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SOCIOLOGIE DES FEDERATIONS SPORTIVES
La professionnalisation des dirigeants bénévoles
Collection « Logiques sociales »
Denis BERNARDEAU MOREAU
SOCIOLOGIE DES FEDERATIONS SPORTIVES
La professionnalisation des dirigeants bénévoles
Remerciements
Je tiens à remercier tout dabord Monsieur Pierre Parlebas, professeur des universités, pour avoir dirigé mes recherches doctorales durant trois années et apporté les conseils et les critiques indispensables à leur aboutissement. Je tiens à remercier également pour leurs encouragements et leurs conseils Madame Dan Ferrand-Bechman et Monsieur Jean-Pierre Augustin, professeurs des universités, Monsieur Jacques Ion, directeur de recherche au CNRS, toute léquipe pédagogique de lIUP Métiers du sport et en particulier Vérène Chevalier sans qui ce travail aurait été bien plus laborieux encore.
Mes remerciements vont aussi à tous ceux qui, par les entrées quils mont autorisées, les soutiens quils mont apportés, les entrevues et conseils quils mont accordés, ont considérablement facilité mes travaux et guidé mes investigations.
A Jane
Sommaire
Introduction
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Première partie
Sociologie des organisations sportives : Etat de la question
Chapitre 1. Pouvoir et politique dans les organisations sportives
Chapitre 2. De lamateur au professionnel, un bénévolat fédéral en mutation
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Chapitre 3. Essai de détermination dun modèle de cycle de vie des organisations sportives fédérales
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Deuxième partie
Etude de la Fédération Française dEquitation
Chapitre 1. Lhistoire politique et institutionnelle de la fédération déquitation
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Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFE, du lien amateur au lien professionnel
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Troisième partie
Etude de la Fédération Française de Tennis
Chapitre 1. Lhistoire politique et institutionnelle de la fédération de tennis
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Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFT, vers une génération plus technicienne
Quatrième partie
Bénévolat, professionnalisation et militantisme
Chapitre 1. De lexplication communautaire à lexplication utilitaire
Chapitre 2. La crise des identités bénévoles face à la professionnalisation
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Chapitre 3. Le « désenchantement » du militantisme associatif..
Conclusion : Association et bénévolat, quel avenir ?
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Références bibliographiques
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Introduction
La sociologie est « moins un corps de connaissances qui peuvent sapprendre quune attitude à légard des faits sociaux, une façon de poser les problèmes et de les étudier ».
Placés sur la scène médiatique, les sports modernes apparaissent aujourdhui fortement institutionnalisés. Comme le souligne Parlebas, ils représentent « la motricité ludique compétitive approuvée par linstitution » et gérée par des organisations dont la puissance et la lourdeur témoignent du long chemin parcouru depuis les premières pierres posées par les publics schools anglaises. Parmi les organisations qui composent le monde associatif moderne, on compte les fédérations qui, pour certaines, ressemblent à ces bureaucraties analysées par Weber et dautres penseurs après lui. Cest vers ces organisations fédérales que nous avons choisi dorienter nos recherches. Pourtant, ce choix ne va pas de soi tant il est vrai que les modalités de pratique se sont considérablement diversifiées notamment en dehors de tout contrôle institutionnel. Une des explications qui peuvent être avancées pour justifier ce choix est que les fédérations ont été perçues pendant longtemps comme un objet sociologique peu pertinent. Si cela est beaucoup moins vrai aujourdhui puisque les travaux sur les organisations sportives se sont multipliés ces quinze dernières années, il nen reste pas moins que peu de chercheurs se sont intéressés aux acteurs fédéraux qui définissent la politique sportive nationale. A cela, il existe diverses explications notamment que la sociologie du sport a longtemps considéré les institutions sportives comme « des lieux plutôt que comme des structures » mais aussi que, en tant que science sociale fortement liée à celle du travail et des entreprises, la sociologie des organisations a longtemps privilégié une conception économique en terme de richesses et de ressources, excluant de ce fait lensemble des organisations associatives quelles soient sportives, fédérales ou autres. Notre choix de lorganisation fédérale parmi lensemble des organisations sportives sexplique également par le fait que, si elle exerce une influence significative sur lensemble du champ sportif et au-delà sur le champ social, elle connaît aussi depuis peu une profonde remise en cause de sa légitimité associative. Bien que la genèse des sports montre que lorganisation sportive fédérale a joué et joue encore un rôle essentiel dans le développement du sport, celle-ci est le lieu aujourdhui de tensions de plus en plus vives qui la déstabilisent (nannonce-t-on pas dailleurs sa fin et celle des bénévoles qui la dirigent depuis très longtemps sans que cela se vérifie dans la réalité ?). Cest sur ce point que nous souhaitons insister.
Les évolutions des sports indiquent aujourdhui une professionnalisation (terme quil nous faudra définir) de ce secteur et traduisent les difficultés des acteurs traditionnels à répondre aux demandes nouvelles des pratiquants. Chantelat souligne que la professionnalisation de lorganisation sportive revêt de multiples formes. Elle peut être celle des sportifs eux-mêmes qui en vivent de plus en plus (daprès une étude du RUNOPES, le nombre demplois quengendre le sport professionnel peut être estimé à 7 200 dont la moitié serait occupée par les sportifs professionnels), celle des salariés des associations sportives recrutés massivement et qui rationalisent les procédures administratives, celle des techniciens qui perfectionnent les méthodes dentraînement, celle des enseignants qui améliorent les contenus pédagogiques (une première vague de professionnalisation sest faite par le recrutement de techniciens dans les années 60-70 sur linitiative de lEtat, la deuxième vague de recrutement concerne davantage les salariés administratifs et managers dans les années 85-2000), celle enfin des bénévoles qui sinvestissent au point den faire un « second » métier mais qui, aussi, semblent de plus en plus être impliqués techniquement et/ou professionnellement dans le milieu sportif. Ce dernier élément apparaît, de notre point de vue, marquer une des formes déterminantes de la professionnalisation dans les associations sportives. Dès le début de nos enquêtes, nous avons été frappé par la répétition de certains mots dans les propos que nous ont tenu les dirigeants fédéraux, tels que « décentralisation », « professionnalisation », « intérêts personnels », « luttes pour le pouvoir », « logique managériale », « logique dentreprise » ou encore « argent dans le sport ». Tout cela donne à penser (et la presse en fournit des illustrations) que lorganigramme formel et monolithique des organisations fédérales masquerait un organigramme informel fait de luttes de pouvoir et de conflits dintérêts qui témoignerait de la forte politisation fédérale dans un espace en pleine mutation. Partant du problème central que pose la sociologie des organisations, notre intention est de nous interroger sur le devenir des organisations sportives fédérales et des acteurs bénévoles qui les dirigent face à la professionnalisation qui semble remodeler en profondeur le paysage sportif. Mais avant daller plus loin, il convient au préalable de définir un certain nombre de termes qui ont une signification bien souvent ambiguë.
A travers lhistoire des sports, on observe que les tensions ont conduit à opposer le plus souvent les amateurs et les professionnels. Ce clivage est perceptible dès lorigine des sports modernes. Comme lécrit Léziart, « au début du XXe siècle, la France sportive est coupée en deux catégories hermétiques » ; il y a dun côté les pratiquants amateurs des classes aisées et de lautre coté les pratiquants de plus en plus professionnels des classes populaires. Pour les dirigeants de lUSFSA (Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques), lamateur est « toute personne qui na jamais pris part à une course publique, à un concours ou à une réunion ouvert à tout venant, ni concouru pour un prix en espèces ou pour de largent provenant des admissions sur le terrain ou avec des professionnels». Selon une définition plus récente donnée par le CIO (Comité International Olympique), lamateur est celui qui participe sans en retirer un gain matériel, cest celui qui ne reçoit aucune rétribution en échange de sa pratique. Ainsi, lamateur se distingue du professionnel qui, lui, par opposition, fait de lactivité sportive une activité lucrative. Pourtant, une telle distinction montre très vite ses limites. Pour certains, la règle de lamateurisme apparaît très vite injuste parce quelle tend à accentuer les inégalités sociales en excluant les individus qui nont pas à coté les revenus suffisants. Elle apparaît aussi « mystificatrice » car la finalité compétitive et élitiste des sports modernes incite bien souvent les sportifs à faire de leur sport leur activité principale et à percevoir des rémunérations plus ou moins déguisées. Pour ce qui est de la distinction entre lamateur et le bénévole, elle apparaît encore moins évidente. Il y a des similarités et des nuances que seuls lusage commun et la spécificité du champ (culturel, social, sportif) vont contribuer à différencier. Daprès la législation française relative au droit des associations, le bénévolat est le fait de participer à la vie associative « sans contrepartie ni aucune rémunération sous quelque forme que ce soit ». Selon le Code de la Sécurité Sociale (article L 242-1), toute forme de rémunération en espèces ou en nature est exclue. De même, il ne peut exister de lien de subordination entre le collaborateur et les responsables bénévoles de lassociation (notons quun salarié peut exercer bénévolement dès lors quil le fait en dehors de son temps de travail). Si lamateur est donc celui qui exerce une activité sans en faire une profession (au sens de vocation), le bénévole est celui qui agit gratuitement et de son plein grès (il y a là la notion de volontariat) sans rechercher de profit. A ces catégorisations quelque peu ambiguës, il semble que depuis peu un autre discours tende à gagner du terrain ; cest celui qui oppose les formes diverses dengagement militant. Lévolution de lassociation et sa progressive entrepreneurisation alimentent un questionnement quant à lavenir du militantisme et à la perte supposée des grands idéaux sportifs. Cette transformation se révèle être symptomatique dune diversification des projets associatifs et est en mesure daccentuer les tensions entre les cultures militantes bénévoles et professionnelles.
Ainsi, si les débats distinguent classiquement les bénévoles, les amateurs et les professionnels, ils opèrent également une distinction, voire une incompatibilité entre les permanents et les occasionnels, les bénévoles et les salariés, les militants et les non militants, sans quune définition précise soit toujours donnée à chacun de ces mots. Pour clarifier notre sujet et préciser notre domaine de recherche, nous proposons de différencier les individus de la manière suivante : nous considérerons que les rémunérations (précisément celles monétaires) distinguent les bénévoles et les salariés dans la mesure où seuls les seconds les perçoivent (ce qui nexclut pas que le bénévole perçoive un bénéfice symbolique ou social). Nous considérerons que le niveau de spécialisation distingue les amateurs et les professionnels. Ce niveau (quil nous faudra mesurer) est plus élevé chez les seconds dans le champ concerné et pour les tâches exécutées (ce qui signifie que le comptable de profession ne peut être considéré comme un amateur lorsquil est trésorier bénévole dans une association). Le bénévole, selon les compétences quil mobilise dans les fonctions quil occupe au sein de lassociation, peut donc être considéré comme amateur ou professionnel. La disponibilité distingue les permanents et les non permanents dans la mesure où le temps consacré à lengagement bénévole (généralement plus important chez les retraités) détermine bien souvent les niveaux de responsabilités qui sont plus élevés chez les élus (cest-à-dire ceux qui effectuent un mandat électif à lassemblée générale, au comité directeur ou au bureau dune association) que chez les non élus. Ladhésion au projet associatif et le degré dengagement différencient enfin les militants et les non militants ou ceux qui décident de défendre activement une cause et ceux qui lapprouvent en ne participant quoccasionnellement. Cest pourquoi, comme le soulignent les auteurs dune enquête récente, instaurer une « dichotomie » entre le professionnel (le salarié) et le militant comme si lun excluait lautre na pas de sens car on ne peut nier que laction militante peut être conduite tout autant par le professionnel que par le bénévole. Les combinaisons entre les différents critères permettent didentifier plusieurs profils. Dans le cadre de notre étude, nous nen retiendrons que deux : il sagit des dirigeants bénévoles permanents et militants pouvant être considérés, selon leur niveau de spécialisation, soit comme des amateurs, soit comme des professionnels.
Cela signifie que le processus de professionnalisation des dirigeants bénévoles que nous proposons détudier doit être abordé comme un processus visant à une élévation et à une spécialisation des compétences. Pour de nombreux chercheurs, cest cette définition de la professionnalisation qui est retenue. Chez Weber, la professionnalisation suppose la spécification et la spécialisation de prestations au sens de « répartition des métiers dans les entreprises rationnelles modernes ». Pour Marchal ou Chelladurai, elle renvoie aux notions de compétences et de spécialisation. Elle nécessite « une formation prolongée et spécialisée qui conduit à lexpertise et à la compétence dans un domaine précis ». Pour Boudon et Bourricaud, elle marque « une tendance à la qualification, qui va de pair avec le mouvement de scolarisation ». Ce processus peut, dans certaines circonstances, conduire à la constitution de professions, terme que nous définissons comme linstitutionnalisation de métiers par un « ensemble de personnes oeuvrant à des fins lucratives et selon des techniques communes ». Le processus de professionnalisation implique alors, comme le soulignent Akoun et Ansart, la mise en place dun plan de carrière négocié et dune « communauté de pairs dotés des mêmes compétences, portés par un même idéal de service et obéissant à des règles de fonctionnement communes ». Ion rappelle que ce processus peut être perçu « comme exigence à la fois de rationalisation du fonctionnement dune organisation, de mobilisation de compétences avérées et comme constitution de corps professionnels ».
Notons que notre approche peut se révéler complémentaire avec dautres études conduites sur la professionnalisation sous langle des sportifs de haut niveau ou encore des pratiquants qui du stade damateurs lorsquils abordent lactivité passent au stade de professionnels en améliorant leurs performances sportives et en obtenant des diplômes dont ils font un usage professionnel (cest-à-dire une activité lucrative).
Ce nouvel âge dont parle Callède, cette période de mutation dont parle Laville, semblent déjà bien avancés et en mesure de permettre lavènement dun nouvel état annonçant une nouvelle configuration du monde sportif, une configuration plus professionnelle et aussi plus entrepreneuriale. Comme le fait déjà Chifflet en 1990, « on peut alors se poser la question de savoir si le type dorganisation fédérative, mis en place à la fin du 19e siècle et tout au long du 20e siècle, est adapté à la situation sociale et culturelle française actuelle ». Nous voulons montrer que les fédérations ne peuvent éviter la transformation de leur mode de fonctionnement associatif (dont le cadre juridique impose une finalité non lucrative) et cela passe par une définition ou une redéfinition de leur projet organisationnel. Même si la lecture de lorganigramme semble illustrer une répartition harmonieuse du pouvoir entre les dirigeants bénévoles, même si les instances sportives revendiquent une image idéalisée de leur organisation, « à lintérieur dun consensus « global » (gérer et développer un sport), la vie quotidienne, rappelle Chifflet, est faite de conflits de pouvoir, conséquentes de stratégies non concordantes ». De ce fait, lorganisation fédérale, dont nous postulons quelle sinscrit dans un cycle de vie composé de phases successives dévolution, peut être étudiée comme nimporte quelle organisation politique où se déroulent des jeux de pouvoir et dinfluence. Au sein de ces organisations, les acteurs qui les dirigent et les font vivre réagissent différemment à lévolution des sports, à leur marchandisation et leur entrepreneurisation. Nous pensons que la professionnalisation, qui semble sopérer au sein des instances fédérales, concerne aussi les dirigeants bénévoles. Cela pose en particulier le problème du statut du bénévole, dont larticulation entre amateurisme et professionnalisme alimente le débat sur son mode de gestion considéré à tort ou à raison comme désintéressé. Quel peut être lavenir de lassociation et du bénévolat ? Lamateurisme a-t-il encore une place dans les organisations fédérales ? Au-delà de ces questionnements, cest aussi la diversification des modalités dengagement militant que nous voulons étudier. Lengagement et la participation à la politique fédérale ne sont-ils pas de plus en plus le fait des professionnels ? Cela nillustre-t-il pas la progressive dilution ou en tout cas la transformation des grandes idéologies sportives et militantes ? Ce sont toutes ces différentes postures qui caractérisent désormais les dirigeants bénévoles et dont les liens à lactivité peuvent être amateurs ou professionnels que nous voulons interroger.
Notre travail ci-après exposé distingue quatre parties. La première partie est une approche principalement théorique de lorganisation fédérale et du bénévolat. Notre intention est de repérer lensemble des concepts issus de la sociologie des organisations et réinvestissables dans notre sujet détude en articulant lapproche systémique et lapproche individualiste. Elle vise ainsi à faire létat des connaissances actuelles en sociologie des organisations sportives. Cette rapide rétrospective théorique doit nous permettre douvrir le débat et de poser notre problématique et nos hypothèses de travail. Pour y répondre, nous étudierons deux fédérations sportives, celle déquitation (deuxième partie) et celle de tennis (troisième partie). Dans un premier temps, il sagira de contextualiser lhistoire politique et institutionnelle de chacune de ces fédérations et de déterminer les grandes étapes de leur construction. Dans un second temps, nous réaliserons une analyse sociologique des dirigeants bénévoles qui les gouvernent et étudierons la nature de leurs relations au sommet de léchelle fédérale. Il sagira principalement de nous interroger sur les formes de professionnalisation agissant sur les dirigeants fédéraux élus à des postes clés au sein de ces deux fédérations. Enfin, une quatrième partie tentera de synthétiser lensemble des connaissances accumulées précédemment sur les processus de professionnalisation et les formes nouvelles dengagement militant qui semblent en émerger. Nous partirons dune étude comparative sur la base de la totalité de léchantillon issu de nos deux études de cas pour tenter dinterpréter lévolution de lorganisation fédérale dans un période qui impose larticulation de plusieurs logiques de fonctionnement à la fois associative et entrepreneuriale. En voulant démontrer que les organisations sportives fédérales ne sont pas différentes des autres organisations évoluant dans dautres espaces sociaux, nous voulons aussi porter notre réflexion sur les scénarios possibles dévolution de lensemble du tiers secteur et de ceux qui les animent et militent en leur sein.
Première partie
Sociologie des organisations sportives : Etat de la question
Cette première partie est une approche avant tout théorique. Elle comprend trois chapitres. Il sagit dans un premier temps de faire létat des recherches en sciences sociales réalisées sur les organisations sportives associatives et fédérales. Nous verrons que ces recherches, quil est possible de ranger dans deux grandes catégories, se sont multipliées depuis les années 90 (chapitre 1). En précisant notre problématique et en proposant quelques hypothèses de recherche, nous tenterons ensuite de justifier nos choix méthodologiques et de présenter les différents protocoles denquêtes susceptibles de nous éclairer sur la professionnalisation des dirigeants bénévoles (chapitre 2). Enfin, les éclaircissements nécessaires et préalables à lanalyse de nos deux études de cas nécessiteront dans un dernier chapitre que nous construisions un modèle de cycle de vie des organisations fédérales pour vérifier si les fédérations soumises à analyse peuvent sinscrire dans cette construction théorique et confirmer ainsi leur entrée progressive dans la phase de professionnalisation (chapitre 3).
Chapitre 1. Pouvoir et politique dans les organisations sportives
Chifflet rappelle que létude des organisations sportives peut se faire selon deux approches complémentaires : lapproche systémique abordant lorganisation sportive comme un système évoluant dans un environnement et qui peut être analysé à travers les forces et les tensions qui le travaillent et le transforment, lapproche individualiste par les acteurs sintéressant aux interrelations, aux jeux de pouvoirs et rapports de forces entre les acteurs composant ce que Crozier et Friedberg ont dénommé des « systèmes daction concrets ». Nous allons donc aborder successivement, sans prétendre à lexhaustivité, lensemble des recherches conduites en sociologie des organisations sportives selon ces deux perspectives.
1. Lapproche par lorganisation
Les premières études sur lorganisation sportive ont abordé cette dernière sous un angle plutôt institutionnel et politique. Brohm voit
dans le sport un appareil idéologique dEtat qui « véhicule des valeurs hiérarchiques, élitistes et autoritaires » des classes bourgeoises dominantes. Pour Augustin, il faut voir aussi dans lhistoire des sports des espaces géographiques de pratiques où sopposent les courants politiques républicains dun côté et catholiques de lautre. Lhistoire du sport est lhistoire de son rapport avec les Etats mais aussi de son institutionnalisation. Parlebas souligne que les institutions fédérales, en imposant leurs règles sportives, évitent lanarchie et le désordre et sattèlent à « verrouiller lunivers sportif de telle sorte que puisse y régner un ordre olympien ». Le sport porte le sceau de linstitution. Pour lui, lhistoire du sport, cest entre autres lhistoire dune quadruple domestication. La domestication des lieux traduit leur « métrisation » (dimension de lespace de jeu, des terrains, etc.) et une « standardisation de plus en plus poussée de lespace ». La domestication des liens se traduit par une canalisation pacifique des débordements de violence existant dans toute confrontation. La domestication concerne aussi les liants dans la mesure où la technologisation du sport montre une multiplication des normes des accessoires et matériels liés à la pratique de tel ou tel sport. Enfin, la domestication des temps sexprime par le fait que « la temporalité sportive sest rationalisée à outrance ». Pourtant, affirme lauteur, linstitution notamment fédérale ne peut être la seule dépositaire des valeurs sportives. Gasparini identifie les différents états de la genèse des organisations sportives et, sinspirant de Weber, étudie les types dautorité et de pouvoir exercés par les dirigeants dassociations strasbourgeoises. A lorigine, les valeurs sportives sont proches de celles du système social (comme la croyance au progrès). Puis linstitution fédérale privée se développe et voit deux logiques coexister, la logique associative et la logique de service public. Avec les années 70 qui annoncent les changements profonds de lenvironnement sportif et une rupture progressive avec le sport coubertinien, Gasparini distingue trois grands secteurs socio-économiques : le secteur privé non marchand des associations, le secteur privé marchand des entreprises et sociétés et le secteur public de lEtat et des collectivités territoriales. En partant de lobservation des types de pouvoir exercés par les dirigeants dassociations de la région strasbourgeoise, Gasparini montre que lautorité nest pas la même pour tous, ni exercée de la même façon. Reprenant les travaux de Weber, il distingue ainsi lautorité associative de type légal, lautorité associative de type traditionnel et lautorité associative de type charismatique. Il souligne que lengagement bénévole des dirigeants sert parfois leur activité professionnelle. Il prend lexemple des dirigeants issus du monde des affaires ou de lentreprise qui cherchent à acquérir un capital symbolique dans lassociation pour le réinvestir dans leur travail. Pujol souligne le risque de ce quil appelle le « cercle vicieux associatif » qui peut toucher toutes les associations et notamment les plus grandes. Pour servir leur vocation, les associations doivent développer leurs structures et risquent alors de ne plus servir que le bon fonctionnement de leurs structures en se détournant de leur vocation : « Une menace dimportance est la sclérose que lon trouve dans de grandes structures déjà anciennes qui se sont professionnalisées et ont perdu un peu de leur esprit initial. Le moteur de la sclérose réside dans la transformation des buts. Ils ne sont plus centrés sur la seule vocation, mais sur le service de lassociation elle-même ». Notant le manque bien souvent constaté de réelle démocratie interne (encouragé dailleurs par les adhérents qui sinvestissent peu), lauteur relève que lassociation a été conçue à lorigine pour être gérée par des bénévoles. Le fait de faire entrer des salariés modifie le jeu des acteurs et peut provoquer des tensions et « un éloignement de fait entre les acteurs ». Il tente didentifier des types de relations (ou configurations) entre les bénévoles élus, les bénévoles non élus et les salariés. Bayle, pour sa part, adopte une approche plus gestionnaire pour caractériser les comportements stratégiques et organisationnels des fédérations sportives. Voulant illustrer le rapprochement du modèle associatif et du modèle de lentreprise, il dresse des profils ou radars de performance de plusieurs fédérations. Lauteur souligne par ailleurs la grande stabilité des organes dirigeants des fédérations sportives et lexplique par ce verrouillage du système électif. Si déjà en 1964, Magnane sinquiète des dérives qui mettent à mal le système démocratique dans les fédérations sportives, Bayle prend lexemple des élections de 1996 où seuls 5 présidents sur 29 fédérations olympiques et 15 sur 53 fédérations non olympiques ont changé. Pour lui, la fonction présidentielle relève de « stratégies denracinement ». Il reprend les types de noyaux stratégiques que Mayaux (cf. infra) identifie dans les associations nationales pour établir à son tour quatre modes de « gouvernance » dans les fédérations sportives : le type présidentiel fort où le président a un fort pouvoir de décision et dinfluence, le type présidentiel couple (ou le noyau tandem président/directeur) où le pouvoir est partagé entre le président et un acteur permanent souvent le Directeur technique national (DTN), le type présidentiel éclaté (ou noyau alliance/fragmenté) où le président sentoure dune équipe de directeurs salariés se répartissant les tâches et quil coordonne, le type présidentiel managérial où le noyau est dominé par le directeur administratif ou le directeur technique.
Si tous ces travaux soulignent le caractère politique du sport et, à travers linstitutionnalisation fédérale, la remise en cause des valeurs démocratiques associatives, un autre point va être lobjet de nombreuses investigations ; cest celui de lévolution bureaucratique et professionnelle de lorganisation sportive depuis les années 80. De nombreux sociologues des organisations constatent linéluctable bureaucratisation des grandes associations sportives et leur progressive professionnalisation. Les conflits quelles engendrent alimentent très tôt le débat quant au devenir des organisations sportives associatives dont la professionnalisation notamment remet en cause la nature non lucrative. Des auteurs comme Kikulis et Al étudient les fédérations canadiennes et parviennent à la conclusion que les changements quelles connaissent les conduisent à prendre la forme dune bureaucratie professionnelle telle que la décrite Mintzberg. Slack relève que la standardisation et la formalisation de leurs procédures ainsi que le recrutement massif de professionnels qualifiés tendent à déposséder les bénévoles de leurs pouvoirs au bénéfice des professionnels (cette professionnalisation et ses conséquences, précise lauteur, ont été voulues dans les années 70 par lEtat, qui en subventionnant massivement les associations, a permis à ces dernières de recruter un grand nombre de professionnels salariés jusque dans les années 90). Pour lauteur, la bureaucratisation des organisations sportives associatives est la conséquence de larrivée de professionnels. Lorganisation tend alors à se rapprocher du modèle mintzbergien professionnel (cf. Mintzberg infra), « ce qui a pour effet de supprimer des fonctions bénévoles » et daccroître la spécialisation (plus technique, note lauteur, quadministrative) et la complexification de lorganisation. Cela étant, lauteur temporise la prise de pouvoir des professionnels. Si ce pouvoir est fortement décentralisé auprès des professionnels à plus forte raison dans une organisation très bureaucratisée, il note que les bénévoles restent maîtres des processus de prises de décisions. Chelladuraï pense aussi que lorganisation sportive se rapproche de la bureaucratie professionnelle tout en rappelant que le professionnalisme suppose spécialisation et compétence et quil convient de dépasser la distinction entre bénévoles et professionnels car tous peuvent avoir un haut niveau de compétence et de spécialisation. Pour lui, la bureaucratie et la professionnalisation sont complémentaires et ne sont pas nécessairement un mal dans le sport. Reprenant la typologie des configurations de Mintzberg, des auteurs comme Theodoraki et Henry analysent 34 fédérations sportives anglaises et concluent eux aussi quelles tendent vers des types de configurations bureaucratiques et professionnelles. Koski et Heikala, à travers létude des fédérations finlandaises, montrent que lévolution de ces dernières passe par la combinaison de leur forme associative et de leur forme professionnelle. Pour eux, ce processus mène les fédérations vers la forme dorganisation mêlant ces deux types de rationalités. Horch est plus pessimiste et annonce la mort des clubs sportifs allemands qui, subissant des transformations, entrent dans un processus dautodestruction en devenant plus bureaucratiques, plus professionnels, plus oligarchiques. Pour lui, lassociation sportive à lorigine peu formalisée connaît un processus de professionnalisation et de bureaucratisation sous leffet de lindividualisation de la pratique et de la commercialisation du sport.
Si beaucoup dinvestigations sont dorigine anglo-saxonne, les travaux en France vont se multiplier ces dix dernières années. De nombreux chercheurs reprennent les travaux de Mintzberg sur les entreprises pour les adapter aux milieux associatifs sportifs. Ainsi, Durand tente dadapter les configurations mintzbergiennes aux clubs professionnels de football et présente un modèle de cycle de vie des clubs professionnels. Il reprend ainsi le modèle de base de lorganisation proposé par Mintzberg pour lappliquer aux clubs professionnels. Le sommet stratégique est composé des présidents de clubs et des dirigeants salariés dont les savoirs et savoirs-faire sont appréciés aux résultats de léquipe. La ligne hiérarchique qui relie le sommet et la base est constituée des entraîneurs, directeurs sportifs et directeurs commerciaux. Ils sont les cadres intermédiaires que Durand sépare en personnels administratifs et en personnels techniques. Les opérateurs sont les sportifs salariés ou indépendants, devenus les « mercenaires » du club qui les emploie. Selon le type de coalition externe (dominée, passive et divisée, cf. Mintzberg), Durand propose de ranger les clubs professionnels dans cinq configurations ou coalitions internes : celle personnalisée, celle bureaucratique, celle idéologique, celle professionnelle et celle politisée. Il propose en définitive un cycle de vie des clubs sportifs professionnels dont la forme peut varier selon lintensité des conflits politiques internes et externes. Boncler reprend aussi le modèle des coalitions externes et internes de Mintzberg pour montrer que les associations non marchandes privées tendent inéluctablement à la professionnalisation où le pouvoir finit par être détenu par les salariés. Pour lui, les usagers et les adhérents, sils peuvent avoir une grand influence sur les dirigeants associatifs, forment pour lessentiel la coalition externe dans la mesure où bien souvent ils sinvestissent peu dans lassociation. La coalition interne se compose des membres exerçant des responsabilités dans lassociation. Boncler les distingue selon trois critères : largent, le temps et le projet social. Largent sépare les bénévoles des professionnels salariés, le temps sépare les permanents des non permanents, le projet social sépare les militants des bénévoles. Ainsi, il note que les lignes de fractures entre les membres de la coalition interne peuvent venir de la présence de ces catégories dindividus. Boncler reprend le schéma du cycle de vie des associations proposé par Rochet pour montrer que lassociation a besoin sans cesse de renouveler son projet. Il prend lexemple de léducation populaire pour illustrer ce cycle de vie. A sa naissance, lassociation est composée de volontaires, de bénévoles très motivés. Puis, au stade de sa croissance, lassociation grandit, ses membres sont de plus en plus nombreux mais « moins motivés que les militants du début ». De plus en plus spécialisés, ils deviennent des permanents payés par lassociation. Dans le stade de la maturité, les salariés deviennent prépondérants, ce sont eux qui font marcher la maison. Dans la phase de déclin, le pouvoir est aux mains des salariés et des quelques bénévoles du bureau. A sa mort, lassociation perd son caractère novateur pour devenir une institution comme les autres. En définitive, Boncler veut montrer que lévolution des associations les conduit à ce que les pouvoirs détenus au début par les bénévoles militants, finissent par être aux mains des salariés permanents. Nizet et Pichault définissent quatre systèmes dinfluence dans les organisations sportives : le système de contrôle personnel localise le pouvoir au sommet stratégique et exerce une coordination par supervision directe ; le système des compétences spécialisées donne le pouvoir aux opérateurs qui se coordonnent par la standardisation des qualifications ou par lajustement mutuel ; le système de contrôle bureaucratique repose pour sa part sur la standardisation par les analystes des procédés de travail et des résultats ; le système de contrôle idéologique revient à situer le pouvoir chez les analystes de lidéologie exerçant une coordination par la standardisation des normes. Mayaux étudie les relations de pouvoirs entre les dirigeants bénévoles et les dirigeants salariés. Il part de lhypothèse, à partir des configurations de Mintzberg, que les associations (OBNL ou organismes à but non lucratif) sont un « équilibre maîtrisé » entre une configuration missionnaire de conversion et une configuration politique. Elles sont missionnaires par leur vocation à agir sur le monde et à vouloir le convertir à certaines valeurs et elles sont politiques par la présence des bénévoles, des salariés et des tensions qui peuvent en résulter en terme dexercice du pouvoir. Pour lauteur, cette « configuration missionnaire-politique » est nécessaire pour alimenter les débats, maintenir lorganisation dans laction. Lauteur va sintéresser plus particulièrement à lapproche politique de lorganisation au niveau notamment de son noyau stratégique dans lequel il sépare la sphère des bénévoles et la sphère des salariés. Il identifie sept types de noyaux stratégiques : le noyau dominé par le président, le noyau dominé par le directeur, le noyau « tandem » président-directeur, le noyau « tandem élargi » au bureau directeur, le noyau « polarisé bénévoles », le noyau « polarisé salariés » et le noyau alliance/noyau fragmenté (où le pouvoir est détenu officieusement par le noyau alliance et non pas par linstance officielle en réalité fragmentée et divisée). Chantelat, pour sa part, voit, dans les conflits qui peuvent éclater entre les dirigeants, la confrontation de deux cultures : celle de lamateurisme à la fois traditionnelle et basée sur le désintéressement et celle managériale des nouveaux dirigeants.
Ainsi, tous ces chercheurs saccordent pour conclure que les organisations se professionnalisent et que les conflits que ce processus génère opposent bien souvent les bénévoles permanents ou non et les salariés professionnels, les premiers tendant à perdre leur pouvoir au bénéfice des seconds. Ces réflexions conduisent logiquement à ce que les sociologues sinterrogent sur les stratégies et comportements des acteurs composant les organisations.
2. Lapproche par lacteur
Conscients des limites dune approche trop globale par la seule prise en compte des caractéristiques organisationnelles, des chercheurs vont adopter une approche plus stratégique en étudiant les rapports de coopération mais aussi dopposition entre les acteurs dirigeants, ceux élus investis des fonctions politiques, ceux gestionnaires exerçant des fonctions administratives et ceux techniciens exerçant des fonctions techniques. Encore aujourdhui, cette perception du monde associatif à travers le pouvoir exercé notamment par les bénévoles et les stratégies visant à le conserver est en général mal reçue par le milieu associatif prônant le désintéressement et le dévouement à la chose sportive.
Yerles analyse les stratégies et motivations de deux groupes de dirigeants, les élus et les techniciens dans deux fédérations françaises et deux fédérations québécoises de tennis et de volley-ball. Lauteur montre ainsi que les fédérations ne sont pas monolithiques et que les stratégies développées par les groupes dacteurs ne sont pas nécessairement les mêmes. Ces stratégies sont davantage des stratégies dopposition entre des groupes dintérêt divergents. Chifflet va sinspirer des travaux de Crozier et de Bernoux pour analyser les jeux de pouvoirs dans les fédérations sportives et leurs logiques de fonctionnement. Il définit trois types de « culture organisationnelle » : la culture associative des élus sappuyant sur lesprit fédéral, la culture de service public des cadres fonctionnaires mis à disposition par lEtat et la culture managériale de la méritocratie, de la performance et de la rentabilité des managers et des experts. Lauteur note que dans les discours des dirigeants fédéraux apparaissent ces trois types de culture mais que cest la dernière qui pose le plus de problème car elle privilégie le spectacle et la professionnalisation. Malenfant note que lengagement bénévole nest pas près de disparaître malgré les prédictions qui annoncent la fin du travail volontaire, simplement, il se modifie et se professionnalise. Pour cet auteur, les formes nouvelles que prend le travail volontaire indiquent lémergence dun « néo-bénévolat » et de « nouvelles formes de sociabilités sportives ». Cauvin souligne lopposition entre la logique du politique et celle du gestionnaire qui « entraîne souvent lémergence dun combat idéologique ». Ramanantsoa et Thiéry-Baslé établissent un diagnostic des fédérations sportives sur leurs stratégies, leurs structures, leurs modalités de prises de décision et leurs valeurs culturelles. Les auteurs émettent lhypothèse que si les fédérations sont fortement attachées à une idéologie associative, les enjeux économiques sont devenus aussi importants quincontournables. Dans ce rapprochement de lassociation et de lentreprise, les fédérations connaissent « un nouvel état des rapports sociaux (et) ceci passerait par la recherche dune autre modalité daction collective apte à se reconnaître tout aussi managériale quassociative ».
Moingeon propose une approche socio-économique pour aborder la fédération sportive prenant en compte à la fois la portée économique des individus mais aussi celle stratégique des acteurs. Il observe que les processus électoraux dans la fédération des sports de glace procèdent de « filtres électifs » permettant de réduire limprévisibilité des résultats. Il observe également lutilisation par les dirigeants de « mécanismes de prise de décision de façon « tactique » pour détourner le jeu démocratique à leur avantage. Il reprend la grille de lecture des organisations utilisée par Ramanantsoa et Thiéry-Baslé pour montrer que la structure de lorganisation laisse apparaître une lutte dinfluence entre les comités sportifs qui la composent. Il note que, de tous les comités sportifs, le hockey est le mieux doté, cest là quil y a le plus de chefs dentreprise tentés par une gestion autoritaire de la fédération et le plus de professionnels. Cest aussi ce comité qui détient le plus de postes au comité directeur, lequel a en réalité peu de pouvoir face à des comités sportifs bien plus autonomes que le laisse supposer lorganigramme formel. Pour Suaud, le pouvoir tend à être monopolisé par un groupe social dirigeant qui investit les postes de direction « à partir desquels il (est) possible dagir concrètement sur les formes à donner à la pratique et dimposer des valeurs et des significations sportives conformes à leur ethos de classe ». Rundstadler sintéresse à six clubs de tennis de Grenoble. Il constate que le monolithisme fédéral impose aux clubs un modèle compétitif qui apparaît paradoxal alors que le nombre de structures commerciales augmente. Lesprit club, note-t-il, a disparu. Sinspirant des travaux de Chifflet, il analyse les clubs de tennis à partir de trois approches différentes mais complémentaires : celle systémique prend en compte la structure formelle mais aussi informelle de lorganisation, celle stratégique considère les stratégies des acteurs de lorganisation (lauteur distingue des logiques dactions différentes entre les dirigeants et les moniteurs. Pour lui, les dirigeants présentent quatre types de logiques dactions : celle associative, celle entrepreneuriale, celle environnementale et celle professionnelle alors que les moniteurs sinscrivent dans une logique daction essentiellement professionnelle qui peut être associative ou fédérale), enfin celle interactionniste (inspirée de Goffman sur les jeux de mise en scène des acteurs) permet à Rundstadler de décomposer les formes dappropriation de lespace des moniteurs, leurs rites et leurs façons de se présenter et se représenter. Lobjectif de lauteur est de montrer que les dirigeants et les moniteurs forment des groupes dacteurs dont les intérêts sont certes différents, voire opposés, mais dont le but est commun et les rejoint : celui de développer lassociation (ces logiques daction des dirigeants de Rundstadler peuvent être dailleurs rapprochées de celles de Bayle distinguant lassociation fermée, lassociation entreprise de services marchands et lassociation gestionnaire de service public).
Loirand note que les bénévoles constituent souvent « une administration de notables » (au sens weberien du terme, cest-à-dire des individus qui jouissent dune estime sociale importante). Il souligne, à la suite de Bourdieu, que les actes accomplis par les agents sociaux ne sont jamais gratuits. La professionnalisation notamment de lencadrement technique constitue une menace pour le pouvoir (quil qualifie de patrimonial) exercé par les bénévoles dirigeants. Pour cet auteur, le système délection dans les associations sportives est un « système circulaire délection cooptation (consistant) à entretenir le bénévolat ou, mieux, lethos bénévole » et à se préserver de linfluence grandissante des techniciens professionnels. Dailleurs, en avril 2000, le rapport « Asensi » (du nom du Député François Asensi, mandaté par le premier ministre et le ministre de la jeunesse et des sports) insistera sur la nécessité daméliorer la démocratie sportive fédérale notamment dans la désignation des représentants des assemblées générales des fédérations. Les propositions de ce député conduiront le législateur à modifier la loi sur le sport. Sinspirant des travaux de Bourdieu, Walter veut étudier les logiques de lengagement bénévole dans les associations et établir une « homologie structurale » entre la trajectoire sociale du bénévole (PCS, position sociale, capital sportif) et la logique quil donne à son engagement bénévole. Pour elle, il ny a pas un esprit bénévole, un corps de valeurs et de moralité propre au bénévole mais en réalité plusieurs « illusio » ou représentations de la signification donnée à lengagement bénévole. Walter établit deux types de positions du dirigeant bénévole : celle centrale et celle périphérique. La position centrale correspond au bénévole détenant le plus de pouvoir (président, membre du comité directeur) et concerne surtout les PCS supérieures. Ce bénévole rejette la professionnalisation et revendique son attachement à lamateurisme et au « sens des responsabilités collectives ». La position périphérique (encadrant, animateur) concerne davantage les PCS moyennes et intermédiaires. Les bénévoles ont un intérêt plus personnel dans leur engagement, « dans le sens où ils ne se définissent pas prioritairement en fonction de lintérêt collectif du club ». En dautres termes lespace associatif nest pas isolé et différent des autres espaces sociaux composant la société.
La grande diversité en peu de temps des études sur les organisations sportives sexplique par le fait que lorganisation sportive néchappe pas plus que les autres organisations aux phénomènes de pouvoir et aux problèmes de son adaptation à un environnement évolutif. Cest pourquoi les apports considérables de la sociologie des organisations doivent nous aider à comprendre lorganisation sportive, et pour ce qui nous concerne plus particulièrement, celle fédérale à travers ces processus de bureaucratisation et de professionnalisation et à travers les formes de relations qui sétablissent entre les bénévoles, les amateurs et les professionnels.
Chapitre 2. De lamateur au professionnel, un bénévolat fédéral en mutation
Si notre approche se veut holiste au sens où il sagit de réfléchir sur lévolution de la fédération comme organisation politique influente et sur son adaptation contingente à un environnement plus ou moins favorable, notre approche se veut aussi individualiste et intéressée aux formes nouvelles dengagement qui semblent émerger du processus de professionnalisation du dirigeant bénévole. Cet intérêt paraît dautant plus justifié aujourdhui quun néobénévolat semble saffirmer depuis peu dans le milieu sportif associatif.
1. Un pouvoir bénévole monopolistique mais pas monolithique
Si, comme le souligne Gasparini, ce nest que depuis le début des années quatre-vingt-dix que la sociologie des organisations sportives représente « un pôle particulièrement productif au sein de la sociologie du sport », dès 1987, Chifflet constate la faiblesse des connaissances notamment sur le système fédéral alors que celui-ci subit de plus en plus de « concurrences externes et enregistre des luttes internes » . Chifflet rappelle que lanalyse des fédérations ne peut se suffire dune simple approche institutionnelle et juridique : « il faut aussi considérer une fédération comme étant une organisation qui, à ce titre, est le lieu dinfluences réciproques entre ses membres ». En préconisant très tôt de recourir aux connaissances de la sociologie des organisations pour étudier la fédération, Chifflet veut réfléchir à la nécessaire adaptation de lorganisation sportive fédérale à un environnement marqué par lexplosion du loisir sportif lamenant à une redistribution profonde de sa « carte des pouvoirs ». Le fait que cette organisation connaisse une transformation de son mode de fonctionnement en raison dun environnement perturbé qui loblige à sadapter, ne peut manquer, de ce fait, dinterroger le sociologue des organisations. Pour Dahl : « Un système politique est nimporte quel ensemble constant de rapports humains qui impliquent, dans une mesure significative, des relations de pouvoir, de gouvernement ou dautorité ». Cette définition concerne les organisations sportives. Soumises à un cadre juridique important, les fédérations nationales présentent toutes un mode de fonctionnement relativement commun. Délégataires dune mission de service public, elles occupent de fait une position de monopole conférant à leurs dirigeants bénévoles une autorité sur lensemble du système sportif. Pourtant, si cette position monopolistique place les dirigeants bénévoles de ces fédérations dans un rapport privilégié de domination sur lensemble des sports institutionnalisés, on observe que depuis quelques années, cette position est appelée à évoluer. Dans un environnement plus perméable à la marchandisation du sport et où leffacement remarqué de lagent public permet à lacteur économique dentrer de plus en plus ouvertement en concurrence avec lacteur associatif, le pouvoir bénévole est de plus en plus remis en cause de lextérieur et connaît en son sein des dissensions.
2. Entre amateur et professionnel, un pouvoir bénévole convoité
Les dirigeants bénévoles forment des groupes dintérêt, ne serait-ce que pour défendre leurs positions et leurs acquis. La concentration du pouvoir par ces bénévoles et les stratégies pour la maintenir peuvent sexpliquer dautant plus que les fédérations connaissent depuis plusieurs années une montée en puissance des professionnels susceptibles de modifier la carte traditionnelle des pouvoirs. Ces concurrents potentiels, qui vivent du sport, expriment de plus en plus le souhait de participer à la politique fédérale. Pour certaines fédérations comme celles de golf, de squash ou déquitation, le droit de vote, sil était pleinement reconnu aux professionnels dirigeants les structures commerciales affiliées, pourrait remettre en cause la nature non lucrative de lorganisation fédérale (les deux tiers des centres équestres, par exemple, sont des structures commerciales, les trois quarts des clubs affiliés à la fédération de golf sont aussi des structures commerciales). Bien que la législation évolue, le caractère associatif empêche pour le moment ces professionnels de peser politiquement dans les fédérations. Ils forment, pour la plupart, ce groupe de prétendants au pouvoir dont parle Dahl lorsquil différencie trois groupes dacteurs selon le degré dengagement : les apolitiques, les aspirants au pouvoir et les détenteurs du pouvoir. Pour cet auteur, cest parce que la vie des hommes en société amène ces derniers à développer des relations dinfluence quen se stabilisant, ces relations créent des organisations politiques. A lintérieur de ces systèmes politiques, les hommes nont pas tous le même investissement dans les relations politiques.
Dans lorganisation fédérale, on peut considérer que la strate apolitique se compose des adhérents et licenciés « passifs » (lauteur évoque le désintérêt ou lexclusion) soit parce quils sont peu intéressés à la vie politique de leur fédération (leurs seules motivations étant la pratique de leur sport à un niveau plus ou moins élevé ou laide bénévole occasionnelle), soit parce quils sont exclus du vote comme ça peut être le cas des professionnels et des salariés. Ce « filtre électif » dont parle Moingeon permet déviter une remise en cause du pouvoir bénévole par les professionnels. La strate politique se compose de ceux qui en revanche sintéressent à la vie politique. Cette strate comprend à son tour deux sous-strates, celle des aspirants au pouvoir et celle des détenteurs du pouvoir. Ces deux sous-strates sont distinctes comme le rappelle Dahl : « Aspirer au pouvoir et prendre le pouvoir sont deux choses tout à fait différentes ». En général, ceux qui détiennent le pouvoir politique constituent un noyau dur de dirigeants en place durablement et peu disposés à le partager avec ceux qui aspirent à lexercer, doù les conflits qui peuvent naître de ces rapports de force. Dans le cas de la professionnalisation du sport qui nous intéresse, on peut légitimement ranger parmi les détenteurs du pouvoir électif et donc politique les dirigeants bénévoles amateurs et parmi les aspirants les professionnels dont certains aspirent à plus de légitimité en se faisant élire à des postes de dirigeants bénévoles.
Il est dailleurs intéressant de souligner que les dirigeants bénévoles en poste sont souvent des retraités ou des cadres de la fonction publique, peu dentre eux, compte tenu de la disponibilité que requiert lengagement bénévole à ce niveau, sont des actifs du secteur privé. Le journal Le Monde relève que sur 29 fédérations olympiques, un tiers est présidé par des retraités, un autre tiers est issu de la fonction publique et le tiers restant vient du secteur privé mais, comme le note le journaliste, peu de ce dernier tiers parviennent à se maintenir en poste de fait du manque de disponibilité des dirigeants. La moyenne dâge semble augmenter en même temps que les responsabilités sont plus lourdes attestant dun vieillissement de la population exerçant les plus hautes fonctions (ce qui nest pas, de lavis de certains responsables du ministère des sports, sans poser des problèmes lorsquil devient nécessaire de moderniser le système sportif fédéral). Cest ce que constate aussi La Lettre de léconomie du sport, qui souligne « le coup de vieux » des présidents de fédération. Larticle établit que la moyenne dâge des présidents passe de 55 ans en 1997 à 57 ans en 2001 pour un nombre moyen de mandats estimé à deux. Notons aussi que les postes de dirigeants laissent peu de place aux femmes. Larticle précédemment cité souligne que seules quatre présidences sont effectuées par des femmes en 2000.
Le but de notre travail est de nous interroger sur les conséquences de la professionnalisation sur les pouvoirs exercés par les dirigeants. Entre les dirigeants bénévoles en poste (dont on peut supposer quune grande partie est constituée damateurs) et les dirigeants professionnels en phase dascension et qui veulent trouver par le processus électoral une reconnaissance légale, les rapports de force sont parfois importants parce que leurs intérêts peuvent différer, parce que les liens qui les unissent à lactivité fédérale peuvent être multiples, parce que les enjeux politiques sont aussi des enjeux économiques. Le contexte ainsi posé nous permet maintenant de clarifier notre problématique et de poser nos hypothèses de recherche sur les circonstances de la professionnalisation des dirigeants bénévoles des organisations fédérales.
3. Problématique et hypothèses sur la professionnalisation des dirigeants bénévoles
Notre problématique, à travers létude de lorganisation sportive fédérale, est un questionnement sur la professionnalisation des dirigeants bénévoles, sur ses causes et sur ses conséquences. Il sagit de nous interroger sur les logiques organisationnelles et bénévoles dans une société (et celle sportive ny échappe pas) pénétrée par la rationalité professionnelle et économique. Notre intention est donc de comprendre comment se réalise cette professionnalisation et comment elle est gérée par les bénévoles élus des fédérations. Cette évolution ne rompt-elle pas léquilibre apparent des forces et ne conduit-elle pas à une redistribution de la « carte des pouvoirs » entre les dirigeants fédéraux ? Ne remet-elle pas en cause lordre sportif associatif (la « Doxa ») et ceux qui en sont les dépositaires, cest-à-dire les bénévoles ? En brouillant les repères identitaires de la culture bénévole traditionnelle, la professionnalisation nannonce-t-elle pas des formes plus intéressées dengagement militant ?
Un rapport parlementaire récent fait état de la confusion qui réside aujourdhui entre le monde associatif et le monde de lentreprise. Soulignant que « la technicité croissante des tâches confère un pouvoir chaque jour plus grand aux salariés », il précise que la disparition du bénévolat au bénéfice du salariat bouleverserait léquilibre des pouvoirs au sein de lassociation et remettrait en cause le statut associatif au bénéfice du statut commercial. Il précise également que la montée en puissance des professionnels observable dans le milieu associatif en général (le cas de la professionnalisation des associations humanitaires et des ONG est aussi souvent évoqué) semble en mesure de modifier durablement le statut des bénévoles et la nature de leur engagement considéré (à tort ou à raison) désintéressé qui est au fondement de la loi de 1901 sur le contrat dassociation. La possibilité évoquée aujourdhui de rémunérer les dirigeants bénévoles (comme le sont les élus territoriaux) illustre un des aspects de cette évolution. Les fonctions que les acteurs dirigeants incarnent sont électives, administratives ou techniques. Dans le contexte dune très forte professionnalisation, ces fonctions se chevauchent parfois, se confondent et traduisent des conflits de territoires mais aussi des rapports de concurrence. Au sein des groupes dintérêt (au sens de collectif dindividus « par lesquels les « intéressés » sont rassemblés et « intéressés » à leurs intérêts ») qui peuvent émerger, nous observons une évolution des positions et des projets organisationnels des dirigeants bénévoles. Le croisement des trajectoires militantes et identitaires de ces derniers, à la fois individuelles et collectives, est souvent source de conflit.
Toutes ces interrogations nous amènent à poser comme première hypothèse que les fédérations sportives suivraient un cycle de vie qui, de la structure associative, les conduirait à terme à se rapprocher de la structure professionnelle entrepreneuriale. Dans cette conception systémique et évolutionniste, nous pensons que cette professionnalisation suit la bureaucratisation de lensemble des institutions en charge du sport. En fédérant les associations locales dans le but duniversaliser les règles sportives et pour répondre à une finalité compétitive, les organisations fédérales ont progressivement centralisé les processus de prise de décision et monopolisé durablement les pouvoirs. Elles ont augmenté de volume, elles se sont bureaucratisées dans un contexte de forte marchandisation du sport et il nous semble que la professionnalisation des organisations sportives est une des conséquences de cette bureaucratisation. Ces organisations ont dû rationaliser leur mode de fonctionnement et faire appel de plus en plus à des professionnels et à des spécialistes, au risque de déstabiliser le pouvoir en place. Quand Boncler, sinspirant du cycle de vie de Rochet, explique que lassociation, avec le temps, est composée de bénévoles de moins en moins motivés et de professionnels de plus en plus spécialisés, il veut montrer que lassociation se professionnalise et ce processus conduit à ce que le pouvoir passe aux mains des professionnels. Cette évolution conduit paradoxalement à inverser quelque peu les rôles entre les amateurs et les professionnels : ce sont moins les amateurs qui, aujourdhui, définissent le projet social que les professionnels dont la plupart est salariée dans lassociation (Boulte parle même de professionnalisation du projet social). Bien que ces organisations soient fortement attachées à une idéologie associative, les enjeux économiques sont devenus, pour certaines, si importants et si incontournables quelles sont obligées dintégrer une culture professionnelle dentreprise dans une gestion qui, jusquà peu, relevait de la seule culture de lamateurisme. Nous posons lhypothèse que, dans le jeu des coalitions internes qui se créent, cette professionnalisation est inéluctable et, lorsquelle sétend aux dirigeants bénévoles élus de lorganisation, marque la dernière étape du cycle de vie fédéral, celle de lentrepreneurisation de lorganisation, celle aussi de la redéfinition de son projet associatif. Notre réflexion veut être une interrogation sur ce paradoxe auquel sont confrontés les dirigeants associatifs qui, tout en étant obligés de se professionnaliser, veulent préserver leur identité bénévole ou, plus précisément, leur ethos bénévole, au sens donné par Bourdieu de forme intériorisée et plus ou moins consciente de la morale et de léthique. Si beaucoup dassociations ne nient plus dailleurs leur double appartenance à des modèles de gestion à priori opposés, elles ne peuvent occulter lambiguïté qui réside dans le fait que ce sont des bénévoles élus qui gèrent de manière « désintéressée » une association dont le fonctionnement est de plus en plus intéressé. Cest là le « dysfonctionnement associatif » dont parle Laville auquel sont confrontées les associations qui doivent à la fois préserver leur identité (donc celle de leurs bénévoles) tout en devant se rapprocher du modèle de lentreprise. Cest là le « paradoxe fondamental » évoqué par Loirand entre les exigences de rationalisation auxquelles doivent répondre les organisations sportives prestataires de service et la nécessité de préserver leur identité traditionnellement portée par la logique du désintérêt et de la gratuité. Notre démarche va consister à étudier ce mariage ambigu et presque forcé entre le modèle associatif et le modèle de lentreprise sous langle particulier de la professionnalisation des dirigeants bénévoles.
Nous posons comme deuxième hypothèse que sopérerait au bout du compte une professionnalisation des dirigeants bénévoles fédéraux au sens où ils seraient plus impliqués techniquement (par les formations suivies et les diplômes sportifs obtenus) et professionnellement (par les activités exercées) dans le champ sportif concerné. Cette professionnalisation, qui nest au fond que la conséquence dune rationalisation accrue du fonctionnement associatif conduisant à ce que les acteurs soient soumis à plus de rigueur, de responsabilités, de contraintes administratives dans une société (et par la même celle sportive) plus procédurière, tend à produire des dirigeants bénévoles de plus en plus qualifiés et spécialisés. Lévolution du sport conduirait donc à une élévation de la technicité et à un renforcement de la spécialisation des dirigeants bénévoles de la fédération. Si le processus de professionnalisation tente de répondre à la demande de loisirs du public pratiquant, il pose aussi un débat de fond sur lévolution des associations sportives et sur les acteurs qui les dirigent. Parmi ces derniers, des tensions sont perceptibles entre les dirigeants bénévoles et les dirigeants salariés (de nombreuses recherches ont mis en évidence ces tensions) mais également entre les dirigeants bénévoles eux-mêmes dont le lien à lactivité sportive peut être amateur mais aussi professionnel. Si bien souvent les postes de trésorier ou de secrétaire général sont occupés par des bénévoles dont la profession est proche des compétences particulières que peuvent exiger ces responsabilités (un trésorier dassociation est souvent un comptable ou un banquier de profession, il est donc un bénévole et en même temps un professionnel), on note aujourdhui que de plus en plus de dirigeants bénévoles ont la particularité dêtre élus à des postes importants dans les associations sportives tout en étant ou ayant été en parallèle des professionnels dans ces mêmes secteurs sportifs et présentant de ce fait un niveau de technicité plus important quauparavant. Ainsi, selon le milieu où ils se trouvent, ils sont tantôt des bénévoles, tantôt des professionnels et parfois les deux identités se confondent. Les perceptions quont ces dirigeants bénévoles de leur mission et de leur engagement sont de ce fait fortement influencées par leur culture professionnelle. Une telle situation peut engendrer des ambiguïtés.
Mais au-delà ce ces réflexions, nest-ce pas lavenir du militantisme en tout cas dans ses formes traditionnelles, qui est posé dans une époque où la montée de lindividualisme semble se généraliser ? Ne voit-on pas, et cest là notre troisième hypothèse, se dessiner une nouvelle culture bénévole qui illustrerait une forme de militantisme plus professionnelle mais aussi peut-être plus utilitariste et moins idéologique ? Les premières études approfondies sur le militantisme, relèvent Rey et Subileau, datent des années 70. Pour ces auteurs, le militantisme qui, dans le sens weberien caractérise le partisan intéressé à la cause politique, suppose « un continuum de mobilisation » dans la durée, dans lintensité, dans la participation. Pour Maintron, un militant nest pas un individu qui sengage occasionnellement. Pour lui, « militantisme est synonyme de continuité ». Quen est-il aujourdhui ? Dans notre période actuelle de dilution générale des repères identitaires où la société, en passant du modèle communautaire au modèle sociétaire, a effacé les anciens repères sans pour autant les remplacer par dautres, le milieu associatif, parce quil a pour fonction de créer du lien social, de « faire de la société », peut illustrer ce besoin exprimé par les individus de se réapproprier leurs identités individuelles et collectives à travers un engagement bénévole. Or il apparaît que cette évolution de lassociation vers des formes professionnalisées remet en cause les cultures identitaires jusque là dominantes du bénévole amateur et lamène à une inéluctable reconstruction, voire relégitimation, de son identité bénévole. Nous pensons avec Dubar que, si le militantisme, quil soit religieux, politique ou associatif, a chuté depuis les années 70, il est remplacé par une forme nouvelle plus individualiste et ponctuelle. Pour Ion, le militantisme moderne prend aussi une forme beaucoup plus concrète, en « privilégiant laction directe et lefficacité immédiate même restreinte » au détriment des grands idéaux de société. Devons-nous voir dans la professionnalisation des dirigeants bénévoles, une rupture ou en tout cas une modification de ce continuum de mobilisation où finalement, à travers des sociabilités différentes, émergeraient des logiques nouvelles dengagement militant ? En somme, nassistons-nous pas à larrivée dune nouvelle génération de dirigeants bénévoles certes plus professionnelle mais aussi portée par un militantisme quon pourrait qualifier de plus individualiste, utilitariste et réaliste parce que dépouillé des grandes valeurs moralistes et idéologiques des générations antérieures ? Si tel est le cas, cela reviendrait à voir dans la crise du militantisme, comme le rappellent Mayer et Perrineau en conclusion de leur ouvrage sur les comportements politiques, « une crise de mutation où de vieilles modalités de participation meurent et de nouvelles cherchent à naître ».
Une étude, visant à identifier les caractéristiques culturelles et identitaires de ces dirigeants bénévoles occupant des postes à responsabilité dans les fédérations sportives peut, de ce fait, se révéler pertinente. Ce que nous voulons étudier à travers la professionnalisation des organisations sportives fédérales, ce sont les cultures identitaires, ce sont les trajectoires individuelles et collectives des dirigeants bénévoles fédéraux. Sont-elles susceptibles, en définitive, de conditionner les orientations politiques fédérales actuelles et futures ? A partir de notre connaissance du monde sportif et des organigrammes fédéraux, nous avons choisi comme études de cas deux fédérations sportives importantes : la Fédération Française dEquitation et de la Fédération Française de Tennis. Leur point commun (ce qui a pu faciliter par la suite une étude comparative) est quelles ont, toutes deux, longtemps géré des pratiques sportives réservées à une élite sociale jusquà ce que la massification des sports les conduise à souvrir à un public plus large adepte des sports loisirs. Elles ont vu depuis leurs activités se professionnaliser considérablement, que ce soit la fédération équestre à travers ses clubs affiliés ou la fédération de tennis à travers les compétitions internationales quelle contrôle. Ces deux fédérations sont gérées par des dirigeants bénévoles dont les positions politiques et stratégiques parfois sopposent, parfois aussi expriment des conflits de pouvoirs et de générations. Cest pourquoi, elles présentent un certain nombre de caractéristiques intéressantes pour notre analyse.
4. Le cadre méthodologique de létude, de lentretien au questionnaire
Puisque nous avons eu recours, au fur et à mesure que notre étude avançait, à différents outils denquêtes, il convient de préciser ces supports méthodologiques afin de montrer comment nous les avons utilisés dans nos recherches. « Il est habituel de considérer quune enquête complète doit commencer par une phase qualitative, sous la forme dun ensemble dentretiens non directifs ou structurés, suivie dune phase quantitative, lapplication dun questionnaire à un échantillon permettant une inférence statistique au cours de laquelle on vérifie les hypothèses élaborées au cours de la première phase et on les complète par des renseignements chiffrés ».
La recherche documentaire a été la première étape de nos investigations. Elle a été une recherche sociohistorique dans les archives des organisations pour établir une chronologie des grandes périodes dévolution de celles-ci. Cette étude a permis détablir un lien entre les périodes importantes dans la vie des organisations, les caractéristiques de leur environnement et les rôles et actions des différents acteurs dirigeants. Cette période de collecte dinformation a été systématiquement accompagnée dobservations simples des acteurs durant leurs tâches quotidiennes. Puis nous avons procédé, pour chacune de deux fédérations nationales, à des entretiens. Comme le soulignent Blanchet et Gotman, « lentretien simpose chaque fois que lon ignore le monde de référence ou que lon ne veut pas décider à priori du système de cohérence interne des informations recherchées ». Cette technique denquête sociologique est particulièrement requise pour létude des systèmes de représentation (idéologique notamment) qui sont, au sens dAdorno « une organisation dopinion, dattitudes et de valeurs, une façon denvisager lhomme en société » . On comprend donc lintérêt particulier de cette technique denquête lorsquil sagit, pour nous, danalyser les relations de pouvoirs entre les individus. Cela se révèle dautant plus nécessaire que ces types de relations sont souvent niés par les individus interrogés et donc plus difficilement identifiables à travers uniquement les questionnaires. Lentretien permet détudier un groupe restreint et revêt différents usages. Pour chacune des études de cas, nous avons réalisé quatre entretiens exploratoires en même temps que les recherches documentaires, sept à huit entretiens approfondis et un entretien complémentaire. Les entretiens exploratoires non directifs nous ont permis, à lappui de notre recherche documentaire, de préciser notre cadre détude. Les entretiens approfondis semi-directifs interviennent « à mi-chemin entre une connaissance complète et antérieure de la situation [
] et une absence de connaissance qui renvoie à lentretien non directif ». Dans notre cas, ils nous ont permis de faire émerger les principales stratégies et formes de pouvoirs développés par les groupes dacteurs. Enfin, les entretiens complémentaires beaucoup plus directifs ont eu pour objectif de vérifier nos résultats et mieux les interpréter. Après cette étude qualitative, nous avons procédé à lenvoi dune série de questionnaires afin de comprendre les interrelations entre les acteurs bénévoles et les raisons de leurs difficultés à sentendre autour dun projet politique commun. Lutilisation des questionnaires doit permettre de vérifier les hypothèses émises au préalable par le croisement de différentes données. Dans notre analyse, nous avons choisi dadresser les questionnaires par courrier. Avec cette méthode denquête dite auto administrée, ce sont au total près de 220 questionnaires que nous avons étudiés (le taux de retour sest élevé à environ 45 %) dont 103 pour la FFE et 115 pour la FFT. Les personnes enquêtées sont toutes des dirigeants bénévoles élus siégeant ou ayant siégé dans les instances nationales de leur fédération.
Ainsi, si le choix de recourir à la méthode qualitative et à la méthode quantitative doit être réfléchi, il est souvent nécessaire de se servir de ces deux méthodes denquêtes qui sont souvent complémentaires et permettent de collecter des informations diverses quon peut ensuite croiser. Cest le choix que nous avons fait pour notre étude. Nous reviendrons plus en détail sur notre méthodologie de recherche (notamment sur le choix des interviewés et sur les modalités de constitution de nos bases de sondage) au début des deuxième et troisième parties consacrées à lanalyse des fédérations déquitation et de tennis.
Chapitre 3. Essai de détermination dun modèle de cycle de vie des organisations sportives fédérales
Il convient dans ce dernier chapitre et avant daborder nos deux études de cas, de définir un cadre théorique. Pour construire ce cadre théorique, nous nous sommes inspiré en grande partie des travaux de Mintzberg (travaux que nous avons dû néanmoins adapter aux spécificités de notre objet détude car, comme le souligne Chantelat, lapproche de Mintzberg est celle avant tout des grandes entreprises dont les caractéristiques peuvent paraître très différentes de celles des associations) mais aussi des travaux de Rochet sur les associations. Ces auteurs nous ont intéressé car ils proposent chacun, lun ayant une approche systémique, lautre une approche individualiste, une théorie générale des organisations évoluant selon des cycles de vie. A partir des éléments de base composant toutes les organisations, Mintzberg identifie des forces internes (exercées par ces éléments) quil qualifie de fondamentales et qui agissent sur ces organisations. Si toutes ces forces sont présentes, Mintzberg relève que certaines dentre elles peuvent être plus prépondérantes que dautres, selon lenvironnement ou encore la culture de lorganisation. Sous leffet de laction de la force la plus importante qui orientera lorganisation dans telle ou telle direction, Mintzberg identifie des configurations organisationnelles dérivées du modèle de base. Lauteur tente ensuite de dresser des cycles de vie des organisations qui sont autant de scénarios possibles marquant la phase de naissance, celle de développement, celle de maturité puis celle de déclin des organisations. Dans ses travaux sur les organisations associatives, Rochet propose lui aussi un cycle de vie axé davantage sur les degrés de motivation et de militantisme des membres qui les composent. La principale force qui guide lorganisation tout au long de son évolution est, en quelque sorte, celle de la professionnalisation. Lassociation, à sa naissance, est marquée par un fort militantisme de ses membres fondateurs unis autour dun projet fédérateur. Puis dans sa phase de croissance, les bénévoles deviennent des permanents perdant peu à peu les idéaux de leurs prédécesseurs. Progressivement, linvestissement bénévole décroît. Au stade de la maturité, les salariés prennent le contrôle de lorganisation et relèguent les bénévoles à des places secondaires ou symboliques, au point que les intérêts divers qui orientent les décisions politiques conduisent lassociation à sa perte ou à une nécessaire redéfinition du projet collectif. A partir des travaux de ces auteurs, mais aussi de nombreux chercheurs anglo-saxons et français, notre intention est de construire à notre tour un cycle de vie propre aux organisations sportives fédérales, à partir duquel nous pourrions tenter de comprendre leurs évolutions passées, présentes et futures. Nous proposons dexposer lensemble de nos réflexions dans cette partie de notre travail.
La première étape de notre réflexion consiste donc à définir une configuration type de lorganisation fédérale, un modèle standard. La seconde étape est, à partir de la genèse des fédérations et des quelques grandes étapes de leur construction, de bâtir un modèle de cycle de vie des organisations sportives fédérales.
1. Une configuration organisationnelle fédérale type
Il est possible de reprendre les éléments de base de lorganisation identifiés par Mintzberg et de les rapprocher du modèle fédéral comme le propose Durand à propos des clubs professionnels de football. Lorganisation fédérale peut, de notre point de vue, revêtir les formes dune configuration organisationnelle type composée des éléments suivants : Le sommet stratégique est composé de « ceux qui sont chargés des responsabilités les plus larges », cest-à-dire pour ce qui nous concerne, des dirigeants fédéraux élus et des dirigeants salariés qui ont la responsabilité de définir pour les premiers (ce sont eux qui détiennent le pouvoir politique) et dappliquer pour les seconds (ils exercent un pouvoir administratif et technique) la politique sportive nationale. La ligne hiérarchique passe par les dirigeants et cadres intermédiaires des ligues et des comités départementaux (ils incarnent eux aussi soit les fonctions électives, soit les fonctions administratives ou techniques) dont le rôle de relais entre le niveau national et le niveau local est dautant plus important que les fédérations ont considérablement augmenté leur volume et de ce fait les distances entre leurs membres. Cest par cette ligne hiérarchique que transitent les informations et les régulations nécessaires au bon fonctionnement des grandes organisations fédérales. A la base de lorganisation figurent les membres (dirigeants et adhérents) des associations affiliées et aussi des établissements commerciaux qui forment ce que Mintzberg dénomme le centre opérationnel. Ils sont censés représenter, comme lécrit lauteur, la « raison dêtre » de lorganisation, cest-à-dire ceux qui doivent déterminer les orientations politiques de lorganisation. Reste enfin que lensemble de lorganisation fédérale véhicule des valeurs culturelles. Ces valeurs sont fédératrices lorsquelles sont portées par une idéologie commune à tous (cest le cas souvent de lorganisation naissante et de petite taille) mais peuvent aussi alimenter de nombreux conflits lorsquelles opposent des idéologies et des identités différentes entre les membres (comme peut le souligner Rochet lorsque le pouvoir passe des bénévoles militants aux salariés professionnels). Ce champ idéologique particulier à chaque fédération est lié à son histoire et « insuffle une certaine existence à travers le squelette de sa structure ». Ayant défini la configuration standard de lorganisation, Mintzberg explique que lorganisation faite de ces différentes parties « est tirée » dans différentes directions selon les forces qui sexercent sur elle. Ces forces sont exercées par ce que lauteur appelle des détenteurs dinfluence qui, selon leurs positions par rapport à lorganisation, forment des coalitions externes et internes. Au bout du compte, Mintzberg identifie plusieurs forces correspondantes chacune à une forme de configuration organisationnelle.
A partir des périodes dévolution qui marquent la genèse des organisations fédérales, nous faisons lhypothèse quun modèle de cycle de vie de ces organisations peut émerger et se rapprocher de certaines configurations présentées par Mintzberg sous leffet de forces qui agissent et déforment lorganisation de base. Pour cela, il nous faut tenter darticuler les grandes caractéristiques de la genèse des organisations fédérales avec les différentes configurations organisationnelles envisageables. La construction des sports modernes apparaît étroitement liée à leur processus dinstitutionnalisation notamment fédérale. Différents auteurs ont tenté didentifier les grandes étapes de cette construction. Parmi eux, Gasparini distingue quatre états marquants de la genèse des sports pouvant être rapprochés de la « généalogie du fait sportif communal » proposée par Callède. En nous inspirant des travaux de ces auteurs et de ceux de Defrance, Durand, Boncler ou encore Mayaux, nous avons voulu rechercher à travers les grandes phases de la genèse des organisations sportives fédérales, des configurations fédérales dérivées du modèle de base. Les points suivants vont nous permettre didentifier à notre tour quatre configurations fédérales, celle idéologique, celle bureaucratique centralisée, celle bureaucratique oligarchique et celle professionnelle.
2. Lassociation sportive idéologique au commencement des sports modernes
Lémergence des sports modernes peut être rapprochée du premier état dont parle Gasparini. Ce premier état voit, tout au long du 18ème et du 19ème siècles, le sport se développer grâce à laction de quelques associations pour la plupart situées en Angleterre et en Ecosse. Les formes modernes du sport qui vont se diffuser en Europe et en France au cours du 19ème siècle, vont, en se calquant sur le modèle anglo-saxon, reproduire « la forme du cercle britannique » proche du modèle compétitif. Comme le souligne Saint Martin, les années 1880 voient se développer les activités sportives qui attirent la haute société parisienne et la noblesse en général désireuse d« affirmer les dispositions et les valeurs traditionnelles attachées à leur condition ». Parmi les cercles très fermés qui se créent, on compte le Jockey Club fondé en 1834, le Yacht Club fondé en 1858, le Cercle des patineurs apparu en 1865 ou encore le Polo de Paris, le Cercle de lIle de Puteaux (on y pratiquait le tennis) ou le Cercle du Bois de Boulogne. Certains de ces cercles relativement fermés au début et réservés à des membres triés sur le volet vont peu à peu souvrir et contribuer à la diffusion des sports dans la société. Ceux issus des milieux étudiants vont donner au sport les formes dune organisation interne simple et sommaire (avec un président, un trésorier et les membres composant éventuellement un comité directeur).
Cette période se caractérise par le développement dorganisations associatives bien souvent très localisées. Elles naissent de laction de quelques leaders qui vont réunir autour deux des novateurs, des idéologues, des passionnés. Pour Horch, ces associations naissent et se développent grâce à la convergence dintérêts de leurs fondateurs, à travers « un contrat social entre individus présentant des intérêts similaires ». Les membres de ces regroupements naissants partagent entre eux des mêmes idéaux, des mêmes objectifs quils soient philanthropiques, religieux, politiques ou sociaux. Les dirigeants sont des militants et des volontaires, animés par une volonté commune, celle de se retrouver entre eux pour échanger autour dactivités ludiques et conviviales, celle aussi de réfléchir sur leurs rôles dans la société et aux moyens de faire évoluer cette dernière. Ces associations forment alors des configurations idéologiques (que Mintzberg qualifie de missionnaires) présentant diverses caractéristiques, soit elles sont fermées et prennent la forme de « cloître » où leurs membres cherchent à se retrouver entre petits comités restreints pour maintenir leurs styles de vie (dans sa distinction entre les classes travailleuses et les classes oisives, Veblen montre ainsi que les classes supérieures cultivent leur oisiveté comme signe distinctif), soit, comme le pense Mayaux, elles oeuvrent à agir sur la société et elles prennent la forme de configurations missionnaires de conversion. Regroupés dans des organisations locales, les dirigeants vont dans le même sens et leur cohésion est dautant plus forte quils sont bien souvent peu nombreux. La division des tâches, la spécialisation et la différenciation des rôles dans ses jeunes associations sont encore peu développées. Lassociation est informelle et, rapporte Horch, « distingue peu les fonctions entre les adhérents (qui) sont tous membres ». Et tous les membres sont susceptibles de cumuler plusieurs fonctions même si, comme le note Thomas, le président est plutôt un entrepreneur, un commerçant ou un membre dune profession libérale. La coordination entre eux se fait par les discussions plus ou moins informelles dans les paroisses, les pubs ou encore à loccasion des réceptions organisées aux domiciles de certains membres de lassociation. A ce stade initial de lévolution des sports modernes, nous pensons que le premier état de la genèse des organisations sportives sinscrit dans le développement dorganisations privées prenant la forme de configurations idéologiques dabord fermées puis plus ou moins ouvertes. Les forces au sein de ces organisations idéologiques convergent toutes vers le centre organisationnel dans la mesure où il ny a pas de division des tâches ni de réelle hiérarchisation, tous les membres sont sur un même pied dégalité, partagent un même style de vie et mutualisent leurs forces autour dun projet commun et fédérateur, autour dun même idéal social. Les membres de cette organisation sont tous animés dun même esprit de corps, dune même synergie, pour le bien de lorganisation. En cherchant à mutualiser puis structurer leurs actions, ils vont créer peu à peu les conditions de lunification des associations au sein des premières unions et fédérations.
