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Mode de travail : CIRCUIT TRAINING avec charges modulables sur chaque passage. (Travail en binômes ou trios de performances proches). Echauffement.




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Université Montpellier 1, ISEM
Licence, sem 1. 2012-2013
Robert Braid

Histoire de la pensée économique

Syllabus

Economie Morale (Antiquité – Moyen Age)
Mercantilisme (XVIème – XVIIème siècle)
Physiocratie (XVIIIème siècle)
Ecole classique (fin XVIIIème – début XIXème siècle)
Economie sociale (début – milieu du XIXème siècle)
Marginalistes et Néoclassiques (fin XIXème – début XXème siècle)
Keynésianisme (début XXème siècle)
Nouveau libéralisme (milieu du XXème siècle)
Débats actuels I : Economie du bien-être et Economie comportementale
Débats actuels II : New Institutional Economics et Néo-keynésianisme


Objectifs et Organisation du cours
Ce cours a été développé afin d’apporter aux étudiants les connaissances de bases relatives à l’histoire de la pensée économique, ainsi que les techniques d’analyse nécessaires aux jeunes universitaires. Chaque cours est consacré à une période de l’histoire de la pensée économique et consiste à une brève analyse du contexte historique, puis à une étude plus approfondie des théories qui ont vu le jour dans ce contexte. A la fin de chaque séance, l’étudiant trouvera un texte à commenter ou une question à la quelle il faut répondre pour la semaine suivante. Au début du cours suivant, nous discutons ensemble des différentes réponses possibles. Les étudiants ont aussi la possibilité d’évaluer leurs connaissances chaque semaine grâce à de mini tests blancs.



Contrôle de connaissances 
Un examen aura lieu à la fin du semestre pour tester si les étudiants ont bien fait le travail demandé, retenu les informations pertinentes et développé les techniques d’analyse enseignées. L’examen pourrait consister à un QCM, à des questions à réponses très simples, à des questions à développer dans une dissertation ou à un texte à commenter, ou bien à un mélange de différents types de questions.


Références
Certaines références sur l’Histoire de la pensée économique existent déjà en ligne, notamment le cours élaboré par HYPERLINK "http://ses.ens-lyon.fr/10014834/0/fiche___pagelibre/&RH=1200565413653&RF=62"Jean-pierre Potier (ENS Lyon). La page HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_pens%C3%A9e_%C3%A9conomique"Wikipedia dédié au sujet aussi être utile. Mais ces références se concentrent principalement sur les idées de différents économistes et n’analysent pas l’impacte du contexte économique, politique et social sur l’évolution des idées, ou l’impacte des idées sur le contexte. Il est donc conseillé de consulter les pages Wikipedia « Histoire économique » de différents pays (la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Etats-Unis) afin de comprendre le contexte historique des courants de pensée.

Pour ceux qui aiment le papier, quelques manuels pratiques existent. Aucun de ces manuels ne couvre la globalité du cours. Il est donc recommandé de les consulter pour avoir des informations complémentaires au cours, non pas pour substituer au cours. Le premier est probablement le meilleur, entre d’autres raisons, parce qu’il dispose de textes commentés.
Bailly (Jean-Luc), Buridant (Jérôme), et al., Histoire de la pensée économique, Collection « Grand Amphi Economie », Rosny : Bréal, 2008.
Jessua (Claude) : Histoire de la théorie économique, Paris : P.U.F., 1991.
Martina (Daniel) : La pensée économique, Paris : A. Colin, coll. "Cursus", tome 1, Des mercantilistes aux néo-classiques, 1991, tome 2, Des néo-marginalistes aux contemporains, 1993.
Poulalion (Gabriel), Histoire de la pensée économique, Paris : L’Hermès, 1995.
Wolff (Jacques), Histoire de la pensée économique. Des Origines à nos jours, Paris : Montcrestien, 1991.

L’auteur
Robert Braid est né aux Etats Unis en 1968. Après une carrière comme consultant de communication en entreprise et chargé de relations internationales dans le secteur privé, il a obtenu son doctorat d’histoire économique en 2008 et est actuellement Maître de conférences à la Faculté d’économie à l’Université de Montpellier.

Introduction

Qu’est-ce que l’histoire de la pensée économique ?
En règle générale, le terme « histoire » fait référence à l’étude des faits qui ont eu lieu dans le passé. Il y a plusieurs manières d’étudier le passé, principalement par le biais de l’analyse des textes anciens. L’historien analyse donc les civilisations anciennes qui ont laissé des traces écrites. Les archéologues étudient eux-aussi le passé, mais surtout grâce aux objets trouvés dans la terre et dans l’eau. L’historien est donc limité non seulement par la conservation souvent aléatoire des documents, mais aussi par sa capacité de comprendre le langage et les idées exprimées par les auteurs qui ont vécu dans un contexte très différent du nôtre.

Par « pensée », on entend l’activité intellectuelle, la réflexion. D’autres termes ont souvent été employés pour ce sujet, mais sont trop contraignants. « Théorie » et « analyse » supposent une formulation bien structurée des idées. La « science » y ajoute également une méthode pour relier différentes théories et les rendre cohérentes entre elles. Mais les théories, et encore plus la science, excluent toute une série de réflexions qui ont évolué et finalement qui ont donné naissance à des idées plus claires et cohérentes. Ce cours commence donc par une analyse des plus anciennes pensées économiques dont nous avons gardé une trace écrite. La réflexion économique avait commencé longtemps avant et a été bien plus vaste que les sujets traités dans ce cours, car même l’être humain le plus primitif réfléchissait sur comment il allait se procurer les produits nécessaires pour de la vie et comment les distribuer au sein de sa famille et de sa tribu, mais ces hommes et femmes n’ont pas transformé leurs idées en textes écrits.

Actuellement, le terme « économie » signifie l’étude de la production, la distribution, l’échange et la consommation de produits (biens et services). Pour comprendre le fonctionnement de l’économie, les hommes ont tenté de l’observée. Or, la grande majorité des activités économiques, encore de nos jours, sont très difficile à examiner, à qualifier et à quantifier. De plus, ces activités sont liées de manière inhérente à l’organisation politique, juridique et sociale ; il est donc essentiel de prendre en compte le contexte dans lequel les théories ont été élaborées et essayer d’examiner comment ces idées ont pu influencer leur contexte.



Pourquoi est-ce qu’il est important que de jeunes étudiants en management étudient l’Histoire de la pensée économique ?
Souvent on considère que l’étude de l’histoire économique ne concerne que les économistes qui doivent comprendre l’origine des théories économiques actuelles. Dans les universités américaines, il y a de moins en moins cours proposés sur ce sujet, car on préfère se concentré sur les phénomènes économiques actuels et les théories développées pour le comprendre. Ce type de cours et très souvent absent de nombreux programmes universitaires en gestion. Cependant, il y a de plus en plus d’articles sur les réflexions économiques anciennes publiés dans les revues économiques.
Schumpeter a signalé trois raisons pour étudier l’histoire de l’analyse économique. D’abord, elle offre des avantages pédagogiques : étudier l’histoire de la théorie économique nous aide l’élève à réfléchir. Mais on pourrait aussi argumenter qu’un cours de littérature ou de chimie offre les mêmes avantages. Schumpeter a observé aussi que parfois on pourrait trouver dans les écrits des anciens quelques idées oubliées qui nous permettraient de mieux comprendre l’économie actuelle. Cependant, la découverte d’une idée d’antan qui n’a pas déjà été étudiée reste un phénomène extrêmement rare. Enfin, il souligne que l’étude de l’histoire de la pensée économique offre des « éclaircissements sur les démarches de l’esprit humain ». Ce n’est donc pas l’idée en elle-même qui est importante, mais plutôt le processus intellectuel par lequel l’être humain est arrivé à cette idée. L’analyse de ce processus nous permet donc de mieux comprendre nos propres processus de réflexion et nous aide à être plus objectifs quant aux idées dont d’autres souhaitent nous convaincre.




La théorie et la réalité selon J. M. Keynes :

« […] les idées, justes ou fausses, des philosophes de l’économie et de la politique sont plus puissantes qu’on ne le pense en général. […] Les hommes d’action qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont d’ordinaire les esclaves de quelque économiste passé. »
(John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936, ch. 24.)


Selon Keynes, le lien entre la théorie économique et la réalité économique est très clair : les « hommes d’action » sont dépendants des idées développées par les intellectuels pour comprendre le fonctionnement de l’économie. En effet, les hommes politiques et managers font souvent appel à des spécialistes en la matière pour les aider à prendre les meilleures décisions. Cependant, il est aussi vrai que la réflexion des individus (même celle des intellectuels) est fortement influencée par leur contexte, qui lui dépend des décisions prises par les hommes d’action. Le rapport est donc plus complexe que l’observation de Keynes. Est-ce qu’il est possible que Keynes est arrivé à cette conclusion parce que lui-même il était un intellectuel et non pas un homme politique ou un manager ?





Quels sont les différentes manières d’étudier l’Histoire de la pensée économique ?
Plusieurs approches s’offrent donc à l’organisateur d’une telle formation. Certains tentent de mettre en évidence l’évolution des idées en examinant la transition d’une théorie à l’autre. D’autres préfèrent établir des paradigmes et caser les théories dans des rubriques bien définis. Il semble plus utile pour de jeunes managers, cependant, de relativiser toutes les pensées économiques en les replaçant dans leur contexte intellectuel, politique, économique et social.

Cette formation visent donc à fournir à l’élève des informations sur les économistes et les courants de pensée les plus souvent cités pour qu’il puisse discuter avec des économistes et lire des textes sur l’économie. Mais plus important encore, cette formation cherche à donner aux étudiants les outils intellectuels pour pouvoir analyser différentes théories économiques de façon critique pour ne pas être l’esclave de l’idéologie.
















Quiz de sensibilisation

Ci-dessous est une liste des plus grands philosophes de l’économie. Prenez quelques minutes pour voir si vous en connaissez déjà quelques uns, ou si vous êtes un parfait débutant en la matière. Refaite ce même quiz à la fin de la formation pour voir votre progrès. NB – Aucune connaissance au préalable n’est requise pour bien réussir cette formation. Toutes les informations nécessaires seront fournies.
__________________________ Philosophe grec (environ 428-354 av. J. C.), disciple de Socrate, qui est l'auteur de la première utilisation du vocable "économique", pour signifier la bonne gestion de la grande propriété foncière. Il prône également la spécialisation des métiers et explique comment accroître les recettes fiscales de la Cité d’Athènes.
__________________________ Philosophe et économiste écossais (1723-1790), qui a publié en 1776 La Richesse des nations, ouvrage dans lequel il explique comment l’économie se régule de manière autonome parce que les actes poursuivis dans l’intérêt de chaque individu conduisent également à l’intérêt collectif.
_________________________ Economiste français (1767-1832) de l'école classique, qui favorise une politique de libre échange, il est connu pour sa théorie que la production crée des opportunités, ou des débouchés, pour des échanges.
_________________________ Economiste anglais (1772-1823), considéré comme l'un des pères fondateurs de l'école classique, qui commence sa carrière comme financier à Londres et qui devient parlementaire en 1819, connu pour son ouvrage principal, Des principes de l'économie politique et de l'impôt, dans lequel il défend le libre échange et développe une théorie par laquelle la valeur d'un bien prend en compte non seulement le travail utilisé pour le fabriquer, mais aussi le travail qui a été nécessaire pour accumuler le capital (machines, etc.).
_________________________ Economiste français (1834-1910), professeur à l'Université de Lausanne, co-fondateur de l'école néo-classique, qui est connu pour sa théorie d'équilibre général et pour son approche extrêmement théorique.
________________________ Economiste britannique (1842-1924), de l'université de Cambridge, considéré comme l'un des plus grands auteurs de l'économie néo-classique, qui a utilisé les théories d'utilité marginale pour élaborer une théorie d'équilibre partiel, "toutes choses égales par ailleurs" (« ceteris paribus »).
_________________________ Economiste autrichien (1899-1992), défenseur du libéralisme, connu pour son ouvrage La Route de la servitude (1944) dans lequel il démontre que l'intervention de l'Etat dans l'économie se traduit par une réduction de libertés individuelles, il reçoit le Prix Nobel en 1974 pour avoir incorporé des aspects sociaux et institutionnels dans son analyse économique.
_________________________ Economiste britannique (1883-1946), et l'un des acteurs principaux des accords de Bretton Woods, qui est reconnu pour sa théorie que les marchés ne peuvent pas toujours s'équilibrer de manière autonome, nécessitant l'intervention de l'Etat, notamment pour remplacer la demande du secteur privé qui baissent en périodes de crises économiques.
____________________________ Economiste américain (1943- ), professeur à Columbia University, ancien Economiste en Chef de la Banque Mondiale, il reçoit le Prix Nobel d’économie et est connu pour ses critiques du libéralisme économique et de la mondialisation. Il est l’économiste le plus cité dans le monde (selon IDEAS/RePEc).
_____________________________ Economiste américain (1953- ), professeur à Princeton, à la London School of Economics, lauréat du Prix Noble d’économie en 2008 pour ses travaux sur le commerce international et la concentration géographique de la richesse en examinant l’impact des économies d’échelle et des préférences des consommateurs.

1. Economie morale (Antiquité – XVème siècle)

Les seuls documents qui laissent une trace des la pensée économique conservés pour cette époque sont des lois et des traités philosophiques ou théologiques. La pensée économique est indissociable de la moralité (ou du droit), donc basée sur l’élaboration du comportement vertueux (ou légal) des différents acteurs. Il est évident que les marchants, les artisans, les paysans, etc., réfléchissaient aux moyens de productions, à l’efficacité, aux termes d’échanges, à l’investissement, à leur consommation, à la leurs budgets, etc., mais ils n’ont pas transcrit leurs idées, alors l’étude historiques de cette réflexion est impossible. L’absence de textes ne veut pas forcément dire l’absence d’idées.


La Mésopotamie
Le Code d'Hammurabi – roi de Babylone au 18ème siècle av. J.-C.
Ceci est certainement le plus ancien texte (écrite sur une tablette de pierre) conservé qui parle d’économie. Comme tous les codes juridiques, il s’agit d’un document qui rassemble des règlements divers sur un certain nombre d’activités pour maintenir l’ordre social. Ce code comprend des lois économiques (fixation des salaires, règlements sur les prêts, la location, la responsabilité professionnelle, etc.). Il n’est pas très important pour nous, car il a été assez récemment redécouvert par des archéologues and n’a eu aucune impact sur notre héritage en matière de pensée économique. Il témoigne, cependant, d’une réflexion économique à une époque très ancienne et vaut donc d’être retenu.




Antiquité chinoise
Il existe deux traditions importantes dans la philosophie chinoise : le Taoïsme et le Confucianisme.

Le « Vieux Maître », Lao Tseu (570-490 av JC), est considéré comme étant à l’origine des pensées exprimées dans un ouvrage postérieur, Livre de la voie et de la vertu (IVème-III siècle av JC). Le principe de cette philosophie repose sur le principe régulateur binaire de l’univers (yin et yang). Comme toute philosophie, le Taoïsme cherche à établir des règles de conduite pour mener l’être humain à la vertu. Celle-ci dépend principalement de la non-intervention de l’homme dans le monde. L’harmonie et la vertu sont atteintes par l’acceptation du monde naturel. Il prône alors la dissolution de la culture, du savoir, du désir, pour retrouver un état pur et originel.

L’autre courant philosophique majeur en Chine antique est le Confucianisme. Contrairement à l’enseignement du Taoïsme, Confucius (551-479 av JC) prônait une philosophie où l’homme est au centre. La vertu est atteinte grâce à la vie en société ; Confucius donne donc un rôle important à l’éducation et à l’Etat.

Certains tentent de lire dans ces philosophies une certaine réflexion économique. En effet, la non intervention du Taoïsme peut être assimilée au libéralisme économique où les marchés s’auto-règlent (Smith, Marshall, Hayek, Friedman). Le Confucianisme, en revanche, pourrait soutenir une philosophie économique qui favorise l’intervention de l’Etat dans l’économie (Marx, Keynes, Stiglitz, Krugman). Mais ces philosophies n’évoquaient pas directement les questions relatives aux activités économiques. De plus, elles n’ont pas eu d’influence directe sur la tradition philosophique occidentale ou sur les théories économiques les plus répandues.


Antiquité grecque

Contrairement aux lois babyloniennes ou à la tradition philosophique chinoise, les idées articulées en Grèce antique ont eu un impact direct et important sur la philosophie occidentale et sur la théorie économique moderne. Il suffit de rappeler qu’Adam Smith était professeur de philosophie morale et enseignait les textes d’Aristote et de Platon. Tout universitaire jusqu’à une époque très récente devait apprendre le latin et le grec et lisait les grandes œuvres philosophiques de l’antiquité grecque. Encore de nos jours, les économistes font parfois référence aux auteurs grecs, notamment à Aristote.

Le contexte
Avant de comprendre la pensée de l’époque, il convient de rappeler quelques points concernant le contexte historique. La Grèce antique est considérée comme le berceau de la démocratie, et comme tout développement, le début est imparfait. L’économie grecque dépend foncièrement sur le travail des esclaves. Les domaines agricoles comme l’artisanat urbain tournent grâce au travail forcé et la pensé démocratique ne considère absolument pas la possibilité de le supprimer. Il faut aussi rappeler que l’économie grecque est prospère grâce au commerce international qui est dû à la maîtrise du transport maritime. Les bateaux grecque sillonnent la méditerranée, apportant à la fois marchandise et idées.


Les penseurs
Thalès de Milet (625-547 av JC)
Ce philosophe n’a pas laissé de trace écrite de ses pensées, mais Aristote raconte une anecdote relative à ce philosophe qui laisse entendre qu’il maîtrisait des notions économiques. Thalès aurait été critiqué pour le caractère inutile de son savoir, étant un philosophe toujours à la recherche du savoir et non d’un gain terrestre. Pour démontrer l’utilité de son savoir, Thalès, grâce à ses calculs du mouvement des corps célestes, aurait calculé les cycles agricoles. Il a ensuite investit dans des pressoirs à huile à un moment où la demande pour les pressoirs était faible et donc leur prix relativement bas. Il a réussi à obtenir un monopole des pressoirs pour pouvoir exiger des frais élevés lors d’une récolte d’olives abondante et amasser une fortune. Cet anecdote nous apprend que, au moins depuis le VIème siècle av JC, on comprenait la notion de cycles économiques et l’impact des fluctuations l’offre des produits agricoles sur les prix des instruments de transformation, ainsi que le fonctionnement de la concurrence, ou son absence, sur les prix.



Xénophon (426-355 av JC)
Cet élève de Socrate (fameux philosophe qui n’a rien écrit), est l’auteur de deux ouvrages importants pour l’étude de l’histoire de la pensée économique. Dans L’Economique, il expose comment améliorer la gestion d’une exploitation agricole. En effet, le terme « économie » (du grec oikos qui signifie maison et nomos qui signifie ordre, règle) fait référence à la gestion domestique, non pas le sens moderne du mot. Mais son autre ouvrage, Les Revenus de l’Attique, explique comment une région peut investir dans l’infrastructure et la production et répartir les ressources pour pouvoir augmenter la richesse collective. C’est donc dans cet ouvrage qu’il expose des concepts économiques très modernes.




Platon (427-348 av JC)
Egalement élève de Socrate, Platon est le mieux connu pour son ouvrage La République. Dans cette utopie, Platon décrit trois classes dans la société, les magistrats et philosophes dans la première, les guerriers dans la deuxième et les producteurs dans la troisième (organisation sociale qui remonte jusqu’aux indo-européens et perdurent au moins jusqu’au XIXème siècle). Pour la première classe, il prône un partage communautaire de la propriété ; les magistrats et philosophes devraient partager non seulement la terre et des objets, mais aussi leurs femmes. Par contre, pour le reste de la société, seule la propriété privée peut maintenir l’ordre social. Ce texte énonce donc un système communiste pour l’élite de la société et un système plutôt capitaliste pour le reste. Cette prescription n’est cependant pas pour augmenter la richesse collective ou individuel, mais plutôt pour permettre aux individus de se comporter de manière vertueuse.


Aristote (384-322 av JC)
L’auteur grec qui a eu le plus grand impact sur la pensée économique moderne est de loin Aristote, élève de Platon. Dans ses ouvrages (L’Ethique à Nicomaque, La Politique) Aristote développe non seulement des concepts économiques, mais aussi une méthode qui sera plus tard adopter par des philosophes occidentaux, notamment les théologiens de la fin du Moyen Age.

Il décrit le processus de développement économique par la spécialisation et l’origine de la monnaie, nécessaire pour des échanges à partir d’un certain volume de commerce. La monnaie est donc un moyen d’échange plus efficace, non pas la richesse elle-même. Cet argument sera repris par de nombreux économistes postérieurs, y compris Adam Smith. En effet, c’était Aristote qui explique que le roi mythique Midas, qui transformait tout ce qu’il touchait en or, a crevé de faim car il ne pouvait pas manger l’or et ne pouvait pas manger sans toucher la nourriture. Il prône alors une recherche de gain (‘chrématistique’) naturelle, qui favorise la production et l’échange de biens utilisant l’argent seulement comme moyen de paiement, plutôt qu’une chrématistique mercantile, qui signifie la recherche de gain en numéraire par toutes sortes de manœuvres mais sans produire des biens utilises.

Surtout, Aristote a légué à l’Occident une méthode pour évaluer la valeur d’un argument, en y opposant les idées et arguments contraires pour arriver à une conclusion plus fiable. C’est surtout à cause de cette méthode, et la traduction en latin des ses ouvrages au XIIIème siècle, que des théologiens médiévaux vont lire Aristote, cherchant un fondement philosophique plus logique pour la théologie chrétienne. En passant, les auteurs médiévaux vont commenter et reprendre les arguments économiques du philosophe grec.



Les thèmes 
L’antiquité grecque a créé une fondation sur laquelle d’autres auteurs postérieurs vont bâtir. Les auteurs grecs n’ont certainement pas inventé ex nihilo ces idées ; les concepts économiques décrits dans ces ouvrages philosophiques avaient été certainement discuté par des philosophes antérieurs qui n’ont pas rédigé leurs idées pour permettre aux historiens de les analyser.

En gros, plusieurs thèmes économiques peuvent être identifiés dans la littérature grecque. D’abord, conformément au sens propre du terme ‘économie’, on voit des ouvrages relatifs à la gestion d’un domaine agricole, un type d’ouvrage qui sera répandu par les Romains. On aborde également la question de la répartition des biens entre membres d’une communauté. Enfin, on critique l’accumulation de la richesse sans produire des biens utile (la chrématistique mercantile), tout en défendant le travail. A cette époque, on fait preuve d’une compréhension assez claire du fonctionnement de base de l’économie, l’offre et la demande, les prix, la concurrence, etc., mais l’orientation de la plupart des ouvrages concerne le comportement vertueux des acteurs. Seul Xénophon semble se préoccuper de la question de l’augmentation de la richesse régionale.




Antiquité romaine
Le contexte 
L’histoire de Rome est relativement bien connue. Fondée dès le VIIIème siècle av JC, la cité devient république et puis empire. L’expansion politique est soutenue par une croissance économique qui est elle liée directement aux avancées technologique. Maîtrise de la force de l’eau pour faire tourner des roues pour lever pierres ou mouliner grains. Le ciment permet des constructions de plus en plus grandes et résistantes. Aqueducs permettent une croissance démographique, même à des endroits sans des ressources suffisantes en eau. Routes et ponts facilitent le commerce. La paix romaine offre une sécurité qui laisse développer la production et le commerce. La production agricole est basée sur l’exploitation de grands domaines (latifundia), et le travail est fourni principalement par des esclaves. L’expansion atteint ses limites et le déclin s’installe vers IVème siècle.

Quant au contexte intellectuel, les Romains étaient tributaire des Grecs. Les jeunes Romains de bonne famille allaient étudier la rhétorique ou la logique en Grèce sous la tutelle d’un maître. Par conséquent toute l’élite de Rome maîtrisait bien la langue grecque et connaissait bien la tradition intellectuelle grecque.


Les auteurs 
Dans la tradition de l’ « Economie » de Xénophon, de nombreux auteurs ont rédigé des traités sur la gestion de domaines agricoles : Caton l’Ancien (234-149 av JC), Varron (116-27 av JC), Lucius Columelle (1e siècle après J. C.), Pline l'Ancien (23-79 après JC).

Quant à la philosophie, il suffit de citer le plus célèbre des Stoïques, Cicéron (106-43 av JC), qui était par ailleurs un puissant homme politique, rival de Jules César. En particulier, dans l’un de ses nombreux ouvrages philosophiques, Des Devoirs, il expose comment un individu doit agir pour être vertueux, y compris dans ses activités économiques. L’honnêteté dans des transactions commerciales et le respect des engagements sont des thèmes récurrents. En tant que Stoïque, et dans la tradition hellénique, il dénigre la recherche du gain matériel au dépens de la vertu. Cicéron aura un impact important non seulement sur d’autres auteurs romains, mais il sera également cité par les théologiens médiévaux.

L’autre source majeure d’informations sur la pensée économique de cette époque consiste à des lois. En particulier, le Corpus Juris Civilis (Le Code Justinien) Justinien Ier (483-565 après JC) rassemble un très grand nombre de règles de conduite dans la société romaine. Les thèmes relatifs à l’activité économique concernent principalement le respect du contrat, l’honêteté dans les échanges (bona fides), la responsabilité des acheteurs d’être sur ses gardes (caveat emptor) et le juste prix. Par rapport à ce dernier concept, le droit romain établissait qu’un individu qui a été amené à payer plus de 50% de plus que le juste prix pouvait chercher compensation devant la justice, selon le principe de laesio enormis. Cependant, le droit romain n’établit pas explicitement comment déterminer le juste prix ; en gros on comprend qu’il s’agit du prix pratiqué sur le marché local (voir textes ci-dessous). Le droit romain aura un impact énorme sur la civilisation occidentale car il sera pris comme base pour l’élaboration de traités de droit dès le XIème siècle et servit de base pour les codes civile et pénal élaborés par Napoléon et encore en vigueur.

La tradition patristique
Par tradition patristique, on entend l’héritage de l’Eglise Catholique aux premiers siècles de notre ère. L’Eglise Catholique, d’abord supprimée par l’Empire Romain, ensuite se développe grâce à celui-ci. L’Empereur Constantin (272-337) s’était converti au Christianisme et, à travers l’Edit de Milan de 313, a déclaré la tolérance envers les Chrétiens dans l’Empire Romain, ainsi favorisant la propagation de cette religion. Elle devient la religion principale de l’Europe occidentale et détenait le monopole du savoir et de l’enseignement en occident. Son influence est profonde.

Si la Bible est considérée comme le plus important des textes de la religion chrétienne, et en particulier le Vulgate (version latine établie par Saint Jérôme à la fin du IVème siècle), l’Eglise Catholique octroie une considération particulière aux textes rédigés par les pères fondateurs de la religion (d’où le terme « patristique »).

L’Eglise Catholique se considérait héritière de la tradition hébraïque et inclut la Torah (l’Ancien Testament) parmi les textes sacrés. Les divers livres de cette partie de la Bible offrent une multitude de normes à suivre. Parmi ces obligations on retrouve un certain nombre de comportements économiques. Par exemple, un maître ne peut pas retenir le salaire de ses ouvriers jusqu’au lendemain du jour travail ; le salaire des journaliers doit être versé le soir même afin de leurs permettre d’acheter leur nourriture quotidienne. On doit agir charitablement envers ses serviteurs, tout comme on doit faire pour toute personne en situation précaire (orphelins, veuves, personnes âgées, etc.). De plus, en punition, Dieu chasse Adam et Eve du Jardin d’Eden et les oblige à « gagner [leur] pain par la sueur de [leur] front ». En gros, il faut travailler et il ne faut pas abuser de sa position économique supérieur au dépens des autres.

Le Nouveau Testament ne contient pas tant de lois précises ; il offre cependant un esprit à adopter qui, si pris à la lettre, agirait profondément sur les activités économiques. En particulier, le Christianisme dénigre la richesse. Alors que la tradition philosophique grecque critique l’accumulation de la richesse sans effort productif, l’Evangile recommande de se débarrasser de ses possessions matérielles. Le Christianisme favorise la charité même envers des inconnus. Le travail ne semble pas mis en valeur ; si Jésus est issu de la classe ouvrière, on ne le voit, ni lui ni ses disciples, travailler. Au contraire, ils vivent seulement grâce aux dons, comme des mendiants. Seule la recherche du salut éternel importe dans ses textes.

Si la Bible s’adresse principalement à une multitude d’individus, les autorités de l’Eglise doivent maintenir l’ordre social. L’abandon total de ses biens ne peut se pratiquer que par une partie très limité de la société ; en effet, c’est ce qui est demandé aux moines qui vivent en communauté sans possessions propres. Les auteurs les plus connus de l’époque, Ambroise de Milan (340-397), Jean Chrysostome (vers 349 - 407), Augustin d’Hippone (354-430) mettent l’accent sur le comportement moral mais se garde de prôner des activités qui risquent de mettre en danger la cohésion sociale. Les Chrétiens doivent donc agir charitablement, mais ils ne doivent pas se mettre dans une situation précaire. De plus, on voit l’obligation de travailler dans ces textes patristique qui est absent de la Bible. Toute richesse doit donc être le résultat du travail et non pas de pratiques comme l’usure.



L’Islam médiéval
Beaucoup d’études de l’histoire de la pensée économique néglige d’évoquer l’Islam. Si les auteurs les plus célèbres de la théorie économique moderne n’ont pas été directement influencés par la religion musulmane, l’apport de l’Islam ne doit passer sous silence. En effet, sans l’Islam, la culture grecque et romaine auraient disparue après la chute de l’Empire Romain. Les invasions barbares détruisent toute la civilisation antique en Europe, ne laissant que les plus grands monuments (arènes, théâtres, ponts, aqueducs) trop massifs à démonter. La tradition intellectuelle hellenistique et romaine ne survit que grâce à l’essor de l’Islam.

Mohammed (570-632) avait fondé une religion qui se propage aux VIIème et VIIIème siècles pour enfin couvrir un espace énorme, du Maroc au Pakistan. Cette conquête arabe, visant l’expansion et l’unification de peuples très différents, s’est traduite par un essor économique, politique, et culturel. La conquête à introduit une paix relative et des liens entre peuples qui favorisent les échanges. Pour gérer un espace aussi vaste et varié, les institutions centrales deviennent de plus en plus sophistiquées, et une grande place est accordée à l’étude et au savoir.

Les intellectuels arabes se considéraient comme les héritiers du la culture hellénistique et se sont mis à transcrire et à traduire les textes grecques. Les plus grands esprits de l’époque tentaient d’interpréter la philosophie grecque à travers la religion musulmane. Al Farabi (870-950) rédige Une thèse sur la politique qui a été directement inspirée par Platon. Ibn Sina, dit « Avicenne » (980-1037) se base sur Aristote dans son Livre de la politique. Ibn Rushd, dit « Averroès » (1126-1198), peut-être le plus célèbre des intellectuels de l’époque, connu et respecté en Occident, aussi essayait de trouver la concordance entre la raison philosophique et la moralité du Coran. Al Biruni (973-1050), quant à lui, se penchait sur le rapport entre population et ressources, un thème qui sera rendu célèbre par Thomas Malthus.

En gros, les thèmes sont les mêmes que dans l’antiquité grecque. On condamne les monopoles et l’usure (les prêts à intérêts sont encore interdits par la loi charia). Et comme cela a été le cas en droit romain, le juste prix doit fluctuer naturellement et ne doit pas subir l’intervention des hommes.


Le Moyen Age en Occident
La période la plus importante pour nous est la bas Moyen Age Occidental. La tradition intellectuelle développée à cette période s’est poursuivie jusqu’à nos jours sans interruption. En effet, c’est à cette époque que se sont établies les premières universités qui existent encore aujourd’hui et qui sont les centres d’activité intellectuelle en matière de pensée économique.

Le contexte 
Le Haut Moyen Age (Vème-Xème siècles) avait été marqué par la chute de l’Empire Rome, les invasions barbares, la fragmentation et l’insécurité. Cette instabilité génère une dégradation économique et technique sévère. Certaines périodes étaient marquées par plus de stabilité et un léger essor économique et culturel, notamment sous Charlemagne (742-814). Mais le vrai développement n’a pas eu lieu avant le XIème siècle.

Une certaine paix intérieure en Europe a été retrouvée quand les guerriers se sont mis à guerroyer en Palestine contre les Musulmans lors des Croisades (1095-1291). Cette stabilité intérieure favorisa la un essor économique et démographique. Les Croisades ont aussi fait développer le commerce international. Des foires internationales, comme celle de Champagne, ont aussi encouragé le commerce. Cette croissance économique et démographique a entraîné la sophistication des gouvernements ; le pouvoir royal reposait de plus en plus sur le parlement, les conseils et une administration fiscale et juridique. L’Eglise aussi a grandi à cette époque et des universités ont été fondée au XIIème siècle à Paris (théologie), Bologne (droit), Montpellier (médecine), Oxford, Cambridge, etc. Lors des Croisades, des textes antiques, depuis longtemps perdus en Europe, ont été redécouverts et traduits en latin pour une large diffusion auprès des universitaires européens.

