JGK_f_Museum_.doc - Schlossmuseum Nidau
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Lorsque le plan d'eau de l'Aar était très haut, la Thielle refluait même dans le ....
de la correction des eaux du Jura avaient engagé un ingénieur de renommé
mondiale. ... eaux touchait cinq cantons : Berne, Fribourg, Neuchâtel, Soleure et
Vaud.
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Contenu
Salutations page 2
« Kulturspur » empreintes culturelles page 3
Epoques glaciaires page 4
Les premiers colons page 5
Moyen Age page 6
Origine des inondations page 7
Premiers projets de correction page 8
La correction de la Linth pour modèle page 9
Johann Rudolf Schneider : le sauveur du Seeland page 10
Le projet de la première correction des eaux du Jura page 11
Arrêté fédéral page 12
Le canal de Hagneck page 13
Du marécage infesté au jardin potager page 14
Lélectricité à large échelle page 15
Le barrage régulateur de Port page 16
Linondation de 1944 page 17
Causes des nouvelles inondations page 18
Deuxième correction des eaux du Jura page 19
Des lacs régularisés page 20
Les stations lacustres page 21
Les marais ou lhomme page 22
Lavenir du Seeland page 23
Du marais infesté au jardin potager
Le Seeland au fil du temps
Chère visiteuse, cher visiteur,
Le Seeland na pas toujours aussi vert et aussi fertile quà présent. Des générations durant, la région des trois lacs jurassiens a été affligé par des inondations catastrophiques. Les crues anéantissaient des récoltes, emportaient des ponts et inondaient maisons et étables. Pendant longtemps, lhomme était livré à la merci de ces masses deau. Limpact du climat et de la situation géographique sur lhéritage culturel est donc bien plus prononcé dans le Seeland quailleurs en Suisse.
La correction des eaux du Jura a permis denrayer le risque dinondations. Grâce à cette réalisation, ce pays naguère infertile sest transformé en un terroir fructueux et florissant. La correction des eaux du Jura est aussi symbolique de la force de quelques hommes, qui croyaient à leur visions et ne se laissaient pas déconcerter par des querelles politiques, des intrigues ou un prétendu manque de finances, et qui ont réussis à simposer. Parallèlement, ce projet donnait à la jeune Confédération de 1848 la possibilité de mettre en évidence ses propres atouts, que cela soit par son intervention comme instance médiatrice ou par les subsides financiers consentis.
Au travers de cette exposition sur la correction des eaux du Jura, nous souhaitons vous présenter une vue densemble concernant les créateurs, louvrage et ses constructions et ses incidences sur lhomme et la nature. Nous désirons vous informer des causes des inondations et de la manière dont la correction des eaux a été planifiée et exécutée. Il a été impossible de traiter en détail toutes les facettes de cette uvre. Vous trouverez donc au sein de lexposition des références à des projets dautres organisations ou à une littérature ciblée. Cette exposition sera continuellement complétée : dans le cadre dexpositions thématiques, nous vous présenterons à lavenir des projets et des personnalités dimportance.
Au nom de lAssociation «Schlossverein Nidau », jadresse mes remerciements chaleureux à toutes les donatrices et tous les donateurs, ainsi quaux collaboratrices et collaborateurs, de nous avoir accordé leur précieux soutien lors de la réalisation de cette exposition consacrée à la correction des eaux du Jura.
Je vous souhaite une visite aussi agréable quinstructive.
Que la correction des eaux du Jura et leurs créateurs restent à jamais gravés dans notre mémoire.
Nidau, en octobre 2004 Werner Könitzer
Préfet de Nidau et
Président de lAssociation « Schlossverein Nidau » (VSMN)
« Kulturspur » empreintes culturelles
Les objets témoignant des époques révolues se trouvent souvent enfermés entre les murs dun bâtiment ou dans une vitrine. Tout autre est le « tracé culturel » qui nous emmène dans un voyage à travers le paysage et le temps pour nous guider directement vers les empreintes que lintervention de lhomme a laissées dans la nature. De nombreuses découvertes fascinantes nous sont proposées. Cette recherche de traces du passé nous fait vivre en direct de quelle manière un paysage originel a été transformé et aménagé en paysage de culture exploité par lhomme.
La correction des eaux du Jura, dont les effets ont profondément changé lhabitat, sera expliquée et documentée au cours de haltes dans neuf différentes stations. Les constructions mais aussi des éléments caractéristiques du paysage font appel à tous nos sens et peuvent être visités dans leur contexte historique.
