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Conférence ou atelier n°x du lundi y août 2005 - Académie de ...

et pour ce qui concerne l'adjectif correspondant « Relatif à la science du calcul, à l'étude des grandeurs, à l'examen logique des relations qui existent ou qui ..... les commentaires qui les concernent dans « Mathématiques au fil des âges », pour terminer par la définition axiomatique des nombres réels proposée par Hilbert ...




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oppement de “l’intelligence du calcul” ?).
Dans cette intervention, j’aborderai rapidement les deux premiers aspects, puis de manière plus approfondie les deux derniers. Du point de vue mathématique, on peut théoriser d’une part la notion de grandeur mesurable et d’autre part “l’algèbre des grandeurs”, en relation avec l’algèbre linéaire, même si ces théories sont peu connues : j’en donnerai un aperçu, suffisant pour satisfaire les besoins légitimes des professeurs en la matière. Du point de vue didactique, j’évoquerai l’enseignement dans plusieurs pays européens où le calcul avec unités est pratiqué, mais surtout, je montrerai à l’aide d’exemples l’intérêt d’une modélisation en termes de grandeurs comme étape intermédiaire (et en bien des cas suffisante) entre les situations mathématiques ou extra - mathématiques à étudier (par exemple une situation de proportionnalité entre deux ou plusieurs grandeurs) et le modèle mathématique qui permet d’unifier toutes ces modélisations (ici, en terme de fonctions numériques linéaires ou multilinéaires)

Définition du mot « mathématique » dans le dictionnaire

L’examen d’un dictionnaire courant est un bon indice pour mesurer l’écart entre les définitions courantes d’un mot et ses emplois plus spécialisés. Une telle consultation donne la définition suivante à propos du nom “mathématique”: « Science qui a pour objet la mesure et les propriétés des grandeurs. », et pour ce qui concerne l’adjectif correspondant « Relatif à la science du calcul, à l’étude des grandeurs, à l’examen logique des relations qui existent ou qui peuvent exister entre les éléments d’un ou plusieurs ensembles. ». Dans la première définition, et dans une moindre mesure dans la seconde, les grandeurs tiennent une place importante, alors que dans les mathématiques savantes comme dans les mathématiques enseignées, cette place fluctue avec le temps. Les paragraphes 2 et 3 ont précisément comme but de mettre en évidence les grandes étapes de la vie des grandeurs dans ces deux domaines d’activité mathématique. Le fil directeur de cet exposé est tendu entre les influences successives des travaux de trois mathématiciens : Euclide, Grassmann et Whitney. Dans ses Eléments, Euclide (environ 330 avant J.C. - environ 275 avant J. C.) consacre entièrement le Livre V aux grandeurs, et fournit ainsi la première théorie sur ce domaine. Grassmann (1805 - 1877) publie en 1844 « La science de la grandeur extensive », œuvre dans laquelle il reconstruit une théorie des grandeurs et en même temps contribue de manière essentielle à l’élaboration de l’algèbre linéaire. Quant à Whitney (1907 – 1989), il a élaboré en 1968 une théorie des grandeurs dans laquelle les nombres et les grandeurs sont construits en parallèle, permettant de traiter d’un point de vue contemporain les questions relevant de l’analyse dimensionnelle.
Les grandeurs dans l’histoire des mathématiques : quelques éléments

Les grandeurs chez Euclide
Les extraits suivants de l’ouvrage « Mathématiques au fil des âges » (Gauthier - Villars, 1987) reprennent les commentaires des auteurs sur les Éléments d’Euclide : ils permettent de pointer les aspects saillants de la théorie euclidienne des grandeurs.
« Euclide ne définit pas précisément ce qu’il entend par grandeur. La théorie construite ne dépend pas du genre particulier des grandeurs considérées, qui peuvent être des longueurs, des surfaces, des poids, etc., et c’est ce qui en assure l’universalité. Des grandeurs homogènes, c’est-à-dire du même genre, peuvent s’ajouter et se comparer. Les “notions communes” fixent les règles opératoires : si A = B et B = C, alors A = C ; si A = B, alors A + C = B + C ; si A = B, alors 2A = 2B, etc. En outre, au livre V, Euclide admet implicitement que l’on peut diviser toute grandeur par un entier. […] La définition 5 restreint encore les grandeurs auxquelles s’attachent ce livre. Il s’agit de grandeurs vérifiant la propriété connue sous le nom d’Eudoxe - Archimède. […] Vient la célèbre définition 6. Elle ne définit pas une raison de grandeurs, mais l’égalité de deux raisons, c’est-à-dire une classe d’équivalence entre deux couples de grandeurs. C’est la relation d’égalité, dirions-nous aujourd’hui, qui définit les classes d’équivalence des raisons égales.
En langage moderne, étant données quatre grandeurs A, B et C, D rangées par couples, la définition 6 stipule qu’il y a égalité de raison, ou proportion, si et seulement si, pour tout couple (m, n) d’entiers naturels non nuls, on a, selon les trois cas possibles :
nA > mB et nC > mD
ou bien nA = mB et nC = mD
ou bien nA < mB et nC < mD.
Si on utilise la notation  INCORPORER Equation.3  (totalement absente dans le livre V), on traduit ceci en disant que :
 INCORPORER Equation.3 
si, pour tout couple (m, n) de nombres entiers naturels non nuls,
 INCORPORER Equation.3 
[…] Une raison est alors un rapport  INCORPORER Equation.3 . L’idée remarquable est donc de définir toutes les raisons  INCORPORER Equation.3 , qui ne sont pas nécessairement des rapports d’entiers, par séparation au moyen des seuls quotients d’entiers naturels de la forme  INCORPORER Equation.3 . ».
La notation  INCORPORER Equation.3 , absente du livre V en ce qui concerne les raisons entre grandeurs, l’est également au livre VII pour les quotients  INCORPORER Equation.3  d’entiers. Mais il existe une grande différence entre raison et quotient, comme le met en évidence le commentaire suivant, tiré du même ouvrage que précédemment, et rédigé en langage moderne.
« Au Livre VII consacré à l’arithmétique, Euclide montre que l’égalité de deux quotients d’entiers m/n et p/q se vérifie par l’égalité des produits des extrêmes et des moyens : mq = np. […]. Une telle procédure est inutilisable dès le Livre V, pour des grandeurs continues quelconques, d’autant plus qu’Euclide n’envisage pas le produit de deux grandeurs. Comme les entiers ne sont pas toujours divisibles, le calcul développé au livre VII est indépendant du livre V […].
Avec la construction eudoxienne, les raisons, c’est-à-dire les rapports de grandeurs de même genre, mais a priori quelconques, remplaçaient en les étendant les seuls rapports d’entiers. Du coup, on peut distinguer les raisons commensurables et incommensurables. Les raisons commensurables A/B sont celles pour lesquelles il existe une grandeur C (quelconque) et deux entiers naturels m et n tels que A, B, nC, mC forment une proportion. La raison définie par nC et mC ne dépend pas de cette grandeur C. ».
Même si les raisons sous certains aspects étendent les rapports d’entiers, elles n’ont pas chez Euclide la même puissance calculatoire :
« Bien qu’Euclide compare les raisons, il ne leur donne pourtant pas le statut d’objets mathématiques indépendants sur lesquels on connaît deux opérations. Il n’est donc pas question de les faire entrer dans un cadre analogue à celui des nombres entiers ou des fractions. On ne trouve pas définies chez Euclide en toute généralité des opérations comme l’addition ou la multiplication des raisons. ».
Le calcul sur les raisons est remplacé par un calcul sur les égalités de raisons, c’est-à-dire sur les proportions, comme en témoigne ce commentaire, lui aussi rédigé en langage moderne :
« En revanche, d’autres opérations sont mises en évidence : ce sont les règles de manipulation des proportions. Par exemple,  INCORPORER Equation.3 .
Ces règles font l’objet des propositions finales du livre V et seront retenues par cœur dans toute la tradition médiévale, sans utilisation de l’écriture avec barre de fraction, mais avec le balancement rythmique : A est à B ce que C est à D.
[…] Le traitement séparé des rapports de grandeurs (des raisons) et des rapports d’entiers (fractions) est tout à fait conforme à la pensée grecque. »,
pensée que ce dernier extrait permet de mieux appréhender :
« Pour mieux comprendre ce qui a tant retenu les mathématiciens de considérer les raisons comme des nombres susceptibles d’addition et de multiplication, [on peut noter que] les rapports irrationnels paraissaient fondamentalement liés à des considérations sur l’infini. […] Or l’infini avait fait l’objet de paradoxes éclatants, les paradoxes de Zénon. ».

