fin de sa vie, il chercha autre chose : le Grand rêve, la Grande Unification.
Mon avis n'est bien évidemment guère autorisé, et je mérite certainement le sourire des spécialistes, mais je ne crois pas à ce grand rêve. Même si un jour une super théorie parfaitement cohérente était construite (ce dont je doute), elle n'expliquerait cependant rien. Sans doute serait-elle une fantastique victoire de l'esprit - mieux encore d'une communauté d'intelligences humaines, car l'uvre sera celle d'une équipe élargie de brillants cerveaux - mais une fiction au même titre que la Tétralogie.
Dans leur quête d'une théorie XE "Théorie" unitaire, certains théoriciens multiplient le nombre de dimensions des espaces censés correspondre à la réalité XE "Réalité" . Malheureusement, c'est dans le cadre étroit, hautement particulier d'un espace euclidien à trois dimensions que nous nous débattons, avec nos sens, pour tenter de comprendre dans quelle galère nous avons été embarqués - depuis quelques milliards d'années, si nous acceptons de faire corps avec la totalité du règne animal - ; depuis quelques millions d'années si nous tenons à nous différencier du reste des espèces vivantes. Autrement dit, c'est dans cet espace bien particulier que nous sommes en contact sensoriel avec la réalité. Comprendre, c'est solliciter les théories de sorte qu'elles puissent expliquer le déroulement des phénomènes dans cet espace là.
Le « drame » c'est que l'on rencontre ici une impossibilité mathématique et logique à ce que ce passage puisse s'effectuer. Pour qu'il ait possibilité de représenter, puis d'interpréter de façon cohérente un ensemble d'objet P à l'aide d'un ensemble G, il faut comme nous l'avons vu plus haut qu'il existe un isomorphisme entre P et G., et pour cela les ensembles doivent être indempotent, et soient de même dimension. Or notre espace (celui de nos sens) est à trois dimensions, et le plus simple, considéré en physique est l'espace-temps à quatre dimensions (celui de la relativité générale). Autrement dit, il est impossible de transporter le contenu physique de la relativité dans notre espace ordinaire. Il faut donc accepter comme irréductible cet autre aspect de la complémentarité : on fait de la physique à « quatre dimensions », on comprend les phénomènes à l'intérieur de ce système de représentation, ou, on tente de comprendre le monde à partir de nos sens. L'un ou l'autre, mais pas les deux à la fois !
Et c'est pourtant l'aventure que va tenter Wotan XE "Wotan" . Être, en même temps dieu et homme ; ne pas abandonner son pouvoir XE "Pouvoir" divin, les magies de la théorie XE "Théorie" , et connaître le monde des hommes. Voyageur, il va tourmenter Mime XE "Mime" , et se rire de lui qui se montre incapable de poser la seule question concrète qui lui importe pour sauver sa tête : qui forgera lépée ? « Tu as cherché / partout, au loin ; / mais ce qui t'était tout près, / qui te sert, te fut introuvable.» (Siegfried XE "Siegfried" , acte I, scène 2). Wotan peut ironiser, il est victime, au même niveau que le nain forgeron ! Wotan a beau faire, ses runes XE "Runes" ne lui servent à rien pour comprendre ce qui lui importe, et lorsque, désespéré, il sollicite Erda XE "Erda" , donc la nature celle-ci ne sort qu'à demi de son sommeil, retournant à son éternel repos, sans avoir rien dit. Image de l'Homme dominateur, qui parce qu'il a cru un instant soumettre la nature, pense l'avoir emporté définitivement sur elle. Wotan, nous l'avons déjà dit, n'a pas séduit Erda, il l'a proprement violée. Erda dit elle-même : «Un maître XE "Maître" jadis / me força, moi qui sais / Je fis don à Wotan d'une fille. »
Imposer des schémas théoriques à la nature (plus exactement les plaquer comme grilles de déchiffrage), est toujours possible, et somme toute, assez facile ; celle-ci peut se montrer généreuse et se plier à la volonté XE "Volonté" du savant, autrement dit, se laisser interpréter... Pas vraiment un viol, encore que ! Quelle importance d'ailleurs, puisque la nature finit toujours par se dérober, s'échapper par le silence, au moment même où la nécessité de comprendre devient plus impérieuse. Et la théorie XE "Théorie" manque alors du soutien nécessaire. L'inévitable affrontement entraîne sa ruine ; Wotan XE "Wotan" rencontre Siegfried XE "Siegfried" , après la dérobade de Erda XE "Erda" ... Et la lance XE "Lance" vole en éclats .
Quantique de Wotan XE "Wotan"
Je le dis sans ambages : quiconque cherche à se faire une idée du monde - et de la place de l'homme dans le monde - doit tenir compte des acquis et de la problématique de la mécanique quantique XE "Quantique" . Bien plus : il doit la mettre au centre de son questionnement.
B d'Espagnat. Le réel voilé (Fayard, 1994)
L'un des aspects les plus déconcertant du personnage de Wotan XE "Wotan" est sa versatilité ; Comment comprendre, en effet ses retournements ; en particulier ceux de la scène 1 de l'acte II, et de la dernière de La Walkyrie. Il suffit d'arguments peu convainquant assénés par Fricka pour que le dieu envoie son propre fils à la mort, puis des instances de Brünnhilde XE "Brünnhilde" pour qu'il se condamne lui-même. Il faut bien reconnaître que cette instabilité psychique est celle de tous les hommes. Nous retrouvons ici encore, Wotan archétype de l'être humain !
Le modèle physique de cette intrigante instabilité se trouve dans les fondements de la physique moderne, dans les axiomes XE "Axiomes" même de la mécanique quantique XE "Quantique" , sujet déjà évoqué. Que le psychisme humain soit fondamentalement lié aux contenus axiomatiques des théories physiques est somme toute normal ; les théories ne sont-elles pas de pures créations humaines, même si elles doivent beaucoup à l'expérience. Le parallèle - ou rapprochement - que je vais développer, a déjà été esquissé par N Bohr XE "Bohr" lui-même ; voici un texte extrait de Physique atomique et connaissance humaine, réédité avec de nombreux commentaire chez Gallimard (folio sciences) :
« Il est évidemment impossible, dans l'introspection XE "Introspection" de séparer nettement les phénomènes eux-mêmes de leur perception par la conscience XE "Conscience" et, bien que nous disions souvent que nous portons notre attention vers tel aspect particulier d'une expérience psychologique, un examen plus serré montrera qu'il s'agit là de situations qui s'excluent mutuellement. Nous savons tous, et on l'a dit depuis longtemps que, si nous tentons d'analyser nos propres émotions, nous ne les éprouvons guère et nous reconnaissons qu'il existe entre les expériences psychiques dont la description exige des mots tels que pensées et sentiments une relation de complémentarité semblable à celle que nous trouvons entre les expériences atomiques obtenues avec des montages différents et décrites par des analogies différentes tirées de nos représentations habituelles. Naturellement nous n'avons nulle intention, par cette comparaison de suggérer qu'il existe un lien direct entre physique atomique et psychologie ; nous voulons seulement souligner une ressemblance d'un point de vue purement épistémologique et nous demander dans quelle mesure la solution de problèmes physiques relativement simples peut aider à éclairer les questions psychologiques plus compliquées que nous posent la vie humaine et que rencontrent si souvent dans leurs recherches les anthropologues et les ethnologues.» (Opus cité page 187)
Ce texte est important dans la mesure où il délimite nettement le domaine de validité des analogies acceptables. En particulier il semble repousser toute corrélation directe entre phénomène mental et lois de la physique.
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Pour faciliter la discussion, j'expose, en quelques mots, les éléments importants pour notre sujet, de la mécanique quantique XE "Quantique" .
L'état d'un objet quantique XE "Quantique" , un électron XE "Electron" , par exemple est caractérisé par sa fonction d'onde XE "Fonction d'onde" , qui contient tout ce que l'on peut connaître de l'objet au cours d'une mesure déterminée, c'est-à-dire sur la façon dont l'objet peut se manifester à nous. Cette fonction d'onde, ou plutôt l'entité mathématique qui la représente est un « être » appartenant à un certain espace mathématique l'espace des états. Cette fonction contient, relativement à une grandeur physique déterminée, l'énergie, par exemple, tous les états possibles que peut prendre l'objet, et donne les probabilités pour celui-ci soit trouvé, au cours le la mesure, dans tel ou tel état.
Mesurer un objet c'est le surprendre dans l'un de ses états propres ; Il devient alors visible à l'observateur, dans l'un de ses états. Dans le formalisme mathématique cette opération est décrite comme l'action d'un opérateur - quelque chose qui agit sur - appelé, comme nous l'avons déjà vu, observable ; c'est l'action de cet opérateur qui représente le processus de mesure. Après une mesure, le système évolue selon l'équation de Schrödinger, à partir de ce nouvel état.
En dehors de toute mesure, c'est-à-dire d'interaction avec un appareil de mesure, l'objet quantique XE "Quantique" est dans une superposition de ses états propres ; L'objet n'est pas ceci ou cela, mais tous les états en même temps. Imaginez par exemple une pièce de monnaie entrain de tournoyer. Est-elle pile ou face ? Les deux en même temps. Le phénomène de mesure, c'est-à-dire la manière dont elle se pose sur une surface plane, la révèle dans l'un seulement des ces deux états.
Il faut dire également un mot sur ce qui se passe au cours de deux mesures successives de certaines grandeurs dites conjuguées. C'est l'une des différences fondamentales entre mécaniques classique et quantique XE "Quantique" . Supposons que je veuille, par exemple mesurer la vitesse et la position d'une particule classique ; rien ne m'empêche, si je dispose d'appareils de mesure suffisamment précis d'obtenir deux valeurs simultanément avec une précision aussi grande que je veux. Cela n'est pas possible pour une particule quantique. Les précisions sur les deux mesures sont liées par une relation (relation d'indétermination de Heisenberg XE "Heinsenberg" ), qui fait que ce que je gagne en précision sur l'une, je le perds sur l'autre.
Une autre importance de taille, toujours entre les « deux mécaniques » : Classiquement, si l'on mesure deux grandeurs A et B, l'ordre XE "Ordre" dans lequel s'effectuent les opérations n'influe pas sur les résultats ; il n'en pas de même si ces mesures sont effectuées sur un système quantique XE "Quantique" . Les opérateurs correspondant ne sont pas commutatifs, si bien que la suite de mesure A, puis B, ne donne pas nécessairement la même chose que B suivi de A. Je souligne ce point car il paraît tout à fait essentiel concernant les faits psychiques ; selon la nature des questions, il est assez évident que l'ordre dans lequel on pose deux questions à une personne modifie le contenu même des réponses.
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Il n'est pas difficile de concevoir le psychisme humain comme une superposition d'états XE "Surposition d'états" . J'ai même le sentiment que cela est plus facile que dans le cas de la physique ; car nous ressentons bien, en nous-mêmes cette multiplicité d'états possibles de colère, de calme, d'amour XE "Amour" , de haine. Nous sommes potentiellement une multitude d'êtres possibles, dans la mesure où, à de très courts intervalles de temps, nous pouvons apparaître à autrui sous des jours différents. Je suis « celui-qui-aime-A », et aussi « celui-qui-est-exaspéré-par-A ». Je ne suis « ceci » ou « cela », dans une situation déterminée correspondant très exactement à une situation de mesure physique.
Est-ce à dire que l'individu pourrait être caractérisé par une fonction d'onde XE "Fonction d'onde" écrite sous la forme d'une combinaison linéaire détats ? Evidemment non ! Cependant les connaissances acquises sur les structures XE "Structures" du cerveau XE "Cerveau" permettent de faire quelques hypothèses justifiant l'approche précédente. Notre cerveau compte quelque cent milliards de neurones et nous en possédons sans doute un nombre à peu près équivalent répartis dans notre corps. Un état de conscience XE "Conscience" correspond, selon toute vraisemblance à un ensemble de liaisons déterminé d'une assemblée de neurones. Comment se constituent ces ensembles, c'est un grand mystère, mais il est fort probable qu'un bon nombre soient des structures innées, évoluant au cours de nos contacts avec notre environnement. Selon notre schéma, ces structures auraient une certaine stabilité, resteraient à l'état latent et pourraient, selon l'analogie quantique XE "Quantique" se manifester au moment d'une interaction avec notre milieu.
Nous sommes cependant très loin de pouvoir XE "Pouvoir" esquisser une théorie XE "Théorie" qui est quelques chances de cerner de près la vérité, car la complexité du fonctionnement cérébral est sans commune mesure avec celui du plus compliqué des systèmes physiques. La physique est en effet en mesure d'effectuer un recensement exhaustif de tous les objets et de tous les paramètres, au regard d'une théorie, intervenant dans les problèmes qu'elle étudie. Chaque objet possède, en mécanique quantique XE "Quantique" sa fonction d'onde XE "Fonction d'onde" qui le caractérise complètement ; cela signifie que tous ses états possibles sont connus, avec les probabilités correspondantes que tel état ou tel état soit observé au cours d'une mesure. Ce qui ne peut, en aucun cas s'appliquer à l'être humain, à moins d'en construire un modèle qui le vide de tout ce qui fait sa spécificité.
Si la mécanique quantique XE "Quantique" a pu s'imposer avec une telle force, en dépit des difficultés d'interprétation, c'est surtout grâce à l'extraordinaire concordance de ses prévisions avec les résultats de mesure. Mais comment vérifier avec précision des événements qui sont seulement probables, et qui plus est, dont la probabilité est très faible ? Pour cela, on pose un axiome fondamental qui, à l'usage se trouve parfaitement vérifié : Au lieu de considérer une particule, dont la probabilité pour être, par exemple dans l'état E1 est de 10-9, on observe 109 particules XE "Particules" identiques, ou plutôt 1020, de sorte qu'au moment de l'observation, on en trouve en moyenne 1011 ; L'axiome sous-jacent est que toutes les particules sont identiques et se comportent toutes de la même façon. Ainsi un ensemble de particules peut se révéler d'une stabilité quasi parfaite alors que chaque particule a un comportement aléatoire (une variation de quelques milliers sur une assemblée de plusieurs milliards, fait certes apparaître des fluctuations, mais imperceptibles à l'échelle macroscopique).
Résumons quelques conditions qui font que la fiabilité qu'on peut accorder aux principes quantiques ne peut guère s'extrapoler aux phénomènes dominés par la complexité du vivant :
- 1. Les méthodes de la physique statistique permettent d'atteindre une quasi certitude par la considération de population numériquement très élevée (de l'ordre XE "Ordre" de 1023).
- 2. Il existe en physique des moyens de contrôler les conditions d'observation et, en particulier de s'assurer que n'entre, dans le jeu des interactions aucun phénomène parasite.
- 3 Il y a en physique, des particules XE "Particules" indiscernables, qui sont donc rigoureusement identiques.
- 4 Les théories actuelles n'ont pas besoin de recourir aux paramètres cachés pour assurer leur cohérence.
On constate que les faits humains ne répondent pratiquement à aucun de ces critères, et ne sont susceptibles d'aucune réduction permettant de les traiter comme des faits physiques. En particulier, concernant le dernier point, le cerveau XE "Cerveau" humain est si compliqué, si mal connu, malgré les prodigieux progrès qui ont eu lieu ces dernières années, que son fonctionnement est régi par une multitude de paramètres qui nous restent cachés, et dont la recherche et l'éventuelle découverte s'avèrent de jour en jour plus difficile.
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Il n'en reste pas moins que nous pouvons, en nous en tenant à l'aspect qualitatif, utiliser le modèle théorique de description d'un objet en termes de superposition d'états XE "Surposition d'états" . Le problème de savoir, si sous-jacent à cette description, il y a une réalité XE "Réalité" physique du même type au niveau du cerveau XE "Cerveau" est infiniment plus complexe !
Le personnage de Wotan XE "Wotan" va nous permettre d'illustrer cette description de la conscience XE "Conscience" d'un individu comme superposition d'états XE "Surposition d'états" psychiques. Cela nous permettra, entre autres, de justifier ses brusques changements de comportement, ses attitudes si différenciées suivant les contextes où il est plongé.
Wotan XE "Wotan" affronte Fricka (scène 1 de l'acte II de La Walkyrie). Durant cette scène qui dure quelques minutes, il décide de sacrifier son fils Siegmund XE "Siegmund" , alors qu'il venait de donner l'ordre XE "Ordre" à Brünnhilde XE "Brünnhilde" de lui donner la victoire. La conscience XE "Conscience" de Wotan se trouve, au début de la scène dans la superposition détats XE "Surposition d'états" :
1 : « Wotan XE "Wotan" -faisant-de-Siegmund XE "Siegmund" -l'héritier-de-sa-puissance.», et
2 :« Wotan XE "Wotan" -désirant-conserver-sa-puissance-donc-devant-détruire-l'épée-menaçant-sa-puissance. »
Wotan XE "Wotan" ne se veut, ni dans l'état 1, ni dans l'état 2, non pas par faiblesse de volonté XE "Volonté" , mais parce que, son être est bien trop engagé dans cette double volonté, il n'a plus la possibilité de choisir lui-même son destin. Mais si finalement, il cède si facilement à Fricka, c'est que la probabilité pour qu'il soit dans l'état 2 est bien supérieure à celle pour qu'il soit dans l'état 1. La scène suivante le confirme. On dirait, en physique quantique XE "Quantique" qu'il est tombé dans son état fondamental, le plus stable, alors que l'état 1 était un état excité. Ne dit-on pas couramment, d'un individu excité qu'il n'est pas dans son état normal ?
Avec Siegfried XE "Siegfried" , Wotan XE "Wotan" a franchi une étape décisive. Lorsqu'il se retrouve face à Brünnhilde XE "Brünnhilde" qu'il doit punir pour lui avoir désobéit, le dieu se retrouve à nouveau dans une superposition d'état, où cette fois-ci, il n'est plus vraiment concerné, puisque dans les deux cas de figure, sa fin est inéluctable. L'alternative est la suivante :
1. « Wotan XE "Wotan" -abandonne-Brünnhilde XE "Brünnhilde" -sans-défense.», Et le dieu se détourne également de Siegfried XE "Siegfried" ; c'est en fait son grand projet de créer l'homme libre qui est abandonné. Il ne reste plus au dieu qu'à se venger des dieux, donc les entraîner tous dans sa chute.
2. « Wotan XE "Wotan" -protège-Brünnhilde XE "Brünnhilde" -d'une-barrière-de-feu XE "Feu" .», Siegfried XE "Siegfried" seul peut franchir la barrière, il est le héros espéré, mais doit anéantir les dieux, donc Wotan, pour triompher.
Le jeu est ici incertain. Pour le dieu l'affaire, comme nous l'avons vu est réglée ; mais le choix est doublement douloureux. Perdre à jamais sa fille, et faire de celle-ci l'instrument de sa perte ! Brünnhilde XE "Brünnhilde" sera la plus forte, et l'emportera face à son père pour une simple raison : elle est la vrai volonté XE "Volonté" du dieu. C'est elle qui mène le jeu, depuis que Wotan XE "Wotan" , après la mort de Siegmund XE "Siegmund" , l'a laisse fuir avec Sieglinde, et surtout Siegfried XE "Siegfried" que celle-ci porte déjà en son sein.
Avoir à être
Le concept de puissance recouvre deux sens. Le sens proprement physique : capacité de produire un travail - ou une énergie - en un temps donné. Ce qui donne le sens philosophique et politique : aptitude à exercer une action sur les autres (en particulier pour les soumettre à sa volonté XE "Volonté" , les dominer, les contraindre à servir ses propres intérêts).
Le second sens est celui de potentiel, qui littéralement signifie "en puissance", capacité d'effectuer un acte qui ne s'est pas actualisé. L'être "en puissance" est dans une superposition d'états XE "Surposition d'états" contradictoires.
Cette contradiction ne s'efface pas dans l'action, puisque l'être qui s'accomplit, perd sa puissance d'être. L'individu, tant qu'il n'agit pas reste riche de toutes ses potentialités. Agir, c'est choisir. Choisir c'est renoncé ; toute action est renoncement. L'homme libre, désiré par Wotan XE "Wotan" ne connaît plus cette contradiction ; contrairement au dieu qui lui va en mourir. Et Siegfried XE "Siegfried" sera bien celui, qui engager dans l'action, ne craint pas de choisir ; en fait parce qu'il ne choisit pas, ce sont les autres, qui par leur simple présence, induise le héros dans l'action. Au cours du deuxième acte de Siegfried, Fafner XE "Fafner" , agonisant, interroge Siegfried :
«...Qui excita l'enfant / à commettre ce meurtre ? » ; et Siegfried XE "Siegfried" répond :
«...à me battre avec toi, / tu m'encourageas toi-même. »
Siegfried XE "Siegfried" est le héros qui ne connaît pas la peur ; celui qui est indifférent à son destin, et aux conséquences de ses actes. Seule Brünnhilde XE "Brünnhilde" lui fera connaître cette peur dont il rêve de goûter la saveur, parce qu'il pressent, peut-être que cette peur donne, comme la souffrance, conscience XE "Conscience" d'exister.
Wotan XE "Wotan" , lui est atteint du mal suprême, le renoncement à l'action.
« Lorsque la joie d'amour XE "Amour" / de ma jeunesse pâlit, / mon esprit aspira au pouvoir XE "Pouvoir" : / de brusques désirs / violemment soulevé, / le monde je conquis ». Ainsi commence la longue confession de Wotan XE "Wotan" à Brünnhilde XE "Brünnhilde" . La « joie d'amour », ce n'est seulement le sentiment d'union qu'on partage avec un autre être, mais l'oubli des autres dimensions de l'être, le sentiment de plénitude qui ne demande qu'à se perpétuer. Le temps n'existe plus, le présent n'est que l'actualisation du passé et l'avenir le présent qui s'étale dans l'atemporalité. Mais cet état est métastable, et si l'esprit tente un moment de s'accrocher à lui, le corps, lui, subit l'atteinte du temps et cherche un nouvel équilibre. Comment le dieu immortel, est-il atteint par la temporalité ? Apparemment, par la volonté XE "Volonté" d'aller au-delà du pouvoir déjà conquis, cet au-delà symbolisé par l'anneau. Et de dominateur, Wotan se trouve alors dominer par son désir de domination, impossible à assouvir lorsque la domination est complète. « Moi qui règne par des contrats / aux contrats me voici asservi.».
Le Walhall comme image de la théorie XE "Théorie" qui se ferme sur elle-même a déjà été évoqué. En s'enfermant au Walhall, Wotan XE "Wotan" succombe au piège de la théorie. Celui-ci joue de deux façons :
- en enfermant l'être dans un système, dont il ne peut plus s'échapper sans avoir le sentiment de renier ce qui a été le but des ses efforts.
- en faisant de l'être un défenseur de mauvaise foi de la théorie XE "Théorie" - à laquelle il a sacrifié sa liberté XE "Liberté" , et une partie de ses rêves - surtout lorsque celle-ci commence à révéler ses faiblesses, même aux propres yeux de son créateur XE "Créateur" .
Wotan XE "Wotan" est ainsi le symbole du créateur XE "Créateur" d'une théorie XE "Théorie" , qui durant toute la période de gestation a cru en la valeur absolue et définitive de son uvre, mais qui, celle-ci achevée, prend conscience XE "Conscience" tout à coup qu'un monde différent, et qui l'ignore n'a pas cessé pour autant d'exister, monde gardant finalement tous ses secrets. Wotan fuit le Walhall, mais il est trop tard, il ne pourra qu'y revenir, achever son destin dans la morosité, l'ennui et le désespoir...sans avoir obtenu la moindre réponse pour ses plus cruelles interrogations.
Cette tendance pathologique à s'enfermer dans un système avec d'autant plus de conviction qu'on le sent menacé est un réflexe d'autodéfense, condamnable en soi puisqu'il tend à s'opposer au progrès des connaissances, mais il faut reconnaître qu'elle joue un rôle social et scientifique en partie bénéfique dans la mesure, où elle équilibre la tendance inverse à se débarrasser, au profit de nouveautés qui n'ont pas fait leurs preuves de choses qui non seulement n'ont pas épuisé toute leur potentialité mais reste nécessaire à l'équilibre du moment.
La pensée humaine ne peut se maintenir que dans un état métastable, c'est-à-dire vivre dans l'idée que les systèmes les mieux éprouvés peuvent, à tout moment manifester leur faiblesse, voire leur fausseté. Se faire à l'idée qu'il n'existe de vérité que relative est certainement plus difficile qu'on ne le croit : nous acceptons de douter de nos propres convictions, beaucoup moins d'être contraints au doute par ceux qui tentent d'imposer leurs propres convictions.
*
Ce déséquilibre qui fait penser à la définition de la marche comme une succession de chutes évitées, a amplement été décrit et étudié par les philosophes. Anticipant sur le prochain chapitre, je vais me référer à Sartre XE "JP.Sartre" et L'être et le néant. Etudiant les structures XE "Structures" de la conscience XE "Conscience" Sartre, en s'étendant peut-être un peu trop longuement, se livre à des analyses d'intérêt somme toute contestable. Quelques formules tranchantes émergent cependant qui caractérisent bien l'ambiguïté même de notre être :
« La conscience XE "Conscience" a à être son propre être [...] : elle n'est pas ce qu'elle est.» (Opus cité page 102). Puis, page 132 : « La réalité XE "Réalité" humaine surgit comme présence au monde est saisie d'elle-même par soi comme son propre manque.». Page 135 : «Concrètement, chaque pour-soi est manque d'une certaine coïncidence avec soi.».Enfin, citons cette expression qui revient très souvent sous la plume de Sartre XE "JP.Sartre" : «Pourtant le pour-soi est, Il est, dira-t-on, fusse à titre d'être qui n'est pas ce qu'il est et qui est ce qu'il n'est pas.»(Page 121).
Cette impossibilité d'être dans la plénitude de l'être, se transforme chez Wotan XE "Wotan" en désir de ne plus être, mais cependant de perpétuer dans un autre son désir d'être. Projet qui réussit, puisque Siegfried XE "Siegfried" naît, mais dérive vers un non-être généralisé puisque Siegfried et Brünnhilde XE "Brünnhilde" disparaissent dans le bûcher funéraire du héros qui du même coup réduit le Walhall et les dieux en cendre.
Ce détour philosophique va nous ramener à des problèmes davantage liés à la science. Car l'évolution XE "Evolution" des concepts scientifiques à l'intérieur de nous-mêmes est bien liée à cet être continuellement changeant, cherchant désespérément la stabilité, mais ne s'accomplissant que dans le changement ; se nourrissant de ce changement. Ceci est dû, en partie à ce que dans les actes élémentaires de la communication XE "Communication" , chaque parole prononcée, chaque phrase écrite modifie notre pensée ; nous sommes dépendants à chaque instant, du hasard XE "Hasard" des associations, des événements extérieurs qui peuvent changer le projet initial.
La marque du temps et l'obsession du réel
«...comment arrêter la roue qui roule?»
C'est peut-être l'irréversibilité du temps et la conscience XE "Conscience" aiguë et dramatique de son écoulement qui marque la frontière entre le rêve et la réalité XE "Réalité" . Le temps n'existe pas dans la Tétralogie, les événements sont beaucoup plus juxtaposés que liés dans un continuum temporel ; le mouvement dans lequel est pris Wotan XE "Wotan" n'est qu'un simulacre de temporalité.
Wotan XE "Wotan" , comme tous les dieux était immortel ; mais sa volonté XE "Volonté" de connaître le conduisant vers le monde du milieu l'a projeté dans ce simulacre de temporalité. La question, posée à Erda XE "Erda" , rappelée ci-dessus, marque les regrets du dieu de l'ordre XE "Ordre" atemporel qu'il a quitté. Son désir était d'être dieu et homme, le voici, face à Erda simple mortel, vieillissant et qui pleure sur le temps de sa jeunesse.
Cela nous entraîne vers les problèmes d'évolution XE "Evolution" et d'écoulement du temps. L'image du temps qui coule, évoque l'antique clepsydre XE "Clepsydre" , l'horloge à eau utilisée par les grecs pour mesurer le temps accordé aux orateurs. Etymologiquement qui retient, qui vole l'eau. Terme aussi étrange que le temps lui-même. En tout cas la clepsydre nous révèle intuitivement l'irréversibilité du temps qui n'est inscrit dans nulle loi physique ; l'eau peut-elle, en effet, remonter dans le récipient d'où elle s'écoule ? Etrange paradoxe XE "Paradoxe" , puisque l'irréversibilité est attestée par tous les phénomènes connus. Est-elle pour autant vraiment acceptée par la conscience XE "Conscience" ? Ce n'est pas sûr, si l'on en juge par le retour des vieux mythes XE "Mythes" des voyages dans le temps engendré lors des difficultés conceptuelles rencontrées par la physique quantique XE "Quantique" et la relativité au cours des décennies précédentes.
Ce qui marque le temps chez un individu, c'est son histoire, c'est-à-dire la trace des interactions qu'il a connu avec les objets (dans lesquels nous incluons les autres). C'est bien parce que les particules XE "Particules" élémentaires ne gardent, pour nous, aucune trace des interactions qu'elles ont connues au cours des multiples réactions auxquelles elles ont participé, qu'elles nous apparaissent immuables, donc « immortelles. »
Et pourtant, il existe en mécanique quantique XE "Quantique" des situations où tout se passe comme si les particules XE "Particules" , après avoir été liées au cours d'une interaction gardaient le souvenir de cette liaison. Cette propriété a donné lieu à l'un des plus fameux débats scientifiques concernant la mécanique quantique. Elle est à la base de ce qu'on a appelé le paradoxe XE "Paradoxe" EPR XE "EPR ( paradoxe)" , mais qu'il vaut mieux appeler le problème EPR.. Nous l'avons déjà souligné, la mécanique quantique, philosophiquement dominée par l'école de Copenhague, dont la figure emblématique était - et est restée, après sa disparition- N Bohr XE "Bohr" , soutient que la théorie XE "Théorie" donne tout le connaissable de la réalité XE "Réalité" , autrement dit que la théorie quantique est complète. Ce n'était pas l'avis d'Einstein XE "Einstein" , qui n'a jamais admis le caractère probabiliste de la théorie, ni d'ailleurs le fait qu'un objet puisse avoir des caractéristiques qui dépendent de la manière dont il est observé.
En un mot, Einstein XE "Einstein" , n'a jamais accepté le fait que la nature puisse être incompréhensible, et que le mieux que pouvait espérer l'homme de science était de construire des théories permettant de rendre compte des phénomènes, sans pouvoir XE "Pouvoir" vraiment les expliquer.
Avant de poursuivre, il nous faut dire quelques mots de l'argument EPR XE "EPR ( paradoxe)" . La base en est le critère de réalité XE "Réalité" physique dEinstein XE "Einstein" : « si en ne perturbant aucunement un système, on peut prédire avec certitude la valeur d'une quantité physique, alors il existe un élément de réalité physique correspondant à cette quantité ». L'expression même d'élément de réalité physique commence à poser des problèmes ; Einstein entendait par là une propriété intrinsèque et parfaitement définie du système. Mais justement l'orthodoxie refuse le statut de réalité à tout ce qui n'est pas effectivement mesuré ! Nous illustrerons le problème avec un phénomène d'une grande importance pratique, l'annihilation du positronium. Celui-ci est une sorte d'atome d'hydrogène où le rôle du proton est tenu par un positron (ou positon), lélectron positif. Cet assemblage forme un atome qui aussitôt créé se désintègre, en moyenne une fois sur quatre, en donnant naissance à une paire de photons (. Le phénomène a une symétrie sphérique, mais si un capteur enregistre le photon 1, le photon 2 est nécessairement détecté en une position qui est symétrique par rapport à celle où a été trouvé le photon D'autre part la théorie XE "Théorie" prévoit que le spin XE "Spin" global de la paire est nul, et doit le rester après séparation. Si l'on donne, par convention +1 comme mesure de spin de la première, la seconde doit être mesurée à -1. Imaginons maintenant deux expérimentateurs munis chacun d'un appareil permettant de mesurer le spin de deux photons provenant de la même annihilation d'un positronium ; dans l'ignorance de la source réelle de son photon chacun considère qu'il a 50% de chance de trouver son photon dans l'état +1 ou -1, chaque photon étant normalement dans un état de superposition quantique XE "Quantique" des états propres +1 et -1.La théorie affirme que l'on ne peut connaître l'état de la particule que si elle est mesurée et qu'avant la mesure, elle n'a pas d'état déterminé. Or, la personne qui mesure le spin de sa particule sait, sans faire de nouvelle mesure, que la seconde particule est par exemple +1, s'il a trouvé la sienne à -1 ! Einstein en déduisait que la seconde particule possédait sa propriété, élément donc de réalité alors même qu'aucune mesure n'était effectuée sur elle. Tout a été imaginé pour réduire cette apparente contradiction, mais la puissance incomparable de la théorie quantique a, à ce jour, balayée toutes les tentatives. On ne peut donc que constater, ce que Einstein n'a jamais accepté qu'en se quittant, les particules XE "Particules" n'emportent pas une caractéristique propre, mais que cependant, tout ce qui arrive à l'une se répercute immédiatement sur l'autre, même si elles se trouvent au moment de la mesure à des distances telles qu'aucun message ne peut aller de l'une vers l'autre.
Voici quelques éléments du dialogue Bohr XE "Bohr" -Einstein XE "Einstein" :
Einstein XE "Einstein" : Puisque l'on peut affirmer que le photon non mesuré a une caractéristique bien définie - être +1, par exemple, au moment même de la mesure -c'est que contrairement à ce qu'affirme la théorie XE "Théorie" , le photon la possédait avant, puisque celui-ci n'a subit aucune perturbation due à une mesure
Bohr XE "Bohr" : Toute discussion doit, d'une part, prendre en compte le dispositif de mesure indissociable des résultats, et d'autre part tenir compte du fait que les sorts des deux photons sont indissolublement liés, et que tout ce qui arrive à l'un retentit nécessairement sur l'autre. Einstein XE "Einstein" défend le « point de vue habituel de la philosophie naturelle qui n'est plus adéquat pour représenter rationnellement les phénomènes physiques que nous rencontrons en mécanique quantique. » XE "Quantique" (opus cité, page 88).
Les développements de cette dernière décennie ont plutôt donné raison à Bohr XE "Bohr" , mais les tenants d'un réalisme plus proche de ce que Bohr nomme philosophie naturelle, et qui repose sur l'intuition que nous avons des phénomènes qui nous entourent, n'ont pas désarmé, et des théories alternatives ne cessent d'être proposées.
Ce qui sépare vision classique et vision quantique XE "Quantique" des phénomènes, et des objets, donc du monde tel qui nous apparaît, c'est cette idée de base, et somme toute assez simple, qu'en physique classique, un objet dont on mesure une caractéristique est censé posséder cette propriété avant même qu'on ait agi sur lui. Postulat raisonnable et qui semble indispensable si l'on se propose de connaître ce que les objets sont en eux-mêmes. Malheureusement, ce postulat que nous ressentons comme une nécessité pour assouvir notre soif de connaissance n'est plus valable en mécanique quantique ; et si la théorie XE "Théorie" quantique se révèle comme la clé de voûte de toute connaissance du monde, c'est le fondement même de notre pensée qui devient mouvant.
Pour mieux comprendre le caractère dramatique du renoncement qui nous est imposé, considérons une autre expérience cruciale dont l'interprétation quantique XE "Quantique" est scandaleuse au regard de notre intuition une de celle où apparaissent des phénomènes d'interférences. L'expérience classique et qui est décrite dans tous les manuels d'optique utilise un dispositif comme celui de la figure ci-dessous :
S est une source de particules XE "Particules" , photons où électrons ; O1 et O2, des ouvertures suffisamment rapprochées ; E un écran ou une plaque munie de détecteurs. Lorsque les trous O1 et O2 sont ouverts successivement, on obtient sur l'écran une répartition des impacts dont la densité est représentée par la figure (a) (si S est une source de lumière, donc de photons, la partie médiane est fortement éclairé, et cet éclairement diminue lorsque l'on s'éloigne du centre). Si les deux trous sont simultanément ouverts, on obtient une figure d'interférence, c'est-à-dire s'il s'agit d'une source de lumière, une succession de plages éclairées séparées par des zones d'ombre. Il est très facile de justifier le phénomène à partir de la nature ondulatoire de la lumière : l'onde se partage en deux, une partie passant par un trou, l'autre partie par l'autre trou. Suivant le parcours effectué par la lumière, les ondes s'additionnent ou au contraire se détruisent mutuellement. Mais selon la mécanique quantique XE "Quantique" , la lumière a aussi un caractère corpusculaire - elle est constituée de photons - le drame est alors que pour justifier la formation de la figure d'interférence, il faut admettre que chaque photon passe par les deux trous en même temps ! En réalité XE "Réalité" , c'est là qu'intervient de manière essentielle le principe de complémentarité de N.Bohr XE "Bohr" , qu'Einstein XE "Einstein" ne pouvait accepter : on ne peut espérer saisir, au cours d'une même expérience les deux aspects contradictoires, ondulatoire et corpusculaire d'un objet quantique. Si une expérience met en évidence les aspects ondulatoires d'un phénomène, l'aspect corpusculaire disparaît complètement ; si elle met en évidence les aspects corpusculaires, ce sont les aspects ondulatoires qui sévanouissent ! Par exemple, dans l'expérience décrite ci-dessus, si un dispositif permet de savoir par quel trou la particule quantique est passée, la figure d'interférence disparaît.
Cette impossibilité de concilier théorie XE "Théorie" et intuition est justifiée par les relations d'indétermination d'Heisenberg XE "Heinsenberg" dont il a été question plus haut. Les deux plus importantes de ces relations relient, position et impulsion d'une part, énergie et temps d'autre part :
(X(P(h/2(, (X, et (P, sont les incertitudes sur la position et l'impulsion. Cela signifie que si la position d'un objet quantique XE "Quantique" est connue avec une grande précision, nous ne savons plus rien de sa vitesse, et réciproquement.
(E(T(h/2(, (E et (T étant les incertitudes sur l'énergie et le temps. Cela signifie que si le temps d'observation est très court on ne peut connaître avec précision l'énergie de la particule, et réciproquement, si l'on veut connaître avec une grande précision l'énergie d'une particule, il faut prolonger le temps d'observation.
Le grand problème est que ces limitations ne sont pas dues à l'insuffisance de nos sens et de nos instruments, mais à la nature intrinsèque des objets quantiques. Ces relations forment l'assise conceptuelle de la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" ; ce qui fait dire à R Feynman XE "Feynman" : «...si jamais un moyen de « vaincre » le principe d'incertitude était trouvé, la mécanique donnerait des résultats incohérents et devrait être rejetée en tant que théorie correcte de la nature ». Autant dire que c'est le discours scientifique moderne qui s'effondrerait d'un bloc. Ce qui n'est guère à craindre, compte tenu de la multitude des vérifications expérimentales des fameuses relations dindétermination (ou d'incertitude) que Feynman regroupent sous l'appellation « principe d'incertitude. »
*
J'ai, plus haut, considéré la conscience XE "Conscience" comme une superposition d'états XE "Surposition d'états" , c'est-à-dire, tenter de comprendre la versatilité du comportement humain en transposant à l'Être la description des objets quantiques ; démarche dont l'originalité n'est pas évidente, puisque N Bohr XE "Bohr" lui-même a émis quelques idées dans ce sens. Ce qui me parait le plus remarquable, c'est que les difficultés conceptuelles qui minent la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" appliquée aux objets de la réalité XE "Réalité" disparaissent dans ce nouveau contexte.
Imaginons un homme qui marche dans la rue ; sa conscience XE "Conscience" est entièrement absorbée par le spectacle qu'offre la ville, avec, si c'est le soir, les lumières, les ombres furtives, cette richesse fictive qui nous fait cependant croire que la grande aventure commence à deux pas. L'homme est en quelque sorte en dehors de lui-même ; il n'est rien de ce qui le définit comme appartenant à une communauté humaine. Mais sa fille, lui tendant les bras, apparaît tout à coup dans son champ de vision ; c'est alors à une véritable réduction de la fonction de tous les états de conscience que notre homme peut occuper - dans ce cas on dirait plutôt avoir -.Sans doute, avant était-il déjà père, mais d'une manière cachée, non explicite, exactement comme l'électron XE "Electron" , est avant une mesure dans un état potentiel. Pas plus l'homme que l'électron ne sont modifiés par l'interaction ; ils deviennent simplement tous les deux ce qu'ils avaient la puissance d'être. L'homme à ce moment précis est en puissance de bien d'autres états ; garçon de café, par exemple, pour reprendre le célèbre exemple utilisé par Sartre XE "JP.Sartre" dans L'être et le néant.
Faut-il faire une différence entre les états de conscience XE "Conscience" spontanés et ceux artificiellement crées dans le jeu ? La seule vraie différence est peut-être un simple décalage temporel. Dans les deux cas il s'agit bien de l'activation d'un modèle qui est déjà inscrit dans nos circuits neuronaux ; Pour jouer au garçon de café ; il faut, à l'instar du comédien connaître déjà le rôle. Et tout ce qui n'est pas appris est nécessairement programmé génétiquement. Ainsi la notion de superposition d'états XE "Surposition d'états" de conscience s'applique encore dans le cas de la mauvaise foi selon Sartre XE "JP.Sartre" .
Ainsi notre homme peut être, amant, jouer de football, lecteur du Canard enchaîné. Et lorsque qu'il se trouve dans un état de conscience XE "Conscience" déterminé, il n'est plus généralement que cela. Nous trouvons ces situations tout à fait naturelles, et ne nous étonnons guère de ce qu'un centre d'intérêt déterminé vide notre conscience de toutes nos autres préoccupations. Il s'agit pourtant d'un grand mystère biologique que la neurobiologie n'est certainement par encore prête à percer ! Nous pouvons cependant, dès maintenant cerner des conditions nécessaires permettant à notre être de maintenir en lui cette potentialité d'états de conscience, et surtout cette prodigieuse capacité à activer, au bon moment, les états adaptés à la situation concrète à la quelle il doit faire face. (1) Tout se passe, évidemment au niveau de nos circuits neuronaux, qui ne sont sans doute pas limités à notre encéphale. (2) Si l'on veut respecter les lois fondamentales de la physique, en particulier, l'incapacité d'un système non matériel (comme la pensée) de générer de l'énergie, ce sont les circuits neuronaux qui commandent. Cela n'est qu'une conséquence du renoncement à l'idée de dualité corps/esprit. (3) Qu'est-ce alors que la volonté XE "Volonté" ? Et sommes-nous les spectateurs impuissants d'un jeu neuronal qui nous échappe ? Si nous identifions le fonctionnement de notre cerveau XE "Cerveau" à notre conscience le problème ne peut plus se poser en termes de philosophie classique. Concernant ce problème de l'unicité ou de la dualité de l'être, la position du philosophe est toujours ambiguë, surtout quand il affirme l'unité de l'être ; ce n'est pas là un manque de logique ou de cohérence, mais la simple nécessité de se référer constamment aux deux aspects complémentaires de notre être, corps et esprit, exactement comme le physicien, même s'il considère l'objet quantique XE "Quantique" comme une entité une, est bien contraint de le considérer dans sa dualité fondamentale d'être onde et corpuscule. Nous faisons aussi bien l'expérience d'être soumis à un destin implacable qu'on peut interpréter comme le fonctionnement de notre cerveau dominé par le déterminisme XE "Déterminisme" de certaines lois biologiques, que l'expérience de notre liberté XE "Liberté" dans les choix qui nous sont offerts. Toute prise de position philosophique sur ce problème de la liberté est nécessairement soumise à un irréductible subjectivisme qu'aucune réflexion ne peut surmonter sans mauvaise foi. (4) Nous « décidons » en fonction de nos déterminations génétiques et de notre expérience acquise ; mais qui décide ? Notre orgueil aurait sans doute trop à en souffrir pour que nous acceptions un jour la vérité, à savoir que nous sommes soumis - ou plus exactement le fonctionnement de notre cerveau - aux mêmes règles que celles qui commandent l'évolution XE "Evolution" depuis la formation de la terre : ce que J.P Changeux XE "Changeux" appelle darwinisme neuronal - ou neural - se prolongeant en un darwinisme mental.
« Le psychologue, Donald Hebb XE "Hebb" , a montré qu'une assemblée stable de neurones peut se former lors de l'interaction avec le monde extérieur si une condition portant sur l'efficacité des synapses établies entre les neurones se trouve remplie. Cette condition, appelée depuis règle de Hebb, postule que deux neurones en contact « s'associent » entre eux si leurs décharges coïncident dans le temps. La concomitance d'activité pré- et post-synaptique entraîne le renforcement de la connexion inter-neurale. La règle permet aux neurones qui sont actifs ensemble, ou qui coopèrent déjà, de mieux coopérer encore. Sur cette base, on peut essayer d'appliquer le modèle darwinien à la mise en place d'une trace stable de représentation mentale. Au lieu de postuler au départ une variabilité des connexions comme dans le cas du darwinisme neural, l'hypothèse XE "Hypothèse" est proposée d'une variabilité durant le temps de l'activité des neurones. Les assemblées vont s'allumer, s'éteindre, fluctuer au cours du temps, jusqu'à ce qu'une certaine combinaison d'états actifs ou pré représentation entre en « résonance » avec un percept évoqué par l'interaction avec le milieu extérieur. A ce moment là, cette pré représentation va être stabilisée. La mise en mémoire peut alors s'effectuer par un changement d'efficacité des connexions mettant en uvre la règle de Hebb.».
Suivant ce modèle il faut concevoir l'activité neuronale continuellement en éveil, maintenant potentiellement l'infinie variété de nos états de conscience XE "Conscience" possibles ; la réduction à un seul état se faisant essentiellement de deux façons, par résonance :
- au cours d'interactions avec le milieu
- sous l'influence d'affects, donc de stimuli purement intérieurs.
L'espace
Nous avons déjà souligné que le temps n'existait pas à l'intérieur de la Tétralogie ; mais l'espace existe-t-il davantage ? Certes, il existe bien des lieux, mais que ne relie aucune topographie ; pire, l'espace divin n'est pas distinct de celui où évoluent les hommes. Selon les circonstances, Wotan XE "Wotan" , par exemple est omniprésent, il se trouve spontanément au lieu où la Walkyrie va faire triompher Siegmund XE "Siegmund" , mais se laisse distancer par Brünnhilde XE "Brünnhilde" lorsque celle-ci fuit en emportant Sieglinde ; En quittant Neidhöhle, l'antre de Fafner XE "Fafner" , Siegfried XE "Siegfried" se retrouve presque spontanément près du rocher de Brünnhilde. Tout se passe comme si l'espace se repliait sur lui-même, réunissant ainsi tous les lieux. Il nous faut voir là, me semble-t-il, bien plus qu'une nécessité théâtrale, comme la règle des trois unités du théâtre classique ; avec le Ring, nous n'assistons par à un drame extérieur, mais à un psychodrame dont le lieu unique est notre conscience XE "Conscience" . Est-ce le cas de toutes les fictions théâtrales ? Après tout, intériorisant l'univers qui nous est offert, nous réduisons, dans tous les cas l'espace à celui de notre esprit qui ne connaît ni forme ni limite - en particulier pas celles qui concernent la vitesse de la lumière - et le temps à celui de notre conscience, soustraite à la flèche et à la monotonie du temps physique. Mais la Tétralogie est autre chose qu'un simple épisode d'une vie qui appartient aux autres et dont nous sommes spectateurs ; nous sommes dans un monde clos qui se suffit à lui-même et qui se propose de nous immerger totalement ; la fiction s'évanouit en tant que telle pour nous révéler notre réalité XE "Réalité" . Réalité purement psychique ; que nous ne découvrons pas dans l'apparence des personnages, mais dans ce qui émerge de l'union profonde du texte et de la musique. Je pense, en particulier à la dernière scène de La Walkyrie, où je ressens, jusqu'au plus profond de mon être, l'amour XE "Amour" que j'ai pour ma propre fille ; et les baisers de simple au revoir deviennent, dans mon souvenir, aussi émouvants que s'ils étaient ceux de l'adieu. Pour ma part, la splendeur de l'uvre n'est pas dans la fresque grandiose qu'elle nous offre, mais dans ces moments que nous avons vécus, ou que nous comprenons que nous pourrions vivre.
Cela nous invite à nous pencher sur les liens intimes qui lient les personnages, et qui se révèlent à nos yeux, en dehors du temps et de l'espace. Nous avons remarqué plus haut, que les postulats quantiques ne comportaient pas, appliqués à notre conscience XE "Conscience" les difficultés conceptuelles rencontrées en physique ; c'est ce point que nous allons maintenant approfondir.
Revenons d'abord sur le cas des paires de particules XE "Particules" - par exemple dans l'état singulet, qui, après interaction se séparent. Prenons le cas le plus simple d'une paire dont le spin XE "Spin" total est nul - et revenons sur ce qui a déjà été dit - ; chacune des particules emmène un spin non nul, mais la somme des spins reste nulle. Autrement dit si l'une a un spin égal à +1 (en unité de moment cinétique), l'autre à un spin égal à -1. Mais il serait contradictoire, avec les axiomes XE "Axiomes" de la théorie XE "Théorie" et avec l'expérience de supposer que chacune part avec une détermination précise - être +1 ou -1. Par contre, si l'une est mesurée à +1, l'autre est nécessairement à -1. C'est donc au moment où la première particule est mesurée que la seconde prend sa détermination opposée à la première. Et cela, au regard de la théorie quelle que soit la distance qui sépare les particules ; aucun signal ne pouvant, en vertu de la relativité dépasser la vitesse de la lumière - en particulier par d'action à distance instantanée, le moins coûteux, pour notre intuition est de renoncer à l'idée classique de localisation stricte des phénomènes. Nous voici brutalement ramené à Wotan XE "Wotan" , dieu magicien XE "Magicien" , qui peut instantanément passer de l'état de dieu au Walhall, à celui d'humain accompagnant son fils Siegmund XE "Siegmund" dans ses aventures terrestres. Mais avant de revenir à notre héros, montrons que ce qui choque notre intuition concernant des particules matérielles, ne l'est nullement appliqué aux relations humaines.
Considérons deux individus qui se séparent après avoir connu une interaction suffisamment longue pour se connaître profondément ; un couple qui divorce par exemple. On ne se sépare pas pour rien ; ces deux là, disons A et B, en sont arrivé à s'opposer systématiquement sur tous les problèmes, à tel point que si l'un à un avis sur une question, l'autre est automatiquement de l'avis contraire. Mais ils se connaissent si bien que chacun est capable, si une question lui est posée de savoir ce que l'autre répondrait si celle-ci lui était posée. Les voilà donc séparés par une distance qui ne leur permet plus de communiquer. Une personne C interroge alors A, à laquelle celui-ci ne peut répondre que oui ou non. Il est alors facile d'accepter que l'on peut prévoir à coup sûr la réponse de B à cette même question. Sommes-nous dans une situation analogue au cas des particules XE "Particules" corrélées ? Certes aux modalités qui caractérisent la question posée peut correspondre le dispositif expérimental - l'orientation, par exemple de l'appareil Stern-Gerlach - mais la multitude des expériences en commun vécues par le couple correspond à autant de variables cachées, dont l'existence est rejetée par la théorie XE "Théorie" . Il y a une raison plus profonde qui rend difficile, même impossible une analogie autre que superficielle : on peut imaginer entre les individus un lien télépathique, car les temps de transmission d'éventuelles ondes cérébrales sont totalement négligeables relativement aux temps caractéristiques des mécanismes cérébraux, si bien qu'on pourrait dans ce cas considérer les événements, mesure de A - c'est-à-dire, question posée à A - réponse de B comme simultanés. Ce que nous ne pouvons cependant pas accepter, c'est que B donne une réponse opposée à celle de A, sans être interrogé ; car cette fois-ci il faudrait imaginer l'existence d'une communication XE "Communication" extrasensorielle, ce qui nous ferait franchir les bornes du raisonnable.
Une solution consiste à admettre, et c'est, semble-t-il ce qui est fait, implicitement, en théorie XE "Théorie" , que non seulement mémoire est gardée de toute interaction, mais que les réactions des individus sont, durant un certain temps, inséparables, et que toute action exercée, sur/par l'un, influence le comportement de l'autre.
Cela revient manifestement à accepter, ou postuler l'existence de variables cachées. Or nous l'avons déjà souligné, les expériences d'Aspect XE "Aspect" , ruinent les théories de ce type. Mais il est seulement affirmé, et prouvé expérimentalement que « l'hypothèse XE "Hypothèse" des variables cachées n'est pas compatible avec le modèle actuel de la mécanique quantique XE "Quantique" , modèle dont la seule justification est son incroyable succès.»
Des théories à variables cachées, faisant appel à un cadre théorique différent ou seulement modifié, ne sont donc pas exclues, dans l'absolu. Permettront-elles un rapprochement de la théorie XE "Théorie" et de lintuition ? Rien n'est moins sûr, car il semble bien que la barrière du formalisme reste de toute manière à franchir. A la porte d'entrée du paradis de la Vérité, c'est-à-dire de la connaissance scientifique, il faut sans doute inscrire : Nul ne pénètre ici s'il n'est théoricien. L'univers des phénomènes n'a plus rien à apprendre à l'homme aux mains nues. C'est seulement à travers les théories que l'intuition peut espérer encore remplir son rôle d'instrument de connaissance.
Il est presque évident que toute interaction entre individus laisse une trace en chacun d'eux. Notre cerveau XE "Cerveau" conserve en mémoire bien plus que ce que notre conscience XE "Conscience" accepte comme souvenir. Cependant, tout anthropomorphisme consistant à parler de mémoire en physique chez les particules XE "Particules" , les atomes, les molécules est certainement aussi faux que dangereux. Mais l'inverse est tout aussi faux et dangereux, lorsque l'on cherche dans la physique des particules des modèles d'interaction à appliquer aux communautés humaines. La méthode consiste alors à ne retenir de l'individu que des comportements et des réactions stéréotypés, avec tout ce que la méthode peut avoir de dangereusement réducteur ; car l'individu ainsi créer à le vice de tout ce qui est obtenu à partir de valeurs moyennes, ne ressembler vraiment à aucun des objets utilisés pour la construction de l'individu-type. Le danger tient surtout au fait que la méthode se pare des attraits et de l'efficacité de la science - ou plutôt des méthodes scientifiques - pour revendiquer une sorte de droit naturel à imposer aux hommes les schémas d'organisation qu'elle génère.
La non-localité
Nous avons vu qu'une méthode pour éviter les paradoxes de la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" , consiste à renoncer au principe classique de localisation des phénomènes ; la fonction d'onde XE "Fonction d'onde" d'une paire de particules XE "Particules" dans l'état singulet s'étale dans l'espace, si bien que la réduction en point de l'espace agit également, et instantanément en un autre point éloigné. Ce phénomène évoque, comme nous l'avons déjà vu, le don d'ubiquité de Wotan XE "Wotan" ; ne réagit-il pas sans délai lorsque Siegmund XE "Siegmund" lève son épée pour abattre Hunding XE "Hunding" ? Certes, la fiction théâtrale peut se permettre - et finalement c'est une nécessité - de prendre ses aises avec les contraintes imposées par le temps et l'espace, mais cependant un minimum de réalisme et de cohérence doit être respecté au risque de voir l'uvre sombrer dans l'insignifiance de la mauvaise fiction. Il est somme toute remarquable que le non-respect des contraintes de temps et d'espace n'entame pas la véracité des situations, contrairement à tout ce qui touche la psychologie des personnages. Ainsi, nous ne prêtons guère attention à l'invraisemblance de la première scène de L'Or du Rhin, où Albérich poursuit, dans le fleuve les filles gardiennes de l'or, mais l'inconséquence de ces trois sottes, qui, après avoir démontré au Nibelung qu'il était si laid qu'il ne devait rien espérer de l'amour XE "Amour" , lui propose un marché qu'il serait vraiment stupide de ne pas accepter ! Quitte, à de toute manière, être privé des délices de l'amour, autant profiter tout de suite de la possession de l'or.
Mais il faut sans doute voir là le signe d'un destin implacable, qui choisi, avant tout acte ses élus, et accable les malchanceux, accumulant sur eux toute la misère du monde ; non seulement ils doivent supporter la misère, mais leurs actes eux-mêmes doivent engendrer la misère. Ils sont finalement comme ces animaux, qui, dans l'arène, permettent aux héros de lumière d'accomplir des actes valeureux. Jeu cruel des dieux qui inventent le mal pour que le bien puisse exister.
Dans un contexte quantique XE "Quantique" Albérich et Wotan XE "Wotan" forment manifestement une paire corrélée ; on peut parfaitement imagine qu'à un moment de la création mythique du monde, ils formaient une seule entité, en un temps in illo tempore. Il existe une façon, conforme à la règle inviolée de la conservation de l'énergie, de faire naître l'univers de rien ; imaginer un univers double, l'un fait de matière, l'autre d'antimatière à énergie négative de sorte que globalement la somme des énergies soit nulle.Ainsi le couple Albérich/Wotan né spontanément dans un univers ne connaissant ni le bien ni le mal, partent chacun de leur côté avec des déterminations opposées ; mais à partir de ce moment, tout ce qui arrive à l'un détermine nécessairement l'autre.
Dans la mesure où rien ne peut physiquement expliquer - en terme compréhensible à l'intuition non théorique du monde - les corrélations qui existent entre particules XE "Particules" indépendamment de la distance qui les séparent, rien ne s'oppose, à ce que des phénomènes du même genre ne soient invoqués pour expliquer des liens indépendants de la distance existant chez des individus ayant connu une longue interaction ; D'autant plus que les distances qui séparent les êtres ne sont jamais telles que les effets relativistes (vitesse finie de toute interaction) puissent se faire sentir. Non seulement la science n'a pas d'arguments valables à opposer à ceux qui tirent parti de son incapacité à expliquer dans ce domaine, mais les dérives philosophiques autour de ces thèmes encouragent au contraire les spéculations de ceux qui tentent de justifier des phénomènes dont l'existence est plus que douteuse (transmission de pensée, prémonition, connaissance d'événements dont on n'a pas été témoins...etc.).
Toujours est-il que ces incertitudes de la science rendent au moins acceptable les fictions théâtrales, et donnent, non seulement aux personnages, mais à leurs actes, une dimension réelle.
La nostalgie des origines
Elle est au cur de l'homme sous deux formes ; Le regret du temps passé, qui est lié aussi, sans doute, à l'approche de la mort, et plus généralement à la misère de ressentir la décrépitude de l'être vieillissant. C'est peut-être aussi avec lâge que naît la seconde forme : l'interrogation sur les origines. Cette nostalgie est celle du savoir en général, liée au sentiment de vivre dans un monde incompréhensible. Il y a une façon de surmonter ce trouble le plus souvent inconscient : dominer.
« Lorsque la joie d'amour XE "Amour" / de ma jeunesse pâlit, / mon esprit aspira au pouvoir XE "Pouvoir" ...» (La Walkyrie, acte II, scène 2.). Pour Wotan XE "Wotan" l'aspiration au pouvoir n'est pas distincte de la volonté XE "Volonté" de connaître. Dans cette simple phrase Wotan révèle finalement, ce qui est peut-être le ressort le plus profond de tous les êtres. L'amour, d'abord, avec ses deux composantes fondamentales :
- perpétuation de l'être dans sa descendance,
- union profonde avec l'Autre.
Au cur de l'homme, donc au cur du savoir. Cette ardeur à connaître les origines, elle est également au cur de l'interrogation scientifique. Mais grisé par les progrès dont il est l'artisan, le savant finit par se satisfaire du questionnement lui-même - peut-être après avoir frôler le désespoir d'avoir un moment compris que le but ultime était hors d'atteinte ? - et joue à être arrivé près du but. Wotan XE "Wotan" ne s'interroge pas sur ses origines, au contraire, il semble fuir désespérément tout ce qui le lie à l'univers primordial. Par contre, Siegfried XE "Siegfried" , qui plongé dès sa naissance dans un univers ;- celui de Mime XE "Mime" - dont il ressent les dangers potentiels, ne cesse de s'interroger sur ses origines. Sans doute ses interrogations ne concernent que son père et sa mère ; mais, ses parents ne font que cristalliser un désir plus profond de connaître. Ainsi l'enfant sauvage, qui a pourtant bien décidé de ne faire confiance en rien à Mine qu'il soupçonne, à juste titre de ne pas l'avoir élevé d'une façon désintéressée, se laisse convaincre qu'il est désirable de connaître la peur. Siegfried ne connaîtra pas la peur devant le dragon, mais bien en découvrant le corps de la Walkyrie endormie sous l'armure. Peur de la femme ? Non, peur de la connaissance elle-même ; simplement parce que la connaissance ouvre le monde de l'inconnu ; Passage du monde de l'enfance où le monde est naturellement mystérieux, à celui de l'adulte, où naît la passion de la connaissance, qui ouvrira pour certains le chemin de la gloire et de l'accomplissement et qui sera vécue pour l'immense majorité comme une malédiction, une passion malheureuse et désespérée ; d'autant plus que sur ce chemin, il n'y a pas de renoncement possible ; le peu que l'on acquiert ne fait qu'éclairer le désastre.
« Tu savais tout, / quand tu enfonças / le dard du savoir / dans le cur audacieux de Wotan XE "Wotan" ...», jette avec rage Wotan à Erda XE "Erda" . A l'instar des hommes, Wotan sait trop ou trop peu. Est-ce la triste solution trouvée par la nature pour atténuer en l'homme le regret de la vie, et lui faire, à l'instar de Wotan, désirer la fin :
« Je ne veux plus qu'une chose : / la fin, / la fin !».
Le sens de l'univers échappe à Wotan XE "Wotan" comme il échappe à tous ceux qui tentent d'en approcher le secret. Pour échapper à la malédiction, Wotan construit le Walhall, le religieux son église, et le savant, sa théorie XE "Théorie" ; mais dans tous les cas, l'essentiel reste au-dehors. Et le commencement ne peut trouver de fondement que dans la foi.
La grande parade
La foi est rarement assez forte pour qu'elle n'est besoin d'être continuellement renforcée. Car la nature, dans sa tranquille inconscience est d'une redoutable malignité. Elle a doté l'homme de sens certes très imparfaits, mais suffisamment développés pour administrer à l'esprit humain avec une remarquable constance, la preuve de l'impossibilité pour lui de s'enfermer dans son propre système.
« Portes et portails protègent / la salle des joies célestes : / l'honneur du maître XE "Maître" , / le pouvoir XE "Pouvoir" éternel / vers la gloire infinie s'élèvent.». Wotan XE "Wotan" va cependant fuir le Walhall.
Lorsque l'action centripète de la foi ne suffit plus à contenir les forces qui pousse l'être à chercher au-delà, commence alors la grande parade ; il faut convaincre les autres afin que l'image de la foi ainsi artificiellement créée, vienne renforcer celle qui commence à faiblir. Le principe ne semble pas avoir changer depuis que l'homme a ressenti le besoin de construire des systèmes alternatifs à un monde qui se dérobe à lui dans ce qu'il a dessentiel : convaincre qu'une image contient autant, ou même plus que la réalité XE "Réalité" . Tous les moyens sont alors bons, le Walhall, les cathédrales immenses, les systèmes de pensée les plus sophistiqués, puis les grandes théories scientifiques, si proches probablement, dans leurs aspects formels qu'ils deviennent semblablement le piège absolu de toutes pensées. Je dis piège, car, si de toutes les créations humaines ce sont elles qui ont le contenu de vérité le plus fort, elles n'en restent pas moins des leurres pour la majorité des hommes. Je dis leurres, car, pour le commun des mortels, elles n'offrent jamais qu'une illusion de vérité.
Il faut bien avouer que la grande parade scientifique à de quoi convaincre les esprits les plus rebelles. Car la science semble avoir bouleversé positivement, en bien des domaines, notre vie quotidienne ; et ceux qui oseraient parler d'apparence trompeuse seraient considérés immédiatement comme stupides et aveugles. Exactement d'ailleurs comme les athées et les agnostiques des siècles précédents. Mais ici l'amalgame est trop souvent fait entre progrès scientifiques et progrès humains. Pour beaucoup, il y a corrélation XE "Corrélation" stricte entre ces deux notions de progrès ; mais n'est-ce pas étonnant ? Pour ceux justement qui profitent - ou croient profiter - du progrès scientifique. Malheureusement pour les thuriféraires du progrès intégral, si l'on peut mesurer le progrès scientifique et s'assurer qu'il est, et qu'il a été durant ce dernier siècle extraordinairement rapide, il n'en est pas de même pour le progrès humain. Mais une société tout entière, à l'échelle mondiale, dominée par l'idéologie américaine reposant sur l'économie de marché avec comme principe la recherche du profit maximum, sans un regard sur les conséquences désastreuses d'un tel système, refuse de voir l'évidence. Une évidence qui pourtant crève les yeux : le nombre de bénéficiaires du "progrès" diminue alors que celui de ses victimes augmente d'une façon dramatique. La science peut-elle être portée responsable d'une telle dérive ? C'est à chacun de juger, car tout dépend de ce que l'on considère être la finalité de la science. Il est bien évident cependant que son vrai domaine est celui de la connaissance, et non pas du destin, à court terme de l'homme. Pour ma part, je suis, à contre cur, pour l'absolution, dans la mesure où le choix est clair : se donner les moyens du progrès (scientifiques), donc être avec les riches, ou disparaître. Le pari qu'il faut faire est que science, dont l'idéal est la vérité quelle qu'elle soit, saura prouver aux hommes, avant qu'il ne soit trop tard que le système qui nous domine actuellement est mauvais.