Kulturspur vous propose dautres excursions similaires, telles que « Traces de chemins autour de Busswil », « Les moulins du Seeland » ou « Informations sur le Seeland ».Dimensions temporelles
Lhistoire de lhomme se compte par milliers dannées. Tout autre lhistoire dun paysage : elle se mesure en millions dannées. A lendroit où les trois grands lacs jurassiens et le Grand Marais marquent aujourdhui le paysage sétendait autrefois, il y a plusieurs millions dannées, une mer. Plus tard, le plissement des Alpes et du Jura souleva les terres, des vallées se creusèrent et les rivières cherchèrent leur lit à travers le bassin central de la Suisse. Aujourdhui encore, la formation géologique du paysage ne sarrête pas; les forces tectoniques et érosives poursuivent sans cesse leur uvre et créent montagnes et vallées : en ce moment-même, du sable et de la glaise se déposent dans le delta de lAar près de Hagneck.
Epoques glaciaires
Le Seeland doit son aspect actuel principalement aux quatre dernières époques glaciaires. Le glacier du Rhône savança à chaque fois loin dans le bassin central et couvrit de glace lactuel Seeland. Lors de sa dernière poussée, le glacier accumula près de Wangen sur lAar une grande moraine terminale. Celle-ci retint leau de lAar et de ses affluents ainsi que leau de fonte provenant du glacier qui se retirait lentement.
Du lac de Soleure aux trois grands lacs
Leau accumulée par la moraine terminale forma le lac de Soleure qui étendait sur plus de 100 km. Il sétirait jusque dans la région de La Sarraz. Vers 15000 av. J.-C., le grand lac avait atteint son niveau le plus élevé. Vers 11000 av. J.-C., les masses deau retenues rompirent la digue glaciaire et le lac de Soleure sécoula. Il en reste les lacs de Morat, de Neuchâtel et de Bienne. Le niveau de leurs plans deau a baissé temporairement au-dessous de la cote actuelle.Les premiers colons
Suite au retrait des glaciers, une végétation dense et sauvage couvrait le bassin central. Lorsque, en 8000 av. J.-C., des chasseurs et pêcheurs nomades parcouraient le Seeland, de larges parties du Grand Marais étaient déjà sèches. Des forêts de feuillus et de conifères longeaient les rives des trois lacs jurassiens.
A lâge de la pierre, des paysans sédentaires succédèrent aux nomades. Avec leurs outils primitifs, ils déboisèrent la forêt sauvage et construisirent pour la première fois des habitats durables : les stations lacustres.
LAar rebelle
Dans la région où se situe aujourdhui Aarberg, la pente de lAar diminuait nettement. Les matériaux charriés par la rivière se déposaient et bouchaient le lit du fleuve. Vers 5000 av. J.-C., lAar quitta dès lors son ancien lit et coula dorénavant vers louest où elle se jeta dans le lac de Neuchâtel. Ce faisant, les eaux de lAar traversaient en un fleuve large et paresseux le Grand Marais, générant de graves inondations. Les niveaux des lacs croissants constituaient une menace permanente pour les habitations. Des crues ultérieures dévièrent de nouveau le cours de lAar près dAarberg. Durant près de 1000 ans, elle changea périodiquement de direction. Vraisemblablement, elle continuait même par la suite à séchapper de temps à autre de son lit habituel.
La période romaine
Quand les Romains colonisèrent le Seeland, la plupart des terres étaient sèches et accessibles. La moyenne du niveau des lacs jurassiens était même plus basse quavant la première correction des eaux du Jura. Un réseau serré de routes couvrit le Grand Marais et un canal rattacha Aventicum (Avenches) à Morat. Le château et la ville de Nidau
Les nombreux châteaux moyenâgeux et la fondation de nombreuses villes de la région portent à croire que les niveaux deau étaient généralement bas. La fondation du château et de la ville de Nidau datent aussi du Moyen Age. En 1140, les contes de Neuchâtel avaient bâti un premier château. Au 13e siècle, la construction initiale en bois fut remplacée par des bâtisses en pierre. Les hauts murs de cette forteresse deau difficilement prenable se voyaient loin à la ronde et en imposaient à plus dun. Au sud du château, à proximité immédiate de Bienne, qui appartenait à lévêché de Bâle, se développa la ville de Nidau. En 1338, elle fut agrandie et entourée dune enceinte.