La croissance économique et démographique s’est ralentie vers la fin du XIIIème siècle et les conflits armés au sein de l’Europe ont augmenté. Des conflits en Italie ont empêché Clément V, élu pape en 1305, de prendre son poste à Rome ; il s’installe donc à Avignon où toute l’administration papale est resté pour presque 70 ans. En 1337, Edward III, descendant direct d’Eleanor d’Aquitaine, se déclare héritier de la monarchie française, commençant la Guerre de Cents Ans entre l’Angleterre et la France.

Puis, en 1348, la Peste noire sévit en Europe, en Afrique du Nord, au Moyen Age, emportant environ 40% de la population partout. Ce déclin démographique brutal ont créé une panique générale et ont entraîné un désordre sans précédent sur les marchés. Le nombre de consommateurs radicalement en baisse, les stocks restant stables, les prix chutent. Mais pendant l’épidémie, personne ne voulait ou ne pouvait travailler, réduisant dramatiquement la production. Surtout, la quantité monétaire restant stable (car l’argent ne meurt pas), la masse monétaire par personne double, entraînant une hausse radicale de prix et de salaires. Ce bouleversement économique pousse les autorités à agir en fixant les prix et les salaires, en obligeant les membres de la classe laborieuse à travailler, en interdisant l’aumône aux personnes physiquement capable de travailler, etc. Les Etats doivent restructurer leur système fiscal pour prendre en compte la baisse démographique. Le déclin économique perdure jusqu’à la fin du XVème siècle.


Les auteurs
La théologie (« La scolastique »)
Le XIIème siècle a vu un essor intellectuel important. Des clercs se sont rassemblés dans des écoles qui sont devenu des universités. A Paris on étudiait principalement la théologie, à Bologne le droit et à Montpellier la médecine. Surtout au XIIIème siècle et la traduction des œuvres philosophiques grecques et latines redécouvertes, les intellectuels s’inspirent de cette tradition antique pour poursuivre la réflexion dans un tout autre contexte.

Pour les théologiens, c’était l’Ethique et la Politique d’Aristote qui a servi de base méthodologique pour analyser les réflexions religieuses. Albert le Grand (1193-1280) a rédigé deux ouvrages (Sur l'Ethique, La Politique) pour analyser le travail d’Aristote. Il a aussi repris le travail de Pline l'Ancien (23-79 après JC) dans Histoire naturelle. Thomas d'Aquin (1225-1274), élève d’Albert le Grand et le plus grand théologien du Moyen Age, était lui aussi fortement influencé par la méthode logique d’Aristote. Sa Somme Théologique examine de totalité de la foi chrétienne utilisant la méthodologie d’Aristote. Dans Il a également rédigé des textes à l’intention des gouvernants concernant leur devoirs et responsabilités en tant pouvoir séculier (Du gouvernement royal), y compris comment ils doivent protéger le commerce pour permettre au peuple de pouvoir se procurer les denrées nécessaires pour la survie. D’autres auteurs ont traité directement des questions économiques, tels Pierre Jean Olivi (1248-1298) Traité des contrats , Jean de Gerson (1363-1429) Des contrats.

Ces théologiens se préoccupent principalement d’expliquer au lecteur comment atteindre le salut divin et adoptant un comportement qui respecte certaines règles. Les règles sont quasiment les mêmes depuis l’époque patristique : Il est rappelé que tout le monde doit travailler, même si c’est n’est pas un travail manuel. On doit être charitable envers les autres, mais on ne doit pas mettre en péril sa propre capacité de se nourrir et de nourrir sa famille. Il est interdit de prêter de l’argent contre intérêts. Mais les théologiens du bas Moyen Age prêtent plus d’attention à la question du Juste Prix (voir textes ci-dessous).

L’œuvre de Nicolas Oresme (vers 1320-1382), Traité sur l'origine, la nature, le droit et les mutations des monnaies , mérite une attention particulière, car cet auteur était très en avant sur la question de la monnaie. La plupart d’auteurs se limitait à l’analyse d’Aristote qui consistait à dire que la monnaie était nécessaire pour pouvoir échanger des biens nécessaires pour la vie. Oresme, par contre, examine le résultat de la dévaluation que pratiquait la monarchie française à l’époque. Pour pouvoir augmenter sa richesse, à défaut de pouvoir lever les impôts à volonté, le roi diminue la quantité d’argent dans chaque pièce et fabrique un plus grand nombre de pièces. Le résultat est que l’inflation augmente avec chaque dévaluation et les acteurs économiques craignent de nouvelles mutations. Orseme, conseiller du roi, expose le problème économique et moral, car le roi tente de créer de la richesse sans rien produire d’utile. Au contraire, il se rend coupable de perturber les marchés qui permettent aux gens de vivre. La question de la quantité d’argent en circulation n’avait pas attirée beaucoup d’attention à cette époque, mais devient une des questions fondamentales de la réflexion dès le XVIème siècle.

Il faut citer en passant Jean Buridan (v. 1300-1358), que l’on suppose être l’auteur de l’anecdote « L’âne de Buridan ». Dans cet anecdote, un âne a aussi bien faim que soif et on pose un seau d’eau et un autre seau d’avoine à distance égale sur les deux côtés de l’âne. L’auteur conclue que l’âne se laisse mourir de faim et de soif car il ne sait pas choisir entre les deux produits, les deux étant également nécessaires pour la survie. Un être humain, doté de raison, à la même place aurait choisi l’avoine car il reconnaitrait la valeur marchand du seau d’avoine, produit plus cher que l’eau car plus cher à produire. Si l’anecdote semble absurde, il met simplement en évidence la différence entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, un point de départ théorique à la base de la réflexion d’Adam Smith.

Le droit
La renaissance intellectuelle ne se limitait pas à des réflexions philosophiques et religieuses. De nombreux intellectuels se penchent sur des questions juridiques. La sophistication des administrations publiques, ainsi que la redécouverte du Code Justinien, ont donné naissance à une avalanche d’ouvrages qui tente de rendre cohérent un ensemble de lois sans principes clairs. De nombreux exemplaire du Code Justinien ont vu le jour, chacun avec des annotations (gloses). Les juristes du droit canon mettent en place un Codes similaires, rassemblant tous les décrets des papes et évêques importants : Gratien, Décrétales (XIIème siècle), Raymond de Penafort, Les décrétales de Grégoire IX (1234).

Documents
Le Juste Prix
(N.B. Dans l’intérêt de l’espace et de la compréhension des étudiants, certaines des citations représentent des résumés très sommaires des passages indiqués. Ne pas citer alors sans avoir consulté l’original.)

A. Droit civil
Code Justinien
1. "Une chose vaut le prix auquel elle peut être vendue." (Digeste, 13, 1, 14 ; Digeste, 35, 2, 63 : Digeste 36, 1, 1, 16 ; Digeste 47, 2, 53, 29.)


2. "Le prix d'une chose ne dépend pas de l'usage ou de l'utilité (utilitate) de cette chose pour un individu ; il est établi communément. Il ne doit pas prendre en compte les attentes, mais doit représenter la valeur présente. Cependant, la valeur estimée d'un bien, par exemple lors d'un héritage, ne devait pas toujours suivre exactement le prix du marché du moment, car des périodes de pénurie très éphémères peuvent faire flambée les prix qui ne correspondent plus à la valeur de la chose." (Digeste, 35, 2, 63.)


3. "Dans les prix de vente, il est naturellement permis de tromper l'autre pourvu qu'aucune fraude ne soit utilisée." (Digeste, 4, 4, 16, 4.)


Ordonnances médiévales
4. Charlemagne (juin 794) : Que personne ne vende, ni en temps d'abondance ni en temps de carence, une mesure d'avoine plus d'un denier, une mesure d'avoine plus de deux deniers, une mesure de seigle plus de trois deniers, ou une mesure de frument plus de quatre deniers. Douze pains de frument, d'un poids de deux livres, ne doit pas coûter plus d'un denier, ... Synodus Franconofurtensis (Loi de Charlemagne, juin 794).Capitularia Regum Francorum, in MGH Legum, sectio II, Alfred Boretius (ed.), 2 vols., Hanover, 1883-1897, t. I, pp. 73-78.


5. Philippe VI de Valois (18 mars 1330) : « Nous voulons et avons toujours voulu que chacun de notre royaume puisse vivre raisonnablement de son travail, et pour cette raison, nous avons abrogé notre première ordonnance fixant les prix et les salaires des journaliers, car ceux-ci ne pouvaient pas vivre convenablement selon les taux établis. Mais aussitôt que cette voie leur a été ouverte, ils se sont mis à exiger des salaires excessifs. Nous demandons, alors, que des salaires convenables soient établis en fonction de la monnaie, de la saison et des prix des denrées. » ("Isambert": t. iv, pp. 383-384.)

6. Edouard III (18 juin 1349) : « Parce qu’une grande partie du peuple, surtout des ouvriers et servants, est récemment mort de la peste, beaucoup voyant le besoin des maîtres et le manqué de servants refusent de travailler à moins qu’ils reçoivent des salaries excessifs, et certain préfèrent même mendier plutôt que de travailler pour gagner leur vie; Nous […] avons après délibération et conseil avec les clercs et les nobles, et avec des hommes savantes qui nous aident, de leur conseil mutuel, ordonnons (que toute personne de la classe ouvrière accepte tout emploi aux taux de salaires d’avant la peste, etc.) » Statutes of the Realm, t. I, pp. 307-308.


B. Droit canon
7. Jules Ier, pape (280-352) : "Acheter du blé ou du vin pendant les moissons ou les vendanges, non pas par nécessité mais par cupidité, pour revendre deux ou trois fois plus cher plus tard est considéré une forme d'usure et les bénéfices sont considérés turpe lucrum." (Décrets, II, 14, 4, c. 9)

8. Grégoire IX, pape (1145-1241) : "Les prêtres de chaque paroisse doivent réprimander leurs paroissiens qui exigent des voyageurs et des pèlerins des prix au-dessus de ceux qui sont pratiqués au marché local pour la nourriture qu'ils leur vendent." (Décrets, III, 17, 1)

9. Henri de Suse, évêque (1200-1271) : "Les parties à un contrat peuvent naturellement se tromper de prix." (Summa super titulis Decretalium, II, 20, c. 42, 2)


C. Philosophie - Théologie
10. Albert le Grand (vers 1200-1280) : "Le juste prix est celui auquel un produit peut être évalué selon l'estimation du marché au moment de la vente." (Comm Sent., IV, xvi, 46 in Opera Omnia, t. 29, p. 638.)

11. Thomas d'Aquin (1224-1274) : "La valeur d'une chose vendable doit être différente dans de différents endroits, selon son abondance : là où une chose est plus abondante, on peut en acheter plus pour le même prix. […] Le prix d'une chose ne dépend pas de sa condition naturelle, car parfois un cheval vaut plus qu'un esclave ; il dépend plutôt de l'utilité de cette chose pour l'homme." (Summa Theologica, II-II, 77, 2-3.)

12. Henri de Gand (1217-1293) : "Si les marchands apportaient plusieurs cargaisons de chevaux à un marché, quelqu'un pourrait acheter un cheval à un prix très bas, mais juste, compte tenu de l'abondance. Mais si tout à coup, après cette vente unique, tous les marchands emportaient leurs chevaux, il y aurait une pénurie extrême sur le marché. Dans ce contexte de pénurie, le cheval - qui avait été vendu à un prix très bas - pourrait se vendre à un prix très élevé une heure plu tard, sans aucune modification du cheval en question, et ce prix élevé serait encore considéré comme le juste prix (iusto pretio)." (Quodlibet I, 40 in Opera Omnia, t. 5, p. 230)


13. Jean de Gerson (1363-1429) : La loi peut justement fixer les prix des choses qui sont vendues […] au-dessous desquels le vendeur ne doit pas donner ou au-dessus desquels l'acheteur ne doit pas exiger, quel que soit leur désir de le faire. Comme le prix est une sorte de mesure de l'équité à maintenir dans les contrats, et comme il est souvent difficile de trouver cette mesure avec exactitude, compte tenu des divers désirs corrompus des hommes, il convient que le moyen soit fixé selon le jugement d'hommes sages. […] Dans l'état civil, personne n'est plus sage que les législateurs. Alors, il convient à ceux-ci, quand c'est possible, de fixer le juste prix, qui ne peut pas être dépassé par le consentement privé, et qui doit être appliqué. (De Contractibus., I, 19, in Opera Omnia, t. 3, I, V, 19, p. 175)


14. Dives et Pauper (traité de moralité écrit vers 1405-1410) : "La vraie valeur et le juste prix d'une chose dépendent du prix communément payé sur le marché au moment, alors une chose vaux tant qu'elle peut se vendre." (Dives and Pauper, t. II, p. 154.)


15. Jean Nider (1380-1438) : "On doit vendre son grain selon l'estimation commune ou, autrement dit, au prix du marché." (De contractibus mercatorum, c. 2, 1. Cité dans J. Baldwin, Medieval Theories of the Just Price, p. 54.)


16. Bernardin de Sienne (1380-1444) : "Les prix des marchandises et des services devraient être établis par les autorités locales, pour le bien commun, et non par la libre négociation." De Evangelio aeterno, 35,. 2, c. 2, t. IV, p. 148.



Travail 
Réflexion : Sur la base des textes ci-dessus, expliquer les différents points de vue par rapport au Juste Prix. Réfléchissez bien aux objectifs des différents auteurs, à leur contexte historique et à l’évolution des idées dans le temps. Essayer de dégager deux courants principaux. Peut-on observer des réflexions similaires dans les débats économiques actuelles ?


Rédaction : Rédiger une petite dissertation d’environ 400-500 mots (3 paragraphes) pour commenter ces textes. Commencer par un plan, rédigeant une phrase complète (sujet, verbe, complément) pour chaque paragraphe de votre commentaire. Rédiger également une phrase complète qui résume votre idée principale.

Réflexion
On remarque dans ces 16 textes que certains semblent favoriser un Juste Prix qui serait déterminé par le jeu naturel entre l’offre et la demande (textes 1, 2, 3, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15), alors que d’autres prône l’intervention des autorités pour fixer les prix (textes 4, 5, 6, 13, 16). Mais même certains de ces derniers n’ignorent pas l’importance de prendre en compte les forces économiques dans l’élaboration du prix établi par l’état (5, 6). La division ne se fait pas clairement entre textes juridiques et textes théologiques, car le Code Justinien et le droit canon préfèrent le prix du marché alors que les ordonnances médiévales établissent des prix officiels. Parmi les théologiens, seulement deux se déclarent favorable à la fixation des prix par les autorités. Il est impossible de conclure sur la base de ces seuls textes, mais on pourrait établir l’hypothèse d’une évolution de la théorie du juste prix, peut-être suite à un changement de contexte. En effet, la Peste noire a obligé toutes les autorités d’Europe à intervenir sur les marchés. Il se peut que, après avoir observé les effets d’une conjoncture néfaste, les théologiens commençaient à débattre du rôle du gouvernement dans la régulation des marchés.




Plan
Idée principale : Suite au bouleversement économique causé par la Peste noire, les théologiens ont commencé à réévaluer leur position sur le Juste Prix.

1. Avant la Peste noire, la plupart des penseurs estimaient que le Juste Prix devait être établi par le jeu libre entre l’offre et la demande sur le marché.

2. La Peste noire a bouleversé les marchés obligeant les autorités séculières à intervenir en régulant prix et salaires.

3. Les théologiens de la période après la Peste semblent plus réceptifs à l’idée que le gouvernement peut jouer un rôle bénéfique dans l’économie en fixant les prix.


Commentaire
Suite au bouleversement économique causé par la Peste noire, les théologiens se sont mis à réévaluer leur position sur le Juste Prix. Avant la Peste noire, la plupart des penseurs estimaient que le Juste Prix devait être établi par le jeu libre entre l’offre et la demande sur le marché. Le Code Justinien laisse les parties d’un échange négocier librement le prix d’un bien, mais jusqu’à une certaine limite. Selon le principe du laesio enormis, on ne pouvait pas dépasser plus de 50% le prix « établi communément » sur le marché. De même, les papes Jules Ier et Grégoire IX, à des époques très éloignées, réitère le principe par lequel l’on doit respecter le jeu libre entre l’offre et la demande. Il était interdit, par exemple, de vendre des biens à des étrangers plus cher que leur valeur sur le marché local, ou d’acheter pas cher une grande quantité de denrées du marché pour faire grimper artificiellement des prix et revendre au prix fort après. Albert le Grand, Thomas d’Aquin et Henri de Gand, théologiens du XIIIème siècle, ont également indiqué que le Juste Prix est celui qui est déterminé à un endroit et à un moment précis selon l’abondance du produit et le besoin dont les hommes ont de ce produit. Cette interprétation du Juste Prix a été mise en cause par les bouleversements économiques survenus après la Peste noire.

La Peste noire a bouleversé les marchés obligeant les autorités séculières à intervenir en régulant prix et salaires. Dans toute l’Europe, cette épidémie a sévit entre 1348 et 1351, emportant avec elle près de la moitié de la population. Une telle chute démographique a eu des conséquences importantes sur les marchés. En quelques mois, le nombre consommateurs avait diminué, réduisant de 50% la demande de tous les produits de base, alors que les stocks de denrées n’avaient pas changé sensiblement. Les prix ont dont chuté. Par contre, en raison de l’épidémie, personne ne voulait travailler, préférant profiter des plaisirs de la vie, prier pour la miséricorde de Dieu ou simplement s’occuper des malades et défunts. Les employeurs ont dû offrir des salaires élevés pour faire travailler les ouvriers et la production a diminué sensiblement l’année suivante la Peste, faisant flamber les prix. Ces mouvements brusques des marchés ont obligé les autorités à fixer les prix et salaires. Certains exemples de la fixation des prix et salaires existent depuis avant la Peste noire, mais c’était au moment de cette grande chute démographique que tous les gouvernements en Europe se sont mis à contrôler très étroitement les marchés.

Les théologiens de la période après la Peste semblent plus réceptifs à l’idée que le gouvernement peut jouer un rôle bénéfique dans l’économie en fixant les prix. Jean Gerson et Bernardin de Sienne, deux théologiens nés peu après la Peste noire, semblent favoriser la fixation des prix. Les autorités locales seraient plus à même de déterminer un prix équitable pour tout le monde que le libre jeu de l’offre et de la concurrence. D’autres, tel l’auteur de Dives et Pauper, ou Jean Nider, continuent encore à répéter les réflexions des théologiens d’avant la Peste, mais les autorités séculières peuvent dorénavant s’appuyer sur certains théologiens pour pouvoir intervenir sur les marchés. C’est un bel exemple de comment le contexte économique et social joue un rôle important sur l’évolution de la pensée économique.

(559 mots)


2. Le Mercantilisme (XVème-XVIIème siècles)


« C’est l’industrie que l’on poursuit pour le bénéfice des riches et des puissants qui est principalement encouragée par notre système mercantile. Celle que l’on poursuit pour le bénéfice des pauvres et des indigents est trop souvent soit négligée ou opprimée. »
Adam Smith, Richesse des nations, 1776, Livre IV, ch 8


Le terme « mercantiliste » est employé pour la première fois par Adam Smith pour désigner un système économique, pas une école de pensée. Ce système est soutenu par un cadre intellectuel, mais il s’agit surtout d’un système politique et économique réel. Pour Smith, ce système agit contre les intérêts des classes laborieuses et ne bénéficie que l’élite sociale. A la place, Smith propose un système capitaliste qui fait croître la richesse globale et bénéficie tous les membres de la société. Son œuvre fondamental a été donc rédigé pour argumenter contre le système politique et économique en place à son époque. Il est donc essentiel de bien comprendre le système qu’il a souhaité remplacer.


Le Contexte
Economique
Le rebondissement démographique et économique après la Peste noire a pris du temps. La réapparition de la peste, et la poursuite des conflits armés suffisaient pour faire sombrer l’économie européenne pendant plus d’un siècle. Ce n’était qu’à la fin du XVème siècle que l’économie redémarre. Cette expansion économique est accompagnée d’une expansion géographique et politique. La découverte de l’Amérique, l’exploration de la côte africaine et l’ouverture d’une route maritime entre l’Inde et l’Europe ont transformé radicalement l’économie mondiale. L’arrivée massive d’or et d’argent en Europe, pris principalement en Amérique latine, a fait flamber les prix. Pour maîtriser le commerce avec les pays lointains, les monarchies octroyait des monopoles à certaines compagnies (comme les « East India Companies » d’Angleterre en 1600, et d’Hollande en 1602), ainsi formant des méga corporations marchandes. Enfin, les monarchies, conscientes du menace militaire des pays voisins, ressentent le besoin de renforcer l’économie nationale en investissant dans l’établissement de manufactures, dans le contrôle des métiers, et de solidifier les finances publiques par des innovations fiscales.


Politique
Malgré l’essor économique, le contexte politique en Europe reste conflictuel. Charles Quint (1500-1558) arrive à la tête du Saint Empire romain germanique, englobant toute l’Espagne et les pays germaniques. Cette présence puissante met la pression sur les autres monarchies de renforcer leur propre capacité de défense. Surtout, c‘est surtout la naissance de nouvelles idées religieuses qui créent des fractions dans la société. Cette fissure entre Protestants et Catholiques, mais même les conflits entre différents types de Protestants, plonge les pays en guerres internes. En Angleterre, un pays très tôt converti au Protestantisme, l’essor des idées puritaines au XVIIème siècle entraine une guerre civile qui résulte en la décapitation du roi Charles Ier en 1649. Les monarques, de leur côté, cherchent à renforcer leur autorité au dépens des institutions démocratiques, comme parlement ; on n’a que rappeler la phrase de Louis XIV de France, « L’Etat, c’est moi ! » En réalité, la monarchie dépendait largement d’autres acteurs qui eux ont pris des décisions relatives à la gestion de l’économie. On doit mentionner seulement Richelieu (1585-1642), Principal ministre sous Louis XIII, et Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), Contrôleur général des finances sous Louis XIV ; tous les deux ont favorisé une intervention étatique forte dans l’économie, aussi bien par le biais de politiques protectionnistes et d’investissement dans des manufactures, deux principes parfaitement en ligne avec la pensée mercantiliste.

Religieux
Des idées protestantes existaient déjà au Moyen Age, mais n’avaient pas attiré un soutien populaire suffisamment large pour changer les institutions ou menacer les autorités. C’est surtout à partir de la publication des 95 Thèses par Martin Luther (1483-1556) en 1517 que le Protestantisme s’enracine. D’autres poursuivent la mise en question du dogme catholique, par exemple Jean Calvin (1509-1564) avec l’Institution de la religion chrétienne en 1536. D’autres mettent en question l’autorité de la papauté à Rome sans pour autant soulever de questions théologiques.
Le pape avait octroyé le titre de « défenseur de la foi catholique » à Henri VIII (1491-1547), roi d’Angleterre ; mais celui-ci face aux problèmes réels de la gestion d’un royaume s’établit comme chef de l’Eglise anglicane par l’Act of Supremacy en 1534. L’Angleterre venait juste de sortir de plusieurs décennies de conflits (la Guerre des Roses) qui opposaient deux factions qui se disputaient la monarchie. Enfin assis sur le trône d’un royaume relativement paisible, Henri VIII avait besoin d’un fils légitime pour assurer sa succession. Malheureusement, sa femme Catherine avançait en âge et n’avait pas encore donné naissance à un fils. De plus, elle refusait de se divorcer et a demandé à son neveu, Charles Quint, d’intervenir auprès du pape pour faire échouer la demande de divorce qu’Henri VIII avait envoyée. La succession du trône et donc la stabilité du pays étaient donc en jeu. De plus, l’inflation aigue qui touchait l’Europe avait des conséquences importantes pour le budget royal anglais, alors que la monarchie espagnole avait un quasi monopole sur l’or et l’argent qui inondaient les marchés européens. En s’établissant chef de l’Eglise anglicane, Henri VIII a pu se procurer un divorce, et en même temps disposer des biens de l’Eglise. En effet, en 1536, il se met à vendre les monastères pour renforcer le budget royal et se faires des alliés auprès de l’aristocratie qui profitait de ces ventes pour étendre leurs activités agricoles. La transition au Protestantisme ne s’est pas effectuée sans conflits, mais l’Angleterre n’a pas connu le désordre social subi par la France au XVIème siècle.
C’était principalement en France où les conflits sociaux liés au Protestantisme ont été les plus sévères. Les autorités basculaient entre répression et tolérance envers les Huguenots (protestants français). De nombreux monastères et église ont été pillés par le peuple et les clercs chassés, torturés et tués. La plus grande manifestation de violence a eu lieu le 24 août 1572 quand plusieurs milliers de personnes ont été massacrées et jetées dans la Seine à Paris, événement connu comme le Massacre de Saint-Barthélemy. Enfin, en 1598, l’Edit de Nantes offre une certaine protection pour les Protestants et garantie une relative liberté religieuse en France, mais il serait abrogé presqu’un un siècle plus tard, en 1685 par Louis XIV, marquant ainsi une nouvelle ère d’intolérance.

Intellectuel
Tous ces conflits sociaux causés par rivalités politiques et par les idéologies religieuses divergentes ont renforcé la volonté des autorités et des intellectuels de solidifier le pouvoir central. Dans Le Prince (1513), Nicolas Machiavel (1469-1527) défend tous les moyens que puisse employer un prince pour maintenir son autorité et éviter le fractionnement social, même si les actes nécessaires ne correspondent pas à une conduite chrétienne et éthique. Cette hypothèse a marqué une rupture nette avec les ouvrages du Moyen Age qui prônent plutôt un monarque qui se comporte en chrétien exemplaire, argument poursuivi par d’autres à l’époque moderne, tel Erasme (1467-1536) dans l’Institution du prince chrétien (1516). Mais le débat est lancé et de plus en plus d’intellectuels recommandent un pouvoir central absolu. Thomas Hobbes (1588-1679), qui a vu les dégâts provoqués par les conflits en Angleterre qui ont culminé avec la décapitation du roi,  est peut-être le philosophe le plus célèbre qui argumente, dans Léviathan, que les hommes sont naturellement égocentriques et se dévoreraient les uns les autres si les autorités centrales n’imposaient pas de règles strictes. Ce mouvement intellectuel est d’autant plus important pour nous qu’Adam Smith et d’autres économistes de l’école classique formulaient leur nouvelle science en attaquant cette idéologie.
D’autres courants de pensées méritent mention. En particulier, on voit émerger en Europe une divergence de méthode scientifique entre l’Angleterre et la France. En Grande Bretagne, Francis Bacon (1561-1626) a élaboré une méthode scientifique basée sur l’empirisme ; aucun raisonnement ne peut être défendu jusqu’à ce qu’il peut être prouvé par l’observation en réalité. En France, René Descartes (1596-1650) dans son Discours sur la méthode, met en doute la fiabilité de l’observation et préfère se fier à la logique pure. Encore de nos jours, dans les universités du monde anglophone, les scientifiques ont tendance à appliquer une méthode empirique dans leur recherche et enseignement. En revanche, dans les universités françaises, les intellectuels et scientifiques favorisent une approche purement théorique, sans se soucier de l’application en réalité. On peut donc imaginer l’impact sur la théorie économique dans ces pays différents.
Scientifique
Dès le début de l’époque moderne, les intellectuels commencent à s’intéressaient de plus en plus aux sciences physiques et naturelles, abordant souvent ces questions par une approche mathématique. Nicolas Copernicus (1473-1543), auteur de Des Révolutions des sphères célestes, est l’un des premiers astronomes modernes. Son travail est poursuivi ensuite par Galileo Galilei (1564-1642) dans Discours et démonstrations mathématiques relatifs aux deux nouvelles sciences, dont l’influence est le plus évidente sur l’économiste anglais William Petty (voir ci-dessous). Mais le scientifique qui a eu le plus d’impact sur la philosophie économique est de loin Isaac Newton (1643-1727). Dans ses Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Newton explique un système physique extrêmement vaste et complexe grâce à quelques principes très simples, telle la gravitation.
Les avancées techniques ont eu un très grand impact sur la production intellectuelle. Surtout, l’invention de l’imprimerie vers 1439 par Johannes Gutenberg (1398-1468) a permis une diffusion du savoir autrement inimaginable. Au Moyen Age, l’Eglise exerçait un quasi monopole sur la production et diffusion du savoir. Les universités étaient des institutions religieuses le plus souvent sous l’égide du pape. De plus, les ouvrages devaient être copiés à la main par des moines. On remarquera que presque tous les auteurs médiévaux étaient des clercs. Grâce à l’imprimerie, d’autres personnes peuvent rédiger et diffuser leurs opinions. En effet, tous les auteurs importants de l’Epoque Moderne qui ont examiné l’économie exerçaient des fonctions en dehors de l’Eglise. L’origine et la profession des auteurs ont eu une influence nette sur leur production intellectuelle.


Les auteurs
La première chose que l’on remarquera par rapport aux auteurs des idées économiques de cette époque est qu’ils sont quasiment tous des laïcs. L’Eglise a perdu le monopole de la production et la diffusion du savoir, laissant de la place aux hommes d’actions – marchands, avocats, hommes politiques, etc. On doit, cependant, s’interroger si les idées qu’ils élaborent dans les traités publiés à cette époque sont nouvelles, ou si les hommes d’action du Moyen Age partageaient leur point de vue sans pour autant avoir eu la possibilité de l’exprimer explicitement par écrit. La comparaison de ces textes « fondateurs » de la théorie mercantiliste avec d’autres types de documents plus anciens révèle que c’est moins les idées qui sont nouvelles que la façon de les exprimer.

Français
Le premier auteur généralement étudié pour cette période est Jean de Malestroit, dont l’on sait très peu à part le fait qu’il ait publié un ouvrage Les paradoxes du sieur de Mallestroit sur le faicte des monnaies en 1566. Dans ce texte, il constate une inflation aigue à l’époque et conclut qu’elle est le résultat des mutations monétaires. Ce n’est pas tant les idées exprimées dans cet ouvrage qui importent, car en effet, Nicolas Oresme était déjà arrivé à cette conclusion par rapport à la situation monétaire en France au XIVème siècle. Malestroit lance cependant un débat qui évoque des réponses innovatrices, notamment de la part de Jean Bodin (1529-1597). Celui-ci publie seulement deux ans après l’ouvrage de Malestroit une Réponse aux paradoxes (1568) dans laquelle il aborde la question de la masse monétaire. D’après Bodin, ce n’est pas la quantité d’argent et d’or dans chaque pièce qui importe, mais la quantité globale de métaux précieux en circulation, fondant ainsi une théorie quantitative de la monnaie. Cette analyse monétaire, mettant l’accent sur les quantités de métaux précieux détenus par un Etat ou en circulation sur les marchés est l’un des axes principaux du mercantilisme. Bodin est aussi l’auteur d’un autre ouvrage, Les Six livres de la République (1576), où il aborde la question de l’Etat. Dans la ligné de Machiavel, Bodin croit à la nécessité de maintenir un pouvoir central fort, mais il est le premier à s’interroger sur les moyens de financer une monarchie puissante et l’impact économique de différents types d’imposition.
Un autre auteur français poursuit la réflexion sur le rôle de l’Etat dans l’économie. Après un séjour en Angleterre pour échapper à la répression contre les Protestants, Antoine de Montchestien (v. 1575-1621) revient dans son pays natal et publié un Etat de la France (1611) dans lequel il dresse un bilan de la performance économique de ce pays. A la grande différence des idées courantes au Moyen Age, la réflexion économique à l’Epoque moderne ne se focalise plus sur les activités des individus, mais sur les considérations d’ordre macroéconomique. En effet, Montchestien est le premier à consacrer tout un ouvrage à la question dans son Traité d’économie politique (1616), utilisant pour la première fois un titre qui sera donné à de nombreux traités économiques pendant plus de deux siècles (voir extrait ci-dessous).