La science et l'or
La science ne peut être que du côté de l'argent et du pouvoir XE "Pouvoir" ; inutile de se voiler la face ; car elle a besoin d'argent pour se développer, et du pouvoir pour se faire entendre.
On a mille fois rabâché, mille fois proposé comme sujet de dissertation aux bacheliers, cet aphorisme de je ne sais plus qui : « Science sans conscience XE "Conscience" n'est que ruine de l'âme ». Mais la science a découvert que l'âme n'existait que dans l'imagination fertile d'individus en mal d'éternité. Ainsi la science n'a plus rien à ruiner, sinon elle-même ! La science, comme toutes les autres activités humaines, sportives, artistiques etc, est tombée dans la sphère de l'économique, et ne peut que se soumettre aux impératifs du marché. Plus d'âme à ruiner, cela est de peu d'importance puisque l'économique est sans conscience, et a communiqué son mépris de toute règle morale à tout ce qui tombe sous sa coupe. L'homo-économicus a cette particularité de ne même plus avoir un simulacre d'âme ; il sacrifie, sans le moindre remords de conscience, les hommes dont il peut tirer un profit ; de toute façon, comme ce sont les privilégiés du système qui définissent la nouvelle « morale », celle-ci ne peut qu'être conforme à la « vérité ». Et ceux qui ne l'acceptent pas n'ont d'autres ressources que de rejoindre l'autre monde, celui des hommes condamnés parce qu'il faut « qu'une partie de l'humanité soit sacrifiée au bonheur de l'autre ». Il en est des « règles morales » comme des théories scientifiques, lorsque à un moment donné, il y a consensus de ceux qui monopolisent la parole, elles ne peuvent que s'imposer avec la force de la vérité, et rien ne semble de nature à pouvoir XE "Pouvoir" les affaiblir, mais un lent processus de décomposition agit, de l'intérieur qui finit par corrompre ce qui n'était qu'une apparente stabilité. Il y a des révolutions aussi bien scientifiques que sociologiques, mais elles sont dues beaucoup moins à l'action des hommes - qui malgré tout, comme l'étincelle qui allume l'incendie, est déterminante - qu'à une sorte de mort naturelle qui touche tous les systèmes qui naissent, se développent, atteignent leur acmé, puis dépérissent et meurent. Il semble parfois que les idées et les théories se défendent, tentent d'échapper à leur inévitable mort, à l'instar de tous les organismes vivants. En fait, elles survivent, l'une et l'autre tant que preuve n'est pas faite de leur fausseté. Elles vivent souvent au-delà, dans la mesure, où elles restent cependant vraies dans l'esprit d'individus qui savent mettre tout leur talent dans leur défense, se comportant comme ces maîtres du barreau qui sont capables de faire passer pour une victime un authentique bourreau.
La science a-t-elle succombé à la fièvre de lor ? Les savants sont-ils corrompus ? Il est manifeste que la majorité d'entre eux ne se soucient, ni d'enrichissement, ni de colifichets dorés, mais comme nous l'avons déjà souligné, l'or, moteur de toutes les activités humaines est aussi nécessaire que la valeur intellectuelle, qui, dans la recherche scientifique ne peut s'épanouir que dans un environnement hautement technique, donc coûteux. Compte tenu des effets pervers d'une telle nécessité, je crois qu'on peut parler de malédiction. Si l'on tient à faire de Wagner XE "Wagner" un prophète du monde d'aujourd'hui, c'est vers le personnage d'Albérich qu'il faut se tourner et rappeler qu'il est le seul survivant du drame. Le but d'Albérich est clair, soumettre le monde à sa volonté XE "Volonté" par la magie de l'or. Il faut bien reconnaître qu'en fin de compte, il triomphe aujourd'hui. Ecoutons encore sa malédiction, alors que Wotan XE "Wotan" vient de lui arracher lanneau :
« L'anneau qu'en maudissant je réussis / qu'il soit maudit ! / Si son or / me donna le pouvoir XE "Pouvoir" / que son charme donne / la mort à celui qui le porte ! / Que nulle joie il ne donne, / que nul bonheur / sa lumière ne suscite, / que son possesseur / soit brûlé de soucis / et qui ne l'a pas, / soit rongé de d'envie ! / Que chacun / le désire âprement, / mais que personne avec profit / n'en jouisse ! »
Albérich ici maudit l'or, à travers l'anneau ; et il n'est peut-être pas légitime de faire l'amalgame entre l'anneau et l'or lui-même. Il est difficile, à l'intérieur du Ring d'établir une différence entre les deux, l'anneau étant devenu le symbole de l'or, disons qu'il est devenu le symbole de l'or corrompu, celui qui est utilisé à d'autre fin que le culte de la beauté. L'équivalent moderne de cette corruption XE "corruption" de l'or est qu'il soit devenu une fin en soi. Cette déviance par rapport à une pureté originelle mythique, ne date pas d'aujourd'hui. De mémoire d'homme l'or a toujours été convoité pour lui-même, et il a fallu que l'enrichissement de certains soit si prodigieux pour que le précieux métal perde sa puissance magique ; le volume en or des fortunes devenant tel qu'il n'était plus possible de la protégée efficacement..
Il nous faut reposer la question : l'or a-t-il corrompu la science à l'égal de toutes les activités humaines ? Oui, si on la rend responsable de l'utilisation non contrôlée de ses découvertes les plus potentiellement dangereuses. Non, si l'on admet qu'elle ne peut survivre en dehors du système économique, qui seul est capable de soutenir son effort.
L'homme, une seule espèce ?
J'ai entendu naguère un historien affirmer que l'histoire officielle ne concernait finalement qu'environ 10% de l'humanité, ou des faits humains. Sur cette estimation, je considère - même si cette démarche est contestable - qu'un homme sur dix est pris en compte dans le bilan des bienfaits et des nuisances engendrées par le « progrès ». Dans ce cas il n'est guère étonnant que l'amalgame soit fait, avec un accord quasi parfait entre progrès des connaissances et progrès humain, jusqu'à ne plus simplement parler que de progrès : ceux qui ont accès à la parole font partie bien évidemment de ces 10%, donc des privilégiés de l'histoire, comme auteurs et acteurs de cette vaste dramaturgie qu'est l'Histoire.
Ainsi la partition de l'humanité, entre ceux qui comptent et qui ne comptent pas, est inscrite au cur même de ce que l'homme a décidé de retenir de son histoire. Ce phénomène ne pouvait ensuite que s'accentuer avec la mondialisation des événements humains. La plus grave conséquence de cet état de fait est la montée du terrorisme, et l'énorme retentissement que les médias donnent aux actes les plus tragiques.
Les médias et les responsables politiques parlent d'actes odieux, et non pas tragiques. La nuance mérite d'être soulignée. Un homme - ou une communauté humaine - juge odieux les crimes perpétrés par ses ennemis ; ses propres crimes sont tragiques, car, à ses yeux ils découlent d'une nécessité qu'il n'a pas voulue. Wotan XE "Wotan" doit sacrifier son propre fils, c'est un acte tragique ; Albérich s'approprie l'or du Rhin, c'est un crime odieux. L'intervention américaine au Viêt-Nam XE "Viêtnam" a été une tragédie, l'agression de l'Irak XE "Irak" contre le Koweït a été odieuse. La vraie guerre, avec ses millions de victimes est une tragédie, le terrorisme et sa poignée de victimes est odieux !
Cette partition, on la retrouve avec des contours beaucoup moins nets, dans le domaine scientifique. La science présente en effet deux aspects :
- celui de constituer un corps organisé de savants, de chercheurs, soumis à une hiérarchie où la compétence scientifique n'est pas le seul critère de promotion ;
- celui d'être un univers d'hommes, de laboratoires, de théories en gestation, d'écoles de pensées, de doctrines, de disciplines aux domaines mal définis. A ce niveau, il n'y a d'autres hiérarchies que celles de la compétence ; seuls sont écoutés ceux qui ont quelque chose d'intéressant à dire. C'est un monde immense secoué de turbulences, où règne désordre XE "Désordre" et anarchie, domaine de la pensée vivante, obéissant aux règles générales de lévolution XE "Evolution" : ce sont les théories les mieux adaptées, qui à la suite de mutations successives finissent par s'imposer. Et pourtant, de ce creuset émerge la plus fabuleuse des architectures humaines ; des disciplines que tout séparent, se fondent, se fécondent mutuellement, s'éclairent mutuellement ; des hommes, bien qu'ils s'opposent, se dénigrent, s'accusent d'aventurisme, de conservatisme, agissent dans le même sens, coordonnent leurs efforts presque malgré eux...car ils s'opposent souvent tout en étant d'accord sur l'essentiel.
Mais n'est-ce pas ce désaccord et cet affrontement continus qui sont les vrais moteurs du progrès des connaissances ?
La science est manifestement le domaine où les hommes naissent le plus dramatiquement inégaux. Une insuffisance physique peut être facilement compensée par tout ce que la technique offre de prothèses, il n'y a pas de prothèse intellectuelle ! Comme dans les secteurs de l'activité humaine, l'égalité des êtres est un leurre qui ne peut tromper ; en science, comme ailleurs, il vaut mieux, pour réussir être beau, intelligent et fort, et celui qui est laid, stupide et faible aura bien du mal à revendiquer la parole.
Céder la place
Siegfried XE "Siegfried" a terrassé le dragon, il marche, guidé par l'oiseau XE "Oiseau" vers la rocher de Brünnhilde XE "Brünnhilde" ; Wotan XE "Wotan" lui aussi est en marche. A qui obéit l'oiseau ? Qui, dans l'ombre conduit inexorablement le destin du jeune héros ? Wotan lui-même ! Mais pour Wotan, le combat intérieur n'a pas cessé ! Siegfried est bien tel qu'il l'a désiré, mais il n'est pas lui-même, il est, dramatiquement l'autre. Ainsi, le dieu tente une dernière manuvre pour échapper au destin qu'il s'est lui-même imposé, une dernière fois, il retourne vers Erda XE "Erda" , utilisant le pouvoir XE "Pouvoir" qu'il possède encore. Il invoque la déesse, celle qui sait, la mère des Nornes qui sans relâche tressent le destin des hommes et des dieux. Que cherche-t-il au juste ? Pourquoi solliciter une aide alors qu'il sait qu'il est trop tard. Car enfin, il a laissé fuir Brünnhilde avec Sieglinde et Siegfried en son sein, puis a protégé son sommeil d'un rempart de feu XE "Feu" , que seul Siegfried pourrait franchir, il a aidé celui-ci à reforger Notung XE "Notung" , puis l'a, comme nous l'avons rappeler, guidé vers le rocher. Comment comprendre, qu'au dernier moment, il tente de tout arrêter ?
« Comment arrêter la roue qui roule ? », demande-t-il à Erda XE "Erda" !
*
Céder la place, céder le pouvoir XE "Pouvoir" , l'homme en accepte aisément l'idée lorsque l'échéance est encore lointaine ; mais le moment venu, l'ultime pas n'est manifestement pas facile à franchir...et certains ne le franchissent jamais. Rappelons ce que disait Planck XE "Planck" de la façon dont les idées scientifiques nouvelles finissaient par simposer :
« Les grandes idées scientifiques n'ont pas coutumes de conquérir le monde du fait que leurs adversaires finissent par les adopter peu à peu parce qu'ils finissent par se convaincre de leur vérité. Il est toujours très rare de voir un Saul devenir un Paul. Ce qui arrive le plus souvent, c'est que les adversaires d'une idée nouvelle finissent par mourir et que la génération montante s'y trouve acclimatée.»
Le plus remarquable, à l'instar de Planck XE "Planck" lui-même, c'est que ceux qui n'arrivent pas à renoncer à leur propre vision du monde sont souvent ceux qui ont été les initiateurs du changement. Planck postule le caractère discontinu de l'énergie, mais veut n'y voir qu'un artifice de calcul. Il donnera naissance à la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" qu'il n'acceptera, comme Einstein XE "Einstein" , qu'en désespoir de cause, parce que les succès de la théorie sont si prodigieux qu'elle balaie toute opposition cohérente. Et c'est à ce point qu'on peut établir une très profonde analogie entre Wotan XE "Wotan" et ces savants qui cèdent la place, mais sans jamais vraiment renoncer. Si bien qu'il faut peut-être rechercher les raisons d'un tel comportement au plus profond de la conscience XE "Conscience" humaine. Ce qui donne une apparence de vérité à l'élan vital, c'est la volonté XE "Volonté" de vivre et de survivre ; et cet instinct vital est présent dès les premiers pas de la vie ! Il est donc bien antérieur à toute forme de conscience. La conscience, dernier avatar de la vie, ne pouvait échapper à cette volonté instinctive de se perpétuer. La pensée, forme la plus subtile de la conscience se développe dans un milieu conceptuel - qui est l'équivalent de la niche écologique d'un organisme - et ne peut survivre si les conditions mentales - comme on parle de conditions climatiques - sont trop profondément bouleversées. Concernant l'évolution XE "Evolution" des idées, on peut alors vraiment parler de darwinisme mental. Que les esprits jeunes, possédant encore une grande redondance de connexions neuronales, s'adaptent plus facilement paraît tout à fait naturel.
Mais un autre instinct, tout aussi puissant en opposition/complémentarité avec celui de survie, est lié à la nécessité de céder la place aux organismes plus jeunes. Les jeunes arbres ne se développent pas dans l'ombre de leurs pères. Peut-être que le lien entre la mort du Frêne XE "Frêne" sacré XE "Sacré" , et la montée en puissance de Wotan XE "Wotan" est-il de cette nature ! Siegfried XE "Siegfried" doit tout à Wotan, mais il n'est rien tant que le dieu conserve sa puissance ; une théorie XE "Théorie" nouvelle n'est rien tant que l'ancien paradigme domine les esprits. Ainsi la nouvelle théorie a besoin de l'ancienne comme condition d'émergence XE "Emergence" , mais il n'y a plus de place, dans un même contexte, pour les deux. Lorsqu'il s'agit du mouvement de l'électron XE "Electron" autour du noyau atomique, la théorie de Newton XE "Newton" est fausse et doit céder la place à la théorie quantique XE "Quantique" , même si celle-ci reste adéquate, en première approximation pour traiter les problèmes d'équilibre planétaire.
Les faiblesses de la science
Comment avoir confiance !
Notre cerveau XE "Cerveau" s'est édifié pour accomplir des taches qui relevaient, au départ de problèmes purement vitaux. Nos sens se sont développés en vue de maîtriser notre environnement, et non pas nécessairement pour le comprendre. Devant/derrière, en haut/en bas, à gauche/à droite, l'espace s'est, pour nous, naturellement structuré à trois dimensions ; avant/pendant/après, le temps a été ressenti comme totalement indépendant de cet espace. Les vrais problèmes ont commencé lorsque l'homme a voulu voir au-delà du nécessaire. A moins que la nécessité d'aller au-delà d'un territoire devenu insuffisant à la survie du groupe n'ait engendré l'idée d'une espace qui peut être indéfiniment étendu. Ainsi, notre espace euclidien à trois dimensions, né de contingences matérielles, liés à l'activité humaine n'a manifestement pas d'existence en soi ; c'est sans doute Kant XE "Kant" , qui le premier souligné ce fait avec clarté. Mais en même temps naissait le plus troublant des concepts, celui d'infini. Et la pensée connaissait alors un tourment dont depuis elle n'a jamais pu sortir. La pensée mythique ne semble pas avoir été autrement préoccupée par le problème des infinis ; les divinités occupaient naturellement l'au-delà inaccessible non seulement au corps, mais à l'esprit. Aujourd'hui encore, pour de nombreux individus, Dieu XE "Dieu" règle le problème comme jadis les divinités, les autres essaient de ne pas trop y penser afin de ne pas sombrer, comme Cantor, dans la folie.
Nous avons appelé réalité XE "Réalité" , ce que notre intuition nous révélait spontanément, de nous-mêmes et du monde extérieur ; aujourd'hui cette réalité se dérobe, et nous prenons conscience XE "Conscience" de la légèreté avec laquelle nous avons cru aux données immédiates de nos sens. La science nous impose aujourd'hui la médiation des théories, des théories qui, pour la plupart nous paraissent au mieux translucides, mais plus généralement opaques ; alors à qui faire confiance? Y a-t-il un espoir raisonnable, pour l'homme de voir s'ouvrir un chemin vers la vérité, ou l'erreur fondamentale n'est-elle pas justement de croire l'esprit humain capable de comprendre un jour le destin du monde. Certes, la science a déjà esquissé de multiples scénarios de la naissance et de la mort de notre univers, mais est-ce genre de vérité que nous cherchons ? Savons-nous ce que nous cherchons ? Wotan XE "Wotan" sait-il ce qu'il cherche. Siegfried XE "Siegfried" , lui, ne cherche rien, ne va vers rien ; il exécute le dragon comme un chasseur désuvré, qui, pour se justifier d'un acte gratuit accuse sa victime de l'avoir provoqué, il force la barrière de flamme, et Brünnhilde XE "Brünnhilde" dans la foulée, puis l'oublie, la jetant dans les bras d'un ami de passage ; il meurt ensuite sans rien comprendre, dans une superbe extase qui nous fait comprendre qu'il n'y a d'amour XE "Amour" véritable que dans le rêve. Sans doute aussi, la vérité ne peut qu'être rêvée ! Et la folie, espérer qu'elle peut nous venir des autres.
La science et ses errements
La science ne garde sa cohérence que si elle reste fermée sur elle-même. Mais qu'elle cherche à expliquer hors de son langage et son champ propre, et son discours ressemble alors à de la mauvaise fiction. J'ai déjà dit quelques mots des difficultés qui naissaient des concepts quantiques lorsqu'ils étaient confrontés à la réalité XE "Réalité" intuitive du monde, considérons maintenant le cas des théories de la relativité.
La théorie XE "Théorie" de la relativité restreinte a été édifiée par Einstein XE "Einstein" pour unifier l'électromagnétisme de Maxwell XE "Maxwell" avec le reste de la physique ; L'axiome de base de cette théorie est la constance de la vitesse de la lumière.Mais cet axiome apparemment anodin a de redoutables conséquences pour l'intuition, puisqu'elle est en contradiction, comme rappelé dans la note précédente, avec la conception classique, conforme à l'intuition immédiate, d'un espace tridimensionnel où les phénomènes se déroulent suivant un temps uniforme, s'écoulant de façon identique en tout point de l'espace, et totalement indépendant de celui-ci. L'espace de la relativité restreinte est pseudo-euclidien à quatre dimensions, et même si la dimension temps se distingue des dimensions d'espace, les quatre dimensions sont étroitement liées dans le formalisme.
La relativité générale est une théorie XE "Théorie" de la gravitation XE "Gravitation" élaborée pour pallier aux insuffisances de la théorie newtonienne incapable d'expliquer l'action mutuelle, à distance des masses (loi de la gravitation universelle). Dans la théorie d'Einstein XE "Einstein" , ce sont les propriétés géométriques de l'espace qui sont responsables de la gravitation. A mon avis les conséquences de la théorie sont plus faciles à admettre pour l'intuition. Comme d'autre part, elle permet d'envisager l'idée d'un espace fermé sur lui-même, sans que la question d'un extérieur se pose, on peut, au moins imaginer, dans le cadre de la théorie, une solution au problème de l'infini.
Les conséquences que l'on peut tirer des deux théories complémentaires ne pouvaient manquer de donner naissance à toutes sortes d'interprétations fantaisistes ; et le plus grave, c'est lorsque la logique même du système est bafouée, avec cette curieuse excuse: ce n'est pas grave puisque les conclusions sont exactes. Voici un exemple de cette curieuse démarche.
Une des conséquences la plus étonnante de la relativité restreinte est ce qu'improprement on appelle ralentissement des horloges et contraction des longueurs. Supposons - expérience de pensée mille fois reproduite depuis 1905, date du premier mémoire d'Einstein XE "Einstein" - deux mobiles A et B se déplaçant selon la même direction, mais en sens opposé, à la vitesse relative v. L'un peut être immobile, ou chacun animé de vitesse v/2 opposées. La théorie XE "Théorie" prévoit alors que A (respectivement B) voit une horloge de B (respectivement, une horloge de A) battre plus lentement ; De la même façon, si A (respectivement B) mesure le mètre de B (respectivement le mètre de A), il le trouve plus court. Le ralentissement des horloges et le raccourcissement des longueurs sont donc, dans ce contexte des phénomènes symétriques, et qu'il semble logique de considérer comme apparents. Phénomène apparent qui pourtant est vérifié expérimentalement de plusieurs façons
Pour mettre en évidence ces phénomènes relativistes, il faut cependant que les vitesses atteintes par les mobiles soient de l'ordre XE "Ordre" de celle de la lumière, soit 300 000km/s, 3x108m/s. Les expériences de pensée ou les vérifications expérimentales supposent pratiquement toujours que A, par exemple est immobile, et B animé d'une vitesse proche de celle de la lumière, ce qui introduit une dissymétrie, dont, on va le voir découle quelques regrettables confusions. L'expérience de pensée choc, imaginée par un physicien fut celle du voyageur de Langevin. Supposons, dit-il en substance deux jumeaux XE "Jumeaux" dont l'un reste sur la terre alors que l'autre entreprend un voyage dans le cosmos à une vitesse proche de la lumière, mettons v=0.99999C. La théorie XE "Théorie" nous dit que si le temps écoulé mesuré sur l'horloge du jumeau resté sur la terre est t, celui de l'horloge du voyageur est
t' = t/ (1-(2)1/2, (= v/C, rapport entre la vitesse du mobile et celle de la lumière, soit (= 0.99999 ; le calcul donne plus de 200ans.
Celui qui sagement a bien suivi, les premières affirmations de la théorie XE "Théorie" , réfute le calcul, en disant : la situation des jumeaux XE "Jumeaux" est parfaitement symétrique, on peut tout aussi bien imaginé que celui qui est resté sur la terre, s'éloigne de son frère à une vitesse opposée ! Si bien que c'est celui qui est parti qui vieillit le plus vite. Argument fallacieux répondent en chur les défenseurs de la théorie qui ont derrière eux le renfort de l'expérience, le jumeau qui part dans l'espace est celui qui est en mouvement, puisqu'il a ressenti les effets de l'accélération pour atteindre la vitesse de la lumière ! Ecoutons par exemple R.Feynman XE "Feynman" :
« Ceci n'est appelé un paradoxe XE "Paradoxe" que par les gens qui croient que le principe de relativité signifie que tout mouvement est relatif [...] par symétrie le seul résultat possible est que les deux devraient avoir le même âge lorsqu'ils se retrouvent. Mais pour qu'ils puissent se retrouver et faire leur comparaison, Paul doit s'arrêter à la fin de son voyage et faire une comparaison des pendules, ou plus simplement revenir et celui qui revient doit être l'homme qui se déplaçait, et il le sait parce qu'il a dû revenir en arrière. Lorsqu'il est revenu en arrière, des tas de choses qui lui sont inhabituelles se sont passées dans son vaisseau spatial. Les fusées se sont arrêtées, des objets ont été projetés contre une paroi etc.
tandis que Pierre n'a rien senti du tout. Ainsi la manière d'énoncer la règle est de dire que l'homme qui a senti les accélérations, qui a vu les choses précipitées contre les murs etc, est celui qui sera le plus jeune : c'est la différence entre eux, dans un sens absolu, et c'est certainement correct.»
Voici ce que l'on trouve dans un ouvrage destiné aux étudiants de premier cycle. Le calcul ci-dessus est effectué, avec le commentaire :
« On a objecté à Langevin que les rôles de A et B, étaient symétriques, et que par conséquent [...] on devait obtenir un résultat du même type [...] En réalité XE "Réalité" ce raisonnement est erroné car les rôles de A et de B ne sont pas symétriques : le référentiel lié à B, (le jumeau resté sur terre) est galiléen, etc.»
Ce qui est erroné ici, avant toute chose, c'est l'argumentation. Pour calculer la dilatation du temps, l'auteur utilise une formule établie dans le cas où les deux référentiels sont galiléens, puis s'affranchit de cette contrainte pour réfuter l'argument de symétrie. Sous cette forme, on peut très bien attribuer l'allongement du temps effectivement mis en évidence expérimentalement à d'autres facteurs (laccélération par exemple, où la dilatation du temps est une conséquence de la relativité générale. Le fait que les vérifications expérimentales donnent des résultats prévus par la théorie XE "Théorie" n'est pas suffisant (un calcul faux peut très bien donné un résultat exact).
Ici, comme dans tous les débats scientifiques, il est bien difficile de trouver un terrain où le débat soit vraiment possible. En dernier ressort, le scientifique se réfugie dans la théorie XE "Théorie" , dans son inexpugnable Walhall.
Concernant le voyageur de l'espace, un autre problème se pose, c'est celui de la validité des expériences de pensée. Car celles-ci, en admettant qu'elles cadrent exactement avec la théorie XE "Théorie" , ne sont pas nécessairement transposables à la réalité XE "Réalité" physique. La pensée franchit le plus souvent, avec désinvolture un infranchissable fossé, celui qui sépare un modèle de la réalité, à la réalité elle-même. Les effets relativistes n'ont été mis en évidence que sur des systèmes microscopiques. La question me paraît être la suivante ; peut-on accélérer jusqu'à des vitesses relativistes, un système macroscopique. Prenons un exemple élémentaire. La seule façon physique d'accélérer un système physique durant un temps suffisamment long pour effectuer un voyage dans l'espace est de lui donner ses propres moyens de propulsion. Une seule méthode physique : utiliser le théorème de conservation de la quantité de mouvement.
Le système de masse m est partagé en deux parties, A et B ; A pèse, par exemple m/100, et est expulsé avec la vitesse de 10 000m/s. La formule de conservation sécrit : m'v'=-mV, en supposant le système initialement au repos (le signe - provient du fait que les vitesses sont opposées). m/100x10 000 = 99m/100xV, V= 10 000/99( 100m/s. En éjectant ainsi, au cours d'éjection successive 1/100 de sa masse, le système gagne une vitesse de 100m/s.Au bout de 100 opérations il a atteint 10km/s, mais il ne lui reste pas grand chose (il a perdu environ les deux tiers de sa masse). Arrivons maintenant au cas d'un vaisseau spatial de masse M. La masse est éjectée sous forme de gaz brûlé dans les tuyères du réacteur la vitesse d'éjection peut-être de 5 000m/s ; fixons cette valeur à 10 000m/s. Supposons qu'on veuille atteindre la vitesse de 10 000km/s, soit une vitesse de 10 000.000m/s, très loin encore des vitesses relativistes (variation de la marche des horloges de moins de 1/1000). Prenons une accélération déjà bien difficile à supporter de 10g, soit une augmentation de vitesse de 100m/s, par seconde. Il faut 100 000s, soit une trentaine d'heures pour atteindre la bonne vitesse. Conformément à ce qui est dit plus haut, pour une accélération de 10g, notre vaisseau doit perdre 1/100 de sa masse par seconde. On peut écrire la relation :
dM = -1/100.M.dt, qui exprime la variation de la masse avec le temps.
On ne déduit l'équation différentielle très simple, dM/M = -0.01t, qui donne/
M = M0. e-0 ;01t, Mo, masse initiale du vaisseau, t=100 000s
Que reste-t-il de notre vaisseau ? M= M0. e-1000, aurait-il eu, au départ la taille de l'univers qu'il n'en resterait même pas la grosseur d'un atome ! Imaginer qu'on donne la vitesse nécessaire au vaisseau, à partir, par exemple d'une station spatiale. Donnons l'invraisemblable accélération, propre à détruire toute structure d'une certaine taille, de 10 000g, soit 100 000m/s2 ; il faut cependant 100s pour atteindre la vitesse de 10 000km/s, durant lesquelles l'objet doit être guidé. L'espace parcouru par la fusée est alors de e= 1/2gt2,, 0.5x10 000x10 000=50 000km. C'est la longueur du canon nécessaire
J'ai sans doute abusé de la patience du lecteur, mais il me paraissait important de souligner l'inconséquence de certaines expériences de pensée, surtout quand elles sont proposées par des gens, qui condamnent toutes les dérives ésotériques. Certes on peut se livrer en théorie XE "Théorie" à n'importe quel calcul conforme aux théorèmes, mais faut-il encore que ces calculs aient un sens physique. Ainsi multiplier par e-1000 revient à diviser par un nombre s'écrivant avec environ 434 chiffres !
Ce que l'on doit reprocher au langage scientifique lorsqu'il s'efforce de se mettre au niveau « grand public », c'est son ambiguïté, et sa façon de négliger ces problèmes de réalisme qui sont loin d'être secondaires. Voici ce que dit Tourrenc concernant le voyageur de Langevin :
« Deux jumeaux XE "Jumeaux" se séparent dès leur naissance. L'un reste sur terre, l'autre part dans une fusée pour un long voyage (long pour quelle horloge ?). La vitesse de la fusée reste constante sauf pendant les courts moments où elle est accélérée pour partir et faire demi-tour. Lorsqu'il revient sur terre, le jumeau de la fusée est encore jeune mais son frère est très vieux.
Cette histoire qui est conforme aux principes de la relativité a beaucoup choqué car elle porte atteinte au dogme du temps universel ancré très tôt en nous par un langage newtonien et parce qu'elle semble mettre en cause le principe de relativité.
Pour poser correctement le problème, il faut supposer que le jumeau de la terre reste solidaire d'un référentiel minkowskien. L'autre jumeau, parce qu'il subit les accélérations, si courtes soient-elles, « sait » que son référentiel propre n'est pas minkowskien. Des accéléromètres solidaires de chacun des jumeaux XE "Jumeaux" , se comporteraient de façons différentes et aucun principe de symétrie ne peut être évoqué, certainement pas un principe de relativité...»
L'argumentation ressemble à celle de Feynman XE "Feynman" , avec le même défaut, s'en remettre en partie aux sensations du voyageur, et ne tenir aucun compte du réalisme de l'expérience. Lorsque l'auteur parle de courts moments d'accélération, on a vu ce que cela sous-entend ; en oubliant qu'il n'existe pas de méthode réaliste pour faire acquérir à la fusée une vitesse relativiste, les temps d'accélération ne peuvent être « courts ». Arrivé à une vitesse proche la lumière, il faut un temps identique pour revenir en coïncidence de référentiel avec le jumeau terrien. Or à accélération constante de 2g, il faut 6 mois pour atteindre la vitesse de la lumière (6 mois, « pour qui ? » d'ailleurs !).
La ligne de défense consiste à dire qu'il s'agit là de limitations techniques qui peuvent être contournées en imaginant des dispositifs que l'homme ne peut construire, mais qui sont théoriquement réalisables ; c'est ici l'essence même de l'expérience de pensée. On retrouve un problème du même type avec la notion d'événement peu probable qu'un temps suffisamment long permettrait d'observer ; quel sens a cette affirmation lorsque ce temps est des milliards de milliards de fois celui de l'âge de la terre ? Certes de telles réticences de ma part révèlent peut-être attachement de béotien à notre monde newtonien, mais je persiste à penser qu'il n'est pas légitime de vouloir unifier à tout prix des phénomènes de natures différentes ; dans le problème qui nous a occupé, on passe il me semble, un peu trop facilement de ce qui est observé et calculé, à ce qui est réellement. Vouloir identifier un phénomène purement physique qui définit l'écoulement du temps - la fréquence d'une horloge atomique, et un phénomène biologique d'une variabilité extrême, comme les battements du cur, me paraît parfaitement vain.
La théorie XE "Théorie" rassure, elle donne, à l'instar de tous les dogmes acceptés par les adeptes un sentiment de confort intellectuel, une certitude intérieure que le monde est compréhensible, mais chacun sait que cela est insuffisant comme critère de vérité. Mais, pour un adepte, son propre domaine de conviction n'est jamais l'équivalent de celui des autres ; Il reste convaincu, même s'il professe une philosophie de la relativité des convictions, qu'il occupe une position absolue.
Il n'y a pas, à proprement parler d'errements de la science, il y a des adeptes qui y croit un peu trop et qui veulent trop bien faire !
L'âpre guerre
La science comme les autres activités humaines est un champ clos où s'affrontent des convictions contraires ; une différence de taille cependant, ici nul ne peut se soustraire :
- aux règles de logique et de cohérence auxquelles toute théorie XE "Théorie" doit obéir ;
- aux sanctions de l'expérience lorsque les tests sont possibles.
Ces deux conditions normalisent ce qui est du ressort de la science elle-même ; mais en tant qu'activité s'insérant dans le contexte social, l'affrontement entre les hommes prend une tournure un peu moins glorieuse. Pour un chercheur ou un groupe de recherche les arguments scientifiques ne sont pas toujours les meilleurs pour convaincre les décideurs économiques de l'intérêt stratégique de son domaine. Mais cet aspect du problème ne nous concerne pas, ou tout au moins pas au niveau où nous nous tenons dans cette seconde partie.
L'âpre lutte qui nous intéresse est celle qui se déroule à l'intérieur des consciences individuelles de tous ceux qui sont confrontés au problème de la connaissance. Indépendamment des trois mondes selon Popper XE "Popper" , le champ global des connaissances est polarisé suivant un axe que j'appellerai, en première approximation Idéalisme/réalisme. Un pôle est constitué des théories formelles et des espaces qui leur sont associés, l'autre pôle par l'ensemble des phénomènes concrets associés à notre espace euclidien dominé par le temps newtonien. Le savant est le Wanderer qui erre entre ces deux pôles, ne vivant au repos qu'à l'intérieur des théories, mais irrésistiblement attiré par l'autre pôle où la nature ne se dévoile pas, mais offre à l'état brut sa beauté sauvage et indomptée ; on connaît la passion engendrée par le désir à vivre dans le pur domaine des théories, mais c'est vers l'autre pôle qu'il faut aller pour connaître l'amour XE "Amour" véritable, celui que procure la nature qui se donne sans calcul. Non seulement les extrêmes sont inconciliables et nécessitent l'acceptation d'un principe de complémentarité incontournable, mais toute position médiane est intenable pour le repos de l'esprit. Les philosophies orientales ont bien compris le problème, elles qui exigent le vide mental pour espérer une communication XE "Communication" vraie avec la nature. C'est la plénitude de l'être qu'il faut alors tenter d'atteindre, celle qui ne laisse plus de place à la réflexion et qui est sensé donner l'unité de la conscience XE "Conscience" , qui n'est plus hantée par le néant sartrien, fracture qui est l'une des caractéristiques du pour-soi, continuellement à la recherche de la négation de ce néant. Dans le langage de Sartre XE "JP.Sartre" , la plénitude d'être est l'en-soi, qui en tant que visée, est la transcendance XE "Transcendance" . Ainsi n'est-il pas inconvenant de dire que ce qui est visé, dans cette volonté XE "Volonté" , contraire à la raison, de fusion dans la nature, c'est la transcendance. Il peut paraître paradoxal de placer l'idée de transcendance au pôle du réalisme, mais cela me paraît conforme à une définition acceptable du transcendantal pour la science.
« Mon Dieu XE "Dieu" , mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? »
Lorsque l'homme s'accroche au pôle où règne la théorie XE "Théorie" , le doute devient tolérable, les objets prennent un contour rassurant, leurs propriétés sont parfaitement balisées par le contenu axiomatique ; même si la théorie n'est pas achevée, le chercheur a la quasi certitude - peut-être illusoire - que l'essentiel est déjà inscrit dans les postulats et qu'il ne reste plus qu'à dérouler logiquement ce qui, dans la théorie est en puissance. Mais cette quiétude d'esprit a ses limites ; comme l'illustre la dernière parole du Christ XE "Christ" , le plus fortement installé dans sa foi n'est jamais à l'abri du doute radical Le corps, soumis aux terribles contraintes biologiques, connues si bien de chacun d'entre nous, ne manque jamais de rappeler à l'ordre XE "Ordre" , ceux qui voudraient loublier !
La fin des certitudes XE "Certitudes" , c'est le titre du dernier livre de I Prigogine XE "Prigogine" . Mais un temps des certitudes a-t-il jamais existé ? Personnellement, je suis convaincu du contraire. Car il ne faut pas confondre foi et certitude ; l'homme connaît, bien évidemment des instants de certitude. J'ai la certitude, non justifiée d'ailleurs d'être encore vivant dix secondes après avoir écrit cette phrase...top, certitude vérifiée, a posteriori, mais qui aurait pu se révéler non justifiée si j'avais été soudainement terrassé par une crise cardiaque! Il en existe une multitude d'autres, concernant, par exemple, les propriétés des nombres, ou la succession des jours. Certaines sont d'ordre XE "Ordre" logique, d'autres naissent du sentiment confus qu'un événement est infiniment peu probable, même si l'on ne connaît rien au calcul des probabilités.
Ce que la science a battu en brèche, ce ne sont pas ces petites certitudes XE "Certitudes" ; c'est d'abord le sentiment, beaucoup profond de permanence, d'éternité ; L'homme découvre successivement que le système solaire n'est pas éternel, non seulement parce que notre soleil est une étoile comme les autres, à la vie limitée, mais l'équilibre du système solaire lui-même n'est pas assuré. Infiniment plus proche apparaît aujourd'hui la fin de notre civilisation, voire de l'humanité. L'homme, maître XE "Maître" incontesté de la planète n'a pas ressenti assez tôt la nécessité de respecter les grands équilibres écologiques, les diverses mises en garde, à l'instar de celles de Erda XE "Erda" pour Wotan XE "Wotan" n'ont pas vraiment été écoutées, et il faut bien se rendre à l'évidence, l'homme n'a plus d'autres ressources que de s'en remettre aux mystérieux hasards de la nature. Il a laissé filer la chance qui à un moment lui a été donnée de dominer son destin. Ici encore, comme Wotan, l'homme - ou plutôt certains hommes - a voulu trop, et trop vite. Ce qui s'est effondré aujourd'hui, n'est pas l'idée d'éternité et de certitude, mais une illusion qui n'a jamais cessé d'être reconnue comme telle ; la science, la philosophie, et la poésie sont là pour témoigner que l'homme, dans le fond n'a jamais été dupe. L'homme d'aujourd'hui peut chanter avec Wotan, « Comment pourrai-je, / rusé, me mentir ?» ce qui est révolu, c'est le temps d'un aveuglement complice. L'homme de science nous a révélé que la réalité XE "Réalité" que nous croyions si proche de nous est en fait voilée, et sans être une illusion - car nous devons imaginer quelque chose derrière les phénomènes - est pour nous l'équivalent d'une illusion, dans la mesure où, cette réalité, nous la construisons en grande partie.
AUTONUM La fin
Au cours de la scène 1 de l'acte 3 de Siegfried XE "Siegfried" , Erda XE "Erda" , en partie pour se débarrasser de lui, confie à Wotan XE "Wotan" : « Les actes des hommes / me troublent le courage...», prophétisant ainsi les tourments que les hommes d'aujourd'hui font endurer à leur terre-mère. Les Nornes, filles de la terre-mère, garantes de l'équilibre du monde, voient, au prologue du Crépuscule des Dieux, leur science réduite en poudre: la corde qui leur permettait de tisser le destin du monde, des dieux et des hommes, se rompt sous leurs efforts.
AUTONUM Se succéder à soi-même, dans « l'Autre »
Wotan XE "Wotan" , après avoir décidé le sacrifice de Siegmund XE "Siegmund" à la raison d'état, qui, en l'occurrence n'est que la vengeance d'une épouse délaissée, ne veut plus que la fin ; non seulement sa propre fin, mais celle de tout ce qu'il a crée. En fait, ne sachant s'il doit désespérer du monde ou de lui-même, il se condamne et condamne le monde. Mais la veut-il vraiment cette fin ? Pas plus qu'il ne veut vraiment la mort de Siegmund, et qu'il ne voudra vraiment sa défaite devant Siegfried XE "Siegfried" . Le destin de l'homme, comme celui des objets quantiques est de n'avoir aucune propriété intrinsèque, sauf celles, qui à un instant donné lui sont imposées par les événements et/ou son environnement. Wotan comprend confusément que son rêve de pouvoir XE "Pouvoir" et de domination absolue ne le conduisait qu'à régner sur des esclaves « des hommes dont nous avions / vaincu le courage / liés à nous, / d'obéissance aveugle...». Effacer tout, revenir en arrière, prendre un autre chemin ; Wotan n'a pas besoin d'avoir étudié la thermodynamique XE "Thermodynamique" pour savoir que l'irréversibilité est au cur de tout ce qui vit. Le magicien XE "Magicien" peut faire des merveilles, mais ne peut remonter le temps !
« Comment créer l'Autre / qui ne soit plus moi, / et ferait de soi-même / ce que seul je veux ?». Il faut, comme Schopenhauer XE "Schopenhauer" , croire en la volonté XE "Volonté" comme substance même du monde, pour espérer un tel miracle : se retrouver, dans l'autre avec la même volonté d'être, le même projet. Projet miné par la contradiction puisqu'en même temps cet autre, Wotan XE "Wotan" le veut libre : « Comment créer l'homme libre, / de moi jamais protégé ?
C'est Siegfried XE "Siegfried" , inspiré sans aucun doute par Wotan XE "Wotan" lui-même qui trouve la solution ; mais le dieu, qui a tout fait, tout voulu, connaît malgré tout les angoisses de la mort, de la fin de sa volonté XE "Volonté" . Lorsqu'il brandit sa lance XE "Lance" pour barrer le chemin à son héros, il sait, il souhaite même la défaite, mais il agit en un ultime réflexe de défense.
La solution consiste, non pas à rafistoler les morceaux de l'ancienne théorie XE "Théorie" , comme cherchent à le faire les maîtres maladroits et sans génie, mais à réduire en poudre l'ancien savoir, pour n'en conserver que la substantifique moelle. Car il serait vain de vouloir repartir à zéro ; ce sont les imbéciles prétentieux qui s'imaginent capables de tout recréer par eux-mêmes. Et Siegfried XE "Siegfried" , qui est possédé, sans s'en rendre compte par l'esprit de Wotan XE "Wotan" , n'est pas de ceux-là. Avec l'épée refondue, il tient l'arme qui sert le mieux ses ambitions. Que lui importent maintenant ceux qui lui demandent reconnaissance ; le savoir récupéré, remodelé, il ne demande plus qu'une chose : le chemin. « Mais assez de bavardages : / vite, montre-moi le chemin / à rien d'autre / tu ne me sers:...», lance XE "Lance" Siegfried, méprisant, à Wotan qui tente désespérément d'obtenir du héros un peu de gratitude. Mais l'épée, entre les mains de Siegfried est un instrument dévastateur ; le compromis n'existe plus. La lance, vestige d'un savoir dépassé, vole en éclat ; et lorsque Siegfried se retrouve face à Gunther, il récuse d'emblée toute neutralité ; « Partout, au pays, / on te vante : / battons-nous donc, / ou sois mon ami.», dit-il au fils de Gibich. Le pauvre Gunther, roi vieillissant ne peut guère que se soumettre, «...là où tu marches, / ce que tu vois, / considère-le comme tien:...», répond-il, prudent. Mais qui avance trop vite ne peut assurer ses arrières, et Siegfried connaîtra la fin de ceux qui ne veulent plus regarder en arrière ; ils se retrouvent tout à coup sans soutien et meurent sans même se rendre compte de ce qui leur arrive. Certes la fin de Siegfried est sublime, il meure entre les bras d'une Brünnhilde XE "Brünnhilde" enfin retrouvée, et dont la présence fictive est aussi vraie, que si la Walkyrie était près de lui ; « Ah ! Ces yeux / ouverts pour toujours ! / Ah ! Souffle ivre : ivre de cette haleine !»
*
Pour Siegfried XE "Siegfried" , héros sans dimensions intérieures, dans la mesure où lui-même se veut tout entier dans ses actes, la fin survient d'un seul coup. Wotan XE "Wotan" connaît une lente agonie à laquelle Brünnhilde XE "Brünnhilde" mettra fin, non pas par vengeance, mais par qu'elle sait que le dieu, aussi attend les flammes rédemptrices. Ainsi les trois héros, qui ont connu, entre eux les tensions les plus extrêmes, se retrouvent-ils unis en un lieu si secret qu'à aucun moment il n'y est fait la moindre allusion. Le lieu d'une vérité indicible, mais que chacun comprend, lorsque l'heure est venue :
« Sais-je enfin, ce qu'il te faut ?
tout, tout
tout, je sais tout
tout m'est libre enfin !
Tes corbeaux, je les
entends aussi ;
avec le message attendu
je les envoie tous deux.
Dieu XE "Dieu" , trouve le repos ! »
Des combats intérieurs qui agitent les savants modernes, nous ne savons pratiquement rien. Il y a tous ceux, qui, sur le déclin gardent cependant l'auréole que leur a valu leurs travaux passés. Même s'ils s'accrochent à des postes de responsabilités qu'ils ne peuvent plus assurer, ils s'installent autour d'eux un second pouvoir XE "Pouvoir" qui attend, pour s'exercer pleinement, le départ du maître XE "Maître" , tout en se substituant dans la pratique au pouvoir éventuellement défaillant de celui-ci. Mais, dans d'autres domaines, la lutte peut être impitoyable : sport, politique, art...etc. A notre époque l'ambition de dominer commence de plus en plus tôt, et les moyens employés pour bousculer les anciennes structures XE "Structures" sont souvent considérables.
Il y a le savant - ou disons moins pompeusement le chercheur - qui accepte des sacrifices, des compromissions, faisant passer au second plan ses projets selon son cur, car il garde l'espoir secret de pouvoir XE "Pouvoir" , après, s'accomplir suivant ses vraies aspirations. Mais il arrive nécessairement un jour où il se trouve sur la brèche : triste alternative alors, suicide social ou suicide intellectuel. Mais de ce drame intérieur, personne ne sait jamais rien ; après un moment d'étonnement, le silence tombe sur celui qui disparaît. A moins que le même individu, qui avant aurait ricané d'un tel comportement, devienne sensible aux honneurs, aux décorations, et autres hochets pour enfants sages, et finalement s'épanouisse dans ce naufrage...
Chapitre IV Philosophie
Introduction
Les philosophies sont-elles équivalentes à ces beaux objets du passé, devenus inutiles, sagement rangés au rayon des antiquités, qui n'ont plus que valeur de témoignage, et, éventuellement de beauté intrinsèque ? Autrement dit, ces uvres du passé, ne sont-elles que des moments dépassés de la pensée humaine, uvres mortes, que l'on visite avec respect, admiration et tendresse, mais dont l'usage est aussi puérile que celui des vieux appareils qui font moins vite et moins bien les tâches effectuées par les outils modernes ? Je crois qu'il faut faire preuve, d'aveuglement, de fatuité, et probablement d'ignorance pour tenir un tel langage.
La philosophie poursuit le même but que la science : la recherche de la vérité - même si, aujourd'hui, une telle affirmation peut prêter à sourire. Faut-il faire preuve de candeur pour s'y risquer ? Il ne me semble pas que cette recherche, aussi vieille que le monde habité de conscience, XE "Conscience" ait perdu son actualité, ait changé de nature depuis que l'homme a laissé derrière lui des traces de sa pensée. Faut-il répondre également à l'éternelle question qu'est-ce que la vérité ? Même si c'est là, le vrai problème, il serait aussi vain de tenter d'y répondre que de vouloir définir la pensée elle-même. La vérité est l'expression de la manière dont une conscience perçoit le monde ; partagent la même vérité ceux qui perçoivent le monde de la même façon, et s'expriment de la même façon pour décrire ce qu'ils perçoivent. La vérité la plus évidente est celle qui exprime l'existence d'un fait indiscutable : « il pleut », parce que l'eau ruisselle du ciel, et qu'aucune personne de bonne foi, et disposant d'appareils sensitifs normaux, ne peut nier, à cet instant précis la réalité XE "Réalité" du phénomène. Mais ces vérités triviales sont strictement sans intérêt pour la pensée ; seuls les faits contestables présentent un intérêt, ceux justement dont la réalité, posant des problèmes, va séparer les hommes ! Lorsque l'on s'éloigne de la sphère de ce qui peut être directement appréhendable par les sens, seule la théorie XE "Théorie" permet de définir ce qui doit être considéré comme un fait. Cette remarque a une double conséquence :
- pour être d'accord sur un fait, il faut croire en la même théorie XE "Théorie" ;
- les hommes du passé ne possédant pas les mêmes théories que celles dont nous disposons aujourd'hui, ne pouvaient pas voir le monde tel que nous le voyons, si bien qu'il n'y a aucun sens à vouloir juger de la valeur des vérités qu'ils défendaient.
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Dire que la philosophie et la science recherche la vérité c'est donc affirmer que l'une et l'autre travaillent à l'élaboration d'une vision du monde qui soit reconnue par tous ou plutôt par chacun comme étant sa propre vision. Idée apparemment utopique si l'on exige une identité complète de toutes les visions. Cette identité n'est pas d'ailleurs à souhaiter, car elle marquerait probablement la fin de toute pensée. L'homme vit en effet d'unité et de diversité ; ce qui fait de la pensée humaine une entité vivante, c'est justement la diversité des visions du monde qu'elle propose, et c'est cela que nous offrent les philosophies du passé. On ne peut leur demander de nous livrer une vérité qu'elles sont bien incapables de nous donner, mais elles nous offrent l'irremplaçable possibilité d'exercer notre jugement Pour penser selon notre temps, nous avons besoin des multiples visions du passé. Nous avons besoin, au risque de répéter les mêmes errements, de revivre les tâtonnements, les erreurs, les incohérences même, qui ont amené la pensée jusqu'à sa forme actuelle. L'actualité des grandes uvres du passé ne réside donc pas dans leur contenu, nécessairement dépassé au regard des connaissances actuelles, mais dans une présence indicible, le sentiment qui nous saisit qu'un autre a éprouvé jadis ou naguère, les mêmes élans, rencontré les mêmes problèmes, et cherché à les résoudre avec la même passion et la même détermination. Car ce qui compte, dans les relations humaines, c'est beaucoup plus l'accord sur la pertinence des questions posées que les réponses à ces mêmes questions.
*
La Tétralogie est une uvre délibérément philosophique. Peut-être est-elle inspirée de la philosophie de Schopenhauer XE "Schopenhauer" , mais ce n'est pas évident, même si Wagner XE "Wagner" a subi manifestement l'influence du philosophe. Sans doute ne fait-il même pas preuve d'originalité concernant les situations dans lesquelles il plonge ses personnages. Wagner n'est nullement le prophète d'un éclatement de la conscience XE "Conscience" humaine qui serait le drame que nous vivons aujourd'hui. Les penseurs de tous les temps ont vécu les mêmes déchirements, et tous se sont nourris du même espoir : construire ou tout au moins esquisser, une philosophie, un système de pensée qui permette à l'homme de trouver (ou de retrouver ?) l'équilibre spirituel qui lui manque pour vivre dans la paix et l'espoir. La paix et l'espoir intérieur ; car le monde lui-même ne peut échapper aux turbulences qui sont la condition même de son équilibre. On peut soupçonner aussi qu'il en est de même de l'homme confronté à lui-même, et que l'espoir de paix intérieure rejoint les visées mythiques du paradis ou du nirvana. Il n'y a pas de vie, aussi bien concrète que spirituelle, en dehors d'un mouvement permanent qui assure le renouvellement des formes dont l'absence est synonyme de mort.
Wagner XE "Wagner" , épris de connaissances, a-t-il souffert d'avoir été coupé du formidable mouvement scientifique, qui a commencé au dix-neuvième siècle à bouleverser le monde ? Peut-être certaines de ses uvres littéraires le laissent-elles supposer, mais rien sans doute ne permet de l'affirmer nettement. Il n'en reste pas moins que le personnage à qui il s'identifie le plus, Wotan , souffre, lui du gouffre qui le sépare de la connaissance pure, incarnée par Erda XE "Erda" , que le dieu a pu forcer physiquement, mais sans pénétrer sa conscience XE "Conscience" connaissante. Certes on peut toujours supposer qu'un créateur XE "Créateur" invente de toutes pièces ses personnages, mais est-ce crédible. La même question se pose d'ailleurs pour les interprètes. La plupart se défendent d'être jamais celui qu'il interprète ; mais peut-on jamais jouer un rôle sans être, sur un certain mode, le personnage lui-même ? Le garçon de café de Sartre XE "JP.Sartre" joue son rôle ; mais pourquoi a-t-il justement choisi de jouer ce rôle ?
Jouer à être sur le chemin de la vérité, alors que pour la plupart des hommes, les jeux sont faits. L'illusion est morte, et pourtant elle continue à nous aveugler. Qui nous ? Ceux, bien sûr qui se savent déjà morts, mais à qui la vie colle encore à la peau et qui depuis toujours ont le renoncement en aversion. En vérité, la vérité ne se cherche-t-elle pas plus qu'elle ne se trouve ? Et n'apparaît-elle pas à l'homme, telle Brünnhilde à Siegmund, pour lui signifier qu'il n'appartient plus déjà au monde des vivants.
La connaissance éclatée
L'utopie XE "Utopie" unitaire
L'évolution XE "Evolution" des connaissances semble être dominée par un phénomène irrésistible et irréversible, celui d'un morcellement du savoir de plus en plus profond. L'espace culturel, que Morin XE "E.Morin" , après Teilhard de Chardin XE "Teilhard de chardin" , appelle la noosphère, est ainsi traversé par deux courants contradictoires - mais qui pourraient être aussi complémentaires - l'un qui fait éclater les bases axiomatiques et conduit à une prolifération de systèmes autonomes, l'autre qui cherche à promouvoir une unité de l'homme - et de la connaissance - à travers la diversité de ses lectures du monde.
La croyance au mythe unitaire est une maladie infantile dont nous ne guérissons jamais. Et pourtant n'est-ce pas là la racine même de tous les espoirs que tous nous mettons dans l'avenir de lhomme ? Est-il cependant raisonnable de croire en l'unité de la pensée humaine ? La complexité des phénomènes liés à la conscience XE "Conscience" , l'évidence des divergences fondamentales qui séparent les philosophies, ne doivent-elles pas nous désespérer à tout jamais ? Logiquement le désespoir devrait nous empêcher de développer le moindre projet, à partir du moment où la réflexion l'emporte sur l'action ; mais la neurobiologie moderne nous permet peut-être de comprendre cette étrange faculté que nous possédons de persévérer alors que nous avons la quasi certitude de l'inanité de nos efforts : notre cerveau XE "Cerveau" réagit de façon presque identique à nos actes réels et à la simple pensée de ces actes. Ce mode imaginaire de l'agir, satisfait peut-être suffisamment nos désirs pour alimenter notre volonté XE "Volonté" de vivre. Mais l'illusion n'a qu'un temps, et Wotan finit par renoncer à sa quête, et se donne la mort par Brünnhilde interposée.
Wotan construit - ou plutôt, fait construire - le Walhall pour y construire l'unité du monde ; c'est la méthode suivie par tous les grands bâtisseurs de systèmes, de Platon XE "Platon" à Husserl XE "Husserl" , en passant par Aristote XE "Aristote" , Kant XE "Kant" , Hegel XE "Hegel" , et bien d'autres. Le temps des grandes constructions dont l'ambition avouée, était de donner un fondement total et définitif à la totalité du savoir humain est bien révolu. La construction actuelle des grandes banques de données ne doit pas faire illusion ; il ne s'agit plus de savoir humain, mais d'une nouvelle tour de Babel simple juxtaposition de connaissances n'offrant à la conscience XE "Conscience" - ou la pensée - que le symbole de sa faiblesse et de son impuissance.
Quelle unité est aujourd'hui pensable, en dehors du rêve de Wotan - qui n'est pas mort, loin de là ! - de soumettre les hommes à un ordre XE "Ordre" qui n'est que le fantasme d'un seul ? La réponse est d'une navrante évidence : dans le respect réciproque des individus. Navrante, car l'immense majorité des hommes est prête à accepter ce qui n'est même pas une contrainte puisque aucun sacrifice n'est demandé. A l'exception de la reconnaissance d'une autre évidence : il n'y a pas de vérité absolue. Les systèmes politiques, les religions, les dogmatismes de toutes espèces n'ont fait, pour s'imposer que construire des bases axiomatiques purement arbitraires, et qui en fait de vérité n'avaient d'autre vertu que d'assurer à un moment donné la domination d'un seul ou d'un groupe.
Le personnage de Wotan sidentifie, comme on l'a vu, à celui de Odin. Il y a pourtant dans leur origine une différence notable qui caractérise probablement un apport de Wagner XE "Wagner" . Odin gagne le pouvoir XE "Pouvoir" en s'imposant de cruelles tortures, restant neuf jours pendu par les pieds au frêne du monde, sans manger ni boire, blessé volontairement par sa propre lance XE "Lance" ; après quoi, il ramasse les Runes. Odin ne fait donc que se saisir d'un pouvoir qui existe déjà, et doit simplement être conquis (en l'occurrence, en s'imposant certaines épreuves) ; Wotan grave les Runes, il invente la loi, sa loi. La nuance est importance, car Odin impose une loi naturelle, alors que Wotan définit la sienne contre la nature, d'où la mort de l'arbre XE "Arbre du monde" du monde.
Il n'existe plus de lois naturelles assez puissantes et contraignantes pour imposer à l'homme le respect de la nature ; mais il est probable que les lois qui n'en existent pas moins pour autant agissent d'une façon lente et pernicieuse, et dont le non-respect mine lentement les bases biologiques de l'existence humaine. Ainsi le Frêne XE "Frêne" du monde, blessé par Wotan dépérit : « Au cours de temps très longs / la blessure rongea les bois ; / fauves tombèrent les feuilles...», chante la première Norne, au début du Crépuscule des Dieux. La seule chance qu'il reste à l'homme, et que Wotan n'a pas su saisir, c'est de renoncer au pouvoir XE "Pouvoir" arbitraire qui ne peut se maintenir qu'au sein de systèmes artificiellement unitaires.
Wotan échoue car il commence par poser les lois ; c'est le fait de tous ceux qui ont décidé, quoiqu'il arrive de ne pas tenir compte des autres, de n'en faire que des esclaves. Lorsque le système de contraintes artificielles commence à se fissurer, naît alors le désir - mais né de la contrainte - chez le maître XE "Maître" d'unifier par consentement mutuel, mais il est déjà trop tard ; Wotan rêve de l'alter-égo mais lorsqu'il a déjà perdu la partie !
Pour que naisse l'unité véritable, il faut d'abord que tous les maîtres soient anéantis ; il faut un incendie du Walhall. Il faut que la corde des destinés soit rompue, que l'ordre XE "Ordre" ancien soit devenu impuissant. Il faut d'abord atteindre un état de vacuité doctrinal, un agnosticisme qui ne soit pas nihilisme, mais espace vide, prêt à recevoir sans heurt, tout ce qui, aussi loin que l'on remonte dans les prémisses de toute pensée est en contradiction absolue. Autrement dit, les philosophies, contradictoires au sein d'un même ensemble, doivent pouvoir XE "Pouvoir" se côtoyer avec la même sérénité qu'en mathématique. Malheureusement cette position ne conduit à aucune solution car, paradoxalement, l'agnosticisme, se retrouve alors comme ennemi commun à abattre, et fait contre lui l'unanimité de tous les sectarismes, ce qui démontre, en quelque sorte leur faiblesse ; car la seule méthode pour assurer la cohésion d'un groupe idéologiquement mal fondé est de maintenir vivante l'idée d'un ennemi extérieur à qui il faut continuellement faire face. Wotan a besoin d'Albérich pour insuffler la foi à ses héros.
Et pourtant, toute pensée qui n'accepte de motivation que la recherche de la vérité à besoin de s'exercer dans cette vacuité, qui n'est pas plus vide que le vide quantique XE "Quantique" , et recèle toute l'énergie nécessaire à la création du monde. Cet espace est, il me semble, celui même de la philosophie, qui devrait se définir comme l'absence de toute idéologie. Comment développer une pensée ne reposant sur aucun système ? L'utilisation d'un langage n'est-elle pas déjà un choix idéologique, Suffit-il d'être conscient de l'impossibilité de ne pas adopter un système minimum de référence, pour avoir la capacité d'en soustraire les effets relativistes ? Manifestement il est impossible de sortir de ce cercle. Il faut accepter cette situation exactement comme le physicien doit accepter la médiation de ses sens pour atteindre cette source incertaine des phénomènes qu'on nomme le réel. Tout ce qu'on peut dire, c'est que l'existence même du débat philosophique, définit en filigrane un espace commun, où même si les mots et les concepts révèlent une variabilité déconcertante, l'échange est cependant possible. Il est d'ailleurs curieux de constater que la critique philosophique, et surtout l'enseignement de la philosophie suppose l'existence d'un référentiel absolu à partir duquel on peut juger de la valeur des systèmes ; il n'est alors guère étonnant de constater que chacun à la quasi certitude de développer sa pensée dans un espace qui à l'instar d'un espace euclidien n'agit en rien sue les corps d'épreuve. C'est ainsi qu'un philosophe se sent en mesure de juger ceux qui l'ont précédé. Critiquer c'est toujours plus ou moins dénoncer une erreur ; certes les jugements peuvent être nuancés, mais le fait est là, ne pas être entièrement d'accord avec un énoncé, c'est reconnaître en lui une part de fausseté. Or la logique classique, dominée par la règle du tiers-exclus, ne connaît que le vrai ou le faux. Mais la logique classique ne connaît, ni le temps, ni la contextualité ; une proposition A est immuable et garde sa valeur de vérité quel que soit le contexte, ce qui ne peut être le cas d'une proposition philosophique.
Difficile vérité !
Il paraît déraisonnable d'admettre que puissent être également vraies des positions aussi radicalement contradictoires que celles qui postulent l'existence de Dieu XE "Dieu" et celles qui nient toutes formes de transcendance XE "Transcendance" . Mais l'illusion vient de ce que nos modes de pensée sont naturellement dominés par la logique bivalente des mathématiques XE "Mathématique" . Si la philosophie veut être l'espace d'un débat honnête et juste, elle doit se débarrasser de cette logique qui n'est adaptée qu'aux systèmes formalisés où sont explicités complètement les axiomes XE "Axiomes" et les procédés de déduction.
Essayons d'illustrer sur un exemple dont il a déjà été question, les difficultés qu'il y a d'utiliser, même en physique théorique, la logique bivalente. Considérons l'expérience dinterférence décrite plus haut. Soit A la proposition : « le trou 1 est ouvert », B la proposition « le trou 2 est ouvert ». A' : « position de l'impact sur l'écran lorsque A est ouvert, B' : « position de l'impact sur l'écran lorsque B est ouvert » : Pour toute logique, on a les implications suivantes : A(A' et B(B'. En logique bivalente, on en conclut que A(b( A'(B'. Mais en vertu des interférences la conclusion ne tient pas en physique. Les propositions A et B sont en fait corrélées, ce dont la logique bivalente ne peut tenir compte !
Cela ne signifie nullement que les catégories ordinaires du langage sont à rejeter. Rappelons que la logique sous-jacente à nos actes quotidien est la logique mathématique qui apparaît comme la base minimum sur laquelle repose la simple possibilité d'échange ; le vrai problème est de délimiter très précisément les limites de sa validité. Voici par, exemple, le point de vue d'un physicien, philosophes des sciences, M Bitbol : « Il faut en effet rappeler que les scientifiques ne sont habilités à exprimer leur accord ou leur désaccord sur l'objet qu'ils visent qu'à condition d'être adossés sur un accord minimal préalable et tacite à propos des moyens d'étude de cet objet. Or utiliser le langage courant pour décrire l'instrumentation, c'est tenir d'emblée ce dernier accord pour accessible. Se servir du langage courant pour décrire les appareils, ce n'est certes pas émettre un quelconque jugement sur l'opportunité de leur appliquer la dichotomie substrat-déterminations, mais c'est en faire un présupposé de tous les jugements.». Le texte qui concerne la notion d'objet en mécanique quantique XE "Quantique" , est facilement transposable à notre sujet, au lieu de définir les conditions concernant l'objet physique, les philosophes doivent, à l'aide du langage ordinaire définir les conditions les concepts. Ainsi, par exemple, c'est dans le cadre d'une logique bivalente - celle qui domine le langage ordinaire, que ce définit les conditions de validité d'autres logiques XE "Logique" (trivalente, modale, ou à une infinité de valeurs de vérités).
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Mais qu'entend-on exactement par vérité ; car ce mot est continuellement utilisé comme si sa signification allait de soi, mais lorsque des discussions ont lieu autour du concept, on s'aperçoit tout à coup que plus personne n'est d'accord sur un sens précis. Etymologiquement le mot est lié à réalité XE "Réalité" , est vrai ce qui est réel, autrement dit ce qui est conforme aux faits ; par extension, est vrai, ce qui est conforme au dogme. C'est évidemment une perversion de la notion de vérité, mais qui est aisé à comprendre : les livres saints sont censés rapporter des faits indubitables dont le croyant doit accepter la vérité sous peine d'être exclu de la communauté. Il faut reconnaître que, dans son principe, la vérité fonctionne toujours selon ce principe. Il y a, à un moment donné de son développement, une certaine vérité pour la science qu'on ne peut mettre en doute qu'à un certain niveau. J'ai évoqué plus haut le cas de la chute des corps, dont Aristote XE "Aristote" disait que la vitesse était proportionnelle à la masse ; ce qui était grossièrement faux.
Une notion élargie de vérité : la vérisimilitude XE "Vérisimilitude" - ou vérisimilarité - selon K Popper XE "Popper" .