«Il a chargé pour Soleure»
Sis à la périphérie nord du réseau de routes de lancien canton de Berne, Nidau jouait un rôle important en tant que lieu de manutention et de transbordement de marchandises. Avant la correction des eaux du Jura, la Thielle passait directement au pied du château. Sur le pont, les marchandises étaient transbordées depuis les chalands à voiles sur des « weidlings », barges à fond plat, pour continuer la route par voie fluviale, ou sur des chars pour le transport par voie terrestre. Jusque tard dans le 19e siècle, la voie deau sur les lacs jurassiens faisait partie dune route marchande importante qui reliait la région méditerranéenne avec les villes marchandes allemandes. Outre le grain et le sel, les bateaux transportent aussi du vin. Bien de matelots ne résistaient pas à la tentation de goûter en route de ces bons crus et remplaçaient le vin soutiré par de leau. Jusquà ce jour, lexpression «Il a chargé pour Soleure» a encore cours pour désigner une personne éméchée.La marée arrive
Au milieu du dernier millénaire, le niveau deau commença à monter de manière inquiétante. Les marais sétendirent. La misère et la faim menaçaient lexistence des hommes dans la région des trois lacs.
Diverses chroniques mentionnent déjà une première inondation grave en lan 1318. Léopold de Habsbourg assiégeait à lépoque la ville de Soleure. Cest alors quune puissante crue arracha le pont sur lequel se trouvaient les occupants habsbourgeois. De nombreux soldats, enfermés dans leurs lourdes cuirasses, tombèrent la tète en première dans les flots déchaînés. Les habitants de Soleure les repêchèrent, ce qui aurait incité le duc Léopold à faire la paix avec Soleure. En 1472, aussi bien le pont dAarberg que celui de Büren furent emportés par les flots.
Au milieu du 16e siècle, la situation saggrava. Toute la Suisse fut frappée par les inondations, et en particulier le Seeland. Les chroniques évoquent les crues sévères des années 1550, 1555 et 1556. Des récoltes furent anéanties, des bâtisses inondées, les habitants démunis de leurs biens ; le Grand Marais se transforma en marécages, la fièvre des marais (malaria) et dautres maladies endémiques se propagèrent.
Origine des inondations
LAar avait emporté dans ses eaux des charges de matériaux provenant de la Sarine, de la Zulg, de la Kander et dinnombrables autres torrents. Elle les entassa dans la région entre Lyss et Büren. Cet éventail dalluvions barra la route à la Thielle inférieure. Leau du lac de Bienne ne put plus guère sécouler. Lorsque le plan deau de lAar était très haut, la Thielle refluait même dans le lac de Bienne.
Le cône de matériaux charriés qui sétait formé à Luterbach, près de Soleure, où lEmme se déverse dans lAar, engorgea le fleuve en amont.
Afin de pouvoir nourrir une population croissante, les paysans utilisaient de plus en plus de zones inappropriées à lagriculture. En cas dinondation, ils étaient donc les premiers à perdre leur maison et leurs biens.
Toujours plus de forêts avaient été coupées et donnaient prise à lérosion du sol. Cest pourquoi les rivières charriaient de plus de plus de sable et de gravierPremières mesures de précaution
Lorsque, en août 1480, après à une pluie diluvienne, les Seelandais avaient été obligés de se réfugier sur des arbres, les prêtres cherchèrent à implorer et à amadouer la marée par force prières.
Mais il fallut attendre les inondations record de 1651 pour voir les autorités arrachées de leur indifférence. La rétention des eaux de lAar entre le lac de Bienne et Soleure formait alors un immense lac, tel un lac de Soleure ressuscité. A partir de 1652, des mesures préventives ciblées contre les inondations furent envisagées. Afin daccélérer le débit découlement de leau, le gouvernement bernois ordonna en 1674 dévacuer du lit de la Thielle, près de Brügg, un banc de gravier et de raser la traverse dun moulin.
De lan 1652 jusquau projet décisif de Richard La Nicca en 1842, 190 longues années devaient encore sécouler où maints hectares de précieuses terres cultivées retombaient en friche, maints habitants perdirent maison et biens et payèrent ces tergiversation, parfois au prix de leur vie. Des douzaines de projets avaient été élaborés et finalement rejetés, classés ou simplement voués à loubli.
Premières projets de correction
Samuel Bodmer (16521724), géologue et lieutenant dartillerie bernois, proposa en 1707 de percer le coude de lAar près de Büren afin daccélérer le tirant et donc lécoulement deau.
En 1749, Anthoni Benjamin Tillier (17091759), major dartillerie bernois, ordonna dévacuer les dépôts de galets du lit de la Thielle près de Nidau et de Brügg et deffectuer des travaux de correction dans celui de lAar.