3. De lidéologie communautaire à la bureaucratie fédérale
Ce deuxième état qui, pour Callède correspond à lâge dor du sport moderne, est une période où la pratique sportive connaît un succès grandissant à Paris et dans les autres grandes villes de province (Bordeaux, Lyon, Le Havre, Rouen, etc.). La période qui souvre est marquée par lapparition des premiers groupements dassociations. Ceux-ci correspondent à un besoin pour le mouvement sportif naissant de se fédérer. Les grandes unions et fédérations apparaissent, quelles soient civiles, scolaires, religieuses ou encore travaillistes. Dans cette phase de construction nationale des sports, Clément y voit surtout une opposition idéologique entre trois courants dominants, celui religieux porté par la FGSPF (Fédération Gymnastique et sportive des Patronages de France créée en 1898), celui laïc et républicain représenté notamment par lUSGF (Union des Sociétés de Gymnastiques Françaises créée en 1873) et le courant plus aristocratique anglais incarné par lUSFSA (Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques fondée en 1887). Cette dernière notamment, dont le rôle dans le développement institutionnel du sport sera important, se donne pour but « dencourager et soutenir les efforts de toutes les sociétés de sports athlétiques (
) et de pourvoir à lorganisation des concours nationaux ». Elle définit les règlements généraux relatifs aux compétitions quelle organise ou patronne. Defrance note que cette institutionnalisation va conduire peu à peu à « une monopolisation durable du pouvoir dorganiser des rencontres sportives ». Cette monopolisation du pouvoir au sommet stratégique des organisations confédérales puis fédérales traduit la très forte centralisation des processus de décision. Cest pour Defrance, le début de la bureaucratisation. Si en 1890, rapporte Léziart, lUSFSA compte 3 sociétés adhérentes, elle en compte 50 en 1892, 350 en 1903. Lauteur rapporte que durant la saison sportive de 1904, une à deux sociétés se créent par jour. A laube du premier conflit mondial, le sport français est solidement implanté, lUnion rassemble alors 1 700 sociétés et 300 000 membres. Face aux sports dont le succès se confirme, lUnion va créer des commissions sportives chargées de les gérer. Ces commissions, à qui elle « délègue une partie de ses pouvoirs » ont pour mission détablir des Codes sportifs pour chaque sport. Les fonctions et les missions de ses membres se spécialisent. Au développement et à la spécialisation progressive des pratiques sportives correspond une spécialisation des commissions sportives. Ces dernières peu à peu vont revendiquer leur autonomie par rapport à lUSFSA qui va être confrontée à de très fortes tensions en son sein. Cette situation va conduire, note Chifflet, à « la création dun système fédéral, caractérisé par lautonomie de chaque fédération ». Ce mouvement provoquera léclatement de lUSFSA en 1920 qui, entrée dans sa phase de déclin, disparaîtra peu après, permettant le libre développement des fédérations sportives unisports.
Les années 1930 vont connaître une forte massification du sport au sens où il va se diffuser dans toutes les couches sociales de la population. Les fédérations unisports vont se multiplier et répondre à « un souci naissant de performance ». La fédération de football amorce ce processus en 1919, suivie par celle de rugby, dathlétisme, des sports de glace et du tennis en 1920, de léquitation et de la pelote basque lannée suivante. La création de ces fédérations accentue la spécialisation des sports. Cette période est marquée aussi par la montée du professionnalisme et le développement dun sport commercial. Progressivement, les fédérations vont développer leur propre stratégie et parvenir, comme lécrit Haumont, à faire de la forme associative des clubs sportifs, la « principale forme dorganisation du sport français ». La structure interne des fédérations mais aussi des clubs connaît en même temps une évolution vers une spécialisation des rôles. Cette bureaucratisation naissante, au sens de Weber, traduit la prédominance des fonctions sur les individus, cest le début de la hiérarchisation et de la reconnaissance de qualification (notamment pour enseigner) et cela annonce déjà les prémices de la professionnalisation des acteurs fédéraux. Progressivement, les fédérations vont contenir les clubs dans un cadre réglementaire de plus en plus précis. Les dirigeants vont multiplier les dispositions contenues dans le règlement intérieur devenant de plus en plus rigide afin de limiter, comme lexplique Parlebas, les risques de désordre intérieur « par ladoption dun code unique». Les dirigeants ne sont plus nécessairement les grands leaders charismatiques des origines. Ils trouvent une légitimité certes basée sur lacceptation de leur autorité traditionnelle (celle du bénévole dévoué et désintéressé) et charismatique (à travers lélection danciens sportifs de haut niveau ou de personnalités emblématiques) mais aussi de type rationnel/légal à travers le cadre législatif mis en place par lEtat au début du 20ème siècle (la loi 1901 relative au contrat dassociation favorisera considérablement linitiative associative et fédérale). Les dirigeants sont investis du pouvoir par le biais démocratique.
Les fédérations montent en puissance et prennent du volume, dautant que les pouvoirs publics vont intervenir de plus en plus fortement dans le domaine sportif et donner au mouvement fédéral une prérogative de puissance publique. Cest en effet durant cette période que lEtat intervient réellement dans lorganisation et la gestion du sport. Avec lui, linstitution fédérale entre dans une phase nouvelle, « indirect et lointain lors des débuts, ce contrôle des pouvoirs publics est devenu explicite depuis la loi de 1940 ». Le sport devient peu à peu une affaire nationale. Les pouvoirs publics délèguent aux fédérations une mission de service public et leur confèrent une position monopolistique (ce qui justifie par la même un renforcement du contrôle de lEtat et légitime son droit de regard). Cest la période des « trente glorieuses » (1945 1975) et la phase des grandes nationalisations. Cette période dexpansion, écrit Laville, « apparaît au total comme une période faste pour les associations dans un système qui pousse au regroupement de celles-ci dans des fédérations nationales pour quelles puissent mieux faire valoir leurs positions dans une négociation centralisée ». Peu à peu, la taille croissante des fédérations sportives va les faire entrer dans une logique bureaucratique dans la mesure où, comme le définit Slack, cette bureaucratisation traduit la rationalisation de la vie sociale de lorganisation qui se rapproche du modèle administratif français. Pour Chelladurai, le sport en tant que microcosme de la société reflète et prend la forme organisationnelle dominante de la bureaucratie sociale. Brohm décrit lui-aussi le système sportif comme un système bureaucratique dans la mesure où la bureaucratie sportive se caractérise par une répartition rationnelle du travail des individus dans le but dorganiser des compétitions et du spectacle. Le sport, écrit-il, est une bureaucratie organisée selon « une juxtaposition hiérarchique de juridictions et de responsabilités », de règles et de normes (au point que pour lauteur, il se forme une homologie structurelle entre lévolution du sport et celui du Droit). Il reprend les propos de Tröger pour qui le sport « recourt à des principes qui ont été adoptés depuis longtemps par dautres groupements sociaux et cela jusquau développement de principes dadministration bureaucratique ». Cest le passage du sport associatif fédéral de lespace privé et fermé à celui dun espace intermédiaire mi-privé mi-public. Selon les souhaits du législateur de 1945, lorganisation sportive va créer ses propres administrations déconcentrées chargées de la représenter auprès des acteurs associatifs locaux. LEtat se positionne peu à peu comme régulateur de son développement au nom de lintérêt général. Alors que la fédération connaît un développement très important, elle a besoin détendre son appareil administratif. La forte centralisation des pouvoirs des fédérations et laugmentation importante de leur taille vont conduire ces organisations à mettre en place des organes intermédiaires déconcentrés chargés de maintenir le lien entre le sommet et la base. Les ligues et les comités vont être ces relais indispensables chargés de représenter la fédération localement pour garantir lapplication des règles définies par les dirigeants fédéraux.
En définitive, dans cet état 2 de lévolution fédérale, la configuration fédérale prend la forme dune configuration bureaucratique centralisée, où les tâches remplies par les membres se multiplient, où les fonctions des acteurs se spécialisent, où le recrutement de salariés de plus en plus qualifiés devient nécessaire, où enfin le sommet pyramidal exerce une force de centralisation en concentrant les prises de décisions et en se dotant dun grand nombre dunités ou divisions déconcentrées qui, chargées de le représenter, vont accentuer un peu plus la formalisation et la lourdeur de procédures administratives. Comme le confirme Defrance, « le sport aurait été initialement auto-administré avant de donner naissance à des organisations formelles et permanentes dans lesquelles lorgane gestionnaire se différencie de lensemble des pratiquants ». Plus loin lauteur rajoute : « la montée de lorganisation est ressentie comme une évolution inéluctable et regrettable vers la bureaucratie ». Les rôles et les fonctions des membres se spécialisent et se distinguent fortement entre celles politiques, celles administratives et celles techniques : « Les fonctions de joueur, dentraîneur et de dirigeant, précisent Haumont, qui pouvaient être exercées par un même individu dans les fondations initiales ont été dissociées par la technicité et par la bureaucratie ». De ce fait, les distances entre les membres saccroissent, leurs relations se formalisent et les procédures administratives sintensifient. Le contrôle de lorganisation par le sommet devient plus difficile. Les observations de Horch sur les clubs sportifs allemands peuvent être les mêmes pour les fédérations sportives lorsquil constate que ces derniers connaissent une tendance à lautonomisation qui se traduit par une distanciation entre le sommet de lorganisation et les membres de sa base, les dirigeants concentrant le pouvoir au sommet (cest ce que lauteur dénomme le processus doligarchisation) et les membres de la base tendant à agir comme des consommateurs. Les transformations dans les clubs allemands produisent également, rajoute lauteur, un déplacement des buts. « On passe, explique-t-il, de la difficulté à mesurer concrètement les buts à une formalisation des objectifs telle que laugmentation des adhérents ou la croissance du budget ».
La gestion administrative et bureaucratique va conduire à la déconcentration des pouvoirs dans la mesure où les dirigeants du sommet stratégique ne peuvent tout gérer. Il sensuit un rôle de plus en plus important des instances intermédiaires chargées de répercuter à la base les décisions prises au sommet. Selon les théories de lanalyse stratégique, la principale force de ces corps intermédiaires est doccuper une position clé de relais et de transmission des flux de communication. Leur pouvoir dit de laiguilleur devient particulièrement stratégique quand lorganisation se bureaucratise. Dans le cas de lorganisation fédérale, il sensuit une augmentation considérable des pouvoirs des cadres intermédiaires, voire une tendance à leur autonomisation. Conforté par les statuts, cest un fonctionnement de type bureaucratique oligarchique qui se met en place progressivement et qui peut conduire (comme nous le verrons) à pervertir le système démocratique dont se réclament pourtant ses dirigeants. Le pouvoir est peu à peu monopolisé par un nombre restreint de dirigeants. A lorigine très parisien, ce pouvoir va sétendre à lensemble des dirigeants des régions qui vont assurer la pérennité de leur pouvoir, le procédé électoral facilitant au bout du compte ce « verrouillage du vote par lexécutif » en privant le licencié de base dun réel droit de parole. Cest en définitive un fonctionnement peu démocratique préférant la cooptation au suffrage universel qui permet dasseoir autoritairement aux commandes de lorganisation fédérale une direction oligarchique. Dans sa définition de la loi dairain de loligarchie, Michels écrit : « Cest une loi sociale inéluctable que dans tout organe de la collectivité, né de la division du travail, se crée dès quil est consolidé, un intérêt spécial, un intérêt qui existe en soi et pour soi ». Le problème se pose dès lors que lintérêt des dirigeants nest plus convergent avec lintérêt de ceux qui constituent la base de lorganisation. De déconcentrées, les composantes notamment régionales de la ligne hiérarchique vont devenir, à ce deuxième état avancé du cycle de vie fédéral, de plus en plus décentralisées et disposer de pouvoirs plus étendus non seulement dans la gestion des licences, des formations ou des examens mais aussi au niveau politique. Cest, comme le relève Mintzberg, une « décentralisation verticale limitée » au niveau régional qui peut conduire les cadres intermédiaires à vouloir limiter, par une force doligarchisation, leur dépendance du sommet stratégique (surtout si celui-ci subit un contrôle étatique trop pesant) tout en maintenant leur contrôle sur la base opérationnelle. Il est possible de penser que, à loccasion de crises graves, les cadres intermédiaires et notamment ceux des ligues régionales vont occuper une position de plus en plus stratégique. Comme le souligne Boulte, si on tend à opter pour une structure centralisée et hiérarchisée quand le « marché » est stable, « à linverse, une structure décentralisée réagira plus vite aux fluctuations dun marché mouvant ». Linstabilité croissante de lenvironnement se mesurera notamment par la forte marchandisation du sport qui tendra de plus en plus à déstabiliser lorganisation fédérale bureaucratique et les pouvoirs en place.
4. De la bureaucratie associative à la bureaucratie professionnelle
Dans les années 80 commencent à se diffuser les nouvelles pratiques californiennes peu avides du contrôle institutionnel. Le processus de segmentation du sport traduit, précise Callède, la multiplication des formes et modèles de pratique. Cest aussi une période qui connaît une intervention croissante et très forte des collectivités territoriales et un développement important des organisations locales privées et marchandes (entreprises de service, clubs professionnels, sociétés de loisirs et de tourisme, etc.). Longtemps organisé sur des relations administratives où un simple contrôle de lassociation était effectué par le payeur en justification des subventions versées, le rôle des collectivités territoriales dans le sport va fortement changer avec les lois sur la décentralisation. Les élus locaux vont définir leurs politiques sportives et devenir les partenaires privilégiés, plus encore que les fédérations, des associations locales. Désormais, ils sont perçus non plus seulement comme des pourvoyeurs de subventions publiques mais comme de véritables partenaires du développement local. Par ailleurs, la forte poussée de la professionnalisation va déstabiliser plus encore lorganisation sportive traditionnelle peu apte à réagir à un environnement de plus en plus segmenté. « Modèle institutionnel et dépositaire de lorthodoxie sportive », lorganisation fédérale voit son monopole menacé dans un espace fortement concurrentiel où tend à simposer la logique économique. Pour les fédérations, écrit Parlebas, « lampleur des effets socio-économiques liés à déventuelles modifications, la réglementation stricte et la bureaucratisation ne favorisent plus lémergence de nouveauté et dinsolite ». Cest alors une multiplication dorganisations hors de la puissance fédérale qui se créent et se posent de plus en plus en opposition avec la rigueur institutionnelle fédérale. Désormais, le sport institutionnalisé nest plus le seul modèle de pratique. Comme lécrit Gasparini, « le sport se décline au pluriel » et il se décline dans différentes organisations quelles soient publiques ou privées, à but lucratif ou non.
Comme Slack le rappelle, la bureaucratisation des organisations annonce leur professionnalisation par le recours de plus en plus important à des professionnels qualifiés. Chantelat rappelle que si, dans le langage courant, la professionnalisation est vue dabord à travers la rémunération des sportifs, ce processus peut se traduire également par la rationalisation des techniques dentraînements, par linstitutionnalisation dune profession ou encore par la rationalisation du fonctionnement de lorganisation qui conduit au recrutement croissant de salariés spécialisés. Pourtant, si ce recrutement se fait dans un contexte qui voit la demande sociale pour le sport fortement évoluer, on observe en même temps que les effectifs des licenciés fédéraux, qui ont connu une très forte croissance jusque dans les années 80, tendent à se stabiliser. Cette période semble être à lorigine dun profond malaise au sein des organisations sportives notamment fédérales susceptible dalimenter des conflits internes. La stabilisation des effectifs licenciés et le développement du sport loisir sont perçus par certains dirigeants sportifs comme « une dégénérescence des idéaux sportifs et parfois même comme un signe de lamollissement des murs ». Lère marchande provoque au final une crise profonde du monde associatif dont les fondements alliant non lucrativité et bénévolat tendent à être remis en cause. Les structures associatives développent de plus en plus des stratégies managériales et voient aujourdhui des clients là où leurs dirigeants voyaient hier des licenciés et des compétiteurs. La logique dentreprise ou, pour reprendre lexpression dun président de fédération, la logique « dentreprise associative » témoigne dune évolution importante des outils de gestion dans les grandes organisations fédérales. En fait, cette problématique semble être celle qui a travaillé le milieu de lentreprise dans les années 60, les associations ne faisant quimiter avec un temps de retard les nouvelles formes de management apparues ailleurs. Dans leurs études sur lévolution de la « problématique du management », Boltanski et Chiapello montrent que les jeunes cadres des années 60 sétaient mis à contester le pouvoir de leurs entreprises très bureaucratisées et ancrées « sur un mode de gestion centralisé et quasi autocratique ». Leurs revendications allaient favoriser une décentralisation progressive rendant lorganisation plus flexible et innovante. Les fédérations sportives vont être elles-aussi amenées à se décentraliser et adopter une gestion managériale indispensable dès lors quelles veulent maintenir un haut niveau de performance et defficience. Les établissements commerciaux, sinscrivant dans une logique de rentabilité, vont tendre à prolonger le mouvement de décentralisation à la base de la pyramide fédérale souhaitant à la fois maintenir un lien avec la fédération, organisation labellisée seule apte à organiser des compétitions officielles, et à la fois limiter la pression bureaucratique fédérale des dirigeants qui veulent « garder la main ». La période qui souvre annonce alors une forte instabilité politique (poussant parfois à cette arène politique dont parle Mintzberg) où les intérêts partisans contribuent à ce que les forces se confrontent et ébranlent lorganisation sportive fédérale au risque de provoquer son éclatement. A cet état 3 de maturité, nous pouvons penser que, sous leffet de la professionnalisation de ses membres, lorganisation fédérale tend à prendre la forme dune configuration de type professionnel où la force dominante est celle de la décentralisation prônant une plus grande autonomie de la base par rapport au sommet, où la compétence du spécialiste est préférée à la bonne volonté de lamateur, où le pouvoir de décision tend à se déplacer des dirigeants amateurs bénévoles vers les dirigeants professionnels salariés. A ces heures les plus critiques, lorganisation fédérale connaît alors des crises politiques qui voient une confrontation ouverte entre ceux qui veulent maintenir un pouvoir bénévole centralisé fort et ceux qui veulent le limiter. Pour les uns, lorganisation fédérale est le meilleur garant pour préserver le sport de ses dérives et maintenir les valeurs éthiques qui lont toujours animé ; pour les autres, la fédération doit évoluer vers les formes modernes managériales de la pratique sportive atténuant la position associative bureaucratique. Cest alors une confrontation de logiques politiques et idéologiques. Chelladuraï montre que cette arrivée massive de professionnels dans les associations constitue une source de conflits récurrents et inévitables pour le contrôle des processus de décision. Cest la logique dintérêt qui est préférée à la logique de gratuité (au sens matériel et non pas, précisons-le, symbolique), conduisant, comme le souligne Loirand à « lexclusion des bénévoles traditionnels ou plutôt « lauto exclusion » des formes les plus désintéressées dencadrement bénévole au profit des formes nettement plus intéressées ». Cette structure politique de lorganisation qui, pour Mintzberg, peut conduire à sa destruction ouvre, de notre point de vue, la perspective de voir les fédérations à terme se professionnaliser totalement provoquant une modification du statut associatif et des dirigeants bénévoles en évoluant vers un modèle inédit associant lentreprise et lassociation.
A lissue de cette analyse, nous proposons de construire un modèle de cycle de vie des organisations sportives fédérales où celles-ci peuvent revêtir différentes configurations en fonction des forces dominantes qui les travaillent (voir figure n° 1). Selon quune force devient prépondérante, lorganisation va tendre vers la configuration pure correspondante. Nous parlerons avec Mintzberg deffets de contamination lorsque la force dominante a tendance à annuler les autres. Si une autre force devient plus importante au point déviter une contamination totale (ce qui est le plus souvent le cas car, comme le note Mintzberg, une force hégémonique paralyse lorganisation et à terme la détruit), nous parlerons avec lauteur deffets dendiguement. Dans notre modèle (voir figure n° 2), lorganisation idéologique est muée dans sa phase de naissance par une force de mutualisation privilégiant la coopération entre ses membres fondateurs portés par une idéologie forte et partagée par tous. Dans la phase de développement, elle devient une bureaucratie centralisée dont la force dominante privilégie la centralisation des pouvoirs au sommet. Puis, une progressive décentralisation aux niveaux de ses composantes intermédiaires se réalise privilégiant une oligarchisation du pouvoir ou, pourrait-on dire, une centralisation du pouvoir étendu à léchelle régionale (dans la mesure où les dirigeants nationaux et régionaux sont les mêmes). Le développement de lorganisation la conduit à augmenter progressivement le nombre de ses professionnels salariés. Dans sa phase de maturité, la compétence des experts et la spécialisation des fonctions accentuent un mouvement de professionnalisation et de décentralisation étendue à la base où lautonomie des composantes est demandée au nom dune indispensable recherche defficacité et de rentabilité. Cela peut annoncer, avec la crise politique qui éclate, la fin du modèle fédéral associatif et sa conversion en une configuration professionnelle au terme des trois états de son cycle de vie.
Figure n° 1 : Les forces qui agissent sur lorganisation sportive fédérale Figure n°2 : Le modèle de cycle de vie de lorganisation sportive fédérale : Les trois états de lévolutionPourtant, il convient de relativiser ce cycle de vie présenté ci-dessous, dans la mesure où la réalité montre quaucune organisation ne répond complètement à une seule configuration ou que toutes les organisations possèdent en elles plusieurs de ces configurations. Paul Valery écrivait quelque part : « Tout ce qui est simple est faux », comme le disait aussi Weber, lidéal-type est une forme pure qui nexiste pas dans la réalité. De la même manière, les configurations organisationnelles sont des formes pures nexistant pas dans la réalité. La vérité est beaucoup plus complexe et témoigne dune évolution des organisations qui ne se rangent pas rigoureusement dans une configuration donnée. En dautres termes, les organisations sont davantage le fruit dune combinaison de forces externes et internes tendant de façon contingente à ce que les organisations créent leurs propres formes, celles les plus adaptées sur le moment à la particularité de leur environnement. Les études conduites sur les associations sportives locales et nationales montrent bien que si certaines organisations semblent pouvoir être rapprochées de telle ou telle configuration, dautres organisations donnent davantage le sentiment quelles présentent des structures combinées voire hybrides des formes pures. Cest pourquoi lanalyse que nous proposons de conduire sur deux fédérations sportives nationales doit nous permettre dajuster ce schéma en fonction des spécificités de chacune de ces organisations.
5. Vers un nouvel ordre sportif fédéral ?
« La place de lorganisation, écrit Ballé, est indissociable des transformations qui ont modelé le monde contemporain ». Avec la révolution industrielle et la naissance des grandes organisations bureaucratiques et industrielles, les pensées les plus diverses vont tenter de trouver une explication à lextraordinaire complexité des rapports humains au sein de ces organisations intégrées dans la société. Ces organisations vivent régulièrement et de manière plus ou moins tragique des conflits, des tensions entre des groupes dintérêt, mais malgré cela, la plupart continue dexister, les membres qui les constituent continuent à collaborer et se développer. Comme le rappelle Rocher, « ce qui devrait nous étonner, ce nest pas quil y ait des conflits et des luttes, mais bien plutôt quun certain ordre subsiste au-delà de toutes les causes de désorganisation de laction individuelle et collective ». Alors quel est cet ordre et dans le domaine qui nous intéresse, est-il amené à se transformer et à se professionnaliser ? La professionnalisation ne va-t-elle pas remettre en cause durablement cette « cléricature sportive » dont parlent Ramanantsoa et Thiéry-Baslé quand ils comparent lorganisation sportive fédérale à une « véritable Eglise moralisatrice et disciplinaire » ? Peut-on penser que la professionnalisation est susceptible de diversifier les cultures identitaires des détenteurs du pouvoir et de favoriser au bout du compte un nouvel ordre sportif plus prompt à conjuguer avec la logique dentreprise et la dimension économique du sport ? Pour répondre à nos questions, nous devons connaître ces dirigeants qui sinvestissent et tenter de comprendre leurs motivations. Forment-il, comme le pensent Loirand et Suaud, « une administration de notables » créant les conditions de limmutabilité de leur ethos de classe » ? Que dire quand un rapport parlementaire souligne que « la sociologie des responsables dassociations sportives ne reflète pas celle de lensemble de la population » puisque les cadres et professions supérieures et intermédiaires y sont surreprésentés ? Cela revient à considérer lespace fédéral comme nimporte quel autre espace social. Il est un lieu où sexercent certes la passion du sport mais aussi les pouvoirs et les rapports de domination entre groupes dintérêt soumis aux évolutions de lenvironnement et du marché. Il sorganise autour dune structure politique fortement hiérarchisée et ordonnée qui nest en somme quun des miroirs de la société des hommes.
Conclusion
En conclusion de cette première partie, plusieurs points sont à retenir. A travers le cycle de vie de lorganisation fédérale que nous avons construit, nous avons posé lhypothèse que les fédérations suivaient un processus commun dévolution. Nous pensons que certaines dentre elles sont désormais entrées dans une période critique de crise et de tension parce que le modèle entrepreneurial porté par les professionnels du sport tend à remplacer le modèle associatif dirigé traditionnellement par les bénévoles amateurs. Si le pouvoir des dirigeants bénévoles est plus ou moins affirmé selon les cas, nous pensons que la professionnalisation tend à en modifier la nature, en privilégiant la compétence et la technicité au détriment de lamateurisme et de la « gestion familiale ». Ces moments de conflits intenses opposent des groupes dacteurs dans leurs finalités, dans leurs cultures, dans leurs intérêts. Chacun use de son influence pour maintenir ou améliorer sa position dans lorganisation. La notion de pouvoir y est très présente même si ce pouvoir politique évolue dans la partie cachée de liceberg et nest connu, comme le notent Ramanantsoa et Thiéry-Baslé, que « par les initiés».
Pour éclairer notre questionnement et répondre à nos hypothèses, il nous faut maintenant interroger ces initiés et découvrir la face cachée et informelle de liceberg fédéral. Pour cela, nous allons procéder à létude de deux fédérations sportives qui, pour être toutes les deux sensibles à la professionnalisation du secteur sportif, nen présentent pas moins des caractéristiques différentes qui doivent nous permettre de faire progresser nos recherches. Nous proposons daborder ces études de cas dans les deux parties suivantes de ce travail.
Deuxième partie
Etude de la Fédération Française dEquitation
Lhistoire des sports modernes est lhistoire de leur institutionnalisation. La Fédération Française dEquitation voit le jour en 1987, mais elle est le fruit dun long processus dinstitutionnalisation des organisations équestres dont lorigine peut être en partie située dans le contexte militaire du début du siècle. La fonction du cheval, notamment militaire, commence alors à changer. Cest une époque où le cavalier militaire devient moins influent, où la motorisation se développe dans larmée et où les blindés commencent à remplacer les régiments de cavalerie à cheval. « Le déclin, écrit Pierre Chambry, samorce dès 1920, et se poursuit lentement mais sûrement ». Cest en partie pour compenser la perte dinfluence de la cavalerie militaire que léquitation se tourne vers le sport et la compétition et crée de ce fait la première fédération déquitation en 1921 ; elle sappelle la Fédération Nationale des Sports Equestres (FNSE). Modifiée plusieurs fois, elle donne naissance à la Fédération Française dEquitation (FFE) en 1987. Cette partie consacrée à létude de la fédération déquitation comprend deux volets ; Un premier chapitre est relatif à lhistoire politique et institutionnelle de la fédération. Pour aborder cette étude, nous avons eu recours à la consultation darchives et à des entretiens exploratoires. Notre intention est de voir si le modèle de cycle de vie que nous avons construit précédemment peut sadapter à la fédération déquitation et confirmer ainsi sa professionnalisation (chapitre 1). Le second chapitre est consacré à lanalyse et à la comparaison sociologiques des dirigeants bénévoles qui jouent ou ont joué un rôle important dans lorganisation fédérale depuis une trentaine dannée. Notre but est détudier les trajectoires et profils des dirigeants bénévoles et de vérifier sil y a bien émergence dune culture bénévole plus professionnelle (chapitre 2).
Chapitre 1. Lhistoire politique et institutionnelle de la fédération déquitation
Ce chapitre est consacré à lhistoire politique et institutionnelle de la fédération déquitation et des différents courants qui ont vu le jour dans les années soixante (le mouvement tourisme et le mouvement poney). Pour aborder cette fédération, notre premier travail a été de consulter les archives fédérales disséminées en plusieurs endroits géographiques. Depuis les documents les plus anciens que nous avons retrouvés, datant des années 1920 jusquaux plus récents, nous avons tenté de reconstruire la chronologie des grandes dates fédérales. Ce premier travail a été long car les archives nétaient pas toujours en accès libre et nécessitaient que nous formulions des demandes ponctuelles. A partir des documents sélectionnés, nous avons voulu élaborer un document de synthèse permettant didentifier les grandes périodes de lhistoire sociopolitique de la fédération. Nous ne savions pas très bien alors par quoi commencer et les documents darchives ne nous permettaient pas vraiment de préciser notre démarche. Quelles directions pouvions-nous donner à notre enquête ? Quels points devions-nous privilégier ? Quelles informations étaient pertinentes et lesquelles ne létaient pas ? En complément de notre recherche documentaire, nous avons donc procédé à des entretiens exploratoires. Les entretiens exploratoires (quatre au total), préconisés notamment en début denquête, devaient nous permettre de mieux situer notre travail et de formuler plus justement nos hypothèses de départ. La construction de ces entretiens a respecté le principe de la non-directivité à partir de questions larges. Les questions très ouvertes ont laissé libre cours au discours de linterviewé en nautorisant aucune prise de position de notre part. Pour cela, il nous a fallu construire, au préalable, le guide dentretien, puis sélectionner les personnes à interviewer et procéder à lenregistrement sur cassette des entretiens. En complément de nos lectures des archives, les entretiens exploratoires revêtaient, de ce fait, une importance de premier plan. Ils se devaient dêtre plutôt à dominante modale avec des questions très ouvertes du type : « Quest-ce que cela représente pour vous ? Que pensez-vous de ? Comment voyez-vous ceci ou cela ? » Il sagissait de rechercher des pistes à explorer permettant de préciser les réelles problématiques susceptibles dexpliquer les faits historiques et politiques que nous pouvions percevoir. Pour cela, nous avons sélectionné quatre thèmes dominants qui, sous forme de questions larges, devaient offrir à la personne interviewée des développements personnels sans aucune restriction de notre part. Ces thèmes furent lapproche historique des institutions, les rôles et jeux des acteurs institutionnels, la compétition et ses finalités et enfin le domaine de la formation et de lenseignement. Nous avons complété ces quelques thèmes généraux par dautres questions pouvant nous aider à relancer les débats. Ainsi, à chacun des questionnements introduisant les thèmes généraux furent rajoutées des questions (une à trois questions chaque fois) un peu plus ciblées mais répondant à notre principe de départ, celui de lentretien ouvert et non directif ne privilégiant à priori aucune piste de recherche. Le choix des personnes interviewées fut relativement simple et se fit sur la base de deux critères : premièrement, nos premiers contacts avec les dirigeants fédéraux, lors des recherches documentaires et des périodes dobservation, avaient déjà orienté nos choix dinterroger certains dentre eux particulièrement impliqués dans la vie de la fédération durant la période qui nous intéressait en particulier. Deuxièmement, nous avons voulu privilégier le critère de la « neutralité relative » des acteurs qui, par leur position de recul, navaient pas à priori de parti pris dans les conflits. Cest pourquoi nous avons préféré ne pas interroger, dans le cadre de ces entretiens exploratoires, les acteurs élus qui présentaient le risque, dans notre esprit, dune vision un peu trop partisane pouvant être gênante pour notre première approche de lorganisation. Nous avons contacté des acteurs exerçant ou ayant exercé comme salariés des fonctions administratives ou techniques au sein de la fédération, capables de nous aider ainsi à explorer lensemble des parties du problème. Tous nos entretiens exploratoires se sont déroulés sur les lieux même où travaillaient les interviewés, en général dans leur bureau ou dans une pièce isolée. Chaque entretien a duré entre une heure et une heure trente et a été enregistré, après autorisation de la personne interviewée. Il était proposé chaque fois de remettre un duplicata de la cassette à chacun des interviewés. En général, la conversation continuait quelques temps après la fin de lenregistrement (nétant plus enregistrés, les interviewés se « lâchaient » et nous confiaient souvent leurs sentiments plus personnels). Lanalyse des entretiens sest faite ensuite sur la base dun document écrit qui est une retranscription littérale des propos tenus par les personnes interviewées.
Dans ce chapitre, nous avons distingué quatre sous-parties. La création de la FFE en 1987 constitue la charnière entre les deux premières sous-parties ou périodes. La période antérieure à la FFE est marquée notamment par les naissances de la première fédération des sports équestres en 1921 (la FNSE est en quelque sorte lancêtre de la FFE), mais aussi de lAssociation Nationale du Tourisme Equestre (ANTE) et du Poney Club de France (PCF). Leurs rapprochements vont conduire à transformer la FNSE en une organisation confédérale des activités de léquitation : la FFE. La deuxième période est lhistoire de cette FFE et des crises qui lont agitée tout au long de son développement. Cest cette deuxième période longue de presque vingt ans qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de notre étude et cest celle-ci qui sera soumise à lanalyse sociologique dans la suite de notre travail (chapitre 2). La troisième sous-partie prolonge notre réflexion sur la FFE et sur sa structure interne confédérale qui atteste de lautonomie forte des différentes composantes dont les relations entre elles sont le plus souvent des relations de pouvoir et de rivalité. Enfin, dans la quatrième et dernière sous-partie, nous avons souhaité porter un regard plus général sur lhistoire des rapports entre lhomme et le cheval. Cette histoire est faite de relations affectives et intenses entre lhomme et lanimal mais aussi de relations de pouvoir entre les hommes occupant des positions sociales différentes. Ces relations peuvent nous aider à mieux comprendre lévolution de lorganisation fédérale et de ses dirigeants.
1. Les premières institutions du monde de léquitation, de luvre missionnaire à la centralisation fédérale
Cest en 1751 quapparaît le Jockey club en Angleterre. Il va contribuer à codifier les premières grandes épreuves équestres anglaises. Le développement de ces dernières en France est luvre dun petit groupe daristocrates qui découvrent les courses hippiques et admirent le modèle anglais. Ces aristocrates sont des princes de sang, des officiers de cavalerie et le cheval de sang est à leur image : il est fier et noble, comme le souligne De Blomac : « sa filiation lemporte sur son individualité ; il est « fils de
» ». Pour Saint Martin, lart de monter à cheval est une pratique où excellent les aristocrates et les militaires parce que « le modèle dexcellence est le modèle chevaleresque », rajoutant que « léquitation constitue en effet une activité où le maintien aristocratique est fortement valorisé et où laffinité entre lactivité sportive et les valeurs de lancienne noblesse dépée se laisse particulièrement saisir ». Si les premières épreuves hippiques françaises datent de 1776 sous limpulsion du duc dOrléans, les courses ne sinstitutionnalisent vraiment que dans le courant du 19ème siècle. La société dencouragement est créée en 1833 pour codifier ces épreuves hippiques et contribuer à lamélioration de la race chevaline. Les épreuves ont lieu au champ de Mars ou à Versailles et rassemblent alors toute laristocratie parisienne. Pour tous ces aristocrates, le monde des courses est une sorte de « société-club où ils sont entre eux ». Ils peuvent briller, se montrer à loccasion de ces spectacles et des paris qui rassemblent les foules. Les courses jouent ce rôle social où les pouvoirs sont nettement répartis entre les classes dominantes et les classes dominées, où le cheval qui gagne est le cheval bien né. Ce sont les membres de cette société qui vont fonder en 1834 le Jockey club de France. Ce cercle, « le plus aristocratique et le plus fermé des cercles », soulignent Durry et Jeu, est réservé aux grands aristocrates et ladmission des nouveaux membres se fait par parrainage. On y trouve beaucoup de notables et de bourgeois issus de lindustrie. Pour Lagoutte, le cheval est désormais un signe dappartenance plus quun signe distinctif. Le fait dappartenir à certains milieux équestres permet la reconnaissance sociale : « être membre du Jockey club si lon nest pas noble, cest mieux quêtre anobli », souligne lauteur. Ces membres vont créer à leur tour la Société Hippique Française (SHF) en 1865 dans le but de favoriser l'emploi du cheval et sa production en France. Cette société va organiser les premières compétitions de sauts d'obstacle à Paris en 1870. Au lendemain de la guerre de Sedan, lenseignement de léquitation se tourne de plus en plus vers lenseignement sportif. Pour De Blomac, le 19ème siècle achève la mutation du cheval. Lanimal de chasse est devenu animal de sang. Ce processus commencé en Angleterre et poursuivi en France va transformer lusage du cheval. Désormais, « le cheval de race est un cheval de course, cest le pur-sang ». En 1895 est fondée à Paris la société équestre de lEtrier par le comte de Cossé-Brissac, qui en sera le premier président. Cercle lui aussi fermé, son objet est de perfectionner ses membres dans lart équestre. Léquitation saffirme désormais comme une discipline sportive qui conduit les membres de la SHF à poser les bases de lorganisation fédérale nationale et internationale des sports équestres. La naissance de la fédération marque le début de linstitutionnalisation nationale de léquitation.
Ainsi, nombre de ces associations, que ce soit le Jockey club, lEtrier ou la fédération équestre, vont sappliquer à ne regrouper que des personnes occupant les mêmes positions sociales ; ce sont des notables, des aristocrates, des militaires et des bourgeois. Par leurs actions communes qui servent avant tout leurs propres intérêts de classe, par aussi une idéologie élitiste, ces associations sont proches de la forme missionnaire fermée (de type « cloître »). Par la mise en place dun système de parrainage et de filtrage des nouveaux entrants, certaines associations équestres restent fermées, comme le Jockey club ou lEtrier, attachées à maintenir leur tradition. Dautres vont oeuvrer à diffuser et à réglementer les sports équestres, comme la SHF ou la fédération de polo. Elles sinscrivent toutes, de notre point de vue, dans le premier état du cycle de vie de la fédération déquitation naissante : celui de la configuration idéologique et missionnaire.
1.1. La Fédération équestre et laffirmation dune équitation sportive
La Fédération Nationale des Sports Equestres voit le jour en France en 1921. La Fédération Equestre Internationale (la FEI) est créée également la même année. La construction fédérale marque alors une étape importante dans le processus dinstitutionnalisation du monde équestre et répond à un besoin dunifier les groupements existants et délaborer des règles sportives communes à tous notamment en matière de compétitions. La diversification des pratiques va favoriser dans les années 60 le développement en marge de la fédération dautres institutions dont celles du tourisme et du poney. Elles connaîtront, de la même manière que la fédération, une croissance importante qui justifiera leurs rapprochements quelques décennies plus tard.
Nous avons retrouvé un courrier adressé par le baron Du Teil (alors président de la Société Hippique Française) au préfet de police de Paris en date du 24 juin 1921. Il est fait part de la création de la Fédération Nationale des Sports Equestres. Celle-ci, est-il écrit dans la lettre, est le fruit de la réunion des « grandes Sociétés dirigeantes du sport équestre de France ». On y trouve lEtrier, le Polo, la SHF, la Société du cheval de guerre (SCG) et lUnion des sociétés déquitation militaire (USEM). Le but de la fédération, peut-on lire dans les statuts joints, est détablir entre ces sociétés des ententes « afin de fortifier leur pouvoir sportif », de codifier et dunifier les différentes règles des manifestations équestres. Le baron Du Teil est élu président de la nouvelle fédération. Le général de Lagarenne, président de lUSEM, en devient le vice-président, le commandant Hector, secrétaire de lEtrier occupe les mêmes fonctions de secrétaire de la fédération et Monsieur Bonzon, trésorier de lEtrier, est aussi le trésorier de la FNSE. On trouve, parmi les autres membres du bureau, un autre militaire (le colonel Sautereau, membre du comité de lUSEM) des aristocrates, ducs, comtes et barons (Le duc Decazes, président du Polo, les comtes dIdeville et Pastre, respectivement membre de la SCG et membre du comité du Polo, le baron Lejeune, président de la SCG et le baron de Neuflize, vice-président de la SHF). La lecture des statuts fondateurs montre sans ambiguïté que le regroupement de ces instances équestres répond, à lépoque, à une volonté dunifier le pouvoir au sein de la nouvelle instance fédérale par la « reconnaissance dun seul pouvoir sportif par sport ou groupe de sport ». Lintention est de rassembler et de représenter de façon exclusive toutes les composantes de léquitation en un seul lieu (à lexception toutefois des courses) ; « chaque spécialité équestre est représentée par un seul groupement » précise larticle V des statuts. Ainsi réunis au siège de la fédération équestre, les dirigeants peuvent prétendre régir lensemble des pratiques équestres, cest-à-dire les concours hippiques par la Société Hippique Française et la Société du Cheval de Guerre, léquitation de manège et dextérieur par lEtrier, la voltige, lescrime à cheval, les épreuves hippiques dendurance sur route sans obstacles par lintermédiaire de lUnion des Sociétés dEquitation Militaire et également le polo par la société-mère du même nom. La création la même année de la fédération internationale donne à la FNSE une légitimité internationale. Ainsi, la réunion des sociétés équestres au sein dune même entité, la FNSE, va permettre à ces dernières de renforcer leurs pouvoirs par la convergence des prises de décisions au sommet de la nouvelle organisation fédérale. Peu à peu, la fédération se bureaucratise en augmentant de volume, en renforçant et centralisant plus encore son pouvoir et en se positionnant comme la seule instance légitime ayant le monopole dans la définition des règles sportives de léquitation. Nous y voyons là le deuxième état du cycle de vie, celui où lorganisation fédérale prend la forme dune bureaucratie centralisatrice.
La modification des statuts survenue en 1946, sous la présidence du marquis de Juigné, va venir confirmer le processus de centralisation. Mais il faut souligner ici un élément nouveau. Si jusque là le seul cadre législatif est celui très libéral de 1901, les évolutions du sport institutionnel, qui ont lieu au lendemain de la seconde guerre mondiale, vont suivre les dispositions imposées par le législateur de 1945, démontrant de ce fait lintrusion progressive des pouvoirs publics dans les affaires fédérales (ou le maintien, pourrait-on dire, de certaines dispositions brutalement imposées par le gouvernement de Vichy dans la Charte des sports de 1940). La FNSE prend alors le nom de FFSE (Fédération Française des Sports Equestres) et entre dans la liste des fédérations françaises unisports de « première catégorie », autorisées, par délégation de pouvoir de lEtat, à organiser les compétitions sportives équestres. Les missions de la FFSE, encouragées par lEtat, sont alors complétées et renforcées en matière de pouvoir disciplinaire et de formation. Ses nouveaux statuts précisent que la fédération a pour tâche dorganiser, de contrôler et de développer la pratique des sports équestres, de « diriger, de coordonner et de surveiller lactivité des associations sportives hippiques » et de délivrer les brevets de moniteur déquitation, de moniteur-instructeur et décuyer professeur à lissue de formations organisées par ses soins. Lassemblée générale approuve les comptes et vote le budget. Ce dernier est alimenté par les subventions consenties par lEtat, par les cotisations payées par les associations et par les licences achetées par les membres (parmi lesquelles on distingue les licences de gentlemen, les licences damateurs, les licences de professionnels et les licences sportives). Le pouvoir disciplinaire du comité de direction est réaffirmé et constitue la dernière instance de décision ; il est « larbitre souverain et le juge sans appel » de la fédération.
En outre, le règlement intérieur de la fédération fait mention de ses organes déconcentrés : ce sont les ligues régionales et les comités départementaux. Les ligues régionales sont chargées « de représenter la fédération dans leur région et dy faire appliquer ses règlements et ses décisions ». Constituées au sein de la FFSE, ces ligues ont pour mission également de « contrôler et surveiller toutes les associations hippiques appartenant à leur circonscription (et de nouveau) daugmenter leur pouvoir sportif ». De plus, ce sont les ligues qui organisent les examens daptitude du premier et second degrés, désignent les membres des jurys. Elles servent de relais entre le sommet et la base en surveillant la bonne application des règles nationales. Leurs budgets dépendent des subventions versées par la fédération et les collectivités publiques. Les associations souhaitant adhérer à la fédération doivent sacquitter de la cotisation et attester de leur adhésion « à tous les statuts et règlements de la fédération ». En cas de manquement aux règles fédérales, les associations peuvent être suspendues sur décision de la fédération.
Durant une période relativement longue qui sétend des origines de lorganisation fédérale équestre jusque dans les années 60, il semble que la fédération ne connaît pas de difficultés majeures. Elle va se développer et connaître en même temps une ramification de ses structures. Lintervention des pouvoirs publics au lendemain de la seconde guerre mondiale conduit le modèle fédéral à se rapprocher du modèle bureaucratique de ladministration française. Il sagit à la fois de favoriser la centralisation des pouvoirs sportifs au sein de la fédération nationale dont la position de monopole est affirmée par le législateur et à la fois de reproduire les formes de déconcentration des administrations publiques dans les différentes divisions géographiques (ligues régionales et comités départementaux) chargées de relayer les actions décidées au sommet national. Dans un espace où se confondent de plus en plus les intérêts privés associatifs et les intérêts publics, les ligues vont jouer le rôle de relais indispensables entre le siège parisien et les associations locales et ceci dautant plus que lorganisation fédérale augmente de volume et en conséquence accroît les distances entre ses dirigeants nationaux et ses licenciés, entre ses membres den haut et ceux den bas. Linfluence de lEtat va contribuer à ancrer durablement lorganisation fédérale dans une mission dintérêt général de contrôle et de développement des sports équestres.
Pourtant, cet environnement longtemps propice au développement de la fédération va changer en peu de temps. Si les années 30/40 constituèrent en définitive « la période féconde de la sportivation de léquitation », les années 60/70 vont annoncer en revanche une autre transition beaucoup plus difficile à gérer à travers la demande nouvelle des pratiquants sinscrivant hors du schéma traditionnel de la seule compétition sportive. Durant des années, la fédération continue sa croissance et profite pleinement du fort développement que connaissent alors les sports dans la société. Mais en même temps que les sports sinscrivent dans un phénomène de massification, ils vont se mettre à changer et leurs modalités de pratiques à se diversifier. Les années 60 vont connaître un début dessor dune équitation moins sportive et davantage tournée vers les pratiques de loisirs. Cest une époque déterminante dans lévolution des sports car la demande grandissante du public pour des pratiques de loisirs va susciter lapparition de nouvelles structures associatives ou commerciales répondant de moins en moins aux modes de fonctionnement établis par les fédérations sportives. Nombreux seront les dirigeants fédéraux qui ne voudront pas prendre en compte ces nouvelles demandes, persuadés de leur caractère éphémère. Ils refuseront, de ce fait, dadapter leur offre à la demande changeante de la population. La conséquence sera la multiplication des structures concurrentes qui mettront peu à peu à mal lorganisation fédérale et sapproprieront rapidement un marché porteur laissé de côté par les dirigeants fédéraux. Cest pendant ces années de transition que vont apparaître dans le monde équestre « deux événements majeurs qui sont passés inaperçus à leur origine » : le mouvement tourisme équestre dans un premier temps puis le mouvement poney dans un second temps.
1.2. Le mouvement tourisme et la revendication dune équitation nature
Lune des premières manifestations pour une nouvelle forme de pratique du cheval est le fait du tourisme équestre initié dans les années 50. Les adeptes de randonnées à cheval essayent alors de susciter auprès des dirigeants de léquitation une écoute permettant de développer leur loisir. Mais ils ne trouvent pas ce quils espèrent, « autant déçus, écrit Hervé Delambre, du peu de perspectives offertes en dehors des carrières et des manèges ou de lespace restreint circonscrit du centre équestre, que des méthodes et de lenseignement de lépoque dispensé la plupart du temps par danciens militaires ». La fédération des sports équestres reste fermée à ceux qui frappent à sa porte et quelle perçoit comme « de mauvais cavaliers, mal équipés, mal remontés, mal habillés, sans éducation ». Comme le souligne un de nos interlocuteurs, pour les dirigeants des sports équestres à cheval, les gens du tourisme « cétaient des types crasseux, les chevaux longs, un peu cow-boy, donc, avec les gens cravatés de la (FFSE), ça collait pas ». A leurs yeux, rajoute un autre interviewé, cétaient « des paysans ». Avec obstination, les dirigeants fédéraux vont refuser de reconnaître les pratiquants de randonnée à cheval dont la vision de léquitation est trop différente de la leur, dont les formes de pratiques équestres sortent de leur schéma historique. Ce refus explique que le tourisme équestre (comme par la suite le poney) va se développer dès lors en marge du pouvoir fédéral, Les pratiquants de léquitation de loisir tournée vers le tourisme vont se rassembler, une première fois, en août 1961, au château de Polignac. Puis grâce au soutien dun jeune officier des haras chargé des questions équestres, Henri Blanc, ils décident de créer leur propre association qui naît en 1963. Elle sappelle lAssociation Nationale du Tourisme Equestre (ANTE). Raymond Henry, qui dirige à lépoque une petite maison dédition et est également rédacteur en chef dune revue portant sur léquitation de loisir, en devient le premier président. Les premières associations régionales apparaissent en 1964 en Provence-Languedoc et en région Rhône-Alpes. Ainsi, au sein de leur propre institution, les adeptes du tourisme équestre vont assurer, bon an mal an, le développement de leur activité. En 1974, la Fédération Internationale du Tourisme Equestre (FITE) voit le jour. Vittorio de Sanctis en devient le premier président et donne à son tour au tourisme équestre une légitimité internationale.
1.3. Le mouvement poney et la revendication dune équitation loisir
Lélevage du poney en France se développe dans les années 60. Deux origines peuvent expliquer, comme le rapporte Polier, la création de centres délevage du poney en France : soit lélevage du poney vient damateurs « éclairés » aimant le poney, soit il naît de linitiative de quelques agriculteurs souhaitant diversifier ou reconvertir leurs activités. Pour coordonner un mouvement qui sétend, une association rassemblant tous les amateurs de poney est créée en 1965. En 1971, face au refus de la fédération équestre de les reconnaître, les adeptes du poney, avec à leurs têtes Jacques-Henri Turgis, créent le Poney club de France (PCF). Son président va bénéficier, comme son homologue du tourisme équestre, de laide des Haras nationaux. « Le Poney club de France, nous rapporte un de nos interlocuteurs, au début, sorganise sur le modèle classique de la Fédération équestre française de lépoque ». Son objet est de contribuer au développement des activités équestres sur poney (dont la hauteur sera limitée à 1,49 m au garrot pour le différencier du cheval) et dorganiser par délégation de la fédération les manifestations nationales et internationales. Si à la date de sa création, le PCF compte 5 clubs affiliés, en 1978, il en a déjà 136. Peu à peu, le nombre détablissements à but lucratif se met à croître et devient supérieur au nombre de structures poneys associatives. Si, de 1965 à 1971, rapporte Polier, la plupart des poneys clubs existants (68,4 %) sont alors des associations, de 1972 à 1978, plus de la moitié (54,8 %) des poneys clubs sont désormais des établissements professionnels. Plus le mouvement prend de limportance, plus il va inquiéter les dirigeants de la fédération équestre. A un moment où le Poney club de France connaît quelques difficultés financières, il profite dune réforme pédagogique où léducation de lenfant devient le pôle dintérêt supplantant la recherche de performance. Le succès ne va pas tarder à venir. Le mouvement poney se professionnalise, investit un secteur économique alors en friche et connaît dès lors une prodigieuse ascension.
1.4. Cheval, poney et tourisme, des conceptions différentes de léquitation
De ces initiatives va naître une opposition forte et persistante entre les tenants dune équitation traditionnelle dorigine militaire et les défenseurs dune équitation populaire de loisirs et de nature. En réalité, comme lécrit Pascal Marry, ce sont deux finalités perpendiculaires qui vont sopposer. Tandis que le courant de léquitation traditionnelle occupe massivement le sport de compétition, le courant équestre de loisir va réagir essentiellement aux impacts économiques qui justifient et motivent ses actions : « Pour lun léconomie est une contrainte alors quelle est finalité pour lautre et inversement, la culture, finalité du premier, devient contrainte pour lautre ». Cet auteur ne manque pas de souligner ces profonds paradoxes entre une équitation imprégnée dhistoire militaire et monarchique et une équitation plus moderne, en prise avec les évolutions économiques et les demandes du public. Tandis que le courant traditionnel revendique le maintien dun esprit sportif conforme au fonctionnement associatif à but non lucratif, le courant rénovateur opte pour un développement ouvertement commercial et lucratif de ces activités.
Le 22 avril 1980, la fédération adopte de nouveaux statuts et change à nouveau de nom ; elle sappelle alors la Fédération Equestre Française (FEF). Nous navons pas retrouvé suffisamment darchives de lépoque pour pouvoir préciser la nature des relations quentretenaient les dirigeants des trois associations entre eux. Il semble pourtant que les relations nétaient pas le plus souvent très bonnes, si on en juge par les qualificatifs que les uns attribuaient aux autres et que nous ont rapporté certains de nos interlocuteurs : « y avait des gens du tourisme équestre qui appelaient les gens de la fédération les bombistes, les gens de la fédération appelaient les gens du tourisme équestre les cow-boys, quant aux gens du Poney Club, ils considéraient que cétait un épiphénomène qui confinait à la garderie denfants ». Une chose paraît en tout cas certaine, cest que lévolution de la demande des pratiquants va permettre lessor des composantes poney et tourisme et contribuer à déséquilibrer peu à peu les rapports de force avec la fédération des sports équestres axée sur la compétition. En cela, lannée 1987 est une date importante car elle entame une nouvelle page de lhistoire fédérale équestre. Cest alors « une autre histoire qui commence », nous dit un ancien membre de la direction technique nationale. La diversification des institutions équestres dans la période 70/80 est caractéristique dun développement éclectique des sports. Face à linfluence des pratiques de loisirs californiennes et à lintérêt grandissant des acteurs économiques pour la chose sportive, une réponse urgente de la part des groupements associatifs va simposer de plus en plus. Cette nécessaire cohésion du milieu équestre doit alors passer par une tentative dunification des différentes instances associatives. Cela va conduire à la création de la Fédération Française dEquitation (la FFE) en 1987 adoptant un mode de fonctionnement confédéral. Elle va ramener sous un même toit la FFSE, lANTE et le PCF. Ce regroupement, pourtant, ne va pas contenter tout le monde. Il va être perçu différemment selon les membres, positif pour certains et terriblement négatif pour dautres. Un de nos interlocuteur nous dit à ce propos : « pour le poney et le tourisme, cest une sorte de promotion, pour la Fédération équestre française, cest une forme de castration » signifiant que lintérêt des premiers à pouvoir peser dans le développement de léquitation au sein de la fédération délégataire va tendre à contrecarrer lintérêt des seconds dont le risque de perdre lhégémonie devient rapidement une réalité. Avec le temps, la frustration devient de plus en plus perceptible et conduit inévitablement à des conflits internes. Lhistoire de la FFE est lhistoire dune construction fédérale où les phases les plus agitées de ses chroniques politiques vont se situer le plus souvent dans les périodes de campagnes électorales ; cest là que les conflits dintérêts, les combats de partis vont apparaître les plus virulents, masquant à peine les stratégies et les jeux de pouvoirs élaborés par les acteurs fédéraux.
2. Lhistoire politique mouvementée dune confédération : La FFE entre bureaucratie associative et professionnelle
Lannée 1987 est une date historique dans lesprit de nombreux dirigeants équestres. Les trois composantes de léquitation, hier distinctes les unes des autres, votent de nouveaux statuts qui doivent symboliser leur unification et marquer la naissance dune des plus importantes fédérations nationales : la FFE.
2.1. La FFE, « un mariage de raison plus quun mariage damour »
Le 27 avril 1985, un vétérinaire et ancien président de ligue est élu à la présidence de la FEF par 1797 voix contre 1352. Aussitôt, il annonce ses intentions de fondre les trois courants de léquitation dans une seule et grande fédération. Ce regroupement doit répondre alors à une double nécessité : Dune part, il faut clarifier une situation souvent mal vécue par les pratiquants qui « sétonnent souvent que léquitation soit gérée par des organismes différents, voire antagonistes, bien que leur objet soit de même nature ». Cette volonté doit permettre aux cavaliers de se sentir réellement appartenir à une même famille. Dautre part, lintention est, selon le dicton « lunion fait la force », de peser plus lourd face aux pouvoirs publics distribuant les subventions et décernant les labels officiels. Le seul moyen dy parvenir est donc le rassemblement des trois courants équestres sous un même toit. Durant lannée 1986, les dirigeants se mettent autour de la table pour réfléchir à lunité du mouvement équestre. Cette unification ne peut être effective immédiatement car les relations, parfois difficiles dans le passé entre les différents acteurs de léquitation, ne sont pas effacées des mémoires. Pour quelle ait lieu, il faut passer par plusieurs étapes, dabord une phase de cohabitation puis un acheminement vers une fusion générale ; cest ce que nous explique un de nos interviewés : « conscient de la difficulté de réellement pouvoir travailler tous ensemble main dans la main, lidée était de faire en sorte que tout le monde puisse déjà dans un premier temps cohabiter, apprendre à se connaître et travailler ensemble pour aller progressivement après vers une unité fédérale plus marquée ». A terme, la fédération nationale doit devenir lorganisme centralisateur des décisions et coordonner les actions des trois courants. Pour lheure, elle ne peut que regrouper les trois instances, chacune conservant son entité, son budget propre et son organisation.
Telle « la mise en place dun régiment de cavalerie avec toutes ses composantes », lensemble des membres de lassemblée générale constitutive donne naissance à la Fédération Française dEquitation (FFE) dont les statuts sont agréés par le Ministère de la jeunesse et des sports, le Ministère de lagriculture, le Comité national olympique sportif français et les assemblées générales des trois composantes. Ces dernières deviennent des délégations nationales, la FEF prenant lappellation de Délégation nationale des sports équestres (DNSE que nous appellerons par la suite délégation cheval), le PCF devenant la Délégation nationale de léquitation sur poney (DNEP ou délégation poney) et lANTE la Délégation nationale du tourisme équestre (DNTE ou délégation tourisme). Cette réunification, jugée « historique » doit, dans lesprit de son premier président, permettre à tous de « travailler ensemble, dans lharmonie ». Lors de lassemblée générale élective du 18 juillet 1987, le président de lex-FEF est confirmé à son poste à la nouvelle FFE par 134 275 voix contre 19 275 (et 3 bulletins nuls). Lassemblée générale de la fédération se compose alors des comités directeurs de chacune des délégations. Sa mission est de définir la politique générale fédérale et den contrôler sa bonne application. Elle élit en son sein les membres du comité directeur qui exercent « lensemble des attributions que les présents statuts nattribuent pas à lassemblée générale ou à un organe de la fédération ». Les statuts fondateurs de la fédération confirment bien que « chacune des délégations exerce une compétence exclusive dans le domaine qui lui est propre» et reverse une partie de ses recettes à la FFE. La création de cette « super fédération », peut-on lire dans le Figaro du 30 juillet 1988, apparaît alors comme un aboutissement. Elle permet au monde équestre de se prévaloir dappartenir à lune des plus grandes fédérations nationales (la cinquième fédération nationale avec plus de 200 000 licenciés) et de réunir les trois groupements de léquitation « qui, pour avoir le cheval pour ami, nen vivaient pas moins séparés ». Pourtant, la nouvelle fédération, en optant pour une organisation « de type confédératif » va davantage juxtaposer les pouvoirs plutôt que de les unir. Ce regroupement autour du président va donner lieu, nous dit un ancien membre de la direction technique nationale, « à une pseudo fédération parce que chaque structure est quasiment indépendante, avec sa propre logique de licenciement, sa propre logique budgétaire, ses propres structures déconcentrées, ligues et comités départementaux ». Après quelques années de fonctionnement, lunion reste inachevée. Chaque délégation détient toujours ses propres prérogatives dans les prises de décision avec les lenteurs et blocages que cela engendre. La persistance du mode confédéral va illustrer peu à peu léchec de lunification et alimenter les oppositions farouches et les rancurs entre les partisans de projets fédéraux différents. Malgré cette tentative vers plus de cohésion des sports équestres largement encouragée par les pouvoirs publics, les oppositions surtout idéologiques demeurent vives entre les différentes institutions. Les conflits qui éclatent peu après vont alors opposer les dirigeants de la délégation cheval (notamment les présidents de ligue) avec le président de la FFE dans un premier temps puis avec les dirigeants de la délégation poney dans un second temps.
2.2. Les dirigeants de la confédération dans des luttes de pouvoir
La crise, qui éclate au sein de la fédération durant lannée 1988, va opposer le président de la FFE et les présidents de ligue de la délégation cheval. Si les raisons qui amènent les membres du Collège des présidents de ligue de la délégation cheval à demander le départ du président de la FFE sont multiples, il en est une qui va être déterminante : Pour lexercice 1987, la FFE enregistre un déficit financier très important (les audits demandés par le ministre des sports et les présidents de ligue concluront par la suite à « une légèreté de gestion mais pas de malversations »). Le président de la FFE est désigné comme le principal responsable et est mis bientôt sur la sellette. « Jendosse, déclare-t-il, la responsabilité institutionnelle », reconnaissant que les bons résultats aux Jeux Olympiques de Séoul (où léquitation française a particulièrement brillé en rapportant une médaille dor) ne peuvent masquer les pertes financières importantes. Lentrée en scène du Collège des présidents de ligue de la délégation cheval va, semble-t-il, accélérer lissu du conflit. Convoqués le 14 octobre à la demande du Président de la délégation cheval, les présidents de ligue vont se prononcer officiellement, par 24 voix sur 25, pour la démission du président de la FFE qui devient effective lors de lassemblée générale du 29 octobre par 111 414 voix contre 69 387. Les deux autres délégations ne peuvent pas, semble-t-il, faire grand chose. Pour le journaliste Thierry Cerinato, cette attitude, quil juge « complaisante » des dirigeants des délégations poney et tourisme, sexplique par le fait quils « tiennent à prolonger leur cohabitation » avec la délégation cheval pour qui la démission du président de la FFE est la condition du maintien dun semblant dunité. Pour réduire ce déficit, les dirigeants du courant cheval procèdent à la restructuration des services et au licenciement dune vingtaine de leurs salariés. Ils vont également faire appel aux ligues cheval qui vont consentir dans leur grande majorité à les aider financièrement. La chute du fondateur de lunification fédérale va amener certains auteurs à accuser le « triumvirat » constitué du président de la délégation cheval, de son trésorier et de son vice-président chargé des finances (ces deux derniers étant présidents de ligue) davoir orchestré son départ avec la complicité du Collège des présidents de ligue. Un homme du « vivier », président de ligue lui aussi, est proposé pour remplacer temporairement le président sortant. Il assurera aussitôt lintérim de la présidence qui durera six mois.
Pourtant, si les motifs affichés par les présidents de ligue cheval sont essentiellement financiers, cela ne peut suffire à expliquer leur vive réaction à lencontre de leur président. Dautres raisons peuvent être évoquées. Pour un de nos interviewés, le fondateur de la FFE, en mettant côte à côte les sports équestres à cheval, le poney et le tourisme sans pour autant rendre effective la fusion, a donné « un certain nombre de coups de pieds dans un certain nombre de fourmilières » et a avivé « les frustrations de ceux qui avaient été obligés de sasseoir sur les mêmes bancs que les cow-boys ou les petits nounours du poney ». Cest parce que les présidents de ligue sont « gênés de se retrouver au fond sur un pied dégalité avec des dirigeants du poney », quils vont organiser la riposte en cherchant à changer le président à la tête de la fédération. Il semble, à la longue, que les présidents de ligue du mouvement cheval vont ressentir une animosité de plus en plus marquée à légard des mouvements tourisme et surtout poney dont le développement très important leur porte préjudice et les inquiète. Cest une époque, nous explique un de nos interviewés, où « les présidents de ligue prennent conscience de limportance croissante du mouvement poney ». Bien que le tourisme équestre et le poney soient tout deux des concurrents potentiels pour les dirigeants cheval, les polémiques et tensions naissent surtout avec le mouvement poney, car on assiste, note un responsable du ministère des sports, « à une montée complètement dingue de léquitation sur poney (
) le poney sest mis à grossir considérablement, pour des raisons pédagogiques, pour des raisons techniques, pour des raisons commerciales parce que ce sont des professionnels qui ont pris ça en charge ». Si le tourisme, dont limportance est moindre, ne gêne guère les dirigeants de la délégation cheval car il est « très exotique par rapport à eux et à leurs préoccupations », il en va tout autrement pour le poney qui « est quand même extraordinairement ressemblant à la fédération sportive et au mouvement sportif ». Les dirigeants de cette pratique de loisir vont organiser des compétitions, des examens et même un championnat dEurope ; ce qui les positionne en tant que concurrents directs vis-à-vis de la délégation des sports équestres à cheval. Ces raisons expliquent au bout du compte la détermination des dirigeants de la délégation cheval à renverser le président de la FFE, fondateur de la confédération, et responsable, à leurs yeux, de cette situation « qui devait être courte et transitoire et qui devait amener à une fusion générale ». A leurs yeux, cette fusion, qui leur est pour le moment favorable parce quils sont encore fortement majoritaires en nombre de licenciés et sur le plan financier (nous y reviendrons), a trop tardé.
Durant toute cette période agitée, le rôle joué par les présidents des ligues de la délégation cheval témoigne du poids considérable quils ont acquis dans la confédération. Par des modifications statutaires (que nous détaillerons plus loin), par un contrôle renforcé des ressources financières, ces présidents de ligue vont constituer une oligarchie dont le pouvoir influencera autant les orientations politiques de la délégation cheval que de la FFE. Le mouvement de décentralisation vers les régions, après celui engagé par lEtat, va accompagner le renforcement de leurs positions stratégiques et permettre datténuer la lourdeur bureaucratique de la fédération en donnant aux ligues de plus en plus dautonomie. De la configuration bureaucratique centralisée de ses débuts, la FFE prend désormais, dans ce deuxième état avancé de son évolution, la forme dune configuration bureaucratique oligarchique et décentralisée (la décentralisation restant toutefois strictement limitée aux régions).
La période qui suit est celle du retour au calme et de lattente des prochaines élections qui sannoncent déjà. Un nouveau candidat à la présidence de la FFE, chef dentreprise (comme dailleurs un grand nombre des présidents de ligue les plus influents), entre au comité directeur de la délégation cheval en avril 1989. Dans son programme de campagne, il prône le rapprochement des trois délégations et ladoption de statuts conformes à la législation. Elu local et président dhonneur dun centre hippique, le candidat à la présidence est proche des présidents de ligue (comme on peut le penser à la lecture de son programme de campagne). Il insiste sur la nécessité de définir un grand projet fédéral et dachever la réforme des statuts réclamée par le ministère des sports (cette réforme supposant la fusion des trois délégations au sein dune fédération unifiée). Elu en juin lors de lassemblée générale de la FFE, le nouveau président de la FFE apparaît être lhomme de lapaisement ; mais cest un apaisement toutefois relatif. Dès 1990, les pressions vont sexercer de nouveau sur la présidence. Suite à leur séminaire organisé à Nice, les présidents de ligue de la délégation cheval menacent de provoquer une assemblée générale extraordinaire de la FFE pour provoquer « la remise en cause des équilibres existants ». Ils réclament une fois encore « lunification totale des composantes de léquitation par la suppression des trois délégations ». Les initiatives prises par le Collège des présidents de ligue sont dailleurs régulièrement dénoncées par certains acteurs voyant dans ces opérations de déstabilisation la volonté de supprimer les composantes rivales au sein dune fédération dans laquelle la délégation cheval est toujours majoritaire en nombre de licenciés.
Vers la fin de son mandat et ne parvenant pas à réaliser la fusion, le président de la FFE est mis en difficulté. Cest une période floue où les dirigeants de la délégation cheval, conduit par le même « triumvirat » qui renversa lancien président de la fédération, reprennent loffensive. Cette offensive pourtant naboutit pas en raison de la forte opposition des dirigeants du poney et du tourisme mais aussi en raison « des contradictions internes à la DNSE ». Des problèmes de santé vont conduire le président de la délégation cheval à démissionner. Un ancien sportif de haut niveau et récent médaillé olympique lui succède à la tête de la présidence de la délégation. Se présentant comme lhomme du consensus, il va organiser son élection à la FFE. Son objectif affiché est de parvenir à unifier enfin les trois associations et datténuer les guerres internes. Il parvient à se faire élire à la tête de la FFE lors de lassemblée générale de juin 1993. Sa lourde tâche est alors de conduire les réformes nécessaires. La même année, il est également élu président du Club France Equitation (CFE), une société à objet sportif chargée de la gestion des activités lucratives de la fédération, cumulant ainsi trois mandats importants. Bien que soutenu au début par les délégations poney et tourisme, le nouveau président perd rapidement leur confiance et cest une nouvelle période de crise qui sannonce.
Ce nouveau conflit noppose plus cette fois le président de la FFE et les dirigeants de la délégation cheval. Ce conflit met désormais face à face les dirigeants du cheval et ceux du poney. Il va durer de longues années et perdure encore aujourdhui. Cette opposition entre les deux délégations, écrit Pascal Marry, masque en réalité des enjeux de fond sur lidée même de ce que doit être léquitation. Pour cet auteur, le conflit « recouvre lopposition sport olympique/loisir sportif ». Aux défenseurs dune pratique compétitive organisée sur le modèle pyramidal fédéral, sopposent les tenants dune équitation dont lobjectif répond davantage à un modèle économique de « coopérative ». Face aux « dignitaires du sport » (pour reprendre lexpression de lauteur) revendiquant une logique sportive traditionnelle, se développe désormais un sport loisir sinscrivant dans une logique entrepreneuriale. Les évènements qui vont suivre confirment le retour à la crise et la confrontation de deux groupes dintérêt aux logiques de fonctionnement très différentes. Ce sont deux visions de léquitation qui vont saffronter. Tandis que « la DNSE, écrit la journaliste Bénédicte Mathieu, qui rassemble près de 210 000 licenciés, propose un modèle « olympique » qui gravite autour du sport et de la compétition, le poney-club avec près de 120 000 licenciés soriente lui vers le loisir ». A cause de cela et malgré les invectives du ministère, la FFE sera la seule de toutes les fédérations dirigeantes à ne pas être conforme à la législation au terme de léchéance ministérielle.
La période qui souvre est une période de forte agitation où, comme lécrit Guedj, « le ton monte » entre les dirigeants du cheval et du poney. La fusion des trois délégations est plus que jamais à lordre du jour. Le président de la fédération convoque, dans cette intention, lassemblée générale de la FFE en novembre 1996 dans le but de ratifier les nouveaux statuts malgré la forte opposition du président de la délégation poney. Ce dernier défend « lautonomie « financière » et « sociale » des délégations pour préserver les services aux clubs », écrit Desjardins. Il craint à terme la dilution de sa délégation dans la mesure où les statuts proposés, peut-on lire dans Le Monde du 19 mars 1997, imposeraient « une structure monolithique ». Face à son opposition virulente, le président préfère reporter lassemblée. Face à une situation dont le dénouement paraît incertain, cette réforme ne peut être votée en létat, dautant que les élections approchent à grands pas et que les regards se tournent de plus en plus vers les urnes (les élections sont en effet prévues pour le 30 juin 1997).
Dans ce climat préélectoral, la fédération est « au bord de léclatement », comme le titre un journaliste du Monde. Les phrases assassines battent leur plein et la tension monte encore un peu plus. Dans ce contexte délétère, le président de la délégation poney dénonce « la vision hégémonique et totalitaire de quelques-uns réunis sous la bannière (du président de la FFE) ». Pour un des responsables administratifs de la fédération, les véritables intentions du président de la fédération sont en réalité « de reprendre le flambeau de ses prédécesseurs à la DNSE : liquider les composantes poney et tourisme au moyen dune réforme statutaire ». Pour dautres, la délégation poney est fautive de vouloir prendre le contrôle de la FFE, de vouloir « mettre la main dessus », pour des raisons mercantiles et pour servir ses groupements affiliés composés de plus en plus détablissements commerciaux dont la représentativité au sein de la fédération associative est contestée. Dans cette confrontation entre deux logiques fédérales, cest de nouveau « la très fragile cohabitation entre les délégations nationales qui entendent défendre leur part du gâteau » qui est mise en difficulté. A la veille des élections de 1997, le président de la fédération paraît dans lincapacité datténuer les guerres intestines. Le journal « Paris-Turf » de juin 1997 le décrit ainsi : « Il est toujours à la barre dun navire porteur de grandes espérances économiques, mais chahuté par un océan de contestation ». Assuré de lappui des dirigeants du cheval toujours majoritaires, sa réélection ne fait pourtant guère de doute. Réélu à la présidence de la délégation cheval en mars, il est réélu sans surprise trois mois plus tard à la tête de la fédération. Son mandat pourtant va être de courte durée. Se sentant fragilisé au milieu de « cette espèce de guerre civile fédérale », il va décider de démissionner pour se consacrer à une carrière politique à loccasion des élections régionales. Bien que bénéficiant, pendant toute la durée de ses mandats, de lappui des dirigeants de la délégation cheval, il ne peut réaliser ses projets et son incapacité à parvenir à ses fins va se traduire par sa démission annonçant une nouvelle période de campagne électorale. Son départ devient effectif lors de lassemblée générale élective de mars 1998. Il va sentendre avec les dirigeants du cheval dont les présidents des ligues du Nord, de Rhône-Alpes et de Picardie pour soutenir une candidate à la présidence de la FFE tandis que cest un autre président de ligue qui obtient la présidence de la délégation des sports équestres à cheval.