Un énoncé comme « nous sommes aujourd'hui mardi », est faux si aujourd'hui nous sommes Lundi ; mais demain il sera vrai, contrairement à l'énoncé « 2=3 », qui lui est toujours faux. Certains énoncés possédant donc ainsi une sorte de potentiel de vérité, que Popper XE "Popper" appelle « contenu de vérité ». Je ne retiendrai ici que l'idée elle-même, les développements de Popper n'étant pas toujours très clairs, et tendent à une quantification de ce contenu de vérité, ce qui ne présente pas d'intérêt pour notre sujet.
Une autre raison me pousse à ne pas approfondir l'approche de Popper XE "Popper" est l'ambiguïté, dès le départ de son propos ; je soulève ce point de détail pour donner quelques indications sur la notion de logique classique bivalente. Nous ne considérons que les propositions définies, et écartons les formes propositionnelles telles que « x a telle propriété », qui ne prend une valeur logique déterminée, vrai ou faux, que si la variable x est spécifiée. Ceci précisé, le moteur de la déduction logique, donc mathématique est le critère de déduction, reposant sur la notion clé de la logique, l'implication que l'on écrit : A(B, qui est lue La proposition A entraîne ou implique B ; ou encore si A alors B. On dit alors que B est une conséquence logique de A. Le critère de déduction lui-même affirme que si A et A(B, sont vraies, alors B est vraie. C'est ainsi que fonctionnent tous les théorèmes mathématiques XE "Mathématique" ; C'est la forme fondamentale du syllogisme.
La première difficulté qui se présente est que l'implication n'est pas un symbole primitif de la logique qui ne repose que sur deux notions : La négation notée bêtement « non » et la disjonction non exclusive « ou ». Alors A(B est équivalente à « non A ou B ». Contrairement à l'opinion commune cette équivalence est bien conforme à l'intuition du non-logicien, c'est-à-dire à celui qui utilise, sans le savoir la logique dans tous ses actes quotidiens. Si je dis « S'il fait beau, je vais me promener » est bien identique à dire : « il ne fait pas beau, ou je vais me promener » (remarquons que je ne mens pas s'il fait mauvais et que je vais quand même me promener ; je n'ai énoncé quelque chose de faux que s'il fait beau et que je ne vais pas me promener. La conséquence apparemment paradoxale de cela est qu'une implication est automatiquement vraie, si sa prémisse est fausse, ainsi, toute implication commençant par « Si 2=3 » est alors est vraie. La sagesse populaire l'a d'ailleurs fort bien compris, puisque c'est le sens des affirmations : avec des « si », on mettrait Paris en bouteille, ou « tu réussiras quand les poules auront des dents » et plus vulgairement, « Si ma tante en avait... ». Toutes ces affirmations, qui sont des implications (Si...les monuments sont réduits à la taille d'une tête d'épingle, alors Paris tient dans une bouteille ; Si les poules ont des dents, alors tu réussis, si je commence par affirmer une énormité, d'un raisonnement exact, l'implication, je peux tirer n'importe quoi. Remarquons, pour finir, que cette circonstance (la vérité d'une implication de prémisse fausse, ne gène en rien la déduction, puisque le critère de déduction ne s'applique que si la prémisse est vraie !
Venons en maintenant au cas de Popper XE "Popper" ; il nous dit : « Mais cet énoncé faux entraîne un certain nombre d'énoncés vrais» Au regard de la logique classique une telle phrase ne veut pas dire grand-chose, hormis l'idée que la proposition fausse est tenue pour vraie, seule façon d'utiliser le critère de déduction ; en soi, il n'y a là rien de choquant, puisque c'est sur ce principe que repose la méthode de démonstration par réduction à l'absurde. Rappelons que la méthode consiste à poser vraie, une proposition que l'on sait fausse, par exemple nonA ; on déduit alors de cet « axiome » supplémentaire une contradiction, dans la théorie XE "Théorie" obtenue, ce qui nécessite le rejet de cet « axiome ». C'est alors que joue le principe du tiers exclu : si non A est fausse, c'est que A est vraie.
Le rejet des théories contradictoires est motivé par le fait que tous ce qui est affirmé à l'intérieur de telles théories est vrai. La preuve est très simple. Supposons donc vraies A et nonA. En vertu de la définition du « ou » logique « non A ou B » est vraie pour n'importe quelle proposition B, c'est-à-dire A(B, mais A étant vraie, le critère de déduction donne B vrai ; autrement dit toutes les propositions sont vraies dans cette théorie XE "Théorie" .
Autrement dit si une proposition fausse, dont la négation est alors vraie, est tenue pour vraie, son « contenu de vérité » selon Popper XE "Popper" , est la totalité des propositions ! .Il n'est guère convenable de suspecter K Popper de confusionnisme, simplement, comme beaucoup de penseurs, il laisse implicite beaucoup trop de données fondamentales pour que son discours soit explicite, et surtout donne prise à la critique.
Comment peut-on parler, à l'intérieur d'un système dominé par la logique de propositions fausses ayant un contenu de vérité au sens de Popper XE "Popper" ? S'appuyant sur les idées de Tarski, Popper fixe à 0 le contenu de vérité des énoncés tautologiques. Cette définition est justifiée par le fait que de tautologies on ne peut déduire que des tautologies ; il s'agit de sorte de récipients vide qui n'ont d'autre intérêt que de donner une forme à la matière propositionnelle. D'un point de vue pratique, les vérités qu'elles représentent sont triviales et donc sans intérêt.
Considérons l'univers du discours philosophique, dans un sens très large de tout ce qui intéresse l'esprit humain. Conformément à ce qui a été suggéré plus haut, il n'y a d'échange possible que sur un fonds logique du discours accepté par tous. Ces vérités ne peuvent faire l'objet réel d'aucun débat ; elles sont un ensemble de présupposés irréductibles. Lunivers du discours doit alors être considéré comme une concaténation et une juxtaposition de systèmes, qui tels les arbres d'une forêt, ont leur autonomie propre mais croissent dans la même terre ; un arbre XE "Arbre du monde" étant lui-même un système de théories issues d'un tronc commun. Les systèmes se faisant mutuellement de l'ombre, pour le meilleur et/ou le pire. Le substrat commun - la terre - est cette logique, appelons-la L0 qui finalement fait l'objet des recherches d'un Tarski, mais autour de laquelle on ne peut que tourner, sans jamais vraiment le pénétrer. Qu'en est-il, dans un tel univers des propositions valides ? Les points à examiner sont les suivants
- Les propositions doivent avoir un sens dans la totalité de l'univers, donc être bien formées, conformément aux règles propres de chaque système.
- La validité d'une proposition ne peut être examinées que si elle est valide relativement à LO ; personne, par exemple ne peut se soustraire au principe de contradiction, qui entraîne, ipso facto, l'équivalence logique de la totalité des propositions de l'univers, donc la disparition de la notion de vérité.
La notion de contenu de vérité ne peut prendre de sens que si l'on compare ce que devient une même relation lorsqu'elle est interprétée dans des théories différentes. Encore faut-il que cette interprétation soit possible ! Je ne peux ici qu'ébaucher une vue générale du problème. Reprenons l'image de la forêt. Certains systèmes de théories sont symbolisés par un arbre XE "Arbre du monde" ; cela signifie qu'elles sont mutuellement plus dépendantes que les arbres eux-mêmes. Les théories qui ont un tronc commun sont comparables. Ont dit qu'une théorie XE "Théorie" Test alors plus forte qu'une théorie T', si, utilisant le même langage, les propositions vraies, ou théorèmes de T' sont des théorèmes de T. Autrement dit, il y a, pour une vision globale, des propositions vraies pour T qui ne le sont pas pourT'. La théorie T contient plus d'axiomes XE "Axiomes" que la théorie T', ce qui fait que les objets s'enrichissent en propriétés, mais perdent de leur pouvoir XE "Pouvoir" analogique. Ainsi le contenu de vérité d'une proposition dépend du système ou elle est interprétée et ne peut certainement pas être mesuré.
Par contre, placée dans une théorie XE "Théorie" où elle est vraie, on peut, au sens de Tarski parler de sa classe de conséquences, dans cette théorie, comme tout ce qu'on peut en déduire à l'aide du critère de déduction. Plus une proposition prendra de place dans des théories différentes, plus son contenu de vérité sera grand.
Ainsi, aussitôt que des théories diffèrent, aussi peu que ce soit, par leur contenu axiomatique, les mêmes propositions ne peuvent avoir le même contenu de vérité. Pire, ceux qui s'enferment dans un système qu'ils considèrent comme univers réel, ne peuvent que juger faux dans l'absolu ce qui ne prend pas place dans leur système.
La notion de force d'un système ne permet pas d'organiser hiérarchiquement l'univers du discours, dans la mesure où les bases axiomatiques, implicites, ou explicites sont la plupart du temps différentes.
Cet univers du discours est propre à la conscience XE "Conscience" - peut-être faudrait-il mettre une majuscule au mot conscience pour marquer son caractère intersubjectif, mais cette caractéristique de la matière pensante fait partie de la base axiomatique commune à tous les systèmes. En tout cas de tous ceux qui se situent dans une perspective humaine - il semble naturel alors de considérer que le contenu indiscutable de vérité doive se définir par rapport à la réalité XE "Réalité" , c'est-à-dire aux faits. Mais l'espoir est illusoire pour des raisons que nous avons déjà longuement explicitées, et dont les principales sont :
- C'est en fait la théorie XE "Théorie" qui définit ce qui est un fait. Et la physique moderne est là pour témoigner combien, même dans le pur domaine de la science, il est bien difficile de s'accorder en ce qui convient d'accepter comme un fait. Dans la mesure où les théories sont multiples, elles ne permettent donc jamais de voir exactement la même chose concernant cependant des situations identiques ; et c'est encore pire lorsque les faits ne sont pas reproductibles, comme par exemple les faits paranormaux.
- Nous ignorons en fait ce qu'il convient de considérer comme la réalité XE "Réalité" . Nous savons nos sens incapables de nous révéler le monde en soi, et la médiation des instruments ne fait que placer la difficulté à un autre niveau.
Nous sommes maintenant en mesure de définir qualitativement ce qu'on peut entendre par contenu de vérité d'une proposition :
- (1) celui-ci sera d'autant plus étendu que le nombre de théories où la proposition est interprétable est élevé ;
- (2) Il sera fonction des classes de conséquences de la proposition dans chaque système.
Il semble cependant que toute quantification soit impossible.
En résumé, il y a deux ordres de vérités ; le premier qui contient les tautologies, évidentes pour tous et qui n'intéressent personne ; le second qui est l'objet de tous nos efforts intellectuels, qui en apparences sépare les hommes, mais qui les unit bien plus profondément qu'il ne les sépare puisque c'est autour de la recherche des vérités essentielles que convergent tous les efforts humains dans le domaine de la pensée. La fin des certitudes XE "Certitudes" une fatalité ? Plutôt l'espoir que donne un monde éternellement ouvert. La vérisimilitude XE "Vérisimilitude" d'une proposition ne nous donne aucune garantie sur sa vérité, mais elle nous aiguille vers les théories les plus propres à nous faire avancer dans la connaissance de notre monde... et de nous-mêmes.
Le dialogue est-il possible ?
C'est à l'intérieur de l'univers des discours philosophiques que s'effectuent tous les débats qui ont finalement comme seul enjeu la vérité. Bien que chacun soit constamment immergé dans cet univers, d'une façon aussi nécessaire que nous sommes dans le monde physique, l'illusion est tenace que nous avons la capacité de prendre un point de vue extérieur. Et manifestement cette illusion est intersubjective ; des hommes discutent de leurs propres convictions, en s'imaginant être impartiaux, même et surtout peut-être, envers eux-mêmes.
L'affrontement
L'univers dont nous parlons ci-dessus est le plus souvent un lieu d'affrontements qui, c'est le moins qu'on puisse dire, manquent de courtoisie, et plus gravement manifestent un refus de considérer l'autre comme interlocuteur valable, alors que, dans la plupart des cas, chacun reconnaît la valeur intellectuelle de l'autre. Que dire alors de celui qui tente de parler, bien qu'aucune compétence officielle ne lui soit reconnue !
Voici quelques exemples, glanés au hasard XE "Hasard" de mes lectures. Feyerabend. « Les idées de Popper XE "Popper" sont à oublier, le plus rapidement possible sera le mieux [...] Mais la simplicité offerte par Popper ne résulte pas de la perspicacité, mais de la simplicité d'esprit » (opus cité page 221). Il ne faut rien payer pour cette liberté XE "Liberté" ou pour échanger un esclavage (le puritanisme positiviste) contre un autre (la science pidgin de Popper). Que Popper soit critiquable, personne n'en doute, mais n'y a-t-il pas là des attaques gratuitement blessantes et qui ruinent toutes possibilités de dialogue ? Pour que soit possible l'échange d'idées, et partant, les progrès dans la connaissance, il faut que certains prennent le risque de se montrer, de parler, donc de se tromper. Que chacun reste dans sa coquille, se contentant de ressasser les auteurs du passé, et s'en est fait de toute pensée vivante.
Citons également les attaques de R Thom XE "Thom" contre E Morin XE "E.Morin" et H Atlan: Après avoir cité des uvres célèbres de J Monod XE "Monod" , E Morin, H Atlan, I Prigogine XE "Prigogine" et I Stengers, l'auteur poursuit (page 61:
« Les philosophies sous-jacentes à ces diverses uvres sont diverses, parfois même opposées. Mais, assez curieusement, elles ont toutes un trait commun, à savoir : toutes glorifient outrageusement le hasard XE "Hasard" [...] Je voudrais dire d'emblée que cette fascination de l'aléatoire témoigne d'une attitude antiscientifique par excellence. De plus, dans une large mesure, elle procède d'un certain confusionnisme mental...». Puis plus loin (page 77) « Pourquoi, en France la race des vrais épistémologues, celle des Poincaré XE "Poincaré" , des Duhem, des Cavaillès, Koyré, paraît-elle éteinte ? ». Thom XE "Thom" a fait le vide, il ne reste donc plus que lui, maître XE "Maître" du terrain. Mais malgré son génie mathématique, et peut-être à cause de ce génie, a-t-il vraiment tout compris de la façon dont les épistémologues fustigés par lui font intervenir le hasard dans leurs propos ? (Le déterminisme XE "Déterminisme" étant l'un des thèmes sous-jacents à la Tétralogie, nous y reviendrons plus loin.)
Ce n'est évidemment pas la polémique qui est choquante ; même si les protagonistes de ces joutes ne sont pas prêts à le reconnaître, ils ont une dette envers ceux qui défendent des idées contraires aux leurs. Mais il est difficile d'imaginer des hommes aussi prodigieusement intelligents que Thom XE "Thom" se laisser aller à des débordements qui ne sont pas justifiés. On a vraiment le sentiment qu'il se révolte contre l'idée que son propre destin ait pu devoir quelque chose au hasard XE "Hasard" . Croit-il vraiment qu'il y a un au-delà du déterminisme XE "Déterminisme" et du hasard où s'épanouirait la liberté XE "Liberté" humaine ? Non, nous sommes bien, nous et notre conscience XE "Conscience" , fruit du hasard et de la nécessité.
Le mythe de l'harmonie sociale
L'homme pense et crée dans un monde qui, pour lui, n'est pas celui où il vit. La pensée de Wotan est au Walhall, mais il vit dans le monde, lorsqu'il prend conscience XE "Conscience" de la comédie qu'il se joue à lui-même, il ne peut que vouloir la fin, toute fuite vers un troisième monde n'ayant aucun sens et tout retour étant impossible.
L'artiste, le savant, s'imagine également jouer un rôle - de comédien - dans un monde qui n'est pas celui où il vit. A l'ingénu qui refuse cette duplicité qui fait que le monde est miné par la mauvaise foi, on fait sentir, plus qu'à tout autre, les réalités de l'existence. Ainsi, l'immense majorité des adolescents ne poursuivent pas des études mus par un idéal de connaissances, mais pour s'assurer une position sociale intéressante. Ce ne sont pas ses potentialités propres qu'on s'efforce de développer en lui, mais des réflexes intégrateurs conformes à la morale sociale dominante. Wotan, toujours lui, crève de participer, malgré lui à cette mécanique implacable qui ne sait que reproduire le même modèle : « Avec dégoût, toujours / moi-même je retrouve / dans tout ce que jobtiens !».
On doit à G Dumézil XE "Dumézil" , la « découverte », de l'idéologie trifonctionnelle, dont il a déjà été question au chapitre I ; c'est en étudiant les grandes épopées mythiques comme le Mahäbhärata XE "Mahäbhärata" , et d'une façon plus générale, les mythes XE "Mythes" et épopées indo-européens. Selon les paroles même de G Dumézil (Heur et malheur du guerrier, Flammarion, page 8 et 9), les sociétés humaines sont structurées en trois classes :
- Première fonction: « administration du sacré XE "Sacré" , du pouvoir XE "Pouvoir" et du droit[...]qui touchait de près les hommes de savoir et de pouvoir, les prêtres et les chefs...»
- Deuxième fonction : « (celle) de la force physique ». Classe assez mal définie car ceux qui possèdent la force sont bien souvent liés au pouvoir XE "Pouvoir" . C'est avant tout la classe des guerriers.
- Troisième fonction : « de l'abondance et de la fécondité [...] abondance en hommes et en biens (richesse) nourriture, santé, paix, volupté...etc.»
C'est de cette répartition des tâches que devrait naître l'harmonie ; malheureusement la majeure partie de l'humanité, comme nous l'avons déjà souligné - constitue une quatrième classe, celle des intouchables, ceux qui nexistent pas - sont oubliés dans cette classification. Et comme les tensions sont nombreuses, à l'intérieur des classes et entre les classes, il n'y a d'équilibre, que par l'exercice de la force et de la contrainte, ce qui ne peut jamais durer très longtemps.
Cette tri-partition s'applique d'une façon évidente aux personnages de la Tétralogie ; Wotan incarne la première fonction, accompagné de son double maudit, Albérich, la deuxième est représentée, chez les dieux par Donner et son marteau, puis par Siegfried, bien que le héros semble, tel Brünnhilde transcender toute classification ; pour la troisième, il y a Fréia, qui se retrouve avec les géants Fasolt XE "Fasolt" et Fafner XE "Fafner" , et aussi avec Mime XE "Mime" , dans une opposition qui est l'homologue de celle de Wotan et Albérich. On est tenté de placer le couple de jumeaux XE "Jumeaux" , Siegmund et Sieglinde sous le signe de la troisième fonction, mais plutôt pour leur trouver une place.
Siegfried a, de toute évidence, des traits caractéristiques de deuxième fonction, mais, à l'instar dArjuna (voir note), peut également appartenir à la première. Nous sommes alors presque contraints à placer Brünnhilde dans la troisième fonction, bien qu'elle ait des traits correspondant aux deux premières. Nous pouvons alors tenter d'établir un double lien entre ces trois fonctions, la Tétralogie, et la trilogie qui a manifestement inspiré les conceptions artistiques de Wagner XE "Wagner" : la poésie, la danse et la musique. Pour Wagner, la poésie c'est le langage exprimé par les mots lié à l'entendement, et la musique le sentiment, lémotion : « l'entendement naquit du sentiment [...] l'entendement doit à son tour féconder le sentiment [...] la parole intellectuelle est poussée à se reconnaître dans le son, et le langage des sons à se voir justifié par celui des sons.».
La poésie, langage de l'entendement, instrument du savoir est dans l'analogie que je me propose de développer, l'homologue de la première fonction, c'est l'élément masculin, la musique, domaine de la beauté pure représente alors la troisième fonction, et la danse, expression du corps, dont la qualité principale est la force physique, la seconde. Ainsi, et c'est en partie la thèse de Nattiez XE "Nattiez" , la Tétralogie peut être lue comme rapport conflictuel des trois grandes formes d'art, la danse simplement en filigrane, et dans la gestuelle des personnages servant plutôt de support au drame qui se joue entre la poésie et la musique qui s'achève par la victoire de celle-ci, en la personne de Brünnhilde ; une victoire toute relative, puisque le Crépuscule des Dieux s'achève par la Rédemption par le feu XE "Feu" , où finalement fusionne, dans les flammes, le père et la fille, la poésie et la musique. Ainsi le thème de l'amour XE "Amour" rédempteur qui conclut musicalement le Ring est celui de la fusion, enfin des deux arts majeurs que sont la poésie et la musique.
Le Crépuscule des Dieux se conclut sur l'harmonie totale entre la musique et la poésie, mais seulement à la fin, lorsque se sont tues, et la poésie et la musique ; c'est aussi l'instant, peut-être le court instant où le peuple, témoin de la fin des dieux est uni dans la contemplation de l'effondrement des anciens pouvoirs.
Wagner XE "Wagner" a probablement poursuivi un rêve impossible : créer un art total qui se confonde avec la vie elle-même, cet art étant l'espace où l'union totale soit possible. Mais, après tout, peut-être a-t-il réussi ; n'y a-t-il pas avec la grand-messe annuelle de Bayreuth, une communion totale, éphémère, certes, mais qui renaît chaque année.
La volonté XE "Volonté"
Tu parles à ta volonté XE "Volonté"
me disant ce que tu veux
qui suis-je
sinon ta volonté XE "Volonté"
Brünnhilde, La Walkyrie, acte II, scène 2.
Schopenhauer XE "Schopenhauer"
On sait l'influence décisive de Schopenhauer XE "Schopenhauer" sur la pensée wagnérienne, et donc sur la philosophie implicite de la Tétralogie : Wagner XE "Wagner" a conçu le Ring, en même temps qu'il découvrait l'uvre du philosophe.
Schopenhauer XE "Schopenhauer" fait reposer sa philosophie sur la notion de volonté. XE "Volonté" Pour lui c'est le principe de toute chose, aussi bien des comportements humains, que de celui des animaux ; non seulement c'est aussi le principe à la base du métabolisme de tout ce qui vit, mais celui de tous les phénomènes matériels.
Pour Schopenhauer XE "Schopenhauer" , la conscience XE "Conscience" humaine, dans l'acte réflexif s'oppose à l'expression brutale de la volonté XE "Volonté" , celle-ci dominant les comportements instinctifs. Selon le philosophe, le propre du génie serait dans la capacité d'un individu de s'affranchir de l'esclavage de la volonté.
« Par suite, la génialité consiste dans une aptitude à se maintenir dans l'intuition pure et à s'y perdre, à affranchir de l'esclavage de la volonté XE "Volonté" la connaissance qui lui est originellement asservie [...] C'est à croire que, pour que le génie se manifeste dans un individu cet individu doit avoir reçu en partage une somme de puissance cognitive qui excède de beaucoup celle qui est nécessaire pour le service d'une volonté individuelle ; c'est cet excédent, qui devenu libre sert à constituer un objet affranchi de la volonté...».
Il n'y a donc, dans la volonté XE "Volonté" pure, aucune place pour la réflexion, pour finalement La conscience XE "Conscience" de soi. C'est cette pure volonté qui conduit Wotan à la source, le pousse à accepter L'échange, la perte de son il gauche. De cet instant naît la conscience de Wotan qui est perte de la plénitude de l'en-soi.
Après l'épisode de la source c'est une volonté XE "Volonté" consciente, donc amoindrie, qui anime Wotan ; il grave les runes XE "Runes" sur la lance XE "Lance" sacrée, symbole de son désir de puissance et de domination. On ne peut donc confondre volonté et désir de puissance et de domination, même si Nietzsche XE "Nietzsche" utilise l'expression volonté de puissance XE "volonté de puissance" . Ce qu'on peut cependant dire c'est que ces deux composantes fondamentales de l'Être sont intimement liées, et sans doute inséparables.
Wotan commence sa longue confession face à Brünnhilde par les mots : « Lorsque la joie d'amour XE "Amour" / de ma jeunesse pâlit, / mon esprit aspira au pouvoir XE "Pouvoir" ». Puis plus loin : « Mais je ne voulais / renoncer à l'amour, / puissant, j'y aspirais encore.» L'opposition amour/pouvoir est d'autant plus marquée, à ce moment qu'Albérich est immédiatement évoqué : « Albérich, en brisa les liens (de l'amour), / il maudit l'amour, / et en le maudissant, / gagna l'or lumineux du Rhin / et par lui un pouvoir sans bornes.» (La Walkyrie, acte II, scène 2.). Il est alors manifeste que l'amour est du domaine de la volonté XE "Volonté" pure, moteur essentiel de la nature, alors que le pouvoir est de l'ordre XE "Ordre" de la culture. En ce qui concerne l'amour, Schopenhauer XE "Schopenhauer" n'est pas loin, on trouve en effet dans Métaphysique de l'amour (10/18, page 42) : « Dans cette opération (le commerce amoureux) il ne s'agit pas, comme partout ailleurs, du bonheur et du malheur individuels, mais de l'existence et de la nature spéciale de la race humaine dans les siècles à venir, et par suite la volonté de l'individu s'y exerce à sa plus haute puissance, en tant que volonté de l'espèce.». Autrement dit, l'amour relève de l'instinct, donc de la pure volonté. J'ignore si Wagner XE "Wagner" s'est inspiré de Schopenhauer pour construire cette image négative du pouvoir qui plane sur tout le Ring.
La philosophie de Schopenhauer XE "Schopenhauer" repose sur le concept de volonté XE "Volonté" . Mais le sens profond que Schopenhauer donne à ce mot ne correspond, ni à l'usage courant, ni aux différentes acceptations philosophiques. Par contre le mot à bien, dans la bouche de la Brünnhilde des résonances schopenhaueriennes. « Tu parles à ta volonté...» ; anticipant ses propres actes, contraire à la volonté réfléchie de Wotan, Brünnhilde incarne déjà la volonté pure du dieu, celle qui le conduit inexorablement à vouloir la naissance du héros.
Dans les acceptations courantes et philosophiques du mot, il y a le plus souvent une connotation morale totalement absente chez Schopenhauer XE "Schopenhauer" . Lorsque par exemple le mot est plus au moins synonyme de « caractère, détermination, décision, résolution, énergie » (Foulquié), ou que l'on parle de bonne ou mauvaise volonté XE "Volonté" .
Faire la synthèse de tout ce que Schopenhauer XE "Schopenhauer" subsume sous le concept de volonté XE "Volonté" est pratiquement impossible ; l'auteur consacre à la notion plusieurs centaines de page du monde comme volonté. .Je me contenterai donc de quelques citations extraites de différents chapitres du livre de référence
«Tout acte réel de notre volonté XE "Volonté" est en même temps et à coup sûr un mouvement de notre corps ; nous ne pouvons pas vouloir un acte réellement sans constater aussitôt qu'il apparaît comme mouvement corporel. L'acte volontaire et l'action du corps ne sont pas deux phénomènes objectifs différents, reliés par la causalité ; ils ne sont pas entre eux dans le rapport de la cause à l'effet. Ils ne sont qu'un seul et même fait (page 141). [
]On peut en donner diverses expressions (d'une vérité philosophique par excellence), et dire : mon corps et ma volonté ne font qu'un ou bien : ce que je nomme mon corps en tant que représentation intuitive, je le nomme ma volonté en tant que j'en ai conscience XE "Conscience" d'une façon toute différente et qui ne souffre de comparaison avec aucune autre, ou bien : mon corps est l'objectivation de ma volonté, ou bien : mon corps, hormis qu'il est ma représentation, n'est que ma volonté (page 144) [
]. Il est impossible de tirer des motifs une explication de mon vouloir, dans son essence ; ils ne font que déterminer ses manifestations à un moment donné ; ils ne sont que l'occasion dans laquelle ma volonté se montre. » (Page 148)
Les années passent et Schopenhauer XE "Schopenhauer" revient, dans les suppléments, sur son thème favori. Schopenhauer dénonce « l'erreur » de certains philosophes, dont les doctrines ont une conséquence inadmissible à ses yeux: « comme la connaissance conscience XE "Conscience" s'évanouit manifestement avec la mort, ils sont obligés ou de considérer la mort comme L'anéantissement de l'homme, et tout notre être se révolte contre cette idée ; ou d'admettre une persistance de la connaissance consciente, dogme philosophique qui exige une foi à toute épreuve, car chacun a pu se convaincre par expérience que sa connaissance est dans une dépendance absolue du cerveau XE "Cerveau" , et il est aussi facile de croire à une connaissance sans cerveau qu'à une digestion sans estomac.». Et Schopenhauer ajoute immédiatement : « Ma philosophie permet seule de sortir de ce dilemme, en plaçant l'essence de l'homme non pas dans la conscience, mais dans la volonté XE "Volonté" . Celle-ci, en effet, n'est pas essentiellement liée à la conscience, mais est à cette dernière, c'est-à-dire à la connaissance, ce que la substance est à l'accident, l'objet éclairé à la lumière, la corde à la table d'harmonie, et elle entre dans la conscience du dedans, comme le monde physique y pénètre du dehors.» (Page 895).
Et en guise (pour nous) de conclusion, page 897 : « La volonté XE "Volonté" , comme chose en soi, constitue l'essence intime, vraie et indestructible de l'homme ; mais en elle-même elle est sans conscience XE "Conscience" . [...] La volonté est la substance de l'homme, l'intellect en est l'accident ; la volonté est la matière, l'intellect la forme ; la volonté est la chaleur, l'intellect la lumière ».
Il est manifeste que Wagner XE "Wagner" s'est inspiré de ces idées pour construire Siegfried. Lorsque par exemple Fafner XE "Fafner" , blessé à mort interroge le héros : « Qui excita l'enfant / à commettre ce meurtre ? », Siegfried répond ; « à me battre avec toi / tu m'encourageas toi-même.». Pas de motif, pas de réflexion, l'acte en réponse à une situation qui ne demande même pas à être comprise ; c'est l'explosion d'une nature qui n'a que faire de la conscience XE "Conscience" !
Mais, au-delà de Siegfried - ou en deçà - on peut aussi mieux comprendre l'étrange comportement de Wotan qui agit continuellement contre sa conscience XE "Conscience" éveillée. Nous avons déjà souligné bien des fois la contradiction qui existe entre ce que le dieu prétend faire et ce qu'il laisse faire: la fuite de Brünnhilde (qui est surtout celle de Siegfried, dans le ventre de sa mère), la protection de Brünnhilde, qui sera donc éveillée par Siegfried, le feu XE "Feu" allumé dans la forge de Mime XE "Mime" qui va permettre à Siegfried de reforger Notung XE "Notung" ...Finalement la volonté XE "Volonté" de Wotan le conduit à armer Siegfried contre lui, mais aussi à brandir sa lance XE "Lance" pour barrer le chemin au héros en marche vers Brünnhilde.
AUTONUM Dominer
Le neurobiologiste G Edelman XE "Edelman" , défendant en particulier la thèse d'un darwinisme neuronal, considère deux types de conscience XE "Conscience" :
- Une conscience XE "Conscience" primaire qui est celle des animaux ayant acquis des rudiments de cortex ;
- la conscience XE "Conscience" d'ordre XE "Ordre" supérieur (qui permet d'accéder au sentiment du moi), qui serait, dans l'état actuel de nos connaissances, l'apanage de l'homme.
L'instinct de domination plonge certainement beaucoup profondément dans l'histoire de l'évolution XE "Evolution" des espèces qu'à cette époque relativement récente de l'émergence XE "Emergence" de la conscience XE "Conscience" ; ce qui a changé avec l'homme, ce sont les motivations. Durant des centaines de millions d'années, dominer a été la condition nécessaire de la survie ; non seulement pour l'individu mais pour l'espèce. On peut tout dire sur la nécessité de dominer, mais trois facteurs paraissent particulièrement important : (1), tout organisme étant, en même temps proie et prédateur, c'est le dominant, donc le plus fort qui dévore l'autre ; (2), lorsque les niches écologiques deviennent trop étroites, ce sont ceux qui dominent qui restent maîtres des lieux ; (3) A l'intérieur d'une même espèce, ce sont les dominants qui survivent aux dépens des autres en cas de pénurie.
Certains, pour justifier leur goût naturel de la violence, du sang, du spectacle de la misère et de la douleur, prétendent, le plus sérieusement du monde que l'instinct de domination, chez l'homme s'est sublimé ! Il est au contraire évident que cet instinct s'est dégradé jusqu'aux formes les plus abjectes, puisqu'il ne reste plus que le plaisir de la contemplation de la douleur. Le moment n'est pas venu d'approfondir ces sombres propos car il faut bien reconnaître que le noir Albérich, pas plus qu'aucun autre personnage du Ring n'atteint un tel degré de turpitude humaine. Albérich désire dominer par simple esprit de vengeance, lui, à qui les dieux n'ont rien laissé en partage. Wotan veut imposer son ordre XE "Ordre" à l'univers, car venant du monde de la lumière, il se place du côté du bien et du droit absolu. Son combat est l'éternel affrontement de la lumière et des ténèbres, du bien et du mal. Mais l'univers n'est pas un double monde, un bon et un mauvais, mais un seul monde où le bon est inséparable d mauvais, et comme chaque être possède en lui une réplique du monde, le bien et le mal est l'intérieur de chacun.
Il n'y a pas, à proprement parlé de manichéisme dans le Ring, même si Albérich, Hunding XE "Hunding" , et Hagen XE "Hagen" sont des méchants ; Fafner XE "Fafner" et Fasolt XE "Fasolt" sont plutôt des victimes, Wotan et Siegfried, pour des raisons différentes sont au-delà du bien et du mal ; seule Brünnhilde émerge franchement du côté du bien.
Cette imbrication du bien et du mal est l'une des constantes des mythes XE "Mythes" . Dans le vaste poème du Mahäbhärata XE "Mahäbhärata" par exemple, le bien et le mal existe bien comme entité pure, mais n'est jamais d'un côté ou de l'autre des protagonistes, même si l'on ressent confusément que les Pandava sont plutôt du côté du bien (ce qui ne les empêche pas de connaître de cuisants revers ; par exemple Yudhisthira, pourtant expert aux jeux, fils d'un dieu majeur, Dharma, perdra sa royauté au cours d'une partie de dés, avec des dés grossièrement truqués, et entraînera toute sa famille dans la détresse.
J'ai déjà évoqué le péché d'Indra XE "Indra" , le meurtre du Tricéphale. Certes la bête était immonde, et Indra libère l'univers d'un terrible danger, mais le meurtre est cependant considéré comme une faute que le dieu doit cruellement expier: « La tradition indienne de toutes époques voit dans le meurtre du tricéphale, fils de Tvastri, un acte ambigu, justifié, nécessaire soit pour des risques imprécis qui menaçaient les dieux, soit à cause de dommage nettement spécifiés et considérables ; mais en même temps contraire à une convenance étant donné le rang du Tricéphale dans la société des êtres surhumains soit les liens qui l'unissaient au meurtrier.»
Il y a une analogie assez claire entre Indra XE "Indra" et Siegfried, même si l'un est un dieu et l'autre seulement un descendant d'un dieu. Tous deux commettent le meurtre d'un monstre. Il délivre ainsi la terre d'un fardeau inutile et dangereux, aussi bien pour les hommes que pour les dieux, mais ils paient cependant ce crime. Le geste d'Indra entraîne la réprobation générale si bien que le dieu n'a plus d'autres ressources que de disparaître, Siegfried devient le possesseur de l'anneau et doit supporter la malédiction qui y est attachée.
Le pouvoir XE "Pouvoir" et l'instinct de domination qui lui est probablement lié comme cause essentielle, traîne avec lui, selon les mythes XE "Mythes" , une malédiction, qui à plus ou moins long terme est catastrophique pour l'individu. Mais les mythes ne font-ils pas autre chose, comme dans la plupart des domaines qui touchent de près la psychologie humaine, de rendre compte d'un état de fait ? Les raisons profondes de cette malédiction sont assez transparentes. Il y a d'abord le fait, assez rarement souligné, malgré son évidence, que toutes les consciences humaines, pour ce qui est de leurs composantes fondamentales sont identiques, étant inscrites dans un patrimoine génétique XE "Génétique" identique, celui qui caractérise l'espèce. Une infime minorité, pour satisfaire ses instincts contrarie donc l'épanouissement des autres. Pour le reste, il est assez évident que tout exercice du pouvoir est destructeur pour l'immense majorité des individus.
Afin de bien préciser ma pensée, je vais me livrer ici à une digression qui me paraît nécessaire. La thèse la plus communément admise concernant l'individu, est qu'il y a une incommunicabilité radicale qui fait qu'on ne peut jamais être assuré que devant les mêmes stimuli nous ressentons la même chose. Avons nous tous, par exemple la même conscience XE "Conscience" du rouge ? Qu'importe, disent certains, il suffit, pour se comprendre de simples analogies ; mais il quasi certains que ceux qui raisonnent ainsi restent persuadés que le rouge est le même pour tous. On retrouve cette situation tout au long du livre de G Edelman XE "Edelman" , (opus cité). Par exemple, page 249 : «...nous avons vu qu'étant donné les limitations pesant sur notre savoir ainsi que sur notre état d'êtres « fermés de l'intérieur », les détails du parcours personnel et irréversible des sensations chez un individu donné ne sont pas accessibles à un autre individu ». Ce texte est d'ailleurs quelque peu contradictoire avec ce que l'auteur écrit plus haut (page180) : « Comme nous le verrons après avoir considéré des modèles de la conscience primaire et de la conscience d'ordre XE "Ordre" supérieur, il peut être utile de considérer les sensations comme des formes de catégorisations d'ordre supérieur, comme des relations susceptibles d'être d'abord communiquées au moi, et ensuite - quoique de façon un peu moins satisfaisante - aux individus ayant un équipement mental semblable». En fait les relations d'ordre supérieur, entre les hommes ne sont possibles que si l'on postule une identité profonde - un postulat qui soit bien plus, comme le laisse entendre Edelman qu'une hypothèse XE "Hypothèse" euristique - des cerveaux humains, quant aux diverses catégorisations ou formations de concepts.
L'instinct de domination qui se manifeste très tôt au sein de l'évolution XE "Evolution" des espèces, est donc commun, en particulier, à tous les hommes. Cela signifie, qu'au sein d'une communauté, chacun va tenter de dominer les autres, et que la lutte pour le pouvoir XE "Pouvoir" , non seulement ne cessera jamais, mais la plupart des individus n'accepteront jamais d'être irrémédiablement dominés. Lutte pour le pouvoir, puis pour les vaincus, rancur d'abord puis volonté XE "Volonté" de déstabiliser les vainqueurs. Albérich et Mime XE "Mime" sont les archétypes même des vaincus qui acceptent d'autant moins leur condition qu'ils sont privés des bienfaits de la nature.
L'autre
L'autre est nécessaire à l'exercice de la domination ; l'autre est, soit la proie ou l'occupant de trop de la niche écologique, donc à chasser ou à détruire. L'autre peut aussi devenir l'esclave ou l'alter-égo dont on doit faire ou un allié ou un ennemi. « Battons-nous donc, / ou soit mon ami », s'écrit Siegfried en abordant Gunther pour la première fois. C'est l'instinct qui parle, mais c'est surtout la voix de celui qui se sait le plus fort. L'amitié que propose Siegfried est en fait celle du vainqueur au vaincu, et le faible Gunther ne s'y trompe pas et fait immédiatement acte dallégeance : "Ce que tu vois, / considère-le comme tien : / tien est mon héritage, / le pays, les gens.».
Mais l'homme moderne, je veux dire homo sapiens sapiens qui s'est imposé comme espèce dominante depuis quelques centaines de milliers d'années est devenu, avant tout, sans aucun doute un animal social ; cela signifie que ses caractères génétiques ont évolué en fonction de ces conditions de vie nouvelles. Le développement et l'utilisation du langage ont sans doute été pour beaucoup dans l'épanouissement fulgurant - à l'échelle de l'évolution XE "Evolution" - de son cerveau XE "Cerveau" , en particulier des cortex, et corrélativement de l'émergence XE "Emergence" de la conscience XE "Conscience" d'ordre XE "Ordre" supérieur, pour reprendre l'expression d'Edelman XE "Edelman" . Autrement dit, le besoin de l'autre se développe alors que l'instinct de domination reste aussi fort, engendrant les contradictions dans les comportements humains que nous connaissons encore aujourd'hui et l'ensemble constitue l'un des aspects du complexe de Wotan.
L'Autre est le thème central de toute philosophie. L'autre, c'est en même temps celui qu'il faut nier pour affirmer son moi propre, et celui dont on a un besoin vital pour être dans le monde. C'est l'ennemi amical que Wotan appelle de ses vux, « l'Autre qui ne soit plus moi, et ferait de soi-même ce que seul je veux ».
AUTONUM Nier l'autre, ou le dominer
Pour échapper à la contradiction, la défense naturelle est de nier l'autre. La forme la plus radicale de cette négation est le solipsisme XE "Solipsisme" . Cette dérobade est purement philosophique à mettre plutôt au rang des fantasmes XE "Fantasmes" qu'à considérer comme une attitude cohérente. La seconde alternative est de considérer l'autre comme un inférieur. Un équilibre social hiérarchique arrive à s'établir lorsque les règles établies codifient les relations inférieur/supérieur avec suffisamment de réalisme pour qu'elles soient acceptées par les inférieurs. Mais les lois sont toujours posées par les dominateurs, ceux qui par le hasard XE "Hasard" qui préside au destin du monde, se sont imposés comme chef ; et ces lois ont toujours le caractère dénoncé par Wotan lui-même : de «...liens trompeurs...troubles traités...»
L'inégalité fondamentale des êtres est une donnée irréductible. La nier est pure sottise et relève de discours dont la finalité est le plus souvent de tenter de faire accepter aux inférieurs, leur infériorité. Mais l'infériorité ne peut jamais être vraiment acceptée par un individu. L'archétype de l'inférieur qui se révolte est bien évidemment Albérich, et c'est probablement une des raisons qui lui a valu une certaine sympathie de la part de Wagner XE "Wagner" .
Le dominant nie nécessairement une part du dominé ; ce qui manque au dominé pour être à la hauteur du dominant. Mais cette même négation ne peut manquer de se retrouver chez le dominé qui n'accepte pas la différence. Et le dominé à beau jeu de dénoncer, à l'instar d'Albérich, la forfaiture du dominant. Qui a volé l'autre, lorsque le dominé tente de reprendre (ou a repris) ce que le dominant s'est octroyé de plus parce qu'il était le plus fort ? Albérich vole l'Or du Rhin, mais qui avait décidé de le reléguer au cur des ténèbres ?
Au couple dominant/dominé, on peut en associer plusieurs de même nature, qui le plus souvent ne vont pas l'un sans lautre : oppresseur/opprimé, bourreau/victime, et bien entendu maître XE "Maître" /esclave. Toutes les sociétés se structurent autour de ces oppositions, mais la plupart du temps, en niant contre toute évidence leur réalité XE "Réalité" , ne retenant que l'idée de hiérarchie naturelle nécessaire au bon équilibre de la société. Ainsi, ceux qui détiennent le pouvoir XE "Pouvoir" nient avec une telle conviction leur passion de ce pouvoir qu'ils arrivent à se convaincre eux-mêmes qu'ils n'ont d'autre souci que de se dévouer à la cause de l'homme. Et ceux qui se soumettent, de gré ou de force préfèrent le plus souvent les croire que d'imaginer leurs vraies motivations.
Les philosophes ont de tout temps longuement disserté sur les liens dialectiques des termes de ces oppositions. Dans chaque cas nous retrouvons, en filigrane le complexe de Wotan.
Schopenhauer XE "Schopenhauer" par exemple: «...En effet, le vulgaire ne voit pas que le tourmenteur et ses victimes sont une seule et même volonté XE "Volonté" ; que la volonté par laquelle elles sont et elles vivent est à la fois celle qui se manifeste en lui, qui même y atteint à la plus claire révélation de son essence ; qu'ainsi elle souffre, aussi bien chez l'opprimé que chez l'oppresseur et même chez ce dernier d'autant plus qu'en lui la conscience XE "Conscience" atteint un plus haut degré de clarté et de netteté et le vouloir un plus haut degré de rigueur.»
Il faut sans doute marquer la différence entre deux types de bourreau - ce qu'est toujours l'oppresseur - ; celui qui agit sur ordre XE "Ordre" , et qui conformément aux règles sociales les plus couramment admises, n'est pas responsable de ses actes, et celui qui agit pour son propre compte. C'est ce dernier seulement qui nous intéresse, l'autre se comportant comme l'animal qui réagit sans comprendre aux événements qui concernent sa programmation interne. Autrement dit l'oppresseur aura, pour nous, une conscience XE "Conscience" .
AUTONUM Maître et valet XE "Valet"
Schopenhauer XE "Schopenhauer" unit le tyran et sa victime en affirmant qu'en chacun souffre la même volonté XE "Volonté" qui serait l'essence de l'homme. Le tyran vivrait ainsi le même drame que sa victime. Un tel raisonnement est pour le moins contestable ; Et le vulgaire, si méprisé du philosophe a ses raisons de rester plus près des contingences matérielles. Et bon nombre d'oppresseurs doivent doucement rigoler des propos de Schopenhauer, comme des appels au renoncement des religions affirmant, sans rire, que les premiers seront des derniers. Il apparaît cependant que Wotan représente une idéalisation du tyran qui correspond bien à la pensée du philosophe.
Le vrai tyran, et Wotan est aussi un vrai tyran, fait des autres de simples instruments, des créatures, qui à l'instar des animaux et des plantes, n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles servent son être propre. Le tyran doit cependant pour mieux jouir de sa puissance, s'identifier, d'une certaine façon à ses victimes, il lui faut vivre les contraintes qu'il impose aux autres, partager leurs souffrances afin de mieux mesurer l'étendue de sa domination. Mais il lui faut également ménager à ses victimes un espace de liberté XE "Liberté" où puissent jouer librement, sentiments et réactions humaines. Le tyran aime constater la servitude complète qui le rassure sur la solidité de sa position, mais la révolte d'un petit nombre lui est tout aussi agréable, puisqu'elle lui donne l'occasion de manifester sa force. Tout pouvoir XE "Pouvoir" est tyrannique ; mais on s'efforce généralement de l'ignorer.
Bien évidemment, le tyran ne s'identifie pas à sa victime pour volontairement partager sa souffrance, mais seulement pour tenter d'imaginer sa souffrance ; il a besoin de se reconnaître en elle pour s'assurer qu'il a bien un témoin conscient de sa supériorité. Peut-il se satisfaire de régner sur un peuple d'esclaves, incapables de comprendre, de mesurer la vraie différence qui existe entre eux et le maître XE "Maître" ? L'esclave peut déifier le maître, l'imaginer d'une essence supérieure, et le maître jouir de cette image. Mais alors le maître s'enferme dans la solitude, et, à l'instar de Wotan rêve alors d'alter ego.
« Misère divine / horrible opprobre / avec dégoût, toujours / moi-même je retrouve / dans tout ce que j'obtiens.» (La Walkyrie, acte II, scène 2.).
L'esclave, habilement conditionné, finit par croire à la supériorité transcendante du maître XE "Maître" ; d'autant plus que celui-ci, conscient de ressembler trop à sa victime invente des divinités auxquelles il feint lui-même la dévotion ; il opprime alors, non pas pour servir ses propres intérêts, mais pour satisfaire les appétits des dieux.
Venons-en maintenant à la dialectique hégélienne. Chez l'homme la conscience XE "Conscience" est double :
- La pure conscience XE "Conscience" de soi ou pour soi, est le maître XE "Maître" ;
- La conscience XE "Conscience" pour l'autre, ou conscience chosifiée est le valet XE "Valet" .
Voici le texte caractéristique de Hegel XE "Hegel" (opus cité page 154) :
«Dans cette expérience (la rencontre avec l'autre), il advient XE "Conscience" à la conscience de soi que la vie lui est aussi essentielle que la pure conscience de soi. Dans la conscience de soi immédiate c'est le JE simple qui est l'objet absolu, objet qui cependant est pour nous ou en soi la médiation absolue et a pour moment essentiel l'autonomie dans sa perexistence propre. Le résultat de la première expérience c'est la dissolution de cette unité simple, par elle sont posées une conscience de soi pure et une conscience qui n'est pas purement pour soi, mais qui est pour un autre, c'est-à-dire, comme conscience qui est, ou comme conscience dans la figure de la chosité [...] (les deux moments) sont comme deux figures opposées de la conscience, dont l'une est la conscience autonome pour qui l'essence est l'être pour soi, et l'autre la conscience non autonome, pour qui l'essence est la vie ou l'être pour un autre: la première est le maître XE "Maître" , la seconde le valet XE "Valet" .»
Wotan accable Hunding XE "Hunding" du terme méprisant de « knecht », mais qu'est-il lui-même, face à Fricka, puis à Brünnhilde ? Et sa fureur, contenu devant Fricka, et qui éclate face à Brünnhilde, vient de sa triste prise de conscience XE "Conscience" d'être deux fois knecht ! Wotan accepte finalement l'image que Fricka lui renvoie de lui-même car il a un rang à tenir ; tout bêtement, Fricka le rappelle aux convenances, et il abdique : « Comment pourrai-je / rusé, me mentir. / Finalement Fricka me dévoila : /à ma grande honte / elle pénétra ma feinte ! / Je dois obéir à sa volonté XE "Volonté" .».
Chez Wotan, comme dans la conscience XE "Conscience" hégélienne, on retrouve l'affrontement du pour soi et de l'être pour autrui. Le pour soi poursuit son rêve du héros libre, et qui pour cela doit échapper à la puissance des dieux, le pour autrui doit continuer à tenir son rôle social de maître XE "Maître" absolu ; mais pour le dieu, ce maître n'est qu'un valet XE "Valet" , devant qui le vrai maître doit s'effacer. Puis voici Brünnhilde qui tente de remettre chacun à sa place et elle exhorte son père de nier en lui le valet de Fricka : « Malheur ! Reprends, / repenti, ta parole ! / tu aimes Siegmund : / pour toi, / je le sais, je protège le Walsüng.». Wotan a connu, devant Fricka, la honte de devoir renoncer à sa vraie conscience, celle qui aurait du rester le maître. Devra-t-il supporter maintenant la honte d'avoir renie son véritable moi ? Cette fois-ci il explose : « Ah ! Linsolente ! / Cela, contre moi ! / Qui es-tu, sinon / de ma volonté XE "Volonté" l'aveugle agissante ? »
Ce n'est qu'à la dernière scène de La Walkyrie, que Wotan confesse à Brünnhilde les raisons de sa colère : « Tu as donc fait / ce que tant j'aurai aimé faire - / et que ne pas faire / j'étais doublement forcé ?» .Wotan reproche donc à sa fille d'avoir voulu agir conformément à ce que sa vraie conscience XE "Conscience" aurait voulu faire. La résistance du dieu sera de courte durée, puisque cédant finalement à Brünnhilde, il laissera à celle-ci la liberté XE "Liberté" d'agir suivant sa volonté XE "Volonté" à lui, c'est-à-dire provoquer la fin des dieux afin que naisse un ordre XE "Ordre" nouveau.
La conscience XE "Conscience"
Naissance de la conscience XE "Conscience"
« La conscience XE "Conscience" de soi est d'abord simple être pour soi, identique à soi par l'exclusion de soi de tout ce qui est autre. Elle a pour essence et objet absolu JE ; et dans cette immédiateté, dans cet être pour soi, elle est entité singulière. Ce qui pour elle est autre chose, est, en tant qu'objet inessentiel marqué du caractère du négatif.»
Mais cette conscience XE "Conscience" pure est-elle autre chose qu'une invention de philosophe ? Car la conscience n'est pas née d'un coup de baguette magique, mais d'un long processus d'évolution XE "Evolution" biologique, où elle a probablement été d'abord, conscience de quelque chose. Parler de processus biologique c'est bien entendu rejeter d'emblée toute transcendance XE "Transcendance" de la conscience, donc de l'esprit, par rapport à la matière ; ce qui ne signifie pas pour autant que l'émergence XE "Emergence" de la vie, puis de la conscience soient des événements banals dont la compréhension soit scientifiquement assurée. Est-il d'ailleurs utile de prouver l'origine purement biologique de l'esprit ; à partir du moment où l'on nie tout dualisme esprit/matière, c'est une évidence, dans le cas contraire, on sort du domaine scientifique, et toute logique devient impuissante. De toute façon, le problème qui nous concerne n'est qu'indirectement celui l'émergence de la conscience, mais de ses transformations internes.
AUTONUM Et la conscience XE "Conscience" fut
Nous l'avons vu plus haut, J Eccles, neurologue chevronné, prix Nobel de médecine, se livre à une étude minutieuse du cerveau XE "Cerveau" , mettant en relief son extrême complexité, puis craque à la fin de son livre: pour l'esprit, il faut la main de dieu, l'âme sera insérée dans l'embryon. Dans la mesure où il est exact que la science, dans l'état actuel de son développement ne peut justifier cette étrange propriété de la matière qu'est la conscience XE "Conscience" , aucun argument décisif ne peut être présenté contre cette thèse purement métaphysique, donc non scientifique. Il faut quand même remarquer, que non seulement cette thèse occulte tous les problèmes, mais elle rend nuls et non avenus tous les travaux concernant les rapports entre l'esprit et le cerveau. Pourquoi y aurait-il de tels rapports puisque l'âme est insérée dans le corps avant la formation du cerveau. Certes on peut alors soutenir que l'âme travail de conserve avec le programme génétique XE "Génétique" pour façonner les structures XE "Structures" cervicales ; mais alors pourquoi l'enfant ne naît-il pas avec sa conscience toute faite ? Le seul chemin de repli est l'éternel dessein impénétrable de Dieu XE "Dieu" ! Mais la science s'arrête où les impénétrables desseins de Dieu prétendent au rang d'axiomes XE "Axiomes" ; et l'homme qui cherche la connaissance ne peut accepter ce chemin. Gardons-nous cependant de croire que l'esprit est une propriété de la matière ; ce ne peut être que le produit d'une longue évolution XE "Evolution" . Dire qu'il s'agit d'une propriété émergente des systèmes nés de l'organisation de la matière dans des conditions particulières (de température par exemple), ne revient pas du tout à la même chose. Le mot émergence XE "Emergence" , qui ne doit nullement être confondu avec transcendance XE "Transcendance" précise ce dont il sagit : propriété d'un système qui n'appartient à aucune de ses parties.
Ainsi, il paraît difficile, et même impossible de parler de commencement ou de naissance de la conscience XE "Conscience" . Ne sommes-nous pas devant un problème aussi incompréhensible que le commencement de la vie et plus loin encore, de lunivers ? A l'instant 0, il n'y a rien. Rien, mais quand même une forme d'énergie occupant le vide qui est absence de tout lieu. On peut, à la rigueur admettre un tel état potentiel de l'univers, puisque nous savons, en fin de compte que toutes les formes de matière se ramènent à l'énergie, et que les processus qui permettent de transformer une énergie pure, comme l'énergie cinétique, en matière, ont effectivement été reproduits expérimentalement dans les accélérateurs de particules XE "Particules" ; on ne peut par analogie parler de conscience potentielle sans tomber dans un panpsychisme qu'aucune expérience ne permet d'étayer. Comment imaginer un être pour soi dans la plénitude de son identité à soi (en fait l'en-soi de Sartre XE "JP.Sartre" ), mais n'ayant pas conscience d'exister dans le monde ?
Métamorphoses de la conscience XE "Conscience"
Au cours du Ring nous assistons à plusieurs véritables mutations des personnages. La première, et sans doute la plus importante est celle que subit Wotan avant même que le drame ne débute. Il boit à la source éternelle, et après l'échange mythique, il devient autre. On interprète parfois la perte de l'il comme l'échange d'une vision extérieure contre une vision intérieure. On peut donc y voir un gain de conscience XE "Conscience" , ou encore le passage d'une simple conscience à la conscience d'ordre XE "Ordre" supérieur selon Edelman XE "Edelman" . Le passage à cette conscience supérieure est attesté par les mythes XE "Mythes" qui font du dieu (Wotan ou les dieux qui sont équivalents, comme Odin), un élément naturel comme le vent ou la tempête.
Avec Brünnhilde nous assistons également à une métamorphose de la conscience XE "Conscience" : nous la voyons, au cours des deux derniers actes de La Walkyrie se transformer presque brutalement ; de simple chose de Wotan, en s'affirmant comme étant la vraie conscience du dieu.
On ne sent pas pareille rupture chez Siegfried, même s'il est transformé, en connaissant la peur par la découverte, en Brünnhilde, de la femme.
Niveaux de conscience XE "Conscience"
Selon la psychanalyse XE "Psychanalyse" il existe en nous un subconscient au quel obéissent bon nombre de nos comportements. En fait nous connaissons les deux extrémités d'une chaîne qui va de nos comportements instinctifs dont le contrôle nous échappe totalement, comme la respiration, la circulation sanguine, la digestion etc, jusqu'à nos actes volontaires, ou que nous ressentons comme tels. Nous passons ainsi de ce qui est commun à toutes les espèces vivantes à ce qui semble bien être l'apanage de l'homme. Si l'on évalue maintenant ce qui sépare les primates de l'homme, échelon immédiatement inférieur dans cette échelle de la conscience XE "Conscience" , il semble bien qu'il y ait quelque part solution de continuité, c'est-à-dire rupture dans une évolution XE "Evolution" sage et continue. Mais ce n'est pas sur cette hiérarchie de niveaux que nous allons fixer notre attention ; Nous partons maintenant de l'homme lui-même et de sa conscience explicite, conscience d'être dans le monde.
Revenons d'abord sur l'idéologie des trois fonctions ; ce retour est justifié par le fait que le niveau de conscience XE "Conscience" d'un individu dépend en grande partie de la position sociale qu'il occupe, à l'exception de ceux qui, pour des raisons de convictions personnelles refusent de s'identifier à la classe qui est objectivement la leur.
Rappelons que la première fonction est spirituelle, « administration du sacré XE "Sacré" , du pouvoir XE "Pouvoir" et du droit » (Dumézil XE "Dumézil" ), la deuxième est celle de la force physique, la troisième, de « l'abondance et la fécondité ». A ces trois fonctions, ne correspond pas, et n'a jamais vraiment correspondu trois classes sociales, au sens où il y a une classe ouvrière bien qu'elles soient sous-jacentes à une répartition sociale, sans contour nettement définis. Elles suggèrent cependant une organisation de la société aboutissant à un certain partage du pouvoir et d'une sorte de conscience XE "Conscience" supra-individuelle qui seule permet à la conscience individuelle d'exister réellement. Les trois fonctions engendrent alors une humanité d'ordre XE "Ordre" supérieur, où domine une tripartition du pouvoir : (1) Pouvoir spirituel correspondant à la première fonction, scientifique, philosophique, religieux, artistique ; on y trouve tous ceux qui, dans ces différents domaines, ont droit à la parole. (2) Pouvoir politique et militaire (3) Pouvoir économique. Et le reste ? L'immense majorité de ceux qui forment le corps de ce tricéphale.
Ce qui caractérise les sociétés dites démocratiques est le fait de la perméabilité des classes sous-jacentes aux trois fonctions, et surtout à la collusion des trois classes correspondant à l'idéologie classique (la quatrième classe n'est en même tant, qu'un vaste réservoir, et le domaine d'action des trois autres ; sans elle, la notion même de pouvoir XE "Pouvoir" n'aurait aucun sens, mais elle ne compte pour rien dans l'histoire des hommes.). Et pourtant la classe dominante sous-jacente aux trois fonctions incarnant le pouvoir, n'a aucune réalité XE "Réalité" humaine ; lorsque vous approchez ses membres, vous n'y trouvez que des hommes comme les autres, des hommes vulgaires.
Elle n'a aucune réalité XE "Réalité" humaine, dans la mesure où justement elle donne naissance à une conscience XE "Conscience" qui semble transcender toutes les consciences individuelles. Ainsi ceux qui servent, tels les prêtres d'une religion, cette entité qu'on appelle l'état, ont l'obligation de réserve ; qu'est à dire sinon que leur conscience individuelle ; même confrontée au pire des scandales, doit se taire. Et que le vrai scandale serait de parler, c'est-à-dire de révéler publiquement ce qui, aux yeux de n'importe quelle personne sensée est scandaleux. Les règles morales auxquelles obéit cette super-conscience sont quand même étonnantes, au regard de la morale naturelle de la petite espèce ; une forfaiture qui n'est pas officiellement reconnue, même si elle viole les règles les plus élémentaires du droit n'est jamais reconnue comme telle. Pire c'est celui qui la dénonce qui devient coupable. Pire encore : supposons que celui par qui le scandale arrive, parce qu'il a dénoncé une forfaiture, sans respecter l'obligation de réserve, soit condamné et traîné au banc d'infamie (pour diffamation par exemple), si ultérieurement la justice lui donne raison, il ne sera jamais réhabilité, et, a fortiori, personne ne jugera opportun de récompenser son sens de l'honneur véritable. Fricka réclame à Wotan, qui lui accorde, la tête de Siegmund pour avoir violé les liens sacrés du mariage, mais le vrai scandale, celui du rapt de Sieglinde (et du meurtre de sa mère) est oublié ; entre temps Hunding XE "Hunding" a été blanchi en se montrant respectueux des bonnes règles.
C'est pourtant à l'abri de cette conscience XE "Conscience" supérieure que tous les pouvoirs s'abritent, les petits comme les grands. Les contre- pouvoirs qui naissent spontanément hors de cette nébuleuse - dont on a le sentiment qu'elle n'est qu'une bulle prête à éclater, ne laissant que le vide dont elle est faite, mais qui est en réalité XE "Réalité" d'une extraordinaire résistance - ne s'exercent que dans des zones banalisées, comme les fictions littéraires, théâtrales, artistiques en général, si bien que chacun peut facilement se convaincre qu'ils n'ont rien à voir avec la réalité. La conscience qui habite ces contre- pouvoirs, et qui est pourtant la vraie conscience humaine, est ainsi niée en tant que réalité, et considérée comme conscience fictive, donc inférieure. Siegmund sacrifié, Sieglinde abandonnée à Mime XE "Mime" , qui ne prend d'elle que Siegfried dont il espère faire l'instrument de sa conquête du pouvoir XE "Pouvoir" , Brünnhilde abandonnée sur son rocher. Mais, tôt ou tard, l'avenir donnera raison à Wagner XE "Wagner" , mais il n'y aura plus aucune conscience pour savourer cette victoire.
Conscience et raison
Wotan, en acceptant le sacrifice de Siegmund, reconnaît que finalement c'est la conscience XE "Conscience" supérieure des dieux qui doit triompher devant celle d'une humanité qui ne veut se soumettre qu'à des lois naturelles dont la première est celle de l'amour XE "Amour" libre de toute contrainte. Il aura donc extérieurement une attitude qui défend les intérêts de sa classe, mais il fera tout pour que triomphe la raison adverse, et laissera (et surtout aidera d'une manière décisive) à la constitution du couple Siegfried/Brünnhilde. Ainsi, d'une certaine façon, le clan des dominants est constamment menacé par la trahison XE "Trahison" de ses membres les plus prestigieux par l'intelligence. Otages, peut-être, mais dont le courage intellectuel permet malgré tout de bousculer bien des barrières.
Naguère encore, on considérait que les plus hautes consciences s'incarnaient dans les créateurs des grands systèmes, qui thuriféraires aidant étaient considérés comme détenteurs de vérités absolues qu'il incombait aux communs des mortels de découvrir. Ce temps là n'est pas tout à fait révolu puisque cette solide morale sert encore quelques mandarins qui sévissent encore dans les universités de tous les pays.
Il n'en reste pas moins que les formes de domination intellectuelle du passé, avec la construction de vastes systèmes se voulant bases définitives de la pensée, sont désormais en voie d'extinction. Il y a déjà et il y aura sans doute toujours des formes nouvelles de domination, mais les démarches comme celles des Liebniz, Kant XE "Kant" , Hegel XE "Hegel" , Schopenhauer XE "Schopenhauer" , Comte, Husserl XE "Husserl" , tendant à construire - ou à découvrir - un sol ferme sur lequel construire une connaissance absolue, ne peuvent plus être crédibles. Lorsque Feyerabend écrit, Contre la méthode, puis Adieu la raison, ce n'est pas à proprement parlé la raison qui est mise en cause, mais son exercice au service des grands systèmes qui n'ont d'autres buts que d'asservir la conscience XE "Conscience" humaine à des dogmes dont la vérité n'est jamais que relative. D'une certaine façon, il célèbre la victoire de Loge XE "loge" , flamme subtile et insaisissable, sur le Wotan du Walhall , la mort des pesants systèmes, anéantis par les flammes libres et joyeuses d'une pensée humaine enfin débarrassée des carcans idéologiques.
Il serait cependant injuste de condamner ces systèmes sans reconnaître leur contribution à l'épanouissement de l'esprit humain. Leur rôle a été double :
- l'homme a besoin de connaître des périodes de stabilité, et la vertu des grands systèmes est de créer des paliers qui durant un temps échappent aux turbulences de la pensée humaine, celle-ci retrouve ainsi son souffle. Le noyau stable, tel un cristal dans un liquide en fusion finit alors à céder jusqu'à ce qu'une nouvelle cristallisation s'amorce.
- la pensée a besoin d'obstacles pour progresser ; Wotan doit s'opposer à Siegfried pour que le destin de ce dernier ait un sens.
Le besoin de stabilité, sans doute profondément ancré chez toutes les espèces vivantes, a une redoutable conséquence lorsqu'il devient aussi une exigence de la pensée : les philosophes et d'une façon générale les tenants de la connaissance, restent plutôt proches des pouvoirs, de n'importe quel pouvoir XE "Pouvoir" . Heureusement, aucun système, aussi stable semble-t-il ne résiste longtemps aux turbulences lorsque la stagnation devient manifeste, et le danger de fossilisation n'est guère à craindre.