Le premier à reconnaître le problème de la rétention de la Thielle fut le contremaître Niklaus Hebler (17281796). Il expliqua comment la rivière refluait lors des crues dans le lac de Bienne. En 1775, il défendit un projet prévoyant dimportants travaux de correction sur lAar et la Thielle. Hebler envisageait de faire dévier lembouchure de la Thielle plus en aval.
Dans les années 1780, Andreas Lanz (17401803), capitaine dartillerie bernois, considéra à son tour la solution dune dérivation de lAar dans le lac de Bienne.
Leau cherche son propre lit
Durant la révolution française et loccupation française de la Suisse, laffaire navança pas. Il en allait autrement des eaux de la région: elles ne tenaient aucunement compte des discordes humaines et continuaient de jaillir et de courir gaiement à travers les plaines du Seeland, ne connaissant aucune limite, entraînant habitations et bêtes, ne laissant derrière elles que pauvreté et misère. La correction de la Linth pour modèle
Le gouvernement bernois sous le régime de la Restauration sétait laissé encourager par la correction réussie des eaux de la Linth entreprise dans les années1807 à 1816. Il chargea Johann Gottfried Tulla (17701828), directeur des travaux hydrologiques et Grand-Duc de Bade, qui avait déjà planifié la correction de la Linth, de trouver également une solution pour les eaux du Jura. Tulla recommanda expressément au gouvernement bernois de planifier une correction globale en commun avec les autres cantons touchés par le problème.
Du sujet au citoyen
Malgré les inondations désastreuses de 1831 et de 1832, le projet navançait pas. Donc, il fallait agir. La constellation politique était favorable car les idées démocratiques de la révolution française tout comme la constitution bernoise de 1831 remplissaient les citoyens dune nouvelle assurance. Ils nétaient plus des sujets dépendant pour le meilleur et le pire de la bonne volonté dun Etat autoritaire.Johann Rudolf Schneider : le sauveur du Seeland
Un Seelandais directement concerné par la question leva enfin le lièvre. Johann Rudolf Schneider (18041880), un médecin et politicien originaire de Meienried, à louest de Büren, connaissait les inondations pour en avoir subi les conséquences. Dès sa prime jeunesse, il avait vu souvent vu lélément tumultueux de lAar en crue courir à flots le long des murs de la maison paternelle.
Cest durant lexercice de sa profession de médecin à Nidau quil commença à réfléchir au sujet de la protection contre les hautes eaux. Schneider voyait un rapport entre les terribles inondations périodiques et les mauvaises conditions de santé de la population du Seeland. Suite aux inondations de 1831 et de 1832, le «Schutzverein», la société de protection de Nidau, se saisit de laffaire. Elle décida de constituer un comité sous la présidence de Johann Rudolf Schneider afin délaborer des solutions et des propositions pour maîtriser les crues.
La société de travaux préparatoires
Six ans après, le gouvernement bernois, dont Schneider faisait partie, décida de ne pas exécuter la correction des eaux sous sa propre égide, mais den laisser le soin à une société privée. Sur ce, le Conseiller dEtat Schneider fonda en date du 29 septembre 1839 une société par actions, la « Société de travaux préparatoires de la correction des eaux du Jura », et il recruta lingénieur en chef Richard La Nicca, un Grison. Celui-ci eut pour tâche délaborer pour la société de travaux préparatoires une nouvelle étude. Laudacieux projet conçu en 1841/1842 prévoyait de dériver lAar depuis Aarberg pour lamener dans le lac de Bienne. Le projet de La Nicca survécut aux longues années de disputes entre les cantons et aux divergences entre les ingénieurs hydrauliciens et hydrologues pour voir le jour, à quelques changements près, 26 ans plus tard.