Les grandeurs chez Viète
Les commentaires qui suivent sont traduits de l’ouvrage de I. Bashmakova et G.  Smirnova intitulé « The beginnings & evolution of algebra ».
Viète adopte le principe de base des géomètres grecs selon lequel on ne peut additionner, soustraire et prendre le rapport que pour des grandeurs homogènes (de même espèce). En cohérence avec ce principe, il divise les grandeurs en “espèces” : la première espèce est constituée par les “longueurs”, c’est-à-dire des grandeurs à une dimension. Le produit de deux grandeurs de première espèce appartient aux grandeurs de deuxième espèce, constitué des “grandeurs planes” ou “carrés”, et ainsi de suite. En termes modernes, le domaine V des grandeurs considéré par Viète pourrait être décrit comme suit :
V =  INCORPORER Equation.3 
où R+(k) est le domaine des grandeurs de dimension k (k entier naturel non nul). Dans chaque domaine R+(k) on peut effectuer l’addition de deux grandeurs, la soustraction à une grandeur d une grandeur plus petite, et le rapport de deux grandeurs.
"  Si að appartient à R+(k) et si bð appartient à R+(l), alors il existe une grandeur gð égale au produit aðbð et aðbð appartient à R+(k+l).
" Si k > l, il existe une grandeur dð égale au quotient de að par bð et dð appartient à R+(k l).
Après avoir construit cette échelle de grandeurs, Viète propose de désigner les grandeurs inconnues par les voyelles A, E, I, O & et les grandeurs connues par les consonnes B, C, D, & De plus, à la droite de la lettre désignant une grandeur, il place un symbole désignant son espèce. Ainsi, si B appartient à R+(2) , il écrit Bplano, et si une inconnue A appartient à R+(2) , il écrit Aquad. De même, les grandeurs de R+(3) sont accompagnées des symboles solidus ou cubus, et celles de R+(4) de plano-planum ou quadrato-quadratum, et ainsi de suite. Ainsi l’équation que nous notons aujourd’hui : x3 + 3bx = 2c3 était notée par Viète : Acubus + Bplano3inA æquari Zsolido2.
Comme le remarquent les auteurs de l’ouvrage « Une histoire des mathématiques. Routes et dédales »,Viète oppose la logistica speciosa (calcul sur les espèces, c’est-à-dire les grandeurs) à la logistica numerosa antérieure. Seule la première est l’algèbre, méthode pour opérer sur des espèces, des classes de choses. Ainsi l’algèbre pour Viète est essentiellement une algèbre des grandeurs, ce que la vulgarisation de son œuvre met fort mal en évidence.
Stevin, puis Descartes : la numérisation des raisons
Comme précédemment, les extraits suivants de l’ouvrage « Mathématiques au fil des âges » (Gauthier - Villars, 1987) reprennent les commentaires des auteurs sur les apports essentiels des deux mathématiciens en question.
« Tout le Moyen Âge arabe ou européen cherchera à apprivoiser une numérisation des raisons. […] Mais dans la mesure où l’on ne savait pas rendre compte d’une telle numérisation par une procédure théorique ayant la netteté de celle d’Euclide, il restait dans la pratique des mathématiciens exigeants, une profonde différence de nature opératoire entre des quantités comme 1, 3, 5/3, "2 ou À. Cette différence est balayée d un coup par Simon Stevin à la fin du XVIe siècle. Chez Stevin, il n y a guère de fondement théorique, ou plutôt la justification est viciée. ».

« René Descartes garde la même pratique des nombres que Simon Stevin et identifie nombres (avec leurs propriétés opératoires) et raisons ; il considère que la justification de cette équivalence repose sur la géométrie. En effet, d’une part, on obtient toutes les raisons en se contentant d’étudier les seuls rapports de longueurs géométriques […]. En outre, cette lecture identifie un nombre à un rapport de longueurs, la seconde longueur pouvant être prise comme unité. D’autre part, toutes les opérations sur les raisons et les propriétés de celles-ci sont démontrables grâce aux constructions géométriques, en particulier pour la multiplication. ».
« L explication géométrique, reposant sur le théorème de Thalès, est très simple. On porte l unité en A sur une droite Dð à partir d une origine O ; on a deux raisons x et y, disons les rapports de deux longueurs à l unité. Il s agit de définir le produit xy. On construit B de façon à ce que  INCORPORER Equation.3 . On construit de même C sur une autre droite Dð( passant par O, en ayant choisi une unité sur Dð(. Le produit xy se lit à l intersection de Dð( et de la parallèle menée de B à la droite joignant A et C. Nombres et raisons sont identifiés (moyennant le choix d unités). ».
Cette identification si productive ne va pas de soi dans l enseignement, comme en témoignent les difficultés de nombreux élèves avec la « droite numérique » : ils ont du mal à concevoir l’abscisse d’un point M comme le rapport de la longueur du segment [OM] à la longueur du segment “unité” [OI], autrement dit comme la mesure de la longueur du segment [OM] quand on prend la longueur du segment [OI] comme unité. Cette formulation en termes de mesure (considérée souvent comme plus accessible aux élèves) masque le rapport de longueurs qu’elle convoque implicitement.
Ce rôle prédominant accordée aux longueurs et donc à la géométrie va se maintenir longtemps :
« En se restreignant ainsi aux longueurs, et à leurs rapports pour numériser les raisons, Descartes abolit l’universalité algébrique du Livre V d’Euclide, indépendante de la nature des grandeurs, et instaure une organisation des mathématiques fondée sur la géométrie. Ce n’est qu’à partir de Gauss que l’on remettra cette architecture en question. ».

