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Quelle pédagogie pour le développement durable - e-agrocampus

Pratiquement seuls les enseignants techniques s'expriment à ce sujet en .... d'un territoire sont un facteur de dynamique locale et de développement durable en ...... Quand l'étude simultanée de plusieurs paysages (écosystèmes, éléments biotiques et abiotiques) fait ..... 1° jour : au lycée : TD par groupe : analyse de docs.




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 HYPERLINK \l "_Toc51038879" 1.4. Le caractère exploratoire de cette recherche  PAGEREF _Toc51038879 \h 4
 HYPERLINK \l "_Toc51038880" 2. Le cadre théorique de référence  PAGEREF _Toc51038880 \h 5
 HYPERLINK \l "_Toc51038881" 2.1. Théories de la formation comme transformation de la personne  PAGEREF _Toc51038881 \h 5
 HYPERLINK \l "_Toc51038882" 2.2. Le cadre théorique pour penser le changement   PAGEREF _Toc51038882 \h 5
 HYPERLINK \l "_Toc51038883" 3. Etude exploratoire pour un état des lieux  PAGEREF _Toc51038883 \h 7
 HYPERLINK \l "_Toc51038884" 3.1. Les enseignements de l’enquête 1 (G. Roque)  PAGEREF _Toc51038884 \h 7
 HYPERLINK \l "_Toc51038885" 3.2. Analyse de contributions d’enseignants (A. Lainé, G. Roque)  PAGEREF _Toc51038885 \h 10
 HYPERLINK \l "_Toc51038886" 3.3. Des spécificités dans les recueils de la pré-expérimentation «EPL et DD» et dans les EVB au Québec (C. Abel-Coindoz)  PAGEREF _Toc51038886 \h 15
 HYPERLINK \l "_Toc51038887" 4. Obstacles épistémologiques, leviers du changement et propositions didactiques  PAGEREF _Toc51038887 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc51038888" 4.1. De l’obstacle de la « culture scolaire » au savoir « théorique » (B. Fleury)  PAGEREF _Toc51038888 \h 18
 HYPERLINK \l "_Toc51038889" 4.2. Dépasser les conceptions taylorienne ou militante de la formation pour accéder à la perspective d’une formation du jugement (B. Fleury)  PAGEREF _Toc51038889 \h 23
 HYPERLINK \l "_Toc51038890" 4.3. Obstacles et leviers pour la construction de savoirs-outils sur le développement durable : la pistes ouvertes par la problématisation.(B. Fleury)  PAGEREF _Toc51038890 \h 25
 HYPERLINK \l "_Toc51038891" 4.4. Des résistances et obstacles spécifiques au concept de « développement durable » (C. Abel-Coindoz)  PAGEREF _Toc51038891 \h 34
 HYPERLINK \l "_Toc51038892" 5. Quelques exemples d’interpellation des disciplines  PAGEREF _Toc51038892 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc51038893" 5.1. Sciences économiques : exemple d’une discipline interpellée par le concept de «développement durable » (JF. Le Clanche)  PAGEREF _Toc51038893 \h 39
 HYPERLINK \l "_Toc51038894" 5.2. Identification de deux objectifs obstacles en écologie (A. Lainé)  PAGEREF _Toc51038894 \h 46
 HYPERLINK \l "_Toc51038895" Partie II Fiches pédagogiques  PAGEREF _Toc51038895 \h 49
 HYPERLINK \l "_Toc51038896" 6. Exemples d’évolution pédagogique  PAGEREF _Toc51038896 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc51038897" 6.1. De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury)  PAGEREF _Toc51038897 \h 50
 HYPERLINK \l "_Toc51038898" 6.2. Evolution d’une progression pédagogique autour de l’approche globale aquacole (J.F. Le Clanche)  PAGEREF _Toc51038898 \h 59
 HYPERLINK \l "_Toc51038899" 6.3. Du fonctionnement des hydrosystèmes à leur gestion (A. Lainé)  PAGEREF _Toc51038899 \h 68
 HYPERLINK \l "_Toc51038900" 7. Obstacles et pistes de dépassement (B. Fleury)  PAGEREF _Toc51038900 \h 71
 HYPERLINK \l "_Toc51038901" 7.1. Pour sortir de l’approche « autarcique : les différents niveaux d’interpellation des pratiques pédagogiques ?  PAGEREF _Toc51038901 \h 71
 HYPERLINK \l "_Toc51038902" 7.2. Un obstacle et levier du changement pour l’étude de cas  PAGEREF _Toc51038902 \h 72
 HYPERLINK \l "_Toc51038903" 7.3. Qu’est ce qu’un « savoir-outil » ?  PAGEREF _Toc51038903 \h 73
 HYPERLINK \l "_Toc51038904" Partie III Textes de références  PAGEREF _Toc51038904 \h 75
 HYPERLINK \l "_Toc51038905" 8. Pour une didactique du développement durable (Michel Fabre)  PAGEREF _Toc51038905 \h 76
 HYPERLINK \l "_Toc51038906" 9. De l’information au concept (J. P. Astolfi)  PAGEREF _Toc51038906 \h 77
 HYPERLINK \l "_Toc51038907" 10. Révision du modèle productiviste et interrogation de la modernité (Michel Fabre)  PAGEREF _Toc51038907 \h 78
 HYPERLINK \l "_Toc51038908" 11. Revisiter le passé pour fonder le changement - quelques éléments d’histoire (Bernadette Fleury)  PAGEREF _Toc51038908 \h 80
 HYPERLINK \l "_Toc51038909" 12. Un jeu subtil de continuités et de ruptures (Bernadette Fleury et Michel Fabre)  PAGEREF _Toc51038909 \h 84
 HYPERLINK \l "_Toc51038910" 13. Quelle pédagogie pour accompagner le changement ? (Michel Fabre)  PAGEREF _Toc51038910 \h 85
 HYPERLINK \l "_Toc51038911" 14. L'économique et le vivant (René Passet)  PAGEREF _Toc51038911 \h 89
 HYPERLINK \l "_Toc51038912" 15. Une science tronquée (René Passet)  PAGEREF _Toc51038912 \h 96
 HYPERLINK \l "_Toc51038913" 16. La croissance : mythes, polémiques et sophismes  (G.Roegen)  PAGEREF _Toc51038913 \h 99

Partie I Contribution à une didactique du développement durable
Introduction
Un angle d’entrée spécifique
Considérant l’introduction du développement durable dans l’enseignement comme un véritable changement de culture, impliquant des remaniements profonds des habitudes de pensée et des manières de faire, cette recherche-développement s’attache à discerner les difficultés spécifiques auxquelles se trouvent confrontés les enseignants des lycées agricoles. Elle vise à poser des repères pour permettre aux acteurs, chargés de l’appui au système éducatif, de fonder leur actions de formation et d’accompagnement.
D’une part, en se focalisant, sur les résistances et sur les adaptations au moindre coût que chacun déploie face à l’irruption du changement, cette RD cherche à identifier quelques uns des obstacles fondamentaux qui bloquent la construction de ce nouveau paradigme ou en réduisent considérablement la portée. Elle prend donc pour objet les résistances internes des enseignants (et non pas les difficultés externes), celles qui peuvent être déconstruites par la formation.
D’autre part, par l’analyse de cheminements d’acteurs engagés dans ce processus de changement, cette RD cherche à dégager des pistes pédagogiques pour aider le dispositif de formation et d’appui à accompagner les enseignants vers un réel changement de leurs représentations et de leurs pratiques professionnelles, tant au niveau des méthodes pédagogiques que de leur rapport à leur discipline ou à certains objets pluridisciplinaires.
La posture
En aucun cas, l’intérêt porté aux formes de résistances au changement ne relève d’une posture de soupçon ou de dénigrement. Nous considérons les obstacles comme normaux, comme constitutifs de la connaissance et nous envisageons la formation comme un travail de remaniement des représentations premières. Nous tenons à préciser que nous avons découvert la plupart des obstacles à l’œuvre en nous, en analysant nos propres actions dans nos ateliers d’analyse de pratiques.
Le public visé
Dans un premier temps tout au moins, cette recherche vise à produire des savoirs pour l’appareil de formation des enseignants. Un certain nombre des outils qu’elle produit sont, certes, utilisables par les enseignants (et certains ont été diffusés auprès d’eux dans le cadre de réseaux) mais il nous semble que sans formation d’accompagnement, ils risquent d’être dénaturés ou non exploitables.
Le caractère exploratoire de cette recherche
Dans cette première phase de la recherche-développement, durant les quelques mois où nous avons travaillé, nous n’avons pu que jeter les bases d’un travail qui demanderait à être déployé dans le temps, affiné et testé par le dispositif de formation et d’appui. Les résultats présentés ci-après prétendent seulement faire entrevoir quelques uns des enseignements que l’éclairage spécifique de l’hypothèse théorique retenue révèle sur cette réalité complexe que nous tentons d’approcher : à savoir les effets, sur les pratiques pédagogiques des enseignants de l’enseignement agricole, de l’introduction d’un nouveau modèle pour penser le développement.
Le cadre théorique de référence
Théories de la formation comme transformation de la personne
Nous partons du postulat que la formation des enseignants, dans une phase de mutation des modèles de référence, ne peut pas consister à simplement diffuser une somme de connaissances nouvelles, ni même un nouveau système de connaissances censé se substituer naturellement au précédent ; elle doit prendre en compte et s’attacher à induire des changements de comportement, de méthodes, de représentations, d’attitudes. C’est pourquoi nous nous référerons aux théories qui postulent que la formation implique nécessairement une transformation plus ou moins radicale du mode de fonctionnement de la personne dans ses multiples aspects cognitifs, affectifs et sociaux.
Le cadre théorique pour penser le changement 
On peut envisager ces changements dans un cadre béhavioriste (approche comportementaliste, conditionnement), dans un cadre piagétien (changement de structure ou de registre de fonctionnement intellectuel), freudien (remaniement des identifications), lewinien (changement de représentations sociales) ou bachelardien (réforme épistémologique). Pour choisir la stratégie de formation, il est important de cerner la nature du changement visé : s’il s’agit simplement de renforcer des comportements, de roder des méthodes, pourquoi ne pas utiliser une approche comportementaliste ? Mais s’il s’agit de viser des ruptures, des changements de paradigme, alors les autres modèles semblent plus pertinents. Dans le cas de l’introduction du développement durable dans le système éducatif agricole, il nous semble que nous avons à faire à un changement de fond et que la formation des enseignants va devoir affronter des problèmes de « conversion intellectuelle », c’est la raison pour laquelle nous avons retenu pour cette recherche et pour les formations qu’elle vise le cadre théorique de la psychanalyse de la connaissance de Bachelard.
Les modèles théoriques piagétiens et bachelardiens réfutent aussi bien l’approche empiriste de la formation qui prétend opérer à partir d’une « table rase », que celle des tenants de la « tête bien faite » qui prétendent n’avoir qu’à organiser un matériau déjà là à l’état disparate. Dans la perspective d’une formation pensée comme « réforme », on postule qu’on part d’un matériau déjà organisé, selon des formes stables et cohérentes (les préjugés, les représentations premières) efficaces pour résoudre une certaine catégorie de problèmes, mais qui ne permettent pas d’accéder au nouveau paradigme. Dans cette perspective, former, c’est accompagner la déstructuration de ce premier niveau d’organisation pour le réorganiser autrement, sur un plan supérieur.
La spécificité du modèle bachelardien est double. Tout d’abord, il part de l’hypothèse que les représentations premières résistent et continuent de s’activer bien après le constat par le sujet de leur inefficacité : elles fonctionnent donc comme des obstacles au changement, on les appellera des « représentations-obstacles ». Leur déconstruction représente un vrai travail sur soi qui a besoin d’être accompagné. D’autre part, la perspective bachelardienne se fonde sur l’idée que les « obstacles » sont inhérents au contenu, qu’il s’agit d’un passage quasi obligé dans la construction d’un savoir donné dont on peut retrouver la trace dans l’histoire de la science elle même. Bachelard postule un parallélisme entre formation historique des sciences (perspective épistémologique) et formation d’un individu (perspective psychopédagogique), on parlera donc « d’obstacles épistémologiques ». Cette approche a l’énorme avantage de ne pas séparer la réflexion sur les savoirs à enseigner de la réflexion sur les méthodes pédagogiques. Voilà pourquoi nous tenterons de repérer les obstacles épistémologiques spécifiques à l’introduction du développement durable dans l’enseignement agricole et des pistes pour les dépasser afin de contribuer à une didactique du développement durable.
Etude exploratoire pour un état des lieux

La question : Comment les enseignants des EPL réagissent-ils face à l’émergence du paradigme du développement durable ?
Nous avions l’intention d’une part, de faire un état des lieux un peu systématique par une enquête auprès de tous les enseignants qui viennent en stage de formation au Cempama. Malheureusement la suppression des stages du dernier trimestre 2002 sur lesquels nous avions décidé de pratiquer cette enquête nous a privés de l’essentiel du corpus. Nous ne pouvons présenter ici que les résultats de l'enquête n°1 portant sur un groupe de 28 personnes, ce qui nous fait renoncer à toute prétention de représentativité. Il nous a semblé toutefois que ces résultats présentaient quelque intérêt et méritaient d’être analysés et proposés comme base pour des enquêtes ultérieures plus exhaustives.
D’autre part, dans l’enquête n°2, nous avons sollicité, sous une forme volontairement vague, au niveau de quelques conférences Educagri, le témoignage ou les compte-rendus d’expérience d’actions de formation sur le développement durable.
Enfin, nous nous sommes appuyés sur 2 expériences, la pré-expérimentation «EPL et DD» (octobre 2002 à mars 2003) préparant à la recherche- action «le développement durable dans et par les EPL» (Programme National Développement Durable 2003-2006, Axe2) et le réseau des Etablissements Verts Bruntland (EVB) au Québec, qui depuis 1992 tente de mettre en œuvre le DD dans des écoles dans un premier temps, puis dans des établissements d'enseignement secondaire.
La première enquête systématique, auprès d’enseignants venus en stage sur d’autres thématiques et en majorité spécialistes de matières générales, fait entrevoir un faible impact de la perspective « durabilité » au niveau des pratiques pédagogiques. Les autres enquêtes font témoigner des volontaires engagés dans des actions spécifiques, elles permettent de discerner les axes et les formes d’action privilégiées, les innovations les plus investies et les difficultés rencontrées. On a noté l’avancée particulière tant au niveau de la mise en œuvre que de la réflexion critique de ceux qui ont participé aux expérimentations « Agriculture durable » soit comme site de démonstration, soit dans le cadre des actions régionales.
Les enseignements de l’enquête 1 (G. Roque)
Modalités
Cette enquête est réalisée à l'occasion de stages de formation organisés au Cempama. Les 28 enseignants de toutes disciplines qui ont répondu sont des personnes volontaires pour se former ; elles constituent donc un échantillon qui n'est sans doute pas représentatif de la population moyenne des enseignants des établissements agricoles. Les disciplines d'enseignement général y sont fortement représentées (dans la seconde enquête, les disciplines techniques seront plus représentées).
Le questionnaire est volontairement assez ouvert pour permettre un meilleur recueil des représentations sur le développement durable et l'avis que ces enseignants portent sur les pratiques dans leur EPL : les leurs et celles de leurs collègues.

Q 1 : Le développement durable : qu'est-ce pour vous ?
Q 2 : Le prenez-vous en compte dans vos pratiques pédagogiques ? Si oui, comment ?
Q 3 : Selon vous, comment cette question est-elle prise en compte par vos collègues dans votre établissement ?
Q 4 : Expression libre
Les représentations
Il ressort de l'enquête que pour un grand nombre d'enseignants le DD est souvent une notion incomplète, parfois un sujet totalement inconnu.
une méconnaissance reconnue
C'est le cas pour 7 enseignants. Certains le disent simplement : « C'est une notion très vague / Quelque chose de flou pour moi …/ Je ne connais absolument rien au DD / J'en ai entendu parler à… mais c'est une notion bien abstraite / Mais c'est pas clair pour moi / La définition est trop vague pour moi ».
D'autres y ajoutent une touche de doute ou de refus : « Notion totalement abstraite et verbiage venant d'en haut / Un grand capharnaüm »
Parfois en culpabilisant : « J'ai un gros sentiment de culpabilité à ne pas m'y intéresser ».
le développement durable envisagé dans une ou plusieurs dimensions
Une prise en compte de l'environnement qu'il faut protéger (20 fois) : « préserver l'environnement / maintenir un milieu / pas d'effet destructeur sur les ressources naturelles / de gestion raisonnée / respect de la biodiversité / attention aux équilibres écologiques »
Une dimension parfois culturelle mais surtout technique ou économique (14 fois) : « activité de l'homme qui prend en compte les progrès techniques, l'économie / développer l'agriculture et le territoire / souci de rentabilité-durabilité / sans nier nos besoins et la réalité économique et parfois critique : une remise en cause de la façon de produire actuellement / par rapport au développement capitaliste ».
Un visée sociale ou humaine (12 fois) : « qualité de la vie des hommes / qualité de notre milieu de vie / se soucier de ce que l'on transmet aux générations futures / permettre à plus de personnes de produire / transmission d'une planète viable / les hommes qui vivent dans le territoire (emploi) / revenus corrects pour les producteurs »
6 enseignants seulement prennent en compte les 3 dimensions quand ils parlent du DD et 3 enseignants n'en mentionnent aucune.

Ces dimensions peuvent être :
associées, prises en compte simultanément, conciliables : « prendre en compte l'environnement, les ressources sans nier nos besoins et les réalités économiques / élaboration de projets territoriaux viables avec pour finalité d'assurer l'existence des générations à venir ».
mises en tension, opposées : « une remise en cause de la façon de produire actuellement en tenant compte des conséquences négatives pour l'environnement / le développement mais en intégrant la nécessité de protéger l'avenir / dans tout projet de développement il faut se soucier de ce que l'on transmet aux générations futures et donc ne pas épuiser, dégrader les ressources naturelles »

Dans le tableau ci-après, on notera l'importance de la dimension environnementale : les 2/3 des enseignants la citent, ce qui explique sans doute les nombreuses actions mentionnées dans l'enquête n°2 et que nous appellerons «gestes citoyens» (cf.  REF _Ref35939547 \h les «gestes citoyens» p. PAGEREF _Ref35939547 \h 9)


Dimension environnementaleDimension technique ou économiqueDimension socialeLes 3 dimensions à la foisAucune ou non décelable20 / 2814 / 2812 / 286 / 283 / 28
Une seule dimensionPlusieurs dimensionsSociale ou humaine1 / 25Technique ou économique
Sociale ou humaine3 / 25Technique ou économique1 / 25Technique ou économique
Environnementale4 / 25Environnementale7 / 25Environnementale
Sociale ou humaine3 / 25Les 3 dimensions6 / 25sensibilité idéologique
Pour certain, le développement durable apparaît comme relevant d'une idéologie politique. «La notion de DD est assimilée à une certaine sensibilité politique qui crée des clivages, des réactions»
distinction vie privée / vie professionnelle
Quelques uns distinguent, pour eux ou pour les autres, les actions de la vie privée et les actions professionnelles : « une collègue s'intéresse à ce problème à titre personnel / à titre individuel et non professionnel »
Les pratiques
ceux qui savent qu'ils ne font rien et ceux qui n'en sont pas sûrs
13 enseignants reconnaissent :
ne rien faire dans ce domaine : « hélas non / non pas actuellement / non » (5 fois)
ou si peu ou tellement en marge qu'ils n'en sont même pas certains : « non, à moins que… / pas vraiment mais… / non car ……… rectificatif : dans mes cours … / pas actuellement de façon véritable, cependant …/ non sauf si on considère …/ oui dans l'esprit »
les «gestes citoyens»
Un enseignant sur cinq décrit sa pratique par des « gestes citoyens » : il faut entendre des comportements bien identifiés, limités et réalisables par tous : « Tri des déchets / recyclage du papier à la photocopieuse / choix des emballages, tri des déchets en travaux pratiques / mise en place du tri sélectif au lycée / vente de produits issus du commerce équitable / comportements propres ».
Ces « gestes citoyens » peuvent être la traduction en action d'un sentiment personnel de culpabilité (« au niveau personnel …le tri des déchets …mais aussi nos contradictions car j'utilise toujours une voiture à essence »), d'une volonté de dire ce qui est bien (« j'attire l'attention sur les comportements propres ») ou enfin d'une conception limitée de l'action de l'enseignant réduite à celle de bon citoyen.
Ces enseignants sont-ils démunis face à l'ampleur du changement à effectuer ? Sont-ils contraints d'agir sous la pression sociale mais ne sachant comment, se rabattent sur des gestes simples, concrets, limités, des gestes de la vie courante ?
les «gestes d'enseignant»
10 enseignants situent leur pratiques dans des actions directement en rapport avec leur enseignement. Pratiquement seuls les enseignants techniques s'expriment à ce sujet en citant des actions qui semblent limitées : « de manière très ponctuelle, ciblée, en labo : réflexion sur les quantités de produits utilisées / on l'évoque lors des visites, par exemple la gestion des effluents d'élevage / prise de conscience des pollutions agricoles / récupération de l'eau d'irrigation en pépinière, pratiques de traitements phytosanitaires / sensibilisation à l'environnement en EATC / parfois au travers de documents étrangers / j'évoque de manière très succinctes les différentes façons de produire / je l'évoque lors de l'élimination des déchets verts / amorcer un questionnement sur les valeurs sociales et culturelles »
une prise en compte plus conséquente dans les cours
4 enseignants seulement signalent une prise en compte notable (à leurs yeux) du DD dans leurs pratiques pédagogiques : « oui dans le M8, le D31 ou le M4 quand je traite le développement / bien entendu, l'exploitation a signé un CTE ( base de travail et exemples / oui en sensibilisant via des brochures d'informations et au travers des divers dossiers réalisés par les élèves / oui : étude de cas, expérimentation »
la perception du positionnement de leur epl
23 EPL sont représentés. Dans la grande majorité il ne semble pas y avoir une grande activité autour du DD qui reste, quand elle existe, la chasse gardée (choisie ou imposée ?) de quelques « spécialistes, experts » sur lesquels on semble se décharger de cette question.
6 enseignants ne savent pas ce qui se passe dans leur EPL
dans 10 EPL rien ne se passe ou aucun retour n'est assuré par les personnes qui s'en occupent : « pas de discussion engagée / prises en compte par quelques collègues mais pas de retour / au prof de phyto de faire passer, or rien ne se passe / rien n'a été mis en place à ma connaissance / aucune volonté d'équipe ou d'établissement / une personne référente mais rien n'est transmis aux collègues, aucune suite / concept non discuté dans le cadre de l'école / la constitution de groupes est difficile (même si l'enjeu est jugé comme primordial pour tous), souhaitent décharge horaire / trop peu »
dans 7 EPL il y a une personne bien identifiée qui s'occupe du développement durable (le spécialiste) : « Une ITA travail sur ce sujet en lien avec l'exploitation / on a confié le DD à un prof de phyto / le chef d'exploitation fait partie du réseau AD / une personne référent dans l'EPL, il assiste à des réunions / un IGREF est chargé d'étudier le DD / un enseignant ITA chargé du dossier DD »
dans 6 EPL une ou des actions notables sont signalées: « l'exploitation est dans l'action démonstration et a ouvert une licence pro après une SIL / les enseignants d'éco, fortement le chef d'exploitation et l'exploitation et 3 enseignants sont allés en stage AD / un groupe de travail et l'exploitation agricole / nombreuses actions au niveau de la ferme / les profs d'agroéquipement et un projet avec la serre / les collègues d'agro et d'éco et un travail avec les BTS à la rentrée »
Analyse de contributions d’enseignants (A. Lainé, G. Roque)
Condition du recueil des données
Par l'intermédiaire de quelques conférences, il a été demandé aux enseignants qui le voulaient bien de dire en quelques mots comment ils prenaient en compte la notion de développement durable dans leurs pratiques pédagogiques. Ce questionnaire très ouvert a fourni des réponses très diverses par leur développement (de quelques phrases à plusieurs pages) et par la nature des pièces apportées en appui du discours (CCF, partie de cours, documents de travail avec les élèves, …). Ce recueil, basé sur le volontariat, n’est par conséquent pas exhaustif et seul une analyse qualitative a été réalisée à partir de la trentaine de réponses. Dans le cadre d’une recherche plus poussée, il serait pertinent de compléter cette première analyse par des données quantitatives.
Le développement durable est abordé.
quand et ou ?
Dans les modules, activités ou projets:
En seconde : EATC,,
En BEPA : G5, MAR, PUS, MIL Environnement et citoyenneté,
En Bac Pro : MP 4, modules professionnels, MG 4, MP 1, MP 31, MP 35,
En Bac STAE : Diagnostic de territoire (M4, 8, 9),
En 1ère S : ATC
En BTSA : D 31, D 32, D 33, D 41, D 42, D 44, D 48, MIL Agriculture et environnement, PIC, Diagnostic de territoire
En formation adulte : UC 4 et UC 7
Diagnostic Agri-Environnemental : CAPA (MP 1, 2, 3), Seconde Pro (G4), BEP (P1, 2, MIL), Bac Pro (MP1, MG1, MG4, MP3, MP4), BTS (D32, D41, D42, D46, D47)
Diagnostic de territoire : Seconde (EATC), BEPA (P1), STAE(M4, M8, M9), BTS (D22, D32,D33, D46), BP adultes (UC4, UC7)
à différentes échelles
A l'échelle planétaire
Etude d'un cas (les Inuits) à partir d'un texte posant bien le problème de la durabilité. Un contrôle en cours de formation est proposé avec une question permettant de voir si les critères de durabilité ont bien été repérés par les élèves dans ce même texte.
A l'échelle d'un territoire 
Dans de nombreux cas, le développement durable est abordé à l’échelle du territoire, dans des procédures de développement local, des diagnostics du territoire ou dans un module particulier :
Dans une « Etude de procédure de développement ; au travers du Parc Naturel Régional Périgord-Limousin, démontrer en quoi les acteurs d’un territoire sont un facteur de dynamique locale et de développement durable en valorisant le patrimoine, la production de bien ou de services, la vie collective «
Dans des « séquences de diagnostic de territoire »
« En pluridisciplinaire avec l’ESC, matière 4 : dans le cadre de la semaine animation et développement local ou la problématique tourne toujours autour du DD. Cette semaine donne lieu a un dossier et une restitution théâtrale »
A l'échelle de l'exploitation
« diagnostic agricole d’exploitation dans lesquelles étaient impliquées les classes ».
en prenant en compte tout ou partie de ses dimensions ou en limitant l'étude à un secteur particulier
En mobilisant toutes les dimensions (environnementale, économique, sociale)
Même si la portée est limitée à un secteur particulier : « Tout d’abord, dans mes cours, il n’est pas question de développement durable mais de sa composante agricole : l’agriculture durable dans ses 3 dimensions : économique, environnementale et sociale »
En ne mobilisant que certaines dimensions
« On est parti sur une entrée environnementale avec des commentaires de texte issus de « 100 gestes pour la planète ». Cela permettait de voir leur sensibilité à l’environnement »
En limitant à un secteur particulier
L’agriculture : « Je réduit le DD à la notion d’Agriculture Durable dans les modules BTSA ACSE comme une démarche visant à assurer la pérennité de l’exploitation »
Les déséquilibres Nord-Sud : « Il me semble que je mets beaucoup de choses sous cette notion…en fait j’associe le DD aux déséquilibres nord –sud »
Le DD considéré comme l'affaire de spécialistes
Le plus souvent, on considère que le DD relève des techniciens et économistes, voire de certains d'entre eux qui se sont spécialisés, et par conséquent « Pas de travail sur le DD avec les profs d'enseignement général »,.
Le DD est abordé avec des modalités pédagogiques différentes
une sensibilisation au dd
Certains enseignants disent « Sensibiliser à la notion de développement durable », « Pas d’actions spécifiques mais sensibilisation sur le tas, au début des séquences DT ou du DAE», « en EATC, il s’agit de sensibiliser les élèves »
le dd evoque en toile de fond
Le DD durable n’est pas toujours un objectif d’apprentissage et par conséquent les enseignants savent qu’ils traitent plus ou moins de choses en lien avec le DD mais n’ont pas « épluché » le concept de base : « En ce qui concerne l’agriculture durable, je n’en parle pas en cours du moins dans ces termes. Dans la séquence sur les espaces ruraux dans les pays riches, j’aborde les problèmes de l’agriculture productivistes et les changements survenus dans l’espace rural…je cite rapidement l’agriculture biologique » / « Je n’ai pas de cours spécifiques sur ce sujet, c’est une notion qui est au fond de chaque cours qui s’exprime à l’oral grâce à mon expérience à la DRAF sur le développement agricole et les aménagements en faveur de l’environnement. » / « Concernant la classe de 2nd pro, j’intègre la dimension environnementale dans les cours ».
le dd traite comme un isolat
Le DD est très souvent considéré comme un chapitre à part et il est traité avec des modalité différentes :
Par des lectures de documents
« En BTSA ACSE pour appréhender la notion d'AD (supports cahiers de l'AD du RAD et CIVAM) » / « En BTSA ACSE la notion plus large de DD reste appréhendée en cours de D31 essentiellement à l'aide d'études de documents et vidéos »
En faisant appel à des intervenants extérieurs
Economie « Pour des BTS ACSE, une conférence avec un enseignant, un animateur AD et un agriculteur adhérent au RAD ; ils ont retracé l'historique du concept DD, ce que cela voulait dire en agriculture, la démarche d'un EPL et comment cela se traduisait sur une exploitation. A partir de cela, j'ai fait un cours » / « Pour les 2°, dans le cadre de l’EATC, la collègue chargée de l’agro, fait venir des intervenants qui présentent le DD (l’eau en agriculture) - une conférence de 2 h par classe. »
Lors de visites d'exploitation
C'est une pratique assez fréquente. « Le DD n'est jamais intégré directement dans un cours, par contre il est abordé lors de visites d'exploitation et dans le suivi du rapport de stage si la problématique de l'exploitation s'inscrit dans cette démarche » / « Chaque production est illustrée par une visite d’entreprise, l’occasion d’aborder le rôle des producteurs dans l’entretien et le maintien de la biodiversité de ces milieux. L’occasion également de rappeler que l’exploitation douce et raisonnable des marais permet la création d’emplois… ».
En faisant un cours sur le DD
« En classe de pré licence, je réalise le module Agronomie et environnement dans lequel j'ai un chapitre sur l'AD (4h) et je passe 1 heure sur le DD (histoire, portée, ..) » / « Aucune [action de formation] de manière spécifique ; cependant les contenus de formation agronomique sont relookés façon DD. »
le dd par des actions concretes tres ciblees
Beaucoup disent faire du DD dans le cadre de projets (MIL, MAR, PUS, PICS, et autres projets d’élèves) : « Utiliser au maximum le DD sans les PUS, PICS ou autres projets d’élèves – créer un MIL me permettant à loisir d’agir en fonction du lycée et du DD. » / « insertion dans le programme des concepts de durabilité et du bio sous forme de MIL » / « On traite du DD par un MAR agriculture durable un MIL sur l’eau » / « Je participe à l’éducation au développement sur le lycée, et dans ce cadre nous allons faire venir sur le lycée DECOODE (pour Développement durable, Coopération internationale et éducation au Développement) une action (exposition, jeux de rôle, échanges) qui aborde le commerce équitable, la qualité de vie au nord et au sud et les enjeux planétaires du développement. 5 ou 6 classes sont concernées. »
le dd en faisant appel a des pedagogies bien connues dans l'enseignement agricole : pedagogie de projet, etude de milieu
« Mettre en place la pédagogie de projet, croiser l’étude du milieu et l’approche globale de l’exploitation en les complétant avec concept et démarche de durabilité «
le dd en entrant par un probleme
L’entrée par un problème est assez signifiante : l’étude de cas apparaît comme un support assez bien utilisé pour aborder la durabilité.
Lors des diagnostics de territoire ou des diagnostics d'exploitation
« En BTSA ACSE établir des diagnostics d'exploitation (travail de groupes avec 4 exploitations hétérogènes) à partir de la méthode IDEA suivis d'une synthèse orale. »
Par comparaison ou simulation de cas
« Nous consacrons environ un tiers de l’année à réfléchir sur l’avenir du territoire étudié, à partir de simulation de projets d’aménagements inventés par les élèves. Et donc obligatoirement nous faisons émerger des modèles de développement (pas tous très durables !) que nous comparons entre eux ». / « Nous allons réaliser une semaine bloquée avec les 1ère bac pro sur différentes agricultures : comparaison agriculture durable/raisonnée »
En étudiant une filière de production
« En étude de filière, au travers l’exemple de céréales on aborde l’évolution des pratiques agricoles pour tendre vers plus de durabilité ». / « lors de la conduite d’un itinéraire technique plus particulièrement pour la simplification du travail du sol »
Dans une étude de développement local
« En quoi des acteurs socio-économiques dynamisent-ils le développement durable d’un territoire ? »
En étudiant la comptabilité nationale
« Intégration du développement durable : essentiellement dans la partie du module consacrée à l’outil comptabilité nationale » / « Une fois les principales définitions repérées et commentées, j’aborde succinctement les objectifs, les moyens et les conséquences d’une croissances plus soutenable »
le dd en utilisant des outils de diagnostics de durabilite
La grille IDEA a été construite lors de l’action de démonstration en agriculture durable ; c’est un outil qui permet d’évaluer la durabilité d’une exploitation : « Pour notre part, 20 h de pluri de BTSA ACSE pour appréhender la notion d’agriculture durable et établir des diagnostic d’exploitation à partir de la méthode IDEA. » / « Nous avons un MIL de 60h intitulé agriculture et environnement où la notion d’agriculture intégrée est abordé (IDEA) ».
Dans certains établissements, l’équipe pédagogique construit d’autres indicateurs de durabilité : « Comment élaborer un projet d'évolution de l'exploitation vers l'agriculture durable La méthode idéale n'existe pas et le contexte institutionnel et économique de l'exploitation ne permet pas de remettre en cause tel ou tel atelier ou activité. Nous avons donc choisi d'améliorer la situation existante par une démarche méthodique : La durabilité (agro-écologique, socio-territoriale et économique) a été déclinée en 20 thèmes (l'eau, les systèmes de culture, les apprenants sur l'exploitation, la serre de vente etc…). Pour chacun de ces thèmes, les objectifs de durabilité vis à vis du territoire et de l'exploitation ont été traduits en objectifs opérationnels (ex : raisonner les choix d'intrants). Un inventaire des actions à mener pour atteindre ces objectifs a alors été fait, en précisant le(s) responsable(s) de l'action, le budget concerné et l'échéance prévisionnelle. »
Des difficultés reconnues
des difficultes a maitriser le concept de dd
« Dans ma pratique, je n’aborde pas vraiment le DD : je n’ai pas mené de réflexion spécifique sur ce concept » / « Difficulté pour les enseignants non animateurs à s’approprier le concept jugé très vaste et très complexe…les enseignants dont le concepts ne rentre pas de manière explicite dans leurs modules n’ont pas jugé nécessaire de l’aborder » / « J'ai des difficultés avec le concept, donc j'ai du mal à faire évoluer mes pratiques ».
un probleme de legitimite
Pour les enseignants qui n'abordent pas le DD, c'est souvent parce qu'il n'est pas clairement présent dans les référentiels ; le DD n'est pas ressenti comme légitime (par les enseignants mais aussi par les élèves). De fait, quand le programme ne traite pas du DD, des MIL et MAR spécifiques sont mis en place.
« L’année prochaine lancement d’un MIL horticulture durable, pour donner une motivation aux élèves : si c’est dans le programme ça donne de l’intérêt au thème pour les élèves »
des difficultés dans les mises en oeuvre pédagogique
Manque de méthodes pour traiter l’information
Un établissement analyse sa démarche et conclue : « Les élèves ont eu du mal à traiter la masse d’informations collectée…une démarche trop libre a dans certains cas donné des résultats peu riches… Quand une classe part sans méthode, il lui est difficile de construire une analyse…le travail parcellisé et les méthodes n’ont pas permis de mettre en évidence une problématique centrale »[…] « lors de la réalisation des synthèses, les élèves ont eu des difficultés à traiter la masse d’informations collectées et ont le plus souvent réalisé qu’une succession de notes sans lien logique »
Difficultés à lever les résistance des élèves sur certaines composantes du DD
« En cours j'ai constaté que les 2 premières composantes de l'AD (économie, environnement) passaient bien auprès des élèves, par contre, l'enseignement de la composante sociale n'est pas du tout passée (hypothèses : je ne sais pas l'aborder ou remise en cause profonde chez les élèves) »
Difficultés à pratiquer les changements d’échelle
Passer de l’échelle de l’exploitation agricole à celle d’un territoire et à celle de la planète et inversement semble une opération difficile voire impossible pour les enseignants par manque de moyens pédagogiques (Cf.  REF _Ref35997970 \h \* MERGEFORMAT le concept, comme chaînon manquant entre expérience de terrain et savoir scolaire p. PAGEREF _Ref35997970 \h 21) : « La notion reste vague et compliquée, les élèves ne dépassent pas le niveau de(s) l’action(s) qu’ils ont conduite(s) dans ce cadre ».
Difficultés de transferts et de réinvestissements
On note une difficulté réelle à faire des liens entre les différentes activités pédagogiques liées au DD : « le lien entre DT et AD est souvent mal, ou pas du tout établi, le DT est alors perçu comme un moyen de mettre le territoire en AD »
La plupart des cas qui présentent un peu d’originalité dans leurs méthodes pédagogiques sont des « études » du DD par des approches pluridisciplinaires. Il semblerait d’après cet échantillonnage que, les enseignants traitent dans leurs disciplines, le DD comme un chapitre en plus, sans ré-interpeller leur enseignement : « En filière STAE, matière 8 en monodisciplinarité, un chapitre DD et tout au long des autres chapitres. ».
Difficultés à investir une autre thématique que celle de l’agriculture
Il existe des outils en agriculture pour s’approprier la notion du DD sur cette thématique : site de démonstration dans les établissements, grille IDEA, travaux de recherche…et peu sur d’autres thématiques. Aussi, la plupart des cas qui utilisent des outils dans notre échantillonnage sont des cas qui traitent de l’agriculture durable avec utilisation des indicateurs du durabilité.
Difficultés liée à une conception de la progression des apprentissages
Le concept de développement durable est considéré comme trop difficile d'accès pour les élèves : certains enseignants considèrent donc que le DD ne peut être abordé qu'à certains niveaux d'enseignement : «la classe de BTSA PA 2e année, la seule classe concernée : on pensait qu’il fallait un niveau de réflexion de ce niveau pour aborder ces questions complexes»
Des spécificités dans les recueils de la pré-expérimentation «EPL et DD» et dans les EVB au Québec (C. Abel-Coindoz)
En complément des enquêtes effectuées lors des stages et des témoignages recueillis sur les conférences Educagri, nous nous sommes appuyés sur 2 expériences :
la pré-expérimentation «EPL et DD» (octobre 2002 à mars 2003) préparant à la recherche-action «le développement durable dans et par les EPL» (Programme National Agriculture et Développement Durable 2003-2006, Axe2)
le réseau des Etablissements Verts Bruntland (EVB) au Québec, qui depuis 1992 tente de mettre en œuvre le DD dans des écoles dans un premier temps, puis dans des établissements d'enseignement secondaire.