Richard La Nicca
En salliant le concours de Richard La Nicca (17941883), les promoteurs de la correction des eaux du Jura avaient engagé un ingénieur de renommé mondiale. Ayant passé son enfance dans le village grison retiré de La Tenna, La Nicca avait vécu lui-même ce que des eaux sauvages sont capables de faire. Cette expérience ne le lâcha plus. Durant trente ans, il occupa un poste dingénieur en chef dans le canton des Grisons. Dans cette fonction, il construisit la route daccès vers lEngadine en passant par le col del Güglia et réalisa la correction du Rhin dans la contrée du Domleschg. Il participa en outre de manière décisive à la correction de la Linth. Le projet de la première correction des eaux du Jura
Dérivation de lAar depuis Aarberg dans le lac de Bienne par le creusage du canal de Hagneck (à cette fin, une tranchée devait être creusée à travers le « Seerücken », la crête de roche molassique adossé au lac, entre Aarberg et le lac de bienne)
Aménagement dun écoulement pour lAar, grossi par son confluent, la Thielle, hors du lac de Bienne par le creusement du canal de Nidau-Büren
Correction de la Broye-Basse entre le lac de Morat et celui de Neuchâtel (canal de la Broye)
Correction de la Thielle supérieure entre le lac de Neuchâtel et celui de Bienne (canal de la Thielle)
Travaux de redressement sur le tronçon fluvial entre Büren et lembouchure de lEmme à Luterbach près de Soleure
Travaux dassèchement dans le Grand Marais et les superficies limitrophes
Eveil pour une Suisse nouvelle
Une correction générale des eaux touchait cinq cantons : Berne, Fribourg, Neuchâtel, Soleure et Vaud. Les colonnes de Francs-Tireurs de 1844 et de 1845 ainsi que la guerre de la Ligue du Sonderburg (Ligue séparée) de 1847 avaient empoisonné le climat politique en Suisse. Une réalisation rapide du projet nétait plus possible.
Pour les cantons limitrophes, un projet denvergure de lordre 5 millions francs de lépoque eût été trop onéreux. Ainsi, le litige pour la répartition des coûts entre ces cantons avait toujours différé la correction pourtant si urgente. Schneider cherchait dès lors à faire de la correction des eaux du Jura une « affaire nationale ». Mais ce ne fut que grâce à linstauration de la nouvelle Confédération suisse en 1848 que la cause fit un pas décisif, ardemment attendu. Larticle dassistance 21 BV 1848 de la nouvelle constitution fédérale investissait les autorités fédérales de la compétence dencourager des ouvrages dintérêt national.
En tant que membre du premier Conseil national, Schneider poursuivit son engagement en faveur dune correction des eaux dans le Seeland. Grâce à son lobbyisme, la Confédération accepta dans les années 1850 de reconnaître la correction des eaux comme une affaire nationale. Sous son égide et grâce à sa participation financière généreuse, le projet onéreux de La Nicca pouvait enfin voir le jour.Arrêté fédéral
Dans les années 1850, la région des trois lacs fut affligée par des inondations particulièrement sévères. Une fois de plus des cygnes voguaient sur les prés, des chalands naviguaient entre Morat et Neuchâtel en coupant à travers champs et des nuées de mouettes changeaient de quartier quittant St-Blaise pour le Grand Marais où elles trouvaient, aux confins des surfaces inondées, une nourriture abondante.
Larrêté fédéral de 1867 concernant la correction des eaux du Jura mit fin aux renvois dont le projet avait été marqué jusqualors. Le parlement accorda une contribution fédérale de 5 millions de francs et arrêta le projet de Richard La Nicca en tant quouvrage collectif de la Confédération et des cantons de Berne, Fribourg, Neuchâtel, Soleure et Vaud.
Avec la vapeur et lacier
En 1868, les travaux liés au plus important ouvrage fluvial dans lhistoire de la Suisse furent enfin entamés.
Les Seelandais nen croyaient pas leurs yeux lorsquils voyaient arriver les machines que les ingénieurs mettaient en uvre. Sans les moyens mécaniques dun industrialisation encore à ses débuts, jamais les ingénieurs neussent pu réaliser une oeuvre de cette envergure. Outre la force musculaire, la pioche et la pelle, deux dragues à vapeur, deux grues à vapeur, 24 bateaux de transport, 122 caisses basculantes, 60 chariots roulants et deux locomotives à vapeur étaient en service. De plus, 4 kilomètres de rails avaient dû être posés.Le canal de Nidau-Büren
Grâce à la construction du canal de Nidau-Büren, dune longueur de 12 km, lémissaire du lac de Bienne pouvait être agrandi. Cet émissaire artificiel entraînait un abaissement rapide du niveau du lac. Cest pourquoi on érigea à Nidau un barrage provisoire. De 1885 à 1887, cette solution fut remplacée par un nouveau barrage à quatre passes.
Le canal de Hagneck
La tranchée de la crête molassique du « Seerücken » constituait indéniablement la pièce de résistance de la première correction des eaux du Jura. Le canal de Hagneck, sétendant sur 8 km, dut être excavé sur une longueur de 900 m et une profondeur de 34 m. Il fallait faire sauter la molasse, les autres travaux étant exécutés manuellement. Les excavations ne se faisaient toutefois pas entièrement à la pelle, les ouvriers creusaient uniquement un chenal étroit jusquà la base définitive du canal. Les eaux de lAar, amenée peu à peu dès 1878 dans son nouveau lit, emportèrent avec elles plus de deux millions de mètres cubes de matériaux, soit léquivalent de presque deux tiers de la largeur du canal, et les rejetèrent dans le lac de Bienne.