Anglais
En Angleterre, on voit apparaître des ouvrages qui reflètent certains des mêmes thèmes qu’en France. Comme en France, on se penche sur la question de la monnaie. Parfois les auteurs jouait un rôle important dans l’économie réelle et ne se cantonnait pas uniquement à des traités théoriques. Thomas Gresham (1517-1579) était un grand financier et l’un des hommes le plus riche du royaume. Il a été recruté comme conseiller auprès de Edward IV, puis de ses successeurs les reines Marie et Elizabeth, pour donner son avis sur la meilleure politique monétaire à établir. Pour lui, il vaut mieux maintenir une monnaie forte et unique dans le royaume. En effet, il a remarqué que quand il y a deux systèmes monétaires en place en même temps au même endroit, les agents économiques ont tendance à trésorier la monnaie la plus stable et dépenser celle qui avait était le plus volatile ou qui avait le moins de valeur métallique ; la monnaie forte disparaît alors de la circulation laissant la place à des devises faibles. Autrement dit : la mauvaise monnaie chasse la bonne (« Loi de Gresham »).
Certains se focalisent sur la question du commerce international et de l’équilibre des échanges. Thomas Mun (1571-1641) était un important homme d’affaires anglais. Dans ses ouvrages Discours sur le commerce de l'Angleterre aux Indes orientales (1621), L'encherissement de l'Angleterre par le commerce extérieur, il défendait l’importance du commerce international pour la richesse et le pouvoir d’une nation. Il voyait même l’intérêt d’augmenter les importations et favorise la baisse des taxes qui pesaient sur les biens qui entraient dans le pays. Il était également l’un des premiers à distinguer entre un produit tangible (bien) et un produit intangible (service).
D’autres penseurs de l’époque partageaient certaines des idées de leurs contemporains, mais en exprimaient d’autres qui les distinguaient. William Petty (1623-1687), par exemple, avait des idées qui étaient très en avance pour son époque. Petty était chirurgien, entrepreneur et parlementaire. Dans ses ouvrages Essais d'arithmétique politique (1672) et Ecrits sur l'arithmétique politique (1690), comme la plupart des mercantilistes, il considérait que la quantité de métaux précieux déterminait la richesse d’un pays et il prônait une monnaie forte, et un excédent commercial. Mais contrairement à beaucoup de ses contemporains, il recommandait la liberté des échanges, il considérait que la source de la richesse se trouvait réellement dans la terre et l'agriculture ; ces deux dernières idées étaient des argument fondamentaux pour les Physiocrates un siècle plus tard. Petty argumentait aussi que la valeur d'un produit dépendait en grande mesure du coût de production et du transport, une idée mise en avant par les Marxistes. Il était aussi très attaché à l’utilisation des mathématiques dans l'analyse de l'économie ; si les physiciens de son époque Galilée, Newton) étaient déjà persuadé de l’importance des analyse mathématique pour comprendre l’univers physique, les économie ne devient une science mathématique qu’au XIXème siècle.
Enfin, Josiah Child (1630-1699), aristocrate et homme d’affaires, directeur de la « East Indian Company », avait des idées très similaires à celles de ses contemporains. Il prônait l’intervention d’un Etat fort dans l’économie et favorisait le monopole de l’Etat sur le commerce avec les colonies. Par contre, il réfutait l’idée que l’exportation des métaux précieux diminuait nécessairement la richesse du pays. Et s’il favorisait l’intervention de l’Etat dans le commerce extérieur, il pensait que du moins le commerce intérieur devait pouvoir s’effectuer sans trop de contrainte d’un gouvernement interventionniste. Si ce deux derniers ont exprimé quelques idées innovatrice pour l’époque, il serait tout de même très difficile de les considérer comme des physiocrates ou encore moins comme des économiste de l’école classique.


Espagnols
En Espagne, les arguments sont essentiellement les mêmes, seulement les auteurs étaient des universitaires (notamment de l’université de Salamanque) plutôt que des hommes d’action. Ils faisaient partie d’un mouvement qu’on appelle souvent « Arbitriste ». Ils n’occupaient pas des postes au sein du gouvernement, mais ils rédigeaient des lettres auprès de la monarchie. Le plus célèbre était Luis Ortiz qui est l’auteur du Memorial del Contador Luis de Ortiz a Felipe II (1558). Dans cette lettre, Ortiz recommande au roi Felipe d’empêcher l’importation des produits manufacturiers dans le royaume et l’exportation des matières premières hors les frontières. Il prônait également l’investissement de l’Etat dans l’économie pour promouvoir l’industrie.


Allemands et Autrichiens
Quant aux auteurs germanophones, on ne distingue pas de différences importantes avec les autres auteurs en Europe. On peut citer Veit Ludwig von Seckendorf (1626-1692), auteur de L'Etat des princes allemands (1655) ; Johann Joachim Becher (1635-1682) auteur de Discours politique (1668) ou Philipp Wilhelm von Hornick (1640-1712) Autriche au-dessus de tous (1684). Comme les autres, ils se focalisaient sur les problèmes de l’économie nationale et favorisaient un état fort soutenu par une économie performante.



Les thèmes
En gros, il y a trois thèmes chez les « mercantilistes » que l’on ne verra pas chez les auteurs du Moyen Age ou de l’Antiquité. Le premier concerne la monnaie. Nicolas Oresme était l’un des seuls auteurs médiévaux à aborder en détails la question de la monnaie. Aristote, et par conséquence les théologiens qui ont rédigé des commentaires sur l’œuvre d’Aristote, ont vu la monnaie simplement comme un moyen d’échange. Au XIVème siècle Oresme observait les effets économiques néfastes qui proviennent de la manipulation de la valeur de la monnaie, pratiquée par la monarchie française à son époque. A l’Epoque Moderne, des quantités importantes de métaux précieux, saisis lors de la conquête de l’Amérique, envahissent les marchés européens et font flamber les prix. Les mercantilistes n’ont pas manqué de constater la corrélation. De plus, les mercantilistes tendaient à considérer que la quantité d’or et d’argent dans le royaume représentait la richesse du pays. Les politiques économiques recommandées par les mercantilistes reflètent cette association entre métaux précieux et richesse.
En effet, le rôle du gouvernement, selon les auteurs mercantilistes, était de faire grandir la quantité d’or et d’argent dans le pays. Une manière de la faire était de protéger les frontières pour favoriser l’exportation des produits manufacturiers et l’importation des produits de base. A cause de la plus-value des produits manufacturiers par rapport aux produits agricoles, ce type de commerce favoriserait le flux de métaux précieux vers le royaume. De même, les monarchies devaient investir dans des fabriques pour développer les industries nationales. Aussi, le gouvernement devait réglementer l’artisanat afin de le rendre plus productif. Finalement, étant donné le besoin d’établir une monarchie absolue et maintenir la paix dans le royaume, le pouvoir central devait faire croître l’économie nationale pour pouvoir en tirer bénéfice sous formes d’impôts. Les économistes analysaient donc le meilleur système de finances publiques sans mettre en danger la production et la richesse du pays.
Enfin, on ne manquera pas de constater que l’image du marchand s’est nettement améliorée depuis le Moyen Age. Alors que pour bon nombre de théologiens médiévaux, le marchand était celui qui tromper les producteurs et les consommateurs, et qui créaient les pénuries artificielles, pour pouvoir en tirer bénéfice, les traités à l’Epoque Moderne tendent à conférer au marchand un rôle important dans la croissance économique et dans la puissance et stabilité du pays. Ce changement ne devrait guère étonner personne, car on remarquera que les auteurs des traités économiques à l’Epoque Moderne étaient eux-mêmes des marchands. Au Moyen Age, l’Eglise détenait le monopole de la production et de la diffusion du savoir ; une fois l’imprimerie inventée, tout le monde avec les ressources suffisantes pouvait rédiger et faire copier en très grand nombre d’exemplaires leurs propres idées. Les marchands ne commençaient à être les auteurs des traités économiques qu’au XVIème siècle, ce n’est donc pas étonnant qu’ils ne s’attribuaient pas une image si peu flatteuse. Ce n’est donc pas que les idées ont changé à cette époque, mais plutôt les auteurs des traités qui ont été conservés pour les historiens du XXIème siècle. Il est évident que, si l’on pouvait les interroger, les marchands su Moyen Age auraient partagé un grand nombre des mêmes idées que leurs successeurs à l’Epoque Moderne.

Documents
A. Théories
Les finances de la République selon Jean Bodin
Les finances sont les nerfs de la République, et il y a sept moyens en général de faire fonds aux finances, parmi lesquels sont compris tous ceux qu’on peut imaginer : 1) le domaine de la République 2) les conquêtes sur les ennemis, 3) les dons des amis 4) la pension ou tribut des alliés 5) sur le trafic 6) les marchands qui apportent ou emportent des marchandises 7) les impôts des sujets.
Quant au premier, qui est le domaine, il semble être le plus honnête et le plus sûr de tous. […] Généralement, selon tous les jurisconsultes et historiens, il n’y a rien plus fréquent que la division du domaine en public et particulier. Et afin que les Princes ne soient contraints de charger d’impôts leurs sujets, ou de chercher les moyens de confisquer leur biens, tous les peuples et monarques ont tenu pour loi générale et indubitable que le domaine public doit être saint, sacré et inaliénable. […] Mais il faut noter pour la conservation du domaine des Républiques, qu’il est ordinairement mieux géré par la monarchie, qu’il ne l’est par le peuple ou par la seigneurie aristocratique où par les magistrats et surintendants aux finances, qui tournent tout ce qu’ils peuvent du bien public en particulier ; et chacun s’efforce à gratifier ses amis […] aux dépens du public. […]
[…]
Quant au septième moyen, l’impôt sur les sujets, il faut toujours essayer de l’éviter, à moins que tous les autres moyens ne défaillent, et que la nécessité mette en danger la République. Puisque la protection et défense des particuliers dépendent de la conservation du public, c’est bien la raison pour laquelle chacun admet que les charges et impositions sur les sujets sont très justes, car il n’y a rien plus juste que ce qui est nécessaire. […]
Il n’existe point de cause de révolutions ou de ruines de républiques plus fréquente que les charges et impôts excessifs. Le seul moyen d’éviter ces inconvénients, c’est de supprimer les subsides et charges extraordinaires une fois que le problème qui en était à l’origine a été résolu. Mais il ne faut pas aussi courir d’une extrémité à l’autre, et abolir tous les impôts, aides et tailles, comme plusieurs se sont efforcés de faire, n’ayant ni fonds, ni domaine pour soutenir l’Etats de la République.
Et certains, qui croient bien comprendre les affaires, tombent dans l’erreur en soutenant qu’il faut remettre les charges et impôts au niveau qu’ils étaient au temps de Louis XII, sans prendre en compte le fait que depuis ce temps-là, l’or et l’argent sont venus en si grande abondance des terres neuves, comme le Pérou, que toutes les choses sont dix fois plus chères qu’elles n’étaient auparavant, comme j’ai montré contre le paradoxe du seigneur Malestroit, tant par les coutumes de ce royaume que par les anciens contrats et aveux, où l’on voit l’estimation des denrées, des biens et des terres dix, voire, douze fois moindre qu’elle n’est à présent. Depuis, l’or et l’argent étant entrés en France par le commerce des denrées et marchandises qui vont sans cesse en Espagne, l’estimation de toutes choses a haussé, tout comme les salaires des officiers, la paye des soldats, la pension des capitaines, et toutes les dépenses de l’Etat. C’est donc pour cette raison que les impôts ont augmenté.

(Jean Bodin, Les six livres de la République, Paris, 1580, 855-882, adaptation R. Braid.)


Travail :
1) Résumer ce texte en trois lignes. Dans ce texte, Bodin énumère les différents types d’impôts. Il souligne que l’Etat doit essayer d’éviter de nuire au fonctionnement de l’économie, mais doit tout de même faire rentrer suffisamment d’argent pour couvrir les frais du fonctionnement du gouvernement. Ces frais sont de plus en plus chers à cause de l’inflation depuis l’arrivée massive de métaux précieux de l’Amérique.


2) Comment est-ce que Bodin justifie l’augmentation des impôts depuis le temps de Louis XII ?
Les impôts doivent être plus élevés parce que les prix ont augmenté. Pour supporter ses dépenses, qui sont de plus en plus chères, l’Etat doit faire rentrer plus d’argent.

3) Selon Bodin, quelle est la cause de l’inflation qui touche la France ? L’arrivée de métaux précieux en France.

Le rôle de l’Etat en matière économique selon Antoine de Montchrestien
En l'Etat, aussi bien qu'en la famille, c'est toujours avantageux d’organiser bien les hommes selon leur particulière et propre inclination. Et sur la considération de ce rapport qu'ils ont ensemble, en ce qui concerne l'utilité, on peut fort à propos maintenir, contre l'opinion d'Aristote et de Xénophon, que l'on ne saurait diviser l'économie de la politique, et que la science d'acquérir des biens, qu'ils nomment ainsi, est commune aux républiques aussi bien qu'aux familles. Pour ma part, je ne peux que m’étonner que, en leurs traités politiques, d'ailleurs si diligemment écrits, ils ont oublié cet aspect de l’organisation publique, si nécessaire pour l’Etat, et auquel l’Etat doit porter la plus grande attention.
[…]
Le plus royal exercice que peut prendre votre majesté, c’est de ramener à l’ordre ce qui s’en est détraqué, de réglementer les arts (techniques) tombés en une monstrueuse confusion, de rétablir les négoces et commerces discontinués et troublés depuis un certain temps. […]
En ce qui concerne le travail, divisé en tant d’arts et métiers, on doit principalement faire observer à vos sujets de ne pas les mélanger en une seule main. Les Allemands et les Flamands ne s’emploient qu’à un seul métier ; ainsi s’en acquittent-ils mieux. Alors que nous, les Français, voulant tout faire, nous sommes contraints de tout mal faire. Cela est un grand empêchement et nous écarte du droit chemin qui mène à la perfection d’une chose unique.
Pour remédier à cela et empêcher en ce fait l’inconstance de notre inclination au changement, votre majesté permettra, s’il lui plaît, que l’on dresse en diverses provinces de France plusieurs ateliers de métiers qui sont les plus nécessaires universellement partout, donnant la surintendance de ceux-ci à des esprits capables et intelligents, afin qu’ils répartissent les tâches entre les artisans selon leur portée et capacité. Et de cet ordre bien établi naîtra l’exquise science et l’excellente pratique des arts et des métiers, pour le bien et l’utilité de vos sujets, la recommandation de votre prudence, et la gloire de cet Etat.
Premièrement, je signale à votre Majesté, que toute la métallurgie nécessaire au royaume peut se faire abondamment et à prix raisonnable dans les pays de votre seigneurie. Y admettre des étrangers, c’est ôter la vie à plusieurs milliers de vos sujets dont cette industrie est l’héritage et ce travail le fonds de leur revenu. C’est diminuer d’autant votre propre richesse, qui augmente avec celle de votre peuple. C’est couper les nerfs de votre Etat et cherche à tenir par emprunt d’autrui les instruments de valeur. […]
Quant à la draperie, on ne saurait nier que la France en fabrique beaucoup, mais ce n’est même pas la moitié de ce qui se faisait par le passé. Cela provient principalement de l’importation de marchandises étrangères. […]
Ici, votre majesté doit se souvenir que les hommes réduits à ne rien faire sont induits à mal faire. Pour le bien, repos et richesse de l’Etat, vous devez conserver en tout, et par tout moyen, l’exercice des familles, qui sont les pépinières de la République, en supprimant l’oisiveté qui corrompt la vigueur et la chasteté. […]
Les princes les plus grands, plus libéraux et plus magnifiques ont toujours fait gloire d’inventer des moyens, d’imaginer et dresser des règlements par lesquels ils puissent enrichir leurs sujets, sachant bien que telle richesse était la vraie et inépuisable source de leurs dépenses et libéralité. […]
Je pense avoir, par le discours précédant, fait connaître à votre majesté combien il est nécessaire, par toutes sortes de considérations, d’employer les hommes de ce royaume, de leur attribuer l’exercice des arts, et pour en venir à cet effet, d’y défendre l’apport et l’usage des ouvrages étrangers.
Que l’on ne persuade point à votre majesté que vos impôts et taxes diminueront par la défense des marchandises étrangères qui viennent en ce royaume. Il y a mille moyens de récupérer la perte subie par l’absence de tarifs sur l’importation, sans endommager les intérêts de votre peuple. Car, la richesse de vos sujets est la vôtre, mais celle des étrangers ne l’est pas.
Il faudrait que nous fournissions aux peuples voisins ce qui nous surabonde, ce dont nous pouvons nous passer et dont ils ont nécessairement besoin. Les étrangers nous bouchent toutes les avenues du profit, et puis ils nous disent qu’il ne nous appartient pas de nous mêler de leurs affaires. Notre République s’affaiblit. Et pire encore, elle se dépouille pour vêtir les autres, s’enlève sa gloire pour la transmettre ailleurs avec sa richesse.
(Antoine de Montchestien, Traité d’économie politique, Rouen, 1615, édité par T. Funck-Brentano, Paris : Plon, 1889, adaptation par R. Braid)

Travail :
1) Résumer ce texte en trois lignes.
2) Expliquer la référence à Aristote et Xénophon dans le premier paragraphe.
3) Quels sont les aspects « mercantilistes » qui ressortent dans ce texte ?
4) Quelles sont les idées dans ce texte qui correspondent à celles du Moyen Age ?
5) Quelles sont des idées qui seront maintenues par l’économie classique ?

B. Ordonnances
1. « Que personne, quel que soit sa condition, n’ose exporter blé, seigle ou d’autres grains hors le royaume, sans notre permission spéciale. » (Charles IV, roi de France, 1322, Ordonnances des rois de France, p. 768.)


2. « Que personne n'importe des tissus étrangers dans le royaume, sous peine de perdre la marchandise. » (Edouard III, roi d'Angleterre, 1337, Statutes of the Realm, t. I, p. 280.)


3. « Que personne n'export du blé à l'étranger (sauf pour fournir l'armée royale) sous peine de perdre ledit blé. » (Edouard III, roi d'Angleterre, 1347, Calendar of Close Rolls, p. 281)


4. « Parce que beaucoup de mendiants, sains de corps, tant qu’ils peuvent vivre de ma mendicité, refusent de travailler et se livrent à l’oisiveté et au vice, et parfois au vol et à d’autres abominations, que personne, sous peine d’emprisonnement, donne quoi que ce soit à ceux qui peuvent travailler pour gagner leur vie. » (Edouard III, roi d’Angleterre, 1349, Statutes of the Realm, t. I, pp. 307-308)


5. « Il est ordonné que les artisans et les gens de métiers se tiennnet à un seul métier qu’ils peuvent choisir d’ici le mois de février, […] seules les femmes qui exersent le métier de brasseuses, poissonnières, tisserandes, fileuses, cardeuses, […], et toutes autres qui font des travaux manuels, peuvent exercer librement comme elles ont toujours fait auparavant. » (Edouard III, king of England, 1363, Statutes of the Realm, t. I, pp. 378-383, ch. 6.)


Travail :
Qu’est-ce que ces documents nous révèlent par rapport au lien entre la théorie et la réalité ?
Les idées exprimées par les penseurs mercantilistes à l’Epoque Moderne, notamment celles dans les textes ci-dessus, avaient déjà été appliquées dans la politique économique deux siècles auparavant.


3. La Physiocratie

Jusqu’au XVIIIème siècle, l’analyse économique n’était pas encore une science. Il s’agissait d’idées disparates qui manquaient de cohérence entre elles. Selon le Petit Robert, une science est un ensemble de « connaissances exactes, universelles et vérifiables exprimées par des lois. » Les intellectuels ne s’étaient pas préoccupés d’analyser les lois qui régissent le fonctionnement de l’économie, ils se contentaient d’observer quelques phénomènes économiques ou émettre leur avis sur certains comportements économiques. Ce n’est qu’au milieu du XVIIIème siècle que les philosophes français orientent leurs recherches vers une compréhension globale du fonctionnement de l’économie. Ces philosophes de l’économie (connus sous le nom « Physiocrates ») cherchaient à comprendre le circuit économique, c'est-à-dire comment les produits et la richesse passe d’un groupe (ou d’une classe) à un autre au sein d’un pays. Ces réflexions ne deviennent pas pleinement une science que vers la fin du XVIIIème siècle quand Adam Smith, fortement influencé par les travaux scientifiques d’Isaac Newton, trouve les lois universelles qui expliquent la circulation des richesse et l’évolution économique.


Contexte
Economique
On se rappellera qu’au XVIème siècle, l’Europe était très touchée par une inflation intense provoquée par l’arrivée massive d’or et d’argent ramenés de l’Amérique. C’était aussi le début du refroidissement de la planète, qui a diminué les récoltes. S’il y avait quelques avancées dans la métallurgie, il y avait très peu d’innovations techniques dans l’agriculteur qui auraient pu renforcer les récoltes malgré le changement climatique. Cependant, l’Europe a connu une croissance démographique et vers la fin du XVIème siècle a même pu atteindre son niveau d’avant la Peste noire. Cette conjoncture de faibles récoltes et croissance démographique a entrainé une paupérisation importante.

Au XVIIème siècle, comme les mercantilistes le préconisaient, les monarchies ont investi dans l’industrie, ce qui apporte un certain progrès technique. De plus, la croissance démographique s’était tarie au début du siècle, maintenant la demande de denrées de base à un niveau relativement constant. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle qu’on voit apparaître l’industrialisation, et seulement en Angleterre. L’investissement royal en France s’est limité à un nombre très limité d’industries, principalement de luxe. De plus, les gildes et les corporations de métiers contrôlent très étroitement la production artisanale à un niveau très local, limitant ainsi la possibilité de développement industriel.

Non sans rapport, l’agriculture en France aussi était moins productive qu’en Angleterre. Arthur Young (1741-1820), agriculteur et agronome britannique, décrit dans son Voyage en France (1792) des techniques agricoles très arriérées en France. Pour chaque setier de grains semé, les domaines anglais en produisaient 12 setiers, alors que les agriculteurs français ne tiraient que cinq setiers. La production limitée, aussi bien en agriculture qu’en industrie, crée un déficit commercial en France. Alors qu’en Angleterre se lance dans un processus d’industrialisation, l’économie française reste foncièrement agricole. Cette situation va amener les philosophes français à réfléchir sur la question de la terre et le travail.

Politique
Au XVIIème siècle, l’Angleterre est déchirée par la Guerre civile (1642-1651). Les tensions entre différentes factions de Protestants et la résistance du Parlement à la monarchie absolue entraîne la décapitation de Charles Ier et l’instauration du « Commonwealth of England » dirigé par Oliver Cromwell. Le Commonwealth ne dure que dix ans et Charles II est restauré au trône en 1660, mais le système politique, sous la forme de monarchie parlementaire, est plus démocratique qu’avant. L’Angleterre ne cesse d’étendre et renforcer son Empire en Amérique, Afrique et Inde. Au milieu du XVIIIème siècle l’Angleterre est l’un des pays les plus puissants du monde.

En France, Louis XIV (1638-1715, roi en 1643) instaure une monarchie absolue et maintien une paix intérieure relative. Mais au XVIIIème siècle, les soulèvements populaires se multiplient. La Révolution française (1789-1799) se culmine par la décapitation de Louis XVI en 1793 et se détériore en « Terreur » pendant jusqu’à la fin de la décennie. Ce chaos social et politique limite gravement la production du pays. Napoléon Bonaparte est instauré comme Premier Consul en 1799 et puis comme Empereur en 1804, Il mène une politique expansionniste, ce qui favorise l’industrialisation mais en même temps épuisent la production du pays. Les Guerres napoléoniennes qui terminent par la défaite et l’exile de l’empereur. La monarchie est restaurée en 1815 sous Louis XVIII.


Intellectuel
Il serait absurde de tenter ici de résumer toute l’activité scientifique et intellectuelle de l’époque. Il suffit de rappeler les apports du mercantiliste William Petty qui avait prôné la liberté commerciale et qui avait vu dans l’agriculture la vraie source de la richesse d’un pays. John Locke (1632-1704), un philosophe anglais, rédigeait des traités d’économie, comme Quelques considérations sur la baisse de l’intérêt et l’augmentation de la valeur de la monnaie (1691), mais il exerçait une influence particulière grâce à sa philosophie politique basée sur la liberté individuelle, élaborée dans Traité sur le gouvernement (1689). En France, l’effervescence intellectuelle est nette et tend à favoriser la liberté. Voltaire (1694-1778) rédige ses Lettres philosophiques (1734), Candide, ou l’Optimisme (1759), l’Eloge historique de la raison (1774). Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), auteur de Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) et Le Contrat social (1762), met en avant l’importance du consentement des sujets pour la bonne gouvernance. Denis Diderot (1713-1784), soutenu par tant d’autres intellectuels, met en place l’Encyclopédie (1751-1772) qui rassemble toutes les connaissances humaines et les organisent.



Auteurs
En général, les économistes français du milieu du XVIIIème siècle sont connus par le nom « Physiocrates ». Ceux-ci cherchent à comprendre le fonctionnement global de l’économie (circuit économique), considèrent que la vraie source de la richesse d’un pays est dans l’agriculture. Ce n’est guère étonnant que l’industrie ne figure pas au centre de la réflexion économique des Physiocrates (comme c’est le cas chez Adam Smith et les autres classiques) compte tenu du fait de la nature foncièrement agricole de la France à cette époque. De plus, ils favorisaient le libre échange. Ils sont responsables de la phrase « laissez passer, paissez faire », ce qui devient le mot en anglais « laissez-faire economics » utilisé pour décrire l’école classique.

L’un des premiers économistes qui développent ce type d’idée est Pierre Boisguilbert (1646-1714), bien qu’il ne soit pas considéré comme un véritable « physiocrate ». Dans son Traité sur la nature des richesses, de l'argent, et des tributs (1697-1707), il expose le principe que la richesse d’un pays provient principalement de l’agriculture et il est favorable à la libre concurrence. Surtout, il considère que l'économie doit répondre aux lois naturelles, sans pour autant expliquer quelles sont ces lois.

Richard Cantillon (1680-1734), riche banquier parisien et auteur d’un Essai sur la nature du commerce en général, considère lui aussi que le travail de la terre est la seule vraie source de valeur. Il expose en outre un circuit économique en 3 phases (production, répartition, dépense) qui précède le circuit économique des Physiocrates à proprement parler.

Le père du mouvement des Physiocrates était François Quesnay (1694-1774). Dans son ouvrage clé Tableau économique (1758) il considère que la source de la valeur se trouve dans le travail de la terre et il défendait le libre échange. Surtout il développe la notion d’un circuit économique divisé en trois classes. La classe productive consistait à des agriculteurs qui tiraient la richesse de la terre. La classe stérile comprenait toute personne impliquée dans la transformation de ces produits (artisans, marchands, etc.). Et la classe des propriétaires, qui louaient leurs terres. Les produits et l’argent passaient entre ces trois classes selon une formule très claire (voir texte). Les travaux de Quesnay constituent le fondement de l’école de physiocrates.

L’autre grand physiocrate était aussi un homme d’Etat. Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781) était l’auteur de Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1776). Dans cet ouvrage, il soutient les principes de Quesnay sur le libre échange et le circuit économique. Il modifie légèrement les trois classes économiques de Quesnay sans les dénaturer (voire les textes ci-dessous). En plus des idées typiques des physiocrates, il élabore une théorie des rendements décroissants qui sera repris et développer par Ricardo. Selon cette théorie, les rendements augmentent quand on ajoute de l’effort et capital, mais cette augmentation n’est pas toujours proportionnelle à l’investissement. L’amélioration des rendements est chaque fois plus petite, et après un certain seuil, l'addition d'effort ne se traduit par aucune augmentation de production. Turgot est devenu aussi Contrôleur général des finances sous Louis XVI en 1774. A ce poste, il tentait d’appliquer ses théories économiques à la réalité. En bon Physiocrate, il croyait que le commerce devait être libre. Il abolit les privilèges des corporations de métier et les péages. De plus, il a essayé de libéraliser le marché des grains et empêcher la fixation du prix du blé, une politique qui n’est pas passée sans résistance. La hausse du prix du pain a entraîné les plus grandes émeutes en France avant la Révolution Française.
Certains philosophes ont rajouté à la réflexion économique des Physiocrates. Le Marquis de Mirabeau (1715-1789) dans son Traité sur la population (1756) reprend les idées des physiocrates, mais sous l'angle de la morale. Comme l'économie, la population obéit à des lois naturelles. Il existe chez l’homme deux faces. D’un côté, la cupidité des hommes les pousse à toujours augmenter leurs richesses et à améliorer leur train de vie, souvent au détriment des autres. Mais l’homme est aussi un être sociable, et c’est cette sociabilité qui l’amène à chercher le contacte avec les autres et à vivre en paix. Cette double face entraîne une augmentation de la population. Si cette théorie n’est pas la même que le principe de la population de Malthus, elle le devance d’une cinquantaine d’années. Surtout, ces deux aspects contradictoires de l’homme décrits par Mirabeau sont les mêmes dont Adam Smith parle dans ses deux ouvrages principaux.

Une autre inspiration d’Adam Smith a pu être Pierre Paul Mercier de la Rivière (1719-1801). Dans L'ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (1767), il décrit la recherche de l'intérêt personnel comme avantageux pour la société, contrairement à beaucoup de philosophes de l’époque, sous l’influence de Thomas Hobbes, qui voyaient les intérêts individuels des uns comme toujours en conflit avec ceux des autres. C’est précisément ce principe qui deviendra le principe clé du système économique de Smith.

Certains philosophes de l’économie divergent parfois de l’orthodoxie physiocrate. Dans Le commerce et le gouvernement considérés relativement l'un à l'autre (1776), Etienne Condillac (1715-1780) soutient l’idée que le gouvernement doit laisser toute liberté aux échanges. Selon lui, toute intervention du gouvernement aura des effets négatifs. Mais contrairement aux autres physiocrates, il diminue l'importance de la terre dans la valeur. Pour Condillac, la valeur avait un fort composant psychologique, en plus de sa valeur objective. Les désirs sont différents chez les êtres humains et cette subjectivité constitue un mécanisme fondamental de l'économie.

Enfin, il convient de citer Dupont de Nemours (1739-1817). Cet homme d'Etat était l’éditeur des principaux ouvrages des Physiocrates, en particulier Physiocratie (1767) qui rassemble les principaux écrits de Quesnay. Sans le soutien des grands hommes, et la diffusion qu’il permet, les idées des intellectuels n’auraient jamais de portée et peuvent demeurer sans influence.



Questions de réflexion (Les réponses sont à chercher dans le texte ci-dessus)
Pourquoi est-ce que l’on considère que la réflexion économique devient une science vers la fin du XVIIIème siècle ?
Les Physiocrates sont les premiers qui cherchent à comprendre le fonctionnement global de l’économie, par le biais du « circuit économique ». Mais c’était Adam Smith, dans la Richesse des Nations, qui réussit à expliquer ce fonctionnement grâce à un principe très simple, la recherche de l’intérêt propre, tout comme Newton avait expliqué comment fonctionne l’univers physique grâce à la loi de la gravitation universelle.

Quelle a pu être l’influence du contexte économique, politique et social sur la pensée économique en France ? En Angleterre ?



Documents

Pierre Boisguilbert et la valeur
1. La Suède et le Danemark, unis ensemble comme ils étaient il y a 150 ans, sont beaucoup plus étendus que ne l’est la France ; cependant le produit, tant à l’égard du prince que des peuples, ne va pas à la dixième partie de celui de la France.
2. La raison de cette différence est que le terroir de la France est excellent pour produire les denrées nécessaires à la vie, et que celui du Danemark et de la Suède ne vaut rien du tout.
3. Quelque bonne que soit une terre, quand elle n’est pas cultivée, elle est la même à l’égard du propriétaire et du prince que si elle ne valait rien du tout.
4. C’est un fait qui ne peut être contesté, que plus de la moitié de la France est en friche ou mal cultivée, c’est-à-dire beaucoup moins qu’elle ne le pourrait être, et même qu’elle n’était autrefois, ce qui est encore plus ruineux que si le terroir était entièrement abandonnée, parce que le produit ne peut répondre aux frais de la culture.
[…]
11. Tout consiste donc à trouver la cause de cet abandonnement, pour pouvoir en 24 heures rendre le Roi et ses peuples très riches.
12. Il ne peut y avoir que deux causes qui empêchent un homme de cultiver sa terre, ou parce qu’il faut une certaine opulence qu’il n’est point en état de se procurer, ni par lui-même ni par emprunt, ou parce qu’après l’avoir cultivée, il ne pourrait pas avoir le débit de sa production comme il faisait autrefois, ce qui lui ferait perdre toutes ses avances et qui le jette dans le malheureux intérêt de laisser son bien en friche.
[…]
20. Ainsi, tout dépend de la culture de la terre qui ne peut croître tant que l’on ôte le pouvoir aux laboureurs de faire les avances pour les cultures et de garder bénéfices des denrées qui en résultent.







Les physiocrates et les classes sociales

1. Quesnay
La nation est réduite à trois classes de citoyens : la classe productive, la classe de propriétaires et la class stérile.
La classe productive est celle qui fait renaître par la culture du territoire les richesses annuelles de la nation, qui fait les avances des dépenses des travaux de l’agriculture, et qui paie annuellement les revenus des propriétaires des terres. On renferme dans la dépendance de cette classe tous les travaux et toutes les dépenses qui s’y font jusqu’à la vente des productions à la première main ; c’est par cette vente qu’on connaît la valeur de la reproduction annuelle des richesses de la nation.
La classe des propriétaires comprend le souverain, les possesseurs des terres et les décimateurs. Cette classe subsiste par le revenu ou produit net de la culture qui lui est payé annuellement par la classe productive, après que celle-ci a prélevé, sur la reproduction qu’elle fait renaître annuellement, les richesses nécessaires pour se rembourser de ses avances annuelles et pour entretenir ses richesses d’exploitation.
La classe stérile est formée de tous les citoyens occupés à d’autres services et à d’autre travaux que ceux de l’agriculture, et dont les dépenses sont payées par la classe productive et par la classe des propriétaires, qui eux-mêmes tirent leurs revenus de la classe productive. […]
Le tableau économique renferme les trois classes et leurs richesses annuelles et décrit leur commerce dans la forme qui suit :

Classe productiveClasse des propriétairesClasse stérileAvances annuelles de cette classe, montant à deux milliards qui ont produit cinq milliards, dont deux milliards sont en produit net ou revenu.Revenu de deux milliards pour cette classe, il en dépense un milliard en achats à la classe productive et l’autre milliard en achats à la classe stérile.Avances de cette classe de la somme d’un milliard qui se dépense par la classe stérile en achats de matières premières à la classe productive. 
François Quesnay, Tableau économique (1758). Analyse de la formule arithmétique du tableau économique de la distribution des dépenses annuelles d’une nation, in François Quesnay et la physiocratie, Paris, 1958, pp. 793-95, 801.