Le 31 mars 1998 constitue une date importante dans lhistoire des fédérations sportives car, pour la première fois, une femme est élue à la présidence dune grande fédération sportive nationale. Elle bénéficie de lappui de son prédécesseur et aussi des présidents de ligue influents. La nouvelle présidente va pourtant, à son tour, connaître rapidement des difficultés avec les dirigeants du mouvement cheval. Ces derniers se mettent à reprocher le manque de concertation entre la présidente, le ministre des sports qui la soutient et eux. Ils vont menacer maintes fois de quitter la FFE annonçant que « dans lhypothèse où la situation de la FFE névoluerait pas, le comité directeur de la DNSE sengage à proposer (
) lincompatibilité du maintien de la DNSE au sein de la FFE ». Les menaces quils profèrent sont alors bien réelles et tous sont conscients que les conséquences peuvent être catastrophiques pour la fédération. Avec le départ de la délégation cheval, cest une part essentielle du budget fédéral quelle risque de perdre. Cette attitude dintransigeance adoptée par la délégation cheval va susciter contre toute attente de fortes critiques de la part du ministre des sports et aussi de la part de certains membres de la délégation cheval de plus en plus excédés par ces rivalités. A la fin de lannée 1998, les statuts de la FFE ne sont toujours pas votés et le bras de fer continue. La présidente est de plus en plus lobjet de la colère qui gronde dans les rangs de la délégation cheval. Les présidents de ligue en appellent aux dirigeants de clubs pour quils ne cautionnent pas léquipe fédérale en place qui conduit « une politique destructrice » et quils votent « pour une nouvelle fédération conduite par une nouvelle équipe ». Peu à peu, lévolution de la situation devient de moins en moins favorable à la présidente de la FFE, mais elle va conduire paradoxalement, précise un de nos interviewés, à un « renversement dalliance » , le Poney club de France et le tourisme vont alors décider de la soutenir « en se disant finalement que puisquelle dit ce quelle fait et fait ce quelle dit, elle devient un interlocuteur valable ». Dès lors, la situation se met à changer. La présidente de la fédération peut bénéficier de lappui des délégations poney et tourisme qui signent un protocole daccord mentionnant leur acceptation du projet de réforme des statuts « moyennant quelques arrangements » (il faut dire que le nombre de licenciés poney et tourisme est presque devenu équivalent à celui de la délégation cheval). Fatigué des querelles, un nombre grandissant de membres de la délégation cheval, de ligues régionales et de syndicats professionnels vont à leur tour soutenir les intentions de la présidente de la fédération en manifestant « leur attachement à lunité des activités équestres et la nécessité déviter la rupture du dialogue en cours ». Certains vont même jusquà démissionner de la délégation cheval, déclarant quils nont pas « les convictions nécessaires pour participer à une quelconque stratégie autre que celle de lunion des trois délégations ». Au final, la présidente finit par obtenir laccord de principe des trois délégations réunies en assemblée générale (avec 83 % de bulletins favorables). Le moment est plus que propice pour réamorcer la procédure conduisant au vote des nouveaux statuts. Ce vote est programmé sans tarder pour la fin de lannée.
2.3. Entre tradition et modernité, vers lunification fédérale
La fin de lannée 1999 marque un tournant important dans la vie de la fédération déquitation. Cest en effet le 14 décembre 1999 au siège du CNOSF que les nouveaux statuts de la FFE sont soumis au vote des membres de lassemblée générale convoquée. A lissue de la réunion, la présidente peut se valoir de rallier 92,25 % des voix autour dun texte quelle qualifie de « honnête, équilibré et légal ». « Ces nouveaux statuts, résumés en 31 articles, note une journaliste du journal LEquipe, mettent la FFE en conformité avec la loi sur le sport. Ils mettent également fin à douze ans de querelles entre les trois délégations ». Après tant dannées de tergiversations, les nouveaux statuts vont enfin refondre lorganisation de la FFE et donner à celle-ci une architecture plus conforme à sa qualité de fédération unisport investie dune mission de service public. « Voilà donc une page de notre histoire qui se tourne », déclare la présidente à lissue du verdict des urnes. La fédération supprime les délégations nationales dont les composantes sont intégrées dans des comités nouvellement créés : le « Comité cheval », le « Comité poney » et le « Comité national du tourisme équestre » (à cela se rajoute un quatrième comité chargé du secteur des compétitions). Dautre part, la fédération affirme la légitimité de ses propres comités régionaux et départementaux déquitation (les CRE et CDE sont des « organismes déconcentrés » de la FFE, précisent les statuts). Ils remplacent les ligues régionales et comités départementaux des précédentes délégations. Ils sont, précise la présidente de la FFE, « une application dans les régions de la fusion DNTE-DNSE-DNEP qui a donné naissance à la forme unie de la fédération ». Pourtant, il est à noter que leurs poids dans la vie fédérale vont devenir moins importants quavant (cest en tout cas le sentiment exprimé par certains dirigeants ou anciens présidents de ligue équestre qui craignent que la finalité ne soit à terme de remettre en cause les composantes régionales et départementales intermédiaires). En souhaitant privilégier un axe direct FFE/club, ce sont les pouvoirs des régions qui sen trouvent atténués, comme pour éviter quelles ne jouent, à limage des anciennes ligues équestres, un rôle qui devienne de nouveau trop important. Si la délégation du tourisme équestre connaît un traitement un peu particulier dans la mesure où elle devient un Comité National du Tourisme Equestre (CNTE) en convention avec la fédération, il est prévu que les délégations cheval et poney (DNSE et DNEP) soient dissoutes selon « un protocole daccord fixant le calendrier de dissolution et les conditions de dévolution de leurs biens » (ce qui sera chose faite le 31 juillet 2000 pour la DNSE et le 31 août 2001 pour la DNEP). Léquilibre des représentations des différentes sensibilités (cheval, poney, tourisme) au comité directeur de la fédération semble en mesure datténuer les oppositions et la concurrence qui sexerçaient jusqualors entre les anciennes délégations. Il sagit en définitive de ne reconnaître quun seul pouvoir, celui de la fédération. La nouvelle année qui commence voit poindre les prochaines élections pour la présidence de la fédération au terme de lolympiade. Si les statuts sont enfin votés, beaucoup reste à faire. A lissue de lassemblée générale élective réunie le 21 mars 2000, la présidente sortante est réélue avec 63,37 % des voix et devance largement le candidat de lex-délégation cheval (qui nobtient que 36,63 % des suffrages). Cette réélection confirme quune page de lhistoire fédérale est définitivement tournée.
A lissue de cette sommaire rétrospective de lhistoire fédérale qui nous a permis de mieux comprendre les enjeux qui ont accompagné la construction de la fédération déquitation, que pouvons-nous en conclure ? Quelles interprétations pouvons-nous avancer pour justifier les agitations qui ont maintes fois poussé la fédération au bord de léclatement ? Nous avons pu nous rendre compte de la grande complexité de lhistoire de cette fédération et des diverses sensibilités culturelles et politiques des membres qui ont marqué son développement. Il ressort de cette première approche que des groupes dacteurs peuvent être distingués. Ils se distinguent dautant plus quils sont entrés bien souvent en conflit les uns avec les autres, matérialisant des clans ou des clivages relativement forts. Nous pensons que ces conflits sinscrivent au fond dans un contexte qui voit la fédération évoluer vers la phase ultime de son cycle de vie, celle de sa professionnalisation. Cette mutation difficile, mais à notre sens inéluctable, vers une forme organisationnelle susceptible de remettre en cause le modèle associatif traditionnel, explique les périodes de très fortes tensions qua connu la fédération et qui lont rapprochée de la configuration professionnelle. Agitée par des conflits parfois très intenses au point de transformer ses réunions annuelles en de véritables « arènes politiques», la fédération voit une confrontation entre des groupes dacteurs aux logiques différentes, aux intérêts parfois antagonistes qui, régulièrement, menacent de la faire éclater. La montée en puissance des dirigeants du poney, dont nous confirmerons par la suite le lien professionnel quils entretiennent avec le milieu équestre, annonce une transformation profonde de la fédération qui, du modèle associatif, tend désormais à se rapprocher du modèle bureaucratique professionnel que nous avons situé dans létat 3 de la phase de maturité du cycle de vie fédéral.
3. La FFE, une confédération de courants équestres quasi-autonomes
Lorsquen 1987 la fédération est créée avec ses trois délégations nationales, on pouvait penser quelle allait rapidement unifier les composantes équestres en centralisant tous les pouvoirs en son sein. Or, la lecture des textes de lépoque, des statuts fondateurs et notre étude menée ci-dessus montrent à lévidence quil nen est rien. La fédération « est la réunion dEtats ou de structures qui acceptent, en se fédérant, dabandonner leurs prérogatives au profit de la fédération quils souhaitent mettre en place. (
) le système qui nous régit actuellement est pratiquement linverse, cest-à-dire : une confédération dans laquelle les structures qui la composent conservent avec compétence exclusive toutes les prérogatives dont
Figure n° 3 : Le modèle de cycle de vie de la FFE
elles disposent ». Malgré la volonté apparente de certains de ses dirigeants, la FFE va laisser pendant longtemps aux trois courants équestres leur entière souveraineté en maintenant sa structure confédérale. Se pose alors la question du rôle et du pouvoir attribués à la fédération face à ses composantes quelle a semble-t-il peu contrôlées. Dans la suite de notre étude, notre intention va être de montrer que jusquen 1999 et ladoption des nouveaux statuts, la FFE na pas en réalité de pouvoir ni politique ni financier. Elle est plus une « coquille vide ». Il apparaît en définitive que, durant toute cette période, les évolutions de la FFE traduisent en réalité les évolutions de ses trois courants qui la composent. Si un courant est plus fort que les autres, il lest de fait au sein de la FFE, si un courant perd de son autorité, il est affaibli au sein de la fédération. Nous pensons que la FFE nest au fond que ce que sont ses composantes. Elle est en somme le lieu où les dirigeants équestres vont défendre leurs intérêts et maintenir ou étendre leur souveraineté. Elle va jouer plus un rôle de représentation auprès des pouvoirs publics quun rôle politique. Ce dernier est exercé en réalité par les délégations dont la plus prépondérante, en tout cas au début, est la délégation cheval (DNSE) qui forme dès le début avec la fédération un « axe hégémonique FFE/DNSE » (pour reprendre lexpression dun de nos interlocuteurs). Si le pouvoir de la délégation cheval est politique, il est aussi financier. Une brève étude comparative des budgets de la FFE et de chacune des délégations permet de mettre en évidence que le pouvoir financier nest pas détenu par la fédération mais par les délégations dont surtout, une fois encore, la délégation cheval. Dans ce fonctionnement associatif se voulant démocratique et où le pouvoir vient des licences, celles-ci sont en réalité détenues par les délégations et non pas par la fédération qui nen a pas en propre. Lévolution des licences sur la période 1987 à 1999 montre toutefois quelle va profiter avant tout au mouvement poney et que les dirigeants du cheval vont voir leur pouvoir diminuer inexorablement avec le temps.
3.1. Un pouvoir politique et financier contrôlé par les dirigeants du cheval
Les statuts fondateurs de la FFE datent du 25 avril 1987. Ils nous informent notamment sur le mode de désignation des dirigeants fédéraux. Il est ainsi aisé de montrer que les membres siégeant à lassemblée générale de la fédération (qui est en principe lorgane délibératif de toute association) ne sont pas élus mais issus directement des comités directeurs de chacune des trois délégations. Les sièges quils occupent à lassemblée générale de la FFE ne sont donc pas des sièges électifs mais des sièges de droit : « Lassemblée générale se compose des membres des comités directeurs de chaque délégation nationale », stipule larticle IX des statuts Ainsi, la FFE est composée au niveau de son assemblée générale, par la simple addition des membres des comités directeurs des trois délégations. Ceux qui dirigent la FFE sont donc ceux qui exercent des responsabilités importantes au sein de leur délégation respective. De ce fait, nous sommes fondé à penser que les membres de la fédération ne sont pas ses représentants auprès de leur délégation respective mais au contraire les représentants de leur délégation auprès de linstance fédérale. Lhémicycle de lassemblée fédérale sert au fond à défendre les intérêts de la délégation dappartenance contre ceux, si nécessaire, des autres délégations.
Parmi les délégations représentées à lassemblée générale de la FFE en 1987, une apparaît immédiatement majoritaire au sein de toutes les instances décisionnelles de la fédération ; il sagit de la délégation cheval. Il est facile de montrer que dès ses premières années de fonctionnement, la FFE est massivement contrôlée par les dirigeants de cette délégation, la plus importante en nombre de licences (et ce avant cependant que le mouvement poney prenne son envol). Le fonctionnement fédéral veut que le nombre de voix détenu par les membres de lassemblée générale dépende du nombre de licences quils représentent. Comme le précisent les statuts fédéraux, les membres à lassemblée générale de la FFE disposent « dun nombre de voix égal au total des licences délivrées au titre de leur délégation, divisé par le nombre des représentants de ladite délégation ». Ainsi, si on considère lassemblée générale de la FFE lors de sa création en 1987, on saperçoit quelle est représentée massivement par les membres issus du mouvement cheval. Cette surreprésentation se caractérise moins par le nombre de membres issus des délégations que par le nombre de voix quils détiennent selon le principe : une licence vaut une voix. Cest ce qui explique que lors de la création de la fédération en 1987, sur les 92 membres que compte alors lassemblée générale de la fédération, la majorité des droits de vote sont détenue par la délégation cheval qui, en comptabilisant la plus grande partie des licences équestres, contrôle à elle seule 80 % des voix à lassemblée générale et 67,5 % des voix au comité directeur (la délégation cheval détient alors 160 235 licences divisées par les 55 membres siégeant à lassemblée générale, cela fait 2913 voix par membre - la délégation poney compte 25 555 licences pour 12 membres siégeant soit 2129 voix par membre la délégation tourisme comptabilise 14 979 licences pour 25 membres à lassemblée générale soit 599 voix par membre). On voit très bien lécrasante majorité des dirigeants du courant cheval au sein de la fédération. Ce fait explique que ces deux instances forment un axe fort par lequel les dirigeants des sports équestres peuvent diriger la politique nationale.
En outre, il est facile de démontrer que le contrôle du pouvoir financier ne revient pas à la fédération. La comparaison des budgets pour chacune des délégations et pour la FFE révèle un profond déséquilibre des forces en présence. Elle montre que la FFE dispose dun pouvoir financier peu important au regard de celui de la délégation cheval notamment. Une étude comparative des budgets des différentes composantes équestres en 1988 fait apparaître en effet cette disproportion considérable entre la composante cheval et lensemble des autres composantes. Chaque délégation perçoit pour son compte les recettes de ses licences. Elle verse à la FFE une contribution, calculée au prorata du nombre de ses licenciés. Si on prend lexercice 1988, par exemple, la délégation cheval a reversé 213 424 euros (1 400 000 francs) à la FFE, la délégation poney a reversé 63 417 euros (416 000 francs) et la délégation tourisme 34 151 euros (224 000 francs). La FFE dispose alors dun budget de 561 382 euros (3 682 500 francs) mais par rapport aux budgets des délégations, cela représente léquivalent du budget de la délégation tourisme et la moitié du budget de la délégation poney (respectivement 600 000 et un million deuros) et un douzième seulement du budget de la délégation des sports équestres à cheval (le budget de cette dernière sélève alors à 6,7 millions deuros soit près de 44 millions de francs !). Ainsi, la répartition du capital économique montre lécrasante supériorité de la délégation cheval dont le budget est beaucoup plus important que celui de la FFE et des deux autres délégations réunies. Cest ce que dailleurs ont confirmé lensemble de nos interlocuteurs lors de nos entretiens. Le contrôle de la FFE par les dirigeants du cheval explique de ce fait que les postes les plus stratégiques au sein de la FFE soient occupés par ces mêmes dirigeants. En répartissant par délégation dappartenance les membres occupant les postes au bureau de la FFE et pour les cinq olympiades écoulées depuis 1987, on constate que les postes stratégiques au bureau de la FFE (celui de président qui incarne le pouvoir politique et celui de trésorier qui incarne le pouvoir financier) sont la plupart du temps détenus par les dirigeants des sports équestres à cheval, seul le poste de secrétaire général na pas dappartenance particulière à une délégation.
Comme on peut limaginer, cette hégémonie de la délégation cheval au sein de la FFE va devenir très vite insupportable pour les deux autres délégations, craignant à terme leur absorption dans la fédération réunifiée. Un de nos interlocuteurs nous dit à ce propos « puisque les sports équestres étaient en même temps la fédération, il y a eu un conflit, il y a eu une confusion de genre quelque part où la DNSE et la fédération représentaient la famille prépondérante de la fédération, les deux autres délégations vivant plus ou moins mal, au début, à peu près correctement, puis après, de plus en plus mal, lhégémonie que représentait laxe DNSE/fédération ». Et cette cohabitation ira de mal en pis du fait de la montée en puissance du mouvement poney qui sinstallera progressivement dans une position de concurrence de plus en plus forte avec la délégation cheval. Son extraordinaire développement va fragiliser considérablement laxe FFE/DNSE.
3.2. La montée en puissance du courant poney
Si en 1987, les statuts semblent figer limage dune fédération instituée et stable consacrant la prédominance du courant cheval, lévolution de la demande des pratiquants va provoquer rapidement une modification de la « carte des pouvoirs » et va transformer progressivement les rapports de force entre les courants équestres. Pour sen rendre compte, il nous faut porter notre regard sur lévolution des licences équestres.
Létude de lévolution des licences équestres montre que la FFE na pas de licences propres jusquen 1999. Ces dernières sont gérées par les délégations et on peut observer pour chacune delle un développement qui lui est spécifique. Ainsi, létude de lévolution des licences depuis 1949 distingue deux périodes : la période post FFE où les trois associations (FEF, PCF et ANTE) connaissent chacune une croissance distincte et différente. Durant cette période, la croissance de la FEF apparaît la plus forte ; si celle-ci compte 23 000 licenciés en 1949, elle en dénombre 90 989 en 1973 et 166 915 en 1987, soit un nombre de licenciés qui est multiplié par 4 en 25 ans puis double en moins de 15 ans, juste avant lunification des composantes équestres. La création de la FFE en 1987 ouvre une deuxième période qui se traduit logiquement par un bond des licenciés FFE puisque les licences des trois délégations sont additionnées. Le PCF et lANTE apportent à eux deux plus de 40 500 licenciés au démarrage de la FFE. Mais, si la progression des licenciés reste forte et soutenue jusquà aujourdhui, comme le montre la figure n° 4 ci-après, pour autant, la progression des licences FFE ne peut être considérée en tant que telle puisquelle nest que la traduction de la progression des licences des trois courants équestres ; et on voit aisément que ce sont les licences poney qui vont fortement contribuer à faire progresser le nombre des licences équestres. Comme nous lavons montré plus haut, laugmentation du nombre des licences est capitale pour les délégations équestres puisquelle détermine le nombre de voix détenu par chacun de leurs représentants à lassemblée générale et au comité directeur de la FFE, cest ce qui explique la longue suprématie du courant cheval mais aussi que la bataille des licences fait rage tout au long de la vie de la fédération. Or, on observe que la progression des licences FFE de 1987 à 1999 est en partie due au poney (on voit sur le schéma que les deux courbes FFE et poney sont pratiquement parallèles) alors que les licences du courant cheval sont en augmentation constante mais plus modeste. Quant à la courbe des licences tourisme, elle est, elle aussi, montante mais plus légèrement encore (de 15 000 licences en 1987, on passe à 44 078 licences en 1998). Ainsi, on constate que dans le volume total des licences équestres, les licences poney occupent une place de plus en plus importante au sein de la FFE ; cest ce qui peut expliquer les tensions qui en résultent avec les dirigeants des sports équestres suite à une concurrence de plus en plus forte des dirigeants poney. Si, comme nous le commente un des acteurs forts de lépoque, « en 85, cétaient les sports équestres qui menaient tout, maintenant cest le Poney Club qui mène tout ».
Lévolution des licences (et surtout leur répartition) détenues par les délégations induit de fait un rééquilibrage du nombre de droits de vote attribué à chacun des membres de lassemblée générale et peut avoir par conséquent une influence non négligeable sur le nombre de membres représentant chacune des délégations au sein du comité directeur de la FFE. Létude comparative de la répartition des sièges par délégation au comité directeur de la FFE entre 1987 et 1998 montre une baisse progressive de la représentation des dirigeants des sports équestres à cheval au profit essentiellement des dirigeants du poney. Si en 1987, le pourcentage de sièges détenus par les membres issus de la délégation cheval au comité directeur de la FFE sélève à 67,5 %, celui de la délégation poney à 17,5 % et celui de la délégation tourisme à 15 %, en 1993, les membres de la délégation cheval noccupent plus au comité directeur de la FFE que 62,5 % du nombre total des sièges contre 22,5 % pour la délégation poney et 15 % pour la délégation tourisme. En 1997, on obtient finalement une répartition des sièges au comité directeur de la FFE de 55 % revenant à la délégation cheval, de 30 % revenant à la délégation poney et de 15 % restant pour la délégation tourisme, soit une majorité faible encore détenue par la délégation cheval de plus en plus fragilisée par les autres délégations pouvant rassembler à elles deux 45 % des sièges. Ainsi, les modifications survenues dans la répartition du nombre de licences et du nombre de voix possédées par les composantes équestres conduisent inexorablement à modifier la carte des pouvoirs.
On le voit, linstitution équestre fédérale ne forme pas un ensemble unifié. « Quand la fédération sest créée, nous explique un de nos interlocuteurs, chacun a voulu être dedans, totalement dedans mais entièrement à part, donc ça pouvait pas être autre chose, la fédération étant une coquille vide, elle ne pouvait pas avoir une politique pleinement unitaire ». Elle ne peut de ce fait éviter que les composantes nationales qui la constituent entrent en concurrence et alimentent des conflits parfois violents entre elles. Nest-ce pas parce que cette modification de la carte des pouvoirs remet en cause léquilibre traditionnel des forces ? Nest-ce pas parce que cest le contrôle de lorganisation qui est en jeu ?
Figure n° 4 : Lévolution des licences équestres de 1987 à 1999
Commentaires : Entre 1987 et 1999, le mouvement poney connaît la plus forte progression de ses licenciés. Le mouvement cheval augmente plus modestement. Le mouvement tourisme a une croissance faible. On voit donc que la progression des licences FFE est due essentiellement aux pratiquants de léquitation sur poney.
4. Les institutions équestres et le poids particulier de lhistoire
Lhistoire de linstitutionnalisation fédérale de léquitation, que nous avons brièvement relatée ci-dessus, nest quune partie de la grande histoire du cheval. Si cette épopée lègue un patrimoine très riche quil convient de préserver car il fait le prestige et lidentité de linstitution, ce patrimoine historique peut aussi se révéler très lourd lorsquil sagit de réaliser les changements nécessaires dans un environnement économique et culturel qui se transforme.
4.1. Des cultures équestres cloisonnées
A travers la chronique historique que nous avons retracée précédemment, nous voyons apparaître assez distinctement des « blocs » matérialisés par chacun des courants équestres et dont les rapports entre eux sont des rapports pour le moins difficiles. Pour mieux identifier le cadre général dans lequel se positionnent ces blocs en interrelations, nous avons procédé à une analyse thématique des entretiens exploratoires que nous avons complétée par lexploitation de quelques informations fournies par nos questionnaires. Cette analyse que nous présentons ci-après permet de confirmer la présence de ces groupes institutionnels relativement autonomes et cloisonnés et présentant leur propre logique interne.
« Lentretien ne constitue pas une fin en soi ( ). Après avoir fait parler linterviewé, lenquêteur fait parler le texte par lanalyse des discours » Pour analyser les entretiens exploratoires et pour « les faire parler », nous avons préféré recourir au résumé et à lanalyse thématique en recherchant à la fois une « cohérence singulière » de chacun des entretiens mais aussi ensuite une cohérence transversale, ce que les auteurs précédemment cités appellent « une cohérence thématique inter-entretiens ». Notre intention est de mieux identifier les principaux groupes dacteurs que lanalyse précédente a plus ou moins mis en évidence. Nous avons donc construit une grille de lecture qui est pour nous un outil explicatif constitué de quelques grands thèmes permettant de faire émerger les idées fortes émanant de chaque entretien. Sur laxe vertical, nous avons inscrit les thèmes transversaux et sur laxe horizontal les blocs ou délégations. Les thèmes que nous avons retenus sont : la structure interne de linstitution, la stratégie des acteurs, lidentité des dirigeants et enfin le processus de prise de décision. Au croisement des deux axes figurent les extraits dentretiens significatifs appelés « unités de signification » qui constituent les informations collectées nous semblant essentielles et pertinentes. On constate ainsi, à partir de lanalyse longitudinale et transversale des entretiens exploratoires, que les rapports de force se situent essentiellement entre le courant cheval et le courant poney qui entretiennent entre eux des rapports de concurrence. Le courant du tourisme équestre nexerce au fond quune faible influence et la FFE na (en tout cas jusquà sa grande réforme de 1999) que peu de pouvoir.
La présence de ces blocs relativement cloisonnés peut être dailleurs confirmée par le recueil de quelques données rapportées par les questionnaires (pour la présentation de ces derniers, voir lintroduction du chapitre 2). La question n° 5 de notre questionnaire portait sur les affinités que les dirigeants ont ou nont pas avec une série dinstitutions énumérées. Nous leur demandions de mettre + dans la case correspondant à une institution sil avait plutôt des affinités avec celle-ci ou de mettre dans le cas contraire. Dans les réponses relevées, les dirigeants au sein dun même courant montrent sans conteste quils nont pas daffinités avec ceux des autres courants. Ainsi, les dirigeants du cheval ont des affinités avec lassemblée générale, le bureau et surtout le comité directeur de la délégation cheval, et également avec le comité cheval et le comité compétition qui ont remplacé depuis la délégation. Mais ils sont plus de 90 % à navoir aucune affinité avec les composantes poney et tourisme. Les dirigeants du poney ont des affinités avec les instances du poney mais eux aussi, de la même manière que les dirigeants cheval, nen ont que très peu avec les deux autres courants. Il en va de la même manière avec les dirigeants du tourisme. Cela montre que les dirigeants fédéraux, sils ont des affinités avec les institutions qui régissent leur courant équestre dappartenance, nen ont pratiquement aucune avec les institutions des autres courants. Cela confirme lidée que chaque courant tend à rester cloisonné au sein dune fédération qui ne présente pas dunité réelle. Cest dailleurs un constat déchec que font nos interviewés : « On a essayé de faire trois sous-familles, sport équestre, tourisme équestre, poney et travailler ensemble et on saperçoit que les trois restent parfaitement cloisonnées, les gens narrivent pas à travailler, à travailler ensemble ». Ainsi, quils aient connu lorganisation équestre avant 1999 ou après, il apparaît assez distinctement quhier comme aujourdhui les dirigeants de la fédération restent très attachés au mouvement équestre dans lequel ils ont évolué et ne semblent pas développer beaucoup daffinités quavec leurs homologues des autres composantes. Si, par ailleurs, on considère les réponses en terme daffinité pour lensemble des institutions énumérées dans notre questionnaire, il est intéressant de noter lexistence de liens dun côté entre le courant cheval et les Haras nationaux et de lautre côté entre le courant poney et le Groupement Hippique National. Ainsi, il en ressort que les dirigeants du mouvement cheval, dont on verra quils sinscrivent davantage dans la tradition sportive, se sentent proches (pour près de 60 % dentre eux) du monde de lélevage, des courses et de la compétition alors que les dirigeants du poney, qui sont (nous le verrons aussi) plutôt des professionnels vivant de leur activité équestre, déclarent avoir des affinités (à 95 %) avec le monde syndical.
4.2. Stratégies et tensions entre groupes dintérêt
A partir de lanalyse des entretiens exploratoires, nous pouvons tenter une synthèse présentée ci-après et dont lobjectif est de mettre en évidence les zones principales de tension entre des courants équestres autonomes formant, au premier abord, des blocs relativement homogènes réunis en leur sein par une « solidarité dintérêts ». Il sétablit entre ces blocs des rapports de forces plus ou moins équilibrés à partir desquels se construisent les jeux de pouvoirs.
A ce stade de notre étude, les informations collectées par les recherches documentaires et les entretiens exploratoires nous conduisent à faire les propositions suivantes : Premièrement, il apparaît que la FFE détient, malgré les apparences, des pouvoirs étonnamment faibles (en tout cas jusquà ce que soient votés ces nouveaux statuts en 1999) la rendant peu capable de construire une politique fédérale unitaire. Plus encore, il semble justifié de dire que la FFE, jusquen 1999, cest essentiellement la DNSE, cest essentiellement le courant cheval tant ce dernier apparaît occuper (tout au moins au début) une place hégémonique au sein de la fédération. Deuxièmement, pour le courant du tourisme équestre, sa position reste marginale et, semble-t-il, voulue comme telle par ses représentants. Elle fait partie institutionnellement de la FFE mais semble marquer son peu dintérêt à ce qui se passe. De ce fait, elle ne nous intéresse que peu partant du fait quelle joue un rôle à priori mineur dans les conflits qui vont secouer régulièrement la fédération. Restent, troisièmement, les deux autres courants de léquitation qui, au vu des entretiens exploratoires, vont retenir toute notre attention. Les forces en présence vont rechercher soit la centralisation, soit la décentralisation des pouvoirs selon les intérêts des acteurs en présence. Il nous semble que la stratégie des dirigeants du cheval va viser davantage à rechercher la fusion tant quils sont majoritaires dans la fédération en appuyant leurs arguments sur les dispositions du législateur. Le développement du sport loisir les oblige à accélérer cette fusion fédérale car le facteur temps est en leur défaveur. Puis, face à limpossibilité de parvenir à la fusion des composantes, il semble que le pouvoir, déjà fortement représenté au niveau régional, se soit renforcé plus encore au sein des anciennes ligues cheval représentant la tradition sportive. Ce processus de décentralisation trouve une légitimité, aux dires de ceux qui le revendiquent, par le besoin de se rapprocher des préoccupations des clubs et de leurs licenciés, par le besoin aussi de sopposer à la logique économique que défendent les dirigeants du poney. A lopposé, la stratégie des dirigeants poney va consister à développer la professionnalisation de lactivité équestre en encourageant ladhésion des structures commerciales et en préférant « jouer la montre ». Ses dirigeants affirment leur légitimité à représenter une grande partie des pratiquants de loisirs équestres, pour qui la compétition nest pas une priorité essentielle et encore moins une finalité. Lévolution des licences leur garantit une représentation de plus en plus forte dans les instances nationales et incite les dirigeants du poney à retarder le plus longtemps possible la fusion. La figure ci-après est une représentation simplifiée des relations existant entre les composantes de la fédération. Si le courant cheval développe plutôt une stratégie de la fusion tant quil est majoritaire, le courant poney opte avant tout pour une stratégie de la croissance par la reconnaissance des professionnels. Quant au courant tourisme, il préfère la stratégie de la non participation en cultivant sa différence.
Figure n° 5 : Les stratégies et tensions entre les trois courants équestres
FFE
Axe fort
FFE/courant
cheval
(jusquen
1999)
Courant cheval
Stratégie de
la fusion
Zone
de tension
très forteCourant poney
Stratégie de la croissanceCourant tourisme
Stratégie de
la non participation
Zone de tension faible
Rapports de forces importants
Rapports de forces faibles
Ainsi, quelles que soient les stratégies imaginées par les différents acteurs du monde équestre, il semble bien que le débat de fond se soit établi sur un rapport de concurrence alimentant une lutte de pouvoir et probablement de territoire entre ceux qui entendent maintenir leur souveraineté et ceux qui prétendent la leur retirer. Comme semble nous le confirmer un des personnes que nous avons interviewées , « quand deux animaux mangent dans le même râtelier, y a toujours un dominant et un dominé, cest une loi de la nature (
) à partir du moment où les prestations sadressent à un même public, donc y en a un qui essaye de raboter lautre ». Nous pouvons penser que les conflits vont salimenter de la confrontation entre une logique associative défendant les valeurs sportives traditionnelles et une logique économique suscitée par les nouvelles demandes sociales et marchandes des pratiquants. Cest cette confrontation entre deux visions différentes, voire deux cultures différentes (car il semble que ceux qui les incarnent nont, à priori, que peu de ressemblance) dans un contexte qui voit une forte professionnalisation des institutions fédérales qui va retenir notre attention et nous permettre de construire nos entretiens principaux. Il sagit maintenant de sintéresser aux différents groupes dintérêt et mieux connaître les acteurs qui les composent. Peut-on légitimement, sans tomber dans une vision manichéenne et réductrice, opposer les anciens et les nouveaux, les puristes et les marchands, les traditionalistes et les modernistes ? Y voit-on là la simple confrontation entre un sport élitiste aristocratique et militaire et un sport loisir produit par lère de la consommation de masse ? Lopposition sur fond de professionnalisation de groupes culturellement différents et aux intérêts non concordants traduit-elle laffirmation progressive du modèle entrepreneurial sur le modèle associatif dans le sport ?
Cest dans le chapitre suivant de notre étude que nous allons essayer de répondre à ces questions. Par une approche beaucoup plus individualiste, notre intention va être maintenant de porter notre regard sur ces groupes dacteurs qui ont été partie prenante dans cette période récente de lhistoire de léquitation et de tenter de comprendre les raisons de leurs querelles. Il nous faut analyser leurs motivations, leurs intérêts en jeu au sein de leur délégation dappartenance et les stratégies quils ont mobilisées pour affirmer la légitimité des pouvoirs quils ont exercés au sommet de la fédération. Notre prochaine étape va chercher à mieux connaître les trois courants équestres qui composent la fédération et, à travers les profils et caractéristiques de leurs dirigeants bénévoles, de mieux cerner les raisons des conflits qui ont caractérisé les rapports entre ces derniers.
Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFE, du lien amateur au lien professionnel
Lanalyse des données nous a permis de relever, sur la période de 1987 à aujourdhui, les principales étapes de lévolution de la fédération et de ses composantes. Dans ce chapitre, notre intention va être de démontrer que, si jusquen 1999, les pouvoirs sont détenus par les dirigeants de la délégation représentant le courant cheval traditionnel, il sagit pour lessentiel de présidents de ligue réunis au sein dun collège. Ces dirigeants, dont nous verrons que les liens avec le milieu équestre sont surtout des liens amateurs portés par la culture coubertinienne, vont subir néanmoins une concurrence très forte des dirigeants du mouvement poney qui va prendre la forme dune organisation conçue par et pour les professionnels. La forte croissance de ses licenciés va obliger les dirigeants des sports équestres à cheval à composer avec leurs homologues du poney dont les trajectoires et les profils diffèrent sur bien des points. Quant au tourisme équestre, sa position plutôt en retrait témoigne en définitive du peu dintérêt de ses dirigeants pour les enjeux qui divisent le monde équestre fédéral. Ainsi, dans les coalitions qui vont se former autour dun rapport particulièrement duelliste entre les courants cheval et poney, notre intention est de croiser les trajectoires, de dresser les profils culturels et identitaires des dirigeants de la FFE et de mesurer leur degré de professionnalisation.
Pour conduire le deuxième volet de cette étude de cas, nous avons eu recours à des entretiens approfondis et à des questionnaires. Les étapes de construction de lentretien à usage principal sont des opérations plus ou moins hiérarchisées. Si une certaine latitude est néanmoins permise car lentretien autorise des réajustements au fur et à mesure que le chercheur progresse, ce type dentretien est beaucoup plus structuré que lentretien exploratoire car il constitue la source principale de collecte des informations pertinentes. Dans notre cas, les entretiens principaux ont visé à approfondir le sujet de recherche sur un mode interrogatif semi-directif. Ces opérations ont été de plusieurs sortes et ont distingué la phase de construction du modèle dentretien, la phase de déroulement de lentretien et enfin lanalyse de contenu. Le choix de léchantillon devant être guidé, comme lécrivent Blanchet et Gotman, par la nécessité de « déterminer les acteurs dont on estime quils sont en position de produire des réponses aux questions que lon se pose », il a fallu donc sélectionner la population représentant au mieux lensemble des acteurs ou groupes dacteurs impliqués dans les faits qui nous intéressent. Le choix des interviewés sest donc opéré sur la base de plusieurs critères. En premier lieu, nous avons distingué les individus selon les fonctions quils exercent ou ont exercé au sein de leur fédération. Ces fonctions sont celles de bénévoles élus (mais aussi celles de cadres professionnels techniciens puisque certains dentre eux gèrent ou ont géré également des centres sportifs équestres). Pour ces acteurs élus qui participent ou ont participé activement à la vie fédérale, notre questionnement devait porter sur la conception quils ont de leur mission et sur le regard quils portent sur leur fédération. En second lieu, nous avons sélectionné les groupes dindividus selon leur lappartenance institutionnelle à telle ou telle composante de la fédération. Nous voulions interroger les représentants des différents courants équestres constituant la fédération déquitation, et dont les stratégies et les finalités nétaient pas nécessairement communes (comme nous le démontrait lanalyse thématique des entretiens exploratoires). Dans le cadre dune recherche de données qualitatives, nous avons limité le nombre des interviews principaux à une huitaine. Nous avons alors contacté toutes les personnes concernées. Après un premier tri (certains acteurs de lépoque étaient décédés depuis, dautres nont pas souhaité nous rencontrer), nous avons procédé aux prises de rendez-vous. Les entretiens principaux ont été réalisés pendant le troisième trimestre de lannée 2001. Si le plus gros du contingent des personnes retenues est composé délus ou danciens élus ayant ou ayant eu des missions importantes au sein de la fédération, nous avons aussi interviewé quelques salariés ou anciens salariés, pour certains devenus bénévoles élus depuis, et dont les informations recueillies pouvaient nous être utiles.
Le recours aux questionnaires se justifie dès lors que le domaine détude est mieux délimité et les réponses relativement prévisibles. Cest pourquoi, dans notre étude, nous les avons utilisés après lanalyse des documents darchives et des divers entretiens. Dans la mesure où notre base de sondage se composait de dirigeants bénévoles siégeant ou ayant siégé à lassemblée générale des fédérations et, de ce fait, disséminés sur lensemble du territoire national, nous avons opté pour des questionnaires autoadministrés par correspondance. La construction du questionnaire imposait que les questions soient bien posées afin que lexploitation des données recueillies soit la plus efficace possible. La plupart des questions ont donc été fermées afin que les réponses soient rapides et sans équivoque. Le questionnaire comportait onze questions réparties en deux grandes parties. Notre démarche étant personnelle, le label fédéral ne devait pas figurer sur notre lettre daccompagnement ou sur notre questionnaire, afin de ne pas donner limpression que cette enquête était initiée et commanditée par des dirigeants fédéraux. Nous sommes remonté jusquaux années 85 à lépoque des anciennes composantes nationales existantes avant la création de la FFE (soit une période qui sétend sur les cinq dernières olympiades) et avons procédé à lenvoi de 245 questionnaires (en réalité 273 mais des adressées étaient erronées) sur une base de sondage quon peut estimer à 330 personnes (nous navons pu retrouver toutes les listes notamment les plus anciennes). Parmi lensemble des questionnaires reçus en retour, 103 questionnaires ont pu être exploités (ce qui constitue un taux de retour de 42 %). La répartition de léchantillon entre les membres des trois principaux courants équestres est de 54 pour les dirigeants du courant cheval, 21 pour les dirigeants du courant poney et 28 pour les dirigeants du tourisme.
1. De lamateurisme au bénévolat, une trajectoire identitaire conforme des dirigeants du cheval
Quand on aborde létude du mouvement cheval, on ressent tout particulièrement le poids de lhistoire qui pèse sur lui. Lorsque la délégation aux sports équestres à cheval est créée en 1987, elle sinscrit dès le début dans la continuité du modèle sportif issu de lancienne FEF (dailleurs, les membres composant le comité directeur de la FEF en 1985 sont pour la plupart restés en poste au sein de la nouvelle délégation nationale après la création de la FFE, excepté un membre ou deux). « Cétait déjà une grande dame qui se prenait au sérieux » nous commente un ancien président de ligue cheval, parce quelle se considère alors comme la principale (voire la seule, me diront certains) héritière de toute lhistoire de la cavalerie. Cet héritage de lhistoire peut se mesurer à travers la longue persistance dune tradition dorigine militaire, à travers également la persistance dune culture sportive traditionnelle privilégiant le modèle du sport de haut niveau et le modèle associatif. Nous nous appliquerons à montrer que le courant cheval se caractérise aussi par le rôle prépondérant de ses anciennes ligues régionales et de leurs premiers représentants réunis au sein du Collège des présidents de ligue. Il apparaît assez distinctement que ce collège caractérisé, semble-t-il, par une très forte homogénéité sociale de ses membres, exercera un pouvoir (ou un contre pouvoir selon le cas) très important au sein de la fédération.
1.1. Le mouvement cheval héritier de léquitation militaire
Quand on lit des documents de lépoque ou quand on écoute les propos de nos interviewés, on ressent très vite le poids de lhistoire dune fédération chargée de tradition militaire et dont la délégation cheval se veut être lhéritière. Comme nous le rapporte un de nos interviewés : « Léquitation traditionnelle était issue des sports militaires et (
) cétaient effectivement plutôt des gens nantis qui montaient à cheval. (
) Les clubs équestres, cétait un lieu où la bourgeoisie locale se retrouvait entre elle ». Organisée au début par les cadres de larmée, léquitation acquiert progressivement, comme nous lavons expliqué dans le chapitre précédent de notre analyse, une dimension sportive au moment où la cavalerie militaire perd de son utilité : les sports équestres, nous explique un ancien responsable technique de la fédération sont « issus dune conception militaire parce que léquitation française, pendant un grand moment, a été gérée par les militaires et encadrée par les militaires ». Pour un autre de nos interlocuteurs et ancien membre de la FEF de lépoque, il ne fait aucun doute que « la fédération, à lorigine, cétait la suite de lorganisation de léquitation militaire ». Chargés de réaliser cette mutation vers le sport et la compétition, les militaires dotent alors le monde équestre dinstitutions fédérales nationales puis internationales. Jusquà ce quelles soient dissoutes, la FEF puis la délégation cheval vont fonctionner comme une administration avec rigueur, avec rigidité mais aussi avec lenteur. Cest « une organisation assez rigide, un fonctionnement très rigide, très droit » nous commente un conseiller technique du ministère de la jeunesse et des sports. Un autre interviewé ne dit pas autre chose : cest « une machine ancienne avec des rouages administratifs importants ». Cette organisation « classique », aux yeux de la plupart de nos interviewés, à bon nombre de fédérations sportives, fonctionne avec ses organes déconcentrés et un code électoral qui donne un pouvoir très fort aux grands électeurs siégeant à lassemblée générale de la FFE. La tradition militaire se perçoit particulièrement bien dans les anciennes méthodes pédagogiques dapprentissage de léquitation. Assurant « la jonction entre pratique traditionnelle et pratique sportive », les militaires investissent le corps enseignant et marquent de leur empreinte les contenus de linstruction (on a pu constater dailleurs la forte présence dofficiers au sein de la FFSE lors de sa création en 1921). Lagoutte relève cette persistance des instructeurs militaires, « formés dans le moule de la troupe, coups de gueule pour les novices et coups de fouets pour les chevaux », à ne penser lenseignement équestre que par la contrainte et la répétition. Pendant des décennies et jusquà lentre-deux-guerres, léquitation reste réservée à quelques pratiquants privilégiés issus des classes bourgeoises ou de la grande famille militaire. Intégrer cette dernière est souvent alors, note Alligier, « la seule manière dapprocher léquitation » pour les classes peu fortunées, la seule façon de la pratiquer et de lapprendre. Lapprentissage est très austère et très rigoureux. Il sinscrit dans un cadre protocolaire immuable. Il suit scrupuleusement un ordre déterminé où la tenue, la gestuelle, la discipline doivent répondre à des normes et à des modèles qui ne laissent que très peu dinitiative à lélève apprenant. Ces normes, nous explique un enseignant, sont à lépoque « très draconiennes pour tout, tout est absolument réglementé ». Lenseignement de léquitation, nous raconte un autre enseignant équestre « était initialement et presque exclusivement réservé à des adultes, où, dans un temps très bref, il fallait faire en sorte que des recrues puissent tenir à cheval pendant un temps assez long, donc, toute une conception pédagogique de lactivité qui était très très militaire (
) cétait une équitation de la pédagogie du coup de gueule : « je ne veux voir quune tête ! », enfin de la pédagogie de la meule (
) on faisait en sorte que les gens tiennent à cheval, (
) il fallait être dans le moule, quelque part, et il y avait bien le moule, cétait pas un vain mot, (
), cétait réciter par cur la position du cavalier à cheval, (
) y a des cases, y a des prototypes, y a des normes, y a des règlements ». Limportant est de savoir contrôler le cheval et cela passe par une pratique intensive et peu de théorie : la doctrine en vigueur : « pas de discours mais de la pratique, écrit encore Alligier, léquitation, « ça rentre par les fesses, pas par la tête » ». Il faut tenir sur le cheval coûte que coûte. La méthode denseignement étant globale, elle ne sembarrasse pas des détails ou des connaissances pédagogiques qui commencent pourtant à se développer. Avant, nous relate encore un autre interviewé ayant exercé des fonctions importantes à la fédération : « on disait « tiens toi droit sur un cheval » et on vous donnait une photographie en la décrivant avec des mots de quelquun la tête droite, « tiens toi droit, les coudes comme ça, les mains comme ça, sois comme ça ! », en figeant les gens dans cette position là, on fabriquait des piquets très très raides parce que, comme le cheval bouge, il passe son temps à défaire donc on amenait les gens à la chute, on amenait les gens à la crispation ». La plupart des cours sont dispensés dans des manèges et lapprentissage de léquitation est alors un art jalousement protégé. Il est dailleurs intéressant de souligner que le programme du brevet dEtat déquitation, tel que défini en 1974, comporte des épreuves pédagogiques portant notamment sur la capacité du candidat à organiser une séance déquitation, sur sa tenue, son attitude, sa place et celle des élèves. Il doit adopter un ton de voix conforme aux attentes en matière dautorité, de correction et de « commandements réglementaires », nous disent les textes. Et plus loin on peut lire que le candidat est jugé notamment en fonction de son « respect de la doctrine équestre française ». On perçoit bien là linfluence du corps militaire. Cette doctrine est portée en partie par lécole de cavalerie de Saumur. Avant de devenir lEcole Nationale dEquitation (ENE), lécole de Saumur incarne plus que jamais la rigueur militaire de lenseignement de léquitation. Tout enseignant, précise encore Alligier, se doit dy être formé et de porter luniforme réglementaire. Quant à la pratique compétitive, elle reste réservée aux membres du corps militaire, notamment les officiers. Comme on peut sy attendre, la rigueur de lenseignement conduit à un abandon important des apprenants : « le décalage avec les attentes des jeunes cavaliers est tel quun déchet énorme se produit entre les premières leçons et la fin dune seule année », note ainsi Lagoutte. De plus en plus de voix sélèvent et demandent quon démilitarise lenseignement équestre. Il devient urgent, pour un certain nombre de pédagogues, de proposer des modèles denseignement nouveaux et den finir avec « la force de lautorité des anciens, le poids de la tradition et le manque douverture sur dautres savoirs ».
Avec les années soixante et la progressive démocratisation de léquitation, les méthodes pédagogiques vont se modifier. Elles vont devenir plus ludiques et se développer malgré les réticences de certains dirigeants qui y voient une baisse du niveau technique des pratiquants et critiquent des méthodes pédagogiques qui séloignent de plus en plus de la tradition équestre. Pour un de nos interviewés breveté dEtat, si les dirigeants des sports équestres ont la volonté de développer leur sport, tout ça doit se faire « dans le respect de la tradition, de léquitation traditionnelle, et pas forcement le développement pour le développement ». Cest en partie grâce à la réforme pédagogique que les enseignants poney notamment vont parvenir à captiver un public jeune et à fidéliser toute une clientèle (Vérène Chevalier montre dailleurs que le public le plus fidèle est le public jeune âgé de 10 à 13 ans et le public féminin) davantage intéressée par une pratique équestre ludique et très éloignée des enseignements rigides et stricts des militaires. Cest aussi lavis dune ancienne pratiquante, occupant aujourdhui des fonctions bénévoles importantes à la fédération, qui nous exprime ses regrets que cette équitation fût de son temps trop « académique » et les cours trop « rasants » : « quand on montait à cheval, fallait être maso, moi je sais que je suis montée avec des militaires, cétait lengueulade permanente, « baissez vos talons, le regard lointain ! », des trucs contraignants ». Pour elle, tout ça, cest fini. Aujourdhui, « on peut bien monter et se faire plaisir ». Cette réforme va permettre en partie le renouveau de léquitation. La vulgarisation de la pratique équestre va attirer de plus en plus de nouveaux adeptes qui vont grossir le rang des licenciés fédéraux.
Ainsi, le courant cheval porte, dès sa naissance, tout le poids de la tradition et de lhistoire de léquitation française. Ce poids très lourd le conduit à maintenir les valeurs sportives issues de lancienne fédération équestre, au risque de ne pouvoir sadapter à un environnement qui va pourtant se transformer.
1.2. Une vision coubertinienne des sports équestres
Le processus de sportification qui donna aux sports équestres une dimension sportive incontestable, se traduit, comme nous le rappelle un cadre administratif de la FFE, par la mise en place des règles sportives et des épreuves de compétitions : léquitation devient un sport et « à cette époque là, sorganisent les disciplines modernes, cest-à-dire le concours complet, le saut dobstacles et le dressage ». De lavis de bon nombre de nos interviewés, le mouvement cheval est résolument tourné vers le sport et le haut niveau, sintéressant peu aux activités qui sortent de ce champ. La délégation cheval, nous explique un des représentants actuels de la FFE, est alors tournée « pratiquement uniquement vers le sport, avec une orientation haut niveau ». Lune des missions des dirigeants des sports équestres est alors dextraire de la masse des pratiquants lélite sportive conformément à une logique de sélections successives départementales, régionales puis nationales. A cette époque, nous explique un enseignant, « on était vraiment orienté vers le sport, cest la masse qui finalement faisait fonctionner le haut niveau ». Un ancien responsable technique nous dit encore à propos du mouvement cheval : « je pense que cest une vision disons coubertinienne du sport avec des structures déconcentrées, avec des élus, avec une démocratie sportive qui a ses limites puisquelle passe souvent par des grands électeurs » (nous verrons dailleurs par la suite que ces grands électeurs sont alors majoritairement issus des anciennes ligues régionales). Cette vision « classique » du courant cheval rapportée dans nos entretiens nous conduit à préciser ce modèle traditionnel dit « coubertinien ». Pour Chifflet, « lidéologie coubertinienne » peut se définir par lemboîtement de plusieurs communautés : une communauté dobjectifs orientés vers la compétition et le haut niveau, une communauté dorganisations construites sur le modèle dominant de lassociation, une communauté de cultures prônant le dépassement de soi et le goût de leffort, enfin une communauté didéologies revendiquant la neutralité politique et le désintérêt bénévole. Pour cet auteur, cette idéologie conduit les dirigeants à ne considérer les licenciés que comme « la seule référence, sans plus se préoccuper de lévolution du reste de la société ». Partant de cette définition de Chifflet et à travers les questionnaires qui nous sont parvenus, peut-on mettre en évidence ce modèle « coubertinien » dans lorganisation sportive des sports équestres ? Peut-on dire que les dirigeants du cheval sont majoritairement attachés à ce modèle pyramidal dont parle Thomas ? Lexploitation des données recueillies par les questionnaires nous permet en tout cas de dégager quelques tendances : premièrement, il apparaît que les dirigeants du courant cheval ont une perception de leurs missions plutôt tournée vers le sport de haut niveau et sattachent davantage à répondre aux demandes de leurs dirigeants de centres équestres et de leurs licenciés. Leur intérêt serait plus marqué pour les sports de compétition à cheval quils pratiquent et dont ils se sentent le plus proche. Deuxièmement, ils ont une expérience de pratiquants mais aussi de gestionnaires bénévoles de centres équestres associatifs. Pour eux, les relations restent difficiles entre le modèle associatif et le modèle professionnel du sport.
Une des questions de notre questionnaire portait sur ce que doivent ou devraient être, aux yeux des dirigeants, les missions de la FFE. Treize items étaient proposés et les questionnés devaient tous les classer par ordre de priorité. A travers les réponses, on perçoit quelques différences entre les trois courants équestres. Parmi les missions prioritaires qui figurent dans les quatre premiers choix faits par lensemble des dirigeants, il y a dabord la volonté de répondre à la demande des dirigeants des centres équestres (cela concerne 55,5 % des dirigeants cheval, 86 % des dirigeants poney et 54 % des dirigeants tourisme). Il est vrai que beaucoup dentre eux sont ou ont été eux-mêmes des dirigeants (nous verrons par la suite que ce statut de dirigeants nest pas nécessairement le même, certains ayant un statut de bénévole, dautres de professionnel). En revanche, si les dirigeants du cheval ne tendent à considérer que la demande de leurs seuls licenciés, les dirigeants du poney préfèrent prendre en compte le public pratiquant (pour les dirigeants du cheval, respectivement 46,5 % et 26,5 %, pour ceux du poney, 33 et 71,5 %). Dans le premier cas, loffre serait censée répondre à la seule demande des licenciés alors que dans le second cas, loffre prendrait en compte une demande élargie à lensemble des pratiquants licenciés ou non. De la même manière, tandis que les dirigeants du cheval tendent à privilégier le sport de haut niveau (à 49 %), les dirigeants du poney (qui ne choisissent le sport de haut niveau quà 14 %) accordent plus dimportance à la formation sportive et à léducation par le sport (il est vrai que les dirigeants poney sont en majorité, nous le verrons, des enseignants déquitation). Notons également que le choix de la défense de léthique sportive nest relevé que chez les dirigeants du cheval. Il faut souligner par contre que pratiquement aucun dirigeant ne classe la prise en compte de la demande des ministères de tutelle ou le respect de la tradition (à peine 10 et 5 % des réponses) parmi les missions prioritaires de la fédération, et aucun nopte pour le spectacle. Pour les dirigeants du tourisme, le sport de haut niveau ne leur paraît être quune mission tout à fait secondaire (cette mission ne comptabilise que 4 % des réponses). Si on considère les pratiques sportives avec lesquelles les dirigeants se sentent proches, ceux du mouvement cheval désignent en majorité les trois disciplines traditionnelles de compétition, le concours de sauts dobstacles (CSO) à cheval, le concours complet déquitation (CCE) à cheval et le dressage. Ce sont dailleurs ces disciplines quils pratiquent ou ont pratiqué régulièrement. On peut remarquer que ces mêmes disciplines pratiquées à poney connaissent peu dintérêts parmi les dirigeants cheval. Les dirigeants du tourisme choisissent majoritairement pour leur part le TREC (Technique de randonnée équestre de compétition) et le tourisme puis lattelage et lendurance. Quant aux dirigeants poney, les choix apparaissent beaucoup moins tranchés. Ils vont aux activités CSO, CCE et dressage du poney mais aussi du cheval, ainsi quaux activités tourisme. En résumé, les dirigeants se sentent surtout proches des activités équestres gérées par leurs composantes respectives. Si ce marquage apparaît fort pour les pratiquants à cheval ou du tourisme, il est beaucoup plus diffus chez les cavaliers à poney.
Le modèle traditionnel du sport se perçoit aussi à travers sa forme associative dominante. Lanalyse des questionnaires permet de mettre en évidence que, si les dirigeants du cheval déclarent à près de 57 % être ou avoir été des gestionnaires de centres équestres, ils ont majoritairement une expérience de gestionnaires dassociations (pour 53 % dentre eux contre 27 % qui répondent avoir une expérience de gestion dun établissement commercial, les autres répondants ne précisent pas le type de structure gérée). Bien que notre question nait pas été suffisamment précise (nous avions juste aménagé une case vide pour préciser les réponses), il apparaît que cette expérience de gestionnaire associatif sest inscrite dans un engagement plus bénévole que professionnel en tant que président ou membre fondateur dassociations sportives équestres locales, départementales ou régionales (nous reviendrons sur ce point). Pour les anciens présidents des ligues de la délégation cheval, cette caractéristique est particulièrement forte puisque sur la moitié dentre eux qui déclare être ou avoir été des gestionnaires, les structures équestres quils ont gérées sont, dans 90 % des cas, des structures associatives.
Notre questionnaire comportait aussi une question ouverte dans laquelle nous sollicitions un avis personnel des dirigeants. Cette question dopinion était relative à lévolution de la FFE et nous invitions les questionnés à exprimer librement leur sentiment sur quelques lignes. Les critiques formulées par les dirigeants fédéraux étaient soit positives sans plus de commentaires, soit faisaient un constat négatif sur les évolutions de la FFE. Certains regrettaient la désorganisation des institutions fédérales (et reconnaissaient aussi leur propre démotivation). Au-delà de ces simples jugements de valeur, certains questionnés apportèrent plus déléments de réflexion et évoquèrent soit des problèmes d'intérêts personnels et de luttes de pouvoir, soit des problèmes relationnels entre sport associatif et sport professionnel, soit enfin des problèmes relationnels entre sport de haut niveau et sport de masse. Il apparaît que certains thèmes reviennent plus souvent que dautres selon les délégations. Ainsi, les dirigeants du mouvement cheval, sils font un bilan plutôt positif de leur fédération, regrettent que les problèmes que connaît ou a connu cette dernière, soient liés à des luttes de pouvoir et à une relation difficile entre le modèle associatif des bénévoles et le modèle commercial des professionnels. Pour les gens du tourisme, on voit de toute évidence que lévolution de la fédération rassemble lapprobation du plus grand nombre, même sils ne nient pas non plus les luttes de pouvoir, les conflits dintérêt et des rapports difficiles entre culture bénévole et culture professionnelle. Restent les dirigeants du poney qui portent un jugement globalement positif sur lévolution de la FFE. Ils ne voient guère de conflits culturels mais plutôt des conflits entre individus aux intérêts différents.
En résumé, ces quelques exemples tendent à montrer que les dirigeants du courant cheval restent globalement attachés à certaines valeurs traditionnelles qui ont fondé leur mouvement (le sport de haut niveau, lengagement bénévole associatif). Cette logique associative qui les caractérise semble être particulièrement forte chez les anciens présidents des ligues cheval. Si pour certains, ces ligues étaient des « bastions » ou encore des « baronnies » tenues par des notables, pour leurs présidents, elles étaient un rempart permettant de préserver le sport des intérêts économiques. Leur rôle a été, à bien des moments de la vie de la fédération, déterminant. Elles ont acquis une position privilégiée dés lors que le sommet de lorganisation bureaucratique a connu un éloignement inéluctable de sa base. Le pouvoir de ces structures intermédiaires a été renforcé au moment où la fédération et le mouvement cheval ont été fortement déstabilisés. Ainsi, à travers leur très forte présence au sein des instances dirigeantes de la délégation cheval, les présidents de ligue vont marquer durablement cette dernière de leur empreinte.
1.3. Vers un renforcement des pouvoirs des ligues régionales
Ce point nous est apparu déterminant dès le début de notre étude. En effet, que ce soit à loccasion de la lecture des documents de la fédération ou lors de nos premiers entretiens, nous avons remarqué que les présidents de ligue sont sujets à polémique. Ils ne laissent personne indifférent. Lors des conflits dans la délégation cheval même et avec les autres délégations, ces présidents réunis en collège ont joué un rôle de premier plan. Nous nous sommes donc intéressé tout particulièrement aux ligues et à leurs représentants pour lesquels les évolutions statutaires ont permis de renforcer, dans une logique de régionalisation, leurs pouvoirs politiques. Nous montrerons que cette logique de régionalisation a trouvé sa légitimité, aux yeux des anciens dirigeants de la délégation cheval, dans une décentralisation considérée comme indispensable pour répondre à la demande des clubs et des licenciés. Enfin, nous verrons comment cette régionalisation a conduit à un accroissement de leurs moyens financiers et contribué à faire de ces ligues des « bastions » ou des « baronnies », contre lesquelles les dirigeants du poney notamment se sont battus.
Une association, dès lors quelle est déclarée, ne peut modifier son fonctionnement interne sans procéder, par le jeu démocratique, à une mise en conformité de ses statuts et règlements intérieurs. Dans le processus qui a conduit à accroître la représentation des dirigeants régionaux dans les instances nationales de la délégation cheval mais aussi de la FFE, les modifications statutaires et réglementaires survenues ponctuellement sont des éléments très révélateurs des stratégies des acteurs à court et long terme. Nous avons vu que lors de sa fondation en 1921, la fédération (FNSE) est composée des différentes associations qui régissent alors le monde du cheval. Ces sociétés-mères sont « LEtrier », le « Polo », la « Société hippique française », la « Société du cheval de guerre » et « lUnion des sociétés déquitation militaire ». Dans ce fonctionnement de type confédéral (les sociétés-mères gardent leur autonomie et leur autorité sur les associations qui leur sont affiliées), il est intéressant de noter que les membres siégeant au conseil dadministration de la FNSE sont issus non seulement de leur société-mère respective (2 de chaque société pour 10 membres au total), mais aussi quils y exercent tous les plus hautes responsabilités. En effet, les documents de lépoque montrent que le conseil dadministration de la FNSE est composé de quatre présidents de sociétés-mères, de trois membres de bureaux et de deux membres siégeant dans les comités directeurs des sociétés-mères. Cela montre que ceux qui dirigent à cette époque la FNSE sont ceux qui dirigent les sociétés-mères.
En 1946, la fédération change de nom (elle devient la FFSE) en unifiant les différentes associations existantes (unions et sociétés) mais aussi en créant des ligues qui encouragent dans les régions la pratique des sports équestres en dehors des courses. Les statuts de lépoque précisent alors que lassemblée générale de la FFSE est constituée « des délégués des Unions, des délégués des ligues régionales et éventuellement des délégués des associations ». Les délégués équestres disposent chacun dune voix par centaine de membres. Ils désignent en leur sein à scrutin secret leurs représentants au comité directeur comprenant entre dix et trente membres (le minimum de dix est imposé par le législateur). Là comme en 1921, nous pouvons penser que les dirigeants de la FFSE sont eux aussi issus en majorité des unions nationales et ligues régionales. Nous pouvons penser que, là comme en 1921, ceux qui dirigent à lépoque la FFSE occupent aussi des postes importants dans les unions ou les ligues régionales de la fédération. Puis les statuts de 1980 vont préciser que lassemblée générale de la fédération (la FFSE prend le nom alors de FEF) est constituée des représentants directs des groupements ; ces représentants doivent être les présidents de ces groupements et les voix quils représentent sont proportionnelles au nombre de licences quils représentent (par exemple : 1 voix par fraction de 100 au-delà de 1000 licences). Ainsi, si les membres dirigeants de la fédération doivent être soit président dassociation et/ou président dun comité départemental ou dune ligue, les archives de lépoque montrent que le comité directeur et le bureau de la fédération équestre comprennent en 1980 une part importante de présidents de ligue (11 présidents de ligue sur 32 membres pour le comité directeur, 3 sur 7 pour le bureau) ; les présidents de ligue représentent respectivement plus de 34 % et 42 % des sièges prévus pour ces deux organes de décision.
Cette présence forte des présidents de ligue dans les instances décisionnelles de la FEF va se confirmer par la suite. Il est facile de montrer que les dispositions statutaires qui ont concerné la délégation cheval à partir de 1987 ont accru bien plus encore le pouvoir des ligues. Notons que ces dispositions ont eu lieu à des moments clés de la vie des composantes fédérales. La première évolution forte des statuts est à situer en 1987 lors de la création de la délégation cheval un mois avant celle de la FFE. Ces statuts fondateurs de 1987 vont modifier considérablement le mode de désignation des membres du comité directeur de la FEF puisque ce dernier sera désormais constitué de sièges électifs mais aussi de sièges statutaires réservés à chacun des présidents de ligue. On peut ainsi citer larticle 16 qui stipule que le comité directeur de la délégation cheval « se compose de 30 sièges électifs et dun siège de droit pour chaque Président de ligue métropolitaine ». Au total, ce sont 25 sièges statutaires qui reviennent en définitive aux présidents de ligue sur un total de 55 membres que compte le comité directeur de la délégation cheval. On voit bien de ce fait que les évolutions statutaires ont pour conséquences que le comité directeur de la délégation cheval est composé pour une part importante des présidents de ligue siégeant de droit à côté des autres représentants élus par lassemblée générale de la DNSE ; Et par la même, chose non négligeable, les présidents de ligue se retrouvent de fait membres de lassemblée générale de la FFE puisque cette dernière, comme nous lavons relevé précédemment, est constituée des comités directeurs des trois délégations. Il apparaît ainsi que cette modification statutaire nest pas anodine puisquelle renforce considérablement la présence des présidents de ligue au sein de la délégation cheval mais aussi et surtout au sein de la FFE naissante. Cest ce que nous explique dailleurs un des acteurs de lépoque montrant, à travers ces dispositions statutaires, que les présidents de ligue des sports équestres à cheval entendaient être partie prenante dans la nouvelle confédération : « les présidents de ligue voulaient veiller au grain et ils ne voulaient pas rester uniquement avec un champ de responsabilité et dautorité dans la délégation des sports équestres ». Pour notre interlocuteur, les présidents de ligue de la délégation cheval agissent alors comme des « suzerains régionaux » qui veulent contrôler toute la fédération. Ainsi, chaque fois que la présence et linfluence des présidents de ligue sont plus fortes au sein de la délégation cheval, elles le sont aussi dans les instances décisionnelles de la FFE. Pour confirmer cela, il ny a quà considérer les sièges occupés par les présidents de ligue cheval à la FFE en 1987. On constate que ces derniers y sont fortement représentés. Parmi les membres de lassemblée générale de la FFE, on trouve logiquement les 25 présidents de ligue de la délégation cheval sur les 55 sièges réservés à cette délégation. Parmi ceux composant le comité directeur de la FFE, on note également une forte représentation des présidents de ligue qui sont au moins 10 sur un total général de 40 membres (mais on peut penser quils sont plus nombreux encore et probablement 12 au total). Quant au bureau de la FFE, sur les 10 sièges prévus, 5 sont occupés par la délégation cheval dont 3 par des présidents de ligue (cette forte proportion de présidents de ligue à la délégation cheval et à la FFE se maintiendra longtemps puisquen 1998, lassemblée générale de la FFE comptera encore 53 représentants de la délégation cheval dont les 25 présidents de ligue. Ces derniers seront encore 7 au sein du comité directeur de la FFE et 3 dans le bureau fédéral).
Une autre modification importante va apparaître lors de lassemblée générale de la délégation cheval du 23 février 1991. Elle va renforcer plus encore le rôle du Collège des présidents de ligues en précisant que ce sont les membres des comités directeurs des ligues qui élisent les membres de lassemblée générale de la délégation cheval. Ainsi, le comité directeur de la délégation cheval (celui qui siège de droit, rappelons-le, à lassemblée générale de la FFE) est composé, pour les sièges de droit, par les présidents de ligue, et pour les sièges électifs, par les membres de lassemblée générale de la délégation cheval désignés eux-mêmes par les comités directeurs des ligues régionales. De ce fait, la conséquence de ces modifications sera une surreprésentation des dirigeants des ligues cheval et un renforcement sans précédent des pouvoirs régionaux dans les instances nationales de la délégation cheval et donc de la FFE.
Ainsi, on voit bien que la conséquence de ces changements statutaires successifs nest pas moindre. Le mode de désignation des dirigeants de la délégation cheval, en en réduisant laccès aux échelons régionaux va tendre à privilégier la cooptation dans la mesure où ces dirigeants régionaux vont se désigner entre eux. Ces évolutions statutaires auront pour conséquence de renforcer plus encore le pouvoir oligarchique des premiers représentants des ligues équestres et leur capacité à influencer les décisions fédérales. Cest aussi lavis dun de nos interlocuteurs, lorsquil nous explique que « le rôle du collège des présidents de ligue est passé de celui dune « chambre de conseillers » dotée dun pouvoir consultatif à celui de membres actifs dans le comité directeur doté dun pouvoir délibératif »: Ce collège, déclare-t-il « sest complètement transformé du jour où les présidents de ligue ont été intégrés à lépoque au comité directeur de facto. Avant, le Collège des présidents de ligue, cétait un peu comme une espèce de sénat où on demandait à ces messieurs dans les grandes décisions démettre un avis, etc. mais finalement ils navaient aucun pouvoir délibératif, cest le comité directeur qui avait le pouvoir délibératif, donc cétait une chambre de conseillers. Du jour où par les statuts, ils sont devenus membres de facto du comité directeur, alors ils ont considéré le Collège des présidents de ligue comme le lieu où ils devaient comploter et noyauter le comité directeur ».
Au processus de renforcement statutaire des pouvoirs régionaux va se rajouter un processus de décentralisation des compétences en matière politique et financière. Dans les conflits qui les ont opposés aux différents présidents de la FFE et aux dirigeants du mouvement poney, les présidents de ligue vont tenter le plus souvent de se positionner comme « les gardiens du temple », de la tradition et de léthique sportive. Dénonçant ce quils qualifient dintérêts économiques et mercantiles incompatibles à leurs yeux avec la logique associative de la fédération, ils vont justifier leurs décisions et prises de position par le besoin de servir lintérêt de leurs licenciés menacés par une professionnalisation croissante de léquitation. Le procès verbal de lassemblée générale de la délégation cheval du 22 avril 1989 est intéressant pour éclairer ce point. Il débute avec le rapport moral présenté par le secrétaire général de la délégation. Revenant très sommairement sur lannée écoulée et particulièrement agitée, réaffirmant « le mépris le plus absolu aux critiques malveillantes », lauteur liste les projets en cours de réalisation dont un quil nous faut souligner, celui qui porte sur la décentralisation du pouvoir vers les ligues régionales. Au moment où une fédération unique se structure et tente de centraliser les politiques équestres, il peut paraître étonnant quà linverse la délégation cheval organise une décentralisation en transférant certaines tâches et responsabilités aux présidents de ligue. Alors que le mouvement cheval devient une délégation nationale rattachée à la FFE, il apparaît en effet prématuré dobserver, en réaction au processus de centralisation fédérale, un processus inverse en direction des régions. Pourtant, ce mouvement de décentralisation régionale est justifié, de lavis du secrétaire général, par la volonté de « se rapprocher et reconsidérer la base ». A la lecture des documents, il ne fait aucun doute, pour son auteur, que le jeu démocratique qui consiste à mieux considérer les demandes des licenciés (on remarquera là encore que seuls les licenciés sont pris en compte et pas le public pratiquant) est de la responsabilité des ligues régionales et justifie une des motivations fondamentales des dirigeants de la délégation cheval : celle de la décentralisation. Et cette décentralisation doit, peut-on lire encore, « complètement transformer les relations Paris/Régions, en déplaçant une partie des responsabilités » vers les ligues présentées comme les garantes du bon fonctionnement de la délégation et comme aussi les gardiennes du bon emploi de ses finances. Elles permettent de garantir « une gestion plus proche du terrain donc plus efficace ». Parmi ces responsabilités transférées, notons celle de la gestion informatique des licences, la gestion des examens et lédition des diplômes. Ces projets, dont le délai de réalisation doit sétendre jusquen septembre 1989, vont rallier 18 ligues sur 24 à la date de réunion de lassemblée générale. Nous pouvons penser que, dans cette politique de régionalisation, la gestion des licenciés est une préoccupation majeure des dirigeants. Dans la mesure où le nombre de voix électives est proportionnel au nombre de licences représentées par chaque membre de lassemblée générale de la FFE, les délégations sont donc très sensibles aux fluctuations des adhésions. Dans son rapport moral présenté lors de lassemblée générale de la délégation cheval en 1993, le secrétaire général établit le bilan du processus de décentralisation engagé en 1988. Ce rapport montre que cette décentralisation, conjuguée à linformatisation des composantes régionales, a permis à ces dernières daccroître de façon significative leur budget en percevant une part croissante des recettes des licences et en encaissant la totalité des recettes provenant des droits dexamen. Nous pouvons rapporter quelques chiffres fournis par les dirigeants de la délégation cheval en annexe du procès verbal de lassemblée générale. On saperçoit que la part des recettes de licences réservée aux ligues a augmenté, passant de 33,6 % en 1987 à 39,1 % en 1992. Suite à linformatisation des licences, les frais de gestion ont pu logiquement baisser, passant de ce fait de 36,6 % en 1987 à 32,6 % en 1992. En revanche, laugmentation de la quote-part revenant aux ligues régionales sest accompagnée dune baisse de celle revenant au comité directeur de la délégation cheval comme le montrent les chiffres suivants : En 1987, 29,8 % des recettes des licences sont versés à la délégation cheval. En 1992, ce pourcentage nest plus que de 27,6 %. Ainsi, le budget des ligues régionales en recettes de licences passe de 7 831 000 francs (1 193 804 euros) en 1987 à 13 151 000 francs (2 004 817 euros) en 1992 (soit une augmentation de près de 68 % en 5 ans) tandis que le budget de la délégation cheval en recettes de licences augmente moins vite passant de 6 944 000 francs (1 058 584 euros) en 1987 à 9 107 000 francs (1 388 325 euros) en 1992 (soit une augmentation dà peine plus de 30 % en 5 ans). Ces transferts financiers confirment, dans un contexte où le rôle des ligues est déterminant dans les affaires de la fédération, le renforcement du pouvoir financier des régions en charge du mouvement cheval. On voit bien en définitive que, pour la période 1987-1992, la part des recettes provenant des licences augmente pour les ligues et diminue pour la délégation, renforçant de ce fait le pouvoir économique des ligues. Elus de leur région, chargés de développer leur sport dans les départements quils gèrent, nous avons vu précédemment que les présidents de ligue siégeaient tous au comité directeur de la délégation cheval. Comme nous le déclare une des personnes interviewées, la délégation cheval est en réalité une confédération de ligues car les présidents de ligue contrôlent la majorité des voix au comité directeur de la délégation des sports équestres à cheval : « il y avait déjà les 25 élus des régions (qui) constituaient déjà pratiquement la moitié du comité de la DNSE. Evidemment, les autres élus de compléments, cétaient des amis à eux, donc, en réalité, les présidents de ligue tenaient la DNSE et en réalité la DNSE, cest une confédération de ligues ». On peut penser alors que les présidents de ligue réunis en collège ne représentent pas seulement une instance de concertation et de conseil (comme le précisent les statuts), mais quils peuvent constituer aussi un « contre pouvoir » très puissant sopposant au pouvoir central dès lors que ce dernier ne leur est pas favorable. Nous pouvons imaginer que ce contre pouvoir a pu notamment agir lorsque les dirigeants poney, forts de leur succès (les licences augmentaient à un rythme beaucoup plus rapide que celles des sports équestres à cheval), ont voulu peser dans les décisions fédérales. Interrogé sur ce point, un des représentants actuels élus de la FFE nous confirme que les dirigeants poney « représentaient un danger pour toutes ces baronnies qui existaient dans toute la France. (les présidents de ligue), cétait une force considérable de résistance si ça nallait pas ». Pour cette personne interviewée, il ne fait guère de doute que le Collège des présidents de ligue constitue un pouvoir important, soit allié, soit adversaire au pouvoir central. Cest un véritable groupe de pression. Un des acteurs forts de la FEF avant sa transformation en délégation nationale nous disait que « le Collège des présidents de ligue avait une autorité morale, il prenait position sur certaines choses (
), le Collège des présidents de ligue, cétait, on peut dire un lobby, cétait un moyen de pression ». Cette autorité pouvait être dautant plus menaçante pour leurs adversaires que ceux qui lincarnaient semblaient parler dune seule voix (excepté un président ou deux).