Les canaux de la Broye et de la Thielle
En parallèle à la « correction bernoise » sous la conduite de lingénieur en chef Gustav Bridel (18271884), on entama la « correction supérieure », soit le redressement et lélargissement de la Broye entre le lac de Morat et le lac de Neuchâtel, et celui de la Thielle entre le lac de Neuchâtel et le lac de Bienne.
La réception des travaux effectués dans le cadre de la correction supérieure eut lieu de manière officielle en 1886. La « correction bernoise » fut achevée en 1891. Du marécage infesté au jardin potager
Labaissement du niveau des lacs de lordre de 2,5 m et le drainage du Grand Marais avaient profondément transformé la physionomie du paysage. Tel un dos de baleine, le chemin des Païens émergeait du lac de Bienne. Son nom est attribué à une légende selon laquelle les Romains, soit les Païens, avaient gagné à pied sec lîle de St. Pierre, il y a 2000 ans déjà. Suite à labaissement du niveau du lac, lîle a été transformé en presquîle. A présent, le chemin des Païens fait partie de linventaire des marais dimportance nationale.
Sur les plats rivages, de nombreuses vestiges de stations lacustres émergèrent alors de la vase. Ces découvertes suscitèrent un grand intérêt loin au-delà des frontières.
Les ports, embarcadères et quais exigeaient des adaptations. On construisit des ponts pour remplacer les bacs traditionnels ; le chemin de fer évinça de plus en plus la navigation et des routes relièrent les villages, qui croissaient rapidement, et les fermes nouvellement construites.
La transformation de près de 350 km2 de nouvelles surfaces en lun des plus imposants jardins potagers de Suisse avait pris de nombreuses années. Les terres marécageuses avaient dû être drainées par un système de canaux ingénieux. Après lexcavation dun système de canaux intérieurs, la pose de drainages et la construction de stations de pompage, les paysans ne disposaient encore nullement de terres fertiles. Une plaine aride sallongeait sous leurs yeux, qui devait être systématiquement travaillée et améliorée par des engrais avant quon pût y cultiver grain, pommes de terre, betteraves et légumes.
Lassèchement du Grand Marais entraîna à divers endroits querelles et discorde. Jadis, la plaine avait servi de pâturages et de terres communes. La réglementation des droits de propriété constituait donc une condition primordiale pour le remaniement parcellaire consécutif. Seule la redistribution des terrains permit finalement la mise en valeur du Seeland et son réaménagement en jardin maraîcher de la Suisse. Les efforts en ont valu la peine : aujourdhui un quart des légumes consommés en Suisse provient du Grand Marais. La force qui réside dans leau
Vers la fin du 19e siècle, lélectrotechnique avait fait de tels progrès quil était possible de produire de lélectricité à large échelle au moyen de turbines et de générateurs.
Le Seeland joua un rôle décisif dans lélectrification du canton de Berne. Son usine hydroélectrique la plus importante fut mise en exploitation en juillet 1900, à Hagneck. Les eaux de lAar furent retenues dans le canal, puis leur chute libre de 9 m exploitée pour le courant. En 1903, lusine de Hagneck, sous la gestion du Nidovien Eduard Will, fusionna avec lusine de la Kander, formant plus tard les Forces motrices Bernoises (FMB).
En 1913, lusine fluviale de Kallnach qui peut, grâce à une galerie souterraine, exploiter une chute de 20 m, fut également mis en service. Le barrage régulateur de Port
Les hommes et les femmes qui habitaient et travaillaient dans la région des trois lacs jurassiens sétaient réjouis trop tôt : en 1910, une inondation record fit déborder les lacs et les eaux submergèrent le Grand Marais. Le barrage de Nidau ne put de loin pas retenir les flots, dautant moins que louvrage ne bouclait que le canal de Nidau-Büren mais non pas la Thielle.
Les cantons de Fribourg, Neuchâtel et Vaud télégraphièrent à Berne et exigèrent que lon fasse sauter le barrage. Kurt Könitzer, à lépoque chef des travaux publics bernois, renvoya un message des plus brefs, au propre comme au figuré : «Pas dexplosion (sous-entendu : de zèle) !»