Il existe cependant un danger, mais l'expérience montre qu'il a toujours été conjuré, et qu'il n'y a vraiment aucune raison pour que cela change. Le philosophe, en entendant par là tous ceux qui sont concerné par la connaissance - philosophe au sens premier du terme - reconnaît d'abord qu'il a un intérêt personnel à ne pas trop s'écarter, intellectuellement parlant, des pouvoirs en place ; puis que le savoir lui-même peut et doit bénéficier de cette proximité du pouvoir XE "Pouvoir" . L'escalade consiste alors à ressentir comme une nécessité ce qui n'était considéré au départ que comme une simple tactique. Ce qui n'était au départ qu'un jeu habile devient pour l'esprit une vérité qu'il est bon de défendre pour elle-même.
L'ambiguïté d'une telle situation apparaît dans les propos, par exemple de Kant XE "Kant" . La question de fond est la suivante : peut-on défendre une bonne cause avec de mauvais arguments ? Le bon sens nous souffle la réponse : oui, devant les imbéciles ; mais la démarche de Kant est plus contournée, et d'une certaine façon, celui-ci noie le poisson.
« Je ne partage pas, à la vérité, cette opinion exprimée [...] à savoir que l'on peut espérer trouver un jour des démonstrations évidentes de deux propositions cardinales de la raison pure : il y a un dieu, il y a une vie future. Je suis certain, bien plus, que cela n'arrivera jamais [...]. Mais il est aussi apodictiquement certain qu'il ne se trouvera jamais d'homme qui puisse affirmer le contraire [...]. Que faire alors pour défendre ces deux vérités indémontrables, « dieu existe, il y a une vie future » ? (Laisser les D Hume XE "Hume" , les Priestley développer les thèses du scepticisme XE "Scepticisme" ). Contentez-vous de laisser faire ces gens là : s'ils montrent du talent, une imagination profonde et neuve, si, en un mot ils font seulement preuve de raison, la raison y gagne toujours [...] dans cette dialectique, il n'y a pas de victoire dont vous ayez sujet de vous alarmer.»
Je risque évidemment de déformer la pensée du philosophe en ne présentant pas tous ses arguments, mais je pense que ces extraits sont parfaitement clairs ; je continue donc.
« Mais lorsque le public s'imagine que de subtils sophistes tendent à rien moins que d'ébranler les fondements du bien général, il ne paraît pas seulement prudent, mais encore permis et parfaitement honorable de se porter au secours de la bonne cause avec des apparences de raison, plutôt que de laisser à ces prétendus adversaires même l'avantage de nous forcer à ramener nos paroles au ton de modération XE "Modération (principe de )" [...] et avouer le manque de certitude spéculative et apodictique. Je serai cependant disposé à penser que rien au monde s'accorde plus mal avec le dessein de soutenir une bonne cause que la ruse, la dissimulation et le mensonge[...]. Je suppose donc des lecteurs qui ne veuillent pas qu'une bonne cause soit défendue avec de mauvaises raisons. »
Kant XE "Kant" reconnaît à ceux qui doutent de la vérité des propositions cardinales de la raison pure, le droit de s'exprimer, ceux qui font confiance à la raison savent très bien à quoi sans tenir ; « Mais la jeunesse qui est confiée à l'enseignement académique doit-elle au moins être prévenue contre de pareils écrits et tenue à l'écart de la connaissance prématurée de propositions si dangereuses, jusqu'à ce que son jugement soit mûr ou que plutôt la doctrine qu'on veut lui inculquer soit assez fermement enracinée pour résister victorieusement à tout opinion contraire, de quelque part qu'elle vienne ? »
Kant XE "Kant" sent le danger d'une telle méthode qui pourrait très bien induire chez les jeunes se laissant aller à « la curiosité ou à la mode du jour»,et poursuit : « c'est exactement le contraire de ce l'on conseille ici qui doit avoir lieu dans l'enseignement académique , mais sans doute à la condition qu'on suppose pour fondement une instruction solide sous le rapport de la Critique de la raison pure.[...]... il est absolument nécessaire de diriger contre la raison, sans doute encore faible, mais éclairée par la critique, les attaques si redoutable au dogmatisme et le l'exercer à examiner point par point, d'après ces principes, les assertions sans fondement de l'adversaire.».
« Exactement le contraire » et pourtant presque la même chose car Kant XE "Kant" poursuit (nous sommes arrivés à la page 517) : « Il n'y a donc, à proprement parler, aucune polémique dans le champ de la raison pure. Les deux partis frappent des coups en l'air et se battent contre leurs ombres, car ils sortent des limites de la nature pour aller dans une région où il n'y a rien que leurs serres dogmatiques puissent saisir et retenir. Ils ont bien combattu ; les ombres qu'ils pourfendent se rassemblent en un clin d'il, comme les héros du Walhalla, et ils peuvent toujours se donner le plaisir de combats peu sanglants. »
Le langage est étonnant de par son actualité. Car le caractère indécidable des propositions cardinales de la raison pure est aujourd'hui ce qu'il était hier ; à ceci près que les avancées de la science ont donné un avantage quasi décisif à ces suppôts de Satan que sont les sceptiques - car c'est bien là le cur du problème, il ne saurait y avoir de bonne pensée qu'avec l'aide de Dieu XE "Dieu" - ; il n'y a toujours pas, pour les croyants, de combat pour la vérité, mais une hargne, qui n'a rien d'évangélique à nier ce qui tend à ne voir dans la foi qu'un engagement individuel auquel la raison est totalement étrangère. Et pourtant Kant XE "Kant" l'exprime clairement ; il suffit de s'en remettre au tribunal de la raison pure pour que le scepticisme XE "Scepticisme" se résorbe de lui-même, sans que nulle polémique ne se développe: « Et quoique les coups qui ruinent l'édifice de l'ennemi soient également funestes à l'édifice spéculatif qu'il voudrait élever, si jamais il en a formé le projet, il est pourtant fort tranquille à ce sujet, puisqu'il n'a nullement besoin d'une semblable construction pour s'y loger[...]. Il n'y a donc, à proprement parler aucune polémique dans le champ de la raison pure ». Finalement tout le monde est prêt à accepter cette conclusion de Kant, alors qu'en réalité XE "Réalité" rien n'a été réglé, puisque le philosophe entend imposer comme axiome ses propositions cardinales, et que ses ennemis ne les acceptent pas dans la mesure justement où rien ne permet de les fonder dans l'absolu. Manifestement nous sommes dans un cercle vicieux d'où Kant ne peut se sortir qu'en en appelant une fois de plus au pari de Pascal : l'homme a besoin d'un maître XE "Maître" et se veut immortel, il faut pour sa satisfaction morale construire une philosophie reposant sur ces réconfortants principes.
Le mythe unitaire
C'est presque celui de l'éternel retour ; les grands systèmes ne sont que des vestiges du passé, mais le rêve qui leur a tous donné naissance est plus vivant que jamais. Et les physiciens ne sont pas les derniers, avec leur espoir de théorie XE "Théorie" unitaire à caresser ce rêve plusieurs fois millénaire. Deux décennies après la Critique considérant l'existence de Dieu XE "Dieu" comme une nécessité de la raison, transcendant la raison, Laplace avec son Exposition du système du monde, entendait bien, lui se dispenser de l'hypothèse XE "Hypothèse" de dieu. Le dix-neuvième siècle développait alors ce que les scientifiques, dans leur majorité ont espéré être une philosophie alternative au créationnisme ; mais l'illusion s'est éteinte avec l'effondrement de la mécanique classique comme théorie parfaite (et peut-être aussi avec la crise des fondements en mathématique). A vrai dire, il serait sans plus judicieux de parler d'effondrement de l'idéologie sous-jacente à la mécanique classique, celle qui laissait espérer justement une réduction de tous les phénomènes y compris le vivant à des mécanismes gouvernés par la seule physique.
N'est-il pas remarquable que la genèse de la Tétralogie soit contemporaine du constat d'échec de toute théorie XE "Théorie" globale reposant sur la mécanique newtonienne, et de l'amorce e la crise des fondements en mathématiques XE "Mathématique" ? Notons également qu'à cette époque l'émergence XE "Emergence" des géométries non-euclidiennes sonnait le glas du kantisme comme fondement absolu de la connaissance rationnelle.
Dépassement ou fin de la philosophie ?
La philosophie a été durement touchée par l'extraordinaire développement et éclatement du savoir durant les cent dernières années. Habituée à survoler les différents domaines de la connaissance pour en saisir l'essentiel, cette vue lointaine ne suffit plus pour assurer une critique pertinente. Ainsi les purs philosophes se réfugient-ils de préférence dans l'exégèse des textes du passé (ce qui n'est pas une activité négligeable, car elle nous rend l'abord de ces textes plus facile), mais ce qui crée une coupure XE "Coupure" dont on ne voie pas très bien comment on pourrait y remédier.
Les philosophies reposent en grande partie sur les données immédiates des sens, en incluant ce qu'on peur appeler, sixième sens ou sens interne, celui qui nous donne le sentiment que nous tirons nos idées de l'exercice pur de nos facultés mentales. Ainsi toutes les philosophies, y compris les plus récentes, comme les existentialismes (je pense en particulier à Sartre XE "JP.Sartre" ) s'inscrivent dans un monde physique qui était finalement celui de Kant XE "Kant" : l'espace et le temps euclidien. Dans la mesure où la conception euclidienne de l'espace physique se révèle inadaptée à la compréhension du monde la philosophie qui continue à reposer sur cette base se coupe définitivement du savoir scientifique. Kant n'avait pas nécessairement tort, loin de là, car notre intuition se révèle incapable de sortir seule du carcan euclidien, la théorie XE "Théorie" lui devient indispensable pour voir le monde suivant son hypothétique réalité XE "Réalité" . Et pourtant l'intuition d'un Riemann, pour ne citer que lui, nous a livré des géométries alternatives qui se sont révélées comme des outils possibles d'une description vraie de lunivers ! Comment comprendre un tel prodige ?
A bien y réfléchir, il n'existe sans doute qu'une seule solution, ou plus modestement qu'une seule hypothèse XE "Hypothèse" - si l'on écarte toutes les pseudo théories reposant sur une mémoire de la matière ou les incarnations successives d'esprits ayant accès direct, grâce à une bienveillante transcendance XE "Transcendance" , à des connaissances auxquelles n'ont pas accès les communs des mortels - l'esprit humain à l'intuition des structures XE "Structures" qui correspondent à l'organisation même de ses fonctions cérébrales ; autrement dit certains individus ont la capacité d'intuitionner les structures qui sont à la base du fonctionnement de notre entendement. Ainsi notre esprit applique à la compréhension de l'univers des théories, donc des ensembles de structures qui sont propres non pas à l'organisation de l'univers, mais à la nôtre. Nous pouvons ainsi comprendre la précocité des génies, qui finalement n font que lire en eux ce que nous possédons tous en nous ; et surtout comprendre pourquoi un grand nombre de mathématiciens pensent que les objets mathématiques XE "Mathématique" existent à l'égal des entités platoniciennes.
Nous comprenons du même coup pourquoi notre logique, qui est celle de notre propre fonctionnement interne, n'est pas nécessairement adaptée à l'étude des objets quantiques qui n'interviennent pas directement dans ce qui nous est accessible de ce fonctionnement interne. Notre organisme, et nos fonctions cérébrales s'étant constitués en interaction continue avec le monde extérieur, il est évident que nous avons également une intuition des structures XE "Structures" qui dominent l'organisation des objets extérieurs, mais seulement de ceux qui sont à notre échelle.
On peut cependant penser que le domaine de la conscience XE "Conscience" et de la pensée reste sous le contrôle total de la philosophie, dans la mesure où la science, comme nous l'avons déjà souligné, s'efforce d'exclure le sujet de ses descriptions, mais les deux théories maîtresse de la science d'aujourd'hui, la physique quantique XE "Quantique" , et la relativité, exigent, chacune pour des raisons différentes la réintroduction de l'observateur comme élément crucial des opérations de mesure. Comment les rapports entre la conscience, les phénomènes et les appareils de mesure peuvent-ils être examinés par une philosophie qui ne soit pas parfaitement au fait des théories physiques d'où naissent les problèmes ? Il y a déjà des divergences profondes entre les physiciens eux-mêmes ; un dialogue est-il alors possible entre ceux qui vivent à l'intérieur de la science, qui font corps avec la vision du monde qu'elle permet, et ceux qui ne saisissent que l'aspect superficiel des contenus des théories et des débats auxquels ils donnent lieu ? Est-ce à dire que seuls, aujourd'hui, les scientifiques sont en mesure de développer une philosophie des sciences ? La plupart n'en ont pas le goût, et surtout contestent l'utilité d'une critique qui ne soit pas purement technique. Pour les chercheurs de pointe, les seuls qui peuvent éventuellement faire avancer les connaissances scientifiques, l'élargissement de leur vision ne peut qu'être ressentie que comme un danger.
Je vais tenter d'illustrer les difficultés quasiment insurmontables que connaissent aujourd'hui les rapports philosophie/science, en considérant la théorie XE "Théorie" à la mode qu'est, en cosmologie le Big bang. Le sujet n'est guère original puisque le caractère paradoxal des conséquences de la théorie a suffisamment frappées les esprits pour que la théorie soit amplement vulgarisée sur tous les tons. Ma première remarque sera que cette théorie est aujourd'hui présentée comme une certitude scientifique alors quelle n'est qu'une conjecture dont la probabilité d'être vraie est à peu près nulle. Mais c'est tellement beau de tenir un scénario vraisemblable de la création du monde qu'il faut bien faire quelques sacrifices.
Ce modèle de la création du monde repose sur l'une des solutions des équations qu'Einstein XE "Einstein" à tirer de sa théorie XE "Théorie" de la relativité générale. Il s'agit du modèle d'un univers en expansion ; Lorsque l'idée de l'expansion de l'univers a été reconnue comme un fait ; l'idée d'un univers fini entraînait alors celle d'un commencement ponctuel. L'hypothèse XE "Hypothèse" jugée au départ totalement utopique, sinon folle a, au contraire reçu, au cours des dernières décennies de multiples soutiens, venant aussi bien des progrès en astronomie, qu'en physique des particules XE "Particules" , devenant ainsi une théorie standard, c'est-à-dire celle qu'on accepte comme vérité, en attendant mieux.
Les théories de la relativité nous apprennent que les mesures de temps et d'espace sont relatives à l'état de mouvement de l'observateur ; mais en cosmologie, il faut définir un temps cosmique, celui qui est mesuré par un observateur idéal auquel tous les observateurs doivent pouvoir XE "Pouvoir" s'identifier, ce qui est simple, mais pas si facile à comprendre.
J'ai déjà souligné que le modèle que Big bang supposait que la physique de notre univers reposait sur un espace réel à quatre dimensions, ce qui rend pratiquement incohérentes toutes les descriptions faites à partir de notre espace ordinaire, qui lui est à trois dimensions. Dans ces conditions quel sens accorder à des données numériques comme celles qui émaillent les diverses vulgarisations ? Par exemple, le diamètre de l'univers primordial 10-43s après l'hypothétique début était de 10-28cm ; la température, qui relève d'ailleurs d'une autre définition que celle que nous utilisons pour caractériser l'état thermique des objets à notre échelle, était de 1032K.
Doit-on imaginer qu'à un instant donné de la vie de l'univers, la totalité de la matière visible et invisible de l'univers était concentrée en un point un million de milliards de fois plus petit que le volume occupé par un proton ? Heureusement non. La théorie XE "Théorie" standard qui se targue pourtant d'extrapoler les lois physiques dont la validité est indubitable à notre échelle - ce qui est une hypothèse XE "Hypothèse" pour le moins douteuse - à besoin quand même d'un hypothèse ad hoc. Vers 10-30seconde après le début de la grande aventure ça traîne en longueur, l'univers ne se dilate pas assez vite pour que la théorie soit cohérente, les cosmologues placent alors à ce moment une période inflatoire pour accélérer le mouvement ; l'univers voit ses dimensions multipliées par un facteur de 1050 en 10-30 seconde. La masse initiale de l'univers serait alors égale à la masse de Planck XE "Planck" , 10-5g, ce qui est raisonnable. L'univers, au cours de son évolution XE "Evolution" conserverait une masse généralisée quasiment nulle. Mais au moment de l'inflation, la matière-radiation, c'est-à-dire matière plus énergie électromagnétique, viendrait de l'énergie d'interaction gravitationnelle, ces deux formes d'énergie se compensant exactement.
La démarche des théoriciens pour reconstituer l'histoire de notre univers est de revenir en arrière par étapes ; Partant de l'état actuel A de notre monde - ou plus exactement de ce que nous en connaissons - on recherche les conditions que devait remplir l'état précédent B, puis les conditions que devait remplir l'état C précédent B,...etc. Croire à la méthode paraît bien être une question de foi ; toujours est-il que la sophistication des théories auxquelles il faut faire appelle fait que la critique ne peut dépasser le cercle de spécialistes. Il nous reste cependant une solution : préférer une belle légende comme la rencontre, dans un gouffre béant de la vache Andhumla et du géant Ymir.
La science se défend, bien évidemment de rester attachée, en particulier dans ses motivations, à des racines mythiques. Et pourtant, si mes souvenirs sont exacts, lorsque les savants atomistes ont commencé à maîtriser la transmutation des éléments, ils ont tenu, à prix d'or, à obtenir quelques milligrammes dor ! Et comment interpréter la passion que mettent certains astrophysiciens dans la cosmogonie.Par exemple, on trouve sous la plume de Trinh X Thuan (La recherche, Janvier 1984) :
« A la lumière de ce qui a été dit dans les paragraphes précédents, il n'existe plus aucun doute que la théorie XE "Théorie" du Big Bang XE "Big Bang" est maintenant plus qu'un mythe. C'est une théorie qui a un grand pouvoir XE "Pouvoir" prédictif. Ses prédictions les plus importantes ont été confirmées de façon spectaculaire par les observations.»
Ce qu'il faut quand même dire c'est que la théorie XE "Théorie" est construite, en particulier de façon à rendre compte des observations, en choisissant les paramètres de sorte qu'il y ait compatibilité. Il ne faut donc pas trop s'étonner de retrouver, comme conséquences de la théorie ce qu'on y a mis. Que la théorie, soit, dans l'état actuel des connaissances scientifiques difficilement falsifiable, c'est fort possible, mais cela n'enlève rien à son caractère hautement conjectural. Ce dont on peut être assuré, c'est que de tous les mythes XE "Mythes" cosmogoniques, c'est celui qui est le mieux fondé et finalement le plus crédible, si l'on accorde à la science la capacité de décrire correctement les phénomènes naturels.
Trinh X Tuang XE "Trinh X Tuang" récuse peut-être l'idée que cette théorie XE "Théorie" puisse être une résurgence, ou être l'équivalent des mythes XE "Mythes" primitifs, mais écoutons, par exemple M Eliade XE "Eliade" :
« Il s'agit de démarrer d'un instant précis, le plus proche du moment présent, et de parcourir le temps à rebours, (pratiloman, à « rebrousse-poil) pour arriver ad originem, lorsque la première existence « éclatant » dans le monde déclencha le temps, et rejoindre cet instant paradoxal au-delà duquel le temps n'existait pas parce que rien ne s'était manifesté.». Ce texte est remarquable car il décrit exactement la méthode de l'astrophysicien. Celui-ci remonte le temps, du moment où le découplage du rayonnement électromagnétique et de la matière (700 000 ans après le début) rend l'univers transparent (origine du rayonnement à 3K), jusqu'au fameux 10-43 seconde, au-delà duquel il n'est plus raisonnable d'extrapoler les lois physiques - disons plutôt au-delà duquel il n'y a plus de théorie XE "Théorie" ).
Toujours du même auteur (opus cité page 150) : « Un grand nombre de traditions font partir la création du monde d'un point central (ombilic) d'où il aurait rayonné dans les quatre directions cardinales...». Remplaçons, point central, par singularité XE "Singularité" , et les quatre directions cardinales par les quatre dimensions de l'espace de la relativité générale et nous retrouvons le big bang !
C'est faire peu de cas, dira-t-on la haute compétence de ceux qui, sans relâche, travaillent avec passion à cette grande aventure humaine qui est la recherche de nos origines. Mais réciproquement, faisant table rase de ce qui n'est pas scientifiquement fondé, au sens moderne du terme, c'est faire peu de cas du travail millénaire, et tout aussi passionné de ceux qui ont ouvert le chemin de la connaissance, dans des conditions autrement difficiles que celles que nous connaissons aujourd'hui. Et c'est là que réside peut-être le vrai travail de la philosophie : mettre en relief ce qui tout au long de l'histoire humaine apparaît comme des constantes de la pensée, une sorte de fond commun à toutes les consciences humaines, ce qui constitue donc la conscience XE "Conscience" universelle.
Qu'il n'y ait pas, cependant d'interprétation erronée de mes propos. Il n'y pas de vérité oubliée à retrouver dans les textes anciens que ce soit ceux des présocratiques XE "Présocratiques" , ou de la tradition hermétique. A point nommé, je tombe sur un ouvrage (que ne citerais pas mais qui est assez caractéristique d'une vaste littérature), qui fustige d'une façon assez infantile la science moderne, qui selon l'auteur peinerait à seulement tenter d'approcher une vérité connue des grands esprits des traditions ésotériques. L'argument fait long feu XE "Feu" , et à sans doute encore un bel avenir devant lui : tout est dit dans les textes anciens, il suffit donc d'une exégèse bien conduite, pour atteindre les vérités éternelles, sans tenir compte d'une science qui bafouille et qui ne comprend rien à rien. Le plus drôle est que l'auteur en appelle au témoignage de J.M Lévy-Leblond, qui, à mon avis ne rirais même pas si le texte lui était présenté. Le physicien dans son petit livre L'esprit de sel, s'en prend non pas à la science, mais à ce qui est privilégié dans les approches pédagogiques. Il prône alors un retour à l'étude de phénomènes plus proches de notre environnement et qui sont vraiment formateurs de l'esprit scientifique, et qui ne cède en rien concernant les difficultés de formalisation (une simple fumée se dispersant dans une pièce où l'air est au repos). Quand on connaît un tout petit peu le travail de J M Lévy-Leblond, on ne peut imaginer chez lui la moindre sympathie pour les élucubrations fantaisistes de l'auteur du livre en question. Je tiens, bien évidemment à me démarquer de cette attitude, et bien préciser, qu'à aucun moment, je n'ai eu, et je n'ai dans l'idée, qu'il existe dans les mythes XE "Mythes" le moindre commencement d'une connaissance qui puisse servir de fondement à la pensée moderne. Ce qui ne signifie pas qu'on n'y trouve pas souvent les germes de cette pensée moderne.
Incarnation de la conscience XE "Conscience"
La science moderne a définitivement écarté l'idée d'un dieu créateur XE "Créateur" et guidant le destin du monde. D'une façon générale les scientifiques évitent l'affrontement direct avec les religions, mais réciproquement les religions - sauf dans quelques cas particuliers où les religieux sont totalement aveuglés par une foi destructrice de l'homme - se montrent très discrètes concernant toutes les données irréfutables qui sont en contradiction formelle avec les dogmes les plus fondamentaux pour elles.
Peut-on alors être scientifique et croyant ? Dans la mesure où il a existé d'illustres savants croyants, il est impossible de répondre non à cette question. Il n'y a incompatibilité globale, entre science et religion, que pour les extrémistes de chaque bord. On ne voit pas très bien, par exemples pourquoi un savant atomiste ou un physicien théoricien en mécanique quantique XE "Quantique" , ne pourrait pas être croyant ; à condition qu'il ne prétende pas, au détour d'un raisonnement qu'une incohérence insurmontable est due aux desseins impénétrables...! Par contre pour le neurobiologiste qui cherche à comprendre l'émergence XE "Emergence" de la conscience XE "Conscience" à partir de purs phénomènes biologiques, c'est beaucoup plus difficile, disons les choses clairement, impossible. L'idée d'un démiurge XE "Démiurge" détenant un réservoir d'âmes qu'il greffe sur le ftus à un moment donné de son développement, même si elle émane d'un prix Nobel de médecine, ne peut logiquement être accepté. Sans compter les insurmontables difficultés rencontrées pour comprendre comment une âme, élément immatériel peut agir sur un système biologique, action qui ne peut se comprendre que si elle met en jeu une certaine énergie. L'âme ou l'esprit créant de lénergie ? Dans ce cas, adieu la science ; finie l'aventure humaine de la connaissance, et abandonnons aux intégrismes religieux le soin de nous amener, à court terme au Crépuscule des hommes. La seule issue scientifique au problème de la conscience est donc de donner à celle-ci un fondement biologique ; avec l'inévitable conséquence de l'extinction de notre conscience avec la mort physique de notre cerveau XE "Cerveau" . Il est naturel que nombreux soient ceux qui refusent de payer ce prix, mais la vérité n'est pas une question de plaisir ou de déplaisir ; ceux qui refusent d'en assumer les rigueurs, ne peuvent plus prétendre la défendre. Il ne s'agit pas d'affirmer que la science est la seule voie qui mène à la vérité, mais que ceux qui se réclament de la science, ne peuvent défendre des idées en s'appuyant sur elle alors que ces idées sont contradictoires avec les axiomes XE "Axiomes" qui fondent la démarche scientifique. Ce que j'affirme pour la biologie et ses rapports avec la conscience vaut-il pour toutes les disciplines scientifiques ? Tout dépend de l'idée que l'homme à de Dieu XE "Dieu" . Pour les catholiques purs Spinoza était athée, tout comme Einstein XE "Einstein" ; compte tenu, par exemple de l'évanescence de l'idée de Dieu chez Einstein, il est impossible d'en décider.
Il existe une idée de Dieu XE "Dieu" , compatible avec les postulats scientifiques, et qui était, selon toute vraisemblance, celle d'Einstein XE "Einstein" . Un dieu qui a donné naissance à l'énergie, en dernière analyse, substance de tout ce qui existe, et a posé les lois qui dominent l'évolution XE "Evolution" du monde ; ces lois de part leurs conséquences ont conduit à l'émergence XE "Emergence" de la vie, puis de la conscience XE "Conscience" . Mais cette conception de dieu ne peut être acceptée par les religions qui postulent toutes une action continue de dieu, en marge des lois physico-chimiques, ce que la science, elle, ne peut admettre.
L'émergence XE "Emergence" de la conscience, XE "Conscience" problème scientifique ?
La science s'est attaquée sans complexe au problème de l'émergence XE "Emergence" de la vie. S'efforçant de comprendre des phénomènes remontant à quelques trois milliards d'année, ne mettant en cause que des êtres assez peu différents de la matière brute, elle se sent suffisamment éloignée de ce qui touche au propre de l'homme pour ne pas se mettre elle-même en question, pour garder un point de vue extérieur ou objectif. Mais la conscience XE "Conscience" pose des problèmes autoréférentiels, et telle Wotan, elle se sent brutalement frappée d'impuissance. Tout se passe comme si la science avait passé un contrat avec d'obscures forces - mais qui pourrait bien être celles de la religion - la condamnant à ne s'occuper que de la matière non pensante : « Je ne puis le toucher / devant lui mon courage / aurait le dessous.». Pour Wotan il s'agit de l'anneau, pour la science du problème de la conscience. Mais pour les deux, l'enjeu est aussi décisif.
Mais les immenses progrès réalisés en neurobiologie, la fin de l'hégémonie des idéologies religieuses, et le développement prodigieux de l'informatique, avec ses applications en intelligence artificielle (devenue conventionnellement l'IA) ont totalement modifié l'attitude scientifique. La plupart des spécialistes, pensent aujourd'hui que la science possède d'ores et déjà la capacité et les concepts lui permettant d'expliquer l'émergence XE "Emergence" de la conscience XE "Conscience" . Mais l'accord sur les concepts pertinents est très loin d'être faits. J'écarte toutes les théories qui supposent une intervention, même limitée d'une quelconque transcendance XE "Transcendance" , non pas par sectarisme, mais parce qu'alors il n'y a plus rien à chercher. Les causes de l'organisation cérébrale, peuvent encore faire l'objet de recherches, mais n'ont plus qu'un intérêt pratique, celui d'intervenir éventuellement pour soigner certaines pathologies ; or, ce que recherche la science, est une explication qui reste intrinsèque au phénomène vital. Pourquoi cette recherche est-elle légitime ? Essentiellement pour deux séries de raison : (1), Toutes les expériences cliniques montrent d'une façon évidente que notre conscience et notre personnalité sont liées, d'une part aux caractéristiques physiologiques de notre cerveau XE "Cerveau" , d'autre part - et les deux sont liés -au développement épigénétique XE "Epigénétique" de celui-ci.(2) les tenants d'une intervention transcendantes n'ont aucune preuve sérieuse, à l'appui de leur thèse, qui résiste à la moindre analyse scientifique. La foi déplace des montagnes, mais est impuissante à transformer en fait avéré, ce qui n'est que témoignage incertain et incapable de soutenir une expérimentation sérieuse.
L'argument qui a longtemps été considéré comme décisif pour affirmer une solution de continuité entre l'homme et toutes les autres espèces animales, est l'inexistence de maillons intermédiaires entre l'homme et le chimpanzé, le plus proche de nous quant au potentiel génétique XE "Génétique" : une quasi identité- identité des molécules d'ADN des deux espèces. Mais les causes du développement extraordinairement rapide de notre cortex sont bien connues, entre autres, station debout, avec cette conséquence inouïe, la possibilité d'un langage articulé devenant véhicule d'informations de toutes natures, en particulier celles favorisant la constitution de groupes suffisamment stables pour que s'organise une vie sociale favorisant, entre autres, le développement des cortex.
Le repliement sur soi
Le mythe unitaire repose sur une contradiction fondamentale : Il n'a de sens que pour une conscience XE "Conscience" , et la conscience est, avant tout conscience d'une dualité fondatrice, celle qui fait qu'il y a le monde et la conscience qui s'oppose au monde, en tant qu'objet distinct du reste du monde. Pour la conscience, retrouver l'unité primordiale, c'est se nier comme conscience. Certes, lorsque la science succombe au mythe unitaire, il ne s'agit pas de la même unité ; d'un côté, il y a désir de fusion, de l'autre recherche d'une explication unitaire des phénomènes. Mais n'y a-t-il pas, dans les deux cas désir d'aller vers une fin ; en finir avec les tensions nées des conflits engendrés par la volonté XE "Volonté" de connaissance ? La volonté de pénétrer tous azimuts l'opacité du réel, a entraîné l'homme dans une complexité de pensée qui n'est autre que l'image de la complexité du réel. Le cerveau XE "Cerveau" humain idéalise le monde extérieur (et sa propre appréhension de soi). La schématisation achevée, il ne peut manquer de constater le caractère approximatif de ses représentations qui l'entraîne à rechercher une meilleure adéquation. Ce mouvement soutenu par la dynamique d'une pensée en pleine expansion s'amortit avec la sclérose qui gagne les organismes vieillissants. Constat amer, mais qui n'offre aucune alternative à l'acceptation de la fin. Pour nous consoler, nous invoquons alors la sagesse...Mais la sagesse n'est que le signe avant-coureur de la mort.
L'unité avec le monde se révélant impossible, l'homme tente alors de se contenter de l'image qu'il s'est créée en lui de cet univers qui refuse de se dévoiler selon ses désirs. Tourner le dos au monde avant que celui-ci ne se vide de tous sens au rythme de la dégénérescence de nos neurones. On parle de méditation mais il s'agit de fuite. Car c'est une évidence, durant la période ascendante de notre être nous sommes porté vers le monde, nous y plongeons plein d'espoir, nous le sentons riche d'infinies potentialités...Mais nous nous trompons c'est nous qui sommes riches, et lorsque nous sentons le monde s'appauvrir, c'est nous qui nous appauvrissons.
Wotan est bien l'archétype de l'individu qui passe par toutes les étapes qui mène l'individu de la naissance de la conscience XE "Conscience" à la mort de la pensée par repliement sur soi. Jeunesse de l'esprit et du corps, ivres d'amour XE "Amour" et de jouissance des beautés naturelles du monde ; une conscience, si j'ose dire, qui n'a pas d'intérieur, qui ne fait qu'un avec l'univers. Puis Lorsque la joie d'amour de la jeunesse pâlit..., la volonté XE "Volonté" de conquête fait rupture d'une alliance sacrée ; le monde n'est plus accepté comme une merveille dont on reçoit les dons, mais comme un mystère à percer, une hostilité à réduire. Wotan construit alors le Walhall, le centre qui doit devenir le pivot de la conquête. Mais le monde n'est pas à conquérir, il s'offre à tous ceux qui comprennent que sa plus grande richesse, tel l'Or du Rhin brille pour qui a des yeux pour voir. Et si le monde n'apparaît plus que comme un miroir nous renvoyant notre propre image, que nous reste-t-il lorsque cette image nous devient odieuse, sinon briser le miroir, ce qui est impossible, fuir, ou nous cacher ?
Crépuscule de la conscience XE "Conscience"
Conscience individuelle et personnalité
Nous sommes responsables de l'image que nous nous formons du monde. Cela ne signifie nullement que nous choisissions cette image ; elle s'impose à nous sans que nous y puissions quelque chose. Ce que nous savons aujourd'hui du cerveau XE "Cerveau" montre clairement que toute dualité corps/esprit est impensable sans que toute vision raisonnable du monde s'effondre irrémédiablement. Ceux qui s'accrochent à l'idée de dualité applaudissent : cela prouve la déqualification de la raison et la victoire de l'idée de forces transcendantes dominant la nature. Mais cette victoire débouchant sur l'incohérence du monde est en fait une défaite de l'esprit, qu'une majorité d'hommes, pour qui la démarche scientifique à un sens, ne veut plus aujourd'hui accepter.
L'identité conscience XE "Conscience" /fonctionnement cérébral a, comme chacun sait, une conséquence dramatique : notre conscience est dépendante de nos états neuronaux. En particulier, la mort cérébrale entraîne l'annihilation de notre conscience. Mais est-ce le plus grave ? Nous existons comme être humain parce que nous possédons une personnalité. Et cette personnalité, à laquelle nous tenons tant, n'est, comme la conscience que le reflet de l'état de nos assemblés neuronales. Sachant que nous perdons à chaque instant une quantité non négligeable de neurones, cette perte doit être compensée par restructuration continue de nos cartes neuronales. Notre personnalité ne peut manquer d'en être affectée, en bien comme en mal.
Et le vieillissement ? Tout ce qu'on peut espérer c'est qu'il ait une compensation de l'irréparable outrage - qui ne peut manquer d'atteindre aussi nos structures XE "Structures" cérébrales - par l'information accumulée au cours de nos expériences intellectuelles ; mais il ne faut peut-être pas trop rêver, et plutôt s'attendre, avec résignation, au pire ; le pire dont on voit atteint, autour de nous nombre de nos semblables, mais dont nous pensons bien ingénument, que ça n'arrive qu'aux autres. A aucun moment, cependant, nous ne doutons de la pérennité de l'identité de notre personnalité ; nous percevons le changement chez les autres, et avec d'autant plus de pertinence qu'ils changent doublement, de part leur évolution XE "Evolution" propre, et par le comportement différent à notre égard que justifie notre propre changement. Nos souvenirs également se modifient, certains disparaissent totalement de notre conscience XE "Conscience" , d'autres sont transposés, voire totalement inventés.
Conscience intersubjective
Nous savons maintenant avec certitude que le cerveau XE "Cerveau" humain, pour se développer selon toutes ses potentialités exige un environnement socioculturel sans lequel aucun langage ne peut se construire. C'est ainsi la nécessité des autres pour le développement de notre personnalité qui est mis en évidence. Nos caractères typiquement humains, ne sont en nous que des potentialités qui ne peuvent s'exprimer qu'au contact, durant notre développement épigénétique XE "Epigénétique" , de ceux de notre espèce. Notre conscience XE "Conscience" (et notre personnalité) se forge donc au travers d'une double opposition: opposition au monde et à cette conscience enveloppante, qui est en même temps une nécessité et un danger permanent, celui de n'être qu'une copie conforme de ceux qui nous entourent. (Au-delà de ce qui a déjà été dit plus haut sur le premier acte de Siegfried, Wagner XE "Wagner" nous montre un Siegfried s'efforçant d'être aussi différent que possible de Mime XE "Mime" qui prétend être son père).
Le pouvoir XE "Pouvoir" politique
J D Vincent, dans un chapitre intitulé Le monde, cite Hobbes XE "Hobbes" , en exergue : « C'est l'art qui crée le grand Léviathan XE "Léviathan" qu'on appelle république ou état, lequel n'est qu'un homme artificiel quoique d'une stature et d'une force plus grande que celles de l'homme naturel pour la défense et la protection duquel il a été conçu ». Or le Léviathan est un monstre dont il est plusieurs fois question dans la bible XE "Bible" . Hobbes, qui défend dans son ouvrage l'idée de République, souligne malgré tout, le caractère démoniaque de cette puissance surhumaine.
L'histoire des hommes montre qu'un part importante de ceux-ci n' ont jamais vraiment accepte la domination du monstre ; grossièrement cela opère une tripartition de l'humanité: d'un côté, ceux qui pour satisfaire, ne serait-ce que virtuellement, leur goût du pouvoir XE "Pouvoir" se glissent dans la hiérarchie du système étatique quitte à être les nervis d'une dictature XE "dictature" , de l'autre ceux qui ne peuvent supporter une autorité qui prend toujours cent fois plus qu'elle ne donne, et au milieu la foule immense des indifférents, ou qui feignent de l'être, parce qu'ils estiment avoir mieux à faire, parce qu'ils sont lâches, ou plus généralement parce qu'il se réfugient dans un monde parallèle d'où ils considèrent l'état comme une sorte de calamité naturelle contre laquelle on ne peut rien, mais qui, tout bien pesé aussi avoir des côtés bénéfiques.
Hobbes XE "Hobbes" évoquant la souveraineté qui réside dans l'état, parle d'âme artificielle, et ce que dit le texte latin est plus intéressant : « où celui qui détient le pouvoir XE "Pouvoir" suprême tient la place de l'âme ». Ainsi, la conscience XE "Conscience" intersubjective est une entité qui n'a pas d'existence palpable, et ne peut que s'incarner dans ceux qui détiennent le pouvoir ; pouvoir politique certes, mais surtout pouvoir spirituel dans tous les domaines d'activité humaine, et relativement au milieu social où est plongé l'individu. Ainsi pour le jeune enfant la conscience intersubjective, c'est le milieu familial, puis pour l'adolescent, le milieu scolaire. Dès le plus jeune cette surconscience est donc ressentie comme protectrice et castratrice, d'où ce mélange, chez l'individu en voie de formation, de soumission et de révolte.
Selon Hobbes XE "Hobbes" le souverain est au-dessus de ses propres lois, dans la mesure, où celui-ci est désigné (élu s'il s'agit d'une démocratie), par le groupe qui se cherche une structure protectrice, avant que les lois ne soient posées : « Une quatrième opinion inconciliable avec la nature de la République ; c'est que le détenteur du pouvoir XE "Pouvoir" souverain est assujetti aux lois civiles. Il est vrai que tous les souverains sont assujettis aux lois de nature, car ces lois sont divines et ne sauraient être abrogées par aucun homme ni aucune république. Mais les lois qu'il fait lui-même, autrement dit aux lois que fait la République, le souverain n'est pas assujetti.» (Léviathan XE "Léviathan" , De Sirey, page 346). Cette affirmation peut paraître choquante surtout lorsqu'elle prend la forme d'un principe ; mais il faut bien reconnaître que c'est l'essence même de la raison d'état, et que c'est une réalité XE "Réalité" qui mine tous les systèmes politiques. Personne n'est théoriquement au-dessus des lois, mais la loi ne s'applique pas à tous avec la même rigueur, il y en a même à qui elle ne s'applique jamais. Il n'en reste pas moins, que cette situation que chacun feint d'ignorer, mais atteint profondément, détériore inexorablement cette surconscience qui devient la chose à tromper, sinon la bête à abattre. A part ceux qui vivent et prospèrent dans les couloirs du pouvoir, quel citoyen a aujourd'hui encore confiance dans le pouvoir politique, et tous les pouvoirs qui se maintiennent sous sa protection. Cette conscience XE "Conscience" intersubjective trop étroitement dépendante des pouvoirs politiques qui l'incarnent presque nécessairement est moribonde, non pas en tant que pouvoirs, mais comme référence morale, si l'on entend par morale ce qui est conforme au fonctionnement raisonnable de la société, ce que Hobbes appelait loi naturelle. Ce qui est symptomatique aujourd'hui, c'est qu'un nombre croissant de citoyens tournent délibérément le dos aux problèmes politiques.
Le drame est que l'autorité politique effective étant une nécessité d'autant plus grande que les groupes humains sont vastes et disparates, le dépérissement du pouvoir XE "Pouvoir" politique s'accompagnera à n'en pas douter de la fin de notre civilisation, comme la fin du pouvoir effectif de Wotan a conduit à la fin des dieux.
Science, philosophie et art
Ces domaines échappent, aujourd'hui, pour l'essentiel, aux pouvoirs politique et religieux ; et pourtant l'image intersubjective qui en résulte n'est pas forcément meilleure. Il n'existe pas, en chacun de nous une image commune stéréotypée du monde extérieur. Si l'identité de nos patrimoines génétiques, qui caractérise notre espèce, fait, comme nous l'avons déjà souligné, que les phénomènes physiques nous affectent, pour l'essentiel, tous de la même manière - Le « rouge » déclenche chez tous la même sensation visuelle - il n'en est de même de la façon dont nous appréhendons les phénomènes culturels. Car cette fois-ci, c'est le développement épigénétique XE "Epigénétique" du cerveau XE "Cerveau" qui est concerné ; et celui-ci dépend, comme c'est maintenant une certitude, de l'environnement que nous avons connu durant nos premières années. La science affirme que c'est la théorie XE "Théorie" qui définit les faits, donc les images que nous nous faisons des relations entre les objets - et même des objets eux-mêmes - ; en paraphrasant, on peut dire que ce sont les théories que nous construisons en nous au cours de notre apprentissage de la vie qui définissent l'image que nous nous faisons du monde.
Intéressons-nous seulement à ceux que concernent les activités scientifiques et philosophiques. Il y a toujours un décalage important entre la science entrain de se faire, et le public cultivé - a fortiori ceux qui ne sont concernés que par les applications concrètes, ou les découvertes stupéfiantes -. Ce décalage est le temps nécessaire, d'une part à la décantation, d'autre par à la mise en forme des théories qui sont rarement exprimées par leurs créateurs - ou découvreurs - de la manière la plus simple. Ce temps est réduit aujourd'hui à peu de chose, mais une situation nouvelle, dont nous pouvons difficilement mesurer la gravité vient gommer ce qui semble, à première vue être un avantage décisif pour la culture. Naguère encore - mais elle s'y efforce toujours - l'épistémologie se livrait à une seconde élaboration des théories ; rien de nouveau n'était créé, mais cela donnait naissance à une réécriture, à une simplification des formalismes initiaux qui devenaient abordables aux esprits moins doués, qui formaient alors les initiateurs des nouvelles générations. Travail de stabilisations des concepts, contrôle de leur extension et de leur compréhension - ou leur intension - simplification des algorithmes, clarification des hypothèses, etc.
Mais la complexification, voire la sophistication des théories rend ce travail de plus en plus difficile, et souvent même, comme en physique théorique et mathématique, totalement impossible. En effet, l'abstraction grandissante des théories exige maintenant qu'entre les formes les plus élaborées, les plus proches de la perfection formelle et de la rigueur, et la vulgarisation pour quotidiens à grands tirages existent une multiplicité de niveaux utilisant des langages spécifiques, s'appuyant même parfois sur des logiques XE "Logique" différentes. Les passages d'un niveau à l'autre étant ainsi rendus très difficiles, voire impossibles. Il y a donc, dans le champ des connaissances, des ruptures qui rendent les communications toujours très difficiles.
L'expression des concepts et leurs critères d'applications devenant de plus en plus complexes, c'est une sémantique et une syntaxe nouvelles qui s'élaborent, avec les incertitudes, les confusions sur le sens des mots que cela entraîne. Par exemple, le langage imagé de la science fait le plus souvent croire à l'existence concrète d'objets qui ne sont en fait que des entités mathématiques XE "Mathématique" : photons, électrons, spin XE "Spin" , et même force, quantum d'action considéré comme un grain d'énergie. Et la philosophie n'est pas en reste ; pour s'assurer la maîtrise d'un domaine propre n'a-t-elle pas complexifié ses concepts sans véritable nécessité ? Peuvent-ils vraiment invoquer un argument du genre : les progrès dans la connaissance de l'homme et de ses outils de pensée, nous obligent à cette sophistication du discours philosophique ? S'agit-il d'une fuite, d'une régression, d'un repliement sur soi ? Ou l'ensemble des connaissances comme l'univers lui-même est-il soumis à de curieux effets gravitationnels créant des noyaux qui ne communiquent plus entre eux ? Or, le rôle de la philosophie ne devrait-il pas justement de développer des effets centrifuge propres à faire éclater ces noyaux ressemblant, dans l'univers des idées, à ces cadavres d'étoiles qui jonchent le cosmos ?
Aux temps immémoriaux, la tendance centripète qui entraîne notre univers mental vers un vide peuplé d'objets en perdition, a conduit Wotan au piège du Walhall, puis la prise de conscience XE "Conscience" de sombrer dans un enfermement mortel, lui a donné la force d'affronter l'univers des hommes, signant ainsi l'arrêt de mort des dieux. Le risque n'est-il pas aujourd'hui le même, pour ceux qui frileusement restent enfermés dans leur cocon qui pourrait bien ressembler, en poursuivant la métaphore XE "Métaphore" cosmique, à des trous noirs ?
L'image de notre univers intersubjectif des idées - quelque chose comme le monde 3 de Popper XE "Popper" - soumis à un champ de gravitation XE "Gravitation" , me poursuit sans vraiment me convaincre. Que sont, dans cet univers nos consciences individuelles ? Sommes-nous, dans un monde platonique, où seuls les idées et les concepts ont une réalité XE "Réalité" , les particules XE "Particules" dinteraction ? C'est-à-dire les agents de liaisons d'un monde qui nous dépasse ? Résolument non. Le monde des idées n'est rien sans nos consciences, et les individus que nous sommes en sont la seule réalité. Mais nous avons un besoin aussi fort d'isolement, que de contact avec les autres, et notre tendance naturelle nous porte donc à trouver un compromis : s'isoler à quelques uns. A moins que des phénomènes de rejet nous condamnent au repliement.
Et lorsque nous sommes trop durement touchés dans les heurts continus de notre monde de plus en plus agité, la tentation est grande de se créer un monde intérieur, facile à dominer et finalement à protéger. A la limite, l'indifférence à son destin, qui n'est qu'une réaction de défense face à un monde qui prive l'individu de projet, apporte un certain sentiment d'éternité, ou plus exactement d'intemporalité. Malheureusement, tout cela n'est qu'illusion de courte durée, et ne donne que le sentiment fugitif d'échapper au temps.
Les mythes XE "Mythes" indiens ont fait de l'anéantissement du temps et de la conscience XE "Conscience" , la Vérité et la connaissance absolues. Ce que nous appelons réalité XE "Réalité" n'est que le voile de Maya XE "Voile de Maya" dissimulant l'Être absolu. Ce voile de Maya, rongé, miné par le temps est le véritable ennemi de l'être. Le temps de la conscience c'est le vouloir-être, ou selon l'expression de Schopenhauer XE "Schopenhauer" le vouloir vivre ; ce qui correspond mieux à cette volonté XE "Volonté" de l'homme de dérouler son existence dans le monde. Ce vouloir-vivre qui doit frayer son chemin au travers de ce que J D Vincent appelle, après d'autres auteurs, les opposants, c'est-à-dire, toutes les dispositions acquises et innées de notre cerveau XE "Cerveau" qui après une évaluation extraordinairement complexe du pour et le contre, nous engagent dans l'action. Il est probable qu'avec l'accumulation des expériences, sous formes de souvenirs conscients et inconscients, les prises de décision soient de plus en plus difficiles ; ce jeu nous reste pour ainsi dire caché, mais provoque un sentiment de malaise (qui est peut-être caractéristique de notre époque où nous sommes sollicités au-delà de nos capacités d'évaluation de ce qui, pour nous est bon ou mauvais), qui peut devenir parfaitement insupportable, et amener l'individu à un pur et simple refus de la vie.
« Mais l'homme qui dans la mort craindra le moins d'être anéanti est celui qui a reconnu que dès maintenant il n'est rien et qui ne prend par suite aucun intérêt à son phénomène individuel : la connaissance a comme consumé chez lui la volonté XE "Volonté" , si bien qu'il ne reste plus chez lui le moindre vouloir, la moindre soif d'existence individuelle.»
C'est Schopenhauer XE "Schopenhauer" qui parle (Le Monde..., page 1377). Prendre conscience XE "Conscience" de n'être rien, c'est, avant tout ressentir l'inutilité de ses actes, autrement dit, en soi le jeu des opposants s'équilibre, donnant le sentiment de la nullité de l'acte à venir. C'est bien ce qui accable Wotan ; pour lui l'Acte, c'est la reconquête de l'anneau, mais pour quoi ? A quoi bon se charger lui-même de l'acte rédempteur puisqu'il n'en a plus rien à espérer. Il n'y a plus là de nostalgie des origines, se situant en des temps immémoriaux, dans le temps, mais d'une nostalgie d'avant le commencement du temps, identique finalement à un désir d'être enfin hors du temps. Cela correspond, dans les philosophies orientales, à deux mouvements complémentaires: l'un vers le passé pour retrouver ses vies antérieures, comme si revivre le temps passé permettait de s'en séparer, l'autre vers le futur, parcourir au plus vite, c'est-à-dire en annihilant en soi la conscience du temps, l'existence présente, le plus dignement possible, et tenter d'échapper, par une conduite exemplaire à tout recommencement, donc à une nouvelle vie temporelle source de souffrances, de désirs impossibles à assouvir.
Wotan, sa lance XE "Lance" détruite, s'enferme au Walhall, attendant que l'Autre, c'est-à-dire Brünnhilde mette fin à ses tourments ; ainsi, connaissance et sagesse acquises en parcourant le monde n'ont servi qu'à sa perte. N'en est-il pas de même pour nos propres élans vers la connaissance ? Tel Wotan, nous aspirons à connaître, mais c'est une boîte de Pandore que nous ouvrons imprudemment, et, lorsque las de combattre, nous refermons la boîte, nous nous enfermons en nous-mêmes, notre Walhall, le mot espoir perd définitivement tout sens, à tel point que nous oublions même que ce sentiment nous a permis, naguère encore de croire en la vie.
Le double jeu de la nature : déterminisme XE "Déterminisme" et hasard XE "Hasard"
Selon l'expression de J D Vincent, la nature, en se laissant aller, apparemment par le plus grand des hasards à inventer la vie, met en place une machinerie diabolique. Dès le départ, ce ne sont que luttes à mort pour s'assurer le meilleur sur l'Autre, pour évoluer la vie se nourrit d'elle-même, chaque espèce étant, à quelques rares exceptions près, prédateur et proie. A un certain niveau l'histoire nous paraît être une succession de hasards, heureux ou malheureux ; mais un regard plus attentif découvre un implacable déterminisme XE "Déterminisme" , qui ne semble laisser aucune marge à l'invention. Par expérience, nous savons qu'il existe un déterminisme mécanique et physico-chimique. Les physiciens jouent à croire que les phénomènes sont par essence réversibles, et que s'ils évoluent toujours dans un sens déterminé, c'est uniquement une question de probabilité. Ils vous affirment sans rire, par exemple, que si, chauffant une casserole d'eau la température de celle-ci s'élève, c'est parce que le système évolue vers un état de forte probabilité, mais que théoriquement rien ne s'oppose à ce que l'eau refroidisse. D'accord, mais si je vais trouver l'un deux en disant : « j'ai chauffé et j'ai obtenu de la glace.», quelle sera sa réaction ? Que les axiomes XE "Axiomes" simplificateurs des théories nous donnent des lois probabilistes est un chose, mais que la nature y obéisse intégralement en est une autre !
Cassée ! Cassée ! Cassée !
Les trois Nornes expriment ainsi, successivement, leur désespoir lorsque, au Prologue du Crépuscule des Dieux, la corde sacrée se rompt. Cet événement, que nous avons évoqué déjà plusieurs fois est lourd d'un symbolisme qui dépasse certainement les intentions de Wagner XE "Wagner" lui-même ; tout au moins celles qu'il a pu avoir d'une manière consciente.
Exprimée par les Nornes, c'est la dégradation, s'achevant en catastrophe, d'un ordre XE "Ordre" immuable jusqu'à ce moment, due à deux événements majeurs :
- La blessure infligée par Wotan à l'arbre XE "Arbre du monde" du monde.
- Le renoncement d'Albérich à l'amour XE "Amour" , qui lui permet de se saisir de l'Or du Rhin, et de forger l'anneau. Mais le pire arrivera par Wotan, qui, dépossédant le Nibelung de son anneau conduira à la malédiction qui doit frapper tous les possesseurs de celui-ci.
Ainsi Wotan porte seul la responsabilité de l'anéantissement de l'ordre XE "Ordre" ancien.
D'une façon claire, c'est le passage d'un monde dominé par un déterminisme XE "Déterminisme" parfait à un univers ouvert à tous les possibles, où plus rien n'est prévisible ; celui des hommes, qui, libérés de la tutelle des dieux entendent affirmer leur liberté XE "Liberté" .
Un univers de propensions XE "Propensions"
La notion mathématique de probabilité s'applique mal à la réalité XE "Réalité" physique. Si toutes les particules XE "Particules" matérielles de l'univers, dont le nombre est de l'ordre XE "Ordre" de 1080, étaient de couleur blanche, à l'exception d'une seule de couleur noire, la probabilité pour qu'en en choisissant une seule, elle soit noire, n'est pas nulle. Cependant, le temps moyen pour effectuer une bonne pioche, la noire en l'occurrence, à raison d'un tirage par seconde, dépasse de plusieurs ordres de grandeur l'âge de l'univers, et pourtant nous nous sentons à laise : le problème est formellement identique à celui du tirage de boule dans une urne, par lequel on expose les premières notions de probabilités. Il n'en reste pas moins que l'événement considéré, le tirage d'une boule noire, n'a plus de sens physique lorsque les nombres d'objets dépassent toutes expérience possible. Par ailleurs on ne peut logiquement envisager de fixer une limite de probabilité à partir de laquelle un événement serait impossible ; il faut donc reconnaître que, pour tout ce qui touche le monde réel, la notion de probabilité doit être aménagée.
Pour illustrer la difficulté de la notion de probabilité appliquée à la physique, considérons le cas très simple de la probabilité de constater la désintégration d'une particule radioactive, comme le radium (un isotope du radium dans ce cas précis). On nous dit que sa période T est de 3 105 secondes ; c'est le temps nécessaire pour que la moitié des atomes d'une masse donnée se soit désintégrée. On définit d'autre part un coefficient ( qui caractérise le nombre d'atomes qui se désintègrent durant l'unité de temps. Un calcul simple montre que T= Ln2/(=0.693/(, La vie moyenne de la particule est (=1/( ; dans le cas du radium, nous avons donc, (= 2.10-6, (=5.105, soit environ six jours. Y a-t-il un sens, à propos de (, de parler de probabilité pour qu'un atome se désintègre durant une seconde dobservation ? Cela n'a rien d'évident, car il s'agit de la propriété d'un ensemble de particules XE "Particules" ; ce que l'on mesure, c'est le flot des particules provenant des désintégrations. Par exemple, avec un gramme de radium représentant environ 3 1021 atomes, on dénombre 6.1015 événements par seconde. Mais comment observer ce qui arriverait à une seule particule isolée ? L'hypothèse XE "Hypothèse" choisie par les physiciens est que la particule a une propension intrinsèque à se désintégrer, indépendante, donc de son environnement, mais également de sa vie écoulée. Autrement dit, l'hypothèse choisie est identique à celle d'un jeu de hasard XE "Hasard" : si, à pile ou face, vous faites 10 piles de suite la probabilité pour qu'au onzième tirage vous tiriez piles est toujours de 1/2, de la même façon, si vous observez l'atome de radium depuis 6 jours, la probabilité pour qu'il se désintègre dans la seconde qui suit est toujours la même ; un atome radioactif ne vieillit pas, mais si son espérance de vie, mesurée à partir de sa période est de un milliard d'année, il peut cependant s'anéantir dans la seconde qui vient !
Venons en maintenant à l'idée de propension. Elle vient de Popper XE "Popper" mais reste assez vague. Voici ce que nous dit celui-ci (L'univers irrésolu, Hermann, 1984): «J'ai essayé d'expliquer la notion, de propension comme une sorte de généralisation de l'idée de force - ou peut-être même comme une alternative à cette idée, principalement parce que l'idée de force avait été tout d'abord considérée avec suspicion par les physiciens rationalistes qui l'accusaient, avec raison, d'être occulte et métaphysique[...] En général, nous considérons que les propensions XE "Propensions" peuvent revêtir, sous des conditions données, l'aspect d'un ensemble ou autre d'états possibles (ou virtuels) ». L'idée est qu'un système évolue dans un champ de possibilités, où il dérive au hasard XE "Hasard" jusqu'au moment où il se trouve piégé par une interaction avec le milieu ou les objets qui s'y trouvent. A ce moment la probabilité pour qu'il tombe dans un certain état, qui était très faible, croit d'une façon vertigineuse pour devenir égale à 1 ; le système est alors soumis à un déterminisme XE "Déterminisme" strict. Mesurer une propension avant que le système atteigne une zone d'interaction n'a donc guère de sens. Pour choisir un exemple biologique, la propension, pour un atome de carbone de participer à l'édification d'une molécule d'ADN est certainement nulle s'il appartient à un bloc de charbon enfoui à mille mètres sous terre, mais s'il constitue déjà une molécule organique sa chance augmente singulièrement. L'exemple que je viens de donner, montre qu'une propension n'est jamais une propriété intrinsèque d'un système, mais dépend essentiellement de son environnement.
J'ai plus haut esquissé une analogie entre nos états cérébraux et les états quantiques d'un système physique ; il ne s'agissait pas d'affirmer, ni même de postuler que notre cerveau XE "Cerveau" était assimilable à un système quantique XE "Quantique" , mais que certains éléments du formalisme quantique pouvaient peut-être être utilisés, pour décrire comment fonctionnait notre cerveau. La notion de propension nous permet d'affiner un peu cette approche.
Notre comportement est un mélange complexe de réactions instinctives soumises à des déterminismes stricts et d'actes volontaires (ou plutôt que nous ressentons comme tels). Lorsque nous adoptons un comportement, nous n'inventons pas une réaction, mais choisissons parmi une quasi infinité de réactions possibles, en grande partie déjà programmées. Ce sont des états potentiels dont la probabilité qu'ils soient activés en dehors de tout stimulus XE "Stimulus" est pratiquement nulle. La propension, elle n'est pas nulle, l'état correspondant étant possible
Se pose alors le problème de la responsabilité. En vérité ce problème existe uniquement dans le cadre d'une conception dualiste de lindividu : un esprit qui commande à un corps. Dans la mesure où l'analyse des faits nous contraints à rejeter toute théorie XE "Théorie" dualistique, il n'est manifestement plus possible de parler responsabilité morale, sauf à titre de métaphore XE "Métaphore" . A partir du moment où notre conscience XE "Conscience" est supposée être sous la dépendance totale de notre fonctionnement cérébral, il semble que la notion de responsabilité disparaisse. Mais parler de dépendance, c'est implicitement conserver le schéma dualiste, et supposer que la conscience comme entité distincte du cerveau XE "Cerveau" pourrait échapper à cette dépendance, en faisant preuve, par exemple d'une volonté XE "Volonté" spécifique, dont nous avons vu qu'elle était alors totalement inexplicable. Nous avons déjà vu que nous sommes obligés d'admettre que notre conscience n'est pas sous la dépendance de notre fonctionnement cervical, mais qu'elle est ce fonctionnement.
C'est donc globalement que nous sommes responsables de nos actes, et si nous constatons que ceux-ci sont favorables à notre épanouissement, nous pouvons certes nous en félicité, mais nullement en tirer une gloire, comme si nous avions remporté une victoire par notre seule volonté XE "Volonté" , ce qui, à nouveau nous ramène au dualisme que nous voulons chasser de nos habitudes de pensée.
Mais alors, quelle force obscure pousse à l'action les grands créateurs, les ambitieux, les bâtisseurs dempire ? Remarquons d'abord que le dualisme esprit/corps, n'explique rien, et ne peut que recourir aux mythes XE "Mythes" les plus usés pour une éventuelle explication. Il n'est pas difficile de constater que les grandes réussites individuelles se sont toujours épanouies grâce à deux facteurs : les dispositions naturelles, donc d'origine génétique XE "Génétique" , le contexte environnementale. Le cerveau XE "Cerveau" acquiert ainsi une efficacité qui, vue extérieurement donne le sentiment d'une volonté XE "Volonté" qui s'affirme. Mais on peut en dire tout autant en regardant pousser une plante. Qu'est-ce que l'inspiration, pour le créateur XE "Créateur" , sinon un élan qui monte du fond de lui-même ; et d'où monterait-il cet élan sinon du fonctionnement obscur de sa mécanique cérébrale !
Puisque ce chapitre est consacré (avec force digressions), à la philosophie, cette manière de déterminisme XE "Déterminisme" biologique donnant naissance à nos comportements, évoque le jansénisme, et les notions de grâces efficace et suffisante. Cette doctrine de la prédestination a soulevé, à son époque de véhémentes protestations, en particulier des jésuites qui voyaient là, comme conséquences propres à écarter les hommes des pratiques vertueuses, l'inutilité de tout effort volontaire, puisque tout était joué à la naissance : celui qui n'avait pas la grâce, ne pouvait en aucune façon l'acquérir. Si l'on compare maintenant avec ce que la neurobiologie nous révèle du cerveau XE "Cerveau" , nous devons bien reconnaître que pour la plupart des hommes les jeux sont faits dès la naissance, exactement comme le petit bonhomme aux courtes pattes et aux grosses fesses aura bien du mal à être champion olympique de saut en hauteur.
Le diable et le bon dieu
En nous se donne libre cours, le jeu des opposants ; en ce combat incertain, nul ne sait qui sera le vainqueur. Dans Le diable et le bon dieu, Gtz, le héros de Sartre XE "JP.Sartre" , joue aux dés son choix entre le bien et le mal, mais il triche. Si l'on accepte, l'idée de J D Vincent de la présence en nous du mythe du diable incarné dans les structures XE "Structures" biologiques de notre être, nous sommes théoriquement libres de choisir le bien ou le mal, autrement dit laisser ce qu'il y a de démoniaque en nous s'exprimer, ou, au contraire, laisser jouer les mécanismes naturels d'inhibition, nous trichons la plupart du temps en choisissant ce qui est bon pour notre survie. Est-il honnête, comme le fait Vincent de détourner un mythe aussi tenace que celui du diable pour en faire une réalité XE "Réalité" biologique ? Pourquoi pas ! A chaque instant notre pensée de vautre dans les métaphores sans même s'en rendre compte, alors pourquoi pas celle-là qui a la mérite de rendre compte de faits. Sartre nous a lancé : « l'enfer, c'est les autres !», J D Vincent réplique calmement, preuves en main : « Il me faut savoir que le diable n'est pas l'autre et encore moins les autres : le diable, c'est moi.». Pouvons-nous quelque chose dans le jeu infiniment complexe de nos équilibres hormonaux, dans celui de cette multitude de neurotransmetteurs, de leurs sites de fixations, dans leur rôle alternativement activeur et inhibiteur. Ceux qui, par une sorte de petit miracle, ont reçu la grâce suffisante, et à qui, en plus la chance a souri, peuvent bien, haut et fort, parler de volonté XE "Volonté" , de force morale, et condamner ceux qui ont sombré dans la drogue et la délinquance ; ne devraient-ils pas plutôt s'émerveiller de ce qu'ils sont, et avoir presque honte d'avoir eu la chance d'échapper, eux, aux facéties de leur démon intérieur ? Selon les historiens, l'inquisition, grâce au zèle meurtrier de bons défenseurs de la foi, a fait brûler des millions de sorciers et de sorcières, en moins de deux siècles, combien de dizaines de millions de malheureux notre siècle a t-il condamnés pour quelques milligrammes de dopamine en excès ou en défaut, là où il aurait fallu le juste nécessaire ?
Il n'est pas sûr que, dans le livre de J D Vincent, où presque à chaque page il est question du diable, on ne trouve une seule fois le mot dieu. Selon Nietzsche XE "Nietzsche" , dieu serait mort au cours du 19é siècle, mais ce n'est pas une raison, d'autant plus que bien souvent, c'est après leur mort qu'on parle le plus des gens. S'il me fallait croire à quelque chose, je pencherais plutôt pour une mort de dieu - ou une disparition volontaire - voici trois milliards et demi dannées : dieu lassé des grandes choses comme le mise en place des galaxies XE "Galaxies" et le réglage des feux d'artifices cosmiques, décide d'investir dans un minuscule coin d'univers. Justement les conditions ne sont pas mauvaises ; et c'est parti pour la première molécule vivante. Quitte ou double, et à dieu va. Et de fait, depuis on n'en a plus jamais entendu parler, sauf dans les mythes XE "Mythes" ; mais selon Vincent, son vieux complice, lui n'a pas quitté le navire, et reste le seul maître XE "Maître" à bord. C'est du délire irrationnel, mais au moins ça explique pas mal de chose.