Whitney (1968) remarque que la pratique commune consistant à prendre R ou R+ comme modèle pour le mesurage d’une grandeur a un désavantage : ce modèle contient un nombre spécifique, le nombre 1, et il n’y a aucun moyen naturel de mettre ce nombre en correspondance avec une grandeur précise. Il construit un modèle L plus naturel (appelé “ray” sur lequel R+ opère) dont les éléments sont eux - mêmes des longueurs. Si on choisit une longueur l0 dans L, et si on compare d’autres longueurs avec elle, on peut appeler l0 notre “unité” : cela sert seulement à nous rappeler que l0 est considérée comme fixée pendant un certain temps. Par exemple, on peut considérer les longueurs 5l0 , 7l0. Si on veut raccourcir nos notations, et appeler ces longueurs 5 ; 7, alors on remplace L par R+. On peut alors dire “la longueur 5 signifie en réalité la longueur 5l0”. Si on veut “changer d’unité”, par exemple passer de pied (ft)à pouce (in), alors pour tout a de R+, a ft = 12a in, on remplace “la longueur a” par “la longueur 12a”. Si un quelconque problème se pose avec les unités, ils sont aussitôt résolus en retournant à la phrase explicite “a ft”.
Alors qu’on dispose dans l’enseignement de notations pour désigner les ensembles de nombres, il n’en est pas de même pour la désignation de la grandeur “longueur”, qui ne peut donc guère être convoquée que dans le registre de l’oral. Cette absence est la contrepartie didactique de l’étape décrite dans le paragraphe suivant.
Décadence des grandeurs : le passage à l’axiomatisation à la fin du XIXe siècle et à la notion de structure
Cette étape est difficile à résumer, car elle concerne ce qu’il est convenu d’appeler l’arithmétisation de l’analyse, à travers la question de la construction de l’ensemble des nombres réels.
Les commentaires tirés de « Mathématiques au fil des âges » éclairent les raisons de ce changement d’orientation :
« La numérisation des raisons opérée par Descartes passe nécessairement par la géométrie et elle paraîtra paradoxale, une fois le primat de la géométrie remis en cause au début du XIXe siècle. Une autre démarche passe par l’algèbre ; elle est nécessairement embarrassée, puisque le tour de passe-passe consiste à identifier une raison de deux grandeurs A et B à une fraction, notée sans remords A/B, comme si A et B étaient deux nombres entiers. […] Avant la seconde moitié du XIXe siècle, il n’y aura pas de clarification du statut des raisons ou des nombres dits réels permettant de repérer les points d’une droite. C’est alors que, simultanément, plusieurs mathématiciens, principalement Cantor et Dedekind, proposent quelque chose de nouveau, à savoir la construction des nombres réels à partir des seuls nombres entiers. Et, du coup, ils indiquent une propriété limite, essentielle, des nombres réels : si l’on prend une infinité de segments non vides, emboîtés les uns dans les autres, leur intersection contient au moins un point. C’est une propriété nécessaire pour la bonne marche de la méthode de dichotomie à l’œuvre dès les mathématiques grecques, mais elle a été passée sous silence tant elle paraissait évidente sous cette forme géométrique. […] La propriété des segments emboîtés est remplacée par une propriété des coupures, qui lui est d’ailleurs équivalente. ».
Les travaux de Dedekind évoqués ci-dessus datent de 1858, et dans sa préface de son ouvrage intitulé « Continuité et nombres irrationnels », publié en 1872, il précise :
« Les considérations qui font l’objet de ce court essai datent de l’automne 1858. Je me trouvais alors, en tant que professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, obligé pour la première fois d’exposer les éléments du calcul différentiel et je ressentis à cette occasion, plus vivement encore qu’auparavant, combien l’arithmétique manque d’un fondement véritablement scientifique. A propos du concept de grandeur variable qui tend vers une valeur limite fixe et notamment pour prouver le théorème que toute grandeur qui croît constamment, mais non au-delà de toute limite, doit nécessairement tendre vers une valeur limite, je cherchai refuge dans les évidences géométriques. Maintenant encore, admettre ainsi l’intuition géométrique dans le premier enseignement du calcul différentiel me semble, du point de vue didactique, extraordinairement utile, indispensable même, si l’on ne veut pas perdre trop de temps. Mais, personne ne le niera, cette façon d’introduire au calcul différentiel ne peut aucunement prétendre avoir un caractère scientifique. Mon sentiment d’insatisfaction était alors si puissant que je pris la ferme décision de réfléchir jusqu’à ce que j’aie trouvé un fondement purement arithmétique et parfaitement rigoureux des principes de l’analyse infinitésimale. »
Dedekind suppose connu le développement de l’arithmétique des nombres rationnels. Ce travail a déjà été réalisé, comme en témoignent les « Éléments d’histoire des mathématiques » de Bourbaki (Masson, 1984) :
« Les premiers efforts pour rapprocher l’Arithmétique de l’Analyse portèrent d’abord sur les nombres rationnels et sont dus à Martin Ohm (1822) ; ils furent repris par plusieurs auteurs, notamment Grassmann, Hankel et Weierstrass (dans ses cours non publiés) ; c’est à ce dernier que paraît due l’idée d’obtenir un “modèle” des nombres rationnels positifs ou des nombres entiers négatifs en considérant des classes de couples d’entiers naturels. »
qui précisent plus loin :
« Mais le pas le plus important reste à faire, à savoir trouver un “modèle” des nombres irrationnels dans la théorie des nombres rationnels ; vers 1870, c’était devenu un problème urgent, vu la nécessité, après la découverte des phénomènes “pathologiques” en Analyse, d’éliminer toute trace d’intuition géométrique et de la notion vague de “grandeur” dans la définition des nombres réels. »
Le rôle de la mise à distance des grandeurs ne se limite pas à la question des nombres réels et accompagne le mouvement de l’axiomatisation et des structures :
« Hankel (en 1867), inaugurant l’axiomatisation de l’algèbre, défend une mathématique “purement intellectuelle, une pure théorie des formes, qui a pour objet, non la combinaison des grandeurs, ou de leurs images, les nombres, mais des choses de la pensée auxquelles il peut correspondre des objets ou des relations effectives, bien qu’une telle correspondance ne soit pas nécessaire.”.».
Revenons aux travaux de Dedekind et Cantor, à travers les commentaires qui les concernent dans « Mathématiques au fil des âges », pour terminer par la définition axiomatique des nombres réels proposée par Hilbert en 1899.
« Dedekind montre alors que, sur l’ensemble des nombres réels, la construction analogue à celle qu’il vient d’opérer sur les nombres rationnels, c’est-à-dire la construction des coupures, redonne l’ensemble des nombres réels : c’est le caractère complet de l’ensemble des nombres réels, équivalent à la propriété des segments emboîtés. […] De même, indépendamment de tout recours à la géométrie, sans le support intuitif de celle-ci, Cantor fournit une autre construction, équivalente, des nombres réels [reposant sur les suites fondamentales, notion proche de celle de suite de Cauchy]. C’est l’aboutissement du long cheminement lancé par Eudoxe vers 350 avant J. - C. En 1899, David Hilbert se contentera de définir R comme corps totalement ordonné, divisible, archimédien et maximal. Cette maximalité signifie que l’ajout d’éléments fait perdre l’une des propriétés. C’est une façon élégante de marquer le caractère “complet” de l’ensemble des nombres réels. Mais ce point de vue axiomatique, bien commode à certains égards, masque la genèse historique et efface l’aspect constructif. ».
L’approche axiomatique d’Hilbert reposant sur les structures ordonnées (groupe archimédien et corps totalement ordonné) va permettre d’élaborer d’autres caractérisations de R, permettant de justifier le problème jusqu’alors non résolu de l’analogie numérique de toutes les grandeurs scalaires. Le résultat essentiel est le suivant :
Soit G un groupe (additif) archimédien. Pour tout élément a de G tel que a > 0G, il existe un unique homomorphisme strictement croissant ha de G dans (R,+) tel que ha(a)=1.
Il permet d’établir des caractérisations axiomatiques de R parmi les groupes additifs ordonnés, et parmi les corps ordonnés archimédiens : (R, +) est, à un isomorphisme (non unique) près, le plus grand groupe archimédien ; tout corps ordonné archimédien vérifiant l’axiome de la borne supérieure est isomorphe à R (et l’isomorphisme est unique).

Un retour progressif des grandeurs, en liaison avec l’algèbre linéaire

Dans ce paragraphe, sont pointées différentes contributions favorisant un retour des grandeurs dans le champ des mathématiques du XXe siècle.
• En physique (et ailleurs), les lois ne dépendent pas des unités choisies pour les grandeurs. Les principes qui gouvernent les relations entre grandeurs font l’objet de l’analyse dimensionnelle, discipline fondée par Joseph Fourier, pour redonner à chaque genre de grandeur sa spécificité. Le théorème le plus important de l’analyse dimensionnelle (Théorème de Vaschy - Buckingham) est énoncé en 1884 par le français Vaschy puis par l’américain Buckingham en 1920 : sa démonstration fait intervenir la notion de rang d’une matrice.
• En 1933, Alex Véronnet (astronome à Strasbourg) publie un cours d’Algèbre contenant un chapitre intitulé “Nombres vectoriels” objet mathématique dans lequel sont intégrés les nombres et les unités de grandeurs (de manière formelle).
• On interprète (en mécanique, surtout) les calculs avec unités en termes d’algèbre linéaire : dual, produit tensoriel (Voir plus loin les commentaires sur l’ouvrage de Goblot).
• En 1968, le mathématicien américain Hassler Whitney publie dans The American Mathematical Monthly, deux articles : le premier propose une théorie dans laquelle la notion de grandeur est construite en parallèle avec la construction des rationnels et des réels. ; le deuxième propose une théorie de l’algèbre des grandeurs, modélisant mathématiquement d’une nouvelle manière “l’analyse dimensionnelle”.Il justifie mathématiquement les pratiques de calculs sur les grandeurs : calcul avec unités, et calcul en “oubliant” les unités, les inconvénients de ce dernier étant soulignés.
• En 1985, dans son ouvrage intitulé Les fondements de la géométrie, J. Lelong-Ferrand marque la filiation entre les caractérisations axiomatiques de R d’une part et la question de la mesure des grandeurs d’autre part, ce qui la conduit à faire le lien entre grandeurs et groupes.
• En 1997, dans l’ouvrage publié aux éditions de la Maison des Sciences de l’Homme à Paris, intitulé Le nombre, une hydre à n visages, entre nombres complexes et vecteurs, la contribution de J. Lavau intitulée Vecteurs ? 151 ans de déloyaux services propose de réintroduire les grandeurs « car les classes des vecteurs, bivecteurs, multivecteurs, tous tenseurs, sont à dériver de la classe des grandeurs scalaires (ils héritent de la variance envers les unités), et non de la superclasse des nombres complexifiés ». Il pointe l’intérêt didactique d’une telle réintroduction pour enseigner des techniques de conversions d’unités que ses élèves apprécient.

Un peu d’histoire de l’enseignement des mathématiques

Dans l’article « Mathématique ou Mathématiques » de l’Encyclopédie (1751 - 1772), d’Alembert écrit :
« Les mathématiques se divisent en deux classes ; la première, qu’on appelle Mathématiques pures considèrent les propriétés des grandeurs d’une manière abstraite : or la grandeur sous ce point de vue, est ou calculable, ou mesurable : dans le premier cas, elle est représentée par des nombres, dans le second par l’étendue : dans le premier cas, les Mathématiques pures s’appellent Arithmétique, dans le second Géométrie […]. La seconde classe s’appelle Mathématiques mixtes ; elle a pour objet les propriétés de la grandeur concrète,en tant qu’elle est mesurable ou calculable ; nous disons de la grandeur concrète, c’est-à-dire de la grandeur envisagée dans certains corps ou sujets particuliers. […] Du nombre des mathématiques mixtes, sont la Méchanique, l’Optique, l’Astronomie, la Géographie, la Chronologie, l’Architecture militaire, l’Hydrostatique, l’Hydraulique, l’Hydrographie ou Navigation, &c ».
L’usage de cultiver à la fois les mathématiques pures et les mathématiques mixtes dans l’enseignement secondaire s’est maintenu pendant longtemps. Ainsi, dans le programme de mathématiques du 10 juillet 1925 pour les “classes de mathématiques”, c’est-à-dire les classes terminales scientifiques des lycées, on repère huit domaines : les quatre premiers relevant essentiellement des mathématiques pures : arithmétique, algèbre, trigonométrie, géométrie ; les quatre derniers relevant des mathématiques mixtes : géométrie descriptive et géométrie cotée, cinématique, statique, cosmographie.
Sur environ un siècle, ce monde ancien de l’enseignement des mathématiques au lycée va peu à peu s’évanouir : le levé de plans, l’arpentage, la topographie disparaissent après 1914 ; la statique (en particulier étude des machines simples) ne disparaîtra qu’au début des années 60 ; la cinématique survit jusqu’au début des années 80 ; l’astronomie (classes de terminale littéraire) disparaît en 1994.