Non, on na pas fait sauter le barrage, mais il fallait durgence trouver une solution. De 1911 à 1915, lancienne bâtisse fut donc transformée en barrage-vannes permettant plus de souplesse. Lactuel barrage régulateur de Port a été construit entre 1936 et 1939 en tant que mesure anticipée préparant la deuxième correction des eaux du Jura et il constitue toujours la pièce majeure de lensemble des travaux de correction effectués aux 20e siècle.Linondation de 1944
En1944, la région fut affligée dune inondation catastrophique, la plus lourde depuis lachèvement des travaux de la première correction des eaux du Jura. Un arrêt de föhn au mois de novembre avait entraîné une fonte des neiges prématurée. Lorsquune pluie persistante sy ajouta, la situation tournait au chaos. LAar enfla énormément, tout comme la Sarine, qui détruisit une digue près de Wileroltigen et inonda les environs.
Le 24 novembre, 1500m3/sec. deau se déversaient à Hagneck dans le lac de Bienne. Le barrage de Port navait quune capacité de 700m3/sec.. 800m3/sec. coulaient donc dans le lac de Bienne et refluaient par le canal de la Thielle dans le lac de Neuchâtel aussi.
Le village fribourgeois «Le Rondet», sis au bords de la Broye, était également gravement frappé et leau atteignit localement la cote de 1,7 m.
Cette catastrophe anéantit une grande partie de la récolte de betteraves. Comme leau stagna par endroits des semaines durant, puis gela sur place, le reste des cultures subit également dénormes dégâts. Les dommages constatés dans la région des cinq cantons touchés par les eaux du Jura se chiffraient à 1,5 millions de francs.
La courte période de prospérité que la première correction des eaux du Jura avait ménagée à la région trouva une fin abrupte. Les dévastations de 1944 étaient à présent régulièrement suivies par dautres, comme en 1948, 1950, 1952, 1953 et 1955.
A lévidence, la grande uvre de Johann Rudolf Schneider et de Richard La Nicca nétait pas achevée et de larges contrées du Seeland risquaient à nouveau de se transformer en marécages. Causes des nouvelles inondations
A cause du drainage et de la culture, les sols en tourbe poreuse nabsorbaient plus assez deau. Les nouvelles terres se comprimaient et saffaissaient, à certains endroits de plus dun mètre.
Lancien barrage près de Nidau ne donnait pas satisfaction en cas dinondation. La situation ne changea quavec la mise en service du nouveau barrage régulateur de Port en 1939.
A lencontre de larrêté fédéral de 1867, la correction de lAar entre Büren et lembouchure de lEmme navait pas été exécutée.
Les agriculteurs se croyaient en sécurité, convaincus que lépoque des inondations était définitivement révolue. Ils exploitaient donc des terrains sis à des niveaux toujours plus bas ainsi que danciens rivages de lacs. Les inondations récurrentes contrecarraient cependant leurs projets.
La Confédération est de la partie
En 1952, les cantons soumirent au Conseil fédéral un projet pour de nouveaux travaux de correction. Les cantons et la Confédération ne tombèrent cependant pas daccord sur la répartition des charges. Les cantons exigeaient des subsides plus substantiels. Pour finir, la Confédération assura aux cantons quelle assumerait 50 pour cent des coûts qui étaient devisés à 98 millions de francs. Le dépassement du budget - les travaux se chiffraient finalement à 152 millions de francs sexpliquait surtout par un renchérissement considérable.Robert Müller
La deuxième correction des eaux du Jura avait été dirigée par Robert Müller (19081987), originaire de Baden. De 1938 à 1956, Müller fut le chef du département hydraulique du Laboratoire de Recherches en la matière, affilié à lEcole Polytechnique. En 1947, le Conseil fédéral le nomma professeur extraordinaire de lhydraulique. A lâge de 48 ans, on lui proposa la direction des travaux de la deuxième correction des eaux du Jura. Pour répondre aux responsabilités et aux exigences dun poste dune telle envergure, Müller quitta lEcole Polytechnique de Zurich et sa chaire de professeur. En 1957, il occupa sa nouvelle fonction et déménagea avec sa famille, soit 10 personnes, à Bellmund. Il y a résidé jusquà sa mort.