Et si nous revenons maintenant à la Tétralogie, nous devons reconnaître que Wotan est bien loin de ressembler à un dieu, tout juste un homme au-dessus de la moyenne, c'est-à-dire avec quelques pouvoirs qui, finalement sont plutôt moindres que ceux des dominants qui ont accablé l'espèce humaine depuis qu'elle s'est différenciée des autres espèces. Par contre Albérich a toutes les caractéristiques d'un vrai diable, y compris de ronger l'homme Wotan, de l'intérieur. Et que nous montre Wagner XE "Wagner" , à la fin du Ring ? Un monde débarrassé des dieux, des hommes libres, un peu abasourdis de cette liberté XE "Liberté" , et Albérich, vivant attendant à nouveau son heure.
Certes, notre monde moderne, fier de sa puissance technique dérisoire, se moque bien aujourd'hui des symboles, et ne s'intéresse plus à la pensée humaine que dans la mesure où elle peut devenir source de profit ; mais n'est-ce pas là faire preuve d'un mépris qui tôt ou tard coûtera fort chère à notre civilisation ? Nous sommes conviés à un vaste jeu dont nous ne comprenons pas vraiment les règles. « Il faut payer pour voir», dit le joueur de poker à celui qui voudrait bien savoir s'il a eu raison ou tort de ne pas suivre ; nous sommes engagés dans une partie de poker où nous misons le plus souvent sans même connaître très bien notre jeu. Pire, ce sont les autres qui misent, et que misent-ils sinon des morceaux de notre propre vie ? Curieux jeu où nous sommes, joueurs, enjeux, où nous ne connaissons que très approximativement les règles et où nous entendons seulement de temps en temps une voix qui annonce : « vous avez encore perdu, voulez-vous continuer la partie ?». Et nous répondons : « Qu'importe puisque nous n'y pouvons rien, et que c'est par dérision qu'on nous propose de continuer le jeu alors que nous n'avons pas d'autre alternative que continuer ou mourir». Et nous continuons à miser, et au bout d'un moment sans même nous inquiéter de l'issue de la partie, comme ces joueurs qui las de perdre continuent cependant à acheter leurs billets de loterie, mais ne cherchent même plus à savoir s'ils ont gagné. Alors nous attachons aux objets un autre sens, un sens à notre choix, et nous jouons, dans un autre monde. Demain peut-être ceux qui s'imaginent aujourd'hui être les maîtres du jeu sapercevront qu'ils sont seuls autour de la table, et ce sera la fin.
Soyons clairs, peu de gens, aujourd'hui, croient vraiment en Dieu XE "Dieu" et/ou au diable ; la croyance est certainement aussi forte que jadis, mais elle a éclaté en une multitude de petites croyances : en un gourou, aux extra-terrestres, aux dons surnaturels d'un guérisseur, d'un astrologue, d'un homme politique, d'un artiste ; etc. Tout devient affaire de contexte, de mises en scène. Tout dépend des qualités, du spectacle, et du jeu des acteurs. C'est faire peu de cas, dira-t-on des précieuses convictions des individus ? Non, je ne méprise que ce qui est méprisable ; et certainement pas les convictions sincères. Mais j'ai horreur du vide dissimulé par les spectacles flamboyants ; la vraie foi ne s'exhibe pas, elle se vit dans le recueillement et le partage avec ceux qu'on aime.
Un monde ouvert
Si notre cerveau XE "Cerveau" est le siège de phénomènes biochimiques, qui, bon an mal an, maintiennent une certaine permanence (toute relative, nous l'avons souligné), c'est grâce, en grande partie à un déterminisme XE "Déterminisme" rigoureux, sans lequel nos cellules nerveuses n'auraient jamais pu naître. Et pourtant, à chaque instant tout peu arriver, parfois le meilleur - l'idée géniale - mais beaucoup plus souvent le pire - l'oblitération d'un vaisseau sanguin entraînant la mort de dizaines de millions de neurones- .En fait notre cerveau est un système dynamique, dont les différentes parties sont en interaction continue, entre elles d'une part, avec le milieu extérieur d'autre part, et comme la flamme d'une bougie qui oscille au moindre souffle, modifie ses états à chaque stimulus XE "Stimulus" venant de l'extérieur ou de n'importe quelle partie du corps. La simple vision d'un objet, l'audition d'un bruit connu ou mystérieux, la perception d'une odeur - la fameuse madeleine de Proust - déclenchent d'invraisemblables cascades de réactions chimiques, de potentiels d'action qui vont activer d'innombrables cartes cérébrales, dont certaines, renforcées vont donner naissance à un état de conscience XE "Conscience" déterminé, et sera nécessairement, compte tenu de la multitudes des cas possibles, quelque chose de nouveau, et jamais vécu. Ainsi, nous réagissons librement, dans les limitent bien évidemment de nos capacités de réaction. C'est un semi-déterminisme qui laisse cependant une large place à ce que nous ressentons comme une liberté XE "Liberté" d'action. Pourquoi préciser « ce que nous ressentons » ? Simplement parce que nous ne prenons conscience de notre engagement dans l'action qu'au moment même où cette action se déroule ; dans la mesure où l'on rejette toute dualité, il y a nécessairement simultanéité entre l'acte et la prise de conscience de l'acte, et non pas anticipation de la conscience qui déciderait de l'acte.
Dans son livre récent, Les ombres de l'esprit, R Penrose XE "Penrose" , défend la même idée en invoquant la notion de connaissances immédiates ; son but est de prouver que notre conscience XE "Conscience" n'est pas la conséquence de calculs, comme ceux qui sont effectués dans un ordinateur. Autrement dit qu'il existe des phénomènes biologiques qui sont irréductibles à des processus pouvant être décrits par des calculs logiques XE "Logique" . Penrose en déduit qu'aucun ordinateur construit sur le modèle de ceux que nous possédons actuellement ne pourra être équivalent au cerveau XE "Cerveau" humain. Avec cette conséquence qu'aucune machine ne pourra atteindre une conscience semblable à la conscience humaine.
Avant de poursuivre donnons quelques indications sommaires sur le théorème de Gödel XE "Gödel" . Le point de départ est l'antinomie du menteur, connue depuis lantiquité : « Epiménide le crétois dit ; tous les crétois sont menteurs», dit-il la vérité ? Il est facile de constater que s'il dit la vérité c'est qu'il ment, et s'il ment c'est qu'il dit la vérité. L'histoire serait un simple canular si, dans la dernière moitié du 19é siècle les fondements des mathématiques XE "Mathématique" n'avaient pas été atteints par des antinomies de même nature. Puis, dans les années trente de ce siècle, K Gödel a mis un point final à tous les espoirs de fondements absolus des mathématiques : un système logique assez puissant pour seulement fonder l'arithmétique, engendre nécessairement des propositions du même type que l'antinomie du menteur, propositions dites indécidables. Pour comprendre le « drame », il faut se souvenir que le raisonnement mathématique et tous les algorithmes de calcul reposent sur le tiers exclus ; affirmer qu'il existe des propositions qui ne peuvent être ni vraies ni fausses apparaît donc comme une contradiction de nature à ruiner l'édifice complet des mathématiques, ce qui, paradoxalement n'est pas le cas ! Ce qu'il faut alors remarquer c'est que le mathématicien à la possibilité de s'assurer de la vérité de certaines affirmations, en même temps que celle-ci sont reconnues indécidables dans un système logique capable de servir de fondement aux mathématiques. Il faut donc en déduire, selon Penrose XE "Penrose" que les capacités mathématiques de l'homme dépassent celles de n'importe quelle machine dont le fonctionnement repose exclusivement sur des algorithmes.
On peut (peut-être) résumer la pensée de Penrose XE "Penrose" à ceci : soit A le système complet sensé fonder la pensée humaine ; celle-ci ne peut sécréter que des systèmes A' dont les capacités déductives sont inférieures à A. La pensée humaine tombe alors sous le coup du théorème de Gödel XE "Gödel" . Mais la différence entre A et A', qui fait justement la spécificité de la conscience XE "Conscience" , permet au système A, suivant des modalités qu'il reste à découvrir de se sortir d'affaire, ce que ne peut faire un ordinateur qui est condamné à tourner sans fin à la recherche d'une solution introuvable, puisqu'elle n'existe pas.
Il est en fait fortement probable que la différence entre A et A' est considérable. Et cela peut être mis en évidence sans nécessairement faire appel aux niveaux respectifs de complexité. Nous disposons de cinq entrées sensorielles qui sont toutes fortement dépendantes, et d'une richesse inouïe dans tous les cas (combien de nuances de couleurs, de sonorités, de goûts, d'odeurs) ; nos organes sensoriels sont pratiquement capables de nous restituer la quasi continuité naturelle. Comment d'autre part comparer l'activité d'un neurone, doté de ses milliers de synapses avec celle d'un transistor, ne fonctionnant que sur le mode du tout ou rien ? De plus la multitude de nos moindres gestes agit en feed-back sur nos neurones nous rendant capable d'ajuster ainsi le moindre de nos comportements. Aux situations que nous rencontrons. De plus, notre cerveau XE "Cerveau" est un organisme vivant, c'est-à-dire que comme n'importe quel système biologique, il a besoin d'une nourriture spécifique. Si l'énergie lui est nécessaire comme à tous les systèmes dynamiques, il lui faut autre chose pour créer ; et ce quelque chose est l'information. Certes, c'est exactement le cas de l'ordinateur qui lui aussi à besoin d'énergie (électrique, en l'occurrence) et d'information ; mais peut-il créer au-delà ce que qui peut être logiquement déduit de ces informations ? Je pose simplement la question, car lorsque l'on introduit des processus aléatoires dans le fonctionnement d'un ordinateur, j'ignore à quels niveaux elles agissent. En particulier permettent-elles à l'appareil de s'affranchir de ses propres règles logiques XE "Logique" comme le fait couramment l'esprit humain. C'est ce qu'on appelle l'intuition mathématique dont on sait que c'est elle qui fait arriver au résultat, la démonstration demandant un effort de mise en forme logique qui semble bien ne pas nécessiter les mêmes qualités intellectuelles. Et viendra-t-il le formidable ordinateur doué de son puissant cerveau, aussi performant que celui du plus brillant ingénieur, lorsque que ses circuits fatigués laisseront prévoir, une irrémédiable panne, viendra-t-il donc, comme mon chat, voici peu, me donner son dernier témoignage d'amitié, avant aller mourir caché sans que jamais on ne retrouve sa trace ?
Le complexe de Wotan
Vivre, c'est choisir à chaque instant un comportement déterminé, alors qu'en nous était inscrit la possibilité de faire exactement le contraire. Je fuis, mais j'aurais pu faire front ; j'aime mais j'aurais pu haïr ; je mens, mais j'aurais pu dire la vérité. Et si dialectique il y a, elle échappe totalement à notre claire conscience XE "Conscience" . Nous le savons, c'est l'homme que Wagner XE "Wagner" visait à travers Wotan, et le maître XE "Maître" de Bayreuth nous donne à réfléchir, concernant ce jeu des opposants, sur la contradiction la plus profonde qui mine le cur de l'homme (ou sa conscience), celle qui fait de l'Autre l'ennemi à abattre, et l'ami nécessaire. Le Ring est l'histoire d'un anneau ; mais n'est-ce pas là un prétexte futile ? D'ailleurs cet anneau, Wotan, ne le désire et ne le possède qu'un très court instant, le temps exact qui s'écoule sur scène ; autrement dit l'importance de la Tétralogie est ailleurs, dans la conscience de Wotan justement, c'est-à-dire dans la nôtre. Qui n'a pas désiré accomplir de grandes choses, avec tout ce que le mot « choses » a de vague et d'inconsistant ; aussi vague et inconsistant d'ailleurs que le mot « grandes ». Car en vérité, nous savons rarement ce que nous voulons ; et lorsque nous le savons nous avons honte d'avoir des ambitions qui sont bien au-dessus de nos capacités. Alors naît chez l'homme cette volonté XE "Volonté" seconde : ce qu'il ne peut pas être - ou faire - lui-même, il doit permettre à un autre de l'accomplir. Mais comment accepter cette délégation qui prive l'individu de cette dimension essentielle qui est l'avenir de son être propre ? En s'en remettant au destin ; et tricher s'il le faut. Car Wotan ne cesse de tricher ; il a beau s'écrier « Comment pourrai-je, / rusé, me mentir », il ne cesse de ruser, de se mentir. Il joue à exercer sa puissance, mais aide au déroulement du plan diabolique qui doit aboutir à sa fin. J'ai longuement insisté sur la façon dont le dieu, tout en feignant abandonner son héros à lui-même, guide chacun de ses pas. Ainsi naît l'être libre qu'il rêvait d'être, sans même que son cur puisse connaître la joie de la réussite ; alors que son héros triomphe, il ne reste plus à lui, le dieu déchu qu'à attendre la fin au milieu des ruines de son univers.
Chapitre V
La fin d'un rêve
Introduction
Des générations d'enseignants ont rêvé d'une école authentiquement démocratique, c'est-à-dire permettant à tous de réussir. Ce n'était pas vraiment un rêve, plutôt une illusion. Cette illusion a, aujourd'hui les dimensions d'un mythe ? Autrement dit, c'est une belle histoire à laquelle plus personne ne croit.
Il y a un demi-siècle le doute était encore permis. Avec un peu d'aveuglement quand même, il était possible de croire que les différences individuelles, et en particulier l'écart observé les aptitudes, étaient dû au milieu social, que les échecs scolaires pourraient donc être diminués par une pédagogie mieux adaptée aux enfants vivants au sein de familles en grandes difficultés. Mai 68 a fait naître des positions encore plus radicales puisque certains iront jusqu'à affirmer que tous les individus possèdent à la naissance les mêmes aptitudes et que les inégalités sont dues uniquement aux conditions d'existence rencontrées par l'enfant au cours de ses premières années. Donnons à chacun les mêmes conditions initiales, et tous les enfants partiront sur la même ligne de départ.
Inutile d'insister sur l'incohérence d'un tel projet, qui ne tient aucun compte de l'état réel de la société, des mentalités dominantes d'une part, et de la psychologie humaine d'autre part.
Il suffit d'avoir vécu intimement le drame de ses propres insuffisances pour comprendre que tout projet éducatif visant de donner à chacun les moyens de se réaliser selon ses désirs ou ambition est une consternante utopie. Consternante parce qu'elle nie les évidences, mais bien plus gravement parce qu'elle ne tient aucun compte de la réalité humaine. Chacun peut évoluer, saméliorer mais dans les limites étroites de ses constitutions psychiques et somatiques. Sans doute un individu peut-il progresser indéfiniment, mais de façon asymptotique, c'est-à-dire qu'il existe une limite, qui, parce qu'on a le sentiment qu'elle est éloignée donne l'illusion d'être à l'infini.
A quoi riment alors les discours lénifiant sur le projet d'une école offrant à tous une égalité des chances ? Le but est le même dans tous les secteurs de l'activité humaine : bercer d'illusions l'immense majorité des individus, toutes races confondues toutes citoyennetés confondues, afin que l'infime minorité des privilégiés puissent tranquillement toucher les dividendes du progrès ; je veux dire, bien évidemment du progrès technique. Naguère encore il existait un extérieur de la communauté humaine, un réservoir de richesse dans lequel même les plus déshérités pouvaient puiser. Ce temps là est révolu. Le monde terrestre n'a plus d'extérieur. Une partie de l'humanité doit pomper sur l'autre pour posséder toujours plus. Qu'est-ce que l'école peut bien apprendre d'intéressant à nos enfants sinon les méthodes pour se trouver du bon côté, c'est-à-dire celui des exploiteurs. Une fois de plus les USA sont là pour nous donner le bon exemple. Construire autant d'écoles que de prisons, en sachant, pour respecter l'équilibre qu'il faudra, à surface égale mettre cinq fois plus de personnes dans les prisons. Le monde, le vrai monde, celui auquel nous devrons préparer nos enfants, sera celui que nous laisse entrevoir l'Amérique toute puissante, et en passe d'imposer son modèle à la terre entière : une élite protégée par des murailles de béton, gardées par les flics, et l'immense troupeau des individus désormais inutiles vivant des déjections des privilégiés. Une humanité comportant alors trois classes: celles des nantis, porteuse de progrès s'acheminant vers un modèle humain qu'on ne peut même pas imaginer tant il s'écarte du concept d'Homme qui a dominé les deux premiers millénaires de notre civilisation,
Réformer ?
Il fois de plus en cette rentrée 2004, il est question de réforme. Des dizaines de milliers de personnes se sont réunies et constater... qu'il urgeait de revenir en arrière. Pourtant, et d'habitude de nombreuses expériences avaient donné d'incontestables résultats merveilleux, enfin selon l'avis des expérimentateurs, car c'est une constante des expériences pédagogiques que d'être toujours des réussites. Et je parle en connaissance de cause, ayant été durant ma carrière d'enseignant confronté de nombreuses fois au problème.
Une autre constance est que l'avis des enseignants de la base, ceux qui sont confrontés quotidiennement aux réalités d'une classe n'est jamais pris en compte.
Pourquoi des échecs répétés ? J'ai déjà évoqué ce que le grand physicien Planck disait des théories nouvelles et de leurs difficultés à s'imposer alors quelles supplantaient les théories officielles : une théorie ne s'impose pas pour sa valeur intrinsèque mais parce que les tenant de l'ancienne finissent par mourir ou disparaître du monde scientifique. A partir de là on peut faire deux remarques :
- les formateurs des nouvelles théories pédagogiques font nécessairement partie de la vieille école, donc ne sont pas les mieux placés pour occuper cette fonction. D'autant pus qu'on leur demande des sacrifier des méthodes qui malgré tout ont fait leurs preuves. Pas forcément de la mauvaise volonté mais sûrement de la méfiance, et sans doute une certaine incompétence.
- les thuriféraires des méthodes modernes s'appuyant sur les propos de Planck (même s'ils ne connaissent pas le physicien), dénoncent les passéistes et les accusent de paresse intellectuelle et de sacrifier l'avenir à un conservatisme reposant. L'argument est fort mais pervers car on lui doit les échecs les plus retentissants, comme celui des mathématiques modernes.
Qui suis-je ?
Ce n'est pas une interrogation métaphysique, mais il me paraît indispensable à ce niveau de donner au lecteur (sil en existe un, un jour), quelques indications sommaires sur mon itinéraire. Je m'excuse, car il n'est ni glorieux, ni particulièrement original.
Etudiant raté pour cause d'ennui sur les bancs, et de l'école, puis l'absentéisme aussitôt que possible. Bac, école d'ingénieur où tout me rebute. Je trouve un exutoire dans le sport, mais là aussi je ne suis pas très doué. On m'impose des études techniques ? Je perds ma passion pour les sciences et les mathématiques, et me lance à corps perdu dans la philosophie. Hegel, Kant, Heidegger, Sartre et bien d'autres, à l'exception de tous ceux que l'on m'a infligé à l'école. N'étant pas bon à grand chose je rentre dans l'enseignement, sans aucune formation. Mathématique, puis, après 28 mois d'armée, physique. Nous sommes en 1962, et n'importe qui peut, avec un vague diplôme, enseigner en science, car le professeur dûment formé, donc compétent, est une denrée rare ; au bout de quatre années de bons et loyaux services, on me fout dehors (en m'exprimant des regrets car j'avais fait, paraît-il un travail honorable.). Je me retrouve prof de math, en lycée, comme bouche-trou. Après 12 années d'enseignement dans le second cycle des lycées comme contractuel, il sera finalement décidé que je ne suis pas qualifié pour cette fonction, mais on m'offre quand même une place en collège. Titularisé par pitié mon intérêt pour l'enseignement déclinant, je deviens de plus en plus mauvais. Au fur et è mesure que mes qualités pédagogiques vont décliner, mes notes administratives vont monter. J'arriverai à 20/20, lorsque je serai devenu franchement mauvais. Ce n'était pas grave puisque j'arrivais à la retraite.
Pourquoi ce gâchis ? J'ai été envoyé en Algérie avec le sentiment d'être victime d'un viol éhonté de conscience. La France était totalement responsable de la situation algérienne. Dois-je rappeler que la révolte du peuple algérien est née d'un acte inqualifiable commis par le gouvernement français le lendemain de l'armistice du 8 mai 45. Une manifestation pacifique a lieu à Sétif. On parle partout, avec la défaite du nazisme, de liberté. Et les algériens pensent qu'il serait temps qu'ils soient libérés de l'oppression post-colonialiste, car ils sont français, mais n'ont pas les mêmes droits que les citoyens de la métropole. Alors l'ordre vient de Paris de réprimer dans le sang, cette mini rébellion. Pas de quartier tous les hommes de moins de 15ans doivent être exécutés. Bilan, au moins 40 000 mille morts. Et l'on prétend me contraindre à combattre ces gens. Je ne serai pas objecteur de conscience, à l'époque c'est une sorte de suicide social, mais manifestant, malgré des conditions difficiles, un solide antimilitarisme, j'ai été écarté de toute zone sensible, où les témoins étaient indésirables.
C'était une large digression, je m'en excuse, mais il me semblait important de préciser pourquoi, après rien n'a été simple pour moi. Toujours est-il que je disposais de beaucoup de temps libre, et que j'ai constitué sur place ma petite bibliothèque qui a pas mal voyagé/ Koléa, à côté d'Alger, Sidi bellabès, Oran, Blida, puis petit voyage aérien à Bizerte. Retour par la mer, etc.
Pour en arriver au contenu de ma bibliothèque baladeuse qui en fin de course pèsera plus de 30kg. Hegel avec la Science de la logique, et la phénoménologie de l'esprit, soit déjà cinq volumes dans les éditions de l'époque, les recherches logiques XE "Logique" , de Husserl, Sartre, La critique de la raison dialectique, qui a occupé mes nuits de garde comme chef de poste, dans une ferme isolée proche l'Alger, quelques opuscules sur différentes logiques, Nietzsche, deux ou trois ouvrage dont Ainsi parlait Zarathoustra. Kant et la Critique de la raison pure jai également quelques opuscules d'un certain A Einstein. Et les premiers livres de Bourbaki, où je prends une connaissance assez profonde de la Théorie des ensembles. Je suis conquis totalement par le structuralisme qui domine le formidable édifice de l'ouvrage. Le fondement logique de l'ouvrage intitulé métamathématique me fait comprendre, mes propres difficultés, et surtout celles des élèves du premier cycle que j'ai eu l'année précèdent mon départ pour l'armée. Je découvre en même temps l'uvre de Jean Piaget qui deviendra dans le domaine pédagogique, mon maître à penser.
Début 1962 je trouve un poste de prof de sciences (je l'ai déjà dit, à l'époque l'éducation nationale ne fait pas la fine bouche et ne s'attache absolument pas à la qualification des personnes qu'elle emploie). Je suis pris d'un immense désir de connaissance. Je ne peux échapper à la magie de la mécanique quantique, et tout cela fait beaucoup de chose. Mais les deux années et demie de vie perdue me donnent un désir de revanche. Je crois tout possible : Je suis assidu au déploiement du traité de Bourbaki, aux travaux d'Epistémologie génétique, dirigés par Piaget, Messiah sera mon premier maître à penser en mécanique quantique, les ouvrages sur les relativité restreinte et générale deviennent abordables, le matin, dès 6heures, je me livre à ma première séance d'entraînement en forêt. Je n'ai pas renoncé à mes ambitions sportives malgré deux années d'interruption (en fait je faisais régulièrement mon footing dans la campagne algérienne, mais j'étais interdit de compétitions, mêmes militaires.)
La réforme de l'enseignement des mathématiques
Dans le domaine de l'éducation, c'est le scandale du siècle dernier. Jamais un système n'avait donné une image aussi accomplie de l'incompétence, de l'incohérence et du mépris.
Les raisons
L'enseignement des mathématiques avait toujours posé d'insolubles difficultés. La question de fond reposait sur une curieuse constatation : pourquoi certains élèves, brillants par ailleurs étaient-ils nuls en mathématiques. On parlait alors de bosse des math. Tant que le nec plus ultra, de l'orientation était celle des études classiques, avec grec et latin, que la plupart des responsables de l'éducation privilégiaient la voie royale de cette filière, tout allait. Il était de bon goût de mépriser les scientifiques qui sacrifiaient aux connaissances matérielles, donc vulgaires, la splendeur des cultures grecque et latine. Autrement dit la nullité en math était pour ces gens là une qualité. Mais le développement technique, et la nécessité de faire progresser les sciences allaient bouleverser la donne. Nombreux sont ceux qui ont commencé à penser qu'il était dommageable pour un pays que l'élite se referme sur elle-même, soucieuse de préserver l'héritage classique. En fait les études classiques, à quelques exceptions près, conduisaient surtout à former des professeurs d'études classiques. Un monde à part qui ne vivait plus que pour lui-même. Pour l'honneur de l'esprit humain aurait dit C G J Jacobi, avant que J Dieudonné n'en fasse le titre d'un ouvrage.
Les travaux de Cantor et des pères fondateurs de la Théorie des ensembles, à la fin du 19é siècle donnèrent aux mathématiques des fondements qui n'étaient pas aussi mystérieux qu'on pouvait les craindre. Lorsque cinquante ans plus tard, les psychologues, dont Piaget fut l'un des plus éminents, découvrir que les structures mathématiques se développaient chez l'enfant à partir de schémas ensemblistes, il devint évident pour beaucoup qu'il existait un parallèle entre fondements abstraits des mathématiques et développement épigénétique des structures mentales de l'homme. L'idée force qui se dégageait était qu'en faisant démarrer l'apprentissage des mathématiques par les notions ensemblistes, on allait améliorer l'acquisition des connaissances, et en particulier ouvrir l'esprit des plus récalcitrants, surtout lorsque leurs capacités intellectuelles ne faisaient aucun doute. Pour ma part j'étais profondément convaincu de la justesse de ces idées, et je dois avouer que, plus de trente ans plus tard, je n'ai pas changé d'avis. Mais lorsque les experts ont pris les choses en mains, la situation a pris très rapidement un tour catastrophique.
La commission Lichnerowicz
Au milieu des années 60, et devant la nécessité de former davantage de scientifique, l'idée d'une réforme de l'enseignement des mathématiques commença à agiter l'esprit de nombreux responsables universitaires. Et la fameuse commission fut créée. Elle comprenait le gratin des mathématiciens français. Outre Lichnerowicz, il y avait Laurent Schwartz, à qui on doit la Théorie des distributions qui devait mettre un terme à une certaine désinvolture des physiciens théoriques en matière de rigueur mathématique, et probablement Godement, Choquet, et bien d'autres. Et surtout on trouvait Jean Piaget qui avait conduit, avec ses collègues du Centre international d'épistémologie génétique de Genève de nombreuses expériences sur l'acquisition des structures mathématiques chez l'enfant et l'adolescent. Que c'est-il passé ? Je l'ignore, mais très rapidement Piaget claqua la porte, laissant le champ libre aux délires de sommités mathématiques certes, mais qui n'avaient aucune idée de ce qu'on pouvait demander à des enfants.
L'éducation nationale s'illustre à son tour par son incompétence
La réforme entre les mains de mathématiciens de haut niveau, comme on dit maintenant, c'était déjà le commencement de la catastrophe, mais, dans le domaine de l'incompétence et de l'imprévoyance, l'Education Nationale allait se surpasser.
La réforme toucha d'abord le second cycle. Sans dégâts, quelques rudiments de théorie concrète des ensembles étaient présentés dès la seconde, mais sans lien avec le contenu traditionnel. C'était un chapitre supplémentaire que les élèves oubliaient vite.
C'est à cette époque, que, bénéficiant du statut de lycée pilote, nous avons commencé, deux de mes collègues et moi-même à expérimenter des programmes (sixième et cinquième), reposant sur les mathématiques dites modernes, malgré leur presque cent ans d'existence. Bien évidemment pour ne pas prendre de risque sur l'avenir de nos élèves, nous restions très proches des contenus classiques. Bien évidemment personne ne s'intéressa à notre travail, et les quelques rapports que nous avons rédigés ont atterris directement dans les poubelles administratives.
Puis d'un seul coup la réforme fut engagée tout azimut. On demande d'un seul coup aux instituteurs à abandonner leurs méthodes traditionnelles, sans aucune préparation préalable. Pire, aucune structure de formation n'est prévue. La plupart des enseignants ignorent tout de la théorie des ensembles qui doit devenir la base de l'apprentissage des mathématiques.
Devant l'incurie des responsables, au plus haut niveau, de l'éducation, la défense s'organise. Les instituteurs sont désemparés, et un peu partout en France se créent des chantiers mathématiques, animés par des bénévoles. Avec quelques collègues qui ont déjà acquis quelques connaissances autodidactiques, nous créons et animons deux centres l'un à Enghien, l'autre à Taverny où j'ai été sollicité par l'Inspecteur Primaire. Nous organisons un travail sur documents et intervenons à chaque demande particulière d'aide. Le matériel didactique est abondant, car les marchands de soupe ont tout de suite flairé la bonne affaire. Nous l'adaptons tant bien que mal et durant près de deux années plus de deux cents instituteurs viendront auprès de nous chercher une aide. De vagues promesses de donner un tour officiel à notre travail ne sont pas tenues, et pour ma part ayant à affronter de sérieuses difficultés administratives, je finis par abandonner. Ce qui me vaudra des critiques acerbes de la part de ceux qui m'avaient sollicité pour ce travail. Au niveau de l'école primaire, la sagesse et la compétence des instituteurs ont permis de sauver les meubles. Ils ont continué, tout en modernisant leur approche de l'apprentissage du calcul, à continuer à appliquer les bonnes vieilles méthodes ; et l'avenir leur a donné raison.
Les choses, comme on va le voir, ont beaucoup plus mal tournées dans le premier cycle des lycées et collèges.
La déraison
Pour ne pas parler de folie. Sans tenir compte des connaissances acquises dans le domaine de la psychologie des enfants et adolescents, les apprentis sorciers de l'éducation nationale proposent des programmes qui conduisent rapidement au désastre, surtout en Quatrième et troisième des collèges. Certes les connaissances sur le développement épigénétique du cerveau humain on fait, en trente ans des progrès décisifs, mais à la fin des années 60, les travaux de Piaget et de son équipe étaient suffisamment développés pour que les erreurs grossières qui ont été commises soient évitées. Une période de transition avait quand même été ménagée. En particulier pour le brevet des collèges deux options étaient possibles en mathématiques, traditionnelles ou modernes. Curieusement on m'avait confié durant quelques années la responsabilité départementale de l'épreuve de mathématiques modernes du BEPC. La première fois j'héritais d'un paquet de 300 copies à corriger. Bilan : 250 copies blanches et une cinquantaine démontrant que les élèves avaient un cours durant une année sans en comprendre un seul mot ! Conseil amusant de l'Inspecteur d'Académie, président du jury : soyez indulgent dans la notation. Certes, il y avait quatre points sur vingt d'accordés à la présentation. Mais pouvait-on les accorder à une copie blanche, donc parfaite ? Avec un fort coefficient pour les mathématiques, tous ces élèves ont évidemment été, pour la plupart recalés. L'année suivante fut aussi une belle réussite. Tandis qu'avec mes collègues je m'occupais de l'établissement du barème alors que les élèves commençaient à composer, l'Inspecteur d'Académie (toujours le même) vient me trouver en catastrophe. Deux salles entières composant en mathématiques modernes ne comprennent strictement rien à ce qu'on leur demande. Je me rends dans les salles et, effectivement je constate que la totalité des élèves ignorent tous des notations utilisées dans le texte de lépreuve ! Tous avaient comme prof un collègue que je connaissais et qui prétendait avoir construit un cours d'une perfection absolue qui devait être une référence pour l'avenir.
L'Inspecteur me suggère alors de suspendre l'épreuve et de faire composer les élèves en mathématiques traditionnelles ! Et là se dévoile le courage des responsables. « C'est à vous, responsable du jury mathématique de prendre la décision.(. Je ne suis même pas, à l'époque professeur titulaire ! Je prends donc la décision ; et voilà nos 60 élèves devant des problèmes qu'ils ne comprennent pas plus que ceux qu'on leur a fait abandonner. Evidemment 60 zéros et presque autant de recalés.
Il faut dire que cette période était assez anarchique, et chaque prof faisait un peu ce qu'il avait envie de faire. Mais la reprise en main de l'administration n'allait rien arranger. Les programmes officiels, en particulier en géométrie, proposent une démarche qu'aucun élève, aussi doué soit-il ne peut comprendre. Des génies de la pédagogie font fi de toutes considérations concernant le développement réel des facultés de raisonnement chez l'adolescent. La démarche proposée (et imposée) est axiomatique. Cela signifie que les notions les plus immédiatement compréhensibles comme celle du milieu d'un segment, sont introduites par un système de quatre axiomes. Résultat : les élèves ne savent plus ce qu'est le milieu d'un segment, et deviennent incapables de la moindre esquisse de raisonnement. Heureusement la grande majorité des enseignants conscients de la stupidité du projet abandonnera rapidement ce terrain, les responsables laissant faire, incapables de prendre de nouvelles décisions.
J'ai eu à faire, pour des raisons administratives, à l'imbécile qui devait imposer les nouveaux programmes dans l'académie de Versailles. Un IPR (Inspecteur pédagogique régional). C'était un ancien professeur de taupe dans un grand lycée parisien, bien placé donc pour comprendre ce qu'il convient de faire avec des adolescents. C'était un fonctionnaire bien discipliné. On lui avait confié une tâche ; à aucun moment il ne semble avoir manifesté le moindre doute sur le bien-fondé de son action. Nous nous sommes sévèrement accrochés à propos de mon statut. A cette époque j'ai obtenu gain de cause, mais la répression n'a pas tardé à s'abattre sur moi.
Apprend-on les mathématiques ?
On peut poser d'abord une autre question : apprend-on à marcher. On apprend une technique, un texte. Il n'y a rien de naturel dans l'utilisation d'un outil ou l'apprentissage par cur d'un poème. Mais l'enfant est programmé pour marcher. Si rien ne l'entrave le réflexe de la marche se déclenchera tout seul lorsque le seuil de maturation sera atteint. Certes, l'enfant peut être aidé, mais cela ne changera pas grand-chose quant au moment où l'enfant fera son premier pas.
Un célèbre et passionnant débat a opposé, en 1975, Jean Piaget à Noam Chomsky. Il n'est pas question d'entrer dans les détails de ce débat essentiel quant à la connaissance des mécanismes de formation et d'acquisition des structures de la pensée humaine. Deux thèses quasiment opposées s'affrontaient. Mais nous verrons cependant que l'incidence de divergence de point de vue est pratiquement nulle. Je vais schématiser à l'extrême les thèses de ces deux phares de la pensée moderne.
Chomsky, pour lui il est surtout question du langage, les fonctions cérébrales supérieures, celles qui régissent la pensée, les sentiments, la conscience d'une façon générale, se développent comme des organes. Ainsi, pour le langage : les zones du cerveau concernées se construisent au cours du développement de l'enfant, comme le foie ou la main. C'est donc affirmer le caractère inné de la fonction du langage. Certes l'acquisition du langage exige des conditions externes favorables' et en l'absence du contexte familial et social, l'enfant n'apprendrait nul langage, mais l'essentiel réside dans la fonction, c'est-à-dire que le langage se développe comme n'importe quel organe.
Piaget axe l'essentiel sur le développement épigénétique du cerveau, le langage n'étant pas programmé génétiquement comme la couleur des yeux, ou la forme du visage. En somme, c'est l'environnement de l'enfant qui favorise la mise en circuit des neurones participant à la fonction du langage.
En était-il de même pour les structures mathématiques et logiques XE "Logique" . Ce qui donne du poids aux thèses de Piaget, ce sont les études expérimentales effectuées à Genève. Piaget et ses collègues ont étudié l'évolution des comportements sur le plan logique des plus jeunes enfants jusqu'à l'adolescence. Piaget distinguait un certain nombre de stade, jugeant le niveau logique atteint à l'aide de protocoles expérimentaux définis avec soin. Si les structures langagières et logiques étaient innées il n'y aurait pas de stades intermédiaires où à chaque niveau l'enfant utilise des formes prélogiques, mais cohérentes et formalisables. La logique terminale, celle que nous utilisons dans la vie courante et qui est identique à la logique des mathématiques, n'est donc pas donnée au départ, c'est-à-dire n'est pas encodée dans un système particulier de neurones.
Ce qui est remarquable c'est que le dernier stade logique n'est atteint que fort tard, entre 12 et 14 ans. Dans la mesure où cette logique terminale est celle que l'individu doit posséder pour être sensible au raisonnement mathématique, on comprend l'hérésie des premiers apprentissages en mathématiques. Mes propres souvenirs me confortent dans cette vision des choses : jusqu'à la classe de quatrième je ne comprenais strictement rien aux mathématiques qu'on tentait de minculquer ! Et la sensibilité au raisonnement mathématique m'est venue presque subitement.
Que savons-nous des structures neuronales du cerveau ? Beaucoup de choses, mais relativement peu eu regard de ce qu'il reste à comprendre. Les connaissances les plus pointues ont été obtenues grâce à la caméra à positrons qui permet de visualiser l'activité des zones précises du cerveau ; des micro-électrodes permettent même de mesurer l'activité électrique d'un seul neurone! Mais l'épigenèse, c'est-à-dire le développement du complexe neuronal après la naissance reste quand même un phénomène mystérieux. Ce que l'on sait, c'est que le cerveau de l'homme à la naissance, au contraire des animaux, même ceux qui nous génétiquement proches, est totalement immature et que son développement tout au cours de la vie se fait en étroite symbiose avec le milieu. D'où l'importance du milieu social. L'enfant qui vit dans un milieu défavorable, socialement et culturellement part donc très mal dans la vie.
Peut-on prendre partie entre Piaget et Chomsky. Je ne sais pas si la grande estime que je porte à chacun d'eux m'aveugle quelque peu, mais je pense les deux thèses portent chacune une grande part de vérité. Peut-être le déchiffrage complet du génome humain permettra d'y voir plus clair ; en particulier en découvrant des séquences génomiques porteuses d'information dans ce domaine. Mais on sait déjà qu'il n'est plausible que l'immense complexité du cerveau puisse dépendre complètement du patrimoine génétique de l'humanité.
Après cette digression, reprenons notre question : apprend-on des mathématiques ?
J'ai plusieurs fois fait remarquer que la logique quotidienne était identique à la logique mathématique, celle qu'utilise tout mathématicien, même lorsqu'il étudie des logiques XE "Logique" plus sophistiquées. Cette logique ne s'apprend pas, heureusement d'ailleurs car bien des mathématiciens ne s'en sont jamais préoccupée, et lors de l'exposé des notions premières de mathématiques, même celle qui touche le raisonnement, il n'en est jamais question ; ce qui montre que les notions logiques sont considérées comme des composantes innées de nos pensées. Les mathématiques reposant, dans leur fondement sur la logique, avec la médiation de la théorie des ensembles, ou d'une façon plus moderne sur la théorie des catégories, leur caractère inné ne semble pas faire de doute. Autrement dit le professeur de mathématiques, n'apprend pas les mathématiques à ses élèves pas plus qu'on apprend à marcher à un enfant, il ne peut que le guider pour lui rendre conscient ce qu'il possède déjà. Son rôle se réduit donc, en grande partie, à mettre un nom sur des concepts. C'est aussi le cas du langage. Mais les mathématiques ne sont-elles pas elles-mêmes un langage ?
Une stratégie pour l'enseignement peut-elle découler de cela ?
C'est évidemment la grande question. Réussir une réforme suppose qu'un certain nombre de conditions évidentes soient satisfaites :
- Disposer d'un projet élaboré par des gens compétents, c'est-à-dire qui savent, de quoi ils parlent, à qui ils s'adressent.
- Pouvoir définir les buts et les modalités de la réforme.
- Avoir les ressources pécuniaires et humaines pour la réaliser.
- Enfin, le plus important avoir une volonté réelle de réussir.
J'affirme qu'au moment du projet de réforme de l'enseignement des mathématiques dans les années 60, aucune de ces conditions n'étaient réunies. Commençons par le dernier point qui est en fait un problème politique concernant toutes les réformes, présentes et à venir.
Nous sommes depuis les premières années 1970 dominés par un capitalisme sauvage dont le seul but est la croissance à tous prix. Cette croissance doit produire toujours plus de richesse, mais cette production de richesses à son tour n'est qu'un moyen. Des richesses, les hommes au pouvoir en ont bien plus qu'ils ne peuvent en jouir, et n'ont pas du tout envie de partager. Ce qui les intéressent c'est donc la richesse abstraite, celle qui se mesure surtout en dollars, et qui n'a plus de fonction économique dans le domaine de la production. Ce n'est plus la production qui crée l'essentiel de la richesse, mais le jeu boursier. Pour se maintenir, le système n'a plus besoin que d'un nombre limité d'acteurs de haut niveau ; à quoi bon améliorer un système éducatif qui fournit déjà trop de diplômés, qui peuvent se montrer, comme ils ne gênent pas le faire, âpre au gain. Car eux connaissent bien les salaires de leurs maîtres, et aimeraient que le partage soit plus équitable. Les responsables politiques qui sont aussi les responsables du système éducatif, ne sont donc pas pressés de faire de la peine à leurs seigneurs, eux qui ne sont maintenant que des serviteurs serviles.
Dire que l'échec à été voulue dans le cas de la tentative de réforme des années 70 serait exagéré. Disons nul ne s'est démené, parmi les responsables pour un terme à la pagaie dont chacun était témoin. Les choses s'arrangeaient d'elle-même pour ceux qui n'avaient aucun intérêt à ce que l'enseignement soit de meilleure qualité.
L'incompétence des promoteurs de la réforme était flagrante : ce n'est pas parce que l'on est un athlète doué qu'on est capable d'être un bon entraîneur. J'irai même jusqu'à affirmer que les individus très doués dans une discipline ne peuvent pas être de bons enseignants. Il est probable qu'étant génétiquement mieux armés que les autres, ils n'ont guère conscience des difficultés que doivent surmonter les moins doués. Confier les contenus et l'élaboration des méthodes à des surdoués, que dis-je, si ce mot a encore un sens, à des génies des mathématiques, la réforme des mathématiques, était, à mon sens déjà vouée à échec. Car, manifestement, et c'était surtout vrai pour Schwartz, le but était surtout de donner naissance à une génération de mathématiciens. Bien évidemment ce but ne pouvait être celui d'une formation générale. Il faut rappeler qu'à cette époque les mathématiques étaient devenues la pierre de touche de l'orientation. Seuls pouvaient espérer accéder au temple du savoir ceux qui manifestaient des dons en mathématiques. Mais n'ayant rien compris à ce qu'on pouvait demander à des enfants et adolescents normaux, c'est-à-dire normalement doués, les résultats ont été le contraire de ce qui était espéré.
Ainsi les buts réels de la réforme n'ont jamais été clairement définis. Mais les pouvoirs publics ont vite réalisé qu'une plus grande efficacité dans les méthodes ne pouvait qu'encombrer rapidement les filières scientifiques. Si, comme j'en garde la conviction, l'enseignement est le plus propre à former des esprits éclairés et plus difficiles à asservir, il y avait danger, pour un système qui sentait de plus en plus la nécessité d'agir par la contrainte, il valait mieux laisser la réforme se discréditer. Ne développer aucun moyen propre à réussir la réforme restait donc la meilleure méthode. D'autant plus que cela permettait de faire des économies pouvant être investis dans des secteurs plus rentables ou plus valorisant pour le système. Ouvrir, par exemple davantage l'accès aux fonctions nobles, comme l'agrégation, cette institution cent fois dénoncée pour la surqualification qu'elle donne une poignée de privilégiés ; ces même privilégiés qui attaquaient l'institution, mais qui devenaient étrangement muets lorsqu'ils étaient tranquillement installés autour de la mangeoire de luxe.
Qu'est-ce que lefficacité ?
On peut faire un exposé parfait et être totalement incompréhensible. J'ai déjà dit, et je le répète j'ai terminé ma carrière au moment où j'étais devenu un mauvais professeur. Pas pire que les autres, mais ce n'est pas une excuse. Ma seule excuse est le désintérêt pour mon travail qui n'a fait qu'augmenter dès le début des années 90. Mais j'ai connu quelques bonnes années.
Nous sommes au début des années 70, j'enseigne au lycée d'Enghien. Comme il est d'usage je suis convoqué par le proviseur pour prendre connaissance de l'appréciation de celui-ci sur mon travail et pour signer ma note administrative. Quelque chose comme : « très bon professeur, dévoué et efficace ». Je demande quand même quelques explications, car ce monsieur si gentil n'a jamais mis les pieds dans l'une de mes classes. « Je suis flatté par votre jugement, mais comment pouvez-vous juger de mon efficacité ? L'homme n'est pas très causant, et d'un ton assez sec ma réplique : « Nous avons suivi vos élèves et globalement ils réussissent mieux que les autres dans la classe suivante ». C'est vrai qu'à l'époque, mes rapports avec les parents sont excellents. Il faut dire aussi qu'auprès des élèves je jouis d'un certain prestige. Je suis un athlète médiocre, mais sur le plan régional je gagne de nombreuses courses du 1500m ou 20 000m. J'améliore des records départementaux, ce qui me vaut les honneurs de la presse local, et les adolescents ne font guère de différence entre le tocard qui gagne des courses de patronage et le vrai champion.
Si mes souvenirs sont exacts c'est à la rentrée suivante qu'on me fait subir ma première humiliation, le Rectorat commençant à régler leur compte aux contractuels. Le jour de la rentrée scolaire, après avoir pris connaissance de mon emploi du temps de l'année, comprenant entre 'autres deux classes terminales G, réputées difficiles, et dont les vrais professeurs ne veulent pas, un télex provenant du Rectorat m'interdit d'exercer dans le second cycle, sans s'inquiéter de me donner un complément de service. Cette histoire a une morale : l'une des classes qu'on m'a contraint à abandonner n'aura pas de professeur de math de l'année alors que le coefficient de la discipline au bac pèse assez lourds. A ma connaissance la quasi totalité des élèves de cette classe n'a pas obtenu son bac. Déclaration de l'inspecteur qui a pris la décision : « Il est plus souhaitable pour les élèves de ne pas avoir de professeur qu'un professeur non qualifié ». Il faut préciser que si ces classes m'avaient été confiées c'est que l'année précédente je m'étais bien sorti d'une classe de terminale littéraire, ce qui n'était pas évident.
Je m'excuse de m'être, dans ce paragraphe donné un rôle flatteur. Mais je règle aussi mes comptes, car deux ans plus tard je ferai au Rectorat de Versailles un procès administratif pour irrégularité dans une procédure de titularisation. Lequel Rectorat se déchargera de la procédure, ce procès sera donc celui d'un minable prof contre le Ministre de l'Education Nationale. Mais j'ai relaté les faits dans un autre chapitre.
Pour en revenir à notre question de départ Qu'est-ce que l'efficacité concernant l'enseignement, la réponse est la même que celle qu'on peut faire en médecine : personne ne peut répondre en connaissance de cause à cette question. Ce qui peut paraître profitable à brève échéance peut se révéler une catastrophe à long terme.
On gave les oies pour leur bouffer le foie. Dans certaines usines à former ce qu'on appelle l'élite future de la nation, on gave les cerveaux pour plus tard bouffer l'esprit et la conscience, ou ce qu'il en reste. On retrouve Mime, le précepteur de Siegfried dont l'idée fixe et de donner à celui, la force et l'arme nécessaire au héros pour tuer Fafner transformé en dragon. Evidemment pour se rendre ensuite maître du trésor.
Dans la mythologie économique moderne c'est la main invisible XE "main invisible" qui dirige le marché, autrement dit qui mène le monde. Dans la tétralogie, la main invisible est celle de Wotan, qui continue après la fin du second acte de Siegfried à être omniprésent. Mais tout cela a été suffisamment évoqué dans les livres précédents. C'est Wotan qui conduit le destin du jeune Siegfried. Wotan durant le Crépuscule des Dieux n'est plus qu'une entité qui hante le Walhall, sans aucun but. Cette entité on la retrouve aujourd'hui comme une puissance désincarnée qui à l'instar du dieu ne sait plus ce qu'elle représente. Mais je pêche par anthropomorphisme, car cette entité ne pense pas, ne représente plus rien. Elle est une chose obscure, sans consistance, sans nom, derrière qui se retranchent tous ceux qui à un moment donné se saisissent du pouvoir. Naguère cette entité portait un nom, elle était incarnée par un être de chair, le Roi dont le pouvoir était donné par Dieu. Aujourd'hui on veut nous faire croire que c'est une incarnation du peuple, que nous sommes, nous une partie de cette entité, mais c'est une farce, et malheur à ceux qui ne veulent pas être dupes.
Devant une telle imposture comment pouvons-nous croire que les tenants du pouvoir ont, vis à vis des citoyens d'un pays qu'autres motivations que de créer des esclaves au service de ce pouvoir, ou plus exactement de ceux qui l'incarnent. Le jeu démocratique, c'est la douce comptine qu'on chante aux citoyens pour les faire dormir et rêver du monde illusoire qu'on leur promet.
L'efficacité c'est finalement ce qui permet le meilleur sommeil. Dormez, rêvez, nous nous occupons du reste.
Je voudrai quand même conclure sur une note plus optimiste. Exactement comme il existe des remèdes et des soins efficaces pour les vrais malades, il existe encore de nombreux secteurs de l'éducation où l'enseignement est largement à la hauteur de sa tâche. D'abord l'enseignement élémentaire où les instituteurs continus à avoir un rôle essentiel. Leur dévouement et leur compétence jusqu'aux années 1990, ont permis de continuer à donner aux jeunes cerveaux les bases nécessaires à leur développement ultérieur. Les enseignants du second degré ne se gênent pas pour mettre en cause dans les échecs scolaires des collégiens la compétence de ces maîtres des écoles. Mais ils feraient mieux de balayer devant leur porte. C'est d'ailleurs une constance dans le comportement des enseignants de toujours mettre leurs propres échecs sur le dos de ceux qui les ont précédés dans leurs tâches éducatives. Sans doute ne trouve-t-on pas parmi les jeunes diplômés d'aujourd'hui le même dévouement que chez leurs aînés, mais peut-être faudrait-il voir du côté de la formation. En effet voici encore 40ans, la plupart des instituteurs et des professeurs de collèges se formaient sur le tas, ce qui était manifestement la meilleure méthode.
On avait confié à une institutrice que je connaissais fort bien une classe pour le moins difficile: des gamines liées par l'obligation scolaire de 14ans, ne pouvant prétendre, ni au certificat d'étude de l'époque (nous sommes à la fin des années 60), ni à l'entrée au collège. Se pointe un inspecteur primaire, qui devant le désarroi de l'enseignante se propose de lui donner des conseils. Celui-ci prend même la classe en main et s'évertue durant une bonne demi-heure à forcer la compréhension des adolescentes. Puis il interroge quelques élèves. Consternation du pauvre homme, celles-ci n'ont pas compris un seul de son discours portant joliment tourné. Puis retrouvant l'institutrice : « Bon. Je ne sais quoi vous dire ! Faites ce que vous pouvez ! ». Faut-il souligner, qu'aujourd'hui, sous prétexte de donner sa chance à tous, ces élèves rentrent au collège.
L'efficacité à cours terme se mesure aisément ; c'est celle du bachotage. Connaissances acquises de façon ponctuelle mais qui ne servent à rien sinon à obtenir une peau d'âne, qui viendra décorer un CV, mais ne donnera aucune vraie compétence. Quant à l'efficacité de fond elle n'est jamais quantifiable car trop de facteurs interviennent qui rendent toute évaluation impossible.
Concernant les performances atteintes par les athlètes, il ne faut pas oublier que pour obtenir un champion, il faut casser des centaines de petites victimes à qui on fait miroiter une notoriété qu'elles n'atteindront jamais. Il n'y a pas dans ce domaine de seuil de rentabilité. Le matériel humain est inépuisable et ne coûte rien. C'est devenu d'ailleurs un principe général de l'économie moderne: le monde compte des minerais inépuisables de matériaux humains qui ne coûtent pratiquement rien et qui de plus constituent une énergie renouvelable, dans un monde où l'accroissement démographique ne semble pas pouvoir être freiné dans l'avenir immédiat.
Adieu la démocratie
L'idée d'enseignement démocratique est un mythe qui est né dans les deux dernières décennies du 19é Siècle. Il est resté longtemps un idéal à atteindre dans un futur que plusieurs générations ont espéré proche. Je l'ai déjà dit, ce n'est pas un adieu à la démocratie, mais à l'idée de démocratie.
Car il faut peut-être rafraîchir la mémoire aux optimistes. Le but de l'école obligatoire n'était pas, dans l'esprit de ses promoteurs, l'épanouissement de tous les individus, mais une façon de contraindre tous les individus à respecter la loi, et d'être plus facilement atteints par la propagande. Savoir lire c'est être censé prendre à tous moments connaissances des textes de loi. Impossible d'invoquer la méconnaissance de la loi : elle est écrite, et tous ont les moyens d'en prendre connaissance. Et puis, il y avait la revanche à prendre sur le Boche, et l'école était le vecteur de propagande idéal. C'est à l'école que le patriotisme devait se cultiver. Et de fait les jeunes de 1914 sont partis au front dans l'enthousiasme. L'antimilitarisme n'était qu'un phénomène marginal de toute façon noyé dans la folie collective.
Les deux piliers de l'évanescente démocratie, la liberté de conscience et la liberté de pensée n'ont d'ailleurs jamais été que des leurres. Quand les prédateurs de l'humanité ont besoin de chair humaine pour assouvir leur soif de pouvoir et de richesse, le masque est jeté, et de virtuelle la liberté, ou plutôt son idée s'évanouit comme un rêve qui se dissipe.
La vérité est que la démocratie et la liberté resteront à jamais des à l'égales des mythes à l'égales des morales de toutes les religions. L'alliance de l'épée et du goupillon qui ne s'est jamais démentie depuis que l'homme vit en société illustre bien la double nécessité des deux maux qui font le malheur de l'individu: la contrainte par la force pour maintenir les structures sociétales, une main invisible XE "main invisible" maître des destins. Hier, Dieu, aujourd'hui, l'ordre économique, nécessaire aux puissants pour accaparer pour eux seuls les richesses du monde. Ce qu'on demande aujourd'hui au système éducatif c'est de sortir des classes soumises ceux qui pourraient être des ferments d'une révolution. Ce n'est l'alliance du sabre et du goupillon qui est essentielle, mais celle du fric et de l'intelligence. C'est cette dernière qui pourrait bien faire basculer le monde dans le chaos. Car nous retrouvons alors le Complexe de Wotan. Si des individus bornés comme Bush XE "Bush" et ses mercenaires, sont incapables de ressentir la moindre honte à vouloir imposer au monde des règles infâmes, ce n'est certainement pas le cas pour la majorité de ceux qui profitent de l'ignominie du capitalisme sauvage. L'idée des hommes libres qu'ils ont rêvé d'être, pourrait bien les amener, à l'instar de Wotan à désirer, une fin décidément sordide. Choisir de céder à la raison des plus fort, comme Wotan à Fricka, mais agir souterrainement pour donner une chance à l'Homme libre de les briser s'il le faut.
Réforme
C'est le monstre du Lockness du système éducatif. On impute les difficultés que rencontre dans ce domaine tout projet de réforme au conservatisme des enseignants ; cela est d'autant plus facile que c'est en partie vrai. Mais l'expérience montre que les réticences du corps enseignant ont toujours été justifiées. On peut accuser les enseignants de se comporter de telle manière que toute réforme est condamnée d'avance. Après tout ceux qui sont en contact direct avec les élèves des premiers cycles sont les moins doués proches du niveau 0 des connaissances et du savoir-faire, ils refusent ce qui est nouveau par paresse et incapacité à comprendre les fabuleuses nouveautés qui naissent dans le crâne d'individus vraiment compétents. Comme à l'armée, ceux de la base sont là pour obéir et non pas pour penser.
J'ai cependant deux remarques à faire. La première concerne les motivations de ceux qui tentent d'imposer les réformes qui ne sont que des rafistolages de vieilles théories qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité ; dans un monde qui bouge la meilleure façon de se distinguer pour progresser dans la hiérarchie est de manifester des motivations innovantes. De toute manière les supérieurs hiérarchiques dont dépend leur carrière ont déjà atteint, selon le principe de Peter leur optimal optimum d'incompétence, et qui plus est se moquent totalement de ce qui se passe loin au-dessous d'eux. La seconde est que personne, parmi les hauts responsables n'a d'intérêt à améliorer les qualités du système. Pour que les gens continuent à rêver et à croire à un système démocratique il faut donner le change et pour cela prouver que l'on met tout en uvre pour assurer la réussite de tous. Mais en fait, tout vrai progrès ne ferait que rendre la situation du marché du travail plus difficile : des diplômés exigeants sur leurs salaires, leurs conditions de travail, l'intérêt de ce travail créent une situation dangereuse. Ces gens là, dont on n'a besoin qu'en petit nombre pourraient tenter de tous vouloir monter sur le frêle esquif des privilégiés et tout faire chavirer. E puis un système défaillant a deux vertus essentielles. La première est d'effectuer un tri plus efficace à deux niveaux, celui des capacités pures, celui du milieu : ceux qui sont issus de milieux favorisés, et qu'il importe de maintenir peuvent plus facilement pallier les insuffisances du système. Quant à ceux des milieux sans intérêt pour la bonne marche de la société, s'ils méritent d'être aidés, je veux dire s'ils sont jugés utiles, on peut toujours leur faire payer l'aide dont ils ont bénéficié par une obéissance sans faille. On leur donne ainsi un billet d'entrée pour le monde des privilégiés, regarder ensuite derrière eux serait considéré comme une trahison, et puni comme telle. En particulier la pauvreté ne doit avoir d'autre existence que théorique et n'être plus considérés que comme un paramètre, parmi d'autres dans l'organisation et la gestion de la société.
Nous sommes fin novembre 2004, une nouvelle réforme est, paraît-il en gestation. Un incertain Fillon, ministre parmi tant d'autres qui débite des banalités comme celles de tous ses prédécesseurs : les apprentissages fondamentaux voilà la panacée (universelle comme aurait dit Pompidou, agrégé de lettres). « Ils » ne savent plus lire, « ils » ne savent plus compter. Pour lire quoi ? Pour compter quoi ? A supporter les banalités énoncées par nos grosses têtes, on se demande s'ils savent lire, à prendre connaissances des statistiques et prévisions de nos éminents économistes, on se demande s'ils savent compter, et si l'on constate qu'ils peuvent encore calculer 3 fois 5 sans calculette se demander à quoi cela leur sert de connaître leur table de multiplication ! La vérité est que l'on sait, en gros ce qu'un futur énarque doit savoir pour occuper sa place dans le grand bluff du monde politique et économique, mais pour le commun des mortels, celui qui devra obéir sans broncher, et accepter le premier boulot de merde sans chicaner s'il ne veut pas devenir un éternel chômeur.
La vraie réforme celle que veut, de toutes ses forces, promouvoir les privilégiés de la planète, c'est d'en finir avec l'illusion de la démocratie qui coûte à leurs yeux beaucoup trop cher. A quoi bon en effet dépenser de l'argent à éduquer et instruire des individus qui n'en valent pas la peine. D'autant plus que le danger est grand que ces mêmes individus, qui, pour beaucoup risquent de découvrir qu'on leur a menti, fomentent des complots, à la manière de ces terroristes que l'on n'a pas voulu, pour des raisons de déontologie vulgaire, détruire quand il en était encore temps ; autrement dit laisser des défenseurs passionnés, comme un certain général Sharon, écraser dans le sang ceux qui n'acceptent, ni leur pauvreté, ni leur statut de rebut de l'humanité. Sharon a le courage d'être un nouvel Hitler, c'est son modèle qu'il faut suivre ; demander à Bush XE "Bush" , dont l'équipe de choc qui le maintient au pouvoir à depuis longtemps fait sienne les méthodes du tyran honnis entre tous.
Le devoir de mémoire
Ou comment occulter notre propre ignominie. J'avais 11 ou 12 ans lorsque je me suis vu offrir, ainsi que mes petits camarades de l'époque (nous sommes en 1945), une séance cinéma : Blanche neige ; le film était accompagné d'un documentaire (je comprends maintenant que le montage avait été réfléchi), sur la découverte des charniers dans les camps de concentration. C'était donc une leçon : regardez, gentils garçons encore purs les fruits de la barbarie XE "barbarie" . Il ne faut surtout jamais faire de telles vilaines choses ? Malheureusement peut-être certains de ces petits anges de l'époque, se sont livrés, en Algérie, 10 ans plus tard, à des atrocités du même genre.
Soixante ans plus tard on traîne les gosses dans des expositions sur les camps de la mort, et certains profs d'histoire en rajoutent une louche en emmenant les gosses sur les lieux même des génocides. Pour pas que ça recommence, sans doute ? Bien sûr la télé est dans le coup.
Les camps, c'étaient, personne n'en doute, le comble de l'horreur. Les tentatives de révisionnisme sont déplacées et stupides, car malheureusement, pour une fois l'histoire nous révèle une incontournable vérité. Cela mérite d'être souligné, car c'est assez rare. Donc il y a eu les chambres à gaz, les exécutions sommaire, les tortures pour le plaisir, et les fours crématoires. Ces crimes sont impardonnables, et il est juste qu'ils ne soient pas oubliés.
Supposons maintenant que pour d'obscures raisons une nation, aujourd'hui, fasse la même chose à une échelle mondiale, que les chambres à gaz coiffent des pays tout entier, ainsi que les crématoires, qui ne sont plus des fours mais des pans entiers de territoire, que cette même nation encourage les tortionnaires pour s'amuser, de nations dites amies. Par exemple le produit toxique pourrait s'appeler l'agent orange, un savant mélange de dioxine et l'arsenic, provoquant 20 ans plus tard de nombreuses malformations des nouveaux nés, et laissant de vastes plaines naguère fertiles, incultivables. Pour les crématoires, on pourrait utiliser du napalm. La différence, quand même, c'est que les nazis ne brûlaient que des cadavres, alors qu'avec le napalm ce sont des vivants que l'on incinère. Et bien apprenons à nos enfants que ces atrocités sont commises par un pays, aujourd'hui, et que contrairement à l'Allemagne nazie, ce pays prétend lutter pour le Bien. Je laisse le lecteur deviner le nom de cette nation. Pour ceux qui n'ont pas trouvé qu'ils se rapportent au livre déjà cité de N Chomsky, La fabrique de l'opinion publique. Mais bien évidemment ce pays n'existe pas ; comment le pourrait-il dans un monde qui a été débarrassé de la barbarie XE "barbarie" voici maintenant 60 années. Car il ne faut pas confondre les sacrifiés pour la liberté et les victimes d'une idéologie raciale. Les victimes du nazisme étaient des innocents injustement sacrifiés, celles d'aujourd'hui sont, soit des terroristes, souvent âgées de moins de quatre ou cinq ans (ce qui prouve quelles sont nées avec le mal dans la peau), soit des citoyens ne demandant qu'à vivre tranquillement, mais que la non-violence entraînait à devenir victimes du communisme. Et il est dans la bonne conception du Bien qu'il vaut mieux être mort que communiste. C'est une façon comme une autre de rendre les hommes libres. La liberté étant la valeur suprême, mettre ces âmes en danger en sécurité dans un cercueil est la solution la plus conforme à la morale.
Car la vérité est là. Montrer aux jeunes enfants les atrocités du passé, en tenant un discours laissant entendre que ces temps de barbarie XE "barbarie" sont révolus, c'est leur fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd'hui. J'ai toujours eu une répulsion naturelle pour l'histoire (les mauvaises langues diront, et elles n'auront pas tout à fait tort, que j'étais un élève fainéant n'aimant apprendre une leçon), mais le travail des profs a cependant été assez efficace, car j'ai cru longtemps que nous vivions ; après les boucheries nazies, dans un monde de liberté et de justice. Sans des parents conscients de ce qu'il en était j'aurais sans doute cru aux missions civilisatrices de mon pays en Afrique et en Indochine. J'aurais peut-être, contre toute évidence, cru à l'Amérique terre de liberté et championne du monde libre.
Une école de la réussite pour tous
Au milieu des années soixante, nombreux étaient les enseignants qui croyaient dur comme fer que l'inégalité dans la réussite était une conséquence des inégalités sociales. Prenez n'importe quel petit pauvre, confiez-le à une famille riche et sa réussite sociale est assurée.
J'ai quand même un peu d'expérience dans ce domaine. Un cas que je connais assez bien pour y avoir pas mal réfléchi, c'est le mien. Aussi loin que remonte mes souvenirs je me sens confronté à un sentiment d'échec. A l'école maternelle, déjà, je me souviens de cartes perforées où je devais réaliser des laçages qui, achevés ne correspondaient jamais aux modèles ; surtout ce satané lacet qui enjambait le bord du carton au lieu de traverser directement. Puis l'écriture qui ne suivait jamais la ligne et qui bavait de tout côté. Puis l'orthographe, et cette confusion des R et des L, qui me faisait écrire blanche au lieu de branche et réciproquement, cruelle ironie du sort, et je ne parle pas de la fatalité dans l'application des règles de grammaire, et des pluriels que j'oubliais systématiquement, ce qui faisait dire à mon père, hélas prof de français que je le faisais exprès. Bref de 10 à 15 fautes dans toute dictée, alors que 5 suffisaient pour avoir 0. Du gâchis donc.