Dans les manuels destinés autrefois au collège, ou plutôt aux écoles primaires supérieures (EPS), ce qu’on nomme alors arithmétique est tout entier organisé autour de la notion de grandeur, comme en témoigne cet extrait de manuel (Marijon, Péquinot & Ségala, Programme du 26 juillet 1909).
CHAPITRE PREMIER
Notions préliminaires – Définitions fondamentales
1. Nombres et grandeurs. Les notions de nombre et de grandeur sont les notions fondamentales de l’arithmétique. Comme toutes les idées premières, elles sont difficiles à définir.
Idée de nombre entier. – [...]
Idée de grandeur. – Sans vouloir définir les grandeurs d’une façon précise, nous pouvons dire que l’on désigne sous ce nom tout ce qu’on peut évaluer d’une manière plus ou moins exacte. Ainsi, la population d’une ville, la longueur d’un champ, le nombre de volumes d’une bibliothèque, le poids d’un corps, la contenance d’une barrique, sont des grandeurs.
D’une façon plus spéciale, on appelle grandeurs mathématiques celles pour lesquelles on peut définir l’égalité et la somme.
Parmi les grandeurs mathématiques les plus usuelles, on peut citer : les collections d’objets distincts, les longueurs, les surfaces, les volumes, les arcs, les forces, les intensités de courant électrique, les quantités de chaleur, le temps, etc.
Cette organisation se maintiendra longtemps, jusqu’à la veille de la réforme des mathématiques modernes, comme le montre cet extrait de la Nouvelle Encyclopédie autodidactique Quillet, parue en 1958.
1. IDÉE D’UNITÉ ET DE NOMBRE ENTIER
Définitions. – On appelle unité chacun des objets d’une collection.
Le nombre entier exprime la quantité d’unités que comporte une collection.
Compter c’est chercher combien il y a d’unités dans une collection d’objets.
2. IDÉE DE GRANDEUR
On appelle grandeur tout ce qui peut être augmenté ou diminué, comme la largeur d’une route, la durée d’un trajet, la vitesse d’un véhicule, le nombre des feuillets d’un livre, etc.
On appelle plus spécialement grandeurs mathématiques celles pour lesquelles on peut définir l’égalité et la somme. Exemples : les surfaces, les volumes, les angles, les arcs, les forces, les quantités de chaleur, etc.
3. MESURE D’UNE GRANDEUR ET NOMBRE ENTIER
D’une façon générale :
Mesurer une grandeur c’est chercher combien de fois elle renferme une autre grandeur de même espèce prise pour unité.
Un nombre entier exprime donc la mesure d’une grandeur.
4. NOMBRES CONCRETS ET NOMBRES ABSTRAITS
Le nombre suivi de l’indication de l’unité qui l’a fourni s’appelle nombre concret.
Il apparaît ici que les nombres (c’est-à-dire les nombres abstraits) sont génétiquement dépendants des grandeurs, dont ils apparaissent d’abord comme les mesures. En d’autres termes, les grandeurs constituent le point de départ obligé de la construction des nombres. La manipulation des grandeurs en mathématiques, et plus précisément en arithmétique, se prévalait alors, en les explicitant, de “ lois ” établies en d’autres disciplines, y compris en d’autres disciplines mathématiques, comme la géométrie par exemple Ainsi, dans Arithmétique publiée en 1934 pour les classes de 4e et 3e par Anna et Élie Cartan :
« L’Arithmétique n’établit pas la proportionnalité des grandeurs ; c’est l’objet de la science qui étudie chaque grandeur ; ainsi la Géométrie démontre que les longueurs des circonférences sont proportionnelles à leurs rayons. La proportionnalité peut aussi être le résultat d’une convention ; ainsi, on convient que les revenus d’une somme placée sont proportionnels aux durées de placement. ».

Dans les années 1970, les mathématiques mixtes sont les premières victimes de la réforme dite des “mathématiques modernes”, par son aspect anti - utilitariste, prônant la pureté, l’autarcie des mathématiques enseignées. On assiste à une redéfinition générale des frontières disciplinaires. La question de la légitimité, voire du danger, pour une discipline donnée, de mettre en jeu des concepts qui sont l’apanage d’une autre est posée. Cette période de “contrôle aux frontières” n’est pas terminée. Ainsi, alors que le mot “grandeur” n’apparaît pas dans le programme de mathématiques de seconde, on le trouve en revanche dans le programme de physique, avec une forte revendication disciplinaire :
« Par rapport au collège, l’approche [de la physique et de la chimie] au cours des années de lycée doit marquer une certaine rupture : c’est en effet au lycée qu’il faut amener les élèves à comprendre que le comportement de la nature s’exprime à l’aide de lois générales qui prennent l’expression de relations mathématiques entre grandeurs physiques bien construites. »
Cette affirmation semble nier le travail sur les grandeurs qui devrait s’accomplir au collège dans la classe de mathématiques. Les auteurs d’hier, qualifiaient de “mathématiques” certaines grandeurs ; en voici des exemples, plus contemporains pour certains :
Parmi les grandeurs - quotients :
( le débit, quotient d’un volume par une durée (débit-volume), ou d’une masse par une durée (débit-masse) ;
( la concentration d’une solution, quotient de la masse de la substance dissoute par le volume de la solution ;
( la puissance moyenne d’un moteur, quotient par une durée de l’énergie fournie par le moteur pendant cette durée ;
( la vitesse moyenne d’un mobile, quotient de la longueur parcourue par le mobile par la durée du parcours ;
( la production moyenne d’une culture, quotient d’une masse par une aire ;
( le pouvoir isolant d’un gaz, quotient d’une tension électrique par une longueur (tension nécessaire pour provoquer une étincelle électrique entre deux électrodes plongées dans ce gaz et situées à une distance donnée l’une de l’autre) ;
( la densité d’un réseau routier ou ferroviaire, quotient d’une longueur par une aire.
• la densité de population d’un pays, quotient de son nombre d’habitants par une aire …
– Citons ensuite, parmi les grandeurs produits :
( la quantité d’électricité, produit d’une intensité par une durée ;
( le travail d’une force, produit d’une force par une longueur ;
( le nombre de journées - stagiaires, produit du nombre de journées de stage par le nombre de stagiaires ayant suivi ce stage ;
( le nombre de tonnes - kilomètres, produit du nombre de tonnes transportées par le nombre de kilomètres parcourus.
– Le nombre de grandeurs composées – tel le rendement moyen au mètre carré par an d’une grande surface – est pratiquement illimité.
Et dans les classes suivantes au lycée ? En se limitant au texte même du programme, la seule allusion aux grandeurs apparaît dans les commentaires du paragraphe consacré à l’Intégration dans le programme actuel de Terminale S :
« En lien avec la physique, on mentionnera le problème des unités : si x et y sont deux grandeurs liées par une relation y = f(x), l’intégrale  INCORPORER Equation.3  est une grandeur homogène au produit xy, tandis que la valeur moyenne est homogène à y. ».
On peut douter de la viabilité de la prise en compte de ce commentaire dans les classes.

La question des unités

En classe de mathématiques, les objets supports des grandeurs (une règle de telle longueur, un vase de telle capacité, …) sont évoqués, mais ne sont pas amenés dans la classe pour y être exploités (sauf exception). Les grandeurs pourraient y être aisément présentes sous la forme de “nombres concrets” : 15 km est une longueur, 50 km/h est une vitesse, … Or les unités - et donc les grandeurs - y disparaissent, et ceci depuis longtemps. L’exemple suivant, observé dans une classe de 6e, le met clairement en évidence. Il s’agit de déterminer combien il y a de minutes dans une demi-heure, dans un quart d’heure, dans un cinquième d’heure. Les traces écrites d’un élève au tableau sont les suivantes :
 INCORPORER Equation.3 
Le professeur commente la solution de l’élève, mais ne la corrige pas. Il est pourtant clair que ces égalités ne sont pas correctes : le nombre 1/5 (= 0,2) ne saurait être égal à la durée 12 min, pas davantage que 12 cm n’est égal à 12 kg. Les écritures correctes auraient été simplement :
 INCORPORER Equation.3 
On sait pourtant qu’il s’agit là aujourd’hui d’une pratique dominante, à propos de laquelle les professeurs manquent des informations appropriées ou hésitent à les mettre en œuvre. Ainsi, un manuel de mathématiques de 5e (assez ancien) commence fort à propos par indiquer les normes de l’AFNOR (Association française de normalisation) en la matière :
Il est tout à fait autorisé d’écrire :
1,825 km = 1 825 m
2 m ( 3,5 m = 7 m2
Mais les auteurs reprennent dans un exercice ultérieur l’usage traditionnel :
aire de base A2 = (6 ( 6) : 2 = 18 cm2
aire de base A3 = 72 – 18 = 54 cm2
V2 = 18 ( 12 = 216 cm3, V3 = 864 – 216 = 648 cm3
employant ainsi une technique de calcul bien installée en France dans la classe de sciences physiques (oubli des unités dans les calculs intermédiaires).