2. Turgot
8) Première division de la société en deux classes : l’une productrice, ou des cultivateurs, l’autre stipendiée, ou des artisans.
Voilà donc toute la société partagée, par une nécessité fondée sur la nature des choses, en deux classes, toutes deux laborieuses, mais dont l’une, par son travail, produit - ou plutôt tire de la terre - des richesses continuellement renaissantes qui fournissent à toute la société la subsistance et la matière de tous ses besoins ; l’autre occupée à donner aux matières produites les préparations et les formes qui les rendent propres à l’usage des hommes, vend à la première son travail, et en reçoit en échange sa subsistance. La première peut s’appeler classe productrice ; et la seconde, classe stipendiée.
[…]
15) Nouvelle division de la société en trois classes : des cultivateurs, des artisans et des propriétaires, ou classe productrice, classe stipendiée et classe disponible.
Voilà maintenant la société partagée en trois classes : la classe des laboureurs, à laquelle on conserve le nom de classe productrice ; la classe des artisans et autres stipendiés des produits de la terre, et la classe des propriétaires, la seule qui, n’étant point attachée par le besoin de la subsistance à un travail particulier, puisse être employée aux besoins généraux de la société, comme la guerre et l’administration de la justice, soit par un service personnel, soit par le payement d’une partie de ses revenus avec laquelle l’Etat ou la société soudoie des hommes pour remplir ces fonctions. Le nom qui lui convient le mieux pour cette raison est celui de classe disponible.

A. R. J. Turgot, Réflexions sur la formation et la distribution des richesses (1776).

Travail
1. Quelle est la difference entre comment Quesnay et Turgot expliquent la division de la société?
2. Comment est-ce que ces divisions diffèrent de la division médiévale de la société en trios ordres?
4. L’école classique

Contexte économique
Au XVIIIème siècle, le processus de l’industrialisation en France a été compliqué par les conflits sociaux et politiques. D’abord la Révolution, puis la Terreur, puis la politique expansionniste de Napoléon. Les guerres napoléoniennes ont stimulé la production industrielle, mais seulement pour être gaspillé sur le champs de bataille. Ce n’est qu’à partir de la restauration de la monarchie en 1815 que le pays retrouve une certaine stabilité qui lui permet de poursuivre le processus de développement industriel. Mais comme l’industrialisation avait commencé plus tôt en Angleterre, la France avait du mal à rattraper le retard. Au milieu du XIXème siècle, l’industrialisation a bien pris pied en France, mais les guerres avec l’Allemagne à partir de 1870 a ralenti ce développement. L’Angleterre avait connu un fort développement industriel dès le début du XVIIIème siècle. Les guerres contre les Etats Unis en 1776 et 1812 ont interrompu un peu le développement économique, mais l’Empire Britannique domine encore le monde au XIXème siècle. Mais d’autres pays européens ont aussi connu l’industrialisation, particulièrement l’Allemagne. La concurrence pour les marchés et pour les matières premières devient alors intense. Pour augmenter les marges, les investisseurs tentent de diminuer les couts de production, réduisant ainsi une grande proportion de la population en pauvreté. Mais les effets négatifs de l’industrialisation ne se font sentir qu’à partir du XIXème siècle. Les économistes de l’école classique ne voient que le bon côté du développement industriel.
Contexte intellectuel
Toute l’activité intellectuelle du XVIIIème siècle a été influencée par les travaux d’Isaac Newton (1643-1727), mais Newton a eu un impact particulier sur les travaux d’Adam Smith. Dans son ouvrage Principes mathématiques de la philosophie naturelle il explique tout mouvement dans l’univers grâce au principe très simple de « gravitation universelle ». Toute étude scientifique devait dorénavant chercher à établir des lois simples qui expliquent des systèmes complexes.
« L'imitation de Newton devient l'ambition secrète de tous les savants, quelle que soit leur science. Le système de Newton de l'intelligibilité est admis comme le prototype de toute connaissance parvenue à un état d'achèvement définitif. » (Georges Gusdorf)
En effet, le premier ouvrage rédigé par Adam Smith était l’Histoire de l'Astronomie où il expose son admiration de Newton. Il finira par expliquer le fonctionnement de l’économie grâce au principe très simple de l’équilibre des marchés par la recherche individuelle de ses propres intérêts.
Une autre influence sur les travaux de Smith était Thomas Hobbes (1588-1679), non pas parce que Smith l’admirait, mais plutôt parce que ses théories étaient construites en pure opposition aux principes de Hobbes. Ce philosophe anglais du milieu du XVIIème siècle avait vécu la guerre civile, la décapitation du roi, et la restauration. Il a vu le chaos social engendré par l’absence d’une puissance forte. Dans son ouvrage Léviathan, Hobbes décrit les hommes comme des loups qui dévoreraient les autres pour avancer ses propres intérêts. La nature vicieuse de l’homme nécessite un pouvoir absolu pour maîtriser les désirs insatiables des individus. Smith construira une conception totalement opposée à celle de Hobbes et démontrera comment les intérêts de la société sont avancés quand chacun cherche son intérêt propre.
Enfin, il est impossible de parler des influences intellectuelles sur Adam Smith sans évoquer David Hume (1711-1776). Dans ses Essais sur le Commerce (1752), Hume favorise la liberté commerciale et prône l'idée que l'économie fonctionne mieux quand elle est régie par des lois naturelles. Mais ce n’était pas ses travaux économiques qui ont eu le plus grand impact sur Smith. Hume était principalement un historien et philosophe qui traçaient le développement historique de la société. Ecossais aussi, Hume était un ami personnel de Smith. Ce dernier utilisera une méthode historique pour tracer l’évolution des économies de différents pays pour déterminer les vraies sources de la richesse.

Adam Smith (1723-1790)
Adam Smith grandit à Glasgow (Ecosse) à un moment où le Royaume Uni est en plein essor économique et politique. Il n’était pas pauvre, mais il vivait relativement modestement et pouvait facilement observer la classe laborieuse. Orphelin du père et élevé par son oncle, il se montre très doué pour les études. Il réussit à être accepté à Oxford, où il étudie la philosophie et la littérature, mais il résistait la rigidité intellectuelle de cette université. Il se fait finalement évincer d’Oxford pour sa lecture du Traité de la nature humaine de David Hume, ce dernier exercera une influence considérable sur Smith et deviendra un ami intime. Smith termine ses études à Glasgow, où il devient par la suite professeur de philosophie morale.
Il rédige en premier un ouvrage sur l’Histoire de l’Astronomie (publié seulement après la mort de Smith) où il dévoile une admiration pour les travaux de Newton. Son deuxième ouvrage Théorie des sentiments moraux (1759) tente d’établir une logique scientifique pour comprendre les sentiments humains. En particulier, comme le Marquis de Mirabeau, et contrairement à Hobbes, Smith considère que tout être humain est doté d’un degré de sympathie qui le pousse à vivre paisiblement en société (voire texte ci-dessous).
La Théorie des sentiments moraux a connu un succès énorme. Suite à sa publication, Smith se fait embaucher par Charles Townshend pour être le tuteur de son beau-fils Henry Scott, Duc de Bubbleuch. Celui-ci l’amène en France en 1744-1766. Pendant ce séjour, Smith rencontre, entre autres, Voltaire, Quesnay et Turgot. Il est attiré par les idées des physiocrates, mais ayant grandi dans un contexte urbain industrialisé, il ne peut accepter que seul le développement agricole détermine la richesse d’un pays. De retour en France, il se met à rédiger son ouvrage principal, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776).
Dans la Richesse des Nations, Smith tente de systématiser les théories économiques sur la base d’un principe simple. Comme Newton a réussi à expliquer tout mouvement dans l‘univers grâce au principe de la gravitation, Smith explique le fonctionnement de l’économie grâce au principe de l’intérêt propre. Selon Smith,
« Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. »
Alors que Hobbes avait argumenté en faveur d’une monarchie absolue en signalant la nature féroce des hommes qui, laissés sans contraintes, se dévoreraient les uns les autres, Smith souligne le caractère positif de la liberté individuelle. En cherchant son intérêt personnel, « conduit par une main invisible », chacun participe à l’avantage collectif. En effet, les marchés arrivent à s’équilibrer quand les hommes peuvent organiser la production, distribution, échange et consommation sans contraintes, principe fondamental de l’école classique. Comme les Physiocrates, donc, Smith prône une politique de « laissez-faire ».
Dans cet ouvrage, Smith identifie deux types de valeur :
1) La valeur d'usage représente l'utilité d'un bien pour celui qui le consomme.
2) La valeur d'échange représente le pouvoir qu'un bien confère à celui qui le possède pour se procurer un autre bien.

L’eau, par exemple, a une forte valeur d'usage, car elle est essentielle pour la survie ; par contre, elle a une faible valeur d'échange parce que l’offre est abondante et elle ne peut donc pas être échangée pour d’autres produits. Les diamants ont un rapport inverse : ils n’ont quasiment aucune valeur d’usage, mais ils peuvent être facilement échangés à cause de leur rareté. De même, puisqu’il ne peut pas en consommer une quantité trop importante, le pain du boulanger a une forte valeur d’échange pour lui, mais puisqu’il s’agit d’un aliment essentiel pour l’homme, le même pain a une forte valeur d’usage pour d’autres. C’est la différence entre ces deux types de valeur qui crée les échanges.

Smith identifie aussi différents types de prix.
1) Prix nominal. Le prix nominal d’un produit est celui qui est exprimé en unité monétaire, celui que l’on voit sur la facture ou sur l’étiquette. Le prix nominal peut être divisé en deux types :

a) Prix naturel. Le prix naturel est établi par le jeu libre de l'offre et la demande. C’est le prix idéal, celui qui représente la vraie valeur d’un produit. Dans une économie idéale, le prix naturel serait le prix payé par les consommateurs pour leurs biens.

b) Prix du marché. Le prix du marché est celui qui est réellement pratiqué. Les transactions sont toujours influencées par des ‘forces extra-économiques’ (contraintes, taxes, règlements, codes sociaux, etc.). Les gouvernements devraient chercher à réduire au minimum ces forces extra-économiques pour que le prix du marché se rapproche le plus possible au prix naturel.


2) Prix Réel. Le prix réel d’un bien peut être exprimé en termes de la quantité de travail et de peine que l'acquéreur s'impose pour se procurer un bien, soit pour le produire, soit pour gagner suffisamment d’argent pour l’acheter. Puisque tout le monde ne produit pas des biens à la même vitesse ou avec la même facilité, et puisque tout le monde ne gagne pas le même salaire, le prix réel diffère donc en fonction de l individu. Par exemple, un ouvrier qui gagne 10¬ de l heure doit travailler 10 heures pour se procurer un produit qui coûte 100¬  ; avocat qui gagne 200¬ de l heure ne doit travailler que 30 minutes pour s acheter le même produit. Le prix réel du produit est nettement plus élevé pour l ouvrier que pour l avocat.



La Richesse des Nations est divisée en cinq livres :
Livre I.
Smith analyse l’évolution des méthodes de production et le processus de la spécialisation du travail, ainsi que la circulation naturelle des biens entre classes. Comme Aristote et Thomas d’Aquin, Smith observe que les sociétés primitives étaient basées sur l’autosuffisance des familles. Au fur et à mesure que les sociétés avancent, les individus se spécialisent et échanges certains produits contre d’autres. Plus ces échanges s’étendent, en volume et dans l’espace, plus l’économie a besoin d’une monnaie pour faciliter ces échanges. Mais au lieu d’esquisser cette évolution pour simplement expliquer le bon usage de la monnaie, comme l’ont fait Aristote et d’Aquin, Smith y voit la véritable source de la richesse d’une nation. En effet, en utilisant l’exemple d’une manufacture d’épingles, Smith décrit comment la productivité d’améliore avec la spécialisation. Plus on se spécialise, mieux on s’affine ses techniques ; on développe même des outils et des machines pour augmenter la production. Smith estime que, en divisant la production en 18 processus séparés, on peut produire 240 fois plus d’épingles. C’est la spécialisation qui permet une augmentation de la production et donc la richesse.
Comme les physiocrates, Smith examine la circulation de la richesse à l’intérieur d’une économie entre trois classes. Pour distinguer les classes, Smith identifie trois types de revenus.
"Salaire, profit et rente sont les trois sources de tout revenu aussi bien que de toute valeur échangeable, tout autre revenu dérive, en dernière analyse, de l'une ou de l'autre de ces trois sources."
Les ouvriers (agricoles ou industriels) touchent un salaire qui récompense leur effort, peine, compétence, technique, etc. La croissance économique tend à augmenter les salaires et cette augmentation augmente la productivité et aussi la population. Les investisseurs perçoivent un profit qui rémunère l’utilisation du capital. Le bon usage du capital favorise non seulement la croissance économique générale, mais un bon retour sur investissement. Mais au fur et à mesure que l’économie se développe, le nombre d’opportunités pour investir diminue, limitant ainsi profits. Les propriétaires touchent une rente pour la location de leurs terres. Ces rentes ne doivent pas être fixées trop haut, car cela entraînerait une hausse des prix agricoles, ce qui désavantagerait les ouvriers. Avec la croissance économique, la population et les salaires grandissent, augmentant la demande et les prix des produits agricoles et par conséquent les rentes. La définition des trois classes par Smith diffère donc sensiblement de celle de physiocrates.
Livre II.
Tout comme la bonne manière d’organiser la production, le bon usage du capital est essentiel pour améliorer la richesse d’un pays. Les revenus de la production doivent être utilisés pour améliorer la condition de vie des ouvriers, ce qui augmente leur productivité, mais aussi pour investir dans de nouvelles techniques. La mécanisation des processus ne peut s’effectuer qu’avec un important investissement du capital. Pour Smith, l’accumulation de la richesse simplement pour le plaisir d’amasser de plus importantes sommes n’est pas immorale, comme l’auraient exposé Aristote ou les théologiens, mais inefficace. Le capital doit être utilisé de la meilleure manière d’augmenter la productivité, le plus souvent en investissant dans l’innovation technique.
Livre III.
L’évolution du progrès économique ne se déroule pas de la même manière dans tout les pays. Les pays les plus puissants sont ceux qui ont su très tôt spécialiser le travail. Influencé par les travaux de David Hume, Smith adopte une vision historique pour observer le développement économique. Jusqu’alors, les philosophes de l’économie avaient toujours observé l’économie contemporaine qui les entoure pour comprendre son fonctionnement. Cette perspective historique de Smith va être par la suite adopté par Ricardo pour décrire la trajectoire économique jusqu’à un état stationnaire, et par Marx pour expliquer comment le système capitaliste va inévitablement se transformer en socialisme.
Livre IV.
Dans ce livre, Smith se place fermement en opposition au système mercantiliste.
« C’est l’industrie que l’on poursuit pour le bénéfice des riches et des puissants qui est principalement encouragée par notre système mercantile. Celle que l’on poursuit pour le bénéfice des pauvres et des indigents est trop souvent soit négligée ou opprimée. »
Les XVIème et XVIIème siècles avaient vu un progrès économique remarquable, grâce au commerce avec les colonies, assuré par les compagnies qui détiennent le monopole, et l’investissement de l’Etat dans l’industrie. Mais selon Smith, ce sont principalement les riches et puissants qui profitent de ce type de système économique. Très attaché au sort de l’homme modeste, Smith propose un autre système économique basé sur la liberté individuelle qu’il pense plus efficace et plus équitable. (Il convient ici de rappeler que, malgré le succès que Smith a connu, et les avantages économiques qui l’ont accompagné ce succès, le philosophe écossais a toujours vécu modestement et a donné généreusement aux œuvres charitables.) Smith propose donc un changement conséquent à la manière de gouverner.
Livre V.
Comme les mercantilistes, Smith se préoccupe du rôle et des revenus de l’Etat. Si l’Etat doit éviter d’intervenir dans les transactions économiques, Smith ne nie absolument pas le rôle politique, juridique et social du gouvernement. L’Etat doit assurer l’ordre social et la défense de la nation, mais aussi promouvoir les initiatives utiles pour la collectivité quand les intérêts personnels ne suffisent pas : l’armée, la diplomatie, le maintient du système judiciaire, le développement de l’infrastructure, l’éducation publique, etc. Pour financer ces services, Smith élabore un système d’imposition dans lequel ceux qui bénéficient le plus d’un service du gouvernement doivent supporter le coût de ce service, quand cela est possible. (Voir texte ci-dessous)

Il est difficile de surestimer l’influence d’Adam Smith sur la science économique.


Thomas Robert Malthus (1766-1834)
Malthus est né dans une famille aisée de nobles et éduqué à Cambridge. Il devient par la suite prêtre d’une petite paroisse, puis prof dans un collège. Sa philosophie économique était principalement orientée autour de la question de la croissance démographique et de la demande.

Essai sur le principe de population (1798)
Dans cet ouvrage, Malthus élabore une théorie sur la croissance démographique. D’après Malthus, chaque couple a en moyenne 4 enfants. Quand il n’y a pas de limites de ressources, la population augmente donc selon une progression géométrique (1, 2, 4, 8, 16, 32), doublant tous les vint-cinq ans. En effet, cette progression a été observée aux Etats-Unis, un vaste pays qui à l’époque disposait de ressources naturelles surabondantes. Les investissements et le progrès technique, par contre, ne permettent au mieux qu’une progression arithmétique (1, 2, 3, 4, 5) dans le même temps.

Très rapidement, alors, le niveau de population dépasse la capacité de nourrir tout le monde, ce qui entraine des crises de subsistance. Ces crises (dites ‘crises malthusiennes’) prennent en général trois formes : la famine, les épidémies et les guerres. Au seuil de la subsistance, il suffit d’une mauvaise récolte une année pour éliminer un certain pourcentage de la population qui n’a pas les moyens de survivre (famine). Sinon, n’ayant pas suffisamment mangé, un grand pourcentage de la population est mal nourri et affaibli, permettant la rapidement propagation de maladies (épidémie). Les gens ont tendance à lutter pour s’accaparer des ressources limitées (guerre). Les trois types de crises ont le même effet de diminuer la population à un niveau suffisamment bas pour être maintenu par la quantité de ressources disponibles.

Cette théorie sur la population a été développée en réponse à un débat de l’époque ; l’Etat cherchait à déterminer s’il devait fournir une assistance sociale aux pauvres (‘Poor Laws’). Le Pasteur Malthus était contre l’idée d’aider les pauvres qui n’arrivaient pas à subvenir à leurs propres besoins, car cela les encouragerait seulement à avoir plus d’enfants et ainsi exacerber le problème. Malthus propose une solution éthique (‘moral restraint’), grâce à des mariages plus tardifs et la pratique de l’abstinence avant le mariage, la croissance de la population serait plus limitée.

Ces propos provoquèrent, on peut bien l’imaginer, des débats très vifs sur la charité et l’aide sociale. En effet, il est surprenant qu’un prêtre soit contre la charité. Plus pertinent pour nous, les idées de Malthus sont totalement en contradiction avec la majorité des notions économiques antérieures qui favorisaient une augmentation de la population pour renforcer la production et l'économie de la nation.


Principles of political economy (1820)
Dans ce deuxième ouvrage, Malthus se nourrit des arguments lancés contre les idées exprimées dans son premier ouvrage pour renforcer ses positions. De plus il élabore le principe de la demande effective : c’est la demande qui détermine la production et qui est le moteur principal de l’économie. Cette demande étroitement liée au niveau de population ; la réduction de la population, et donc de la demande se traduit par une réduction des efforts de production. Cette théorie est en totale contradiction avec les théories des débouchés de JB Say (voir ci-dessous). Ce principe sera ensuite développé davantage par Keynes un siècle plus tard.


Jean-Baptiste Say (1767-1832)
Say était d'une famille protestante, rare en France qui est restée un pays foncièrement Catholique. Relativement jeune, entre 19 et 21 ans, il voyage en Angleterre, ce qui le familiarise avec la littérature économique anglaise, notamment Adam Smith. De retour à Paris, il publie une revue pendant la Révolution et étudie l’économie. Il publie enfin sonTraité d'économie politique (1803), mais Napoléon lui demande de modifier certaines parties. (Say était contre le protectionnisme et l’intervention de l’Etat dans l’économie, ce qui était précisément la politique économique de l’Empereur.) Ayant refusé de modifier son traité, il perd le droit d’exercer le métier de journaliste et éditeur. Il se retourne vers l’industrie (il était frère de Louis Say, le fondateur de la sucrerie qui porte encore son nom - Béghin-Say) et fait fortune.

Traité d'économie politique (1803)
Say était favorable au le libéralisme et contre toute politique protectionniste. Il reste alors dans la lignée directe des physiocrates et de Smith. Dans ce traité, et contrairement à Malthus, il se focalise sur la production, ou l’offre.

La "loi des débouchés" ou "loi de Say": "C'est la production qui ouvre des débouchés aux produits."
Pour critiquer cette théorie bien plus tard, Keynes le résume mal par l'expression "L'offre crée sa propre demande." En réalité, selon Say, le fait de produire est une condition nécessaire à la création d'un débouché (mais un débouché pour les autres producteurs). Quelqu'un qui crée un produit et qui veut le vendre, crée une opportunité pour un autre producteur de vendre ses produits. Selon Say, alors, une crise de surproduction est impossible, car on cherchera des marchés pour écouler ses produits.

"Que les achats qu'on fait à l'étranger soient acquittés en marchandise ou en argent, ils procurent à l'industrie nationale des débouchés pareils."

La théorie de Say est donc en total contradiction avec celle de Malthus, car Say diminue l'importance de la demande. Celle-ci suivra la production. Aussi, selon Say, la monnaie n’est qu’un instrument pour faciliter les échanges de marchandises, elle ne joue pas de rôle important dans l’économie – un point de vue qui sera entièrement démoli par Keynes. En fait, la réfutation de cette théorie par Keynes est le fondement de son œuvre. Say a donc eu un impact très important sur la production intellectuelle


David Ricardo (1772-1823)
Ricardo était le 3ème enfants (sur 17 enfants !) d'une famille de financiers juifs. A partir de 14 ans, il travaille à côté de son père à la Bourse de Londres. Il tombe amoureux d’une fille quaker, et se convertit au Protestantisme pour se marier avec elle. Il est par conséquent rejeté par sa famille et doit s’autofinancer. Grâce à son intelligence et à son expérience à la Bourse de Londres, il a fait fortune comme agent de change. Il prend sa retraite à 42 ans et se consacre aux études et à la politique, en autodidacte mais bénéficiant d’une correspondance abondante avec Malthus et Say. Il a une très bonne réputation et le Parlement sollicite régulièrement son avis sur des questions économiques. Lui-même il devient Parlementaire peu après la publication de son ouvrage : Principes d'économie politique (1817)


La valeur
Pour comprendre comment la valeur d’un bien est déterminée, il faut savoir de quel type de bien il s’agit. Ricardo distingue deux types principaux de biens.

Biens non-reproductibles
Les biens non-reproductibles sont très rares et ne peuvent pas être créés en grande quantité (par exemple les œuvres d'art, les diamants). La valeur de ces biens dépend principalement de la demande.


Biens reproductibles
Les biens reproductibles, la majorité des produits, sont ceux qui peuvent être créés en grande quantité. Ces biens sont très utiles pour les êtres humains (pain, fromage, vêtements), mais comme ils peuvent être reproduits, la valeur dépend non pas de leur utilité et de la demande mais de la quantité du travail nécessaire pour créer ou se procurer le bien.

Comme Smith, Ricardo croit que l’on peut calculer la valeur d’un produit en termes d’un nombre d’heures de travail nécessaire pour produire ou pour se procurer ce produit. Mais Ricardo inclut, non seulement les heures que l’ouvrier a passé au travail, mais également la valeur du travail incorporée dans le capital nécessaire pour produire le bien (outils, machines, matière première, etc.). Un ouvrier peut passer le même nombre d’heures pour créer un fromage et un meuble, mais la valeur serait différente car la fabrication d’un fromage ne requiert que très peu de capital, alors que la fabrication d’un meuble nécessite des outils métalliques relativement chers, des machines, etc. Cette notion qu’il existe une grande quantité de travail accumulé dans tout capital a été reprise par Marx.


Croissance économique
Salaires réels
Basé sur le travail de Smith, Ricardo analyse l'évolution des salaires, profits et rentes, sur la base de la notion de la valeur d'échange. Smith avait vu une augmentation des salaires comme un résultat de la croissance économique. Pour Ricardo, la croissance économique entraîne également une hausse des prix, et par conséquent tout augmentation des salaires nominaux est anéantie ; les salaires réels (en termes de pouvoir d’achat) stagne.

Limites de la croissance démographique
Comme Malthus, Ricardo comprend que la superficie des terres fertiles étant limitée, la population ne peut pas continuer à augmenter à l’infini. L’augmentation de la population génère la hausse des prix (augmentation de la demande, stagnation de l'offre de la nourriture), ce qui défavorise l'augmentation continue de la population.

Rendements décroissants
Comme Smith, Ricardo prévoit aussi la diminution des profits. L'entrepreneur doit se tourner donc vers les marchés extérieurs pour augmenter leurs marges.

La théorie des rendements décroissants l’amène à supposer une trajectoire vers la stabilité économique (état stationnaire de l'économie). Selon Ricardo :
"Il n'y aura plus d'accumulation, car aucun capital ne pourra plus rapporter le moindre profit ; aucun travail supplémentaire ne pourra être exigé, et par conséquent, la population aura atteint son niveau maximal."


Monnaie
Comme Say, Ricardo diminue l'importance de la monnaie. Celle-ci ne joue qu’un rôle intermédiaire dans la production et l’échange de biens ; la monnaie en elle-même n’a pas de valeur réelle. Comme Bodin, les prix nominaux dépendent de la quantité de la monnaie en circulation, mais comme tous les prix nominaux augmentent ou diminuent proportionnellement à cette quantité, très peu importance est attribué à la monnaie.


« Equivalence ricardienne » ou « Equivalence Ricardo-Barro »
Ricardo a souvent été sollicité par le gouvernement britannique pour donner son avis sur des questions de politique économique. L’Etat devait investir dans l’infrastructure du pays ; pour ce faire, il fallait lever des fonds. Ces fonds pouvaient provenir de deux sources : 1) l’Etat pouvait taxer la population actuelle pour finance des projets, mais la crainte était qu’une telle politique enlèverait l’argent de la circulation économique, ou 2) l’Etat pouvait s’endetter pour payer ces projets et rembourser ses dettes plus tard quand les avantages des investissements auraient porter des fruits.

Pour Ricardo, les deux options avaient le même résultat. Même si l’Etat finançait les projets avec la dette, les acteurs économiques auraient tendance à épagner de l’argent sachant qu’ils auraient à payer des impôts plus élevés un jour.

Cette idée a été reprise et développée par Robert Barro en 1974 - d’où le nom « Equivalence (ou effet) Ricardo-Barro.


Avantages comparatifs
Selon Ricardo, chaque région a des avantages naturels pour la production de certains produits. L’Angleterre, grâce à son climat, est naturellement bien adaptée à l’élevage de moutons. C’est pour cette raison qu’elle était plus développée dans la production de la laine que d’autres pays. La France, par contre, a un climat plus propice à la culture de raisins, et donc produit d’excellents vins. Comme chaque pays se spécialise dans la production d’un certain nombre de biens, il les produit plus efficacement et donc moins cher que d’autres pays. Tous les pays vont échanger leurs biens pour tirer le maximum de bénéfices des leurs avantages respectifs. Même si la France pouvait produire de la laine à moindre coût que l’Angleterre, elle aura tendance à se concentrer plutôt sur la production du vin, ou elle a un avantage très net par rapport à l’Angleterre, et négliger la production de la laine. Car produire de la laine en France veut dire produire moins de vin. Dans ce cas la France aurait un avantage absolu dans la production de la laine, mais l’Angleterre aurait un avantage comparatif.


John Stuart Mill (1806-1873)
John Stuart Mill était le fils de James Mill (1773-1836), un économiste, philosophe et historien écossais très influencé par les idées de David Hume et de Jeremy Bentham. En termes de politique économique, James Mill était un défenseur des idées de Ricardo. Mais sa philosophie utilitariste le pousse à éduquer son fils d’une manière très rigoureuse. John Stuart Mill était donc séparé des autres enfants et éduqué par son père. Il savait lire le latin et le grec à l’âge de 8 ans. Il sera ensuite très influencé par sa femme Harriet Taylor, à qui il attribuait beaucoup de ses propres idées.

Les ouvrages de John Stuart Mill sont nombreux et variés :
Système de logique déductive et inductive, 1843.
Essays on Some Unsettled Questions of Political Economy, London, 1844 
 HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/Principles_of_Political_Economy" \o "en:Principles of Political Economy" Principes d'économie politique, Londres, 1848
De la liberté (1859)
Auguste Comte et le positivisme (1865)
L'utilitarisme (1868)
 HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=De_l%27assujettissement_des_femmes&action=edit&redlink=1" \o "De l'assujettissement des femmes (page inexistante)" De l'assujettissement des femmes, 1869. (Pour le suffrage des femmes)
Trois essais sur la religion (posthume -1874)

Dans ses travaux économiques, il respecte la plupart des principes de l’école classique. L’économie fonctionne selon des lois naturelles et le principal moteur de l’économie est la recherche de l’intérêt personnel. Le développement économique général est plus rapide quand l’Etat n’impose pas de s restrictions sur les acteurs économiques.

Par contre, John Stuart Mill se préoccupait de bien plus que l’économie ; il s’intéressait aussi à la justice sociale. Si l’Etat ne doit pas jouer un rôle d’acteur dans l’économie, il doit absolument rectifier les injustices sociales du système économique ("Justice économique redistributive"). Par exemple, l'Etat doit assurer la protection sociale des citoyens, financée par un impôt sur la rente foncière.

Il reprend les théories principales de l'économie classique (Smith, Say, Ricardo), mais seulement pour réfuter l'idée de la légitimité de la propriété privée et celle d’un état stationnaire. La propriété privée est contraire aux lois naturelles, car selon la loi naturelle la terre appartient à tous les hommes. Mill croyait que l’équilibre parfait (état stationnaire) entre croissance démographique et croissance économique ne pouvait être atteint que quand il y aurait une répartition équitable des richesses.


Documents

Adam Smith en contexte : Le rôle de l’Etat et l’imposition

1. Réalité
Nous, le Peuple des Etats-Unis d’Amérique, en vue de former une union plus parfaite, d’établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette constitution pour les Etats-Unis d’Amérique.
Constitution des Etats-Unis, 1789, préambule, Wikipedia.org, septembre 2010.


2. Théorie
Les dépenses qu’exige la défense publique, et celles pour maintenir la dignité du premier magistrat, sont faites, les unes et les autres, pour l’avantage commun de toute la société. Il est donc juste que ces dépenses soient défrayées par une contribution générale de toute la société, à laquelle chaque différent membre contribue, le plus approchant possible, dan la proportion de ses facultés.
La dépense qu’exige l’administration de la justice peut aussi sans doute être regardée comme faite pour l’avantage commun de toute la société. Il n’y aurait donc rien de déraisonnable quand cette dépense serait aussi défrayée par une contribution générale. Cependant, les personnes qui donnent lieu à cette dépense sont celles qui, par des actions ou des prétentions injustes, rendent nécessaire le recours à la protection des tribunaux : comme aussi les personnes qui profitent le plus immédiatement de cette dépense, ce sont celles que le pouvoir judiciaire a rétablies ou maintenues dans leurs droits ou violées ou attaquées. Ainsi les dépenses d’administration de la justice pourraient très convenablement être payées par une contribution particulière, soit de l’une ou de l’autre, soit de ces deux différentes classes de personnes à mesure que l’occasion l’exigerait, c’est-à-dire par des honoraires ou vacations payés aux cours de justice.
La dépense d’entretenir des routes sûres et commodes et de faciliter les communications est sans doute profitable à toute la société, et par conséquent, on peut sans injustice la faire payer par une contribution générale. Cependant, cette dépense profite plus immédiatement et plus directement à ceux qui voyagent ou qui transportent des marchandises d’un endroit à l’autre et à ceux qui consomment ces marchandises. Les droits de barrières, sur les grands chemins en Angleterre, et ceux appelés péages dans d’autres pays, mettent ces dépenses en totalité sur ces deux différentes sortes de personnes et par-là dégrèvent le revenu général de la société d’un fardeau considérable.
La dépense des institutions pour l’éducation publique et pour l’instruction religieuse et pareillement sans doute une dépense qui profite à toute la société, et qui par conséquent peut bien sans injustice, être défrayée par une contribution générale. Cependant, il serait peut-être aussi convenable, et même quelque peu plus avantageux, qu’elle soit payé en entier par ceux qui profitent immédiatement de cette éducation et de cette instruction ou par la contribution volontaire de ceux qui croient avoir besoin de l’une ou de l’autre.
Quand les établissements ou les travaux publics qui profitent à toute la société ne peuvent être entretenus en totalité ou ne sont pas, dans le fait, entretenus en totalité par la contribution de ceux des membres particuliers de la société qui profitent le plus immédiatement de ces travaux, il faut que le déficit, dans la plupart des circonstances, soit comblé par la contribution générale de toute la société.
Adam Smith, The Wealth of Nations, Livre V, 1776.


Travail
1. D’après le préambule de la Constitution des Etats-Unis, quelles sont les raisons pour lesquelles on a établi un Etat fédéral ?