L'analyse qualitative de ces 2 expériences a fait apparaître d'autres caractéristiques ou des précisions sur les représentations et pratiques en lien avec le DD que nous présentons ci-après.
Condition du recueil
Dans le cadre de la pré-expérimentation 2 établissements ont été suivis par une cellule d'appui au rythme d'une rencontre par mois : les analyses suivantes s'appuient sur les comptes-rendus de ces réunions.
Concernant les EVB, une mission fin novembre 2002 a permis de rencontrer différents acteurs de ce réseau, en particulier des enseignants et élèves d'une part, des animateurs de la démarche d'autre part (coordination nationale, un chercheur-concepteur d'outils pédagogiques et des formateurs d'enseignants, nous avons pu en particulier assister à une ½ journée de formation d'enseignants).
Une entrée par l'environnement privilégiée, faisant apparaître des tensions
La grande majorité des thèmes cités, des actions menées concernent l’entrée environnementale, abordée sous 3 angles principalement :
environnement nature « biodiversité, écologie »
environnement problème « gestion des déchets, eau, énergie »
environnement cadre de vie « cadre de vie, paysage »

Des tensions fortes apparaissent entre 2 représentations opposées de la nature :

une vision de la nature, processus écologique
« Suite à la tempête, on s’empresse de tout nettoyer [les espaces verts du lycée]. Des enseignants proposent en STAE (cours sur foret et sol) plutôt que de tout faire disparaître, de laisser un arbre couché : analyser un bouleversement plutôt que tout faire disparaître, intérêt écologique »

une vision de la nature maîtrisée, contrôlée
« Pour d'autres cet arbre couché est considéré comme laid et le laisser en place est incompréhensible. »
« On est sur un problème de culture : « le beau », c’est le « propre » (avec des arbres debout !) Pas de mauvaises herbes, de piqûres d’insectes… »
Une entrée sociale limitée
Dans un cas l'entrée sociale est réduite aux bonnes relations entre les personnes et à l'insertion des élèves
« Au début très mauvaise relation pour certains personnels et pour les élèves[entre CFA et lycée] La mise en place d’actions communes semble améliorer les relations. »
« Le volet social est vu sous l’angle de l’insertion sociale et professionnelle des élèves », « mise en place d’un comité de prévention. Avoir une vision globale de l’élève dans le site, ce qui va ou pas, son projet professionnel, prévenir les violences ou « malaises », démarche de prévention individualisée. »

Dans un autre cas l'entrée sociale, affichée au travers du thème de la solidarité, se révèle réduite à la mise en place d'actions caritatives, auprès des plus démunis, des malades ou des enfants du tiers monde.
Le «bio» : une solution «toute prête» non questionnée
Dans un site, le choix d'une production bio est effectué sans réflexion amont sur le DD. «Parcelle trop petite pour un maraîchage classique. D’ou l’idée de mettre en œuvre un maraîchage bio. Au début le bio est un choix pratique, une opportunité»
Ce choix permet d'afficher une démarche agriculture durable. Mais quand il est envisagé d'appliquer le bio à d'autres productions, des questionnements apparaissent qui amènent les enseignants à interroger la notion de DD. «On s’est interrogé sur comment appliquer aux autres secteurs la réflexion du Bio [espaces verts, production florale]. En production florale l’entrée n’est pas alimentaire comme dans le maraîchage bio, ça pose question.»
Des actions «concrètes» à vocation éducative et de sensibilisation
Dans plusieurs établissements, la mise en place d'actions «concrètes» ayant trait au DD est conçue dans un but éducatif et relève d'une volonté de sensibilisation.
« Agir et sensibiliser demeurent les objectifs principaux», «Faire une sensibilisation à l'écocitoyenneté, au DD», «Les actions réalisées nous servant de support de sensibilisation, il nous apparaissait important que les élèves puissent mesurer, à l’échelle de la scolarité, les effets des actions entreprises. »
« Donc actions à la fois hors temps scolaire et support pédagogique en classe.», «Volonté que chaque action soit une action concrète qui puisse être utilisée en pédagogie et être l’occasion de sensibiliser l’ensemble des personnes de l'établissement »
De fait, malgré un affichage fort autour du DD, ce concept est peu investi dans les cours et c'est dans des activités hors temps scolaire qu'il est le plus souvent traité.
Certains expliquent la nécessité de mettre en place des actions dans l'établissement pour illustrer de ce qu'est le DD parce que les exemples manquent dans le territoire.
«Lors de la mise en place de la journée DD le plus dur a été de trouver des exemples d’actions concrètes pour illustrer le DD. Des actions à l’interne permettraient d’illustrer des nouveaux programmes : les enseignants trouveraient un intérêt à des actions sur le DD dans l’établissement ».
Pour autant, seul un très petit nombre d'enseignants s'appuie réellement sur les actions menées dans les établissements pour réaliser leurs cours.
De ce fait ces actions sont ressenties par certains comme relevant d'une logique militante, idéologique.
C'est beaucoup au travers de gestes techniques ou «citoyens» que le DD est abordé. On apprend aux élèves à trier les déchets, à économiser le papier, à réduire sa consommation d'eau, à faire du compost, à gérer les effluents…
Un fossé entre la conception de démarches pédagogiques et leur mise en oeuvre
Dans le cadre du réseau EVB, des outils pédagogiques ont été élaborés à partir d'un travail poussé sur le concept de DD, en choisissant des thèmes «portes d'entrée» permettant d'aborder ce concept (alimentation, consommation responsable…) et en concevant des démarches et progressions pédagogiques pour aider les élèves à en appréhender les tenants et aboutissants. Ces outils sont diffusés auprès des enseignants des EVB, parfois accompagnés d'une demi journée de «formation» (présentation de l'outil).
Mais la mise en œuvre par les enseignants se révèle bien souvent éloignée des intentions et démarches pédagogiques voulues par les concepteurs des outils pédagogiques. S'agissant des activités hors temps scolaire, elles se réduisent souvent à des gestes citoyens, à apprendre des «bonnes pratiques» sans travail associé sur le concept de DD.
Pour ce qui concerne l'enseignement, bien que nous n'ayons pas eu l'occasion d'assister à de véritables cours, les échanges que nous avons eus nous laissent supposer, que pour certains enseignants, les démarches pédagogiques proposées dans les outils n'étaient pas mobilisées dans toute leur ampleur et que c'est une logique de «bonnes pratiques» qui guide leur approche.
Obstacles épistémologiques, leviers du changement et propositions didactiques
Il s’agit dans ce qui suit de poser des repères pour identifier en formation ou en toute autre situation d’intervention d’appui au système éducatif ce qui, dans les habitudes de pensée, dans les manières de faire, empêche d’accéder véritablement au paradigme du développement durable. L’objectif est d’identifier les points cruciaux sur lesquels il paraît pertinent de centrer les actions de formation qui visent à accompagner un véritable changement des pratiques pédagogiques.
Pour construire cette « carte » des obstacles et des leviers du changement, nous nous sommes intéressés à ceux des enseignants qui abordent la question du développement durable et qui rencontrent en eux-mêmes des obstacles pour l’appréhender dans toute sa dimension. En aucun cas, nous ne prétendons que tous les enseignants tombent dans ces obstacles, nous tentons de repérer les endroits les plus délicats et les plus difficiles sur le chemin du changement. Nous considérons que les obstacles sont inhérents à toute entreprise de connaissance (donc normaux) et nous essayons d’anticiper pour la formation, ceux qui sont spécifiques au passage d’un paradigme productiviste à un paradigme de durabilité.
De l’obstacle de la « culture scolaire » au savoir « théorique » (B. Fleury)
Il nous est progressivement apparu que des représentations figées du savoir scolaire, ce que nous appellerons la « culture scolaire » fonctionnent comme obstacle à la construction opérante du concept de développement durable. Cet obstacle sous-tend un certain nombre d’attitudes que nous avons repérées dans nos actions de formation et d’appui et dans un certain nombre des réponses qui nous sont parvenues.
Une petite revue de comportements induits par la « culture scolaire »
la « culture de collectionneur »
Certains accumulent les données, compilent les informations, courent les colloques, collectionnent les bibliographies, mais il apparaît un énorme décalage entre d’une part l’énergie déployée, la masse de connaissances accumulées et éventuellement mobilisables sous forme d’exposés (savoirs propositionnels) et d’autre part les faibles compétences déployées dans les analyses de cas ou les projets d’action. L’acquisition de savoir sous forme « informative », accroît certes l’érudition mais ne semble pas suffire à rendre compétent en situation de diagnostic ou de décision. (Cf. fiche  REF _Ref35939983 \r \h  \* MERGEFORMAT 7.3  REF _Ref37042602 \h Qu’est ce qu’un « savoir-outil » ? p. PAGEREF _Ref35939989 \h 73)
l’approche « autarcique »
A l’opposé de cette attitude d’ouverture et de recherche d’informations tous azimuts, on voit des demandes ou des propositions de formation d’enseignants sur le développement durable (ou des préparations de cours ou d’interventions pluri) s’enfermer dans la mise en relation de 2 pôles (ou parfois ne s’en tenir qu’à un seul) : les représentations des enseignants sur le développement durable et/ou les référentiels, sans aucune interpellation de l’un ou de l’autre par un travail sur le concept, son contexte d’origine, ses enjeux. Comme si le savoir scolaire n’avait pas de lien avec le monde extérieur. Comme si on pouvait le couper, sans dommage pour le sens des activités scolaires, de son contexte social. Comme si la commande institutionnelle et les représentations des enseignants étaient la seule base du savoir à enseigner !
la grande séparation entre école et terrain, entre savoirs d’expérience et savoirs scolaires
Il apparaît que la connexion ne s’établit pas facilement entre l’expérience des acteurs de terrain engagés dans des démarches de développement durable et les enseignements faits en classe. Si lien il y a, il s’opère souvent par la sacro-sainte « visite » qui fait débarquer toute une classe, en car, sur un site. On nous a rapporté par exemple la perplexité de certains agriculteurs de réseau RAD face aux visites d’exploitation : chaque année les mêmes enseignants amènent de nouveaux élèves poser, sans aucune méthode, le même lot désordonné de questions, sans qu’on puisse constater véritablement de progrès d’une année sur l’autre, comme si les enseignants ne réussissaient pas à (ou ne croyaient pas devoir) élaborer une méthode pédagogique un peu plus performante centrée sur un objectif de formation (que ces agriculteurs voudraient bien connaître). Nous avons des témoignages filmés de visites où derrière un premier rang d’élèves qui s’épuisent à poser des questions dans tous les sens, on ne peut que remarquer la démotivation d’une grande partie du groupe. Au retour souvent, (sauf dans les cas de mobilisation d’une méthode, par exemple d’approche globale de l’exploitation), on a tendance à juxtaposer les comptes rendus de visite qui restent ainsi enlisés dans le factuel, dans un registre de récit, de description d’un cas particulier sans donner lieu à un travail de formalisation du savoir qui le rendrait transposable à d’autres situations.
Un des établissements qui a grandement témoigné dans notre enquête n° 2, illustre parfaitement ces problèmes dans l’analyse critique qu’il fait de son expérience de diagnostic de territoire, mené avec les élèves, dans le cadre de la démonstration agriculture durable:
« Quand une classe part sans méthode, il lui est difficile de construire une analyse. »
« Si différents problèmes du territoire ont été soulevés par cette approche, le travail parcellisé et les méthodes utilisées n’ont pas permis de mettre en évidence une problématique centrale »
« Lors de la réalisation des synthèses les élèves ont eu des difficultés à traiter la masse d’informations collectées et n’ont le plus souvent réalisé qu’une succession de notes sans lien logique »
Ces « synthèses » de travaux pluridisciplinaires cohabitent avec des cours généraux, sans trouver véritablement le lien qui permettrait de passer de l’un à l’autre, d’ou cette impression d’absence de transfert.
On a noté d’autre part la difficulté d’utilisation en classe des productions comme « les cahiers techniques » des Civam, les articles de la revue « Pour », etc. qui sont une véritable mine de cas qui pourraient être la base de certaines situations d’apprentissage, mais qui ne sont pas utilisés parce qu’il y a toujours un « chaînon manquant » entre les réalités de terrain et la forme dans laquelle est traditionnellement pensé le savoir scolaire (voir  REF _Ref35997970 \h le concept, comme chaînon manquant entre expérience de terrain et savoir scolaire p. PAGEREF _Ref35997970 \h 21). Bref, il manque une véritable méthodologie de l’étude de cas comme base de la construction des savoirs par l’école.
On remarque que certains enseignants qui par ailleurs sont engagés dans des actions sur le développement durable ont du mal à exploiter les acquis de leur expérience, voire celle de leurs élèves. En « cours » on n’arrive qu’à « en parler », « incidemment », « quand l’occasion se présente ». Un professeur d’économie qui travaille à mi-temps sur les aménagements agricoles et environnement dit par exemple « Je n’ai pas de cours spécifiques sur ce sujet (le DD), c’est une notion qui est au fond de chaque cours, qui s’exprime à l’oral »
Beaucoup d’enseignants qui ont participé à des actions interdisciplinaires dans le cadre de l’EPL (expérimentations agri-durable sur l’exploitation, expériences PNDD) avouent ne pas avoir beaucoup transféré, dans leurs cours, les acquis de cette expérience.
Obstacle et leviers du changement : le statut du savoir scolaire
Il nous semble qu’un seul et même obstacle épistémologique sous-tend ces différentes attitudes, il s’agit de la conception du savoir scolaire. Pour mieux cerner cet obstacle, nous faisons appel à l’analyse de J.P. Astolfi (Cf. fiche  REF _Ref35940198 \r \h 9  REF _Ref35940096 \h De l’information au concept p. PAGEREF _Ref35940104 \h 77)
« du savoir « propositionnel » au savoir authentiquement théorique »
« Les savoirs que transmet l’école ne sont pas vraiment théoriques (…). Ce ne sont pas non plus vraiment des savoirs pratiques ». (Astolfi parfois les qualifient de « canada dry »). « Il s'agit plutôt de savoirs propositionnels qui, à défaut d'un meilleur statut, résument la connaissance sous la forme d'une suite de propositions logiquement connectées entre elles, mais disjointes. Ils se contentent ainsi d'énoncer des contenus, ce qui est loin de correspondre aux exigences d'un théorique digne de ce nom. (…) à savoir l'usage, dans chaque discipline, de concepts fondateurs et vivants ». (…)
Ce que l’enseignant transmet a « le plus souvent statut d’information » (…) et « ces informations sont de nature très diverses : des notions-clés, des précisions qui les qualifient, des définitions, des exemples... Il n'est pas si facile pour l'élève de «démêler» le statut respectif de ces différentes unités. Leur hiérarchisation est peu apparente ». En particulier, les concepts se dégagent mal d'un grand nombre d'éléments factuels. De même, il n'est pas toujours simple de distinguer ce qui relève du niveau des données empiriques (des faits observables) et ce qui résulte de l'élaboration d'un modèle (qui reste implicite). Ce qui caractérise l'expert, c'est justement que, sans plus même le remarquer, il «voit » le réel à travers un modèle qu'il a comme « naturalisé ».
L’école a tendance à « transformer les savoirs théoriques en savoirs « propositionnels », avec ce que cela suppose comme disparition des enjeux conceptuels. Le savoir vivant se trouve réifié en propositions à caractère légal ». Les compte-rendus de colloques ou de lectures que nous évoquions précédemment, ont souvent cet effet réificateur, réduisant par exemple au statut d’information parmi d’autres, la modélisation théorique d’un expert. Il semble que l’école fonctionne davantage sur le modèle de l’érudit (savoir des choses sur tel ou tel sujet) que sur celui de l’expert (s’y connaître en …). Or de plus en plus aujourd’hui on pense le savoir comme un ensemble d’outils pour traiter des problèmes. Il paraît donc important d’aider les enseignants à passer d’une conception informative et factuelle du savoir à celle d’outils conceptuels (concepts, modèles) qui permettent de comprendre et d’agir sur le monde. « Les concepts ne sont pas des choses qui s'apprennent de façon statique, s'empilent et s'accumulent. Ce sont des outils intellectuels, destinés à résoudre une famille de problèmes, ceux qui caractérisent une discipline ». (…). On peut ainsi soutenir que ce qui manque à l'école, c'est de savoir pratiquer le théorique»
des savoirs déconnectés de leur contexte d’origine à re-problématiser
« La «problématisation » du savoir fait également défaut. C’est-à-dire que les contenus enseignés, qui ont été construits par la discipline de référence comme les réponses à des questions théoriques, perdent le plus souvent la trace de cette origine ». Le savoir scolaire s’autonomise et cette déconnexion entre les questions et les réponses, entre les problèmes et les solutions fait perdre aux savoirs enseignés une partie de leur sens, à savoir leur référence sociale et leur teneur scientifique. Bachelard ne disait-il pas : toute connaissance est réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique ».
Cette conception du savoir sous-tend les attitudes que nous décrivions dans « l’approche autarcique » ; elle enferme parfois la formation au développement durable dans une confrontation entre représentations des enseignants et lecture des référentiels, en oubliant de considérer le développement durable comme un concept, c’est à dire comme la construction d’une réponse (un outil théorique) à un problème que s’est posé la communauté internationale à la fin du XX° siècle. Il est important de connaître l’histoire de l’émergence de ce concept, pour situer ce savoir à enseigner dans son contexte et prendre conscience de ses enjeux, ses tenants et aboutissants. C’est (en partie) ce que nous appelons « problématiser » le savoir scolaire et que nous exposons au chapitre  REF _Ref35940297 \r \h 4.3.2  REF _Ref35940297 \h La problématisation : pourquoi ? p. PAGEREF _Ref35940297 \h 26 et qui n’a d’autre fonction que de permettre de construire des outils conceptuels fondateurs et opérants.
le concept, comme chaînon manquant entre expérience de terrain et savoir scolaire 
Les savoirs scolaires sont aussi déconnectés des problèmes de la vie et des problèmes professionnels. Même quand l’école s’intéresse aux situations réelles et fait de l’étude de cas, le plus souvent, le savoir qu’elle produit conserve les caractéristiques que nous avons évoquées plus haut (caractère propositionnel et informatif) et ne fournit pas d’outils pour traiter des problèmes ou pour lire d’autre cas. Pourquoi ?
Les études de cas, les visites sur le terrain sont souvent le lieu où fonctionne une épistémologie spontanée des enseignants qu’on pourrait qualifier de « réaliste » ou « d’empiriste » et qui se révèle un obstacle particulièrement tenace. Pour l’avoir observée de multiples fois à l’œuvre, nous en définissons ici rapidement les caractéristiques les plus évidentes :
Rapport immédiat au réel, considéré comme directement accessible (donné) par l’observation, « à mains nues » ou plus exactement par le seul intermédiaire des «sens » (doublé d’une confusion entre « sensoriel » et « sensible »)
Prétention à l’objectivité (puisque sans a priori)
Démarche dans le prolongement du sens commun (questionnement passe-partout, tous azimuts)
Objectif de description ordonnée et la plus exhaustive possible de la réalité observée
Enlisement dans la singularité du cas étudié (pas de décontextualisation finale)
Réduction de la complexité en l’émiettant, en divisant le tout en sous parties ou sous thèmes (analyse-synthèse)
Sur-valorisation d’une démarche allant du concret, du proche, du familier (assimilés au simple) pour aller vers l’abstrait, le lointain, le général assimilés au difficile (au compliqué confondu avec le complexe !)
Savoir produit : une somme d’informations juxtaposées (inventaire) ou organisées par une synthèse après coup

C’est pourquoi il apparaît fondamental de faire accéder les enseignants à une épistémologie de type « constructiviste » c’est à dire à un mode de rapport au réel renouvelé où :
Le réel, le « concret » sont considérés comme complexes (aucune approche empirique ou théorique ne peut l’épuiser) et la théorie comme une simplification qui permet d’avoir prise sur un aspect de cette réalité.
On établit un rapport « instrumenté » au réel par l’intermédiaire d’une théorie, d’un concept (pas de prétention d’approcher directement « à mains nues » le réel). On choisit explicitement un angle d’entrée, un concept ou une théorie et on regarde ce qu’il dévoile de l’objet d’étude (il n’y a plus prétention d’objectivité, mais volonté d’objectiver au maximum ses présupposés théoriques ).
On distingue le réel et le modèle scientifique que l’on construit pour l’aborder (on ne confond pas par exemple la surface terrestre, un milieu naturel, une ferme, avec les concepts qui ont été construits par une communauté scientifique : les concepts « d’espace géographique », « d’écosystème », « d’entreprise agricole »….).

On en revient bien là, à nouveau, au rôle du concept (ou de la théorie) comme outil intellectuel d’approche du réel (comme forme d’intelligibilité que l’on projette sur le monde). Si les analyses de cas restent enlisées dans le récit, dans la description des spécificités de la situation, c’est parce qu’il manque aux enseignants la conscience explicite du concept sous-jacent (le fameux modèle à travers lequel l’expert lit la réalité). Cette conscience leur permettrait de mieux maîtriser la démarche d’étude mais aussi de finaliser leur situation pédagogique en lui assignant comme objectif d’apprentissage, la construction de ce concept par les élèves, comme un outil de compréhension et d’analyse de situations de même type.

Construction du Concept

Outil d’analyse
pour



Cas 1 Cas 2 Cas 3 Cas 4

Ainsi en est-il de l’équipe enseignante (Cf. Fiche  REF _Ref35940912 \r \h 6.1  REF _Ref35940914 \h De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury) p. PAGEREF _Ref35940916 \h 50) quand elle discerne au bout de trois années que la grille de lecture pertinente pour le stage sur le parc des Marais, lui est fournie par le concept de PNR. Dotée de cette grille d’intelligibilité, elle organise en connaissance de cause les situations de mise en activité des élèves : les questions, les tâches, les objets d’étude sont choisis à dessein pour donner une illustration des composantes du concept, la commande finale passée aux élèves les oblige à expliciter le modèle (la grille de labellisation d’un PNR) et la phase de réinvestissement (sur un autre cas) les entraîne à utiliser ce savoir-outil pour faire un diagnostic. Si les enseignants comprenaient le pouvoir et la souplesse que donnent le concept, l’abstraction, la théorie, s’ils se donnaient comme mission d’équiper les élèves des concepts fondateurs de leur discipline, s’ils visaient à les rendre compétents, c’est à dire à savoir en faire usage pour lire le monde, alors la fameuse dichotomie entre l’école et l’expérience professionnelle, entre les cours et les stages disparaîtrait.
Pistes didactiques
Il apparaît donc fondamental d’accompagner les enseignants à revisiter leur rapport au savoir afin de leur permettre de construire une conception plus « théorique » des savoirs à enseigner et de passer de l’idée d’un savoir « produit » à l’appréhension du « processus » de conceptualisation du savoir (Cf. fiche  REF _Ref35941038 \r \h 9  REF _Ref35941041 \h De l’information au concept p. PAGEREF _Ref35941044 \h 77). Or notre expérience de formation pédagogique (notamment dans les stages « enseigner autrement ») nous permet de dire que ce préalable décisif n’est pas facile à acquérir. La mise en cause du rapport au savoir est particulièrement déstabilisante, elle heurte profondément les habitudes de pensée et atteint l’enseignant au cœur même de sa représentation du métier (au niveau de ses certitudes pédagogiques et de ses conceptions de sa discipline). Et face à ce type de menace, tout le monde déploie des ruses et des résistances pour ne pas changer ; la psychologie sociale nous a appris que « nos représentations possèdent un noyau central (ou noyau dur) et des régions périphériques. Or autant le noyau dur résiste à tout changement, autant la périphérie est chargée de s’adapter aux changements à moindre coût ». Nous avons repéré des formations de compromis, des impasses, dans lesquelles les enseignants de bonne volonté s’enlisent. Sans un travail de fond sur les représentations du savoir, la formation des enseignants risque de pas déboucher sur des changements durables de pratiques.
Pour ce travail sur les représentations du métier et notamment sur le rapport au savoir, nous avons mis en place des stages (dispositif « enseigner autrement »), qui fonctionnent sur le principe énoncé ci-dessus : aller-retour entre analyse de cas et construction de modèles (Cf. fiche  REF _Ref35940912 \r \h 6.1  REF _Ref35940914 \h De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury) p. PAGEREF _Ref35940916 \h 50 et fiche  REF _Ref35941038 \r \h 9  REF _Ref35941041 \h De l’information au concept p. PAGEREF _Ref35941044 \h 77). Ces stages font l’objet d’un recueil systématique de représentations des stagiaires, dont l’analyse permet d’y voir plus clair et de poser des repères pour l’accompagnement des enseignants sur cette voie.
Dépasser les conceptions taylorienne ou militante de la formation pour accéder à la perspective d’une formation du jugement (B. Fleury)
L’introduction du concept de développement durable dans le système éducatif interpelle les conceptions (plus ou moins explicites) de la formation, depuis celles qui imprègnent les pratiques enseignantes jusqu’à celles qui inspirent ceux qui pilotent l’appareil éducatif. La question de fond est la suivante : peut-on former au développement durable comme on a formé au modèle productiviste ? Avons-nous à former des agents d’exécution, à convertir à un nouveau modèle, ou à former des acteurs compétents ?
Les obstacles de la vulgarisation et du militantisme
Deux conceptions de la formation apparaissent encore largement dominantes actuellement. Elles ne sont pas sans lien avec les conceptions du savoir que nous venons d’explorer. Le problème c’est qu’en ce domaine, on découvre un écart considérable entre « le dire et le faire », pour reprendre les termes de P. Meirieu, entre les intentions affichées et les pratiques pédagogiques mises en oeuvre. Un travail de recherche sur l’évolution des représentations du métier chez les enseignants qui participent au 1er stage « enseigner autrement » nous a permis de repérer les contours d’une représentation « pédagogiquement correcte » qui s’affiche comme une idéologie et derrière laquelle se maintiennent des façons de faire assez différentes. Les résultats de ce travail nous permettent de dire que les conceptions dominantes de la formation oscillent encore largement entre deux modèles, un modèle taylorien et un modèle militant. Nous postulons que ces deux modèles risquent au moment de l’introduction du développement durable de se mettre à fonctionner comme des obstacles.
la formation conçue comme une action de vulgarisation
Elle est fondée sur l’idée d’une séparation entre des concepteurs qui produisent les savoirs, les méthodes, les règles d’usage, les normes, et des exécutants qui n’ont pas à se poser les problèmes de fond mais simplement à appliquer et à adapter. La formation est entendue comme transmission de contenus ou comme façonnement de comportements. On attend donc que les outils soient produits par des concepteurs, on pense la formation en terme de production / diffusion de ressources (ouvrages de vulgarisation, des guides de bonnes pratiques, batteries d’indicateurs etc…). Dans cette perspective, le passage au développement durable se résume à la diffusion des modalités d’application d’un nouveau modèle qui remplace l’ancien jugé dépassé, sans remettre en cause fondamentalement les pratiques de formation. L’usage de la pédagogie par objectif (qui est le correspondant dans l’enseignement de l’approche taylorienne des tâches dans le monde du travail) et la conception informative du savoir contribuent à maintenir fortement ancrée dans les faits cette conception de la formation.
la formation comprise comme une entreprise militante
L’introduction d’un nouveau modèle qui plus est à forte référence éthique, a tendance à activer une approche militante de la formation. L’enseignant veut « faire passer un message », « sensibiliser », « ouvrir les yeux », « persuader ». On pourrait qualifier cette approche de tentation du « prêcheur », prompt à dénoncer les abus, les dérives et à se positionner dans un registre moralisateur (voire culpabilisateur). Elle vise à faire adhérer à des valeurs. Cette position militante a pour effet d’exacerber les résistances des formés menacés par ce changement mais assure au formateur un certain confort dans la mesure où elle ne remet pas en cause une pédagogie traditionnelle (magistralo-dialoguée) avec laquelle elle se marie bien, tout en lui permettant de se croire à la pointe du mouvement. C’est qu’il n’a pas souvent conscience, en effet, qu’en limitant ses objectifs pédagogiques à une « prise de conscience », sans travailler sur les voies et les modalités de la mise en œuvre, sans prendre en compte les contraintes et les espaces de liberté de l’acteur ou du futur acteur, il contribue à culpabiliser les formés, sans s’évertuer à les accompagner pas à pas sur les chemins du changement, sans travailler à les équiper des outils intellectuels adaptés aux exigences de ce nouveau modèle.

Si l’introduction du développement durable dans le système éducatif se fait sur fond de ces deux seules conceptions de la formation, il y a fort à craindre que sa portée en soit profondément restreinte, (un nouveau modèle à inculquer, une indignation morale à faire partager….)
Levier du changement : la formation du jugement
La perspective « durabilité » ne nous contraint-elle pas à ré-interroger les pratiques pédagogiques ? Ne s’agit-il pas de former des acteurs capables de faire face à la complexité des phénomènes et des situations et de discerner à tout moment la portée de leurs actes. Le développement durable suppose en effet que chacun à son niveau d’échelle prenne ou participe à prendre « les meilleurs décisions en ne perdant pas de vue la compréhension de l’ensemble, et en intégrant de façon cohérente des objectifs d’efficacité économique, d’équité sociale et de préservation de l’environnement et des ressources naturelles. ». Est-ce compatible avec les pédagogies de la transmission de savoirs tout élaborés, avec des conceptions de la formation en terme de vulgarisation ou d’adhésion à des valeurs ? Quelles formes de pédagogie sont plus adaptées à la formation à la durabilité ?
Ne s’agit-il pas désormais plutôt que d’imposer un modèle, de permettre aux formés de se forger leur opinion en ayant exploré les enjeux, les tenants et aboutissants de chaque type de solution, en d’autres termes ne faut-il pas passer « d’une pédagogie de l’inculcation à une pédagogie de l’émancipation » ? De quoi s’agit-il exactement ? Référons nous à Michel Fabre pour préciser les caractéristiques de cette pédagogie de la formation du jugement :
« Il faut rendre les élèves capables de réfléchir par eux-mêmes, de choisir, d’inventer. (…). Faire réfléchir les élèves ce n’est pas opposer un bon modèle de développement à un mauvais modèle (qui d’ailleurs dans ce cas est pour le moins un ancien bon modèle devenu mauvais). La pédagogie ne tient pas du western. Il s’agit plutôt de rendre les élèves capables d’identifier, de discuter, de critiquer les différents modèles à l’œuvre dans les cas qu’ils étudient, en les faisant remonter à la problématique fondamentale du développement »(…). « Il s’agit de les faire accéder à un certain type de questionnement. Or on n’enseigne pas le questionnement comme on enseigne les réponses ; s’il y a une chose dont on est sûr aujourd’hui, c’est que s’agissant des questions, ou l’élève se les approprie personnellement, ou elles n’existent pas pour lui » (…). A l’école, « nous avons l’habitude d’une division des tâches. C’est au professeur de poser le problème, de formuler l’énoncé et c’est à l’élève de le résoudre. Mais nous savons bien que les problèmes que nous rencontrons dans la vie ou dans les métiers ne sont pas déjà formulés. Nous avons donc à les construire, ces problèmes. Et nous ne pouvons les résoudre que si nous les avons construits. (…). La possibilité de construire (ou de reconstruire) les problèmes est toujours le signe le plus manifeste de la liberté de pensée. C’est une exigence démocratique de donner aux élèves cette capacité. La démocratie ne peut consister seulement en cette liberté restreinte qui consiste à résoudre les problèmes posés et définis par d’autres. La véritable citoyenneté consiste au contraire dans le droit à la définition des problèmes et simultanément dans celui de la dénonciation des faux problèmes. »
Voici pourquoi il nous semble important de former les enseignants à la problématisation. Notre expérience en ce domaine nous a appris que c’est une évolution qui demande du temps et un accompagnement suivi. Dans le paragraphe  REF _Ref35941228 \r \h 4.3 qui suit nous montrerons, à titre d’illustration, le cheminement d’une petite équipe de formateurs du Cempama sur le chemin de la problématisation du développement durable (nous précisons que la problématisation est pour nous une façon de construire les concepts).
Obstacles et leviers pour la construction de savoirs-outils sur le développement durable : la pistes ouvertes par la problématisation.(B. Fleury)
Ce qui suit tente de rendre compte des difficultés, des obstacles, rencontrés par ceux qui cherchent à construire des savoirs-outils pour le développement durable, mais aussi des pistes explorées qui semblent se révéler fécondes. Pour ce faire, nous travaillerons notamment sur les étapes de l’évolution d’une petite équipe du Cempama qui n’a aucunement la prétention d’avoir fini sa recherche. Les outils que nous décrivons, ne se présentent pas comme des modèles, la plupart sont en cours d’élaboration, de remaniement, voire de totale remise en cause. Il nous semble toutefois que l’analyse des errements, des impasses et des trouvailles de notre cheminement, peut fournir des repères pour l’accompagnement du changement des pratiques.
L’obstacle du formalisme
Souvent lorsqu’on veut sortir de l’approche réaliste, enlisée dans le factuel et l’inventaire (Cf. paragraphe  REF _Ref35941317 \r \h 4.1.2  REF _Ref35941320 \h Obstacle et leviers du changement : le statut du savoir scolaire p. PAGEREF _Ref35941323 \h 20) on tombe dans l’obstacle inverse, celui du formalisme (Bachelard dit que les obstacles vont souvent par paire !). On bascule alors dans des généralités déconnectées de tout contexte d’intelligibilité, on active des questionnements passe-partout ou des démarches formelles sans considération du contenu (voir analyse de cas fiche  REF _Ref35940912 \r \h 6.1  REF _Ref35940914 \h De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury) p. PAGEREF _Ref35940916 \h 50 annexe 2). Certaines tentatives de mise en cohérences d’éléments disparates, opérées sans cerner leur différence de statut aboutissent à des schémas parfois pompeusement qualifiés de systémiques, qui se révèlent totalement inopérants.