L’absence ou la raréfaction des unités pose un problème majeur : celui du changement d’unités. La technique généralement mise en place, illustrée sur l’exemple suivant, extrait d’un manuel de 3e, est fort complexe et peu fiable.
Convertir les unités de grandeurs composées
Méthode : Convertir successivement les unités des deux grandeurs
Exemple : Convertir 1,25 g/cm3 en kg/m3
Réponse :
– On convertit l’unité de masse : 1,25 g = 0,001 25 kg
donc 1,25 g/cm3 = 0,001 25 kg/cm3.
– On convertit l’unité de volume : 1 m3 = 1 000 000 cm3.
0,001 25 ( 1 000 000 = 1 250
donc 0,001 25 kg/cm3 = 1 250 kg/m3.
– On conclut : 1,25 g/cm3 = 1 250 kg/m3.
La technique apparaît lourde, avec une accumulation de calculs partiels non intégrés, qui en diminuent la fiabilité. Par contraste avec cette technique “ abstraite ”, voici une technique “ concrète ” qui consiste à calculer avec les unités, c’est-à-dire sur des nombres “ concrets ”. Le fait mathématique essentiel est le suivant : les durées constituent un demi-espace vectoriel de dimension 1 sur R. Le problème posé aux élèves est exactement un problème de changement de base. La durée qui a pour coordonnée 1/5 dans la base {h} a pour coordonnée 12 dans la base {min} :  1/5 h = 12 min.
 INCORPORER Equation.3 
On peut montrer que cette technique concrète s’étend à tous les problèmes de changement d’unités.
( Considérons ainsi le problème suivant :
Un réservoir parallélépipédique a 0,6 m de longueur, 10 cm de largeur, et 50 mm de profondeur. Quelle est, en litres, sa capacité ? (On prendra : 1 litre = 1 dm3.)
( Dans la technique concrète, on utilise bien la formule
V = L ( ( ( p
mais L, (, p sont alors, non des nombres (“ abstraits ”), mais des grandeurs (des “ nombres concrets ”).
( Puisque on a L = 0,6 m, ( = 10 cm, p = 50 mm
il vient simplement : V = 0,6 m ( 10 cm ( 50 mm.
( Si l’on décidait de prendre pour unité de volume le produit ( = m ( cm ( mm
on aurait : V = 0,6 m ( 10 cm ( 50 mm = (0,6 ( 10 ( 50) m ( cm ( mm = 300 (.
( Si, comme ici, on cherche à exprimer le volume en dm3, on peut par exemple procéder ainsi :
V = 0,6 m ( 10 cm ( 50 mm = 0,6 (10 dm) ( 10 (10–1 dm) ( 50 (10–2 dm)
= 6 dm ( 1 dm ( 0,5 dm = 3 dm3 = 3 litres.
Le lecteur peut imaginer facilement le confort que cette technique procure, notamment lorsqu’on utilise les puissances de 10 à exposants relatifs, par rapport aux techniques lourdes et peu intelligibles des “tableaux de conversion” pour les longueurs, aires et volumes. Il trouvera des exemples plus variés, débordant largement la question des conversions d’unités, dans le compte rendu de l’atelier animé par Robert Noirfalise.
Dans l’article de Petit x évoqué ici, les techniques “abstraite” et “concrète”, sont comparées, en adoptant comme technique abstraite celle apparaissant dans le corrigé fourni par un professeur de physique de lycée :

Problème I. Un barreau d’acier de section constante et de 4 dm de longueur pèse 2,85 kg. Déterminer sa masse linéique en g/cm.Technique concrèteTechnique abstraite( =  INCORPORER Equation.3  =  INCORPORER Equation.3  g/cm = 71,25 g/cmConvertir la masse en g
M = 2,85 kg
= 2,85CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h103 g
Et la longueur en cm
( = 4 dm = 40 cm
La masse linéique
 INCORPORER Equation.3  =  INCORPORER Equation.3  = 71,25 g/cm
Problème II. Au tennis les balles atteignent la vitesse de 95 miles par heure. Que représente cette vitesse en mètres par seconde ? (On a : 1 mile = 1 mi = 1,609 km.)Technique concrèteTechnique abstraitev = 95 mi/h =  INCORPORER Equation.3  CARSPECIAUX 187 \f "Symbol"\h 42,5 m/sv = 95 miles/heure
v =  INCORPORER Equation.3 
Convertir les miles en mètres
d = 95 mi = 95CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h1,609 km
= 95CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h1,609CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h103 m = 1,53CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h105
Convertir (t = 1 h = 3600 s
D’où v ( 42,5 m/s
Problème III. La masse volumique du zinc est de 7,29 kg/dm3. Quelle est, en grammes, la masse de 9 cm3 de ce métal ?Technique concrèteTechnique abstraitem = (v = (7,29 kg/dm3)(9 cm3) = 7,29 kg(dm–3 CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h 9 cm3 = 7,29 (103 g)((10 cm)–3 CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h 9 cm3 = 7,29 CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h 9 g CARSPECIAUX 187 \f "Symbol"\h 65,6 g( =  INCORPORER Equation.3  = 7,29 kg/dm3
Convertir ( en g/cm3
( = 7,29 kg/dm3
=  INCORPORER Equation.3 
= 7,29 g/cm3
D’où m = (v = 7,29CARSPECIAUX 180 \f "Symbol"\h9 CARSPECIAUX 187 \f "Symbol"\h 65,6 gOn notera que, dans le corrigé du problème III, le professeur utilise subrepticement l’arithmétique concrète.

La technique concrète est utilisée en Espagne. Dans un manuel espagnol actuel (3e), on trouve les calculs suivants :
5 horas . 5 km/hora = 25 km
 INCORPORER Equation.3 
 INCORPORER Equation.3 
La technique concrète est utilisée en Angleterre. Ainsi dans un manuel de la Collection Teach Yourself Books (1971), on trouve l’exemple suivant :
Ex. 2. Express the speed of 90 km/h (90 km h–1) in metres per second.
We have  INCORPORER Equation.3  = 25 m/s (m s–1).
La technique mise en évidence sur l’exemple analogue :
 INCORPORER Equation.3 
montre l’importance dans cette technique de l’égalité “h = 1 h” à rapprocher du “ INCORPORER Equation.3 ” de la définition d’un espace vectoriel. Les calculs avec unités rendent visible le travail sur les grandeurs, et permettent d’assurer un contrôle plus grand sur les calculs.

Ils permettent également de rendre plus visible le passage des grandeurs proportionnelles à la fonction linéaire. Les deux exemples classiques suivants (eau sucrée et prix d’une masse de fromage) vont l’illustrer.
• Désignons par V la grandeur “volume”, et par M la grandeur “masse”. À un volume d’eau v dL, il correspond une masse de sucre, que nous noterons provisoirement “m. pour v dL”.
On a alors : m. pour (v + v’) dL = m. pour v dL + m. pour v’ dL m. pour kv dL = k ( m. pour v dL, m. pour v dL = 2,5 g/dL ( v dL = 2,5v g
De telles formulations fournissent des moyens de résolution à adapter selon le niveau d’enseignement (la dernière fait intervenir une grandeur quotient) qui constituent une alternative au tableau de proportionnalité.
On est conduit à mettre en œuvre une fonction, notée symboliquement m., de V dans M.
m. : V  INCORPORER Equation.3  M
v dL  INCORPORER Equation.3  2,5v g
qui modélise la situation en termes de grandeurs.
Pour le professeur, la grandeur V n’est autre que le demi-espace vectoriel R+[dL], la grandeur M le demi-espace R+[g] ; la fonction m. peut donc être notée symboliquement, conformément aux habitudes usuelles pour les fonctions numériques de la variable réelle :
m. : R+[dL]  INCORPORER Equation.3  R+[g]
v dL  INCORPORER Equation.3  2,5v g
• Désignons par M la grandeur “masse”, et par P la grandeur “valeur marchande” (autrement dit les prix). À une masse m kg de fromage, il correspond un prix, que nous noterons provisoirement “p. de m kg”.
On a alors : p. de (m + m’) kg = p. de m kg + p. de m’ kg p. de km kg = k ( p. de m kg , p. de m kg = 16 ¬ /kg ( m kg = 16m ¬ .
On est conduit à mettre en Suvre une fonction, notée symboliquement p., de M dans P,
p. : M  INCORPORER Equation.3  P
m g  INCORPORER Equation.3  16m ¬
qui modélise la situation en termes de grandeurs.
Pour le professeur, la grandeur M n est autre que le demi-espace vectoriel R+[g], la grandeur P le demi-espace R+[¬ ] ; la fonction p. peut donc être notée symboliquement, conformément aux habitudes usuelles pour les fonctions numériques de la variable réelle :
p. : R+[g]  INCORPORER Equation.3  R+[¬ ]
m g  INCORPORER Equation.3  16m ¬
La comparaison de ces deux modélisations en termes de grandeurs permet de dégager les aspects communs aux deux situations, en passant des grandeurs aux mesures. On est alors amené à considérer les deux fonctions numériques, notées respectivement m et p :
m : R+  INCORPORER Equation.3  R+
v  INCORPORER Equation.3  2,5v telle que :
m(v + v’) = m(v) + m(v’)
m(k v) = k m(v)
m(v) = 2,5v
p : R+  INCORPORER Equation.3  R+
m  INCORPORER Equation.3  16m telle que :
p(m + m’) = p(m) + p(m’)
p(k m) = k p(m)
p(m) = 16mOn mesure mieux l’élévation du niveau d’abstraction pour passer de ces fonctions “linéaires” (contextualisées par le choix de leurs ensembles de départ et d’arrivée, et par le choix de la lettre pour les désigner) à la fonction linéaire (dont les ensembles de départ et d’arrivée sont étendus sans justification à R tout entier, et qui est désignée par une lettre n’évoquant que le mot “fonction”, indépendant de tout contexte) :
 INCORPORER Equation.3 
f(u + v) = f(u) + f(v) f(k u) = k f(u)
f(x) = ax
Faire vivre auprès des élèves les modélisations en termes de fonctions d’une grandeur dans une autre est un moyen pour le professeur de montrer aux élèves ce que l’on va pouvoir abstraire dans toute situation de proportionnalité, … moyen dont il se prive en passant directement à la fonction linéaire abstraite, faute de disposer de notations disponibles pour traiter les grandeurs. Notons cependant que la modélisation en termes de fonctions d’une grandeur dans une autre est implicitement exigé dans le registre graphique, car le professeur exige souvent que l’élève indique les unités aux extrémités des axes, ce qui revient à utiliser la grandeur longueur R+[unité graphique] pour représenter symboliquement chacune des deux grandeurs R+[u] et R+[v] en question.
L’intérêt de ce passage à la fonction linéaire abstraite réside d’une part dans l’allègement des calculs qu’elle permet pour traiter le problème posé (si on les compare par exemple à la mise en œuvre d’un tableau de proportionnalité), et dans l’inauguration de l’étude d’un nouveau secteur d’étude (les fonctions numériques) qui sera poursuivie au lycée.