Ainsi, et tous ces propos nous le confirment, il ne fait pas de doute que les présidents de ligue ont longtemps pesé dans la gestion des conflits au sein de la FFE. Pour expliquer le pouvoir très important quils ont exercé et la forte stabilité qui a caractérisé leur groupe, il nous faut mieux connaître ces présidents de ligue. Il nous semble possible de trouver quelques explications à leur influence persistante et déterminante dans certaines situations, à travers notamment lanalyse des entretiens quils nous ont accordés et des questionnaires que nous leur avons adressés. Les propos tenus par certains de nos interlocuteurs sont assez vindicatifs à leur égard. Nous en proposons des extraits ci-après. Certains de nos interlocuteurs décrivent les présidents de ligue comme des notables, des « bourgeois conservateurs héritiers daristocrates conservateurs » . Un ancien membre du bureau de la FEF puis de la délégation cheval nous rapporte que pour lui, les présidents de ligue : « cétaient les grands bourgeois ». Cétaient aussi des anciens chefs dentreprise qui agissaient « à lintérieur de la fédération comme ils devaient le faire dans une vraie entreprise ». Nos interlocuteurs soulignent aussi quils sont alors pour la plupart à la retraite et recherchent avant tout le prestige et la notoriété : « il y a quand même là dedans une majorité de retraités et de gens qui nont vraisemblablement pas pu au cours de leur carrière professionnelle acquérir la notoriété quils auraient souhaité avoir». Ils étaient « des gens qui nexerçaient plus donc de profession, socialement ils nexistaient plus (
) cétaient des petits barons dans leur coin ». Autre point qui revient souvent, il sagit de leur rapport à lactivité équestre. Pour nos interlocuteurs, ce ne sont pas danciens professionnels en équitation mais plutôt des pratiquants ou des parents ou grands-parents de pratiquants. « cétaient tous des gens qui navaient aucune activité professionnelle en équitation, avaient été soit pratiquants plus ou moins occasionnels, rarement dailleurs des pratiquants de compétition, cétaient souvent des pratiquants de léquitation de loisirs (
) qui étaient venus à léquitation par leurs enfants »». Ainsi, des propos rapportés lors de nos entretiens, il ressort que les anciens présidents de ligue sont souvent mal perçus par une partie de ceux qui les ont côtoyés. Ces derniers les décrivent comme des notables à la retraite en quête de reconnaissance sociale et aussi comme des amateurs en équitation. Pour en savoir plus et nous faire notre propre opinion, il nous faut mieux les connaître et définir le profil de ces anciens présidents de ligue et aussi de lensemble des dirigeants du mouvement cheval.
1.4. Les présidents de ligue, une notabilité de retraités
Nous pouvons confirmer que les anciens présidents de ligue cheval sont en majorité des retraités au moment où ils occupent des postes à la fédération. Si nous estimons leur âge moyen durant leur(s) mandat(s) nationaux, il apparaît nettement que les présidents de ligue sont les plus âgés puisque plus de 58 % dentre eux ont 60 ans et plus. Il est intéressant de noter quà leur côté, les dirigeants poney et les dirigeants tourisme sont plutôt des actifs ayant entre 40 et 49 ans pour les premiers et entre 50 à 59 ans pour les seconds.
Si lâge est un facteur important de rapprochement, cest, à notre sens, dans lhomogénéité socioprofessionnelle quil faut expliquer la forte cohésion du Collège des présidents de ligue cheval. Nous avons interrogé quelques présidents de ligues importantes ayant été en poste à lépoque, sur les origines socioprofessionnelles des membres du Collège. Pour un ancien élu, ayant présidé pendant de nombreuses années une des plus importantes ligue de la délégation cheval, le regroupement des présidents de ligue au sein du collège était une bonne chose car tous se ressemblaient et tous se comprenaient : « nous avons beaucoup travaillé avec le Collège des présidents de ligue, commente cet ancien chef dentreprise à la retraite, le Collège des présidents de ligue faisait du reste tous les ans une réunion de trois quatre jours, ça date depuis longtemps, pour mettre des choses en commun, pour brasser des idées, essayer de résoudre certaines choses, (
). La plupart des présidents de ligue étaient des gens quand même qui sortaient dun milieu où on savait quand même un peu compter ou des professions libérales ou qui étaient industriels, on peut dire que la plupart, 90 %, je nen vois pas beaucoup qui nétaient pas, qui sortaient pas de ce milieu, donc cétait plus facile de parler avec eux ». Et plus loin, notre même interlocuteur rajoute : « ce quil y avait dintéressant dans le Collège des présidents de ligue, cest que vous aviez surtout des médecins, pharmaciens, véto, industriels, notaires, vous aviez de tout ». Ce qui nempêche pas, note un autre président dune des plus importantes ligues équestres, quil « y avait bien quelques présidents de ligue à la conception un peu moyenâgeuse de léquitation ». Ainsi, les présidents de ligue semblent pour la plupart issus des classes aisées. En se reconnaissant entre gens « bien de chez nous », comme dirait le secrétaire général de la délégation cheval, ils semblent capables de maintenir une forte cohésion et stabilité au sein de ce groupe restreint quils constituent. Pour détailler ce point, nous nous sommes là encore tourné vers nos questionnaires. Il apparaît bien que les présidents des ligues cheval sont surtout des anciens chefs dentreprise pour 44 % dentre eux (notons que ces entreprises appartiennent au secteur industriel, de lagroalimentaire ou du BTP mais pas au secteur de léquitation) ou des personnes ayant exercé une profession libérale pour 22 % dentre eux. Parmi lensemble des dirigeants du courant cheval, les chefs dentreprise sont également majoritaires (ils sont 30 % de notre échantillon), viennent après les directeurs de centre équestre (22,5 %) et les professions libérales (qui, avec 11 %, narrivent quen troisième position avec les cadres de la fonction publique et de lentreprise). Par contre, il est intéressant de souligner que les dirigeants poney sont davantage des enseignants déquitation et des directeurs de centre équestre (respectivement 33 % et 24 %). Les dirigeants tourisme sont eux-aussi des directeurs de centre équestre (22 %) et des enseignants (15 %) mais aussi des cadres et des employés dentreprise (18,5 % chacun). Ainsi, selon le secteur économique dans lequel ils évoluent ou ont évolué, on observe une nette distinction parmi les chefs dentreprise. Dun côté, on trouve le chef dentreprise issu du monde de lindustrie (de cette aristocratie industrielle et financière dont parle Saint Martin) et de lautre côté le chef dentreprise issu du monde de léquitation. Au sein de la FFE, cette cohabitation va savérer bien souvent difficile car, comme le souligne un ancien industriel et ex-président dune ligue cheval : « Comment voulez-vous quun chef dentreprise sentende avec un chef décurie ? ». Cest mettre côte à côte et à égalité deux catégories dindividus nayant pas, à leurs yeux, le même statut social, la même position sociale. Ces anciens présidents de ligue, nous raconte un de nos interviewés, « ils préfèrent quand même navoir à gérer que des présidents dassociation 1901, cest-à-dire des gens qui ont peu ou prou le même profil queux, et larrivée des professionnels, ils naiment pas trop ». Lorsque les dirigeants poney vont investir lespace politique de la fédération, les dirigeants élus du cheval vont devoir partager la place. Certains vont vivre cette cohabitation comme une agression et une remise en cause de leur culture identitaire de notables et dirigeants bénévoles fédéraux. Cest pour cela, relève un ancien responsable technique que « la première chose qua fait le milieu équestre traditionnel quand les poneys sont arrivés, ça a été de les mépriser souverainement ». La distance sociale séparant les individus appartenant à des classes différentes va alors alimenter les méfiances et parfois les animosités entre les dirigeants bénévoles. Il va sensuivre alors une perte progressive des repères identitaires jusque là dominants où la culture du dirigeant amateur du mouvement cheval va être en quelque sorte brouillée par celle du dirigeant professionnel du poney. Même si la forte homogénéisation du groupe des présidents de ligue leur garantit une réelle autorité, ces présidents de ligue vont devoir pourtant prendre en compte les dirigeants poney alors en pleine ascension et présentant un profil bien différent du leur.
Mais ce nest pas là le seul élément qui différencie les présidents de ligue des autres dirigeants du poney et du tourisme. Le fait quils aient un lien damateur avec le milieu équestre, le fait aussi que des membres de leur famille soient ou aient été des pratiquants déquitation, expliquent que leurs trajectoires dengagement militant dans le milieu équestre présentent des particularités quon ne retrouve pas chez les autres bénévoles.
1.5. Une identité de pratiquants amateurs en équitation
Lanalyse des questionnaires montre que les présidents de ligue issus du mouvement cheval sont à près de 90 % des pratiquants ou danciens pratiquants (comme le sont dailleurs bon nombre de dirigeants cheval). En revanche, la plupart reconnaît ne pas être ou avoir été enseignant déquitation (ils sont 83 % et on obtient, pour lensemble du groupe des dirigeants cheval, des non enseignants à 64 %), ni détenir de diplôme dEtat déquitation (67 %). De plus, parmi ceux qui néanmoins sont diplômés, très peu en définitive déclarent avoir fait un usage professionnel de leurs diplômes. Au bout du compte, sur les 18 anciens présidents de ligue de la délégation cheval qui nous ont répondu, un seul détient un diplôme dEtat déquitation dont il aurait fait un usage professionnel. Une autre caractéristique mérite notre attention, il sagit des liens de parenté qui peuvent expliquer en partie linvestissement des présidents de ligue. Le fait que leurs enfants ou petits-enfants pratiquent ou aient pratiqué un sport équestre peut ou a pu inciter ces retraités à sinvestir au sein de linstitution fédérale. Cest pourquoi nous les avons interrogés sur ce point. Il apparaît que, de tous les dirigeants équestres, ce sont les anciens présidents de ligue cheval qui ont le plus de liens de parenté dans le milieu équestre. Ils sont près de 78 % à avoir eu au moins un membre de leur famille pratiquant une activité équestre. Cette parentèle, pour la plupart dentre eux, est celle de leur épouse mais aussi et surtout celle de leurs enfants ou petits-enfants. Il semble donc, et nos entretiens tendent à le confirmer, que les motivations de lengagement des présidents de ligue dans des postes nationaux aient pu venir à la fois de leur passé de pratiquants et de responsables bénévoles élus dassociations équestres et à la fois aussi du passé de pratiquant de leurs enfants ou petits-enfants qui, en faisant de léquitation, les ont incités (en quelque sorte par procuration) à sinvestir dans des postes fédéraux de direction.
Dès lors, à partir des données que nous avons pu recueillir, il est possible débaucher une sorte de profil des dirigeants du courant cheval et en particulier des anciens présidents des ligues de la délégation cheval. Les dirigeants du courant cheval sont des hommes âgés de 40 à 69 ans. De niveau scolaire élevé, ils sont des chefs dentreprise ou des directeurs de centre équestre. Pratiquants réguliers de CCE (concours complets), CSO (concours de sauts dobstacles) et dressage, ils ne possèdent pas le diplôme dEtat sportif en équitation. De ce fait, ils ont peu enseigné. Sils ne sont pas en général des professionnels de léquitation, ils ont des liens de parenté forts dans le milieu équestre qui peuvent expliquer leur investissement bénévole comme gestionnaires élus dans des centres équestres puis à la fédération déquitation. Quant aux anciens présidents de ligue réunis au sein dun collège, ils constituent un groupe identitaire très homogène par leur culture, par leur situation sociale. Ils sont des retraités se consacrant à temps plein à leurs missions de bénévole. Leur lien avec lactivité équestre apparaît davantage être un lien de sociabilité dans la mesure où il permet à ces retraités de maintenir un tissu de relations sociales entre personnes partageant un même style de vie. Cette tendance fréquente qua lhomme à se rapprocher de ceux qui lui ressemblent et à se méfier de ceux qui sont à ses yeux différents, explique que les individus se soient regroupés au sein dorganisations plus ou moins homogènes. Plus ces groupes sont socialement homogènes et plus ils sont stables et durables. Plus les stratégies de ces groupes servent celles des membres qui les composent et plus ces groupes présentent une forte cohésion. Cette homogénéisation peut expliquer, comme lécrit Pierre Bourdieu, la stabilité des pouvoirs exercés par ces groupes et une tendance naturelle à maintenir une logique de reproduction des privilèges acquis. Cette pérennisation dun pouvoir fort qui caractérise particulièrement bien les anciens présidents de ligue réunis en Collège vient du fait quils sont tous issus des catégories socioprofessionnelles supérieures. Ils veulent assurer le maintien de leur souveraineté et développer des stratégies conformes à la logique associative à laquelle ils sont pour la plupart attachés. Cela suppose un contrôle majoritaire des processus de prise de décision au sein de la fédération nationale et donc un allié fidèle en la personne du président, représentant la fédération auprès des pouvoirs publics (on ne peut quêtre étonné de voir comment certains présidents de la fédération ont pu être placés à la tête de cette dernière en étant entrés dans la délégation cheval quelques mois plus tôt et comment certains dentre eux ont pu être conduits à la démission dès lors quils entraient en conflit avec les présidents de ligue). Il ne fait guère de doute que, dans ces jeux de pouvoir, les présidents des ligues des sports équestres à cheval réunis en collège vont jouer un rôle essentiel en tant que pouvoir dominant puis contre pouvoir puissant capable dinfluer fortement sur les choix politiques fédéraux. Pour cela, ils vont rechercher à concentrer leurs pouvoirs au sein de la délégation cheval et à prôner la fusion des trois composantes (nous avons vu comment les modifications statutaires de 1987 et 1991 ont pu conforter notablement leurs positions). Menaçant maintes fois de quitter la FFE sils nobtiennent pas gain de cause, menaçant de couper les vivres de la FFE dont la manne financière dépend en grande partie de la délégation des sports équestres (cest quand même cette délégation qui détient massivement à ce moment le pouvoir financier), les dirigeants de la délégation vont longtemps alimenter lincertitude sur le devenir de la fédération. Leur stratégie est dabord celle de la fusion car, étant toujours majoritaires par le jeu démocratique (même en 1998, ils représentent encore 57,5 % des licenciés de la FFE), la mise en conformité de la fédération avec la loi sur le sport leur permet en définitive dabsorber les composantes poney et tourisme. Lorsquils vont se rendre compte que le mouvement poney comptabilise de plus en plus de licenciés et gagne chaque année des voix supplémentaires à la fédération, ils vont accentuer la décentralisation régionale de leur délégation, accroître le contrôle financier des ligues pour, expliquent-ils, quelles soient plus proches et plus à lécoute de leurs licenciés. Cest que leur légitimité est de plus en plus contestée. Comment peuvent-ils prétendre diriger seuls une fédération qui regroupe de plus en plus de professionnels ? Sont-ils toujours autant représentatifs des licenciés équestres ? Le mode de fonctionnement associatif de la délégation cheval relativement fermé puisquil tend à ne considérer que les seuls licenciés fédéraux, a linconvénient de ne pas prendre en compte lensemble des pratiquants équestres (on compte 500 000 licenciés et 1 million de pratiquants pour la plupart recensés dans les structures équestres disposant des moyens nécessaires à lentretien des chevaux). Il semble établi que la position occupée à ce moment ou auparavant par les dirigeants de la délégation cheval et notamment par les présidents de ligue va à certaines occasions faciliter certaines de leurs démarches dans lespace politique et financier. Ne sont-ils pas issus des catégories socioprofessionnelles que Pierre Bourdieu dans son « Espace des positions sociales » range dans la sphère du pouvoir ? Ils cumulent à la fois un capital économique élevé (cest le cas des chefs dentreprise et de ceux exerçant des professions libérales), un capital culturel important (leur niveau scolaire notamment est élevé), un capital symbolique dans la mesure où ils se positionnent comme les héritiers de la tradition équestre et les gardiens des valeurs sportives, enfin un capital social puisquil semble bien que les anciens chefs dentreprise vont recourir à leur réseau étendu notamment au milieu industriel (cest le cas de ce président de ligue qui mexplique comment il a pu obtenir un prêt bancaire important grâce à sa position dancien chef dentreprise et aux liens de confiance quil a pu établir avec certains banquiers). Pourtant, malgré cette homogénéité qui leur garantit une forte stabilité, ces présidents de ligue vont être peu à peu obligés de prendre en compte les dirigeants poney alors en pleine ascension et présentant un profil bien différent du leur. Cest ce que nous proposons de voir dès à présent.
2. Du professionnalisme au bénévolat, une trajectoire identitaire ambivalente des dirigeants du poney
Comme nous lavons vu précédemment, les mouvements poney et tourisme se sont structurés dans les années 60/70 en marge de la fédération équestre. Cest une époque qui connaît alors une profonde remise en cause des méthodes denseignement équestre dorigine militaire. Dans ce contexte, les acteurs du poney notamment vont impulser les réformes pédagogiques et investir un domaine délaissé par les dirigeants du cheval ; celui de lenfant et de lapprentissage ludique. Ils vont se construire leur identité propre et transformer leur organisation à leur image, cest-à-dire en une organisation regroupant les gestionnaires des centres équestres commerciaux. En peu de temps, le mouvement poney devient une organisation au service de professionnels qui trouvent dès lors une légitimité jusqualors niée dans un monde sportif où lassociation est la seule forme dorganisation reconnue. Comme nous le confie un de nos interlocuteurs ayant bien connu cette époque, « cest une époque de conversion, cest-à-dire quon passe du tout sportif où loffre domine la demande, à une réflexion sur la mise en marché ». Les dirigeants poney vont profiter de ce grand mouvement de réforme et parvenir à réaliser leur mutation dans un marché prometteur.
2.1. Le mouvement poney et la réforme pédagogique
Lenseignement va amorcer sa mutation en même temps que le monde équestre va évoluer. Cette évolution se réalise en salimentant de la confrontation qui met en présence dun côté les dépositaires dun enseignement rigoureux et militaire et dun autre côté les tenants dune pédagogie beaucoup plus ouverte dirigée vers des pratiquants globalement plus jeunes. Peu réceptive au monde qui lentoure, la vieille doctrine enseignante va être ébranlée par lévolution de la société et ses besoins nouveaux. Pour le président du poney, il sagit là dune « affaire de société » qui, avec le développement des loisirs pendant la période des trente glorieuses (1949-1979), « va obliger les enseignants à un nouveau mode de pensée ». Cest un véritable mouvement de massification du sport qui senclenche et le monde équestre, en partie malgré lui, ne peut léviter. Le sport loisir se développe sous la demande grandissante de toutes les couches sociales et parmi elles les pratiquants les plus jeunes et les femmes. Le cheval change de statut et devient un animal dévasion permettant la pratique sportive de loisir. Les pratiquants veulent avant tout se faire plaisir. Ils nacceptent pas de souffrir et rejettent les vues trop ascétiques des grands Maîtres, « dont laura pâlit » et qui « nincarnent plus lidéal à atteindre pour le cavalier nouveau, tout simplement désireux de se faire plaisir en promenade ou en compétition ». La demande est alors tellement forte et la rigidité des contenus des cours tellement insupportable pour certains quil va devenir nécessaire de faire appel à des enseignants plus disposés à contenter les consommateurs. Rejetant les méthodes pédagogiques directives et globales, ces enseignants déquitation ouvrent la voie dune pédagogie plus à lécoute du pratiquant qui devient acteur de son apprentissage. Ils vont mettre en avant laspect ludique des sports équestres et permettre, par ce rapprochement entre le monde équestre et le monde scolaire, daugmenter de façon considérable les taux de fréquentation des manèges. Les « galops » apparaissent donnant à lenfant la motivation et lenvie de progresser, en apportant à léquitation ce qui lui manque alors le plus : lamusement dans lapprentissage. On a recours aux dessins, aux couleurs et à toutes les animations possibles permettant dégayer lenseignement. Les vieux croquis en noir et blanc ternes et peu engageants sont remplacés par des supports et illustrations essentiellement ludiques et représentatifs pour des enfants amoureux avant tout de lanimal. Assurément, la révolution pédagogique est bel et bien en marche. Cependant, louverture nécessaire opérée par le monde équestre laisse certains sur leur garde, notamment ceux dont la vision du sport est celle de léducation et lapprentissage par leffort, celle aussi de la finalité compétitive. A vouloir adapter léquitation au plus grand nombre, ces tenants de la tradition craignent une baisse de la rigueur et de la technique. Si ces derniers concèdent limpossibilité de revenir aux anciennes méthodes, ils regrettent que la massification de la pratique équestre conduise à des dérives comme la baisse du niveau technique nécessaire à la compétition et à lexcellence. Un ancien membre de la direction technique fédérale nous rapporte quelques exemples doppositions mettant face à face les générations de formateurs : « celui qui a toujours appris à monter à cheval en disant : « la veste cintrée droit » etc. et vous lui répondez : « non, il faut que le gars, il ait un peu de liberté, quil bouge sur son cheval » etc., il vous dit : « mais, attendez, vous désapprenez les gens à monter à cheval », parce quil a ses propres références ». Préférant améliorer loffre traditionnelle plutôt que de chercher à répondre véritablement à la demande grandissante du public, les anciens cadres de léquitation ne vont pas tous parvenir à apprécier les évolutions du monde équestre qui ne font que suivre celles de la société. On comprend mieux pourquoi la pédagogie pour lenfant prônant le jeu, lapprentissage ludique, et dont les dirigeants poney se font très vite les porte-parole, va constituer une véritable révolution pédagogique mais aussi culturelle. Les gens du poney, en quête de reconnaissance et de légitimité, vont sintéresser à un public fortement demandeur, jeune et aimant plus lanimal que le sport en lui-même. Devant des responsables des sports équestres dont certains sont peu disposés à revoir leur méthode pédagogique voulant apprendre léquitation à leurs élèves comme on le leur a appris, les nouvelles approches par le poney mettant lenfant au centre du dispositif vont connaître rapidement un succès considérable.
Pour les gens du poney, la réforme pédagogique vise à considérer dabord lenfant et non plus exclusivement ladulte. Face à une réelle incompréhension de certains enseignants déquitation, parce que « par la passé, celui qui montait à cheval cétait déjà un adulte ou un ado, donc la pédagogie était pensée avec ce type de public», commente un ancien formateur de la fédération, dautres trouvent de lintérêt à proposer des activités équestres adaptées à un public jeune et très motivé par le contact avec lanimal. La comparaison entre les méthodes pédagogiques est dailleurs éloquente. Un de nos interviewés, qui a lui-même vécu cette réforme pédagogique, évoque cette époque où les enseignants réfléchissaient à un enseignement plus adapté au public : « on a porté cette réforme, cette réforme pédagogique profonde du poney qui a consisté à mettre lenfant au centre, au lieu de mettre la performance qui est toujours au centre des fédérations sportives traditionnelles. En mettant lenfant au centre, on a finalement créé un courant équestre qui sorganisait autour de la question éducative et non plus de la question technique ; ce qui a été au fond une transformation paradigmatique et ça a fait un changement radical. Et alors, le mouvement poney a pris son identité ». Cette vision nouvelle, qui déplace le pôle dintérêt de ladulte vers lenfant et la finalité de la performance vers le loisir, se traduit aussi par une organisation différente des compétitions. Si toutes les délégations organisent très tôt leurs activités en proposant des compétitions, les finalités de ces dernières vont répondre en revanche à des logiques différentes. La personne citée précédemment met bien en évidence les deux logiques quon peut opposer sur la finalité compétitive de léquitation : « dans une logique dune culture coopérative, on est dans la logique participation, on est dans la logique club ; dans une logique plus ce que jappellerais traditionnelle ou coubertinienne, on est plus dans une logique de performance et donc on est plus dans une logique de sélection ». Cet interviewé va distinguer les « compétitions danimation » et les « compétitions daccès au haut niveau ». Dans le premier cas, il sagit davantage dorganiser des rencontres de masse où tous les participants sont retenus selon des critères (des « contrats techniques minimums ») qui ne sont pas ceux de la performance et de lexcellence sportive. Ces rencontres sportives de masse vont rassembler une fois par an et en un même lieu plus de 5 000 participants dans 70 à 80 championnats. Dans le second cas par contre, il sagit des compétitions classiques organisées par les fédérations dès lorigine et où les participants sont soumis à des sélections successives permettant de ne garder que les meilleurs. Lélitisme est ici laboutissement et sinscrit dans la politique de haut niveau du sport. Cette distinction, un autre de nos interviewés la fait aussi en opposant le courant cheval qui « considère quil faut de lexcellence » et le courant poney pour qui, « lessentiel, cest la participation ». La réforme pédagogique se fait par la base, par les exploitants qui trouvent dans lactivité poney une approche différente de léquitation mais aussi un moyen de diversifier leurs activités agricoles. Le succès du poney vient de son adéquation avec les nouvelles demandes du public. On peut dire que cette réforme des méthodes pédagogiques va contribuer à massifier léquitation en la rendant plus accessible. Dautant quune nouvelle logique simpose peu à peu, celle de la fidélisation dune clientèle dans un secteur dactivité où la pratique et lentretien des chevaux coûtent nécessairement chers et obligent les dirigeants équestres à rentabiliser leurs investissements. Certes, ces logiques nouvelles ne sont pas propres au mouvement poney, elles touchent aussi le tourisme équestre, mais la position de ce dernier, un peu en retrait, un peu à part, va favoriser une stigmatisation des conflits entre les dirigeants du cheval et les dirigeants du poney.
2.2. Le courant tourisme un peu à part dans la FFE
A travers les diverses rencontres que nous avons faites, il apparaît que les positions des dirigeants du tourisme équestre témoignent davantage dune volonté de non-participation. Ils sont des observateurs distants qui, bien souvent, ne veulent pas prendre position entre les deux autres délégations en concurrence. De lavis de nombreux interviewés, la délégation du tourisme équestre est une entité à part à la fois dans la FFE et à la fois en dehors. Cest dailleurs ce que nous confirme un des responsables du mouvement tourisme : « La DNTE a toujours joué ce jeu là, cest-à-dire que la DNTE encore une fois a toujours voulu être (
) dedans mais un petit peu à part quand même ». Les dirigeants vont cultiver leur autonomie, voire leur marginalité. Préférant une position plus confortable et plus neutre dobservateurs (et darbitres si nécessaire), ils veulent préserver leur indépendance et leur identité. Ainsi, les dirigeants du tourisme semblent sêtre peu intéressés aux luttes de pouvoir qui vont fragiliser la fédération. Ils veulent dabord soccuper de leurs membres sans rechercher un développement systématique de leur délégation. Lévolution de la fédération ne semble pas concerner réellement ses dirigeants. « Depuis le début, ça a toujours été des marginaux, ils se sont toujours placés en réaction par rapport à ce qui se passait (
) ils ont continué dans ce truc là cest-à-dire dêtre des marginaux ». Pour un autre de nos interviewés, le but des membres du tourisme équestre, cest de garder leur identité et déviter les conflits avec les autres dirigeants, en essayant pour cela de ne pas trop entrer en concurrence avec eux. Pour un ancien membre, entre les dirigeants du cheval et ceux du tourisme, il y a « une sorte daccord non écrit», où le mouvement tourisme nétant pas « le principal obstacle au développement de la délégation sportive (
), il nest pas aussi potentiellement gênant ou tout simplement gênant que le poney ».
Si les responsables du tourisme sappliquent au bout du compte à maintenir la singularité de leur organisation, méprisant parfois le sport et ses besoins « futiles » dorganiser des compétitions (notre échantillon nous confirme dailleurs quils ne sont pas en majorité des juges ou des organisateurs), un des dirigeants du tourisme équestre nous explique que les principales motivations des membres de cette délégation sont le plaisir de léquitation sans contraintes : « Bien peu de gens au fond ont envie de faire du sport (
), la plupart sont partisans dune équitation de loisir pratiquée en milieu naturel avec un cheval dressé pour ça, fait pour ça et non pas avec des chevaux, comme disent les gens à lépoque, des chevaux raides dingues qui ne peuvent pas procurer le plaisir quon attend deux (
) les gens du tourisme équestre ne sont pas anti-sport, ils ne sont pas anti-sportifs, disons cest pas leur tasse de thé, cest pas leur premier objectif ». Comme nous le confirme cet interlocuteur, le sport na au fond quun faible intérêt pour les dirigeants du tourisme équestre : « ils naiment pas trop se lier avec le sport parce quils estiment que tout ce qui se fait dans le sport, ça na aucun dintérêt », nous confirme un autre interviewé. « Sa justification nest pas sportive, déclare encore un ancien responsable de la fédération, lidentité même de la DNTE, cest léquitation dextérieur, soit dans des itinéraires bien reconnus, soit dans des itinéraires daventure (
) la découverte des lieux touristiques à cheval (
) cest lapproche du loisir à cheval, donc, cest à travers un cavalier qui maîtrise une monture adaptée, cest découvrir des sites, découvrir des cultures ». Ce qui est notable lorsquon étudie lhistoire de cette délégation, cest quelle sest peu développée et ses dirigeants ont peu changé. On peut observer néanmoins une augmentation plus forte de ses licenciés depuis 1994, comme le soulignent les statistiques de la délégation en 1999. Pour un des responsables que nous avons interviewés, le mouvement tourisme na pas su profiter du mouvement impulsé par les gens du poney : « ils ont beaucoup loupé le coche à cause du fait quils tournent en rond à lintérieur avec toujours les mêmes personnes depuis la nuit des temps ». Il semble bien que les motivations du mouvement tourisme ne sont pas une recherche systématique daugmentation de leurs licenciés. La courbe de progression des licences tourisme montre que cette élévation du nombre de ses membres est très modérée. En définitive, les dirigeants du tourisme veulent dabord soccuper de leurs membres sans rechercher un développement systématique de leur délégation. Et on le voit encore aujourdhui, si la fédération a voté ses statuts conduisant à la création de comités remplaçant les délégations nationales, le mouvement tourisme reste toutefois une association à part entière avec un comité national (le CNTE) en convention avec la fédération. Elle est et reste à la fois dans et en dehors de la FFE. Cest pourquoi, il nous paraît plus bénéfique dans le cadre de notre étude, de nous intéresser moins aux stratégies développées par les dirigeants du tourisme quà leurs profils qui, de la même manière que ceux des dirigeants du poney, sont plus en mesure de souligner la professionnalisation des dirigeants bénévoles.
2.3. La professionnalisation du mouvement équestre
Si la comparaison entre le courant poney et le courant cheval montre une très nette différence dans leur perception pédagogique et utilitaire de lactivité, il est possible également dopposer les deux visions dans leur organisation administrative. Loriginalité du mouvement poney (doù il puisera sa force) est de mettre en place un service de prestations visant à favoriser le développement des centres équestres organisés sous forme commerciale. Cette organisation de lactivité poney ne peut être anodine. Elle sinscrit dans un processus général dévolution des sports sorientant vers une plus grande reconnaissance de la professionnalisation du secteur équestre. La multiplication des structures équestres commerciales est lune des illustrations de cette professionnalisation du milieu équestre. Comme le relate un de nos interviewés et acteur de cette professionnalisation, certains dirigeants de lépoque prennent conscience quune évolution est nécessaire : « il faut arrêter de nous considérer comme des bénévoles, on est des pros et on va gérer le Poney Club comme si cétait notre centre équestre ».
Pour autant, il ne faut pas croire que la professionnalisation des centres équestres na concerné que ceux proposant des activités poney et tourisme. Ce sont tous les courants équestres, et même le courant des sports équestres à cheval pourtant attaché à la gestion sous forme associative, qui vont connaître la professionnalisation de leurs activités à travers la transformation de leurs clubs en sociétés commerciales. Si la fédération, en tant quassociation délégataire dune mission de service public, ne peut reconnaître que des associations parmi ses composantes nationales, régionales et départementales, cela nempêche nullement que ces délégations acceptent en leur sein des organismes commerciaux. Cest ce qui va se faire. La fédération comptabilise dès lors de plus en plus de sociétés commerciales parmi ses affiliés et ce phénomène touche les trois courants équestres et samplifie jusquà inverser le rapport entre structures associatives et structures commerciales. Pour lannée 1997, la répartition entre structures associatives et structures commerciales est ainsi la suivante : pour la délégation cheval, respectivement 664 et 1324, pour la délégation poney, 455 et 1170 et pour la délégation tourisme, 350 et 808. Au total, cette répartition est dun tiers, deux tiers, la délégation cheval comptant 66 % de structures commerciales, la délégation poney 65 % et la délégation tourisme 67 %.
Ce nest donc pas la proportion détablissements équestres commerciaux parmi lensemble des centres équestres affiliés à leur délégation respective qui peut distinguer les trois courants équestres mais davantage, de notre point de vue, leur considération par les dirigeants nationaux. Il semble bien que les professionnels équestres vont être différemment valorisés selon leur courant dappartenance et cest bien dans celui du poney quils vont trouver la place quils souhaitent et commencer à peser sur les stratégies fédérales. Comme le souligne Pascal Marry dans une note de 1997 où, relevant que bon nombre dassociations affiliées à la délégation cheval sont des « associations paracommerciales contraintes à la compétitivité », il constate que « les dirigeants de ces établissements sont écartés des responsabilités, mais ne peuvent être insensibles indéfiniment aux évolutions de lenvironnement et à la logique de lentreprise ». Si, pour le ministère des sports, seule une modification législative « pour linstant hypothétique » peut permettre « douvrir dans des conditions qui restent à déterminer la possibilité pour les établissements sportifs professionnels de participer directement à la désignation des organes dirigeants des fédérations », si, pour le président de la fédération de lépoque, lorganisation associative et pyramidale du sport fédéral,« cest une réalité » à laquelle il faut continuer de se conformer, force est de constater que cette position juridique et idéologique va de moins en moins correspondre à la réalité du terrain. En outre, bien que les chiffres démontrent que la professionnalisation de léquitation touche lensemble du mouvement équestre, nous pensons que ce clivage entre le mouvement associatif et le mouvement professionnel se situe moins à la base de la pyramide fédérale quà son sommet. Il apparaît même que les conflits entre les sensibilités sportives vont concerner davantage les dirigeants politiques nationaux que les responsables locaux confrontés à des difficultés matérielles et financières qui dépassent le cadre idéologique. La variété des situations et expériences des dirigeants peut fournir une explication aux incompréhensions et tensions qui en résultent. Si, comme nous lavons abordé précédemment, les dirigeants cheval ont plutôt eu la charge de gérer bénévolement des structures équestres associatives, les dirigeants du poney et du tourisme ont plutôt eu la responsabilité dexploiter en tant que professionnels des établissements équestres commerciaux (cela concerne 44 % des dirigeants poney et 53 % des dirigeants tourisme parmi ceux qui gèrent ou ont géré un établissement équestre).
Soulignant une « vraie dichotomie » entre des structures de moins en moins associatives et des structures de plus en plus commerciales, un de nos interviewés et ancien salarié de la fédération, justifie cette évolution vers la professionnalisation par le besoin de rentabiliser une activité qui coûte cher. Il compare le mouvement poney à « une société de service pour ses affiliés. Pour lui, les structures équestres sont des « lieux de profit dentreprises (
) qui elles-aussi sont confrontées à la loi économique où un cheval, de toute manière, doit gagner sa pitance pour survivre, même en terme associatif il y a automatiquement nécessité de rentabiliser lactivité autrement elle meurt ». Il ne fait pas de doute que la logique économique des responsables du poney, composés de directeurs de centre équestre et denseignants déquitation tirant leurs ressources du monde équestre, va servir les intérêts des établissements commerciaux. Lorganisation poney va devenir en peu de temps une société au service de ses adhérents, avec des procédures administratives simplifiées au maximum pour répondre au plus vite à leurs membres. Il sagit alors « de simplifier au maximum tout ce qui est administratif, donc, des démarches plutôt faciles, un fonctionnement plutôt facile, que ce soit pour le passage des examens ou pour la prise de licences, (
) et au niveau de la pratique, (il sagit) de faire en sorte de proposer des produits attrayants qui puissent attirer vraiment le plus grand nombre et adaptés bien sûr au public jeune ». Il sagit alors de faciliter et dencourager le fonctionnement des nouveaux centres équestres constitués sous forme commerciale et entrepreneuriale. Face aux sports équestres à cheval où les relais départementaux et surtout régionaux alourdissent considérablement la machine administrative, le mouvement poney va rechercher lefficacité en réduisant le plus possible les procédures administratives ascendantes et descendantes. « Le Poney Club, nous raconte un ancien responsable, devient une sorte de mouvement organisé qui rassemble les entreprises commerciales ». Les gérants dentreprises équestres voient un mouvement qui leur ressemble : « il fonctionne comme nous, parce quil est sur le même domaine que nous, il est sur le problème de la rentabilité ». Le mouvement poney se met au service des professionnels en centralisant toutes les demandes, en simplifiant les relations avec les affiliés, en simplifiant les relations entre la base et le siège national, en réduisant le plus possible les délais de traitement. Pour illustrer ces propos, nous pouvons relater cette anecdote rapportée par un responsable du ministère des sports : « je me souviens de cette bagarre où la DNSE nétait pas foutue de sortir une licence en moins de trois semaines ou un mois. (
). Alors quon était arrivé avec le patron dici, à une assemblée générale, (le président de la DNEP) nous avait demandé notre nom, notre prénom et notre date de naissance et il nous avait sorti une licence comme ça dans les cinq minutes, (
) pour bien montrer à tout le monde quils étaient performants, et donc les professionnels ont beaucoup aimé ça, et cest ça qui a fait la montée de léquitation sur poney ». La préoccupation des professionnels étant de rentabiliser leur activité, il leur faut diversifier la clientèle et la fidéliser. Alors que le mouvement fédéral connaît une baisse générale de ses licenciés et un taux dabandon très important (on peut se référer sur ce point aux travaux de Vérène Chevalier et à son application du diagramme de Lexis sur la population des cavaliers), les dirigeants des centres équestres vont se soucier beaucoup plus de satisfaire leurs clients et de les garder que de sacquitter des contraintes administratives imposées par linstitution fédérale. Cette stratégie est une nécessité pour tous ces centres équestres exposés à des frais de fonctionnement et dentretien des chevaux très importants. Le but est dadapter loffre à la demande et donc dadapter au plus vite loutil pédagogique à des pratiquants de plus en plus jeunes. Il sagit « de ne plus traiter le client comme une recrue devant tenir à cheval mais comme un client quil faut conserver au sein de la structure ». Le but en définitive, cest « de faire venir du monde à léquitation et de fidéliser la clientèle ».
2.4. Une identité denseignants professionnels en équitation
La question relative à lexpérience denseignant déquitation diplômé apparaît ici déterminante. Comme nous lavons relevé précédemment, les dirigeants des sports équestres à cheval ne sont pas en majorité des enseignants (seuls 36 % des dirigeants et 17 % des présidents de ligue déclarent être des enseignants). En revanche, les résultats diffèrent pour les autres dirigeants : ceux du poney sont ou ont été des enseignants diplômés à plus de 57 % et ceux du tourisme à près de 52 %. Il peut paraître étonnant par contre de constater que les dirigeants poney se déclarent être non pratiquants réguliers (cela concerne 57 % de notre effectif). Des entretiens complémentaires avec des responsables administratifs de la fédération sont venus confirmer ces résultats et montrer que si les dirigeants du poney sont des enseignants, ils ne sont pas pour autant des cavaliers réguliers. Pour enseigner, les dirigeants du poney possèdent le brevet dEtat du premier ou second degré en équitation dont ils font ou ont fait un usage professionnel (à 92 %). Les dirigeants du tourisme équestre possèdent plutôt un diplôme fédéral spécifique aux activités du tourisme (celui de guide de tourisme équestre ou encore de maître randonneur), qui nest pas le brevet dEtat, mais quils jugent équivalent et dont ils ont fait un usage professionnel (à 66 %). Les liens de ces dirigeants du poney surtout et du tourisme aussi avec le milieu équestre sont donc professionnels car ils vivent ou ont vécu en partie de léquitation comme enseignants et directeurs de société équestre.
2.5. Un clivage politique gauche/droite ?
Lors de nos entretiens, certaines des personnes interrogées ont évoqué des raisons politiques pour expliquer les tensions entre les courants équestres. Selon eux, il y a eu un clivage gauche-droite qui a opposé les dirigeants équestres. Pour en savoir plus, nous avons donc inséré dans notre questionnaire une question relative à leur sensibilité politique. De toute évidence, cette question est celle qui a le plus gêné nos interlocuteurs (et davantage, semble-t-il, les anciens présidents de ligue de la délégation cheval). Soit que les dirigeants ne voulaient pas répondre à cette question et passaient outre ou signifiaient leur étonnement (voire un certain agacement), soit quils entouraient le chiffre 4 (sur une échelle allant du niveau 1 le plus à gauche au niveau 8 le plus à droite, le chiffre 4 est celui du centre mais aussi de la neutralité) pour signifier leur volonté de ne pas nous renseigner sur leur sensibilité politique qui « na pas lieu dêtre dans le sport ». Les annotations, rajoutées dans les questionnaires et que nous rapportons ci-après, témoignent des réactions pour le moins négatives de quelques questionnés sur le rapport entre le sport et la politique. Ainsi, un questionné annote en marge du questionnaire que « la sensibilité politique ne doit pas intervenir dans le sport », un autre se demande si « on parle déquitation ou de politique », un troisième juge la question « déplacée, ringarde » car la sensibilité politique, précise-t-il, « na aucune importance dans le sport ou une passion ». Parfois, la question est barrée quand elle nest pas ignorée. Cest pourquoi, il nous est impossible de savoir parmi les dirigeants qui ont entouré le chiffre 4, sils ont réellement des idées centristes ou sils ont voulu marquer leur neutralité sur un sujet jugé déplacé ou « tabou ».
Il en ressort que sur les 103 personnes composant notre échantillon, 16 dentre elles nont pas répondu et 18 ont signifié leur sensibilité centriste ou leur neutralité. Il apparaît assez clairement pour les 87 autres membres qui ont répondu à cette question, que les dirigeants de la fédération sont plutôt des gens de droite (60 % de notre échantillon). Toutefois, ce sont les dirigeants du cheval qui sont le plus fortement marqués à droite, tandis que ceux du poney et du tourisme montrent quelques affinités politiques à gauche (26 % des dirigeants poney et 33 % des dirigeants tourisme se disent à gauche). Si, par ailleurs, on croise la sensibilité politique des dirigeants avec leur catégorie socioprofessionnelle (notons également que nous avons tenté de croiser les sensibilités politiques des dirigeants avec les missions quils choisissent pour la fédération, notre interrogation se résumant à la question suivante : Pouvons-nous penser que la sensibilité politique des dirigeants peut influencer les choix politiques de la fédération ? Au vu des résultats obtenus, il nous est apparu que les sensibilités politiques des dirigeants ninfluaient pas sur les choix politiques de la fédération), nous pouvons observer que les dirigeants qui ont une sensibilité de droite sont surtout les chefs dentreprise, les directeurs de centre équestre et ceux exerçant une profession libérale. Les dirigeants qui se déclarent politiquement à gauche sont essentiellement les enseignants déquitation. Cette observation peut expliquer pourquoi les courants poney et tourisme sinscrivent sur un axe politique marqué à droite mais tirant à gauche dans la mesure où ils sont composés de nombreux professionnels de lenseignement. Cela étant, le clivage politique souligné précédemment nétablit pas une réelle opposition entre les dirigeants équestres. La plupart de ces responsables équestres sont des gens de droite quel que soit leur courant équestre dappartenance. Cela nous conduit à dire que les sensibilités politiques des dirigeants ne sont pas des raisons suffisantes qui permettent de comprendre leurs divergences de vue.
« Lidée que tout ce qui est associatif est parfait et que tout ce qui est commercial est suspect est désuète », écrit Henry Blanc. La principale force de la délégation poney, cest finalement davoir compris que leur sport se professionnalisait, que les centres équestres devenaient des entreprises qui parlaient de rentabilité et de fidélisation de la clientèle. Très vite, les dirigeants du poney vont travailler avec ces professionnels, qui sont comme eux des professionnels gestionnaires et enseignants de léquitation. Cest parce que la délégation poney sest transformée peu à peu en prestataire de service pour les professionnels que ses dirigeants vont peu à peu accroître leurs pouvoirs au sein de la FFE. Leur stratégie est celle de la croissance dans un environnement qui oblige les exploitants à avoir un nombre minimal dadhérents pour que leurs entreprises se maintiennent. Le temps joue alors en leur faveur et justifie que les dirigeants du poney, afin de parvenir à leurs fins, sappuient sur le réseau des professionnels des loisirs équestres et de léquitation pour enfant. Les dirigeants poney, trouvant une légitimité dans le milieu professionnel quils connaissent bien, vont entrer très tôt dans une culture dentreprise, celle quun de nos interviewés a dénommé la « culture coopérative » : « La coopérative se met en place, donc une culture nouvelle, une organisation nouvelle, une dynamique nouvelle et une croissance forte, et le mouvement poney prend de la vitesse ». Le mouvement poney introduit peu à peu un discours novateur amenant ses dirigeants à adopter une culture managériale, une culture dentreprise dans un environnement fortement concurrentiel. Cette croissance va progressivement modifier les rapports de force entre les composantes de la fédération et très vite, le mouvement poney va devenir un partenaire (et un concurrent) avec lequel il faut compter au sein de la FFE. Cela suppose que les dirigeants en place depuis longtemps acceptent de partager le terrain avec des nouveaux arrivants dont lexpérience de léquitation, le rapport quils ont cultivé avec le milieu équestre ne sont pas les mêmes. Face à la culture associative des dirigeants du cheval va répondre alors une culture dentreprise de professionnels et enseignants de léquitation.
3. La FFE : Lexemple dun conflit culturel sous fond de professionnalisation des dirigeants
Cest en partie grâce aux entretiens et aux informations rapportées par nos questionnaires que nous pouvons avancer une explication culturelle et identitaire aux conflits qui ont agité et agitent encore la fédération. Mendras écrit que la culture est un facteur de partage et de clivage entre les catégories socioprofessionnelles qui tend à se renforcer et cest bien de cela quil sagit dans notre cas. Des groupes sociaux sopposent à cause de cultures identitaires différentes se rejetant mutuellement et alimentant un besoin de différenciation entre eux. Nous pensons que cette différenciation culturelle est alimentée en partie par un processus de professionnalisation qui peu à peu modifie les profils identitaires des dirigeants bénévoles. Nous pensons que ce processus répartit le pouvoir politique de la fédération entre deux profils de dirigeants, ceux ayant un lien amateur et ceux ayant un lien professionnel avec le milieu équestre au bénéfice en définitive de ces derniers. Nous pensons également que se mêlent deux types de trajectoires, des trajectoires de bénévoles fortement marquées par un engagement de militant amateur dans léquitation et des trajectoires de bénévoles caractérisées par un niveau de technicité et de compétence accru par une professionnalisation précoce dans le milieu équestre.
3.1. Du bénévole amateur au bénévole professionnel, des niveaux de professionnalisation et des motivations distincts
Létude comparative des dirigeants selon leur appartenance à tel ou tel courant équestre souligne la diversité des niveaux dimplication amateur et/ou professionnelle des bénévoles. A partir des informations collectées par nos questionnaires, nous pouvons détailler plus encore les trajectoires de professionnalisation des dirigeants bénévoles dans le milieu équestre. Pour éclairer un peu plus ce point, nous avons cherché à identifier les critères susceptibles de nous renseigner sur le niveau de professionnalisation des dirigeants. Il nous semble quau moins deux critères sont identifiables. Le niveau de professionnalisation peut être évalué par premièrement la profession des dirigeants exercée avant et pendant leur vie de bénévoles. Par rapport aux dirigeants du courant cheval dont la profession se situe bien souvent en dehors du champ équestre, nous avons montré que les dirigeants du poney et du tourisme sont davantage des enseignants gérant surtout des structures équestres commerciales. Ce rapport est particulièrement notable lorsquil sagit de comparer la population des anciens présidents de ligue cheval et celle des dirigeants des mouvements poney et tourisme. Deuxièmement, mais lun va avec lautre, cest aussi par les diplômes sportifs obtenus spécifiquement dans le champ considéré quon peut évaluer le niveau de professionnalisation des dirigeants. Chevalier et Dussart évoquent notamment les trajectoires de professionnalisation que suivent certains pratiquants qui trouvent dans une activité au début amateur un futur débouché professionnel. Les individus, lorsquils abordent lactivité, le font le plus souvent comme des pratiquants novices sinitiant dans la première étape de leur apprentissage aux techniques du sport concerné. Après cette phase dinitiation et de découverte, et pour ceux qui nont pas abandonné lactivité, vient celle du perfectionnement que lélévation du niveau de pratique (par le biais souvent de la compétition) et lacquisition de qualifications et de diplômes sportifs équestres vont attester. Ce nest quaprès avoir atteint ces différents stades que le pratiquant va envisager dexercer contre rémunération, consacrant alors dans sa trajectoire de sportif le passage du statut damateur à celui de professionnel. Au bout du compte, il nous semble possible de définir 11 niveaux de professionnalisation, depuis les niveaux relatifs au statut de pratiquant jusquà ceux relatifs au statut denseignant diplômé fédéral et/ou diplômé dEtat. Les résultats sont présentés dans la figure n° 6 ci-après. Ils montrent dune part une incontestable supériorité du niveau de professionnalisation, et donc du degré de compétence, des dirigeants du poney par rapport aux dirigeants cheval et dautre part que les anciens présidents de ligue, dont nous avons montré quils correspondent le plus à la culture bénévole traditionnelle et coubertinienne, sont les moins formés et ont le plus faible niveau de professionnalisation équestre. Ainsi, les résultats indiquent que les dirigeants du poney atteignent un niveau moyen de professionnalisation de 5,4 (soit le niveau du dirigeant fédéral avec usage professionnel et/ou du diplômé dEtat sans usage professionnel). Les dirigeants du mouvement cheval (nous y incluons les anciens présidents de ligue) sont un peu moins impliqués techniquement et professionnellement en présentant un niveau moyen de professionnalisation de 4,5 (cest le niveau du diplômé fédéral sans
Figure n° 6 : Les trajectoires de professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFE
Légende : 1. Pratiquant occasionnel, 2. Pratiquant régulier, 3. Pratiquant compétiteur, 4. Diplômé fédéral sans usage professionnel, 5. Diplômé fédéral avec usage professionnel, 6. Diplômé BE 1 sans usage professionnel, 7. Diplômé BE 1 avec usage professionnel, 8. Diplômé BE 2 sans usage professionnel, 9. Diplômé BE 2 avec usage professionnel, 10.Diplômé BE 3 sans usage professionnel, 11. Diplômé BE 3 avec usage professionnel. M : Moyenne. Commentaires : Létude comparative du niveau de professionnalisation des dirigeants équestres montre que ce niveau est plus élevé pour les dirigeants du poney que pour les dirigeants des sports équestres à cheval.
ou avec usage professionnel). En revanche, ce sont les dirigeants du tourisme (pourtant paradoxalement en partie des professionnels mais ne sagit-il pas dun groupe un peu à part ?) et les présidents de ligue qui présentent le niveau de professionnalisation le plus bas sétablissant pour ces derniers à une moyenne de 3,6 (ce qui correspond à un niveau de pratiquant compétiteur et/ou de diplômé fédéral sans usage professionnel).
En dautre terme (et bien que les dirigeants du tourisme relativisent cette conclusion), nous pouvons confirmer quil y a bien une professionnalisation des dirigeants du mouvement poney qui sexprime par une élévation du niveau de compétence et de qualification. Par ailleurs, si nous reprenons nos questionnaires, on constate que les raisons qui ont conduit les dirigeants du courant cheval à sinvestir sont essentiellement liées à leur expérience de pratiquant et de gestionnaire (quon peut supposer associative) et aussi de juge/arbitre. Pour les dirigeants du poney, les explications sont beaucoup plus dordre professionnel puisque cest lexpérience de gestionnaire (en tant que professionnel) et denseignant quils mettent en avant pour expliquer leur investissement au sein de la fédération. Les réponses des bénévoles du tourisme sont en revanche plus diffuses et semblent mêler une influence damateur et de professionnel de léquitation.
3.2. Une confrontation de deux logiques de fonctionnement
Au bout du compte, les dirigeants du poney et du tourisme sont davantage des professionnels qui opposent une culture managériale à ceux qui, peu diplômés dans le milieu équestre, nont eu comme seule référence culturelle quune référence de pratiquants et aussi de membres bénévoles occasionnels puis permanents. Les réponses à la question dopinion posée dans notre questionnaire illustrent ces clivages entre les dirigeants équestres. Pour le dirigeant du cheval, la FFE est devenue « un organisme administratif et financier à son propre service », pour un autre, « un syndicat professionnel au détriment du sport dont 80 % des professionnels nont que faire ». Un autre dirigeant regrette quelle « devienne professionnelle et politique », soulignant la gravité de la situation. Dans un des questionnaires, on peut lire que « le fossé se creuse entre les trois délégations au détriment du haut niveau ». La fédération doit « rester une fédération sportive », insiste un questionné tandis quun autre semporte contre le « pouvoir décisionnel trop important des salariés ». « La FFE subit linfluence des considérations commerciales et financières au détriment de léthique et de lesprit sportif », commente encore un autre dirigeant. Les professionnels « oublient la vraie mission de la fédération qui nest pas dêtre une société de service pour les clubs (
) mais dorganiser un enseignement de qualité et des compétitions respectant léthique sportive ». Une autre personne demande avec virulence « quon arrête la démagogie » et quon ne néglige pas le haut niveau « qui doit, par ses résultats, être le moteur de léquitation ». « Un sport ne peut se développer que sil produit des champions » affirme encore un autre membre tandis quon peut lire ailleurs quil faut une « séparation des licenciés pro et des licenciés amateurs ». Un autre encore relève la diversité des cultures particulières dont sont imprégnés les dirigeants et qui nuit à lunité fédérale. Il faut se tourner vers lavenir, préconise un président de CRE et « renforcer les liens entre les différentes familles ». On peut mesurer, à travers tous ces commentaires, la crainte exprimée par de nombreux dirigeants du mouvement cheval de voir la fédération perdre sa vocation sportive et compétitive au profit dintérêts économiques et commerciaux à leurs yeux incompatibles avec lesprit sportif. Les préoccupations des dirigeants du poney sont plus axées sur le sport loisir. Lun deux regrette une « politique trop sportive » qui ne prend pas suffisamment en compte « la dimension loisir » de lactivité. Un autre se félicite du rapprochement des délégations mais souhaite quon ne privilégie pas « le sport de haut niveau par rapport à la base ». Un président de CRE souhaite quon trouve « une médiane entre les différentes sensibilités », un autre propose dattendre avant de juger. Un membre du tourisme met en garde contre les « vieux démons de la DNSE » et regrette une démarche trop hésitante. Un autre du même comité craint pour sa part qu « on se dirige vers une impasse » dès lors quon négligerait les professionnels qui apportent un grand nombre de licences. Pour un autre de nos interlocuteurs, ce sont « deux idées de fonctionnement en fait complètement différentes (
) et les problèmes dentente, bien souvent, partent de petites choses de terrain comme ça, qui sont des vues différentes des choses qui amènent les différents protagonistes à vraiment ne pas pouvoir sentendre et fonctionner ensemble ».
Il apparaît que le débat de fond porte sur un rapport de concurrence, dans un contexte de forte professionnalisation de lorganisation, alimentant une lutte de territoire et probablement de classe entre ceux qui entendent maintenir leur souveraineté et ceux qui prétendent la leur retirer. Cest dun côté la logique associative défendant les valeurs sportives traditionnelles et de lautre côté la logique économique suscitée par les nouvelles demandes des pratiquants. Ces deux logiques vont sopposer et conduirent ceux qui les portent à développer des stratégies pour défendre leurs propres visions de léquitation.
Conclusion
Lensemble de létude ci-dessus exposée nous permet, en conclusion, de confirmer dune part que la professionnalisation de la fédération est une réalité et concerne les dirigeants bénévoles et dautre part que ce processus conduit à distinguer deux cultures identitaires bénévoles, celle professionnelle saffirmant de plus en plus à coté de celle amateur traditionnelle (tableau ci-après). De notre point de vue, le mouvement cheval présente un système de fonctionnement fermé. Ses dirigeants nationaux, issus pour beaucoup des PCS les plus aisées, conçoivent leurs missions au sein de la fédération en fonction de la représentation quils ont du milieu équestre et plus largement du milieu sportif. Dans leur vision coubertinienne du sport, ils ont la volonté de répondre à la demande des dirigeants de structures équestres qui, comme eux, sont des bénévoles pratiquants et ne considèrent essentiellement que leurs seuls licenciés. Cest la culture identitaire de lamateur bénévole défendant les valeurs sportives et associatives traditionnelles. Cest celle du notable, du chef dentreprise, de lindustriel, de la profession libérale (les plus représentés dans les anciennes ligues régionales) qui pratiquent en tant quamateurs et dirigent en tant que bénévoles dans le milieu équestre. Ces dirigeants dénoncent un « lobbying interne » trop important et soulignent lambiguïté de la fédération qui « ne sait pas si sa mission doit être de défendre les intérêts des utilisateurs (cavaliers) ou ceux des exploitants ». Le lien de ces dirigeants bénévoles avec le milieu équestre est un lien amateur. A lopposé, les dirigeants du poney et du tourisme équestre sont davantage attachés à une identité denseignants professionnels de léquitation. En prenant davantage en compte les demandes des dirigeants détablissement équestres commerciaux, ce quils sont eux-mêmes, ils sattachent aussi à répondre à la demande du public pratiquant intéressé par une activité sportive de loisir. Cette culture identitaire du professionnel résulte de la rupture avec le modèle préexistant du dirigeant amateur. Cest celle de lenseignant déquitation, du directeur de société équestre qui, en accédant à des postes délus, acquièrent une légitimité jusque là contestée et parviennent à modifier la politique fédérale. Bénévoles de la fédération mais professionnels de léquitation, ils tendent à transformer le modèle fédéral associatif en un modèle dentreprise. Ils privilégient ainsi un système de fonctionnement ouvert sur le marché de léquitation qui les fait vivre. Ils conçoivent dautant mieux ce marché économique que celui-ci leur ouvre des perspectives dascension sociale. Ils tendent alors à transformer le modèle fédéral associatif en un modèle dentreprise, où la politique fédérale ne peut être cantonnée à une politique du haut niveau mais doit être ouverte au secteur des loisirs sportifs. Dans un environnement fortement marqué par une demande de consommation sportive, les professionnels de léquitation vont peu à peu accéder à des postes de dirigeants élus au sein des instances décisionnelles de la fédération et siéger à côté des dirigeants traditionnels jusquà parvenir à réellement influer sur la politique de la fédération. La rivalité entre ces deux catégories de bénévoles ainsi que le besoin de se différencier entre eux vont conduire les individus à marquer leur appartenance à tel ou tel groupe de référence. Cette distanciation alimentée par un besoin de distinction va opposer les groupes et en quelque sorte les catégories socioprofessionnelles voulant occuper les mêmes positions dans lorganisation. Il est très intéressant de noter que beaucoup de nos interviewés nont su précisément nous donner des raisons permettant dexpliquer lopposition persistante entre les dirigeants du cheval et ceux du poney. Chaque fois que nous posions la question « mais alors, pourquoi ces conflits ? », beaucoup de nos interlocuteurs répondaient ne pas trop savoir « lopposition, elle venait pas des clubs, elle vient de la direction (
) cest là que ça ne marche pas ». Toute notre étude a donc été de comprendre lorigine de ces conflits. Nous avons ainsi tenté de montrer que ces conflits trouvent une explication dans la crise identitaire que génère la professionnalisation de dirigeants bénévoles. Cette crise est aussi alimentée par les rapports de forces et de pouvoirs entre des dirigeants présentant des profils différents, certains ayant un lien amateur avec le milieu équestre et dautres un lien professionnel.
Tableau n° 1 : Les cultures identitaires des dirigeants bénévoles de la FFE
CaractéristiquesDirigeants bénévoles ayant un lien
amateur avec le milieu équestreDirigeants bénévoles ayant un lien professionnel avec le milieu équestreDirigeants du cheval
Anciens présidents de ligue chevalDirigeants du poneyDirigeants du tourisme équestreNombre de réponses36182128
Quelle est ou a été leur profession ?Chefs dentreprise (30,2 %)
Directeurs de centre équestre (22,6 %)
Professions libérales
(11,3 %)Chefs dentreprise (hors secteur de léquitation)
(44,4 %)
Professions libérales
(22,2 %)
Enseignants
déquitation
(33,3 %)
Directeurs de centre équestre (23,8 %)
Directeurs de centre équestre
(22,2 %)
Cadres dentreprise
(18,5 %)Sont-ils ou ont-ils été des pratiquants réguliers ?Oui
(77,3 %)Oui
(88,8 %)Non
(57,1 %)Oui
(81,4 %)Sont-ils ou ont-ils été des enseignants déquitation ?Non
(64,1 %)Non
83,3 %)Oui
(57,1 %)Oui
(51,8 %)Sont-ils diplômés
en équitation ?Non
(52,8 %)Non
(66,6 %)Oui (61,9 %)
Brevet dEtatOui (55,5 %)
Brevet fédéralSont-ils ou ont-ils été des gestionnaires de centre équestre ?Oui (56,6 %)
(structure associative
à 53,3 %)Oui (55,5 %)
(structure associative
à 90 %)Oui (85,7 %)
(structure commerciale
à 44 %)Oui (62,9 %)
(structure commerciale
à 53 %)Ont-ils ou ont-ils eu des liens de parenté dans le milieu équestre ?Oui
(54,4 %)Oui
(77,7 %)Non
(61,9 %)Non
(66,6 %)Quelles sont pour eux les missions prioritaires de la FFE ?Demande des dirigeants bénévoles dassociation Demande des licenciés Sport de haut niveauDemande des dirigeants détablissement professionnel Demande du public pratiquant - Education
La culture identitaire des dirigeants équestres
Identité de pratiquants amateurs et de dirigeants bénévoles dassociation
Identité denseignants professionnels et de directeurs de société équestre
Lhistoire de la FFE est lhistoire de la construction dune fédération devenue depuis lune des premières fédérations sportives de France en nombre de licenciés. Les agitations internes quelle connaît encore actuellement, montrent que les crises ne sont toujours pas éteintes et que la cohabitation entre les cultures bénévoles reste difficile. Pourtant, lissue des conflits semble résider dans la capacité des dirigeants à reconstruire un projet fédérateur autour dun modèle nouveau qui pourrait prendre la forme dune « entreprise-associative ». Cela traduirait un nouvel ordre fédéral entre culture associative et culture managériale, entre culture amateur et culture professionnelle et donnerait les moyens à la fédération de faire de sa diversité culturelle une force plutôt quune faiblesse.
Troisième partie
Etude de la Fédération Française de Tennis
Le tennis est, selon une enquête récente, lun des sports les plus pratiqués par les Français. Il est aussi lun des plus appréciés. La Fédération Française de Tennis (FFT) est chargée de son développement. Association régie par la loi de 1901 et délégataire dune mission de service public par décision ministérielle, la FFT a pour mission de promouvoir, d'organiser et de développer le tennis en France, de diriger l'enseignement, l'entraînement, la compétition individuelle et par équipe et les championnats de France, de réunir les clubs affiliés, d'encourager et soutenir leurs efforts, de coordonner leurs activités. Elle représente la France par l'engagement de ses équipes nationales dans les grandes rencontres officielles (Coupe Davis, Fed Cup, Jeux Olympiques...) et assure lorganisation de grands tournois comme les Internationaux de France de Roland Garros et le « BNP Masters Series » de Paris. La FFT, en 2003, cest 1 065 000 licenciés dont 382 500 compétiteurs, cest aussi 3 500 enseignants professionnels, 280 000 joueurs classés, 15 000 initiateurs de clubs et 33 400 courts. Elle est administrée par près de 300 salariés permanents dont 80 pour le seul tournoi de Roland Garros auxquels il faut rajouter plus de 1 500 vacataires embauchés pendant la période des Internationaux de France. Elle se compose de 36 ligues, de 84 comités départementaux et de 9 100 clubs affiliés. Son assemblée générale comprend près de 200 délégués élisant les 45 membres du comité directeur et les 12 membres du bureau. Ses services fédéraux sont organisés autour de 5 directions selon 3 axes : un axe pour la technique, la formation, l'entraînement et la compétition avec les cadres techniques, un axe pour le développement, l'équipement et l'animation avec les conseillers en développement, enfin, un axe pour l'administration et la gestion avec les responsables administratifs. La FFT est née en 1888 sous le nom de « Commission de Lawn Tennis » rattachée à lUnion des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques (USFSA). Ce nest quen 1920 (au moment de la disparition de lUnion) que la commission prend le nom de « Fédération Française de Lawn Tennis » (FFLT) puis définitivement celui de « Fédération Française de Tennis » (FFT) en 1976. Comme beaucoup dautres fédérations sportives, la FFT a connu une forte accélération du nombre de ses licenciés dans les années 60-80. Dans les années 75, il sagit même dun « développement explosif ». Depuis 1987 toutefois, la progression sest stabilisée et le mouvement tennis connaît le même phénomène que connaissent la plupart des fédérations : une progression des licenciés beaucoup moins forte et une pratique qui se développe hors institution.
Pour aborder létude de cette fédération, il nous faut dabord connaître son histoire et préciser les grandes étapes de son évolution. Cest ce que nous proposons de faire dans le premier chapitre. Notre intention est aussi de vérifier notre première hypothèse. En tentant délaborer un modèle de cycle de vie adapté à la fédération de tennis, nous souhaitons conduire notre démarche vers une réflexion sur sa professionnalisation et à travers cela, sur les formes quelle a pu prendre depuis que le tennis sest institutionnalisé voilà plus dun siècle. Cette analyse macro-sociologique constitue la première étape dune étude qui sintéressera davantage ensuite aux individus et aux groupes dintérêt quils constituent (chapitre 2).
Chapitre 1 : Histoire politique et institutionnelle de la fédération de tennis
Dans ce chapitre, nous souhaitons aborder les grandes étapes marquantes de lhistoire du tennis et de sa fédération. Le tennis est la forme moderne dun jeu beaucoup plus ancien dorigine anglaise qui connaît ses premiers développements dans la France monarchique. Jeu populaire au début, sa pratique dans des lieux clos va conduire au marquage social de ses pratiquants et donner durablement au lawn tennis naissant limage dun sport élitiste réservé aux classes sociales élevées. La forme moderne du tennis est dabord marquée par son institutionnalisation et la spécialisation de lorganisation fédérale chargée de le développer. Pour aborder létude de la FFT, notre premier travail a été, de la même manière que pour la FFE, de consulter les archives fédérales. Rassemblés au siège de la fédération sur le stade de Roland Garros, les documents les plus anciens datent des années 1900. La consultation nétant pas libre, nous avons pris plusieurs rendez-vous et précisé chaque fois les documents que nous voulions consulter. Le personnel sur place et la photocopieuse étant gracieusement mis à notre disposition, nous avons pu assez facilement reconstituer les grandes étapes de développement de la fédération de tennis.
1. Du jeu de paume au tennis moderne : Les étapes de linstitutionnalisation fédérale
Le tennis a pour ancêtre le jeu de paume. Cest un homme, le Major Wingfield qui va inventer et breveter en 1874 le lawn tennis. Ce dernier est importé en France un an plus tard par les Anglais puis réglementé à partir de 1880.
1.1. Le jeu de paume, ancêtre du lawn tennis
« Le tennis est une forme remaniée par les Anglais de lancien jeu français : le jeu de paume ».
Le jeu de paume est très ancien. Les auteurs Reneaud et Rollan rapportent quau 13ème siècle, Paris compte 8 libraires, un seul marchand dencre mais déjà treize paumiers fabriquant les balles de la paume. Ce jeu est alors très populaire et pratiqué par tous : « du roi aux vilains en passant par les religieux». Lors de la mise en jeu et en criant « tennetz » (doù le mot tennis), les joueurs utilisent alors leurs mains à nu ou parfois protégées par des gants. Puis peu à peu se généralise lemploi des raquettes, en bois, rondes ou carrées munies de cordage en chanvre ou en boyau. Aux paumiers, dont la composition des balles quils fabriquent est réglementée par Louis XI, sajoutent maintenant les raquettiers constitués en corporation. Lorsquon a lidée de faire pratiquer le jeu de paume en intérieur, pour permettre une pratique toute lannée, on se met à utiliser les murs pour faire rebondir la balle. On invente alors la « courte paume» en opposition à la « longue paume » en extérieur. La construction de ces salles (ou « tripots » de lancien verbe français « triper » voulant dire bondir) a des conséquences socioculturelles très importantes car non seulement dy pratiquer la courte paume, on y organise des pièces de théâtre et autres activités culturelles. Pour Renaud et Rollan, cest à travers ces deux formes de pratiques, la courte et la longue paume, que va se réaliser réellement la différenciation de classes ; les coûts différents quengendre lutilisation de locaux et de matériels vont accélérer le « processus de séparation des classes sociales », la pratique de ce sport en intérieur nécessitant un coût supérieur à la pratique de plein air. Ainsi, la noblesse et la bourgeoisie se mettent à pratiquer la courte paume dont elles reconnaissent le rôle éducatif, tandis que les classes populaires vont continuer à sadonner à la longue paume, accentuant ainsi le phénomène de différenciation sociale et lappropriation durable du tennis naissant par les classes aisées.
Le lawn tennis va naître du jeu de paume aménagé. On reconnaît la paternité du lawn tennis (ou tennis sur pelouse) à deux hommes. Harry Gem, clerc à la cour de justice de Birmingham est le premier à ouvrir un terrain de jeu dans sa propriété et à permettre la fondation du premier club de tennis de lhistoire, le « Leamington lawn-tennis club » en 1872. Mais cest le Major Wingfield que lhistoire retient pour avoir codifié le jeu de tennis. Il dépose un brevet à la Chambre des métiers de Londres le 22 février 1874 pour un jeu quil vient dinventer et quil décide dappeler « sphairistique » signifiant en grec jeu de balles. Dès lors, le tennis va sorganiser. Les règles sont précisées. Dès la fin des années 1870, le lawn tennis débarque sur les côtes françaises. Les Anglais construisent les premiers courts de tennis en France notamment à Dinard où ils fondent le tennis club de Dinard mais aussi sur lîle de Puteaux à linitiative du Racing Club de France et du Stade français. En 1875, J.H. Walsh, directeur du journal « The Field » et H. Jones, son rédacteur en chef, louent une prairie à Wimbledon pour y fonder le « All England Club ». Ils y installent des terrains de jeu et organisent en 1877 le premier championnat de lawn tennis. Wimbledon vient de naître. Les rencontres en double font leur apparition en 1879 pour les hommes et en 1884 pour les femmes. Des règles fixes sont données par le All England Club dès 1877 et vont clarifier notamment les dimensions du terrain, des balles et du filet. Les règles changeront peu par la suite (lapparition du tie-break ne survient quen 1970). En 1881, lUS Open apparaît. Installés à Forest Hill depuis trois ans, les organisateurs de ce tournoi américain décident de déménager pour se poser définitivement à Flushing Meadow. Situé à proximité dun aéroport, le tournoi va peu à peu se développer. La première compétition internationale de tennis en France se déroule en 1889 sur linitiative du Racing. En 1891, malgré les contestations des tenants des jeux français, lUSFSA organise les premiers championnats français de lawn tennis sur lîle de Puteaux (le premier championnat de France féminin a lieu pour sa part en 1897). En 1900 apparaît la Coupe Davis du nom de son créateur Dwight Davis (sa version féminine, la Fed Cup naît en 1963). Puis en 1905 apparaît lOpen dAustralie à Melbourne. Victime pendant longtemps de son extrême éloignement qui rebute les joueurs internationaux, lOpen va rester un tournoi à dimension nationale jusque dans les années 1980. Avec le développement du tournoi de Roland Garros créé en 1925 se constitue le carré des grands tournois du grand Chelem. Progressivement, le tennis se développe en France, dabord sur la Côte dAzur (Cannes, Nice, Menton, Monte-Carlo) puis en région parisienne.