2. D’après Smith, quelles sont les responsabilités de la République ou de l’Etat ? Dans quels cas est-ce que l’Etat doit financer des activités par une contribution générale ? Quelles dépenses doivent rester à la charge de ceux qui en profitent directement ?

Adam Smith : La main invisible et la motivation chez l’homme

Car il peut être observé que dans toutes les religions polythéistes […] ce sont seulement les événements irréguliers de la nature qui sont attribués au pouvoir de leurs dieux. Les feux brûlent, les corps lourds descendent et les substances les plus légères volent par la nécessité de leur propre nature : on n’envisage jamais de recourir à la « main invisible de Jupiter » dans ces circonstances. Mais le tonnerre et les éclairs, la tempête et le soleil, ces événements plus irréguliers sont attribués à sa faveur, ou à sa colère.
(Adam Smith, Histoire de l’astronomie, v. 1755, in W.P.D. Wightman and J.C. Bryce (eds.)
Adam Smith Essays on Philosophical Subjects, Oxford, 1981, p. 49.)

Quel que soit l’égoïsme de l’homme, il y a évidemment certains principes dans sa nature qui le poussent à s’intéresser au sort des autres, et qui rendent leur bonheur nécessaire pour lui, bien qu’il ne procure rien de ce bonheur, sauf le plaisir de la voir. Parmi ces principes, il y a la pitié et la compassion, le sentiment que provoque en nous le malheur des autres, soit en le voyant, soit en l’imaginant d’une manière vive. Que la tristesse des autres nous provoque de la tristesse en nous, c’est un fait tellement évident qu’il n’est pas besoin de le prouver. Car, ce sentiment, comme toutes les autres passions originelles de la nature humaine, n’est aucunement limitée aux vertueux, bien qu’ils le ressentent certainement avec une sensibilité des plus exquises. Le plus grand voyou, le plus méchant violateur des lois de la société, n’est pas totalement sans ce sentiment.
Adam Smith, The Theory of Moral Sentiments, 1759, livre I, 1, Traduction par R. Braid

Le produit du sol fait vivre presque tous les hommes qu’il est susceptible de faire vivre. Les riches choisissent seulement dans cette quantité produite ce qui est le plus précieux et le plus agréable. Ils ne consomment guère plus que les pauvres, et en dépit de leur égoïsme et de leur rapacité naturelle, quoiqu’ils n’aspirent qu’à leur propre commodité, quoique l’unique fin qu’ils se proposent d’obtenir du labeur des milliers de bras qu’ils emploient soit la seule satisfaction de leurs vains et insatiables désirs, ils partagent tout de même avec les pauvres les produits des améliorations qu’ils réalisent. Ils sont conduits par une main invisible à accomplir presque la même distribution des nécessités de la vie que celle qui aurait eu lieu si la terre avait été divisée en portions égales entre tous ses habitants : et ainsi, sans le vouloir, ils servent les intérêts de la société et donnent des moyens à la multiplication de l’espèce.
Adam Smith, The Theory of Moral Sentiments, 1759, Livre IV, 1.


A la vérité, son intention, en général, n’est pas en cela de servir l’intérêt public, et il ne sait même pas jusqu’à quel point il peut être utile à la société. En préférant le succès de l’industrie nationale à celui de l’industrie étrangère, il ne pense qu’à se donner personnellement une plus grande sûreté ; et en dirigeant cette industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu’à son propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions ; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que sont intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler. Je n’ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses. Il est vrai que cette belle passion n’est pas très commune parmi les marchands, et qu’il ne faudrait pas de longs discours pour les en guérir. […] Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme.
Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776, Livre IV, ch. 2.


Travail :
Résumer chacun des quatre passages en une seul phrase.
Comment est-ce que Adam Smith utilise le terme « main invisible »  dans ses trois ouvrages différents ?
Selon Smith, quels sont les motivations principales qui influent sur le comportement humain ?
Comment est-ce que l’opinion de Smith par rapport au comportement humain diffère de celle de Thomas Hobbes ?

Smith sur la valeur
La valeur d’une denrée quelconque, pour celui qui la possède et qui n’entend pas en user ou la consommer lui-même mais qui a l’intention de l’échanger pour autre chose, est égale à la quantité de travail que cette denrée le met à même d’acheter ou de commander. Le travail est donc la mesure réelle de la valeur en échange de toute marchandise. Le prix réel de chaque chose, ce que chaque chose coûte réellement à celui qui veut se la procurer, c’est le travail ou la peine qu’il doit s’imposer pour l’obtenir. Ce que chaque chose vaut réellement pour celui qui l’a acquise et qui cherche à en disposer ou à échanger pour quelque autre objet c’est la peine et l’embarras que la possession de cette chose peut lui épargner et qu’elle lui permet d’imposer à d’autres personnes. Ce qu’on achète avec de l’argent ou des marchandises est acheté par du travail aussi bien que ce que nous acquérons à la sueur de notre front. Cet argent et ces marchandises nous épargnent dans le fait cette fatigue. [...] La quantité de travail que peut acheter ou commander une certaine quantité de ces métaux, ou bien la quantité d’autres marchandises qu’elle peut obtenir en échange, dépend toujours de la fécondité ou de la stérilité des mines exploitées dans le temps où se font ces échanges.

Adam Smith, Richesse des nations, 1776, Livre I, ch. 5.

Travail :
1. Quels sont les deux types principaux de valeur selon Smith ?
2. A quelle idée de J.-B. Say est-ce que cette théorie de Smith ressemble ?
3. Sur quel facteur dépend le prix, en termes de monnaie, d’un produit ? Quel économiste mercantiliste était le premier à élaborer cette idée ?


Ricardo sur la valeur
Les choses, une fois quelles sont utiles par elles-mêmes, tirent leur valeur échangeable de deux sources, de leur rareté et de la quantité de travail nécessaire pour les acquérir. Il y a des choses dont la valeur ne dépend que de leur rareté. […] Elles ne forment cependant qu’une très petite partie des marchandises qu’on échange quotidiennement sur le marché. […] Quand donc nous parlons des marchandises, de leur valeur échangeable et des principes qui règlent leurs prix relatifs, nous n’avons en vue que celles de ces marchandises dont la quantité peut s’accroitre par l’industrie de l’homme, dont la production est encouragée par une concurrence libre de toute entrave. Dans l’enfance des sociétés, la valeur d’échange des choses, ou la règle qui fixe la quantité que l’on doit donner d’un objet pour un autre, ne dépend que de la quantité comparative de travail qui a été employée à la production de chacun d’eux. […] Adam Smith après avoir défini avec tant de précision la source primitive de toute valeur échangeable, aurait dû, pour être conséquent, soutenir que tous les objets acquéraient plus ou moins de valeur selon que leur production coûtait plus ou moins de travail. Il a pourtant créé lui-même une autre mesure de la valeur, il parle de choses qui ont plus ou moins de valeur selon qu’on peut les échanger contre plus ou moins de cette mesure. Tantôt il dit que c’est la valeur du blé, et tantôt il assure que c’est celle du travail ; non pas du travail dépensé dans la production d’une chose, mais de celui que cette chose peut acheter ; comme si c’étaient là deux expressions équivalentes, et comme si parce que le travail d’un homme est devenu deux fois plus productif et qu’il peut créer une quantité double d’un objet quelconque, il s’ensuivait qu’il doit obtenir en échange une double rétribution. Si cela était vrai, si la rétribution du travailleur était toujours proportionnée à sa production, il serait en effet exact de dire que la quantité de travail fixée dans la production d’une chose et la quantité de travail que cet objet peut acheter, sont égales, et l’une ou l’autre indifféremment pourrait servir de mesure exacte pour les fluctuations des autres objets. Mais ces quantités ne sont point égales, la première est en effet très souvent une mesure fixe qui indique exactement la variation des prix des autres objets ; la seconde, au contraire, éprouve autant de variations que les marchandises ou denrées avec lesquelles on peut la comparer.

D. Ricardo, Des principes d’économie politique et de l’impôt, 1817, ch. 1.
Travail :
1. Quelle critique Ricardo lance-t-il contre Smith ?
J.-B. Say et la loi des débouchés
Dans tout Etat, plus les producteurs sont nombreux et les productions multipliées, et plus les débouchés sont faciles, variés et vastes. Dans les lieux qui produisent beaucoup, se crée la substance avec laquelle seule on achète: je veux dire la valeur. L'argent ne remplit qu'un office passager dans ce double échange; et, les échanges terminés, il se trouve toujours qu'on a payé des produits avec des produits. Il est bon de remarquer qu'un produit terminé offre, dès cet instant un débouché à d'autres produits pour tout le montant de sa valeur.
(Jean-Baptiste Say, Traité d'économie politique, 1826, t. 1, p. 249-251).
Travail :
1. Résumer ce passage en une seule phrase.
2. Pourquoi est-ce que l’interprétation de cette phrase par de nombreux économistes (« l’offre crée sa propre demande ») est erronée ?


J.-B. Say sur les trois processus
En observant en eux-mêmes les procédés de l’industrie humaine, quelque soit le sujet auquel elle s’applique, on s’aperçoit qu’elle se compose de trois opérations distinctes. Pour obtenir un produit quelconque, il a fallu d’abord étudier la marche en les lois de la nature, relativement à ce produit. Comment aurait-on fait fabriquer une serrure si l’on n’était parvenu à connaître les propriétés du fer, et par quels moyens on peut le tirer de la mine, l’épurer, l’amollir et le façonner ? Il a fallu ensuite appliquer ces connaissance à un usage utile, juger qu’en façonnant le fer d’une certaine façon, on en ferait un produit qui aurait pour les hommes une certaine valeur. Enfin, il a fallu exécuter le travail manuel indiqué par les deux opérations précédentes, c’est-à-dire forger et limer les différentes pièces dont se compose une serrure.
Il est rare que les trois opérations soient exécutées par la même personne. Le plus souvent un homme étudie la marche et les lois de la nature. C’est le savant. Un autre profite de ces connaissances pour créer des produits utiles. C’est l’agriculteur, le manufacturier ou le commerçant, ou pour les désigner par une dénomination commune à tous les trois, c’est l’entrepreneur d’industrie, celui qui entreprend de créer pour son compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque. Un autre enfin travaille suivant les directions données par les deux premiers, c’est l’ouvrier. Qu’on examine successivement tous les produits, on verra qu’ils n’ont pu exister qu’à la suite de ces trois opérations.

J.-B. Say Traité d’économie politique, 1803, libre I, ch. 6.

Travail
1. Quelles sont les trois phases principales dans toute production humaine ?
2. Comment est-ce que les catégories d’hommes de Say se diffèrent de celles de Quesnay, Turgot et Smith ?



J.S. MILL sur la production et la distribution de la richesse
Les lois et les conditions de la production des richesses partagent le caractère des vérités physiques [...]. Tout ce qui est produit par l'homme doit l'être d'après les modes et les conditions imposées par la nature constituante des choses extérieures et par les propriétés physiques et intellectuelles inhérentes à sa propre nature [...]. Il n'en est pas de même à l'égard de la distribution des richesses : c'est là une institution exclusivement humaine. Les choses étant créées, l'espèce humaine, individuellement ou collectivement, peut en agir avec ces choses comme elle l'entend [...]. La distribution des richesses dépend donc des lois et des coutumes de la société. Les règles qui déterminent cette distribution sont ce que les font les opinions et les sentiments de la partie dirigeante de la société, et varient considérablement, suivant les différents siècles et les différents pays; elles pourraient varier encore davantage si les hommes en décidaient ainsi.

(John Stuart Mill, Principes d'économie politique, t. 1, pp. 233-234.)

Travail :
1. Résumer ce passage en une seule phrase.
2. Selon Mill, quelle est la différence entre la production et la distribution de la richesse ?



Malthus et les erreurs des économistes classiques
J.-B. Say, J. Mill et D. Ricardo, qui sont les principaux auteurs de ces nouvelles théories, me semblent être tombés dans quelques erreurs fondamentales d’après la manière dont ils ont envisagé cette question. En premier lieu, ils ont considéré les produits comme s’ils étaient autant de chiffres ou de signes algébriques dont il s’agirait de comparer ensemble les rapports, au lieu de les regarder comme des articles de consommation qui doivent, par conséquent, être étudiés dans leurs rapports avec le nombre et les besoins des consommateurs. […] Une autre erreur fondamentale, dans la quelle des auteurs déjà cités et leur leurs disciples paraissent être tombés, c’est de n’avoir pas eu égard à l’influence d’un principe aussi général et important dans l’organisation humaine que celui de l’indolence ou de l’amour du repos. […] On suppose que les jouissances du luxe sont toujours préférées à l’indolence et que chacune des deux classes de contractants consomme ses profits comme ses revenus. […] L’histoire de l’espèce humaine prouve suffisamment qu’un goût prononcé pour les objets de luxe, tel qu’il le faut pour stimuler convenablement l’industrie, bien loin de se manifester rapidement au moment où le besoin s’en fait sentir, se développe au contraire très lentement, et il suffit de jeter un simple coup d’œil sur quelques-unes des nations connues pour se convaincre que c’est une erreur très grave de croire que les hommes produisent et consomment tout ce qui est en leur pouvoir de produire et de consommer, et qu’ils ne préfèrent jamais l’indolence aux fruits de l’industrie. […] Une troisième erreur, la plus grave de celles que les auteurs déjà cités ont commise, consiste à supposer que l’accumulation assure la demande, ou que la consommation des ouvriers employés par les individus dont le but est d’économiser crée une demande réelle de denrées suffisante pour encourager d’une manière soutenue l’accroissement de la production. […] De même qu’il est certain qu’un penchant convenable pour consommer peut maintenir une proportion convenable entre l’offre et la demande – quels que soient les pouvoirs de la production – il paraît tout aussi certain que la passion d’accumuler inévitablement donne naissance à une quantité de denrées supérieure à celle que l’organisation et les habitudes de la société peuvent permettre de consommer. […] Tout ce que je prétends, c’est qu’aucune nation ne peut jamais devenir riche par l’accumulation d’un capital provenant d’une diminution permanente de consommation, parce qu’une telle accumulation, dépassant de beaucoup ce qui est nécessaire pour satisfaire à la demande effective des produits, perdrait bientôt une partie de son utilité et sa valeur et, par suite, le caractère de richesse.
Th. R. Malthus, Principes d’économie politique, 1820, livre II.
Travail :
1. Selon Malthus, quelles sont les trois erreurs généralement commises par les économistes classiques ?
2. Selon Malthus, quel désir pousse l’homme souvent à agir d’une certaine manière, mais qui est rarement pris en compte par les économistes ?
3. A qui Malthus fait-il référence quand il contredit l’hypothèse que « l’accumulation assure la demande » ?
5. L‘Economie sociale

Contexte Politique
NB – Il n’est pas nécessaire d’apprendre tout ce contexte par cœur. Il suffit de l’apprendre pour mieux comprendre le développement et l’impact des mouvements socialistes.

France
Le développement économique de la France est limité par les conflits sociaux et politiques. Si le processus d’industrialisation avait commencé en France dès le XVIIIème siècle, la Révolution, et surtout la période de la Terreur pendant laquelle plus de 100,000 personnes trouvent la mort, et notamment Louis XVI en 1791, bouleverse totalement la production et la stabilité économique. Napoléon devient Premier Consul en 1799, puis Empereur en 1804. Si sous son règne la France retrouve une certaine stabilité politique et sociale, l’Empereur mène une série de guerres en Europe, qui sapent les ressources du pays. Au début, la France a connu de grandes victoires, et Napoléon était à la tête de tous les royaumes en Europe (sauf la Grande Bretagne). Mais très rapidement, il doit faire face à la défaite : Napoléon est enfin exilé en 1814. Au final, ces campagnes militaires ont été très couteuses en termes de vies humaines et de ressources.

Malgré le coût élevé de ses guerres, Napoléon a instauré un certain nombre de réformes en France qui l’ont aidé à se développer économiquement. Avant la Révolution, et malgré les efforts des monarques des siècles précédents, la France restait un pays relativement fragmenté. Sous l’Ancien Régime, la monarchie octroyait des privilèges spécifiques à certains seigneurs ou villes, le résultat était que le droit, les poids et mesures, les impôts, etc., variaient d’un endroit à un autre. La Révolution a réussi à anéantir les privilèges et à imposer une certaine normalisation, mais ce n’était que sous Napoléon ou le système juridique (Code Napoléonien, basé sur le droit romain et le Code Justinien) et l’imposition étaient homogénéisés au niveau national. Cette centralisation a aidé la circulation de biens dans le pays, mais à un coût social. Au cours du XIXème siècle, la France a instauré un certain nombre de politiques pour exterminer les cultures et mêmes les différentes langues parlées dans le pays (breton, occitan, catalan, alsacien) qui représentaient pour l’Etat un obstacle à l’homogénéisation de la culture et de la mentalité nationale. La France encore aujourd’hui reste un pays extrêmement centralisé et uniforme, tant au niveau politique que culturel. De plus, malgré la déclaration des Droits de l’Homme établie en 1789, la France n’a aboli l’esclavage dans ses colonies qu’en 1849, après la Révolution de 1848.

Seulement 26 ans après le début de la Révolution, la France a restauré la monarchie sous Louis XVIII (Bourbon). Le pays a connu de nombreuses modifications pendant ce quart de siècle, et dès sa restauration, la monarchie met en place une constitution qui conserve un certain nombre des libertés gagnées pendant la Révolution. Le pouvoir reste cependant entre les mains des plus aisés et une révolte populaire renverse la monarchie du successeur de Louis XVIII, Charles X. De 1330 à 1348 règne un nouveau roi, Louis-Philippe. Cette monarchie défendait les intérêts de la haute bourgeoisie (marchands, industriels, financiers) au dépens de la classe laborieuse.

Une telle situation pousse la population à la révolte de nouveau en 1848. Cette fois-ci, par contre, ce n’était pas une révolution de paysans comme en 1789. La première moitié du XIXème siècle en France a connu une rapide industrialisation et le développement d’une classe prolétaire dans les centres urbains. Cette révolution a été suivie quasiment partout en Europe et en Amérique Latine, avec des résultats divers. En France, le mouvement a mis fin à la monarchie de Louis-Philippe et a instauré la Seconde République, sous la commande de Louis-Napoléon (Napoléon III). Mais comme la constitution empêchait Napoléon III d’être réélu en 1851, il prend le pouvoir de force et s’autoproclame Empereur du Second Empire.

Son gouvernement dure jusqu’à la défaite de la France aux mains des Allemands en 1870. Une assemblée nationale, se réunissant à Bordeaux, nome Adolphe Thiers le président de la Troisième République, dont le gouvernement siégeait à Versailles. Suite à une série de politiques établies par ce nouveau gouvernement de Versailles, les habitants de Paris mènent une révolte et instaurent la Commune de Paris, un gouvernement socialiste qui dure 2 mois. Ce mouvement a été sévèrement supprimé par le gouvernement de Versailles (plus de 20.000 morts). Si les gouvernements n’ont pas une orientation socialiste particulière, grâce aux efforts des activistes socialistes, les ouvriers réussissent à obtenir un certain nombre d’avantages, par exemple le droit de grève en 1864. Malgré le contexte politique tumultueux, grâce en grande partie à sa politique de colonisation et au développement industriel que l’apport des ressources des colonies a permis, la France devient à la fin du XIXème siècle l’un des pays les plus puissants du monde.

Angleterre
L’Angleterre a connu l’industrialisation plus tôt que la France, et n’a pas connu les mêmes perturbations politiques et sociales que la France. Elle est en guerre contre ses colonies américaines, qui veulent se libérer du joug britannique (1776-1781, puis encore 1812-1814), et elle doit se défendre contre les ambitions de Napoléon (1803-1814). Mais ces conflits sont moins coûteux que les campagnes militaires de la France et ne perturbent pas trop le processus d’industrialisation. L’Angleterre est le premier pays à interdire l’esclavage sur son territoire (1772) et puis dans toutes ses colonies (1833). Elle paie 20 millions de livres pour dédommager les anciens propriétaires d’esclaves libérés et faciliter le processus. La East India Company, monopole d’Etat pour tout le commerce entre la Grande Bretagne et l’Inde qui avait vu le jour en 1600, perd son influence est sera définitivement fermée en 1874, laissant la place à plus de concurrence. La fin du XIXème siècle, appelé l’Ere victorienne (1837-1901), est considéré comme le sommet de l’influence britannique dans le monde, partagée seulement avec la France.


Allemagne
L’Allemagne a souffert de l’invasion française menée par Napoléon, mais poursuit le processus d’industrialisation une fois la paix retrouvée. Le « développement » économique est extrêmement rapide en Allemagne, et tous les problèmes sociaux de l’industrialisation se manifestent aussitôt. Les mouvements socialistes sont très suivis en Allemagne, comme en France, et mènent à la Révolution de 1848. Comme en France, si ces mouvements ont permis d’apporter quelques soulagements à la classe laborieuse, le pouvoir politique reste fermement entre les mains des capitalistes. Le roi de Prusse, Wilhelm I, et le Chancelier, Otto von Bismark, réussissent à unifier l’Allemagne sous l’Empire germanique en 1871, mais mène une politique ouvertement « anti-socialiste ». Le gouvernement supprimait sévèrement tout mouvement ouvrier. Après la guerre contre la France en 1870, l’Alsace et une partie de la Lorraine reviennent à l’Allemagne, jusqu’à la Seconde guerre mondiale.


Etats Unis
Des colonies britanniques outre Atlantique déclarent l’indépendance en 1776 et, après une guerre très lourde, forme une fédération de 13 états : les Etats-Unis d’Amérique. La constitution est ratifiée et le premier président élu en 1789. Les valeurs mises en avant dans la déclaration d’indépendance ainsi que dans la constitution sont la démocratie, la liberté et la prospérité. A cette époque, l’économie du pays dépend de l’exploitation des ressources naturelles abondantes qui sont envoyées en Europe pour la transformation en marchandises. Les Etats Unis ne constitue que la côte est du continent, mais les besoins de fonds de Napoléon pour mener ses guerres en Europe le pousse à vendre la Louisiane, une vaste région ouest du Mississippi, à la nouvelle fédération. Cet achat plus que double la superficie du pays, et les régions achetées deviennent petit à petit des Etats membres de la fédération.

Malgré l’attachement aux valeurs de la liberté exprimées dans les documents fondateurs du pays, l’exploitation agricole du pays, principalement sur les plantations dans le Sud, est basée sur le travail forcé des esclaves noirs. Au milieu du XIXème siècle, on compte environ 4 millions d’Afro-Américains, dont 95% sont esclaves dans le Sud. Le rapide processus d’industrialisation au XIXème siècle et le besoin de main-d’œuvre dans l’industrie dans le Nord, ainsi qu’une vague générale d’abolition de l’esclave en Europe, amènent les états du Nord à chercher la liberté des esclaves noirs dans les Etats du Sud. Le conflit sur la question de l’esclavage se transforme en guerre civile (1861-1865). A l’issu de cette guerre, l’esclavage est officiellement abolit dans tout le pays (1865), mais le conflit avait provoqué une perte humaine sans précédente et un affaiblissement de l’union.


Contexte Economique
La technologie du XIXème siècle
Il serait absurde de tenter ici de rendre compte de toutes les innovations technologiques du XIXème siècle. Il suffit de rappeler qu’au début du siècle, les gens se chauffer au bois ou au charbon, éclairaient leurs maisons par des lampes à huile, ne pouvaient communiquer à distance que par lettre, se déplaçaient à cheval ou en bateau à voile. A la fin du siècle, on commence à installer un réseau électrique, à éclairer les maisons avec des ampoules électriques, à prendre des photos, à écouter des phonographes, à se déplacer par train, bicyclette, voiture et, en 1903, avion. Les agriculteurs profitent de plus en plus de fertilisants chimiques et de machines pour faciliter le travail et libérer de la main-d’œuvre pour la production industrielle. Grâce en partie aux avancées techniques dans l’utilisation du charbon comme combustible, les usines peuvent produire des milliers de produits uniformes et pour un coût unitaire nettement inférieur. La réduction des coûts de transport favorise le commerce des matières premières et des produits manufacturés. Les consommateurs ont donc accès à toutes sortes de nouveaux produits ; mais beaucoup dont réduits à des conditions misérables qu’ont connues les classes laborieuses.




Contexte Intellectuel
De même, il serait difficile de résumer en quelques lignes toute l’activité intellectuelle en Europe au XIXème siècle. En ce qui concerne la pensée économique, il suffit de signaler les apports d’un philosophe qui a eu un impact particulier sur les économistes allemands et surtout sur Marx : Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831). Hegel a développé une méthode philosophique basée sur la logique dialectique. Sans entrer dans tous les détails, la méthode consistait à contraster deux idées opposées pour tirer une conclusion ; c’est la méthode encore utilisée par de nombreux écoliers français (thèse – antithèse – synthèse). Cette analyse binaire des idées imprègne la philosophie de Marx, qui rejette la division sociale en trois classes (adoptée par tous les philosophes et économistes depuis toujours) en faveur d’une division sociale en deux classes : capitalistes et prolétaires. De plus, ces deux classes sont en opposition permanente. C’est ce conflit entre classes qui est, Selon Marx, le principal moteur de l’évolution sociale.


Auteurs
Suite à l’observation des nombreuses inégalités sociales provoquées par l’industrialisation, les intellectuels se mettent à examiner les causes et les possibles remèdes. En gros, ils favorisent un rôle plus important du gouvernement pour protéger les intérêts des ouvriers, mais leurs solutions différaient par rapport au type de rôle. Certains pensaient que les patrons et les chefs d’industries avaient une responsabilité morale de mieux entretenir leurs employés, alors que d’autres favorisaient la formation de syndicats d’ouvrier pour mieux négocier leurs conditions de travail. Seulement les plus radicaux envisageaient la suppression totale de la propriété privée et confiaient la gestion globale de l’économie à l’Etat. C’était finalement ce modèle radical qui a été adopté par les régimes communistes du XXème siècle, d’abord en Russie, puis dans toute l’Union Soviétique, et en Chine et de nombreux pays de l’Asie du Sud Est et en Amérique latine. Il est donc difficile d’exagérer l’impact de la réflexion économique du XIXème siècle sur les évènements historiques du XXème.

Jean de Sismondi (1773-1842) avait commencé, dans De la richesse commerciale (1803), par soutenir les théories économiques libérales de Smith et Ricardo. La recherche de l’intérêt propre était avantageuse pour la société et les marchés pouvaient s’autoréguler si on les laissait libres. Mais après réflexion, Sismondi fait une volte face totale relative à ces théories. Dans Nouveaux principes d'économie politique (1819), il démontre comment le libéralisme n'accroît pas la richesse, mais plutôt la misère. Il explique comment la concurrence pousse les coûts de production vers le bas, et donc surtout les salaires. Au lieu de favoriser la condition ouvrière, comme l’avait cru Smith, le progrès technique rend la main-d'œuvre moins chère, ainsi réduisant les conditions de vies des ouvriers.

En particulier, Sismondi met en évidence le problème fondamental avec le système économique libéral. Comme Smith l’avait bien identifié, on pouvait catégoriser les classes en fonction du type de revenus qui gagnent. Les ouvriers touchaient des salaires, qui rémunéraient leur peine, travail et compétences, alors que les capitalistes touchaient des profits, ou un retour sur investissement. Cette différence rend forcément inégal toute négociation entre un ouvrier et un capitaliste. Si l’ouvrier est « libre » de ne pas accepter les conditions d’embauche proposées par un capitaliste, il perd de manière irrécupérable cette journée de travail, alors que le capitaliste ne perd pas son capital. Surtout, le capitaliste ne dépend pas des profits pour survivre de la même manière qu’un ouvrier dépend d’un salaire pour acheter son pain quotidien. Surtout étant donné que le nombre d’employeurs potentiels dans un système industriel était nettement inférieur au nombre d’ouvriers, un ouvrier serait en situation de détresse s’il refusait plusieurs jours de suite les conditions proposées par un capitaliste. L’employeur est donc toujours dans une situation plus favorable pour négocier les conditions d’embauche. A répétition, cette négociation réduit en quasi esclavage un ouvrier face à un capitaliste qui peut, finalement, réduire à volonté les salaires.

Pour corriger ce problème, Sismondi prône l'intervention de l'état et un système dans lequel le patron serait obligé d’assurer le niveau de vie des ses employés. L’employeur devait aider son ouvrier malade au lieu de l’abandonner. Il leur donnait même un très grand rôle dans l’organisation de la société et du gouvernement.

« Le meilleur moyen de procurer au peuple la plus grande quantité de travail possible est de confier aux chefs d’entreprises industrielles le soin de diriger l’administration publique ; car, par la nature des choses, les chefs d’entreprises industrielles (qui sont de véritables chefs du peuple, puisque ce sont eux qui le commandent dans ses travaux) tendront toujours directement à donner le plus d’extension possible à leurs entreprises, et il résultera de leurs efforts à cet égard le plus grand accroissement possible de la masse des travaux qui sont effectués par les hommes du peuple. » (Saint Simon, Le système industriel, 1821.)

Sismondi était aussi favorable à un retour à l'artisanat, pour réunir le travail et le capital, ce qui était, bien entendu, assez irréaliste. Mais il était contre une révolution violente. Il était donc considéré par Marx comme le chef du "socialisme petit-bourgeois", et comme un "socialiste romantique" par Lénine.

Mettant en évidence ce problème, il niait la loi de Say. La réduction des salaires menait inévitablement à la sous-consommation et donc à la surproduction. Il ne soutenait pas davantage les théories de Malthus, qui croyait que la pauvreté provenait de la surpopulation et de l’assistance publique. Au contraire, selon Sismondi, la pauvreté est le résultat de la mauvaise répartition des richesses qui est le résultat de l’inégalité du pouvoir dans la négociation entre ouvriers et patrons. Cette répartition inégale des richesses est non seulement injuste, mais aussi mauvaise pour l'économie en général. Une meilleure répartition de la production nationale ne pourrait que stimuler la consommation et donc la production.


D’autres auteurs étaient nettement plus utopistes que Sismondi. Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825) était d'une famille aristocrate et a donc obtenu une bonne éducation. Pendant la Révolution française, il abandonne des deux particules qui compromettaient sa vie, et profite de la situation pour gagner beaucoup d'argent en vendant les biens de l'Eglise. Suite a son succès financier, il se donne à la réflexion économique et publie très rapidement un certain nombre d’ouvrages : L'Industrie (1817), Le Politique (1819), L'organisateur (1820), Le système industriel (1822), Le Catéchisme des industriels (1824), Le Nouveau christianisme (1825). Au lieu de craindre le développement technologique, Saint-Simon crée une philosophie du progrès social basé sur le développement de l'industrie. La moralité et la responsabilité sociale seraient intimement liées aux considérations économiques et technologiques. La science et le progrès deviennent une sorte de religion. Dans ce système, les industriels auraient l’obligation morale et légale d’élever la condition physique et morale de ses ouvriers.

Si la solution de Saint-Simon était plutôt utopique, il a réussi tout de même à dégager quelques concepts très novateurs. Par exemple, il analyse comment tous les êtres humains dépendent les uns des autres dans une sorte de réseau. La modification d’un élément d’un réseau à un impact sur tout le reste. C’est précisément la base de la Théorie des réseaux très en vogue parmi des économistes de notre époque actuelle.

Robert Owen (1771-1853) était un autre utopiste. Il était lui-même un industriel britannique qui a connu un grand succès financier grâce à l’exploitation des ses usines. Ce succès le mettait dans une position importante pour conseiller le Parlement qui devait prendre des décisions concrètes relatives à l’économie. Ces idées étaient formulées dans des ouvrages publiés sous les titres :
- Une nouvelle vision de la société. Essais sur les principes de la formation du caractère des hommes (1813)
- Rapport sur les effets du système industriel (1815)

Selon Owen, les gens sont le produit de leur environnement, diminuant ainsi le rôle du libre arbitre. Il met en avant l'importance de l'éducation publique et le « capital humain » d’une société. Il était aussi farouchement contre toute religion, car elle transforme l'homme en « un animal faible et imbécile, un fanatique furieux et un hypocrite odieux. »

Si, comme Sismondi, Owen voyait l’avantage d’un système de production artisanale où le travail et le capital sont réunis, il pense aussi que les chefs d’entreprise peuvent comprendre l’intérêt qu’ils ont à bien s’occuper de leurs ouvriers. La plupart des patrons de l’époque tentaient de payer leurs ouvriers en jetons qu’ils ne pouvaient utiliser qu’à la boutique de l’usine ; comme ce système éliminait toute concurrence, le capitaliste pourrait demander un prix très élevé pour les biens qu’il vendait à ses propres employés. Mais Owen argumentait qu’ils avaient intérêt plutôt à fournir des produits moins chers que sur le marché, possible grâce aux économies d’échelle, car alors les ouvriers seraient mieux nourris et donc plus productifs, une politique qu’il pratiquait dans ses propres usines. De même, l’employeur avait intérêt à prendre soin des enfants de ses employés, qui alors pourraient mieux se concentrer sur la production.