Justifications du calcul sur les grandeurs

L’objet de ce paragraphe est de mettre à disposition des professeurs des éléments de justification du calcul avec les grandeurs, et plus précisément des calculs intégrant les unités. De telles pratiques ont en effet été rejetées au moment de la mise en place des programmes de la période des mathématiques modernes. Il convient tout d’abord d’en comprendre les raisons. Pourquoi demandait-on à l’époque à un professeur d’éviter d’écrire l’égalité “1 m = 100 cm” ? Une telle égalité concerne des éléments d’un ensemble qui n’est autre que la grandeur “longueur” L (que l’on peut également noter R+[m] ou R+[cm]). Or les programmes ne comportait pas l’étude des grandeurs, ces dernières étant rabattues sur leurs mesures, conformément à l’évolution dans les mathématiques savantes décrite au 2. Une telle égalité n’avait donc pas de signification officielle. Or un effort très grand de construction des objets et de leurs notations était entrepris dans tous les domaines du programme, et il n’était pas question d’y déroger. Nombreux sont les professeurs qui ont été formés depuis cette époque, et leur rapport institutionnel aux grandeurs est imprimé par cette organisation mathématique, qui numérise d’emblée les grandeurs (ainsi, une distance est un nombre réel positif “abstrait”, sans aucune indication d’unité). Dans ce paragraphe, seront présentées des savoirs mathématiques destinés aux professeurs, qui sont du même ordre que la construction bien connue de l’ensemble des nombres rationnels par les classes d’équivalence, que tout professeur connaît, même s’il n’en fait pas usage devant ses élèves. Le lecteur se souvient sans doute des commentaires faits par l’Inspection Générale de l’époque sur la droite affine en classe de 4e, qui étaient annoncés comme étant à l’intention des seuls professeurs, et que l’on a retrouvé dans certains manuels, à l’intention des élèves ; il devine qu’un tel glissement doit impérativement être évité sur la présente question.
On a vu dans le 1. puis dans le 3. que les grandeurs ont fait l’objet de mathématisations récentes, qui n’étaient guère disponibles en France au moment où les programmes de l’époque des mathématiques modernes ont été élaborés. Une présentation de ces mathématiques a déjà fait l’objet de publications , qui seront résumées dans ce qui suit.
Techniques de calcul avec unités en physique et algèbre linéaire

Dans son ouvrage Linear Algebra, Klauss Jänich (Springer, 1994) consacre un long paragraphe aux vecteurs du physicien, dans le but de les démarquer mais également de les relier aux vecteurs de l’algèbre linéaire abstraite.
Il considère l’espace d’observation A, qu’il transforme en un espace vectoriel en le pointant à l’aide d’un point O, et en considérant les vecteurs-positions  INCORPORER Equation.3 , P désignant un point quelconque de A. Cet espace vectoriel est noté AO.En physique, on attache au point O d’autres espaces vectoriels : EO : espace vectoriel des champs électriques en O ; VO : espace vectoriel des vitesses en O ; FO : espace vectoriel des forces en O.
Ces vecteurs physiques ont une “magnitude”, un module, bien différent de la norme d’un vecteur dans un espace vectoriel euclidien tel qu’on en rencontre en algèbre linéaire. Ainsi, si  INCORPORER Equation.3  AO, son module  INCORPORER Equation.3  n’est pas un nombre réel : par exemple, on a  INCORPORER Equation.3 = 5 cm, et non pas  INCORPORER Equation.3 = 5. Si  INCORPORER Equation.3  EO, on a par exemple, INCORPORER Equation.3  = 5 V/cm, et non pas  INCORPORER Equation.3  = 5.
Jänich précise, qu’afin d’établir un pont entre la physique et l’algèbre linéaire, au lieu de supprimer les unités, il préfère les introduire dans l’algèbre linéaire. Dans ce but, il définit ce qu’il appelle le “domaine scalaire des longueurs” :
R[longueur] := R[cm] := {x cm |  INCORPORER Equation.3  R}.
C’est un espace vectoriel sur R de dimension 1, où les opérations sont définies par :
x cm + y cm = (x + y) cm
lð (x cm) = lðx cm
et qui admet 1 cm comme base. R[cm] n est pas seulement une construction formelle : on peut l interpréter comme l espace vectoriel des différences de longueurs. Malgré les apparences, R[cm] ne dépend pas de l unité de longueur choisie. R[cm] = R[m] : il s’agit seulement d’un changement de base. De même, on peut définir le domaine scalaire des vitesses, des champs électriques : R[cm/s], R[V/cm] qui sont également indépendant des unités choisies.
R est le domaine scalaire sans dimension. R = R[1].
Jänich affirme ensuite que l’on peut multiplier entre eux ces scalaires physiques : 5 cm . 6 V/cm = 30 V, sans justifier des égalités du type : cm . s = s . cm et cm / cm = 1. Alors si  INCORPORER Equation.3  VO, et 5 s Îð ðR[s], 5 s  INCORPORER Equation.3  AO, ce qui nous incite à écrire : VO[s] = AO. Plus généralement, si XO est un espace vectoriel physique en O dont le domaine scalaire est R[a] et si R[b] est un autre domaine scalaire, alors on pose : XO [b] := {b  INCORPORER Equation.3 | INCORPORER Equation.3  XO} ; le domaine scalaire de l’espace vectoriel physique XO[b] est R[ab]. Enfin, si XO est un espace vectoriel physique sur R[a] etYO en est un autre sur le domaine scalaire R[b], il écrit :YO = XO INCORPORER Equation.3  et XO = YO INCORPORER Equation.3 , ce qui permet, en particulier de décrire tout vecteur physique de XO en multipliant un vecteur position (appartenant à AO) par un scalaire physique pris dans le domaine R INCORPORER Equation.3 . Il étend ensuite les notions familières en algèbre linéaire à son nouveau cadre. Ainsi, le produit scalaire de deux vecteurs physiques dont les domaines scalaires sont R[a] et R[b] est un scalaire physique appartenant à R[ab].
La question suivante se pose alors : faut-il traiter toute la physique avec des vecteurs physiques, et rejeter ceux de l’algèbre linéaire ? Jänich trouve le moyen de conserver la puissance de cette dernière tout en ménageant une place pour les vecteurs physiques. Parmi tous les espaces vectoriels physiques en O, il en est un qui est spécial : il est (du point de vue physique) sans dimension : on le note UO. On a : UO := AO  INCORPORER Equation.3  = EO  INCORPORER Equation.3  = …
La magnitude (le module  INCORPORER Equation.3 ) d’un vecteur  INCORPORER Equation.3  de UO  est un nombre réel. On peut définir le produit scalaire de deux vecteurs de UO  et c’est un nombre réel. On dispose alors d’un espace vectoriel euclidien au sens de l’algèbre linéaire : UO ( UO ( R, à partir duquel on peut retrouver tous les produits scalaires de vecteurs physiques : UO[a]( UO[b] ( R[ab].
UO est donc un pont entre l’algèbre linéaire dans laquelle on fait le produit scalaire de vecteurs appartenant au même espace vectoriel et les calculs avec les vecteurs en physique dans lesquels on peut faire des produits scalaires de vecteurs de différentes sortes, qui appartiennent à des domaines scalaires de grandeurs physiques.
Terminons par la question des coordonnées. Là encore, on se sert de UO comme intermédiaire. On considère une base orthonormée de UO :  INCORPORER Equation.3 . Si  INCORPORER Equation.3  appartient à UO[a], alors on peut l’écrire sous la forme :  INCORPORER Equation.3 où les coordonnées sont des éléments de R[a]. De même, si  INCORPORER Equation.3  appartient à UO[b], alors on peut l’écrire sous la forme :  INCORPORER Equation.3  où les coordonnées sont des éléments de R[b]. Et le produit scalaire de ces deux vecteurs physiques s’exprime alors ainsi :  INCORPORER Equation.3 . Il appartient à R[ab].
On peut remplacer les vecteurs - positions par des champs de vecteurs à valeurs dans l’espace des vecteurs libres. Du point de vue des domaines scalaires et des espaces vectoriels physiques, rien ne change.