1.2. Les premiers clubs de tennis réservés à laristocratie
Au début du 20ème siècle, le tennis est largement répandu sur tout le territoire national, mais il reste réservé aux gens de bonne société : « les accessoires, le cadre de la pratique et lallure de ses pratiquants (
) font du tennis (à côté du golf, du ski et des bains de mer) un signe de distinction sociale ». Le tennis est comme le golf, le tir ou le polo, un sport noble « ouvert à un monde choisi ». La diffusion du tennis dans la première moitié du 20ème siècle se fait de manière sélective. Cest à loccasion des vacances quils viennent passer notamment sur la côte dieppoise mais aussi à Biarritz, à Cannes ou à Menton que les bourgeois et aristocrates anglais introduisent le tennis en France. Ce sont parmi ces gens, note Saint Martin, quon trouve les plus « actifs propagandeurs » du tennis. Cest à ce moment que naissent les premiers clubs très fermés et sélectifs. Dans les années 1880, on en recense déjà quelques dizaines dont notamment le club de lîle de Puteaux qui rassemble, souligne Waser, tout ce que le « bottin mondain » compte de membres prestigieux, adhérents également au Jockey-club et à lAutomobile club. Le tennis nest pas la seule activité de ces clubs, on sy retrouve pour discuter, pour séchanger des services et se distraire entre gens de même condition sociale et partageant un même style de vie. « Lieux de sociabilité, ces clubs sont loccasion de rendez-vous mondains. Le raffinement de la technique, lharmonie des gestes, lélégance des tenues (
) et la courtoisie des échanges sont des qualités par lesquelles se reconnaissent les « fines raquettes » ». Le sport est vécu comme une démonstration de bienséance où leffort est maîtrisé et dénué de toute brutalité. « Cest en quelque sorte un jeu dans le jeu où lobjectif nest ni de démontrer sa compétence technique, ni même de simposer comme en témoigne le fait que les joueurs ne comptent pas les points. Le jeu consiste plutôt à donner loccasion au joueur le moins fort de se mettre en valeur par des coups réussis involontairement qui surprennent le partenaire en le mettant en difficulté. Le rapport entre les joueurs est ici inversé par rapport à la logique proprement sportive. Cest le plus fort qui se met au niveau du plus faible en lui offrant loccasion de le dominer, alors que dans la compétition sportive, le plus fort protège son jeu afin de ne pas sexposer aux agressions du plus faible ». Veblen, en son temps, avait déjà souligné ce jeu de bienséance qui veut que lon utilise les arts, les cultures ou les sports pour se montrer et accomplir des exploits qui font la réputation de lhomme de la bonne société cultivant son savoir-vivre. « Fortement imprégné des idées, des mentalités et du système dhabitudes dun groupe social dune époque, le tennis de la bourgeoisie va pourtant se démocratiser (contrairement au golf apparu à la même époque). Ces compétitions en public, ces rencontres sur les plages vont faciliter en partie sa diffusion dans les couches sociales. En partie car si le tennis se démocratise, il ne touche pas pour autant les classes ouvrières, largement absentes dans ce sport. Et même pour les classes moyennes qui se mettent au tennis, le rapprochement avec les classes les plus élevées est loin dêtre réel.
Au lendemain de la première guerre mondiale, dans un contexte où la jeunesse doit être sportive, le mouvement ouvrier revendique laccès du sport pour tous. Il a lappui de Pierre De Coubertin qui réclame des terrains municipaux ouverts gratuitement. Pourtant, la diffusion du tennis en dehors de lélite sociale reste peu évidente. « Dans les années vingt, il est très difficile de faire admettre louverture sociale des sports en général, du tennis encore plus ». Le tennis participe comme bon nombre dautres sports « au processus global de filtrage, de classement social par le sport ». Laugmentation du temps libre, déjà effectuée en 1919 (la journée de travail passe à huit heures et la semaine de travail à quarante-huit heures ), est à nouveau à lordre du jour sous le Front populaire. Cest la semaine de quarante heures et les quinze jours de congés payés. Ces nouvelles conditions de vie vont faciliter le processus général de diffusion des sports. Si le tennis notamment est de plus en plus prisé par les classes moyennes, les classes populaires se passionnent davantage pour le football, le cyclisme, la boxe ou la gymnastique. Les politiques publiques et notamment municipales sont pour beaucoup dans ce processus de vulgarisation du tennis en permettant de réduire le coût de la pratique. Mais lacteur public nest pas le seul à favoriser la démocratisation du sport. Le rôle des patronages catholiques affiliés à la Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France (FGSPF) créée en 1898 et des écoles libres affiliées à lUnion Générale et Sportive de lEnseignement Libre (UGSEL) créée en 1908 est aussi considérable. De laristocratie, on passe à la haute et moyenne bourgeoisie puis cest le tour des employés et des ouvriers. Le tennis classé par Bourdieu parmi les sports chics va peu à peu souvrir et contribuer à renforcer le rôle de la fédération chargée de le gérer. Comme le note Saint Martin, cest à mesure quarrive une clientèle plus diversifiée et surtout de plus en plus populaire que « la plupart des aristocrates sen excluent ou sont exclus, y compris des fonctions de dirigeants ou de présidents de sociétés dans lesquelles pourtant ils tendent à rester plus longtemps ». Pourtant, si la démocratisation du tennis semble attestée, il reste quelle apparaît aujourdhui encore inachevée. La différenciation persiste mais sous des formes différentes. Comme le note Waser, les effets de la diffusion du tennis dans les couches sociales « semblent davantage repérables au niveau des modalités de pratique : les groupes se démarquant les uns des autres en sappropriant une façon de faire, une manière dêtre, un type de langage, un lieu, etc. ». Le tennis est certes pratiqué par tous mais le processus de différenciation sociale reste fort encore aujourdhui et létude sociologique des dirigeants nationaux va dailleurs le confirmer.
Ainsi, le développement du tennis se caractérise par une croissance dabord contenue dans quelques clubs très fermés réservés à laristocratie et à la grande bourgeoisie. Cultivant les traditions et les bonnes manières, les missions de ces organisations locales sont de rassembler des personnes de mêmes conditions sociales et partageant les mêmes styles de vie. Ces organisations, porteuses dune idéologie forte, réservent laccès à des personnes répondant à une même préoccupation de distinction sociale et dont les intérêts sont convergents et les profits similaires. Lactivité tennistique comme celle équestre représentent alors un loisir très apprécié où le but nest pas de gagner ou de montrer sa force physique mais bien davantage de savoir se mouvoir avec grâce et élégance. Comme le dit Bourdieu, le tennis à ses origines « doit sans doute une part de son intérêt (
) aux profits de distinction sociale quil procure ». Ce nest que progressivement que le tennis va connaître un essor dans les couches sociales de plus en plus populaires. Lapparition du tennis sur les côtes françaises (à Dinard ou à Cannes) puis en région parisienne sinscrit, donc, de notre point de vue, dans la première étape du cycle de vie de lorganisation fédérale alors naissante qui nobtiendra son autonomie quun peu plus tard à lissue dun conflit qui lopposera à lUSFSA.
1.3. Les débuts de la sportivisation du lawn tennis : La Commission Centrale de Lawn Tennis de lUSFSA
« Le développement du tennis va de pair avec son organisation administrative » peut-on lire dans un document réalisé par le Tenniseum de Roland Garros. Cest parce que les compétitions nationales puis internationales se développent quil faut une organisation de plus en plus centralisée et fédératrice capable de produire des règlements uniques et dassurer la promotion des tournois auprès du grand public. Cet organisme centralisateur est dabord une confédération avant dêtre une fédération sportive. Quand les grandes compétitions se mettent en place dans les années 1880-1900, lorganisation administrative du tennis incombe alors à lUSFSA. Cette dernière sinspire du modèle anglais pour publier les règles de ce sport. LUnion est administrée par un conseil comprenant plus de cent membres. Ces membres sont les présidents des comités régionaux (institués par lUnion, le rôle de ces comités est de la représenter localement) et de leurs délégués (entre deux et cinq délégués selon le nombre de sociétés affiliées). A cette époque (on est à la veille de la première guerre mondiale), le conseil est présidé par le directeur de lécole préparatoire à lEcole centrale, M. Duvigneau de Lanneau. En 1912, lUnion compte 32 comités régionaux (en 1893, elle nen comptait quun seul), dont un à Alger et un à Tunis. Ces comités régionaux sont subordonnés au conseil qui a tout contrôle sur leur comptabilité. Dans sa mission dassociation omnisports, lUnion désigne des commissions centrales chargées de développer les sports fédérés en son sein et de constituer un code sportif pour chacun dentre eux (cest le cas du football, du rugby, de léquitation et bientôt du tennis). Les moyens notamment financiers sont distribués par lUnion. Face au développement prometteur du tennis, lUSFSA va ainsi créer, en 1888, une commission centrale chargée de promouvoir cette discipline ; elle sappelle la « Commission Centrale de Lawn-Tennis ». Elle est présidée par Henry Wallet. Lannuaire de 1912 de lUSFSA comptabilise 1 226 clubs affiliés dont 133 clubs pratiquant le tennis). En 1920, il y aura environ 11 000 joueurs pour 170 clubs puis en 1924, 17 600 joueurs évoluant dans 268 clubs. Pourtant, malgré la volonté affichée par lUnion de rassembler les acteurs du tennis, sa commission centrale na pas le succès escompté. La plupart des clubs pratiquant le tennis continue à sautogérer et préfère adhérer à la fédération anglaise, « la Lawn-Tennis-Association » plus prestigieuse et qui incarne pour eux « lautorité du tennis en Europe ». Nayant guère besoin de lUSFSA, les clubs continuent de définir leurs propres règles de jeu et de fonctionnement et organisent des compétitions amicales entre eux. Cest en partie parce que les dirigeants locaux ne reconnaîtront jamais vraiment la commission de lUSFSA que celle-ci naura en définitive quune existence brève et ne pourra empêcher la naissance dune fédération sportive française indépendante et autonome qui adhérera à la fédération internationale créée quelques années plus tôt.
1.4. Lacheminement vers une fédération sportive autonome
Au lendemain de la première guerre mondiale, lUnion est en difficulté et ne peut faire face aux velléités dindépendance de ses commissions sportives. Pour ces dernières, il est temps de prendre leurs distances avec lUnion « dont les visées hégémoniques, notent Arnaud et Riordan, handicapent jusquen 1920 le développement du sport en France ». LUnion est perçue comme un frein pour ces passionnés qui réclament sa transformation pour quelle soit, non plus une union des sports, mais une union de fédérations sportives. Le 25 janvier 1919, le rapport « Reichel » (du nom dun des vice-présidents de lUSFSA et partisan de lindépendance fédérale) va être le point de départ de la révolution qui va ébranler lUSFSA et conduire à son éclatement. La Commission Centrale de Lawn Tennis demande alors à percevoir directement les cotisations de ses clubs et sociétés affiliés. Elle réclame aussi à pouvoir se représenter elle-même au Comité National des Sports et au Comité Olympique International. Sous la pression, lUSFSA fait des concessions et reconnaît à ses commissions des pouvoirs plus étendus. En modifiant ses statuts en juillet 1919, elle accepte que chaque commission forme son propre comité directeur chargé de la représenter au conseil de lUnion. Cest ainsi quon peut lire dans son exposé introductif au code de lawn tennis de 1920 que « lUnion est administrée par un conseil composé des représentants des comités directeurs et de ceux des comités régionaux ». La direction de chaque sport et lorganisation des concours et des épreuves sont confiées aux comités directeurs dans leurs sports respectifs. La répartition des compétences entre les comités directeurs des commissions sportives et les comités régionaux de lUSFSA est également précisée. Les comités directeurs des commissions sportives sont composés de membres proposés dun côté par chacun des comités régionaux de lUnion et de lautre côté par les membres des clubs affiliés aux commissions sportives. Si on prend pour exemple lannée 1920, la répartition des membres au sein du comité directeur de Lawn tennis se fait comme suit : 36 membres sont issus des comités régionaux de lUnion dont le président Henry Wallet (région de Paris) et sept membres sont nommés par les clubs. Quant au bureau, cinq des sept membres viennent des comités régionaux. A la lecture de lorganigramme, on voit tout de suite la très forte représentation des comités régionaux de lUSFSA au sein du comité directeur de la Commission Centrale de Lawn Tennis. Cette disproportion est, sans quon sen étonne, rapidement contestée par les membres minoritaires du comité directeur et représentants des clubs. Lapparente concession acceptée par les dirigeants de lUSFSA, qui avait permis la création dun comité directeur pour chaque sport, est vite jugée insuffisante par les commissions sportives qui contestent lautorité hégémonique de lUnion. Lors de son premier congrès le 30 octobre 1919, lUnion doit faire face à une contestation de plus en plus ouverte de ses commissions sportives. Celles-ci notamment sen prennent aux comités régionaux quelles accusent dêtre « soudés par une entente régionaliste (et qui) refusent de perdre leur influence au profit dun nouveau pouvoir central ». Les commissions exigent que leurs représentants au sein de leur comité directeur respectif disposent de pouvoir en proportion du nombre de licenciés quils représentent (ce qui impliquerait alors un poids plus fort des clubs face aux comités régionaux de lUSFSA). Le conseil de lUnion refuse de céder aux pressions des commissions sportives conduisant ces dernières à officialiser leur séparation avec lassociation mère. Cest dabord la commission du rugby qui décidera lors du congrès de Lyon de créer sa propre fédération. Puis, les dirigeants du tennis décident à leur tour, lors de leur séance du 25 juin 1920, de réunir leur assemblée générale extraordinaire pour le mois doctobre afin de poser les bases statutaires de la première fédération de lawn tennis. Leurs actions, par un vote unanime lors dune assemblée générale extraordinaire des sociétés et clubs de lawn tennis (on en compte plus de soixante), vont donner naissance à la Fédération Française de Lawn Tennis (FFLT) le 30 octobre 1920. Lindépendance des commissions sportives est désormais prononcée et conduit ces dernières « à se former en fédérations sportives distinctes ». Pour lUSFSA, la scission devient inévitable et sa position intenable. Elle na plus dautres choix que de procéder à son tour à une modification importante de ses statuts. Son assemblée générale extraordinaire se réunit le 9 octobre 1920 et vote les nouveaux statuts de lUnion transformant celle-ci en une Union des Fédérations Françaises de Sports Athlétiques (UFFSA). Face à la forte croissance que connaissent alors les sports en général, les structures de lUSFSA sont devenues insuffisantes pour organiser leur développement. Elles ne peuvent empêcher la création des premières grandes fédérations sportives unisports. Ainsi, lannée 1920 marque la naissance de la fédération de tennis. Elle est désormais autonome même si elle maintient encore son affiliation à lUFFSA. Les statuts fondateurs sont publiés au Journal Officiel dans le courant du mois de novembre.
La dimension sportive des compétitions simpose de plus en plus et consacre un rôle prédominant à la nouvelle fédération. Le processus de fédéralisation se met en place notamment après la seconde guerre mondiale, en même temps que se réalise une « uniformisation de la définition du jeu qui est un des effets de la concentration du pouvoir de linstance centrale » . Les premières distinctions françaises en 1911 lors notamment du tournoi de Wimbledon et les victoires de lélite française (« les mousquetaires ») en coupe Davis jusque là remportées par les Anglais, les Américains et les Australiens, vont considérablement accélérer la diffusion de ce sport en France. Les résultats français vont conduire à la construction à Paris dun grand stade de tennis digne des compétitions les plus prestigieuses. Le stade Roland Garros est achevé en 1928 et contribue à susciter pour ce sport, lengouement de plus en plus de français parmi lesquels de nombreux jeunes. Les mousquetaires Borotra, Lacoste et Cochet remportent plusieurs fois le trophée. Cest sous la présidence dAlbert Canet quils enlèvent la Coupe Davis en 1927 à Philadelphie et la gardent jusquen 1933. Puis il y aura Bernard en 1946 et Noah en 1983. Quant aux femmes, on compte parmi les vainqueurs de Roland Garros, Lenglen en 1925 et 1926, Mathieu en 1938 et 1939, Landry en 1948 et Durr en 1967.
1.5. Un principe immuable : Lamateurisme
Un des principes fondamentaux quil nous faut noter et qui est réaffirmé dans chacun des annuaires annuels de lUnion et de la fédération, est celui de lamateurisme. Larticle premier du règlement intérieur de lUSFSA de 1913 stipule quaucune personne ne peut être admise dans quelconque société adhérente à lUnion si elle nest pas amateur. La définition de lamateurisme donnée par les dirigeants de lUnion est alors clairement exposée. Lorsque la FFLT voit le jour, elle maintient la règle de lamateurisme. Ainsi, on peut lire dans ses statuts fondateurs de 1920 que « nul ne peut faire partie de la Fédération Française de Lawn Tennis, ni dune société à elle affiliée, sil nest amateur. Tout joueur de tennis est amateur (
) sil ne retire, directement ou indirectement, de la pratique du sport, aucun avantage pécuniaire ». Nous verrons par la suite que ce principe fort de lamateurisme sur lequel se sont bâties et appuyées lUnion et ensuite la fédération aura des répercussions importantes notamment dans les années 60-70, quand louverture des compétitions aux professionnels sera à lorigine dun des conflits les plus intenses qui secouera durablement le monde du tennis. Notons aussi que les divergences de vue sur lamateurisme seront aussi à lorigine de lexclusion du tennis des Jeux Olympiques durant un demi-siècle.
2. Entre régionalisation et professionnalisation, un pouvoir partagé
« Je partais en guerre contre un « système » fédéral en contradiction totale avec ce qui me semblait être lesprit de notre jeu ».
La FFLT va connaître dès le début un processus de centralisation des pouvoirs permettant à la région de Paris de diriger durant des décennies la politique fédérale du tennis. Jusque dans les années 70 et avant que le pouvoir des autres régions ne saffirme, la fédération est gérée par un comité directeur très centralisé et parisien. Peu à peu, dans un contexte de très forte professionnalisation du tennis et de linstitution fédérale, la décentralisation va sopérer en conférant aux présidents de ligue un pouvoir de plus en plus autonome. Cette décentralisation régionale apparaît alors de plus en plus comme une réponse de lorganisation associative face aux pressions croissantes exercées par les promoteurs privés.
2.1. Une direction très centralisée et un certain « parisianisme fédéral »
Notre étude sur lappartenance régionale des dirigeants de la fédération de tennis montre une forte concentration parisienne des pouvoirs durant les quarante premières années dexistence. Pour le démontrer, il faut revenir aux origines de linstitutionnalisation fédérale. Déjà en 1920, cette surreprésentation parisienne est attestée. En effet, à lépoque de la Commission Centrale de Lawn Tennis de lUSFSA, le comité directeur comprend alors 43 membres. Si ces derniers représentent les 36 commissions régionales, nous pouvons remarquer la forte proportion de ceux qui sont issus de la commission régionale de Paris (11 sur 43 soit le quart). De même pour le bureau, 3 dirigeants sur les 7 siégeant appartiennent à la région de Paris. Lors de lassemblée générale extraordinaire des sociétés et clubs de lawn tennis (fondatrice de la fédération) qui se tient le 30 octobre 1920, le compte rendu mentionne le nombre de voix attribué aux 48 délégués régionaux. Sur un total de 130 voix, 24 reviennent à la région de Paris qui compte alors à elle seule 14 délégués, talonnée ensuite par la région Côte dAzur (18 voix) et par celle du Nord (14 voix). Toutes les autres régions comptent moins de 10 voix. Les statuts de 1922 stipulent que la fédération est divisée en régions. Chaque région est administrée par un comité régional regroupant tous les clubs et sociétés affiliés du territoire correspondant. Le rôle des comités régionaux est précisé par larticle 7 du règlement intérieur. Ils ont pour missions « dadministrer leurs régions en faisant respecter les statuts et règlements et les principes damateurisme ». Ils sont les intermédiaires entre les clubs et le siége fédéral notamment dans le suivi des procédures administratives des associations locales et dans lorganisation des compétitions régionales. Leur budget vient en partie de la perception dun tiers des recettes de licences (les deux autres tiers revenant à la fédération). Chaque comité régional est chargé de désigner en son sein ses représentants à lassemblée générale de la fédération (dont le nombre dépend du nombre de licenciés). Cette assemblée désigne le comité directeur (ou conseil fédéral) qui administre la FFLT. Ce dernier est constitué des délégués des comités régionaux mais aussi de membres désignés directement par la fédération. Ainsi en 1922, on observe que parmi les 55 personnes siégeant au comité directeur, une région apparaît toujours en position de force, cest celle de Paris. De même, trois des 7 membres du bureau fédéral sont membres de cette région (dont le président et le secrétaire du comité régional de Paris). Au total, ce nest pas moins de 10 dirigeants sur les 55 siégeant au comité directeur de la fédération qui sont membres de la région de Paris (alors que les autres régions comptent en moyenne un seul délégué). Il est vrai que cette surreprésentation de la région de Paris peut sexpliquer par le fait quelle comptabilise énormément de licenciés en englobant alors les départements de Paris, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Val-de-Marne, Val dOise, Yvelines, Seine-Saint-Denis et Essonne. Quarante années plus tard, cette représentation parisienne sobserve toujours. LAlmanach « Smash » de 1964 précise alors que le comité de direction de la FFLT est composé à la fois des délégués de chaque région dont en principe le président « au prorata des licences prises lannée précédente » et de quelques membres hors-ligues (ces sièges sont « réservés à quelques dirigeants dont lactivité sexerce principalement à léchelon central »). En 1960, les documents darchives témoignent toujours du fort parisianisme fédéral puisque sur les 22 membres du bureau, 10 sont résidents dans la région parisienne dont au moins 2 appartiennent à la ligue de Paris. De la même manière, sur les 56 sièges que comporte le comité directeur, 20 sont occupés par des membres habitant Paris ou la banlieue (dont au moins 10 membres de la ligue de Paris). Nous pouvons observer ces mêmes tendances en 1964. La plupart des membres du comité régional de Paris occupe des postes clés au sein de la FFLT (cest le cas du président de la région de Paris qui occupe un poste de vice-président à la FFLT).
En résumé, cela nous conduit à dire que durant les quarante premières années dexistence de la fédération, celle-ci connaît un très fort parisianisme de ses dirigeants. Cette situation conforte la position hégémonique de la ligue de Paris qui apparaît être la plus puissante au sein de lorganisation fédérale. Cela semble attester également de la forte centralisation des pouvoirs dans la capitale française. La bureaucratisation fédérale se traduit par un nombre de licenciés qui passe de 11 000 en 1920 à 167 110 en 1970 (pour atteindre un sommet de 1 391 229 licenciés en 1986), par un nombre de clubs en forte croissance dépassant à peine le chiffre de 170 en 1920 pour atteindre celui de 1 607 en 1970 et 9 067 en 2002, par une masse salariale qui croît fortement passant dune trentaine de permanents en 1973 à 200 en 1997 et à plus de 300 aujourdhui. Si les statuts comptent 16 articles en 1922, ils en contiennent le double en 1976. Peu à peu, la fédération gonfle en volume et concentre ses pouvoirs à son sommet parisien. Elle se situe alors dans le deuxième état de notre cycle de vie, celui de la bureaucratie centralisée. Cette centralisation du pouvoir ne va dailleurs pas faciliter le renouvellement de léquipe de direction. En 1968, la moitié des membres du comité directeur de la fédération cumule les mandats nationaux sur au moins les trois dernières Olympiades. Un tiers est membre de la ligue de Paris. Lorsque de nouveaux arrivants décident de changer la politique fédérale, ils choisissent alors de changer les têtes au siège fédéral. Ils vont marquer leur opposition aux dirigeants de la région de Paris, la plus représentée. Le renversement de pouvoir qui se produit et qui conduit au démantèlement de la ligue de Paris quelques années plus tard ne fait que suivre la réforme de la politique fédérale internationale dont le débat sur la professionnalisation va provoquer lune des plus importantes crises qua jamais connu le tennis mondial.
2.2. Amateurs et professionnels entre tradition et modernité : La bataille de lOpen
Le débat amateur/professionnel déjà ancien trouve une nouvelle vitalité dans les années 60. A lheure où quelques grands champions contribuent au rayonnement du tennis international, certains dirigeants du tennis vont engager une bataille difficile contre les défenseurs de lamateurisme pour permettre aux sportifs de briller sur le devant de la scène. Leurs revendications vont conduire à une véritable révolution du tennis et marquer lentrée de ce sport dans une ère nouvelle, celle du sport professionnel. Un homme, Philippe Chatrier va incarner cette révolution du tennis et devenir une figure déterminante qui marquera le monde du tennis. Sportif de haut niveau, journaliste, président de la fédération nationale puis internationale de tennis pendant plusieurs mandats consécutifs, il reste surtout lhomme qui a modernisé la structure fédérale française et la fait rentrer de plain-pied, avec les autres grandes nations sportives, dans lère de la professionnalisation. Champion de France et champion de Paris en junior en 1945, il dispute de nombreuses fois des tournois nationaux et internationaux. En 1951, il est même classé sixième français. Cest peu de temps après quil se détourne de sa brillante carrière sportive pour celle de journaliste. En 1953, il fonde une revue qui sera le fer de lance de sa campagne de rénovation du tennis fédéral. Cette revue sappelle « Tennis de France ». Pendant quinze années, ce mensuel sera son meilleur moyen pour contester la politique des fédérations nationale et internationale et notamment lamateurisme dont ces deux fédérations se réclament. Entre amateurisme et professionnalisme, la bataille ne va pas tarder à sengager.
Dès 1946, les Américains envisagent la mise en place des tournois « open ». La Fédération Internationale de Lawn Tennis (FILT) classe sans suite le dossier, acceptant toutefois que les joueurs soient dédommagés pour leurs frais de participation aux tournois. De nouveau relancé en 1958, le principe de la professionnalisation des tournois est rejeté de justesse deux ans plus tard par la FILT par un petit écart de 5 voix. Consciente des compensations financières que touchent ses joueurs amateurs, ne pouvant nier ce système officieux, elle finit toutefois par prendre des mesures visant à enrayer le phénomène. Elle décide de plafonner le montant des frais de déplacements et des dépenses de séjours occasionnés par les joueurs à 5 000 francs. Elle demande à chaque fédération nationale de limiter strictement les remboursements accordés à ses joueurs pour quils continuent à exercer une profession en dehors du tennis. Pour Philippe Chatrier, ce nest pas suffisant. Le problème reste posé et aucune avancée nest faite. Il veut en finir avec cet amateurisme dapparence en dénonçant « les dessous de table » et les « cachets » déguisés versés aux joueurs amateurs. Voulant « mettre un terme à la ridicule comédie amateurs-professionnels », il réclame louverture des tournois et compétitions officiels à tous les joueurs quils soient amateurs ou professionnels. Il continue à dénoncer un système quil juge obsolète à une époque où lamateurisme, pour lui, ne signifie plus rien. Mais, malgré ses protestions relayées par les professionnels du tennis, rien ne peut changer la FILT qui sobstine à refuser toute forme de professionnalisation qui nuirait à la tradition damateurisme sur laquelle sest bâti le sport. Elle réagit avec plus de fermeté encore contre toute idée de tournois « open » qui ouvriraient leurs portes aux joueurs professionnels. Pour le journaliste de « Tennis de France », cette évolution est pourtant inévitable. Le sport se médiatise et les revenus saccroissent. Le seul moyen de moderniser le tennis, cest de remplacer les dirigeants actuels, en place depuis longtemps, par des hommes nouveaux. Il sen prend à cette « génération de dirigeants aveugles, complètement dépassés et unis dans un entêtement tragique ». Le débat sengage et promet dêtre long. Au début des années 60, les professionnels sont toujours interdits de participation dans les compétitions officielles de la fédération internationale.
Il faut attendre lannée 1967 pour que la situation se mette réellement à changer. Lhomme qui va déclencher « une véritable révolution » sappelle alors Herman David. Il est le président du célèbre « All England and Croquet Club » de Wimbledon. Ce lieu mythique, berceau du tennis de compétition, va être « à lorigine dune révolution dans les mentalités du monde tennistique » notent Chombart et Thomas. Déclarant vouloir en finir avec le débat amateur/professionnel qui nuit à son sport, David annonce au mois de mars 1967 son intention douvrir le tournoi de Wimbledon aux joueurs professionnels dès lannée suivante. Pour lui, « le tennis amateur est devenu un mensonge vivant ». Les amateurs gagnent de largent de leur sport de la même manière que les professionnels. Ce qui les différencie, dénonce le président de Wimbledon, cest que les premiers le font de manière cachée et pas les seconds. Cette annonce va faire leffet dun électrochoc. « Il ne doit plus y avoir de professionnels ni damateurs à léchelon de la compétition internationale », lance David, mais « des joueurs et cest tout ». Réclamant lappui de sa fédération, il se dit prêt à aller jusquau bout et même jusquà lexclusion de son tournoi par la fédération internationale. Il demande à toutes les nations organisant des compétitions de le rejoindre pour faire front contre la fédération internationale. LAustralie est la première à emboîter le pas et suivre le chemin tracé par le président de Wimbledon en optant le 21 mars 1967 pour le tennis « open » pendant une période dessai de deux ans. Réuni le 5 mars 1967, le conseil de la fédération anglaise apporte son soutien au président de Wimbledon et décide le 14 décembre 1967, avec lapprobation des 3000 clubs membres de son assemblée générale, de supprimer toute distinction entre amateurs et professionnels du tennis (bravant ainsi la décision de la fédération internationale qui, réunie le 12 juillet 1967, avait pourtant fermement condamné par 139 voix contre 83 lattitude des anglais et menacé de les exclure des compétitions). Cest « le coup détat » tant attendu, titre « Tennis de France » en couverture de son numéro de décembre. Pourtant, la réaction de la fédération internationale ne se fait pas attendre. Refusant de céder à la pression anglaise, son président depuis peu, De Stefani, annonce le 8 janvier 1968 la suspension de la fédération anglaise, suite à la réunion de son comité de direction. Cette suspension devient effective à compter du 22 avril. Pour Alain Bernard, ancien tennisman de renom, cette décision était prévisible, soit les dirigeants de la fédération internationale décidaient de se ranger du côté des anglais et de procéder à une modification historique de leurs statuts, soit ils votaient la suspension de la fédération anglaise au risque de provoquer « la scission qui serait déplorable pour le tennis ». La FILT opte pour la deuxième solution, rendant le conflit inéluctable et lavenir du tennis mondial incertain. De nombreuses voix vont sélever contre ce coup dur porté à la patrie du tennis. Philippe Chatrier va dénoncer cette décision prise par « le petit groupe de tartuffes (
) une poignée de gens pourtant responsables et complices depuis vingt ans de leffroyable gabegie actuelle ». Il fustige cet aveuglement de quelques dirigeants qui, au lieu dessayer de construire le tennis de demain, écrit-il, saccrochent surtout à leurs sièges. Comme le soulignent les auteurs du Tenniseum, « lheure sannonce décisive » car la réforme est bel et bien en marche. Le 3 février 1968, la fédération américaine décide demboîter le pas de son homologue anglais. Par une écrasante majorité (16 voix contre une), elle en appelle au « principe dautodétermination » en lançant un ultimatum à la FILT : soit cette dernière laisse à chaque fédération nationale la liberté de choisir les modalités daccès de ses joueurs à ses compétitions, soit elle perd les Américains et les Anglais qui feront cause commune. Les dirigeants américains se disent même prêts sil le faut à créer une nouvelle fédération avec leurs alliés anglais. Quant à la fédération française, son attitude est plus réservée, préférant, de lavis des commentateurs de lépoque, labstention à une prise de position. Cette retenue est critiquée par ceux qui veulent passer à laction. Philippe Chatrier dit sa honte face à lattitude quil juge complaisante des dirigeants de la fédération française qui, moins que des leaders, sont, fustige-t-il, « des suiveurs accrochés au vent qui tourne ». Il sindigne notamment de la « machination » qui va conduire au limogeage du capitaine de léquipe de France, Marcel Bernard par la commission sportive de la fédération. Il dénonce la décision des dirigeants de vouloir se séparer dun homme en prétextant les mauvais résultats sportifs de ses athlètes français alors que la véritable raison est, pense lauteur, de sanctionner ses prises de position en faveur de la fédération anglaise. Exposée à toutes les critiques, la situation de la FILT devient de plus en plus inconfortable. LAngleterre et les Etats-Unis sont rejoints par lAfrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Suède, le Canada et la Suisse et même lAustralie (dont le vote reste encore incertain) se dit prête à se ranger du côté des dissidents. Il est de plus en plus difficile pour les dirigeants internationaux de maintenir une ligne de conduite qui risque de provoquer la fuite de ses plus grandes fédérations nationales. Cest lors de la réunion de son assemblée générale extraordinaire quelle tient le 30 mars 1968 à Paris, que tout doit se jouer. La décision va être historique car elle marque le point de départ de lère moderne du tennis. En effet, le 30 mars 1968, place de la Concorde à Paris, lassemblée générale de la FILT réunit ses membres pour une décision lourde de conséquences. Dans lauditoire, 47 pays sont représentés sur les 65 ayant droit de vote. Lheure est à la négociation et aux concessions pour éviter la scission imminente. Au sein du comité de lamateurisme, quatre hommes vont réfléchir au moyen de sortir dun conflit qui dure depuis trop longtemps. Représentant tous les courants de lamateurisme et du professionnalisme, Pierre Geelhand (Etats-Unis), Ben Barnett (Australie), Giorgio De Stefani (Italie) et Jean Borotra (France) vont tenter de trouver des solutions qui contentent toutes les parties. « Certains ont fait des sacrifices idéologiques pour concilier tout le monde », déclarera par la suite Jean Borotra. Ces solutions au nombre de trois sont approuvées par le comité de direction puis à lunanimité par lassemblée générale le lendemain. Les points adoptés sont premièrement le maintien symbolique dans les statuts de la FILT de la notion damateurisme pour préserver lidéal sportif sur lequel sest construite la fédération, deuxièmement, la reconnaissance du principe dautodétermination des fédérations nationales pour adapter leurs statuts aux réalités de la professionnalisation, enfin troisièmement, une limitation du nombre de tournois open restant sous lautorité de la fédération internationale. Autre nouveauté défendue par Jean Borotra, la reconnaissance à côté des joueurs amateurs et des joueurs professionnels de joueurs dits « autorisés ». Ils ont un statut semi-professionnel, maintiennent une activité professionnelle autre que le tennis mais sont autorisés désormais à officiellement tirer des profits matériels et pécuniaires des tournois auxquels ils participent. Ainsi, la fédération internationale, dont le choix se résume à « sincliner ou mourir », finit par fléchir sous les pressions de ses principales fédérations nationales. En ce début dannée 1968, le pas est définitivement franchi dans la professionnalisation du tennis (beaucoup de sports avant et surtout après suivront). La révolution engagée un an plus tôt voit le triomphe des réformateurs, partisans du professionnalisme sur les défenseurs de lamateurisme et de la tradition sportive. Lannée 1968 fait date dans le monde sportif en autorisant lentrée du tennis dans lère du professionnalisme et laccès « open » des tournois aux joueurs professionnels. Pour Chatrier, cest enfin laboutissement de quinze années de combats et de revendications : « Lère moderne du jeu de tennis a pris son départ officiel le 30 mars à Paris. Cest une grande date, une victoire considérable
et un commencement », écrira-t-il dans son journal. Et ce commencement de la professionnalisation du tennis sur le plan international va être aussi celui du renouvellement des dirigeants de la fédération française. En effet, si une bataille se termine, une autre lui succède et aboutit au renouvellement total de léquipe dirigeante de la fédération française. Les réformes engagées vont se poursuivre.
2.3. Oui à la professionnalisation mais sous contrôle renforcé des ligues
Encouragé par son succès si attendu, Philippe Chatrier annonce son intention de changer léquipe dirigeante de la fédération nationale. « La réforme à accomplir est simple, écrit-il, il faut changer les quelques hommes qui prétendent depuis si longtemps faire de notre tennis une affaire personnelle sous le prétexte quils ont beaucoup de temps à lui consacrer ». Ces quelques hommes, dont parle Chatrier, sont en place depuis longtemps. Plus de la moitié au moins cumule les mandats sur les trois dernières Olympiades. Lattitude de la fédération française (lors du bras de fer entre la fédération anglaise et la fédération internationale) ayant irrité un certain nombre de dirigeants français, ces derniers en appellent désormais à une nouvelle politique fédérale et rassemblent, derrière Philippe Chatrier, une équipe de campagne. On compte parmi eux beaucoup de présidents de ligue dont à leur tête le président de la première région de province, la Normandie. Beaucoup de ces présidents entament alors un premier mandat et constituent la nouvelle génération des dirigeants « qui ne comprennent rien aux jeux surannés de la politique fédérale ». Il y a également des professionnels écartés par les dirigeants en place à la fédération (cest le cas notamment de lancien capitaine de léquipe de France de Coupe Davis). Leur programme politique énonce quelques grandes orientations devant permettre une augmentation substantielle des courts de tennis et des enseignants professionnels, une modernisation de la fédération, une décentralisation des pouvoirs en direction des régions « en donnant aux ligues régionales une grande autonomie » ou encore un développement de la politique sportive de haut niveau en sen remettant « à la compétition la plus dure pour former des champions ». Ils affichent leur intention de laisser les pleins pouvoirs au comité de direction pour quil traite des problèmes de politique sportive avec lappui de quelques joueurs nationaux (dès son élection, il se réunira tous les deux mois et le bureau chaque semaine). Ils vont multiplier les rencontres avec les acteurs locaux pour expliquer leurs intentions et vont recueillir lapprobation de 21 présidents de ligue sur les 23 que compte la fédération (seules les ligues de Paris et de Bourgogne marquent leur désaccord). La préparation des élections prévues pour le 7 décembre 1968 est menée tambours battant. Pour Chatrier et ses proches, « il reste six mois pour accomplir la révolution » !. Cest là que tout va se jouer. Cest là aussi que la nouvelle équipe conduite par Chatrier va remporter son premier grand succès. Le président sortant ne souhaitant pas se représenter, la voie est ouverte. La veille de lassemblée générale, la plupart des présidents de ligue se réunissent et décident dappuyer léquipe de Chatrier. « Jeunes pour la plupart, les nouveaux présidents de ligue votèrent pour les jeunes », écrira plus tard Alain Bernard. Chatrier et les siens sont élus avec une confortable majorité. Conformément à leurs intentions, cest un ancien sportif de haut niveau, Marcel Bernard (vainqueur des Internationaux de France en 1946), qui est élu président de la fédération par 426 voix pour, 21 contre et 112 bulletins nuls. Après son éviction un an plus tôt, il est de retour sur la plus haute marche de lorganisation fédérale. Philippe Chatrier devient lun des trois vice-présidents et pour éviter toute ambiguïté, il se retire du journal quil avait créé quinze années plus tôt. Au total, le comité de direction compte 28 membres dont 4 femmes et une moyenne dâge en dessous des 50 ans plus jeune que précédemment. La nouvelle direction compte des délégués de 17 régions mais la région de Paris reste encore majoritaire avec 7 délégués. La fin de lannée 68 particulièrement agitée pour le pays va être le point de départ dune rénovation en profondeur des instances fédérales du tennis. Pourtant, les débuts sont difficiles notamment sur le plan sportif. Cumulant les charges de vice-président et de capitaine de léquipe de France (après la démission rapide de son prédécesseur), Chatrier doit essuyer les défaites successives de son équipe en Coupe Davis battue à la surprise générale par les Yougoslaves puis ensuite par les Espagnols. Déjà, certaines critiques émanent de dirigeants de clubs qui se plaignent de « lemprise fiscale, paperassière et autoritaire de la FFLT ». A lissue de son mandat, le président de la FFLT, Bernard, peut néanmoins afficher un bilan positif. Pourtant, il ne souhaite pas se représenter, évoquant « les raisons dordre professionnel et familial qui lui interdisent de continuer à assumer la charge de président de la fédération ». Deux listes sont candidates pour la présidence. Elles incarnent deux conceptions opposées du tennis. A leur tête, ce sont « deux personnages, deux styles, deux conceptions, deux générations » qui vont saffronter. La liste soutenue par la ligue de Paris conteste « lidée du profit provenant du sport » et soppose à ce que le tennis puisse tomber entre les mains des « marchands ». La liste conduite par Philippe Chatrier, dont les positions pour la professionnalisation du tennis ont toujours été affichées, rappelle la nécessité de contrôler largent du sport sans nier son existence. Cest cette liste qui remporte les élections. Sur proposition du nouveau comité directeur comprenant 27 membres, lassemblée générale désigne Philippe Chatrier, par 513 voix pour et 73 contre, pour occuper le siège de président de la fédération. Quelques années plus tard, la ligue de Paris (elle comptabilise alors 100 000 licenciés) est découpée en sept nouvelles ligues réduisant considérablement son poids et celui de son président. Commence alors pour Philippe Chatrier une nouvelle ère qui va durer deux décennies. Philippe Chatrier va présider la FFLT de 1972 à 1993. Pour chacun de ses mandats, il obtient une majorité confortable et les oppositions au sein même de la fédération restent faibles. Aussitôt élu, il sattache à rénover la fédération. Le nouveau comité directeur crée des groupes détude chargés de réfléchir à la modernisation de linstitution. Les réformes portent sur ladministration, léquipement ou encore la formation et lenseignement. Les pouvoirs du comité de direction sont renforcés. Aux membres siégeant au comité viennent sajouter des représentants des joueurs professionnels chargés de donner leur avis. Outre linformatisation des classements et lamélioration des procédures administratives, le comité sengage dans un processus de décentralisation des pouvoirs vers les ligues régionales. Le nombre de comités départementaux est augmenté pour renforcer les missions des présidents de ligue et des postes régionaux de cadres administratifs et techniques sont financés pour appuyer le nouveau dispositif. La fédération, déclare son président, doit porter ses efforts sur « le renforcement des pouvoirs des ligues régionales ». Pour Chatrier, il faut que le pouvoir descende du siège national vers les régions, il faut augmenter leurs capacités daction, pour que les présidents de ligue (ce sont eux qui lont élu) soient « les interlocuteurs directs (
) les patrons des régions ». Pour cela, il procède à une forte augmentation du budget des régions. Suite à la décision daugmenter la part des ligues sur les recettes des licences (le montant global des recettes devant être partagé à part égale entre les ligues et le siège fédéral), les ligues voient leur budget global croître entre 1981 et 1982 de près de 10 millions de francs, en raison également de laugmentation du prix de la licence (celle-ci passe en effet à partir du 1er novembre 1981 de 40 à 50 francs pour les adultes et de 20 à 25 francs pour les jeunes). Entre 1981 et 1986, laugmentation du budget régional dépasse les 500 %. En comparaison, le budget de la fédération croît sur cette même période de 347 %. Le compte-rendu de lassemblée générale du 10 janvier 1981 montre dune part la répartition en part égale des recettes de licences entre le siège fédéral et les ligues à compter de lexercice 1982 et dautre part la croissance importante des recettes due à laugmentation régulière du prix des licences entre 1982 et 1986. Le président de la FFLT en profite également pour clarifier le rôle des bénévoles qui sont, explique-t-il, chargés de définir les grandes lignes de la politique fédérale tandis que les administratifs, cadres et employés, sont eux chargés de lexécution des décisions votées par les élus. Reconnaissant la professionnalisation et la montée de largent dans le tennis, son souci est en même temps de protéger le tennis pour quil ne tombe pas sous le contrôle des groupes dintérêt économiques. Pour cela, il veut renforcer le pouvoir des dirigeants élus et réaffirmer le rôle prépondérant de la fédération dans le contrôle du tennis et de son évolution. La nouvelle équipe restructure les procédures administratives. Une association chargée daider les associations locales à financer de nouveaux équipements est créée en 1975 ; cest lAssociation pour le développement de tennis (ADT). Dans la foulée de limmense succès des Internationaux de France, le stade de Rolland Garros est étendu. Les travaux dagrandissement et de rénovation, qui dureront jusquen 1992, vont contribuer à amplifier le rayonnement mondial de ce lieu mythique. Avec laide de lEtat (dont les contributions atteignent près de deux cents millions de francs sur dix ans), la fédération peut en 1990 se vanter davoir multiplié par six le nombre de ses courts de tennis (en 1970, on comptait 5 500 courts, en 1990, il y en aura plus de 33 500). En matière denseignement, la politique fédérale entend développer de front sport de masse et sport de haut niveau, car « lun ne va pas sans lautre ». Des écoles de tennis se multiplient, un lycée sport-études ouvre ses portes en 1970 à Nice. Jean-paul Loth est nommé directeur technique national en 1976 et bénéficie dune marge de manuvre confortable pour développer la politique de haut niveau. Une politique de formation va permettre également daccroître le nombre denseignants professionnels. Ceux titulaires dun brevet dEtat passent de 345 en 1968 à 821 en 1975 et les brevetés fédéraux de 230 à 3 200 sur la même période.
Comme nous avons eu loccasion de le souligner, lhistoire politique de la fédération montre maintes fois, lors de votes déterminants en assemblée générale, limportance des présidents de ligue. Cest le cas lors de lélection de Marcel Bernard en 1968 puis de Philippe Chatrier en 1972. De la même manière, lors des élections de 1997, le candidat à sa réélection et lui-même ancien président de ligue doit en partie son maintien à la présidence grâce à lappui dune majorité de ligues. Léquipe qui se met en place en 1972, bien que favorable au tennis professionnel, affiche toutefois son souci de le contrôler et tend notamment à renforcer le pouvoir de la fédération et de ses ligues. Les statuts actuels, votés par lassemblée générale de la FFT les 1er et 2 février 1997, confirment le rôle primordial des ligues dans le processus délection des membres de lassemblée générale et du comité directeur de la fédération. Ils nous renseignent notamment sur la composition de lassemblée générale de la fédération. Celle-ci « se compose de représentants des groupements sportifs (
) à raison dune délégation par ligue. Ils sont élus par lassemblée générale de la ligue ». Chaque ligue, peut-on lire dans les statuts, « constitue lunité administrative de la fédération. Elle bénéficie, à ce titre, dune gestion autonome ». Chaque délégation de ligue comprend à la fois des délégués issus directement de cette ligue (trois au total dont le président) et des délégués issus directement des comités départementaux (à raison dun représentant par comité départemental). Quant aux nombre de voix que représente lensemble des membres des délégations de ligue (ce nombre est proportionnel au nombre de licences détenues par chaque ligue), les 3/5e sont attribués aux trois délégués de ligue répartis en trois parts égales et les 2/5e restant sont attribués aux délégués des comités départementaux.
De ce fait, les ligues restent majoritaires en nombre de voix dans chaque délégation composant lassemblée générale de la FFT. Ce sont les membres siégeant à lassemblée générale qui élisent à scrutin secret ceux qui constituent le comité de direction. Ce dernier comptabilise 45 sièges, mais un petit nombre dentre eux est réservé à des représentants de certaines catégories ; on compte les représentants des femmes (4 sièges), les représentants corporatifs (2 sièges), les représentants des sportifs de haut niveau (2 sièges) et un représentant des éducateurs sportifs. Il en découle des statuts que lassemblée générale et à fortiori le comité directeur de la FFT sont composés en majorité de membres siégeant dans les ligues dont les présidents de ligue. En fait, cette représentation des présidents de ligue devient forte dès larrivée de Philippe Chatrier à la tête de la fédération. Elle ne fera que samplifier depuis. Cest dailleurs ce que rapporte le magazine Tennis info de 1979 quand il écrit que « les assemblées générales des fédérations sportives ne sont guère animées quune fois tous les quatre ans, cest-à-dire lannée des élections ». La raison évoquée est que ceux qui siègent à lassemblée générale sont les mêmes que ceux qui siègent au comité de direction, cest-à-dire les présidents de ligue et leurs proches : « lassemblée générale est le reflet strict du comité de direction dont sont membres, en fait, 28 présidents de ligue sur 30, étant entendu que les deux présidents de ligue non membres assistent avec voix consultative aux séances du comité de direction. (
) Il va de soi quun président de ligue, lui-même véritable administrateur de sa ligue, ne va pas avoir deux attitudes, lune au comité de direction, lautre à lassemblée (ni) que les deux assesseurs dun président de ligue votent différemment de leur président ». Ainsi, si les présidents de ligue occupent 16 % des sièges au comité directeur de la fédération en 1922, ils en occupent 37 % en 1973 et 74 % en 1977. Depuis, le pourcentage de sièges détenus par les présidents de ligue au comité directeur de la fédération se situe entre 64 % et 71 %. Ainsi, le rôle des présidents de régions est essentiel dans la vie fédérale. Ils sont chargés de représenter la fédération dans toutes les régions de France, mais le nombre de licenciés, que chacun dentre eux peut se prévaloir de détenir, conditionne également leur poids politique dans linstitution fédérale.
Au final, lannée 1968, cest la rupture dans la gestion administrative et politique de la fédération. Une équipe nouvelle prend les rênes du pouvoir, elle se compose pour beaucoup de jeunes présidents de ligue qui veulent renforcer la régionalisation des pouvoirs contre le centralisme parisien. Après sêtre battu pour la professionnalisation de leur sport, ses nouveaux dirigeants veulent en limiter maintenant la portée pour mieux la contrôler. Ils veulent également limiter la centralisation bureaucratique et être plus proches des associations locales. La fédération va modifier son fonctionnement et ses statuts pour tendre vers plus de décentralisation régionale. Nous y voyons là les caractéristiques de notre deuxième état avancé du cycle de vie fédéral où lorganisation sportive, trop centralisée et trop éloignée de sa base, va tendre vers la forme dune bureaucratie de plus en plus décentralisée et concentrée à son niveau régional. Cette décentralisation aujourdhui est bien établie et consacre aux ligues ce rôle d « éminence grise » dont parle un de nos interviewés : « On est déjà très décentralisé à partir du moment où nous sommes 36 ligues et autant de départements quil y en a dans la France, des ligues qui ont leur autonomie, on leur demande, et cest un peu le problème dans le cadre des actions fédérales justement qui sont votées, que les ligues répercutent les actions fédérales pour quelles aillent dans les départements et dans les clubs, cest les clubs qui mettent en place les actions fédérales, pas les ligues. Les ligues, cest léminence grise de la fédération, une fois que cest voté ici, elles doivent permettre dans les clubs ces actions fédérales. Cette régionalisation des compétences apparaît dautant plus importante pour la fédération que les revenus des joueurs professionnels, dont les intérêts sont défendus par lATP (cf. infra), vont exploser. Les grands tournois « open » vont être de mieux en mieux dotés en prix. Face à une professionnalisation rapide du tennis, lorganisation fédérale tente de garder le contrôle du sport de compétition et soppose de plus en plus ouvertement aux investisseurs et organisateurs commerciaux de tournois privés qui veulent concurrencer linstitution fédérale et mettre à mal son pouvoir.
2.4. Les groupes dintérêt économiques dans le tennis ou les revers de la professionnalisation
Laccès des joueurs professionnels aux grandes compétitions de tennis va ouvrir une ère nouvelle. Inéluctablement, le tennis va alors générer de plus en plus dargent et le risque dune prise de pouvoir par quelques groupes économiques va devenir chaque jour plus prégnant. Avec cette nouvelle période qui commence, souligne un journaliste du Monde, cest un nouveau combat qui sannonce, « un combat (qui va) sengager pied à pied contre le dévoiement du jeu par le dollar », un combat aussi qui va conduire à une répartition nouvelle des pouvoirs entre les acteurs associatifs et les acteurs économiques pour le contrôle du tennis mondial.
Dans les années 70, la fédération prend conscience du risque que représentent les groupes dintérêt économiques. Ils sont des associations de joueurs, des managers, des promoteurs privés. Quand en 1970, un homme daffaire crée le World Championship Tennis (WCT), les dirigeants fédéraux, relève un journaliste du Monde, sont « pris au piège » car la menace de voir les meilleurs joueurs se tourner vers ce circuit privé plus lucratif et de délaisser les circuits traditionnels se concrétise. Pourtant, lentente entre la WCT et la FILT est bonne au début et les deux organisations cohabitent. Les joueurs professionnels, gagnant de mieux en mieux leur vie, créent alors lAssociation of Tennis Professionals (ATP) en 1972 pour défendre leurs intérêts et établir leur classement mondial. Ce syndicat est présidé par Jack Kramer (le premier joueur classé numéro 1 sera Ilie Nastase). Mais très vite, les relations vont senvenimer. En 1973, un joueur membre de léquipe yougoslave va refuser de participer à la Coupe Davis préférant sinscrire au tournoi de Las Vegas richement doté de 150 000 dollars. Il est aussitôt suspendu par sa fédération nationale suite à la défaite de ses joueurs en Coupe Davis. LATP menace de boycotter Wimbledon et de priver cette compétition de près de 80 de ses joueurs si la FILT nannule pas la décision de la fédération yougoslave. Dans ce bras de fer qui opposent la FILT et lATP, cette dernière va prendre conscience de sa force en obligeant les instances fédérales à composer avec elle. Dans une interview donnée beaucoup plus tard par lex-président de la FILT, ce dernier déclarera : « A partir de ce moment là, il a fallu compter avec eux ». Un Conseil professionnel international regroupant les représentants des joueurs, ceux des grands tournois et la FILT est créé peu de temps après. Mais il ne peut empêcher une concurrence de plus en plus mal vécue par les fédérations nationales et la montée en puissance de nouveaux groupements économiques. La FILT, de plus en plus menacée, tente de réagir. En 1977, son assemblée générale se réunit à Hambourg afin délire son nouveau président. Chatrier, qui préside la fédération française, se porte candidat et lemporte face à un américain avec 70 % des voix. La FILT devient la FIT en votant le retrait du mot « lawn » dans son appellation. Pourtant, le changement de direction ne peut empêcher des échanges parfois houleux entre la FIT et lATP. Le tennis professionnel senrichit de plus en plus et conduit les joueurs à sentourer dagents et de managers chargés de gérer leur carrière. Parmi ces agences de marketing, lune des plus importantes est lInternational Management Group McCormack. Elles vont peu à peu voir leur rôle saccroître jusquà pouvoir influer sur le déroulement des grands tournois en négociant une garantie financière pour la participation de leurs stars du tennis. La FIT est bien obligée de reconnaître son impuissance à enrayer le système et tente un rapprochement avec ces groupements économiques. Lorsque lATP annonce la création dun nouveau circuit, lATP Tour, en 1990 et la mise en place dun Conseil chargé de gérer le circuit professionnel, le président de la FIT, « enserré dans un étau », ne peut que constater sa perte de contrôle sur les compétitions de tennis et les joueurs qui en font leurs succès. Désormais, « ce sont eux, nous rapporte un de nos interlocuteurs, qui régissent le circuit masculin (
) lensemble des tournois, des soixante tournois actuels hors grand chelem est sous lATP ». Seuls les tournois du grand chelem restent contrôlés par la fédération internationale. Face à cette situation de plus en plus inconfortable, le président de la FIT tente alors de réagir. Affirmant vouloir se battre « pour les empêcher de prendre le contrôle du jeu », il annonce à son tour la mise en place de la Coupe du Grand Chelem. Ce tournoi « le plus richement doté de lhistoire » est doté de 13 millions de francs. Contre les lobbies financiers, la réaction du président de la FFT est de répondre avec les mêmes armes. En créant cette « caricature de tout ce contre quoi le président de la FFT avait lutté sa vie durant », il va sattirer les critiques de nombreux dirigeants sportifs. Si les initiatives de la FIT « fissurent la coalition des joueurs » disposés à revenir dans le circuit fédéral, elles attirent aussi les plus vives oppositions contre son président accusé de faire le jeu des promoteurs « en utilisant larme la moins noble (
) mais qui fait toujours son effet dans le monde du tennis professionnel : le dollar ». Finalement, si la Coupe du Grand Chelem disparaît en 1999, elle va laisser des traces. Beaucoup reprochent au président de la FIT de vouloir imposer son pouvoir unique sur la totalité du tennis mondial. Bien que la politique fédérale conduise à privilégier le jeu plus que largent, la difficile articulation « entre léthique et le fric » rend « le combat inégal » et le bilan prévisible : Les dirigeants fédéraux du tennis ne peuvent que constater lemprise croissante de léconomie dans leur sport. Ceux qui les remplacent à partir de 1993 vont aussitôt adopter une logique plus managériale et concilier les impératifs associatifs et les impératifs économiques.
Cest lors du dernier mandat de Philippe Chatrier à la présidence française quun futur champion va se distinguer et donner au tennis français quelques-uns de ces plus beaux succès. En 1982, léquipe de France conduite par un jeune joueur encore peu connu parvient en final de la coupe Davis. Un champion se découvre, il sappelle Yannick Noah. En 1983, il gagne les Internationaux de France. Huit années plus tard, léquipe de France remporte la Coupe Davis face aux Américains et concrétise le rêve tant convoité par Philippe Chatrier, celui de rapporter le saladier dargent en France. Henri Lecomte déclarera plus tard : « Le plus beau cadeau quon lui a jamais fait, cest de gagner la Coupe Davis avant quil ne décide de se retirer ». Le 6 novembre 1992, Philippe Chatrier annonce quil laisse sa place à la fédération nationale après vingt années dengagement pour le développement du tennis mondial. Cest alors toute une époque qui sachève, nous dit un des nos interviewés avec nostalgie, celle des « grands moments du tennis » , celle aussi dune certaine vision fédérale. « Nous devions être entre 30 et 40 personnes, nous rapporte notre interlocuteur précédemment cité, cest-à-dire que cétait vraiment une famille, une famille du sport, ce nétait ni une PME, ni une grande société au sens propre du terme, cétait vraiment la famille du tennis, on se connaissait tous ». Philippe Chatrier séteint le 22 juin 2000 à Dinard à lâge de 72 ans. Pour lui rendre hommage, la FFE décide de baptiser le court central de Roland Garros « le court Philippe Chatrier ». Le 7 février 1993, trois candidats se présentent en remplacement du président sortant. Cest le président de la ligue Midi-Pyrénées qui, avec 1 079 voix favorables sur 1 879 suffrages exprimés, est élu à la tête de la FFT. Ce pharmacien de Toulouse, membre du comité directeur de la fédération depuis 1976 et vice-président de 1984 à 1992, est aussi le directeur du troisième tournoi en France, celui de Toulouse. Lors des élections suivantes, il a, face à lui, un seul prétendant, un ex-numéro 4 français, ancien président du Tennis-club de Paris et ancien directeur général des Editions Amaury puis dAir Inter Europe. Ce dernier propose daider davantage les clubs « souvent exsangues » et de conduire « une vraie régionalisation ; car la ligue, précise-t-il, cest la fédération au niveau régional ». Pour lui, il faut préparer les champions à devenir des modèles plutôt que des vedettes afin daméliorer limage de marque de la fédération et de son sport. Il a le soutien du capitaine de léquipe de France de Coupe Davis, dont « le côté bousculeur de convention, volontariste (
), écrit un journaliste, se heurte de plein fouet au conservatisme show-biz du président ». Il est vrai que le bilan du président, à lissue de son premier mandat, ne fait pas lunanimité et un certain nombre de dirigeants dénonce un tennis à deux vitesses, un tennis de salon et un tennis de rue. « On se plante parce quon ne veut que des mômes qui ont un beau coup droit, un beau revers. Mais le môme qui joue avec des pompes trouées, la rage au ventre, celui-là, on le regarde même pas ». Les opposants au président actuel lui reprochent dincarner « une présidence paillette » en invitant les tops models du show-biz plutôt que les vieilles gloires du tennis. Un ancien vice-président de la fédération lui reproche de confondre ses fonctions de dirigeant bénévole et celles dactionnaire dans une société proche de monde du tennis. Durant la campagne où pèse un « climat délétère (qui) ne contribue pas à la sérénité des débats », le président sortant va pourtant bénéficier de lappui de la majorité des ligues régionales (22 ligues sur 36). Cet appui va être déterminant. Comme le rappelle le président sortant, « jai la presse et les joueurs contre moi, mais ce ne sont pas eux qui votent. Et jai le président de ligue pour moi ». A lissue de la campagne électorale, il est réélu de justesse, le 2 février 1997, par les membres du comité directeur avec 24 voix pour lui et 21 pour son rival. Quant à lassemblée générale, elle napprouve la proposition du comité directeur que par 896 voix pour et 811 contre. Dans « ce combat des chefs ou plutôt ce match au sommet », la réélection du président, souligne le journaliste de Libération, fait « tousser léquipe de France ». Pourtant, lors de lassemblée générale du 4 février 2001, le président en exercice est réélu pour la deuxième fois. Le comité directeur compte alors quelques grands champions comme Arnaud Clément, Cédric Pioline, Nathalie Tauziat, Amélie Mauresmo et Sarah Pitkowski. Dans son discours introductif très orienté sur la politique sportive de haut niveau, tenu lors de lassemblée générale de la fédération le 2 mars 2002, le président affirme vouloir « renforcer le triangle : joueur-club-fédération qui constitue lune de nos forces ». Louant le rôle essentiel des bénévoles dont la reconnaissance constitue une des priorités pour lannée 2002, le premier représentant fédéral veut rester vigilant et continuer à défendre avant tout « lintérêt du sport et des pratiquants ». Cette vigilance est aussi demandée par son secrétaire général pour qui les dirigeants de clubs sont les « seuls et vrais interlocuteurs » pour une fédération qui est avant tout « une fédération de clubs » où « seule la compétition fidélise ». Pour lui, lorganisation fédérale doit « trouver le bon équilibre entre la recherche de nouvelles ressources financières et le respect dune certaine éthique fédérale quil faut préserver ». Affirmant enfin que « le bénévolat est le postulat de base », son discours nest pas sans signification à une époque où la montée en puissance des professionnels dans le sport est indéniable et susceptible de nuire au pouvoir bénévole qui se maintient au commande dune fédération devenue, au terme de son cycle de vie, une entreprise très prospère.
3. La FFT, une PME florissante
La FFE, cest aujourdhui 300 salariés à temps plein, cest cinq directions très hiérarchisées, cest aussi et surtout le tournoi de Roland Garros quelle gère comme une entreprise.
3.1. Roland Garros, une entreprise extraordinairement rentable
Roland Garros, cest « le temple du tennis en France », cest aussi la propriété de la FFT. Il ne représente aujourdhui pas moins de 80 % de ses recettes. Si la fédération fait vivre énormément de monde, commente un de nos interlocuteurs, « cest grâce au tournoi de Roland Garros (
) qui sest développé dune façon considérable ». Il ne fait aucun doute que les Internationaux de France sont une véritable aubaine financière, comme on peut en juger à travers les chiffres ci-après, ces chiffres qui, souligne le directeur exécutif de Roland Garros, « ne sont importants que dans la mesure où ils nous donnent les moyens de nos ambitions ». Si les recettes de la FFT en 1997 sont estimées à 83 millions deuros (550 MF), Roland Garros rapporte à lui seul 65 millions deuros (425 MF). « Lorsque je suis arrivé à la tête de la fédération, précise son président, le tournoi faisait 300 millions (de francs) de chiffre daffaires, et tout le monde pensait quil était à son apogée, Aujourdhui, cest plus du double, la preuve quil y avait beaucoup à faire au niveau des droits de télévision, des nouvelles technologies, du marketing ». Lédition 2000 de Roland Garros, précise un article de Libération va ramener quelque 82 millions deuros (538 MF) à la fédération et lédition 2001 environ 97 millions deuros (640 MF). Cette « mutation de Roland Garros en une véritable PME du tennis » rapporte Le Figaro voit aussi, pour 2002, une forte progression des dotations versées aux joueurs (+ 13 % en moyenne pour les joueurs de simple). Au total, ces derniers se partagent plus de 10 millions deuros (65 MF). Parmi les recettes que rapportent les Internationaux de France, il y a les droits de retransmissions à la télévision, la publicité et la location des espaces de réception ou encore la billetterie. Les droits de retransmissions représentent près de la moitié du budget et sont vendus à 160 pays dans le monde. « Notre budget a doublé en huit ans (
). Quant aux droits TV, ils ont été multipliés par six depuis mon arrivée » précise le président de la fédération, reconnaissant que le montant de ces droits reste encore très inférieur à ceux de Wimbledon. Avec la publicité, cest près de 30 millions deuros (200 MF) qui sont perçus par la fédération. Ces recettes proviennent notamment des opérations promotionnelles et de relations publiques de la trentaine de partenaires des Internationaux. « Tout est à vendre », souligne la journaliste Hennion, que ce soit « la publicité par affichage, sponsoring, partenariat et autres espaces de réception ».
Si toute cette masse financière sert à financer la fédération et lorganisation du tournoi, elle permet aussi, sempressent de nous expliquer tous nos interlocuteurs, de servir lintérêt du sport et des très nombreux clubs de tennis. En 1999, cest plus de 15 millions deuros qui sont attribués au développement du tennis. « 80 % des recettes de billets vont aux licenciés et moins de quinze aux sponsors » précise le responsable fédéral interrogé par le journaliste de Libération. Une partie des sommes, peut-on lire dans le journal Libération, est redistribuée aux ligues et aux clubs. Les aides aux clubs augmentent rapidement et passent de 880 000 euros (5,8 MF) en 1992 à 3,3 millions deuros (22 MF) en 1996, précise un autre journaliste du Figaro. Quant aux ligues, le budget qui leur est alloué passe de 5,3 millions à 7,6 millions deuros (35 MF à 50 MF) durant cette même période. Au total, laide financière apportée aux ligues, comités départementaux et clubs atteint aujourdhui plus de 15,5 millions deuros (102 MF), ce qui représente 40 % des recettes des ligues et des comités départementaux. Cette aide conséquente permet en définitive aux ligues et aux comités départementaux notamment de se développer et de recruter des professionnels salariés (dont on estime actuellement le nombre demplois à temps plein à 190 dans les fonctions administratives, 140 dans les fonctions techniques et 120 dans les fonctions de développement). Une partie des recettes sert aussi à lentretien des équipements. Par exemple, les grands travaux de modernisation du stade réalisés récemment ont coûté près de 38 millions deuros (250 MF). On le voit bien et pour reprendre les propos dun de nos interviewés, « sil ny avait pas les Internationaux de France, la fédération ne serait pas ce quelle est aujourdhui », en tout cas pas cette entreprise du sport devenue aujourdhui très puissante.
Pour autant, cette puissance nest pas quéconomique, elle est aussi politique. Les Internationaux de France ne représentent pas que lapport principal des recettes de la fédération, ils sont aussi une force extraordinaire et une arme politique exceptionnelle contre les organisateurs et promoteurs privés. Cest une chance pour la FFT dêtre propriétaire dun des tournois du Grand Chelem devenu depuis longtemps incontournable. Cest ce que nous explique la plupart de nos interviewés : même si « on se demande à chaque fois si ça va pas passer dans le secteur privé, (
) la volonté est de rester au sein de la fédération, je pense que cest vraiment une force ». Ce lien entre la fédération et le tournoi est dailleurs réaffirmé par le président de la fédération qui déclare lors de lassemblée générale de la FFT quil faut « amarrer le vaisseau Roland Garros au paquebot fédéral ». Cest là une des premières directives quil va confier aux responsables du tournoi et à la nouvelle direction générale créée depuis peu. La volonté de développer plus encore le tournoi de Roland Garros saccompagne aussi de lambition annoncée de faire du tournoi de Bercy « le plus grand tournoi indoor du monde » ; ce qui conduirait lorganisation fédérale à contrôler en définitive deux tournois majeurs dans le circuit international et sassurer des subsides financiers considérables.
3.2. Linstitution tennis, une professionnalisation accomplie
Ainsi, comme nous le confirme un de nos interlocuteurs, « tout sest professionnalisé (
) entre le début des années 80 et maintenant ». Cette professionnalisation pourtant concerne davantage les joueurs (on compte 80 hommes et 40 femmes) et lorganisation fédérale que les structures locales. En effet, si la fédération comptabilise quelque 9 000 clubs en 2001, les structures commerciales restent néanmoins peu nombreuses puisquon estime quelles ne représentent que 10 % de lensemble des structures permettant la pratique du tennis. Quant aux permanents qui travaillent à la fédération, il faut sattendre à ce que leur nombre saccroisse encore : « on devrait arriver dans les dix ans à quatre cents, quatre cent cinquante avec des actions encore plus professionnelles », précise un des responsables de la fédération. La bureaucratisation se traduit le plus souvent par laccroissement des charges administratives. Cet accroissement, comme le souligne le secrétaire général de la fédération en 2002, est de 9 % entre 2001 et 2002, alors que les charges consacrées à léducatif et au sportif progressent de seulement 6 %. La FFE, aujourdhui, et de lavis de ceux qui en vivent, est devenue une société qui génère beaucoup dargent et le gère avec professionnalisme. « on sest également structuré comme toute société, aujourdhui on peut considérer quon est une très grosse PME, informatisée avec les moyens modernes de communication ». Le nombre de salariés a fortement augmenté sans quon puisse y voir (et cest peut-être là le grand succès de linstitution fédérale du tennis) des conflits de pouvoirs majeurs entre les bénévoles et les professionnels salariés. Il semble même que cette mutation de lorganisation associative en organisation professionnelle se soit opérée sans heurt parce que « la professionnalisation était un peu une suite logique », parce que lintérêt de tous est davantage de préserver lindépendance de la fédération vis-à-vis des organisateurs commerciaux de tournois dans la mesure où, comme le souligne un de nos interlocuteurs, « cest pas la fédération en tant que telle, cest linstitution tennis qui est devenue professionnelle ».
La professionnalisation de la Fédération Française de Tennis marque, de notre point de vue, létat final du cycle de vie de lorganisation associative et le passage accompli de la bureaucratie associative à la bureaucratie professionnelle. Avec un budget colossal et la marque Roland Garros qui assure sa notoriété, la fédération achève sa progressive mutation vers sa forme managériale en conciliant, avec succès mais non sans ambiguïté, le modèle de lassociation et le modèle de lentreprise. Cest une organisation qui sest professionnalisée, cest aussi une nouvelle génération de dirigeants qui sest mise en place (comme nous le verrons par la suite) et la déclaration du président de la fédération va dans le sens de cette marche vers une forme originale dentreprise associative alliant logique associative et logique économique. Pour ce dernier, « la fonction de président de fédération évolue vers celle dun chef dentreprise associative, voilà pourquoi il est devenu indispensable de définir un nouveau profil du président fédéral, qui lui offre les moyens de remplir au mieux ses missions. Ce soutien pourrait se matérialiser par un système daides similaires à celles versées aux maires de France ». La comparaison avec les élus locaux peut représenter cette forme nouvelle de bénévolat associatif et confirmer le développement dorganisations sportives dotées dun statut mi-associatif, mi-entrepreneurial qui reste à créer.
Figure n° 7 : Le modèle de cycle de vie de la FFT
Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFT, vers une génération plus technicienne
Après lapproche historique que nous avons conduite précédemment, ce deuxième volet de notre étude sur la fédération de tennis se propose danalyser plus en détail les conditions de la professionnalisation des bénévoles élus qui la dirigent. Dans un premier temps, notre intention est de nous intéresser aux relations parfois conflictuelles entre les dirigeants bénévoles et les enseignants professionnels de tennis. Si cette étude peut sembler séloigner de notre thème de recherche, elle se justifie pourtant par lintérêt que suscite le point de vue des syndicats dont la liberté dexpression rompt avec le devoir de réserve affiché par un certain nombre de salariés fédéraux. Notre intention est de montrer que les relations entre bénévoles et salariés sont devenues depuis longtemps des relations professionnelles employeurs/employés conférant aux dirigeants bénévoles le statut de patrons et de chefs dentreprise. Dans un second temps, nous aurons recours pour lessentiel à nos questionnaires pour montrer que la professionnalisation autorise lidentification de deux profils ou cultures bénévoles. Leurs différences sont générationnelles. Elles sont liées à leur degré de professionnalisation. Il convient pour cela de tester nos hypothèses de départ postulant lémergence dun bénévolat beaucoup plus impliqué techniquement et professionnellement dans le milieu du tennis institutionnel et présentant des trajectoires dengagement militant autres que celles des dirigeants traditionnels jusque là en place. Enfin, la dernière partie sera consacrée à une réflexion sur la capacité du monde sportif et tennistique à concilier deux modèles dorganisation distincts, deux logiques de fonctionnement devant articuler tradition et modernité, respect des valeurs identitaires et nécessité dadaptation au changement.
Pour réaliser cette étude, nous avons adopté une démarche méthodologique dinvestigation similaire à notre précédente étude de cas. En complément de notre recherche documentaire, nous avons procédé à quatre entretiens exploratoires. Tous nos entretiens exploratoires se sont déroulés au siège de la fédération ou de la ligue régionale. La fédération étant très bien structurée et lorganigramme très détaillé, nous avons pu contacter facilement nos différents interlocuteurs, tous exerçant des responsabilités importantes au sein de la fédération. Certains ont été des pratiquants de haut niveau. Le guide dentretien a repris les thèmes dominants retenus pour la précédente étude de cas. Ces thèmes étaient lapproche historique des institutions, les rôles et jeux des acteurs institutionnels, la compétition et ses finalités, le domaine de la formation et de lenseignement et enfin un thème relatif à lévolution de la fédération. Nous avons complété ces quelques thèmes généraux par dautres questions pouvant nous aider à relancer les débats. Chaque entretien a duré entre une heure et une heure trente et a été enregistré. Après retranscription intégrale des entretiens, nous avons réalisé des résumés et des analyses longitudinales et transversales qui nous ont permis de construire une grille danalyse dans laquelle des thèmes ont pu être identifiés (la structure interne de linstitution, la stratégie des acteurs, lidentité des dirigeants et le processus de prise de décision). Pour les entretiens principaux (réalisés pendant le troisième trimestre 2002), nous avons contacté des dirigeants ou ex-dirigeants élus de la fédération mais aussi les représentants syndicaux des enseignants dont les relations avec la fédération apparaissaient conflictuelles. Le choix douvrir notre panel dinterviews aux principaux représentants syndicaux nétait pas anodin et sexpliquait à la fois par le besoin de rompre avec le consensus général qui semblait saffirmer entre les dirigeants élus en poste (nous verrons dailleurs que ce consensus ne sétablit quavec les dirigeants actuellement en poste mais pas avec ceux qui ont quitté leurs fonctions électives il y a quelques années) et à la fois parce quil nous semblait que les relations souvent tendues entre syndicats et dirigeants fédéraux pouvaient constituer une illustration des tensions dues au processus de professionnalisation de la fédération. Les entretiens ont eu lieu soit au siège fédéral (dans les bureaux des interviewés), soit dans des lieux publics (brasseries, terrasses de café). Dans le plan dentretien, nous avons retenu deux consignes, une relative aux stratégies et positions des acteurs et des groupes dintérêt dans un contexte dentrepreneurisation fédérale, lautre relative à leurs domaines dintervention, à la gestion des licences et à lorganisation des compétitions et des formations. Notons que nous avons effectué, à la fin de notre analyse, un entretien complémentaire. Cet entretien plus ou moins formel a eu pour objectif denrichir la compréhension des données recueillies précédemment et de vérifier la crédibilité de nos interprétations et analyses des faits. Après les entretiens principaux, nous avons procédé à lenvoi des questionnaires. Le questionnaire comportait douze questions réparties en deux grandes parties. Pour constituer léchantillon, nous sommes remonté jusquà 1989, ce qui correspond aux quatre dernières olympiades. Au total, 234 questionnaires ont été envoyés par courrier (en réalité, nous en avons envoyé 276 mais 42 sont revenus en raison dadresses erronées) sur une base de sondage estimée à 300 membres. Le taux de retour est néanmoins élevé puisquil atteint 49,1 %. Léchantillon se compose de 115 dirigeants bénévoles fédéraux. Tous sont ou ont été membres dun bureau de ligue et membres de lassemblée générale de la fédération. Parmi ceux-ci, on compte 45 personnes siégeant ou ayant siégé au comité directeur de la fédération et 36 présidents ou anciens présidents de ligue.