Mais comme Owen opérait ses usines dans un contexte de concurrence où les autres patrons ne respectaient pas les mêmes principes, il décide d’investir dans une expérience pratique de ses théories en Amérique, à New Harmony. Pour diverses raisons, qui n’étaient pas toutes liées à ses pratiques managériales, cette usines ne fonctionnait pas comme prévu et a fait faillite. Dans les yeux du publique, l’expérience était un échec total. Et puisque la culture britannique était imprégnée de la philosophie empiriste de Francis Bacon, où l’expérience en réalité vaut plus que tout raisonnement, Owen perd toute crédibilité.

En France, la culture intellectuelle était plus influencée par Descartes qui doutait de sa capacité d’observer la réalité, les sens étant trompeurs, et qui se fier uniquement au pouvoir de la logique. Cet héritage intellectuel favorisait l’élaboration d’autres théories sans aucune application possible en réalité, par exemple par Charles Fourier (1772-1837).

A travers ses ouvrages, Fourier était en quête de l'harmonie universelle, une sorte d'achèvement sur le plan métaphysique des lois de Newton qui ne concernent que le plan physique. Fourier classifie les hommes et femmes en 810 catégories, pour chaque sexe, selon leurs "passions". Après cette analyse quasi psychologique de chaque être humain, il croyait pouvoir trouver les combinaisons qui seraient les plus favorables pour la production et pour la vie collective. Il développe le concept du phalanstère – une sorte de résidence coopérative, où tous les résidents seraient organisés en fonction de leurs passions, et où toute la richesse serait redistribuée, par une entité supérieure. Si les idées de Fourier semblent assez farfelues, il prônait, bien avant l’heure, la création de crèches publiques et la libération des femmes, idées qui semblaient farfelues à son époque mais qui se sont réalisées un siècle et demi plus tard.


D’autres économistes étaient nettement plus terre-à-terre. Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) était un philosophe-économiste, membre de la Première Internationale (« Association internationale des travailleurs ») et devient le premier député "anarchiste". Pour lui, cependant « L'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir », donc rien à avoir avec les anarchistes de nos jours. Il était pour la liberté individuelle et contre toute forme de domination. (Presqu’un siècle plus tard, Hayek utilisera le même argument pour promouvoir une économie archi-capitaliste. Voir chapitre 8.) Il considère que tous les aspects de la vie humaine et de la philosophie doivent faire partie de l’analyse économique.

« Je persiste à croire que les questions sur Dieu, sur la destinée humaine, sur les idées, sur la certitude, en un mot, toutes les hautes questions de la philosophie font partie intégrante de la science économique, qui n’en est, après tout, que la réalisation extérieure. »

Dans son ouvrage  HYPERLINK "http://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%E2%80%99est-ce_que_la_propri%C3%A9t%C3%A9_%3F" \o "Qu’est-ce que la propriété ?" Qu'est-ce que la propriété ? (1840), il rend célèbre la formule "la propriété, c'est le vol" (même s’il n'en était pas l'auteur). Mais malgré l’injustice de la propriété privée, il avoue qu’elle est le seul véhicule qui favorise la liberté personnelle. Donc, s’il ne nie pas le droit à la propriété privée, il critique les propriétaires oisifs qui profitent du travail des autres sans participer. Il ne défend cependant pas la répartition égale des richesses, car l'homme ne serait pas motivé.

La réflexion de Proudhon tourne surtout autour des questions des incohérences économiques. Dans son Système de contradictions économiques (1846), il expose comment la mécanisation rend plus facile le travail, mais met aussi l'ouvrier au chômage, comment la division du travail augmente les richesses, mais abrutit l'homme, comment l'ouvrier a le plus besoin des crédits, mais ne peut pas en bénéficier faute de capital pour les garantir, comment la concurrence mène toujours au monopole, etc. Il est donc pour un système économique mutualiste fondé sur le droit qui abolit les privilèges mais pas la propriété privée. Il propose un modèle dans lequel chacun serait propriétaire de son propre lopin de terre ou de son propre atelier et il favorise la création d'une banque nationale qui propose des crédits sans intérêts.


Certains économistes socialistes jouait un rôle très important dans la société et tentait d’appliquer leurs théories en réalité. Louis Blanc (1811-1882) était le fils d’un haut fonctionnaire sous Napoléon, fait de bonnes études, il devient le précepteur d’un enfant d’une famille d'industriels à Arras. Pendant ce poste, il a eu l’opportunité de visiter les fabriques et il est choqué par les conditions misérables des ouvriers. Il se tourne alors vers les études économiques et les activités politiques. En 1839, il publie L'organisation du travail, et il établit la Revue du progrès. Il est contre le système économique libéral, car il mène toujours au monopole. Ceux qui détiennent plus de capital ont un avantage dans les négociations, ce qui leur permet d’accumuler davantage de capital.

Pour corriger l’inégalité entre l’ouvrier et le capitaliste dans les négociations d’embauche, Louis Blanc propose un système d'associations d’ouvriers. Ensemble, les ouvriers auraient plus de poids dans les négociations face à un employeur. Ces associations devaient être sous le contrôle de l'Etat (système républicain parlementaire démocratique). Ces associations pourraient favoriser une meilleure répartition des bénéfices du travail.

Grâce à son implication dans la politique, Louis Blanc fait partie du gouvernement provisoire instauré suite aux mouvements socialistes en 1848. Lors de son mandat, il publie un décret qui tente de mettre en pratique ses idées socialistes :

« Le gouvernement provisoire de la République s'engage à garantir l'existence des ouvriers par le travail. Il s'engage à garantir le travail […] à tous les citoyens. Il reconnaît que les ouvriers doivent s'associer entre eux pour jouir du bénéfice légitime de leur travail. » Décret de 1848.

Donc, non seulement l’Etat devait favoriser l’établissement d’associations d’ouvriers, mais il devait aussi garantir l’emploi aux citoyens. La suite des évènements politiques a fait que Louis Blanc a été écarté du gouvernement, jugé et exilé. Lors du prochain soulèvement socialiste en 1870 (la Commune), Louis Blanc revient provisoirement, mais les socialistes n’arrivent pas à rester au pouvoir au XIXème siècle en France.
Un autre socialiste impliqué dans la politique était Auguste Blanqui (1805-1881), un révolutionnaire républicain qui a passé 37 ans en prison à cause de son soutien du mouvement socialiste. Contrairement à Marx, Blanqui ne prônait pas une révolution populaire massive, mais plutôt un coup d’état mené par un petit groupe qui, une dictature provisoire, instaurerait enfin un système économique communiste. Mais son projet manquait de clarté. En effet, son ouvrage L'Eternité par les astres (1872) prône un socialisme métaphysique, régissant l'ordre social grâce aux connaissances scientifiques du monde physique. Un autre ouvrage posthume, La critique sociale (1886) réunit divers essais où Blanqui examine l’évolution économique. Comme expliqué par Aristote, la société s'est développée à cause du besoin d'échanger des biens. Comme Smith, il considère que l’évolution se poursuit dans l’objectif d‘augmenter les richesses. Et comme Marx, il croit que la société évolue naturellement vers le communisme, après le capitalisme.

Parfois, le contexte économique et social ne détermine pas toujours l’orientation des pensées économiques. Un bon exemple est le cas du frère ainé d’Auguste Blanqui. Alors qu’Auguste défendait farouchement une idéologie socialiste, son frère Adolphe Blanqui (1798-1854) était un économiste partisan du libre échange dans l’école classique de JB Say. Adolphe Blanqui était rédacteur pour des revues économiques, chaire d'économie au Conservatoire national des arts et métiers, puis directeur de l'Ecole supérieure de commerce de Paris, et il devient enfin député. Il a publié de nombreux ouvrages pour promouvoir une politique de laissez-faire et dénigrer les arguments socialistes. Certains économistes continuaient à promouvoir les idées classiques alors que d’autres tendaient vers des idées socialistes. La naissance d’une école de pensée ne signifie pas la mort immédiate du précédent.


D’autres courants de pensée existent dans d’autres pays, en particulier en Allemagne. Friedrich List (1789-1846) publie son Système national d'économie politique en 1841. Dans cet ouvrage, il poursuit la réflexion de Smith et de Ricardo sur l’évolution économique de la société, mais List voit ce développement par étape, et non pas un processus continu. Les hommes se sont regroupés d’abord autour des activités pastorales, puis se sont sédentarisés pour la production agricole. Avec le développement économique, ils se spécialisent pour la fabrication de produits plus sophistiqués et puis enfin, ils se livrent enfin au commerce. List considère qu’une nation doit établir des politiques protectionnistes pour que son économie se développe (ce qui rappelle les idées des mercantilistes). Cette vision de l’évolution économique par étape a eu une influence nette sur Marx. De plus, List prônait aussi un rôle plus développé du gouvernement dans l’économie que Smith ou Ricardo aurait accepté, sans pour autant être socialiste.


Karl Marx (1818-1883) était d’abord juriste, historien et philosophe. En 1841, Il soutient sa thèse de doctorat sur la Différence de philosophie de la nature chez Démocrite et Epicure. Puis il se tourne vers la politique et l’économie. Il était co-auteur avec Engels du Manifeste du parti communiste (1848) et il est même expulsé du continent après la Révolution de 1848 à cause de ses activités politiques révolutionnaires. Il se refuge en Angleterre où il passe le reste de sa vie.

Chez Marx, on peut observer un certain nombre d’influences qui se coordonnent dans un fondement théorique très solide, une qualité souvent absente chez de nombreux socialistes. D’abord, on voit des échos de la critique de la chrématistique mercantile chez Aristote dans sa formulation du circuit d’échange. Dans le circuit d’échange des marchandises (M-A-M), l’argent est utilisé comme un moyen pour échanger deux produits. Ce type circuit est productif, car deux biens ont été produits et échangés. Le circuit du capital, en revanche (A-M-A), utilise la marchandise comme un simple moyen de redistribuer la richesse. Celui qui détient du capital achète un produit et le revient plus cher sans ajouter de la valeur. Ce circuit est donc non productif et ne fait que redistribuer la richesse d'une façon inégale.

Marx a aussi été influencé par le philosophe dialectique de Hegel. Depuis l’Antiquité, tous les philosophes et économistes divisent la société en trois classes : philosophes, guerriers et travailleurs pour les philosophes grecs ; clercs, nobles et paysans au Moyen Age ; classes productive, stérile et propriétaire chez les Physiocrates ; salariés, capitalistes et propriétaires chez Smith. Marx, cependant, ne voit que deux classes : ceux qui détiennent le capital et ceux qui n’en ont pas. En fait, Marx ne fait que regrouper les capitalistes et les propriétaires fonciers de Smith. Sur la base d’une société divisée en deux, Marx ne voit que conflit et un système économique voué à des crises récurrentes.

En effet, Marx reprend deux arguments de Ricardo pour démontrer que le système capitaliste était voué à l’échec, alors que Ricardo voyait à l’avenir un état stationnaire où tout s’équilibrait. Ricardo avait bien observé que les rendements des investissements diminuaient avec le temps (la loi des rendements décroissants) : pour chaque euro supplémentaire investit dans la production, l’investisseur toucherait un profit de plus en plus réduit. Pour Ricardo, ce phénomène pousserait les capitalistes à chercher de nouveaux marchés et entraînerait un état stationnaire où la population, les prix et les salaires se stabiliseraient.

Mais constatant, comme Sismondi, l’inégalité inhérente au rapport entre l’ouvrier et un capitaliste dans la négociation d’embauche, Marx considère que la nature même du capitalisme entraîne des crises cycliques. Dans le prix d’un bien, il y a trois composants : un capital constant (machines, outils, matières premières), un capital variable (pour Marx, les salaires) et le bénéfice de l’investisseur. Selon la loi des rendements décroissants, le bénéfice devait diminuer avec le temps, mais pour Marx le capitaliste n’accepterait pas que son bénéfice diminue, surtout quand il peut mettre de la pression pour faire baisser les salaires. Alors, les ouvriers sont réduits à des conditions minables, mais comme tous les capitalistes font pareil, ils ne peuvent plus liquider les marchandises qu’ils produits, car les consommateurs (les ouvriers) n’ont plus assez pour survivre. Cela entraîne donc une crise de surproduction.

« La raison ultime de toute véritable crise demeure toujours la pauvreté et la limitation de la consommation des masses, en face de la tendance de la production capitaliste à développer les forces productives comme si elles n’avaient pour limite que la capacité de consommation absolue de la société. » (Karl Marx, Le Capital, III, 1867, ch. 6.)

La nature même du capitalisme l’amène vers sa disparition, à être remplacé par un système communiste où la propriété privée n’existe pas.

Dans sa conception d’accumulation primitive, Marx utilise aussi la théorie de la valeur de Ricardo. Selon ce dernier, la valeur ne dépend pas seulement de la quantité de travail qui a été employé à produire le bien en question, mais tout le travail intégré dans le capital nécessaire pour le produire : l’achat de la matière première, la fabrication des outils et machines, l’énergie, etc. Pour Marx, c’est d’une accumulation de travail qui a été usurpé et intégré dans le capital bien avant que le système capitaliste voie le jour (voir texte ci-dessous).

On aperçoit donc aussi l’influence de Friedrich List, qui avait vu l’évolution de la société par étapes basés sur le type de production. Pour Marx, cependant, ce n’était pas le type de production mais plutôt les rapports de production qui déterminaient la société. L’évolution de la société humaine peut être divisée en cinq phases : tribus, esclavagisme, féodalisme, capitalisme, et puis communisme. Cette dernière étape marquera la fin de l’évolution.

Enfin, il est impossible de parler de Marx sans parler de Friedrich Engels (1820-1895). Engels était d’une famille très aisée d'industriels et il s'installe en Angleterre en 1842, avant la Révolution sur le continent qu’il a aidé à organiser. Il était le célèbre co-auteur du Manifeste du parti communiste (1848), avec Marx, mais il a aussi publié des ouvrages lui-même, notamment Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845). Ses idées ne diffèrent pas sensiblement de celles de Marx. Comme Marx, Engels était un communiste et n’acceptait pas la propriété privée.

« En dernière instance, la propriété privée a transformé l’homme en une marchandise dont la production et la destruction dépendent uniquement de la demande, le système de la concurrence a massacré et continue à massacrer des millions d’hommes ; tout cela nous conduit à l’abolition de cette dégradation de l’humanité par l’abolition de la propriété privée, de la concurrence et de la lutte entre le travail, la propriété foncière et la capital. » (Friedrich Engels, « Les grandes lignes de l’économie politique »).

Surtout, c’est seulement grâce à Engels que le Capital de Marx a pu être publié, car Marx est mort avant d’avoir terminé l’ouvrage. Sur la base des notes et des brouillons, Engels achève et publie l’opus magnum de l’idéologie marxiste.

Documents

J. S. Mill sur la motivation de l’ouvrier
L’objection faite ordinairement contre le système de communauté de la propriété et de l’égale répartition des produits - que chaque individu serait incessamment occupé à échapper à sa juste part de travail - cette objection signale, sans contredit, une difficulté réelle. Mais, ceux qui arguent de cette objection oublient sur quelle vaste échelle cette même difficulté existe, sous l’emprise du système qui régit aujourd’hui les neuf dixièmes des affaires de la société. Cette objection suppose qu’on n’obtient un travail honorable et productif que des individus qui eux-mêmes doivent recueillir individuellement le bénéfice de leur efforts individuels. […] Un ouvrier de manufacture a moins d’intérêt personnel dans son ouvrage qu’un membre d’une association communiste, puisqu’il ne travaille pas, ainsi que ce dernier, pour une association dont il fait lui-même partie, quoique l’œil du maître, lorsque ce maître est intelligent et vigilant, ait une valeur proverbiale, on ne doit pas oublier que dans une ferme ou une manufacture socialiste, chaque travailleur est placé non pas sous l’œil d’un seul maître, mais bien de la communauté toute entière. […] Si le travail du communiste est poussé avec moins de rigueur que celui du paysan propriétaire ou de l’ouvrier travaillant pour son compte, ce travail sera probablement plus énergétique que celui d’un ouvrier salarié qui n’a aucun intérêt personnel dans son travail. La négligence, de la part des classes sans éducation de travailleurs à gages, des devoirs qu’ils s’engagent à remplir est tout à fait patente dans l’état actuel de la société. Aujourd’hui, c’est une condition admise dans le système communiste que tout individu aura reçu de l’éducation ; et en partant de cette supposition, les devoirs imposés aux membres de l’association seront, sans nul doute, remplis aussi exactement qu’ils le sont généralement par les fonctionnaires salariés des classes moyennes et supérieurs. […] La même cause qu’on a si souvent assignée pour expliquer le dévouement du prêtre ou du moine catholique aux intérêts de son ordre, à savoir qu’il n’a point d’intérêt séparé de ce dernier, attacherait sous le régime communiste le citoyen à la communauté. Et indépendamment du motif public, tout membre de l’association se soumettrait à l’un des motifs personnels les plus généreux et des plus puissants, l’influence de l’opinion publique. Personne ne niera sans doute la force d’un semblable motif pour détourner l’individu d’un acte ou d’une négligence quelconque, blâmés positivement par la communauté mais le pouvoir exercé également par l’émulation pour provoquer les hommes aux efforts les plus énergiques en vue de l’approbation et de l’admiration de leurs semblables, ce pouvoir est démontré par l’expérience.

John Stuart Mill, Principe d’économie politique, 1848, II, 1, 11-12.


Travail :
1. Selon Mill, quels types de travailleurs sont les plus motivés et pourquoi ?
2. Comment est-ce que la motivation de l’homme chez Mill diffère de la motivation selon Smith ?
3. Comment est-ce que le gouvernement peut améliorer la motivation des ouvriers ?


Marx sur l’accumulation primitive
Nous avons vu comment l’argent devient capital, le capital source de plus-value, et la plus-value source de capital additionnel. Mais l’accumulation capitaliste présuppose la présence de la plus-value et celle-ci la production capitaliste qui, à sont tour, n’entre en scène qu’au moment où des masses de capitaux et de forces ouvrières assez considérables se trouvent déjà accumulées entre les mains de producteurs marchands. Tout ce mouvement semble donc tourner dans un cercle vicieux dont on ne saurait sortir sans admettre une accumulation primitive antérieure à la production capitaliste et servant de point de départ à la production capitaliste, au lieu de venir d’elle. Cette accumulation primitive joue dans l’économie politique à peu près le même rôle que le péché originel dans la théologie. […] Au fond du système capitaliste il y a donc la séparation radicale du producteur avec les moyens de production. Cette séparation se reproduit sur une échelle progressive dès que le système capitaliste s’est une fois établi ; mais comme celle-là forme la base de celui-ci, il ne saurait s’établir sans elle. Pour qu’il vienne au monde, il faut donc que, partiellement au moins, les moyens de production aient déjà été arrachés sans phrase aux producteurs qui les employaient à réaliser leur propre travail, et qu’ils se trouvent déjà détenus par des producteurs marchands qui eux-mêmes les emploient à spéculer sur le travail d’autrui. Le mouvement historique qui fait divorcer le travail d’avec ses conditions extérieures, voilà donc le fin mot de l’accumulation appelé « primitive » parce qu’elle appartient à l’âge préhistorique du monde bourgeoise. […] La spoliation des biens d’église, l’aliénation frauduleuse des biens de l’Etat, le pillage des terrains communaux, la transformation usurpatrice et terroriste de la propriété féodale ou même patriarcale en propriété moderne privée, la guerre aux chaumières, voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive. Ils ont conquis la terre à l’agriculture capitaliste, incorporé le sol au capital et livré à l’industrie des villes les bras dociles d’un prolétariat sans feu ni lieu. […] La découverte des contrées aurifères et argentifères, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de guerre commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques de l’accumulation primitive qui signalent l’ère capitaliste à son aurore. Aussitôt après, éclate la guerre mercantile : elle a le globe entier pour théâtre.

K. Marx, Le Capital, 1867, Livre I, ch. 26-27.


Travail :
1. Comment est-ce que Marx divise la société ?
2. Comment est-ce que cette division diffère de celle des économistes avant ?
3. Comment est-ce que Marx voit l’évolution de la société ?


6. Economie néoclassique (fin XIXème siècle)

NB – EN ce qui concerne le contexte politique, l’étudiant se référera au chapitre précédent.

Contexte Economique
Le processus d’industrialisation a eu un impact majeur sur la façon de produire. Les processus sont de plus en plus spécialisés, et on peut produire une grande quantité de biens plus rapidement qu’avant. Alors qu’avant la Révolution Industrielle, la production était principalement artisanale et sur mesure, de plus en plus de produits sont uniformisés. Mais l’industrialisation n’a pas simplement changé la production, elle a aussi modifié la distribution.
Les réseaux des transports traditionnels (routes, canaux) continuent à se développer, mais de nouveaux moyens de transports voient le jour dès le début du XIXème siècle. Le bateau à vapeur permet de transporter la marchandise par mer et rivière indépendamment des aléas du vent. Le premier train a été testé en Grande-Bretagne en 1804, et un réseau de chemin de fer a été opérationnel à partir de 1811. En France, la première ligne voit le jour à Saint-Etienne en 1832, et en 1850 il y a déjà plus de 3000 km de chemin de fer. Aux Etats Unis, le chemin de fer permet de transporter de marchandise entre les côtes est et ouest sans devoir passer en bateau par les détroits de Magellan. A la fin du siècle, la voiture, la bicyclette, et l’avion commencent à transporter des personnes et donc bouleversent la géographie humaine, mais c’est le transport de la marchandise qui a eu le plus grand impact sur la consommation des agents économiques et la théorie économique.
De plus, les réseaux bancaires commencent à s’étendre : Crédit industriel et commercial (1859), Crédit lyonnais (1863), Société générale (1864). L’accès au crédit rend possible de nouvelles façons d’investir, d’épargner et de consommer qui n’existaient pas auparavant. Les Grands Magasins, tels Le Bon Marché (1852), Le printemps (1865) et La Samaritaine (1869), permettent d’acheter toutes sortes de produits au même endroit, plutôt que de devoir se livrer dans un quartier différent de la ville pour acheter chaque produit. La consommation, souvent à crédit, de nouveaux types de produits venant d’endroits de plus lointains, des produits qui sont manufacturés de manière industrielle et donc de plus en plus uniformisés, change l’orientation des observations des économistes qui s’intéressent de plus en plus à la consommation plutôt qu’à la production.


Contexte intellectuel
Malgré le développement d’idées socialistes, qui avaient un impact considérable sur les événements historiques du XIXème siècle, les économistes intellectuels dans les universités étaient principalement influencés par les théories néoclassiques. Les courants de pensée n’étaient pas identiques partout en Europe : les Anglais préféraient Ricardo, les Allemands et Autrichiens étaient plus influencés par l'école historique, les Français étaient plus favorables aux idées de JB Say. Ces idées libéraux se poursuivront tout au long du XIXème siècle, mais subiront une transformation importante vers la fin du siècle, en partie sous l’influence de la philosophie de Jeremy Bentham (1748-1832). Bentham était un philosophe anglais qui a créé la philosophie de l’Utilitarisme, ou la psychologie hédoniste. Selon cette philosophie, il était possible de considérer tout comportement humain comme une fuite de la douleur et une recherche du bonheur. Les individus font une sorte de calcul des conséquences de leurs actes pour trouver le comportement qui leur donnerait un maximum de plaisir avec un minimum de peine. Adam Smith avait démontré comment la recherche de l’intérêt propre était en fait bénéfique pour la société, mais il ne tentait pas de mesurer comment les individus calculent leur intérêt propre. Les économistes de la fin du XIXème siècle se livrent à cette tache, grâce à la théorie de l’utilité marginale décroissante.
Les marginalistes
Le comportement du consommateur devient le centre de l'analyse économique. Les économistes cherchent à calculer l’utilité d’un produit, sur la base du prix nominal, prenant en compte que cette utilité change dans le temps et en fonction du nombre d’unités du produit. Le point de départ est la théorie d'utilité marginale décroissante, élaborée par Gossen, puis formalisée par trois écoles de pensée (Lausanne, Cambridge, Vienne), chacune avec ses particularités.

Hermann Heinrich Gossen, Allemagne (1810-1858)
Développement des lois des rapports humains (1854)
1ère loi de Gossen (ou « Loi de décroissance de l’utilité marginale ») : « L’utilité retirée de la consommation d’une unité supplémentaire de bien décroit lorsque la quantité de bien consommée augmente. » Par exemple, un verre d’eau à une grande utilité pour celui qui meurt de soif, mais dès qu’il boit le premier verre d’eau, le deuxième verre d’eau est un peu moins important. Au bout de quelques litres, l’eau n’a plus d’utilité pour le consommateur.

2nde loi de Gossen (« Théorème de l’utilité maxima des marchandises ») : « Les quantités de biens étant rares et la capacité d’un consommateur de se les procurer étant limitée, celui-ci arbitre entre les différents biens afin de maximiser l’utilité obtenue des différents biens. » On achètera en premier les biens nécessaires pour la survie, mais comme l’utilité de ces biens diminue au fur et à mesure que la quantité augmente, l’utilité d’autres produits semble plus importante. (Voir la table de Menger ci-dessous.)


Léon Walras (1834-1910), Ecole de Lausanne
Léon Walras était un français qui travaillait à Lausanne (Suisse). Son ouvrage sur le même thème que celui de Jevons et de Menger apparaît quelques années plus tard sous le titre Eléments d'économie politique pure (1874). Walras est le plus connu pour sa recherche de l’équilibre économique général. Comme le titre de son ouvrage l’annonce, son modèle a très peu à voir avec la réalité économique, il s’agit d’un modèle pour conceptualiser l’économie, non pas comprendre forcément son fonctionnement réel. Il élabore plusieurs modèles sur les échanges, la production, le crédit et la circulation de la monnaie.

En gros, pour Walras, la libre concurrence totale ou parfaite amènerait à un état d'équilibre ou tous les besoins seraient satisfaits, tous les travailleurs actifs à 100% et tous les capitaux utilisés au maximum. Ce système est totalement impossible et déconnecté de la réalité. Par exemple, pour Walras, toutes les informations sur tous les produits et les prix sont diffusées parfaitement parmi tous les agents économiques. Ensuite, tout est vendu aux enchères, par le biais de médiateur impartial, et il n’y a pas d'échanges bilatéraux. Il est évident que cette situation ne peut pas être atteint, mais Walras tente d’expliquer que plus une économie peut fonctionner sans contraintes (taxes, tarifs, règlements, etc.), plus elle sera efficace. Il est un ardent défendeur de l’économie libérale. On voit, par ailleurs, l’héritage de Descartes qui se fiait au raisonnement pur, sans égard à la réalité observée. Cette approche diffère sensiblement de celle de Jevons, un anglais qui préfère une méthode plus empirique, basé sur l’observation de l’économie réelle.

William Stanley Jevons (1835-1882), Ecole de Cambridge
Dans son premier ouvrage, La Question du charbon (1865), il examine l’évolution de la consommation du charbon pendant cette ère industrielle. Parmi les économistes d’aujourd’hui, Jevons est le plus connu pour ses travaux sur la question de la consommation de l’énergie, et notamment le Paradoxe de Jevons. Selon ce paradoxe, le progrès technique qui augmente l’efficacité de l’utilisation d’une ressource a tendance à augmenter (et non pas à diminuer) le taux de consommation de cette ressource. Au XIXème siècle, les améliorations techniques du moteur à charbon réduit la quantité de charbon nécessaire pour accomplir certaines taches. Jevons observe que ces améliorations, plutôt que de diminuer la quantité de charbon consommé, en réalité avait augmenté l’utilisation du charbon, puisqu’il est devenu une source énergétique plus efficace. La production totale a augmenté, mais la disparition des réserves de charbon en Angleterre s’est accélérée. On peut faire la même observation par rapport au progrès dans l’utilisation efficace du pétrole au XXème siècle.

C’est dans son second ouvrage important, Théorie de l'économie politique (1871), que Jevons modélise l’économie sur la base de la théorie de l’utilité marginale décroissante. Jevons fut très influencé par Jeremy Bentham (1748-1832), qui prônait les théories de l'hédonisme utilitariste. Le but de chaque individu et de trouver le plaisir et d’éviter la peine. Chaque individu y parvient en faisant des calculs. S'il est facile de calculer le temps ou la quantité de biens consommés, il est difficile de mesurer le plaisir. Donc ce modèle est souvent critiqué, parce qu'il est très difficile à utiliser.

L’apport majeur de Jevons sur ce point est qu’il observe que le plaisir (ou la peine) diminue dans le temps. Dans le graphique ci-dessous, chaque rectangle représente une minute de plaisir (ou de peine) et la taille du rectangle correspond à l’intensité de ce plaisir (ou peine). Avec chaque minute, l’intensité du plaisir diminue.

Courbe de l'intensité du plaisir discontinue 

Courbe de l'intensité du plaisir continue




La conceptualisation temporelle de l’utilité décroissante aura un impact sur l’élève de Jevons, et un des plus grands économistes du XIXème siècle, Alfred Marshall. (Voir ci-dessous)
Carl Menger (1840-1921), Ecole de Vienne
La même année que Jevons publie son ouvrage modélisant l’utilité marginale, un polonais qui travaille à l’Université de Vienne (Autriche), Carl Menger, publie un ouvrage sur le même thème que Jevons et avec un titre quasi identique, Principes d'économie politique (1871), mais apparemment sans qu’il y ait eu un rapport entre les deux chercheurs avant. Dans cet ouvrage, Menger est plus axé sur la subjectivité de chaque individu et la valeur que chacun donne à un bien, alors que d’autres économistes ont tendance à considérer l’utilité des biens très similaire d’un consommateur à un autre. De plus, il se focalise plus sur la 2nde loi de Gossen pour comprendre comment on choisit entre différents produits.



Dans la table ci-dessus, on peut imaginer différents types de produits représentés par des chiffres romains (I à X) :
I. Pain
II. Vin
III. Fromage
IV. Saucisson
…

Les chiffres arabes représentent la valeur d’utilité que le produit fournit au consommateur compte tenu que cette utilité baisse avec chaque unité supplémentaire. Les unités sont exprimées en termes monétaires, par exemple 1¬ de pain, 1¬ de vin, 1¬ de fromage, etc.

Donc, la première unité de pain achetée a une utilité d une valeur de 10, et le deuxième pain a une utilité de 9, le troisième 8, etc. Le vin est moins utile que le pain, et la première unité de vin a une utilité de 9, ce qui est déjà plus élevé que l’utilité tirée de la troisième unité de pain (utilité 8). Un consommateur face à un choix achètera en premier le produit le plus essentiel, le pain, mais n’achètera pas 10 unités de pain, ce qui ne lui fournirait pas un maximum d’utilité.

Pour maximiser l'utilité, le consommateur qui dispose de 10 unités en pouvoir d'achat (disons 10 ¬ ) achète
4 ¬ de pain (utilité 10+9+8+7 = 34), 3 ¬ de vin (utilité 9+8+7 = 24), 2 ¬ de fromage (utilité 8+7 = 15), 1 ¬ de saucisson (utilité = 7). Il obtiendra donc 80 unités de satisfaction (34 + 24 + 15 + 7 = 80) pour ses 10 ¬ . Aucune autre combinaison ne fournit autant d’utilité. Ce modèle suppose, bien entendu, que le consommateur cherche toujours maximiser l’utilité et sache faire des choix pour y arriver. Cette supposition sera mise en cause par l’économie comportementale un siècle plus tard (voir chapitre 9).




Héritages

Vilfredo Pareto (1848-1923), Lausanne
Pareto était un franco-italien qui occupait la Chaire d'économie à l'Université de Lausanne après Walras. Il
publie son Cours d'économie politique (1896), dans lequel il prône une économie libérale (comme Walras), mais prédit avec justesse la forte intervention de l'Etat au XXème siècle. Mais Pareto est surtout connu pour sa conception d’un optimum (Optimum de Pareto). Selon ce modèle, une situation est optimum quand il n’est pas possible d’augmenter la satisfaction d’un individu sans diminuer celle d’au moins un autre individu. La négociation entre individus, si elle est libre, amène à cet optimum et représente la situation la plus efficace et juste.


Alfred Marshall (1842-1924) Cambridge.
Marshall était l’élève de Jevons et occupe la chaire d’économie après celui-ci. Son travail célèbre, Principles of Political Economy (1890), devient l’ouvrage de référence en économie pour tous les universitaires en Angleterre comme aux Etats Unis pendant des décennies. Marshall est connu pour trois idées principales.


L'élasticité de la demande
Comme Ricardo, Marshall a identifié que la demande n’est pas comparable pour tous les produits, mais la différence pour Ricardo était relativement simpliste. Si Marshall retient la notion d’utilité en général il la nuance avec la différence entre types de produits. La demande pour des bien de première nécessité est peu élastique (voire même rigide), donc elle ne change pas proportionnellement au prix. Peu importe le prix, on doit acheter le pain et la nourriture. Pour les biens non nécessaires, par contre, la demande est très élastique ; on n'achètera pas un produit si le prix est considéré trop élevé. La théorie d’utilité marginale décroissante dépend donc du type de bien.


Approche temporelle de l'offre
Marshall est aussi connu pour son analyse temporelle de l’offre. Revenant à la question de la production, chère aux économistes de l’école classique, et en particulier à JB Say, Marshall reconnait que l’équilibre entre l’offre et la demande dépend de la capacité des producteurs à répondre à une demande en fluctuation. Il identifie donc trois périodes :

- Période du marché : Le producteur ne peut pas s'adapter à la demande. L'offre est fixe.
- Courte période : Le producteur peut modifier l'utilisation de la capacité de production pour produire plus ou moins.
- Longue période : Le producteur peut apporter des modifications importantes aux moyens de production par l’innovation, l’investissement dans de nouvelles machines, etc.