Justifications des techniques de calcul avec unités

Dans la présentation de Jänich, plusieurs points peuvent paraître illégitimes : Comment définit-on “rigoureusement” les éléments de la forme x cm pour créer le domaine scalaire des longueurs R[cm] ? Ne sont-ils qu’une écriture commode ? Ne manipule-t-on que des écritures ? Comment définir rigoureusement un vecteur physique associé à une grandeur ? Comment définir rigoureusement l’espace vectoriel UO  (ou Ulibre) des vecteurs sans dimension ? Comment définit-on rigoureusement  INCORPORER Equation.3  ?
Toutes les réponses à ces questions se trouvent dans l’ouvrage de Rémi Goblot : Agrégation de mathématiques, Thèmes de géométrie, 1998, Masson. Dans sa théorie, l’espace d’observation est un espace affine euclidien E, associé à un espace vectoriel euclidien  INCORPORER Equation.3 , sur lequel on a une famille de produits scalaires proportionnels, à facteurs de proportionnalité positifs, définissant les mêmes notions d’orthogonalité et d’isométrie. Il construit axiomatiquement la grandeur “longueur”, notée L à partir de  INCORPORER Equation.3 : deux éléments de  INCORPORER Equation.3  sont équivalents s’ils ont même norme. L’ensemble quotient est noté L+, il est en bijection avec R+. On le munit d’une addition, et d’une multiplication à opérateurs dans R+. En le symétrisant, on obtient L, qui est alors une droite vectorielle orientée. Un élément u de L+, appelé unité, étant choisi, on démontre que :
 INCORPORER Equation.3 
est un isomorphisme de droites vectorielles orientées.
Ceci légitime l’écriture : L = R[u]. (Notation que Goblot n’introduit pas). En revenant dans l’espace d’observation de Jänich, on donne ainsi une signification à R[cm].
Goblot présente une théorie des grandeurs expliquant comment on peut les multiplier, définir l’inverse d’une grandeur, et munir ainsi la classe des grandeurs d’une structure de groupe. Pour cela, il identifie toute grandeur G avec une droite vectorielle orientée. Une unité dans G est un élément ( de G*+, alors l’application :
 INCORPORER Equation.3 
est un isomorphisme respectant la positivité, ce qui justifie la notation G = R[(] (que Goblot n’introduit pas).
Ensuite, il définit le produit de deux grandeurs G1 et G2 : c’est leur produit tensoriel  INCORPORER Equation.3 ,
ensemble quotient du produit cartésien G1 ( G2 par une relation d’équivalence construite de façon à pouvoir identifier  INCORPORER Equation.3 . On peut le munir d’une structure de droite vectorielle orientée. Si gð1ð est une unité de G1 et gð2ð est une unité de G2,  INCORPORER Equation.3  est l unité de  INCORPORER Equation.3  déduite des unités gð1ð et gð2ð. On démontre que ( est commutative et associative.
La grandeur sans dimension n est autre que la droite vectorielle R munie de l’unité 1.
L’inverse d’une grandeur G est la droite vectorielle duale G* de G ; on préfère la noter G–1. Si ( est une unité de G, l’unité inverse notée (–1, est la forme linéaire :  INCORPORER Equation.3 
Ainsi, par exemple :  INCORPORER Equation.3 .
Afin de disposer de l’objet jouant pour Jänich le rôle de UO  (ou Ulibre), c'est-à-dire l’espace des vecteurs physiques sans dimension, Goblot construit axiomatiquement un espace vectoriel appelé espace des vecteurs purs, noté  INCORPORER Equation.3 . Pour ne pas confondre les vecteurs de E avec ceux de  INCORPORER Equation.3 , il note les premiers avec une flèche de longueur usuelle, et les seconds avec une flèche plus courte. C’est le produit cartésien de R*+ par l’ensemble des demi-droites vectorielles de  INCORPORER Equation.3 , auquel on ajoute un singleton “vecteur nul”.
Enfin, Goblot est en mesure de construire axiomatiquement l’espace vectoriel  INCORPORER Equation.3  associée à une grandeur G, correspondant au UO[a] de Jänich. C’est, encore une fois, un produit tensoriel, celui de G par  INCORPORER Equation.3 , quotient du produit  INCORPORER Equation.3  par une relation d’équivalence judicieusement choisie. Alors, on peut construire une application bilinéaire canonique :
 INCORPORER Equation.3 
et, si ( désigne une unité de G, on a l’isomorphisme suivant :
 INCORPORER Equation.3 
ce qui permet de justifier la notation  INCORPORER Equation.3 , notation que Goblot n’introduit pas, correspondant au XO = UO[a] de Jänich.
Ainsi Jänich du côté des techniques et Goblot du côté de leur justifications théoriques fournissent une organisation mathématique permettant de mathématiser le calcul sur les grandeurs enseigné jusqu’au niveau du collège (en France) : aires, volumes, vitesses, …
Jänich et Goblot ont eu des prédécesseurs :
• Jean-Marie SOURIAU, dans son ouvrage Calcul linéaire, publié aux PUF en 1954, vante les mérites des produits tensoriels de “grandeurs mesurables”, notamment pour son intérêt pour les problèmes de changement d’unités, qu’il illustre par l’exemple suivant, faisant l’objet d’une note en bas de page :
Soit V la vitesse 100  INCORPORER Equation.3 . En remplaçant km par 1 000 m et h par 3 600 s, on trouve :
V = 100 (1 000 m) ( [3 600 s]–1 = INCORPORER Equation.3 .
• P. ROUGÉE a écrit dans le bulletin de l’APMEP en avril 1974 un article de 31 pages, intitulé Axiomatique pour les dimensions physiques, les scalaires et les vecteurs du physicien, qui est très complet, et n’élude aucune des difficultés examinées ci-dessus. Sa contribution est signalée dans la brochure “Grandeur, mesure”, de la collection Mots, publiée par l’APMEP en 1982, mais non reprise dans cette brochure.