Puis il y a eu les impénétrables mystères des mathématiques. Près de trois années à me demander ce qu'il fallait faire au juste, et ce que signifiaient ces bizarres formules qu'on nous demandait d'apprendre. Pourquoi un jour je me suis pris de passion pour les maths et les sciences, ça c'est un mystère que je n'ai jamais compris. Et une calamité qui me poursuit encore aujourd'hui, puisque sans ce stupide intérêt j'aurai pu, avec un peu de chance être cantonnier ou éboueur et échapper à toute culture. Mais quand le désir de connaître vous a pris aux tripes, vous êtes fait comme un rat, car vous ne pouvez plus oublier le monde immense qui s'est découvert à vos yeux.
Impossible de reculer, vous avez beau avoir sous les yeux les preuves flagrantes de votre médiocrité, au moment de l'effort vous oubliez votre infériorité, il faut qu'à un moment un pan de voile se soit levé pour croire de nouveau que quelque chose est possible. J'étais un très bon élève en algèbre ; je n'ai pas le souvenir d'avoir échoué dans la compréhension des notions algébriques, mais ce n'est pas un don, et cela n'a rien à voir avec la compétence mathématique ? Cela j'ai au moins le mérite de l'avoir vite compris. J'ai donc pris rapidement conscience que je ne pouvais qu'échouer dans les domaines qui m'importaient le plus. Mon intuition était quasiment nulle en géométrie, la science qui ouvrait vraiment à la connaissance du monde et des vraies mathématiques. La discipline intermédiaire entre algèbre et géométrie est la topologie générale. C'est elle qui permet la construction des grandes théories qui s'applique à la physique. La fusion des structures algébriques et topologiques donne la topologie algébrique ; domaine magique où j'ai perdu mes dernières illusions.
Messieurs les pédagogues, vous pouvez cogiter toutes les réformes que vous voulez, vous ne pourrez rien absolument rien pour des individus comme moi, et enlevez-vous de l'esprit que je suis un cas particulier. Il ne suffit pas de réussir un examen, il faut que les désirs de l'être soient compatibles avec ses possibilités, et ce n'est presque jamais le cas.
Je n'étais pas au degré 0 des facultés intellectuelles, simplement largement au-dessous de ce qu'il m'aurait fallu pour simplement tenter d'être à la hauteur de mes désirs. Laissez-moi vous parler de Jean-Michel, un garçon de sixième dont j'ai vainement essayé d'initier aux opérations élémentaires. Durant une heure, seul avec lui, j'ai tenté de lui faire diviser 12 par 3. Jetons sur la table, dessins au tableau, situations concrètes, avec des bonbons, des billes, des rangées d'élèves ; échec sur toute la ligne. Rien la notion de partage lui était impénétrable. Je pourrais multiplier les exemples de ces gosses, qui ressentant l'intérêt que je prenais à leurs difficultés faisaient des efforts désespérés pour ne pas me décevoir, mais échouaient tout aussi désespérément. Et je les comprenais d'autant mieux qu'à un autre niveau certes j'avais ressenti le même désespoir.
Réformez tant que vous voulez, vous ne pourrez rien contre la fatalité d'être et de se sentir intellectuellement inférieur. C'est un truisme : pour réussir, il faut être doué. Qu'importe la nature du don. Malheur à celui qui est normalement intelligent mais qui ne possède aucun don ; son destin sera d'être esclave s'il veut connaître un peu de sérénité. Tout bien pesé, le rôle de l'éducation est de former des esclaves consentants. Pour l'individu privé de don l'aliénation de la liberté est le prix à payer pour obtenir une place honorable dans la société. Rien n'a changé depuis le Léviathan de Hobbes. Ce n'est pas par hasard que ce dernier a choisi le nom du monstre récurrent de la bible à sa vision anthropomorphique de sa république. Elle dévore tous ceux qu'elle protège. Le système éducatif ne sera jamais rien d'autre qu'une entreprise de dressage pour fournir de la chair fraîche au Léviathan.
Reformer ne reviendra jamais à rien d'autre que l'affiner et perfectionner des méthodes de dressage. A moins que le recours à la force ne soit finalement jugé la meilleure solution. N'est-ce pas cela qui se dessine sous le thème du retour à lautorité ? Ce que système actuel doit conjurer c'est la lente évolution vers une vraie liberté. Il ne faut pas oublier deux choses :
- l'école publique et obligatoire a été créée pour fabriquer des citoyens obéissant, prêts à se sacrifier pour la patrie.
- que nous continuons à vivre sous un régime toujours plus ou moins régit par des règles napoléoniennes, c'est-à-dire de type militariste.
Une lente dérive nous a éloignés de ce modèle, que chaque guerre permettait de réactiver. Il faut donc de nouvelles méthodes, une réforme qui serait en fait un travestissement des bonnes règles savamment mises au point par les barbus de la troisième. On ne légifère par contre la liberté, mais le laxisme. La réussite pour tous est seulement un euphémisme pour promouvoir un système où chacun accepte sa place sans broncher. Je me souviendrais toujours de ce chef d'établissement de gauche manifestant sa satisfaction à la suite d'un conseil d'orientation. Tous les parents avaient accepté, pour leurs enfants les sous orientations alors proposées ; je ne veux pas dire par là qu'il s'agissait d'une sorte de forfaiture, après tout les décisions étaient sages, mais cela illustrait bien l'idéal que les responsables d'aujourd'hui cherchent à atteindre : un système où les inférieurs acceptent sans rechigner leur infériorité.
L'école comme anticulture
On pourrait s'imaginer que l'université est une sorte de temple du savoir. Ainsi que les grandes écoles. Or l'acquisition d'une culture est bien, c'est du moins l'expérience que j'en ai, la dernière préoccupation des étudiants. Obtenir un diplôme est la seule préoccupation.
Un exemple vécu : en 1962, je sors de l'Algérie, à peu près indemne, au moins physiquement et je prends le premier boulot qui s'offre à moi, et qui me permet de sacrifier à ma paresse naturelle, et la fâcheuse tendance à ne faire que ce qui me plaît : un poste de prof de sciences physiques en lycée. Je n'ai que 12 heures de cours. Je n'ai aucun diplôme pour occuper cette fonction, mais je l'ai déjà dit, à cette époque l'éducation nationale se satisfaisait de peu, l'important pour elle était de boucher les trous. J'ai deux collègues certifiées, donc vraies profs qui m'étonnent par leur totale incompétence. En fait elles ne comprennent pas grand chose à la physique qu'elles considèrent comme une sorte d'art divinatoire qu'il faut faire apprendre par cur aux élèves. C'est seulement un peu plus tard que l'une d'entre elles se laissa aller à quelques confidences : en fait elle n'avait rien compris à la physique, ne s'intéressant qu'à la chimie, et avait passé ses certificats touchant à la physique en apprenant tout simplement par cur les tranches de cours qui lui étaient impénétrables.
En 1958, je suis hébergé à la cité universitaire, et je fais mon footing quotidien dans le parc Montsouris ; j'y rencontre un étudiant en médecine avec qui je discute de choses et d'autres. Un jour j'évoque les méthodes moralement très contestables de mes petits camarades de l'école d'ingénieurs pour facilité l'obtention du diplôme convoité, et bêtement je dis : au moins en médecine il faut avoir la vocation. Ricanement du futur toubib : « non mon vieux c'est seulement pour le fric, de toute façon, ce que nous apprenons ne sert pratiquement à rien, c'est à l'hôpital que les choses sérieuses commencent, et que nous commençons à apprendre ce métier. »
Dans le milieu étudiant que j'ai fréquenté, il y avait une expression pour désigner ceux qui croyaient à la culture : les branleurs d'idéal. Goebbels disait, si l'on en croit la légende : « quand j'entends le mot culture je sors mon revolver ». Mes petits camarades disaient : « Quand j'entends le mot culture, je déboutonne ma braguette. » Mais c'était l'époque où la fermeture éclair nétait pas généralisée à cet endroit.
Mime ou l'essence du système
Mime est le frère d'Albérich. C'est lui qui, avec sollicitude élève Siegfried qu'il a recueilli après le mort de Sieglinde. Ceux qui ont avancé que Mime était une caricature du juif avaient sûrement raison. Nous en avons examiné les preuves dans la première partie, mais cela ne nous intéresse pas. C'est la caricature du professeur que nous allons considérer.
Rappelons quand même les motivations du (anti)héros wagnérien. Mime a donc trouvé Siegfried voué à la mort puisque sa mère est morte en le mettant au monde. Pas par hasard, bien sûr Wotan est déjà là, sous sa forme terrestre, veillant au destin de son jeune héros. Pourquoi lui choisir Mime comme précepteur ? Il faudrait le demander à Wagner lui-même qui n'en savait peut-être trop rien. L'histoire est déjà assez laborieuse comme ça ne la compliquons pas. Toujours est-il que Mime, qui a une revanche à prendre sur son frère abominable, trouve là une occasion rêvée de devenir le maître du jeu : élever Siegfried, reforger pour lui l'épée Notung, le conduire au Dragon ; tuer le dragon est un jeu d'enfant pour le héros, il ne reste plus qu'à occire ce dernier, en l'empoisonnant par exemple, ou en lui coupant la tête avec sa propre épée durant un sommeil provoqué. Siegfried mort, l'anneau, le heaume et le trésor deviennent la propriété du misérable méprisé de tous, qui devient alors le maître absolu. Un joli programme, mais malheureusement pour lui le magicien Wotan, est encore sur le coup et c'est lui qui règne encore.
Je ne reviendrai pas sur le symbolisme de l'épée que le malheureux Mime tente désespérément de ressouder. Siegfried réduit en poudre, ne gardant que la substance, et reconstruisant l'épée nouvelle selon son inspiration. Enfin c'est ce que héros croit. Car nous savons que c'est le magicien Wotan qui une fois de plus tire les ficelles.
Je ferai ici de Mime la caricature non pas du professeur incapable d'enseigner à l'élève qui, déjà le dépasse, mais du système lui-même qui ne sait que se reproduire identique à lui-même.
« A mon grand dégoût, éternellement, je ne trouve que moi-même / dans tout ce que je fais / .../ je suis incapable de façonner autre chose que des esclaves. » (La Walkyrie, acte 2 scène 2.). C'est Wotan qui parle, mais Mime et le Wanderer ne sont-ils pas ici engagés dans la même galère. Mime ne peut que réparer l'épée brisée, rafistoler l'ancien, Wotan ne peut rien créer qui le dépasse condamné donc à rester figé sur ses pensées.
Université, incapable de se réformer, de tenir compte, dans un délai raisonnable, des progrès de la science d'une part, et connaissance de l'homme d'autre part. Rien de fondamental n'est changé dans les formations des enseignants : un bourrage de crâne d'une multitude de connaissances aussi vite oubliées qu'apprises. J'ai déjà évoqué le cas de cette prof agrégée qui n'avait même pas compris le contenu d'un cours de seconde.
En 1962, un prof agrégé n'avait pratiquement, au cours de sa formation jamais entendu parler de relativité et de mécanique quantique. Faux va-t-on me dire ? Je corrige : ceux à qui j'ai posé la question. Sans la finalité d'une agrégation est d'enseigner dans le cycle élémentaire c'est-à-dire jusqu'au bac. On trouvait dans le cursus mathématique le calcul matriciel et tensoriel, mais comme des machins ne servant que d'obstacles dans la course à l'agrèg. A quoi ça sert ? A trier les candidats. En fait calculs matriciel et tensoriel sont les outils nécessaires à l'élaboration de la mécanique quantique et de la relativité générale. Pour fixer les idées, rappelons que les mémoires fondateurs de ces théories clés de la connaissance scientifique datent de 1905, 1915, pour les relativités restreinte et générale, des années 1920-1930 pour les diverses formes de théories quantiques.
Si je donne ces exemples, c'est pour souligner que l'aspect culturel de la formation est totalement occulté. A côté de cela le savoir-faire théorique concernant le contenu des connaissances classiques du moment est développé à l'extrême. Avec cette idée stupide venue de la sagesse populaire : qui peut le plus peut le moins. Certes si vous pouvez soulever un sac de 100kg, vous pouvez soulever un sac de 50. Mais cette belle logique ne tient pas dans le domaine de la connaissance. Vous pouvez parfaitement résoudre à merveille un système d'équations différentielles pour déterminer l'évolution d'un phénomène physique, et raconter les pires âneries sur un banal problème d'équilibre de forces du niveau de la seconde (expérience rapportée plus haut, et que j'ai moi-même constatée).
Et surtout, on initie ces profs d'élite à la rigueur. Bien sûr tout doit être parfaitement démontré et les enchaînements logiques XE "Logique" parfaits ; or les formateurs oublient deux choses :
- quand on débute dans l'étude d'une discipline, sauf pour les surdoués, on ne comprend pas grand chose à ce qui se passe, et la rigueur apparaît comme une machine à enculer les mouches.
- cette rigueur est totalement artificielle car, ni les systèmes d'axiomes sous-jacents à la théorie développée ne sont explicités, ni les procédés licites de déduction ne sont clairement définis.
Tous ceux qui ont fait l'expérience d'aborder une théorie nouvelle pour eux le savent bien ; ça commence dans la purée. Il y a une foule de termes dont le sens est assez éloigné du sens commun. Il faut le plus souvent se forger des outils personnels aidant à la compréhension, se méfier des images métaphoriques, claires pour l'auteur, mais qui ne font souvent que jeter le trouble et rendre le discours un peu plus impénétrable.
Quel est le but de Mime ? Faire de Siegfried un instrument. L'instrument, nous l'avons vu, c'est celui de la conquête de l'or. Mime bavarde de tout, prétendant initier l'adolescent à la connaissance. Connaître ses origines, forger l'épée, lui montrer le chemin qui mène au monstre. Voilà le but, accomplir l'exploit grâce à lui. Et jusqu'à là Mime à raison, c'est lui qui a sauvé l'enfant dont la mère est morte en le mettant au monde, qui l'a nourri, protégé, réchauffé. Mais l'Or, l'anneau, le Tarnhelm, Mime n'en dit mot. Ainsi la société, grâce à l'université forment les élites dont elle a besoin : on parle de culture de défense de l'homme, de justice, de rayonnement de la nation ; mais les vraies raisons ne sont jamais dévoilées. Les mêmes que celles qui animent Mime : l'Or, la puissance, le voile qui permet de dissimuler les vraies motivations. Mais le gentil étudiant, qui lui n'aura pas à affronter le dragon ne recevra qu'un or frelaté, une puissance subalterne, et devra se voiler la face pour ne pas voir les conséquences réelles de ce qu'on lui demande d'accomplir ; par exemple l'ingénieur en armement qui met toute son intelligence à imaginer les engins de plus en plus meurtriers.
En attendant Godot XE "Godot"
Nous sommes à la fin des années 50. Le seul ami de toujours termine son doctorat de sciences dans une université de province. Il y a une fête de fin d'étude, et avec l'aide d'un camarade cet ami décide de monter un arrangement de circonstance de la fameuse pièce de Beckett. Les deux misérables personnages, Vladimir et Estragon qui attendent vainement celui qui doit leur apporter des réponses à des questions qu'ils ne se posent même pas deviennent deux étudiants. Pozzo est un prof traînant au bout de sa corde Lucky, thésard avec sa valise bourrée de livres de chimie. La pièce de Beckett reçu un accueil allant de l'enthousiasme, si l'on peut s'enthousiasmer pour la peinture la plus implacable de la condition humaine, à la cabale. A l'université de Strasbourg où la pièce détournée était jouée, l'accueil fut mitigé et les félicitations des responsables assez crispées.
Mon ami, en fait mon cousin germain, a été contrairement à moi un excellent élève, et aussi très bon pianiste. Peu attirer par les études scientifiques, bien que passionné de sciences, il passa le plus clair de son temps de thésard au conservatoire de musique, suivant les cours de direction d'orchestre, de piano et d'harmonie. Pas beaucoup de temps à consacrer aux études. Mais par chance son directeur de thèse ne s'intéressait guère plus que lui à une science aussi fastidieuse que banale.
Mon cousin avait l'air de cracher dans la soupe, mais il empocha son doctorat. Chargé de recherche au CNRS, puis directeur, deviendra attaché d'ambassade à la recherche scientifique à Stockholm puis à Bonn. Il se laissera tenter par d'importances fonctions dans les ministères de Curien et Chevènement, et finira sa carrière à Bruxelles, toujours comme attaché scientifique. La musique passa au second plan. Je lui voue toujours une profonde affection, mais il faut quand même avouer qu'il a, au cours de sa carrière de chercheur, surtout chercher les meilleures positions.
Qui suis-je ?
La réponse est claire : pas grand chose sinon rien. Je dois quand même quelques explications à l'éventuel lecteur. L'école d'ingénieurs où j'ai fait des études (si l'on peut dire), particulièrement ratées étaient les Arts et métiers. En fait, motivé par aucune carrière, élève médiocre que pas grand chose n'intéressait, je me suis laissé faire. Mais à vingt ans, sachant alors clairement ce que je ne voulais pas faire, j'ai mis la crosse en l'air. Plus question d'ouvrir un livre de cours ni d'écouter un prof. Mais pourquoi les arts et métiers ? Le responsable est mon grand-père maternel. A onze ans il obtient son certificat d'étude et entre dans la vie comme apprenti forgeron (comme Siegfried). Mais il avait eu un grand rêve faire l'école des Arts et Métiers. J'étais son petit fils préféré, et ma mère sa fille préférée. Ma mère a donc voulu réaliser, à travers moi le rêve de son propre père.
M'évader ? Pour aller où ? A l'école, j'étais logé nourri, je pouvais donner le change pour ne pas trop décevoir mes parents, je commençais une pratique sportive assidue, et surtout m'adonnais à la consommation sans modération de la philosophie classique.
Les disciplines se répartissent (enfin je parle des années 50, j'ignore ce qui se passe maintenant) en deux groupes : matières théoriques objets du plus profond mépris et les disciplines technologiques qui seules importent à la majorité des élèves. A mon époque la perversité du système est très éprouvante pour quiconque possède un minimum de sens moral. Si le système fonctionne selon les règles un élève sur dix peut prétendre avoir son diplôme d'ingénieur. Il faut donc que s'établisse une fraude illégale certes, mais discrète reconnue par toutes les parties mais qui reste un sujet tabou. Je donne quelques exemples :
- Epreuve de sciences physiques : meilleure note 3 sur 20, jusqu'à 0. La fois suivante le prof laisse traîner le sujet par mégarde. Le message passe ; le sujet est subtilisé le temps d'une reproduction. Solution type établie distribuée avant l'épreuve. Résultat : meilleure note 18, moins bonne 16. La moyenne couperet (exclusion) étant de 8 toutes les têtes sont sauvées.
- « Colle » en histoire géographie. Le prof vient de l'extérieur. Personne évidemment ne s'intéresse à ses cours. Seul le système d'antisèches permet d'éviter le même couperet. Ici la méthode est différente ; le prof veut moraliser la fraude, autrement dit il faut de temps en temps un bouc émissaire. Tous les mois il prend donc un élève en flagrant délit de fraude, lui colle un 0. Il y a deux notes dans l'année, la victime est assurée quel que soit sa prestation d'avoir 16 à la seconde note.
- Une mention particulière pour le chef d'atelier de la forge. C'était un ami d'un oncle qui habitait Châlons. Je me suis très bien entendu avec lui, car on ne s'est jamais rencontré à l'intérieur de l'établissement, comme moi il avait des occupations plus intéressantes en dehors de son travail, les rares fois où j'étais présent lui était absent. Il avait un drôle de nom : Cabu. A l'époque mon oncle, bon dessinateur, collaborait à un journal local. Un jour, il me dit : « Le fils de ton prof de forge est drôlement doué pour le dessin humoristique j'ai réussi à lui faire passer des dessins dans le canard. Eh bien retenez au moins cela : Cabu est le vrai nom de Cabu, dessinateur qui a fait son chemin.
Accessoirement j'ai envie de parler de deux figures emblématiques de cette même école. Trombacul, c'était son surnom, était prof de math pas très loin de la retraite, et qui n'était déjà plus tout à fait de ce monde. Ses cours consistait à recopier au tableau un polycopié qu'il ne distribuait que trois semaines plus tard, pour que nous soyons obligés de recopier le cours. C'était pour un gage de tranquillité. On ne pouvait prendre de retard car le tableau était rapidement effacé. Il lisait également au fur et à mesure d'une voix monocorde propre à endormir un régiment. Dans la semaine qui suivait chacun passait en colle. Il fallait recopier au tableau le paragraphe tiré au sort ; mais attention, au mot près et avec rigoureusement les mêmes notations. Malheur à celui qui mettait un M à la place d'un P, car l'artiste, son poly à la main se contentait de vérifier que l'élève recopiait bien le contenu du cours. A ce jeu, ma note était régulièrement 4. Pourquoi 4, parce que pour des raisons de déontologie ce brave prof ne descendait jamais au-dessous de cette note. Le fait, que lorsqu'il s'agissait d'épreuves écrites consistant en la résolution de problèmes, mes notes étaient parmi les meilleures, ne l'inquiétait nullement.
L'année suivante les math étaient devenues une matière tout à fait secondaire et le brave Trombacul, encore un peu plus près de la retraite faisait une séance hebdomadaire, par petits groupes d'exercices dirigés. Le protocole était simple et immuable : il arrivait avec ¼ d'heure de retard, prenait une craie, inscrivait sans dire un mot le texte d'un exercice au tableau, puis montait au fond de l'amphi s'asseyait, déployait son journal. La séance durait deux heures en tout (y compris le ¼ d'heure de retard) ; ¼ d'heure avant la fin de la séance, il se levait, prenait sa craie, prononçait la rituelle parole : « Bien, nous allons la solution de ce problème », écrivait la dite solution, puis quittait la salle. Il avait mérité son salaire de deux heures de cours au tarif de prof de fac.
Le second portait pour une raison que j'ignore le sobriquet de lHnouf (la légende disait que Trombacul tenait son surnom d'avoir joué du trombone à coulisse dans une harmonie locale). L'H'nouf était prof de dessin industriel. Il était, contrairement à son collègue d'une rare conscience professionnelle. Les séances de cours duraient quatre heures, c'était pour moi un insupportable martyre ; à telle point qu'un jour, il descendit jusqu'à moi (joccupais une place au fond de la salle à l'abri de ses regards inquisiteurs) et me dit : « Mon pauvre G, je vous regarde et vous me fendez le cur tellement vous avez l'air de vous ennuyer ». Nous devions construire d'invraisemblables machine, comme par exemple une boîte de vitesse de je ne sais quel engin, et il faut le reconnaître, je ne m'inquiétais guère des règles de normalisations, de représentation et des contraintes mécaniques. Il fallait effectuer de mystérieux calculs de résistances des matériaux à l'aide de formules qui tenaient plus d'un grimoire l'alchimiste, que de la moindre rigueur mathématique (ce sont des formules de ce type qui permettent aux grosses têtes de l'économie de se planter régulièrement dans leurs prévisions). Toujours est-il que le brave et consciencieux prof passait bien plus de temps à corriger les innombrables fautes de mes plans que moi à les faire. Mes dessins n'étaient plus que d'énormes pâtés rouges.
Accessoirement, j'ai un jour voyagé, en rentrant par le train à Châlons avec un ingénieur qui travaillait chez Mac Cormick, un fabricant de tracteurs. Nous avons un peu discuté et finalement j'ai évoqué les fameux calculs de résistance. Il faut préciser qu'ils étaient forts longs, et exécutés avec les moyens de l'époque à l'aide de la règle à calcul, baptisée familièrement poutrac's et à la table de log. Calculs d'autant plus éprouvant que compte tenu des multiples impondérables, on appliquait ensuite des coefficients de sécurité de l'ordre de 20. C'est-à-dire que si on trouvait, par le calcul la nécessité de mettre dans un béton une tige de 1mm, on en mettait une de 20. En substance la réponse fut : « En bureau d'étude, on fait les calculs à la louche, sans y croire. Ça nous donne un ordre de grandeur, on construit l'engin, puis on le lance à pleine vitesse sur un mur en béton ; on démonte on remplace les pièces cassées par des plus costauds, et on recommence. Quand plus rien ne casse on met sur les chaînes de production. Ce discours n'était pas fait pour me réconcilier avec la technique !
- Mon cas particulier : en physique ne m'étant présenté à aucun contrôle, j'ai 0 de moyenne. Mais il reste l'examen de fin d'année qui compte pour la moitié. Je fais le dixième de l'épreuve avec mes connaissances du bac, j'obtiens 16. Je suis en seconde année et l'association d'anciens élèves n'aurait pas admis une exclusion à ce niveau. C'est ainsi par la lâcheté du système corrompu donc fragile, je finirai mes quatre années, sans pratiquement rien faire.
La quatrième année se déroule à Paris. Comme la petite chèvre de Monsieur Seguin j'estime maintenant qu'il est temps de me laisser dévorer. Je multiplie mes absences passant de longues après-midi chez Gibert, aux PUF, et autres librairies. C'est l'époque bénie où le nombre d'ouvrages intéressants parus dans le mois ne dépasse pas la dizaine. Depuis deux ans déjà j'écris régulièrement, et je me crois capable d'embrasser une carrière littéraire. Le renoncement à ce foutu diplôme me libère ? Chaque absence étant pénalisée de 4/100 de point sur la note finale, j'arrive vite à un total de plus de 2 points. Il faut ne fin d'étude présenté un mémoire contribuant beaucoup dans la moyenne nécessaire pour l'obtention du diplôme d'ingénieur. Les élèves normaux travaillent l'année entière, généralement par groupe de deux ou trois. Il me semble inutile de perdre mon temps.
Mais un mois avant la sortie je suis convoqué par le directeur de l'école qui s'est penché sur mon cas. Je lui confirme que j'ai renoncé au diplôme, que j'ai l'intention de suivre une voie où il ne ma sera d'aucune utilité. Mais le brave homme ne l'entend pas de cette oreille : « Que vous fassiez n'importe quoi un diplôme d'ingénieur vous servira en vous ouvrant des portes qui sans cela vous resteront fermées ». Il a décidé, lui, de me sauver la mise. « Les absences, je m'en charge, pour le mémoire trouvez des copains qui vous acceptent, là aussi je me charge des compensations. Il vous reste un mois pour faire un petit effort pour les profs que vous avez négligés ». Je suis confondu, un lourd sentiment de culpabilité me tombe dessus, mais je promets de jouer le jeu.
L'homme souffre de graves rhumatismes articulaires qui lui déforment affreusement les mains. Huit jours plus tard il est foudroyé par une crise cardiaque. Il est à peine enterré que le sous-directeur qui le remplace pour boucler l'année me convoque. Il m'accueille avec un air triomphant, il se sent justicier ; il voulait la tête contre l'avis de son supérieur ; il est maintenant le maître et il compte bien me le prouver. Il brandit devant un tableau rempli de croix : « regarde, c'est le relevé de toutes tes absences ; c'est un vrai cimetière, eh bien dans ce cimetière je vais enterrer ton diplôme d'ingénieur. Et en plus tu devras passer un examen pour obtenir ton diplôme d'ancien élève ». Je lui réponds simplement que je trouve la sanction normale, mais qu'il pouvait difficilement me priver du diplôme d'ancien élève, car je m'étais quand même emmerdé durant quatre années, et que j'avais été jusqu'au bout de mon calvaire. En fait, les profs ne minterrogeront même pas me mettant d'office les notes nécessaires à l'obtention de ce sous-diplôme qui d'ailleurs ne me servira strictement à rien.
Mais le comble, c'est l'individu qui m'a sanctionné, à juste titre, je dois le reconnaître m'a ultérieurement proposé une place de chef des travaux dans un labo de physique de physique de l'école des Arts de Châlons-sur-Marne (maintenant châlons-en-Champagne), école où je m'étais fait une solide réputation de bon à rien. J'ai évidemment refusé, mais je rigole encore en pensant à la tête des profs dont je m'étais manifestement moqué, en me voyant revenir comme collègue !
J'ai eu maintes fois l'occasion, au cours de ma vie professionnelle ratée, de vérifier que ce pauvre homme malencontreusement décédé, avait mille fois raison. Mais j'en étais déjà convaincu avant notre entretien, mais quand on a vingt on s'imagine bien souvent d'avoir un destin à accomplir, et pour moi ce destin ne pouvait dépendre d'une peau d'âne. Louis Armand, ingénieur a qui on doit quelques innovations techniques importances, et qui fit directeur, puis président de la SNCF, et enfin directeur d'EURATOM disait en substance : Après dix années les diplômes devraient être caduques, les individus ne devant plus être jugés que sur leurs compétences acquises. Sans doute avait-il théoriquement raison, mais il est facile de montrer qu'il avait pratiquement tort. Deux cas sont à considérer :
- la personne diplômée travaille dans une entreprise, et ce qui compte c'est la compétence acquise. Une personne diplômée mais incapable de tenir un emploi de son niveau est implacablement illimitée. Un cas particulier cependant pour les grandes écoles ; l'esprit de corps protège les bons à rien, mais en les mettant sur la touche c'est-à-dire en leur confiant un emploi où ils n'ont aucune responsabilité. De toute manière, dans ce cas la compétence est quantifiable.
- la personne appartient à un corps de la fonction publique. Dans ce cas, et surtout dans celui de l'enseignement sa compétence n'est pas quantifiable et seuls les diplômes restent la référence.
Et puis il y a cette conséquence imparable de l'insertion dans le tissu social nécessaire pour remplir n'importe quel emploi : notre entourage se forge de nous une image qui doit beaucoup à la compétence que nous sommes censés posséder. Celui qui se présente nu est déjà victime d'un préjugé défavorable. Les qualités de l'individu seront minimisées en cas de réussite, par contre les faux vite pardonnés aux personnes auréolées d'un diplôme prestigieux. Et cette image l'individu qui se sent déjà en état d'infériorité ne peut manquer de le frapper durement. Que reste-t-il à faire alors sinon accepter le verdict de son entourage : finalement s'ils me jugent mauvais c'est que je suis réellement mauvais. On n'échoue pas dans tout ce qu'on entreprend sans raison profonde, qui vous touche dans votre être. Accuser les autres de nos échecs n'est jamais entièrement faux, mais un peu trop facile.
Pour ma part, je ne regrette rien, même si j'ai commis des erreurs, dues en grande partie à une confiance injustifiée en mes capacités de réussite. Je ne regrette rien, excepté une chose : être né. Que mes parents me pardonnent, quant à ceux qui me doivent la vie, cela me consterne, de penser que sans moi ils ne seraient jamais sortis du néant ; mais nous sommes dans le domaine de la fiction ridicule, aussi stupide que celle qui consiste à se demander ce que serait notre vie si un événement surgit par hasard ne l'avait pas bouleversée, comme une rencontre fortuite ou un accident. Alors que mes enfants, mes petits enfants que j'adore ne se fassent aucun souci, pourvu que la vie leur sourit, au moins pour cette seule raison, je ne regrette pas complètement mon passage sur cette terre.
Index INDEX \h "A" \c "2"
A
Amour,41, 44, 54, 57, 58, 65, 71, 89, 90, 102, 112, 119
Arbre du monde,1, 21, 23, 31, 78, 83, 119
Aristote,8, 44, 77, 80, 102
Aspect,49, 56
Axiomes,4, 9, 10, 12, 25, 36, 39, 54, 77, 79, 83, 84, 99, 110, 119, 125
B
barbarie,143, 144
Beaudelaire,94
Bergson,53, 125
Berkeley,19
Bible,84, 114
Big Bang,5, 37, 108
Bohr,39, 47, 49, 50, 51, 52
Borges,11
Bourbaki,4, 9, 10, 19
Brünnhilde,23, 26, 27, 38, 39, 43, 44, 46, 54, 63, 65, 73, 74
Bush,142, 143
C
Canoniques,30
Cassirer,2, 3, 5, 17, 79
Certitudes,71, 72, 85
Cerveau,13, 19, 29, 37, 41, 42, 43, 48, 52, 53, 56, 65, 77, 91, 94, 99, 110, 111, 112, 113, 114, 116, 118, 119, 121, 122, 124, 125, 126
Changeux,53
Christ,71, 84
Clepsydre,47
Communication,33, 46, 55, 71, 83
Conscience,1, 3, 5, 12, 13, 14, 29, 33, 34, 35, 39, 41, 43, 44, 45, 46, 47, 51, 52, 53, 54, 56, 60, 64, 65, 71, 75, 76, 77, 81, 84, 87, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 105, 106, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 117, 118, 121, 124, 125, 126, 127
Corrélation,59
corruption,61
Coupure,11, 16, 19, 105
Créateur,25, 45, 76, 84, 110, 122
D
Démiurge,36, 110
Désordre,21, 63, 96
Déterminisme,27, 28, 29, 52, 86, 87, 110, 119, 121, 122, 124
dictature,115, 144
Dieu,8, 9, 13, 14, 15, 18, 19, 23, 59, 65, 71, 74, 79, 84, 86, 99, 104, 105, 107, 110, 114, 124
Dumézil,58, 87, 88, 93, 100
E
E.Morin,16, 17, 41, 77, 86, 119
Eco,4
Edelman,92, 93, 94, 98, 100, 113
Einstein,16, 17, 26, 36, 47, 48, 49, 50, 64, 66, 107, 110
Electron,6, 31, 37, 40, 48, 51, 64
Eliade,9, 33, 57, 108
Emergence,29, 64, 92, 94, 98, 99, 105, 110, 111, 125
Epigénétique,111, 114, 116
EPR (paradoxe),26, 47, 48
Erda,23, 26, 27, 31, 36, 38, 46, 59, 63, 64, 72, 76
Evolution,15, 18, 19, 28, 32, 33, 35, 46, 47, 48, 53, 63, 64, 77, 92, 94, 98, 99, 100, 108, 109, 111, 113, 114
F
Fafner,44, 54, 88, 91, 92
Fantasmes,95
Fasolt,88, 92
Felden,6, 8
Feu,26, 34, 43, 56, 64, 89, 91, 97, 99, 109
Feynman,36, 51, 62, 67, 69
Fonction d'onde,40, 41, 42, 48, 49, 56
Freia,44
Frêne,31, 64, 78
Freud,16
G
Galaxies,107, 123
Gardner,28
Génétique,13, 18, 93, 99, 112, 122
Gödel,125, 126
Godot,149, 160
Gravitation,8, 17, 66, 68, 81, 117
H
Hagen,23, 92
Hasard,15, 18, 28, 46, 86, 87, 95, 119, 120, 121
Hawking,11
Hebb,53
Hegel,5, 77, 96, 97, 98, 102
Heinsenberg,8, 40, 48, 50
Hobbes,114, 115
Hume,2, 3, 29, 103
Hunding,44, 56, 92, 96, 97, 101
Husserl,32, 34, 77, 102
Hypothèse,8, 15, 53, 56, 57, 66, 84, 94, 105, 106, 107, 118, 120
I
Indra,88, 93
Introspection,39
Irak,63
J
Janès,101
JP.Sartre,45, 46, 51, 71, 76, 90, 99, 105, 122
Jumeaux,67, 69, 88
K
Kant,65, 71, 77, 89, 102, 103, 104, 105
L
Laborit,7, 14
Lance,26, 31, 36, 38, 73, 78, 90, 92, 95, 118
Le monde comme volonté,90
Léviathan,114, 115
Liberté,15, 16, 25, 27, 45, 52, 57, 86, 87, 96, 97, 98, 119, 123, 125
loge,102
Logique,9, 35, 36, 80, 82, 83, 117, 125, 126, 130, 135, 136, 148
M
MA.Tonnelat,8
Magicien,23, 36, 55, 73, 114
Mahäbhärata,87, 88, 92, 93
main invisible,139, 141
Maître,10, 11, 25, 26, 27, 36, 38, 59, 61, 72, 74, 78, 87, 95, 96, 97, 100, 105, 123, 127
Mathématique,4, 10, 14, 17, 19, 30, 31, 36, 65, 66, 79, 81, 105, 106, 117, 125, 126
Maxwell,66
Mère,21
Métaphore,31, 117, 121
Mime,23, 29, 38, 58, 88, 91, 94, 101, 114
Modération (principe de),104
Monod,15, 18, 86, 102
Mythes,2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 16, 31, 47, 58, 59, 87, 92, 93, 100, 108, 109, 118, 122, 123
Mythologie,5, 16, 36
Mythologique,4
Mythologiques,102
N
Nattiez,88, 89
Newton,8, 17, 59, 64
Nietzsche,90, 123
Notung,64, 92
O
Oiseau,63
Ordre,7, 13, 28, 31, 32, 36, 41, 42, 43, 46, 47, 67, 71, 72, 77, 78, 90, 92, 93, 94, 96, 98, 100, 119, 120
P
Paradoxe,26, 47, 48, 67, 126
Particules,4, 6, 28, 33, 42, 47, 48, 49, 50, 54, 55, 56, 57, 99, 107, 117, 120
Paty,9
Penrose,125, 126
Planck,17, 18, 26, 40, 64, 108
Platon,77
Poincaré,87
Popper,21, 22, 71, 79, 80, 81, 82, 83, 86, 87, 107, 117, 120, 121
Pouvoir,2, 6, 19, 26, 27, 36, 38, 41, 44, 48, 58, 59, 60, 61, 63, 64, 73, 74, 78, 83, 84, 87, 88, 90, 93, 94, 95, 97, 100, 101, 103, 107, 108, 114, 115, 116
Présocratiques,109
Prigogine,71, 86
Propensions,120, 121
Psychanalyse,100
Q
Quantique,6, 8, 11, 12, 13, 18, 26, 27, 28, 31, 35, 39, 40, 41, 42, 43, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 54, 56, 57, 64, 78, 79, 80, 86, 106, 110, 121
R
Réalité,5, 6, 7, 11, 12, 13, 19, 20, 21, 26, 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35, 36, 37, 43, 46, 47, 48, 50, 51, 53, 54, 58, 59, 60, 65, 66, 67, 68, 72, 75, 80, 84, 93, 95, 101, 102, 104, 105, 107, 115, 117, 118, 120, 122
Relations d'incertitudes,12
Runes,36, 38, 90
S
Sacré,9, 21, 31, 32, 33, 64, 87, 100, 101
Saussure,10
Scepticisme,18, 19, 103, 104
Schopenhauer,73, 76, 89, 90, 91, 95, 96, 102, 118
Sibony,4
Siegfried,23, 25, 26, 27, 29, 38, 43, 44, 46, 54, 58, 63, 64, 65, 72, 73
Siegmund,26, 43, 44, 54, 55, 56, 72
Singularité,37, 66, 109
Solipsisme,95
Spin,6, 48, 54, 117
Stimulus,121, 124
Structures,9, 10, 13, 16, 18, 30, 38, 41, 45, 74, 99, 106, 113, 122
Surposition d'états,28, 40, 41, 43, 44, 51
symbolique,2, 4, 5, 16, 79
T
Teilhard de chardin,77
Théorie,2, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 17, 18, 21, 23, 25, 26, 28, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 45, 47, 48, 49, 50, 51, 54, 55, 56, 59, 62, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 73, 75, 82, 83, 84, 100, 105, 106, 107, 108, 109, 111, 116, 121, 125
Thermodynamique,73
Thom,4, 6, 8, 21, 30, 31, 86, 87, 119
Touraine,76
Trahison,102
Transcendance,13, 18, 32, 71, 79, 98, 99, 106, 111
Trésor,30
Trinh X Tuang,108
U
Utopie,15, 77
V
Valet,96, 97
Vérisimilitude,79, 81, 82, 85
Viêtnam,63
Voile de Maya,118
Volonté,2, 3, 6, 9, 11, 26, 27, 34, 38, 43, 44, 45, 46, 52, 53, 58, 61, 64, 71, 73, 77, 84, 86, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 96, 97, 98, 101, 110, 112, 118, 122, 123, 125, 127
volonté de puissance,90
W
Wagner,36, 44, 61, 76, 78, 88, 89, 90, 91, 94, 95, 96, 102, 114, 119, 123, 127
Wotan,1, 14, 23, 25, 26, 27, 29, 31, 33, 34, 36, 38, 39, 43, 44, 45, 46, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 61, 63, 64, 65, 70, 72, 73
Y
Yahvé,114
TOC \o "1-3" \h \z \u HYPERLINK \l "_Toc132172134" 1. CHAPITRE III Sciences PAGEREF _Toc132172134 \h 3
HYPERLINK \l "_Toc132172135" 1.1. Introduction PAGEREF _Toc132172135 \h 4
HYPERLINK \l "_Toc132172136" 1.2. Science et mythes PAGEREF _Toc132172136 \h 6
HYPERLINK \l "_Toc132172137" 1.3. La coupure PAGEREF _Toc132172137 \h 15
HYPERLINK \l "_Toc132172138" 1.4. Retour du mythe PAGEREF _Toc132172138 \h 21
HYPERLINK \l "_Toc132172139" 1.5. La partition de l'univers PAGEREF _Toc132172139 \h 26
HYPERLINK \l "_Toc132172140" 1.6. Maître et disciple PAGEREF _Toc132172140 \h 29
HYPERLINK \l "_Toc132172141" 1.7. Déterminisme et destin PAGEREF _Toc132172141 \h 32
HYPERLINK \l "_Toc132172142" 1.8. Qu'est-ce que la réalité ? PAGEREF _Toc132172142 \h 35
HYPERLINK \l "_Toc132172143" 1.9. L'espace sacré PAGEREF _Toc132172143 \h 38
HYPERLINK \l "_Toc132172144" 1.10. Comprendre ! PAGEREF _Toc132172144 \h 41
HYPERLINK \l "_Toc132172145" 1.11. Quantique de Wotan PAGEREF _Toc132172145 \h 47
HYPERLINK \l "_Toc132172146" 1.12. Avoir à être PAGEREF _Toc132172146 \h 53
HYPERLINK \l "_Toc132172147" 1.13. La marque du temps et l'obsession du réel PAGEREF _Toc132172147 \h 56
HYPERLINK \l "_Toc132172148" 1.14. L'espace PAGEREF _Toc132172148 \h 65
HYPERLINK \l "_Toc132172149" 1.15. La non-localité PAGEREF _Toc132172149 \h 68
HYPERLINK \l "_Toc132172150" 1.16. La nostalgie des origines PAGEREF _Toc132172150 \h 70
HYPERLINK \l "_Toc132172151" 1.17. La grande parade PAGEREF _Toc132172151 \h 71
HYPERLINK \l "_Toc132172152" 1.18. La science et l'or PAGEREF _Toc132172152 \h 73
HYPERLINK \l "_Toc132172153" 1.19. L'homme, une seule espèce ? PAGEREF _Toc132172153 \h 75
HYPERLINK \l "_Toc132172154" 1.20. Céder la place PAGEREF _Toc132172154 \h 77
HYPERLINK \l "_Toc132172155" 1.21. Les faiblesses de la science PAGEREF _Toc132172155 \h 78
HYPERLINK \l "_Toc132172156" 1.21.1. Comment avoir confiance ! PAGEREF _Toc132172156 \h 78
HYPERLINK \l "_Toc132172157" 1.21.2. La science et ses errements PAGEREF _Toc132172157 \h 79
HYPERLINK \l "_Toc132172158" 1.21.3. L'âpre guerre PAGEREF _Toc132172158 \h 85
HYPERLINK \l "_Toc132172159" 1.21.4. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? » PAGEREF _Toc132172159 \h 86
HYPERLINK \l "_Toc132172160" 1.22.1. La fin PAGEREF _Toc132172160 \h 87
HYPERLINK \l "_Toc132172161" 1.22.1.1. Se succéder à soi-même, dans « l'Autre » PAGEREF _Toc132172161 \h 88
HYPERLINK \l "_Toc132172162" 2. Chapitre IV Philosophie PAGEREF _Toc132172162 \h 90
HYPERLINK \l "_Toc132172163" 2.1. Introduction PAGEREF _Toc132172163 \h 90
HYPERLINK \l "_Toc132172164" 2.2. La connaissance éclatée PAGEREF _Toc132172164 \h 92
HYPERLINK \l "_Toc132172165" 2.2.1. L'utopie unitaire PAGEREF _Toc132172165 \h 92
HYPERLINK \l "_Toc132172166" 2.2.2. Difficile vérité ! PAGEREF _Toc132172166 \h 95
HYPERLINK \l "_Toc132172167" 2.2.3. Une notion élargie de vérité : la vérisimilitude - ou vérisimilarité - selon K Popper. PAGEREF _Toc132172167 \h 97
HYPERLINK \l "_Toc132172168" 2.3. Le dialogue est-il possible ? PAGEREF _Toc132172168 \h 102
HYPERLINK \l "_Toc132172169" 2.3.1. L'affrontement PAGEREF _Toc132172169 \h 102
HYPERLINK \l "_Toc132172170" 2.3.2. Le mythe de l'harmonie sociale PAGEREF _Toc132172170 \h 104
HYPERLINK \l "_Toc132172171" 2.4. La volonté PAGEREF _Toc132172171 \h 106
HYPERLINK \l "_Toc132172172" 2.4.1. Schopenhauer PAGEREF _Toc132172172 \h 106
HYPERLINK \l "_Toc132172173" 2.4.2.2. Dominer PAGEREF _Toc132172173 \h 109
HYPERLINK \l "_Toc132172174" 2.5. L'autre PAGEREF _Toc132172174 \h 112
HYPERLINK \l "_Toc132172175" 2.5.1.3. Nier l'autre, ou le dominer PAGEREF _Toc132172175 \h 113
HYPERLINK \l "_Toc132172176" 2.5.2.4. Maître et valet PAGEREF _Toc132172176 \h 114
HYPERLINK \l "_Toc132172177" 2.6. La conscience PAGEREF _Toc132172177 \h 117
HYPERLINK \l "_Toc132172178" 2.6.1. Naissance de la conscience PAGEREF _Toc132172178 \h 117
HYPERLINK \l "_Toc132172179" 2.6.2.5. Et la conscience fut PAGEREF _Toc132172179 \h 117
HYPERLINK \l "_Toc132172180" 2.6.3. Métamorphoses de la conscience PAGEREF _Toc132172180 \h 118
HYPERLINK \l "_Toc132172181" 2.6.4. Niveaux de conscience PAGEREF _Toc132172181 \h 119
HYPERLINK \l "_Toc132172182" 2.6.5. Conscience et raison PAGEREF _Toc132172182 \h 121
HYPERLINK \l "_Toc132172183" 2.7. Le mythe unitaire PAGEREF _Toc132172183 \h 124
HYPERLINK \l "_Toc132172184" 2.7.1. Dépassement ou fin de la philosophie ? PAGEREF _Toc132172184 \h 125
HYPERLINK \l "_Toc132172185" 2.7.2. Incarnation de la conscience PAGEREF _Toc132172185 \h 130
HYPERLINK \l "_Toc132172186" 2.7.3. L'émergence de la conscience, problème scientifique ? PAGEREF _Toc132172186 \h 132
HYPERLINK \l "_Toc132172187" 2.7.4. Le repliement sur soi PAGEREF _Toc132172187 \h 133
HYPERLINK \l "_Toc132172188" 2.8. Crépuscule de la conscience PAGEREF _Toc132172188 \h 134
HYPERLINK \l "_Toc132172189" 2.8.1. Conscience individuelle et personnalité PAGEREF _Toc132172189 \h 134
HYPERLINK \l "_Toc132172190" 2.8.2. Conscience intersubjective PAGEREF _Toc132172190 \h 135
HYPERLINK \l "_Toc132172191" 2.9. Le double jeu de la nature : déterminisme et hasard PAGEREF _Toc132172191 \h 141
HYPERLINK \l "_Toc132172192" 2.9.1. Cassée ! Cassée ! Cassée ! PAGEREF _Toc132172192 \h 142
HYPERLINK \l "_Toc132172193" 2.9.2. Un univers de propensions PAGEREF _Toc132172193 \h 142
HYPERLINK \l "_Toc132172194" 2.9.3. Le diable et le bon dieu PAGEREF _Toc132172194 \h 146
HYPERLINK \l "_Toc132172195" 2.10. Un monde ouvert PAGEREF _Toc132172195 \h 148
HYPERLINK \l "_Toc132172196" 2.11. Le complexe de Wotan PAGEREF _Toc132172196 \h 151
HYPERLINK \l "_Toc132172197" 3. Chapitre V PAGEREF _Toc132172197 \h 152
HYPERLINK \l "_Toc132172198" 4. La fin d'un rêve PAGEREF _Toc132172198 \h 152
HYPERLINK \l "_Toc132172199" 4.1. Introduction PAGEREF _Toc132172199 \h 152
HYPERLINK \l "_Toc132172200" 4.2. Réformer ? PAGEREF _Toc132172200 \h 153
HYPERLINK \l "_Toc132172201" 4.3. Qui suis-je ? PAGEREF _Toc132172201 \h 154
HYPERLINK \l "_Toc132172202" 4.4. La réforme de l'enseignement des mathématiques PAGEREF _Toc132172202 \h 156
HYPERLINK \l "_Toc132172203" 4.4.1. Les raisons PAGEREF _Toc132172203 \h 156
HYPERLINK \l "_Toc132172204" 4.4.2. La commission Lichnerowicz PAGEREF _Toc132172204 \h 157
HYPERLINK \l "_Toc132172205" 4.4.3. L'éducation nationale s'illustre à son tour par son incompétence PAGEREF _Toc132172205 \h 157
HYPERLINK \l "_Toc132172206" 4.4.4. La déraison PAGEREF _Toc132172206 \h 158
HYPERLINK \l "_Toc132172207" 4.4.5. Apprend-on les mathématiques ? PAGEREF _Toc132172207 \h 160
HYPERLINK \l "_Toc132172208" 4.4.6. Une stratégie pour l'enseignement peut-elle découler de cela ? PAGEREF _Toc132172208 \h 162
HYPERLINK \l "_Toc132172209" 4.4.7. Qu'est-ce que lefficacité ? PAGEREF _Toc132172209 \h 164
HYPERLINK \l "_Toc132172210" 4.5. Adieu la démocratie PAGEREF _Toc132172210 \h 168
HYPERLINK \l "_Toc132172211" 4.6. Réforme PAGEREF _Toc132172211 \h 169
HYPERLINK \l "_Toc132172212" 4.7. Le devoir de mémoire PAGEREF _Toc132172212 \h 170
HYPERLINK \l "_Toc132172213" 4.8. Une école de la réussite pour tous PAGEREF _Toc132172213 \h 172
HYPERLINK \l "_Toc132172214" 4.9. L'école comme anticulture PAGEREF _Toc132172214 \h 174
HYPERLINK \l "_Toc132172215" 4.10. Mime ou l'essence du système PAGEREF _Toc132172215 \h 174
HYPERLINK \l "_Toc132172216" 4.11. En attendant Godot PAGEREF _Toc132172216 \h 177
HYPERLINK \l "_Toc132172217" 4.12. Qui suis-je ? PAGEREF _Toc132172217 \h 177
La philosophie des formes symbolique XE "symbolique" s II.
Je respecte ici la traduction. Il semble que le féminin s'imposait.
Il s'agit des modes originaires de relation : juxtaposition dans l'espace, succession dans le temps, associations des déterminations (choses et propriétés).
Opus cité page 85
Dans une théorie XE "Théorie" axiomatisée, une relation est vraie, si elle peut être déduite des axiomes XE "Axiomes" à l'aide de méthodes parfaitement définies à l'intérieur même de la théorie. Cette notion de vérité n'a évidemment rien d'absolue et ne doit pas être confondues avec la Vérité des faits physiques et/ou psychologiques.
« La vérité mathématique réside uniquement dans la déduction logique à partir de prémisses posées arbitrairement par les axiomes XE "Axiomes" .» (N.Bourbaki XE "Bourbaki" , Eléments d'histoire des mathématiques XE "Mathématique" , page 79, Hermann 1960)
Prédire n'est pas expliquer, EsHel, 1991.
Histoire de Lynx (Plon, 1991), page 10-16.
Un texte de Cassirer XE "Cassirer" , in La philosophie des formes symbolique XE "symbolique" s, Tome 3, page 94 et suivantes, traite de la même question :
«...De quel droit demandera-t-on en effet, cette étude qui s'assigne pour objet de comprendre la construction du monde théorique, continue-t-elle à s'attarder ainsi aux produits de la conscience XE "Conscience" mythique? Toute vision théorique du monde ne doit-elle pas au contraire, si elle veut mériter ce titre commencer par congédier ces produits en les récusant sans réserve une fois pour toutes ? Nous ne pouvons accéder au royaume de la connaissance qu'en nous libérant du filet de rêve dans lequel le mythe nous enlace et en dénonçant un monde d'apparences dans un monde dimages (Page 94) [...]. L'image mythique et l'image théorico scientifique du monde ne peuvent ni coexister, ni se juxtaposer à l'intérieur du même espace mental : elles s'excluent rigoureusement, le commencement de l'une équivalant à la fin de lautre [...] ». (Mais) « La vie de l'esprit présent, explique Hegel XE "Hegel" , est une révolution de degrés qui d'un côté coexistent encore et de l'autre seulement apparaissent comme passés. Les moments que l'esprit semble avoir derrière soi, il les a aussi dans sa profondeur présente ». Si cette vue capitale est légitime, nous-mêmes ne pourrons ni dissoudre complètement une formation aussi originale et paradoxale que la perception mythique dans l'image globale de la conscience théorique trace de la réalité XE "Réalité" , ni l'y considérer comme complètement superflue [...] (page 95). La ruine des contenus de la conscience mythique n'implique absolument pas par la même occasion celle de la fonction spirituelle dont ils sont issus. Sans que rien des produits du mythe ait besoin de se transmettre, et dans la sphère de ses objets, il peut pourtant se révéler que la puissance dont le mythe était la première manifestation concrète s'affirme sous un certain rapport et continue à vivre et à agir sous une forme nouvelle, par une espèce de métamorphose, au sein de la nouvelle dimension de soi théorique (page 96) [...]. Le langage nous montre ainsi comment la constitution première du psychisme et de l'esprit d'où procède l'intuition mythique survit encore longtemps après que la conscience dépassant l'étroitesse de cette intuition, ait forcé l'accès à l'autre formation. La source ne s'arrête pas soudain et comme d'un seul coup de couler ; elle n'est que détournée vers un autre lit, plus large. Car croire complètement asséché et tari le domaine qui est la source originelle du mythique, résorbées sans plus les pures expressions vécues, et comme anéantis leur existence propre et leur particularité, reviendrait à laisser aussi en friche de grands et vastes domaines de l'expérience ». (Page 98)
Le terme doit être pris dans un sens relatif : vérités au regard d'une théorie XE "Théorie" qui trouve sa cohérence en elle-même.
Origine de lunivers, de la vie, structure du temps et de l'espace, critères de validité d'une théorie XE "Théorie" , etc.
Le modèle géométrique de la physique, Masson 1992.
C'est-à-dire l'espace tel que nous l'appréhendons avec nos sens. L'espace dont parlait implicitement R Thom XE "Thom" dans les propos rapportés plus haut.
La mécanique quantique XE "Quantique" pose cependant cette possibilité à titre d'axiome. Par exemple in Mécanique quantique, Tome 1, Hermann, page 215 : 1er Postulat ; A un instant t0 fixé, l'état d'un système physique est défini par la donnée d'un ket | ((t0)( appartenant à l'espace des états (lespace G défini dans le texte)
Toute théorie XE "Théorie" est évidemment, lorsque c'est possible confrontée à l'expérience, mais celle-ci ne dit rien de la réalité XE "Réalité" elle-même, elle donne simplement des nombres qui sont comparés aux prédictions de la théorie.
D'une façon plus élémentaire, quelle est la réalité XE "Réalité" phénoménale d'une force autre que ses effets ?
Le spin XE "Spin" d'une particule, par exemple reste imprégné de l'idée de rotation pas seulement dans le mot lui-même, mais dans la grandeur physique qui le définit comme moment cinétique ; à la notion de moment est liée à celle de rotation. Un physicien soutiendra sans doute qu'il s'agit d'une image. Mais le mythe n'est-il pas aussi, d'une certaine manière une image symbolisant une réalité XE "Réalité" qui n'est immédiatement appréhendable ?
Il s'agit évidemment d'une imagination sévèrement balisée par les théories.
Indépendantes dans l'obtention des résultats, mais par ailleurs liées de multiples façons !
Voici ce que le physicien espagnol Alvaro de Rújula exprime au cours d'un entretien accordé au mensuel La recherche (mai 1996) : « Si vous filmez un choc entre boules de billard, et si vous repassez le film à l'envers, vous ne saurez pas me dire celui qui va vers l'avant et celui qui va vers l'arrière, le vrai et le faux. C'est la symétrie entre passé et futur. Or ces deux symétries, CP et la réflexion futur/passé, sont le même phénomène. C'est quelque chose que je peux démontrer mais que je ne peux pas vous expliquer. C'est une de ces profondes choses qu'on ne comprend pas avec ses tripes. Nous savons les démontrer sans savoir vraiment comment en parler.»
Il y a peut-être une analogie entre cette attitude et celle que nous avons tous devant la mort. Nous savons qu'elle existe, qu'elle est notre avenir le plus certain, mais nous extrapolons malgré tout vers l'avenir, comme si nous étions immortels !
Coupé de notre espace euclidien à trois dimensions, munit d'une horloge donnant le temps indépendamment des autres grandeurs physiques (position, vitesse, champ de gravitation XE "Gravitation" ), savons-nous seulement ce que signifie le mot « comprendre » !
Un physicien, professeur à l'une des Fac de Paris, auteur d'ouvrages de renommée internationale disait à ses élèves en cours de licence, avant du temps de Newton XE "Newton" , on pensait que les anges tiraient les planètes, on serait tenté aujourd'hui de dire qu'ils les poussent (ou peut-être le contraire d'ailleurs).
N'oublions pas, par exemple qu'il a fallu attendre la fin du seizième siècle pour que soient réfutées certaines idées mécaniques aristotéliciennes ; Par exemple, concernant la chute des corps, Aristote XE "Aristote" affirmait que leur vitesse de chute était proportionnelle à leur masse! Alors qu'il suffisait de lâcher, en même temps une masse de plomb de 1g, et une masse de 1000g, pour constater qu'elle arrivait en même temps au sol. (Un jeune garçon, aristotélicien sans le savoir disait : plus un corps est moins lourd, moins il tombe plus vite ; ce qui montre que l'affirmation d'Aristote correspondait bien au sens commun, justifiant ainsi sa persistance au cours des siècles).
Pour ma part, je comprends la démarche de Spinoza, comme une volonté XE "Volonté" de mettre l'idée de Dieu XE "Dieu" à l'abri de toute réfutation scientifique, en tentant de débarrasser la religion de tout son contenu mythique ; C'est surtout manifeste dans le Tractacus théologico-politicus, où il se livre, avec une grande audace pour l'époque, à une sévère critique des livres saints.
On trouve de nombreuses références de ce thème chez M Eliade XE "Eliade" , par exemple in Le sacré XE "Sacré" et la profane. (Gallimard, Folio) : Page 38 et suivantes, où de multiples exemples sont développés.
C'est en quelque sorte une forme primaire du principe anthropique : l'univers est tel qu'il est parce que nous sommes là pour le contempler, ou c'est l'homme qui justifie son existence.
Dans une théorie XE "Théorie" formelle, les symboles sont vides de sens intuitif ; le sens ne vient aux objets de la théorie qu'à travers le choix des axiomes XE "Axiomes" . Lorsqu'un modèle concret est choisi, celui-ci possède la plupart du temps bien plus de propriétés que ceux que lui donne le système d'axiomes.
Hermann.
Les relations vraies sont les axiomes XE "Axiomes" ou les théorèmes.
Il s'agit en fait d'une double coupure XE "Coupure" :
- De la science - dans ses théories les plus élaborées - avec une réalité XE "Réalité" physique que l'expérimentation ne peut plus atteindre.
- De la culture avec la science qui tient un discours impénétrable pour le plus grand nombre, problème déjà évoqué plus haut.
Commencement du temps et fin de la physique ? Flammarion 1992.
Au moment où je relis ce texte, nous sommes en juin 2001, et point de super théorie à lhorizon !
Dans la plupart des sociétés primitives il ne semble pas qu'il y ait réellement soumission aux dieux, mais bien plus une recherche d'équilibre entre hommes et dieux dominant chacun leur monde respectif.
Et peut-être aussi les théories de la complexité, qui montrent que des systèmes d'équations déterministes (systèmes sensibles aux conditions initiales), peuvent engendrer par itération des situations chaotiques. Dans de tels systèmes physiques, les prévisions à termes (plus ou moins longs) sont donc impossible Il faut donc au moment opportun, qu'une conscience XE "Conscience" effectue les corrections nécessaires.
Certains physiciens affirment qu'il n'y a, par exemple, rien qui puisse choquer l'intuition, dans les relations dindétermination (ou d'incertitude). En substance, ils affirment que nous nous trouvons - dans le cas de la mesure de deux grandeurs conjuguées comme la position et la vitesse, ou dans le cas ou nous voyons une particule comme une onde ou un objet matériel - dans la situation d'un observateur qui ne peut voir simultanément un même objet sous deux angles différents. Mais l'analogie n'est-elle pas aussi dangereuse que dans le cas où certains vulgarisateurs prétendaient faire comprendre les principes de la relativité, en faisant constater que le temps paraissait plus ou moins long suivant que l'on s'ennuyait ou pas ! Car enfin, si nous tournons autour d'un objet, il change, pour nous, d'aspect, mais pas de nature !
Il s'agit de ceux qui tentent de donner un vernis scientifique (les astrologues par exemple) à une discipline qui n'a rien à voir avec la science, mais qui a avec elle des rapports danalogie (lastrologie qui ressemble à l'astronomie)
J'entends par là ceux qui consacrent la majeure partie de leur travail (et souvent de leurs loisirs) à la recherche.
Le but de la science est bien d'étudier des faits avérés, et non pas des faits rapportés par des observateurs incapables de soutenir leurs affirmations par des preuves concrètes.
Evolution du cerveau XE "Cerveau" et création de la conscience XE "Conscience" , Champs-Flammarion 1994.
Comme tenants d'une pensée opposée au matérialisme...Tous ceux qui affirment la nécessité de faire appel à une entité transcendante pour justifier la présence de la vie et de la conscience XE "Conscience" dans l'univers.
On taxe parfois les athées d'esprits forts, le plus souvent par dérision ; il ne s'agit évidemment de force, mais du refus de céder à cette faiblesse là.
Prendre conscience XE "Conscience" de cette déviation mentale, c'est l'un des drames de Wotan XE "Wotan" :
« Comment pourrai-je / rusé, / me mentir /» ; encore traduit par « comment ai-je pu vouloir ruser avec moi-même». Notons au passage la différence de sens due à l'emploi de temps différents.
Avec l'axiome de fermeture éludant tous ce qui est gênant : les desseins de Dieu XE "Dieu" sont impénétrables !
Ce qui ne serait pas la fin de la physique puisque nous supposons là l'existence d'une connaissance potentielle. Situation qui présente des analogies avec certaines démonstration d'existence en mathématique : dans de nombreux cas, on sait, en mathématiques XE "Mathématique" , démontrer l'existence d'objets, sans être capable dans exhiber ou dans construire effectivement un seul.
« Rêve » suppose qu'on introduit dans un récit des hypothèses extravagantes, mais non contradictoire avec le corpus des sciences existantes. Supposons par exemple que des éléments de cosmologie permettent d'acquérir la certitude de l'unicité de l'homme dans l'univers contre être pensant ; les ouvrages de science-fiction supposant l'existence d'autres formes de pensée que la nôtre garderait-il le moindre intérêt ? Je ne me prononce pas, je pose simplement la question.
Le rêve n'est plus possible, car il n'existe plus qu'un seul scénario pour la vérité. Certes l'homme a l'habitude de forger des scénari qu'il sait impossibles, mais avec ce soupçon de doute qui fait toute la différence. Il est probable que si la vérité devenait univoque, pour la plupart des hommes, les projets deviendraient impossibles à formuler à l'instar de celui qui sait qu'il va mourir dans l'heure qui suit.
Celle qui me paraît la plus proche du délire est l'extrapolation de lois de la physique qui n'ont été testées qu'à notre échelle. La théorie XE "Théorie" des commencements de notre univers la plus crédible prétend remonter jusqu'à 10-43 seconde après le fameux big bang, au moment où notre univers n'a pas déployé ses dimensions. Vers 10-32 Seconde, il faut oublier ce qui se passe, et admettre une phase de super expansion où ce n'est pas la matière qui se disperse dans l'espace, mais l'espace lui-même qui se déploie à des vitesses (si ce mot a ici un sens, des millions de fois celle de la lumière ; cette expansion de l'univers continue de nos jours, mais comme elle n'est pas détectable dans notre environnement proche, certains affirment sans rire, qu'elle n'a lieu qu'aux distances astronomiques ! Je ne soulignerai qu'une bizarrerie : nos lois physiques n'ont été établies et vérifiées que dans un espace localement stable ; comment être assuré de leur validité dans des conditions somme toute inconnues. N'y a-t-il pas une pétition de principe à supposer a priori ces lois valables, en déduire un type d'évolution XE "Evolution" , puis d'affirmer que la validité formelle du modèle justifie lextrapolation ? Cela permet sans nul doute de crédibiliser l'hypothèse XE "Hypothèse" , mais cela me paraît insuffisant pour y croire scientifiquement.
La nuance est ici essentielle et dessine deux morales presque opposées ; celle fondée sur la croyance en une image idéale de l'Homme qu'il convient à l'humanité de réaliser, aux dépens des individus si nécessaire.