Equilibre partiel 
Marshall est le plus connu pour son modèle d’équilibre partiel. Comme Walras, Marshall était un défenseur de l’économie libérale. Mais Marshall tente d’analyser les conditions qui entrainent cet équilibre au sein d’un seul marché. Pour faire cela, il doit supposer « toutes choses égales par ailleurs », ou ceteris paribus ; cela veut dire qu’il imagine un état de stabilité dans tous les autres marchés que celui qu’il est en train de considérer.

Par rapport à la conjoncture entre l’offre et la demande, il adopte une approche temporelle. Dans le court terme, c’est l'utilité d’un bien qui détermine son prix. Dans le long terme, ce sont les coûts de production qui deviennent déterminants, car les producteurs doivent rentrer dans leur frais. Marshall trouve donc la complémentarité entre les théories de la valeur des classiques et des marginalistes.


Arthur Pigou (1877-1959) Cambridge.
Arthur Pigou était un élève de Marshall, et un camarade de Keynes. Pigou a publié The Analysis of Supply (1928), L’Analyse de l’Offre, où il revient aux arguments de JB Say, ce que Keynes fera de manière beaucoup plus critique. Il partageait certaines idées de Keynes mais n’est pas allée aussi loin dans la réflexion. Par exemple, contrairement à son maître Marshall et d’autres de l’école néoclassique, Pigou considère que le libéralisme n'amène pas forcément au meilleur optimum. Il prône alors l'intervention de l'Etat pour soutenir le bien-être économique. Ce bien-être économique signifie la croissance générale, il n’est pas à confondre avec le bien-être social, qui vise à une distribution plus équitable de la richesse. Pigou peut donc être considéré comme un précurseur de l’école de bien-être économique (voir chapitre 9).

Il exprime également certaines idées qui seront davantage développées par des partisans de l’économie comportementale. Par exemple, il observe que les agents économiques ont tendance à sous estimer les satisfactions futures au profit des satisfactions présentes. On privilégie donc des profits dans le court-terme aux dépens de ceux du long-terme.

Surtout, Pigou est connu pour son travail sur la théorie des externalités. Dans la maximisation des intérêts privés, on ne prend pas en compte les effets sur les autres. Par exemple, une société aura tendance à adopter des méthodes de production les moins chères, même si celles-ci polluent l’environnement et génèrent des coûts très élevés pour la communauté. Car la société choisit la solution la plus rentable pour elle, non pas pour les autres. Elle ne comptabilise les coûts engendrés par sa production sur les autres. De même, certaines sociétés adopte un comportement qui entrainent des avantages pour la communauté en général mais ne touchent aucun avantage. Par exemple, une usine embauche des salariés, qui par la suite ont suffisamment d’argent pour acheter toutes sortes de produits. Les entreprises qui bénéficient de cette hausse de l’emploi ne doivent rien à l’usine qui a créé ces emplois. Cette question d’externalités sera reprise et développée par des économistes dites « néo-keynésiens » comme Stiglitz (voir chapitre 10).



7.1. Economie Keynésienne (début – milieu XXème siècle)
Contexte politique et économique
Première guerre mondiale (1914-1918)
L’industrialisation n’a pas simplement révolutionné la production et la distribution, mais aussi la guerre. Au début du XXème siècle, les armées disposent d’armes et équipements nettement supérieurs à ceux de leurs parents. Au début du XIXème siècle, Napoléon a envahit les reste de l’Europe à cheval avec fusil, épée et canon ; au début du XXème siècle, on utilise voitures armées, avions, sous-marins, mitraillettes et surtout des bombes à gaz toxiques. Le nombre de soldats aussi prend des proportions industrielles : 70 millions d’homme mobilisés, dont la grande majorité d’Europe. Avant la fin du conflit, plus de 9 millions de soldats ont trouvés la mort, sans compter la perte humaine parmi les civils. La destruction de l’infrastructure et des installations manufacturières plonge l’Europe dans une grave crise économique.

Les Etats-Unis n’ont déclaré la guerre contre l’Allemagne qu’en 1917, et n’ont pas souffert d’attaques sur leur sol. De cette manière, les Etats-Unis ont joué un rôle décisif dans la résolution du conflit sans investissement humain et financier trop important. Ils en sortent avec un nouveau rôle politique dans le monde, et étant l’un des seuls pays industrialisés à ne pas subir la guerre, sans concurrence économique.

L’Allemagne, en plus de la reconstruction de son propre pays, a été contrainte par le Traité de Versailles de 1919, de payer des indemnités de guerre aux forces alliées. Pour faire face à cette lourde dette, elle se met à imprimer des billets en quantité massive, ce qui fait flamber l’inflation et déstabilise davantage une économie déjà souffrante.

La Russie luttait du côté des Forces Alliées (Royaume Uni, France), mais suite à la Révolution Bolchévique en 1917, menée par Lénine, l’Empire Russe tombe et le nouveau gouvernement signe un accord avec l’Allemagne. C’est grâce à cette guerre que les Communistes ont réussi à prendre le pouvoir de ce pays, et par la suite de toute l’Europe de l’Est.

Entre les deux guerres
L’économie européenne s’effondre à la suite de cette guerre et la reconstruction est lente. Les peuples se tournent vers des leaders avec des solutions extrêmes. Partout, on voit se développer des régimes totalitaires : Bolchevisme en Russie (Lénine, en place dès 1917), Nazisme en Allemagne (Hitler), Fascisme en Italie (Mussolini) et en Espagne (Franco), Portugal (Salazar).

L’essor de l’économie américaine est alimenté par la spéculation sans fondement. Surtout, les marchés européens s’étant effondrés, la production américaine ne peut pas être liquidée. L’économie américaine subit une bulle spéculative qui éclate en 1929 avec le Crash de Wall Street. Cette crise financière entraine non seulement les autres bourses du monde, mais aussi l’économie réelle, commençant ainsi la Grande Dépression.

La politique libérale en place aux Etats-Unis cède enfin à un mouvement populaire qui demande un rôle plus impliqué du gouvernement dans la régulation de l’économie et l’aide aux pauvres. Franklin D. Roosevelt (« FDR ») est élu 4 fois grâce à une plateforme politique d’une augmentation du rôle de l’Etat fédéral. Il crée un système national de retraite, d’emploi et d’assistance publique, la garantie fédérale des épargnes, etc. Cette politique apporte un certain soulagement à la crise, mais surtout donne naissance à une administration centrale forte.

Le contexte politique et économique n’a pas manqué d’avoir un impact majeur sur la philosophie économique de Keynes et ses contemporains.

7.2. Economie Keynésienne

John Maynard Keynes (1883-1946) - britannique
Keynes est élève d’Alfred Marshall et un camarade d’Arthur Pigou à Cambridge. Il poursuivra une brève carrière dans la fonction publique puis devient professeur à Cambridge. Il a eu une vie privée très marquée, étant collectionneur d'œuvres d'art, membre d'un cercle d'artistes, amateur et mécène de l'Opéra et du ballet, et même Directeur du British Arts Council. Keynes est considéré comme le fondateur de la macroéconomie moderne et aura un impact important sur les négociations de Bretton Woods à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale.

Keynes est particulièrement attaché à la résolution des problèmes économiques réels et actuels. Il minimalise, avec un certain dédain, l’importance des théories de ses prédécesseurs qui ont tenté d’analyser les conditions qui amèneront à une situation d’équilibre hypothétique, impossible à atteindre dans une économie réelle, existant seulement dans un futur trop lointain. Selon Keynes :

« Dans le long terme, on sera tous morts. Les économistes se donnent une tache trop facile et inutile, si dans une période tempétueuse ils peuvent seulement nous dire que quand la tempête sera passée, l'océan sera à nouveau calme. »

Tout l’œuvre de Keynes sera focalisé sur les moyens de résoudre les problèmes dont les gouvernements doivent faire face. Le gouvernement britannique lui a demandé d’analyser l’impact de la Première Guerre Mondiale sur l’économie international et quelle politique le gouvernement doit adopter dans cette situation ; le rapport de Keynes s’intitule Les conséquences économiques de la paix (1919).

Son deuxième ouvrage, Tract on Monetary Reform (1930), fait suite au Crash de 1929 et cherche la meilleure politique monétaire à adopter dans ce contexte de crise financière. Le premier volume se focalise sur les origines historiques et la nature de la monnaie. Keynes reconnait que toute politique monétaire doit prendre en compte les différentes formes de monnaie (liquidités, crédits, épargnes, investissements). La réflexion ne peut pas se limiter à une simple théorie quantitative de la monnaie, car les différentes formes de monnaie fonctionnent de manière très différente. Surtout, Keynes reconnait l’existence d’une demande pour les différentes formes de monnaie.

Le problème fondamental de la théorie monétaire n’est pas seulement d’établir des identités ou des équations statiques reliant les mouvements des instruments monétaires aux mouvements des choses qui s’échangent contre de la monnaie. La véritable tâche d’une telle théorie est de traiter la question de façon dynamique, en analysant la combinaison des différents éléments, de telle sorte qu’elle fasse ressortir le processus causal qui fait que le niveau des prix est déterminé, et la manière dont se déroule le passage d’une position d’équilibre à une autre. C’est pourquoi je me propose de rompre avec la méthode traditionnelle qui part de la quantité totale de monnaie, sans égard à la façon dont elle est employée, afin d’y substituer […] le flux des gains de la communauté ou revenu monétaire, en les distinguant 1) en revenus gagnés par la production des biens de consommation et des biens d’équipement et 2) en revenus dépensés respectivement en biens de consommation et en épargne. (cité dans Bailly et al., Histoire de la pensée économique, p. 264)

Le deuxième volume se concentre sur la politique monétaire à adopter. Certainement en observant les dégâts économiques de la politique monétaire du gouvernement allemand à l’époque, Keynes reconnait que pour stabiliser l'économie, il faut stabiliser les prix. Des banques centrales peuvent prêter à des banques commerciales à des taux directeurs variables ; les banques commerciales modifient leur taux d’intérêts en fonction de ces taux directeurs ("cycle du crédit"), sans pour autant que le gouvernement impose un taux particulier, laissant un certain degré de concurrence entre banques. Les taux d’intérêts bas encouragent les agents économiques d’emprunter pour consommer et les entreprises d’investir, et en même temps dissuadent les gens d’épargner. Cette liquidité dans les marchés stimule l’économie.

Un des plus importants apports d’analyse keynésienne est la réintégration de la monnaie dans l’analyse économique. Depuis Gresham et Bodin, la monnaie ne figure plus au centre de l’analyse. L’école classique minimalise l’importance de la monnaie, car finalement « on échange un produit contre un autre produit » (JB Say). La monnaie n’est qu’un moyen pour faciliter les échanges ; aucun économiste au XIXème siècle ne tente d’analyse en profondeur le rôle de la monnaie. Keynes révolutionne la théorie économique grâce à son analyse monétaire.


L’ouvrage le plus connu de Keynes est sans aucun doute sa Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936). Dans cet ouvrage il rejette la loi de Say (qui met l’accent sur la production) et démontre l'impossibilité de la régulation optimale par uniquement la libre concurrence et les marchés (tout comme son camarade Arthur Pigou, The Analysis of Supply). En gros, puisque l'économie de marché ne conduit pas automatiquement au plein emploi et à la stabilité, c'est au gouvernement de soutenir la consommation et l'investissement pour stimuler la production.

Il base son argument sur quelques concepts fondamentaux. Contrairement à la loi de Say, ce ne sont pas seulement les consommateurs qui s’adaptent à l’offre, mais les producteurs qui s’adaptent à la demande. La quantité de l'emploi et les niveaux des salaires ne dépendent pas simplement de la confrontation de l'offre et de la demande, mais aussi de l’anticipation des investisseurs. La demande effective est donc l'agrégation des anticipations sur les ventes futures. L’évaluation de cette demande détermine le niveau de production. Pendant une période de croissance, on prévoit une augmentation de demande ; on augmente alors la production. Pendant une période de crise, cependant, les producteurs réduisent la production en anticipation d’une baisse de demande effective. Cette réduction de production entraine des conséquences économiques, notamment une augmentation du chômage et une réduction de la consommation. Craignant cette situation, les entrepreneurs baissent davantage la production, créant ainsi un effet multiplicateur. Pour éviter cette spirale économique, le gouvernement doit compenser pour toute baisse de demande. L’argent ainsi injecté dans l’économie permettra aux producteurs de maintenir les emplois et stabiliser la production. Selon Keynes, toute dépense par le gouvernement entraine un accroissement plus important du revenu global.

On peut cependant remarquer que, si Keynes est l’un des premiers économistes à créer un modèle économique pour expliquer le mécanisme, les gouvernements pratiquaient déjà ce genre de politique. En particulier, FDR instaure dès 1933 une politique de dépenses publiques pour relancer l’économie américaine en crise (voir ci-dessus). On peut se demander donc dans quelle mesure les acteurs politiques et économiques ont eu un impact sur les théories des économistes. En 1936, Keynes a déclaré que

« […] les idées, justes ou fausses, des philosophes de l’économie et de la politique sont plus puissantes qu’on ne le pense en général. […] Les hommes d’action qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont d’ordinaire les esclaves de quelque économiste passé. » (John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936, ch. 24.)

Mais les idées « innovatrices » de cet ouvrage sont déjà en application aux Etats Unis bien avant sa publication, réduisant donc la crédibilité de cette déclaration.


Joseph Alois Schumpeter (1883-1950) - autrichien
Théorie de l'évolution économique (1911), Le Cycle des affaires (1939), Capitalisme, socialisme, démocratie (1942), Histoire de l'analyse économique (1954).

Schumpeter étudie d’abord l’histoire antique et la sociologie à Vienne, puis l’économie sous la direction de Carl Menger. Sa carrière universitaire l’a amené à travailler à Londres, au Caire, à Vienne, en Allemagne, puis finalement à Harvard. Il est souvent considéré comme un auteur ‘hétérodoxe’, c’est-à-dire un auteur que l’on a du mal à classifier dans une école de pensée particulière, notamment par rapport à son analyse du rôle de l’entrepreneur dans l’économie. S’il avait une grande admiration pour les travaux de Léon Walras, il partageait aussi des idées avec Karl Marx.

Les recherches sur l’économie de Schumpeter s'orientent d’abord vers une analyse dynamique ; il se distingue donc des physiocrates (« Circuit économique »), des classiques (« Etat stationnaire »), et des néoclassiques (« Equilibre général » ou « partiel ») qui ne font qu’une analyse statique. Ces auteurs ne nient pas l’évolution économique ; au contraire, ils sont tous attachés à l’idée que l’économie ne cesse de se développer, mais vers une situation de plus en plus stable. Alors que traditionnellement les économistes examinent les réactions des différents aspects de l’économie à un changement d’un autre aspect en même temps, Schumpeter prend en compte aussi les données économiques à différentes périodes.

« L’analyse dynamique consiste dans l’analyse des séquences temporelles. En expliquant pourquoi une quantité économique donnée, par exemple un prix, est ce qu’elle est, d’après nos constatations, à un moment donné, l’analyse dynamique doit entrer en ligne de compte, non seulement, comme en théorie statique, l’état simultané des autres quantités économiques, mais encore leur état à des dates antérieures et les précisions formulées au sujet de leurs valeurs futures. Or, la première découverte que nous faisons en élaborant les propositions qui relient de la sorte les quantités correspondant à des points différents du temps, consiste dans le fait que, une fois que l’équilibre a été détruit par quelque perturbation, la marche suivie pour rétablir un nouvel équilibre n’est ni aussi sûre, ni aussi rapide, ni aussi économique que le prétendant la vieille théorie de la concurrence parfaite : du même coup, il est parfaitement concevable que la lutte de réadaptation, bien loin de rapprocher le système d’un rééquilibre, puisse l’en écarter davantage encore. C’est même ce qui se passera dans la plupart des cas (à moins que la perturbation n’ait été faible), le retard d’adaptation suffisant fréquemment à provoquer un tel écart. » (J. A. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, pp. 190-191.)

Réagissant à des fluctuations économiques, les acteurs économiques adapteront toujours leur comportement. Ces réadaptations des agents économiques entraineront elles de nouvelles fluctuations plus ou moins importantes.

Cette approche dynamique amène Schumpeter à donner un grand rôle aux acteurs économiques qui réagissent le plus au contexte économique, les entrepreneurs. Selon Schumpeter, le facteur déterminant dans l'évolution économique, c’est l'innovation ; introduite par l'entrepreneur, elle bouscule la production et la consommation, en créant soit de nouveaux procédés, soit de nouveaux produits.

Les innovations sont souvent nées dans un contexte de crise économique. Comme Marx, Schumpeter comprend que la nature du capitalisme entraine des crises récurrentes ; mais contrairement à Marx, il ne considère pas que ces crises économiques soient forcément négatives. En fait, Schumpeter croit que les périodes de faible croissance ou de récession économique ont un côté salutaire car elles poussent les acteurs à trouver des innovations (« la destruction créatrice »). Dès 1856, Clément Juglar avait exposé l’existence de cycles économiques, qu’il estime arrivent tous les 7-11 ans. D’autres auteurs, plus ou moins contemporains de Schumpeter, travaillent aussi sur ce phénomène de cycles (Joseph Kitchin, Nicolai Kondratiev, Simon Kuznets). Mais Schumpeter considère que c’est l’entrepreneur qui est à l’origine du rebondissement économique.

Aussi comme Marx, Schumpeter prédit la fin du capitalisme. Dans Capitalisme, socialisme et démocratie, Schumpeter met en avant les bienfaits du capitalisme, le seul système économique qui permet la liberté individuelle, et les dangers du socialisme. Mais il reconnait avec un certain chagrin tout de même l’impossibilité de maintenir un tel système indéfiniment. (« Si un médecin prévoit que son patient va mourir, ça ne veut pas dire qu'il le souhaite. ») Il accepte donc certains arguments de Marx et de Keynes, il rejette leurs solutions aux crises. Schumpeter souhaite limiter le rôle de l’Etat, car l’intervention du gouvernement réduirait les activités innovatrices des entrepreneurs. Mais l’évolution du capitalisme entrainera certainement l’existence de grande corporations qui, elles aussi, étouffent l’esprit innovateur de l’entrepreneur.
François Perroux (1903-1987)
Perroux étudie le droit à Lyon et l’économie à Vienne avec Schumpeter. Comme Keynes, Perroux s’attache à l’analyse de l’économie réelle : la théorie néo-classique est trop concernée par sa cohérence interne et sans regard aux données réelles. En observant la réalité économique, Perroux constate que les lois qui régissent l’ordre économique ne sont pas aussi faciles à percevoir. Perroux, considère que l'homme est plus qu’un acteur économique, il est une « construction sociale » qui dépend de son contexte. Les modèles économiques ont tendance à réduire les êtres humains à de simples machines qui cherchent simplement à maximiser leur gain. En fait, la réalité sociale influe de manière très importante sur l'activité économique (production, consommation, investissement). Il adopte donc une approche pluridisciplinaire (incorporant des aspects sociaux, culturels, politiques, juridiques) dans son analyse économique.

Grâce à cette approche globale et plus appliquée de l’analyse économique, Perroux soulève la question des inégalités. Alors que la théorie classique considère tous les acteurs économiques sur un pied d’égalité, les économistes socialistes mettent en avant la qualité foncièrement inégale du rapport entre l’ouvrier et l’employeur (voir ci-dessus). Chez Perroux, les inégalités sont beaucoup plus profondes et subtiles.

« Les entreprises et leurs groupements sont inégaux en dimension, en pouvoir de négociation, en capacité d’engendrer ou d’exploiter les « économies externes ». Les ensembles de sujets, les groupements fonctionnels ou les classes sociales sont inégaux par la dimension, par la capacité à résister à autrui, par leur situation même, dans la structure globale. De ces inégalités partout présentes et partout dissimulées par l’usage implicitement normatif du concept de marché pur et parfait, que résulte-t-il ? D’abord que les marchés concrets (nationaux ou plurinationaux) sont caractérisés, non seulement par des traits apparents de monopole, mais aussi par des inégalités plus subtiles et moins contrôlées dans la théorie coutumière : ce sont les inégalités sous le rapport de l’information reçue et communiqué, les inégalités résultant d’innombrables coalitions tacites, les inégalités découlant des collusions entre les pouvoir industriels, les pouvoirs financiers et la puissance publique de l’Etat ou des collectivités inférieures. » (François Perroux, L’économie du XXème siècle, p. 240)

Les gouvernements doivent alors prendre en compte la complexité des rapports humains et des structures sociales pour mettre en place une politique économique adéquate.





8.1. Economie néolibérale
Contexte

Deuxième Guerre Mondiale
Cette guerre a eu un impact sur l’économie mondiale très différent celui de la Guerre de 1914. D’abord, les Etats Unis ont massivement mobilisé des troupes pour mener une guerre en Europe mais aussi en Asie. A part les attaques sur Pearl Harbor, cependant, le territoire américain est resté relativement indemne. La mobilisation a dopé l’économie américaine qui souffrait pendant une décennie de dépression, même si le retour des troupes a provoqué une hausse de chômage qu’il a fallu gérer. L’infrastructure en Europe, qui n’avait pas pu entièrement récupérer de la dernière guerre, est à nouveau démolie, mais les pertes humaines sont très inférieures à celles de la Première Guerre Mondiale.

Le plus grand impact de guerre est la coordination internationale économique qui en a résulté, en tout cas pour les pays occidentaux. Comme ce conflit avait en partie comme origine l’instabilité économique, afin d’éviter un nouveau conflit, les pays occidentaux se sont rencontrés à Bretton Woods, New Hampshire aux Etats Unis en juillet 1944 (soit environ un an avant même la fin de la guerre). Le Président Américain, Franklin D. Roosevelt, a signalé à l’ouverture de cette conférence « La santé économique de tout pays est une vraie préoccupation pour tous ses voisin, proches ou lointains. » En effet, à l’issu de cette conférence ont été fondés la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International et le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), ce qui est devenu plus tard l’Organisation mondiale de commerce (OMC). Ces institutions avaient comme objectif de créer un contexte économique plus stable et de permettre la croissance. En plus de ces institutions, les Etats Unis ont lancé et financé le Plan Marshall pour reconstruire l’Europe entre 1948 et 1952, avec aussi la création de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), prédécesseur de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Un programme similaire pour la reconstruction du Japon a aussi été lancé par les Etats Unis.

Cette coopération internationale n’est qu’une face de l’après-guerre. En même temps que les pays occidentaux et leurs alliés étaient en train de chercher les moyens de coordonner l’économie internationale, l’Union Soviétique (l’URSS), fondée en 1922, cherchait à étaler son influence dans le monde, y compris en Europe. Mao Tsé-toung, en tant que Secrétaire général du Parti Communiste, a fondé en 1949 la République populaire de Chine (RPC), nation socialiste non démocratique. Partout en Asie et en Amérique latine, on voit l’arrivée au pouvoir de leaders communistes, souvent aidés financièrement, militairement et stratégiquement par l’URSS et la RPC. L’occident (ce qui comprend aussi le Japon et l’Australie), mais surtout les Etats Unis, se sentait menacé par l’essor des régimes communistes. Le développement d’armes nucléaires, capables d’anéantir très rapidement et de très loin des régions entières, n’a fait qu’augmenter l’état d’inquiétude. Le monde est entré dans une guerre froide.

Face au menace communiste, la seule idéologie économique acceptable aux Etats Unis, et à un moindre de degré au Royaume Uni, était la pensée libérale qui rejette tout contrôle étatique de l’économie et favorise plutôt les marchés libres. En effet, la commission du Sénateur McCarthy qui se donnait comme mission d’éradiquer la menace du communisme par le biais d’enquêtes clandestines, interrogeait régulièrement des économistes par rapport à leurs ouvrages, le plus célèbre étant Paul Samuelson. La production intellectuelle en économie est dominée par les Etats Unis, et notamment l’université de Chicago (l’école de pensée libérale s’appelle aussi la « Chicago School »). Les institutions internationales, telles le FMI, la Banque Mondiale, l’OMC et l’OCDE, et même l’Union européenne, sont toutes basées sur la pensée néolibérale et prônent, voire même obligent les membres d’accepter, un système économique basé sur la privatisation et le libre commerce.

Cette philosophie se voit également dans la production intellectuelle philosophique. Ayn Rand (1905-1982) était une immigrée russe aux US en 1926, ou elle exprime sa philosophie individualiste par le biais de romans. Elle défend le libéralisme, le capitalisme et l’égoïsme rationnel dans des ouvrages de fiction, comme La Révolte d’Atlas (Atlas Shrugged) ou La Vertu de l’égoïsme (The Virtue of Selfishness). Elle est contre toute forme de charité ou aide aux pauvres qui risque de les décourager à essayer de s’améliorer individuellement. Elle est aussi radicalement athée. Malgré son attitude antireligieuse, elle a un grand succès auprès de nombreux hommes politique républicains aux Etats Unis, notamment Ronald Reagan et plus récemment Paul Ryan (sénateur influent et candidat à la vice-présidence en 2012).



8.2. Economie néolibérale
Auteurs

Contemporains de Keynes
A l’époque où Keynes proposait un rôle plus important du gouvernement dans la gestion économique, d’autres penseurs continuaient à soutenir une vision néoclassique.


Irving Fisher (1867-1947), américain
The Money Illusion (1928)

Keynes n’était pas le seul auteur à se focaliser sur la question de la monnaie à cette époque. Irving Fisher, contemporain de Keynes, certainement en observant la crises d’inflation en Allemagne, retourne sur les arguments de Bodin qui avaient été oubliées pendant des siècles, pour formaliser la Théorie Quantitative de la Monnaie :

MV = PT

M = masse monétaire
V = vitesse de circulation de la monnaie
P = niveau des prix
T = montant total des transactions.

Donc, toute variation de la quantité de monnaie en circulation implique une variation proportionnelle des prix. Le prix nominal d’un produit, alors, dépend entièrement de la quantité de monnaie en circulation. Le prix nominal (exprimé en termes monétaires) cache le prix réel (exprimé en termes de la quantité de travail nécessaire pour se procurer un bien) – créant ainsi une sorte d’illusion. Dans une période d’inflation, les prix nominaux augmentent. Mais on ne peut pas dire que l’économie subit réellement de l’inflation si les salaires augmentent proportionnellement. En général, cependant, les salaires sont nettement plus stables que les prix et n’augmentent que très lentement quand les prix montent. Dans ce cas, il y a une inflation des prix réels.

Le même phénomène existe pour les taux d’intérêts. On a l’impression d’augmenter son capital avec des épargnes en gagnant un certain taux d’intérêt, mais si ce taux est inférieur à l’augmentation des prix nominaux, en réalité on perd de l’argent. De même, si le taux d’intérêt des dettes que l’on doit est inférieur au taux d’inflation, on est gagnant. La stratégie des gouvernements lourdement endettés consistent souvent à pousser l’inflation, en mettant une plus grande quantité de monnaie en circulation, afin de diminuer la valeur réelle des dettes. Cependant, la dette pousse souvent la déflation, car pour payer ses dettes, les particuliers vendent leurs biens, ce qui fait baisser les prix et donc augmenter la valeur réelle de la dette.

Grâce à son travail sur la monnaie, Fisher fait partie des pères fondateurs de la pensée économique américaine. Mais pendant la Grande Dépression, il a perdu de la crédibilité à cause des sa croyance aveugle dans les mécanismes du marché. En effet, même avant le crash de 1929, il avait annoncé publiquement que « les marchés financiers ont atteint un plateau élevé permanent ». Juste après la crise financière, il tentait de calmer les inquiétudes de la population en indiquant que la reprise économique était « juste au coin de la rue ». Les travaux de Keynes ont été plus largement acceptés que ceux de Fisher pendant cette période difficile, mais après la guerre et donc après sa mort, Fisher redevient un économiste prédominant pour l’école néolibérale.




Friedrich Hayek (1899-1992), autrichien
Prix Nobel en 1974
Prix et production (1931)
La Théorie pure du capital (1941)
La route de la servitude or The Road to Serfdom (1944)

Un autre contemporain, et concurrent, de Keynes était Friedrich Hayek. Hayek fait ses études à Vienne en droit, sciences politiques, psychologie, et économie. Il travaillera d’abord à la London School of Economics puis à l'Université de Chicago. Pendant les années 1930, il avait des débats ouverts contre Keynes publiés dans le Times. Il sera l’économiste préféré de Margareth Thatcher, qui le recommande auprès de la reine Elizabeth II pour une médaille d’honneur. Farouchement contre le socialisme et l'étatisme, il devient l’un des plus grands promoteurs du libéralisme.

Il reçoit le Prix Nobel en 1974 pour son analyse de la théorie monétaire et de l'interdépendance des phénomènes économiques, sociaux et politiques. Particulièrement dans La Route de la servitude (publié seulement 2 ans après l’ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie d’un autre autrichien, Schumpeter) Hayek explique comment l’intervention de l’Etat dans le domaine économique se traduit automatiquement par une réduction de libertés sociales. Sous les régimes socialistes et communistes, mais aussi fascistes et nazis qui sont finalement similaires en nature aux deux premiers, les « citoyens » doivent se conformer aux exigences de la communauté et ne peuvent exercer aucune liberté individuelle.

De plus, Hayek démontre comment les excès du crédit et les manœuvres des banques centrales manipulent artificiellement la valeur de la monnaie et sont la première cause des crises financières. En 1976, dans un article The Denationalization of Money, il propose même de créer un système monétaire privé où des particuliers peuvent proposer leur devise et le marché trouvera la plus stable.



Voir: Hayek vs. Keynes rap vidéo (avec sous-titres en français)
HYPERLINK "http://www.youtube.com/watch?v=O1EtFZ1AgyU"http://www.youtube.com/watch?v=O1EtFZ1AgyU HYPERLINK "http://www.youtube.com/watch?v=5XMsh2ntNKU&feature=related"http://www.youtube.com/watch?v=5XMsh2ntNKU&feature=related
HYPERLINK "http://www.youtube.com/watch?v=_9DH07MBG_w&feature=related"http://www.youtube.com/watch?v=_9DH07MBG_w&feature=related
HYPERLINK "http://www.youtube.com/watch?v=72pVdz9mXkc&feature=related"http://www.youtube.com/watch?v=72pVdz9mXkc&feature=related


Synthèse néo-classique

D’autres auteurs qui ont publié après la Seconde guerre mondiale ont pu bénéficier des apports de Keynes, surtout son analyse monétaire, mais les utilisent pour soutenir une économie libérale, faisant ainsi une sorte de synthèse.

Paul Samuelson (1915-2009), américain
Prix Nobel 1970
Foundations of Economic Analysis (1947) – chef d'oeuvre
Economics. An Introductory Analysis (1948) – manuel, référence

Samuelson est né dans une famille juive d’immigrés polonais, et a grandi pendant la Grande Dépression aux Etats Unis. Il a étudié à l’Université de Chicago, et à Harvard, et il a obtenu son premier poste au département d’Economie du MIT, près de Boston.

Samuelson est connu principalement pour son analyse de l’équilibre économique grâce aux modèles empruntés à la thermodynamique. Samuelson étudie la manière dont le monde physique tend vers l’équilibre pour comprendre des phénomènes économiques. Cette analyse lui permet de développer un modèle (« l'oscillateur de Samuelson ») pour tracer et prédire les cycles économiques. Basé sur le principe de multiplicateur de Keynes, Samuelson explique comment une augmentation autonome de l'investissement provoque une augmentation du revenu et donc de la demande qui entraîne un besoin d'équipement des entreprises qui provoque un nouvel investissement.

Samuelson est aussi connu pour avoir initié le mouvement d’économie du bien-être. En effet, un chapitre de sa Foundations s’intitulait « Welfare Economics ». (Voir chapitre 9)

Milton Friedman (1912-2006), américain
Prix Nobel en 1976
Capitalisme et liberté (1962)
L’histoire monétaire des Etats-Unis (1963)

Comme Samuelson, Friedman est aussi né dans une famille juive d’immigrés (ukrainiens), et a aussi grandit pendant la Grande Dépression aux Etats Unis. Son premier poste a été crée par le gouvernement de FDR et un programme du New Deal pour créer des emplois. Cependant, contrairement à Samuelson, l’œuvre de Friedman est une critique constante et féroce contre toute intervention du gouvernement dans l’économie. Friedman acceptait seulement le rôle d’une banque centrale qui stabilise l’inflation grâce à des taux directeurs, théorie développée par Keynes.

A partir de 1946, et pendants trois décennies, Friedman a travaillé à l’Université de Chicago, où avec Hayek, il fonde une école de pensée néolibérale. Comme les néoclassiques, il croyait que les marchés pouvaient s’autoréguler, sans l’aide du gouvernement. Au contraire, il était un défenseur acharné du libéralisme, contre toute intervention de l'Etat, et il était l’inspirateur de la politique économique de Ronald Reagan, surtout le slogan : « Le gouvernement n'est pas la solution, le gouvernement, c’est le problème ». Selon Friedman, les plans de relance ne peuvent que provoquer l'inflation. Mais, il utilise les théories de Keynes pour défendre le libéralisme, surtout ses modèles monétaristes et sa théorie quantique de la demande de la monnaie. Mais comme Fisher, il croyait que l’inflation était un phénomène presque uniquement lié à la masse monétaire. En effet, pour Friedman, la Grande Dépression était le résultat de la réduction de la masse monétaire par la Federal Réserve (la banque centrale américaine), ce qui a entrainé une période de déflation.