On voit parfois des schémas qui, plaçant au centre le mot clé, l’entourent d’un réseau de flèches à l’extrémité desquelles sont placés, dans un joyeux désordre, tous les mots jaillis d’un brainstorming collectif, du genre de celui-ci :

Lutte contre la pauvreté Santé
 Nord /Sud Instruction

 Croissance Culture

 Développement Qualité de la vie

+ de biens Création d’entreprise

+ de ressources Création d’emplois
+ de capital + de revenu
Plus sérieusement, nous avons en réserve des schémas beaucoup plus sophistiqués, pleins de flèches dans tous les sens, qui sont sans aucun doute la traduction visuelle d’une démarche de réflexion de haut niveau, mais que leur complexité de lecture rend tout à fait inutilisables. Voilà pourquoi dans cette volonté de construire le concept de développement durable, c’est à dire un modèle opérant pour comprendre et agir, nous avons décidé d’explorer d’autres pistes, celle notamment de la problématisation.
La problématisation : pourquoi ?
la problématisation est le moteur de l’activité cognitive
Comme nous l’avons déjà noté, il n’y a pas de recherche et sans doute pas de véritable apprentissage intellectuel si l’on ne se pose pas un problème. L’accès au niveau des problématiques (et pas seulement à celui des solutions) et à la construction des problèmes nous est apparu comme l’une des conditions fondamentales de la formation du jugement.
la fonction épistémologique des problèmes ou la problématisation comme moyen de mise en œuvre de l’épistémologie constructiviste.
La problématisation permet de surmonter les inconvénients des approches réalistes ou analytiques, de sortir de l’inventaire thématique et de pratiquer une véritable interdisciplinarité.
La problématique c’est le ciment qui donne du sens (une direction et une signification, à la recherche), c’est elle qui permet de relier les données en un tout cohérent, c’est le principe intégrateur de la démarche.
Les problèmes de la vie et les problèmes professionnels engageant des connaissances multidisciplinaires ; ils garantissent la mise en œuvre d’une véritable interdisciplinarité (collaboration des diverses disciplines impliquées dans le problème).
La problématisation permet d’envisager les concepts, comme des réponses élaborées (à une date donnée) par des scientifiques à un problème théorique ou pratique qui se posait à eux. Elle permet d’envisager l’apprentissage de ces concepts comme une re-construction du problème et de sa solution.
la fonction pédagogique des problèmes
Les problèmes contribuent à la motivation des élèves, car l’énigme, la solution à inventer mobilisent leur attention, stimulent leurs capacités inventives. Il ne faut pas sous-estimer en effet la satisfaction qu’ils peuvent éprouver à se confronter à un défi intellectuel s’il reste, bien sûr, à leur mesure. S’il y a un véritable enjeu, si la controverse est possible, et si les enseignants n’ont pas téléguidé ce qu’ils considèrent comme la bonne réponse, on les verra argumenter avec passion pour défendre leurs thèses respectives. Le problème a une deuxième fonction, il ancre les savoirs scolaires dans les pratiques sociales en les référant à des activités ou des préoccupations de la vie quotidienne. Il permet aux élèves de se confronter à des situations réelles dans leur singularité et leur complexité. Enfin, il garantit la valeur du savoir appris parce qu’il permet d’opérationnaliser les savoirs disciplinaires et si les enseignants veillent à généraliser et à formaliser les résultats finaux, il contribue à la construction des savoirs transférables à d’autres situations.
La problématisation : Comment ? 
Si beaucoup de difficultés surgissent dans la gestion pédagogique des problèmes, c’est parce que les trois phases de la position, construction et résolution des problèmes ne sont pas correctement distinguées. La plupart du temps on passe de la position du problème à sa résolution en faisant l’économie de sa construction (comme si en médecine on allait du symptôme au traitement sans passer par le diagnostic médical) (Cf. fiche  REF _Ref35941635 \r \h 7.3  REF _Ref35941638 \h Qu’est ce qu’un « savoir-outil » ? p. PAGEREF _Ref35941641 \h 73). De plus si l’on court-circuite la construction du problème, l’activité pédagogique perd une partie de son intérêt car elle restera enlisée dans le cas particulier étudié et ne débouchera pas sur de véritables savoirs transposables ( Cf. fiche  REF _Ref35940912 \r \h 6.1  REF _Ref35940914 \h De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury) p. PAGEREF _Ref35940916 \h 50, étapes 1 et 2) 
Construire le problème (ce que nous mettons sous le terme « problématiser »), c’est distinguer l’ordre des faits, (c’est à dire les données, les variables de la situation, ce dans quoi s’enlise l’approche réaliste) et l’ordre des conditions générales (les raisons, les principes). C’est chercher les critères, les principes intégrateurs, les opérateurs (nous disons les conditions) qui fonctionnent pour toute cette classe de problèmes. C’est donc en quelque sorte construire la grille de lecture, l’épure, le modèle-expert qui donne un pouvoir d’interprétation performant sur la situation (le fameux chaînon manquant que nous avons évoqué, bref le concept). (Cf. fiche  REF _Ref35940912 \r \h 6.1  REF _Ref35940914 \h De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury) p. PAGEREF _Ref35940916 \h 50, étape 3)
La problématisation du développement durable : cheminement d’une équipe
Une petite équipe du Cempama, s’est donc mise à chercher les « conditions du développement durable ».
la recherche des conditions
Etape 1
L’un de nos collègues (JF Le Clanche) a inauguré cette recherche avec une première proposition. A la question : « le concept de développement durable est la réponse à quel problème ? », il répond ainsi :
Comment améliorer le bien-être de l’humanité ?
Comment concilier les activités humaines avec le maintien des équilibres naturels ?
Comment renouveler nos rapports avec la nature en garantissant à la fois l’amélioration du bien-être de l’humanité et le maintien du potentiel d’évolution de la biosphère ?

Sa schématisation, présentée si après, place en ordonnée les conditions, et laisse l’abscisse pour l’enregistrement des données spécifiques de chaque cas.

1er schéma de la problématisation du concept de Développement Durable
Méta conditionConditionSous-conditionTempsEquité intergénérationnelle
(temps linéaire, irréversibilité)Patrimonialisation
Solidarité espace/temps
Passer du droit de possession au droit à l’usageNatureNouveau rapport homme/nature
(fin modernité)
(Larrère)Valeur intrinsèque de la nature
Objet hybride mixte de nature et de culture
Co-appartenance (nous sommes dans la nature, attachement)
Nature (natura naturans non finie) / objet d’un savoir limitéActivité économiqueDéveloppement comme
croissance complexifiante et
multidimensionnelle
(Passet)Distinction croissance et amélioration bien-être
Complexification=+ diversification / + interrelation

Multidimensionnelle= + Biens et services sans (–) social et (-) environnement
Le développement peut se faire sans (+) biens matérielsFinalitéPrincipe de responsabilité
impératif de Jonas
éthiqueNe pas mettre en péril l’existence de l’homme, des espèces
Préserver conditions vie future, conservation et entretien des ressources
La diversité écologique et culturelle comme fin dans le champ des valeursMode de pilotagePrincipe de responsabilité
Gouvernance(Lipietz)
Pensée complexe/systémiqueDécider en univers incertain, privilégier décision avec valeur d’option, prudence(Jonas)
Débat public, délibération, concertation, suivi et évaluation des actions(Lipietz)
Production de connaissances sur les processus/capitalisation par les acteurs

Les conditionsDémocratie
Etats
NationsProblèmes globaux
Environnement
Epuisement des ressources naturelles
Risque environnemental
IncertitudeSystème
Economie
Marché
Optimisation du profit
Individualisme
MondialisationUnivers
Entropique
Chaos
Ecosystème
Dégradation
Energie
BiodiversitéLes données du problème

Etape 2
A partir de cette première proposition, l’équipe retravaille et aboutit entre autres à cette forme de grille que d’autres tentent de mettre en œuvre sur des cas pour juger de sa pertinence et de son opérationnalité.

Ebauche d’une grille pour diagnostic (soumise à réfutation)
Collaboration inter-axe ACP – TEDD
La durabilité ou le développement durable : un nouveau modèle de pensée
Les « conditions » de la « durabilité »
Prise en compte du temps long et de l’irréversibilité.
Insertion systématique des phénomènes étudiés dans la biosphère, prise en compte de leur « empreinte » écologique et territoriale, emboîtement des échelles du local au global.
Rapports société-nature pensés en terme « d’objets hybrides » (voir Larrère et LaTour) : prendre en compte le devenir naturel des objets techniques, l’infléchissement des processus naturels par les activités sociales.
Rapports entre sphères économique, sociale, environnementale : Primat de la « logique du vivant » (voir doc Passet), la reproduction de la biosphère comme condition sine qua non de la reproduction de l’économique et du social, la logique économique subordonnée aux 2 autres sphères.
Principe de responsabilité : intergénérationnelle face à diversité biologique et culturelle, équité sociale.
Une nouvelle modalité de pilotage : la gouvernance, dans un univers incertain, prudence, principe de précaution, concertation, débat public, suivi, évaluation, régulation…
etc……

Ce qui suppose d’accompagner le remaniement des représentations
d’une logique technico-économique, compartimentée, déterritorialisée, à court terme, descendante et garantie sans préoccupation éthique
à une logique du vivant, à long terme, intégrative, responsable, partenariale…….
distinction décisive entre trois types d’entrée dans le problème
Toutes ces tentatives laissant l’équipe insatisfaite, avec notamment la sensation de mêler des conditions de niveau ou de statut différent, le recours à un conseil d’expert en problématisation nous a permis d’avancer et de sortir du caractère assez confus et peu opérationnel de nos premières grilles d’analyse du concept, en distinguant trois types d’entrées dans le problème :
Pourquoi ce concept de développement durable a-t-il été inventé à la fin du XXe, comme réponse au problème du développement des sociétés humaines ? Que critique-t-il ? Que prône-t-il ? C’est une entrée par l’historique du concept, une centration sur sa portée critique et sur les valeurs en jeu, une réflexion sur les conditions d’intelligibilité.
A quoi reconnaît-on qu’une activité est durable ? Là, c’est une entrée en terme d’évaluation plus opérationnelle : on cherche en quelque sorte les conditions, les critères d’évaluation ou de labellisation, qu’on opérationnalise pour chaque type d’activité avec des batteries d’indicateurs de plus en plus affinés.
A quelles conditions la durabilité peut-elle être mise en oeuvre ? Là, c’est une entrée par les conditions de faisabilité
Il y a donc ici trois types de problèmes et pour chacun une forme spécifique de conditions : des problèmes de construction de concept avec des conditions d’intelligibilité, des problèmes de diagnostic avec des critères d’évaluation ou de labellisation (déclinés en batteries d’indicateurs), des problèmes de projet avec des conditions de faisabilité (cahier des charges). Il paraît important de des-intriquer tout cela.
la construction du concept : les conditions d’intelligibilité (historique et portée critique du concept)
Le concept de développement durable, c’est la réponse à quel problème ? C’est une nouvelle solution au problème général du développement : face aux failles du (des) modèle(s) de développement précédent(s), on invente, à la fin du XX°, un concept critique : le développement durable.
On pourrait travailler sur les modalités précises de la construction du concept, sur les débats, les divergences, les glissements de sens, les compromis, les récupérations, … dont il a été l’objet, dans les instances internationales, au niveau européen ou national (cf. entre autres Lucie Sauvé), ce qui nous aiderait à intégrer que tout concept est une construction sociale, pour répondre à un problème qui se pose à un moment donné. Comme tel, il est l’objet de tensions, il n’est jamais admis par tous, il est contesté par les uns, manipulé par les autres, bref, comme disent certains, il est « flou » ! Oui, comme toutes les œuvres humaines, ce qui ne nous dispense pas de nous y atteler en l’état (attendre qu’il soit clair, c’est implicitement adhérer à l’hypothèse de vérités intangibles qui s’imposeraient à tous….)
Ce concept a deux particularités, c’est une invention de la société civile, qui interpelle en retour, les disciplines et les scientifiques. Il a été élaboré dans les instances internationales, ce qui en fait un outil d’échange pour l’ensemble de la planète.
Le problème posé est celui de la maîtrise du développement face à la prise de conscience que le développement peut saper les bases de la vie, les bases de son propre renouvellement. Il s’agit en fait après une longue phase d’évolution centrée sur des perspectives de croissance à court terme et puisant sans souci dans le potentiel des ressources naturelles pensé comme illimité, d’apprendre à concilier « conservation » et « développement ». L’enjeu c’est la survie des espèces et en particulier de l’espèce humaine
Dans le dernier quart du XX° s’opère une triple prise de conscience :
Celle d’un télescopage dramatique de deux temporalités : le temps court dans lequel est pensé le développement (ou s’opère le raisonnement économique) et le temps long dans lequel se manifestent les effets de la technique (par ex la durée du cycle du carbone rejeté dans l’atmosphère par nos activités). La focalisation sur le court terme n’a pas permis d’être attentif à l’irréversibilité de certains processus (par ex : disparition d’une espèce).
Celle de l’interdépendance planétaire du système monde : cf. la mondialisation, le « village planétaire », le « global change » ; en d’autres termes, toute décision ou événement local a des répercussions sur l’ensemble de la planète.
Celle des limites de l’approche moderne des rapports Homme-Nature, en terme de séparation, voire d’opposition Homme / Nature : volonté de maîtrise de l’homme sur la nature de la civilisation technique ou son contraire de la « deep écologie » (rendre à la nature sa pureté en expulsant l’homme).
Le concept de développement durable porte un jugement critique sur les formes précédentes de développement au nom de normes ou valeurs supérieures qui seraient de l’ordre de l’équité (entre contemporains) et de la transmissibilité (laisser la Terre à nos enfants) ; on passe en quelque sorte d’une centration exclusive sur le « ici et maintenant » à une prise en compte du « ailleurs et plus tard ».
Ces prises de conscience ne sont possibles que parce que les hommes se sont dotés de nouveaux moyens d’approche du monde ; elles débouchent sur l’émergence d’un principe de responsabilité.

Ainsi, on pourrait peut-être avancer que les deux conditions d’intelligibilité de ce concept critique de développement durable sont :

 Face à l’histoire, envers les générations futures
(le « plus tard »)
1° Principe de responsabilité : A l’égard des contemporains (le « ailleurs »)
(dimension éthique)
A l’égard de la nature 

2° Révolution épistémologique : Cette responsabilité ne peut s’exercer que si les hommes se dotent de moyens plus performants pour penser la complexité des phénomènes. Elle est sous-tendue par les révolutions scientifiques qui permettent de :
penser le monde en terme de systèmes interdépendants, avec boucles de rétroaction, irréversibilité, prise en compte des accidents critiques, risques et incertitudes, etc (et non plus en terme de causalité linaire ). 
renouveler notre rapport au temps (articulation du cours terme et du long terme, irréversibilité) et à l’espace (changement d’échelle et articulation du global et du local)
penser les rapports homme nature en terme d’objets hybrides

Ceci interpelle toutes les disciplines et oblige à franchir des ruptures épistémologiques décisives.

Ce sont les conditions de possibilité du concept, les conditions de son émergence historique. Mais on pourrait faire l’hypothèse que ce sont aussi les conditions de la construction du concept par un sujet, que la formation au développement durable doit veiller à ce que les formés revisitent et réalisent eux mêmes les prises de conscience précédemment citées, sous peine d’en réduire considérablement et le sens et la portée et de le vider en partie de son contenu (par réduction comportementaliste ou moralisatrice centrée exclusivement sur l’exercice individuel, ou par manque d’outils adéquats d’analyse et de diagnostic…..)
Sans ce travail des représentations sur les fondements des deux modèles en présence, on risque de se trouver devant des tentatives d’habillage à peu de frais de l’existant avec le vocabulaire nouveau, sans changement véritable. Si on sur-valorise l’une des conditions au détriment de l’autre et notamment la composante éthique, sans faire le travail intellectuel d’adaptation épistémologique, alors comme disait le Péguy du kantisme, on croira peut-être avoir les mains pures, mais on n’aura pas de mains !
On peut imaginer que certaines disciplines peuvent dans l’enseignement se sentir plus particulièrement investies de ce travail sur les changements culturels de fond (un partage de responsabilités à opérer en équipe pédagogique), mais on voit que chaque enseignant doit revisiter sa discipline pour intégrer les nouveaux paradigmes plus performants (Cf.  REF _Ref37121299 \r \h 4  REF _Ref37121303 \h Obstacles épistémologiques, leviers du changement et propositions didactiques p. PAGEREF _Ref37121306 \h 18).
les problèmes de diagnostic : les critères d’évaluation ou de labellisation
Nous l’avons vu, pour s’y connaître en développement durable, il faut aussi savoir dire, « ça, c’est durable, et ça, ça ne l’est pas » (et toutes les nuances entre ces deux extrêmes). Il nous faut donc construire un « outil » qui permette de répondre à la question : à quoi reconnaît-on qu’une entreprise humaine est durable ?
Nous nous sommes d’abord demandé, si la spécificité d’une approche en terme de durabilité, ne serait pas essentiellement le souci de « l’impact» d’une activité, d’une décision ; au lieu de se focaliser exclusivement sur l’activité elle-même, on prend en compte son impact sur le reste du monde.
L’introduction récente du concept « d’empreinte » est intéressante à cet égard, elle rend attentif au poids, à la pression qu’exercent les entreprises humaines sur la biosphère, les individus et les sociétés, à la marque parfois indélébile (irréversibilité) qu’elles y laissent. A l’heure actuelle, on parle essentiellement « d’empreinte écologique »  et dans l’usage le plus courant c’est devenu un indicateur (c’est peut-être dommage qu’il se trouve si rapidement réifié) qui permet d’étudier « les interactions entre les activités humaines et la capacité qu’a notre planète à se régénérer, à continuer à produire eau douce et nourriture, matériaux et énergie » : il se calcule en terme « de surface nécessaire pour produire les ressources consommées par un habitant, une ville, un Etat ».
Actuellement nous pensons qu’il faudrait peut-être plutôt explorer l’idée que la spécificité d’une approche durable c’est de considérer une activité, une décision, un projet comme un système ouvert sur le monde, qu’il s’agit donc de regarder son mode d’intégration dans les sphères écologiques, économiques, sociales et territoriales et surtout sa façon de tenter de les concilier.
Le tableau qui suit n’est là qu’à titre indicatif ; nous sommes loin d’être avancés sur ce sujet. En fait, nous aimerions trouver des « conditions » qui donnent sens et permettent de juger du point de vue, des présupposés et de l’efficience des batteries d’indicateurs qui se multiplient aujourd’hui. Comme on le remarquera, nos conditions pour le moment, retombent dans le défaut des 3 volets. Nous en avons même quatre ! et il y a force débats entre nous, (entre disciplines et intra-discipline) sur la légitimité d’inclure l’impact économique et l’impact territorial. Bref … les conditions d’évaluation sont loin d’être au point pour le moment et chacun de nous les travaillent sur ces propres analyses de cas (Cf.  REF _Ref37046012 \r \h  \* MERGEFORMAT 5  REF _Ref37046018 \h  \* MERGEFORMAT Quelques exemples d’interpellation des disciplines p. PAGEREF _Ref37046022 \h 39).

Conditions ou critères de labellisationà décliner en sous critèresIndicateurs globaux ou spécifiques à une activitéPrise en compte de
l’impact écologique d’une activité, sur la biosphère (et pas seulement les éco-sytèmes) à tous les niveaux d’échelle de temps et d’espace
Ou de son mode d’intégration dans la biospshère
Renforcement ou détérioration du capital naturel ?Empreinte Ecologique (surface nécessaire pour produire les ressources consommées par hab)

Eco-bilan

Capacité d’accueil
Voir méthodes pour l’agri (IDA, Dce, EP, IAE, IDEA….Prise en compte de l’impact économique (ou de l’intégration dans la sphère éco) à tous niveaux d’échelle et de temps Création/ destruction de valeurs
Effets externes et phénomènes non marchands ? 

Prise en compte de l’impact social (ou de l’intégration dans la sphère sociale) Renforcement ou détérioration du capital humain et social :
Accès aux fonctionnalités (biens, emploi, santé, culture, relations)
Possibilité de dvpt de ses potentialités
Ch grille Dubois, Mahieu, Poussard
IDH, IPH, IPC

Voir volet social méthodes IDEA et PMOPrise en compte de l’impact territorial, (du mode d’intégration territorial )
(au sens de cohésion des territoires) Renforcement ou détérioration de la dynamique, de l’autonomie et de la cohésion, de l’identité d’un territoire…..
Impact sur la dynamique spatiale 

Voir volet territorial grille IDEAles conditions de faisabilité
Où il s’agit de construire un outil qui réponde à la question : à quelles conditions ça peut marcher ? Là le travail est en grande partie à faire.
Les conditions de faisabilité : Propositions à travailler
Economiquement viable
Techniquement possible
Construction d’une conscience populaire (solide compréhension partagée)
Nécessité d’une éducation : de quel type ?
Pilotage politique du local au mondial
Contrôle démocratique
etc…
Nous savons, pour l’avoir utilisée en stage ou en cours et parce que certains animateurs régionaux « agriculture durable » qui correspondent avec nous l’ont utilisée en formation d’enseignants, que notre grille sur les conditions d’intelligibilité est assez opérante ; elle aide à construire les situations de formation et elle produit un effet important sur les formés (enseignants ou élèves). Pour le reste nous poursuivons le travail et espérons des collaborations avec d’autres acteurs du système d’appui.
Des résistances et obstacles spécifiques au concept de « développement durable » (C. Abel-Coindoz)
Les résistances au changement
Si un nombre de plus en plus grand d'acteurs de la société (Etat, collectivités locales, acteurs économiques, citoyens… et enseignants) se sent interpellé et tente de mettre en pratique un développement plus durable, un grand nombre encore ne se sent pas concerné ou rejette le concept de DD. Ces résistances au changement vers un DD relèvent de différentes logiques. Nous en avons pour l'instant identifiées quatre.
La négation des problèmes, le refus de faire les constats (environnementaux et sociaux) qui sont à l'origine de l'émergence du concept de DD ou la qualification de ces problèmes comme étant exagéré « c'est du catastrophisme ». La négation affichée des problèmes peut parfois correspondre en réalité à un refus des changements qu'implique le développement durable : changer un mode de vie dans lequel on se sent bien peut paraître inacceptable, même s'il implique que d'autres en souffrent ou que les générations futures en pâtissent. Il ne s'agit pas alors d'un «aveuglement» sur la situation mais d'un refus (plus ou moins conscient) du principe de responsabilité.
Le renvoi de la responsabilité à d'autres. On considère dans ce cas que, même si un DD est à mettre en œuvre, l'individu lambda n'y peut rien. La gestion des problèmes environnementaux ou sociaux sont renvoyés aux seuls politiques, aux états ou accords internationaux ou encore à des spécialistes. On retrouve cette position chez des enseignants pour qui «ça ne relève pas de ma discipline «, « le DD c'est l'affaire des enseignants du technique»…
Le mythe du progrès technique. Le progrès technique est présenté par certain comme pouvant résoudre les problèmes à lui seul, sans que soit remis en cause l'actuel mode de développement : il permettrait de réduire la consommation d'énergie ou d'exploiter de nouvelles sources, de mieux gérer les déchets, l'eau, de réduire la pollution…
Le refus de se questionner au prétexte que le DD est un choix idéologique, qu'il est l'affaire de convictions.

Ces résistances peuvent être exacerbées par les approches militantes, celles qui dénoncent et culpabilisent sans pour autant accompagner l'appropriation des outils qui pourraient aider à comprendre et agir, à s'engager sur le chemin d'un changement. L'opposition entre militants écologistes et agriculteurs productivistes est caractéristique de ce processus (dénonciation, culpabilisation / refus, rejet…)
Des changements de façade
Même pour ceux qui se questionnent et souhaitent aller dans le sens d'un développement plus durable, le chemin n'est pas facile pour prendre toute la mesure du changement nécessaire. Différentes représentations-obstacles empêchent d'accéder pleinement au concept et les changements qui résultent de cette vision tronquée du DD relèvent alors de changements de façade. En fait, les changements sont effectués à la marge, au «moindre coût», on ne modifie que la périphérie de ses représentations. On assiste alors à un habillage des anciens paradigmes avec les «habits» (vocabulaire) du nouveau. Nous avons repéré quelques uns de ces «changements de façade» qui mériteraient sans doute d'être affinés et complétés.
la reduction du dd a un «verdissement»
On pense et dit faire du DD quand sont prises des mesures pour réduire l'impact environnemental (souvent uniquement sous l'angle impact environnemental local) d'une activité, sans que les principes qui régissent cette activités soient questionnés dans leur ensemble. Un exemple caractéristique est celui de cet éleveur de porcs, disposant déjà de plusieurs porcheries et souhaitant s'agrandir, qui assure aller vers une agriculture durable parce que l'agrandissement va lui permettre de mettre en place une station d'épuration pour l'ensemble de ses porcheries.
la solidarite reduite a des actions caritatives
On retrouve la même logique concernant les impacts sociaux quand par exemple les actions de charité sont considérées comme une manière de participer au développement durable : faire des dons à des organismes humanitaires ou caritatifs est présenté par certains comme un moyen de réduire les inégalités dans une perspective de solidarité, sans que le système qui produit ces inégalités soit questionné. Ainsi dans certains Etablissements Verts Bruntland au Québec, le volet «solidarité» du développement durable se réduit, et est présenté avec fierté, à des dons, des actions de charité (sans que le mot soit utilisé) au bénéfice des plus démunis de la communauté, d'enfants malades ou d'enfants du tiers monde.
La réduction du concept à l'état de slogan
Du coup, le concept de DD réduit à un habillage environnemental et / ou social, est vidé de son sens et de sa portée transformatrice. Aujourd'hui, le développement durable est dans toutes les bouches, on en parle dans les médias, dans les milieux professionnels… et chacun s’y réfère dès lors qu'il «fait quelque chose» pour l'environnement ou le «social». Il est bien souvent revendiqué et affiché dans une perspective publicitaire, de création d'une «image positive», mais ne relève plus que du slogan, le « durablement correct » de EDF à Vivendi…
Quels sont donc les obstacles qui empêchent d'accéder à la portée réelle du concept de DD ? Nous avons tenté dans les paragraphes suivants d'en identifier quelques uns. Cette «liste» reste à compléter et les obstacles à affiner. Nous n'avons par ailleurs pour l'instant que quelques pistes sur les» leviers pédagogiques» qui permettraient de dépasser ces obstacles. Obstacles et leviers sont encore à décliner au regard des différentes disciplines d'enseignement (Cf.  REF _Ref37130803 \r \h 4  REF _Ref37130807 \h Obstacles épistémologiques, leviers du changement et propositions didactiques p. PAGEREF _Ref37130796 \h 18)
Des obstacles liés au vocabulaire
La traduction française du «sustainable development» a hésité quelques temps entre «développement soutenable» et «développement durable» pour opter finalement majoritairement pour le second. Cette expression génère dans la langue française une confusion avec l'acceptation courante antérieure du mot «durable» : qui dure dans le temps. Ainsi le «bétonnage» d'une zone littorale peut être compris par certains comme relevant du «durable» puisque le béton est solide et qu'il résiste au temps.
Obstacles liés au traitement de la durabilité dans des épistémologies inadéquates
Sous le couvert d’un affichage en terme d’approche systémique, on observe de nombreuses approches qui réduisent la portée du concept : paradigme mécaniste, causalité linéaire, séparation nature-culture qui ne prennent pas en compte le temps long, l’irréversibilité, les effets de seuil, les bifurcations, l’autonomie des acteurs, les dynamiques de transformation, la genèse des événements, les boucles de rétroaction….etc
L'obstacle du développement assimilé à la croissance
La conception dominante du développement est celle qui l'assimile à la croissance économique. Pour les économistes porteurs de cette vision du développement, le mieux être de l'homme (le développement) est assuré par l'accumulation de biens et donc par une croissance économique sans limite. Dans cette conception économique, rattachée au paradigme mécaniste, «l'économie est un système clos et circulaire à l'équilibre, l'homme est une partie infinitésimale du système (un des rouages de l'horloge) et ne peut influencer sa marche : il est agent économique et subit la loi du système qui s'impose à lui.»(Cf. fiche  REF _Ref36001273 \r \h \* MERGEFORMAT 5.1  REF _Ref36001324 \h \* MERGEFORMAT Sciences économiques : exemple d’une discipline interpellée par le concept de «développement durable » (JF. Le Clanche) p. PAGEREF _Ref36001278 \h 39). Dans ce paradigme, les problèmes à l'origine de l'émergence du concept de DD n'amènent qu'à se poser la question de l'internalisation des «coûts environnementaux», à compléter le modèle économique par une économie de l'environnement.
Ce modèle du développement imprègne largement les organisations internationales, y compris quand elles traitent du développement durable. Une étude des textes de l'ONU et de l'UNESCO sur le développement et l'environnement des années 70 à nos jours, effectuée par l'équipe de recherche de Lucie Sauvé, montre que la notion de développement n'est jamais questionnée et qu'elle est systématiquement réduite à la croissance économique. Ainsi par exemple, le rapport Bruntland assimile le développement durable à «une accélération de la croissance économique aussi bien dans les pays industrialisés qu'en développement». C'est par une utilisation des ressources plus efficace, de nouvelles technologies écologiquement douces et des systèmes de production «qui respectent leurs bases écologiques» que la pression sur l'environnement sera réduite et il semble entendu que la croissance génère automatiquement une amélioration des conditions de vie.
Cette conception du développement ne prend pas en compte les révolutions épistémologiques qui ont remis en cause cette vision mécaniste du monde. Pourtant des économistes ont travaillé à repenser leur discipline au regard de ces changements. Pour eux la croissance ne peut être illimitée dans un monde limité. Dès lors que les besoins fondamentaux sont satisfaits, le développement concerne les questions de répartition et de qualité de vie humaine. L'homme n'est pas qu'un agent économique qui subit le système, c'est l'économie qui est un outil au service de l'homme. L'enjeu est d'harmoniser logique productive et logique du vivant.
L'obstacle de «l'universalisme» ou ethnocentrisme
La croissance économique est un modèle «qui a marché» pour les pays occidentaux, beaucoup considèrent qu'il doit donc marcher pour les autres ! L'une des dérives est de vouloir imposer un modèle unique à toute l'humanité, sans prendre en compte les différences culturelles / naturelles entre les peuples, les décalages structurels (historique / contextes différents) et sans prendre la mesure complète du modèle en question (ses externalités, les effets secondaires supportés par d'autres ou niés).
Les représentations-obstacles du rapport homme-nature
Les rapports à la nature qu'entretiennent nos sociétés occidentales sont caractérisés par une recherche de maîtrise, de domination de l'homme sur la nature. Celle-ci doit être canalisée, instrumentalisée pour être au service de l'homme.
En réaction à cette relation de domination, le mouvement de la «deep ecology» est porteur d'une idéologie de la nature «vraie», «sauvage», vierge qui serait forcément violée par une humanité «dénaturante» (Larrère parle d'écocentrisme antihumaniste), qui implique dans sa vision la plus extrême un «sacrifice» de l'humanité pour sauver la nature. On retrouve, dans une version moins «extrème,» cette tendance dans les logiques qui ont présidé à la création des parcs nationaux, des réserves (là le «sacrifice» de l'homme se limite à accorder à la nature quelques espaces en «compensation» de sa domination par l'homme dans le reste du territoire).
Ces deux rapports à la nature, que tout semble opposer, relèvent pourtant d'une même logique : ils reflètent une conception séparatiste de l'homme et de la nature, nature et humanité sont deux entités distinctes.
On est à l'opposé de la notion d'objet hybride, où l'homme appartient à et relève de la nature, où il est un des éléments en interaction dans le système de la biosphère comme au niveau des écocomplexes. Dans cette vision «l'homme est un membre actif de la nature» (Larrère)
Penser le DD dans une vision «séparatiste» de l'homme et de la nature, dans une logique d'instrumentalisation et de domination réduit le DD à un ensemble de solutions techniques.
Un outil «consensuel» qui se révèle être un obstacle : les 3 piliers (+1) du DD
L'obstacle des 3 piliers «économique», «social» et «environnemental»
Un outil simple que beaucoup se sont approprié est celui qui présente le DD comme reposant sur trois piliers (ou comme trois cercles se recoupant) : l'économique, l'environnemental et le social. Cette définition du DD met sur le même plan des enjeux/ objectifs (équité sociale et maintien de la capacité de la biosphère à se renouveler) et un moyen (l'économique). Issu d'une tentative de consensus entre les milieux économiques et financiers, ceux du développement (au sens des ONG), de l'environnement et le politique, cet outil induit de nombreux obstacles :
il ne permet pas de prendre la pleine mesure du DD (celle de l'éthique et de la révolution épistémologique qui sont liées au concept)
s'il s'agit de trouver un équilibre entre économique, environnemental et social, comment mesure-t-on la part de chacun ? On abouti alors forcément à une hiérarchisation entre les trois piliers, à la primauté d'un des piliers sur les autres en fonction de l'idéologie de chacun… «Si le DD est un cocktail entre économique, environnemental et social, qui est le barman qui dose le mélange ?» (Louis Goffin)

La conséquence est une survalorisation idéologique d’un pilier au dépens des autres : primauté de l'économique ou de l'environnement ; celles que nous avons observées le plus souvent. Ainsi par exemple, pour un enseignant d'économie «la vitalité économique est la première priorité et elle permet de soutenir le volet social. La préservation de l’environnement doit être en ligne de visée de chaque entreprise dans les aménagements réalisés mais ne doit pas venir en opposition avec la santé économique»
Gouvernance et démocratie participative
Pour répondre à la question de la prise de décision que pose le schéma du DD (Qui ? Comment hiérarchise-t-on les 3 piliers ?) différents acteurs l'ont complété par un 4e pilier, celui de la «gouvernance» ou de la «démocratie participative».
La gouvernance est un concept (issu du monde de l'entreprise) dont s'est emparé la Banque Mondiale dans les années 80-90 pour contourner l'interdiction statutaire qui lui est faite d'intervenir dans le domaine politique. Pour la BM une «bonne gouvernance» est celle qui favorise le développement du «marché» (postulat de la fonction régulatrice du marché) et réduit les dépenses publiques, en s'appuyant sur la société civile et les acteurs privés : elle relève clairement de la pensée néolibérale (plus de marché, moins d'Etat). Sans doute parce la gouvernance reconnaît l'importance de la «société civile» (vue comme un capital social) de nombreuses ONG reprennent ce terme à leur compte
Une autre interprétation de la notion de gouvernance concerne «les pratiques territoriales nouvelles alliant développements endogène et exogène, articulant mobilisation des acteurs du développement local avec les politiques menées par les Etats ou l'Europe (voir par exemple les agendas 21 locaux)». Elle est alors présentée comme alliant démocratie délégative (élective) et participative.
Ces 2 sens (au moins) donnés au même mot génèrent de la confusion et, comme pour le concept de DD, l'usage partagé du terme de gouvernance donne l'impression fausse d'un consensus, alors qu'il recouvre en réalité des visions différentes du monde.

La notion de démocratie participative se construit, un peu partout dans le monde, en réponse à un besoin des citoyens de participer à la vie politique, au travers d'expériences locales qui se développent dans des quartiers, des villes, des «pays» (en Europe sous l'impulsion des programmes LEADER par exemple) depuis quelques dizaines d'années (30 ans à Porto Allegre).
La démocratie participative recherche un délicat équilibre entre expression de la diversité des acteurs et points de vue, reconnaissance du droit à l'opposition et construction d'un consensus, d'un projet commun, d'une solidarité sociale. Le concept de démocratie participative tente de donner aux citoyens la possibilité d'occuper une place d'acteurs de la vie politique. Mais pour que la démocratie participative ne devienne pas la domination des minorités actives sur la majorité silencieuse, elle doit nécessairement s'articuler avec la démocratie représentative.
Selon Jean ZIN «la condition d'une démocratie participative est l'existence d'une solidarité sociale effective, ainsi que de lois sociales autant que l'action de chacun pour les améliorer. Nous devons insister sur la nécessaire dialectique des institutions et de l'action citoyenne»
La notion de démocratie participative est souvent mal maîtrisée et déformée et se révèle alors comme un obstacle. Ainsi, en réaction à un mode de démocratie qui confie aux seuls élus, pour toute la durée de leur mandat, pouvoir et responsabilité politique, avec très peu de modalités permettant aux citoyens d'y participer en dehors des élections suivantes, certains adoptent une posture à l'extrême opposé. La notion de démocratie participative est alors interprétée (fantasmée ?) comme une démocratie quasi directe, où tout le monde déciderait de tout. Cette vision va jusqu'à dénigrer la légitimité de l'élu et de fait remet en cause l'existence même de la sphère politique.

Par ailleurs, gouvernance et démocratie participative, reconnaissant toutes deux une place à la société civile, sont souvent utilisées indifféremment voire confondues. Mais, comme on l'a vu, leurs fondements et origines n'évoluent pas toutes dans les mêmes visions du monde, ce qui nous renvoi aux «obstacles liés au traitement de la durabilité dans des épistémologies inadéquates».
Quelques exemples d’interpellation des disciplines
Les productions qui suivent sont le fruit d’un travail interne au Cempama réalisé en économie, en géographie et en écologie-aménagement.
Sciences économiques : exemple d’une discipline interpellée par le concept de «développement durable » (JF. Le Clanche)
Qu’est ce que le développement ?
Les théories sur le développement tentent, à travers la construction de modèles, de répondre à la question suivante: comment améliorer le bien-être des sociétés et des individus qui les composent ? « Comment une société peut-elle quitter un état de pauvreté et mettre en œuvre un changement social profond afin d’assurer aux individus qui la composent des conditions d’existence dignes, par des emplois en plus grand nombre, une répartition équitable d’un revenu national en croissance, une meilleure éducation et santé, une espérance de vie plus longue ? (…) Elles traitent des changements dans la vie des individus, dans les structures de production, de consommation, de répartition des revenus, dans le fonctionnement des institutions politiques et sociales, de la répartition du pouvoir entre les citoyens et de la manière dont ceux-ci exercent une influence sur leur propre devenir».