1. Du monde sportif au monde du travail, une évolution des rapports entre les acteurs
Les entretiens exploratoires ont pour objectif dorienter notre domaine de recherche. Comme pour notre étude précédente, nous en avons réalisés quatre durant lété 2002. Trois des personnes contactées sont des administrateurs salariés de la fédération. Le quatrième interviewé est un responsable administratif dune ligue de tennis. Au vu des informations collectées dans ce contexte général de forte professionnalisation, il est possible de positionner plusieurs groupes dacteurs dont les intérêts divergent. Ce sont ces groupes dintérêt aux logiques, stratégies et profils différents que nous allons étudier maintenant.
1.1. Un pouvoir bénévole réellement fort mais des relations entre groupes dintérêt peu développées
Ces premières observations sont issues de lanalyse thématique des entretiens exploratoires qui nous permet de distinguer les groupes dacteurs ou groupes dintérêt évoluant dans la fédération. Il y a premièrement lensemble des acteurs salariés et bénévoles qui oeuvrent au sein de linstitution fédérale. Pour eux, lobjectif de la fédération est de promouvoir le tennis par les compétitions mais aussi daugmenter le nombre de ses licenciés. Cela passe par le contrôle dun des tournois les plus prestigieux au monde ; celui de Roland Garros dont une partie des recettes permet daider les ligues et les clubs. Parmi ces dirigeants, nous rapportent nos différents interlocuteurs, il semble que ceux élus et composant la direction politique de la fédération sont davantage des retraités et des fonctionnaires. Ils auraient accentué leur contrôle sur linstitution et dans une moindre mesure sur les dirigeants salariés de la fédération. Les ligues sont « le relais de la fédération auprès des clubs ». La décentralisation de la fédération leur reconnaît une grande autonomie de fonctionnement. Cela étant, elles dépendent de la fédération sur le plan financier. Comme la fédération, leur politique est celle de la recherche de licenciés. Les dirigeants de ligues sont des présidents ou anciens présidents de clubs souvent en poste depuis longtemps. Deuxièmement, on trouve les grands joueurs professionnels rassemblés au sein de lATP et troisièmement les organisateurs de tournois professionnels. Tous sont des professionnels dont la principale motivation est économique. « Les gens qui pèsent, ce sont les dirigeants, les directeurs de tournois et les joueurs », souligne un responsable de la fédération. Les relations entre les dirigeants fédéraux et les dirigeants de lATP sont peu développées (si ce nest à travers Roland Garros et la Coupe Davis) tant la logique « associative » des dirigeants fédéraux semble éloignée de la logique « business » des promoteurs professionnels. Pour un des nos interviewés, « lassociation des joueurs a un peu plus une connotation business que na pas vraiment la fédération ». Quatrièmement, il y a les enseignants et éducateurs de tennis dont les intérêts sont défendus par deux organisations syndicales. « Les relations sont assez difficiles, (
) entre les dirigeants et les syndicats qui sentendent pas du tout ». Si leurs intérêts peuvent sur certains points converger, les difficultés de leurs relations semblent relever plus de conflits de personnes. Il faut souligner que les liens entre les dirigeants bénévoles et les enseignants sont de plus en plus des liens de travail, des liens entre employeurs et employés qui priment, semble-t-il, sur le projet associatif fédérateur. Cette première enquête qualitative nous permet en définitive de situer quatre groupes dacteurs dont les relations entre eux restent peu étendues. Les dirigeants bénévoles apparaissent comme des acteurs déterminants au sein de la fédération dont ils définissent seuls les grandes orientations politiques. A la fédération, ils sont les employeurs dune équipe importante de permanents salariés et ils ont le même lien hiérarchique vis-à-vis du personnel administratif et technique au sein des ligues et des clubs quils président. Ils sont les « patrons » dont lautorité est régulièrement contestée par les syndicats denseignants. Ils sont aussi les interlocuteurs incontournables pour les promoteurs, les joueurs et les sponsors parce quils contrôlent Roland Garros. Grâce au succès de ce tournoi, leur pouvoir politique et financier est réellement fort. Les réponses à notre questionnaire (notamment à la question : Parmi toutes les institutions dont les noms suivent ci-après, avec lesquelles avez-vous ou aviez-vous plutôt des affinités et plutôt pas ?) montrent dailleurs que les dirigeants bénévoles de la fédération ont des affinités fortes avec linstitution fédérale (ils sont 78 % à se déclarer proches de lassemblée générale, 76 % pour le comité directeur, 72 % pour le bureau, 93 % pour les présidents de ligue et 74 % pour Roland Garros) et les directions déconcentrées du ministère des Sports (ils sont 62 % à déclarer avoir des affinités avec la direction régionale de la Jeunesse et des Sports et 71 % avec la direction départementale de la Jeunesse et des Sports). En revanche, une majorité dentre eux ne se sent proche ni des organisations de joueurs (10,5 % des répondants seulement se disent proches de lATP et 15 % de la WTA), ni des organisations syndicales des enseignants (ils ne sont que 5 % à déclarer avoir des affinités avec les deux syndicats denseignants - cf. infra). Ce que lon observe, cest une faible proximité existant entre les dirigeants bénévoles de la fédération et lensemble des acteurs évoluant dans le tennis hors de lorganisation fédérale (à lexception toutefois des fonctionnaires du ministère des sports).
1.2. Lorganisation syndicale : Un contre pouvoir face à la puissance fédérale ?
Notre étude de la Fédération Française de Tennis nous conduit à accentuer nos recherches sur les relations, semble-t-il difficiles, entre les dirigeants bénévoles de la fédération (et par la même des ligues) et les enseignants professionnels de tennis. Pourquoi ce choix ? Parce quil nous semble que lune des formes pouvant illustrer la professionnalisation de lorganisation fédérale est lévolution des relations entre les acteurs sportifs notamment bénévoles et salariés. Or, ce que nous voulons montrer ici, cest que ces relations se sont transformées aujourdhui en des liens de subordination entre employeur et employé relevant de ce fait dune législation plus proche de celle du travail que de celle proprement sportive. Les rapports entre ces deux groupes dacteurs se sont notamment radicalisés à propos de la gestion des initiateurs fédéraux dont lexercice contre rémunération sera autorisé temporairement avant de revenir à la situation antérieure leur interdisant toute activité rémunérée. La situation de ces diplômés fédéraux, illégale dans bien des cas, va accentuer les rapports de forces dune part entre les enseignants fédéraux non professionnels très nombreux et les enseignants brevetés dEtat professionnels et dautre part entre les représentations syndicales de plus en plus actives dans la défense des intérêts des professeurs de tennis et les élus politiques de la fédération et des ligues de tennis. A travers cela, nous voulons souligner que lorganisation syndicale va saffirmer très tôt comme un contre-pouvoir voulant contrebalancer le pouvoir des bénévoles fédéraux et quelle va contribuer en définitive à réduire les relations entre les dirigeants bénévoles et les enseignants aux seules relations professionnelles liées par contrat de travail.
Pour expliquer cela, il nous faut revenir en arrière. Suite au fort développement du tennis survenu dans les années 70, la fédération décide à lépoque de créer un nouveau corps denseignants : les éducateurs fédéraux titulaires du brevet fédéral de tennis. Lobjectif, explique le directeur technique national de la FFT, est alors de répondre à la demande croissante des pratiquants et au nombre insuffisant denseignants professionnels brevetés dEtat qui ne peuvent seuls, précise encore le directeur technique, couvrir lensemble des besoins. Il est envisagé alors de les seconder par des éducateurs fédéraux. Au regard de la loi, ces éducateurs sont des enseignants non professionnels qui, contrairement aux brevetés dEtat, ne peuvent exercer contre rémunération. Ils sont chargés, dans les clubs affiliés à la FFT et aux côtés des brevetés dEtat, denseigner au sein des écoles de tennis de jeunes (ou clubs juniors) et peuvent intégrer léquipe pédagogique du club. Pourtant et bien que la réglementation soit très claire, les présidents de club, face à la pénurie de professeurs de tennis, vont se mettre à rémunérer ce personnel fédéral. Cette situation, longtemps passée sous silence, est pourtant illégale puisque interdiction est faite par la loi de 1984 de rémunérer les brevetés fédéraux dans la mesure où ils ne figurent pas alors dans la liste des diplômes homologués publiée en application de larticle 43 de la loi sur le sport. Cette situation, de plus en plus mal acceptée par les enseignants professionnels, va entraîner au bout de quelques années un conflit dur entre dun côté les dirigeants bénévoles et administratifs de la fédération et de lautre côté les professeurs de tennis regroupés notamment dans un syndicat nouvellement créé pour défendre leurs intérêts et qui va contester ouvertement lordre sportif fédéral. Jusquen 1995, il nexiste que deux organisations censées représenter les professeurs de tennis. Il y a dun côté une amicale créée dans les années 80 par Jean-Paul Loth et devenue depuis peu un club fédéral. Ce club fédéral des enseignants professionnels de tennis (le CFEPT) est inauguré le 24 mai 1999 à Roland-Garros sur linitiative du directeur technique national de la FFT. Pour ce dernier, lobjectif est de favoriser le développement des valeurs morales et pédagogiques parmi lesquelles on compte le respect de la réglementation et de lesprit sportif. La volonté de la fédération est alors daméliorer la communication « du siège vers les enseignants », mais aussi de réunir tous ceux « qui développent dans leurs clubs les actions sportives proposées par la FFT ». Cette volonté de rapprochement est confirmée par un de nos interlocuteurs faisant partie du club fédéral. Le club fédéral est né, nous explique ce dernier, de la volonté de « renforcer les liens entre les gens de la direction technique, les gens du siège et les gens des clubs, les gens qui sont sur le terrain tous les jours ». Il regroupe environ la moitié des enseignants brevetés dEtat en activité en France, cest-à-dire quelque 1 750 adhérents pour un peu plus de 4 000 enseignants en activité. En plus de ces membres adhérents, il y a environ 250 membres de droit. Ce sont tous les cadres techniques, les conseillers techniques régionaux, les conseillers sportifs départementaux, les entraîneurs nationaux, les entraîneurs fédéraux, ceux qui travaillent soit au sein de la direction technique nationale de la fédération soit dans les ligues. Pour sinscrire, lenseignant doit être licencié, titulaire du brevet dEtat et exercer dans un club affilié. Par rapport aux syndicats, le club fédéral entend marquer sa différence et son attachement à lorganisation fédérale mère : « On se situe complètement à côté (
). Nous navons aucun pouvoir syndical et aucune action syndicale (
) on appartient à la fédération » précise notre interlocuteur qui, par ailleurs, napprouve pas laction des syndicats qui « se placent sur un plan de défense (
) pure des enseignants ». Pour ce salarié de la fédération (sa situation professionnelle peut expliquer sa position), si les syndicats prétendent défendre les enseignants, en réalité ils les desservent en rendant difficiles leurs relations avec la fédération et les clubs : « A partir du moment où lenseignant se met en porte à faux vis-à-vis du développement du club, il ne peut pas sen sortir. De toute façon, cest tout son combat syndicaliste qui est voué à léchec parce que cest le club aujourdhui qui fournit du travail à lenseignant (
) quand les relations entre un président de club et son enseignant professionnel sont bonnes, le club se développe, tout le temps. Quand elles sont mauvaises, le club chute, le club a des problèmes et personne nest heureux ». A travers ces propos, on voit bien que la position hiérarchique du dirigeant employeur est réelle. Pour notre interlocuteur, les intérêts du bénévole et du salarié sont les mêmes ; ils oeuvrent pour le développement de lorganisation associative mais, rajoute-t-il, à condition quils respectent la hiérarchie en place conférant au bénévole une autorité incontestable. De lautre côté, on trouve la Fédération Nationale des Enseignants Professionnels de Tennis (la FNEPT) qui se veut être une organisation censée représenter lensemble des brevetés dEtat. Créée dans les années 80 et issue de plusieurs associations dont la première date des années 30, cette fédération compte à peu près 400 adhérents. Pour lun de ses responsables que nous avons interviewé, cette organisation syndicale est chargée « de la défense des intérêts moraux et professionnels de ses adhérents ». Ses relations avec la fédération sont « en dents de scies » pour des raisons essentiellement politiques. Reprochant que la fédération veuille jouer « un petit peu trop le rôle de pouvoir absolu », notre interlocuteur souligne les divergences dintérêts entre les dirigeants fédéraux et son syndicat. Pour lui, les dirigeants fédéraux « rentrent complètement dans la logique dopposition employeurs et salariés ». Ils sinscrivent dans une logique propre au monde du travail. La volonté des élus de la fédération de tennis, rajoute-t-il, cest de faire en sorte que le salarié « ne prenne pas trop dimportance en terme de pouvoirs ». Les professeurs de tennis restent des salariés qui entrent « dans une logique de subordination totale vis-à-vis du club » qui les emploie. Notre interlocuteur conclut en définitive que lévolution actuelle confère une place accrue au paritarisme où « ce sont des employeurs et les salariés, donc les partenaires sociaux, qui maintenant vont de plus en plus décider (
) on va vers une forme de prise de pouvoirs des partenaires sociaux » et cette configuration nouvelle doit à terme limiter le pouvoir des élus au bénéfice des syndicats. On voit que notre interlocuteur, en insistant sur le paritarisme qui, pour lui, est la forme dorganisation de demain, exprime sa volonté de voir le pouvoir bénévole partagé et limité par le pouvoir salarié dans un contexte qui, à ses yeux, est devenu professionnel et salarial. Si, en définitive, durant de nombreuses années, les professionnels de lenseignement du tennis sont représentés par deux organismes (un ayant son siège à la fédération mais nayant que la vocation de rapprocher les enseignants de leur fédération ou de les maintenir dans le giron fédéral, lautre figurant dans les statuts fédéraux et ayant pour mission de défendre les intérêts des enseignants), la situation va évoluer quelques années plus tard avec larrivée dun nouveau syndicat dont les actions vont avoir des répercussions importantes dans le monde du tennis et au-delà. Cest en 1995 quest créé le Syndicat National des Brevetés dEtat de Tennis (le SNBET). Il naît en réaction au fait, explique un de ses représentants, quà lépoque, « les dirigeants (fédéraux) avaient aboli tout système représentatif pour exercer un pouvoir dégagé de tout contrôle démocratique ». Ce syndicat se veut indépendant des institutions fédérales et revendique une vocation démocratique et solidaire pour « contribuer à lunité des brevetés dEtat ». Pour le représentant syndical que nous avons interrogé, cest parce que « les professionnels de tennis navaient aucun moyen de sexprimer et bien entendu aucun moyen de participer à des réunions où tout se décidait, (que) cétait un système en trompe lil (
), cétait un système de bâillonnement » quil était devenu nécessaire de créer un syndicat indépendant affilié à lUNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes). Ce syndicat va se positionner dès lorigine comme un « contre pouvoir puissant vis-à-vis de la FFT (et le) seul syndicat légitime » capable de défendre les intérêts des professeurs de tennis brevetés dEtat. Cest quelques années après son apparition quil va intenter un procès retentissant contre la fédération et le ministère des sports.
1.3. Entre bénévoles et professionnels, une relation de subordination employeurs/employés : Lexemple des enseignants de tennis
Pour clarifier le statut des éducateurs fédéraux devenu « désuet et propre à être confondu avec les « éducateurs sportifs » que sont les brevetés dEtat », le comité de direction de la FFT décide en avril 1995 de déposer une demande dhomologation des brevets fédéraux auprès du ministère des sports. Les dirigeants fédéraux choisissent, pour éviter toute confusion, de remplacer lappellation « éducateur fédéral » par celle d« initiateur fédéral ». Leur but, explique le directeur technique de la fédération, cest « de faire en sorte que les clubs, les brevetés dEtat et les initiateurs vivent en bonne harmonie » et non plus en situation de concurrence. Le but aussi est de clarifier une situation contraire à la loi sur le sport. Après un avis favorable de la CNEAPS (Commission Nationale de lEnseignement des Activités Physiques et Sportives) rendu le 20 juin 1996, le ministre des sports décide dinscrire le brevet fédéral dinitiateur de tennis dans la liste des diplômes homologués donnant droit à exercice contre rémunération. Cette décision est rendue officielle par une instruction ministérielle du 8 juillet 1996 qui accorde lhomologation pour trois ans à titre provisoire. Les règles dexercice assorties à cette homologation sont imposées par la Commission Nationale de lEnseignement (CNE) du ministère des sports. Elles précisent que linitiateur ne peut exercer au maximum que huit heures par semaine, le mercredi ou le samedi et auprès des groupes de jeunes. En revanche, lentraînement, les cours individuels et les cours collectifs auprès dadultes restent la prérogative des brevetés dEtat. Seuls ces derniers peuvent enseigner le tennis et le mini-tennis dans toutes les structures daccueil et pour tous les publics. Ce sont eux seuls qui organisent et coordonnent les actions et programmes denseignement. Ce sont aussi ces derniers qui sont chargés de contrôler lactivité des brevetés fédéraux recrutés par les clubs. Pourtant, cette décision du ministre des sports, prise sur proposition de la fédération, va être à lorigine dun conflit qui va opposer les dirigeants bénévoles et administratifs de la fédération et les professeurs de tennis regroupés au sein du SNBET. Le 30 octobre 1996, ce syndicat, par lintermédiaire de son secrétaire général, dépose une requête au Conseil dEtat pour obtenir lannulation (« pour excès de pouvoir », précise son secrétaire général) de lhomologation des brevets fédéraux de tennis accordée par le ministre des sports. Son principal argument est larticle 43 de la loi sur le sport de 1984 qui précise que « seuls peuvent être homologués les diplômes correspondant à une qualification professionnelle qui nest pas couverte par un diplôme dEtat ». Dans la mesure où le brevet dEtat de tennis existe déjà, la décision ministérielle est contestable. Pour le secrétaire national du SNBET, « le seul but de cette homologation nest autre que celui de permettre aux dirigeants de payer en toute légalité les initiateurs fédéraux (
) pourtant bénévoles dans ses statuts, en foulant au pied les droits des brevetés dEtat ». Cest également à cette époque que le SNBET (par une lettre en date du 28 juillet 1995 adressée au président de la Commission fédérale des statuts et règlements de la FFT), demande la mise en conformité du Conseil National de lEnseignement (CNE) et de ses antennes régionales (les Conseils Régionaux de lEnseignement ou CRE) jusqualors officieuses et rarement réunies, malgré leurs existences attestées depuis longtemps par les statuts fédéraux (le syndicat veut alors dénoncer un fonctionnement où les représentants des enseignants de tennis ne sont pas en réalité élus par leurs pairs mais désignés par les dirigeants fédéraux). Sous la pression syndicale, des élections ont lieu pour la première fois en 1996. A lissue des élections, 62 représentants des brevetés dEtat sont élus, permettant un renouvellement de plus de 90 % des membres chargés de représenter les enseignants au sein des Conseils Régionaux de lEnseignement. Cest toutefois quelques années plus tard que se produit le coup de théâtre. A la surprise générale et par lecture en séance publique le 7 juin 1999, le Conseil dEtat donne raison au SNBET. Il déclare que la décision du ministre procède dune méconnaissance des dispositions législatives et « que, dès lors, la décision dhomologuer les diplômes dinitiateurs 1er et 2ème degrés délivrés par la Fédération Française de Tennis doit être annulée ». Un moratoire est immédiatement effectué pour estimer les conséquences financières auprès des clubs. Suite à des négociations entre le Ministère des Sports, les syndicats des enseignants professionnels de tennis et les dirigeants de la fédération, une instruction ministérielle du 16 février 2000 instaure des commissions régionales tripartites (comprenant des représentants de la Direction Régionale Jeunesse et Sports, des enseignants professionnels et de la ligue) chargées de réfléchir aux aménagements nécessaires. Malgré cela, les relations entre les différents partenaires restent tendues.
Ces tensions, nous avons pu les mesurer durant nos entretiens. Bien souvent, les propos se sont durcis dès lors quil a sagit dévoquer les relations entre les dirigeants élus fédéraux et les enseignants notamment brevetés dEtat. Ces relations sont apparues davantage être des relations professionnelles entre lemployeur (le bénévole) et lemployé (lenseignant), conférant en réalité un rôle différent au dirigeant bénévole qui, de simple militant amateur, a désormais un statut demployeur dans un champ assimilable à celui du monde du travail. Les résultats dune enquête conduite récemment par le club fédéral viennent confirmer ces propos. Durant le premier semestre 2000, le Club Fédéral des Enseignants Professionnels de Tennis (CFEPT) va procéder à lenvoi de 1 400 questionnaires à lensemble des enseignants de tennis brevetés dEtat. Ce questionnaire comporte 74 questions. Le CFEPT enregistre 430 questionnaires en retour quil va analyser et dont nous présentons quelques résultats. Lenquête révèle ainsi que les enseignants brevetés dEtat de tennis travaillent pour la plupart dentre eux dans des clubs. Si près de la moitié (47 %) travaille dans un seul club, ils sont 27 % à exercer dans deux clubs et encore 24 % à exercer dans au moins trois clubs. Ces clubs sont de taille moyenne puisque plus de 68 % comptent entre 100 et 500 licenciés (un quart des enseignants exerce dans des clubs ayant entre 100 et 200 licenciés). En revanche, les clubs de moins de 100 licenciés emploient peu de professeurs puisque seuls 4 % de ces derniers travaillent dans ces structures. De même, la plupart des clubs évoluent à un niveau moyen départemental ou régional. Pour ce qui est du statut des enseignants, 55 % dentre eux déclarent être en situation de salariés dans un ou plusieurs clubs contre seulement 14 % qui ont un statut de travailleur indépendant. Lenseignement du tennis constitue la plupart du temps leur seul emploi. A la question relative à leur degré de satisfaction quant au statut quils ont au sein des clubs, il est intéressant de noter que 76 % dentre eux se disent satisfaits de leur situation. Seuls 16 % répondent le contraire. Il semble que parmi les insatisfaits, on trouve essentiellement des enseignants indépendants (à 65 %) qui déclarent préférer le statut de salarié parce quil leur procure plus de sécurité. Il est intéressant de noter également quune forte majorité dentre eux se dit impliquée dans la politique sportive du club (83 %). Ils assistent en majorité aux réunions de bureau (70 %). Parmi les principales sources de satisfaction que leur procure leur métier, ils mettent en tête les contacts humains avec les jeunes (94 %) et les adultes (87 %). Ils sont également sensibles aux résultats des joueurs quils entraînent (pour 83,7 % dentre eux) ainsi quau développement de leur club (74 %). Notons aussi que leur métier leur apporte un épanouissement personnel et quils sont intéressés par les responsabilités que les dirigeants leur confient. En revanche, à la question relative aux problèmes que les enseignants rencontrent dans lexercice de leur profession. Plusieurs difficultés sont soulevées. Parmi les citations qui reviennent le plus souvent, figure en premier la stagnation du revenu (dans 63 % des cas). Le manque dévolution de la fonction et les mesures gouvernementales en faveur de lemploi sont cités dans 50 % des cas. Viennent ensuite les difficultés relationnelles que les enseignants rencontrent avec les dirigeants (50 %) et lexercice illégal de lenseignement (43 %). En définitive, si 70 % des enseignants envisagent daugmenter leurs responsabilités hors terrain dans le club, si 66 % souhaitent plus de responsabilités départementales et régionales, ils sont en revanche 56 % à envisager une reconversion (plutôt vers lâge de 40 ou 45 ans) et 37 % à déclarer nattendre aucun changement dans lavenir. Un de nos interlocuteurs va dailleurs dans le sens de cette étude. Pour lui, la profession a du mal à se stabiliser et à sorganiser : « Cest une profession qui nest pas organisée encore, (
) cest une profession de jeunes avec un tournant assez net vers quarante ans, soit les gens se sont installés dans la profession avec une certaine qualité de vie et ils y restent, soit ils nont pas réussi à sintégrer et à ce moment là, ils cherchent autre chose. Ils changent dorientations entre trente et quarante ans ». A travers les réponses faites par les enseignants sur leurs relations avec les dirigeants de clubs, un point revient particulièrement : cest celui portant sur la reconnaissance de la profession denseignant par les dirigeants bénévoles. Les répondants à lenquête du club fédéral évoquent « lindifférence des présidents de clubs, le manque de reconnaissance des parents et des dirigeants, le mauvais jugement des dirigeants bénévoles sur la profession, le manque de pouvoir de décision ou encore la dépendance vis-à-vis des élus ». Beaucoup denseignants expriment le sentiment dêtre déconsidérés par leurs dirigeants, soit quils sont perçus comme de simples prestataires de service, soit quils sont considérés comme des hommes à tout faire ou encore comme de simples exécutants nayant aucun pouvoir de décision. « on sest aperçu, commente notre interlocuteur du club fédéral, que « le travail en dehors du court, dorganisation, danimation, de développement parfois est fondamental pour lévolution du club (
). Et il nest pas reconnu à sa juste valeur par les dirigeants, soit quils ne se rendent pas compte du véritable travail fourni en dehors du court par lenseignant, soit quils ne veulent pas le prendre en compte estimant que ça doit faire partie dune activité bénévole au même titre que leur activité propre ». Ce sentiment est largement repris par le SNBET. Pour ce dernier, ce qui ressort de lenquête est symptomatique du manque de coopération et du traitement inégal entre les bénévoles dirigeants et les salariés enseignants. Pour un des représentants de ce syndicat, « la Fédération Française de Tennis est une fédération qui depuis le début a exclu les brevetés dEtat de leurs préoccupations ». Les enseignants ne sont pas considérés, ils « nont pas le droit au chapitre ». Notre interlocuteur rajoute avec virulence que le problème vient du fait que les dirigeants veulent « avoir la main-mise et le pouvoir absolu ». Les dirigeants décident de tout, nous explique notre interviewé, sans demander lavis des professeurs de tennis. Pour le représentant de lautre syndicat enseignant, la FNEPT, il y a des divergences dintérêts parce que « sur le terrain, la logique, cest laspect financier ». Le monde du sport nest pas différent de nimporte quelle entreprise, précise encore notre interlocuteur. La volonté des élus de la fédération de tennis, cest de sassurer que le permanent salarié qui gère Roland Garros « ne prenne pas trop dimportance en terme de pouvoirs ». Pour un de nos interviewés qui est aussi un professeur de tennis, la profession reste très « cloisonnée ». Malgré la nécessité de faire évoluer la profession vers plus de responsabilité en privilégiant le professeur manager plus que le simple éducateur sportif, cet enseignant regrette le peu de considération de la part des dirigeants bénévoles qui « ont dû mal à comprendre que cette profession a évolué ». « Le dirigeant, répond un autre de nos interviewés, (
), cest le patron, cest le président, cest lui qui a le pouvoir de décision final ». Un autre de nos interlocuteurs, ancien président de ligue et donc employeur ne dit pas autre chose. Pour lui, cest le statut employeur/salarié qui prime, « y a quand même une hiérarchie quil faut peut-être respecter ». Ces employeurs, ce sont, à limage du dernier interlocuteur que nous avons cité, des présidents de clubs, des dirigeants bénévoles des ligues et de la fédération. Ce sont ces derniers à qui il nous faut maintenant donner la parole.
Cest à travers les commentaires des dirigeants bénévoles de la fédération lors de nos entretiens et dans les questionnaires que nous leur avons adressés que nous voulons maintenant développer le point suivant et montrer notamment que lévolution professionnelle du tennis a modifié progressivement le profil des dirigeants bénévoles de la fédération. Ils sont employeurs, ils sont patrons et nous voulons montrer que lévolution de la professionnalisation du sport conduit ces dirigeants fédéraux à être de moins en moins des bénévoles amateurs en augmentant leur niveau de compétence et de qualification.
2. Les dirigeants bénévoles de la fédération, dune génération à lautre
Létude ci-après se base essentiellement sur le traitement des questionnaires que nous avons adressés aux dirigeants bénévoles de la fédération et que nous avons complété avec les entretiens approfondis. Tous les membres qui forment notre échantillon (N=103) sont ou ont été membres de bureau de ligue en tant que présidents ou vice-présidents et également membres de lassemblée générale de la fédération. On comptabilise 45 personnes siégeant ou ayant siégé au comité directeur de la fédération. On recense également 36 présidents ou anciens présidents de ligue. Si, comme nous nous proposons de le démontrer, lanalyse des questionnaires révèle dans un premier temps une relative homogénéité des dirigeants et un consensus apparent sur les missions fédérales, une étude plus approfondie nous permet de mettre en évidence des divergences de profils et de trajectoires entre les dirigeants ayant exercé leurs mandats fédéraux à des périodes différentes.
2.1. Un consensus apparent sur les missions fédérales
Contrairement à notre précédente étude de cas, lanalyse première des questionnaires souligne une relative homogénéité des dirigeants de la fédération de tennis. Il semble se dessiner un consensus autour des missions que doit réaliser lorganisation fédérale. Mais ce consensus est apparent et cache, en réalité, une politique sportive qui ne fait pas lunanimité sur les questions déthique et les relations de ce sport avec largent. Les dirigeants qui forment notre échantillon déclarent à plus de 96,5 % être ou avoir été des pratiquants, soit comme simple joueur (19 %), soit comme compétiteur (à plus de 77 %). Si nous détaillons leur niveau sportif (on distingue en tennis des niveaux de jeu correspondant à des séries : La quatrième série représente le niveau de compétition le plus bas et la première série et celle internationale les niveaux les plus élevés), nous constatons que les dirigeants de la fédération ont évolué pour la moitié dentre eux en 3ème série et ceci quel que soit leur niveau de responsabilité. A lexception dun seul, aucun deux nest ou na été un salarié de la fédération. De plus, la plupart déclare navoir été membre daucun syndicat denseignants (seuls trois membres dérogent à la règle). Cest aussi dans le choix des missions quon peut apprécier lhomogénéité du groupe des dirigeants. Parmi les quatre premiers choix des missions que les dirigeants jugent prioritaires pour la FFT, 66 % de lensemble des membres de notre échantillon placent en tête léducation par le sport. La compétition pour tous arrive en second choix avec 58 %, puis la formation sportive à 54 % et la nécessité de répondre à la demande des licenciés à 51 %. Le sport de haut niveau napparaît en revanche quen sixième position en ne réunissant que 42 % des votes. De la même manière que pour les dirigeants de la fédération déquitation, les missions qui occupent les dernières places dans lordre de priorité sont la prise en compte des demandes du ministère des sports (11 %), le respect de la tradition (3 %) et le spectacle (cette mission est rejetée massivement par tous les dirigeants quils soient de léquitation ou du tennis). En outre, un croisement entre les choix des missions prioritaires et les professions des répondants ne permet pas détablir une corrélation significative (les choix du chef dentreprise, par exemple, ne sont pas très différents de ceux de lenseignant). Si on distingue le groupe des fonctionnaires de celui des non-fonctionnaires, on constate tout au plus que les premiers sont plus axés sur la formation tandis que les seconds tendent à privilégier léducation. Il semble donc que les dirigeants de la fédération forment un groupe homogène qui, comme le soulignent les présidents de ligue que nous avons interviewés, entretient entre ses membres de bonnes relations : « Nous sommes élus dans une fédération extrêmement structurée et tout se passe extrêmement bien », nous rapporte lun deux. Cette apparente bonne entente ne semble pas être perturbée par les situations professionnelles des dirigeants. Comme nous allons le voir, certains sont issus du secteur privé, dautres du secteur public et une bonne part est constituée de retraités sans que cela vienne alimenter des tensions entre eux.
Les dirigeants qui constituent notre échantillon sont tous issus des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) supérieures puisquon recense pour lessentiel des chefs et cadres dentreprise, des professions libérales, des enseignants et cadres de la fonction publique. Les cadres dentreprise sont toutefois les plus nombreux. Ils représentent le quart des dirigeants de lassemblée générale et du comité directeur et plus de 20 % des présidents de ligue. Viennent ensuite les professions de lenseignement (pour lesquelles aucune matière ne semble prédominer) avec un taux de représentativité qui sélève à environ 22 % de notre effectif. Les membres exerçant ou ayant exercé une profession libérale sont environ 16 % à lassemblée générale. Peu nombreux en définitive, ils sont encore moins représentés au comité directeur et parmi les présidents de ligue. Cest en revanche le contraire pour les chefs dentreprise car sils ne représentent que 10 % des membres élus à lassemblée générale, ils sont nombreux à exercer des responsabilités bénévoles au comité directeur et à la présidence des ligues (où on en dénombre tout de même 20 %). Soulignons dailleurs que les chefs dentreprise sont aussi nombreux que les enseignants et cadres dentreprise dans ce dernier groupe (mais nous verrons par la suite que lévolution depuis quinze ans conduit à fortement privilégier les seconds au détriment des premiers). De plus, la sensibilité politique des dirigeants de la FFT est à droite. A côté des 15 % dentre eux qui se déclarent, sur léchelle des affinités politiques, au centre ou neutres et des 14 % qui refusent de répondre à cette question (cette question politique dans notre questionnaire na pas été mieux perçue par les dirigeants du tennis que par ceux de léquitation), ils sont 56 % à se dire de droite contre 14 % à afficher une sensibilité à gauche. Le croisement entre leurs sensibilités politiques et leurs professions ne montre pas, là non plus, de fracture (soulignons juste que les gens de gauche sont plutôt des enseignants). Notons que le niveau détude de lensemble des membres est élevé et dépasse, pour la moitié dentre eux, le niveau bac plus 3. Quant à lâge moyen des dirigeants lorsquils effectuent leur(s) mandat(s) national(aux), ceux qui ont moins de 54 ans durant leurs mandats représentent 40 % de notre effectif, ceux qui ont entre 55 et 59 ans sont 25 % et ceux qui ont atteint lâge de la retraite ou de la préretraite forment le tiers restant.
Ainsi, cette première analyse nous conduit à la conclusion que les dirigeants de la fédération de tennis sentendent sur les missions prioritaires de leur fédération et ne semblent pas avoir de conflits ou discordes entre eux. Comme nous le confirme un président de ligue et membre du comité directeur, il y a une « forme de consensus sur la globalité de la politique fédérale » qui fait que « sur la ligne directrice, il y a accord » . Pourtant, au-delà dune première approche globale qui conclurait trop hâtivement à une forte osmose du groupe de direction, une analyse plus approfondie permet de souligner des divergences entre les membres. Le traitement de la question dopinion sur la politique de la fédération apparaît notamment très significatif et doit nous conduire à différencier trois groupes principaux de dirigeants présentant des trajectoires et des profils un peu différents.
2.2 Des trajectoires et des profils différents entre générations
Si, durant un même mandat, les dirigeants fédéraux semblent afficher une forte cohésion de groupe, notre étude va permettre de souligner des clivages entre les membres ayant exercé leur mandat sur des périodes différentes. Il est souvent constaté que le changement de présidence entraîne un renouvellement important de léquipe de direction. Quand le président sen va, ses plus proches collaborateurs partent bien souvent avec lui. Si la politique fédérale vient à changer avec le nouveau président, elle provoque alors une instabilité du groupe de direction qui tend à se renouveler fortement durant les années qui suivent, jusquà ce quil retrouve une nouvelle stabilité. Dans le cas de la fédération de tennis, lannée 1968 annonce larrivée au pouvoir dune nouvelle génération de dirigeants (et de présidents de ligue) conduite par Marcel Bernard. Après une longue période de simple reconduction des dirigeants en place, le taux de renouvellement des membres du comité directeur atteint, cette année là, 83 % ! Lorsque le président en exercice, à lissue de son mandat, décide de ne pas se représenter, cest Philippe Chatrier qui le remplace à la tête de la fédération. Le taux de renouvellement des membres du comité directeur nest alors que de 37 %. Ce taux devient à nouveau important en 1976 puisquil sélève à 54 % (suite à lélection dune douzaine de nouveaux présidents de ligue), mais les années qui suivent constituent une période de très forte stabilité de léquipe dirigeante. En 1981, on ne compte que 15 % de nouveaux membres et en 1985, seulement 17,5 %. En revanche, lorsque lassemblée générale élit un nouveau président en 1993, 45 % des effectifs du comité de direction se renouvellent et ce taux de renouvellement atteint 50 % en 1997 (quant au bureau, il change à 83 % en 1993 et à 58 % en 1997). Les élections de 2001 semblent indiquer un retour à la stabilité. On observe, au total, trois années dimportant renouvellement de léquipe de direction : il sagit de 1968, de 1976 et dans une proportion moindre de 1997. Cette dernière date, qui se caractérise par un renouvellement notable des dirigeants siégeant au comité directeur de la fédération, constitue donc une date charnière pour léchantillon que nous avons constitué par questionnaires. Nous pouvons nous demander dès lors si le profil identitaire des dirigeants arrivés à partir de 1997 est le même que celui des dirigeants en poste avant 1997. Ne peut-on démontrer lémergence dune nouvelle génération de dirigeants ? Et dans ce cas, quest-ce qui différencie cette génération de celle plus ancienne ? La mise en évidence déventuelles différences peut se révéler utile dans une perspective qui vise à démontrer la progressive professionnalisation des dirigeants nationaux de la fédération. Cest pourquoi, la suite de notre analyse va être en partie une étude comparative des dirigeants, selon la période de leur mandature fédérale. Elle va distinguer trois groupes : celui des dirigeants ayant été en poste avant 1997 (olympiades 89/93 et/ou 93/97) que nous appelons groupe A (N = 48), celui des dirigeants ayant été en poste à partir de 1997 (olympiades 97/01 et/ou 01/04) que nous appelons groupe C (N = 26) et un groupe intermédiaire dénommé groupe B (N = 41) correspondant aux dirigeants ayant été élus sur au moins deux mandats à cheval sur lannée 1997 (olympiades 93/97 et 97/01).
Dans notre questionnaire, une question ouverte dopinion était posée aux dirigeants bénévoles. Cette question était celle-ci : « Décrivez en quelques mots ce que vous pensez de lévolution de la FFT ». Lanalyse des résultats (nous avons comptabilisé 102 réponses) montre que 63 % des répondants sont favorables à la conduite de la politique fédérale, confirmant ainsi ce relatif consensus évoqué par nos interlocuteurs précédemment cités. Il reste donc un bon tiers de dirigeants (37 %) qui se déclare insatisfait. Qui sont-ils ? Lanalyse des données fournies par nos questionnaires ne nous renseigne pas beaucoup sur leurs profils. Ils sont membres du comité directeur pour moitié, présidents de ligue pour un tiers mais aucune caractéristique particulière ne nous permet de différencier ce groupe des autres dirigeants. Il est intéressant de noter que les sujets de mécontentements évoqués par ce tiers de membres insatisfaits portent sur deux thèmes en particulier : celui de la professionnalisation et celui de largent. Ils sont 47 % à regretter quil y ait trop de professionnalisation dans leur fédération, 26 % à évoquer lexcès dargent. Notons que quelques dirigeants (16 %) dénoncent lexcès de pouvoir exercé par les dirigeants bénévoles (et notamment par les présidents de ligue). Si nous considérons ces mécontents selon la période durant laquelle ils ont effectué leur mandat, nous observons que les mécontents sont plus nombreux lorsquils appartiennent au groupe A que lorsquils appartiennent au groupe C. Dans le groupe A, on comptabilise 54 % davis positifs mais les réponses relatives à lexcès de professionnalisation et dargent atteignent 19,5 et 14,5 %. En revanche, dans le groupe C, les avis positifs représentent plus de 66 % des réponses. 21 % des membres de ce groupe évoquent tout de même lexcès de professionnalisation mais seulement 4 % lexcès dargent. Quant aux membres du groupe B, les plus favorables à la politique fédérale (ils sont 70 %), 8 % seulement dentre eux jugent largent excessif dans leur sport et 13,5 % rejettent la professionnalisation excessive à leurs yeux. Nous pouvons donc penser que la professionnalisation et largent jugés excessifs par les anciens dirigeants surtout mais aussi par les dirigeants actuels puissent provoquer quelques tensions au sein des instances décisionnelles de la fédération et conduire à lexclusion ou lauto-exclusion dun certain nombre dentre eux.
Partant du constat que les mécontents sont plus nombreux dans le groupe des anciens dirigeants en poste avant 1997, partant aussi des informations rapportées lors de nos entretiens, nous proposons dapprofondir létude comparative des dirigeants selon leurs périodes de mandature. Cette analyse apparaît dautant plus nécessaire que les personnes que nous avons interrogées font souvent le constat que les dirigeants ont changé. Ils prétendent que les dirigeants daujourdhui ne sont plus ceux dhier, quune nouvelle génération est en place depuis une dizaine dannées. « Il y a eu un changement considérable de lattitude des dirigeants après la cessation dactivité de Philippe Chatrier, nous rapporte lun deux, (
) les dirigeants élus ont pris de plus en plus dimportance dans les affaires fédérales (
) il y a une emprise beaucoup plus importante des dirigeants depuis 1993 ». Dautres personnes soulignent que le niveau sportif des anciens dirigeants était bien supérieur à celui des membres actuels ou encore que le dévouement des bénévoles était bien plus important auparavant. Avant, cétaient tous des anciens bons joueurs de tennis, nous dit encore lun deux, « des passionnés qui avaient fait beaucoup de compétition, qui étaient impliqués, qui étaient dans le milieu ». Aujourdhui, précise-t-il, les présidents de ligue ne sont plus des joueurs ou des anciens compétiteurs, ce sont des « vieux présidents de ligue (qui) nont jamais joué au tennis, qui nont jamais fait de compétition, qui ne sont pas passionnés ». Ce qui caractérisent les anciens dirigeants, précise encore un autre de nos interlocuteurs qui en faisait partie, cétait leur « gros dévouement » : « Nous étions des pauvres amateurs dévoués » ; ce qui nest plus le cas, de son point de vue, de la nouvelle génération. En partant de ces divers propos qui avancent lidée dun changement de génération, nous avons cherché à construire les trajectoires des personnes figurant dans notre échantillon. Les dirigeants actuels sont-ils des militants moins engagés sportivement et bénévolement que ceux dhier comme le prétendent certains de nos interlocuteurs ? Pour nous permettre de vérifier cette hypothèse, une étude comparative des dirigeants en poste depuis 1989 se révèle indispensable.
Pour déterminer les niveaux de professionnalisation des groupes de dirigeants, nous pouvons retenir certains critères (en partie les mêmes que ceux relevés dans notre première étude de cas) tels que les niveaux sportifs atteints en compétition (classements par série), les qualifications professionnelles et les diplômes obtenus par les dirigeants (les brevets fédéraux de juge, darbitre ou dinitiateur et les brevets dEtat déducateur) et les usages professionnels quils en ont faits. Nous avons dit précédemment que les dirigeants de la FFT étaient tous des pratiquants et anciens compétiteurs. Peu en définitive (seulement 3,5 %) ne sont pas des pratiquants de tennis. Si nous comparons le nombre de pratiquants et le nombre de non pratiquants par période de mandature, nous observons que cest le groupe des dirigeants actuels qui compte le plus de non pratiquants (on passe de 0 % de non pratiquant dans le groupe A à 11,5 % dans le groupe C). Dautre part, on note que le niveau sportif des dirigeants tend aussi à se modifier. Si, comme nous lavons vu, la plupart évolue en 3ème série, on constate que les dirigeants du groupe A sont 16,5 % à avoir évolué en seconde série alors quils ne sont plus que 9 % dans le groupe C. A linverse, ce groupe compte plus de dirigeants de 4ème série que le premier groupe (respectivement 26 et 4 %). A travers ces résultats, il semble donc que le taux de pratique et le niveau sportif des dirigeants tendent à baisser entre 1989 et 2003. Cela étant, au regard de la faible variation des statistiques, nous ne pouvons affirmer avec certitude que la génération actuelle est moins engagée sportivement que la génération précédente. La comparaison dautres données simpose, et en particulier, des données relatives aux diplômes des dirigeants bénévoles. Il est intéressant de souligner que lévolution des professions depuis 1989 montre que le nombre de cadres dentreprise, et en proportion moindre denseignants, a progressé au détriment des chefs dentreprise et des professions libérales. Tandis que les cadres passent de 21 % à 38 % et les enseignants de 21 à 23 %, les professions libérales baissent de 21 % à 11,5 % et les chefs dentreprise pourtant présents à hauteur de 14,5 % avant 97 ont pratiquement disparu depuis (ils ne représentent que 4 % de leffectif actuel). Cette évolution des professions saccompagne en même temps dune baisse du niveau détude. Fixé auparavant au niveau bac plus 3/4, le niveau de scolarité est plus proche aujourdhui du niveau bac plus 2. En revanche, lorsquon demande aux dirigeants sils sont ou ont été des juges ou des arbitres de tennis, ils sont 60 % à répondre par laffirmative. On observe quils sont nettement plus nombreux dans le groupe C (69 %) que dans le groupe A (50 %). Par ailleurs, le nombre plus important de dirigeants actuels déclarant être ou avoir été enseignant de tennis (ils sont 38,5 % dans le groupe C contre 16,5 % dans le groupe A) nous laisse supposer quils sont aussi plus diplômés. Lanalyse de nos questionnaires vient confirmer en partie ce point. Les dirigeants des groupes B et C sont effectivement en plus grand nombre titulaires de diplômes sportifs de tennis que ceux du groupe A. Ils sont 34 % dans le groupe B et 23 % (on aurait pu sattendre à un pourcentage plus élevé, il est vrai) dans le groupe C à être diplômés contre 21 % pour le groupe A. Nous remarquons de plus que 15 % des dirigeants du groupe C sont titulaires dun brevet dEtat contre 6 % dans le groupe A (ces derniers en revanche possèdent davantage de brevets fédéraux). Notons enfin que la possession de diplôme dEtat saccompagne de plus en plus de son usage professionnel. Sils ne sont que 30 % dans le groupe A et 28,5 % dans le groupe intermédiaire à avoir exercé professionnellement avec leur diplôme de tennis, la moitié des diplômés appartenant au groupe actuel a exercé professionnellement avec le diplôme de tennis.
En déterminant les différents niveaux de qualification et de compétence repérables dans le secteur du tennis, nous pouvons dessiner les trajectoires de professionnalisation des dirigeants. Les premiers niveaux de compétence sont ceux propres à la pratique du tennis. Cette formation peut être complétée par lacquisition de diplômes fédéraux puis de diplômes dEtat. La comparaison des trajectoires de chacun des groupes de dirigeants en fonction des périodes de mandature permet de montrer que le niveau général de compétence et donc de professionnalisation des dirigeants de la fédération a augmenté entre 1989 et aujourdhui. Les dirigeants actuels sont mieux formés et plus diplômés que leurs prédécesseurs. Ce constat vient confirmer, là aussi, ce que dautres études avaient déjà constaté ; la professionnalisation du secteur associatif se traduit par une élévation du niveau des compétences des dirigeants bénévoles. La figure ci-dessous indique que, sur cette dernière décennie, le niveau de professionnalisation passe ainsi de lindice 3,7 à lindice 4,6. Si les dirigeants étaient auparavant des pratiquants possédant au plus un diplôme fédéral sans en faire un usage professionnel, la nouvelle génération se compose davantage de dirigeants titulaires de diplômes fédéraux et de diplômes dEtat dont ils font ou ont fait en plus grand nombre un usage professionnel.
Si nous portons notre analyse sur les liens de parenté que les dirigeants ont avec des pratiquants ou acteurs évoluant dans le milieu du tennis, il apparaît que ce sont les dirigeants les plus anciens qui ont le plus de liens de parenté. En effet, le groupe A déclare avoir des liens de parenté à 66 %. Ces liens sont ceux des descendants à 25 %, de toute la famille à 21 % et aussi ceux des ascendants à 16,5 %. Par contre, les dirigeants du groupe C ne sont plus que 54 % à répondre favorablement à cette question. Les liens de parenté sont ceux de la famille et des descendants (19 % chacun). Sil semble donc possible dexpliquer les motivations des dirigeants par limplication sportive de leurs proches (épouses, enfants et petits-enfants), on peut supposer que la tradition de linvestissement sportif et associatif communiquée par les ascendants soit un facteur incitatif non négligeable pour les dirigeants les plus anciens. Un autre point intéressant mérite dêtre souligné : il sagit de celui relatif aux expériences dorganisateurs de tournois et de gestionnaires de clubs sportifs. On observe ainsi que les dirigeants actuels sont en moins grand nombre des organisateurs de tournois (on passe de 71 % pour le groupe A à 58 % pour le groupe C). En outre, les dirigeants en poste avant 97 déclarent à 87,5 % être
Figure n° 8 : Les trajectoires de professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFT
Légende : 1. Pratiquant occasionnel, 2. Pratiquant régulier, 3. Pratiquant compétiteur, 4. Diplômé fédéral sans usage professionnel, 5. Diplômé fédéral avec usage professionnel, 6. Diplômé BE 1 sans usage professionnel, 7. Diplômé BE 1 avec usage professionnel, 8. Diplômé BE 2 sans usage professionnel, 9. Diplômé BE 2 avec usage professionnel, 10. Enseignant EPS, 11. Cadre sportif gestionnaire. M : Moyenne. Commentaires : Entre la période 1989 à 1997 et la période 1997 à aujourdhui, le niveau de professionnalisation a augmenté. Si les dirigeants étaient auparavant davantage des pratiquants possédant un diplôme fédéral sans en faire un usage professionnel, ils sont aujourdhui davantage titulaires de diplômes fédéraux et dEtat dont ils font un usage professionnel.
ou avoir été des gestionnaires dans le domaine du tennis. Ce pourcentage est moins fort chez les dirigeants qui forment le groupe intermédiaire (75,5 %) et moins fort encore chez ceux en poste après 1997 (65 %). Si on détaille plus encore, on observe néanmoins que tous ceux qui se déclarent gestionnaires gèrent ou ont géré bénévolement des associations à plus de 95 %. Ces associations sont souvent des clubs locaux, mais aussi des structures départementales ou régionales.
Si on compare enfin toutes les raisons qui peuvent expliquer linvestissement des dirigeants bénévoles, on peut observer quelques différences. A partir des questionnaires et de lanalyse des réponses à la question : « Pourquoi vous êtes-vous investis au sein de la fédération ? (si vous avez plusieurs réponses, numérotez-les du plus important au moins important) », on constate que pour lensemble de notre échantillon, cest lexpérience de pratiquant et de gestionnaire associatif local que les bénévoles mettent en avant pour expliquer leur engagement au sein de la fédération. Il est intéressant de souligner que seuls les dirigeants du groupe C avancent, comme autre explication, leur expérience denseignant de tennis, signe que les motivations de ces derniers sont à la fois liées à leur trajectoire damateur mais aussi de professionnel.
Lensemble des résultats exposés ci-avant nous permet en définitive de définir les profils identitaires des trois groupes de dirigeants en poste à des périodes différentes (tableau n° 2).
3. La FFT, le modèle dune entreprise associative
A travers létude de la FFT, nous avons voulu vérifier nos hypothèses de départ. Comme dans le cas étudié précédemment, la professionnalisation de lorganisation en tant quétape finale du cycle de vie fédérale semble se vérifier. Ce qui constitue loriginalité de la fédération de tennis, cest sa capacité à avoir su concilier (en partie, il est vrai, grâce au tournoi de Roland Garros quelle sest toujours attachée à garder sous son aile) les exigences du fonctionnement associatif et les exigences dun sport devenu un produit qui se vend. Contrairement à dautres organisations sportives qui, parce quelles se professionnalisent, connaissent des conflits à répétition, la fédération de tennis est lexemple dune transition réussie. Mais, lapparence
Tableau n° 2 : Les profils identitaires des dirigeants bénévoles de la FFT
CaractéristiquesGroupe A
Dirigeants en poste avant 1997Groupe B
Dirigeants en poste pendant 1997Groupe C
Dirigeants en poste après 1997Total
Dirigeants FFTNombre de réponses484126115
Quelle est ou a été leur profession ?Cadres dentreprise (20,8 %),
Enseignants (20,8 %), Professions libérales (20,8 %), Chefs dentreprise (14,5 %)Cadres dentreprise (23 %),
Enseignants (23 %), Professions libérales (12,8 %), Chefs dentreprise (10,2 %)Cadres dentreprise (38,4 %),
Enseignants (23 %), Professions libérales (11,5 %), Chefs dentreprise (3,8 %)Cadres dentreprise (25,6 %),
Enseignants (22,1 %), Professions libérales(15,9 %), Chefs dentreprise (10,6 %)Sont-ils ou ont-ils été des pratiquants réguliers ?Oui (100 %) de 3ème série et plus (75 %)Oui (97,5 %) de 3ème série et plus (62,5 %)Oui (88,4 %) de 3ème série et plus (60 %)Oui (96,5 %) de 3ème série et plus (67,5 %)Sont-ils ou ont-ils été des enseignants de tennis ?
Oui (16,6 %)
Oui (21,9 %)
Oui (38,4 %)
Oui (23,5 %)Sont-ils diplômés
en tennis ?
Oui (20,8 %)
Oui (34,1 %)
Oui (23%)
Oui (26,6 %)Font-ils ou ont-ils fait un usage professionnel de leur diplôme sportif ?
Oui (30 %)
Oui (28,5 %)
Oui (50 %)
Oui (33 %)Sont-ils ou ont-ils été juges ?Oui (50 %)Oui (65,8 %)Oui (69,2 %)Oui (60 %)
Sont-ils ou ont-ils été des gestionnaires de structure de tennis ?Oui (87,5 %) comme gestionnaires bénévoles dassociations
(97,6 %)Oui (75,6 %) comme gestionnaires bénévoles dassociations
(96,7 %)Oui (65,3 %) comme gestionnaires bénévoles dassociations
(94,1 %)Oui (78,2 %) comme gestionnaires bénévoles dassociations
(75,6 %)Ont-ils ou ont-ils eu des liens de parenté dans le milieu du tennis ?Oui (66,6 %) par les descendants à 37,5 %Oui (51,2 %) par les descendants à 38,1 %Oui (53,8 %) de toute la famille à 38,4 %Oui (58,2 %) de toute la famille à 40,8 %
peut-être trompeuse et il serait faux de prétendre pour autant que sa professionnalisation a les faveurs de tous ceux qui la font ou lont fait vivre.
3.1. De la logique associative à la logique économique
Le choix détudier la fédération de tennis est venu en partie du fait que cette dernière présentait une forme dorganisation professionnelle très avancée. Elle navait rien de la petite association amateur. Sa gestion était managériale et notre étude a confirmé en partie ce que nous pensions. Dès nos premiers contacts, nous avons pu mesurer le degré defficacité administrative atteint par cette association. Tout est informatisé, chaque interlocuteur a un poste téléphonique, une adresse Internet et peut être joint à tout moment. Le siège de la fédération est impressionnant. Franchir la porte de Roland Garros, cest entrer dans un lieu imposant, cest pénétrer dans le temple du tennis français. Nos premières impressions se sont vite confirmées, la fédération est une entreprise très bien huilée. Elle semble avoir parfaitement concilié logique associative et logique commerciale à travers notamment ce qui constitue probablement sa plus grande réussite, Roland Garros. Quand en 1968, une nouvelle équipe de dirigeants, considérablement rajeunie, arrive au pouvoir, son intention est de moderniser lorganisation fédérale. Cest ce quelle entreprend de faire aussitôt. La fin des années 60 est le point de départ dune rénovation en profondeur des instances fédérales du tennis. Ces nouveaux hommes forts renforcent considérablement leur contrôle sur le tennis institutionnel et assoient durablement le pouvoir des régions quils président au sein du comité directeur. Certains clubs se plaignent déjà de lemprise autoritaire et bureaucratique de la fédération. Louverture des tournois aux joueurs professionnels va permettre à la fédération de se développer considérablement et augmenter de façon exponentielle le nombre de ses licenciés qui passent en lespace de dix années de 130 000 à plus de 500 000 pour atteindre dans les années 85 des sommets inégalés depuis. En dix ans, la fédération triple le nombre de ses professeurs diplômés dEtat et multiplie par quinze le nombre de ses éducateurs fédéraux. En vingt ans, le nombre de courts de tennis est multiplié par six. Pourtant, en permettant lentrée du professionnalisme dans le tennis, ce sont aussi les groupes dintérêt économiques qui franchissent la porte de Roland Garros. La fédération internationale ne peut dès lors empêcher une confrontation vive avec ces promoteurs qui vont tenter à plusieurs reprises de prendre le contrôle du circuit international. Il faudra beaucoup de temps avant que finalement ne sinstalle un statu quo entre les différentes parties et une délimitation de leur territoire respectif. Les grands travaux qui souvrent assurent le succès de Roland Garros et du tennis international. Lorsquen 1993, Chatrier décide de se retirer, il laisse derrière lui une fédération rayonnante qui pèse plus de 70 millions deuros. Avec son successeur, largent pénètre le monde du tennis à un rythme encore plus soutenu. En 1997, la fédération détient un budget de 83 millions deuros. Les recettes que procurent les Internationaux de France augmentent de manière vertigineuse. En 1988, elles se montent à 22 millions. En 1993, elles ont doublé. En 1997, elles ont triplé. En 2001, elles ont quintuplé et avoisinent les cent millions deuros. Avec une masse salariale qui salourdit considérablement et les primes aux joueurs qui relèvent plus de la surenchère, la fédération affiche une santé exceptionnelle. Elle est devenue une entreprise extrêmement rentable qui associe avec succès le modèle associatif et le modèle de lentreprise.
3.2. La professionnalisation du tennis ou lentrepreneurisation fédérale
Lorsque nous avons commencé nos investigations, il nous est apparu que lensemble des salariés et des élus sentendait très bien. Ils ne montraient aucune difficulté relationnelle. Nous avions bien noté les propos souvent très mesurés des salariés administratifs ou techniques que nous avions rencontrés mais si ces réserves rappelaient très clairement le lien hiérarchique qui simposait entre les salariés et les élus, elles ne semblaient pas exagérées et anormales. Bien sûr, les dirigeants administratifs nont pas la liberté dexpression quon trouve davantage chez les fonctionnaires mis à disposition par lEtat (leur employeur) ou chez les enseignants exerçant en profession libérale. Certes, de lavis de la plupart de nos interviewés, les élus occupent pleinement lespace politique. Il semble même que leur autorité se soit renforcée depuis quelques années. Quant à leurs préoccupations, elles portent sur le nombre de licences et sur la renommée de Roland Garros. Les élus fédéraux sont conscients que la baisse des licenciés quils ont connue dans les années 95 nest pas le fruit du hasard mais sinscrit dans une conjoncture où la médiatisation de leur sport joue un rôle essentiel pour attirer et fidéliser les pratiquants. Cest pour cela quils veulent absolument contrôler lun des tournois les plus prestigieux au monde. Ils savent que leur fédération a la chance extraordinaire dêtre propriétaire dune manifestation qui fait partie du cercle très restreint des tournois du Grand Chelem. Longtemps, nous avons pensé que la perte de Roland Garros était un risque majeur pour lorganisation associative parce quelle était peu préparée à faire face à la professionnalisation intensive du sport et il nen est rien. La fédération est une entreprise bien structurée et qui fonctionne. Même si ses nombreux salariés sont les employés des dirigeants élus, même si leur rôle est dappliquer la politique fédérale définie par les bénévoles, pour autant, nous navons pas perçu de conflits latents ou cachés au sein de la fédération. Celle-ci renvoie limage dune société qui prospère. Contrairement à ce que nous pensions au début, les groupes dintérêt qui évoluent dans lenvironnement fédéral et à partir desquels nous avons pu analyser les effets de la professionnalisation du tennis, nont guère de relations ni entre eux, ni avec la fédération. La bataille de lOpen des années 60 et les tensions qui ont opposé par la suite la fédération et lassociation des joueurs professionnels soutenue par les promoteurs privés semblent être rangées définitivement dans les archives fédérales. Les joueurs professionnels sont dans un monde à part et gèrent ou laissent à des agences spécialisées le soin de gérer leur carrière. Il apparaît que les seuls liens qui unissent les professionnels et la fédération soient les quelques grands rendez-vous sportifs de lannée (Roland Garros, Paris-Bercy et la Coupe Davis). Contrairement à léquitation, il nexiste pratiquement pas de structures commerciales qui puissent concurrencer les clubs locaux et déstabiliser la fédération. Nous pensions que la fédération était en relation directe et constante avec tous les interlocuteurs du tennis, là aussi, il nen est rien. Nous pensions que la professionnalisation était source de tensions entre bénévoles et professionnels, là encore, ce nest pas le cas. Les tensions, elles existent bel et bien mais de manière plus diffuse et concernent pour lessentiel les syndicats denseignants et les bénévoles de la fédération. Nous cherchions à comprendre comment cette fédération avait pu si bien concilier son projet associatif et les intérêts économiques gigantesques que suscitaient les Internationaux de France. Ce que nous ont raconté nos interlocuteurs, cest entre autres que les dirigeants ont bien changé, quils sont beaucoup plus présents quavant. Pour certains, ils sont beaucoup moins passionnés et dévoués que leurs prédécesseurs, pour dautres, ils sont beaucoup plus intéressés par le pouvoir et largent. Au bout du compte, en approfondissant nos recherches, nous pouvons voir émerger deux générations de dirigeants bénévoles, une en place dans les années 85-90, une autre en place aujourdhui. Au bout du compte, la professionnalisation du tennis a conduit à privilégier larrivée dune nouvelle génération de dirigeants plus en phase avec lévolution actuelle du sport et mieux adaptée à la professionnalisation tout azimut.
Conclusion
Le consensus apparent affiché par les dirigeants de la fédération de tennis masque des tensions sur les choix politiques et le rapport à largent. Nos entretiens ainsi que nos questionnaires ont relevé des divergences de vue entre notamment les dirigeants et les syndicats denseignants (dont le développement témoigne de la professionnalisation du milieu) et aussi entre les dirigeants eux-mêmes. Sil semble vérifié que le consensus existe autour dune politique fédérale commune entre les dirigeants durant une même olympiade, il nous est apparu en revanche quun certain nombre de divergences opposait les dirigeants en poste sur des périodes différentes. Cest ainsi que nous avons distingué trois groupes délus selon quils avaient effectué leur mandat avant 1997, après 1997 ou à cheval sur les deux périodes. Sans pour autant conclure à une opposition forte et conflictuelle, nous avons essayé de caractériser ces groupes dindividus. La professionnalisation de lorganisation fédérale influant sur ceux qui la gouvernent, nous avons souligné les trajectoires variées des dirigeants bénévoles. Ceux en poste dans les années 85/95 sont avant tout des amateurs pratiquants disposant de peu de qualification dans leur sport si ce nest celle que leur procure une expérience riche en tant que gestionnaire bénévole dassociation locale. Leur légitimité à exercer des responsabilités est certes alimentée par leurs années de pratique mais aussi par leurs années dengagement militant comme bénévole occasionnel puis permanent. Ceux qui les ont remplacés à la tête de la fédération depuis une dizaine dannées ne sont pas complètement différents. Ce sont aussi des gestionnaires associatifs, ce sont aussi des pratiquants. Pourtant, lévolution de la courbe des niveaux de professionnalisation montre quils sont mieux formés parce que plus diplômés dans le champ sportif spécifique. Leur trajectoire semble moins marquée par un engagement associatif prolongé que par une professionnalisation acquise souvent précocement. Ils sont à lorigine des pratiquants souvent de niveau modeste. Puis, ils deviennent des diplômés fédéraux et des diplômés dEtat et se mettent à exercer de manière occasionnelle contre rémunération.
A lissue de ces travaux qui nous amènent à conclure que le processus de professionnalisation des dirigeants fédéraux bénévoles est en cours, doit-on annoncer la fin du bénévolat traditionnel dont lidentité sest construite autour de lamateurisme et de la gratuité ? Entre tradition et modernité, il ne fait guère de doute quune certaine forme de bénévolat, mieux adaptée au modèle de lentreprise associative, est en train de simposer. Létude des fédérations déquitation et de tennis nous a permis de confirmer lémergence dune configuration bénévole et militante plus professionnelle. Notre intention a été alors de montrer que cette configuration devenait aujourdhui dominante et capable de modifier en profondeur le schéma traditionnel de lassociation et du bénévolat amateur. La quatrième et dernière partie de notre étude va être une réflexion sur lengagement associatif. Elle va être loccasion de revenir sur lensemble de nos hypothèses de départ et de proposer quelques conclusions plus générales. En toile de fond, il sagit délargir le débat et de nous interroger sur les nouvelles formes de militantisme que la professionnalisation du milieu sportif ne fait au fond quannoncer.
Quatrième partie
Bénévolat, professionnalisation et militantisme
Sil fallait nommer une des tendances lourdes dévolution des organisations associatives et en particulier des organisations sportives, nous citerions en premier la professionnalisation, celle des acteurs dirigeants, celle des moyens de gestion dont ils usent, celle aussi des projets politiques quils définissent. A lissue de notre étude et sur la base des enquêtes que nous avons conduites dans deux grandes fédérations sportives, force est de constater que la bureaucratisation et le recours à des professionnels salariés pour rationaliser les procédures administratives, organiser les programmes pédagogiques ou encore optimiser une véritable politique du sport de haut niveau ne font que précéder la professionnalisation des dirigeants bénévoles. Nous pensons que cette professionnalisation, qui se traduit par une élévation du niveau de qualification et de compétence des dirigeants bénévoles, doit être perçue comme une mesure contingente dadaptation de lorganisation à son environnement. Nous pensons également que ce phénomène est en partie à lorigine de la crise des cultures bénévoles en perte de repères identitaires dans un milieu qui néchappe plus à la rationalité économique, en perte aussi de repères politiques tant les projets organisationnels semblent diffus et relever de logiques dintérêts plus ou moins conciliables. Nous pensons enfin que la professionnalisation des dirigeants bénévoles a également pour conséquence de mettre en avant un militantisme plus utilitaire et réaliste. Ce nouveau militantisme procède-t-il, comme le relèvent certains sociologues, de ce « désenchantement du monde » travaillé par lindividualisme et la perte des grandes utopies ? Faut-il voir alors la fin dune certaine forme dengagement porté par un discours idéaliste et quelque peu stéréotypé et que la réalité rendrait de plus en plus obsolète en raison du décalage prégnant entre le discours et laction, entre le projet et son application ? En somme, et pour reprendre les propos de Ion, à une époque où nous observons une dépolitisation massive et une désyndicalisation importante de la population, « lengagement a-t-il encore un avenir ou sépuise-t-il avec la fin des grands récits ? ».
Le débat que nous ouvrons dans cette dernière partie de notre étude et qui est laboutissement de lensemble de notre réflexion, veut sélargir à lensemble du monde associatif et montrer que la rationalité bureaucratique et marchande est devenue un principe de réalité auquel aucun dirigeant associatif ne peut plus désormais échapper. Il semble que, dans le cycle de vie des organisations fédérales, ce soit bien la raison utilitaire qui prime progressivement sur la raison communautaire et pousse les dirigeants à plus de compétences et de technicité (chapitre 1). Ce processus conduit à modifier les configurations identitaires des bénévoles qui connaissent alors des périodes de crise entre générations mais aussi entre catégories sociales, au fur et à mesure que lorganisation voit ses projets se détourner de la seule logique associative (chapitre 2). De moins en moins sensible à la défense des grandes causes, de moins en moins transcendé par un idéal de société, lengagement militant daujourdhui devient dès lors laffaire des professionnels qui transforment le modèle associatif en un modèle managérial et léthique sportive en une déontologie professionnelle. Cest sur ces nouvelles formes dengagement moins portées semble-t-il sur lidéal coubertinien que nous nous interrogerons dans la dernière partie de notre travail (chapitre 3). Pour cela, nous nous appuierons sur lanalyse de la totalité de nos questionnaires (N = 218) en distinguant deux groupes dintérêt dominants, chacun porteur dune culture identitaire qui lui est propre. Nous proposons de ranger dans le premier groupe de bénévoles (N1 = 102) les dirigeants des sports équestres à cheval et du tennis en poste avant 1997 et dans le second groupe de bénévoles (N2 = 116) les dirigeants du poney, du tourisme et ceux du tennis en poste pendant et après 1997. La comparaison sociologique de ces deux groupes de dirigeants ayant des liens plutôt amateurs pour les premiers (en tant que pratiquants pour lessentiel) et plutôt professionnels dans le champ sportif pour les seconds (ils vivent ou ont vécu de ce même milieu sportif en tant quéducateurs sportifs ou gestionnaires salariés de structures) doit nous permettre de confirmer les différences culturelles et générationnelles relevées par ailleurs et de mettre en évidence, en tout cas dans les organisations sportives fédérales, lémergence de formes nouvelles dengagement militant.
Chapitre 1. De lexplication communautaire à lexplication utilitaire
Tout au long de notre étude, nous avons voulu souligner ce qui nous semblait être lirrévocabilité du processus de professionnalisation de lorganisation sportive et de ses dirigeants. Cest là le point soulevé dans notre première hypothèse. Nous avions alors avancé lidée que les organisations sportives pouvaient sinscrire dans un cycle de vie qui les conduisait à passer par plusieurs stades dévolution, depuis la forme idéologique puis bureaucratique jusquà celle professionnelle. Cest cette approche que nous avons adoptée dans les premiers chapitres de nos études de cas. En abordant la Fédération Française dEquitation et la Fédération Française de Tennis, nous avons tenté dadapter le modèle type de cycle de vie des organisations sportives fédérales que nous avions construit préalablement, à lhistoire spécifique à la fois institutionnelle et politique de ces deux organisations.
1. Linéluctable professionnalisation de la bureaucratie fédérale
Létude des associations et sociétés naissantes qui ont précédé les organisations fédérales nous a permis de souligner leur caractère à la fois très idéologique et très fermé, attestant, sil en était besoin, des origines élitistes des sports modernes. Que ce soit pour léquitation avec le Jockey club de France fondé en 1834, la société équestre de lEtrier fondée en 1895 ou pour le tennis avec lapparition vers la fin des années 1870 du tennis club de Dinard et du club de lîle de Puteaux, toutes ces associations, tous ces cercles ont pour point commun dêtre marqués par une forte notabilité (au sens de Weber, cest-à-dire composés de notables dont la situation économique leur permet de sinvestir dans une activité secondaire sans salaire ou contrepartie mais qui également jouissent dune estime et dune considération sociales dues à leur rang et leur position). A cette époque, comme le souligne Saint Martin, les notables se retrouvent entre eux pour sadonner à des pratiques qui se doivent dêtre gratuites et désintéressées car limportant nest pas la victoire, encore moins le mercantilisme mais « la manière dêtre, de paraître et de faire ». Cest pourquoi ces associations ne réunissent que des membres issus des classes sociales les plus élevées (nobles, aristocrates, officiers mais aussi professions libérales et industriels) ayant tous leur nom dans ce « bottin mondain » dont parle Waser. Dans sa distinction entre classes travailleuses et classes oisives, Veblen explique quà cette époque, il est de rigueur que « les classes supérieures soient exemptes des travaux dindustries (en raison) de leur supériorité de rang ». Le loisir, précise cet auteur, nest pas la paresse ou linaction mais exprime davantage « la consommation improductive du temps ». Pour Veblen, les classes oisives se retrouvent au sein du gouvernement, à la guerre, dans la vie religieuse et aussi dans le sport. Dans le cycle de vie des fédérations, nous avons rapproché ces sociétés fermées des organisations idéologiques du premier état de lévolution, dans le sens où leurs membres constituent des groupes partageant une même idéologie autour de la défense de leurs intérêts de classe. Ces organisations très idéologisées apparaissent aussi très fermées parce quelles imposent un système de parrainage et de filtrage des nouveaux entrants. Lorsque ces groupes décident de se fédérer, ils vont tendre à sautoreproduire en maintenant la distinction sociale. Au sein de la fédération déquitation qui naît en 1921, ceux qui vont composer son premier comité directeur sont des généraux, des commandants, des comtes et des ducs issus de ces cercles très fermés. La fédération de tennis créée en 1920 nest pas non plus un modèle douverture. Faisant partie de ces sports « chics » décrits par Bourdieu, on y trouve aussi des comtes, des marquis et des officiers. Même si, par la suite, la massification du tennis se fera avant léquitation par la construction de courts municipaux notamment, laccès des classes populaires à ces sports ne se fera jamais réellement. La spécialisation en cours de ces fédérations émergentes saccompagne dune volonté dunifier les pouvoirs et de regrouper toutes les sociétés et associations oeuvrant pour un même sport. Cela va conduire à une centralisation très forte des pouvoirs au sommet fédéral déjà très parisien. Nous avons pu ainsi observer que la plupart des membres du conseil dadministration de la FFE sont, en 1920, des habitants de la capitale. Ce parisianisme sobserve aussi à la FFT dont les délégués les plus représentés en nombre de voix sont ceux de la région de Paris. Ce parisianisme dailleurs ne se dément pas par la suite même sil sétend à la banlieue puisque ce sont toujours les ligues dIle-De-France qui comptabilisent le plus de licences et donc de voix. Dès lors, les fédérations connaissent un développement régulier (excepté pendant les périodes de guerre) et entrent dans une phase de bureaucratisation centralisatrice, marquant le deuxième état de lévolution. Cette centralisation bureaucratique suit celle de lEtat, structurellement mais aussi idéologiquement à travers la volonté dinstaurer un pouvoir unique fort. Comme lécrit Brohm, « le sport reproduit donc organisationnellement sur le plan des superstructures idéologiques, le modèle bureaucratique de la société capitaliste dEtat ». Cette institutionnalisation, note Saint Martin, qui avait déjà été celle de Coubertin avec lolympisme, se traduit irrémédiablement, pour le mouvement fédéral, par « une organisation quasi bureaucratique des institutions et des pratiques ». Dès le début, la fédération de tennis sentoure de commissions régionales (elle reproduit en cela le découpage régional institué précédemment par lUSFSA avec ses 36 comités régionaux). Quant à la fédération déquitation, on trouve trace de lexistence des ligues régionales déquitation dans les statuts de 1946 (mais probablement existaient-elles déjà avant). Chargées de représenter leur fédération en province et de faire appliquer ses décisions auprès des associations locales, ces ligues régionales déconcentrées vont avoir un rôle de plus en plus croissant jusquà se positionner comme les interlocuteurs intermédiaires indispensables entre le sommet et la base de lorganisation fédérale. La bureaucratisation fédérale et lalourdissement progressif des procédures administratives vont accompagner laugmentation du nombre des associations affiliées et des adhérents. Lunification des trois courants équestres permet à lorganisation fédérale de passer de 40 000 licenciés en 1949 à plus de 200 000 en 1987 et 400 000 en 1999. Quant à la FFT, elle passe de 11 000 licenciés en 1920 à plus de 167 000 en 1970 et cest le chiffre du million de licenciés qui est dépassé en 1986. Le nombre de clubs de tennis atteint les 9 000 en 2002 contre seulement 170 lors de la création de la fédération. Tout cela conduit à ce que les ligues deviennent progressivement autonomes et décentralisées, prennent en charge lorganisation des compétitions et des formations et perçoivent directement une part croissante des cotisations des licenciés et des clubs. Pour limiter les distances qui se créent entre la direction et les adhérents et pour éviter aussi que, par la suite, les pratiquants consommateurs ne se détachent plus encore des structures fédérales (Mintzberg y voit dailleurs là un problème récurrent qui conduit, dès lors que lorganisation devient trop importante, à ce que le sommet de lorganisation se détache progressivement de sa base rendant la communication de plus en plus difficile), les dirigeants bénévoles de la fédération vont renforcer le rôle des structures intermédiaires en organisant une progressive décentralisation des pouvoirs (une décentralisation qui restera toutefois limitée aux régions). Dans ce deuxième état avancé de lévolution, après le fort parisianisme observé précédemment, le groupe de direction va sétendre à lensemble des présidents de ligue. Rassemblés dans un collège au sein de la fédération (selon les circonstances, ce collège servira de pouvoir parallèle ou de contre pouvoir), les présidents de ligue vont cumuler des responsabilités régionales mais aussi, et de manière quasi-systématique, des responsabilités nationales. Que ce soit la FFE ou la FFT, nous avons pu ainsi mesurer le poids et le rôle politique considérables de ces présidents de ligue (cest dun côté le collège des présidents de ligue de la délégation des sports équestres à cheval qui conduit à la démission en 1988 du président de la FFE et qui ensuite soppose fortement à la direction centrale, cest de lautre le collège des présidents de ligue de tennis qui permet lélection dune nouvelle équipe de dirigeants en 1972 ou celle du président actuel de la fédération). Si jusquà tout récemment (avant la loi modificative de 2000 sur le sport), le choix des membres de lassemblée générale des fédérations sportives peut se faire de trois manières (ils peuvent être élus soit par les présidents des groupements affiliés (les associations locales), soit par les assemblées générales des comités départementaux, soit enfin par les assemblées générales des comités régionaux), le rapport du Député Asensi rendu public en avril 2000 établit que la plupart des fédérations utilise le mode de démocratie le plus indirect où ce sont les membres des comités régionaux (ces grands électeurs sont notamment les présidents de ligue) qui élisent, parmi eux, ceux qui siégent à lassemblée générale et au comité directeur de la fédération. Le rapport souligne que cette concentration du pouvoir par un groupe restreint favorise lautoreproduction des dirigeants en limitant leur renouvellement. Dans nos études de cas, nous avons pu ainsi montrer que les statuts fédéraux avaient facilité un système délection garantissant la représentation systématique des présidents de ligue et de leurs plus proches collaborateurs au comité directeur fédéral. Dans le cas de léquitation, il sagissait de sièges de droit réservés aux présidents de ligue (ils représentaient en moyenne le quart des sièges au comité directeur) et de sièges électifs réservés aux autres membres des ligues. Pour le tennis, le comité directeur est composé en majorité des présidents de ligue (à plus de 65 %) élus par leurs pairs, membres eux aussi des bureaux de ligue et siégeant à lassemblée générale de la fédération. Nous avons pu constater quun tel système avait conduit à favoriser, en certaines circonstances, un fonctionnement au bout du compte peu démocratique car facilitant la cooptation en permettant, à travers le prisme électoral, dasseoir aux commandes de lorganisation fédérale le pouvoir oligarchique des présidents de ligue. Comme le souligne Koebel, cette « fraction, plutôt dominante, de lespace social » a pu organiser, selon le cas, la « confiscation du pouvoir associatif » à son bénéfice.