Robert Mundell (1932- ), canadien
Prix Nobel en 1999
Pour les économistes, Mundell est principalement connu pour son travail sur les dynamiques monétaires et les zones monétaires optimales. Mundell a posé les fondations théoriques pour l’introduction de l’euro. Le modèle Mundell-Fleming sur les taux d’échange (1962) suggère qu’il est impossible de maintenir à la fois l’autonomie souveraine, la stabilité des prix et un flux libre de capital. Pas plus de deux de ces conditions ne peuvent être remplies à n’importe quel moment. Ce model a entrainé la création de l’euro et la prédiction de Mundell que la stagflation résulterait de la fin du système mis en place à Bretton Woods si des taux très progressif d’impôts sur le revenus continuent à être appliqués. En 1974, il prônait des réductions dramatiques d’impôts et des taux moins progressifs. Contrairement à bon nombre de ses économistes libéraux, Mundell ne prône pas un retour à l’étalon d’or ou à un système de taux d’échange fixes. En 2000, il a incorrectement prédit que, avant 2010, plus de 50 pays auraient adopté l’euro et l’Amérique Latine aurait adopté le dollar comme devise, alors que beaucoup de pays asiatiques auraient commencé à utiliser le Yen.
Mundell est plus connu par le public général pour son rôle important dans le mouvement libéral aux Etats-Unis et ses arguments en faveur de la réduction des impôts.

9. Débats actuels en économie I

A. L’économie du Bien-être
L’utilisation de la microéconomie dans l’analyse macroéconomique pour comprendre le bien-être économique. Le bien-être économique est difficile à définir. On se réfère souvent au simple calcul du PIB, ou du PIB par capita. D’autres incluent aussi des facteurs sociale ou de qualité de vie. L’Index du développement humain, par exemple, dépend des revenus moyens, de l’espérance de vie et du niveau d’éducation. Quelques économistes ont aussi utilisé la satisfaction de vie pour mesurer ce que les psychologues comportementalistes appellent « utilité vécue ».

Contexte intellectuel
John Rawls (1921-2002)
A Theory of Justice (1971)
« Les principes de justices les plus raisonnables sont ceux que tout le monde accepterait d’une position juste. »
Le meilleur système de justice est celui que les gens choisissent selon leurs propres avantages, sans contrainte ou fraude. La justice est alors subjective.



Le bien-être chez les néoclassiques (Jevons, Walras, Marshall, Pigou, …)
Les néoclassiques tenter de calculer le bien-être globale, mais d’une façon limitée. Ils supposent, bien entendu, que l’utilité marginale est décroissante ; plus un individu dispose d’unités d’un bien, moins utile est chaque unité de produit supplémentaire. En général, ils considèrent que l’utilité des biens est comparable entre individus : seule l’Ecole autrichienne (Carl Menger) permet des préférences individuelles et a donc une interprétation plus subjective de l’utilité. Cependant, les néoclassiques considèrent tous les individus au même niveau ; pour obtenir le bien-être global de la société, les néoclassiques ajoutent tout simplement l’utilité de chaque individu. Une unité d’utilité pour un individu pauvre n’est pas considérée comme d’une plus grande valeur qu’une unité d’utilité pour un riche. De plus, les néoclassiques suppose que les préférences sont stables ; ils font donc une analyse statique. Le bien-être économique chez les néolibéraux aussi est simplement l’agrégat des fonctions d’utilité individuelles.

L’optimum de Pareto est atteint quand il n’est plus possible d’augmenter la satisfaction d’un individu sans diminuer la satisfaction d’un autre individu. Ce model est donc trop limité pour comprendre le bien-être global puisqu’il est pratiquement impossible de prendre une décision qui ne porte pas préjudice à au moins une personne. Le model de compensation Kaldor-Hicks est légèrement plus souple et permet à ceux qui sont plus aisés de compenser pour ceux qui souffrent.


Le Nouveau bien-être économique
La fonction « Max-Min », ou « rawlsienne », considère que le bien-être est maximisé quand l’utilité des membres de la société qui ont le moins est à son niveau le plus élevé. L’activité économique n’augmente le bien-être social que si elle améliore la condition de l’individu qui est le moins bien loti.

L’ « efficacité distributive » est le terme employée pour décrire une situation où les produits sont distribués aux gens qui peuvent en tirer la meilleure utilité.

Le coefficient GINI – outil mathématique utilisé généralement pour mesurer l’égalité de la répartition des revenus.
Economistes importants
Kenneth Arrow (1921 - )
Social Choice and Individual Values (1951)
A. Social Choice Theory and the General Possibility Theorem:
Il est impossible de formuler une préférence sociale qui satisfait toutes les conditions suivantes :

1. Non dictature : Les préférences d’un individu ne doivent pas devenir le classement du group sans prendre en compte les préférences des autres.

2. Souveraineté individuelle : chaque individu doit être capable de faire le classement des ses choix comme bon il lui semble, y compris des préférences égales.

3. Unanimité : Si chaque individu préfère un choix à un autre, alors le classement du group doit être le même.

4. Liberté d’alternatives non pertinentes : Si un choix est enlevé, alors le classement du reste ne doit pas changer.
5. Qualité unique du classement du groupe : La méthode devrait donner le même résultat quand appliquée à un ensemble de préférences. Ce classement doit être transitoire.
Un exemple serait d’avoir les choix suivants pour diviser un gâteau entre trois personnes, A, B et C.
Choix 1: A n’a rien, B et C ont la moitié chacun.
Choix 2: B n’a rien, A et C ont la moitié chacun.
Choix 3: C n’a rien, A et B ont la moitié chacun.
Choix 4: diviser le gâteau équitablement en tiers.

Donc, si chacun vote pour obtenir autant de gâteau que possible, le choix 4 serait toujours troisième dans sa liste et ne serait jamais choisi collectivement. Puisque tous les choix sont Pareto-optimaux, le bien-être d’aucun des trois individus ne peut être amélioré sans réduire le bien-être des autres. Le choix 4 ne serait jamais choisi, puisqu’il y aura toujours d’autres choix préférés.

B. Information Asymétrique.

C. Théorie de la croissance endogène (innovation technologique comme un phénomène endogène).

Amartya Sen (1933 - ) Indien
Prix Nobel 1998
Collective Choice and Social Welfare (1970)
Poverty and Famines: An Essay on Entitlement and Deprivation (1981)
Sen a travaillé sur la famine et sur comment éviter des pénuries alimentaires. Il a aussi joué un rôle très important dans l’élaboration de la Théorie du D2veloppement humain (y compris l’Index du Développement Humain, ou IDH)
Sen a aussi élaboré une approche relative aux capacités. Il différencie entre la liberté positive (le fait d’avoir les vrais moyens d’agir) et la liberté négative (l’absence d’empêchement juridique). Par exemple, un individu peut avoir le droit de voter mais n’a peut-être pas les moyens financiers ou physiques de se rendre au bureau de vote, ou il se peut qu’il soit incapable de lire le bulletin. En termes économiques, un individu a peut-être le droit de travailler s’il le souhaite, mais il n’a peut-être jamais reçu la formation nécessaire pour pouvoir trouver un emploi. CE n’est que dans une situation où les individus ont les vrais moyens d’agir que l’on peut les considérer libres.

John Kenneth Galbraith (1908-2006) Canadien-Américain
The Affluent Society (1958) Titre d’origine : Why The Poor Are Poor.

Galbraith a soutenu que les Etats-Unis devraient faire des investissements dans l’infrastructure et l’éducation, mettant en œuvre des fonds publics issus des impôts. Galbraith a aussi critiqué l’idée que l’augmentation perpétuelle du PIB est une indication du bien-être économique et social (post matérialisme). Il a contribué aux politiques des présidents des Etats Unis J. F. Kennedy et L. B. Johnson et à leur « Guerre contre la pauvreté ».
9. Débats actuels en économie I

B. Economie Comportementale
Cette école a adopté une nouvelle approche méthodologique. Jusqu’à la fin du XXème siècle, la théorie économique a été base sur l’observation du monde réel, soit contemporain soit historique. Il s’agit d’une approche non interventionniste, comme celle des astronomes, qui observent les étoiles. Des économistes ont adopté une méthode utilisée dans la psychologie qui consiste à utiliser des expériences en laboratoire pour tenter de comprendre comment les agents économiques réagissent réellement. Cette approche ressemble plus à celle utilisée dans la chimie que celle de l’astronomie. En gros, les comportementalistes tentent de mettre en question la supposition néoclassique de homo oeconomicus, que les agents économiques sont des maximateurs raisonnables et calculant, qu’ils agissent toujours dans leur propre intérêt et qu’ils ont toutes les informations et la capacité nécessaire pour y parvenir.



Ward Edward (1927-2005) - économiste
"The Theory of Decision Making" (Psychological Bulletin, 1954)
Fondateur du movement grace à cet article important, mais pas très actif en termes de recherché ou publications sur le sujet.


Daniel Kahneman (1934 - ) - psychologue.
Prix Nobel en 2002
Judgment and Effort (1973)
Judgment under Uncertainty: Heuristics and Biases (1982)
Choices, Values and Frames (2000)
Mais surtout une longue série d’articles.


Amos Tversky (1937-1996) - psyschologiste.
Foundations of Measurement (3 vols.)
Tversky a travaillé étroitement avec Kahneman.


Richard Thaler (1945 - ) – economiste
The Winner’s Curse. Paradoxes and Anomolies of Economic Life (1992)
Advances in Behavioral Finance (1993 & 2005)
Quasi-rational Economics (1994)
Nudge (2008)

Cass Sunstein (1954 - ) – juriste
Nudge (2008)
Il se concentre sur les problèmes de l’imposition et de la liberté individuelle.


NB – Il n’est pas important d’apprendre les différences entre les auteurs, simplement reconnaître un partisan de l’économie comportementale et d’expliquer les tendances ci-dessous.
Notions de la psychologie :
Psychologie hédoniste (voir Bentham et les marginalistes) : Qu’est-ce que rend une expérience agréable ou pas est très complexe.
Heuristique : apprendre grâce à ses expériences. Comprendre comment les individus prennent des décisions avec des informations limitées ou surabondantes.
Heuristique disponible : La manière dans laquelle les gens prédisent la fréquence de certains événements ou phénomènes, ou la proportion d’une population, selon la facilité avec laquelle ils peuvent l’imaginer, ce qui est largement basé sur les expériences personnelles de l’individu plutôt que sur des données objectives et fiables.

Applications à l’économie
1. « Expected Utility » devient « Prospect theory »
Les économistes ont traditionnellement tenté de mesurer l’utilité qu’un agent suppose qu’il va pouvoir obtenir d’un produit, faisant son choix en fonction du gain possible et du risque couru. « Prospect theory » permet aux économistes d’intégrer le processus par lequel les agents économiques analysent ces probabilités.
Par exemple, des études montrent que les gens dépensent plus facilement l’argent gagné dans un jeux ou qui a été le résultat d’un événement inattendu, plutôt que quand il s’agit d’une augmentation de salaire. D’après les modèles classiques, il n’y aurait aucune différence entre les deux types d’argent dans l’évaluation de l’utility d’un produit.
De même, les gens surestiment les faibles probabilités, ce qui les amène à se souscrire à des assurances pour des catastrophes naturelles qui sont extrêmement rares, et sous-estiment les risques élevés, les amenant à croire par exemple qu’ils n’ont pas besoin d’une assurance santé ou d’un plan de retraite.
Les gens ont plus tendance à jouer au loto, pour lequel il y a une très faible probabilité de gagner, qu’à parier dans un casino où les taux de succès sont plus élevés.
2. « Exponential Discounting » devient « Hyperbolic discounting »
La théorie classique, grâce à la théorie de « Exponential Discounting », prenait en compte comment l’utilité d’une décision change en fonction du temps nécessaire pour réaliser le gain. Plus le gain se réalise dans le future, moins il a d’utilité. Les comportementalistes, grâce aux nouvelles théories de "Hyperbolic discounting", observent les incohérences dans l’évaluation de l’utilité future.
Par exemple, les gens préfèrent en général de gagner 100 ¬ aujourd hui, plutôt que de recevoir 110 ¬ dans une semaine. Mais les mêmes gens préfèrent toucher 110 ¬ dans 11 semaine plutôt que 100 ¬ dans 10 semaines, alors que la différence dans le temps est la même dans les deux cas.
Par contre, les gens préfèrent souvent attendre pour profiter de certains plaisirs. Par exemple, on préfère un emploi où le salaire augmente graduellement, plutôt qu’un emploi où l’employé touche un salaire élevé immédiatement, même s’ils gagnaient plus à long terme.
3. « Maximisation individuelle » est atteignué par la « utilité sociale »
Selon la théorie classique, les individus cherchent ç maximiser leurs gains quels que soient les effets sur les autres. Les expériences en laboratoire démontrent, pourtant, que les gens ont tendance à accepter une perte si quelqu’un qu’ils n’aiment pas perd encore plus (« vengeance »). Par contre, les participants à un jeu qui ont gagné les premiers tours tendent à aider les autres qui n’ont pas eu autant de chance, même quand il n’y a pas de possibilité de recevoir un avantage en retour.
4. « Equilibre » devient « Experience-weighted attraction »
Selon l’économie traditionnelle, dans chaque transaction, les parties arrive à un état d’équilibre dans lequel ‘utilité de chacun est égal. De même les marchés trouvent naturellement l’équilibre entre l’offre et la demande.
En réalité, les gens adoptent un comportement commercial répétitif, même quand le résultat (l’utilité) n’est pas optimal. Par exemple, les gens évaluent les prix et la qualité des différentes marques d’un produit la première fois, puis ils achètent toujours la même marque, quelle que soit l’évolution du prix de cette marque ou les autres.
Critiques
Certains économistes essaient de diminuer l’importance de ces innovations théoriques en soulignant que, si la supposition de homo oeconomicus est fausse, elle permet d’élaborer des théories qui donnent des résultats corrects.
D’autres croient qu’il est impossible d’intégrer la complexité de l’incohérence du comportement humain dans des modèles mathématiques de l’analyse économique.
Enfin d’autres critique l’économie comportementale car elle suppose souvent que la nature humaine est innée. Les comportementalistes ne prennent pas suffisamment en compte les facteurs sociologiques et culturels qui créent la subjectivité. Ils ont aussi tendance à analyser les comportements d’une manière statistique, sans prendre en compte la rapidité avec laquelle le comportement d’un individu peut changer.


Impacte de l’économie comportementale sur la politique économique et les marchés
Activité : Quelle théorie citée ci-dessus pourrait être à l’origine des différentes politiques économiques suivantes* :
1. L’Etat finance une campagne contre le tabagisme.
2. Un programme établi dans certains états des Etats Unis offrent aux filles de moins de 16 ans, qui ont déjà eu un premier bébé, 1 $ pour chaque jour qu’elles ne retombent pas enceinte. Le gain réel de 365 $ par an est minimal par rapport au coût d’avoir un bébé, mais l’incitation psychologique pour que ces filles agissent dans leur propre intérêt, et aussi dans celui de la communauté, est énorme.
3. Loi établissant une période de réflexion après des achats pendant laquelle le consommateur peut rendre un produit pour un remboursement intégral sans devoir justifier de son choix.
4. La politique qui rend l’assurance santé et un plan de retraite obligatoires.



Question de réflexion :
1) Quels sont vos comportements qui ne correspondent pas au model de homo oeconomicus ?


2) Quelles sont les origines de l’économie comportementale? Dans quelle manière est-ce que les théories des économistes comportementalistes ressemblent à celles des l’économie morale et de l’économie classique?




_________________________
*Réponses : 1. Availbility heuristic ; 2) Prospect theory 3) Hyerbolic utility 4) Prospect theory.


10. Débats actuels en économie II

A. New Institutional Economics
Fondée par HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/Ronald_Coase" \o "Ronald Coase"Ronald Coase, HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/Oliver_Williamson" \o "Oliver Williamson"Oliver Williamson et Douglass North, la Nouvelle économie institutionnelle se concentre sur l’importance des institutions économiques et non économiques dans le développement et la performance de l’économie. La International Society for the HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/New_Institutional_Economics" \o "New Institutional Economics"New Institutional Economics a tenu sa première réunion à St. Louis, Missouri (USA) en 1997.

Ronald Coase (1910 - ) Anglais
Prix Nobel en 1991

The Nature of the Firm
Ce petit livre a eu une influence énorme sur les études économiques. Il essqient d’exmpliquer pourquoi il y a tant d’entreprises dans l’économie, plutôt qu’une multitude d’entrepreneurs indépendants qui établissent des contrats les uns avec les autres. Selon l’auteur, « la production pourrait être exécutée sans aucune organisation formelle (i.e. une firme), alors pourquoi la firme existe-t-elle ?
L’argument commence par une analyse du rapport entre un entrepreneur et les employés, puisqu’il est possible de faire produire par la sous-traitance plutôt que d’embaucher des employés directement pour le faire. En théorie, puisqu’un marché est efficace (ce qui veut dire que ceux qui survivent sur le marché sont les plus efficaces), cela devrait être toujours moins cher de sous-traiter la production à d’autres entrepreneurs plutôt que d’embaucher ds employés.
Selon Coase, cependant, la sous-traitance crée des coûts de transaction, comme ceux pour la recherche d’information, la négociation, le maintient des secrets industriels, et des coûts pour faire valoir ses droits. Les firmes sont donc créées pou réduire ces coûts en internalisant la production de bien et de services.
Dans certain cas, cependant, il est plus efficace de sous-traiter certaines activités, en particulier quand ces activités augmentent les coûts fixes et peuvent entrainer des erreurs dans la répartition de ressources. Les sociétés ont tendant à trouver l’ « équilibre optimal » entre les activités internes et externes pour leur secteur et leur marchés. Beaucoup d’entreprises sous-traitent le marketing (études de marché, transport, publicité, etc.), l’audit, la formation, mais certaines sous-traitent également la production pour limiter la responsabilité envers les employés (c’est pour cette raison que Nike achetait ses baskets à des fournisseurs indépendants qui eux employaient de la main-d’œuvre forcée des enfants). En général, cependant, la loi des rendements décroissants (Ricardo) est maintenue : augmenter la taille d’une firme au début comporte des avantages qui tendent à diminuer au fur et à mesure que la taile de la firme augmente. Ce phénomène empêche la croissance à l’infini.
Le problème évident avec cette théorie concerne les coûts sociaux, ou les externalités, puisque les seuls les coûts considérés sont ceux qui sont internalisés par l’entreprise. Tenir une entreprise responsable pour les effets négatifs sur la collectivité change en fonction du contexte social, politique, juridique, non pas seulement des facteurs économiques.


Oliver E. Williamson (1932 - ) Américain
Prix Nobel en 2009 (avec Elinor Ostrom)
Elève de Ronald Coase, il a travaillé principalement sur les coûts des transactions dans l’économie. En particulier, en se concentrant sur les équivalences et les différences entre la prise de décision et le management économiques et non économiques, Williamson avait une grande influence dans les débats sur les frontières entre les sphères publics et privés qui ont eu lieu dans les années 1980 et 1990.
Williamson distinguent entre la négociation cas-par-cas d’une part et les contrats de rapports spécifiques de l’autre. Négocier toutes les semaines sur le marché pour acheter les produits nécessaires pour une société serait un exemple de la négociation cas-par-cas. Dans le temps, un acheteur a tendance à créer un rapport continu avec un fournisseur spécifique, et le fonctionnement de ces transactions de rapports spécifiques est très différent de la négociation cas-par-cas.

Douglas North (1920 - ) Américain
Prix Nobel en 1993 (avec William Fogel)
North définit les institutions comme « des contraintes crées par l’homme qui régissent les interactions politiques, économiques et sociales. » Ces contraintes peuvent prendre la forme de règles formelles (constitutions, lois, droits de propriété) ou limitations informelles (sanctions, tabous, coutumes, traditions, codes de comportements), qui contribuent en général à la perpétuation de l’ordre et de la sécutité au sein d’un marché et d’une société. Le degré de leur efficacité dépend des circonstances variables, tel que la force limitée d’un gouvernement pour faire appliquer une loi, le manque d’un état organisé, ou la présence de croyances religieuses très ancrées.
Comme Smith et Marx, North explique que le développement dans une société se déroule en plusieurs étapes. Dans l’économie locale d’un village primitif, par exemple, il y a très peu de spécialisation et la plupart des ménages sont autonomes. Les échanges se font à petite échelle et dans un cadre des contraintes sociales informelles très dense, limitant le besoin d’accords et contrats de commerce explicites.
Avec le temps, le production devient plus spécialisée, les marchés s’élargissent et les régions deviennent de plus en plus interdépendantes. AU fur et à mesure que les parties d’échanges s’éloignent géographiquement et socialement, les termes des échanges doivent devenir de plus en explicites, sous forme de contrats. Ces contrats entraînent des coûts et rendent nécessaire le développement d’institutions et de centres de commerces formels pour réduire les risques d’échanger avec des personnes inconnues. Il devient aussi nécessaire d’adopter des poids et mesures et des pratiques commerciales standardisés.
Le développement économique crée le capital social et permet aux citoyens d’accumuler la richesse. La technologie joue un rôle crucial dans le développement des secteurs de production, et aide à diminuer les coûts de transport. Les meilleurs avantages sont en général créés par les améliorations dans le transport.
La dernière étape de développement consiste à une urbanisation dense. Le secteur de la transaction (distribution, marketing, contrôle, vente au détail, etc.) devient très spécialisé et occupe une grande proportion du PIB. La spécialisation et la division du travail à l’échelle globale exige des institutions pour assurer les droits de propriété. North ne reconnait pas, cependant, l’importance des contraintes informelles qui agissent sur le comportement économique.

B. Néo-keynésianisme
Cette école de pensée provient des critiques lancées par les néolibéraux contre l’économie keynésianisme et des tentatives de fournir un fondement microéconomique pour nombre des théories de Keynes. Les économistes néo-keynésianistes supposent que les marchés ont un certain nombre de faiblesses. Par exemple, les marchés sans contraintes généralement entraînent moins de concurrence avec le temps et à long terme des monopoles. Ces faiblesses du marché de s’autoréguler rendent nécessaire l’intervention du gouvernement pour diriger l’économie, en particulier à travers la politique monétaire et fiscale, afin d’atteindre l’efficacité maximale.

Robert Lucas (1937 - ) Américain
Lucas a eu une très grande influence sur les économistes depuis les années 1970. Il a mis en doute les fondements de la théorie macroéconomique (qui avait été jusqu’alors dominée par une approche keynésienne) et démontre que le modèle macroéconomique devrait être un agrégat des modèles microéconomiques (reconnaissant pourtant que ce n’est pas toujours possible pour tous les modèles microéconomiques). La « critique Lucas » de la politique économique tient que les rapports qui paraissent vrais dans des modèles économiques, tels qu’un rapport entre l’inflation et le chômage, change souvent suite à des changements de la politique économique, entraînant le développement de l’économie néo-keynésianisme.

Joseph Stiglitz (1943 - ) Américain, ancien économiste en chef de la Banque mondiale
Prix Nobel en 2001 (avec HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/George_A._Akerlof" \o "George A. Akerlof"George A. Akerlof et HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/A._Michael_Spence" \o "A. Michael Spence"A. Michael Spence)
Stiglitz est connu parmi les économistes pour ses recherches sur l’économie de l’information et le ‘screening’, une technique utilisée par les agents économiques pour extraire des informations autrement privées les uns aux autres. Cette capacité n’est pas égale parmi toutes les parties d’une transaction, ce qui entraîne une asymétrie de l’information, déjà étudiée par Kenneth Arrow.
Avant la naissance de modèles d’information imparfaite et asymétrique, la littérature traditionnelle en économie (principalement néo-classique et néo-libérale) supposait que les marchés étaient efficients sauf dans certains cas très précis. Les recherches récentes de Stiglitz et d’autres renversent cette hypothèse et démontrent que les marchés étaient efficients seulement dans certains cas. Stiglitz a démontrer que quand les marchés sont incomplets et/ou l’information imparfaite (ce qui veut dire dans la quasi-totalité des cas), la concurrence libre n’entraine pas un optimum Pareto. Pour Stiglitz, alors, la « main invisible » n’existe pas. Le rôle du gouvernement est alors de diriger l’économie vers l’efficacité optimale, en particulier par le biais de l’imposition. Selon Stiglitz :
« Quand il y a des « externalités » - là où les actions d’un individu ont des conséquences sur les autres et pour lesquelles il ne doit pas payer ou ne reçoit aucune compensation – les marchés ne fonctionneront jamais bien. Mais des recherches récentes ont démontré que ces externalités sont omniprésentes, quand les informations ou les risques sont imparfaites, ça veut dire toujours. Le débat réel aujourd’hui concerne les moyens de trouver le bon équilibre entre le marché et le gouvernement. Les deux sont nécessaires et peuvent se complémenter. Cet équilibre évoluera dans le temps et dans l’espace. »
A cause de l’information asymétrique, les marchés totalement libres sont non seulement socialement injuste, ils entraînent aussi l’inefficacité économique. Cette hypothèse est donc totalement en contradiction avec la théorie classique, néo-classique et néo-libérale.

Efficiency wages: le modèle Shapiro-Stiglitz
Stiglitz a aussi travaillé sur les « efficiency wages » (salaires efficients) et a aidé à développer le « modèle Shapiro-Stiglitz » pour expliquer 1) pourquoi le chômage existe même dans l’équilibre économique, 2) pourquoi les salaires ne sont pas négociés suffisamment bas (dans l’absence de salaires minimaux) pour que tout le monde qui cherche un travail puisse en trouver un, et 3) pour mettre en question la capacité du paradigme néo-classique d’expliquer le chômage involontaire. Joseph Stiglitz et Carl Shapiro ont proposé un modèle en 1984 qui démontrent que la structure de l’information dans l’emploi détermine le taux de chômage. Cette analyse est basée sur deux observations fondamentales :
Contrairement aux différentes formes de capital, les êtres humains peuvent choisir leur niveau d’effort dans le travail.
Il est coûteux pour les firmes de déterminer combien d’effort les travailleurs fournissent.
Ce modèle explique certains phénomènes :
Les salaires ne tombent pas suffisamment pendant des récessions pour empêcher le chômage d’augmenter. Si la demande pour le travail diminue, les salaires baissent. Mais à cause de la baisse de salaires, la probabilité de ‘shirking’ (ne pas fournir un effort suffisant) augmente. Si le taux d’emploi doit être maintenu, grâce à une baisse de salaires, les travailleurs seront moins productifs qu’avant à cause du niveau d’effort qu’ils peuvent modifier. Par conséquent, dans ce modèle, les salaires ne baissent pas suffisamment pour maintenir un taux d’emploi stable. Alors le chômage doit augmenter pendant les récessions parce que les salaires sont encore trop élevés.
Rapport éventuel : Wage sluggishness (stagnation ou léthargie des salaires). Passer d’une frme d’embauche à une autre forme oblige les firmes à ré-optimiser les salaires en réponse à un taux de chômage variable. Les firmes ne peuvent pas baisser les salaires jusqu’à ce que le chômage augmente suffisamment. Les salaires ont donc tendance à rester stables, alors que les prix sont plus volatiles.
Le résultat n’est jamais efficient en termes de l’optimum Pareto.
Chaque firme emploie trop peu d’employés parce qu’elle doit faire face au coût d’embauche, non pas au coût social du chômage. Autrement dit, les firmes n’internalisent pas les coûts externes du chômage ; elles ne comptabilisent pas comment un taux massif de chômage entraîne des problèmes pour la société et pour l’économie en général quand elles calculent leurs propres coûts.
Il existe aussi des externalités négatives. Chaque firme augmente le coût d’embauche pour toutes les autres firmes quand elle embauche, car elle réduit le nombre de travailleurs sur le marché.

The Shapiro-Stiglitz model of efficiency wages
 HYPERLINK "http://en.wikipedia.org/wiki/File:Efficiency_wage_Shapiro_Stiglitz.svg" 
Selon ce modèle, les travailleurs sont payés à un taux qui dissuade le shirking (l’absence d’effort). Ceci emp$eche les salaires de tomber au niveau le plus. Le plein emploi ne peut pas être atteint parce que les travailleurs diminueraient leur effort s’ils n’étaient pas menacés par la possibilité d’être licenciés. La courbe pour la condition no-shirking (ici NSC) monte donc jusqu’à l’infinité à un taux de chômage à 0%.

Implications
Ces théories économiques ont des conséquences nettes pour la politique, en particulier relative à l’internalisation des externalités. Stiglitz, par exemple, vritique farouchement les politiques de laissez-faire qui permettent les corporations multinationales d’exploiter des ressources de pays pauvres, au dépens du l’environnement et du peuple. Bien que les arguments économiques de Stiglitz sont généralement acceptés, ils ne prennent pas en compte les questions plus large sur la légalité, la moralité ou la constitutionnalité des institutions coercitives et le bon rôle du gouvernement dans la société.
Paul Krugman (1953- ) Américain
Prix Nobel en 2008
Finance internationale
Krugman a eu un très grand impact en finance. En 1979, il a démontré que les régimes de taux fixes de change (devises) ne pourraient probablement pas être démontés sans bousculer les marchés. Arrêter ces régimes normalement entraîne des attaques spéculatives. Plus tard, après avoir observé les effets de la crise financière mondiale en 2007-08, Krugman a suggéré que l’effet de multiplicateur pourrait aussi s’appliquer à la finance internationale. Les institutions financières sont très fragiles quand elles ont trop de crédits et trop peu d’actifs. Quand l’économie stagne, ne serait-ce que dans un seul secteur, ces firmes doivent vendre les actifs, ce qui baisse leur prix sur les marchés. Cette déflation des actifs met de la pression sur la comptabilité des autres firmes. Ceci crée un effet « boule de neige » ou un effet de multiplicateur qui touche sévèrement les marchés financiers.

New Trade Theory (NTT)
Avant les travaux de Krugmant, la théorie sur le commerce (en particulier celle de David Ricardo), mettait l’accent sur le commerce basé l’avantage comparatif des pays qui ont des caractéristiques très différents, tel un pays avec une grande capacité agricole qui échange avec un pays industriel. Cependant, au XXème siècle, de plus en plus de commerce s’effectuait entre des pays avec des caractéristiques très similaires, ce qui est difficile à expliquer. En 1979, Krugman a publié une explication qui suppose deux choses :
que les consommateurs préfèrent un choix diversifié de marques
que la production favorise les économies d’échelle

Les préférences pour la diversité explique la survie de différentes marques de voitures, telles Mercedes et BMW. Cependant, à cause des économies d’échelle, il n’est pas avantageux d’étaler la production des BMW partout dans le monde. La production est donc concentrée dans quelques usines et donc dans quelques pays (et parfois dans un seul). Cette logique explique comment chaque pays peut se spécialiser dans la production de plusieurs marques d’un produit donné, plutôt que de se spécialiser dans différents types de produits. Cette spécialisation peut éventuellement entraîner des désavantages, tels que la dépendance économique d’une industrie ou, dans certains cas, la dégradation de l’environnement.
Home Market Effect (« Effet de marché domestique ») : La théorie de Krugman a aussi pris en compte les coûts de transport, ce qui sera une caractéristique principale de ses recherches plus tard sur la géographie économique. Le Home Market Effect indique que « ceteris paribus, le pays avec la plus grande demande pour un bien, dans un état d’équilibre, produira plus qu’une part proportionnelle de ce produit et sera donc un exportateur net de ce produit. »
New Economic Geography
L’étude de Krugman sur New Trade Theory l’a amené à développer des théories sur la « Nouvelle géographie économique » (NEG). Le Home Market Effect fait que certaines régions produisent une plus grande part d’un produit et, grâce aux économies d’échelle, ces régions produiront plus efficacement et réussiront à attirer encore plus de production. La production deviendra donc de plus en plus concentrée dans certaines régions, et ces régions attireront davantage de migration et deviendront plus peuplée, ce qui augmenteront donc la demande dans ces régions. En d’autres termes, l’interaction entre l’augmentation des rendements, les coûts de transaction et les différences de prix résultera en l’ « agglomération ».
La politique macroéconomique
Krugman est certainement le mieux connu pour ses opinions largement répandues, grâce à ses nombreux articles dans le New York Times, sur la politique macroéconomique et fiscale. Partant des théories de Keynes concernant les liquidity traps (pièges8EFGhiqrs™›¦§¶ÃÐïáïÓ®Ÿ~l[JÉCJOJQJ^JaJ hŸç56CJOJQJ^JaJ&hmB¢h
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 Sur les charlataneries (1807), De l'association domestique et agricole (1822, mais commencé en 1808), Théorie de l'unité universelle (1823 - 4 volumes!), La fausse industrie morcelée répugnante et mensongère et l'antidote, l'industrie naturelle (1835), Le Nouveau monde industriel (1829).
 Résumé de l'histoire du commerce et de l'industrie (1826), Précis élémentaire d'économie politique (1826), Histoire de l'économie politique en Europe depuis les Anciens jusqu'à nos jours (1837), Principes et leçons d’agriculture et d’économie rurale, (1843), Des classes ouvrières en France pendant l'année 1848 (1849).









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