Plusieurs écoles de pensée ont construit des familles de réponses à ces questions, leur diversité témoigne d’une vision du monde différente (ou paradigme ) au sein de la communauté des économistes. Ces paradigmes se sont affrontés, opposés et successivement imposés au cours du temps. Dans la construction de sa pensée, l’économie a souvent été à l’écoute des approches, des modèles produits par les autres sciences (biologie et physique) et les a importés dans sa propre discipline. Les théories économiques ont été et demeurent toujours profondément influencées par les visions du monde qui ont caractérisé les différents âges de ces sciences. L’histoire de la pensée économique ne peut se comprendre sans analyser la conception qu’ont eue les hommes de leur relation au monde. Alors que, dans les autres sciences, de nouveaux paradigmes ont émergé et remplacé les anciens en offrant une vision du monde plus large et plus riche (incorporant les sphères « d’anormalités » de Khun), l’économie se distingue par la coexistence depuis plus d’un siècle de paradigmes concurrents qui ont lourdement influencé le destin des sociétés. Le paradigme actuellement dominant (néoclassique) date de la fin du 19ème siècle et est l’objet de critiques de plus en plus fortes, notamment le concept de développement économique. Il apparaît, chez certains auteurs, de moins en moins capable de répondre aux questions traversant le débat sociétal : « Au moment où une nouvelle vision du monde fait éclater les barrières épistémologiques, l’économique ne sait plus guère nous proposer que les raffinements d’une logique de plus en plus étriquée ».
En quoi l’économie est-elle interpellée par l’émergence de la notion du développement durable ? A cette question il n’y a pas une réponse unique des économistes mais une pensée plurielle qui reflète l’attachement à un paradigme, à une vision du monde précise d’un auteur ou d’une école. « La définition que l’on donne au terme «développement » est naturellement fonction de la vision du monde qui la sous-tend. Depuis une approche strictement économique jusqu’à la négation du concept on peut déceler plusieurs tendances dans la littérature ». La nature des réponses est sous-tendue par une conception de la société qu’il convient d’expliciter pour en comprendre les limites.
le paradigme mécaniste
La première tendance consiste à considérer le développement comme un processus biologique. Dans cette approche, importée de la biologie, on utilise le modèle du développement «naturel » pour construire les bases du concept de «développement économique ». Le développement d’un être vivant se déroule suivant 4 caractéristiques fondamentales :
« La directionnalité : la croissance a une direction et un but. C’est la thèse de Rostow, le développement suit un certain nombre d’étapes que toutes les sociétés doivent franchir. Le but du chemin est défini à l’avance, c’est celui parcouru par les sociétés les plus développées ».
« La continuité : c’est le même organisme qui se transforme. Chaque étape dépend de la précédente, il y a progression, accumulation et passage à un état supérieur vers un état d’achèvement ».
« L’irréversibilité » : pas de retour en arrière possible.
« La cumulativité : l’histoire ne fait que modifier le cours des événements »

Cette approche fonde le développement sur la croissance. Le développement se fait à partir de l’accumulation du capital (au sens large, physique, technique, financier) et du travail, les deux facteurs fondamentaux de la production. Le « plus avoir » correspond au « mieux être ». Il n’y a pas de limites à la croissance, le facteur naturel est considéré comme inaltérable : « les richesses naturelles sont inépuisables car sans cela nous ne les obtiendrions pas gratuitement, ne pouvant être multipliées ni épuisées, elles ne sont pas l’objet de la science économique». La conception du monde de cette approche (néoclassique libérale) relève de celle de l’approche mécanique de Newton. La filiation est directe et revendiquée par les fondateurs et pères de cette école (Walras, Jevons, Friedman, Rueff…). Au moment où le train à vapeur bouleverse le monde (application des lois de la thermodynamique 2ème moitié du 19ème siècle) les tenants de l’école libérale découvrent l’horloge à ressort et importent l’épistémologie mécaniste comme fond de leur analyse. « Dans l’équilibre général comme dans le cosmos, l’ajustement des forces résulte de l’action d’un très grand nombre de composantes (agents économiques ou autres) qui chacune, y contribue pour une part infime tout en lui restant globalement soumise. Résultant de l’action de forces purement mécaniques, cet équilibre s’établit spontanément par-dessus les entités individuelles ». Il est dit optimal (loi de Pareto) et résulte des libres forces du marché (en concurrence pure et parfaite). « Dans le monde comme dans l’horloge, c’est la même loi de la mécanique que l’on retrouve à tous les niveaux : le passage d’un niveau à l’autre, le ressort, le complexe de rouages, l’horloge tout entière ; ou l’individu, le groupe, la société s’effectue à logique constante. Le tout résulte de la somme des parties qui la composent, l’horloge est la somme de ces rouages, la société une somme d’individus et l’intérêt général la somme des intérêts individuels : ce qui est bon pour l’économie ne saurait être mauvais pour la nature ». La question de l’environnement (assimilée à la question que pose le développement durable) se ramène à une «simple correction d’un léger défaut d’allocation des ressources au moyen d’une redevance de pollution » : l’économique n’est pas remis en cause, juste ses dysfonctionnements. Cette question ouvre un nouveau champ à l’analyse économique : l’économie de l’environnement et des ressources naturelles dont le cœur est constitué par les théories de l’internalisation. « La science économique réduit son objet à l’allocation des ressources en ne s’intéressant qu’aux biens économiques, mais ce réductionnisme ne signifie pas une restriction des champs couverts par l’analyse économique qui, bien au contraire, tend à intégrer toutes les sphères de la vie sociale ». Ainsi l’épuisement des ressources fera l’objet d’une correction par les prix, le progrès technique permettra aux générations futures de trouver des solutions aux problèmes actuels (épuisement de l’énergie) et fonde le lien intergénérationnel.
le paradigme de l’entropie
La seconde tendance dénonce la simplicité de cette thèse. Carré, Malinvaud et Dubois ont prouvé dans une étudeque l’accumulation du capital et du travail n’expliquaient que 50% du taux de croissance durant les 30 glorieuses de l’économie française. D’autres éléments contribuent à la croissance et ces éléments débordent le champ traditionnel de l’économique : l’organisation et la gestion de la production, la qualité de la formation, l’innovation technique, l’organisation sociale et politique. Des facteurs sociaux contribuent à la croissance. « La vérité, c’est que le processus économique n’est pas un processus isolé et indépendant, il ne peut fonctionner sans un échange continu qui altère l’environnement (et l’homme) sans être en retour altéré par ces altérations, les économistes classiques, Malthus en particulier, ont insisté sur la pertinence de ce fait. Rien ne saurait donc plus être éloigné de la vérité que l’idée du processus économique comme d’un phénomène isolé et circulaire ».
On peut retenir trois points fondamentaux qui constituent une profonde rupture avec l’analyse mécaniste précédente :
L’économique n’est pas un système clos mais ouvert sur le monde, en interaction avec le social et la nature.
Le monde est un système clos, fini ; l’économique en est un sous-système.
La croissance n’est pas illimitée.

Cette seconde approche relève du modèle de la thermodynamique (issu des sciences physiques) comme base de la construction de son analyse, correspondant à une vision du monde radicalement différente. « Pour les économistes, il est très important de reconnaître que la loi de l’entropie est la racine de la rareté économique. Si cette loi n’existait pas, nous pourrions réutiliser l’énergie d’un morceau de charbon à volonté. En le transformant en chaleur, cette chaleur en travail, ce travail à nouveau en chaleur. Dans un tel monde imaginaire, purement mécanique, il n’y aurait pas de véritable rareté de l’énergie et des matières premières. Une population aussi vaste que permettrait l’étendue du globe pourrait en effet vivre pour toujours. Par contre, dans le contexte de l’entropie, chaque action de l’homme ou d’un organisme ne peut aboutir qu’à un déficit pour le système total ». L’activité humaine a donc deux conséquences : elle épuise des ressources naturelles (considérées désormais comme rares, cette rareté se mesurant en terme d’entropie) et rejette dans son milieu (dont la finitude est prouvée) des déchets : » tout organisme vivant s’efforce de compenser sa propre dégradation entropique continuelle en assimilant de la basse entropie et en rejetant de la haute entropie ». Pour Marx «plus un pays établit son développement sur la création d’une industrie moderne et plus le processus de destruction se poursuit à un rythme rapide. C’est ainsi que la production capitaliste ne fait qu’épuiser les sources originaires de toute richesse : la terre et les hommes ».
De cet apport de la thermodynamique, les économistes de cette école déduisent que le développement utilise et transforme de la matière et de l’énergie et relève des lois de l’entropie. Il y a une rupture épistémologique forte avec l’approche antérieure. L’activité économique utilise inconsidérément l’énergie accumulée dans notre planète et cela ne peut qu’accélérer le cours de l’entropie. Il y a confusion entre croissance et développement dans l’analyse néoclassique. L’augmentation des biens est censée améliorer le bien-être. Ici une autre image s’en dégage : le développement épuise les hommes et les ressources naturelles. Le plus être peut être la cause du mal-être :» On pourrait concevoir le développement sans croissance ». L’avoir ne se confond plus ici avec l’être. « Pensée dans des limites étroites la science économique débouche sur la définition de combinaisons et de conduites optimales qui peuvent être parfaitement valables du point de vue de la production, de l’échange, de la consommation mais ne se réfèrent qu’à une partie des motivations humaines et n’ont rien à voir avec les mécanismes qui régissent le milieu naturel. Le caractère dominant de l’économique a pour effet de soumettre l’homme et la nature à une loi qui n’est pas la leur ». La notion de développement déborde largement la définition de l’approche précédente : l’homme représente l’aboutissement de l’évolution, la finalité de l’économique est d’être un des outils nécessaires à son épanouissement. Le bien-être est approché en considérant la satisfaction des besoins matériels et culturels. L’IDH de l’ONU est un des outils pertinents pour la mesure du développement. Le développement durable mais surtout le questionnement sur l’épuisement des ressources naturelles des années 70 ont considérablement enrichi la pensée économique. Georgescu-Roegen a eu l’immense mérite d’insérer le développement économique dans cette approche de l’entropie. Plusieurs courants illustrent cette famille de pensée et ont en commun de poser les limites du modèle économique dominant. Beaucoup posent comme base que la croissance infinie dans un monde fini est impossible : d’où la thèse de la croissance zéro des années 70, de la thèse de la fin du capitalisme chez les marxistes hier, de la contrainte démographique comme élément limitant la croissance économique avant hier chez Malthus. Cependant l’ambition d’un développement durable semble perdue d’avance dans ce paradigme de l’entropie.
le paradigme de la destruction créatrice
Une troisième tendance se dessine aujourd’hui. L’approche précédente se caractérise par une attitude de repli défensif : gouvernée par les lois de l’entropie, l’humanité est condamnée à atteindre un stade stationnaire : la dégradation semble être notre destinée commune, le combat pour sauvegarder la nature est une bataille éternellement perdue d’avance. Même si l’homme est libre, même si l’écart est possible, notre destin est scellé, il y a déterminisme. Ce n’est pas l’horloge mais la loi des grands nombres qui nous condamne. Le sens de l’histoire s’impose aux hommes mais non les modalités de son cheminement : on retrouve ici la pensée de Marx et de certains classiques. « L’homme est acteur dans l’histoire, il n’est pas acteur de l’histoire ». Mais, un autre regard, celui de la «destruction créatrice » récuse cette thèse du combat perdu et nous donne de nouvelles clés de compréhension du développement. Les tenants de ce paradigme partent d’un constat simple : « la conception de l’horloge et la conception thermodynamicienne du monde ont en commun de ne pas pouvoir rendre compte de l’apparition de la vie : les mouvements répétitifs de la première, la marche à la dégradation liée à la seconde lui tourne dos. ». E Schrödinger ouvre la voie en 1944 et pose la question de la vie derrière laquelle se profile tout le mouvement de complexification de l’univers. La science d’aujourd’hui avec Van Foerster, Atlan, Prigogine, Thom porte un nouveau regard sur notre univers dont il convient de prendre la mesure : la destruction est créatrice, la dégradation entropique est reconsidérée dans le mouvement plus large d’une complexification : l’astre solaire anime le mouvement des grands cycles physiques terrestres et permet le développement de la vie. Il existe un point dit «critique » à partir duquel le mouvement, de manière spontanée et imprévisible, diverge pour engendrer une nouvelle structuration, un nouvel ordre. Le micro-évènement s’étend, se propage et entraîne la formation du phénomène global. Un acteur peut désormais changer le système. Le battement de l’aile du papillon de Lorenz peut enclencher une tornade outre continent. Selon R.Passet » Le micro-écart est le moyen par lequel émerge, au niveau supérieur, une nouvelle forme d’organisation ». Cette nouvelle vision du monde s’applique bien aux sciences sociales mais aussi à l’économie : J Schumpeter est l’un des économistes précurseurs qui a construit, avant l’heure, une théorie en adéquation parfaite avec ce nouveau paradigme. « Le développement durable s’inscrit dans ce même mouvement par lequel l’entropie constitue le prix à payer pour une création. Il est donc faux d’affirmer que l’action humaine ne peut qu’accélérer la dégradation de la planète, tout comme il serait faux de prétendre, à l’opposé (…) que la biosphère finit toujours par s’autoréguler (…) les ajustements qui en résulteront se situeront-ils ou non dans les limites de la vie ? (…) A la soumission passive et au combat défensif en retraite doit alors se substituer la recherche positive d’une harmonisation entre les deux processus de destruction créatrice qui animent respectivement l’évolution naturelle et le développement économique». La bio-économie ne cherche pas à étendre la logique mécanique du marché à l’ensemble des sphères du réel. Elle recherche les conditions pour harmoniser la logique productive avec la logique du vivant. La sphère économique est insérée dans la biosphère dont elle est un sous-système. Avec sa logique propre, elle peut se maintenir ou se complexifier (le développement) grâce à une ouverture sur l’homme et la nature. L’économique ne peut pas imposer sa logique aux deux autres sphères mais au contraire tenir compte des contraintes de reproduction des deux autres sphères pour se maintenir elle-même durablement. Le développement économique ne doit pas perturber les mécanismes qui assurent la régulation de l’évolution naturelle sous peine de saper les conditions nécessaires à son maintien. Pour mettre en œuvre ce principe il faut changer notre système de valeur : agir selon un principe de responsabilité et renverser les priorités : l’économique doit être un outil au service de l’Homme et non une valeur, une fin en soi.
Le développement durable interpelle l’économie : il joue un rôle central dans la constitution d’un nouveau paradigme du développement qui reste largement à construire. Il reconnaît que la croissance se heurte à une double limite : des limites naturelles et sociales. La nature a une capacité limitée pour absorber notre croissance. « Un développement humain durable peut être un développement sans croissance illimitée, dès lors que les besoins essentiels sont satisfaits. Les paramètres fondamentaux de ce renouvellement nécessaire du paradigme global du développement deviennent alors les questions de répartition, de redistribution et de la qualité de vie humaine ». « L’homme se trouve donc au seuil d’une ère nouvelle où, après avoir satisfait aux exigences de l’avoir, il lui serait possible de songer aux impératifs de la personne, c’est une révolution sans précédent : alors que le développement des sociétés humaines s’était traduit en terme de productions matérielles de survie et de confort s’adressant à des besoins saturables, c’est un développement orienté vers des activités dont l’aspect matériel est secondaire et s’adressant aux besoins illimités de l’être qu’il convient désormais de concevoir. La puissance même des moyens accumulés pour obtenir cette libération révèle leur ambivalence : au plan individuel la croissance de l’avoir n’est plus création mais destruction de l’être, au plan social le moyen a pris figure de fin (…) au plan de la biosphère la régression des pénuries concernant les produits s’accompagne de l’épuisement des ressources et menace la reproduction des milieux. Les vraies questions concernant l’homme, obscurcies pendant des millénaires par les exigences de la lutte pour la survie se posent donc enfin à lui : elles se réfèrent à son être et ses relations avec la nature. (…) Au carrefour de l’être et du néant, l’histoire marque un temps d’hésitation. Face à l’avenir qui est en jeu, l’économiste assume une responsabilité particulière. Il lui appartient de pourfendre le fétichisme des choses mortes pour participer à l’œuvre de vie qui se poursuit à travers l’espèce humaine et peut seule donner un sens à l’acte de production. «
Grille pour lire le profil épistémologique des économistes au regard du développement durable
Paradigme mécanisteParadigme de l’entropieParadigme de la destruction créatriceLe développement durable met en évidence un léger dysfonctionnement du marché et concerne surtout les problèmes liés à la pollution.La question du développement durable ne peut s’analyser comme un simple dysfonctionnement du marché. Elle montre les limites de notre modèle de croissance.La question du développement durable invite à repenser les rapports existants entre la logique productive et la logique du vivant en les harmonisant. Ce sont 2 processus de destruction créatrice à harmoniser.La solution réside dans l’internalisation du coût des dommages infligés à l’environnement. Les lois de l’entropie nous condamnent à terme au chaos (ou la fin du capitalisme). On peut ralentir le phénomène par une stratégie de croissance zéro/décroissance pour éviter l’épuisement des ressources ou la dégradation du milieuIl faut concevoir l’économique comme un sous-système ouvert vers l’homme et la nature dont il convient de satisfaire les conditions de reproduction pour que le sous-système économique puisse lui aussi se maintenir.La croissance est assimilée au développement et est facteur de l’amélioration du bien-être. Il n’y a pas de limites à la croissance. Elle se déclenche après accumulation du capital et du travail. Il faut revoir notre modèle de développement. Il y a des limites physiques, naturelles, sociales à la croissance. La croissance n’est pas le développement et peut détériorer le bien-être. Elle épuise la terre et les hommes. Il peut y avoir développement en l’absence de croissance.La croissance n’est pas le développement. A l’heure où une partie de l’humanité voit ses besoins vitaux et de confort satisfaits, son effort peut désormais s’orienter vers la satisfaction de l’être et non de l’avoir. L’économique est un système clos et circulaire. Il est à l’équilibre. La concurrence pure et parfaite assure une situation optimale (optimum de Pareto). Il y a dans cet état, allocation optimale des ressources. L’homme est une partie infinitésimale du système et ne peut influencer sa marche : il est agent économique et subit la loi du système.L’économique est un système ouvert vers l’homme et la nature. Il est sous-système d’un ensemble plus vaste. Ce système est gouverné par les lois de l’entropie, l’économie ne peut s’y soustraire : il y a des limites à la croissance. Le fondement de la rareté des biens se fait en fonction de son entropie. L’homme est acteur dans l’histoire, il y a déterminisme historiqueL’économique est un système ouvert vers l’homme et la nature. Il est sous-système d’un ensemble plus vaste. Ce système est gouverné par les lois de l’entropie, l’économie ne peut s’y soustraire : il y a des limites à la croissance. Le fondement de la rareté des biens se fait en fonction de son entropie. Néanmoins il n’y a pas de déterminisme : l’homme est acteur de l’histoire. La destruction peut être créatrice, l’écart créateur d’une organisation nouvelle et plus complexe (soit le développement) La question du développement durable permet d’ouvrir un nouveau champ de l’analyse économique : l’économie de l’environnement et des ressources naturelles.Il faut renouveler la pensée économique en l’insérant dans le paradigme de l’entropie.Il y a un nouveau paradigme à construire. L’économie ne doit pas imposer sa logique à la sphère sociale, à la biosphère. Elle doit être ouverte vers les autres disciplines, être multidimensionnelle.Walras, Pigou, Jevons, Friedman, Solow, Beckerman, Rostow, Leontieff…Boulding, rapport Meadows, Marx, Engels, Malthus…Passet, Georgescu-Roegen, Schumpeter,
Newton, LaplaceCarnot, LoktaJonas, Larrère
Prigogine, Atlan, Thom, SchrodingerIdentification de deux objectifs obstacles en écologie (A. Lainé)
D’après Larrère, 1997, du bon usage de la nature – Pour une philosophie de l’environnement. ALTO – AUBIER
Blandin P., Bergandi D 13-14 janvier 1994 « entre la tentation du réductionnisme et le risque d’évanescence dans l’interdisciplinarité : l’écologie à la recherche d’un nouveau paradigme »…La crise environnementale. Paris. Ed INRA – les colloques n°80.
CNED – Environnement – Approche globale par les bassins versants – 1996- CNED productions-

« La recherche de nouveaux équilibres entre les sociétés humaines et les composantes naturelles de leur environnement fait nécessairement appel, parmi d’autres disciplines de référence à l’écologie, sans laquelle on ne peut réellement envisager une réelle connaissance des milieux.[…]
Mais l’écologie s’est pour une large part cristallisée autour du concept d’écosystème dont la fonction paradigmique est incontestable.
Les problèmes environnementaux, en obligeant la recherche à construire des démarches interdisciplinaires, ont fait ressortir le caractère étriqué d’une certaine écologie, sous tendue par une idéologie de la nature vraie, vierge, mais violée par l’homme dénaturant. » (2)
Une échelle spatio-temporelle
L’écologie est depuis de nombreuses années, réduite au concept d’écosystème, qui étudie l’ensemble des relations fonctionnelles entre les éléments de la faune et de la flore et les conditions du milieu, le biotope dans une nature dite naturelle. « Quand on a étudié un territoire assimilé à un écosystème, inventorié, dénombré et classé les espèces présentes, distingué producteurs, consommateurs et décomposeurs, mis en évidence les relations et quantifié sur un échantillon, flux de matière et d’énergie…, on a tant investi dans la description que l’on a tendance à prêter une valeur représentative à cette monographie.(1) «. Mais à aucun moment cette approche ne permet pas de mettre en évidence les relations complexes existantes entre l’écosystème et son environnement.

Etudier la nature ne se réduit pas à juxtaposer plusieurs écosystèmes les uns à coté des autres. « Le produit d’écosystèmes en interaction a des propriétés différentes de la somme des propriétés de ces écosystèmes. » (Baudry1942). « Quand l’étude simultanée de plusieurs paysages (écosystèmes, éléments biotiques et abiotiques) fait apparaître que, soit leur position les uns par rapport aux autres dans l’espace n’est pas aléatoire, soit leur composition (spécifique) n’est pas indépendante de leurs relations spatiales (Baudry et Burel, 1985) « (2)

Il devient par conséquent nécessaire de penser l’écologie comme une composition interactive. « Il est difficile de comprendre le fonctionnement d’un écosystème en l’isolant de son environnement. Il existe entre des écosystèmes contigus des flux de matière et d’énergie. De même, les migrations d’espèces végétales et les nombreuses espèces animales qui exploitent plusieurs milieux restent interdépendantes des écosystèmes plus ou moins éloignés. ». Comment « comprendre le fonctionnement d’une prairie sans références aux parcelles qui l’environnent ou aux haies qui l’enclosent ou celui d’un cours d’eau (ou d’une mare) indépendamment de son bassin versant ? » (1).
Cet obstacle (la non prise en compte de la dimension spatio-temporelle d’un milieu) inhérent à une époque de l’écologie est présent chez de nombreux enseignants. Il nous semble qu’il doit être systématiquement levé car il peut limiter la portée du concept de durabilité en écologie-aménagement.
L’homme et la nature
Par ailleurs, étudier les écosystèmes, c’est étudier les relations faune, flore, biotope dans une nature vierge, isolée des activités humaines. Or, les espaces dits aujourd’hui « naturels » ne sont pas ces espaces vierges d’activités.
« Les espèces que l’on entend protéger appartiennent pour la plupart à des stades intermédiaires de successions biocénotiques.[…]
Et l’écologie systémique est incapable d’intégrer l’homme dans ses recherches : les hommes sont pourtant insérés dans des systèmes écologiques qu’ils modifient certes, mais dont ils dépendent. »
« La caractéristique la plus générale de l’activité humaine est le fait que les écosystèmes, qui étaient plus ou moins fermés lorsque celle-ci était faible, sont maintenus largement ouverts aux échanges de matière et d’énergie. La complexité des mosaïques végétales qui composent les paysages résulte d’une longue histoire, associant l’effet de perturbations naturelles à l’activité humaine depuis les grands défrichements ».
« La disparition de populations et de milieux naturels résulte en effet des perturbations introduites par les activités économiques dans le fonctionnement des systèmes écologiques ».
« Mais la diversité biologique ne tend-elle pas à augmenter avec l’hétérogénéité spatiale et l’ouverture de milieu ? Les activités humaines ne peuvent-elles pas avoir des conséquences positives pour la faune et la flore ? » (1)

« Cette conception met fortement en relief le fait que les structures et les fonctionnements observés aujourd’hui, ne peuvent être compris qu’en les resituant dans le déroulement d’une histoire. Les structures écologiques d’un territoire résultent d’une succession de processus, parmi lesquels les activités humaines sont à considérer d’emblée au même titre que les phénomènes spontanés. Une interdisciplinarité effective s’impose alors, car l’état actuel d’un territoire ne pourra être compris, que si l’on saisit l’évolution passée et présente des représentations, des décisions et des pratiques des hommes » (Blandin,1982).(2)

« La structure et le fonctionnement des écosystèmes reflètent des états divers d’équilibre qui s’établissent en fonction des conditions de milieu sous l’influence des facteurs climatiques, géomorphologiques et des activités humaines. Par exemple la multiplication de végétaux dans les cas d’eutrophisation traduit un nouvel état d’équilibre dû à des apports d’énergie ou de matière. Ces états d’équilibre sont plus ou moins favorables aux diverses utilisations de l’eau dont les activités humaines. Il n’y a donc pas un équilibre idéal dans l’absolu mais des équilibres se traduisant par un fonctionnement plus ou moins favorable à l’homme et à ses activités. Plus la structure des peuplements est diversifiée, plus leur capacité de résistance à des fluctuations modérées est élevée et permet de conserver un certain type de fonctionnement. »(3)
Cette représentation d’une nature « naturelle », d’une nature vierge devient un obstacle au diagnostic et à la prise de décision en matière d’aménagement durable, car elle fera s’affronter deux positions antagonistes : conservation et développement.
Une utilisation de ces deux obstacles dans une situation de formation
L’action de formation présentée dans la fiche pédagogique « Impacts des modifications de la morphologie de la rivière sur son fonctionnement » (Cf. fiche  REF _Ref36956382 \r \h 6.3  REF _Ref36956386 \h Du fonctionnement des hydrosystèmes à leur gestion p. PAGEREF _Ref36956389 \h 68) se veut être une tentative de questionnement des disciplines « écologie » et « aménagement ». Elle reflète « un stade intermédiaire de réflexion de l’auteur ». La réflexion mériterait d’être approfondie.

On part de l’idée qu’il est nécessaire de revisiter nos rapports à la nature et dans la situation proposée, notre rapport à la rivière, que l’on a longtemps considérée et que l’on considère encore comme un objet : une rivière tuyau que l’on pourrait calibrer, endiguer, buser… Le stage est donc une tentative de déconstruction de la conception que les stagiaires ont de la rivière avant la construction du nouveau concept d’hydrosystème (Cf.  REF _Ref36956800 \r \h 5.2.1  REF _Ref36956802 \h Une échelle spatio-temporelle ). On met en avant la circulation de l’eau comme l’élément solidaire des systèmes écologiques et en travaillant les interrelations entre les aménagements et le fonctionnement du milieu et plus particulièrement l’impact de la chenalisation des cours d’eau, les problèmes d’inondation et d’eutrophisation, etc… :
On passe de l’étude d’un écosystème (la mare par exemple) à la prise en compte du fonctionnement d’un milieu dans son environnement ; on cherche ainsi à réfléchir à une échelle spatio-temporelle adaptée au fonctionnement du système (l’hydrosystème)
On tente de comprendre les interrelations entre le milieu « naturel » et les activités humaines en étudiant les processus qui en découlent. (Cf.  REF _Ref36956760 \r \h 5.2.2  REF _Ref36956763 \h L’homme et la nature)

Les objectifs portent donc sur ces 2 obstacles que sont l’échelle spatio-temporelle et la prise en compte des activités humaines dans l’étude des différents milieux.

Ces objectifs sont poursuivis en étudiant différents cas de milieux «anthropisés » qui permettent de construire un outil conceptuel de l’hydrosystème qui sera pertinent pour analyser et prendre des décisions dans une « utilisation raisonnée des bassins versants. »

« Des actions a priori positives sur le plan écologique, peuvent se révéler négatives à terme parce que le gestionnaire n’aura pas analysé complètement la complexité du fonctionnement du système. » 

La prise en compte de ces changements d’échelle dans l’étude de milieux mixtes de nature et de culture nous amène à envisager la protection, la gestion des milieux ou l’aménagement du territoire non plus localement sur du court terme mais bien en intégrant des processus plus généraux et plus longs, rencontrés dans un environnement complexe. C’est cette complexité qu’il faut retravailler pour concevoir une rencontre plus harmonieuse entre le développement socio-économique de nos territoires et la préservation de notre environnement. Ainsi les disciplines écologie et aménagement ont un rôle important à jouer pour penser le monde autrement, notamment dans une perspective de durabilité.

« Comprendre aujourd’hui une situation écologique suppose donc de faire appel à l’archéologue, à l’historien, à l’ethnologue, au juriste, à l’économiste, tout autant qu’au biogéographe et à l’écologue. Et voilà que l’écologue « classique » risque de perdre ses repères ; pour être véritablement compris, ses objets deviennent subordonnés aux regards d’autres disciplines (lesquelles, il faut le dire aussi, doivent accepter bien des changements d’approche) ».(2)

« Ceci conduit à proposer le terme d’écocomplexe pour désigner à l’échelle d’un territoire l’assemblage des systèmes écologiques interdépendants qui le composent, systèmes organisés selon une structure et régis par un fonctionnement, qui sont le produit d’une histoire écologique (géomorphologique, climatique, biologique) et humaine commune, histoire dont le déroulement se poursuit aujourd’hui » (Blandin et Lamotte, 1982).
Partie II Fiches pédagogiques
Exemples d’évolution pédagogique

Les cas proposés ici ont été retenus parce qu’ils montrent comment une évolution est possible, mais au prix d’un travail important sur les savoirs par des lectures et travaux dans les groupes de réflexion internes au Cempama ACP (Accompagnement du Changement de Pratiques) et TeDD (territoire et DD) , mais aussi sur les pratiques pédagogiques (analyse de cas menés au Cempama). Ils ne sont en aucun cas à prendre comme modèles, mais plutôt comme illutations de cheminements.
De l’étude du milieu au Développement durable (B. Fleury)
Les cheminements d’une équipe pédagogique
1°Etape : 1993 Stage B4 du BTA
Au début des années 90, une équipe pédagogique (4 professeurs, d’ESC, d’économie, de géographie, d’agronomie) choisit de faire une « étude de milieu » sur le parc régional voisin (Parc des Marais) pour mettre en œuvre le stage B4 du BTA. Après avoir listé les activités possibles et les personnes importantes à voir sur le conseil d’un animateur du Parc, elle produit un planning de visites et d’interventions (Cf.  REF _Ref36978312 \h Annexe 1  REF _Ref36978603 \h planning stage : classe de bta septembre 1993 p. PAGEREF _Ref36978312 \h 56), en respectant spontanément une logique que personne ne questionne
Lecture de paysage (approche « sensible » et lecture « objective »)
Visites thématiques avec intervenants extérieurs
Mise à disposition de documentation donnée par le Parc ou proposée par le CPIE
Travaux de groupes des élèves, en autonomie (ateliers du soir).
Les élèves doivent produire, à l’issue de ce stage, un rapport de groupe, présentant l’originalité de cette procédure de développement local qu’ils devront défendre ensuite individuellement.
les difficultés des élèves interpellent certains enseignants
C’est à l’issue des deux premiers ateliers du soir, temps consacré à la synthèse par groupe des informations de la journée, que les problèmes surgissent. Il apparaît nettement à certains enseignants que les élèves n’arrivent pas à synthétiser les informations disparates recueillies au fil des visites, dont ils ne savent faire que des comptes-rendus juxtaposés. Ces enseignants se posent alors quelques questions cruciales :
Avec ce cas, quel problème sommes-nous en train d’aborder ?
Avons-nous réellement ciblé notre approche sur « une procédure de développement local » ?
Quelle grille d’analyse pourrait permettre d’organiser les données ?
Dans l’urgence, ils tentent de faire face en proposant quelques outils pour relier les informations (Cf.  REF _Ref36978312 \h Annexe 1  REF _Ref36978671 \h deuxième version du planning 1993 p. PAGEREF _Ref36978312 \h 56) et se rabattent pour le bilan final sur un classement des données en atouts/contraintes, points forts/points faibles
résistances et conflits au sein de l’équipe
La remise en cause de la préparation du stage et des pratiques habituelles, la recherche affairée de la problématique centrale et d’outils d’approche globale irritent une partie de l’équipe enseignante, la tension ne tarde pas à monter et le conflit éclate. Paradoxalement, les enseignants qui se sont lancés dans la construction d’outils d’aide à la synthèse sont accusés, d’être des tenants d’une pédagogie directive, par les autres qui se récrient au nom de la nécessité de la construction autonome des savoirs ! La rupture est totale à l’issue du stage entre les enseignants les plus antagonistes, ce qui laisse supposer que l’enjeu du débat n’était pas anodin et qu’il a dû ébranler des conceptions fondamentales du métier.
Le jeu des stratégies et des rapports de pouvoir fait que pendant deux ans l’une des tendances l’emporte en mettant sur la touche la partie adverse qui ne participera plus au stage. Puis les hasards de la répartition des classes permettent un renouvellement de l’équipe et un dépassement du conflit. Cette équipe renouvelée décide de reprendre en 1997 le parc régional des marais comme base d’un M4 de bac STAE
2°Etape : 1997 Stage M4 - STAE avec la classe d’aménagement : objectif 4 : « étude d’une procédure de développement local »
Forts de leur expérience précédente, les enseignants se donnent comme objectif de sortir de l’optique « étude de milieu » et de rompre avec la méthodologie de l’inventaire thématique.
Il leur semble important tout d’abord de mieux cerner eux-mêmes le sujet : au cours de deux séances de travail, ils tentent d’organiser leur réflexion à partir de questionnements du type : Qu’est-ce qu’un parc naturel ? Qu’est-ce que protéger la nature ? Qu’est-ce que le développement local ? et en déployant le plus souvent la méthode (qui ?, quoi ?, où ? quand ?, comment ?) A partir des idées de chacun, ils essaient de construire des schématisations (Cf.  REF _Ref36978498 \h Annexe 2  REF _Ref36978960 \h exemple de tentatives de schématisations réalisées par les enseignants p. PAGEREF _Ref36978498 \h 57). Ils aboutissent à des schémas multiples et divers qui ne les satisfont pas vraiment, ils peuvent certes aider à organiser des informations recueillies dans un stage du type précédent, mais ils ne fournissent pas de quoi embrayer sur une approche renouvelée de l’objet d’étude (les schémas finissent à la poubelle  !).
Ayant lu, dans un article pédagogique, qu’en « entrant par un problème » on accroît la motivation des élèves en induisant une démarche cohérente de recherche, les enseignants s’évertuent à trouver la problématique du stage. Ils en formulent plusieurs, sans qu’aucune ne leur apparaisse comme un pivot fédérateur :
La protection des milieux fragiles
Le développement d’une double activité : agriculture et tourisme
La réfection et la mise en valeur du patrimoine historique
La revitalisation d’activités traditionnelles.
Ils réalisent ainsi qu’ils n’ont fait qu’énoncer quelques unes des grandes thématiques du premier stage (bref juste de quoi améliorer le plan de la synthèse). Finalement, en se remémorant les visites de l’an passé, ils arrivent à formuler un certain nombre de problèmes intéressants. Ils décident donc de proposer les sujets suivants à traiter par groupe :
Faut il réintroduire le pâturage d’animaux dans la réserve naturelle de la tourbière de M… ?
Que faire de l’habitat ancien dans les communes en plein déclin démographique ? (abandon, vente aux Anglais ou Hollandais pour résidence secondaire, gîtes ruraux ou logement social - cf Commune R…)
Que pensez-vous des projets de la Communauté de Communes de P… ? Faut-il réaliser un golf, des campings ou une autre réserve naturelle en bordure du fleuve ?
Faut-il donner suite au projet de la firme X d’accroître l’activité d’extraction et de transformation de la tourbe à Y ?
Que penser du projet de réalisation d’un port de plaisance et d’un village vacances à l’embouchure de l’estuaire ?
Le stage a lieu en septembre avec une classe de STAE Aménagement (Cf.  REF _Ref36978498 \h Annexe 2  REF _Ref36979038 \h planning du stage 1997 stae aménagement p. PAGEREF _Ref36978498 \h 57). L’équipe rencontre quelques difficultés au départ car il s’avère que les élèves ont tendance à ne pas s’impliquer complètement dans le traitement des problèmes : certains groupes en effet semblent se contenter de faire le récit des visites et d’exposer les opinions divergentes des acteurs rencontrés. Il faut que les enseignants réfléchissent et imposent la commande suivante : « Choisissez une thèse et défendez-la, en listant les arguments qui vous permettront de la défendre ». Tout d’abord, chaque groupe expose sa thèse et ses arguments ; le reste de la classe n’intervient que pour discuter sur la pertinence de l’argumentation. Cette fois-ci, le travail des élèves est intéressant et les enseignants sont impressionnés par la cohérence et la rigueur argumentative que les groupes affichent dans leur propre travail et dans la critique de celui des autres groupes. Mais la phase de confrontation des thèses se révèle difficile à mener et ne dépasse pas la juxtaposition ou l’opposition des opinions.
L’équipe se trouve à nouveau démunie lors de la synthèse globale prévue pour le dernier jour : il lui manque les moyens de mettre en relation ces différents problèmes et de trouver un axe fédérateur. Pourtant, l’un des enseignants a la très nette impression que les arguments ont des points communs et que d’un cas à l’autre on retombe sur la même problématique. Mais à ce stade personne n’arrive à l’expliciter clairement.
3°Etape
La même équipe devant mener le même stage avec la classe d’agriculture-élevage quelques mois plus tard, décide de retravailler sur les données accumulées au stage précédent. Reprenant l’idée de l’un d’entre eux qui a suivi une formation sur la construction des concepts (et qui en a conservé l’idée qu’il faut toujours se demander quel est l’objectif d’apprentissage poursuivi dans cette activité, quel(s) concept(s) sont à faire construire aux élèves ?), ils s’interrogent après coup sur le concept qui pourrait bien sous-tendre leurs stages précédents. Ils en viennent à se dire que c’est peut-être tout simplement celui de PNR !
Ils prennent alors conscience qu’ils ont systématiquement laissé le PNR en arrière plan, qu’ils l’ont considéré comme le cadre, le support physique de leur étude alors qu’il fournit peut être la problématique centrale tant espérée. Ils en reviennent à la question « Qu’est ce qu’un PNR ? » mais cette fois-ci sous la forme : « Quelle est la problématique spécifique d’un PNR ? ». Pour y répondre, ils investissent plusieurs pistes. Fidèle à son intuition, l’un d’eux reprend les travaux des élèves et classe leurs arguments, il voit apparaître deux grandes catégories de raisons invoquées : la nécessité de préserver la nature ou le patrimoine historique d’une part et les impératifs du développement socio-économique, d’autre part. Deux autres étudient les textes fondateurs des PNN et des PNR et découvrent que dans l’histoire des mesures de protection de la nature en France, après la perspective de « préservation - sanctuarisation » pilotée d’en haut (par l’Etat) qui prédominait pour les PNN, le PNR apparaît comme une volonté de gérer la tension entre conservation et développement. Ils peuvent alors enfin formuler l’objectif d’apprentissage du stage : construire le concept de PNR, c’est à dire la problématique de la conciliation de la conservation du patrimoine (naturel et culturel) et du développement socio-économique.
Rétrospectivement, leurs 5 problèmes leur apparaissent particulièrement bien choisis. Ils décident donc de reproduire leur stage, mais en apportant quelques modifications