Le pouvoir est celui des urnes, mais il est aussi économique. Nous avons vu aussi que le budget des ligues sétait considérablement accru par rapport au budget fédéral. De 1987 à 1992, la part des recettes des licences intégrée au budget des ligues des sports équestres à cheval passe de 7,8 millions de francs (1,2 millions deuros) en 1987 à 13 millions de francs (2 millions deuros) en 1992 tandis que la part des recettes intégrée au budget des ligues de tennis passe de 10,6 millions de francs (1,6 millions deuros) en 1980 à 53 millions de francs (8 millions deuros) six ans plus tard. Quand Aristote explique que loligarchie est la forme déviée de laristocratie, quand Michels formule ce quil a appelé « la loi dairain de loligarchie » à propos des grandes organisations qui se bureaucratisent, tous deux veulent souligner que ceux qui gouvernent tendent naturellement à séloigner de la base et des préoccupations des populations pour ne plus servir que leurs intérêts de groupe. La fracture qui se crée progressivement entre les dirigeants fédéraux et les adhérents peut sexpliquer en partie par ces divergences dintérêts. Aux pratiquants qui vont préférer des finalités beaucoup plus hédonistes et ludiques, va répondre une politique fédérale et associative des dirigeants nationaux reproduisant les finalités compétitives et élitistes du sport. Les licenciés vont alors se détourner des formes institutionnalisées pour préférer pratiquer plus librement, provoquant rapidement la déstabilisation de lorganisation fédérale et accentuant, par la même, sa professionnalisation dans la mesure où les bénévoles vont devoir faire appel à des professionnels pour adapter leur politique et limiter la baisse de leurs effectifs. Cette professionnalisation est dabord celle des techniciens qui, davantage diplômés, investissent les fédérations pour modifier les programmes denseignement obsolètes en équitation, pour mieux former également les élites dont a besoin le système fédéral (et aussi lEtat) en quête de prestige et de médiatisation. Peu à peu, des corps professionnels se constituent, attestant de la stabilisation des emplois sportifs. Cest le corps des enseignants et employeurs en équitation qui adhèrent au Groupement hippique national dès 1969 (dont la mission, rappelons le, est dêtre un groupement professionnel chargé de représenter les employeurs et les gestionnaires équestres) et mettent en place la première convention collective dans le secteur sportif en 1975. Cest le corps aussi des enseignants de tennis qui se regroupent dans des syndicats de plus en plus actifs (on pense à la FNEPT et au SNBET apparus dans les années 80 et 95) et qui sopposent plus ou moins ouvertement aux présidents de ligue. Plus les organisations fédérales deviennent complexes et plus elles doivent faire appel à du personnel administratif et à des cadres gestionnaires chargés de rationaliser leur fonctionnement, dautant que la professionnalisation et la marchandisation du sport qui se généralisent dès la fin des années 80 leur font du tort et les conduisent à plus defficacité et de performance. Cest dun côté la multiplication des structures commerciales qui supplantent localement les associations équestres (en 1997, nous avons vu que le rapport est de deux tiers/un tiers), cest également le recrutement massif de salariés à la fédération de tennis (qui dune trentaine dans les années 70 sont plusieurs centaines aujourdhui). Il sensuit que les fédérations se trouvent au carrefour de deux modèles qui historiquement sopposent (en tout cas dans les finalités), celui associatif et celui de lentreprise. Le rapprochement de ces deux modèles donne à lorganisation fédérale, comme lavait déjà relevé Slack à propos des fédérations canadiennes, la forme dune bureaucratie professionnelle (troisième état) de plus en plus dominée par les salariés mais aussi et surtout par les dirigeants bénévoles (car le pouvoir reste toujours aux mains des dirigeants bénévoles) bien plus professionnalisés quauparavant. Progressivement, on observe larrivée de dirigeants bénévoles disposant dun niveau de compétence et de qualification plus important que leurs prédécesseurs (cest le cas du tennis) et ayant même, pour certains, une forte implication professionnelle dans le même milieu sportif (cest le cas de léquitation). Progressivement, le processus sinverse et ce sont les professionnels, probablement plus aptes à sadapter à un environnement exposé à la concurrence commerciale, qui deviennent plus capables que les amateurs dassurer la pérennité de lorganisation associative.
2. La spécialisation des bénévoles comme mesure dadaptation
Nous avons eu loccasion de rappeler que la professionnalisation, dans la définition quen donne Weber, suppose spécification et spécialisation. Pour Chelladurai, le terme de professionnalisation renvoie aussi aux notions de compétences. Il rappelle que la connaissance et la compétence constituent les éléments centraux des professions (et ne sagit-il pas, dans notre cas, de nous interroger en définitive sur le bénévolat en tant que profession émergente ?). En tentant de mesurer le processus de professionnalisation, nous avons voulu montrer (et répondre de ce fait à notre seconde hypothèse) que les niveaux de qualification et de compétence tendaient à augmenter chez les dirigeants bénévoles attestant de leur adaptation progressive à un environnement de plus en plus complexe et segmenté. Dans son système danalyse du fonctionnement de la société, Parsons identifie plusieurs fonctions dont en particulier la fonction dadaptation qui est celle qui favorise le rapport entre le système social (pour nous, il sagit de lorganisation fédérale) et son environnement. Cette fonction définit les compétences requises par les agents pour garantir ladaptation de leur système de relation aux contraintes imposées par un environnement évolutif. Comme le souligne Boulte, la fonction dadaptation ou technico-économique est « dordre opératoire ». Elle peut être rapprochée de lanalyse socio-technique réalisée notamment par Sainsaulieu dans le milieu de lentreprise, en tant que cette fonction « traite des comportements dadaptation aux problèmes internes des structures et conditions de travail ». Nous pensons que cette fonction peut se concrétiser dans notre cas par un degré progressivement plus élevé de technicité et de spécialisation atteint par les dirigeants bénévoles de la fédération. Comme le souligne Barbusse, lapparition et le développement dactions de formation à lintention des bénévoles attestent de la nécessité pour ces derniers dêtre mieux préparés à un environnement concurrentiel plus favorable aux professionnels salariés. Ce que souligne Boncler dans son étude sur léducation populaire sobserve également dans notre cas. Lanalyse de lensemble de notre échantillon de dirigeants issus de nos deux études de cas confirme ce que nous avons eu loccasion de souligner précédemment : des anciens dirigeants aux nouveaux, le niveau de professionnalisation tend à sélever. Cette élévation devient particulièrement notable si on compare les anciens présidents de ligue (et à lépoque principaux détenteurs du pouvoir) et les dirigeants actuels. On constate alors que le niveau de professionnalisation des dirigeants passe du niveau 3,6 de pratiquant compétiteur et/ou diplômé fédéral sans usage professionnel au niveau 4,6 de diplômé fédéral avec usage professionnel (voir la figure ci-dessous).
Il nest dailleurs pas anodin si, depuis quelques années, lEtat affiche sa volonté de soutenir les bénévoles tout en reconnaissant la nécessité de mieux les former. Les célébrations du centenaire de la loi sur les associations ont été loccasion de proposer un certain nombre de mesures visant à mieux répondre aux besoins des bénévoles. La loi sur le sport notamment a introduit des dispositions nouvelles visant à aider les personnes sinvestissant bénévolement dans les associations. Ces mesures complétées par divers textes émanant notamment du Code du travail et du Code général des impôts doivent faciliter à la fois lengagement des bénévoles exerçant parallèlement une activité professionnelle dans lentreprise ou la collectivité publique et à la fois laccès aux formations initiales ou continues. Les mesures portent notamment sur laménagement du temps du bénévole entre lactivité professionnelle et laction bénévole (les congés de représentation, les mesures de réduction du temps de travail) sur laccès à la formation (le droit à la formation, le congé cadre jeunesse, la validation des acquis de lexpérience) et sur les aides fiscales et
Figure n° 9 : Les trajectoires de professionnalisation des dirigeants bénévoles fédéraux
Légende : 1. Pratiquant occasionnel 2. Pratiquant régulier, 3. Pratiquant compétiteur, 4. Diplômé fédéral sans usage professionnel, 5. Diplômé fédéral avec usage professionnel, 6. Diplômé BE1 sans usage professionnel, 7. Diplômé BE 1 avec usage professionnel, 8. Diplômé BE 2 sans usage professionnel, 9. Diplômé BE 2 avec usage professionnel, 10. Diplômé BE 3 sans usage professionnel, 11. Diplômé BE 3 avec usage professionnel, 12. Enseignant EPS, 13. Cadre sportif gestionnaire. M : Moyenne. Commentaires : On observe que le niveau de professionnalisation augmente entre les anciens dirigeants et les nouveaux attestant dun usage professionnel des diplômes sportifs plus important aujourdhui.
financières (allègements dimpôts). Entre idéalisme et réalisme, les dispositions législatives tentent dun côté de soutenir le bénévolat tout en reconnaissant dun autre côté les limites de son amateurisme. Cest cette ambiguïté qui alimente aujourdhui les débats sur la rémunération des dirigeants élus jusqualors bénévoles. La loi de 1901 ne mentionnant aucune interdiction à ce sujet, il est question depuis peu de rémunérer les dirigeants de grandes associations à limage des élus des collectivités territoriales (sous la forme dun forfait parfois conséquent selon le nombre dadhérents). La position rappelée par la Cour de cassation reconnaît dailleurs la possibilité de rémunérer les dirigeants dassociation. Cest aussi la position du Conseil dEtat qui, dans la doctrine quil préconise, tente néanmoins de limiter le rôle politique des salariés. Par un jugement rendu en 1970, la plus haute juridiction administrative autorise la présence de salariés dans le conseil dadministration de lassociation, mais en y imposant dans le même temps deux conditions ; que ce nombre nexcède pas le quart des membres du conseil (ce qui suppose que les trois quarts des dirigeants soient des bénévoles) et que les postes les plus importants (ceux de présidents, de trésoriers et de secrétaires) soient occupés par des bénévoles. Une circulaire du Premier ministre de 1975 viendra dailleurs réaffirmer cette position (circulaire qui est toujours, notons-le, en vigueur aujourdhui) en précisant que la présence trop importante de salariés dans les instances élues de lassociation aurait « pour conséquence dentraîner les organes de lassociation, et plus spécialement le conseil dadministration, dans des débats qui pourraient les détourner de lobjet même de lassociation ». En dautres termes, si les salariés peuvent siéger au comité directeur dune association et participer aux votes, ils ne peuvent être majoritaires sans que cela conduise, sur un plan fiscal et juridique, à remettre en cause le but non lucratif de lassociation.
Si, en définitive, la plupart des dispositions législatives a pour but de soutenir le bénévolat comme fondement de la vie associative tout en actualisant son statut, nest-ce pas parce que la réalité tend à attester du poids de plus en plus important que prennent les salariés dans lassociation ? Nest-ce pas parce que les valeurs de gratuité et de désintérêt semblent en perte de vitesse aujourdhui ? Nest-ce pas parce que des niveaux minimaux de compétence et de qualification sont de plus en plus requis en fonction du poste et des responsabilités assumées par les dirigeants bénévoles des fédérations sportives ? Nous pensons que cette plus grande technicité traduit l'apparition, dans un secteur associatif longtemps épargné, de logiques managériales propres à celles du monde de lentreprise où en quelque sorte, aux valeurs de lamateurisme sont préférées celles de la compétence, de lefficience et de la rationalité professionnelles des dirigeants. « Avec la montée du professionnalisme, écrit Boncler, un renversement sopère. Le bénévolat devient signe dincompétence ». Les nouvelles formes de management repérées dans lentreprise par Boltanski et Chiapello et qui remplacent la gestion de type familial, se traduisent dans lassociation par une gestion plus professionnelle et technicienne. Cest le rapprochement de deux champs jusque là opposés, celui de lassociation et celui de lentreprise, qui se concrétise. Ce rapprochement, précise Barbusse, sopère moins dans les finalités (bien quon puisse douter que la fédération de tennis en particulier ne recherche pas aussi le profit) que dans leur mode de gestion. Ainsi, peu à peu, cest la raison utilitaire qui prend le pas sur la raison communautaire, cest le principe de la rationalité économique qui se substitue à celui de lidéalisme associationniste. Au bout du compte, nest-ce pas ce processus de professionnalisation qui est à lorigine de la crise probablement la plus grave que connaît le bénévolat associatif ?
Chapitre 2. La crise des identités bénévoles face à la professionnalisation
Une telle évolution, qui conduit irrémédiablement à professionnaliser le bénévole élu, alimente les tensions et stigmatise les oppositions entre lamateur supposé peu compétent mais désintéressé et le professionnel supposé compétent mais intéressé. Cest cette dialectique qui travaille le monde institutionnel du sport (il ny a pas dexception sportive en la matière, la professionnalisation des acteurs associatifs concerne lensemble du tiers secteur) que nous avons souhaité développer dans notre travail. A travers cela, cest lavenir du bénévolat en tout cas dans sa culture amateur et dans sa logique associative que nous voulons questionner. Lanalyse comparative des groupes dintérêt évoluant au sommet des organisations fédérales permet de confirmer les différences déjà relevées dans nos études de cas. Selon que leurs liens avec le champ sportif considéré sont plutôt amateurs ou plutôt professionnels, on observe que les dirigeants se différencient et sopposent dans leurs cultures bénévoles et dans leurs identités. Ces différences, de notre point de vue, sont culturelles, sociales et aussi politiques.
1. Une crise culturelle entre groupes dintérêt
Nous avons eu loccasion précédemment de souligner que les dirigeants du mouvement cheval de la même manière que les dirigeants du tennis en poste avant 1997 étaient davantage ancrés dans une vision coubertinienne du modèle associatif et amateur. Leur culture sexprime à travers le refus de la professionnalisation qui, à leurs yeux, dénature leur fédération et en modifie les finalités. On constate ainsi que 55 % de ceux qui évoquent les problèmes relationnels entre le sport amateur et le sport professionnel ainsi que près de 59 % de ceux qui font un bilan négatif sur lévolution de leur fédération appartiennent à ce groupe. Lanalyse des catégories socioprofessionnelles montre que cest aussi dans ce groupe des anciens dirigeants quon trouve le plus de chefs dentreprise (61 % de ces derniers en sont issus) et aussi de professions libérales (61,5 %). En revanche, les enseignants sont majoritairement représentés dans le second groupe des bénévoles professionnalisés (65 % dentre eux en font partie), ainsi dailleurs que les professions intermédiaires (à 69 %). Cest également dans ce groupe professionnalisé quon comptabilise le plus de dirigeants ayant enseigné leur sport (62,5 %). Si, par contre, la possession de diplômes sportifs ne semble pas clairement distinguer les dirigeants bénévoles, cest dans la nature du diplôme quon observe les plus gros écarts (les titulaires de diplômes sportifs dEtat et fédéraux appartiennent à plus de 60 % au groupe professionnalisé). Ce sont aussi les dirigeants les plus récents qui déclarent en plus grand nombre avoir usé professionnellement de leur diplôme, marquant ce plus haut degré de professionnalisation déjà repéré. En outre, les dirigeants qui ont un lien amateur avec le milieu sportif sont aussi ceux qui y ont le plus fort lien familial (nous aurons loccasion de revenir sur les corrélations qui semblent émerger entre linfluence du milieu familial et/ou professionnel et la culture militante des dirigeants). Si 61 % des dirigeants amateurs ont ou ont eu des membres de leur famille qui ont pratiqué léquitation ou le tennis, cest aussi dans ce groupe quon trouve le plus de liens ascendants attestant dune probable logique de reproduction de la pratique et de lengagement. Pour ce qui est de lexpérience gestionnaire de tous ces dirigeants, ceux qui gèrent ou ont géré un établissement commercial ou ont été des salariés dentreprise évoluent surtout dans le deuxième groupe (notons quil sagit néanmoins pour lessentiel des dirigeants équestres qui ont connu une professionnalisation de leurs structures locales, passant du statut de gestionnaire dassociation à celui de gestionnaire de structure commerciale, ce qui nest pas le cas du tennis). Lâge apparaît également un critère de différenciation entre les anciens dirigeants amateurs dont lâge moyen durant leurs mandatures avoisine la soixantaine et les dirigeants actuels plus jeunes que leurs aînés de dix à vingt ans.
Pourtant, sen tenir à une explication dordre strictement culturel ne peut suffire. Les conflits entre les dirigeants viennent bien entendu de leurs perceptions en tant quamateurs ou professionnels, de leurs situations dactifs ou de retraités ou encore de leurs expériences sportives et bénévoles, mais les distinctions observées ne peuvent occulter une autre source de conflit qui est, de notre point de vue, un conflit de classes et de positions sociales. Cette étude serait en effet incomplète si nous ne considérions pas davantage les anciens présidents de ligue de nos deux fédérations. Dans le système oligarchique que ces derniers avaient constitué, ny trouvons-nous pas aussi une situation de classe ? Nétait-ce pas en réalité une « administration de notables » (pour reprendre lexpression de Loirand) qui sopposait à la prise de pouvoir des professionnels issus davantage des classes moyennes ? Nos deux études de cas nont-elles pas maintes fois souligné la résistance des collèges des présidents de ligue à lengagement politique des dirigeants du poney ou des enseignants de tennis ? Nest-ce pas parce que ces présidents de ligue, agissant dans leur fédération comme ils agissaient dans leur région, ont voulu défendre leur culture de classe et leur position dominante en opposant une longue résistance à la professionnalisation qui travaillait leur organisation et risquait de confisquer durablement le pouvoir fédéral ? Certains auteurs (cest le cas de Walter mais aussi de Chifflet, de Defrance, de Loirand ou de Bayle) nont-ils pas regretté que « linvestissement des responsabilités bénévoles dans une association sportive (soit) effectivement très inégalement réparti selon le statut social et professionnel, lâge, les antécédents sportifs, le
Tableau n° 3 : Les cultures amateur et professionnelle des dirigeants bénévoles fédéraux
CaractéristiquesEchantillon
TotalDont dirigeants bénévoles
AmateursDont dirigeants bénévoles professionnelsNombre de réponsesN = 218N1 = 102N2 = 116
Quelle est ou a été leur profession ?Chefs dentreprise
Professions libérales
Cadres de la fonction publique
Cadres dentreprise
Professions de lenseignement
Professions intermédiaires20,5 (1)
12,1
8,4
22,4
20
7,561,3
61,5
55,5
45,8
34,8
31,238,6
38,4
44,4
54,1
65,1
68,7100
100
100
100
100
100Sont-ils ou ont-ils été des pratiquants réguliers ?Oui 84,448,351,6100Sont-ils ou ont-ils été des enseignants déquitation ou de tennis ?
Oui
33
37,5
62,5
100Ont-ils ou ont-ils eu des liens de parenté dans le milieu équestre ou du tennis ?Non
Si oui :
Ascendants
Descendants
Toute la famille47,2
8,2
22,9
18,338,8
77,8
54
5061,2
22,2
46
50100
100
100
100Sont-ils ou ont-ils été des gestionnaires de structures équestres ou de tennis ?Non
Si oui :
Etablissements professionnels
Associations28,4
11,9
54,146,8
30,8
49,153,2
69,2
50,9100
100
100
Tableau n° 3 (suite)
CaractéristiquesEchantillon
TotalDont dirigeants bénévoles
AmateursDont dirigeants bénévoles professionnelsNombre de réponsesN = 218N1 = 102N2 = 116
Quel âge ont-ils durant leur(s) mandat(s) national(aux) ?30 à 39
40 à 49
50 à 59
60 à 69
70 à 797,2
28,1
33,5
26,7
3,440
39,6
44,9
60
57,160
60,4
55,1
40
42,9100
100
100
100
100Sont-ils diplômés en équitation ou en tennis ?Non
Si oui :
Brevet dEtat
Brevet fédéral61,9
12,4
13,749,6
37
3050,4
63
70100
100
100Font-ils ou ont-ils fait un usage professionnel de leur diplôme sportif ?
Oui
22,7
40,8
59,2
100100Explications : (1) Sur 218 répondants, 20,5 % sont ou ont été des chefs dentreprise. Parmi ceux-ci, 61,3 % appartiennent au groupe des dirigeants bénévoles amateurs et 38,6 % au groupe des dirigeants bénévoles professionnels.
sexe » ? Si nous ne considérons que les anciens présidents de ligue des sports équestres à cheval et de tennis en poste avant 97, nous pouvons définir les contours de cette culture bénévole qui est aussi une culture de classe dominante. Nous observons ainsi que ce groupe est composé pour un tiers de chefs dentreprise. On compte aussi un nombre important de cadres supérieurs (du privé et du public) et des professions libérales. Notons en revanche quon ne comptabilise que 8 % de professions de lenseignement. En somme, par rapport à lensemble de léchantillon, on observe une surreprésentation des chefs dentreprise et des cadres supérieurs, marquant un peu plus le caractère de notabilité de ce groupe (il sagit, il est vrai, de deux fédérations proposant des activités situées plutôt en haut de lespace des positions sociales). Près de la moitié dentre eux est à la retraite ou en passe de lêtre lorsquils se font élire à la fédération. Notons quils sont bien souvent plus âgés que lensemble de leurs collègues. Leurs trajectoires sportives sont celles de pratiquant régulier dont beaucoup (83 %) nont jamais enseigné, dont lexpérience dans leur milieu sportif est marquée par un fort engagement de responsable bénévole dans des associations locales (tableau ci-après). A partir de ces résultats, nous pouvons penser que les motivations qui ont poussé ces dirigeants à sinvestir viennent à la fois du désir de rompre avec linaction quinduit leur situation de jeunes retraités (en cela, comme le souligne Boncler, ils veulent garder une utilité sociale ou comme le relève un de nos interviewés, ils veulent rompre avec le sentiment que socialement, ils nexistent plus) et à la fois sexpliquent par les liens affectifs et notamment familiaux particulièrement forts quils ont ou avaient dans le milieu sportif considéré (ils sont près de 70 % à déclarer avoir ou avoir eu des liens de parenté avec le milieu sportif contre à peine 50 % pour lensemble de notre échantillon). Reste que les motivations peuvent venir aussi du besoin pour tous ces anciens entrepreneurs de retrouver, au sein de lorganisation sportive, la position sociale de domination quils occupaient auparavant dans la société. Nest-ce pas Weber qui écrivait que lhomme qui vit pour la politique le fait « soit parce quil trouve un moyen de jouissance dans la simple possession du pouvoir, soit parce que cette activité lui permet de trouver un équilibre interne et dexprimer sa valeur personnelle en se mettant au service dune « cause » qui donne un sens à sa vie » ? Si on peut interpréter les conflits entre les dirigeants par un décalage culturel et une inadaptation de plus en plus prononcée du modèle associatif traditionnel, lexplication en terme de luttes de classes ou de confrontations catégorielles doit aussi être retenue.
Tableau n° 4 : La culture de classe des anciens présidents de ligue fédérale
CritèresCaractéristiquesHomogénéité Nombre de réponses36*
Age moyen durant leurs mandats nationaux
Statut
PCS
Niveau scolaire30 à 39 (2,8 %)
40 à 49 (17,1 %)
50 à 59 ans (34,3 %)
60 à 69 (42,8 %)
70 à 79 (2,8 %)
- Retraités (60 ans et plus à 45,6 %)
Chefs dentreprise (30,5 %)
Professions libérales (13,9 %) 86%
Cadres fonction publique (16,6 %)
Cadres dentreprise (25 %)
Professions de lenseignement (8,3 %)
- Bac + 3 et plus (60 %)
(notabilité) ++
+Lien avec le milieu sportifSportif
Parenté
Administratif
Pédagogique
- Pratiquants (94,5 %)
- Lien (69,5 %) et ce lien est plutôt celui de toute la famille
- Gestionnaires (69,5 %) comme
dirigeants bénévoles dassociations
(66,7 %)
- Non enseignants (83,3 %)
- Non diplômés sportifs (75 %)++
++
++
++
++
++* Si les questionnés relèvent de la même caractéristique à plus de 65 %, nous considérons que lhomogénéité est très forte (++). Si les questionnés sont entre 50 et 65 % à avoir la même caractéristique, lhomogénéité est dite forte (+).
Lorsque la professionnalisation va sétendre à lensemble du monde fédéral déjà perturbé par une fuite importante des licenciés et la montée des pratiques sportives hors institution, on va voir sopposer de plus en plus ouvertement le pouvoir oligarchique des présidents de ligue issus des classes sociales traditionnellement dominantes et le pouvoir montant des enseignants professionnels appartenant pour la plupart aux classes moyennes. Pour Gaxie, lapproche weberienne de la politique (au sens de la recherche du pouvoir) est à rapprocher de celle de Michels dans sa perception de loligarchie et permet de déceler dans la position des dirigeants « les moyens de domination politique par et pour leur groupe dirigeant ». Cela peut concerner dans notre cas autant les anciens dirigeants saccrochant au pouvoir que les nouveaux qui sinstallent aux postes de direction. Tout cela revient à dire que le champ associatif sportif, comme les autres champs sociaux, nest rien dautre quun espace reproduisant la hiérarchie des positions sociales et organisant les rapports de pouvoir et de domination entre les classes et les groupes sociaux.
2. Vers une professionnalisation du projet fédéral
Sinspirant des travaux de Bourdieu, Walter étudie les logiques de lengagement bénévole dans les associations. Elle établit une « homologie structurale » entre la trajectoire sociale du bénévole (PCS, position sociale, capital sportif) et la logique quil donne à son engagement bénévole. Elle veut montrer quil existe un lien de causalité entre lhistoire de vie du bénévole (sa trajectoire) et la logique de son engagement (ce que Bourdieu appelle l« illusio »). Nous pouvons prolonger lanalyse de Walter à propos des illusio bénévoles, en montrant quil existe aussi un lien de causalité entre les cultures identitaires des dirigeants bénévoles et les orientations politiques (le projet) quils donnent à leur fédération. Si les dirigeants bénévoles sentendent pour attribuer à lorganisation fédérale la mission de servir ses pratiquants en leur proposant des actions de formation ou déducation, il apparaît que ce qui différencie nos deux groupes, cest à la fois la définition sociale du mot « pratiquant » et à la fois la finalité sportive. Le pratiquant est perçu dans une dimension qui est plus ou moins restrictive selon le cas. Pour les dirigeants bénévoles amateurs, il sagit des licenciés, pour les autres, il sagit de lensemble du public pratiquant (licenciés inclus). En effet, si les dirigeants choisissent parmi les quatre missions quils jugent les plus prioritaires pour leur fédération, celle de répondre à la demande des licenciés (ils sont près de 50 % dans le groupe des bénévoles amateurs et près de 55 % dans celui des bénévoles professionnalisés), la prise en compte du public pratiquant est surtout le fait des dirigeants actuels qui choisissent cette mission à près de 50 % (contre seulement 22 % pour les autres dirigeants). Pour ce qui est des finalités, le sport de haut niveau est une mission très prisée par le groupe des anciens dirigeants mais beaucoup moins par le groupe plus récent (respectivement 52 et 35 %). Remarquons aussi que ce dernier groupe composé de techniciens et de pédagogues accorde une attention particulière à la finalité éducative (on peut imaginer que les enseignants diplômés dEtat et les fonctionnaires de lEducation nationale sont particulièrement sensibles aux valeurs éducatives du sport quils encadrent). Cela est beaucoup moins vrai pour les anciens dirigeants qui optent davantage pour la formation, un thème probablement plus conforme à la logique associative dont la finalité est lamélioration de la technique et de la performance. On peut, à la vue de ces quelques observations, se risquer à quelques rapprochements avec les systèmes de formation liés aux situations professionnelles identifiés par Collardin et Lantier. Pour Chifflet, le système de formation fédéral tend encore trop à rester dans un rapport simple homme/technique ne prenant en compte quune relation enseignant/élève dans un cadre de spécialisation. Les savoirs apportés tendent à ignorer les situations changeantes et entrent dans « une référence-modèle immédiatement transmissible à des élèves ». Il sagit alors dacquérir des savoirs immédiatement réinvestissables dans les situations professionnelles données. Face à cette vision techniciste du système éducatif fédéral présente chez ceux qui privilégient la formation sportive comme finalité éducative, on peut percevoir dans une perception plus large de léducation par le sport, le rapprochement avec le rapport homme/environnement. Dans ce cas, les contenus de formation incitent le stagiaire à innover et adapter son enseignement à la variété du public en dépassant « une conception positiviste des relations entre la formation et ses applications professionnelles ». La prise en compte dun environnement instable est facilitée par lacquisition préalable de connaissances devant être nécessairement transférables et transversales dans une variété de situations. En ce sens, on est tenté non seulement de rapprocher le groupe des dirigeants amateurs de la relation homme/technique et le groupe professionnalisé de la relation homme/environnement mais aussi de penser que lévolution des contenus pédagogiques et des programmes de formation a pu être à certaines occasions le lieu de fortes tensions entre les tenants de tel ou tel système de formation. Enfin, il reste un point quil nous faut souligner, cest celui relatif à la défense de léthique. Cette caractéristique napparaît pratiquement pas chez le groupe des dirigeants professionnalisés, alors que cest le contraire chez les anciens dirigeants qui y voient une mission importante que doit remplir leur fédération (respectivement 11 et 28 %). Il est intéressant de constater que la défense de léthique revendiquée par certains ne saccompagne nullement de la défense de la tradition, comme si cette dernière avait une connotation péjorative, comme si elle stigmatisait à elle seule toute la difficulté quéprouvait le mouvement sportif à trouver sa place dans la société actuelle. Ainsi, en privilégiant la finalité compétitive et élitiste caractéristique du sport de haut niveau et en voulant défendre léthique du sport (leur propre définition de léthique du sport) dont ils voudraient que la fédération soit garante, les anciens dirigeants se représentent leurs missions et leurs rôles conformément à leur ethos bénévole (ou la forme intériorisée et plus ou moins consciente de la morale et de léthique du groupe auquel ils appartiennent) inscrit dans la logique associative la plus classique. Leur vision du monde sportif va se confronter à celle du dirigeant en cours de professionnalisation et dont la perception des missions que doit remplir sa fédération est celle du technicien, du pédagogue soumis à une déontologie professionnelle en intégrant le modèle managérial dans un sport qui ne peut rester à ses yeux totalement associatif. Suaud écrit que la monopolisation du pouvoir par un groupe social dirigeant permet à ce dernier dimposer ses propres valeurs et formes de pratiques conformément à son ethos de classe. Cet ethos est dans notre cas, soit celui du bénévole pratiquant amateur qui longtemps a monopolisé le pouvoir et imposé une conception très coubertinienne et moraliste des sports, soit celui du bénévole enseignant professionnel légitimé par un contexte de forte marchandisation et consommation des loisirs sportifs quil ne désavoue pas. Dans le radar présenté ci-après, on constate en quelque sorte le rapprochement des dirigeants actuels de la logique dentreprise ou tout au moins leur éloignement des valeurs propres à la logique associative (celles dun sport éthique, dun sport associatif réservé aux seuls licenciés, dun sport à finalité compétitive). Cela étant, ce rapprochement vers le modèle économique reste modéré, voire contenu, comme le montre le rejet quasi-systématique observé chez tous nos répondants de la dimension spectaculaire du sport. Même sils reconnaissent lintérêt de sa médiatisation, ils rejettent son corollaire, cest-à-dire sa spectacularisation jugée sans doute trop incontrôlable parce quelle fait la part belle aux marchands du sport. Quant à la logique publique du sport, elle est surtout perçue par les fonctionnaires et témoigne encore aujourdhui de la forte influence des pouvoirs publics dans ce secteur. Comme nous avons tenté de le montrer dans nos études de cas, chaque groupe dintérêt définit ses stratégies et développe sa politique selon sa propre perception des finalités de lorganisation et des moyens pour y parvenir. Le fait que les dirigeants actuels soient plus portés sur la dimension économique du public pratiquant identifié à une clientèle à fidéliser, le fait encore de leur moindre préoccupation pour la défense de léthique sportive (ce qui est loin, à notre sens, de signifier la perte de valeurs, simplement ces valeurs sont différentes) montrent que lentrepreneurisation de lorganisation fédérale est en cours. Le projet fédéral tend à intégrer les valeurs de la professionnalisation en séloignant de celles plus idéalistes et moralistes qui sont au fondement des sports modernes. Au fond, la professionnalisation du sport ne fait que suivre celle de la société, plus technicienne, plus rationnelle, plus individualiste et ce nest pas la vacuité des murs dénoncée par certains quil faut retenir mais davantage le changement des repères que le champ sportif subit au même rang que lensemble de notre société et dont il nen est que lexpression. On le voit bien, la professionnalisation du sport est un sujet qui pose problème depuis longtemps et en filigrane, ce sont les cultures bénévoles qui sen trouvent transformées à une époque de forte dilution des configurations identitaires traditionnelles, à une époque aussi où lindividualisme et léconomie prennent une place prédominante dans la société. Finalement, la montée inéluctable et irréversible de la
Figure n° 10 : Le projet politique et les logiques institutionnelles
Commentaires : Dans le radar présenté ci-dessus, on constate en quelque sorte le rapprochement des dirigeants actuels de la logique dentreprise (prise en compte du public pratiquant consommateur) ou tout au moins leur éloignement des valeurs propres à la logique associative (celles dun sport éthique, dun sport associatif réservé aux licenciés, dun sport à finalité compétitive).
professionnalisation que lon constate aujourdhui dans les organisations sportives fédérales nest-elle pas liée à la montée des individualismes tant décriée dans nos sociétés modernes ? Cette question, nous proposons de la poser au terme de cette étude car sil est attesté que lindividualisation est un des phénomènes marquants de nos sociétés modernes, sil semble bien que ce fait concerne désormais le monde associatif en cours de professionnalisation, cela ninduit-il pas aussi lémergence de formes nouvelles dengagement militant ?
Chapitre 3. Le « désenchantement » du militantisme associatif
Constatant « le désenchantement du monde », Weber voit dans la société du début du siècle une évolution vers une rationalisation croissante des actions sociales amenant lindividu à prendre en main sa propre existence (qui ne relève plus dune détermination transcendantale, religieuse ou métaphysique) et à prendre des décisions de plus en plus individualistes par « le pur jeu des intérêts ». Cest en partie pour atténuer ce « désenchantement du monde qui se traduit par la perte du sens dans lequel les hommes étaient immergés » que de nombreux sociologues tentent dexpliquer la naissance du phénomène associatif. Pourtant, même si lutilité sociale de lassociation est aujourdhui réaffirmée avec force, cela nocculte pas le constat actuel dun certain essoufflement de la participation bénévole traditionnelle. Pour ceux qui sont imprégnés de cette « culture du lien social » et dun militantisme bâti sur un imaginaire collectif et un idéal à construire, lassociation parvient difficilement à sadapter à un environnement de crise sociale et connaît des difficultés à trouver sa place face « aux perturbations induites par les modifications extérieures ». Pourtant, malgré les discours ambiants, les études récentes ne démontrent pas une baisse du bénévolat ni de lactivité associative, bien au contraire. En revanche, il est intéressant de rapporter lenquête du CREDOC de 1999 qui conclut que si lassociation a toujours une bonne image dans le public, les valeurs sociales attribuées au bénévolat associatif tendent à évoluer. En effet, cette étude révèle que huit français sur dix se disent concernés par la vie associative dont ils ont une bonne image. Ils sont aussi nombreux à considérer que lassociation est une idée davenir. Pour eux, lassociation constitue un élément important de la démocratie et les mots quils y associent (à plus de 85 %) sont ceux de bénévole, de solidarité, de temps libre. Il faut toutefois noter que lidée de professionnalisme dans lassociation est avancée par quand même 52 % des répondants et quun français sur trois considère que les responsables dassociations ont trop de pouvoir. Notons surtout quune majorité de français déclare également qu« association » ne rime pas nécessairement avec « militantisme ». A travers cette étude, il apparaît que les représentations de lassociation et du bénévolat se sont quelque peu brouillées avec le temps et quelles ne sont plus systématiquement associées à celles du militantisme et du désintéressement. Alors, si le bénévolat se porte bien, ne serait-ce pas davantage dans ses modes dexpression quil faudrait y déceler une transformation profonde liée à la montée des individualismes ? Cest ce que pense Ion écrivant que « le processus dindividuation caractéristique des sociétés démocratiques nimplique pas forcément une diminution du militantisme mais plutôt une transformation des modes dengagement des individus ». Cest ce que nous pensons percevoir, pour notre part, à travers la professionnalisation des bénévoles qui exprimerait une des formes dindividualisation repérée dans lassociation sportive comme ailleurs.
1. Professionnalisation et individualisme, vers une nouvelle culture militante ?
Les enquêtes se multiplient depuis quelques années tendant à démontrer que lindividualisation du milieu associatif est une tendance qui se confirme désormais. Une enquête de lINSEE de 1997 relève ainsi une tendance forte vers lévolution de la participation associative centrée sur laccomplissement individuel. Constatant quentre 1983 et 1997, il ny a pas de recul de la participation des individus dans les associations, lauteur constate néanmoins que ce sont les associations sportives et culturelles qui profiteraient de lévolution des individualismes au détriment des associations de défense des intérêts communs. Si entre 1983 et 1997, le taux dadhésion dans les clubs sportifs est passé de 14 à 18 %, celui dans les syndicats et groupements professionnels a chuté pour la même période de 14 à 8 %. Daprès lauteur, il faut voir dans ce phénomène « la marque dun monde associatif davantage tourné vers laccomplissement individuel et réclamant, par conséquent, une plus grande implication personnelle ». Pour Mayer et Perrineau, la chute de lengagement partisan traditionnel est aussi la conséquence dune représentation de plus en plus négative des projets portés par les grandes organisations. Les citoyens « sémancipent peu à peu des élites ou des groupes de référence qui jadis les guidaient ». Ils veulent désormais contrôler eux-mêmes les modalités de leur engagement. Une autre étude conduite en 1998 parvient à la même conclusion, à savoir que lengagement des bénévoles est motivé par lépanouissement personnel que leur procure lactivité. Pour les auteurs de cette enquête, ce sont les signes de la montée dune citoyenneté à tendance hédoniste plutôt quune citoyenneté traditionnellement tournée vers le devoir. Dubar montre, pour sa part, que la chute du militantisme religieux, politique et associatif quil constate depuis les années 70 ne fait que précéder une forme nouvelle de participation. Constatant que la configuration militante des trente glorieuses a perdu aujourdhui de son intensité, cet auteur note que le nouveau militantisme apparaît plus limité dans le temps, plus spécialisé et surtout plus pratique et distancié. Pour lui, « de nouvelles formes dengagement et de « participation sociale » semblent être à luvre ou, du moins, en gestation ». Ces formes nouvelles se distingueraient des formes plus anciennes par le fait quelles sexprimeraient davantage par « des mobilisations locales, circonstanciées, souvent liées à des engagements conditionnels et provisoires ». Cest aussi ce quexplique Ion qui a beaucoup travaillé dans ce domaine. Pour lui, lengagement collectif et anonyme cèderait la place à des interventions plus personnelles, à des implications plus ponctuelles. A la vision dun militantisme comme expression dun mouvement collectif organisé, il faut privilégier dorénavant la vision dun engagement au service dintérêts personnels. En employant lexpression « du timbre au post-it », lauteur veut souligner que ladhésion aujourdhui est beaucoup plus ponctuelle et répond davantage à des intérêts individuels concrets et à court terme. Cest aussi ce que perçoit Ferrand-Bechmann, qui écrit « un type de bénévolat voit ainsi le jour, bénévolat où lon ne veut ni entretenir une relation qui engage, ni sen tenir à un travail qui reste désincarné. On ne veut plus (
) dun modèle trop militant et abstrait ».
A travers ces constats et les conclusions avancées par les auteurs précédemment cités, que pouvons-nous en conclure dans notre cas ? On entend régulièrement les dirigeants se plaindre du manque de bénévoles, de lexcès dindividualisme qui fait que les gens se comportent comme des consommateurs et sinvestissent de moins en moins dans les associations ou trop spontanément. Certains voient dans cette « crise du militantisme » les conséquences de la crise sociale et du repli sur soi, dautres que « léthique du bénévolat sestompe ». Que faut-il en penser ? Doit-on conclure pour autant quavec la professionnalisation et laffirmation des individualismes dans le monde associatif, cest la fin annoncée des bénévoles et des grands projets militants ? Nous pouvons supposer que le militantisme de nos dirigeants bénévoles fédéraux, en raison notamment de la très forte professionnalisation quil connaît, est en passe de se transformer et de fortement sindividualiser. A travers les entretiens que nous avons eus, il apparaît que si les avis sont partagés sur lévolution que prend le sport fédéral, il semble néanmoins quune certaine prise de conscience se fasse de la part des dirigeants bénévoles. Dun côté, on trouve les bénévoles qui regrettent une époque passée où le sport avait à leurs yeux un visage plus humain. Cest le cas de cet ancien dirigeant bénévole de tennis qui regrette le temps où le tennis, « cétait vraiment une famille, une famille du sport. Ce nétait ni une PME, ni une grande société au sens propre du terme, cétait vraiment la famille du tennis. On se connaissait tous ». On retrouve une même nostalgie chez cet ancien président de ligue commentant lindividualisme dans son sport : « Nous, y avait quand même encore un nom, un homme, un être humain alors que maintenant on devient presque un numéro sur une machine ». Cest encore cet autre bénévole désabusé qui condamne sévèrement le développement du tennis qui ne correspond plus à lidéal que lui et une partie des anciens dirigeants se font du sport parce quil « a donné des appétits à dautres catégories de dirigeants » dont le but est « de se servir plus que de servir le tennis ». De lautre côté, on trouve le bénévole qui reconnaît que la professionnalisation est une suite logique et que cela nécessite que les bénévoles agissent comme des chefs dentreprise. Ce réalisme du discours militant peut se percevoir dans les propos de certains de nos interviewés comme chez cet ancien président de ligue pour qui « les associations vont perdre progressivement de leur poids parce que cest un vrai métier quil faut faire ». Mettant en avant la professionnalisation des dirigeants, il associe le président de ligue à un chef dentreprise qui, sil gère mal sa société, « il se casse la gueule comme une entreprise ». Cest aussi ce rapprochement que fait le président de la fédération de tennis dans la presse lorsquil assimile le président dune fédération à un véritable chef dentreprise associative. Pour un autre dirigeant de ligue pourtant fervent défenseur du modèle fédéral, « il y a une vraie réflexion quand même à mener sur les adaptations nécessaires ». Dans le cadre des entretiens complémentaires que nous avons souhaité conduire sur le thème spécifique de lévolution du militantisme, nous avons interviewé un acteur du sport ayant eu une très forte implication à la fois comme sportif de haut niveau, comme dirigeant fédéral et au sein du ministère des sports. Pour notre interlocuteur, la professionnalisation des bénévoles est une « situation nouvelle (qui) va nécessiter des rééquilibrages, des nouvelles logiques avec les permanents ». Pour lui, cette élévation de compétence et de technicité des dirigeants nest pas condamnable à condition que cette « recherche dexcellence (
) prépare des hommes de prospective et dorientation ». Les fédérations, rajoute-t-il, ont surtout besoin dhommes « qui aient la capacité, en tout cas aujourdhui, dexporter leur sport, cest-à-dire de le faire comprendre, de le faire connaître, être présents auprès des décideurs dans différents domaines ». A la question que nous lui posions à propos de lévolution des formes dengagement des dirigeants bénévoles, ce dernier reconnaît quavant « il y avait une capacité des dirigeants français (
) à sextraire de leur fédération pour porter les dossiers communs au sport ». Il constate quaujourdhui, les fédérations tendent à se replier sur elles-mêmes et à défendre leur propre intérêt et leur pré carré plutôt que de se battre pour « des intérêts supérieurs ». En somme, il voit dans lévolution actuelle « un appauvrissement de linvestissement des dirigeants sur lensemble du sujet sportif » et, face à la montée des individualismes, il constate que « le dirigeant associatif traditionnel qui sinvestit toute lannée, tous les week-ends, tous les jours pour faire fonctionner son association aurait tendance à disparaître au profit dun militantisme associatif plus ponctuel ». Mais ce phénomène, précise-t-il, touche lensemble de la société. Si le bénévolat, conclut notre interlocuteur, « a encore de lavenir », cest bien de cet avenir dont il est question dans notre étude lorsquon constate que lengagement aujourdhui est tout autant le fait du bénévole amateur que du professionnel qui accepte de prendre des responsabilités et de militer bénévolement pour son sport en dehors de son temps de travail.
Cela revient à voir, dans le processus de professionnalisation des dirigeants bénévoles, la mise en place dun engagement aujourdhui plus individualiste et aussi plus réaliste dans la mesure où désormais « cest lindividu qui établit lui-même la cohérence de ses diverses participations ». Cest laffirmation de ce que Ehrenberg dénomme le « gouvernement de soi » où chaque individu est le meilleur expert de sa propre existence quil se doit de prendre en charge lui-même. Pour cet auteur, il est faux de croire que la société est devenue passive et que les gens se désintéressent des sujets de société, « cest seulement laction et ses référents qui ont changé ». Comme Ehrenberg et Sue, nous pensons que le soi-disant désintéressement social voire la passivité des individus ne sont que des idées reçues. Le militantisme collectif a baissé en même temps que « le degré dimplication individuel dans lassociation a augmenté ». Cela veut dire quil ne faut pas conclure trop hâtivement à la fin des bénévoles ou des militants et quil est plus judicieux de rechercher, parmi les symptômes de lindividualisme moderne, les formes nouvelles dengagement présentant des niveaux de compétence plus élevés et en même temps des préoccupations plus concrètes, plus utilitaires et moins portées sur la défense des grands idéaux de société.
2. Entre idéalisme et pragmatisme, un militantisme plus professionnel
Il apparaît bien aujourdhui que le militantisme associatif nest plus un critère exclusif réservé à lamateur bénévole. Ce constat est aussi celui des auteurs dune enquête menée en 1998/1999 dans le cadre du CEREQ. Cette étude portant sur les associations intermédiaires montre que le militant se recrute aussi parmi les salariés qui sont retenus pour leur « fibre sociale ». Dans ce cadre, précisent les auteurs, une « dichotomie » entre professionnalisme et militantisme na pas de sens puisque les modalités de recrutement illustrent « une forme de professionnalité particulière, fondée sur lengagement militant » . Cela ne veut pas dire que le militant ne se recrute plus parmi les bénévoles amateurs, mais cela signifie que le militantisme désormais est aussi laffaire des professionnels qui sinvestissent et entendent défendre leur passion en même temps que leur profession. De ce fait, la baisse supposée du militantisme des bénévoles nexclut pas quelle soit compensée en partie par un plus fort engagement militant des professionnels (ce qui peut expliquer cette professionnalisation du projet social soulignée par Boulte). Cest, de notre point de vue, ce qui se réalise dans nos deux fédérations sportives où, de plus en plus, le militantisme devient celui des professionnels. Dorénavant, on observe que dans une gestion devenue moins familiale, les acteurs fédéraux, issus jusque là du vivier où ils avaient fait « leurs classes » et étaient passés par « le moule de la militance », sont aujourdhui de plus en plus des professionnels recrutés pour leurs compétences et leurs spécialisations. Il sensuit que les formes nouvelles de militantisme bénévole sont plus le fait de linfluence du contexte professionnel que du contexte familial et ludique. Pour illustrer ce point et souligner cette évolution qui sest opérée du militantisme amateur influencé par le contexte familial vers le militantisme plus individualiste influencé par le contexte professionnel, nous pouvons croiser le capital familial (ou les liens de parenté que possèdent les bénévoles dans le champ sportif considéré et qui sont susceptibles de motiver leur engagement) et le capital professionnel (il sagit dans ce cas dévaluer le niveau de professionnalisation à travers la possession de diplômes sportifs). Dans ce que nous pouvons dénommer un « espace des positions militantes » tel que présenté dans la figure ci-dessous, on observe très distinctement une opposition entre ces deux volumes de capitaux. Ceux qui possèdent un capital familial important dans le champ sportif considéré (cest-à-dire ceux dont les ascendants, les descendants ou les conjoints pratiquent ou ont pratiqué le même sport queux) ont à lopposé un capital professionnel faible et ne possèdent au mieux que des diplômes fédéraux dinitiateurs, darbitres ou de juges. Ce phénomène accepte très bien la réciprocité démontrant de ce fait deux formes opposées de militantisme. En quelque sorte, dans lévolution professionnelle que nous nous sommes employé à démontrer, on passe de la configuration militante de la première génération, cest-à-dire celle influencée par le contexte familial, voire même qui se reproduit par filiation, à la configuration militante de la seconde génération beaucoup plus individualisée parce quelle émane dune initiative influencée par le contexte professionnel ; dans la première situation, on retrouve essentiellement des bénévoles amateurs (présidents de ligue, dirigeants du tennis avant 97, professions libérales, gestionnaires associatifs, etc.) alors que dans la seconde situation, on retrouve les dirigeants bénévoles professionnalisés (dirigeants du poney, du tourisme équestre, enseignants et directeurs de structures sportives commerciales). Cela nous conduit à dire avec Sue que dorénavant « on est plus proche dun investissement de type professionnel fondé sur laction et la compétence ». Au fond, la chute du militantisme classique nexclut pas que lengagement associatif (ce « capital personnel » dont parle Montlibert) sexprime sous des formes différentes à la fois plus professionnelles et relevant (pour reprendre lexpression de Ion) dun « idéalisme plus pragmatique ».
Conclusion
La professionnalisation des dirigeants bénévoles fédéraux souligne lémergence de nouvelles formes de militantisme. Lorsque Boulte écrit qu« il ny a plus synonymie entre bénévoles et militants », lorsque Ferrand-Bechmann affirme que « la proximité entre militants et bénévoles est certaine et en même temps niée car le militant a un projet sur le monde que na pas toujours le bénévole », ces auteurs veulent signifier que le militant se retrouve autant chez le bénévole que chez le professionnel. Ce projet politique, cette attitude contestataire, cette immersion dans une logique de lutte et de conflit dont parle Ferrand-Bechamnn pour caractériser le militant ne sont pas nécessairement lexclusivité du bénévole qui peut simplement vouloir donner un peu de son temps. Pour cet auteur, « le militantisme est une option politique, particulière du bénévolat », et à ce titre, doit être
Figure n° 11 : Lespace des positions militantes des dirigeants bénévoles fédéraux
(en fonction du capital familial et professionnel)
Commentaires : Cette figure montre une opposition entre la capital familial (liens de parenté) et le capital professionnel (diplômes sportifs) possédés par les dirigeants bénévoles. A capital familial fort correspond un capital professionnel faible et réciproquement.
distingué du statut spécifique de lindividu dans lorganisation. Les propos, que nous rapportons ci-après concernant lhumanitaire, valent pour le secteur associatif sportif et témoignent, sil en était encore besoin, de la généralisation du processus de professionnalisation des militants. « Lhumanitaire a évolué, il est devenu progressivement un métier où le bénévolat a trouvé ses limites. (
) lhumanitaire aujourdhui sest forgé une image certes moins aventurière mais plus pragmatique, plus professionnelle et où la dimension éthique demeure très forte ». Dans nos deux études de cas, cest en quelque sorte le constat dun militantisme où la déontologie professionnelle remplace progressivement léthique sportive, où ladhésion au projet organisationnel est aujourdhui prisée par les professionnels qui, tout en gardant à lesprit des objectifs politiques à long terme pour leur fédération, intègrent la dimension moderne à la fois économique et marchande du gestionnaire pour développer leur sport.
Conclusion : Association et bénévolat, quel avenir ?
Au-delà de cette étude qui a été avant tout une réflexion sur la professionnalisation dans le milieu sportif fédéral, cest le débat sur lavenir du modèle associatif et du bénévolat qui est posé et ce débat ne peut occulter le constat quentre logique associative et logique dentreprise, des convergences aujourdhui sopèrent. Dans les organisations sportives fédérales, nous avons vu que le rapprochement de ces deux logiques se traduisait en quelque sorte par le passage de lassociation idéologique et communautaire à lassociation bureaucratique et professionnelle. En toile de fond, cest la remise en cause, comme le rappelle Laville, des fondements traditionnels de laction collective dans les associations et des projets militants quil convient désormais de gérer. Quels projets organisationnels faut-il construire pour sortir du débat passionnel entre tradition et modernité et faire en sorte de concilier le mode de fonctionnement associatif avec les impératifs de la gestion managériale ? Lorsque Reynaud écrit que « le projet dentreprise est un problème, ce nest pas une solution », il veut souligner ce que Crozier et Friedberg avaient fait avant lui, à savoir quil nexiste pas un projet commun ou une unicité de projet organisationnel partagé par tous (en réalité, ce projet dit commun est avant tout celui des détenteurs du pouvoir et peut être contesté par dautres prétendants porteurs de projets différents). Donc, plutôt que de définir un projet commun pour les organisations sportives fédérales, il sagit davantage de poser les bases dun compromis susceptible de contenter tous les acteurs de lassociation et susceptible aussi de transcender les intérêts particuliers pour servir au final lintérêt de lorganisation et la cause quelle défend. Hors de toute hypocrisie, ce compromis doit être une combinaison entre le modèle associatif et le modèle dentreprise. Cest ce que propose Sainsaulieu en fondant la notion dentreprise à but social qui concilie un mode de gestion entrepreneurial mais en préservant la finalité sociale du mouvement associatif. Pour cet auteur, attribuer à lassociation un intérêt social, cest lui reconnaître une utilité en lui permettant de répondre à des besoins non pris en compte ni par lEtat, ni par le marché économique. Comme lexprime également Chifflet, à coté de la gestion associative, cest « la gestion professionnelle de la fédération-entreprise » qui saffirme de plus en plus dans un espace fortement concurrentiel. LEtat, en reconnaissant une mission de service public aux fédérations sportives, a depuis bien longtemps cherché à distinguer les activités associatives dites dintérêt général et les activités commerciales gérées le plus souvent par des ligues professionnelles. Il a aussi imaginé deux modes de fonctionnement fédéral. A coté de la forme classique, il a proposé aux fédérations sportives qui le souhaitent dorganiser leurs statuts sous la forme dun directoire assorti dun conseil de surveillance, selon un mode de fonctionnement très proche de celui de lentreprise. Bien que cette possibilité offerte aux fédérations ait « lavantage, par une simple adaptation des statuts, de permettre une rémunération de certains dirigeants sans remettre en cause le caractère désintéressé de la gestion de lassociation », il est à noter que très peu de fédérations à ce jour ont adopté ce système de fonctionnement. Le peu dempressement des dirigeants fédéraux montre à quel point ces derniers sont encore réticents à adopter un fonctionnement plus entrepreneurial. Cette entrepreneurisation des organisations fédérales, où leur pénétration par les techniques managériales utilisées dans les organisations commerciales, nécessite pourtant de trouver un équilibre entre culture associative et culture dentreprise. Sil ne fait plus de doute que le rapprochement entre la logique associative et la logique entrepreneuriale est réel aujourdhui, il est essentiel douvrir le débat sur lavenir du statut associatif et cela nécessite que lon sorte de lopposition réductrice entre lassociation et lentreprise, entre le bénévole et le salarié, entre lamateur et le professionnel. Comme le rappelle Sue, revoir le statut de lassociation ne suffit pas, il faut aussi repenser le bénévolat dont nous avons vu que la configuration est en train de changer. Cette mutation se fait bien souvent au prix de conflits longs et coûteux. Ces conflits éclatent parce que les groupes dacteurs sopposent dans leurs cultures, leurs valeurs, leurs croyances, parce que ces groupes sont porteurs didentités distinctes et parfois antagonistes. Lémergence dune logique dentreprise dans le monde associatif, rejetée par certains au nom de léthique et de la moralité, revendiquée par dautres au nom du principe de réalité, contribue à perturber durablement les cultures identitaires bénévoles et préfigure ce « désenchantement » dun monde associatif qui se veut être pourtant un rempart contre la montée des individualismes propres à nos sociétés modernes de consommation. Ne pouvant sentendre, ne pouvant composer ensemble, les acteurs associatifs connaissent des périodes de crise. Le croisement de leurs trajectoires identitaires individuelles et collectives devient source de conflit. Si le constat dune montée en puissance des professionnels semble attesté en tout cas dans les grandes associations, pouvons-nous affirmer pour autant que cest la fin annoncée des bénévoles ou pour le moins la fin dune certaine forme de bénévolat, celle des amateurs ? Cette professionnalisation des dirigeants bénévoles, marquant le passage dune situation damateur à celle de professionnel, est, de notre point de vue, nécessaire et inéluctable dans les grandes organisations parce quelle est une réponse contingente à la bureaucratisation associative et à sa rationalisation qui exigent des niveaux de spécialisation bien plus élevés aujourdhui à poste équivalent. Mais, en même temps, il convient dêtre vigilant sur les risques dune confusion dintérêts entre la finalité associative et la finalité économique. Nous avons vu que pour les fédérations déquitation et de tennis, il y avait un phénomène similaire de professionnalisation des dirigeants bénévoles (au sens où nous lavons défini, cest-à-dire une implication technique et professionnelle plus forte dans le champ sportif concerné). Si, pourtant, il sagit, dans ces deux cas, de mesures dadaptation indispensables pour répondre à un environnement plus concurrentiel et plus sensible au marché de la consommation de masse, nous pensons néanmoins que ces dirigeants bénévoles, même plus professionnels, doivent être en mesure de préserver lutilité sociale de lassociation contre toute dérive commerciale. Cela revient à dire quil faut que cette professionnalisation soit contrôlée (par un cadre juridique ?) pour que le bénévolat, même sous une forme plus professionnelle, reste la valeur fondatrice donnant du sens au modèle fédéral associatif. A défaut de quoi, les risques sont réels de voir les bénévoles disparaître et avec eux les fédérations sportives et lutilité sociale quelles représentent.
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AG (Assemblée générale)
ANET (Association Nationale des Initiateurs de Tennis)
ANTE (Association Nationale du Tourisme Equestre)
ATP (Association of tennis Professionnel)
BE (Brevet dEtat 1er degré, 2ème degré et 3ème degré)
BF (Brevet fédéral)
CCLT (Commission Centrale du Lawn Tennis)
CD (Comité directeur)
CFE (Club France Equitation)
CFEPT (Club Fédéral des Enseignants Professionnels de Tennis)
CNEAPS (Conseil National de lEnseignement des Activités Physiques et Sportives)
CNS (Comité National des Sports)
CNTE (Comité National du Tourisme Equestre)
COF (Comité Olympique Français)
DDJS (Direction Régionale de la Jeunesse et des Sports)
DNEP (Délégation Nationale de lEquitation sur Poney)
DNSE (Délégation Nationale des Sports Equestres)
DNTE (Délégation Nationale du Tourisme Equestre)
DRJS (Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports)
DTN (Direction Technique Nationale)
FEI (Fédération Equestre Internationale)
FFE (Fédération Française dEquitation) anciennement dénommée
FNSE (Fédération Nationale des Sports Equestres) et FFSE (Fédération Française des Sports Equestres) et aussi FEF (Fédération Equestre Française)
FFT (Fédération Française de Tennis) anciennement dénommée CCLT (Commission Consultative de Lawn Tennis) et FFLT (Fédération Française de Lawn Tennis)
FGSPF (Fédération Gymnastique et Sportive des Patronages de France)
FIFAS (Fédération des Industries et Fabricants dArticles de Sports)
FIT ou ITF (Fédération Internationale de Tennis)
FITE (Fédération Internationale du Tourisme Equestre)
FNEPT (Fédération Nationale des Enseignants Professionnels de Tennis)
GHN (Groupement Hippique National)
GICE (Gestion Informatisée des Compétitions Equestres)
MJS (Ministère de la Jeunesse et des Sports)
MS (Ministère des Sports)
OBNL (Organisation à But Non Lucratif)
PCF (Poney Club de France)
RAP (Rassemblement des Amateurs de Poneys)
RCF (Racing Club de France)
SCG (Société du Cheval de Guerre)
SHF (Société Hippique Française)
SNBET (Syndicat National des Brevetés dEtat de Tennis)
UGSEL (Union Générale et Sportive de lEnseignement Libre)
USEM (Union des Sociétés dEquitation Militaire)
USFSA (Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques)
USGF (Union des Sociétés de Gymnastiques Françaises)
UVF (Union Vélocipédique de France)
Table des matières
Sommaire
.
Introduction
...
Première partie
Sociologie des organisations sportives : Etat de la Question
Chapitre 1. Pouvoir et politique dans les organisations sportives
.
1. Lapproche par lorganisation
2. Lapproche par lacteur
..
Chapitre 2. De lamateur au professionnel, un bénévolat fédéral en mutation
.
1. Un pouvoir bénévole monopolistique mais pas monolithique
..
2. Entre amateur et professionnel, un pouvoir bénévole convoité
3. Problématique et hypothèses sur la professionnalisation des dirigeants bénévoles
4. Le cadre méthodologique de létude, de lentretien au question-naire
Chapitre 3. Essai de détermination dun modèle de cycle de vie des organisations sportives fédérales
1. Une configuration organisationnelle fédérale type
.
2. Lassociation sportive idéologique au commencement des sports modernes
.
3. De lidéologie communautaire à la bureaucratie fédérale
..
4. De la bureaucratie associative à la bureaucratie professionnelle
5. Vers un nouvel ordre sportif fédéral ?
..
Deuxième partie
Etude de la Fédération Française dEquitation
Chapitre 1. Lhistoire politique et institutionnelle de la fédération déquitation
.
1. Les premières institutions du monde de léquitation, de luvre missionnaire à la centralisation fédérale
.
1.1. La Fédération équestre et laffirmation dune équitation sportive
..
1.2. Le mouvement tourisme et la revendication dune équitation nature
..
1.3. Le mouvement poney et la revendication dune équitation loisir
1.4. Cheval, poney et tourisme, des conceptions différentes de léquitation
.
2. Lhistoire politique mouvementée dune confédération : La FFE entre bureaucratie associative et professionnelle
2.1. La FFE, « un mariage de raison plus quun mariage damour »
2.2. Les dirigeants de la confédération dans des luttes de pouvoir
2.3. Entre tradition et modernité, vers lunification fédérale
.
3. La FFE, une confédération de courants équestres quasi-autonomes
..
3.1. Un pouvoir politique et financier contrôlé par les dirigeants du cheval
..
3.2. La montée en puissance du courant poney
..
4. Les institutions équestres et le poids particulier de lhistoire
4.1. Des cultures équestres cloisonnées
.
4.2. Stratégies et tensions entre groupes dintérêt
..
Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFE, du lien amateur au lien professionnel
1. De lamateurisme au bénévolat, une trajectoire identitaire confor-me des dirigeants du cheval
.
1.1. Le mouvement cheval héritier de léquitation militaire
..
1.2. Une vision coubertinienne des sports équestres
..
1.3. Vers un renforcement des pouvoirs des ligues régionales
..
1.4. Les présidents de ligue, une notabilité de retraités
..
1.5. Une identité de pratiquants amateurs en équitation
.
2. Du professionnalisme au bénévolat, une trajectoire identitaire ambivalente des dirigeants du poney
.
2.1. Le mouvement poney et la réforme pédagogique
2.2. Le courant tourisme un peu à part dans la FFE
.
2.3. La professionnalisation du mouvement équestre
2.4. Une identité denseignants professionnels en équitation
2.5. Un clivage politique gauche/droite ?
..
3. La FFE : Lexemple dun conflit culturel sous fond de profes-sionnalisation des dirigeants
..
.
3.1. Du bénévole amateur au bénévole professionnel, des niveaux de professionnalisation et des motivations distincts
..
3.2. Une confrontation de deux logiques de fonctionnement
.
Troisième partie
Etude de la Fédération Française de Tennis
Chapitre 1. Lhistoire politique et institutionnelle de la fédération de tennis
..
1. Du jeu de paume au tennis moderne : Les étapes de linstitution-nalisation fédérale
..
1.1. Le jeu de paume, ancêtre du lawn tennis
1.2. Les premiers clubs de tennis réservés à laristocratie
..
1.3. Les débuts de la sportivisation du lawn tennis : La Commission Centrale de Lawn Tennis de lUSFSA
1.4. Lacheminement vers une fédération sportive autonome
1.5. Un principe immuable : Lamateurisme
..
2. Entre régionalisation et professionnalisation, un pouvoir partagé..
2.1. Une direction très centralisée et un certain « parisianisme fédéral »
..
2.2. Amateurs et professionnels entre tradition et modernité : La bataille de lOpen
2.3. Oui à la professionnalisation mais sous contrôle renforcé des ligues
..
2.4. Les groupes dintérêt économiques dans le tennis ou le revers de la professionnalisation
3. La FFT, une PME florissante
..
3.1. Roland Garros, une entreprise extraordinairement rentable
3.2. Linstitution tennis, une professionnalisation accomplie
Chapitre 2. La professionnalisation des dirigeants bénévoles de la FFT, vers une génération plus technicienne
1. Du monde sportif au monde du travail, une évolution des rapports entre les acteurs
.
1.1. Un pouvoir bénévole réellement fort mais des relations entre groupes dintérêt peu développées
1.2. Lorganisation syndicale : Un contre pouvoir face à la puissance fédérale
..
1.3. Entre bénévoles et professionnels, une relation de subordina-tion employeurs/employés : Lexemple des enseignants de tennis...
2. Les dirigeants bénévoles de la fédération, dune génération à lautre
..
2.1. Un consensus apparent sur les missions fédérales
..
2.2 Des trajectoires et des profils différents entre générations
..
3. La FFT, le modèle dune entreprise associative
.
3.1. De la logique associative à la logique économique
.
3.2. La professionnalisation du tennis ou lentrepreneurisation fédérale
Quatrième partie
Bénévolat, professionnalisation et militantisme
Chapitre 1. De lexplication communautaire à lexplication utilitaire
1. Linéluctable professionnalisation de la bureaucratie fédérale
..
2. La spécialisation des bénévoles comme mesure dadaptation
Chapitre 2. La crise des identités bénévoles face à la professionna-lisation
1. Une crise culturelle entre groupes dintérêt
..
2. Vers une professionnalisation du projet fédéral
.
Chapitre 3. Le « désenchantement » du militantisme associatif
.
1. Professionnalisation et individualisme, vers une nouvelle culture militante ?
2. Entre idéalisme et pragmatisme, un militantisme plus profes-sionnel
.
Conclusion : Association et bénévolat, quel avenir ?
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Références bibliographiques
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Glossaire
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Table des matières
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SOCIOLOGIE DES FEDERATIONS SPORTIVES
La professionnalisation des dirigeants bénévoles
Cet ouvrage issu dune recherche doctorale porte sur la professionnalisation des dirigeants bénévoles des Fédérations Françaises dEquitation et de Tennis (pour cela, lauteur a réalisé 25 entretiens de dirigeants et anciens dirigeants fédéraux et exploité plus de deux cents questionnaires envoyés à des membres et anciens membres élus des deux fédérations sur les cinq dernières Olympiades). La professionnalisation est ici abordée comme un processus visant à une élévation et à une spécialisation des compétences. Pour lauteur, elle constitue un des facteurs explicatifs de la crise actuelle des identités bénévoles dans la mesure où elle brouille les repères identitaires traditionnels de la culture amateur et annonce larrivée dune nouvelle génération de bénévoles plus professionnelle, plus adaptée à la marchandisation du sport et donc plus susceptible de concilier le modèle associatif et le modèle entrepreneurial. Dans cette carte des pouvoirs fédéraux réactualisée, la professionnalisation illustre également lémergence de nouvelles modalités de militantisme qui, à une époque où on observe une dépolitisation massive et une désyndicalisation importante de la population, devient plus individualiste, plus réaliste et surtout moins porté sur les grands idéaux de société.
D. Bernardeau Moreau est Docteur en sociologie de lUniversité Paris V-René Descartes (Thèse dirigée par le Professeur P. Parlebas). Ancien directeur des sports dans une collectivité territoriale, il est aujourdhui maître de conférence à lUniversité de Marne-la-Vallée et membre du GESELS (Groupe dEtudes Sociologiques et Economiques sur les Loisirs Sportifs) de lIUP Métiers du sport de Moissy-Cramayel. Ce travail a bénéficié de laide des Haras nationaux et du Fonds social européen dans le cadre du programme Equal.
Mendras, 1975, p. 111.
Le processus dinstitutionnalisation est ici distingué de celui dorganisation au sens où il se réalise essentiellement par lintermédiaire de lois, de conventions ou de coutumes (Akoun et Ansart, 1999, p. 286). Pour la définition de lorganisation, nous reprenons celle de Bernoux qui caractérise lorganisation notamment par une répartition et une hiérarchisation des tâches et des fonctions des acteurs qui la composent.
Parlebas, 1986, p. 26.
Pour Weber, la bureaucratie se caractérise par le fait que ceux qui la composent sont des fonctionnaires identifiés par les fonctions hiérarchisées quils occupent, par les compétences et qualifications que ces fonctions leur confèrent. Lidentité est liée à la fonction et pas à la personne qui loccupe.
Ramanantsoa et Thiery-Baslé, 1989, p. 13.
Ibid., p. 14.
Cf. Laville 1997.
Chantelat, 2001.
Bayle E., « Le sport professionnel et les structures marchandes associées au spectacle sportif », étude réalisée pour le ministère de lEducation Nationale par le RUNOPES, mai 2002, p. 51. Les emplois en question appartiennent aux groupes dactivités 92.6 A et C figurant dans la nomenclature des activités françaises (NAF).
Selon le Laboratoire dEconomie Sociale (Archambault E. et Boumendil J., « Les dons et le bénévolat en France », enquête 1990 93 96, Fondation de France), le temps mensuel consacré par les bénévoles était de 20 h en 1990, il serait passé à 23 heures en 1996.
Cf. par exemple les articles du journal Libération du 6 novembre 1989, du Figaro du 8 juin 2000 ou encore du Parisien du 6 juin 2002 sur largent et le business dans les fédérations sportives. Cf. aussi Le Figaro du 30 juillet 1988 ou du 1er février 1997, Le Monde du 19 mars 1997, du 30 mars 1998, du 19 décembre 2000 ou encore du 17 décembre 2002 sur les conflits entre les dirigeants.
Les relations formelles, écrit Crozier, ne sont que la superstructure, elles cachent les relations informelles qui sont « la vie réelle dune organisation » (Crozier, 2000, Tome 2, p. 155).
Léziart, 1989, p. 93.