Sa complicité dans l'élaboration de techniques d'agression et de massacres est plus évidente que jamais.
Feyerabend, Adieu la raison, page 351 ; Seuil
Il serait sans doute plus juste de dire que, resté à l'état endémique, il trouve dans le contexte créé par la coupure XE "Coupure" dont il a été question au paragraphe précédent, de nouvelles conditions d'épanouissement.
La méthode 4, Seuil 1991.
Note 1, page 142, opus cité.
Un seul exemple, celui du développement des armes de destruction.
Je pense en particulier aux créationnistes qui livrent un stupide combat d'arrière-garde
Logique des sciences de la culture, page 120, Ed du Cerf.
Il s'agit évidemment de vérité relative. Mais il existe cependant un domaine où l'on peut parler de vérité absolue, c'est celui de la science théorique, les mathématiques XE "Mathématique" en particulier. Il faut malgré tout préciser que cette vérité découlant d'un contenu axiomatique, est à son tour relative à ce contenu. Elle est donc absolue dans la mesure où rien ne peut la remettre en cause. En ce sens, la théorie XE "Théorie" newtonienne de la gravitation XE "Gravitation" est, en soi une théorie vraie absolument ; par contre dans la cadre global de la physique, elle n'est vraie que relativement à certaines conditions expérimentales (par exemple, ne considérer que des objets animés de vitesse négligeable par rapport à celle de la lumière.). Voilà le témoignage d'un astrophysicien, H Andrillat, sexprimant à propos du big bang (Lunivers sous le regard du temps, page 251 ; Masson 1993) :
Doit-on croire au big bang ?
Il ne faut jamais perdre de vue que la connaissance scientifique n'est qu'une modélisation des faits observés, mais qui possède l'inestimable possibilité d'être évolutive.
Sans nul doute, la modélisation actuelle de l'univers telle que la présentent la cosmologie relativiste et la théorie XE "Théorie" du big bang constituera la base de tous les développements futurs en cosmologie, tout comme la théorie de Newton XE "Newton" n'a point été détrônée par la théorie relativiste de la gravitation XE "Gravitation" d'Einstein XE "Einstein" .
Mais doit-on parler de vérité, quand il n'est question que de modélisation ?
Contrairement à la vérité mythique, qui se veut réponse complète, indiscutable, définitive, rassurante certes mais imaginaire peut-être, la « vérité » scientifique laisse toujours inassouvie notre soif de savoir, abandonnée au tourment de connaître ce que sera la vérité de demain.»
Ne pas confondre avec la notion de téléonomie, telle que l'utilise par exemple J Monod XE "Monod" (Le hasard XE "Hasard" et la nécessité) : propriété d'un organe de se développer suivant un plan - génétique XE "Génétique" - déterminé. « Pour être plus précis, nous choisirons arbitrairement de définir le projet téléonomique essentiel comme consistant dans la transmission, d'une génération à une autre, du contenu d'invariance caractéristique de l'espèce. Toutes les structures XE "Structures" , toutes les performances, toutes les activités qui contribuent au succès du projet essentiel seront dons dites téléonomiques (pus cité page 27) [...] La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l'objectivité de la nature. C'est-à-dire le refus de considérer comme pouvant conduire à une connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes donnée en termes de causes finales, c'est-à-dire de projet . (Opus cité page 32)». Citons également la fin du chapitre comprenant les extraits donnés ci-dessus : « Mais le postulat d'objectivité est consubstantiel à la science, il a guidé tout son prestigieux développement depuis trois siècles. Il est impossible de s'en défaire, fût-ce provisoirement, ou dans un domaine limité, sans sortir de celui de la science elle-même. »
L'objectivité cependant nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures XE "Structures" et performances, ils réalisent et poursuivent un projet. Il y a donc là, au moins en apparence une contradiction épistémologique profonde Le problème central de la biologie c'est cette contradiction elle-même, qu'il s'agit de résoudre si elle n'est qu'apparente, ou de prouver radicalement insoluble il en est bien ainsi ». Ce dernier aveu d'impuissance caractérise en même temps la force et la faiblesse de la position scientifique. Sa force car elle refuse de dissimuler ses faiblesses ; sa faiblesse car elle prête le flanc à ses adversaires qui n'ont pas la même rigueur de pensée.
Le cas de M Planck XE "Planck" , l'un des éminents fondateurs de la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" (et donc de la science moderne, on lui doit en particulier la découverte de la fameuse constante « h » qui porte son nom), est exemplaire sur ce point. Il dit, à propos de la convergence entre religion et science : « Ces deux routes ne divergent pas, elles se déroulent parallèlement l'une à l'autre et finissent à se rencontrer en un but commun qui est situé à l'infini » (cité par A George, in Planck, autobiographie scientifique, page 22, Champ-flammarion). A la fin du même recueil, Planck écrit « religion et science mènent ensemble une bataille commune dans une incessante croisade qui ne s'arrête jamais, une croisade contre le scepticisme XE "Scepticisme" , et contre le dogmatisme, contre l'incroyance et contre la superstition, et le cri de ralliement pour cette croisade a toujours été et sera toujours : jusqu'à Dieu XE "Dieu" ». Le texte date du début du siècle, à une époque où l'emprise de l'église sur les esprits était encore très grande. C'est l'allusion à l'incroyance qui est ici le plus choquant. La foi du physicien n'explique pas tout ; probablement celui-ci était-il soucieux de ne pas indisposer l'église vis à vis de la science. Mais il faut surtout compter avec la grande foi de Planck en la nature humaine et sa capacité à surmonter ses divergences ; il écrit encore : « L'individu profondément religieux [...] comprend fort bien qu'il peut exister d'autres personnes, d'une foi religieuse aussi profonde, à qui d'autres symboles sont non moins sacrés et chers - exactement comme un concept déterminé demeure inchangé s'il est exprimé par un mot ou par un autre, dans un langage ou un autre ». Utopie... ou aveuglement ? Sans doute ni l'un ni l'autre, simplement l'expression d'une foi candide sans laquelle, peut-être, l'humanité serait vite condamnée à disparaître, ou, moins dramatiquement, ni la science, ni la connaissance ne pourrait se développer.
Il est bien évident que peu de scientifiques partagent, aujourd'hui la position de Planck XE "Planck" , et si l'église est bien contrainte au recul idéologique face à la science, elle lui reste, dans son ensemble (je parle ici de toutes les églises confondues, y compris l'Islam qui lui, reste un ennemi farouche, et qui probablement, s'il veut se maintenir, ne le peut qu'en refusant la moindre concession...) hostile, au moins en apparence ; car les responsables religieux savent à quel point les convictions religieuses sont aujourd'hui fragiles, et évitent de cautionner ouvertement ce qui contredit le message biblique.
Un livre, paru chez Hermann en 1990, Hommes de science, 28 portraits, donne une idée de l'attitude des savants modernes face à la foi. Le livre se présente comme une série d'entretiens au cours de la quelle ces savants ont été directement questionnés sur leur conviction en matière religieuse. J'ai effectué un pointage des réponses. Quinze se disent résolument athée ; deux ne se prononce pas, J Bernard qui, citant un poète déclare, il ne faut pas être exhibitionniste avec son cur ; un se déclare agnostique ; huit font preuve d'un certain scepticisme XE "Scepticisme" , en exprimant un vague panthéisme ; en fin deux se déclarent pratiquants, ce sont deux mathématiciens, A Lichnérovicz et P Germain ; un troisième mathématicien, P Deligne, se dit très sceptique.
Le cas de J Dieudonné, est intéressant, car il met en relief l'ambiguïté des mathématiciens concernant la nature des objets mathématiques XE "Mathématique" . Dans ce livre, il répond à la question, « Quelle est votre religion ?» : J'ai été élevé dans la religion catholique, mais je l'ai abandonnée très tôt. J'ai même cessé de croire aux entités métaphysiques. Mais dans son ouvrage Pour l'honneur de l'esprit humain (Hachette 1987), page 114, il écrit « D'une part par la découverte de concepts qui vont devenir les bases de parties entièrement nouvelles des mathématiques... ». L'idée que les objets mathématiques existent et sont découverts, par la recherche est exprimée nettement par Bourbaki XE "Bourbaki" , peut-être d'ailleurs, Dieudonné lui-même! (Eléments d'histoire des mathématiques, page 30, Hermann 1960) : «Quelles que soient les nuances philosophiques dont se colore la conception des objets mathématiques chez tel ou tel mathématicien ou philosophe, il y a au moins un point sur lequel il y a unanimité, c'est que ces objets nous sont donnés et qu'il n'est pas en notre pouvoir XE "Pouvoir" de leur attribuer des propriétés arbitraires, de même qu'un physicien ne peut changer un phénomène naturel ». A la même page Bourbaki cite Hermite : «Je crois que les nombres et les fonctions de l'Analyse ne sont pas le produit arbitraire de mon esprit ; je pense qu'ils existent en dehors de nous, avec le même caractère de nécessité que les choses de la réalité XE "Réalité" objective, et nous les rencontrons ou les découvrons, et les étudions, comme les physiciens, les chimistes et les zoologistes.» N'ayant pas d'existence concrète, les objets mathématiques qui sont alors présents matériellement comme forme organisatrice, s'apparentent à la (Sruti des philosophes brahmaniques ; la Sruti est l'ensemble des textes révélés, au-dessus même de Dieu XE "Dieu" . Mais n'est-ce pas céder à une forme insidieuse de panthéisme ?
Traitant de l'existence des objets abstraits, G Lochak (La géométrisation de la physique, Champs Flammarion, page 100), cite Louis de Bloglie : « L'inventeur a tout à coup le sentiment très net que les conceptions auxquelles il vient de parvenir, dans la mesure où elles sont exactes, existaient déjà avant d'avoir jamais été pensées par le cerveau XE "Cerveau" humain. Les difficultés qui l'arrêtaient, les anomalies qui l'intriguaient n'étaient, il s'en aperçoit maintenant, que le signe d'une vérité cachée, mais déjà existante. Tout s'est passé comme si, en inventant des conceptions nouvelles, il n'avait fait que déchirer un voile, comme si ces conceptions enfin atteintes existaient déjà, éternelles et immuables, dans quelque monde platonicien d'idées pures.»
Espaces de phases multidimensionnels où chaque point représente un état du système étudié. Il y a alors autant de dimensions que de paramètres nécessaires à la description du système. Les lignes, surfaces, et leur extension aux espaces d'un nombre de dimensions supérieur à trois n'ont plus rien à voir avec des caractéristiques physiques sensibles du système (cest-à-dire avec les données de nos sens).
Cette affirmation est contestable et contestée. Einstein par exemple prétendait ne pas avoir besoin du langage dans ses représentations des concepts de la physique.
N'oublions pas cependant que les dieux de la Tétralogie sont sur leur déclin, et que leur puissance est amoindrie.
Ce que nous devons appeler le réel, voilé ou pas. En fait, le monde suivant R Thom XE "Thom" (voir plus haut.)
Plusieurs millénaires d'histoire de la pensée permettent assurément d'arriver à cette conclusion, par ailleurs gentiment simplette.
On peut objecter que Wotan XE "Wotan" utilise là image facile à comprendre pour Mime XE "Mime" : Wotan est à la lumière (le blanc), ce que Albérich est aux ténèbres (le noir). Mais en fait, exactement comme durant la fameuse scène, Wotan/Brünnhilde XE "Brünnhilde" (La Walkyrie, acte II, scène 2), Wotan se livre à un monologue, pour lui Mime ne compte pas ; à nouveau c'est à lui-même qu'il parle. Et il constate, pour lui, qu'au fond de lui-même, il y a aussi un Albérich qui sommeille, qui, blanc n'en est pas moins aussi retors.
Nous sommes manifestement dans un domaine où les témoignages sérieux manquent. Entre autres raisons: 1 Les grands créateurs deviennent plus ou moins prisonniers de leur image...et souvent aussi de leurs convictions ; 2 Les autres, par leur propre conviction renforcent celle du créateur XE "Créateur" ; s'ils doutaient d'eux-mêmes, ce doute peut être balayé par les témoignages de ceux qui n'ont pas les moyens d'un contrôle efficace des idées exprimées, et qui sont subjugués par la personnalité du créateur ; 3 la pudeur peut jouer un rôle non négligeable dans la mesure où les convictions et les doutes se nouent au plus profond de la personnalité.
Au sens large de tous les a priori sur lesquels s'appuie, explicitement et implicitement l'ensemble de la démarche intellectuelle.
Dans notre société moderne les traits que je tente de mettre en évidence ne restent plus qu'à l'état de traces, du fait qu'il n'existe plus de liens totalement univoques entre maître XE "Maître" et disciple. Au cours de son ascension intellectuelle, un individu subit une multitude d'influences, si bien qu'il n'est pratiquement jamais lié profondément à un seul maître.
Il est bien évident, comme je l'ai déjà signalé, que nous sommes proches de l'une des composantes du complexe d'dipe.
Planck XE "Planck" en posant l'existence des quanta d'énergie qu'il refusa (toujours?), de considérer comme autre chose qu'un artifice de calcul ; Einstein XE "Einstein" avec la théorie XE "Théorie" de l'effet photoélectrique - pour laquelle il a obtenu le prix Nobel - où il postule l'existence d'une structure granulaire de la lumière (les photons).
Voir plus loin, paradoxe XE "Paradoxe" EPR XE "EPR ( paradoxe)" .
Un peu plus haut, il dit, sadressant toujours à Erda XE "Erda" : « Les nornes tissent / sous l'empire du monde / elles ne peuvent rien changer ». Ce qui est l'affirmation d'un déterminisme XE "Déterminisme" de l'univers physique échappant aussi bien aux dieux qu'aux hommes.
52! Soit 2X3X4X5.....X52, est le nombre de distributions possibles. Par exemple s'il n'y avait que trois cartes, a,b,c, il y aurait 6=3!=2X3, ordres possibles : abc, acb, bac, bca, cab, cba.
Notons cependant que 52!( 8. 1067 ; en admettant que l'on construise une suite toutes les secondes il faudrait, pour avoir une chance raisonnable de réussir, travailler durant environ 1066minutes soit plus de 2.1060 années (à comparer avec les 1010 années d'âge de lunivers !)
Il suffit de remarquer que dans les calculs de probabilité (concernant les répartitions), il n'est jamais question d'interaction entre particules XE "Particules" , puisqu'on ne tient compte que des répartitions spatiales, sans s'inquiéter de la création de champs nouveaux lorsque cette répartition est modifiée. Négligeable dit-on alors, ce qui est faux.
Il faut être conscient du fait que pour une personne qui reçoit une information scientifique qu'elle n'a aucun moyen de juger, ce discours n'est pour elle qu'une métaphysique abstruse.
La croyance en la réversibilité des phénomènes physiques parce que les lois le sont, me paraît être une de ces superstitions, comme le déterminisme XE "Déterminisme" (voir plus loin pour une discussion plus approfondie.
Ce problème sera considéré plus bas. Ne donnons ici qu'un seul exemple, celui du sous-titre d'un livre de JP Pharabod et S Ortoli, Le cantique des quantiques (De la Découverte, 1984) : « Le monde existe-t-il ? ». Titre provocateur certes, car il ne fait aucun doute que la réponse est positive, mais qu'elle soit posée aussi crûment montre bien que rien n'est réglé - si on accepte de prendre au sérieux les auteurs, quant à la nature même de ce qu'on appelle le monde ou la réalité XE "Réalité" .
Nous supposons ainsi implicitement que notre cerveau XE "Cerveau" agit pour le compte d'une autre entité, qui serait par exemple notre conscience XE "Conscience" ; et là les difficultés commencent, car notre conscience devant, dans une optique scientifique être considérée comme une propriété du fonctionnement cervical, on peut se demander quel sens il y a, à faire du cerveau et de la conscience deux entités distinctes. C'est pourtant le parti que nous prendrons ici, en considérant la conscience comme un phénomène émergent du fonctionnement cérébral. Par émergence XE "Emergence" , nous entendrons une propriété d'un système qui ne peut être justifiée par les propriétés de ses parties ; c'est donc finalement un mot pour couvrir une ignorance, en refusant toutefois toute interprétation métaphysique.
Donnons un exemple d'isomorphie de structures XE "Structures" algébriques. E1 sera l'ensemble ( des entiers algébriques, et P l'ensemble des puissances d'un même nombre a ; Z est muni de la somme algébrique ordinaire, et P de la multiplication. Pour ces deux structures les ensembles sont isomorphes : additionner des nombres dans Z revient à multiplier des puissances dans P. Ceci en vertu des formules anxam= am+n, et 1/an= a-n ; soustraire dans revient alors à diviser dans P.
Les recherches à l'intérieur de ce domaine théorique en arrivent à ne plus rechercher que leur cohérence interne, avec en filigrane ce postulat que rien de concret ne justifie : cette cohérence qui donne un ineffable sentiment de beauté, ne peut-être que le signe d'une vérité qui doit bien exister au cur de la matière. Si j'en juge par le sentiment atroce de frustration que je ressens à prendre seulement connaissance (je ne dis pas comprendre, hélas) de travaux, de mathématiciens ou physiciens théoriques comme Lichnerowicz, Schwartz ou encore Thom XE "Thom" , et bien d'autres, je suis aussi prêt à penser qu'il y a bien, au bout du compte un trésor XE "Trésor" de vérité caché que seuls certains dieux peuvent contempler....à demi !
L'onde associée à l'électron XE "Electron" en tant que objet quantique XE "Quantique" , apparaît comme une entité mathématique, et pourtant les effets physiques sont là mis en évidences dans le phénomène d'interférence. Lorsque R Thom XE "Thom" traite des formes qui auraient la propriété de s'autngendrer, nous sommes confrontés à des objets mathématiques XE "Mathématique" , qui se manifestent physiquement. Où est la réalité XE "Réalité" , nous n'en savons plus rien !
A nos yeux cette réalité XE "Réalité" (qui était celle des mythes XE "Mythes" ) n'avait de cohérence qu'en l'absence de toute réflexion profonde, scientifique, sur la nature des phénomènes naturels ; A juste titre, elle correspondait à une vision fausse du monde, mais elle donnait à chaque vie individuelle un équilibre qui lui manque aujourd'hui. La remontée en puissance des mythes a peut-être quelque chose à voir avec la recherche d'un nouvel équilibre s'appuyant sur d'anciens schémas mentaux.
Il est bien connu que pour un médecin un homme en bonne santé est un malade qui s'ignore.
C'est à peu prés la définition de la marche comme succession de chutes évitées.
Peut-être ressentaient-il leur conviction comme purement interne, se sentant les médiums d'une vérité qui s'imposait aux génies créateurs. A la limite, ils reconsidéraient, à l'instar des saints les porte-parole d'un Être éternel qu'ils nommaient dieu, s'ils étaient croyant et transcendance XE "Transcendance" s'ils ne l'étaient, en attachant au mot transcendance des sens, ni clair pour eux, ni pour les autres.
Par un effet d'inertie dû aux mécanismes sociaux d'apprentissage ; ceux qui ont appris d'une certaine manière et qui sont devenus professeurs ont tendance à transmettre ce qu'ils ont appris. Ceux qui, par intérêt personnel se tiennent au courant de l'évolution XE "Evolution" des connaissances peuvent en partie infléchir leurs méthodes, mais pour les autres, tout reste figé.
On dit, mon village, mon pays, comme on dit ma chemise.
En physique on parle de covariance, lorsque les caractéristiques d'un système (des coefficients par exemple) restent invariables lorsque l'on change de système de repérage (transformations linéaires).
Ce texte est intéressant puisqu'il est extrait de ce qui est convenu de tenir pour un testament : La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, Tel Gallimard, 1976 ? Page 154. Rappelons que l'époché est une mise entre parenthèse d'une partie du monde (ou de sa totalité) pour ne conserver qu'un aspect (ou la simple idée de son existence). « Ici comme partout il apparaît que lorsque nous actualisons un de nos intérêts habituels [...], nous avons une attitude d'époché à l'égard de nos autres intérêts vitaux, lesquels n'en continuent pas moins à être les nôtres et à se maintenir ». (Husserl XE "Husserl" , opus cité page 154)
En mécanique quantique XE "Quantique" on appelle observable, un opérateur, donc un objet du formalisme, qui correspond à une grandeur physique mesurable, donc à un élément de réalité XE "Réalité" . Le mot « observable » (féminin) ne sous-entend-il pas l'existence d'un observateur ?
Il s'agit peut-être, plus précisément d'une scotomisation de la conscience XE "Conscience" scientifique collective
« Avec dégoût, toujours / moi-même je retrouve / dans tout ce que jobtiens !» (Wotan XE "Wotan" , La Walkyrie, acte II, scène 2.)
Dans la mythologie XE "Mythologie" , les runes XE "Runes" sont des signes mystérieux, écriture secrète. Elles sont connues comme fragments d'un alphabet germanique ancien. Wagner XE "Wagner" en fait les tables de la loi de l'ordre XE "Ordre" imposé par Wotan XE "Wotan" à l'univers Rappelons que, bien que maître XE "Maître" des dieux, Wotan n'est pas démiurge XE "Démiurge" (il est cependant magicien XE "Magicien" ). Il est soumis, comme toutes les créatures à un ordre cosmique transcendant (incarné en partie par Erda XE "Erda" ) qui n'agit plus (comme c'est le cas pour de nombreux dieux primordiaux de sociétés primitives), mais impose, sans qu'on sache très bien comment, le respect des traités.
Les militaires n'ont-ils pas l'âge mental que nous avions lorsque jouions à la guerre ? De deux choses l'une, ou nous étions de petits crétins ou ils sont des grands enfants.
Comme Einstein XE "Einstein" , mais ce dernier avait rompu avec la science officielle
Je n'ajoute pas méprisant car je reste persuadé qu'ils ne sont, ni méchants, ni stupides (et doivent donc pardonner aux imprudents qui parlent sans trop savoir).
Il ne s'agit plus d'espaces fictifs (espace de représentations où des entités mathématiques XE "Mathématique" représentent des grandeurs physiques), comme par exemple les espaces de Hilbert, mais réels. Il faut alors postuler, pour justifier que certaines dimensions ne sont plus observables, qu'elles ont dégénéré au cours des premiers instants de l'expansion de l'univers.
Cet espace euclidien à trois dimensions qui est celui où nous avons tous fait nos armes en géométrie, et qui il n'y a pas si longtemps était le seul espace géométrique que l'on considérait comme ayant une existence formelle non contradictoire. Il est fort probable que c'est notre cerveau XE "Cerveau" qui a plaqué cette structure sur la réalité XE "Réalité" extérieure, et qu'à ce titre elle n'a de valeur que locale. La preuve paraît bien être qu'extrapoler au-delà de notre environnement proche, elle entraîne toutes les contradictions dues à l'idée d'un espace infini (un espace euclidien est nécessairement infini)
Avoir même cardinal, le même nombre d'éléments s'ils sont finis.
Certains physiciens affirment que l'espace réel est bien à quatre dimensions et que c'est aussi celui de nos sens. Mais d'autres continuent à penser qu'il s'agit en fait d'un espace représentatif qui n'est pas nécessairement physique. Intuitivement, je suis plutôt de cet avis.
Ce sont les exposé de vulgarisation de la théorie XE "Théorie" de Big Bang XE "Big Bang" qui montrent le mieux les incohérences qui découlent des tentatives de transcrire une théorie dont le formalisme se développe dans un espace quadridimensionnel, dans notre espace physique ; La singularité XE "Singularité" initiale est un point d'un espace à quatre dimensions et l'univers se développe selon une hypersphère (la sphère à quatre dimensions). Si l'on assimile cette singularité à un point de notre espace euclidien et l'univers à une sphère ordinaire, on nage dans des contradictions dont il est strictement impossible de sortir. En particulier :
- L'univers entier doit être, au départ concentré dans un espace nul (dont les dimensions physiques de notre espace sont des millions de fois plus petites que celle d'un proton.
- L'espace se dilate à des vitesses des millions de fois supérieures à celle de la lumière. L'argument, pour contrer cette critique est qu'à ce moment l'univers est brusquement vide
Voici qu'elle était en 1926 la position philosophique de E Schrödinger (Quantification et valeurs propres, traduction de 1932, rééditée par J Gabay en 1988). Le célèbre physicien constate d'abord la nécessité d'abandonner « la notion de trajectoire électronique et de position de l'électron XE "Electron" à un instant donné, si on ne l'accepte pas, on tombe sur des contradictions.» (Page 43), puis même page :
« L'inconvénient de ces contradictions se fait sentir avec une telle force qu'on a même douté un instant de la possibilité de principe de se représenter les phénomènes intra-atomiques dans l'espace et le temps. Du point de vue philosophique, un verdict définitif équivaudrait pour moi à la nécessité de déposer les armes. Car il nous est impossible de modifier réellement nos formes de pensées, et tout ce que nous ne pouvons pas couler dans ces formes, nous restera à jamais inconnu ». (Ce texte, et la position de E Schrödinger concernant la compréhension des phénomènes physiques est longuement analysée, par M Bitbol, dans le texte précédant la traduction de La nature et les grecs, Seuil, 1992).
Le développement moderne de la science entérine bien la rupture définitive entre démarche proprement scientifique et compréhension pour ceux qui ne vivent pas à l'intérieur du processus scientifique de connaissance. La « nécessité de déposer les armes », ne touche pas le physicien lui-même qui peut toujours tenter à l'aide de puissants moyens théoriques de contourner les obstacles, mais bien ceux qui essaient de réfléchir sur la science. On peut cependant se demander si le physicien lui-même pourrait accepter longtemps cet état de choses ; si à l'instar de Wotan XE "Wotan" , il ne sera pas tenter de fuir le Walhall auquel il aura trop sacrifié, pour qui il aura trop trahi.. Le parallèle n'est pas ici satisfaisant. J'ai dit « le physicien », mais cette entité n'existe pas. Il y aura - il y a même déjà - des fuites, des démissions, des refus. Il est donc probable, sauf effondrement des structures XE "Structures" actuelles de notre société, qu'il y aura, dans le Walhall de la science un flux continu d'entrées et de sorties, les unes compensant les autres ; l'aventure de Wotan devient alors le destin individuel d'un savant.
Il s'agit de Brünnhilde XE "Brünnhilde" ; ce qui montre, d'une certaine façon que les autres Walkyries ne sont pas des filles de Erda XE "Erda" comme le laissent entendre bien des commentaires.
C'est le problème de l'induction sur lequel nous reviendrons.
Les rudiments de mécanique quantique XE "Quantique" étant enseignés aujourd'hui dès les débuts de l'enseignement des sciences, il existe de nombreux ouvrages qui exposent ces bases avec beaucoup de clarté.
Cette fonction à la forme mathématique :
( ((iai(i, (i désigne les états propres, c'est-à-dire ceux que peut prendre la particule, ai , les coefficients permettant de calculer les probabilités correspondantes.
C'est ici que réside l'une des difficultés les grandes - au niveau de l'intuition - de la théorie XE "Théorie" . Par exemple, si une particule (un photon ou un électron XE "Electron" ) arrive sur un écran percé de deux trous suffisamment rapproché, il se trouve dans une superposition détats XE "Surposition d'états" : Passé par le trou 1/ Passé par le trou2. Si l'on n'observe pas l'objet, la théorie exige qu'il passe par les deux trous en même temps ! (Lobjet se comporte alors comme une onde et interfère avec lui-même, comme une onde passant par les deux trous. Ainsi, si au moment où il arrive sur l'écran l'objet est détecté ; on sait alors qu'il passe par un trou et un seul, il se comporte comme une particule matérielle, si aucune mesure n'est effectuée, il se comporte comme une onde!
J'ignore en fait jusqu'où vaut l'analogie ; il est fort probable qu'à un certain niveau d'analyse théorique, elle devient trompeuse, et il vaut mieux loublier !
Si (a et (b, sont les incertitudes sur deux grandeurs conjuguées A et B, alors : (a.(b(h/2(, H étant la constante de Planck XE "Planck" .
Après avoir rédigé ce texte (1991), je trouve sous la plume de E Morin XE "E.Morin" (Terre Patrie, Seuil 1993) :
« De plus, dans toute civilisation, et particulièrement dans la nôtre, chaque individu entre dans des personnalités différentes, selon son humeur et selon la personne qu'il rencontre, affronte ou subit (enfant, parent, épouse, maîtresse, chef, subordonné, riche ou mendiant, etc). Ce sont deux personnalités radicalement antinomiques en un même individu qui se manifeste dans la colère ou dans l'amour XE "Amour" . Chaque individu dispose d'une panoplie de personnalités multiples, qui demeurent virtuelles mais peuvent s'actualiser. Or ce sont cette multiplicité, cette diversité, cette complexité qui font aussi l'unité de l'homme. » (Opus cité page 64).
En particulier, on parle d'un cerveau XE "Cerveau" entérique localisé autour du système digestif et sexuel qui pourrait également participer à l'élaboration de nos états de conscience XE "Conscience" (pourquoi pas alimenter notre subconscient ?)
Chaque neurone est constitué d'une cellule nerveuse muni d'un appendice assez long, l'axone, elle est garnie de dendrites, sortes de filaments s'entremêlant dans la névroglie ou matière cérébrale ; axones et dendrites sont reliés par les synapses qui assurent les liaisons des neurones entre eux (10 000 en moyenne pour chaque cellule nerveuse). Il est probable qu'à un état de conscience XE "Conscience" correspondent une assemblée de neurones en nombre considérable, et qu'un neurone puisse participer à plusieurs structures XE "Structures" .
Ce qui est fait, cependant lorsqu'on définit la notion « d'individu moyen », ou normal. La personnalité, au sens justement, de ce qui s'écarte de la norme, relève alors de la pathologie ! On assigne à l'individu moyen, des réactions, des états psychiques dits normaux parce qu'il semble que, dans des conditions déterminées un individu doive réagir de telle façon Y a-t-il eu vraiment expérimentation ? Rarement ; si oui, en partant d'un tel ensemble de présupposés, d'hypothèses soi-disant raisonnables, mais qui ne le sont qu'au regard de ces présupposés, que les déductions sont sans valeurs, même si elles ont un caractère scientifique.
Il n'est pas facile quand on est physicien d'accepter qu'un objet qui se comporte comme un corpuscule matériel nait plus une position déterminée dans l'espace. La situation est encore plus difficile à accepter pour le philosophe. Heiddeger, par exemple a consacré une série de conférence à ce qu'il appelle le principe de raison (Tel, Gallimard, 1962). Ce principe est, selon le philosophe à la base même de la Raison humaine : Nihil est sine ratione, soit, Rien n'est sans raison. Manifestement la mécanique quantique XE "Quantique" rejette ce principe puisque qu'aucune cause ne peut être assignée à la désintégration d'une particule, qui s'il s'agit par exemple d'un atome d'une substance radioactive de période un milliard d'année, peut survenir dans la seconde qui suit son observation, ou dans deux milliards dannées !
Au niveau formel, car l'intuition n'y trouve toujours pas son compte !
Il est d'ailleurs très fréquent que le langage de la physique théorique soit teinté d'anthropomorphisme, comme si elle ressentait le besoin de se rapprocher de la nature au moment où elle s'en éloigne le plus !
En fait, Siegfried XE "Siegfried" ignore les raisons de ses actes ; seule l'action l'intéresse. Lui, pas plus que nous, ne sait finalement, de qui et pourquoi il doit triompher. Mais c'est là aussi le propre de lhomme !
Wotan XE "Wotan" laisse bien la Walkyrie fuir ; car enfin le dieu jaillit d'on ne sait où dans l'instant où Siegmund XE "Siegmund" lève son épée pour abattre Hunding XE "Hunding" , et ne peut s'opposer à la fuite de Brünnhilde XE "Brünnhilde" . Certes, Wagner XE "Wagner" ménage un jeu de scène, Brünnhilde profite du trouble du dieu devant son fils mort, mais quand même ! En fait le dieu a déjà choisi, à ce moment de céder la place à ceux qu'il a crées
Sans oublier l'épée conçue par Wotan XE "Wotan" , et qui sera, entre les mains de Siegfried XE "Siegfried" l'instrument de sa perte.
Selon Aristote XE "Aristote" la puissance était la « coexistence simultanée des contraires »
Mais cette conscience XE "Conscience" d'exister se paie de l'angoisse existentielle, l'une n'allant pas sans l'autre.
En toute rigueur, cet argument ne s'applique pas à Wotan XE "Wotan" , puisque les pommes d'or de Freia XE "Freia" , garantissent aux dieux, beauté et jeunesse éternelles ; à moins que la publicité soit aussi mensongère que celle de nos modernes marchands de jeunesse et de beauté !
C'est bien ce qui se passe lorsqu'une nation s'engage dans un conflit, et impose à tous ses membres la soumission et souvent même le sacrifice de sa vie. Des nations qui le plus souvent s'enorgueillissent de respecter la liberté XE "Liberté" de conscience XE "Conscience" . Personnellement, j'ai un pays qui est la France et auquel je suis attaché, mais jamais je ne pardonnerai (je ne sais pas à qui d'ailleurs je ne veux pas pardonner, et c'est bien le drame des entités qui imposent des convictions au nom de personne, donc personne contre qui se retourner, à l'exception des mêmes crétins, qui aujourd'hui rabâchent les mêmes idéaux meurtriers), d'avoir participé à la mascarade de la pacification de l'Algérie. Parler de mascarade pour un bain de sang peut paraître odieux, je parle évidemment du jeu politique, et non pas de ce qui s'est passé sur le terrain !
Gallimard, 1943.
Il n'en reste pas moins vrai qu'on reste fasciné par cette prolixité, souvent redondante, mais qui dénote une inextinguible passion à forcer l'analyse des faits de conscience XE "Conscience" , uniquement par des mots, aussi loin qu'il est possible.
Sans se plonger dans la dialectique sartrienne, évoquons cependant l'opposition entre l'en-soi et le pour-soi. « L'être en-soi, c'est la densité d'être absolue, ici l'être est ce qu'il est. Il n'est pas, dans l'en-soi, une parcelle d'être qui ne soit à elle-même sans distance. Il n'y a pas, dans l'être ainsi conçu la plus petite ébauche de dualité ; c'est ce que nous exprimons, en disant que la densité d'être de l'en-soi est infinie, C'est le plein.» (Opus cité page 118). Le pour-soi, c'est la présence à soi : « La loi d'être du pour-soi, comme fondement ontologique de la conscience XE "Conscience" , c'est d'être lui-même sous forme de la présence à soi» (Page 119). « Le pour-soi est l'être qui se détermine lui-même à exister en tant qu'il ne peut pas coïncider avec lui-même ». Ne chicanons pas, le pour-soi, c'est notre conscience qui désire continuellement de vouloir être autre que ce qu'elle, mais qui, dans la mesure où elle est désirante d'être ce quelle rêve, donc qu'elle est, d'une certaine façon, semble toujours courir après elle-même. Wotan XE "Wotan" a compris que cette course ne mène jamais à rien, et se prend à rêver d'un autre.
J'ai vu posée la pertinente question : à partir de quel âge devient-on mortel ?
Dictionnaire Robert. Chronos, le dieu du temps, dévore ses enfants ; Ne dit-on pas, pour aller vite dévorer lespace ? Dans les deux cas, il y a une sorte de malédiction du temps qui passe. IL y a recoupement assez curieux des trois métaphores :
- la clepsydre XE "Clepsydre" en retenant l'eau, arrête le temps, donc abolit le temps ;
- Chronos, en dévorant ses enfants, qui sont, logiquement les instants formant le temps par écoulement ;
- La vitesse dévore l'espace, ce qui entraîne selon la relativité un ralentissement du temps ;
Mais dans les trois cas, il y a échec, la clepsydre XE "Clepsydre" abandonne son eau, ou de toute façon n'empêche nullement l'écoulement du temps ; Chronos ne peut dévorer l'un des fils, Zeus subtilisé par sa mère ; la transformation de l'espace en temps, jusqu'à nouvel ordre XE "Ordre" , et quoi qu'en pensent la plupart des physiciens, est une conséquence de la façon dont nous décrivons les phénomènes liés aux grandes vitesses, et qui malgré quelques vérifications expérimentales pourrait très bien être un artefact. Je me fais tout petit après des déclarations aussi inconséquentes !
Même des équations d'évolution XE "Evolution" de la mécanique quantique XE "Quantique" sont réversibles.
Aucune expérience n'a jamais mis en évidences, par exemple le vieillissement d'un atome d'hydrogène ; mais nous ignorons quelles étaient les caractéristiques d'un tel atome il y a cinq milliards d'années, ou seulement même un petit milliard d'années.
EPR XE "EPR ( paradoxe)" , pour Einstein XE "Einstein" , Podolsky, et Rosen, les deux derniers étant de jeunes collaborateurs du célèbre physicien.
On connaît la formule fameuse du père de la relativité : « Je ne puis admettre que le Vieux joue aux dés », allusion au fait qu'un objet quantique XE "Quantique" n'a qu'une probabilité d'être ceci ou cela.
Heisenberg XE "Heinsenberg" , par exemple allait même plus loin, puisqu'il considérait que la compréhension de l'objet lui-même était au-delà des possibilités de la science : «En raison du lien intime entre le caractère statistique de la théorie XE "Théorie" et l'imprécision de toute perception, il peut être suggéré que derrière l'univers statistique de la perception, se cache un monde réel régi par la causalité. De telles spéculations nous semblent - et nous l'affirmons avec force - inutiles et dénuées de signification. Le physicien doit se limiter à la description des relations entre les phénomènes ». (Cité par F Selleri, in Le grand débat de la théorie quantique XE "Quantique" , page 113, Flammarion).
En effectuant une mesure indirecte. Par exemple si le système est caractérisé par les quantités A, B, C, mesurer A et B, puis en déduire la valeur de C ; A et B doivent être obtenus par des mesures effectuées sur des objets liés au système, mais ne touchant pas celui sur lequel s'effectue la mesure (ou plutôt la prise de connaissance de) de C.
C'est-à-dire, qui ne soit pas un artefact (qui soit due à l'action de l'expérimentateur), qui existe avant même la mise en évidence expérimentale.
L'importance pratique est due au fait que les propriétés décrites plus bas sont utilisées dans la TEP, tomographie par émission de positrons. Cette technique est utilisée pour étudier le fonctionnement du cerveau XE "Cerveau" en visualisant la consommation en oxygène des assemblés de neurones. On injecte au sujet un isotope radioactif de l'oxygène, O15, donc la transmutation donne naissance à un positron qui au contact d'un électron XE "Electron" donne naissance à une paire de photons (. Le repérage des coïncidences permet de localiser le lieu de la désintégration, indiquant à son tour la présence d'oxygène, donc d'une zone d'activité neuronale.
IL suffit, pour suivre le raisonnement, qu'une certaine quantité doit rester nulle, de sorte que si un photon emporte -1 de cette quantité, l'autre emporte +1. Nous allons cependant voir que cette façon de parler est incorrecte au regard de la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" standard. C'est précisément cette façon de considérer le phénomène qui crée un paradoxe XE "Paradoxe" .
Formellement, on dit que les particules XE "Particules" sont dans un état singulet ; même après leur interaction, lorsqu'elles sont séparées par une distance aussi grande que l'on veut, on ne peut les décrire séparément : La fonction d'onde XE "Fonction d'onde" qui décrivait leur interaction ne peut être factorisée en (=(1((2, (1, (2 décrivant séparément l'évolution XE "Evolution" des deux particules.
En tenant compte du fait qu'aucun message ne peut dépasser la vitesse de la lumière.
Pour plus de détails, voir Physique atomique et connaissance humaine, opus cité.
Si t0 est le moment où la mesure concernant le premier photon est effectuée, avec comme résultat +1, la théorie XE "Théorie" affirme qu'à ce moment le second photon prend la valeur -1 ; or ce photon n'a, à ce moment subit aucune interaction qui puisse expliquer cette réduction de la fonction d'onde XE "Fonction d'onde" , c'est pour cette raison qu'Einstein XE "Einstein" soutient que le photon devait, avant l'instant posséder cette propriété.
Un point est cependant acquis : le point de vue de Bohr XE "Bohr" n'a reçu aucun démenti, alors que celui d'Einstein XE "Einstein" n'est plus défendable tel qu'il l'exprimait de son vivant. J Bell a démontré une relation très simple qui doit être vérifiée si l'on suppose que des particules XE "Particules" dans l'état singulet emportent chacune, en se quittant une caractéristique déterminée ; or les prévisions quantiques et, depuis 1983, l'expérience infirme cette relation (expérience d'Aspect XE "Aspect" ). Voir par exemple Le cantique des quantiques, opus cité.
Précisons que l'expérience peut être menée, en compliquant le dispositif expérimental, de sorte que les photons arrivent sur l'écran un par un ; donc impossible d'invoquer une action des photons sur eux-mêmes.
L'impulsion ou quantité de mouvement est la quantité mV (produit de la masse par le vecteur vitesse).
Le cours de physique de Feynman XE "Feynman" , Mécanique quantique XE "Quantique" , page 12 (InterEdition, 1979).
Page 98. Sartre XE "JP.Sartre" utilise cet exemple pour illustrer ce qu'il nomme le comportement de mauvaise foi : « Mais que sommes-nous donc si nous avons l'obligation constante de nous faire être ce que nous sommes sur le mode d'être ce que nous sommes sur le mode du devoir être ce que nous sommes ? Considérons ce garçon de café. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il s'incline avec un peu trop d'empressement [...] Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s'applique à enchaîner les mouvements comme s'ils étaient des mécanismes [...] Il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses. Il joue [...] il joue à être garçon de café ». Tous les garçons de café jouent-ils à être garçon de café ? Sûrement pas ; il y a ceux qui comme on le dit d'un bon acteur sont dans la peau de leur personnage.
Le modèle peut être affiné en tenant compte des états dits dégénérés. En mécanique quantique XE "Quantique" cela signifie qu'à une valeur propre donnée d'un opérateur peuvent correspondre plusieurs états qui n'ont pu être différenciés au cours de l'opération de mesure ; autrement dit, à une même valeur propre correspondent plusieurs sous-états. Pour un individu, on peut parfaitement comprendre qu'une situation concrète donnée corresponde à plusieurs états mentaux mélangés. Par exemple le même individu est père et responsable d'une tâche à accomplir ; il faut alors, comme dans le cas physique l'influence d'un champ supplémentaire pour lever la dégénérescence, c'est-à-dire différencier les deux états. Pour l'individu c'est une nécessité permettant de mettre fin au conflit : sacrifier le travail à la famille ou réciproquement. Une analyse sommaire permet même de s'assurer qu'à un état comme celui d'être père correspond une multitude de sous-niveaux mis en évidence par des contraintes extérieures qui jouent le rôle des champs permettant, en mécanique expérimentale de lever les dégénérescences: nourrir l'enfant, l'éduquer, jouer avec lui, etc.
En plus des quelques cent milliards de neurones cervicaux, un bon nombre (peut-être autant serait disséminés dans tout notre corps ; certains parlent même de cerveau XE "Cerveau" entérique qui jouerait un rôle important dans le fonctionnement inconscient de notre organisme.
Cette question est bien évidemment essentielle et sera reprise souvent par la suite.
Cette fausse dualité a d'ailleurs été soulignée par Bohr XE "Bohr" lui-même, le père de la complémentarité quantique XE "Quantique" : « En effet l'impossibilité, dans l'analyse psychologique, de faire une distinction nette entre les phénomènes eux-mêmes et leur perception consciente exige clairement que l'on renonce à toute description causale selon le modèle de la physique classique ; et l'usage même que l'on fait des mots tels que pensées et sentiments pour décrire des expériences psychiques rappelle de la manière la plus suggestive les relations de complémentarité de la physique atomique » (Physique atomique et connaissance humaine, opus cité page 30, Gauthier-Villars)
Cahiers du MUR, N°14, 1988.
Les mécanismes sous-jacents ne peuvent qu'être effroyablement complexes, ce qui donne à cette hypothèse XE "Hypothèse" un intérêt très limité ; ce que nous voulons souligner, c'est le caractère purement physique des phénomènes déclenchant. Nous ne pouvons absolument pas être d'accord avec ceux qui affirment la primauté de l'esprit ; et contrairement à ce qu'ils prétendent généralement, ce n'est pas à ceux qui nient l'influence directe de l'esprit sur la matière, à faire la preuve de leur thèse, mais bien à eux d'expliquer selon quelles modalités l'esprit peut par exemple commander au cerveau XE "Cerveau" . La position classique est celle de Bergson XE "Bergson" dans L'énergie spirituelle, (PUF, 1955), page 55 : « Tout ce qui s'offre directement aux sens ou à la conscience XE "Conscience" , tout ce qui est objet d'expérience, soit extérieur soit interne, doit être tenu pour réel tant qu'on n'a pas démontré que c'est une simple apparence. Or, il n'est pas douteux que nous nous sentions libres, que telle soit notre impression immédiate. A ceux qui soutiennent que ce sentiment est illusoire, incombe l'obligation de la preuve ». Bien évidemment, nous ne nions pas la réalité XE "Réalité" de ce que nous ressentons, mais l'idée que ces sensations soient différentes des phénomènes physico-chimiques sous-jacents. Mais écoutons la suite : « Et ils ne prouvent rien de semblable puisqu'ils ne font qu'étendre arbitrairement aux actions volontaires une loi vérifiée dans les cas où la volonté XE "Volonté" n'intervient pas. Il est d'ailleurs possible que, la volonté est capable de créer de l'énergie, la quantité d'énergie créée étant trop faible pour affecter sensiblement nos instruments de mesure: l'effet pourrait néanmoins être énorme, comme celui de l'étincelle qui fait sauter une poudrière ». Autrement dit l'auteur, lui, n'est pas tenu à la preuve - ici que l'esprit est capable de créer de l'énergie - mais c'est la faute à la science, qui ne dispose pas des instruments nécessaires !
Rappelons que ce qu'il nous suffit de savoir ici, c'est que lorsque les particules XE "Particules" se séparent, elles restent corrélées, et qu'une effectuées sur l'une agit en même temps sur l'autre selon des modalités qui ne sont compréhensibles qu'à l'intérieur du formalisme (selon la théorie XE "Théorie" quantique XE "Quantique" standard).
L'exemple a déjà été développé, il s'agit d'un rappel, qui est justifié par le caractère crucial de l'expérience.
A ce propos précisons un point important. Le spin XE "Spin" est une grandeur sensible aux champs magnétiques (plus exactement aux gradients de champs magnétiques, c'est-à-dire, inhomogène et variant fortement sur de faibles distances) ; lorsqu'une particule entre dans l'appareil de mesure, par exemple un appareil de Stern-Gerlach (voir par exemple, pour un exposé simple, Mécanique quantique XE "Quantique" , R Feynamn, Opus cité , page 71 et suivantes), suivant la direction du spin au moment de l'entrée dans l'appareil, la particule est défléchie soit dans un sens soit dans le sens opposé, ce qui trie les particules XE "Particules" en deux sous-ensembles de même cardinal ; ce qui ne veut pas dire que chaque particule possédait un spin particulier avant la mesure ; chacune a en fait une probabilité de ½ de ce trouver dans l'un des deux états. Ce point est d'une grande importance, car si au niveau statistique, il est identique d'avoir un ensemble composé de deux parties A et B contenant le même nombre d'individus respectivement a et b, ou d'avoir un seul type d'individus ayant une chance sur deux de se trouver soit dans l'état a soit dans l'état b, mais au niveau individuel cela n'a plus rien de commun. Imaginez la même situation pour une communauté d'individus humains, d'une part 50% de femmes et 50% d'hommes, de l'autre des hermaphrodites qui ne définissent leur sexualité mâle ou femelle qu'au moment où ils sont sexuellement sollicités !
Ce que ne sont pas, au regard de la théorie XE "Théorie" , les particules XE "Particules" quantiques. Ni ondes, ni particules matérielles, en se comportant cependant selon le contexte, comme une onde ou une particule, les physiciens ont choisi de l'appeler quanton.
Il existe des théories alternatives dites à variables cachées, mais qui n'ont pu à ce jour prouver leur supériorité sur la théorie XE "Théorie" standard.
On ne peut a priori nier l'existence active de telles ondes, puisqu'elles existent effectivement, mais dans l'état actuel des connaissances, leur influence à distance n'a jamais sérieusement été mise en évidence.
A Connes, Matière à pensée, page 101
Ou alors, il faut appeler mémoire toute trace laissée par un objet sur un autre ; ce qui ne correspond plus du tout au sens étymologique qui n'a guère changé : aptitude à se souvenir, le souvenir étant le rappel d'actions passées. La mémoire correspond alors à un ensemble de traces signifiantes ; ce n'est pas la trace qui compte, mais le sens qu'elle indique, autrement dit l'acte lui-même qui l'a causée. La mémoire, au sens courant est donc liée à un acte réflexif. Qu'en est-il de la mémoire d'un ordinateur ? En tant qu'ensemble de traces signifiantes, elle tombe sous la définition courante (elle est mémoire pour l'utilisateur qui donne un sens au message inscrit ou à la procédure.
La méthode fait long feu XE "Feu" ; l'astrologie - entre autres - se prétend une science parce qu'elle utilise des méthodes scientifiques ; comme s'il suffisait de tenir un archet et un violon pour être un violoniste !
Nous verrons, dans la troisième partie que cette pratique est pourtant générale en économie.
Expression chère à M Eliade XE "Eliade" .
Je ne cautionne ici nullement une telle hypothèse XE "Hypothèse" . Je serais d'ailleurs bien incapable de cautionner un quelconque modèle de création du monde.
On peut s'interroger sur le fait qu'à la fin du Crépuscule des Dieux, Wotan XE "Wotan" disparaît dans l'incendie du Walhall, alors qu'Albérich, lui demeure, puisque rien nest dit sur son éventuelle disparition. En fait, chacun sait bien qu'avec Wotan, ce n'est pas le bien qui disparaît, mais une certaine forme d'oppression. L'homme gagne une liberté XE "Liberté" que les dieux lui avaient confisquée, mais la menace que représente Albérich reste là, plus menaçante que jamais, puisque dorénavant, il n'y a plus la puissance des dieux pour maintenir l'équilibre entre les forces contraires. Ne constate-t-on pas, aujourd'hui que le mauvais côté de l'or a triomphé ? Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Le propre de l'homme, entre autres, est d'avoir dissocié les deux fonctions. Il existe une troisième composante liée à la domination et à l'agressivité. Si bien que l'on retrouve ici un certain parallélisme avec les trois fonctions de G Dumézil XE "Dumézil" :
(1) Religieuse( sexualité tournée vers l'amour XE "Amour" comme union de deux êtres.
(2) Guerrière ( La femme, repos du guerrier, agressivité.
(3) productrice( Reproduction ;
« Ce qu'il reste à faire n'est qu'une simple question de mise en forme ». L'attrait pour les religions tient sans doute au fait qu'elles proposent des systèmes explicatifs complets de monde. Elles sont en cela l'équivalent exact des mythologies. Il faut bien reconnaître que l'homme appelle mythes XE "Mythes" tout ce qui n'est, pour lui l'expression d'une pensée rationnelle. La seule certitude, est que personne ne s'entend sur ce qu'il convient d'appeler connaissance rationnelle ; pour les scientifiques, est rationnel tout ce qui explicable en terme de lois rigoureusement vérifiées par l'expérience, mais pour les intégristes religieux, c'est ce qui est conforme aux livres saints ; ces derniers ont manifestement tort ; mais la science a-t-elle pour autant raison dans labsolu ? Dans la mesure où nous ne savons rien de l'ultime réalité XE "Réalité" , il faut être téméraire pour en décider. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la science ouvre aujourd'hui le seul chemin possible. Si cette route est impraticable, il ne reste plus à l'homme qu'à attendre sagement sa fin, en attendant, comme Nietzsche l'incertaine venue du surhomme.
Mime XE "Mime" espère ainsi convaincre Siegfried XE "Siegfried" d'affronter le dragon ; le dragon tué, Mime s'estime assez malin pour se débarrasser du héros. On sait ce qu'il advint, Mime ne peut s'empêcher de révéler son plan à Siegfried qui se débarrasse alors de son tuteur. Sans doute faut-il voir dans ce tour de magie, l'uvre de Wotan XE "Wotan" .
Sans compter les immenses laboratoires modernes où ne pénètrent, en chair et en os que quelques rares élus et que l'on nous donnent de temps à autre à admirer sur de belles icônes, je veux dire de belles documentations scientifiques. Ne parle-t-on pas alors, sans humour, de temple de la science ?
J'ai déjà souligné que, pour la plupart des individus, les théories tiennent exactement la même place que les mythes XE "Mythes" dans les sociétés primitives ; avec peut-être un degré de croyance moins élevé. Il est en effet plus facile de croire, par exemple à une entité - ou une divinité- anthropomorphe causant le mouvement des corps célestes qu'à une loi abstraite se référant à une incompréhensible action à distance ( n'oublions pas d'ailleurs que Newton XE "Newton" lui-même attribuait à Dieu XE "Dieu" l'attraction universelle.
L'image par excellence de cette situation nous est donnée par les J O 1996 : une débauche exorbitante de moyens mis à la disposition d'un petit nombre de privilégiés, alors que la ville organisatrice, Atlanta, était vidée de sa population misérable jugée dangereuse, et surtout peu ragoûtante aux yeux de ses beaux athlètes grassement payés, en toute logique olympique, revue et corrigée selon les nouvelles normes de la déontologie sportive.
J'entends par là celui qui est lié à un système politique, qui de toute façon est aussi périssable que l'homme lui-même.
Il ne s'agit ici nullement de morale, mais de raison : un monde trop majoritairement composé de victimes s'effondrera tôt ou tard.
Déclaration télévisée d'un scientifique de grand renom voici une trentaine d'année ; je préfère taire son nom, mais le document étant toujours nécessairement existant, il est toujours possible de faire la preuve de la réalité XE "Réalité" de cette affirmation !
Dans la mise en scène de Bayreuth, avec Barenboïm, Albérich assiste à la dernière scène du Crépuscule des Dieux, à l'extérieur, comme ne participant plus au théâtre lui-même, mais amorçant son entrée dans le monde réel.
Albérich précise lui-même : si son or me donna le pouvoir XE "Pouvoir" . D'une certaine façon le possesseur de l'anneau devient le maître XE "Maître" de l'or et du pouvoir qu'il permet d'exercer.
Dans la mesure où l'or na peut-être jamais eu cette pureté originelle, et rejoint le mythe, justement, de l'âge d'or. Il est plutôt probable, qu'aussitôt devenu référence absolue de toute valeur, l'or ait, en même temps été convoité pour lui-même. Si l'on admet que le désir est le moteur de toutes les actions humaines, la possession de l'or devient l'équivalent du désir potentiel. Il y a alors une fin en soi de l'or comme il y a une fin en soi du désir. Echanger l'or contre l'objet du désir, c'est perdre l'or, pouvoir XE "Pouvoir" potentiel de posséder, comme assouvir son désir, c'est le perdre en tant que désir.
Une toile de Van Gogh de quelques centaines de grammes « équivaut » à plusieurs tonnes du métal jaune ! De plus chaque toile est unique, et ne peut plus se monnayer qu'officiellement. La valeur artistique n'a ici plus rien à voir ; l'uvre d'art devient une sorte de papier monnaie qui comme lui a une valeur fictive. Pauvre Van Gogh, s'il savait que son uvre a contribué à rançonner les pauvres et les malheureux de la planète entière !
Je juge pour ma part ce chiffre très optimiste, car on ne peut pas vraiment dire, par exemple, que les centaines de millions de victimes des guerres, dont on parle, intéressent à proprement parlé les historiens ; ces victimes ne font que donner du relief et un intérêt, aux personnages qui sont jugés intéressants ;
Il s'agit ici du progrès technique ou technologique. Mais on pourrait très bien parler uniquement de progrès scientifique. Souvent la technique pure a précédé la théorie XE "Théorie" , mais il n'y a pas lieu de séparer la technique de la science, les deux se développant en symbiose. La technique est de la science concrète. Un savant comme R Feynman XE "Feynman" , par exemple était un bricoleur né, et son génie scientifique était probablement indissociable de son imagination technique (voir par exemple son livre autobiographique, Vous voulez rire, monsieur Feynman, Inter Editions, 1985).
La science y tient une place de choix, puisqu'elle a participé toujours activement à la production d'armes nouvelles, et que les morceaux de choix de l'histoire officielle sont en grande partie les comptes rendus de massacres. Il y a des exceptions ; Alexis Monteil écrivait, en 1841 : « Cette histoire ne parlait que des chefs royaux du peuple, que des chefs militaires du peuple, que des hauts magistrats du peuple, que des hauts pontifes du peuple : elle ne parlait pas du peuple. Elle n'était de la première page jusqu'à la dernière qu'un champ de bataille dynastique, théologique, parlementaire ou militaire, militaire surtout ». Il écrivit une Histoire des français des divers états aux cinq siècles derniers. Son travail a été poursuivi et a donné l'Histoire du peuple français, édité en 1951 par l'imprimerie nationale, d'où est tirée la présente citation.
Sur ce problème, ceux qui nous gouvernent devraient se souvenir d'une leçon qui nous a jadis été donnée par les grecs. Erostrate, en 351 av J.C, a incendié le temple d'Artémis à Ephèse espérant ainsi que l'histoire retiendrait son nom ; il fut supplicié. Mais pour que plus personne ne soit tenté d'accomplir des actes criminels pour être connu, les éphésiens avaient décidé de condamner à mort quiconque prononcerait le nom de l'incendiaire. Apparemment Erostrate a cependant gagné son pari.
Au double sens de place dans la hiérarchie, et de reconnaissance publique.
Concernant le premier aspect de la science, les théories y sont propres, nettoyées de toutes leurs obscurités, des doutes qui planent sur elles. Elles sont prêtes à consommer, et ne sont plus vulnérables à la critique
En donnant à ces trois termes une extension très large ; par exemple, la beauté n'est pas seulement physique, elle peut dénoter une harmonie de l'être qui n'est absolument pas quantifiable.
Dans la mise en scène accompagnant la version de Ring de D Barenboïm à Bayreuth, on voit Wotan XE "Wotan" lui-même libéré l'oiseau XE "Oiseau" , dont Siegfried XE "Siegfried" va comprendre les paroles ; détail à mon avis important, car il est rarement souligné que Siegfried n'est en fait que le rêve de Wotan, et ne devant qu'au dieu son existence et son destin. Les contradictions qui en découlent constituent l'essence même du complexe de Wotan.
Plus tard, Wolgang Pauli affirmera plus crûment : « La vérité ne triomphe jamais, mais les imbéciles finissent toujours par mourir.»
Pour rénover une forêt de chênes, les bûcherons laissent en places quelques pères, les plus beaux sujets, qui sont ensuite abattus pour permettre la croissante des jeunes plants.
Il y a sans doute là la preuve que l'espace euclidien est une fiction née de notre esprit : il est nécessairement infini. Or l'infini est une fiction qui n'a aucun sens physique. Je pense, pour ma part, que le problème de l'infini est le plus souvent occulté, ou on le considère comme secondaire, car il est le plus traumatisant pour l'esprit. Que ce soit l'infiniment grand ou l'infiniment petit, je pense que si l'esprit accepte aussi facilement les solutions mathématiques XE "Mathématique" , c'est pour oublier les incohérences que le concept entraîne physiquement.
A moins que la folie, comme la mort ne soit pas d'une affligeante banalité, la détérioration purement biologique de certains circuits cérébraux impliqués dans la conscience XE "Conscience" normale. On préférerait y voir la défaite grandiose de l'esprit terrassé par la puissance occulte des concepts...Mais il ne faut pas rêver.
Rappelons le sens de cette constance : si A et B sont deux mobiles animés l'un par rapport à l'autre d'un mouvement de translation uniforme de vitesse relative v, la vitesse de la lumière supposée se propager suivant la direction du mouvement des mobiles est la même pour A et B, alors que la mécanique classique prévoit que si l'un mesure C, l'autre mesure soit C+v, ou C-v. Cette hypothèse XE "Hypothèse" entraîne le renoncement à l'indépendance de l'espace et du temps.
La relativité générale permet de développer un modèle d'univers naissant d'une singularité XE "Singularité" , dont on ne comprend pas très bien (je parle pour moi), dans quel contexte elle se produit, puisqu'à ce moment l'espace n'a pas encore déployé ses dimensions. C'est le fameux big-bang. En tout cas l'univers étant alors une boule à quatre dimensions, en expansion est nécessairement fini.
C'est exactement l'argument des élèves qui, en mathématiques XE "Mathématique" , après un tissu d'inepties trouvent le bon résultat.
(v/C)2 = 0.99998, 1- 0.99998 = 0.00002, 0.000021/2= 0.00447, 1/0.00447= 223.
Opus cité, Mécanique 1, page220.
Perez, Relativité et quantification, Masson 1986.
La suite de l'argumentation est celle de R Feynman XE "Feynman" . Le référentiel est galiléen car animé d'un mouvement rectiligne uniforme (pas d'accélération).
Il y a une expérience réalisée avec deux avions volant à 1000km/h autour de la terre en sens opposés portant chacun une horloge atomique, une différence de marche de 4.10-7s pour 24h. (Relativité et gravitation XE "Gravitation" , P Tourrenc, A Colin, page 40). Mais ici aussi ce sont des phénomènes atomiques qui sont concernés.
C'est pour cette raison que les fusées lanceuses de satellites son si grosse, relativement à la masse mise en orbite.
Opus cité page 39
L'histoire que nous conte l'auteur s'inscrit un monde physique, où l'on parle de lieux déterminés, la terre, d'instant, etc. Or au début de son ouvrage, parlant de référentiel minkowskien, l'auteur nous met en garde (page 8) : « La question de savoir où a lieu un événement est dénué de tout sens physique ; il en est de même de la question de savoir quand a lieu cet événement...». Une histoire proprement humaine, se déroulant dans un univers humain, c'est-à-dire newtonien peut-elle alors s'écrire dans un autre contexte ?
c= 300 000 000m/s, t=300 000 000 : 20= 15 000 000s
Comme divertissement, considérons le cas de deux jumeaux XE "Jumeaux" partageant, dans l'espace une planète. A la suite d'un différent, ils décident de se séparer après un partage équitable ; la planète est coupée en deux, et ils partent suivant une même direction, en sens contraire chacun avec son propre système de propulsion ; Ils effectuent un tour d'univers et atteignent la vitesse de la lumière. Se croisant une première fois chacun constate que la pendule de l'autre est arrêtée. Alors ils se réconcilient et décident de se retrouver. Ils ralentissent leur demi-planète respective et se réunissent le tour suivant. Ils ont suivi des destins parfaitement symétriques, donc leurs horloges ont marché de la même façon. Ayant cependant constaté, chacun de leur côté que la pendule de l'autre était arrêtée alors que la leur continuait à tourner ; ils en déduisent nécessairement que les différences de marche de leurs pendules étaient apparentes. Dans les expériences où l'un des jumeaux reste dans son référentiel minkowskien, le calcul de dilatation du temps s'effectue alors que le voyageur a atteint une vitesse contante, donc lorsque la situation est la même que dans le conte évoqué ci-dessus. Si l'on doit faire confiance à la théorie XE "Théorie" , qui est vérifiée expérimentalement, même si cette circonstance ne prouve en rien sa vérité, on ne peut pas en dire autant des explications qui sont proposées !
Et que cet événement est unique, car s'il s'agit d'un événement pouvant survenir à un objet dont on possède des milliards de milliards d'exemplaires identiques, le problème peut trouver une solution technique (expérience de désintégration du proton).
Note de 2005 : les preuves du ralentissement des horloges se sont accumulées. Mais il faut souligner que dans tous les cas l'objet qui voit son temps de vie allongé appartient à un espace propre pour qui le reste du monde fait figure de repère absolu, ce qui nie l'équivalence base de la relativité.
L'expression est utilisée par Wotan XE "Wotan" pour désigner son combat contre Albérich ; mais Albérich est-il autre chose que le symbole des forces obscures, destructrices, qui minent le dieu de lintérieur ?
Pas facile ici de trouver le mot juste ; doit-on parler de l'Être, du cosmos.
Kant XE "Kant" : « J'appelle transcendantale toute connaissance qui, en général, s'occupe moins des objets que de nos concepts a priori des objets ». (Critique de la raison pure, introduction). D'autre part, on trouve parmi les définitions philosophiques du réalisme : « Doctrine platonicienne, d'après laquelle les Idées sont plus réelles que les êtres individuels et sensibles, qui n'en sont que le reflet et l'image» (A Lalande). Evidemment le mot « objet » sous la plume de Kant est bien ambigu : Y a t-il un concept a priori d'une table par exemple. D'ailleurs, dans la seconde édition de la critique, Kant rectifie et écrit : « que de notre manière de connaître les objets en tant que ce mode de connaissance doit être possible a priori. C'est cette connaissance directe, donc, visant l'objet en-soi, qui est visée transcendante. »
Faut-il préciser que ce sont les dernières paroles du Christ XE "Christ" , selon les évangiles de Matthieu et de Marc.
Edition. O Jacob, 1996. Ces lignes sont écrites en Juillet 96.
Avec un écart considérable d'ordre XE "Ordre" de grandeur : dizaines de millions d'années pour l'équilibre du système solaire, milliards d'années pour la vie du soleil.
Siegfried XE "Siegfried" doit aussi son invulnérabilité à Wotan XE "Wotan" , mais cette fois-ci par l'intermédiaire de Brünnhilde XE "Brünnhilde" , qui n'a pas voulu révéler au héros ce qu'elle avait fait pour lui : « Tout ce que l'art pu m'enseigner / à l'abri du mal mis son corps. / sans qu'il s'en doute mes charmes sûrs / de toute atteinte l'ont fait sauf ».