Les TD de la première journée (où sont introduits des textes sur la création des PNR, des PNN, des réserves naturelles) sont organisés autour d’une question « Qu’est ce que la procédure PNR peut apporter à la région des marais de X… ? ». Chaque groupe doit formuler, en fin de journée, des hypothèses de réponse qui sont enregistrées dans « un petit journal de la recherche » remis à tout le monde au matin du 2° jour.
On annonce dés le départ aux élèves la forme de la production finale attendue et la nature de l’évaluation. La production finale : chaque groupe devra répondre à la commande suivante : « Vous faites partie de la première équipe d’experts chargée d’accorder, voire de retirer le label de PNR ; vous devez construire la grille de lecture qui vous permet de faire votre diagnostic » que vous présenterez devant un comité d’expert. (cf. annexe 3)
L’évaluation : diagnostic sur un autre cas : « A partir de docs fournis, dire si la région du Marais Poitevin… mérite ou non de garder son label de PNR ? »
Les 2, 3° et 4° jour restent organisés de la même façon, autour du traitement de problèmes, mais quelques uns sont remplacés par d’autres plus centrés sur des problématiques agricoles par ex. : Si vous deviez vous installer dans la zone du Parc des Marais, choisiriez vous le mode d’agriculture de M. P… (grande exploitation polder très intensif) ou de M R (exploitation reconvertie depuis 6 ans, abandon des cultures, remise en herbe, extensification, reconstitution du bocage, OGAF) ..° Justifiez votre décision

Les enseignants sont assez contents d’eux car ils ont pour la première fois l’impression que le stage n’est pas seulement, un bon moment passé ensemble, l’occasion de découvrir une petite région, mais que cette fois-ci il vise à produire chez les élèves une véritable compétence : en construisant le concept de PNR, c’est à dire sa problématique sous-jacente (et une ébauche de grille d’analyse, Cf.  REF _Ref36979121 \h Annexe 3  p. PAGEREF _Ref36979121 \h 58), ils disposent d’un savoir opérant, d’un outil qui permet (à leur niveau) de poser des diagnostics et de déboucher sur des savoirs d’action.
4° Etape (en cours)
Entre 1997 et 2001, certains membres de l’équipe ont participé à la mise en œuvre de l’EATC en classe de seconde (ils ont étudié entre autres les lois de 1995-1999 sur l’aménagement du territoire), et travaillé sur le contexte et les enjeux de la « re-territorialisation » du développement. Un nouveau venu d’un établissement engagé dans l’opération de démonstration « agriculture durable » a entraîné deux membres de l’équipe à participer à un colloque sur « la nouvelle Loi d’orientation agricole et ses conséquences pour l’enseignement agricole » et à un séminaire sur « le développement durable ».
A leur première réunion de concertation pour préparer l’année scolaire 2001-2002, il leur apparaît qu’avec leur fameux stage sur le Parc des Marais, ils ont, sans le savoir, largement ébauché une démarche de formation sur le développement durable. Mais ils se demandent si l’approche du développement durable peut se circonscrire à un stage ponctuel et si elle ne ré-interroge pas fondamentalement toutes leurs pratiques d’enseignement ? Leur réflexion s’engage dans 2 directions : un travail d’analyse de leurs représentations, l’organisation d’une démarche plus globale
le travail des représentations
En relisant la liste des visites et des problèmes précédemment proposés aux groupes d’élèves en stage, il peuvent lire en creux, rétrospectivement, leurs propres conceptions.
Leur conception de» ce qui est à conserver » leur apparaît :
repliée sur l’idée de « ressource » naturelle : eau, tourbe, flore et/ou de patrimoine historique
éclatée en objets séparés pris isolément la rivière dans la commune x, l’estuaire z etc…
Il leur semble important de passer à l’idée de conservation des équilibres des grands cycles naturels.
Leur conception de la « conservation » leur paraît
très souvent repliée sur l’idée de « réserve naturelle » de sanctuarisation de « milieux naturels »
opposer systématiquement la nature et les hommes.
Il leur semble important de passer d’une approche séparant et opposant Nature et Culture (constructions sociales) et de se familiariser avec la notion et la méthodologie des « objets mixtes » (cf texte Latour et Larrère)
Leur modalité d’approche des situations leur apparaît toujours juxtaposer un volet économique, social et environnemental et chaque discipline a tendance à faire primer l’un des domaines sur les 2 autres
des difficultés de mettre en place une démarche d’ensemble
Ils décident de conserver le Parc des Marais comme base de leurs études de cas qu’ils vont déployer tout au long de l’année, pour construire les notions-clés de plusieurs de leurs modules. Dans un premier temps, ils ont la tentation de tout maîtriser et de monter un projet global : en mettant à plat les divers objectifs des référentiels, ils cherchent comment y introduire une perspective de durabilité. Après quelques heurts, ils trouvent un compromis : ils vont se donner du temps pour transformer leurs pratiques d’enseignement et commencer cette année par quelques projets localisés pluri ou mono-disciplinaires

1°étape : début Octobre, dans le cadre du M4 Obj.5 stage « territoire et développement » ils reproduisent le stage de l’étape 3, à ceci près qu’ils lui assignent un objectif d’apprentissage plus général : le concept à construire n’est plus seulement celui de PNR, mais celui de développement durable d’un territoire. Ils décident que dans un premier temps, ils feront appréhender le développement durable comme la prise en compte par les sociétés de la tension entre conservation et développement, (après une longue phase de croissance, centrée sur des perspectives à court terme et peu soucieuse de préserver un potentiel de ressources naturelles pensé comme illimité).
Ils introduisent des outils de diagnostic de durabilité au niveau de la comparaison des 2 exploitations (intensive polder et système herbager plus économe) : des groupes utilisent la grille IDEA, d’autres le diagnostic du RAD. Ce stage inaugural permet donc de poser le problème du développement durable, de commencer à construire la problématique afin de donner du sens au travail de l’année, il permet d’aborder aussi la recherche de critères de diagnostic de durabilité.
2°étape : pour l’ensemble de l’année, ils choisissent quelques concepts-clés, autour desquels s’organisent des projets mono ou pluridisciplinaires des différents modules : empreinte écologique (pluri écologie M7 – obj 5 et 6 terminale), écologie agro (M9 « Entreprise agrosystème, Durabilité »), durabilité économique et sociale, (pluri agro, éco), empreinte territoriale (géo + éco - M8 Espace ruraux et société, Obj 3), hydrosystème (pluri écologie, géographie, agronomie).
En M10 technologie des systèmes de production, le prof de Zoot qui prend conscience qu’il ne peut plus intervenir sans prendre en compte la gestion des effluents d’élevage décide de travailler de plus en plus avec son collègue de Phyto. Dans le tableau de bord de conduite durable des systèmes de production : ils sélectionnent deux notions : bilan des minéraux (M9 - Obj 2.4 étude des flux de l’agrosystème), autonomie en protéines (M9 - Obj 2.5)
Annexe 1
Etape 1
planning stage : classe de bta septembre 1993
Lundi 25Mardi 26Mercredi 27Jeudi 28Vendredi 299h : départ lycée
10-11h : lecture de paysage au Mont D..
(équipe enseignante) 8h : Petit déjeuner au CPIE
9h-11h30 : visite sur site chantiers de restauration de maisons en terre (Intervenant M. L..) 8h : Petit déjeuner au CPIE
9h-11h30 : Visite de la réserve naturelle (Tourbière de M..) (guide du CPIE) Petit déjeuner au lycée
Aspect PDD
8h-9h30 : M. V conseiller agricole
10h-12h : Rencontre avec un agriculteur Petit déjeuner au lycée
8h-10h : ADASEA
10h30 Synthèse de la semaine avec un responsable du Parcrepas froid fourni par lycéerepas chaud lycée voisinrepas chaud CPIERepas froid fourni par lycéerepas au lycée14h :Intervention du Directeur du Parc des Marais : présentation du Parc de ses missions et actions14h-17h : visite d’une frayère semi-naturelle + parcours de pêche
guidée par M. W14h30-17h : Promenade en gabare. Rencontre avec M. R : thème Agriculture et Tourisme14h : Etang des Sarcelles près de la Maison des Marais : rencontre avec M.O un des acteurs fondateurs du PNRAu CPIE :
17h-18h30 : travail en ateliersAu CPIE :
17h30 : travail en atelierLycée :
18h travail en atelierLycée
17h : travail en atelierdeuxième version du planning 1993
Au milieu de la semaine, les enseignants qui sont à la recherche d’éléments de cohérence proposent une nouvelle version du planning

I Approche locale : Lundi
repérage et découverte du paysage (matin)
contexte historique et institutionnel d’une procédure de développement local (après-midi) II Actions de conservation et de valorisation du patrimoine bâti et naturel (mardi) III Etude d’un milieu naturel (mercredi matin)IV Logique des acteurs : confrontation de points de vue : mercredi ap-midi, jeudi, vend.
un acteur de base (mercredi après-midi)
un expert de la chambre d’agriculture et un acteur de base (jeudi matin)
un acteur fondateur (jeudi après-midi)
un acteur institutionnel privilégié : L’ADASEA, relais de la politique d’aide européenne (vendredi matin)Le I, II, III se situent à l’échelle locale, le IV va du local à l’échelle nationale et européenne Annexe 2
Etape 2 - Classe de STAE aménagement 1997
exemple de tentatives de schématisations réalisées par les enseignants
Schéma 1
Qui protége ? L’Etat ? Quoi ? : un territoire
 un milieu naturel
un patrimoine historique
 Quand ? Protéger ? Où ?


Contre quoi ? Comment ?
Pêche, chasse, Décret création Parc naturel Interdictions/
activités industrielles indemnités
Structure Parc Réserves nature.

Schéma 2
 Parc ?


 Mission Mission

Actions Actions

Partenaires Partenaires
planning du stage 1997 stae aménagement
1° jour : au lycée : TD par groupe : analyse de docs
sur les étapes de la mise en place du PNR
sur les spécificités du milieu (étude géomorphologique, démographique, économique)
Sur le terrain : parcours en car pour mettre en évidence la diversité des paysages2° jour : Tous les groupes doivent traiter le problème suivant :
Faut il réintroduire le pacage d’animaux dans la réserve naturelle de la tourbière de M… ?
Méthodologie : Collecte de données, élaboration des hypothèses du groupe (9h à 15h30)
Collectivement : visite de la réserve naturelle avec guide du CPIE
rencontre de deux tenants des thèses opposées sur le sujet
Par groupe : enquête auprès d’agriculteurs, d’un botaniste, d’un garde chasse,..
Au CPIE, visionnage de cassettes sur des expériences diversifiées de gestion de réserves naturelles, sur les conditions de la préservation de la biodiversité
Construction 16 à 17h30 et présentation 17h30-19h des thèses et de l’argumentation de chaque groupe (en présence d’un certain nombre des intervenants de la journée ) 3° et 4° jour : les groupes traitent au choix 2 des problèmes suivants :
Que faire de l’habitat ancien dans les communes en plein déclin démographique ?
Un golf, des campings ou une autre réserve naturelle en bordure du fleuve, dans la commune de X ?
Faut-il donner suite au projet de la firme X d’accroître l’activité d’extraction et de transformation de la tourbe à Y ?
On suit la même méthodologie que le jour précédent, pour le recueil de données : des rendez vous ont été pris avec des acteurs concernés par le problème, les enquêtes sont laissés à la libre initiative des élèves 5° Synthèse globale et rédaction par groupe du rapport  Annexe 3
Etape 3
Ayant compris que pour animer les séquences de débat collectif, il faut anticiper, les enseignants ont défini pour eux-mêmes, en préalable, des critères fondamentaux qui leur semblent décisifs pour un label PNR. Ce travail leur sert de base pour monter le stage (ils peuvent vérifier si tous les critères sont bien abordés) et pour aider les élèves à construire leur grille de labellisation

Le PNR : comme un outil d’aménagement de territoires à l’équilibre fragile et au patrimoine naturel et culturel riche

Expression d’une volonté locale ((PNN)
procédure décentralisée de création (à l’initiative des régions)
charte constitutive élaborée par les partenaires locaux (collectivités territoriales, organismes publics ou para-publics et associatifs)
part de financements locaux
formule souple de gestion, libre choix de la formule d’administration
partenariat actif avec les collectivités locales : le Parc, comme chef d’orchestre et trésorier

Protection du patrimoine local : naturel, paysager, culturel
mesures de protection des milieux à haute valeur écologique ponctuelles et spécifiques ((PNN) : création de réserves naturelles sur les sites les plus menacés, mise en place de conditions de sauvegarde des milieux indissolublement liés aux activités humaines.
aide à mise en œuvre de mesures de soutien et de promotion d’activités respectueuses de l’environnement (OGAF, CTE…)
sauvegarde, réfection et mise en valeur du patrimoine culturel (bâti ancien, langue, savoir-faire, musées)
Contribution à l’aménagement du territoire, au développement économique, social et à la qualité de la vie
maintien d’une agriculture vivante, promotion d’une « autre agriculture » qui permette de trouver des revenus complémentaires et d’entretenir le paysage et gérer les ressources naturelles
relance d’activités artisanales, revitalisation du commerce local, amélioration des services
valorisation d’un tourisme alternatif
Contribution à la sensibilisation et l’éducation à l’environnement
Promotion d’actions d’expérimentations et de recherche dans les domaines ci-dessus

Evolution d’une progression pédagogique autour de l’approche globale aquacole (J.F. Le Clanche)

Etude de l’évolution d’une progression pédagogique autour de l’approche globale aquacole (BPAM-BPREA aquaculture)
Introduction
Au départ l’équipe centrait son analyse sur le fonctionnement de l’exploitation. L’exercice consistait en une récolte exhaustive d’informations puis leur classement en sous-systèmes (production, information, décision, production de ressources monétaires, social) en essayant de dégager à chaque fois les atouts et les contraintes (étape 1).
Sensibilisés aux questions environnementales, les enseignants ont élargi l’année suivante le champ de l’inventaire à l’environnement et au territoire (étape 2).
Devant les difficultés des élèves à synthétiser les informations et à se motiver pour réaliser cette production (somme toute fastidieuse), l’équipe a essayé de changer de pratiques pédagogiques. Désireux de sortir de l’ornière de l’inventaire, les enseignants décidèrent de partir d’une question qui donnerait du sens à l’exercice : « Cherchez les problèmes que rencontre cette exploitation et les solutions pour les résoudre ». Les difficultés rencontrées changèrent de nature : cette fois les élèves se mobilisèrent bien mais n’énumérèrent que des micros problèmes (absence de panneaux…). Ils avaient pourtant devant les yeux une pisciculture intensive ! Ils ne trouvèrent pas la problématique générale de l’exploitation (étape 3).
L’équipe prit conscience qu’avant de faire cette exercice, il fallait équiper les élèves de concepts, d’un savoir opérationnel pour qu’ils puissent juger la durabilité de l’exploitation. La grille IDEA n’existe pas pour l’aquaculture…il y a très peu ressources sur le sujet : l’équipe à force de lecture et d’essais s’efforça de construire une grille pour diagnostiquer le caractère durable d’une exploitation, pour elle puis pour les élèves (étape 4 et 5).
En cinq années il y a eu un véritable changement, l’exercice du début ne ressemble plus à celui d’aujourd’hui. Le concept de développement durable est devenu le cœur de l’exercice. Une nouvelle question se pose désormais : comment aborder la question du développement durable tout au long de l’année (et éviter d’en parler uniquement pendant l’approche globale) ?
Utilisation du cas en formation des enseignants
Passer d’une approche en terme d’inventaire (récolte exhaustive de l’information qui est triée et classée) à une démarche de diagnostic en terme de durabilité : c’est-à-dire de juger du caractère durable ou non d’une exploitation.
Distinguer deux formes de savoirs :
Un savoir général que l’on qualifie à tort de « théorique », qui donne des éléments d’informations sur ce que l’on entend par développement durable mais qui ne permet pas de juger des cas concrets, la durabilité d’une exploitation aquacole par exemple.
Un savoir opérationnel, « un savoir outil » souvent sous la forme de grille d’indicateurs qui permet de formuler un avis, de produire un jugement élaboré sur le cas étudié.
Déconstruire l’association spontanée « travail sur le terrain » avec « non directivité » : face au réel, par nature complexe, les élèves trébuchent faute d’accompagnement. Par la mise en place de consignes claires, en créant une situation pédagogique qui pose un problème aux élèves, l’enseignant crée une situation suffisamment fermée qui permet d’atteindre ses objectifs d’apprentissage, mais suffisamment ouverte pour permettre aux élèves d’explorer le champ des possibles de cette situation et de construire le concept de durabilité.
Prendre conscience que l’étude de cas concrets demande une préparation : trop souvent les enseignants découvrent le terrain en même temps que les élèves et se trouvent parfois désarmés face aux questions de ces derniers.
Etape 1 : Une approche en terme d’inventaire excluant l’environnement - SIL fév. 98
La progression s’organise sur une semaine bloquée. Elle mobilise deux enseignants (économie /zootechnie aquacole). L’exploitation est à proximité, les enseignants et les stagiaires la découvrent durant la visite du lundi ensemble. Le déroulement des séances se fait selon les étapes suivantes, c’est la copie du modèle d’un stage de formation que le pilote a suivi (copie du planning mais en ne retenant qu’une partie des éléments du stage), ce planning non interrogeable va parasiter l’évolution :

LundiMardiMercrediJeudiVendrediMatinPrésentation de la méthodeClassement des informations (par sous-systèmes) Visite n°2Production de la description de l’exploitation par sous-système/ en sous-groupeSuite, préparation des transparents en sous-groupe + rapport écritAprès midiVisite de l’exploitation
Questions ouvertesRecensement des questions à poser
Recherche documentaire/ CDIClassement des informations par sous-systèmesRecherche des atouts et contraintes par sous-système / en sous-groupe + solutions pour les leverSoutenance orale devant le chef d’exploitation
Les stagiaires doivent à la fin de l’exercice produire un rapport, soutenu à l’oral, contenant la présentation et la description de l’exploitation, plus les atouts et les contraintes. Durant la semaine, ils récoltent le maximum d’informations (par les visites, au CDI…) puis les trient et classent en sous-systèmes (ces catégories sont prédéterminées et imposées par les enseignants), enfin ils essayent de voir en sous-groupes les atouts et les contraintes du sous-système qu’ils ont décidé de traiter. Ce n’est qu’au moment de la restitution finale que le travail des sous-groupes est mis en commun. Les enseignants passent voir les sous-groupes en évitant de faire trop d’apports, il convient que la production soit celle des stagiaires avant tout (souci d’authenticité).
La question du développement durable et de la prise en compte de l’environnement n’a pas été abordée. Motif : par facilité. Ne maîtrisant pas bien l’exercice, l’équipe a décidé de ne pas traiter la question de l’environnement, du développement durable, bref de ne pas en mettre une couche en plus. Malgré tout certains stagiaires, de manière spontanée, ont interrogé le chef d’exploitation sur les pollutions qu’il subit et celles qu’il émet : ces points ont été traités dans le chapitre atouts et contraintes.
les difficultés des élèves interrogent les enseignants
Le mardi après midi les stagiaires ne saisissent pas le sens de la démarche et ce qu’ils doivent faire. Une partie de l’énergie des enseignants passe dans l’explicitation des consignes et des objectifs, …. en vain car certains demeurent récalcitrants et se démobilisent. La visite n°2 est une répétition démotivante, le désir d’exhaustivité des enseignants n’est pas compris par les stagiaires. A la fin de la démarche, certains stagiaires ne semblent pas s’être appropriés la démarche et semblent incapables de la réinvestir sur leur exploitation de stage.
La classe a été divisée en sous-groupes thématiques pour produire le rapport et répartir le travail : du coup les stagiaires n’ont eu une vue globale de l’exploitation qu’au moment de la restitution, suite à la présentation des sous-groupes par catégories retenues.
Apres coup, le travail par catégorisation apparaît vide de sens, il semble à l’équipe que l’esprit de la méthode ne soit pas respecté : l’équipe prend conscience que l’exercice réalisé tenait plus d’une approche analytique que globale, ils se posent beaucoup de questions sur le travail par catégories. Le hasard des rencontres et des discussions fait qu’un inspecteur, lors d’une réunion, leur révèle un élément qu’ils avaient oublié de prendre en compte: la réalisation du schéma global de fonctionnement qui permet de réaliser une approche globale de l’exploitation.
Etape 2 : élargissement de l’inventaire au champ de l’environnement. BPAM / SIL oct. 99 et fév. 2000
L’absence de motivation des stagiaires (étape 1) est mise sur le compte du profil de la promotion et d’un manque de pratique de l’équipe (manque de rodage) : le planning est reproduit à l’identique et n’est pas réinterrogé.
Objectif d’évolution : désormais (Cf. nouvelle L.O.A.) il semble très important d’élargir le champ de l’exercice en prenant en compte les données environnementales. De plus l’équipe veut également que les sous-groupes réalisent un schéma global de fonctionnement « gage de l’approche systémique ». Car c’est en construisant ce schéma qu’ils sont contraints de mettre en relation les sous-systèmes de l’exploitation et avoir ainsi une vue globale de l’exploitation. L’emploi du temps est resté presque le même, voici les modifications :
Lundi matin : (en +) introduction de la notion de développement durable et de l’évolution de la politique de l’environnement et élargissement du champ de questionnement à l’environnement. Cela correspond à une prise de conscience forte de l’équipe : la question du développement durable est désormais incontournable et doit être intégrée dans l’exercice.
Jeudi après midi : Chaque sous-groupe présente son schéma global de fonctionnement et on prend le plus performant. Cela correspond à une prise de conscience de l’équipe : il faut passer d’une approche analytique à une approche systémique : la construction du schéma global de fonctionnement semble être justement le moyen d’arriver à ce résultat.
les difficultés rencontrées par les stagiaires ne sont pas les mêmes…
à l’exception de la répétition des visites jugées fastidieuses

L’équipe a été assez déçue par la qualité de la production des stagiaires et surtout des schémas de fonctionnement : le meilleur a été sélectionné mais ne leur convient pas. Faute de mieux et faute d’avoir fait eux même l’exercice avant, ils prennent le moins mauvais.
La question du développement durable a été traitée de manière magistrale, en donnant aux stagiaires une définition générale sur le concept et sur l’évolution de la politique de l’environnement. L’équipe pensait que ces éléments d’informations seraient suffisants pour permettre aux stagiaires d’émettre des éléments d’appréciation quant à la durabilité de l’exploitation. Pourtant leur production finale n’aborde pas la question de la durabilité (le mot n’est pas utilisé). Les stagiaires n’ont pas été capables de créer des outils, des grilles de lecture pour apprécier la durabilité et émettre un diagnostic. Ils ont bien pensé néanmoins (enfin pas tous) à voir l’impact de la production sur le milieu (intégration paysagère, envasement) et l’impact de la qualité de l’eau sur la production (coliformes fécaux, présence de métaux lourds, présence de phytoplancton toxique…) Il semble à l’équipe qu’il manque quelque chose aux stagiaires, par exemple une batterie d’indicateurs de durabilité (les enseignants en ont entendu parler à une réunion opération démonstration agriculture durable) pour évaluer la durabilité des exploitations agricoles…mais il n’y a rien en aquaculture sur ce sujet.
Les stagiaires ont toujours autant de mal à réinvestir la méthode pour réaliser leur rapport de stage. L’équipe était pourtant persuadée que le fait d’aller sur le terrain, de voir du concret et de travailler en équipe motiverait les stagiaires et leur permettrait de devenir autonomes : au contraire, ceux ci préfèrent plutôt suivre les cours magistraux traditionnels ; pour leur rapport de stage l’éternelle question du « on met quoi dans le rapport  ? » revient sans cesse. L’argument du « manque de rodage » a du mal à tenir la route cette fois, l’équipe s’interroge mais se rassure car ils avaient en face d’eux une promotion particulièrement difficile à encadrer.
Etape 3 : Une volonté de donner du sens à l’exercice et de sortir de l’inventaire ( BPAM et BPREA octobre 2000)
L’arrivée d’une nouvelle collègue apporte un regard extérieur et permet à l’équipe de tenter de sortir de l’ornière de l’inventaire, exercice fastidieux et peu stimulant intellectuellement (l’équipe dû lui expliquer ce qu’était un diagnostic, ce qui l’obligea à essayer d’être au clair sur ce qu’on attendait finalement de l’exercice).
Après beaucoup d’hésitations, il est décidé de poser une question aux stagiaires : « Quel est le ou les problèmes que rencontre cette exploitation  ? Cherchez les solutions qui vous semblent pertinentes pour les résoudre ». Ils répondent en sous-groupes à cette question et la restitution permet la confrontation entre les stagiaires. L’équipe décide donc de partir d’une question, espérant donner ainsi du sens à l’exercice et in fine de motiver les stagiaires. Cette fois il n’y a qu’une seule visite d’exploitation. Des documents sur le territoire sont donnés aux stagiaires. Le planning dure 4 jours.
Des difficultés inattendues…
La production des stagiaires semble de meilleure qualité : ils ont pour la première fois cerné les difficultés de l’exploitation, mais étrangement, ils ont fait l’énumération de micro problèmes : absence de balisage pour indiquer où se trouve l’exploitation, problèmes de santé de l’exploitant, mauvais état du matériel… et les solutions en découlant : mettre en place des panneaux avec un logo, mécaniser pour se soustraire aux tâches trop pénibles physiquement…Pourtant le cas étudié était particulièrement éloquent : une grosse pisciculture intensive ! il y avait tant à dire sur le modèle productiviste et l’impasse vers laquelle l’exploitation se dirigeait !!!
Le fait d’avoir posé une question a généré une bonne dynamique de groupe…pourtant, malgré leur sérieux (une très bonne promotion ce coup-là !), ils n’ont pas trouvé la problématique générale de l’exploitation.
Etape 4 : un virage / BPAM-BPREA 2002 (décembre 01-mars 02- avril 02-mai 02)
Le pilote de l’action prit conscience que peut être il y avait quelque chose qui n’allait pas dans sa façon de monter ses situations d’apprentissage : jusqu’à présent il imputait les difficultés rencontrées soit à son manque d’expérience, soit à la mauvaise qualité du recrutement des stagiaires, soit à ses collègues. Ces arguments-là ne tenaient plus la route. C’était peut-être au niveau de sa pratique pédagogique et de sa conception profonde de l’exercice qu’il fallait qu’il travaille. Ayant déjà suivi une formation sur l’approche globale il décida de suivre une formation sur la pédagogie, histoire de voir si il n’y avait pas d’autres pratiques, d’autres façon de faire…il soumit son cas à l’étude du groupe de réflexion présent durant ce stage (en fait une série de 4 stages) et ne fut pas déçu… Il en tira différentes conclusions :
Les difficultés des formés devaient venir de représentations-obstacles sur la notion « d’exploitation aquacole », « de développement durable ». L’équipe prend conscience qu’il faut passer du temps sur ces questions et essayer d’identifier ce qui bloque les stagiaires : ils voient uniquement l’aspect technique et comptable. Ils oublient de voir les aspects sociaux, environnementaux, territoriaux, commerciaux, la question du management et du système de valeur de l’exploitant. Le développement durable et l’écologie politique sont souvent confondus, il y a même chez certains une allergie sur ce sujet et chez d’autres un réel enthousiasme. Il convient donc de faire évoluer ces représentations qui semblent très fortes chez ces formés.
A tâtons les enseignants essayent de clarifier pour eux ces deux concepts. Le pilote de l’action, « érudit sur le sujet » (il a suivi une spécialisation en aménagement et en environnement) est pourtant incapable de dire sur le terrain si une exploitation est durable ou non ! Il recherche dans la littérature des outils, des grilles d’analyse pour répondre a cette question : elles existent en agriculture mais non en aquaculture !!! Le hasard des lectures fait qu’il tombe sur deux grilles permettant de répondre à la question « A quelle loi d’orientation répond l’exploitation agricole? » Faute de mieux il l’utilise. Cette sécheresse ébranle la représentation que se fait l’équipe du Savoir : il lui semble qu’il y en a deux formes. Une première, de l’ordre de l’information générale sur un sujet mais qui ne permet pas de juger d’une situation (ici l’exploitation). Une seconde qui permet de juger : c’est souvent des grilles d’analyse avec des critères ou des indicateurs qui s’avèrent utile.
Les enseignants prennent conscience que les stagiaires ne sont pas équipés de grilles d’analyse pour réaliser un diagnostic d’exploitation. Ils en concluent qu’il faut impérativement qu’ils en construisent avec eux avant l’exercice, chacun dans son cours et dans sa discipline. Ils passent un temps de préparation très important sur ce sujet. Ils manquent de ressources sur le sujet, notamment sur les critères de durabilité, sur les indicateurs. Du coup ils vont faire travailler les stagiaires sur le sujet pour voir ce que cela donne.
Ils choisissent avec soin deux exploitations très différentes : une productiviste et une extensive dans le domaine de la pisciculture. Elles font l’objet d’un repérage, ils rencontrent les chefs d’exploitation et leur empruntent nombre de documents (comptable par ex…), une partie des documents seront donnés (les plus éclairants) aux stagiaires et commentés. Ils sont surpris par le temps que prend cette préparation car les autres années ils se contentaient juste de prendre rendez-vous avec l’exploitant et de réserver le car. Le planning évolue alors considérablement
décembre 2001 et janvier 2002
Construction par le prof d’économie d’un schéma (annexe 1) permettant aux stagiaires de bien appréhender la globalité de l’exploitation (et de faire évoluer leur représentation sur ce sujet).
Construction de grilles permettant de lire si une exploitation répond aux objectifs de la loi de 1962 ou de 1999 : Il traite de la problématique générale de l’aquaculture (comment produire des aliments) et montre qu’il y a deux façons différentes d’y répondre : une en 1962 productiviste, une nouvelle en 1999 « allant vers plus de durabilité ».
Construction par le prof de zootechnie d’une grille pour juger la pertinence du cycle de production de l’exploitant.
Ils décident de poser comme questions : « Suite à ces deux visites pensez-vous avoir vu une forme d’aquaculture pouvant être qualifiée de durable ? Sur quels critères vous appuyez-vous ? Que faudrait-il changer (en cas de réponse négative) pour que la (les) exploitation(s) mérite(nt) ce qualificatif ? »
février 2002 : diagnostic d’exploitation
LundiMardiMercrediPrésentation des objectifs et
Commande visite de l’exploitation 1Travail en sous-groupe et apport des données comptables et techniques.
Confrontation des travaux et listage des critères utilisées pour labelliser « la durabilité »Visite de l’exploitation 2suiteLes stagiaires n’ont pas utilisé les grilles du prof d’économie. Durant la confrontation, les 3 « sphères » du développement durable sont ressorties des débats spontanément : il y a eu consensus pour dire que la durabilité ne pouvait se faire que si ces trois dimensions étaient respectées : la pisciculture extensive présentait un intérêt mais fut jugé beaucoup trop archaïque sur le plan technique et ce n’était pas faux, il y avait pas mal de carences à ce niveau, chose qui n’avait pas été vues par les enseignants lors du repérage (à une autre saison en novembre il est vrai) ; une belle récompense : des stagiaires motivés. Le pilote a décidé de consacrer son temps de préparation (le prof d’éco) sur le concept de développement durable. C’est le cœur de l’exercice, c’est le concept à construire, c’est l’objectif d’apprentissage. Apres avoir lu plusieurs ouvrages de référence il se pose 2 types de questions :
Le développement durable est la réponse à quel problème ? Il y a t’il eu d’autres formes de réponse dans l’histoire à ce problème ?
A quelle(s) condition(s) peut on dire que le développement est durable ?
Il travaille actuellement sur ces questions avec une collègue et, grâce au stage de formation en pédagogie, avec l’intervenant spécialiste de la problématisation. Le travail est en cours.
Etape 5 Diagnostic de durabilité BPAM/BPREA (Février 2003).
L’équipe a désormais un objectif : la construction du concept de développement durable par les stagiaires. Il leur semble que c’est le concept essentiel à construire dans la formation. Cet objectif n’est plus l’apanage d’un seul mais de plusieurs modules d’enseignement. Une nouvelle collègue en aménagement décide de se joindre à l’équipe. Le travail sur la problématisation a porté ses fruits : l’équipe possède plusieurs grilles pour lire la durabilité. Suivant le type de problème étudié, les enseignants utilisent telle ou telle grille (Cf. annexe 2). La construction de ces grilles d’analyse devient l’objectif central de la progression pédagogique. L’équipe souhaite réaliser avec les stagiaires des diagnostics de durabilité sur plusieurs objets ayant en commun d’être sur la bande littorale : zone dunaire ayant subit un aménagement pour lutter contre l’érosion, zone humide gérée par une association de protection de la nature, zones exploitées par un ostréiculteur (une exploitation aquacole).
Thème général :Quel développement durable pour la bande côtière ?
Objectif: construire des grilles d’analyse permettant d’appréhender le caractère « durable » des activités humaines ou des aménagements sur la bande côtière. Reprendre ces grilles pour étudier le caractère durable d’une exploitation.
etape 1 étude d’un cas : la gestion du cordon dunaire de combrit
Présentation des objectifs des séances : de manière de plus en plus forte, la demande sociale pousse les producteurs à mieux prendre en compte l’environnement (paysage, qualité des eaux, biodiversité, envasement…). L’objectif de ces séances est, à partir d’étude de cas, de construire une grille d’analyse qui nous permette de mieux appréhender cette notion de durabilité, d’avoir en commun une grille qui puisse nous aider à faire évoluer soit une exploitation, soit un site vers plus de durabilité, et ainsi, nous aider à répondre à cette nouvelle demande sociale.
Etude de cas : le polder de Combrit. A partir d’un petit dossier synthétique, présentation des éléments décrivant l’aménagement du site de Combrit (milieu dunaire fortement urbanisé, soumis à une très forte érosion dunaire, présence d’un polder en arrière du site).
Visite du site. Question : Quel est le problème du site ? Quel est l’intérêt du site ? quelle(s) solution(s) voyez vous pour gérer le site ? la représentation des stagiaires s’exprime : tous pensent qu(il faut protéger les maisons en confortant les aménagements (épis, enrochements…)
Document : Eclairage texte Pascoff (annexe 6 ) : montre le contexte général de la diminution des stocks sédimentaires et la hausse du niveau des océans. Ce texte est censé à ébranler leur propositions initiales.
En salle : On éclaire à nouveau avec le cas du littoral de haute normandie. Diapositives sur divers aménagements en mer qui bloquent le transit des galets. On montre que la domination technique est un mythe : les aménagements ont permis de résoudre sur le site le problème de l’érosion. Par contre sur la commune voisine il est reporté avec plus d’acuité : on ne fait que déplacer le problème. Il faut donc raisonner au bon niveau d’échelle, de manière globale.
Retour sur le cas Combrit : quels projets, quelles solutions voyez vous qui aillent dans le sens de la durabilité ?
Synthèse : A la lumière de l’exercice :
Que faut il changer dans la tête des aménageurs pour mieux prendre en compte « la durabilité » ? Grille A annexe 2. (conditions d’intelligibilité)
Quelles sont les conditions pour qu’un projet d’aménagement puisse être considéré comme « durable » ? Grille B annexe 2. (conditions de labellisation)
etape 2 étude comparée de deux cas : lasné et pen en toul
Cette étape permet aux stagiaires d’utiliser et d’affiner les grilles. On étudie deux cas dans le golfe du Morbihan. Ces espaces naturels sont soumis à de fortes pressions foncières et immobilières liés au tourisme et au développement de l’agglomération de Vannes, à l’arrivée des retraités du « papy boom » ; concurrence pour utiliser l’espace : conchyliculture, plaisance, loisirs ; pollutions d’origine urbaine, agricole, industrielle (limitée). Certains espaces ont été reconnus comme sensibles et surtout devant faire l’objet d’une gestion, dite « durable ». Deux expériences sont en cours dans le Golfe, une dans les marais de Lasné, une à Pen en Toul. On demande aux stagiaires de répondre à cette question : « Les deux sites se vantent d’avoir mis en place une « gestion durable ». Quel est le site qui mérite le mieux ce label ? Pourquoi ? Définissez les critères qui vous permettent de porter ce jugement. »
L’objectif des enseignants est, à partir de cette étude comparée des deux sites, d’amener les stagiaires à construire la grille de labellisation du développement durable. Ils espèrent que la diversité des réponses et le débat qui aura lieu leur permettra de construire, du moins d’affiner cette grille de labellisation.
Enfin ils pensent ré-utiliser cette grille pour étudier si une exploitation aquacole peut être labellisée ou non de « durable », du moins rechercher les leviers pour que l’exploitation en question tende vers plus de durabilité.