Cette association est à lorigine de linstitutionnalisation des sports modernes.
Règlement intérieur de lannuaire de lUSFSA de 1913, p. 156.
Bulletin officiel du CIO de 1961.
Meynaud 1966 ou Mazeaud 1980.
Comme le rappelle Walter (2001, p. 8), la signification étymologique du mot bénévole est « bene volo », qui veut dire soit bien vouloir soit vouloir du bien. Cette définition a bien entendu évolué car différencier le bénévole du professionnel par laction de bien faire pour autrui na pas de sens.
Mémento pratique Francis Lefebvre, édition 97/98, p. 1173 et suivantes.
Enquête du CEREQ de Guitton et Legay, 2001.
Weber, (1922) 1971, p. 202.
Notons que pour Marchal, si le processus de professionnalisation favorise lapparition de compétences, celles-ci seraient de plus en plus généralisées (Marchal, 1987, p. 10).
Chelladurai, 2001, p. 113-114.
Boudon et Bourricaud, 1982, p. 473.
Lallement, 1996, p. 21. Avec cet auteur, nous distinguons le métier de la profession par lautonomie reconnue légitime de cette dernière et sa capacité à définir et institutionnaliser ses modalités daccès et dexercice.
Akoun et Ansart, 1999, p. 424.
Ion, 2001, p. 241.
Vérène Chevalier sintéresse notamment aux processus de professionnalisation qui concernent les pratiquants novices. Cette évolution du statut amateur à celui professionnel qui peut constituer, pour les jeunes pratiquants, une porte dentrée pertinente dans le monde du travail est une autre manière daborder la professionnalisation en tant que processus de constitution dune profession et délévation du niveau dexpertise. Cest en cela que notre approche peut être un complément intéressant pouvant enrichir les connaissances accumulées dans ce domaine.
Callède, 1988.
Laville, 1997.
Chifflet, 1990, p. 5 (non publié).
Si une association peut avoir une activité économique et générer des bénéfices, la législation impose que ces bénéfices servent uniquement lobjet de lassociation et ne sinscrivent pas dans une recherche de profits.
Chifflet, op. cit., p. 263.
Nous définissons la politique au sens de Weber comme étant la direction dun Etat, lequel se caractérise par la légitimité quil détient dans le monopole de lexercice de la violence physique (Weber, 1919, p. 125) mais aussi au sens de Dahl pour qui il sagit de « nimporte quel ensemble constant de rapports humains qui impliquent, dans une mesure significative, des relations de pouvoir, de gouvernement ou dautorité » (Dahl, 1970, p. 28).
Crozier et Friedberg, op. cit., p. 277-306.
Brohm, 1976, p. 77.
Augustin, 1985.
Parlebas, 1993, p. 42.
Ibid.
Ibid.
Ibid., p. 44.
Gasparini, 1996.
Pour une définition précise, cf. infra deuxième partie.
Pujol, 1995, p. 264.
Ibid., p. 424.
Bayle, 1999.
Magnane, 1964.
Bayle, 2001, p. 346.
Kikulis, Slack, Hinings et Zimmermann, 1989.
Mintzberg, 1982. Lauteur caractérise cette configuration organisationnelle par le fait que le centre opérationnel (composé des salariés qui sont la force de production de lorganisation) exerce un contrôle accru en standardisant les qualifications et les procédures de recrutement des professionnels.
Slack, 2001.
Ibid., p. 304.
Chelladurai, 2001.
Theodoraki et Henry, 1994.
Koski et Heikala, 1998.
Horch, 2001.
Durand, 1994.
Boncler, 1994.
Rochet, 1990, p. 73.
Boncler, op. cit., p. 196.
Nizet et Pichault, 1995.
Mayaux, 1996.
Chantelat, 2001, p. 320.
Yerles, 1984.
Chifflet, 1989.
Malenfant, 1988.
Ibid, p. 239.
Cauvin, 1989, p. 153.
Ramanantsoa et Thiery-Baslé, op. cit., p. 16.
Moingeon, 1991, p. 239.
Suaud, 1996, p. 30.
Rundstadler, 1999.
Goffman, 1973.
Loirand, 2001, p. 278.
Ibid., p. 279.
Rapport Asensi, « Rapport et proposition pour une réforme des statuts des fédérations sportives », avril 2000.
Walter, 2001.
Pour Bourdieu, lillusio, cest le fait de sinvestir dans le jeu et daccorder de limportance à un jeu social (cf. Bourdieu, 1994, p. 151).
Walter, op. cit., p. 272.
Ibid.
Gasparini, 2000, p. 4.
Chifflet, 1987, p. 288.
Chifflet, 1990, p. 261 (non publié).
Dahl, 1973, p. 28. Les concepts de pouvoir, gouvernement ou autorité sont fondamentaux dans le rapport politique. Dahl fait le constat du caractère polymorphe du pouvoir et, pour concilier la grande diversité des définitions de ce terme, il préfère parler dinfluence pour caractériser ce que les uns appellent le pouvoir, dautres lautorité, linfluence, le contrôle, la persuasion, la coercition ou encore la force. Il résume leurs définitions en ces termes : « Linfluence constitue un rapport entre des acteurs par lequel lun dentre eux amène les autres à agir autrement quils ne lauraient fait sans cela » (ibid., p. 28). La modification du comportement dun ou de plusieurs individus suppose la présence dune force car (et lauteur cite le principe dinertie de Galilée), la matière tend à garder un état de repos et seule une force qui agit sur elle peut lamener au mouvement et au changement. Cette perception de lévolution nous rapproche de celle de Mintzberg lorsquil qualifie de « sauts quantiques » (du mot « quantum » ou quantité minimale) les changements qui modifient les organisations.
Il faut rappeler que la reconnaissance du caractère public et monopolistique des fédérations sportives est avant tout le fait de la jurisprudence. En effet, par larrêt « FIFAS » (du nom du plaignant la Fédération des Industries Françaises d'Articles de Sports) du 22 novembre 1974, le Conseil dEtat admet, en s'appuyant sur l'ordonnance du 28 août 1945, que les fédérations sportives, personnes morales de droit privé, sont chargées, par délégation de pouvoirs, de la gestion d'une mission de service public administratif. Cette mission leur est reconnue dès lors quelles occupent une position monopolistique, notamment en ce qui concerne lorganisation exclusive des compétitions officielles et la remise des titres correspondants. Ce monopole qui distingue les fédérations délégataires dirigeantes des autres fédérations donne aux premières un pouvoir disciplinaire sur leurs membres mais aussi une autorité légitime réelle sur les autres fédérations dites « affinitaires » (bien que la loi semble vouloir néanmoins assouplir cette dépendance).
Nest-il pas question de rémunérer les présidents de fédération sur le même mode que les élus locaux ?
Dahl, 1973 (notamment chapitre VII, p. 177-222).
La nouvelle législation sur le sport devrait néanmoins aller vers la reconnaissance de ces acteurs dans les instances décisionnelles fédérales tout en en limitant la représentation.
Moingeon, 1991.
Dahl, op. cit., p. 193.
Potet F., « Le mouvement sportif veut professionnaliser le statut de ses dirigeants », Le Monde, 19 décembre 2000.
La Lettre de léconomie du sport n° 570 du 2 mai 2001.
Rapport Derosier, « Quel avenir pour la fonction de dirigeant dassociation ? Diriger une association aujourdhui : une pratique bénévole ou rémunérée », octobre 2000.
Ibid., p. 34.
Voir larticle de Troger V., « Les ONG à lépreuve de la critique », Sciences Humaines, voir également Laville J. L. et Sainsaulieu R., « Sociologie de lassociation. Des organisations à lépreuve du changement social », 1997.
Offerlé, 1998, p. 44.
En cela, nous rejoignons les conclusions des sociologues notamment anglo-saxons sur lémergence dune configuration organisationnelle sportive ayant la forme dune bureaucratie professionnelle de plus en plus aux mains des salariés mais aussi celle de Mayaux sur la configuration missionnaire/politique dans la mesure où les organisations sportives entrent dans des formes politisées tout en maintenant leurs structures associatives.
Boulte, 1991.
Bourdieu, 1984, p. 133-134.
Laville, 1997.
Loirand 2001.
Il sagit pour lauteur de relativiser les conséquences de lindividualisme qui ne peut être la seule conséquence de la baisse du bénévolat. Pour lui, les explications sont aussi structurelles.
Le sport serait passé en un quart de siècle dune économie de loffre à une économie de la demande (cf. article de Loret « Le sport : un modèle en crise », Le Monde du 17 décembre 2002).
Ces recherches en sociologie des associations distinguent des logiques organisationnelles différentes où sopposent bien souvent le pouvoir politique des bénévoles et le pouvoir technique et administratif des salariés (cf. Yerles 1984, Chifflet 1988, Moingeon 1991, Mayaux 1996, Bayle 1999).
Cf. notre définition du professionnel en introduction.
Remarquons dailleurs que le mot militant vient du latin miles qui signifie militaire.
Voir notamment louvrage de Weber, (1919) 1959.
Rey et Subileau, 1991, p. 17.
Maintron, 1964, p. 23.
Cette mutation, déjà repérée par Tönnies (Tönnies 1887) lorsquil distingua communauté et société, est reprise par Weber (Weber 1922) qui oppose à son tour deux types fondamentaux de relations, la communalisation et la sociation. Constatant « le désenchantement du monde » (Weber, (1920) 1964, p. 122), Weber voit dans lévolution moderne de la société, une rationalisation croissante des actions sociales amenant lindividu à prendre en main sa propre existence (qui ne relève plus dune détermination transcendantale, religieuse ou métaphysique) et à prendre des décisions de plus en plus individualistes.
Dubar, 2000.
Boulte, 1991, p. 15.
Dubar, op. cit.
Ion, 1997, p. 100.
Mayer et Perrineau, 1992, p. 149.
Ghiglione et Matalon, 1998, p. 93.
Blanchet et Gotman, 1992., p. 40-41.
Adorno et Al, 1950, cité par les auteurs Blanchet et Gotman, ibid., p. 26.
Ghiglione et Matalon, op. cit., p. 79.
Lensemble des théories de Mintzberg est rassemblé dans trois ouvrages, un de 1982 « Structure & dynamique des organisations », un de 1991 « Le pouvoir dans les organisations » et le plus récent datant de 1999 « Le management, voyage au cur des organisations ».
Chantelat, 2001.
Rochet, 1990.
Mintzberg, 1982.
Durand, 1994.
Mintzberg, 1982, p. 41.
Mintzberg, 1999, p. 154.
Gasparini, 2000 (voir notamment le tableau quil présente p. 8).
Callède, 1988.
Gasparini, 2000, p. 9.
Saint Martin, 1989, p. 22.
Hoch, 2001, p. 98.
Mintzberg distingue les organisations missionnaires dites « cloîtres » qui cherchent à sisoler du monde et les organisations missionnaires « réformatrices » ou de « conversion » qui veulent au contraire changer le monde directement ou indirectement en agissant sur les comportements des individus (Mintzberg, 1989, p. 333).
Mayaux, op. cit., p. 33.
Horch, op. cit., p. 99.
Cest ce que Mintzberg dénomme, parmi les mécanismes de régulation quil identifie, « lajustement mutuel ».
Dans la terminologie mintzbergienne, les membres tirent « tous ensemble ».
Callède, 1988, p. 214.
Clément, 1994, p. 64.
Article premier des statuts de lUSFSA, annuaire de 1913, p. 149.
Article 101 partie sportive des règlements généraux de lUSFSA, annuaire de 1913, p. 161.
Defrance, op. cit., p. 82.
Defrance, op. cit., p. 82-83.
Léziart, op. cit., p. 89.
Article 7 du règlement intérieur de lUSFSA.
LUSFSA va ainsi créer la Commission centrale de Lawn-Tennis instituée en 1888 qui sera présidée par Henry Wallet. Elle créera aussi celle de football ou encore de rugby.
Chifflet, 1990 p. 4 (non publié).
Elle prendra temporairement la forme dune Union des Fédérations Françaises de Sports Athlétiques (UFFSA).
Ce qui nempêche pas que certains sports soient surreprésentés par certaines classes sociales notamment les plus aisées, limitant lampleur de leur démocratisation.
Gasparini, op. cit., p. 14.
Laugmentation du nombre de fédérations aboutira à la création du Comité national des sports (CNS) en 1908, chargé de les représenter et de défendre leurs intérêts. La nécessité dune reconnaissance olympique (le CIO fut créé en 1894) va conduire par ailleurs à la création du Comité olympique français (COF) en 1911 rassemblant lensemble des fédérations olympiques (leur fusion en 1972 fondera le Comité national olympique du sport français).
Notons que le caractère commercial de la pratique du sport est ancien puisquil remonte au siècle dernier (sociétés de thermalisme, de natation ou de gymnastique). Le sport professionnel est déjà connu depuis longtemps puisque les clubs anglais se professionnalisent dès 1888 en devenant des sociétés par action (il sagit dailleurs du troisième temps fort relevé par Haumont (1987, p. 72) et alimentent dès le début du siècle le débat entre amateurisme et professionnalisme. Le développement des rémunérations des sportifs professionnels et des coûts de transfert des joueurs conduit la Fédération Française de Football à voter le principe du professionnalisme dès 1931. Le jeu à XIII suivra en 1931, le basket en 1980, le hockey sur glace, le handball et le volley-ball dans les années 1990.
Haumont, op. cit., p. 78.
Parlebas, 1993, p. 42.
Parlebas, 1999, p. 359.
Laville et Sainsaulieu, 1997, p. 276.
De 1949 à 1970, le nombre de licences délivrées par les fédérations sportives olympiques est multiplié par trois passant de 860 000 à plus de 2 250 000 licences. Et ce rythme va saccélérer jusquaux années 85.
Slack, 2001, p. 302.
Chelladurai, 2001, p. 116.
Brohm, 1976, p. 52.
Tröger, 1965, p. 45-46.
Defrance, op. cit., p. 82.
Haumont, op. cit., p. 78.
Dans ses recherches sur la personnalité bureaucratique, Merton a montré que la multiplication des règles conduisait « à lélimination complète des relations personnelles et des considérations irrationnelles » (Merton, 1953, p. 194).
Horch, op. cit., p. 99. Cest dailleurs ce quexplique Merton pour qui, la routinisation des tâches des agents tend à ce que ces derniers focalisent leur attention, non plus sur les buts de lorganisation, mais sur la conformité de leurs actions au regard de la règle : « ladhésion aux règles, conçue à lorigine comme un moyen, devient une fin en soi » (Merton, 1953, p. 196).
Cf. Crozier et Friedberg, 1977.
La Lettre de lEconomie du Sport n° 513 du 9 février 2000.
Michels, (1953) 1971, p. 290.
Les dirigeants locaux ne vont plus élire directement leurs représentants nationaux mais, par le biais dun suffrage indirect, ils vont élire des représentants départementaux et régionaux qui constitueront alors, à limage des sénatoriales, le corps des grands électeurs chargé délire en son sein les représentants nationaux.
Mintzberg, 1982, p. 269.
Pour Mintzberg, la ligne hiérarchique tend à favoriser une « balkanisation » des pouvoirs qui peut orienter lorganisation vers la configuration organisationnelle dite divisionnalisée.
Boulte, 1991, p. 144.
Gasparini, op. cit., p. 13.
Parlebas, 1999, p. 360.
Gasparini, op. cit., p. 13.
Slack, 1985.
Le tableau présenté par Leblanc M. dans son ouvrage intitulé Le club de lan 2000 (p. 98) montre ce ralentissement dans la progression des licences délivrées à partir des années 80. La croissance moyenne annuelle des licences fédérales passe de 8 % dans les années 1960 à environ 1,5 % depuis les années 80.
Haumont, op. cit., p. 81.
Un article du journal Le Monde du 19 décembre 2000 (écrit par Frédéric Potet) rapporte les propos du Président de la Fédération Française de tennis pour qui : « La fonction de président de fédération évolue vers celle dun chef dentreprise associative ». Il est même question de rémunérer les présidents de fédération par le versement dune indemnité de responsabilité conséquente.
Boltanski et Chiapello, 1999, p. 104.
Pour Mintzberg, la configuration organisationnelle professionnelle est la forme aboutie du processus de professionnalisation de lorganisation bureaucratique. Le contrôle des professionnels devient alors prépondérant notamment dans le contrôle des niveaux de compétences et du recrutement des salariés.
En cela, nous tendons à nous rapprocher des conclusions de Mayaux (1996) pour qui les fédérations sportives nationales apparaissent combiner les configurations missionnaires et politiques.
Au sens de valeurs morales véhiculées par le sport.
Chelladuraï P., The design of sport governing bodies : a parsionan perspective in Slack T. et Hinings (eds) CR., The organization and administration of sport, sport dynamics, London, 1987 (cité par Chandelat, 2001, p. 152).
Loirand, 2001, p. 274.
Ballé, 1990, p. 7.
Rocher, 1972, p. 51.
Ramanantsoa et Thiéry-Baslé, op. cit., p. 198.
Ibid., p. 243.
Loirand, 2001, p. 278.
Suaud, 1996, p. 30.
Le rapport Asensi, « Rapport et propositions pour une réforme des statuts des fédérations sportives », avril 2000, p. 28. Sur les 1,5 millions de bénévoles qui sinvestissent dans les 170 000 associations sportives, le rapport mentionne que 32 % sont des simples adhérents, 52 % sont des participants actifs et seulement 16 % exercent des responsabilités importantes. Parmi ces derniers, certaines PCS sont surreprésentées et dautres sont sousreprésentées. Ainsi, 15,9 % des dirigeants bénévoles sont des cadres et professions intellectuelles supérieurs (alors quils ne représentent que 11,1 % de la population), 20,9 % sont issus des professions intermédiaires (ils ne représentent pourtant que 12,9 % de la population). Les ouvriers qualifiés ne sont en revanche que 20,4 % (23,9 % de la population) et les artisans commerçants ne sont que 5,3 % (6,3 % de la population).
Ramanantsoa et Thiéry-Baslé, op. cit., p. 194.
Chambry, 1984, p. 13.
De Blomac, 1988, p. 50.
Saint Martin, 1989, p. 24.
Ibid., p. 25.
Ibid., p. 51.
Les paris connaissent un véritable engouement dabord dans les milieux aristocratiques (De Blomac relève quentre mars 1775 et novembre 1783, 91 matches ou paris à deux ont lieu sur 48 journées) puis dans les milieux populaires. La création du Pari Mutuel Urbain en 1868 témoignera de ce succès.
Durry et Jeu, 1992, p. 59.
Lagoutte, 1974, p. 212.
Présidée par le marquis de Mornay, elle est reconnue dutilité publique par l'empereur Napoléon III.
De Blomac, op. cit.
Ibid., p. 49.
Cette société connaîtra un plein essor dans lentre-deux-guerres et organisera son premier concours annuel en 1931.
Lettre archivée n° 4579 P (archives fédérales).
Statuts joints au courrier cité précédemment.
Article III, point 2 des statuts de la FNSE de 1921.
Notons que la « Fédération des polos de France » est créée la même année par le duc Decaze qui en est le premier président. Elle regroupe alors les clubs de polo de Cannes, Deauville, Lyon, Paris et Saint-Cloud. Son objet est de développer, dorganiser et de gérer le polo en France et dharmoniser les règles du jeu internationales. Le premier match se déroulera à Dieppe en 1880 où une équipe française conduite par le duc de Guiche rencontrera une équipe anglaise.
Article II, principes.
Celles-ci seront placées très tôt sous la tutelle du ministère de lAgriculture. Elles sont organisées par des sociétés de courses constituées sous forme associative à but non lucratif. Elles se regroupent au sein dune fédération : la Fédération Nationale des Courses Françaises. On peut distinguer, parmi ses sociétés de courses, deux sociétés-mères : le cheval français pour le trot et France galop pour le plat et lobstacle. Le secteur des courses et des paris est concentré au sein du Pari Mutuel Urbain (PMU) et comptabilise aujourdhui 8 millions de parieurs évoluant sur 260 hippodromes.
Dans sa définition du groupement politique déjà évoquée précédemment, Weber justifie lexistence du groupe de domination par sa capacité à exercer, sur un territoire géographique déterminé et de façon continue, la légitimité dune contrainte physique de la part de sa direction administrative. Pour lui, ce groupement politique se reconnaît par le fait quil détient le monopole de la contrainte physique légitime quil prescrit et délimite. En cela, lEtat tout autant que la fédération équestre représentent ces groupes politiques exerçant un monopole dans leur espace respectif.
Statuts et règlement intérieur du 4 février 1946 de la FFSE, tome 1.
Il sagit de lordonnance n° 45-1922 du 28 août 1945 relative à lactivité des associations, ligues, fédérations et groupements sportifs.
Article premier de larrêté du 25 novembre 1946 relatif à la délégation de pouvoir aux fédérations sportives, JO du 5 décembre 1946, p. 10363.
Les sports équestres regroupent les trois disciplines olympiques (le saut dobstacle, le dressage et le concours complet déquitation), mais aussi la voltige, lattelage, lendurance, le horse ball et le hunter.
Article premier, point 2, des statuts de la fédération de 1946.
Article 24 du règlement intérieur.
Article 8 du règlement intérieur.
Article 8 du règlement intérieur de la FFSE.
Article 9 du règlement intérieur.
Entretien n° 1.
La fédération passe de 23 000 licenciés en 1949 à 90 000 en 1973 (Brunet et Thomas, 1990, p. 111).
Entretien n° 1.
Delambre H., Le tourisme équestre en France, colloque de Montréal, avril 1999 (archives fédérales).
Ibid., p. 3.
Entretien n ° 8.
Entretien n° 7.
Polier, 1980.
Les statuts fondateurs du PCF datent du 19 février 1971.
Entretien n° 1.
Article 2 des statuts de 1971 du PCF.
Létablissement professionnel doit être compris ici au sens détablissement à finalité commerciale. Cest pourquoi, pour éviter toute confusion, nous parlerons par la suite détablissement commercial au lieu détablissement professionnel.
Marry P., Lactivité équestre, un outil de laction sociale, rapport de février 1983 (archives fédérales).
Statuts de la FEF adoptés par lassemblée générale extraordinaire réunie le 22 avril 1980.
Entretien n° 10.
Entretien n° 4.
Entretien n° 1.
Expression reprise à un de nos interviewés : « il faut savoir que ça a été un mariage de raison, certainement pas un mariage damour » (entretien n° 9).
« Projet de regroupement au sein dune même fédération des trois grandes instances du mouvement équestre », document daté de fin janvier 1986, 1er paragraphe, archive fédérale.
Entretien n° 2.
Propos tiré du compte rendu de lassemblée générale constitutive de la FFE du 25 avril 1987 (archives fédérales).
Ibid., déclaration par le président en fermeture de séance.
Article XI des statuts de 1987.
Article II des statuts de 1987.
Articles de Fichet G., Hélias J.P., et Le Neel M , « [Le président de la FFE] sur la sellette, le revers des médailles », Ouest-France, octobre 1988.
Article « une nouvelle fédération cheval de Trois », Le Monde, 31 mars 1987.
Entretien n° 4.
Il est fait mention de la création de ce collège dans les statuts de 1980 de la fédération équestre. Sa mission est alors surtout consultative et est de donner son avis sur lordre du jour de chaque réunion du comité directeur.
« Chronologie dune crise », Le Figaro, 30 juillet 1988.
Déclaration rapportée par le journaliste Cerinato T. dans larticle « [le président de la FFE] sur la sellette », Le Monde, 11 octobre 1988.
Auteur de larticle intitulé « Sports équestres, [le président de la FFE] démissionné », Le Monde, 01 novembre 1988.
Ce terme a été employé par plusieurs acteurs que nous avons interviewés.
Entretien n° 10.
Entretien n° 1.
Ibid.
Entretien n° 3.
Entretien n° 1.
Ibid.
Ibid.
Remarquons dailleurs que les réformes de la FFE de 1999 vont conduire à la mise en place dinstances régionales et départementales (les comités régionaux et départementaux de léquitation) dont les pouvoirs seront beaucoup moins importants. Cest ce que souligne Reymond (dans un article « Le principe CRE », la revue Eperon n° 206 doctobre 2001) rapportant les déclarations dun de ces présidents : « tout est fait pour que les régions aient moins de responsabilités, peu de travail, moins dargent » . Cest comme si les leçons de lhistoire avaient été retenues.
Nous reviendrons sur ce point plus loin.
Séminaire des présidents de ligue , Nice, 3 au 5 novembre 1989 (archives fédérales).
Ibid.
Ibid.
Tiré dune note de Marry P. du 15 avril 1997 ayant pour objet la situation des activités équestres (archives fédérales).
Tiré de larticle de Mathieu B. « Les conflits divisent la fédération française déquitation », Le Monde, 30 mars 1998.
Extrait de larticle de Guedj M., « [le président de la FFE/ le président de la DNEP] : le ton monte », Paris-Turf du 18 septembre 1996.
Extrait de larticle de Desjardins C., « Retour à la case départ », Poney scope n° 3 de février 1997.
Tiré de larticle de Van Kote G., « La fédération française déquitation est au bord de léclatement », Le Monde, 19 mars 1997.
Article de Van Kote G., op. cit., Le Monde, 19 mars 1997.
Lettre adressée aux journalistes par le président de la DNEP le 25 juin 1997(archives fédérales).
Marry P., « Les institutions fédérales de léquitation en lan 2000 », document du 18 juillet 2000 (archives fédérales).
Entretien n° 7.
Article de Guedj M., op. cit., Paris-Turf, 18 septembre 1996.
Tiré de larticle de Guedj M., « [Le président de la FFE] encore devant les urnes », Paris-Turf, 26 juin 1997.
Ibid.
Propos rapportés par la journaliste Vion N. dans LEquipe du 17 mars 1998 (archives fédérales).
Mot du président de la DNSE aux dirigeants des clubs rapporté dans « La lettre fédérale » n° 22 du 10 septembre 1999 (archives fédérales).
Entretien n° 1.
Ibid.
Article de Guedj M., « Le poney et le Tourisme sont daccord », Paris-Turf sport complet, 17 mars 1998.
Extrait de larticle de Laporte S. « Que va faire la DNSE aujourdhui ? » Paris-Turf-Sport complet, 17 mars 1998.
Guedj M. du journal Paris-Turf sport complet du 17 mars 1998.
Extrait de lédito écrit par la présidente de la FFE dans « La lettre fédérale » n° 21 du 21 octobre 1999 (archives fédérales).
Ladouce A., « De nouveaux statuts », LEquipe, 15 décembre 1999.
Ibid.
Article VIII des statuts de la FFE du 13 décembre 1999.
Déclaration rapportée par Reymond dans larticle « Le principe CRE », revue Eperon n° 206 doctobre 2001.
Ibid.
Titre VII des statuts de la FFE du 23 mars 1999.
Pour Mintzberg, larène politique caractérise les organisations livrées à des conflits intenses, envahissants et brefs (Mintzberg, 1989, p. 350).
Rapport moral du secrétaire général de la DNSE lors de lassemblée générale du 11 mai 1993, p. 10 (archives fédérales).
Entretien n° 9.
Notons dailleurs que si les membres du comité directeur de la délégation cheval et de la délégation tourisme sont élus par un collège de grands électeurs, ceux de la délégation poney sont élus directement par les clubs.
Article IX des statuts fondateurs de la FFE du 25 avril 1987.
Article IX des statuts fondateurs de la FFE.
Entretien n° 4.
Pour plus de détails, il est souhaitable de se référer aux travaux de Vérène Chevalier présentés notamment dans un article de Population de 1996.
Daprès Brunet et Thomas, 1990, p. 111.
Toutes les sources sur le nombre de licenciés par délégation et par année viennent de LUNIC et notamment de lannuaire ECUS 1999 et 2000.
Entretien n° 11.
Entretien n° 9.
Blanchet et Gotman, op. cit., p. 91 et 92.
Ibid., p. 98.
Entretien n° 2.
Les haras nationaux ont pour mission de réglementer et de réguler lélevage et les courses de chevaux.
Le GHN, créé en 1969 et dénommé depuis 1998 Fédération des Etablissements Equestres de France (FEEF), est avant tout un groupement professionnel, chargé de fédérer et représenter les établissements équestres de tous statuts juridiques. Il est composé des employeurs, des personnels de lenseignement et des cadres gestionnaires (sources : Statuts adoptés le 4 décembre 1998 et site internet du GHN).
Pour rappel, Offerlé définit le groupe dintérêts comme un collectif dindividus « par lesquels les « intéressés » sont rassemblées et « intéressés » à leurs intérêts » (Offerlé, 1998, p. 44).
Nous avons emprunté cette expression à Max Weber (1921) 1971, p. 347.
Entretien n° 9.
Notre guide dentretien contenait deux consignes, une relative aux stratégies des acteurs, lautre relative à leurs domaines dintervention. Le guide thématique, pour la première consigne, distinguait des thèmes liés au pouvoir et aux prises de décision et également à lidentification éventuelle de groupes dacteurs constitués autour dintérêts communs et/ou de cultures similaires. Dans la seconde consigne, nous voulions aborder les domaines de la gestion des licences, de la compétition et de la formation pour savoir sils avaient été lobjet de stratégies et denjeux de pouvoir.
Blanchet et Gotman, op. cit., p. 50 et 51.
Nous avons dabord procédé à lenregistrement dun entretien test afin de réajuster notre guide thématique et faciliter la collecte dun maximum dinformations pertinentes.
Une première partie était relative aux rapports entre lacteur et sa fédération (ses motivations, ses perceptions quant aux missions de la fédération, ses activités préférées et les affinités quil a développées avec les différentes institutions du monde de léquitation). Il sagissait pour nous de déterminer la nature des relations que lindividu avait pu développer avec sa fédération et les motivations de ses engagements au sein des instances fédérales dirigeantes. La seconde partie, appelée aussi le talon, portait davantage sur le statut social de lindividu (les questions de fait portaient sur son état civil, sa profession, son département de résidence, son niveau détude et ses diplômes sportifs). Notre intention, comme nous aurons loccasion de lexpliquer plus en détail par la suite, était de rechercher une éventuelle corrélation entre les groupes dindividus que nous avions pu identifier et les positions sociales de ces derniers dans la fédération mais aussi dans la société. Notons que nous navons retenu, dans notre questionnaire, quune seule question ouverte dite dopinion relative au jugement porté par les personnes interrogées sur leur fédération. Nous voulions leur laisser un espace de libre expression afin de recueillir leur avis personnel et situer les thèmes qui leur paraissaient importants.
Léchantillon sur lequel nous avons travaillé est composé à 83,5 % dhommes. Cela nest en réalité aucunement étonnant compte tenu du fait que, sur la totalité de la période que nous avons considérée, les membres dirigeants de la fédération sont à plus de 80 % de la gente masculine (bien que pourtant les pratiquantes soient fortement représentées dans les clubs). Seul le courant poney offre une plus grande place aux femmes puisquelles sont représentées à hauteur de 35 % environ. En outre, les membres de notre échantillon sont âgés de 40 à 79 ans, un tiers dentre eux ont entre 50 et 59 ans. Notons également que notre échantillon est composé pour lessentiel de salariés et de retraités. Il y a très peu de personnes sans emploi (seulement trois femmes issues du courant cheval) et aucun étudiant ni chômeur.
Liste fournie par « Les Actualités équestres » du bulletin dinformation de la FEF n° 52 de mai/juin 1985 (archives fédérales).
Entretien n° 7.
Entretien n° 8.
Entretien n° 4.
Entretien n° 11.
Entretien n° 2.
Entretien n° 8.
Marry. P., « Lactivité équestre, un outil de laction sociale », février 1983 (archives fédérales).
Lagoutte, op. cit., p. 221.
Alligier J., « Soixante ans denseignement équestre », revue LEperon, n° 153 de décembre 1996-janvier 1997.
Entretien n° 2.
Entretien n° 4.
Alligier , op. cit.
On pensera également à larticle de Marry P. critiquant la « doctrine équestre » et sa « pensée descriptive » définie par lécuyer en chef du cadre noir dans les années 80 (Marry, 1988, p. 180).
Entretien n° 5.
Il sagit de larrêté du 8 mai 1974 paru au B.O. n° 23 du 6 juin 1974.
Annexe de larrêté du 8 mai 1978, B.O. n° 9 du 6 mars 1975, p. 888.
Il sagit de lannexe de larrêté du 6 février 1987 paru au B.O. n° 5 du 18 mars 1987 portant sur le programme de lexamen final.
Lagoutte,op. cit., p. 221. Ce thème est aussi celui de Vérène Chevalier qui montre que ces phénomènes dabandon sont toujours dactualité (Chevalier, 1994 et 1996).
Ce sera le rôle notamment de Guerinière qui sopposera aux « adjudants » (Lagoutte, op. cit., p. 221), de Pluvinel et de lécole de Versailles qui tenteront de sortir léquitation du modèle militaire.
Lagoutte, op. cit., p. 222.
Entretien n° 2.
Chevalier, 1996.
Entretien n° 8.
Entretien n° 1.
Entretien n° 8.
Entretien n° 2.
Entretien n° 4.
Chifflet, 1990, p. 227.
Dans son ouvrage sur lHistoire du sport (1991, p. 110-118), Thomas propose différents stades dévolution, dont lun des premiers se caractérise par une vision étroite quil qualifie de pyramidale et fédérale positionnant verticalement le sport de masse et le sport de haut niveau, le but du pratiquant étant de passer du premier niveau au second. Daprès lauteur, un tel système aurait facilité lémergence dun sport beaucoup plus ludique dès lors que le niveau sportif devenait inaccessible et lentraînement ennuyeux. Cette forme de pratique s'est très vite détachée du modèle traditionnel à partir des années 60 et surtout après les événements de 1968, en rassemblant une masse grandissante de pratiques hygiéniques et récréatives faisant abstraction de toute forme de compétition réglementée. Au vu de lanalyse de Thomas et des entretiens que nous avons conduits, on peut imaginer que, face à une évolution de la demande du public, les dirigeants du cheval naient pas su sadapter. Etant restés ancrés dans le modèle pyramidal identifié par Thomas, ils auraient permis indirectement le développement du poney et du tourisme équestre dans un domaine qui connaissait une forte progression du loisir sportif.
et notamment dailleurs chez les anciens dirigeants en poste avant 1988. Cette éthique sportive est celle propre au modèle coubertinien que nous avons défini précédemment.
Il faut noter dailleurs que bon nombre de dirigeants du cheval ont amalgamé naturellement la fonction de gestionnaire professionnel et celle de gestionnaire bénévole.
Les commentaires des répondants font le plus souvent référence aux difficultés que représente à leurs yeux la professionnalisation de léquitation à travers notamment le caractère de plus en plus commercial des établissements équestres et leurs relations avec le modèle associatif fédéral supposé désintéressé du sport.
Ces termes que nous reprenons ont été employés par certains de nos interviewés.
Note au préfet de Paris du 24 juin 1921 adressée par le président de la FNSE, le Baron du Teil (archives fédérales).
Article 11 des statuts de la FFSE de 1946. Pour les délégués des associations, seules sont concernées les associations de plus de cent membres (ce qui en réduit le nombre) et à condition quelles en fassent la demande. Soulignons que larrêté du 25 novembre 1946 (publié en application de lordonnance de 1945) laissait le choix aux fédérations (entre deux possibilités il est vrai) dans la constitution de leur assemblée générale, soit celle-ci se compose de tous les présidents (ou des délégués désignés) des ligues régionales de la fédération, soit elle est constituée des présidents (ou des délégués désignés) des associations sportives locales.
Guide annuaire du cavalier, 1979/80, édité par la FEF et la GHN, Ed. CAPE, 1980 (archives de lINSEP).
Ces statuts ont été adoptés par lassemblée générale de la DNSE le 28 mars 1987 (archives fédérales).
Le bulletin dinformation de la FEF n° 5 davril 1987 fait état alors de 24 ligues existantes, auxquelles nous rajoutons le siège représentant les ligues dOutre-Mer.
Daprès le procès verbal du comité directeur de la DNSE du 29 juin 1987 (archives fédérales).
Entretien n° 10.
Lors de lassemblée générale élective du 10 octobre 1987 de la FFE.
Archives fédérales de la fédération datant du 28 mai 1998.
Entretien n° 10.
Celle attachée au modèle coubertinien amateur.
Rapport moral du secrétaire général lors de lassemblée générale de la DNSE du 22 avril 1989 (archives fédérales).
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Bilan de gestion des quatre années du mandat 1989-1992 rédigé par le président sortant de la DNSE, son premier vice-président chargé des finances et son secrétaire général, et remis à lensemble des membres de lassemblée générale présents le 11 mai 1993 (archives fédérales).
Entretien n° 1.
Entretien n° 8.
Entretien n° 11.
Entretien n° 1.
Entretien n° 11.
Entretien n ° 2.
Entretien n° 10.
Entretien n° 8.
Entretien n° 10.
Entretien n° 7.
Ibid.
Entretien n° 6.
Nous faisons référence à des propos tenus par cette personne envers un de ses collègues et rapportés dans le rapport moral du secrétaire général présenté lors de lassemblée générale de la DNSE le 22 avril 1989.
Saint-Martin, 1989.
Propos rapportés lors de notre entretien n° 7.
Entretien n° 10.
Entretien n° 5.
Entretien n° 1.
Expression employée par le président de la DNEP lors de son discours de candidature à la présidence de la FFE le 30 juin 1997.
Alligier, 1997, p. 58.
Chevalier, 1998.
Alligier, op. cit.
Comme en témoignent les commentaires de certains de nos interviewés.
Entretien n° 5.
Ibid.
Entretien n° 1.
Ibid.
Cest à Lamotte Beuvron quont lieu ces rencontres et également les championnats de France permettant de sélectionner les cavaliers de haut niveau.
Entretien n° 8.
Cf. Chevalier, 1994.
Entretien n° 9.
Entretien n° 3.
Entretien n° 5.
Entretien n° 9.
Ibid. Notons que si les dirigeants du tourisme se déclarent peu portés sur le sport compétitif, ils ont tout de même créé le TREC qui rassemble lensemble des techniques de randonnées équestres de compétition.
Entretien n° 3.
Entretien n° 4.
Entretien n° 3.
La mise en place de la convention collective du personnel des centres équestres en 1975 (la première dans le sport suivie par le football en 1983 et le golf en 1995) ainsi que la constitution dune commission paritaire (la Commission Paritaire Nationale de lEmploi des Entreprises Equestres) en 1996 ne sont pas anodines et témoignent de la professionnalisation précoce de ce secteur.
Entretien n° 5.
Notons quil existe différents types de sociétés parmi les établissements équestres. On compte létablissement en nom propre, la société à responsabilité limitée (SARL), lentreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), la société anonyme (SA), la société par action simplifiée (SAS) ou encore la société en nom collectif (SNC).
Article premier des statuts de la FFE du 25 avril 1987.
Annuaire 1999 ECUS UNIC et la lettre fédérale n° 3 du 26 janvier 1999.
Notons dailleurs que les statuts de la délégation poney de 1994 précisent ainsi que lassociation se compose de groupements équestres affiliés qui peuvent être des personnes physiques ou morales exploitant un poney club ou des associations dindividuels ; pour ce qui est des membres de lassemblée générale, ils sont élus directement par les groupements affiliés selon les dispositions suivantes : « Lassemblée générale se compose des représentants des groupements équestres affiliés ou de leur mandataire, (
) Chaque groupement équestre affilié dispose dun nombre de voix déterminé par le nombre de licences quil délivre : 1 licence = 1 voix ». Il apparaît ainsi que la représentativité des établissements commerciaux au sein des courants équestres nest pas la même. Si elle est particulièrement forte dans la délégation poney, cest parce que lélection des membres de lassemblée générale de la délégation poney se fait selon un processus démocratique direct sans intermédiaires, qui garantit de ce fait à tous les dirigeants de centres, que ces centres soient associatifs ou commerciaux, la possibilité de sexprimer par les urnes, cest aussi parce que les dirigeants de cette dernière ont la particularité dêtre ou davoir été des professionnels, enseignants et directeurs de centre équestre. Cest probablement là une différence essentielle entre eux et les dirigeants du cheval (pour qui les représentants nationaux sont élus par les grands délégués présidents de clubs, de comités départementaux et/ou régionaux de forme associative). A travers cela, ce sont deux logiques difficilement conciliables : celle associative et celle professionnelle.
Note de Marry P. du 15 avril 1997 portant sur la situation des activités équestres (archives fédérales). Ces établissements ne pouvant voter à la délégation cheval en raison de leurs statuts, le seul moyen quils trouvent pour sexprimer est alors de fonder des associations écrans qui leur donnent une légitimité au sein de la fédération.
Lettre du directeur des sports du ministère de la Jeunesse et des Sports du 12 décembre 1996 adressée au président de la FFE (archives du ministère). Notons que le projet de loi en cours détude devant modifier la loi sur le sport de 1984 prévoit dautoriser les représentants des établissements commerciaux à siéger dans les instances dirigeantes de leur fédération à hauteur dun pourcentage maximal qui reste à déterminer (probablement 20 %).
Lettre du président de la FFE au président de la DNEP du 13 décembre 1996 (archives fédérales).
Entretien n° 4.
Ibid.
Ibid.
Entretien n° 2.
Entretien n° 5.
Ibid.
Entretien n° 3.
Chevalier, 1994. Cet auteur sintéresse notamment aux processus dacculturation (en tant que rupture symbolique) et de socialisation du pratiquant novice qui définissent la longévité de son itinéraire de cavalier. Elle montre également que les taux dabandon parfois élevés viennent de ce que la représentation quen a le débutant nest pas conforme à la réalité de la pratique définie par linstitution.
Entretien n° 3.
Entretien n° 2.
Blanc H., « Lettre ouverte à Monsieur Sérandour », Lettre fédérale n° 3, 26 janvier 1999 (archives fédérales).
Entretien n° 1.
Mendras, 2002, p. 54.
Chevalier et Dussart, 2002.
Depuis la réforme fédérale de 1999, les comités régionaux déquitation (CRE) remplacent les anciennes ligues et délégations régionales du cheval, du poney et du tourisme.
Entretien n° 2.
Entretien n° 7.
Cf. infra quatrième partie.
Lenquête MJS/INSEP de juillet 2000 montre que le tennis est le 9ème sport le plus pratiqué par les Français âgés de 15 à 75 ans (3,6 millions de pratiquants) dont 32 % de femmes.
Selon une étude de la société de conseil « média Carat Sport » portant sur les sports auxquels les Français portent le plus d'intérêt (4068 enquêtes conduites d'avril à juillet 2001 auprès de personnes de 15 ans et plus), le football intéresse 43% des Français, le tennis arrive en deuxième position avec 35% de la population française intéressée (à égalité avec le patinage artistique). Le tennis devance notamment la natation (31%), la Formule 1 (30%), le cyclisme (27%), et l'athlétisme (27%).
Suite à larrêt du contrat entre la FFT et le groupe ISL, la BNP devient, à partir doctobre 2002, le partenaire principal du tournoi qui prend désormais le nom de « BNP Masters series ».
Informations tirées du site officiel de la FFT.
Reneaud et Rollan, 1995, p. 12.
Ibid., p. 29.
Ibid.
Ibid., p. 32.
Notons également les propositions à titre expérimental de la modification de la troisième manche transformée par un jeu décisif et daménagement des tie-breaks dans le but de rendre le jeu plus attractif.
Sous le nom alors de « Coupe de la Fédération », la Fed Cup est une réponse à une forte croissance du tennis féminin. Cette compétition est la descendante dune coupe féminine plus ancienne ; la « Wigtman Cup » née en 1923.
Wimbledon, lUS Open, lOpen dAustralie et Roland Garros forment désormais les quatre grands tournois incontournables du grand Chelem.
Renaud et Rollan, op. cit., p. 45.
Ibid., p. 55.
Saint Martin, 1989, p. 27.
Waser, 1995.
Ibid., p. 16.
Ibid., p. 22.
Reneaud et Rollan, op. cit., p.13.
Ibid., p. 62.
Ibid., p. 17-18.
Saint Martin, op. cit., p. 28.
Waser, op. cit., p. 45.
Bourdieu, 1984, p. 182.
« 1900-2000
un anniversaire » document réalisé par le Tenniseum de Roland Garros en octobre 2000, p. 4.
LUnion réunit un congrès une fois par an et établit à cette occasion les rapports moraux et financiers de lassociation. En cas de besoin et si lordre du jour le justifie, lUnion peut convoquer une assemblée générale extraordinaire dont la composition est la même que celle du congrès.
Article 9 du règlement intérieur de lUSFSA de 1913.
Données rapportées par Reneaud et Rollan, op. cit., p. 69.
Waser, op. cit., p. 46-47, avant toutefois que ne soit créée la fédération internationale en 1913 à Paris et qui rassemblera alors une douzaine de fédérations nationales affiliées dont les deux tiers disposeront de sièges de droit à lassemblée générale de la fédération internationale.
Arnaud et Riordan, op. cit., p. 33.
Voir « Tous les sports » du 11 juillet 1919 », procès verbal de la réunion de la commission centrale du 8 juillet 1919 (cité par le Tenniseum, p. 5 - archives fédérales).
Exposé du code de lawn tennis, annuaire 1920 de lUSFSA, p. 5.
Article 2 du code de lawn tennis, annuaire de 1920, p. 9.
Tenniseum, op. cit., p. 6.
« Autonomie !!! LUSFSA est morte, vive lUFFSA ! », Tennis et Golf, 15 octobre 1920 (cité par le Tenniseum, p. 7).
Waser, op. cit., p. 46 et 47.
Cétait la première victoire française dans ce tournoi remporté en double par Gobert et Decugis.
Article 3 des statuts de la Fédération Française de Lawn Tennis, annuaire de la FFLT de 1922, p. 6.
En effet, pendant 60 ans, le tennis est resté en dehors du mouvement olympique. Lors des premiers Jeux Olympiques en 1896, le lawn-tennis est inscrit au programme. Alors peu connu, il est représenté par 13 joueurs. Dabord masculin, le tennis est ouvert aux femmes lors des JO de Paris en 1920. En 1924, Paris accueille à nouveau les JO mais les tournois de tennis se déroulent dans de mauvaises conditions. En désaccord sur les règles de lamateurisme, la FILT et le CIO se brouillent. Ce dernier demande à ce que Wimbledon dont les épreuves ont lieu une semaine avant les JO soit supprimé. La FILT refuse et préfère se retirer des épreuves olympiques. Au bout du compte, elle en sera exclue pendant 64 ans. Mais lessor considérable du tennis dans les années 70 conduit légitimement à ce que ses représentants demandent leur réintégration dans lolympisme. En 1976, le CIO reconnaît officiellement la FIT. Lors des JO de 1984 à Los Angeles, le tennis est inscrit comme épreuve de démonstration et il faudra attendre 1988 et les Jeux de Séoul pour quil revienne enfin dans le cercle olympique. Le président de la FFT de lépoque deviendra membre du CIO deux ans plus tard.
Chatrier P., « Le changement nécessaire », Tennis de France n° 182 de juin 1968, p. 5.
Le règlement administratif de la fédération précise que le nombre de délégués accordé à chaque groupement est fonction du nombre de courts quil possède (1 délégué pour 1 court, 4 délégués au-dessus de 9 courts).
Article 8 du règlement intérieur de la FFT.
Annuaire Almanach « Smash » 1964, p. 15, point 2, alinéa 2.
Ibid., alinéa 3.
Le compte rendu de lassemblée générale du 10 janvier 1981 par exemple rapporte que pour le seul exercice 80, la direction générale connaît une augmentation de + 27 %, la direction technique de + 48 % et la direction de Roland Garros de + 25 %.
Chatrier P., « Editorial », Tennis de France, n° 8, décembre 1953, p. 1.
Chatrier P., «Tony Trabert professionnel : un pas vers les tournois Open », Tennis de France, n° 31, novembre 1955, p. 1.
Chatrier P., « Les irresponsables », Tennis de France, n° 88, août 1960, p. 1.
Titre du dossier publié dans Tennis de France, n° 168, avril 1967, p. 4.
Chombart et Thomas, 1990, p. 9.
Déclaration de Herman David, « Les amateurs sont des professionnels mais cest la faute des dirigeants », Tennis de France, n° 168, avril 1967, p. 4.
Interview de Herman David par Philippe Chatrier, Tennis de France, n° 176, décembre 1967, p. 8.
Chatrier P., «Le coup détat de Wimbledon », Tennis de France, n° 176, décembre 1967.
Bernard A., « Et maintenant que va-t-il se passer ? », Tennis de France, n° 176, décembre 1967, p. 12.
Chatrier P., « Et vos consciences, messieurs ? », Tennis de France, n° 177, janvier 1968, p. 1.
« Philippe Chatrier », Tenniseum de Roland Garros, mai 2001, p. 18.
Déclaration de Herman David, « Les amateurs sont des professionnels mais cest la faute des dirigeants », Tennis de France, n° 168, avril 1967, p. 4.
Chatrier P., « Et vos consciences, messieurs ? », Tennis de France, op. cit., p. 3.
Rapporté par Bernard A., « Une assemblée historique renverse le mur de la honte » », Tennis de France, n° 180, avril 1968, p 13.
Chatrier P., « Révolution place de la Concorde », Tennis de France, n° 179, mars 1968, p. 7.
Chatrier P., «Les portes qui ne se refermeront plus », Tennis de France, n° 180, avril 1968, p. 3.
Chatrier P., « Le changement nécessaire », Tennis de France, n° 182, juin 1968, p. 5 -7.
Editorial de Paul Haedens, « Le « come back » de Marcel Bernard », Tennis de France, n° 188, décembre 1968, p. 13.
Politique générale présentée par Paul Haedens « Pour une fédération neuve », Tennis de France, n° 187, novembre 1968, p. 11.
Ibid.
Chatrier P., «Le changement nécessaire », Tennis de France, n° 182, juin 1968, p. 7.
Bernard A., « La FFLT a 50 ans », Tennis de France, n° 207, juillet 1970, p. 12.
Haedens P., Editorial « Un il neuf », Tennis de France, n° 194, juin 1969, p. 13.
Extrait du procès verbal de lassemblée générale du 16 décembre 1972 (archives fédérales).
Ibid.
Ibid.
Voir le journal officiel de la FFT n° 28, 1976, P. 2.
Article « Tennis : plan de quatre ans pour renforcer les ligues régionales et augmenter le nombre de terrains couverts », La dépêche du midi du 15 mars 1973 (archives fédérales).
Ibid.
Extrait de larticle de Laborderie R., « Tennis : Chatrier en quête de techniciens professionnels » Le Parisien Libéré, 20 décembre 1972.
Article 9 des statuts de la fédération du 1er et 2 février 1997 (et modifiés les 15 et 16 février 2000).
Article 7 du règlement administratif de 1997.
Tennis info n° 5 du 1er février 1979.
Ibid.
Entretien n° 14.
Giraudo A., « Tennis : succession à la présidence de la Fédération française de tennis. Le combat de Philippe Chatrier », Le monde, 6 février 1993.
Mathieu B., « Philippe Chatrier, le précurseur du tennis moderne », Le Monde, 25 juin 2000.
Propos rapporté par Delessalle J.C., Navarro G., Rebière G. et Chami L., Profession Président, Les Ed. du sport, 1992, p. 137.
Suite à son élection en 1979 à la tête du Conseil Professionnel International, Philippe Chatrier devient dès lors le numéro un du tennis mondial.
Des sociétés vont se spécialiser comme agents des sportifs professionnels comme Proserv (Professionnel services) ou lInternational Management Group (IMG) de McCormack.
Cette pratique occulte conduira à « laffaire Vilas », du nom de ce joueur qui empochera avec son agent 60 000 dollars pour participer au tournoi de Rotterdam en mars 1983.
Cypel S., « Les surenchères de Roland Garros », Le Monde, 3 juin 1999.
Entretien n° 13.
Tennis infos n° 46 du 15 octobre 1980.
L. R. « Largent de la fédé sème le trouble chez les joueurs », Libération, 6 novembre 1989.
Giraudo A., « Tennis : succession à la présidence de la Fédération française de tennis. Le combat de Philippe Chatrier », Le monde, 6 février 1993.
Deflassieux A., « Jeu de massacre », Tennis de France, n° 440, décembre 1989.
Giraudo A., op. cit.
Ibid.
Article de Delamarre G., « Philippe Chatrier : les années Central », Roland Garros Magazine n° 7, 1993, p. 112.
Au bout du compte, il aura présidé la FFT de 1972 à 1993, la FIT de 1977 à 1991 et le conseil professionnel masculin de 1979 à 1985.
Entretien n° 14.
Ibid.
Artigala M., « Tennis : élections fédérales. Un match au sommet », Le Figaro, 1er février 1997.
Losson, « un fauteuil pour deux à Roland Garros. [ ], président de la FFT, est aussi favori que contesté. [ ] le tenant, [ ] le challenger », Libération, 1er février 1997.
Propos du capitaine de léquipe de France de lépoque et rapportés par Losson, ibid.
Losson, ibid.
Le président de la FFT est le patron du tournoi ATP de Toulouse et lactionnaire de la société chargée de sa régie publicitaire.
Van Kote G., « [ ] réélu président de la Fédération Française de Tennis », Le Monde, 4 février 1997.
Van Kote, op. cit.
Artigala M., « Tennis : élections fédérales. Un match au sommet », Le Figaro, 1er février 1997.
Losson C., « Nos faiblesses sont ressorties. La défaite met au jour les causes structurelles de tennis français » Libération, 10 février 1997.
Discours du président de la FFT lors de lassemblée générale de la fédération le 2 mars 2002 au stade Roland Garros (archives fédérales).
Ibid.
Rapport moral du secrétaire général de la FFT lors de lassemblée générale de la fédération le 2 mars 2002 au stade Roland Garros (archives fédérales).
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Propos du président de la FFT rapportés par Ervan et Couturie, Ibid.
Ibid.
Déclaration du directeur exécutif de Roland Garros et rapportée par Olivier Aubry , « Marques. Le florissant business de Roland Garros », Le Parisien, 6 juin 2002.
Hennion B., « Le village ne fait plus recette. Grâce aux droits télévisuels, le tournoi reste très rentable mais les entreprises ne sy bousculent plus », Libération, 2 juin 1997.
Ervan et Couturie, op. cit.
Froissart L., « Une terre de contrats », Libération, 28 mai 2001.
Lagoutte C. et Forestier N., « Roland-Garros : une PME qui cherche à vivre toute lannée », Le Figaro, 25 mai 2002.
La dotation 2002 des Internationaux de France sest élevée à 4,2 millions deuros pour les simples messieurs (+12,67 % par rapport à 2001), à 1,1 millions deuros pour les doubles messieurs (+ 2,91 %), à 3,9 millions deuros pour les simples dames (+ 13,62 %) et à 1 million deuros pour les doubles dames (soit une progression de 4,56 % par rapport à lannée précédente). Ces chiffres ont été communiqués par la fédération lors de son Assemblée générale du 2 mars 2002 au stade de Roland Garros.
Lagoutte C. et Forestier N., « Roland Garros : une PME qui cherche à vivre toute lannée », Le Figaro, 25 mai 2002.
Hennion B., « Le village ne fait plus recette. Grâce aux droits télévisuels, le tournoi reste très rentable mais les entreprises ne sy bousculent plus », Libération, 2 juin 1997.
Propos rapportés par Froissart L., « Une terre de contrats », Libération, 28 mai 2001.
Soler C., « Roland-Garros, bienvenue à tennisland », Le Figaro, 8 juin 2000.
Artigala M., « Tennis : élections fédérales. Un match au sommet », Le Figaro, 1er février 1997.
Discours introductif du président de la FFT et rapport moral du secrétaire général lors de lassemblée générale du 2 mars 2002 au stade Roland Garros (archives fédérales).
Pigeassou C., « Les loisirs de raquettes » Lemploi sportif en France : situation et tendances dévolution, p. 167.
Entretien n° 14.
Entretien n° 12.
Discours introductif du président de la FFT lors de lassemblée générale du 2 mars 2002 au stade Roland Garros.
Discours du directeur général de la FFT lors de lassemblée générale de la fédération le 2 mars 2002.
Entretien n° 12.
Pigeassou, 2002, p.165.
Entretien n° 12.
Rapport moral du secrétaire général lors de lassemblée générale de la FFT le 2 mars 2002 au stade de Roland Garros.
Entretien n° 14.
Ibid.
Ibid.
Potet F., « Le mouvement sportif veut professionnaliser le statut de ses dirigeants », Le Monde, 19 décembre 2000.
Une partie relative aux rapports entre lacteur et sa fédération et une partie portant sur le statut social de lindividu. Notons que nous avons posé une question ouverte dite dopinion relative au jugement porté par les personnes interrogées sur leur fédération.
Il sagit à 92 % dhommes. Ce pourcentage est proche de celui de lensemble des hommes composant notre liste initiale. Ils sont âgés entre 50 et 74 ans. Il apparaît quune forte proportion de notre échantillon est aujourdhui retraitée puisquon en dénombre plus de 60 %. Les questionnés en situation de salariés sont un bon quart puis viennent ensuite ceux qui exercent une profession libérale (ils ne sont que 10 %).
Entretien n° 15.
Entretien n° 12.
Entretien n° 13.
Entretien n° 12.
Massias J.CL, Dossier enseignement, Tennis infos, supplément au n° 294, juin 1997, p. 2 (archives fédérales).
On dénombre actuellement quelque 3 700 brevetés dEtat dont environ 2 500 à temps plein.
La formation comprend une formation au brevet fédéral 1er degré de 75 heures et une formation 2ème degré de 45h. Elle est organisée par la fédération. En comparaison, la formation au brevet dEtat de tennis est de 800 à 1100 heures (800 heures pour le monitorat BE 1, 1100 heures pour le professorat BE 2).
Massias J.C., DTN de la FFT, Politique sportive 2002-2003, document interne de la FFT, p. 19 (archives fédérales).
Ibid.
Entretien n° 19.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Notons que cette fédération ne devient réellement une organisation syndicale officiellement déclarée quen 1996.
Entretien n° 21.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
On se souvient que la constitution dune commission paritaire dans le secteur équestre date de 1996.
Le dépôt mentionnant la création du SNBET à la Direction de la réglementation publique de Montpellier est attesté par signature du Maire le 14 février 1995 (archives fédérales).
Mot du secrétaire général du SNBET le 10 juin 2002 à Montpellier, p. 1 (archives syndicales).
Mot du secrétaire général du SNBET, Editorial du SRBET de lHérault et de lAude de novembre 1993, p. 2 (archives syndicales).
Entretien n° 16.
Mot du secrétaire général du SNBET lors de la réunion dinformation du 16 février 2001 à Montpellier (archives syndicales).
Massias, ibid., p. 1.
Ibid., p. 3.
Document interne au SNBET datant de 1999 et référencé 21/99/SNBET, p. 1 (archives syndicales).
Alinéa 4 de larticle 43 de la loi de 1984 sur lorganisation et la promotion des activités physiques et sportives (larticle sera modifié notamment en 2000).
Document référencé 21/99/SNBET, op. cit., p. 1.
Les missions du CNE, peut-on lire dans le règlement administratif de la fédération (article 46) sont de faire des propositions au bureau fédéral en matière de préparation des candidats aux épreuves spécifiques du brevet dEtat et aux épreuves du brevet fédéral. Il peut aussi exercer une mission de conciliation entre les professeurs de tennis et les dirigeants de la fédération en cas de litige. Larticle 45 du règlement administratif prévoit le fonctionnement de ce Conseil national. Il doit comprendre huit membres représentant pour moitié la FFT (parmi les représentants de la fédération, on y trouve essentiellement des présidents de ligue), pour moitié les professeurs brevetés dEtat et les initiateurs fédéraux de tennis disposant de deux sièges chacun (avant que ne se constitue le SNBET, les représentants des enseignants de tennis étaient de droit ceux de la FNEPT et de lAmicale fédérale des enseignants professionnels). De plus, le directeur technique national et le ministre des sports peuvent y assister avec voix consultatives. Le CNE est présidé par le secrétaire général de la fédération. Il est représenté dans chaque région par un Conseil régional (CRE) présidé par le président de la ligue. Le CRE se compose de trois représentants de la ligue désignés par le bureau, de deux représentants des professeurs brevetés dEtat exerçant sur le territoire de la ligue et de deux représentants des initiateurs fédéraux. Les membres des CRE sont élus pour quatre ans et leur renouvellement suit celui des comités directeurs des ligues.
Décision du Conseil dEtat n° 183382 du 5 mai 1999 lue en séance publique le 7 juin 1999.
Les chiffres rapportés par la FFT et le MJS, lors de ce moratoire, dénotent dailleurs une profonde contradiction entre les 14 000 initiateurs recensés par la fédération (dont entre 30 et 80 % seraient rémunérés) et les quelques 350 dentre eux qui ont déclaré leur activité auprès du ministère des sports.
Léchantillon de base comprend 85 % dhommes et 15 % de femmes, âgés en moyenne de 35 ans. Ces enseignants possèdent pour la plupart (82 %) le brevet dEtat du premier degré contre 18 % qui déclarent posséder le brevet dEtat du second degré de tennis. Plus de la moitié dentre eux est mariée et a en moyenne un enfant.
Entretien n° 19.
Ibid.
Entretien n° 16.
Ibid.
Ibid.
Entretien n° 20.
Entretien n° 19.
Entretien n° 17.
Entretien n° 22.
Entretien n° 22.
Entretien n° 13.
Entretien n°16.
Expression employée par Weber à propos de la rationalité montante propre à la société moderne du début de 20ème siècle (Weber, (1920) 1964.
Ion, 2001, p. 10.
Ce que nous voulons montrer, cest que léthique sportive en tant que morale attachée au modèle coubertinien est peu à peu remplacée par un ensemble de devoirs moraux et de principes attachés à la profession.
Weber, (1922) 1971, p. 378.
Saint Martin, 1989, p. 22.
Waser, 1995, p. 14.
Veblen, 1970 (1899), p. 3.
Ibid., p. 31.
Brohm, 1976, p. 49.
Saint Martin, op. cit., p. 31.
Notons que la loi sur le sport, modifiée en 2000, va suivre les recommandations du Député Asensi. Elle impose désormais que le comité directeur des fédérations soit « élu par les associations affiliées à la fédération (
) chaque association affiliée dispose dun nombre de voix égal au nombre de licenciés adhérents » (article 16 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée par la loi du 6 juillet 2000 relative à lorganisation et la promotion des APS). Il en est de même pour les organes déconcentrés des fédérations (comités régionaux et départementaux). Notons quavant la publication de ces dispositions législatives, certaines fédérations avaient déjà décidé détendre la représentation électorale. Cest le cas de la Fédération Française de Cyclisme où les 2 700 clubs désignent désormais les 43 membres du conseil fédéral, de la Fédération Française de Tennis de Table qui dès 1995 élargit son corps électoral aux représentants départementaux passant de 72 délégués (ou grands électeurs) issus des régions à 167 délégués au total. Pour toutes les autres fédérations, les modifications doivent être faites pour les prochaines Olympiades en 2004. Il faut sattendre à ce que cela conduise à une modification importante de la composition des organes de direction.
Dans la terminologie de Merton, on y voit là les effets pervers dun mode de fonctionnement dont les fonctions latentes sont de couper plus encore les dirigeants nationaux de leurs adhérents, les premiers répondant de moins en moins aux attentes des seconds.
Koebel, 2000, p. 166.
Aristote, 1993, notamment Livre III, chapitre 7, p. 229-230. Dans son analyse des types de constitutions, Aristote distingue les constitutions droites qui servent lintérêt commun et les constitutions déviées qui servent lintérêt personnel des dirigeants. Lorsquil ny a quun seul dirigeant, il sagit respectivement dune royauté ou dune tyrannie. Lorsquil y a un petit nombre de dirigeants, il sagit dune aristocratie ou dune oligarchie. Lorsque les dirigeants sont le plus grand nombre, il sagit dun gouvernement constitutionnel ou dune démocratie.
Michels, 1971.
Cf. notamment Haumont, 1987.
Ils formeront en 1972 la Section Nationale des Cadres dEquitation (SNCE).
Slack, 2001.
Parsons distingue quatre types de fonctions ou dimensions : ladaptation, la poursuite de but, lintégration et la latence. Un système doit constamment chercher à sadapter en allant puiser dans son environnement les ressources dont il a besoin et en allant offrir les produits quil fabrique. Ladaptation permet de maintenir les rapports entre le système et lenvironnement. Mais laction ne peut se faire sans des buts. La poursuite des buts caractérise la deuxième fonction du système et différencie ce dernier des systèmes de non action. Plus que ladaptation, le système doit aussi se prémunir de changements trop brutaux. La fonction stabilisatrice du système devant maintenir sa cohérence est appelée intégration. Reste enfin que le système daction a besoin de lénergie et de la motivation des acteurs pour se développer. Parsons appelle cette fonction la latence. Elle sidentifie dans les symboles, les idées, les modes dexpressions qui permettent dagir sur la motivation. A partir de ces quatre fonctions, Parsons établira un paradigme fonctionnel du système de laction appelé AGIL (A pour adaptation, G de Goal-attainment pour poursuite de buts, L pour latence et I pour intégration).
Boulte, 1991, p. 128.
Laville et Sainsaulieu, 1997, p. 272.
Barbusse, 2002.
Afin de permettre aux bénévoles, exerçant par ailleurs une activité professionnelle, de siéger au sein des instances associatives, le législateur a prévu un congé de représentation pouvant sétendre jusquà neuf jours ouvrables dans lannée (en lapplication de la loi du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique).
Ces mesures, soumises à négociation entre lemployeur et son personnel, doivent permettre dadapter au mieux les obligations professionnelles que lemployé a le devoir de respecter envers son employeur et ses obligations bénévoles qui réclament une présence régulière.
Larticle 39 de la loi sur le sport du 6 juillet 2000 modifie larticle 45 de la loi du 16 juillet 1984. Il rappelle que les fédérations sportives agréées assurent la formation et le perfectionnement de leurs cadres. Pour cela, les bénévoles peuvent au même titre que les salariés bénéficier des mesures daide à la formation.
Cela concerne les personnes âgées de moins de 25 ans à condition de justifier dau moins trois années dexpérience dencadrement dans une association.
Larticle 37 de la loi du 6 juillet 2000 modifiant larticle 43 de la loi du 16 juillet 1984 précise « les conditions et les modalités de la validation des expériences acquises dans l'exercice d'une activité rémunérée ou bénévole ayant un rapport direct avec l'activité concernée et compte tenu des exigences de sécurité ». Larticle 45 de la loi sur le sport modifiée en 2000 stipule également que « les diplômes concernant l'exercice d'une activité à titre bénévole, dans le cadre de structures ne poursuivant pas de buts lucratifs, peuvent être obtenus soit à l'issue d'une formation, soit par validation des expériences acquises ».
Cassation 2ème civ., 4 novembre 1988, n° 87-16 436, Bull. II, n° 202.
Avis CE, section de lintérieur, 22 octobre 1970, n° 304 662, 3ème considérant.
Circulaire n° 2010 du 27 janvier 1975 relative aux rapports entre les collectivités publiques et les associations assurant des tâches dintérêt général.
Boncler, 1994, p. 245.
Boltanski et Chiapello, 1999.
Walter, 2001, p. 27.
Boncler, op. cit., p. 243.
Entretien n° 8.
Weber, (1919) 1959, p. 137.
Gaxie, 1977, p. 124.
Walter, op. cit.
Collardin et Lantier, 1982. Ces auteurs identifient trois générations de problématiques correspondant chacune à des modes de relations particulières entre les systèmes de formation et les systèmes de travail : Le rapport homme/machine ou la continuité entre situations de formation et situations de travail se caractérise par un système de formation qui ne sintéresse quà lacquisition de connaissances immédiatement transférables et utilisables en situation de travail. Il s'agit de transmettre des savoirs ou savoir-faire immédiatement disponibles et applicables. Le rapport homme/organisation ou la dissociation entre situations de formation et situations de travail se préoccupe davantage de favoriser la mobilité des individus par la polyvalence. Dans un rapport homme/organisation, la formation considère davantage la famille ou branche dactivités que le métier spécialisé. « On cerne ce quil faut apprendre, sans préjuger des diverses façons de lapprendre » (p. 9). Le rapport homme/environnement est la symbiose entre situations de formation et situations de travail. Dans cette perspective, il sagit de former lindividu à exercer dans des situations de travail très différentes et fluctuantes. Pour cela, lindividu doit acquérir des savoirs lui permettant de transférer ses compétences dans un champ professionnel imprévisible et instable. Pour les auteurs, cest la troisième génération qui est amenée de plus en plus à se développer. Les systèmes de formation ne peuvent pas ignorer les mutations des situations de travail. Ce nest plus lactivité professionnelle spécifique qui importe mais davantage les situations de travail.
Chifflet, 1989, p. 139-140.
Collardin et Lantier, op. cit., p. 10.
Suaud, 1996.
Weber 1922, p. 82.
Laville, 1997, p. 40.
Ibid., p. 293.
Ibid., p. 294.
Il est intéressant de mentionner une étude publiée en 1999 par le CREDOC (Fourel C., Loisel J.P., « Huit français sur dix concernés par la vie associative », Consommation et modes de vie, CREDOC, n° 133, 20 février 1999. Lenquête a été réalisée à partir dun échantillon de 1500 personnes de 15 ans et plus) et dont les résultats tendent à démontrer que le secteur associatif se porte bien. Le nombre de personnes membres dassociations est en progression avec une représentation accrue des moins de 25 ans et des plus de 49 ans. Lenquête souligne également que si, en 1975, le nombre dassociations créées chaque année était de 20 000, aujourdhui, le nombre de créations annuelles sélève à 60 000. Concernant les bénévoles, on estime leur nombre actuel à 10 millions dans lensemble du secteur associatif sinvestissant à des degrés très divers. En comparaison, deux enquêtes réalisées il y a quelques années (Archambault E., Bon C., Le Vaillant M., « Les dons et le bénévolat en France », enquête du Laboratoire déconomie sociale (LES), de lInstitut de sondage Lavialle (ISL) et de la Fondation de France, Paris, 1991. Archambault E., Boumendil J., « Le secteur sans but lucratif en France », enquête du Laboratoire déconomie sociale (LES), de lInstitut de sondage Lavialle (ISL) et de la Fondation de France, Paris, 1994) établissaient que les bénévoles étaient 7,9 millions en 1991 et 9 millions en 1993 ; ce qui montre une progression continue de cette population.
Fourel, Loisel, op. cit.
En tant que chaque être présente une singularité et une existence propre qui le distingue des autres êtres.
Ion, 2001, p. 11.
Crenner E., « Le milieu associatif de 1983 à 1996, plus ouvert et tourné vers lintérêt individuel », Division Conditions de vie des ménages, INSEE, n° 542, septembre 1997.
Ibid., p. 4.
Mayer et Perrineau, 1992, p. 148.
Hatchuel G., Loisel J.P., « Ladhésion aux associations reste à un niveau élevé. Plus de seniors, moins de militants », CREDOC-Consommation et Modes de vie n° 123, janvier 1998.
Dubar, 2000, p. 145.
Ibid., p. 145-146.
Ferrand-Bechmann, 2000, p. 134-135.
Halba et Le Net , op. cit., p. 138.
Entretien n° 14.
Entretien n° 17.
Entretien n° 18.
Entretien n° 7.
Ibid.
Potet F., « Le mouvement sportif veut professionnaliser le statut de ses dirigeants », Le Monde, 19 décembre 2000.
Entretien n° 22.
Les propos ci-après rapportés sont tirés de lentretien n° 23.
Ion, 1997, p. 106.
Ehrenberg, 1995.
Ehrenberg, 1991, p. 285.
Sue, 2001, p. 151.
Guitton C., Legay A., « La professionnalisation de lemploi associatif, lexemple des associations intermédiaires », CEREQ (Centre détudes et de recherches sur les qualifications), Bref n° 180, novembre 2001 (étude conduite en 1998/1999 sur un panel de quatorze associations intermédiaires en Lorraine, Pays de la Loire et PACA).
Dans un article paru récemment, les auteurs Chevalier et Dussart expliquent dailleurs que les activités de loisirs tendent de plus en plus à influencer les carrières professionnelles notamment chez les jeunes. Il semble quun lien plus fort (et original par les recherches quil suscite) sétablisse désormais entre amateurisme et professionnalisme (Chevalier et Dussart, 2002).
Ion, 1997, p. 64.
Pour construire ce schéma, nous nous sommes référé aux résultats des analyses issues de lensemble des questionnaires. Sur laxe vertical (capital familial), les groupes sont positionnés en fonction des pourcentages obtenus à la question relative à la pratique des membres de la famille de chacun des dirigeants. Sur laxe horizontal (capital professionnel), les groupes sont positionnés en fonction des pourcentages obtenus à la question relative à la possession dun diplôme sportif (déquitation ou de tennis). Par exemple, les dirigeants exerçant ou ayant exercé une profession libérale sont 58 % à déclarer avoir au moins un membre de leur famille qui pratique ou a pratiqué léquitation ou le tennis et 27 % à avoir un diplôme déquitation ou de tennis.
Sue, 2001, p. 153.
Montlibert, 1997 (cité par Koebel, 2000, p. 167).
Boulte, 1991, p. 105.
Ferrand-Bechmann, 1990, p. 97.
Ibid., p. 75.
Propos de lancien secrétaire général de lInstitut de lhumanitaire recueillis par Guimont F., « Plus de professionnalisation, moins de charity business », Le Monde, 13 mai 2003.
Reynaud, 1997, p. 117.
Chifflet, 1990, p. 100.
Ces ligues peuvent revêtir différentes formes, soit il sagit dune commission spécialisée placée sous la tutelle directe du comité directeur de la fédération, soit (comme cest le plus souvent le cas) il sagit dune entité associative contrôlée par une convention fédérale ou un protocole daccord. Mais, quel que soit le statut adopté, la ligue professionnelle reste, par la volonté du législateur, sous le contrôle de la fédération.
Rapport Derosier, « Quel avenir pour la fonction de dirigeant dassociation ? Diriger une association aujourdhui : une pratique bénévole ou rémunérée », octobre 2000, p. 36.
Notons que les dispositions de la loi du 1er août 2003 modifiant la loi sur le sport de 1984 conduisent à assouplir considérablement le cadre statutaire imposé notamment aux fédérations. Le législateur entend toutefois limiter à 20 % le taux de représentativité des structures professionnelles affiliées dans les instances décisionnelles des fédérations.
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M : 3,6
M : 5,4
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