Une théorie des grandeurs ayant une portée plus grande

La théorie précédente a une portée limitée aux puissances de grandeurs à exposants entiers relatifs. Il est possible de construire une théorie des grandeurs plus complète. Hassler Whitney en construit une dans son article intitulé : The mathematics of physical quantities, part II : quantity structures and dimensional analysis, publié en mars 1968 dans The Americain Mathematical Monthly. Il y construit l’algèbre des grandeurs, permettant de faire tous les calculs les concernant et de les justifier.
Whitney définit ce qu’il appelle une structure de grandeurs, par la donnée :
- d’un ensemble S dont les éléments sont appelés grandeurs (algébriques), contenant l’ensemble R des nombres réels ;
d’une multiplication dans S, commutative, associative, dont la restriction à R est la multiplication usuelle ;
d’une partie S+ de S telle que :
• S+ ( R = R+
• Pour tout G de S, une des grandeurs G et (– 1)G appartient à S+.
• S+ est stable pour la multiplication.
d’une exponentiation, où les exposants appartiennent à un corps K (Q ou R), qui à tout couple (að, G) de K ( S+ associe la grandeur Gað de S+, vérifiant les propriétés :
G1 = G, et G0 = 1, pour tout G de S+ (GH)að = Gað Hað, (Gað) ðbð = Gaðbð, pour tout &
Pour retrouver les droites vectorielles dont Goblot faisait son point de départ, Whitney définit alors ce qu’il appelle des types (ou espèces) de grandeurs, (qui vont correspondre aux dimensions physiques) et qui sont de la forme  INCORPORER Equation.3 , x désignant un élément de S. Il est facile de munir chacun de ces ensembles d’une structure de droite vectorielle orientée : on les notera [x]. Le bon ensemble à considérer est alors l’ensemble [S] de ces droites. On définit dans [S] une multiplication et une exponentiation en posant :
 INCORPORER Equation.3  et  INCORPORER Equation.3 
Alors, [S] apparaît comme un espace vectoriel sur K, la loi interne la multiplication et la loi externe l’exponentiation.
 INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3  INCORPORER Equation.3 [x]1 = [x]L’élément neutre (vecteur “nul”) est [1].
De plus, tout élément [x] de [S] a un inverse [x –1].
On dispose alors de toutes les ressources de l’algèbre linéaire : systèmes générateurs, libres, bases, changement de base, morphismes, …
On redescend ensuite dans S : par définition, on dit que les éléments x1, x2, …, xn de S+ engendrent S si et seulement si [x1], [x2], …[ xn] engendrent [S].
{ x1, x2, …, xn} est une base de S si et seulement si tout élément x de S différent de 0 s’écrit de manière unique sous la forme : x =  INCORPORER Equation.3 , où a est un élément de K*, et où les aði sont des éléments de K.
On peut alors fournir la justification de la technique de calcul dans laquelle on  laisse tomber les unités. Prenons par exemple le système S de grandeurs engendré par les grandeurs m et s. Toute grandeur peut alors s écrire lð mrst. Soit f l homomorphisme de S dans R défini par f(m) = f(s) = 1. On a f(lð mrst) = lð. Et donc lð mrst = f(lð mrst) mrst.
Ainsi pour calculer :  INCORPORER Equation.3 , il suffit de calculer son image par f :  INCORPORER Equation.3 , ce qui donne 3648. On sait que l’on doit obtenir des mètres. Donc :  INCORPORER Equation.3 .
Le résultat essentiel est celui qui fonde l'analyse dimensionnelle, c'est-à-dire le théorème de Vaschy - Buckingham, plus connu sous le nom de théorème (, dont voici une version affaiblie :
Soit n + 1 espèces de grandeurs G, G1, G2, …, Gn. Soit f une application de G1 ( G2 ( … ( Gn dans G, homogène de degré ri par rapport à la i-ème variable (1d" i d" n), c est-à-dire telle que pour tout lð > 0 :
 INCORPORER Equation.3 
Alors, il existe une constante unique k appartenant à  INCORPORER Equation.3  telle que  INCORPORER Equation.3 
Traitons l exemple du volume du cylindre. On a alors : G1 (hauteur) = G2 (rayon)= L ; r1 = 1, r2 = 2, G = L3, de sorte que k ( R+. Et donc  INCORPORER Equation.3  ou avec les notations usuelles :  INCORPORER Equation.3 . La théorie de Whitney ne permet pas de déterminer k.
Ce théorème est très souvent utilisé (implicitement) en sciences physiques, notamment dans le cas où  INCORPORER Equation.3  car alors k est un élément de R(+).
Lorsque n = 1 et r1 = 1, on obtient le cas de la “proportionnalité simple”, celle de l’école et du collège. On a alors :  INCORPORER Equation.3  En désignant par u et u1 des unités respectives dans G et G1, il existe donc un nombre réel að positif et un seul tel que :  INCORPORER Equation.3 . De f(g1) = k g1, obtenu grâce au théorème (, on tire :  INCORPORER Equation.3 . En revenant aux mesures, on est conduit à s intéresser à la fonction de R+ dans R+ qui à x associe að ðx &
La version plus élaborée du théorème ( fait appel à la notion de similitude. Une similitude de S est un automorphisme fð de S qui préserve les types (ou espèces) de grandeurs, c est-à-dire tel que, pour tout x de S, [fð(x)] = [x]. On étend alors la définition de l homogénéité de la manière suivante.
Soit n + 1 espèces de grandeurs G, G1, G2, & , Gn appartenant à S+. Une application f de G1 ( G2 ( & ( Gn dans G est dite homogène si elle est invariante pour toute similitude fð de S, c est-à-dire si pour toute similitude fð de S, on a : INCORPORER Equation.3 .
Elle fait également appel à la notion de sous - structure (une sous - structure S’ de S est un sous-ensemble de S contenant R, et stable pour les opérations définies dans S), et de structure quotient d’une structure par une sous - structure, qui ne sera pas détaillée ici.
Une application est homogène modulo S’ si elle est invariante par toute similitude laissant invariants chacun des éléments de S’.
Un système de grandeurs est indépendant modulo S’ si les grandeurs correspondantes dans la structure quotient sont indépendantes.
On peut alors énoncer le théorème ( :
Soit s + 1 espèces de grandeurs G, G1, G2, …, Gs de S+. Soit U un ensemble. Soit S’ une sous - structure de S. Soit f une application de G1 ( G2 ( … ( Gs ( U dans G homogène modulo S’ pour chaque élément fixé u de U. Soit G1, … Gr (après renumérotation éventuelle) un système libre maximal modulo S’ extrait de G1, … Gs.. On peut alors écrire G et chacun des Gj pour j > r sous la forme :  INCORPORER Equation.3  et  INCORPORER Equation.3 , où G’ et G’j désignent des éléments de S’.
Alors il existe une fonction F de G’r+1 ( G’r+2 ( … ( G’s ( U dans G’ telle que pour tout xi appartenant à Gi et pour tout u appartenant à U :
 INCORPORER Equation.3  (1)
où pour j > r, on pose :  INCORPORER Equation.3  (2).
Pour faire comprendre ce que ce théorème permet au physicien d’obtenir, traitons un exemple bien connu en mathématiques, celle de l’aire du rectangle.
• Si l’on ne sait rien sur les aires, on peut prendre S = R, ce qui revient à confondre grandeurs et nombres. Pour appliquer le théorème (, on prend G = G1 = G2 = R+, et alors r = 0. La seule similitude est l’identité. On obtient alors pour (2)  INCORPORER Equation.3 , et (1) donne alors  INCORPORER Equation.3 , ce qui ne nous avance guère.
• Appelons L la “dimension” de chacun des côtés du rectangle et supposons que son aire A soit de “dimension” L2. Alors G1 = G2 = L, et G = L2 et r = 1 et s = 2. Alors (2) s’écrit  INCORPORER Equation.3 , ce qui donne pour (1) :  INCORPORER Equation.3 . Ce modèle repose sur l’hypothèse suivante traduisant l’homogénéité de f : si on multiplie longueur et largeur par un même constante, alors l’aire est multipliée par le carré de cette constante.
• Enfin, construisons S à partir de deux grandeurs G1 et G2 et prenons l’aire dans G1G2. Alors r = s = 2. L’hypothèse sur l’homogénéité de f peut s’exprimer ainsi :
 INCORPORER Equation.3 
c’est-à-dire l’aire est proportionnelle à la longueur et à la largeur, séparément. Le théorème (  (dans sa version affaiblie, comme dans sa version élaborée) donne alors :
 INCORPORER Equation.3 .
• On peut retrouver les trois résultats qui précèdent en prenant la structure S utilisée pour le dernier : en choisissant S’ = S, on retrouve alors le premier résultat ; pour retrouver celui du deuxième dans lequel G1 et G2 sont dépendants, il suffit de choisir pour S’ la structure engendrée par G2G1– 1 ; pour retrouver le dernier, on prend S’= S.

Conclusion

Le retour des grandeurs dans l’enseignement des mathématiques, souhaitable pour améliorer l’étude co-disciplinaire des questions qui se posent dans la vie de nos sociétés, l’est également sur le plan didactique, car les grandeurs sont difficilement réductibles sans affadissement au numérique, surtout à l’école et au collège. Un tel enseignement, qui existe dans des pays voisins, nécessite des moyens d’expression des grandeurs, des techniques de calcul portant sur les grandeurs elles-mêmes, et également, en ce qui concerne les professeurs en premier lieu, d’une légitimité et d’une intelligibilité de ces techniques qui leur ont rarement été données au cours de leurs études. Il est possible de le faire en restant dans le paradigme des structures qui leur est familier. Cette conférence a eu pour but essentiel d’aider toute personne intéressée à la question à s’approprier des organisations mathématiques où les grandeurs apparaissent entre les objets qui les portent et les nombres qui les mesurent, dans une algèbre qui n’est pas sans rapport avec l’algèbre classiquement enseignée : les calculatrices formelles, qui disposent souvent d’un module consacré au calcul avec unités, en sont une excellente illustration.

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 Voir « Mathématiques au fil des âges », page 145.
 Voir Dhombres 1997.
 Voir les travaux de Jean Sivardière, et en particulier son ouvrage « La symétrie en mathématiques, physique et chimie», 1995, Presses Universitaires de Grenoble, qui contient de nombreuses références sur ce sujet.
 Le contenu de ce paragraphe est tiré de l’article de la revue Petit x, n° 55 : voir bibliographie.
 Cet aspect du travail avec les fonctions linéaires ne sera pas développé ici. Voir le document disponible sur le site de l’académie d’Orléans-Tours intitulé Quotients, grandeurs, proportionnalité.
 Voir la bibliographie, et en particulier Pressiat (2002) et les deux articles de Chevallard et Bosch dans la revue Petit x.
 Dans son premier article, The mathematics of physical quantities, part I : Mathematical models for measurement, publié dans la même revue, il définit ce qu’est une grandeur. Il construit en parallèle les nombres rationnels puis réels - ainsi que les opérations et l’ordre les concernant - comme opérateurs sur la grandeur.

Actes de l'Université d'été de Saint-Flour
Le calcul sous toutes ses formes

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