Annexe 1
un schéma pour lire une exploitation






































Annexe 2
grille a : » conditions d’intelligibilité pour aborder le développement durable »
Revoir son rapport au temps : penser le terme long, l’irréversibilité.
Revoir son rapport à l’espace : traiter le problème en question au bon niveau d’échelle, apprendre à articuler le local au global.
Revoir son rapport à la nature : penser les objets humains et naturels comme des objets hybrides, mixtes de nature et de culture. Penser la domination de la nature comme un rêve obsolète.
Adopter un principe de responsabilité : avoir de la sollicitude pour autrui, pour la nature, rompre avec l’individualisme et le mercantilisme.
Penser le monde en terme de systèmes interdépendants avec un éclairage multidimensionnel.
grille b « conditions de labellisation »
Environnement : que prendre en compte pour assurer la reproduction de cette sphère ?Maintien de la biodiversité : rareté des milieux (habitats) et diversité des espaces/ rareté des espèces (faune et flore) endémisme et rusticité/ patrimoine génétique
Optimisation du fonctionnement naturel et de la productivité naturelle du milieu
Insertion paysagère/ cadre localSocial : que prendre en compte pour enrichir le capital humain ?Equilibre démographique : pyramide des ages, proportion d’actifs, lieu d’activité et lieu de résidence
Qualité de vie : agrément du lieu de vie, loisir
Dynamique sociale, maillage social, lien social
Formation
Identité, image du territoire
concertationEconomiqueAttractivité du territoire : potentiel touristique, image
Diversification des activités
Insertion dans une stratégie de développement territorial
Viabilité économique
Externalité et induction : revenus, chiffre d’affaire, emplois
Du fonctionnement des hydrosystèmes à leur gestion (A. Lainé)
Jusqu’à présent les stages de formations organisés par l’auteur avaient pour principal objectif un apport de connaissances, notamment sur certains points qui paraissaient extrêmement importants. Le travail de ré-interpellation de l’écologie en aménagement et une réflexion sur les pratiques pédagogiques mises en œuvre ont permis de pointer quelques obstacles épistémologiques et de concevoir des situations pédagogiques qui visent à déconstruire ces représentations obstacles puis à reconstruire un savoir opérant pour un développement durable.

« Impact des modifications de la morphologie de la rivière sur son fonctionnement »

Ce stage est destiné à des techniciens DDAF et des enseignants de BTS GEMEAU, BTS GPN, filière STAE, etc. et vise à faire évoluer les représentations du système rivière. Il a pour objectif : repenser la rivière non plus par la maîtrise technique mais par son fonctionnement à l’échelle de l’hydrosystème et passer d’une représentation obstacle « de domination de la nature » à une « rivière partenaire » en tenant compte des demandes multiples dont elle est le support. On souhaite ainsi faire évoluer les comportements interventionnistes sur les cours d’eau en :
prenant en compte le fonctionnement global de ce système dans ces quatre dimensions (longitudinale, transversale, verticale et temporelle)
et en intégrant l’impact des aménagements déjà réalisés ou à réaliser sur l’ensemble du système ( comme par exemple la chenalisation de cours d’eau qui accélère les écoulement vers l’aval, la disparition du pouvoir auto-épurateur de la rivière…) pour comprendre son fonctionnement. (cf. outils conceptuels).

Cette étude permettra de prendre en compte tous les paramètres et tous les processus naturels et humains qui s’exercent sur les cours d’eau pour penser les aménagements futurs. On part ainsi de l’idée que les aménageurs ne peuvent plus faire d’aménagements hydrauliques sans prendre en compte le fonctionnement de l’hydrosystème.

Objectif : passer d’une maîtrise technique de la nature à une rivière partenaire.
Présentation de l’évolution des rapports de l’homme à la rivière
On pose le problème des rapports de l’homme à la nature. Une introduction présente les enjeux forts de la prise en compte du fonctionnement des hydrosystèmes pour expliquer les déséquilibres rencontrés aujourd’hui : inondations de plus en plus fréquentes, diminution de la ressource en eau problème de qualité d’eau, eutrophisation, marées vertes.
Pour mettre en évidence les représentations obstacles (« L’eau est une ressource inépuisable » ; « on peut maîtriser la rivière par la technique » - rapport de domination), on utilise une étude de cas sur les inondations. L’article « les transformations d’une politique de l’eau » présente l’évolution des représentations sociales d’une perspective hydraulique à une perspective de rivière patrimoine et partenaire de nos activités.
Qu’est qu’un hydrosystème ?
Il s’agit ensuite de mettre en évidence le fonctionnement de l’hydrosystème.
conceptualisation du fonctionnement des hydrosystèmes
Etude du cas du petit ruisseau de Trémeur
« La dynamique hydrologique régit les habitats de la rivière ». Ce cas permettra de montrer les liens étroits entre le débit de la rivière, la morphologie et les habitats. Tout est en interrelation. Un intervenant mettra l’accent sur les différents faciès d’écoulement de la rivière, les zones de frayères à saumons ou à truites et la relation avec les macro-invertébrés, les dimensions transversale et longitudinale de la rivière et quelques aménagements favorisant la remontée des poissons migrateurs vers l’amont de la rivière. Il insistera tout particulièrement sur la dimension longitudinale de la rivière, de la source à la mer.
Pour faire construire le concept d’hydrosystème qui met en évidence toutes les interrelations liées à l’eau, on donne de nouveaux éléments dans un dossier bibliographique et par groupe on donne la consigne de travail suivante : « Sur la base de vos connaissances, de la sortie terrain et des documents joints, quels sont les paramètres qui régissent et interviennent sur les hydrosystèmes ? Quels sont les modifications structurelles et biologiques provoquées par des aménagements de type chenalisation ? »
Ce travail débouchera sur la construction d’un schéma du fonctionnement d’un hydrosystème avec les 4 dimensions importantes à prendre en compte : longitudinale, transversale, latérale, temporelle. La construction de cette grille d’analyse (outil conceptuel) leur permettra par la suite de lire les dysfonctionnements rencontrés sur différents cours d’eau. L’usage de cet outil est illustré par un cas : essai de restauration d’un marais littoral anciennement ouvert à la mer et fortement perturbé par des aménagements de poldérisation dans les années 1930.
mise en situation de diagnostic pour faire fonctionner l’outil conceptuel
Etude de cas : Le polder de Combrit.
Ce cas permettra:
D’utiliser la grille d’analyse construite préalablement : réfléchir à l’échelle du bassin versant reste encore un obstacle.
De montrer la nécessité d’intégrer les acteurs dans la gestion de l’eau pour trouver ensemble une solution.
Le problème du polder de Combrit est principalement compris par les gestionnaires (Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres) comme un problème de gestion hydraulique avec pour solution le désengorgement des prairies ennoyées (l’objectif principal étant de favoriser l’activité agricole sur ces prairies). La non prise en compte du fonctionnement global (échelle et inter-relations) doit être repérée par les stagiaires.
La solution qui consiste à faire couler l’eau au plus vite vers l’aval est significative d’une représentation-obstacle fréquente (toujours présente chez l’auteur et nécessitant une certaine vigilance).
Par ailleurs divers acteurs sont présents sur ce site : élus (confrontés à un risque de submersion marine), les exploitants agricoles, les gestionnaires, le propriétaire de l’étang privé…Il faut arrêter de chercher des solutions au coup par coup. Une bonne gestion ne pourra se faire sans l’adhésion de ces différents acteurs aux solutions proposées. Il est par conséquent nécessaire de réfléchir la gestion d’un « écosystème » à l’échelle du bassin versant en intégrant les acteurs, usagers et scientifiques dans une démarche commune de gestion de l’eau. On pose ainsi un problème nouveau : « Comment faire pour intégrer les acteurs dans une telle démarche ?»
Vers une démarche de gestion concertée de l’eau
Objectif : dégager les conditions sine qua none pour aller vers une gestion concertée de l’eau.
La comparaison de deux opérations menées pour la gestion de l’eau permet de poser aux stagiaires le problème suivant : « Quel est l’exemple de gestion qui vous paraît le plus pertinent ? »
Un exemple de gestion de l’eau à l’échelle du Bassin Versant : programme alimentation en eau potable sur l’Aven Ster-Goz
Un exemple de gestion de l’eau : les SAGE dont le SAGE Odet qui entre dans une démarche de gestion concertée de l’eau de la source à la mer et dans ses 4 dimensions.
le cas de l’aven
La gestion de l’eau mise en place sur le bassin versant de l’Aven vise à retrouver une eau correspondant aux normes de qualité pour l’alimentation en eau potable. Mais :
On est dans une logique sectorielle ou l’on parle du problème unique de qualité d’eau.
On parle par ailleurs de « bassin versant » en s’arrêtant à la station de pompage. L’échelle hydrosystème est tronqué et ne permet pas de voir les autres problèmes rencontrés.
Seuls les acteurs concernés par leur impact sur la qualité de l’eau sont impliqués dans la démarche ; on ne s’intéresse ainsi qu’à une dimension du problème.
le cas des sage
Un texte permet de mettre en évidence les points qui différencient la démarche des SAGE d’une démarche « opération bassin versant pour l’eau potable » pour tenter de définir des critères de la gestion concertée. On définit 2 conditions :
Réfléchir à l’échelle de l’hydrosystème ; Il est nécessaire de bien identifier tous les problèmes avec une approche multisectorielle
Travailler de manière concertée avec les acteurs, usagers scientifiques, élus, représentants de l’état.

La gestion sectorielle site par site, activité par activité doit céder la place à une gestion prenant compte l’ensemble du système fluvial avec sa diversité de sites, de fonctions et d’usages. Cette logique de gestion rejoint 3 dimensions que l’on connaît bien : le volet social, environnemental, et économique du développement durable
Bilan provisoire de cette évolution
Dans l’enseignement, la construction d’outil (Cf.  REF _Ref37042635 \r \h 7.3  REF _Ref37042602 \h Qu’est ce qu’un « savoir-outil » ? p. PAGEREF _Ref37042629 \h 73) et leurs usages dans des situations concrètes nous semblent plus efficaces que des apports de savoirs pour acquérir des compétences (professionnelles ou citoyennes) permettant d’agir sur le réel. De même, le travail sur les représentations est nécessaire :
Aux enseignants : pour conduire une réflexion épistémologiques dans leur discipline et inventer des situations pédagogiques qui questionneront les représentations des élèves (déconstruction des représentations premières et construction de nouveaux concepts).
Aux futurs professionnels (les élèves) : pour mieux acquérir de nouveaux savoirs opérants et peut-être repérer les représentations des autres acteurs de la vie sociale.
Un stagiaire (Technicien DDAF) : « Après le stage, en retournant au bureau, je ne savais plus comment traiter mes dossiers ; il m’a fallu une demi-journée pour recommencer à travailler…Ce stage m’a fortement questionné et remis un peu en cause ma façon de penser. »

Cette remarque d’un stagiaire montre que le travail sur les représentations suscite des questionnements de fond, ce qui nécessite un accompagnement sur la durée si l’on vise de réelles répercussions sur les changements de pratiques.
Obstacles et pistes de dépassement (B. Fleury)
Pour sortir de l’approche « autarcique : les différents niveaux d’interpellation des pratiques pédagogiques ?
En quoi l’introduction de la perspective de durabilité interroge-t-elle nos pratiques pédagogiques ?
Il paraît utile de distinguer nettement les différents niveaux de la question pour éviter que les débats entre professeurs, voire les formations d’enseignants, ne s’enferment dans la mobilisation uniquement des représentations et des référentiels.

Pour s’y retrouver, il semble important de distinguer :
Les représentations que l’on se fait du développement durable qu’il est bon de mettre à plat pour les ré-interroger
La commande institutionnelle telle qu'elle apparaît dans les référentiels.
Le concept de développement durable qu'il va falloir construire, qu'il vaut mieux avoir débroussaillé soi-même au préalable à tout essai de construction de séquence pédagogique. On pourrait appeler cette étape « déblayer le champ conceptuel » : ce moment où suspendant momentanément ses préoccupations pédagogiques, on se met soi-même au clair avec le concept à construire. Ce concept de développement durable est une construction sociale récente, il a une histoire qu'il est important de connaître pour pouvoir l'enseigner, c'est une des réponses récentes au problème du développement, en réaction au excès de la solution productiviste précédente. Il semble fondamental de prendre un temps de recul pour situer ce savoir à enseigner dans son contexte et prendre conscience des enjeux, des tenants et aboutissants du développement durable ; cela donne du sens et contribue fondamentalement à la motivation (des enseignants comme des élèves).
Les mises en causes disciplinaires entraînées par ce paradigme du développement durable, et là, en général, le travail est fait par d'autres : il faut aller voir ce que les chercheurs en socio, éco, phyto, zoot, géo etc. produisent actuellement comme nouveaux concepts ou comme nouveaux outils
Les pratiques pédagogiques les plus adaptées : la perspective « durabilité » ne ré-interroge-t-elle pas les pratiques pédagogiques  ? Est-elle compatible avec les pédagogies de la transmission de savoirs tout élaborés, avec une conception de la formation en terme de vulgarisation (des concepteurs d’un coté, de l’autre des exécutants auxquels il suffit d’inculquer les règles et les normes) ? Ne s’agit-il pas désormais plutôt que d’imposer une solution, de faire accéder les formés au niveau des problèmes, de leur permettre de se forger leur opinion en ayant exploré les enjeux, les tenants et aboutissants de chaque type de solution, en d’autres termes ne faut-il pas passer de pédagogie de l’information ou de la persuasion à une pédagogie de la formation du jugement  ? ...

Un obstacle et levier du changement pour l’étude de cas
L’obstacle de l’approche « réaliste » ou « empirique » (épistémologie spontanée de beaucoup d’enseignants)
Rapport immédiat au réel, considéré comme directement accessible (donné) par l’observation, « à mains nues » ou plus exactement par le seul intermédiaire des «sens » (avec en plus une confusion entre « sensoriel » et « sensible » ).
Prétention à l’objectivité (pas d’a priori).
Démarche dans le prolongement du sens commun (questionnement passe partout, tous azimuts).
Objectif de description ordonnée et la plus exhaustive possible de la réalité observée
Enlisement dans la singularité du cas étudié (pas de décontextualisation finale).
Réduction de la complexité en l’émiettant, en divisant le tout en sous parties ou sous thèmes (analyse-synthèse).
Sur-valorisation d’une démarche allant du concret, du proche, du familier (assimilés au simple) pour aller vers l’abstrait, le lointain, le général assimilés au difficile (au compliqué confondu avec le complexe !).
Savoir produit : une somme d’informations juxtaposées (inventaire) ou organisées par une synthèse après coup.
Parfois en tentant de sortir de ce type d’approche on tombe dans l’obstacle inverse : le formalisme
Basculement dans des généralités déconnectées de leur contexte d’intelligibilité (notamment des conditions historiques de leur émergence et du problème dont elles sont la solution).
Questionnement passe-partout.
Démarche formelle (ou schémas formels) sans considération du contenu.
Levier du changement : accéder à une épistémologie constructiviste
Le réel, le « concret » est considéré comme complexe : aucune approche empirique ou théorique ne peut l’épuiser.
Rapport « instrumenté » au réel par l’intermédiaire (la médiation) d’une théorie, d’un concept.
Distinction entre le réel et le modèle scientifique que l’on construit pour l’aborder (concepts d’espace géographique, d’écosystème, d’entreprise agricole, …).
Approche problématisée : pour sortir de l’inventaire descriptif : entrer par un problème. Il n’y a pas de recherche et sans doute pas de véritable apprentissage intellectuel si l’on ne se pose pas un problème. Le problème est véritablement le moteur de l’activité cognitive.
La problématique c’est le ciment qui donne du sens (une direction et une signification, à la recherche), c’est elle qui permet de relier les données en un tout cohérent, c’est le principe intégrateur de la démarche.
Les problèmes de la vie et les problèmes professionnels engageant des connaissances multi-disciplinaires, ils garantissent la mise en œuvre d’une véritable interdisciplianrité (collaboration des diverses disciplines impliquées dans le problème).
Qu’est ce qu’un « savoir-outil » ?
un témoignage
« Je suis allé à 3 colloques sur le développement durable, j’ai lu une dizaine d’articles ou d’ouvrages de spécialistes réputés sur le sujet. Si vous me laissez un peu de temps pour préparer, en reprenant mes notes, je pourrais même vous faire un petit exposé synthétique sur le sujet qui, il me semble, ne serait pas trop mal.. Je sais donc des choses sur le développement durable.
Mais, en réunion récemment, on m’a sommé, devant un cas, de dire si c’était durable ou pas, je n’ai pas été capable de répondre (j’ai dit que c’était compliqué, qu’on ne pouvait pas répondre comme ça…). Ou l’autre jour, j’ai été incapable d’exploiter le recueil de représentations de stagiaires sur la durabilité. Je participe à une recherche-action avec des acteurs de terrain sur le développement durable, je leur ai fait mon exposé sur le sujet (voir ci-dessus) mais quand ils viennent avec leurs récits d’expériences, je ne sais pas comment faire pour passer du récit à l’analyse : il me manque quelque chose, genre grille d’analyse. Ce qui m’énerve un peu, c’est qu’ils n’arrêtent pas d’évoquer un conseiller agricole qui s’y connaît en développement durable : il fait parler les agriculteurs sur leur exploitation, il pose deux ou trois questions bien ciblées et d’un seul coup on se trouve au cœur du problème, il peut leur dire : « ici vous êtes bien dans une perspective de durabilité, là, il faudrait juste quelques changements, mais vous avez complètement négligé cet aspect etc », bref il est compétent (lui !).
Il semblerait donc que j’ai beau savoir plein de choses sur le développement durable, ça ne me donne pourtant pas les moyens pour être opérationnel en situation ! »

C’est que peut-être il existe plusieurs sortes de savoir, en l’occurrence ici, on évoque deux formes :
Savoir des choses sur tel sujet.
S’y connaître en …, être compétent en …

Il n’est pas question d’attribuer à l’un plus de valeur qu’à l’autre mais de considérer qu’il s’agit de deux ordres de savoir qui n’ont pas la même fonction (qui ne rendent pas les mêmes services) :
Le premier est mis en texte, organisé, structuré, on le trouve dans les livres, les bibliothèques : on parle de savoir « déclaratif », de savoir « encyclopédique » (sans connotation péjorative), ou de savoir « propositionnel »
Le second est un savoir tourné vers l’action, il prend la forme de grilles d’analyse (plus ou moins explicites), de critères rapidement mobilisables qui permettent de poser des diagnostics, de faire des hypothèses pertinentes, de prendre des décisions…. Qu’est ce qui permet à un médecin de ne pas se tromper entre un cas de grippe et un cas de méningite  ? Deux ou trois critères décisifs qui les différencient, par ex. en premier niveau d’analyse : raideur de la nuque et sensibilité à la lumière (je dis bien en 1° niveau d’analyse, celui qu’on peut même apprendre aux mères angoissées, après on fait des analyses avec des indicateurs plus précis).

Ce type de savoir, on le trouve rarement dans les livres sous sa forme opérationnelle, il est souvent dans la tête des experts, il est en filigrane des récits d’expériences, mais il reste souvent implicite. Jusqu’à aujourd’hui l’école ne s’en est pas beaucoup préoccupée. C’est de là que vient l’opposition stérile entre formation « théorique » (on devrait dire « générale ») et formation « pratique », entre l’école et les stages professionnels ou « l’apprentissage sur le tas ».
Pour ce type de savoir, on parle de savoir « » opérationnel », de savoir « opérant », de savoir « théorique », de savoir-» outil ». Quand on emploie le mot outil, on imagine des objets techniques, voire des méthodologies. Le « savoir outil », c’est essentiellement les concepts. L’outil « conceptuel », (le concept), c’est l’équivalent intellectuel du marteau, du levier ou de la scie, ce n’est pas une définition de dico, c’est l’outil que des chercheurs se sont construit pour résoudre un problème, ça donne du pouvoir sur le monde. Comme un levier, ça assure une prise sur une réalité complexe.
Faire un diagnostic correct (être compétent), c’est poser à bon escient sur une réalité les concepts qui conviennent : « ça, c’est la route, ça c’est une voiture, ça c’est un arbre et ça un chien qui traverse ». Imaginez que nous ne distinguions pas ces différentes réalités ! La construction de ces concepts catégoriels (le chien, la voiture) est la grande entreprise intellectuelle qui occupe les enfants entre 18 mois et 5 6-ans. Ensuite, il faut apprendre à en construire des plus « scientifiques » du genre, « oxydoréduction, totalitarisme, équation du 2° degré, romantisme, ou durabilité…. ».

Construire un concept, c’est s’équiper des 2 ou 3 critères décisifs qui permettent de poser (ou non) ce concept sur une réalité. Pour pouvoir dire « c’est durable ou c’est pas durable », il faut avoir trouvé les (quelques) conditions nécessaires et suffisantes pour qu’une activité puisse être qualifiée de durable.

Partie III Textes de références
Pour une didactique du développement durable (Michel Fabre)
ne pas séparer contenus et méthodes pédagogiques

Extraits d’une intervention de, Michel Fabre, Professeur Université de Nantes, Philosophie de l’éducation au colloque « agriculture durable » organisé par SRFD Basse Normandie en 1999

« Ce qui se passe dans l’enseignement agricole en ce moment me semble relever d’un changement de culture. Il y a un grand chambardement dans la manière de concevoir les finalités mêmes de l’enseignement agricole. Et ce qui me réjouit c’est que vous posez la question des changements pédagogiques sur le fond de ces changements culturels. Et vous avez raison car les questions de pédagogies ne sont jamais seulement des questions de moyens. On ne peut poser la question « comment faire? » sans poser en même temps la question « pour faire quoi? » et même la question « pourquoi faire? ».

Ce que je traduirais de deux manières.

Premièrement, dans la question pédagogique, on ne peut séparer les méthodes du contenu. Ce que vous avez à construire, c’est une didactique de l’agriculture durable. Ce qui caractérise la didactique c’est précisément d’assumer la responsabilité quant aux contenus, de ne pas séparer les procédés de la réflexion sur le savoir à enseigner.
Mais deuxièmement, il ne s’agit pas de construire une didactique techniciste. J’ai cru comprendre que le technicisme (réducteur, simplificateur et centralisateur) n’avait plus bonne presse parmi vous et je m’en réjouis. Il ne faut donc pas déconnecter la didactique des enjeux culturels qui font que toute une profession (celle des enseignants de lycée agricole) revisite son passé, le rôle qu’on lui a fait jouer et réfléchit sur son identité présente et ses missions à venir.
De l’information au concept (J. P. Astolfi)

Les mots information, connaissance et savoir, bien qu'employés de manière interchangeable, ne sont pas synonymes. L'information est sous le primat de l'objectivité: elle est extérieure au sujet, stockable sur divers supports, quantifiable, circulante. La connaissance est sous le primat de la subjectivité: elle est le fruit intériorisé et global de l'expérience individuelle, telle quelle informulable et intransmissible. Le savoir, lui, résulte d'un processus d'objectivation de la connaissance: il est construit par le sujet au travers d'une formalisation théorique, moyennant l'élaboration d'un langage approprié. Un tel processus bouclé de conceptualisation est souvent absent de la salle de classe: ce que transmet l'enseignant garde le statut d'information et pèse peu face à la connaissance subjective déjà présente chez les élèves. Le grand absent, c'est le savoir théorique, qui seul pourtant justifie les disciplines. De là vient le caractère essentiellement « propositionnel « des notions scolaires.
L'école pour apprendre, Jean-Pierre Astolfi, ESF Éditeur





Révision du modèle productiviste et interrogation de la modernité (Michel Fabre)


La révision du modèle productiviste s’effectue dans le cadre d’une remise en question des valeurs de la modernité. Je voudrais ici en souligner trois aspects

a) Remise en cause de l’idée de progrès. La modernité vivait sur l'idée que le progrès technico-scientifique devait entraîner un progrès de civilisation. Autrement dit, la rationalisation de la société (pour parler comme Max Weber) devait à terme faire le bonheur de tous. Différents événements du XXème siècle (durant les guerres mondiales notamment) nous ont montré que la rationalité n'était pas toujours raisonnable. Ce n'est pas parce qu'un système est parfaitement rationnel qu'il est du même coup raisonnable: un camp de concentration est un petit chef d'œuvre d'organisation, une folie rationnelle. Et quoi de plus rationnel que de laisser jouer les lois du marché? Autrement dit, nous devenons de plus en plus méfiants par rapport aux experts qui nous démontrent calculette à la main, que le progrès technologique (l'énergie nucléaire ou autre... ) est forcément une chance pour l'humanité. Notre conception de l'expertise a changé. Nous n'attendons plus de l'expert qu'il nous dise quoi faire, mais seulement qu'il nous présente des projets et qu'il les soumette à une approbation démocratique. D'une manière générale nous ne croyons plus au caractère automatique du progrès. Surtout, nous sommes en train de nous débarrasser d’une conception scientiste de la décision, selon laquelle le scientifique ou le technicien (l’expert) pourrait nous dire ce que nous avons à faire. Le raisonnement scientiste d’Auguste Comte était celui-ci: Science – prévoyance - action. Mais nous savons à présent que la décision de l’acteur ne peut se déduire de la science. L’acteur est renvoyé à sa responsabilité. Autrement dit, c’est la prudence c’est à dire l’action raisonnable qui capitalise l’expérience, et non directement la science qui peut piloter l’action. Nous en avons eu un bel exemple hier après midi lorsque des agriculteurs ont dit à leurs anciens profs: « il a fallu que nous apprenions à faire le contraire de ce que vous nous avez enseigné! ». Ce qui d’ailleurs est peut-être, si l’on y réfléchit bien, en fin de compte le plus bel hommage qu’un élève puisse faire à ses profs: au delà du contenu plus ou moins pertinent que nous enseignons, il y a construction de compétences générales. La prudence, éclairée par la réflexion est peut-être de l’ordre de ces compétences. Certes, elle ne s’enseigne pas directement, mais serait-elle aussi efficace s’il n’y avait jamais eu enseignement?

b) Maîtriser la maîtrise. Un deuxième aspect du questionnement de la modernité, vient de la prise de conscience que le progrès technico scientifique suppose une maîtrise de la nature (soyez maîtres et possesseurs de la nature) comme le disait Descartes. Or nous nous apercevons que cette maîtrise de la nature est susceptible de se retourner contre elle-même et donc de s'annuler. Nous savons que nous avons la puissance de détruire la planète ou du moins d'y rendre la vie impossible. Nous sommes donc au prise avec un paradoxe : la culture et en particulier la culture technique qui était faite pour rendre la vie plus facile est à présent susceptible de la rendre impossible. Autrement dit, la vie engendre la culture laquelle devient à son tour susceptible de détruire la vie. La nécessité d'un autre rapport à la nature, la nécessité de «maîtriser la maîtrise» se fait jour, aussi bien dans les courants philosophiques comme chez Martin Heidegger ou chez Hans Jonas,  que dans les mouvements écologistes plus ou moins radicaux. Les uns, comme Jonas, parlent d'un principe de responsabilité à l'égard des générations futures. Mais le problème, c'est qu'au moment même où notre puissance technique peut avoir un effet sur les siècles à venir, nous vivons et nous pensons dans le court terme. C'est pourquoi d’autres (comme Michel Serres ) parlent d'un contrat naturel dans lequel la nature serait considérée comme un sujet de droit. Le droit étant pour Michel Serres ce qui garantit une réciprocité entre les sujets; ce qui interdit le parasitisme, c'est à dire la relation à sens unique. Tandis que l'écologie radicale (James Lovelock) mettent en cause le droit de l'humanité à s'ériger en espèce supérieure. La question est de savoir s’il est besoin de poser l’idée d’un contrat naturel ou si l’élargissement des droits de l’homme ne suffirait pas à englober les préoccupations de l’homme par rapport à la nature. Quoiqu’il en soit, il semble que nous naviguons toujours entre deux images de la nature. Ou bien on la réduit à une machine qu’il faut maîtriser, ou bien on la conçoit à la manière du romantisme comme une mère nature dans laquelle espèce humaine est immergée.

c) L’acteur et le local. Le troisième élément de cette critique de la modernité, c'est l’avènement de l'idée d'acteur et de local. Avec la modernité, on avait affaire à un investissement global du temps et de l'espace. On investissait le temps dans des projets à long terme et la société était dirigée depuis un centre. Aujourd'hui, nous vivons dans l'instant et dans le local. C’est que le local apparaît comme la seule sphère d'actions possibles (l'établissement pour les enseignants, la commune, le quartier...). C'est à la fois dire que nous ne pouvons changer le monde, mais que nous pouvons tout de même influencer le cours des choses, modestement mais réellement ici maintenant avec nos proches. C’est dire également que nous n’acceptons plus que l’on nous ordonne ce que nous avons à faire depuis un ailleurs (fut-il le centre!), que nous voulons être acteur, c’est à dire sujets autonomes, prenant nous-mêmes en charge nos propres affaires.

C’est dans ce cadre de remise en cause des valeurs de la modernité que peuvent se lire les aspirations à une agriculture différente, non technocratique, responsable de l’environnement et en prise sur le développement local, dans le cadre d’un territoire.

Revisiter le passé pour fonder le changement - quelques éléments d’histoire (Bernadette Fleury)



Comment se spécifie la mise en cause des valeurs de la modernité sur la question de l’agriculture et du monde rural ? En quoi l’enseignement agricole est-il impliqué ?
A 40 ans d’intervalle, deux lois d’orientation imposent à l’agriculture française un tournant décisif et confient à l’Enseignement Agricole la mission de contribuer au changement culturel qu’il implique. La loi de 1999 qui vise à engager l’agriculture sur la voie du développement durable, met en cause les bases mêmes du modèle institué par les lois de 1960-62 et que l’enseignement agricole a largement diffusé. Comment le corps enseignant peut-il accompagner ce nouveau changement sans avoir l’impression de se renier ou de trahir les élèves qu’il a formés pendant plus de 30 ans au productivisme ?

Dans les phases de remaniement culturel, la tentation est grande, soit de se laisser aller aux excès de la rupture en diabolisant et en rejetant brutalement le modèle passé, soit de tenter d’éviter la déstabilisation en niant l’importance des bouleversements à opérer. Délicat équilibre entre rupture et continuité, le changement a besoin de la mémoire et de la perspective historique, c’est pourquoi il ne me semble pas inutile de revisiter brièvement notre passé, pour l’assumer, et être ainsi en mesure de construire la nouvelle identité que suppose cette mutation.

a) Le modèle productiviste ou la victoire des modernes . A la fin des années 50, l’agriculture française est largement restée sous influence des notables, qui détiennent le pouvoir dans les institutions professionnelles et qui tentent de faire perdurer la vision mythique et passéiste d’une France rurale, en complet décalage avec les évolutions du système économique et de la société ; habitués à imposer leurs exigences à un monde politique sensible à la pression électorale et parlementaire, ils pensent pouvoir conserver les privilèges acquis en terme de protection douanière et de soutien des cours. L’état des lieux réalisé aux débuts de la 5° République dénonce l’archaïsme et les faibles performances de l’agriculture française. Par les lois de 1960-62, le pouvoir politique va favoriser l’émergence et la prise du pouvoir d’une nouvelle génération de paysans, et créer les conditions pour le développement d’une agriculture moderne, intensive et ouverte au reste du monde dans le cadre de la PAC qui se met alors en place.

L’enseignement agricole, qu’un vaste programme de développement dote de moyens qui permettent le doublement des effectifs en 10 ans, se voit assigner une double fonction : accompagner en douceur l’exode rural, former des agriculteurs modernes et les cadres techniques pour une l’agriculture productive, efficace et concurrentielle. Les programmes ambitieux, les méthodes pédagogiques innovantes conjuguent, scientificité, technicité et ouverture socio-culturelle. De cette expérience de 30 années qui répondait à une demande sociale, dans un contexte historique spécifique, il n’y a pas à rougir et il ne s’agit pas de le renier, même s’il faut, et ce n’est pas la même chose, en faire aujourd’hui l’analyse critique.

b) La nouvelle donne : le modèle productiviste mis en cause.
La modernisation et l’intensification de l’agriculture s’opèrent rapidement et dès 1975 la PAC doit faire face aux premiers excédents et doit instituer les premiers quotas en 1984, tandis que la pression américaine s’accroît, dans le cadre du GATT, contre la politique européenne de soutien des cours des produits agricoles.

Les années 70 -80 voient émerger des préoccupations d’ordre écologique. A la suite de la crise du pétrole et de quelques grandes catastrophes au retentissement international (Seveso, Tchernobyl...) s’opère une prise de conscience de la nécessité de concilier développement économique et préservation de l’environnement. Les concepts de « développement durable », et de « durabilité » apparaissent dans les rapports d’experts internationaux, le Sommet de Rio (1992) en consacre le principe : répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Dans les années 90, les problèmes de pollution de l’eau, la crise de la vache folle et autres... accélèrent la déclinaison concrète de ce concept au niveau de l’agriculture; on définit les bases d’une «agriculture durable » : « économiquement viable, écologiquement saine, socialement équitable et intégrée dans son territoire ».