Brünnhilde XE "Brünnhilde" , dernière scène du Crépuscule des Dieux
C'est le cas des guerres économiques, où on entend parler de fusion, de regroupement ; en vérité cela signifie qu'une entité économique vient d'en dévorer une autre.
Je ne considère ici que le cas des sciences et de la philosophie, c'est-à-dire des disciplines qui participent au mouvement des connaissances. Car dans le domaine des arts, il n'y a jamais de dépassement ; il y a seulement un mode propre d'expression caractéristique d'une époque, qui peut éventuellement être copié à une époque ultérieure, mais qui alors ne présente plus d'intérêt pour personne (imaginons par exemple un musicien moderne composant une symphonie beethovénienne !)
« Auguste Comte [...] affirmait que la société est faite de plus de morts que de vivants et on peut, en poursuivant son idée, affirmer que la modernité d'une société se mesure à sa capacité de se réapproprier les expériences humaines éloignées de la sienne dans le temps et dans l'espace.» (A Touraine XE "Touraine" , Critique de la modernité, Fayard 1992.)
Et nécessairement contradictoires, dans la mesure où leurs axiomes XE "Axiomes" , explicites ou implicites, sont différents. Ils sont justement ressentis comme contradictoires du fait des axiomes implicites qui interviennent à des moments non contrôlés de leur développement.
Pour l'homme qui veut les ignorer, ou tout au moins minimiser leurs effets. Les lois naturelles ne sont pas en soi mauvaises pour l'homme ; elles sont moralement neutres.
Comme par exemple les diverses géométries. La similitude ne peut cependant pas être poussée très loin ; dans le cas de la géométrie, il existe une base axiomatique commune qui assure l'unité formelle de l'ensemble. Pour l'homme et ses morales, les contradictions sont toujours au-delà de toute bases raisonnables
En physique classique l'espace est parfaitement neutre ; ce sont les objets répartis dans l'espace qui interagissent. En relativité générale c'est la courbure de l'espace lui-même qui agit sur les corps d'épreuve.
La première conséquence à tirer de cette remarque, est qu'un espace philosophique propre à la discussion ne peut qu'être dominé par une logique modale, admettant outre le vrai et le faux toutes les gammes du possible.
« La vérité n'est donc pas dans un moment isolé car il n'y aurait plus besoin de progresser vers un autre moment et il n'y aurait plus de processus. Mais la vérité se produit dans ce moment. Elle est donc en lui, en tant qu'elle se produit elle-même, et c'est cette vérité qui est la fin du processus et qui contient le processus dans sa totalité une fois achevée.» (Schilling, cité par E Cassirer XE "Cassirer" , Philosophie des formes symbolique XE "symbolique" s II, page 22, Ed de minuit). Autrement dit aucune vérité, digne de ce nom - j'écarte ici les tautologies de la logique - ne peut être reconnue comme chose figée, mais demande à être vécue dans le recommencement du processus qui lui a donné naissance.
Le fait d'écarter les tautologies comme vérité digne de ce nom, est conforme au choix de Tarski lorsqu'il définit la notion de contenu de vérité ; les tautologies ont un contenu égal à 0. (Voir K Popper XE "Popper" , La connaissance objective) page 103, où est définie la notion de vérisimilitude XE "Vérisimilitude" dont il sera question plus bas.
C'est déjà en renonçant à la logique classique bivalente que la mécanique quantique XE "Quantique" peut, en partie conjurer les difficultés théoriques soulevées par la dualité onde-corpuscule.
Précisons que même dans ce domaine la logique bivalente ne tient pas ses promesses, puisqu'en vertu du théorème de Godel, un système assez fort pour servir de fondement à l'arithmétique, qui n'est qu'une infime partie des mathématiques XE "Mathématique" , engendre des propositions indécidables, dont on ne peut prouver qu'elles sont vraies ou fausses.
Mécanique quantique XE "Quantique" , une introduction philosophique, Flammarion, 1996, page 311
Par exemple, de 1 pour la vérité absolue, à 0, pour la fausseté absolue.
Par exemple, Popper XE "Popper" , La connaissance objective, page 102 : « un énoncé est vrai, si et seulement s'il correspond aux faits ». L'exemple classique utilisé par Tarski : « La neige est blanche» est un énoncé vrai, car compte tenu des conventions de langage et du sens qu'on attache aux mots de la phrase, la neige est effectivement blanche !
Rappelons qu'il suffisait de faire tomber, en même temps, un objet de 1g et un objet de 1000g, pour constater qu'ils tombaient tous les deux à des vitesses dont le rapport ne pouvait être de 1 à 1000 ! Maintenant, Aristote XE "Aristote" a-t-il vraiment parlé de proportionnalité au sens où nous l'entendons aujourdhui ? Selon certains historien s des sciences, Galilée lui-même n'aurait pas pris le risque d'effectuer les expériences rapportées par de nombreux ouvrages : faire tomber des objets de masses différentes de la tour de Pise. Le dogme scientifique de l'époque, qui reposait sur l'autorité d'Aristote était si fort, qu'un écart, aussi minime soit-il aurait été considéré comme une épreuve pour la pensée dominante, risque que Galilée ne pouvait pas prendre ! Voir pour une étude assez complète de ce point d'histoire, A Koyré, études d'histoire de la pensée scientifique, Gallimard, (Galilée et l'expérience de Pise). On y trouve, à propos d'Aristote, la phrase : à peu près deux mille ans avant, Aristote avait affirmé que si deux poids différents de la même matière tombaient de la même hauteur, le plus lourd atteindrait la Terre avant le plus léger et cela en proportion de leur poids... La méfiance de Galilée provenait en partie du fait qu'il avait conscience XE "Conscience" que ses propres lois, qui sont celles de la gravitation XE "Gravitation" newtonienne, n'étaient valables, en toute rigueur, que dans le vide. Rappelons que, dans le vide les objets tombent tous à la même vitesse quelque soient leur forme et leur masse. Ainsi une plume tombe exactement comme une bille de plomb (expérience assez facile à réalisée dans un tube vidé de son air).
« x est un nombre pair » n'est ni vraie ni fausse, cette forme propositionnelle est vraie si x=6, fausse si x=9. On peut aussi transformer une forme propositionnelle en proposition à l'aide des quantificateurs : ainsi (x : (x est un nombre pair) est vraie (il existe bien un nombre pair ; (x (x est pair) est fausse, tous les nombres ne sont pas pairs.
« A ou B » est vraie, si A est vrai, ou B est vrai, mais aussi si A et B sont simultanément vrai ;
Autrement dit : « il fait beau » ( « je vais me promener.»
Conjectures et réfutations, Payot 1985, page 568.
C'est-à-dire l'affirmation simultanée d'une proposition A et de sa négation non A. Les deux propriétés fondamentales des théories logiques XE "Logique" sont d'être non contradictoires et obéissant au tiers exclu. L'idée de base du raisonnement par l'absurde est que toute proposition entraînant une contradiction dans une théorie XE "Théorie" logique doit être éliminée.
C'est au moins ce qu'une lecture directe (et superficielle) laisse entendre ; dans son approche de la notion de vérité, Popper XE "Popper" a quitté en fait le cadre de la logique pure pour se situer dans un système beaucoup plus étendu, mais ce référentiel n'est jamais clairement défini ; nous nous retrouvons au sein d'un langage vaguement dominé par la logique, mais sans qu'on sache très bien ce qui ressortit de cette logique. Voici, par exemple ce que nous dit Popper (La connaissance objective, page 103 « Pour dissiper ces soupçons, j'ai introduis la notion logique de vérisimilitude XE "Vérisimilitude" en combinant deux notions, introduites toutes deux à l'origine par Tarski : (a) la notion de vérité et (b) la notion de contenu (logique) d'un énoncé ; soit la classe de tous les énoncés qui en sont la conséquence logique (sa classe de conséquence, comme l'appelle Tarski). Tout énoncé a un contenu ou une classe de conséquence : la classe de tous les énoncés qui en sont la conséquence logique...»
Le mot logique est utilisé plusieurs fois, montrant bien que les développements se situent dans un système dominé par LA Logique ; quand on s'exprime ainsi, il n'y a qu'une logique, la logique classique bivalente, et l'ambiguïté mine alors, en vertu des critiques faites plus haut le texte en entier.
Popper XE "Popper" se réfère, dans une note de son texte à un chapitre précis d'un livre de Tarski, Logique, sémantique, métamathématique, A Colin, 1972 ? Chapitre XII. IL y ait exclusivement question de classe de conséquence d'une proposition X, Cn(X). Le seul moteur de déduction défini est la règle de détachement (ou critère de déduction et ne s'applique qu'à la classe des propositions valides, donc considérées comme vraies. Popper ne peut donc se référer à Tarski pour justifier ses développements.
Et qui ne soit pas la totalité des propositions du système.
Une tautologie est une thèse de la logique, dont la vérité ne dépend pas des propositions élémentaires qu'elle contient. Par exemple A(A, équivalent à « A ou nonA », c'est-à-dire au tiers exclu.
Cela ne signifie pas qu'on puisse en définir avec certitude les contours. La thèse A(A, correspondant au tiers exclu est discutable, puisqu'on parle de logique multivalente, mais sur le plan de la communication XE "Communication" , elle revient à accepter que si une personne pose A comme vérité, A devra, éventuellement durant le temps que dure un certain discours être tenu pour vraie. Comment échanger des idées avec une personne refusant cet axiome !
C'est rejeter de l'univers tous les systèmes qui ne sont pas logiques XE "Logique" , mais la conséquence qui vient d'être rappeler de l'acceptation de la contradiction (validité de toutes les propositions (justifie cette restriction.
On ne peut ordonner les systèmes que si l'on passe de l'un à l'autre en ajoutant des axiomes XE "Axiomes" , avec la condition qu'ils soient compatibles, c'est-à-dire qu'un axiome ajouter à un système entraîne l'apparition d'une contradiction.
Par exemple, c'est le dogme qui définit un fait historique comme celui de la résurrection du Christ XE "Christ" . Une vérité, dans une perspective chrétienne du monde ; une proposition fausse, si l'on s'en tient aux données biologiques expérimentalement attestées. N'oublions pas que selon la bible XE "Bible" , le Christ a été rencontré par plusieurs témoins, dont Marie-Madeleine, et les apôtres. On peut commencer par nier purement les faits, comme on peut nier l'existence même du Christ, en tant que personnage historique. Mais on peut, ce qui paraît raisonnable, accepter, au moins les témoignages. A partir de là deux hypothèses peuvent être posées, contradictoires entre elles, car reposant sur des axiomes XE "Axiomes" différents :
- Dieu XE "Dieu" existe, il détient science et pouvoir XE "Pouvoir" absolu. Le Christ XE "Christ" ressuscite en vertu de sa volonté XE "Volonté" qui transcende les lois naturelles ;
- Dieu XE "Dieu" est une fiction sortie de l'imagination humaine. Le Christ XE "Christ" n'est pas mort sur la croix, mais a fait l'objet d'un marchandage qui a permis à ses disciples de le détacher de la croix avant sa mort.
Remarquons que la seconde hypothèse XE "Hypothèse" n'est pas en contradiction avec l'existence de Dieu XE "Dieu" . Elle peut être admise en supposant que Dieu créateur XE "Créateur" de l'univers n'agit jamais à l'encontre des ses lois. A l'instar de Wotan, il ne peut espérer agir sur le monde qu'en respectant les traités qu'il a lui-même fixés. Il semble, par exemple que le contenu de vérité de la seconde proposition, n'en déplaise aux fondamentalistes est supérieur à celle de la première, qui elle, ne peut se dispenser de faire appelle à des phénomènes que rien de concret ne permet d'expliquer.
Par exemple, l'existence d'une particule dont la durée d'existence est inférieure au milliardième de milliardième de seconde.
Dans son livre, Mécanique quantique XE "Quantique" ..., opus cité, page 366, M Bitbol parle, d'une façon peut-être plus judicieuse de cadre linguistique. C'est à l'intérieur de ce cadre que sont définis les entités qui sont les objets du discours ; mais pour juger de la pertinence d'attribuer une existence concrète à ces objets (parler de leur position, de leurs qualités), il est tentant de vouloir prendre le point de vue de Dieu XE "Dieu" , et de considérer cette démarche comme objective. Mais quel langage utiliser ? L'auteur, suivant Carnap, parle de questions externes ; mais les questions « dites » externes ne se posent-elles pas toujours à l'intérieur du langage, avec les moyens, peut-être dévoyés, fournis par celui-ci ? Plutôt que de questions externes, il faudrait alors parler de questions limites...
Célèbre iconoclaste, fustigeant, non sans raison et parfois avec humour, les prétentions de la pensée moderne à être sur le bon chemin qui mène à la vérité. Adieu la raison, Seuil, page 214.
Feyerabend suppose chez Popper XE "Popper" une volonté XE "Volonté" de vouloir libérer les scientifiques de certaines tutelles.
Il est difficile de comprendre ce que l'auteur entend par là. Un pidgin, est un métissage linguistique presque uniquement utilitaire, sorte de langage commercial. Feyerabend s'en prend-il à l'uvre de Popper XE "Popper" , ou à sa conception de la science ?
Halte au hasard XE "Hasard" , silence au bruit, article reproduit in La querelle du déterminisme XE "Déterminisme" , Gallimard, 1990.
Parmi les vrais épistémologues de notre époque, il cite Popper XE "Popper" ; le rapprochement avec le jugement de Feyerabend est assez cocasse !
En particulier, il semble totalement occulter le fondement même de la théorie quantique : lattribution à chaque objet quantique d'une fonction d'onde caractérisant les états dans lesquels l'objet peut être trouvé au moment d'une mesure. Et l'apparition de l'un de ces états est purement aléatoire. Bien entendu, Thom le sait parfaitement, mais fait simplement preuve de mauvaise foi !
En fait, ils sont d'accord sur bien des points, mais refusent souvent de le reconnaître.
A l'échelle de l'histoire humaine, car des systèmes politiques, en chine et en Egypte ont perdu des siècles, voire des millénaires sans changement notable.
Il ne faut oublier non plus que dans la Mahäbhärata XE "Mahäbhärata" , où l'on trouve avec les Pandava, l'archétype de l'idéologie trifonctionnelle (voir Mythe et épopée I, G Dumézil XE "Dumézil" ). Première fonction : Yudhisthira, et dans une certaine mesure Arjuna, fils d'Indra XE "Indra" , puis, deuxième fonction, Bhima, celui qui à lui tout seul défait des armées de milliers de valeureux combattant, et aussi Arjuna, et pour la troisième fonction, Nahula et Sahadeva, les jumeaux XE "Jumeaux" . Tous sont fils - putatifs - de Pändu, les trois premiers ont Kunti pour mère, mais comme vrais pères respectifs, Dharma, Väyu, et Indra, les jumeaux sont fils de Mädri, et des Asvin, dieux de second rang symbole de la beauté rayonnante.
Je m'inspire ici de l'ouvrage de J J Nattiez XE "Nattiez" , Wagner XE "Wagner" androgyne, Bourgois éditeur, 1990.
Extrait de Opéra et drame de R Wagner XE "Wagner" , cité par Nattiez XE "Nattiez" , Opus cité.
Il ne s'agit d'un jugement de portée générale, mais de ce qui était manifestement l'opinion de Wagner XE "Wagner" .
« En septembre-octobre 1854, sur la recommandation de Herwegh, Wagner XE "Wagner" a lu Le Monde comme volonté XE "Volonté" et comme représentation. » (Nattiez XE "Nattiez" , opus cité page 168)
Schopenhauer XE "Schopenhauer" établissait même un parallèle entre volonté XE "Volonté" et chose en soi de Kant XE "Kant" .
Le monde, opus cité, page 240.
Cette fois-ci dans une perspective sartrienne. Sartre XE "JP.Sartre" en effet oppose l'en-soi qui caractérise la densité de l'être qui est ce qu'il est, et le pour-soi qui caractérise la conscience XE "Conscience" , en perpétuel déséquilibre, qui tend vers un être qu'elle a à être, ce que Sartre résume par la formule que la conscience « est ce qu'elle n'est pas, et n'est pas ce qu'elle est » (cette phrase revient plusieurs fois dans L'être et le néant.
Ou Le monde comme volonté XE "Volonté" XE "Le monde comme volonté" et comme représentation, page 1289
On trouve même, dans le dictionnaire de P Foulquié : « Au sens strict : pouvoir XE "Pouvoir" de se déterminer pour des motifs ou des raisons. La volonté XE "Volonté" aussi entendue se distingue des forces d'impulsion ou mobiles qui sont de soi irrationnelles : tendance, désir, passion ». On va voir que c'est presque le contraire chez Schopenhauer XE "Schopenhauer" . Foulquié définit cependant, dans le même article, un sens large qui s'accorde mieux avec Schopenhauer : « ensemble des forces psychiques portant à l'action. La tendance, le désir, la passion...relèvent de la volonté ainsi entendue.»
Mais qui n'est pas la volonté XE "Volonté" comme l'entend Schopenhauer XE "Schopenhauer" .
Il s'agira toujours du Monde comme volonté XE "Volonté" et comme représentation, dans la traduction de A Burdeau, PUF, 1966 ;
Biologie de la conscience XE "Conscience" , O Jacob, 1992. L'auteur entend fonder scientifiquement la thèse selon laquelle la conscience peut être expliquée dans le cadre de la biologie ; ce qui est la seule alternative si l'on veut éviter les dérives mystiques.
Yudhisthira perd successivement tous ses biens, puis joue ses frères et enfin lui-même et sa propre compagne, douée de toutes les beautés et toutes les vertus ; et à chaque fois le conteur répète : A ces mots, Sakuni, bien déterminé et usant de moyens déloyaux dit aussitôt à Yudhisthira : J'ai gagné ! (Le Mahäbhärata XE "Mahäbhärata" , I, Flammarion. Voir aussi, G Dumézil XE "Dumézil" , Mythe et épopée, I, page 63)
Indra XE "Indra" sera condamné par les brâhmanas car le Tricéphale a rang de brahmane.
G Dumézil XE "Dumézil" , Heur et malheur du guerrier, pages 32-33.
Le problème est le même que celui de l'existence d'une réalité XE "Réalité" extérieure à notre conscience XE "Conscience" : cette position philosophique de doute n'a aucun adepte, à part quelques excentriques qui veulent à tout prix se démarquer des pensées vulgaires.
Formulation ambiguë, puisqu'elle sous-entend une dualité interne que l'auteur semble par ailleurs récuser.
Comme mécanismes qui conduisent à la constitution des objets dans notre conscience XE "Conscience"
Puisque nos propos trouvent leur unité dans l'uvre de Wagner XE "Wagner" , voici un texte de Baudelaire XE "Beaudelaire" qui anticipe cette idée : « Or chacun est le diminutif de tout le monde, comme l'histoire d'un cerveau XE "Cerveau" individuel représente en petit l'histoire du cerveau universel, il serait juste et naturel de supposer (à défaut des preuves qui existent) que l'élaboration des pensées de Wagner a été analogue au travail de l'humanité.»
C'est l'histoire bien connue du patient qui s'adresse à un psychiatre : « Docteur, j'ai un complexe d'infériorité » ; après examen le médecin se fait rassurant ; « Ne vous faites pas de soucis, vous n'avez aucun complexe, vous êtes réellement inférieur ». Et de fait, une société saine et stable serait celle où ceux qui sont en position d'infériorité, c'est-à-dire la quasi totalité, acceptent leur infériorité.
Parler de hasard XE "Hasard" est probablement faux, car il y a toujours chez le dominant une volonté XE "Volonté" qui à un moment donné devient efficace. C'est cela qui est symbolisé par les Runes tracées sur la lance XE "Lance" de Wotan. On peut admettre que la découverte de la source par Wotan soit fortuite, mais pas la mutilation de l'Arbre.
Ce qui gène c'est la connotation péjorative des termes ; mais il faut désigner les choses par leur nom. Et si deux individus s'affrontent, comme c'est constamment le cas, même dans les plus pacifiques des sociétés, une hiérarchie s'établit toujours à l'issue du combat ; Le choix des termes ne change rien à la situation.
Le Monde..., opus cité page450. On ne m'enlèvera pas de l'idée cependant qu'il y a des tortionnaires heureux, et qui trouvent un réel plaisir à contempler la misère et la souffrance. Ces individus ont d'ailleurs de fortes raisons d'être heureux puisque non seulement, ils en tirent une satisfaction qui a quelque chose d'érotiques, mais ils assurent le pain quotidien de la classe dominante de l'humanité. Essayez de faire le bilan économique de ce que rapporte la misère et la souffrance, et vous comprendrez. Que serait Wotan sans Albérich ? Question stupide, il n'y aurait même pas de Tétralogie !
Il sera question plus bas de la fameuse dialectique hégélienne dite du maître XE "Maître" et de l'esclave. Mais le terme de valet XE "Valet" est plus judicieux. L'esclave n'est pas maître de son destin, il appartient au maître comme un objet ; le valet accepte librement sa soumission. Bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples ; et le valet a rarement le choix, mais il y a manifestement une différence de principe, même si, dans les faits la condition du valet n'est guère différente de celle de l'esclave. Les citations de Hegel XE "Hegel" seront extraites de la Phénoménologie de l'esprit, traduction récente de JP Lefèvre (Aubier 1991). Voici ce que dit le traducteur à propos du terme « Knecht », qui est justement celui employé par Wotan à l'encontre de Hunding XE "Hunding" à qui il vient de donner la victoire face à Siegmund (« geh in, Knecht !», va-t-en, valet !) : « La connotation principale (du terme « Knecht » sous la plume de Hegel) est plutôt psychologique : le « knecht » a un comportement servile, il y a presque quelque chose de vil en lui. Pour Wagner XE "Wagner" , le presque est à gommer.
C'est, il me semble, après la bataille d'Austerlitz : un des généraux de l'empereur s'affligeait d'une victoire si cher payée. Attrapant une tête par les cheveux, Napoléon dit alors : « Bah ! C'est de la petite espèce ». L'histoire officielle préfère ignorer, ou même nier ce genre de petite phrase qui fait désordre XE "Désordre" dans le joli portrait qu'elle nous donne de ses héros.
La répression permet également de briser des révoltes latentes qui peuvent devenir dangereuses si elles se généralisent, comme un feu XE "Feu" forestier qui se propage souterrainement et qui éclate partout à la fois au premier souffle de vent.
Qui « on » ? Aussi bien ceux qui exercent le pouvoir XE "Pouvoir" que ceux qui le subissent ; car l'homme tient beaucoup plus à l'idée de liberté XE "Liberté" qu'à la liberté elle-même, qu'il autant de mal à assumer qu'à respecter.
Fricka cependant le persuade du contraire ; et le dieu, face à Brünnhilde défend cette vision qui n'est pas la sienne. A ce moment Wotan a conscience XE "Conscience" de jouer son existence, en se laissant aller à son penchant naturel, qui serait de prendre le parti de Siegmund, il sait qu'il va vers sa fin ; il dit à Brünnhilde (dernière scène de La Walkyrie) : «... brûlé du désir / de susciter / en moi l'atroce volonté XE "Volonté" / d'enterrer ma tristesse éternelle / dans mon propre monde en décombres ». Le dieu cède en fait à Fricka, parce que s'ouvre pour lui la possibilité de se sauver.
Hegel XE "Hegel" , opus cité page 152
Edelman XE "Edelman" , dont il a été question plus haut, écrit un ouvrage intitulé Biologie de la conscience XE "Conscience" où il entend replacer l'esprit dans la nature. Page 15, il précise: Tout au long de ce livre, la thèse fondamentale que je compte défendre consiste à dire que l'esprit est un processus d'un type particulier qui dépend de certaines formes particulières d'organisation de la matière. Ce qui ne l'empêche pas, page 320, décrire : A un moment transcendant de l'évolution XE "Evolution" [...] la mémoire devint le substrat et le serviteur de la conscience. A mon avis, concernant un sujet aussi controversé, le mot transcendant doit être manié avec précaution !
Et indirectement condamne toutes les traitements et recherches biochimiques concernant les affections de la conscience XE "Conscience" .
Dans les théories du big bang, l'univers déploie ses dimensions ; ce n'est pas une boule de feu XE "Feu" qui explose dans un espace vide. Nous n'avons bien évidemment aucune idée concrète de ce que pourrait être cette naissance même de lespace (et du temps).
Au cours de la percussion frontale d'un proton et d'un anti-proton portés à des vitesses proches de la lumière (qui ont donc accumulé une très grande énergie potentielle), on produit une gerbe de particules XE "Particules" dont la masse est des dizaines de fois celle des particules initiales.
Il s'agit de l'idée que l'esprit - ou la conscience XE "Conscience" - est diffus dans la matière et se concentre en certains points.
Ici, le problème est de savoir qui commande, et la réponse à cette question est très loin d'être évidente ! Comme les données scientifiques le laissent penser, pour toute théorie XE "Théorie" dualiste de l'être, le problème de l'intentionnalité devient fort difficile, voire impénétrable. Il existe des théories alternatives au dualisme corps/esprit, comme celle d'Edelman XE "Edelman" , mais elles cherchent encore des bases biologiques irréfutables pour s'imposer définitivement. Enjeu d'une importance considérable puisque sera alors la fin des religions telles que nous les connaissons, puisqu'elles reposent toutes sur l'idée d'un dieu maître XE "Maître" des âmes. Rappelons que le bouddhisme qui ne repose pas sur les mêmes bases, n'est pas à proprement parlé une religion.
On pourrait parler de catégories sociales ; par la suite je parlerai cependant de classe par commodité.
Ainsi, Siegfried tue un dragon, mais c'est un homme presque compatissant qui agonise sous ses yeux.
C'est bien pour cela que ces hommes, lorsqu'ils incarnent l'une des formes du pouvoir XE "Pouvoir" se déguisent, sans leur accoutrement, le plus généralement ridicule, on ne verrait rien de leur fonction supérieure. Ce sont des pitres, mais chacun fait mine de ne pas s'en apercevoir ; et c'est pour cette raison que certains tenant du pouvoir préfèrent tout simplement se cacher, ou tout au moins ne pas avoir de contact direct avec ceux sur lesquels ils assurent leur domination. La méthode moderne des bains de foule relève d'une démagogie nécessité par l'effondrement des catégories du sacré XE "Sacré" ; l'homme politique tente ainsi de faire croire, en espérant un effet métaphorique, que proximité physique vaut compréhension des problèmes, donc volonté XE "Volonté" de les résoudre.
Pour les connaisseurs, l'affaire Janès XE "Janès" , et la fourniture de matériel aux PTT de lépoque (début des années 60).
« ...Mais en même temps, réalité XE "Réalité" du non-être dont l'intuition accompagne irrémédiablement l'autre (la réalité de l'être) puisqu'il incombe à l'homme de vivre et lutter, penser et croire, garder surtout courage, sans que jamais le quitte la certitude adverse qu'il n'était pas présent autrefois sur la terre et qu'il ne le sera pas toujours, et qu'avec sa disparition inéluctable de la surface d'une planète elle aussi vouée à la mort, ses labeurs ses peines, ses joies ses espoirs et ses uvres deviendront comme s'ils n'avaient pas existé , nulle conscience XE "Conscience" n'étant plus là pour préserver fût-ce le souvenir de ces mouvements éphémères sauf, par quelques traits vite effacés d'un monde au visage désormais impassible, le constat abrogé qu'ils eurent lieu c'est-à-dire rien ».(C Lévi-Strauss, dernières lignes des mythologiques XE "Mythologiques" ). Lévi-Strauss appartenait à part entière, à la classe dominante ; A l'instar de J Monod XE "Monod" dont il partageait le pessimisme réaliste, il n'a jamais été marginalisé, car le remède, destiné alors pour empêcher que ne développe ce pessimisme propre à entraîner les hommes vers la recherche d'un destin individuel, aurait été pire que le mal.
La prohibition de l'inceste étant la plus contraignante et la moins naturelle, puisque c'est entre les membres d'un même clan que naissent les première relations affectives.
Ils ont beau jeu, puisque les textes sont la plupart du temps accessibles au public non spécialiste sous forme de traductions toujours contestables, et que las textes originaux (à linstar de ceux de Nostradamus) sont suffisamment ambigus pour qu'on puisse leur faire dire n'importe quoi, en particulier une chose et son exact contraire.
Aristote XE "Aristote" a dominé la pensée philosophique et scientifique occidentale durant presque deux millénaires.
Seuil, 1979, 1989.
Pour le chercheur scientifique, c'est par exemple obtenir le maximum de crédit de fonctionnement. Ce qui engage certains à coopérer avec l'armée alors qu'ils sont viscéralement antimilitaristes.
C'est ce qu'on appelle ce laisser prendre au jeu.
Critique de la raison pure, opus cité, page 509 et suivantes.
C'est moi qui souligne.
En fait, il existe bien un tissu épistémologique qui englobe les activités de la science, mais il ne semble pas qu'on puisse encore tirer grand chose des visions globales. La myopie considérer naguère comme un défaut, serait plutôt maintenant une qualité
L'exposition des concepts d'espace et de temps constitue, chez Kant XE "Kant" , L'esthétique transcendantale ; pour Kant, l'espace et le temps sont des intuitions pures à priori, c'est-à-dire ne devant rien à l'expérience et formant les conditions même de notre conscience XE "Conscience" (le temps), et du monde extérieur (l'espace).
En mécanique quantique XE "Quantique" , le processus de mesure ne peut pas être dissociée de la mesure (et de son résultat) elle-même. En relativité, restreinte ou générale, toute mesure dépend du référentiel de celui qui mesure. Ainsi un observateur peut voir deux événements simultanés, alors qu'un autre verra l'un précéder l'autre ou lui succéder.
Selon ce que l'on pourrait appeler le théorème de Popper XE "Popper" , la probabilité soit vraie, donc qu'elle établisse entre la réalité XE "Réalité" qu'elle veut représenter et les espaces fictifs bases de la théorie XE "Théorie" des isomorphismes parfait, tend vers 0 lorsque qu'augmentent les exigences théoriques d'adéquation. Et nous nous trouvons effectivement, avec cette théorie cosmologique faces à de très fortes exigences, les plus fortes qu'un discours scientifique puisse avoir. Mais ce n'est pas tout, comme nous allons le voir, la méthode elle-même est contestable, et certaines hypothèses sous-jacentes et rarement explicites sont également contestables.
« D'une part, l'hypothèse XE "Hypothèse" d'homogénéité implique l'existence d'un temps cosmique unique commun à tous les observateurs dans l'Univers. En effet ceux-ci peuvent (en principe) voir la même séquence d'événements se dérouler en fonction du temps (par exemple le décroissance de la température du 3K ou de la densité du fluide de galaxies XE "Galaxies" ) et utiliser cette séquence pour synchroniser leurs horloges. Notre modèle cosmologique sera donc affecté d'un temps cosmique unique ». (Chronique de l'espace-temps, Masson1994, A Mazure et al). Qu'importe si l'univers n'est homogène que très approximativement, et en particulier pas du tout aux lieux occupés par les hypothétiques observateurs. En fait c'est la fameuse radiation à 3°K, qui serait le repère absolu ; c'est aussi l'une des données expérimentales cruciales sir lesquelles se fondent les théories du Big bang. Mais n'est-ce pas trop demander à un phénomène qui pourrait peut-être s'expliquer d'autres façons ?
Pour les objets microscopiques la température est liée à une énergie caractéristique, 1ev correspond à sensiblement à 12 000K. La température ordinaire correspond donc à la très faible énergie de 1/40ev.
C'est-à-dire qu'on pose, non pas en vertu de sa crédibilité, mais parce qu'elle permet de contourner une insurmontable difficulté sans être en contradiction flagrante avec le reste de la théorie XE "Théorie" . Par exemple, le petit coup de pouce de Dieu XE "Dieu" lorsqu'on n'a plus d'argument, autre forme des desseins impénétrables.
Qui englobe les théories scientifiques et mythiques de l'origine de l'univers.
En Amérique, les créationnistes mènent contre la science un combat qui est loin d'être perdu, précisément parce que la science n'est crédible qu'auprès de ceux qui ont une information scientifique suffisante pour saisir au moins les principes de la démarche scientifique, et qui, au moins ont confiance en ses méthodes.
Mythes, rêves et mystères, page 52-53.
En relisant mon texte, je constate que j'ai totalement oublié le nom de lauteur et le contenu du livre !
Il donne à tous une magnifique leçon d'humilité avec ses célèbres opuscules La physique en questions, Vuibert, 1980. Des problèmes tout bêtes, mais sur lesquels on se casse parfois les dents. Je relaterai dans le tome II de ce travail quelques éléments de ma propre expérience, concernant la formation des enseignants.
Qu'on y trouve le germe de la pensée moderne est bien évident puisque nos connaissances se sont construites à partir de cette base. Mais au cours de son évolution XE "Evolution" la pensée, en affinant ses observations à subit, ou s'est imposé des mutations d'une telle profondeur qu'il ne reste plus grand chose des origines !
L'athéisme scientifique (et philosophique) est un phénomène très récent. La raison principale est certainement que jusqu'à une période récente, il était très dangereux d'être athée ; on risquait non seulement son statut social, si l'on avait émergé du peuple, mais sa vie. A la fin du 16é siècle, Giordano Bruno est mort sur le bûcher pour avoir simplement soutenues des théories contraire aux dogmes du catholicisme, et Galilée aurait bien pu connaître le même sort sans de puissants soutiens, en particulier du pape Urbain VIII, qui napprécia guère de se retrouver dans le Dialogue sur les deux principaux systèmes do monde, sous les traits de Simplicio.
Einstein XE "Einstein" a été influencé par la philosophie de Spinoza dans la mesure où le dieu de Spinoza, par bien des aspects n'est pas contradictoire avec la science moderne, à condition d'identifier l'ensemble des lois physiques avec la volonté XE "Volonté" de Dieu XE "Dieu" . Spinoza nous donne une définition de Dieu qui nous apporte une première indication concernant notre sujet: «Par Dieu , j'entends un être absolument parfait, c'est-à-dire une substance consistant en une infinité d'attribut, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.» (Début de l'Ethique). Pourquoi pas remplacer le mot Dieu par : « ensemble des lois qui gouvernent l'univers et qui sous-tendent la science ». Dans le Court trait : « Dieu ne peut pas s'abstenir de faire ce qu'il fait », voilà pour le déterminisme XE "Déterminisme" des lois, puis : « Il a crée toute chose si parfaite qu'elle ne peut lêtre davantage ». Voilà l'idée d'une perfection en marge de la science. Revenons à l'éthique, proposition XV : « tout ce qui est, est en Dieu, sans Dieu, ne peut ni être ni être conçu ». Einstein a toujours été de ceux qui affirmaient avec force que c'est la théorie XE "Théorie" qui définissait le fait. Ce qui est une façon d'affirmer que les choses n'existent que relativement à la science. La proposition XVII «Dieu agit daprès les seules lois de sa nature, et sans être contraint par personne », fait, en Dieu, de la science et de la nature une seule entité : la nature agissant dans le cadre de ses lois qui sont finalement celles que l'homme découvre. On pourrait poursuivre les citations justifiant les raisons qui ont permis à Einstein, archétype du savant croyant, de ne pas voir de contradiction entre l'existence d'un Dieu et les fondements de la science.
Donc dépend fortement de l'environnement du ftus et du jeune enfant.
Selon toute vraisemblance, et à constater les rapports qu'entretiennent entre elles les nations dites civilisées, les espèces intermédiaires se sont détruites mutuellement, les plus évoluées restant maîtres du terrain, jusqu'au moment où les capacités s'étant équilibrées, la recherche d'ententes l'emporte sur la volonté XE "Volonté" de destruction.
«Vu de façon idéalisée, le passage des préhominiens d'une marche à quatre pattes à la locomotion pédestre de l'homme se traduit par une série de libérations successives : celle de la tête par rapport au sol, celle de la main par rapport à la marche et, dans le même élan de verticalité, comme une cathédrale gothique libérée des lourds piliers romane, celle de la voûte crânienne par rapport au massif facial. Les remaniements osseux crânio-faciaux et le vaste espace ainsi offert s'associe à l'expansion du cerveau XE "Cerveau" qui trouve à s'y loger ». (J.D Vincent, La chair et le diable, O Jacob, 1996)
L'existence de ces entités, assemblés de neurones, affectées à des tâches déterminées, en interaction continue, entre elles, et les stimuli venant de nos sens, est postulée en particulier par Edelman XE "Edelman" (opus cité). Il est probable cependant qu'une relative stabilité est assurée par une importante redondance et la capacité qu'ont ces cartes d'être réaffectées à d'autres emplois que le leur, en cas de besoin.
Mais comment décider de ce qui sera bon ou mauvais ? Ces cartes dont le rôle est probablement essentiel dans tout ce qui est mémoire, se multiplient au cours de nos interactions avec le monde, en particulier au cours de nos efforts pour acquérir des compétences et des connaissances nouvelles. Cette ouverture à la nouveauté, que nous voulons, a bien comme but de nous faire changer. Mais comment saurions-nous, à l'avance, si ce changement nous sera favorable. La culture est finalement un risque permanent puisqu'elle peut nous entraîner à mettre notre sécurité, et parfois même notre vie, en danger.
J D Vinent (La chair et le diable), nous rappelle, et il ne s'agit sans doute pas d'une fable, car l'expérience aurait été plusieurs fois effectuée, que « Frédéric II, empereur d'Autriche [
] avait conçu de faire élever deux enfants isolés à leur naissance à l'écart de tout contact langagier pour savoir si la langue qu'ils parleraient spontanément serait l'hébreu, mère des langues, le grec ou le latin. Les enfants restèrent définitivement muets ». (Note, page 294).
Selon J D Vincent (opus cité, page 109), « R Dunbar a montré que la taille du néocortex des primates est proportionnelle à la taille de leurs groupes sociaux. » Si l'on admet, avec l'explication évolutionniste, que le développement du néocortex favorise les contacts entre les individus, on comprend ce qui a provoqué la brusque évolution XE "Evolution" de l'espèce humaine : l'augmentation du groupe provoque le développement du cortex et réciproquement. Mais dans tous les phénomènes de ce genre, des régulations interviennent nécessairement (quand elles n'interviennent pas le système s'autodétruit par emballement.
Et même plus, c'est déjà l'image du Léviathan XE "Léviathan" qui se profile, et qui fera l'objet du tome III de ce travail. J D Vincent, opus cité, page 93: « Derrière l'autre, il y a les autres, avec leur regard de colère ou leur sourire de tendresse, leurs mains qui caressent ou leurs poings qui se ferment ; derrière l'homme, il y a le monde des hommes.»
On doit imaginer que ses potentialités se développent par un contact magique avec son père spirituel, le magicien XE "Magicien" Wotan.
Job § 40-41, Psaume 7414, Isaïe 271. C'est manifestement un ennemi de Dieu XE "Dieu" ; « Ce jour là Yahvé XE "Yahvé" châtiera / de son épée dure grade et forte, / Léviathan XE "Léviathan" , le serpent fuyard / Léviathan le serpent tortueux : il tuera le dragon de la mer.» (Isaïe). Siegfried tue le dragon, mais n'échappe pour autant à la malédiction dont celui-ci a hérité.
La tempête qui apporte la pluie bienfaisante, le soleil qui dessèche mais apporte son énergie, etc.
Introduction. Il y a, du Léviathan XE "Léviathan" une version anglaise et une version latine.
Avec une ouverture sur la société tout entière bien plus grande aujourd'hui qu'hier.
Le terme est pris dans le sens très général de cité, rassemblement humain qui s'est doté d'une structure de protection.
Entre autre le président en exercice de la république française ; et sans doute d'autres républiques. Théoriquement des dispositions légales existent pour fautes graves, mais elles ne sont jamais appliquées tant les procédures sont complexes.
Le grand banditisme cherche avant tous à tourner les lois pour s'assurer de plus gros profits ; mais quand on constate que les génies du crime pourraient s'assurer d'immenses fortunes tout à fait légalement, comme un bon nombre de gangsters suffisamment malins pour contourner les lois en toute légalité, on peut penser que ceux-là ont d'autres motivations.
Naguère encore le pouvoir XE "Pouvoir" économique s'appuyait pour prospérer sur le pouvoir politique, mais il semble qu'aujourd'hui, ce soit le pouvoir politique qui soit sous la tutelle du pouvoir économique.
J D Vincent (opus cité, page 100), parle code d'éthique, règles de conduite qui permettent aux individus d'une même espèce de cohabiter dans des conditions optimales, c'est-à-dire compte tenu des difficultés inhérentes à la vie communautaire, le moins mal possible.
Certaines nations ont rendu les votes obligatoires, ce qui ne fait sans doute que renforcer le mépris pour un système, qui ne peut plus que se donner l'illusion d'être un sujet d'intérêt.
D'un milieu intelligemment athée, naissent des athées, comme d'un milieu intelligemment croyant, naissent des croyants. Par contre, de milieux bornés athées peuvent émerger des croyants, et de milieux religieusement bornés, émergent des athées. Allez donc savoir pourquoi on assiste à une montée de l'athéisme (l'engouement actuel pour le paranormal n'est pas un phénomène religieux).
Cet écueil existe depuis toujours. Par exemple, dans l'enseignement des sciences et des mathématiques XE "Mathématique" , une preuve jugée suffisante à un niveau donné, ne l'est pas à un autre niveau. Sans que l'adage qui peut le plus peut le moins ; une preuve, jugée correcte à un niveau donné peut être considérée sans valeur à un niveau inférieur, car s'appuyant sur des théorèmes qui n'ont aucun sens à ce niveau. Par exemple une démonstration algébrique faisant intervenir les nombres complexes à un niveau où ils n'ont pas encore été définis, n'a évidemment aucun sens.
Je pense à un ouvrage comme celui de J Petitot Morphogenèse du sens. (PUF, 1985)
Le seul risque est alors la mort, qui à un certain moment de la vie de celui qui s'est senti rejeté, n'est plus vraiment un problème.
C'est à ce niveau qu'intervient le jeu des cartes dont il a été question plus haut. Voir J D Vincent, opus cité, page 134 et suivantes. Quant à l'incertitude des supports physiques de ces cartes cognitives : « Les supports matériels n'en sont pas bien connus. On fait l'hypothèse XE "Hypothèse" qu'il s'agit de formes complexes construites à partir d'assemblées de neurones connectés par des synapses dont la force (ou efficacité) est modulée par des expériences vécues.» (Page 136)
Ce sont, entre autres, les mécanismes de réplication de l'ADN. Le système a cependant d'infimes ratés, entraînant les mutations, défauts insignifiants, mais qui en quelques milliards d'années ont conduit à cette drôle de substance gélatineuse qu'est le cerveau XE "Cerveau" humain où le diable (toujours selon J D Vincent) trouve enfin son terrain privilégié d'action. Je ne crois pas que J D Vincent croit au diable, mais pour un peu, il finirait par vous convaincre de sa réelle existence.
Nous construisons nos lois avec nos expériences passées, et nous savons fort bien que la passé, qui est parfaitement figé donne l'image d'un parfait déterminisme XE "Déterminisme" . R Thom XE "Thom" , partisan d'un déterminisme pur et dur dit cependant (cité par E Morin XE "E.Morin" ) : « Le passé est fixé, une fois pour toutes, mais le futur, dans une large mesure, est libre fluide.»
Excusez-moi, mais j'aime les chiffres : A une chance sur deux, il faut 1040secondes, or l'univers, avec ses 15 milliards d'années présumées a 5.1017secondes d'âge. Ce qui nous laisse un facteur de 2.1022 ! Remarquons aussi qu'un ordinateur effectuant 1000 milliards de simulation de tirages à la seconde devrait tourner durant un temps équivalent à 20 milliards de fois l'âge de l'univers.
Il existe 25 isotopes du radium, dont les périodes vont de la fraction de seconde à plusieurs années.
Voir aussi (et surtout), un univers de propensions XE "Propensions" , Edition de l'Eclat, « tiré à part », 1992 : voici quelques extraits significatifs de ce petit opuscule : «On suppose que les propensions ne sont pas de simples probabilités, mais qu'elles ont une réalité XE "Réalité" physique. Elles sont aussi réelles que les forces ou les champs de forces [...] J'avais insisté sur le fait que l'on ne devait pas regarder les propensions comme des propriétés inhérentes à un objet, un dé ou une pièce de monnaie par exemple, mais comme des propriétés inhérentes à une situation, dont l'objet en question fait naturellement partie [...] En bref, les propensions en physique sont des propriétés de la situation physique globale, voire de manière particulière dont une situation évolue. Il en va de même en chimie, en biochimie et en biologie.» (pages33, 35, 39).
Je ne prétends absolument pas respecter la pensée de Popper XE "Popper" , que je trouve assez vague, pour ce que J'en connais !
Comme par exemple définir la probabilité que j'ai, dans la semaine qui suit un grave accident de voiture, avant même que j'ai formulé un projet de voyage.
Lorsque je reste chez moi, la probabilité pour que j'ai un accident de voiture est nulle, mais si je suis conducteur, je garde une propension à avoir un accident qui existe tant que je n'ai pas renoncé à sortir de ma maison. Considérons le comportement sexuel ; en dehors de toute excitation (image, odeur, touchée) la probabilité qu'un désir violent naisse est pratiquement nulle, mais la propension, variable avec chaque individu garde une valeur généralement élevée.
Nous devons considérer la notion de responsabilité morale comme un mythe indispensable à la bonne marche de notre société ; il semble bien, en constatant l'attention, encore bien souvent théorique, que la justice porte aux délinquant dont il est manifeste qu'ils ont agi sous l'empire de pulsions irrépressibles, que les choses soient entrain de changer. Mais le chemin à parcourir est encore long et difficile !
Toute morale est ici abolie : ce qui est bon est ce qui nous permet de maintenir notre confort interne, ce qui est mauvais ce qui nous fait souffrir. Ainsi, le diable en nous, comme il sied à tous les diables dont regorgent les mythes XE "Mythes" , nous fait miroiter de fausses félicités. C'est facile pour lui, puisque à l'aide des neurotransmetteurs, en facilitant ici leur action, en la bloquant là, il peut nous faire passer en un tour de main du désir le plus violent à l'aversion la plus profonde. Trois cartes maîtresses parmi bien dautres : la dopamine, la sérotonine, et l'ocytocine.
La chair et le diable, page 275
Je n'affirme rien, car c'est seulement la lecture achevée que je me suis posé la question.
Je ne connais J D Vincent que par quelques unes de ses uvres, mais je le soupçonne quand même d'être un peu croyant ; mais qui ne l'est pas. Tout dépend de ce qu'on appelle croire.
Nos plus puissantes machines développent ou utilisent des énergies dérisoires par rapports à celles qui sont mises en jeu dans les phénomènes cosmiques les plus minimes. La complexité de nos machines les plus complexes est dérisoire par rapport à la complexité de l'usine biologique que représente une amibe.
Voir par exemple les « show » de Paul VI agonisant en septembre 1996 (aujourdhui, 6 octobre, il est passé sur le billard pour une appendicite. Ce que je dis n'enlève rien au courage de l'homme qui tient à tenir son rôle, serait-il celui d'un fantoche, jusqu'au bout.
Peut-être va-t-elle jaillir dans les lignes qui suivent
Peut-être ne vais-je pas achever cette phrase !
La flamme d'une bougie est l'archétype d'un système dynamique qui ne perdure que grâce à l'énergie qui lui est communiquée par la combustion de la mèche. Que notre cerveau XE "Cerveau" cesse d'être alimenté durant quelques minutes et c'est la mort des neurones qui s'éteignent comme de vulgaires bougies !
S'il s'agit de l'émergence XE "Emergence" d'un souvenir, il n'est jamais revécu de la même façon. La meilleure est que lorsque nous évoquons des souvenirs nous les enjolivons peu à peu, ce qui fait sourire ceux de notre entourage qui se rendent rarement compte qu'ils se comportent exactement de la même manière
Tout cela est certainement très discutable, mais c'est presque un raisonnement par l'absurde qu'il faudrait mener. Pour que la conscience XE "Conscience" agisse sur le cerveau XE "Cerveau" , il faudrait qu'une entité immatérielle communique de l'énergie ; l'admettre c'est renoncer aux axiomes XE "Axiomes" physiques les mieux établis. C'est pourtant le pas que franchit, par exemple Bergson XE "Bergson" qui tente un rétablissement en écrivant (L'énergie spirituelle, page 35): « Il est d'ailleurs bien possible que si la volonté XE "Volonté" est capable de créer de l'énergie, la quantité d'énergie créée soit trop faible pour affecter sensiblement nos appareils de mesure». Le philosophe met cependant ainsi en évidence, la difficulté de l'idée de dualité cerveau/conscience.
InterEditions, 1996
Il s'appuie pour cela sur le fameux théorème de Gödel XE "Gödel" que nous avons déjà évoqué.
Gödel XE "Gödel" a construit pour cela, à l'intérieur d'un système logique assez puissant pour fondre l'arithmétique, une proposition qui dit d'elle-même qu'elle n'est pas dérivable dans la théorie XE "Théorie" , exactement comme Epiménide affirme de lui-même qu'il ment.
Si on examine attentivement l'antinomie du menteur, lorsque celui-ci dit : je mens, on constate qu'il suffit, pour lever le paradoxe XE "Paradoxe" , de considérer le « je » comme un « il » ; Autrement dit que le menteur prenne un point de vue sur lui-même, exactement comme lorsque l'on a commis une gaffe on se dit à soi-même, « Quel imbécile je fais». Et c'est peut-être ce que ne peut pas faire une machine, qui est un système fermé ne pouvant se voir entrain de fonctionner. La machine écrit : soit A la proposition « la proposition A est fausse», et elle est prise à un piège dont elle ne peut sortir. Pour éviter ce genre de piège, la logique est construite de façon à ce qu'aucune définition circulaire ne puisse être posée. Une ne doit pas s'utiliser pour se définir. Il n'en reste pas moins que si l'on veut construire un système totalement fermé sur lui-même, le système doit avoir les capacités internes de se créer ; autrement dit est bien obligé de parler de lui-même. D'où le théorème de Gödel XE "Gödel" .
A titre personnel, et comme beaucoup de personnes s'intéressant à la mathématique longuement méditée sur les paradoxes de l'infini ; j'ai le sentiment que lorsque la situation devient périlleuse lesprit abandonne la partie en fuyant un état de conscience XE "Conscience" devenu insupportable. Alors la grande différence entre un ordinateur et notre cerveau XE "Cerveau" n'est-elle pas la capacité de ce dernier d'éteindre lui-même l'appareil qu'il est ?
Il existe de nombreux cas où des mathématiciens ont découvert de grands théorèmes, donc des vérités mathématiques XE "Mathématique" tout en en donnant des démonstrations fausses, ou au moins notoirement insuffisantes.
J'ai le souvenir très vif d'un camarade de classe, jugé mauvais élève en mathématiques XE "Mathématique" par les professeurs, mais dont j'étais, moi bon élève, terriblement jaloux, car lui trouvait la solution de problèmes de géométrie avec une dérisoire facilité, là où il me fallait faire de cruels efforts. Mais comme ce garçon était incapable de rédiger correctement une solution, il avait continuellement des mauvaises notes.
Marc Augé, dans la 321e conférence de l'université de tous les savoirs, cite D.Rothkoff : « Il y va de l'intérêt économique et politique des Etats-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l'anglais ; que s'il s'oriente vers des normes communes en matière de communication, de sécurité et de qualité, les normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, les programmes soient américains ; et que, si s'élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les américains se reconnaissent ». On ne peut être plus clair : ce que vont rechercher les américains, c'est la domination de la planète dans tous les domaines.
Il faut quand même remarquer que pour les grecs la partition de la société en maîtres et en esclaves était chose naturelle, et ne choquait en aucune manière les plus brillants esprits comme Platon et Aristote
Qui forme les formateurs ? En fait des gens qui, promoteurs des méthodes nouvelles n'ont pas la plupart du temps d'expérience pédagogique. Je reviendrais sur ce point un peu plus bas en illustrant mes propos avec la réforme ratée de l'enseignement des mathématiques, expérience que j'ai vécu de très près.
J'ai été incorporé dans les parachutistes d'outre-mer, le 2é RPIMA, les durs de durs, ceux d'Indochine. Bigeard commandait le 3é .
Elle pèsera particulièrement lourd lors de mon retour en France. Je rentre d'Algérie le 22 décembre 1961. Tempête durant la traversée. Je n'ai pas dormi depuis deux nuits, et nous devons dès la descente du bateau parcourir au pas de course les 1500m qui nous sépare du train, en gare de Marseille qui doit nous ramener à Paris. Le gouvernement de l'époque craint les manifestations, et nous effectuons ce parcours entre deux rangées de CRS menaçant de leur matraque les traînards. Tiens, un dernier détail ; nous devons arriver à la gare d'Austerlitz, où nos familles nous attendent. Mais au dernier moment le train est détourné vers la gare de Lyon. Les familles attendent en vain personne ne viendra les prévenir. Harassé de fatigue, comme mes camarades, nous sommes bons pour le métro, les trains de banlieue. Merci la patrie reconnaissante.
Une anecdotique amusante : j'ai parcouru des centaines de kilomètres dans la campagne algérienne sans jamais être inquiété. Mais en m'entraînant, en France, en forêt de Taverny, un policier en civile à déchargé sur moi son revolver, en prétendant qu'il m'avait surpris entrain de roder autour d'une voiture piège (il y avait à cette époque pas de vol dans cette forêt. L'enquête a prouvé que compte tenu de la topographie des lieux, et contrairement à l'affirmation du flic, celui-ci m'avait bien visé en plein corps. Croyant avoir à faire à un cinglé j'avais jugé plus prudent de prendre la fuite au moment de la rencontre. Une course rapide, négociée en zigzag. J'avais vaguement reconnu entre les mains du cinglé une arme de petit calibre, un 7.65 probablement. J'ai porté plainte, mais on m'a aimablement fait comprendre qu'une action en justice ne pouvait que me causer de sérieux ennuis. J'étais jeune marié, bientôt père, j'ai lâchement laissé tombé. Décidément la patrie ne se montrait guère reconnaissante ; et les choses n'allaient pas s'arranger, mais c'est une autre histoire !
Hachette, 1987.
Le compte-rendu se trouve dans Théories du langage, Théories de l'apprentissage, Points seuil, 1978.
Au siècle dernier, un roi ou un empereur avait fait mener une curieuse expérience à des psychologues. Ce brave monarque voulait démontrer que la langue de Dieu était le sanscrit. Un enfant fut donc élevé sans contact verbal avec quiconque. Normalement l'enfant aurait du alors parler spontanément le sanscrit. En fait l'enfant resta muet, incapable par la suite de parler un seul langage. Les zones cérébrales concernant le langage, en l'absence de toutes sollicitations avaient dégénérées.
Nous y reviendrons bientôt. La logique mathématique élémentaire est bivalente, c'est-à-dire ne connaît que le Vrai et le Faux, et l'usage des quantificateurs ; «il existe un objet x tel que A, soit (xA (la proposition est vraie sil existe un objet possédant cette proposition), tous les objets x sont tels que A, A étant une propriété que peut posséder ou non l'objet x, soit (xA( (la proposition est vraie si tous les objets possèdent la propriété A).Mais on définit des trivalentes, multivalentes, des logiques XE "Logique" modales avec les notions de nécessité, de possibilité, et de contingence. Ces logiques sont aussi sous-jacentes au langage quotidien, mais ne sont pas à la base du raisonnement proprement dit. La catégorie du possible, par exemple ne permet que des déductions par définition incertaines, la notion de nécessité n'ajoute rien au définitions du vrai et du faux : dire d'une proposition qu'elle est nécessairement fausse, c'est dire qu'elle est fausse, même chose pour le vrai. Les mathématiques dans leur démarche déductive ne connaissent qu'une logique, mais il est bien évident que le langage courant nécessite une souplesse que lui donne l'utilisation la plupart du temps implicite de toutes les formes de logique. Ainsi une affirmation est tenue généralement pour, soit vraie, soit fausse, soit incertaine, ce qui nous donne une logique trivalente.
Il y a la cas exceptionnel de Wittgenstein qui a échoué lamentablement lorsque pour approfondir ses thèses sur la connaissance à été instituteur durant, trois, il me semble.
Je pense en particulier à Schwartz et Lichnerovicz. Voulant écrire qu'ils étaient parmi les plus grands mathématiciens du siècle, j'ai vérifié s'ils avaient connu le troisième millénaire. En fait, ils ont disparus respectivement en 2002 et 1998. Je ne prête qu'une attention limitée aux informations, sachant quelles n'ont pas de rapport avec l'importance réelle des événements. Je n'ai pas le souvenir que la mort des ces deux grands savants aient été évoquées. Sans doute ces jours là, Zidane, ou un individu de son importance médiatique avait eu un petit problème.
J'ai entendu dire que Schwartz enseignait en propédeutique dans le but de trier quelques surdoués qui puissent ensuite devenir pour lui des assistants de valeurs. En 1968, bien qu'engagé à l'extrême gauche Schwartz à été conspué, devant mon étonnement c'est la réponse qui m'a été donnée.
A charge égale, un agrégé gagne deux à trois fois plus que ses collègues qui enseignent au même niveau. On va m'accuser de régler des comptes, mais jaffirme quen trente cinq d'années de carrière, les agrégés, imbus de leur personne réussissaient plutôt moins bien que leurs collègues souvent bien plus proches des difficultés des élèves. Le fait que des agrégés (j'ignore ce qui se passe maintenant, mais c'était vrai voilà encore dix ans) puissent continuer à enseigner dans le premier cycle, était scandaleux ; sans doute ces prof étaient-ils en mesure de construire des cours parfaits, mais la plupart du temps incompréhensibles au élèves. Je me permets ici une petite anecdote. Nous sommes au début des années 70, et je donne des cours particuliers à une élève de première S ; il est convenu avec la mère que je me borne à faire des exercices, l'adolescente est une élève sérieuse et suit convenablement les cours. Un jour cependant l'élève me demande de lui refaire le cours. Mes souvenirs sont précis ; il s'agit de présenter la notion d'espaces vectoriels. Ce n'est guère difficile, car à ce niveau d'étude l'élève à déjà rencontré la notion, mais d'une façon implicite. Justification de la gamine : notre prof passait son épreuve orale du CAPES (pour devenir professeur certifié), il y avait un inspecteur et il a été obligé (le prof lui-même avait prévenu les élèves), de faire le cours comme on lui avait demandé de le faire durant ses cours de formation. Comme me confiait un agrégé de math au début de ma carrière : « Je ne refais jamais mes cours, même si les élèves n'ont rien compris, car ils sont parfaits ». Comme ceux du prof dont les élèves passant le BEPC, navaient pas compris le premier mot de ce qui leur était enseigné.
Cette main invisible XE "main invisible" me remet en mémoire un épisode des aventures de Zadig. Au cours de son vagabondage, celui-ci rencontre un ermite à la barbe blanche, avec qui il poursuit son chemin. Un soir, l'asile leur est offert par un hôte raffiné qui les comble d'attention. Le lendemain, l'ermite retrouve Zadig de très bonne heure et lui déclare vouloir remercier leur hôte du chaleureux accueil qu'ils ont reçu. Puis saisissant une torche il met le feu à la maison dont il ne reste aussitôt qu'un tas de cendre. Scandalisé, mais subjugué, Zadig continu son chemin avec l'ermite et le soir venu, ils sont hébergés chez une « veuve charitable et vertueuse qui avait un neveu de quatorze ans, plein d'agréments et son unique espérance »... Le jeune neveu raccompagne les deux compères pour leur éviter les embûches d'un pont chancelant : « venez », dit l'ermite « il faut que je marque ma reconnaissance à votre tante ». Il saisit alors l'adolescent par les cheveux et le précipite dans la rivière. « O monstre ! O le plus scélérat de tous les hommes ! S'écrit Zadig(. Et l'ermite de répliquer : « Vous m'aviez promis plus de patience, apprenez que sous les ruines de la maison où la providence a mis le feu, le maître a trouvé un immense trésor, apprenez que le jeune homme, dont la providence a tordu le cou, aurait assassiné sa tante dans un an ». Puis l'ermite se métamorphose, il est l'ange Jesrad, envoyé de Dieu. Etonnant de la part du libre penseur qu'était sensé être Voltaire ; mais là n'est pas la question. On trouve ici le maître argument de tous les mystificateurs de l'humanité : vous pensez que nous agissons mal, mais en fait la souffrance que nous vous infligeons apportera le bien... plus tard ! La version moderne de la maison incendiée est la suivante : le propriétaire périt dans les flammes ainsi que ses héritiers ; un promoteur achète la ruine et les terres qui l'entourent pour une bouchée de pain. Il y construit un immense complexe de maisons d'hôtel et de commerces et réalise ainsi une colossale fortune. Et tout cela grâce à la main invisible.
La situation semble actuellement se dégrader, mais la faute en incombe à la formation des maîtres qui ne semble plus adaptée à la situation. Mais je ne juge pas nécessairement en connaissance de cause n'ayant plus de contacts directs avec les milieux enseignement. Je me borne donc à répéter ce que j'entends dire.
J'ai eu une collègue, agrégée de lettre classique et néanmoins à demi folle, se lamenter de devoir commencer par désapprendre à ses élèves le peu qu'ils savaient de latin ou de grec, car elle ne voulait pas construire sur de mauvaises bases. Elle avait présenté une thèse de doctorat, un joli pavé de plus de mille page sur un vague auteur présocratique qu'elle avait tenu à sortir de l'ombre. Dans le métro, un collègue lui suggère de condenser sa thèse pour la rendre plus abordable, et qui sait, ne pas rejoindre les dizaines de milliers d'ouvrage qui pourrissent dans les caves des universités. Elle s'écria alors : « Comment, vous voudriez que je me prostituasse ! », semant un léger trouble parmi les voyageurs.
Cette institutrice est ma propre femme.
J'ai sur la question un souvenir amusant d'Algérie. Il y avait à Blida une unité de maîtres chiens. Les animaux étaient généralement des Bergers allemands dont la formation coûtait très cher. J'appartenais à l'époque à un groupe d'intervention, et nous faisions pas mal de patrouille de nuit. Nombreux sont ceux qui ont péris dans des embuscades et nous demandions souvent des chiens de combat qui tombaient en arrêt si un danger était détecté. Un jour, lassé de nos demandes répétées l'adjudant responsable du chenil refusa de laisser partir ses animaux : « Faites faire les patrouille par des appelés, on en a tant qu'on veut, et s'ils se font buter ça coûte moins cher qu'un chien (. Ce qui était tout à fait exact, car l'armée soucieuse des deniers de l'état, n'envoyait en mission dangereuse des militaires qui auraient pu coûter très cher en pension pour veuve et enfants. Un appelé célibataire ne coûtait effectivement rien qu'une médaille militaire et éventuellement une légion d'honneur. De toute façon, si la famille voulait la médaille comme colifichet, il fallait la payer.
Il ne faut oublier non plus que ce pays, soucieux de la liberté des peuples a aidé les dictatures XE "dictature" les plus sanguinaires, comme celle des généraux argentins. Une gâterie qu'Hitler n'a pas utilisée et qui était monnaie courante en Argentine était de jeter les condamnés, c'est-à-dire les opposants au système, d'un avion. Il faut dire que les alliés ayant totalement détruit l'aviation allemande, ce jeu innocent n'était pas à la portée des tenants d'une humanité forte et sans défaut.
Mémoires d'Einstein.
On raconte l'anecdote, fausse, du polytechnicien à qui on demande d'étudier le mouvement d'une automobile sur une trajectoire rectiligne et sans dénivellation, sans tenir compte des frottements et de la résistance de l'air. Soit un problème du niveau de cinquième. Notre savant considère un véhicule de n roues, circulant sur un trajectoire quelconque dans un espace à p dimensions, fait 300 pages de calculs, puis pose n=4, suppose la trajectoire rectiligne, uniforme, dans un espace euclidien de dimension p=3.
Cet éminent scientifique a eu à cette époque la fâcheuse idée de faire un exposé devant des professeurs d'une université soviétique. A la fin l'un des ses derniers devant esquisser une réponse critique a simplement déclaré : « Votre exposé comprend deux parties : la première est un tissu de banalités vieilles de vingt ans, la seconde est une vision erronée de la question ». Ce que notre homme savait pertinemment, si bien qu'il ne fut nullement ébranlé par ce jugement.
A sa décharge il faut dire qu'il a opté pour une carrière administrative, ne se sentant pas de dispositions particulières pour la recherche. Dans le fond s'était un comportement bien plus honnête que celui de ceux, et ils sont nombreux, qui sévissent dans les organismes de recherche, non seulement sans rien trouver, mais sans même chercher.
J'ai connu deux cas où le système a donné la possibilité à des hommes, perdus sans cela, de trouver une place : l'un, brillant ingénieur a été victime d'un jeu vraiment dans l'atelier dont il était responsable, il y avait une longue tige de bakélite beige permettant de replacer sans risque des câbles électriques à 30 000V. Des garçons facétieux ont peint une tige métallique de la même couleur. Un comma profond, puis un réveil sans dommages irréversibles au cerveau. Nous lui avions donné le surnom amical de baise-mouche, mais je ne sais pas pourquoi. Le second surnommé Pingoup's, de pingouin, pour son étrange démarche, avait, toujours après de brillantes études, été victime d'une méningite.
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