Parallèlement, les lois de décentralisation des années 80, mettant fin à des siècles de centralisme français, en répartissant entre trois collectivités territoriales un certain nombre de compétences jusque là exercées par l’Etat, permettent aux échelons locaux de devenir acteur de leur développement. Les lois « Pasqua » (1995), « Chevénement » et « Voynet » (1999) visant à favoriser la coopération entre collectivités, incitent les 36000 communes françaises à s’associer à un niveau d’échelle plus pertinent pour penser leur aménagement. C’est ainsi que se dessinent depuis quelques temps ces fameux territoires de « Pays ». Conçus sous la forme de structures ouvertes, regroupant élus locaux, réseaux socioprofessionnels et tissu associatif, ils sont institués lorsque se manifeste une dynamique sociale sur un territoire qui forge son identité nouvelle autour d’un projet commun de développement. On y perçoit les signes de l’émergence de nouvelle forme d’exercice de la citoyenneté, à l’image de cette démocratie de proximité chère aux pays de l’Europe du Nord. A l’heure de la mondialisation, la prolifération des territoires manifeste la réaction des sociétés contemporaines et leur capacité à produire de la singularité. C’est dans ce cadre que se situe la réflexion sur l’agriculture durable : le modèle de l’agriculture productiviste, pensé d’en haut tendait à s’appliquer partout, uniformisant paysages et systèmes de production. Avec l’agriculture durable, chaque agriculteur doit inventer une réponse adaptée aux spécificités de son territoire. Les premières expérimentations PDD l’ont bien montré qui ont vu les agriculteurs s’associer par petite région pour faire des « diagnostics de territoire », base de la prise de décision de reconversion ou d’infléchissement de leurs choix professionnels.

c) La loi d’orientation agricole de Juillet 1999 intègre et vise à concilier toutes ses évolutions.

Le modèle productiviste (1962)Loi d’orientation 1999 (art. 1)

Agriculture intégrée dans le système économique capitaliste dans le cadre de la PAC : Moderniser, Investir, Intensifier la production








Accroître la productivité et réduire la population agricole (concentration des exploitations)











Profession encadrée par FNSEA et CNJA engagés dans le modèle productiviste




Une P.A.C assurant le soutien des cours et l’aide à l’exportation
Mais excédents et quotas laitiers en 1984
Une politique basée sur la multifonctionnalité de l’agriculture
les fonctions économiques, dans un contexte d’excédents et de mondialisation des échanges
« amélioration des conditions de production »
« renforcement de la capacité exportatrice »,
de « l’organisation éco des marchés »,
dans une optique de qualité, sécurité sanitaire

les fonctions environnementales
« préservation des ressources naturelles, de la biodiversité, des paysages »... « dvt de production de matières à vocation énergétique »...

Les fonctions sociales
« le dvt de l’emploi dans l’agriculture, le maintien de l’activité agricole dans les zones difficiles...l’organisation d’une coexistence équilibrée, dans le monde rural entre agri et autres actifs »

la fonction d’aménagement du territoire en vue d’un développement durable
« la poursuite d’actions d’intérêt général au profit de tous les usagers de l’espace rural »
La valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités

Mise en oeuvre : Contrats territoriaux d’exploitation

Emergence de nouvelles tendances au sein de la profession: Confédération paysanne, Groupes PDD, sous la poussée de nouvelles demandes sociales : qualité des produits et de l’environnement


Réforme de la PAC face à situation excédentaire et
à la pression des USA dans cadre OMCCadre
Mondialisation, intégration dans des filières et des réseaux
uniformisation des paysages et des systèmes : indifférence au territoire « déterritorialisation »

a la fois mondialisation, intégration dans des réseaux à différents niveaux d’échelle
et
réinvestissement du local, intégration dans le territoire local, singulier, ouvert, voulu, construit par les acteurs, autour de projets de développement solidaire et durable

Le changement de modèle agricole prend en compte le nouveau rapport à la nature, l’émergence du territoire et l’idée d’acteur local. Il implique de passer d’une rationnalité technico-économique à une rationnalité plurifonctionnelle complexe. Les contrats territoriaux d’exploitation en sont la concrétisation la plus manifeste. Ils conditionnent les aides de l’Etat à la signature d’un engagement contractuel Etat -agriculteurs portant à la fois sur les orientations de la production de l’exploitation, sur l’emploi et ses aspects sociaux, sur la contribution à la préservation des ressources naturelles, à l’occupation de l’espace, à la réalisation d’actions d’intérêt général, au développement de projets collectifs. Ce sont des projets locaux (contrats types définis par département) en adéquation avec les spécificités des divers territoires, en lien avec « les projets de pays » définis dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire ».

L’enseignement agricole prend acte de ces évolutions. Pour devenir des acteurs du développement local, de l’aménagement de leur territoire, les citoyens doivent se doter de nouvelles compétences : celles qui permettent de repérer les éléments pertinents d’un diagnostic du territoire, les stratégies d’acteurs, celles qui permettent de mener un projet concerté, d’impliquer les acteurs. L’enseignement doit développer ses compétences. Elles sont par nature pluridisciplinaires, voilà pourquoi nous assistons à cette relance de la pluri-interdisciplinarité. L’approche du territoire vient de s’imposer à tous avec le module Ecologie, Agronomie, Territoire et Citoyenneté comme marque emblématique de spécificité de la classe de seconde agricole. Le diagnostic de territoire apparaît comme un maillon décisif dans l’élaboration des projets d’agriculture durable. L’expérience PDD a révélé les limites d’une approche agri-environnementale, mobilisant exclusivement agronomes et écologues. Rapidement; en effet, il est apparu nécessaire aux acteurs de terrain d’élargir et de complexifier leur cadre de référence, d’accorder de plus en plus de place à la dimension « mobilisation et innovation sociale ». Au moment où dans l’enseignement agricole, on aborde la problématique de l’agriculture durable, il paraît important de tenir compte de ces constats afin d’éviter de restreindre l’approche aux seuls aspects agri-environnementaux et de renforcer ainsi la dichotomie entre disciplines techniques et sciences humaines et sociales qui doivent collaborer pour être à la mesure du changement culturel impliqué.
Un jeu subtil de continuités et de ruptures (Bernadette Fleury et Michel Fabre)

Le lundi après midi, j’ai devant moi en module EATC de 2° un élève, agité, dont le père fut mon élève, sur un mode beaucoup plus réservé et timide, dans la même classe, il y a 29 ans. A l’époque, avec l’enthousiasme de nos débuts, nous faisions découvrir le monde moderne, sa science, sa technique et sa culture, à ces fils de paysans qui n’étaient pas beaucoup sortis de chez eux. Cet ancien élève est devenu un agriculteur productiviste engagé et performant, il a révolutionné l’exploitation de son propre père qui a dû, bien des fois, nous en vouloir terriblement.
Et je ne peux m’empêcher de me demander ce que le grand père pense quand il entend le petit fils raconter, le lundi soir, ses approches du territoire et parler d’agriculture durable. Mais je m’interroge encore plus sur les réactions du père quand il entend ce jeune fils, qui n’a d’ailleurs pas l’intention de lui succéder, le contester avec des arguments fournis par les professeurs qui l’ont formé au productivisme ?. Est-ce à dire que jouant à chaque époque les apprentis sorciers, nous poussons les fils à la révolte contre les pères, et que du coup nous sommes en train de réconcilier les petits fils avec les grands pères, sur le dos des pères qui nous ont trop bien écoutés, coupant nous mêmes la branche sur laquelle nous sommes assis, car si nous en revenons aux méthodes du grand-père, point besoin d’enseignement agricole ? Pas si simple ! La perspective « durabilité » ne signifie pas retour au passé, c’est une « critique moderne de la modernité », comme vient de le dire Michel Fabre, qui suppose un pilotage encore plus affiné, un recul critique, des capacités de diagnostic et une autonomie nouvelle : une agriculture moins consommatrice d’énergie primaire certes, mais très exigeante en matière grise !
Ou l’on voit qu’un détour historique n’est pas inutile pour que, dans ce tournant qui se profile, nous sachions jouer avec subtilité de la dialectique filiation-rupture !

Michel Fabre.
Je voudrais souligner ce point qui me semble extrêmement important. En écoutant hier après midi les agriculteurs parler, je me disais que l’on assistait à une sorte de télescopage temporel: comment les petits fils sont-ils amenés à se réconcilier avec leurs grands-pères, par delà peut-être leurs parents productivistes? En effet, les valeurs d’économie et d’autonomie qu’ils avançaient sont bien des valeurs ancestrales que la modernité (celle des hautes énergies et du gaspillage) avait quelque peu oubliées. Mais, ne nous y trompons pas, l’agriculture durable ne signifie pas le retour à une agriculture pilotée par la tradition. Dans ces systèmes à basse énergie et donc hypercomplexes, le capital c’est la matière grise. On n’est plus du tout dans l’agriculture traditionnelle (ou l’on suivait les recettes du grand père). Il s’agit au contraire d’être inventif. Demain, les agriculteurs achèteront moins d’engrais certes, mais probablement davantage d’ordinateurs. Nous sommes donc dans la civilisation post-industrielle, hyper-moderne et non dans la civilisation traditionnelle. D’autre part, l’autonomie que visent les nouveaux agriculteurs ne signifie pas l’autarcie de jadis: les exploitations sont désormais des systèmes ouverts sur le marché mais aussi sur le développement local. Enfin, on voit bien que ces agriculteurs ont changé de culture, qu’ils ont intégré les valeurs de la modernité (le confort, le bien vivre) et même les valeurs du loisir, qu’ils distinguent de la paresse;
L’agriculture durable n’est certes pas un retour à l’agriculture traditionnelle. Mais il est cependant très émouvant de voir que l’ordinateur nous fait quelquefois retrouver la sagesse de nos grands parents. Je crois que l’agriculture durable essaye d’intégrer le meilleur de la modernité, c’est en effet une critique moderne de la modernité.
Quelle pédagogie pour accompagner le changement ? (Michel Fabre)

Trois principes pédagogiques fondamentaux
a) Premier principe : une pédagogie de l’émancipation 
« Une pédagogie pour un temps de remise en question des valeurs, cela ne peut être une pédagogie de l’inculcation, mais une pédagogie de l’émancipation. Autrement dit, il faut rendre nos futurs agriculteurs capables de réfléchir par eux-mêmes, de choisir, d'inventer. Comment mettre en place une telle pédagogie?

La première exigence est ici de distinguer deux niveaux, celui des modèles et celui des problématiques. Le niveau des modèles de l'agriculture, c'est celui des solutions qui historiquement ont été trouvées à la problématique de l'agriculture : l'agriculture de subsistance, le modèle productiviste sont considérées ici comme des solutions. Des solutions à quoi? Précisément à une problématique de l'agriculture qui consiste en une série de questions que les hommes se sont posés depuis qu'ils existent. La plus fondamentale et la plus vitale de ces questions étant comment «produire soi-même de la nourriture» au lieu de la trouver là où la nature la produit spontanément, par la cueillette ou la chasse. Naturellement, dans l'histoire, cette problématique va se diversifier et s'enrichir. Toute la question est alors de faire accéder les élèves à la problématique de l'agriculture telle qu'elle se pose aujourd'hui dans nos sociétés, ou du moins telle qu'on devrait la poser sachant ce que l'on sait.

Mais faire accéder les élèves à la problématique actuelle de l'agriculture, c'est les faire accéder à un certain type de questionnement. Or, on n'enseigne pas le questionnement comme on enseigne les réponses. Et s'il y a une chose dont on est sûr aujourd'hui, c'est que s'agissant des questions, où l'élève se les approprie personnellement, ou elles n'existent pas pour lui.

Faire réfléchir les élèves, ce n'est pas opposer un bon modèle d'agriculture à un mauvais modèle (qui d'ailleurs dans ce cas est pour le moins un ancien bon modèle devenu mauvais). La pédagogie ne tient pas du Western. Il s'agit plutôt de rendre les élèves capables de discuter, de critiquer les différents modèles (les différents cas concrets qui les illustrent) en remontant à la problématique fondamentale de l'agriculture. Il s'agit au fond de reposer sans cesse les questions du type: mais l'agriculture, finalement, c’est quoi? ça sert à quoi? Il ne s'agit donc pas d'opposer un modèle productiviste à un modèle d'agriculture durable, comme on oppose une solution à une autre. Il s'agit de faire suffisamment réfléchir les élèves pour qu'ils intègrent la durabilité comme une condition sine qua non de l'agriculture.

Une pédagogie de l’esprit critique impose un modèle « Socratique » de l’enseignement. Avant de savoir si la vertu peut s'enseigner disait Socrate, il faut d'abord savoir ce qu'est la vertu. Il faut donc toujours remonter aux questions décisives, aux questions fondamentales, quand on examine les modèles, les solutions.
b) Le savoir et les problèmes. Le deuxième principe, c'est de reconsidérer la nature du savoir. Aujourd'hui, on pense de plus en plus le savoir comme un ensemble d'outils pour traiter les problèmes. Il n'y a pas de recherche (et sans doute pas d'apprentissage intellectuel non plus) si l'on ne se pose pas un problème. Le problème est véritablement le moteur de l'activité cognitive en général. Et savoir, être savant, c'est être compétent, «s'y connaître en quelque chose», c'est à dire pouvoir mobiliser ce que l'on sait pour résoudre des problèmes.

Dans l'éducation nationale (et peut être dans l'enseignement agricole aussi) nous avons l'habitude d'une division des tâches. C'est au professeur de poser le problème, de formuler l'énoncé et c'est à l'élève de le résoudre. Nous faisons cela en mathématiques, mais aussi plus ou moins dans chaque discipline. Mais nous savons bien que les problèmes que nous rencontrons dans la vie ou dans les métiers, ne sont pas déjà formulés. Nous avons donc à les construire, ces problèmes. Et nous ne pouvons les résoudre que si nous les avons construits. Pensez aux projets, au diagnostic, à l’étude de cas... Je sais bien que c'est quelquefois cette activité que l'on demande à l'examen (dissertation, étude de texte), mais que faisons nous dans nos cours pour rendre l'élève capable de construire les problèmes?

Pensez que la possibilité de construire (ou de reconstruire) les problèmes est toujours le signe le plus manifeste de la liberté de pensée. C’est une exigence démocratique de donner aux élèves cette capacité. La démocratie ne peut consister seulement en cette liberté restreinte qui consiste à résoudre les problèmes posés et définis par d’autres. La véritable citoyenneté consiste au contraire dans le droit à la définition des problèmes et simultanément dans celui de la dénonciation des faux problèmes.

c) Nécessité du travail sur les représentations. Le troisième principe, c'est l'idée selon laquelle il y a des apprentissages qui sont tellement difficiles à faire qu'ils nous demandent un changement complet dans notre façon de voir le monde, de raisonner. Il me semble qu'avec ce colloque, nous avons à faire à un changement profond. Il nous faut apprendre à penser «durabilité». Il nous faut changer de mentalité, et il faut que les élèves changent de mentalité. Faire changer les élèves de mentalité ne veut pas dire les convertir à tel ou tel nouveau modèle d'agriculture, mais leur ouvrir l'esprit sur toute une gamme de possibles. Avec le modèle productiviste nous avons à faire à un «préjugé historique» (ce qui va de soi, ce qui n'est jamais interrogé, ce qui bloque la pensée sur une unique solution).

Le modèle productiviste, véhiculé par les traditions familiales, par la profession... est un modèle à quoi l'on tient, que l'on pense être non seulement le meilleur mais le seul possible. Or, cette ouverture aux possibles ne se fait pas seulement par un apport d'informations. Il exige un travail sur les représentations. Il exige de faire s'exprimer les représentations premières et de les mettre en débat dans la classe. Les didacticiens des sciences sont maintenant à peu prés convaincus de l'intérêt du débat scientifique dans la classe (un débat réglé où l'on échange des raisons).

Donc, il y a beaucoup de choses qui peuvent s'enseigner par transmission d'informations. Mais les idées nouvelles qui heurtent nos manières de voir, nos habitudes profondes de pensée, nous ne les acceptons que difficilement (même quand elles nous semblent pertinentes) et nous développons d'ailleurs beaucoup de ruses, de résistances, pour ne pas changer. La psychologie sociale sait bien que nos représentations (par ex celles de l'agriculture) possèdent un noyau central, ou un noyau dur et des régions périphériques. Or autant le noyau dur résiste à tout changement, autant la périphérie est chargée de s'adapter aux changements à moindre coût. Autrement dit, quand nous résistons à une idée nouvelle, nous cédons à la marge pour conserver le noyau dur de la représentation à laquelle nous tenons.
aider les élèves a problématiser
Le tableau ci-dessous voudrait illustrer cette pédagogie de l’émancipation. Il me semble que faire réfléchir les élèves, les faire « problématiser » revient toujours à enclencher un va et vient entre le niveau des modèles ou des solutions particulières (tel projet, tel cas) et les conditions générales qui définissent ce « sans quoi » il n’y a pas d’agriculture valable.

a) Ces conditions générales définissent ici les « enjeux » de l’agriculture. Elles peuvent d’ailleurs se spécifier en conditions permanentes ou conditions historiques particulières. Elles correspondent si l’on veut aux éléments de l’énoncé d’un problème: ce dont il faut absolument tenir compte pour chercher une solution.

b) Nous avons repéré (sans du tout prétendre à l’exhaustivité) trois types de situations didactiques : les situations de projets, de diagnostics (ou d’étude de cas) et de conseils. Il nous semble que ces situations sont propres à faire réfléchir les élèves sur les enjeux de l’agriculture. On pourra tester l’une ou l’autre de ces situations sur le cas Pohlman, ce projet d’implantation d’un complexe d’élevage de poulets dont on rappelle en annexe les principales caractéristiques.

c) Nous avons indiqué trois fonctions pédagogiques possibles de ces conditions. Elles interviennent dans le cahier des charges des projets (par exemple lorsqu’on simule une création d’exploitation agricole). Ce sont également des critères qui émergeront de l’analyse des cas particuliers, lorsqu’on analysera par exemple telle ou telle exploitation ou lorsqu’on en comparera plusieurs. Enfin, ces conditions peuvent émerger d’une discussion argumentée à propos de telle décision à prendre, par exemple en cas de conflit de critères. Pour quelles raisons, par exemple, privilégier la préservation de l’emploi ou la protection de l’environnement







A quelles conditions générales l'agriculture doit-elle satisfaire?
Toujours? Aujourd'hui?

- production (produire une quantité satisfaisante, produire de la qualité)
- rentabilité et coût humain (qualité de vie)
- faisabilité technique
- légalité (conformité aux réglementations, nationales et européennes)
- responsabilité par rapport à l'environnement (respect, protection, entretien)
- intégration économique et sociale à différents niveaux d’échelle.
- insertion territoriale (développement local).
- ....
Problématique de l'agriculture




Créations de
Projets, simulationsEtude de cas, comparaisons de cas, diagnosticsPréparation de la décision, expertise, conseil.
Trouver des solutions particulières à la problématique générale de l'agriculture

Examiner, évaluer les cas en les comprenant comme
des réponses à la problématique générale 
Examiner comparativement plusieurs solutions possibles à un même problème; ou encore les avantages et les inconvénients d’une solution
Prendre en compte ou non les conditions (par ex la durabilité) Examiner quelles conditions sont prises en compteDébattre pour savoir quelle condition doit l'emporter sur les autres.
Dans une pédagogie de l’émancipation, ces conditions de validité de l’agriculture, ces enjeux ne sont pas enseignés directement par le professeur. Il s’agit plutôt de mettre en place des situations permettant aux élèves eux-mêmes de les dégager. On a souligné - dans les compte rendus d’ateliers - l’hétérogénéité des élèves de Lycée agricole et leur différence de sensibilité. On trouvera parmi eux des « productivistes » aussi bien que des « écolos ». Il importe d’utiliser cette diversité pour faire émerger les débats qui sont présents aujourd’hui dans le débat public. L’outil présenté ici devrait permettre à l’enseignant, ayant en tête le tableau des conditions de ne pas laisser dériver le débat vers un bavardage de café du commerce, ou vers une opposition stérile des « points de vue ». Quand on en reste à l’affrontement des solutions, sans pouvoir remonter aux enjeux, on reste du même coup rivé à l’opinion et à son opinion. Comprendre l’autre et assumer ses propres positions exige au contraire de faire le lien entre une problématique et les réponses possibles qu’elle admet lorsqu’on privilégie telle ou telle condition.
L'économique et le vivant (René Passet)

introduction
I. Selon Alfred Marshall « l'économique est une science de la vie, voisine de la biologie plutôt que de la mécanique «.
Telle semble être en effet l'évidence, puisque :
l'Homme, comme moyen, agent de décision et finalité, se retrouve à tous les niveaux de l'activité économique ;
cette dernière se déroule dans un milieu vivant qu'elle transforme ;
le calcul rationnel visant à tirer le maximum de satisfaction des provisions limitées de moyens dont disposent les hommes contribue à développer, à la fois, la quantité et la qualité de la vie que peut porter le monde.
Sa logique ne semble devoir être autre que celle du vivant.
Mais la vision tronquée liée aux calculs d'efficacité veut que l'on n'accorde de prix qu'à ce qui est rare et que l'on compte pour rien ce qui paraît surabondant. Dans la mesure où le capital, sous sa forme technique autant que financière, est apparu pendant longtemps comme le facteur limitant dont l'insuffisante accumulation entravait la production des biens, dans la mesure également où la précarité des niveaux de vie conduisait à confondre le mieux-être des hommes avec l'accumulation de moyens matériels, cet impératif, parfaitement justifié au plan technique, conduisait à centrer le calcul sur la gestion des choses inanimées. Puis, selon un processus historique et pour des raisons dont il nous faudra rendre compte, l'objet central du calcul se confondant avec l'objectif ultime de ce dernier, la relation du moyen à la fin s'inversait et la logique des choses mortes devenait la loi suprême de l'économie. Il semble que nous en soyons là aujourd'hui.
Il n'y a plus alors à s'étonner si, au moment précis où la puissance des appareils productifs pose, en termes de vie, le problème de la reproduction dans le temps des milieux naturels, la science économique fondée, malgré toutes les affirmations, sur cette seule logique se trouve particulièrement dépourvue d'arguments devant les faits. Jamais sans doute, au cours de son histoire, ne s'est-elle révélée plus inapte qu'aujourd'hui, non seulement à résoudre les problèmes majeurs de son époque, mais simplement à les détecter
Une vision rétrécie, limitée aux seuls domaines de la production et de l'échange, lui interdisant de situer les événements dans leur cohérence globale, elle ne connaît, hors de son champ, que des faits isolés : la catastrophe lui semble être accident et la multiplication de ces « accidents « lui apparaît comme une déviation -caractérisant une crise -par rapport à un ordre des choses qu'elle décrit comme normal.
Or, ce n'est pas la notion de crise, mais celle de mutation, qui nous paraît caractériser la situation dans laquelle se trouve engagé le monde contemporain.
La crise suggère l'existence d'un état normal momentanément rompu et appelé à se rétablir. La mutation, au contraire, évoque les bouleversements irréversibles situés dans la logique d'une évolution; c'est ici la norme même qui se transforme, un ordre qui s'efface et un autre qui se dessine.
Et la « crise « actuelle est trop générale, les crises spécifiques se révèlent trop nombreuses, pour ne pas traduire une transformation fondamentale des mécanismes sur lesquels fonctionnent les sociétés, en même temps qu'une régression des systèmes de valeurs dont elles tirent leur justification.
De la dégradation de l'environnement, illustrée par l'explosion d'une centrale nucléaire ou le naufrage d'un pétrolier géant, au malaise des consciences individuelles, en passant par l'épuisement des ressources naturelles, le sous-emploi ou les outrances de certains particularismes, tout se tient :
l'accident ne peut être considéré comme tel qu'au niveau de l'événement isolé ; replacé dans son contexte, il apparaît comme la conséquence statistiquement inévitable d'une certaine logique de l'efficacité matérielle ou de la rentabilité, ignorante des solidarités aussi bien que du risque social ;
là où la poursuite des valeurs communes rassemblait les hommes, la conquête des richesses matérielles les oppose et conduit chacun à négliger les dommages qu'il inflige à autrui.
Ce qui se trouve mis en cause derrière ces événements, c'est le primat de l'économique posé comme finalité des conduites individuelles et critère ultime des grandes décisions publiques.


II. Or, les activités de production, échange, consommation, grâce à la combinaison efficace des « moyens rares à usages alternatifs «, ne constituent en fait qu'une première sphère des activités humaines. Celle- ci représente bien cet ensemble finalisé a d'éléments en interdépendance par lequel on s'accorde généralement à définir un système, Elle est en effet :
orientée par sa finalité : satisfaire les besoins humains ;
animée par ses agents (les ménages, les entreprises, l'Etat. ..) au sens propre, des entités qui agissent, des effecteurs,
caractérisée par ses interdépendances et coordonnée par ses régulations : offre et demande déterminent le prix, mais le prix fixe le niveau d'ajustement de l'offre et de la demande...
Cependant, pour aussi fondamentales qu'elles soient, ces activités ne sauraient englober l'ensemble des préoccupations humaines: par- delà le domaine du calcul, il existe tout un univers de l'inspiration, de l'affectivité, de l'esthétique, du sacré... dans lequel les hommes trouvent généralement leurs raisons de vivre. Les positions de principe, sur ce point, sont à peu près unanimes :
l'économie représente, nous dit-on du côté libéral (A. Marshall), cette part de l'activité individuelle et sociale qui a plus particulièrement trait à l'acquisition et à l'usage des choses matérielles nécessaires au bien-être, et la science qui les explore ne saurait être qu'« une partie de l'étude de l'Homme « ;
cependant que, du côté marxiste (Godeliet), on soulignait que l'économique, présent en tout mais loin d'être tout, ne constitue qu'« un champ particulier d'activité tournée vers la production, la répartition et la consommation d'objets matériels. ..en même temps qu'un aspect particulier de toutes les activités non économiques «.
Et l'humain, à son tour, s'ouvre sur l'univers plus large de la matière vivante et inanimée -la biosphère -qui l'englobe et le dépasse.

Cette simple relation d'inclusion entre trois sphères suffit à nous placer devant un certain nombre d'évidences :
si les activités économiques n'ont de sens que par rapport aux hommes, c'est dans la sphère des relations humaines et non en elles-mêmes qu'elles trouvent leur finalité: le bien-être social (et là encore, chacun en est d'accord avant de proposer, en fait, le contraire de ce qu'il affirme) ne se réduit pas à une simple accumulation de biens et de services ;
si la reproduction de chacune de ces sphères passe par celle des deux autres: l'économique et l'humain ne sauraient subsister dans le temps sans la nature qui les supporte, et cette dernière ne serait plus la même si l'homme qui ne lui est pas extérieur mais couronne l'aboutissement de sa longue évolution venait à disparaître ;
et si, par définition, tous les éléments d'un ensemble inclus appartiennent à l'ensemble plus large qui les englobe, tous les éléments de ce dernier n'appartiennent pas au précédent: en d'autres termes, les éléments de la sphère économique appartiennent à la biosphère et obéissent à ses lois, mais tous les éléments de la biosphère n'appartiennent pas à l'économique et ne se plient pas à ses régulations


Le biotope est une étendue plus ou moins bien délimitée renfermant des ressources suffisantes pour pouvoir assurer le maintien de la vie. Le biotope peut être de nature organique (dans le cas de parasites) (p. 248) ;
Une biocénose est un groupement d'êtres vivants rassemblés par l'attraction non réciproque qu'exercent sur eux les divers facteurs du milieu; ce groupement est caractérisé par une composition spécifique déterminée par l'existence de phénomènes d'interdépendance et il occupe un espace que l'on appelle biotope « (p. 247).
Or, l'économique, activité rationnelle menée par des êtres conscients, est, par essence, transformation de la nature. Ses relations avec cette dernière se situent à deux niveaux : celui d'un prélèvement de matériaux auxquels sont données des formes utiles (et qui se trouvent donc « in-formés «, au sens aristotélicien du terme) ; de ce point de vue, il s'agit d'une activité structurante, créatrice d'ordre, participant au développement de la vie ; celui d'une restitution de produits résiduels qui se trouvent « déformés « après utilisation; et en cela, l'économique apparaît comme une activité déstructurante, destructrice d'ordre, c'est.;à- dire contribuant à la dégradation du milieu dans lequel elle se développe.
A ce propos, nous parlerons plus loin de néguentropie, d'entropie et de destruction créatrice.

III. Pensée dans les limites de la sphère la plus étroite, la science économique débouche sur la définition de combinaisons et de conduites optimales qui peuvent être parfaitement valables du point de vue de la production, de l'échange et de la consommation, mais ne se réfèrent qu'à une partie des motivations humaines et n'ont rien à voir avec lés mécanismes qui régissent le fonctionnement du milieu naturel.
Le caractère déterminant en dernier ressort, conféré à l'économique, a donc pour effet de soumettre l'homme et la nature à une loi qui n'est pas la leur. L'ordre cohérent de la biosphère possédant lui aussi sa logique, ses régulations et ses lois de reproduction -con.stituant donc un authentique système -se trouve placé, en fait, sous la dépendance d'un de ses sous-systèmes.
Aussi longtemps que l'importance des flux mis en oeuvre par les activités économiques restait assez limitée pour ne pas compromettre cet ensemble de mécanismes, la sphère économique se développait et la biosphère rétablissait d'elle-même ses propres équilibres. Mais il n'en va plus de même à partir du moment où le nombre des agents, associé à l'impact croissant des techniques dont ils se servent, remet en cause la reproduction du milieu qui les porte. Les dégradations qui en résultent -épuisement des ressources, altération du cadre de vie -se répercutent à tous les niveaux et, par une sorte de choc en retour, compromettent à leur tour la reproduction des activités humaines.
Toute la biosphère entre alors dans l'environnement de l'économique, c'est-à-dire dans cette partie de l'univers des données qui, bien qu'extérieures au système proprement dit, influencent son fonctionnement ou sont influencées par lui. A l'échelle d'une nation et a fortiori de la planète, il n'est effectivement pas un élément concernant l'équilibre physique ou biologique du monde qui ne soit concerné par les activités de production et ne puisse, en réponse, rétroagir sur elles. Alors l'économique, loin de pouvoir être pensé en soi et pour soi, doit être reconsidéré en fonction de son insertion dans un ense,mble de mécanismes qu'il ne saurait bouleverser sans se détruire lui-même.
Isolé dans le marché, apparemment maître de son destin, l'Homme pouvait apparaître comme un être à part, gouvernant et modelant la Nature, en quelque sorte de l'extérieur. Mais cette attitude anthropocentrique se heurte à tout ce: que nous savons de l'évolution. En fait : l'Homme est dans la Nature, espèce non point comme les autres, mais parmi les autres, « être vivant, précise Linné, faisant partie du règne animal, embranchement des vertébrés, classe des mammifères, ordre des primates, famille des hominiens du genre homo, espèce homo sapiens « ; à ce titre, il appartient à un milieu dont il subit les lois: lois régissant les relations entre les espèces, ou gouvernant les rapports de ces espèces avec le cadre physique où elles se développent ; la Nature est dans l'Homme: la matière qui le constitue n'est autre que celle dont est fait le monde, circulant éternellement entre le vivant et l'inanimé; nous savons désormais que, de ce point de vue, l'organique ne s'oppose pas à l'inorganique, l'un et l'autre n'étant que deux états par lesquels transitent les éléments constitutifs de l'Univers; c'est donc également en lui- même que l'Homme, comme toute créature, porte les lois ~u monde; les rythmes cosmiques, par exemple, auxquels sont soumis, depuis cinq milliards d'années, les matériaux dont il est constitué, agissent, nous le verrons, au plus intime de ses fibres et gouvernent ses comportements ; l'Homme, enfin, est la Nature: il représente l'aboutissement actuel d'une longue évolution qui commence avec un processus de complexification de la matière et se traduit par l'apparition successive de la vie créatrice d'organisation, de la conscience, puis de la conscience repliée sur elle-même (conscience de sa propre conscience) qui constitue sa caractéristique propre; l'organisme humain porte la trace des étapes qu'a parcourues la matière pour parvenir jusqu'à lui: la cellule emprisonne encore un fragment de l'océan dans lequel a émergé la vie, le cerveau humain conserve, matérialisées en ses structures, les formes successives qu'à partir des premiers reptiles a suivies le processus de cérébralisation... ; l'espèce humaine représente donc, à ce jour, la flèche avancée d'une évolution qui est celle de l'Univers tout entier depuis ses origines.
Le problème qui se pose est celui d'une espèce dominante qui, en raison même de sa dominance, compromet la reproduction du milieu qui la porte et dont la plasticité n'est pas infinie; mais, pour la première fols certainement dans le cours de l'évolution, d'une espèce consciente qui possède la faculté de penser sa position et de prévoir les conséquences de ses actes au sein de ce milieu.


IV. Cette situation d'interdépendance appelle une prise en compte simultanée des lois relatives à l'économique, au vivant et au monde inanimé. Elle exige donc une approche globale et un éclairage multidisciplinaire.
Pendant trois siècles, on le sait, le progrès de la connaissance a pu s'appuyer sur la méthode analytique cartésienne consistant à comprendre le réel à partir de la décomposition aussi fine que possible des éléments qui le constituent :
« Diviser, dit Descartes, chacune des difficultés en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait requis pour les mieux résoudre...
Conduire par ordre ses pensées en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés «.
Il s'agit là d'une façon d'interroger le monde qui privilégie l'analyse des objets (méthode «objective» ) par rapport à celle des relations qui s'établissent entre eux et suppose que de l'addition des parties peut résulter une reconstitution satisfaisante du tout. Cette méthode, soutenant le progrès des sciences de la matière, a fourni la preuve d'une efficacité qui n'est certainement pas près de se démentir. Mais nous percevons aujourd'hui ses limites. Il apparaît notamment :
que ce qui différencie le vivant de l'inanimé et les différentes formes du vivant les unes des autres, ce n'est pas la matière qui les constitue, mais la façon dont cette dernière est organisée, ce qui conduit à mettre l'accent sur les relations unissant les éléments d'un système au moins autant que sur ces éléments eux-mêmes ;
que le fonctionnement d'un système (un organisme vivant ou une entreprise, par exemple) ne peut être interprété qu'en partant d'une vision d'ensemble mettant en évidence sa finalité globale (le développement de l'organisme; la production de biens et de services...), pour comprendre les fonctions qui s'articulent à différents niveaux (cellules, organes, etc. ; ou ateliers, services...) de façon à permettre l'accomplissement de cette finalité ;
que la méthode analytique préside à une spécialisation des sciences et à un cloisonnement des savoirs, incompatibles avec la vision globale indispensable à la compréhension des phénomènes; or l'étroite interdépendance qui s'établit, comme nous venons de le voir, entre l'économique et l'ensemble de la biosphère, exige que la recherche des combinaisons efficaces propres à celle-là se situe dans les limites des régulations indispensables à la reproduction de celle-ci ; elle suppose donc un éclairage multidisciplinaire.

Analyse des relations, approche globale, mise en évidence des niveaux d'organisation, éclairage multidisciplinaire, tels sont effectivement les caractères de l'approche systémique préconisée par L. Von Bertalanffy, que nous adopterons ici. Ces deux méthodes, nullement incompatibles, contrairement à ce que l'on soutient parfois, représentent en fait deux manières complémentaires d'interroger le réel, dont chacune livre -et ne peut livrer que -ce qui découle de la façon dont elle est conçue: l'une met en évidence des causalités partielles isolées de leur contexte (le « toutes choses égales par ailleurs « expérimental) ; l'autre dégage l'articulation des grandes fonctions qui permettent l'émergence d'une finalité globale, en interdépendance avec un environnement. Aucune des deux n'est moins indispensable que l'autre. Si nous privilégions ici la seconde, ce n'est qu'en raison de la question posée, consistant à définir les conditions que doit respecter le développement des activités économiques, pour ne pas compromettre les grands ajustements d'un milieu naturel dont la reproduction commande toutes les autres. Notre discours ne portera donc pas sur le bien-être mais sur les conditions minimales d'une reproduction sans laquelle la question du bien-être cesserait bientôt de se poser. La multidisciplinarité, indissociable de cette approche, soulève cependant de redoutables problèmes :
problème de maîtrise et de mise en relation d'informations provenant d'horizons scientifiques variés, à l'exploration desquels on a été plus ou moins bien préparé; la multidisciplinarité en effet, si elle exige la rencontre et la coopération des hommes, ne se réduit pas à une simple addition de savoirs spécialisés détenus par des individus différents; c'est en chacun qu'elle doit se trouver réalisée; chacun doit posséder à la fois une bonne connaissance disciplinaire et une ouverture suffisante au savoir des autres; s'agissant d'un domaine qui concerne les sciences de l'Homme, celles de la matière et celles de la vie, l'économiste, utilisant une approché systémique, se trouvera ainsi confronté à la biologie, à l'écologie, à la thermodynamique, à la théorie de l'information dont il lui faudra tenter d'intégrer les enseignements de façon cohérente; « une personne, disait déjà Stuart Mill, ne sera vraisemblablement pas un bon économiste, si elle n'est pas autre chose «, mais on peut se demander si une telle entreprise ne témoigne pas avant tout du caractère présomptueux de son auteur... ;
problème de communication également, dans la mesure où l'on s'adressera à tout moment à des spécialistes (plus compétents que l'auteur, dans leur propre discipline) et à des non- spécialistes: tel développement qui apparaîtra à ceux-ci comme excessivement rapide, constituera pour les autres un insupportable rappel de connaissances élémentaires; à l'inverse, des références qui seront considérées comme un luxe inutile par les premiers, sembleront encore insuffisantes aux seconds; tel modèle, parce qu'il n'est pas le dernier, datera pour l'un, alors qu'il a simplement pour objet de faire apparaître, au regard non prévenu de l'autre, le rôle d'un mécanisme-clé en définitive inchangé malgré les raffinements ultérieurs, etc.

Mais on n'écrit pas sans s'exposer. Si chacun, au nom de la pureté disciplinaire, refuse de se hasarder dans les zones d'interférence où les découpages conventionnels cessent d'avoir cours, certains problèmes ne seront jamais abordés: à partir du moment où les conséquences de l'économique sur le milieu naturel échapperaient à l'interrogation de l'économiste pour la seule raison qu'elles mettent en jeu les lois de l'univers physique et du vivant, pourquoi relèveraient-elles d'une autre compétence puisqu'elles ont pour point de départ l'économique ?
Or, il nous semble que c'est dans ces zones que se joue aujourd'hui la survie de l'humanité. Après avoir, selon des règles d'efficacité qui ont fait leur preuve, tiré le maximum d'une nature dont ils ne menaçaient pas l'existence, les hommes sont conduits, en raison même de cette efficacité, à repenser leurs comportements dans le respect des lois qui gouvernent le monde: accéder à la conscience cosmique ou disparaître, tel est le défi redoutable et magnifique auquel ils se trouvent confrontés ; c'est sans doute la révolution mentale la plus considérable qu'il leur ait été donné d'affronter depuis qu'au néolithique -il y a 10000 ans - l'espèce avait appris, en se sédentarisant, à exploiter systématiquement des forces et des énergies dont elle découvre progressivement la cohérence, les limites et la fragilité.


V. Ayant posé les problèmes, dégagé les enjeux et précisé la méthode adoptée, nous disposons désormais des éléments nous permettant de justifier le choix d'un ordre logique d'exposition :
le point de départ nous paraît résider dans la limitation de la décision économique aux seul ès considérations propres à la plus étroite des trois sphères dont nous avons affirmé l'interdépendance; le cloisonnement d'une science bornée aux seuls domaines de la production, de l'échange et de la consommation des choses dites utiles et rares, la condamne à développer une logique et à inspirer des actions qui s'inscrivent en contradiction formelle avec celles de la biosphère; ainsi doivent être analysés les termes d'un conflit dont l'origine se situe dans le déphasage constant que nous croyons pouvoir constater entre le champ sans cesse élargi des phénomènes concernés par l'économique et le champ régulièrement rétréci de la pensée qui veut en rendre compte (Première partie: « Le conflit des logiques « ) ;
l'articulation des deux logiques ainsi affrontées ne peut se concevoir qu'au niveau de la biosphère, dont toutes les lois s'imposent à l'ensemble de ses sous-systèmes ; ici, l'économique rejoint le vivant, révèle sa nature profonde qui est de contribuer à l'œuvre de vie et rencontre les instruments (théorie de l'information, thermodynamique) qui s'appliquent aux sciences de la matière comme à celles du vivant (Deuxième Partie : « L'approche bio-économique «) ;
ayant mis en évidence la nature des régulations que les hommes ne sauraient durablement braver sans en payer le prix et qui constituent donc un ensemble de contraintes dans le respect desquelles doit se maintenir le calcul économique, il nous faudra enfin dégager les conditions d'une insertion durable des activités humaines dans le milieu qui les porte; ceci impliquera évidemment que nous passions de la description des phénomènes à leur mesure, et à la recherche des principes d'organisation socio-économique permettant d'assurer cette insertion (Troisième Partie: « L'intégration à la biosphère « ).
Une science tronquée (René Passet)

Le Monde, 12.1.1971

Pollution, dégradation du milieu ambiant, violation des règles les plus élémentaires de la sécurité, exploitation abusive de ressources, insuffisance des équipements collectifs... cette jonction contemporaine de faits n'est pas le fruit capricieux du hasard. Elle constitue le résultat logique d'une série de décisions fondées sur un calcul économique où prédomine une certaine conception du rentable. L'économiste qui prend conscience de cette réalité s'aperçoit qu'il est au service d'une science tronquée dont les insuffisances, aujourd'hui éclatantes, l'invitent à un effort d'approfondissement et de remise en cause.
La science économique a fait son apparition à une époque et dans des circonstances qui expliquent la plupart de ses traits contemporains. C'est logiquement -ce qui ne veut pas dire légitimement -qu'elle a été amenée à privilégier le facteur matériel.
Au XVllle siècle comme au XIXe, dans les pays avancés aussi bien que dans les autres, la majeure partie des hommes connaissaient des niveaux de vie proches du minimum vital. La production accrue de biens matériels constituait alors, pour eux, le seul moyen de se libérer de l'obsession de la survie. La «création de l'homme par l'homme «, dont François Perroux a fait la belle définition du développement, se confondait inévitablement avec la production de marchandises. Nul ne songeait qu'il pût y avoir un péril quelconque dans la croissance. Et cela restera vrai, dans une grande mesure, pour les premières sociétés de confort.
Sur un autre plan, la puissance des moyens de production restait assez limitée pour que l'on puisse utiliser les ressources de la nature sans altérer le principe qui les engendrait. La réserve de richesses constituée par cette dernière paraissait inépuisable et les rythmes d'exploitation auxquels elle était soumise lui permettaient de se reconstituer automatiquement.
.Dans la lutte quotidienne contre la rareté, qui voit concourir avec les facteurs naturels l'homme assisté des équipements qu'il se donne, seuls ces derniers - parce qu'il fallait les fabriquer - faisaient figure de moyens fondamentalement rares.

Alors que la production semblait porter en elle une promesse de libération pour l'homme, alors que la nature pouvait se montrer « avare « dans ses fruits mais non susceptible d'épuisement dans son principe, l'extension du capital technique paraissait seule commander la création des richesses.
Il n'est donc pas étonnant que ce facteur ait tenu la place d'honneur dans le calcul économique. Le souci quasi exclusif d'une rentabilité conçue de façon strictement financière et fondée sur la prédominance du facteur matériel allait marquer durablement notre discipline. Tout ce qui pouvait être entrepris au nom de cette rentabilité, quel qu'en fût le coût pour l'homme et la nature, commandait et commande encore la plupart des décisions.
Un économiste « sérieux « a-t-elle droit de s'en indigner ? Quels outils trouverait-il d'ailleurs dans les instruments traditionnels d'analyse mis à sa disposition, pour opposer une argumentation cohérente aux calculs réalistes des hommes d'action ?
Doit-il alors se résigner ou repenser son arsenal ?
l'indispensable mutation
Un fait nouveau se révèle pourtant aujourd'hui: pour la première fois peut-être dans l'histoire de la vie la multiplication rapide d'une espèce, associée à l'extension de son aire biologique (critères habituels de succès) la menace elle-même. On connaît la forme exponentielle de la croissance démographique: le doublement de la population mondiale, qui avait exigé un siècle et demi entre les années 1750 et 1900, s'effectuera en quarante ans entre 1960 et l'an 2000. En même temps, l'accumulation de moyens techniques de plus en plus puissants donne à cette population un pouvoir de destruction sur la nature qui était impensable jusqu'à ce jour. Ainsi, l'homme épuise lentement les sources dont il tire sa subsistance et la nature entre désormais dans le circuit des biens rares et périssables qu'il faut comptabiliser.
Pour ce qui est de l'homme lui-même, sa relation avec le développement n'apparaÎt plus aussi simple qu'au cours de la période précédente. Les biologistes nous enseignent que les fruits les plus incontestablement bénéfiques de la croissance économique ne sont pas sans contrepartie. Sous l'effet de l'amélioration des niveaux de vie par exemple, la sélection naturelle n'assure plus l'élimination des moins aptes, et c'est un matériel génétique progressivement dégradé qui risque de se transmettre de génération en génération. Sans que, de toute évidence, il puisse être question de revenir sur la régression des taux de mortalité, il faut en connaître toutes les conséquences et orienter les travaux des chercheurs (c'est-à-dire les crédits) dans des voies qui ne sont pas nécessairement celles du profit monétaire immédiat. Des auteurs réputés sérieux nous donnent à penser que les efforts en cette matière, s'ils soulèvent des problèmes éthiques considérables, ne seraient pas nécessairement voués à l'insuccès.
Le développement s'accompagne en outre d'un renforcement de la concentration urbaine. Or, les médecins, psychologues, sociologues, nous informent qu'une densité excessive de population est, pour toutes les espèces, une cause d'usure et une source d'agressivité. Même si l'on se borne à considérer l'homme comme un potentiel productif, il y a là un détournement d'énergie dont il faut bien convenir qu'il constitue un coût, difficile à évaluer sans doute, mais incontestable.
Il n'est pas sûr, enfin, que le développement tel qu'il a été réalisé à ce jour, sous la forme essentielle d'une accumulation de biens, ne brise en l'homme quelques-uns des ressorts parmi les plus indispensables à la survie de l'espèce. C'est là un doute que l'on trouve formulé aussi bien du côté où l'on dénonce le pouvoir corrupteur de la société de consommation que celui, sensiblement opposé, où l'on déplore la régression des vertus traditionnelles.
La prise en considération de ces coûts conduirait à des orientations de développement très différentes de celles qu'imposent les économies de la matérialité, du rendement et de la rentabilité.
C'est une prise en compte totale de l'homme, moyen et fin de l'activité économique, qu'il s'agit de réaliser. Mais si la science forge timidement ses premiers instruments dans cette direction, la pratique reste loin de lui emboîter le pas. Nous nous en tiendrons donc ici à quelques propositions modestes. Etendre à tous les facteurs le traitement dont bénéficie le capital, voilà un objectif qui, sans pouvoir être considéré comme un idéal en soi, constituerait déjà un remarquable progrès.
Supposons, par exemple, que nous appliquions à la nature et à l'homme la notion simple d'amortissement; Ceci impliquerait, pour nous limiter à quelques conséquences évidentes :
Que la part d'une production qui altère les possibilités de renouvellement d'une ressource (ou qui implique un épuisement trop rapide d'un gisement non reproductible), soit traitée non point comme un revenu, mais comme une destruction du patrimoine ouvrant, au bénéfice de la collectivité, un droit à compensation ;
Qu'il en soit de même de toute atteinte (pollution, dégradation de site, amputation d'espace vert, etc.) portée à l'environnement ;
Que la part des revenus correspondant au minimum vital des hommes soit considérée, du point de vue de la comptabilité nationale et de la fiscalité, non comme un produit net, mais comme un simple amortissement indispensable au maintien d'un facteur de production. La justice fiscale y gagnerait et la clarté des comparaisons de niveaux de vie aussi.
On s'apercevrait alors qu'il existe des nations ou des catégories sociales dont le revenu est négatif, c'est-à-dire dont le potentiel humain, technique ou naturel s'épuise plus que ne s'accroissent leurs ressources apparentes. On éviterait aussi, de cette manière, le paradoxe comptable qui consiste à traiter comme un accroissement de produit national le simple fait qu'un bien indispensable à la vie (l'eau par exemple) sorte de l'état de surabondance et de gratuité pour entrer dans le circuit de la rareté et de l'échange onéreux.
Il est probable que, dans un tel système, les firmes dont l'activité diffuse, sur leur environnement, des effets indirects importants par rapport à leurs productions directes ne puissent plus relever de la gestion privée. C'est un choix à effectuer entre certains modes d'organisation et l'avenir de la collectivité.
Mais ceci ne constitue encore qu'un pâle aperçu des tâches qui attendent l'économiste. Un physiologiste connu d'origine espagnole, le docteur Delgado, résumait récemment ainsi au cours d'un colloque tenu à l'UNESCO, les perspectives qui s'ouvrent à nos sociétés: « Nous en sommes maintenant à un moment décisif de la création. Autrefois, la nature a contrôlé l'homme. Aujourd'hui, l'homme contrôle la nature et bientôt nous pourrons intelligemment contrôler l'homme «.
Il est impensable que les orientations découlant de ces pouvoirs inquiétants et vertigineux reposent au premier chef sur les impératifs étriqués des calculs d'argent. Avant même d'effectuer les options éthiques, idéologiques ou doctrinales auxquelles il pourra de moins en moins échapper, l'économiste découvre l'importance que revêtent, pour lui, toutes les disciplines consacrées à l'homme. Il s'aperçoit alors inévitablement que, à l'image de la biologie, l'économique est d'abord une science de la vie.


La croissance : mythes, polémiques et sophismes  (G.Roegen)

Une grande confusion imprègne les vives controverses relatives à la « croissance « tout simplement parce que ce terme est utilisé dans de multiples acceptions. Une confusion sur laquelle J. Schumpeter a constamment mis en garde les économistes, c'est la confusion entre croissance et déve1opement. Il n'y a croissance que lorsque augmente la production par habitant des types de biens courant, ce qui implique naturellement aussi un épuisement croissant des ressources également accessibles. Le développement signifie l'introduction de n'importe laquelle des innovations décrites dans la section précédente. Dans le passé, le développement a généralement induit la croissance et la croissance n'est advenue qu'en association avec le développement. Il en est résulté une singulière combinaison dialectique également appelée « croissance «, mais à laquelle nous pourrions réserver une autre étiquette courante, celle de « croissance économique «. Les économistes en mesurent le niveau au moyen du PNB par habitant en prix constants.(…)

Les racines de la croissance économique plongent profondément dans la nature humaine. C’est en raison des instincts d’artisanat et de curiosité gratuite de l'homme décrits par Veblen qu'une innovation en suscite une autre - ce qui constitue le développement. Étant donné aussi la fascination de l’homme pour le confort et les gadgets, toute innovation conduit à la croissance. Certes, le développement n'est pas une caractéristique inévitable de l'histoire ; il dépend de plusieurs facteurs ainsi d'ailleurs que d'accidents, ce qui explique que le passé de l'homme consiste principalement en longues séquences d'états quasi stationnaires et que l'ère d'effervescence actuelle ne soit qu'une toute petite exception.

Toutefois, au niveau purement logique, il n'y a nul lien nécessaire entre développement et croissance ; on pourrait concevoir le développement sans la croissance. C’est faute d’avoir systématiquement observé les distinctions précédentes que les défenseurs de l'environnement ont pu être accusés d'être des adversaires du développement. En fait, la véritable défense de l'environnement doit être centrée sur le taux global d'épuisement des ressources (et sur le taux de pollution qui en découle). Si la controverse s'est finalement nouée autour de cet indicateur de l'économiste qu'est le PNB par habitant, c’est seulement parce que, dans le passé la croissance économique s'est traduite non seulement par une augmentation du taux d'épuisement, mais encore par un accroissement de la consommation de ressources par habitant. Il en est résulté que le vrai problème a été enterré sous un monceau de sophismes du type de ceux que nous avons rapportés dans la section précédente. Car même si, bien qu'à un niveau purement théorique, la croissance économique est compatible avec une baisse du taux d'épuisement, la croissance pure ne peut excéder une limite certaine, quoique indéterminable, sans un accroissement de ce taux -à moins qu'il y ait une baisse substantielle de la population.
Il était naturel pour des économistes, inébranlablement attachés au cadre mécaniste, de rester complètement insensibles aux appels que lancèrent à différentes reprises le mouvement pour la conservation de la nature ou certains intellectuels isolés, comme Fairfield Osborn et Rachel Carson, soulignant les dommages écologiques de la croissance et la nécessité de ralentir cette dernière. Mais, il y a quelques années, le mouvement environnementaliste a opéré une percée avec le problème de la population -La bombe p pour reprendre la métaphore de Paul Ehrlich. Aussi bien, quelques économistes hétérodoxes se sont-ils tournés vers une position physiocratique, sous des formes certes profondément révisées, à moins qu'ils n'aient tenté de greffer l'écologie sur la science économique (par ex., Boulding 1966; Culberston 1971; NGR 1966, 1971b). Certains se sont préoccupés de la qualité de la vie plutôt que de l'abondance (Boulding 1966; Mishan 1970). Par ailleurs, une longue série d'incidents a suffisamment démontré à tout le monde que la pollution n’est pas un passe-temps des écologistes. Bien que l'épuisement des ressources se soit aussi poursuivi avec une intensité constamment accrue, c’est ordinairement un phénomène massif qui se déroule sous la surface de la terre, où nul ne peut le voir vraiment. La pollution, en revanche, est un phénomène de surface dont l'existence ne peut être ignorée, encore moins niée. Ceux parmi les économistes qui ont réagi à ces événements se sont généralement efforcés de raffermir l’idée que la rationalité économique et un mécanisme des prix justes peu- vent résoudre tous les problèmes écologiques.
Mais, curieusement, la publication récente du rapport au Club de Rome The Limits to Growth [Les Limites à la Croissance] (Meadows et al. 1972) a causé un émoi inhabituel parmi les professionnels de la science économique. En fait c’est de leurs milieux que sont venues les principales critiques de ce rapport. Si cet honneur a été pratiquement épargné à un manifeste d'un contenu semblable intitulé A Blueprint for Survival [ Changer ou Disparaître] (The Ecologist 1972), ce n'est sans doute pas parce qu'il fut signé par un groupe important de savants hautement respectés, mais parce que seul le rapport Les Limites à la Croissance utilisait des modèles analytiques du genre de ceux auxquels on a recours en économétrie et dans les travaux de simulation. Pour autant que l'on puisse en juger, c'est cet emprunt qui irrita les économistes au point de les porter à manier l'insulte directe ou voilée dans leur attaque contre le cheval de Troie. Même la revue The Economist (1972) se départit pour l'occasion de la proverbiale courtoisie britannique et, dans son éditorial intitulé « Les limites au malentendu «, stigmatisa le rapport en question comme ayant atteint « la cote d' alerte du non-sens rétrograde ». Faisant fi de la solennité d'une leçon inaugura - Beckerman (1972, p. 327) alla jusqu'à condamner cette étude comme un « échantillon effronté et impudent de non-sens émanant d'une équipe d'hurluberlus du MIT «(…)

Enfin, et c' est le point le plus important, il est indiscutable que, ces années dernières, les économistes, hormis quelques auteurs isolés, ont toujours souffert de la manie de la croissance (Mishan 1970, chap. l « Growthmania «). Les systèmes et les plans économiques ont toujours été évalués en fonction seulement de leur capacité à soutenir un taux élevé de croissance économique. Tous les plans économiques, sans aucune exception, ont visé le taux de croissance économique le plus haut possible. Il n'est pas jusqu'à la théorie même du développement économique qui ne soit solidement amarrée aux modèles de croissance exponentielle. Mais lorsque les auteurs des Limites utilisent aussi l'hypothèse de la croissance exponentielle, c’est le tollé chez les économistes qui crient au scandale! (Beckerman1972,'pp. 332 et ss ; Bray 1972,13 ; Kay- sen 1972, p. 661; Knesse et Ridker 1972; Solow, pp. 42 et ss ; Banque mondiale 1972, pp. 58 et ss.) Le plus curieux est que, parallèlement, certains de ces critiques soutenaient que la croissance de la technologie est exponentielle (section VJ). D'autres, tout en admettant que, en fin de compte, la croissance économique ne peut se poursuivre indéfiniment au taux actuel, avancèrent l'idée qu'elle pourrait se poursuivre à des taux moins élevés (Solow 1973, p. 666).
De l'examen de cette critique singulière, on retire l'impression que, dans leurs objections, les professionnels de la science économique ont illustré l'adage latin Quod licet Jovi non licet bovi -ce qui est permis à Zeus ne l'est pas à un bœuf. Quoi qu'il en soit, la science économique dominante ne se remettra qu'avec difficulté du spectacle qu'elle a donné de ses propres faiblesses dans ses efforts d'autodéfense.
En dehors de ces milieux, le rapport en question a été accueilli avec passablement d'intérêt, en tout cas non point avec des sarcasmes. Le jugement le plus équitable porté à son endroit est que, en dépit de ses imperfections, « il n'est pas frivole «. Certes, sa présentation plutôt défectueuse trahit la précipitation qui a présidé à son lancement publicitaire prématuré (Gillette 1972). Mais il s'est même trouvé quelques économistes pour reconnaître le mérite que ce rapport a eu à souligner les conséquences lointaines de la pollution (Banque mondiale 1972, pp. 58 et ss). Cette étude a aussi mis en évidence l'importance de la durée dans le cours réel des événements (Meadows et al. 1972, p. 183) -problème souvent relevé dans les sciences de la nature (Hibbert 1968, p. 144 ; LOvering1969, p. 131) mais généralement négligé par les économistes (NGR 1971b, pp. 273). En effet nous avons besoin d'un certain laps de temps non seulement pour accéder à un plus haut niveau de croissance économique, mais encore pour descendre à un niveau inférieur.
Il n'en reste pas moins que la conclusion partout diffusée selon laquelle un maximum de cent ans séparerait l'humanité d'une catastrophe écologique (Meadows et al. 1972, p. 23 et passim) manque d'assise scientifique solide.
Nous n'avons guère la place de discuter le schéma général de relations postulé dans les diverses simulations envisagées par ce rapport. Relevons toutefois que les formes quantitatives de ces relations n'ont été soumises à aucune vérification empirique. Au surplus en raison même de leur nature rigide, les modèles arithmomorphiques utilisés sont incapables de prédire les changements évolutifs qui peuvent affecter ces relations dans le cours du temps. La prédiction, qui évoque la fameuse peur de la fin du monde de l'an mil n'a rien à voir avec tout ce que nous savons sur l'évolution biologique. Rien n'indique que, parmi toutes les espèces, l'espèce humaine doive entrer brusquement dans un bref coma. Sa fin ne se profile même pas sur un lointain horizon et, lorsqu'elle viendra, ce ne sera qu'après une très longue série de crises subreptices et prolongées. Néanmoins, comme le remarque Silk (1972), ce serait folie d'ignorer les avertissements généraux que comporte ce rapport au sujet de la croissance de la population, de la pollution et de l'épuisement des ressources, Car en vérité, n'importe lequel de ces facteurs est susceptible d'entraîner un essoufflement de l'économie mondiale.
Certains critiques n'ont pas manqué de réduire la portée des Limites, coupable selon eux d'avoir utilisé un appareil analytique à seule fin d'illustrer une tautologie inintéressante, à savoir qu'une croissance exponentielle indéfinie dans un environnement fini est impossible (Beckerman 1972, pp. 333 et ss ; Kaysen 1972, p. 661; Solow 1973, p. 42 et ss; Banque mondIale 1972, p. 55). L'accusation est fondée, mais en apparence seulement; car il s'agit bien de l'un de ces cas où l’évidence doit être rappelée pour avoir longtemps été ignorée. Toutefois, la faute la plus grave commise par les auteurs des Limites a été d'occulter la plus grande partie de l'évidence en concentrant leur attention exclusivement sur la croissance exponentielle, comme l'on fait Malthus et presque tous les autres environnementalistes.

 On entend ici par changement de paradigme, l’émergence d’un nouveau modèle théorique de pensée qui sous-tend et oriente la recherche, la réflexion et l’action.
 Cf. Michel Fabre, Penser la formation, PUF 1994
 ibid.
 Réseau agriculture durable
 Astofi, L’école pour apprendre, ESF
 J.P. Astolfi, op. cit
 Michel Fabre, colloque Agriculture durable, Caen 1999
 A M. Ducroux, Les nouveaux utopistes du développement durable, Autrement, 2002
 Michel Fabre, Agriculture durable : quelle pédagogie, in Actes du Séminaire « Agriculture durable et enseignement agricole en Basse Normandie, Caen 1999 DRAF, SRFD
 « Une pédagogie de l’esprit critique impose un modèle « socratique » de l’enseignement. Avant de savoir si la vertu peut s’enseigner disait Socrate, il faut d’abord savoir ce qu’est la vertu. Il faut donc remonter aux questions décisives, aux questions fondamentales, quand on examine les modèles, les solutions » Fabre op.ct.
 cf, Chollet, Fleury, Le Clanche et Petermann, Mettre en œuvre le module EATC, Educagri, 2001 p.33
 cf. Michel Fabre, Situations problèmes et savoir scolaire, PUF, 1999
 cf Mettre en œuvre le module EATC op. cit.
 M. Fabre, auteur de Situations-problèmes et savoir scolaire, pUF, 1999
 Labelliser au sens de la psycho cognitive : poser à bon escient un concept sur une situation
 cf. O Clément, formation Cempama, nov.2001
 et un conflit de logiques entre logique des processus naturels et logique du raisonnement éco (voir R Passet)
 la temporalité du « devenir naturel de nos objets techniques » comme disent La Tour ou Larrère
 « le battement d'aile d'un papillon peut provoquer une perturbation suffisante pour créer une tornade n'importe où ailleurs dans le monde » ; métaphore du météorologue Edward Lorenz
 au sens de la pensée occidentale depuis le XVIII° siècle
 (On pourrait présenter cela autrement en disant qu’il y a deux finalités: la stabilité écologique et la qualité de la vie humaine)
 On est passé dans la conception du monde d’un paradigme mécaniste (modèle de l’horloge) à un paradigme thermodynamique (modèle de la machine à vapeur) puis au paradigme de la « destruction créatrice » (théorie du chaos : singularité du micro événement, point critique)

 cf. Les inventeurs du concepts : Mathis Wackernagel et William Rees. « Notre empreinte écologique » Editions Ecosociété, 1999. Pour une découverte rapide du concept : « Le dépassement des limites de la planète » in L’Ecologiste, n° 8, Oct 2002, Vol. 3 n°2, pp 31-36
 cf. WWF France, Communication au ministère de l’Ecologique et du Développement Durable
 Les résultats de cette étude seront publiés dans le prochain n° de la revue "éducation relative à l'environnement, regards, recherches, réflexions" à paraître au printemps 2003. L'étude a été menée par le Groupe de Recherche en éducation relative à l'environnement de l'Université du Québec à Montréal.
 D'après Mathis Wackernagel et William Rees « Notre empreinte écologique » Editions Ecosociété, 1999.
 Rénate Husseini, Christian Brodagh "Glossaire des outils économiques de l'environnement" - Ecole des Mines / Agora21, 2000, p5
 cf. "Mettre en œuvre le module EATC en classe de seconde" P. Chollet, B. Fleury, J-F Le Clanche, P. Petemann, p 16
 Jean ZIN "La démocratie à venir" in EcoRev' n°2 Août 2000
 « Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit » G.Bachelard, la formation de l’esprit scientifique, paris, Vrin, 7ème édition, page 14.
 G.Azoulay, les théories du développement, P.U.R, Rennes 2002- pages 27, 28
 Pour Khun, plus une science est jeune, plus le nombre de paradigmes en compétition est important. Un paradigme peut entrer en crise s’il apparaît des sphères «d’anormalités » dans le paradigme établi, si ces sphères remettent en cause les postulats de base sur lesquels s’est construit ce paradigme, s’il y a permanence de l’existence de ces sphères.
 « L’économie n’a jamais été aussi grande que lorsqu’elle a su associer une construction théorique, une conception de l’homme, une vision du monde » R.Passet, l’économique et le vivant, économica Paris 1996, page XII.
 Par exemple de la physique newtonienne (le monde en équilibre, le monde mécanique, le modèle de l’horloge) aux théories de la thermodynamique de S.Carnot (le monde vu comme une lutte perpétuelle contre la dégradation de l’énergie, un monde luttant contre sa mort thermique)
 R.Passet, op.cit. page XXII
 G.Azoulay, op.cit. page 31
 Rostow est un des pères de l’analyse du développement. W.W Rostow, Les étapes de la croissance économique : un manifeste non communiste, Paris, Le Seuil, 1970
 G.Azoulay, op.cit, page32
 J.B.Say, Cours d’économie politique pratique, Bruxelles, 3ème édition, page 36
 R.Passet, op.cit, page XVI
 R.Passet, op.cit, page XVI
 W.Beckerman, economist, scientist and environnemental catastrophs, Oxford, Econom.Paper, nov 1972
 G.Azoulay, op.cit, page 39
 Solow, The economic growth controversy, Macmillan, Londres, 1973, page 39-61
 Carré, Dubois, Malinvaud, Abrégé de la croissance française, Paris, Le seuil, 1983
 Georgescu-Roegen, La décroissance, entropie – écologie - environnement, Sang de la terre, Paris 1995, page 61
 « Grâce au mémoire de Carnot, le fait élémentaire que la chaleur s’écoule par elle-même du corps le plus chaud au corps le plus froid a acquis une place parmi les vérités de la physique. Une fois que la chaleur d’un système clos s’est diffusée au point que la température est devenue uniforme dans le système, la diffusion de la chaleur ne peut être inversée sans intervention externe. L’énergie libre d’un système clos se dégrade continuellement et irrévocablement en énergie liée (l’énergie utilisable est continuellement transformée en énergie inutilisable). C’est la loi de l’entropie : l’univers comme tout système clos voit son entropie augmenter continuellement vers un maximum. L’ordre du système se transforme continuellement en désordre, pour maintenir l’ordre il faut un apport continuel d’énergie. Le destin ultime de l’univers n’est pas la mort thermique mais un état plus désespérant le chaos. » Georgescu-Roegen, op.cit. extraits chapitre I, II.
 Georgescu-Roegen, op.cit. extraits chapitre I, II.
 Georgescu-Roegen, op.cit. extraits chapitre I, II.
 Marx, le capital, L.1, ch XV, 10 : « grande industrie et agriculture ». Les lettres de Marx et d’Engels marquent leur connaissance précise des travaux de la thermodynamique et leur vif intérêt pour ce domaine : ils définissent la force de travail comme un potentiel d’énergie qui s’épuise et se reconstitue par l’alimentation
 Meadows et al. Halte à la croissance ?, Fayard, coll. «écologie » paris 1972
 R.Passet, op.cit, page 5
 « Le processus de développement est alors une transformation sociale globale de la société, au sens où tous les aspects de la vie sociale sont concernés. L’amélioration des conditions d’existence, des revenus, leur juste répartition, un haut niveau d’emploi représentent des objectifs éco. A eux seuls ils ne peuvent permettre d’atteindre ces objectifs. Les comportements individuels et sociaux, les fondements culturels d’une société, ses valeurs, ses structures sociales, institutionnelles et politiques constituent des éléments décisifs de ce processus de transformation sociale, éléments qui influent et sont modifiés par lui » G. Azoulay, op. cit. page 34
 Le Club de Rome montre que notre croissance est insoutenable dans une planète aux ressources limitées, une croissance zéro est la seule solution sous peine d’une crise énergétique et alimentaire sans précédent, il préconise également une redistribution des richesses fortes entre les nations.
 R.Passet, op.cit., page XX
 R.Passet, op.cit., page XVII
 Théorie de l’entrepreneur innovateur 1912, théorie de l’évolution du système (processus de destruction créatrice) 1942
 R.Passet, op.cit, page XIX
 Nom caractérisant les tenants de l’émergence de ce nouveau paradigme.
 G.Azoulay, op.cit, page 317
 R.Passet, op.cit., extraits pages 229-231
 Cette colonne est à titre indicatif. Le classement de certains auteurs dans une colonne peut être contestable, notamment pour Marx et Engels dont le richesse de l’œuvre relève aussi de la destruction créatrice, néanmoins le processus d’autodestruction du capitalisme semble relever du processus de la dégradation entropique.
 Jean Louis Michelot - Gestion patrimoniale des milieux naturels fluviaux – Guide technique
 Ce cas est une reconstitution, un condensé d’évènements. Nous ne disposons pas d’un continuum de ce type sur une même étude de cas, mais nous avons des évolutions partielles sur des sujets différents (les péripéties de chaque étape n’ont pas été inventées, mais repérées dans des situations réelles, l’étape 1 est reprise d’un compte rendu d’expérience). L’idée nous est donc venue de rassembler tous ces matériaux disparates en reconstituant un cas « proto-typique », (une « fiction éducative ») que nous utilisons en formation comme matériau d’analyse des changements à opérer
 Ce n’est qu’à cette étape qu’ils réalisent qu’ils ont négligé le travail sur les textes fondateurs et sur le contexte historique d’émergence du concept. Ils ont mal évalué la spécificité des PNR par rapport aux PNN (ayant autrefois travaillé sur un PNN, ils ont généralisé leurs acquis sur le PNR
 puisque les solutions amènent à combiner (ou à choisir entre) des mesures de préservation et des mesures visant le développement économique.
 Les sous-systèmes sont : système de production, d’information, de décision, social, de production de ressources monétaires.
 Cette grille est une évolution de la grille présentée au chapitre 4 de ce dossier
 Cette grille est une évolution de la grille présentée au chapitre 4 de ce dossier
 Chez l’expert la mobilisation de ces critères de jugement et rapide est pratiquement inconsciente, si bien qu’il a du mal à livrer les clés de son expertise
 dans les 2 cas il y a fièvre, abattement, maux de tête et courbatures
 et les « bons » apprentis, sur le terrain en observant l’expert, finissent par se les approprier par tâtonnement sans qu’aucun enseignement explicite ait été fait sur le sujet…. (pas de savoir déclaratif). Le mauvais apprenti n’arrivera jamais à les identifier…
 ça, c’est sa présentation « encyclopédique » ou « propositionnelle »

 Martin Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1963. Hans Jona, Le principe de responsabilité, Paris, Cerf
 Michel Serres, Le contrat naturel.
cf.. Gervais, Jolivet, Tavernier, La fin de la France paysanne, Histoire de la France rurale, 4° tome, G. Duby, A Wallon, dir.
Cf. J. P. Billaud in Environnement et nature dans les campagnes, N. Croix ed. PUR, Rennes 1999
A Claude Cellier, Dominique Royer, Joël Morlet, Le cas Pohlmann, in revue POUR, Agriculture, nature, environnement N° 143, 1994.
 R.Passet, op cit, extraits page 1 à 10
 Voir R. Passet, « Une Science tronquée », Le Monde, 12janvier 1971; -« L'Economique et le Vivant », article publié dans les Mélanges offerts à A. Garrigou Lagrange, B. Drouillard, 1974; repris et développé sous le même titre dans Revue Economique du Sud-Ouest, n° I, 1975.
 Selon la célèbre définition de L. Robbins, pour qui l'économique a pour objet d'étudier « le comportement humain en tant que relation entre les fins et moyens rares à usages alternatifs ». Essai sur la nature et la signification de la science économique. Trad. française Médicis, 1940, p.30.
 H. Laborit: « Ce terme ne fait appel à aucun finalisme dans le sens philosophique. Son contenu sémantique découle de l'application des lois cybernétiques. Un effecteur, c'est-à-dire tout mécanisme assurant la réalisation d'une action, d'un effet, est orienté vers un but, car il a été programmé de façon à l'atteindre. L'œil est fait de telle façon qu'il participe au phénomène de la vision. Pittendright remplace le terme de finalité par celui de "téléonomie" repris par J. Monod pour désigner l'action des systèmes opérant sur les bases d'un programme, d'une information codée » (La Nouvelle Grille, R. Laffont, 1974, p. 41).
 Un système est dit ouvert lorsqu'il « échange avec le milieu, de la matière, de l'énergie ou de l'information » (J. Robin, De la Croissance Economique au développement humain, Seuil, 1975, p.75).
 Etymologiquement, le mot « biosphère » semble désigner exclusivement la sphère du vivant. Cependant, si nous en croyons les définitions proposées par l'écologie, nous pouvons considérer qu'elle englobe également l'inanimé. Pour Dajoz, par exemple (Précis d'Ecologie, Dunod, 1974) :
 Nous pensons plus particulièrement à la science néo-classique ou néo-libérale dominante dans notre région du monde mais nous verrons aussi que la science marxiste (surtout dans l'interprétation qu'en ont faite ses héritiers) n'échappe pas à ce jugement
 Je n'aurais probablement pas osé entreprendre cette tâche si je ne m'étais trouvé pendant dix ans, grâce au « Groupe des Dix », créé et animé par le Docteur Jacques Robin, à l'école de quelques-uns des meilleurs spécialistes des différentes disciplines qu'il me fallait aborder. Je dois à J. Robin (lui-même auteur d'un ouvrage stimulant intitulé De la croissance économique au développement humain, Seuil, 1975, suivi un peu plus tard, du très remarquable Changer d'ère, Seuil, 1989), de nombreux conseils, critiques et suggestions. Qu'il me soit permis d'exprimer également une reconnaissance particulière à H. Laborit (aujourd'hui disparu) dont les ouvrages et l'amitié ont été mes meilleurs guides dans le domaine de la biologie qu'il honore de ses travaux. Mais je ne suis évidemment pas certain d'avoir convenablement surmonté toutes les difficultés qui se présentaient à moi et mes amis, à qui je dois une bonne part de mon faible savoir, ne sauraient partager la responsabilité de mes lacunes ou de mes erreurs.
 G.Roegen, op.cit, extraits p 104-109








Cempama - Quelle pédagogie pour le développement durable ?



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Interactions avec l’environnement socio-économique, le milieu naturel

Système opérant

Système de décision

Système d’information

Système social

Système de production de ressources monétaires

Système de production

Organisation technique

EMBED MSPhotoEd.3

Répertoire d'arguments pour le débat

Critères d'évaluation des possibles

Contraintes
pour un projet