Les principaux travaux de la deuxième correction des eaux du Jura
La correction des eaux exécutée entre 1962 et 1973 avait pour but de réduire les fluctuations des lacs jurassiens. Dune part, les niveaux des lacs en période de hautes eaux devaient être réduits, compte tenu de laffaissement des sols. De lautre, le niveau minimal des eaux devait être haussé dun mètre approximativement au profit de la pêche, de la navigation et de la transition avec le paysage environnant. Les mesures suivantes furent prises :
Aménagements de sections transversales deux à trois fois plus larges dans les canaux de la Broye et de la Thielle = pour faire enfin des trois lacs jurassiens un « lac unique »
Approfondissement du canal de Nidau-Büren de 5 m = pour augmenter le débit découlement du lac de Bienne
Sauvegarde des 20 km de méandres de lAar, entre Büren et Soleure = stopper limpact érosif de leau attaquant les berges
Elargir et approfondir lAar en aval de Soleure, à lembouchure de lEmme = le verrou formé par les alluvions de la Emme fut définitivement éliminé
Excavations et coffrages
Durant la deuxième correction des eaux du Jura, dimposantes quantités de sable et de glaise avaient été excavées. La Manitowoc, une drague flottante gigantesque, sen chargéa. Elle pesait 615 tonnes et était dotée dune cantine et de ses propres hébergements.
Des bateaux noyeurs déversèrent les matériaux déblayés dans les lacs, ce qui souleva toutefois des protestations véhémentes. Les voix critiques affirmaient que la présence des déblais provoquerait une pollution inutile du lac de Morat.
Le travail ne sarrêta pas au creusement des canaux et de lAar. Les berges et partiellement les radiers (fonds) des canaux devaient être consolidés. Le matériel utilisé provenait dune carrière située au-dessus de Douanne. Un téléphérique avait dû être installé tout exprès pour transporter ces blocs de roche.
A linstar de la première correction des eaux, la deuxième entraînait également de nombreux ajustements. Les sections transversales des canaux et des fleuves, étant à présent plus larges, nécessitaient aussi des ponts plus longs.
Accidents
La deuxième correction des eaux du Jura fut malheureusement marquée par des accidents tragiques. Le contremaître Heinz Rothenbühler se souvient : « Limmersion du matériel dans le lac de Morat fit une première victime, sur quatre en tout durant onze ans de travaux. Dans le brouillard, le capitaine na vu le pêcheur que trop tard. (...) Jy étais quand on a repêché le corps et je ne loublierai jamais. »Un plein succès
A présent, lhomme maîtrisait finalement la nature. Grâce à la deuxième correction des eaux du Jura, les fluctuations du lac pouvaient être réduites. Dorénavant pieds, étables, écuries et caves restaient secs. En 1999, louvrage fut passablement mis à lépreuve. Le lac de Thoune avait débordé, le quartier de la Matte à Berne était inondé, le canal de Hagneck accusait sa cote la plus haute pour le siècle passé, mais ses eaux se conformaient néanmoins aux ordres des ingénieurs et ne quittaient pas le chemin qui leur avait été assigné.
Des lacs régularisés
24 heures sur 24, le barrage régulateur de Port assure que ni lAar ni les lacs ne débordent ou que leur niveau ne baisse trop. Cette tâche lourde de responsabilité exige une grande compétence vu que les eaux dun quart du territoire suisse approximativement sont concernées par lensemble de louvrage de la correction des eaux du Jura. En cas dincident ou de mauvaise décision, les effets se feraient ressentir jusque dans le canton dArgovie. Les opérations de réglage du barrage, soit la levée et labaissement des vannes, sont effectuées depuis la centrale de régulation à Berne. Les directives relatives à la régulation sont définies dans un règlement ratifié par le Conseil fédéral. Les stations lacustres
Dans les années 1850 déjà, le notaire Emmanuel Müller et par la suite le colonel Friedrich Schwab avaient fait des recherches sur les stations lacustres du lac de Bienne. A lépoque, leur lieu de découverte à Nidau-Steinberg était un des plus célèbres sites archéologiques de la Suisse. Les collections archéologiques suscitaient même lintérêt dun public international. Citons à titre dexemple la collection Schwab présentée à lexposition mondiale de Paris en 1867.
La ruée sur les objets de fouilles après la première correction des eaux
La première correction des eaux fut suivie dune véritable ruée aux « trouvailles ». Les résidents, pêcheurs et paysans nen croyaient pas leurs yeux quand ils découvraient, lors de leurs randonnées le long des rivages limoneux et mis à nu, les sites lacustres émergeant de leau. Par corbeilles entières, ils « bazardaient » sur le marché de La Neuveville les objets quils avaient ramassés, une perte énorme dun patrimoine culturel précieux pour le monde scientifique et les musées.
Le pillage
Ces pêcheurs et paysans, ayant vite saisi la valeur marchande de leurs découvertes archéologiques, travaillaient souvent au service darchéologues compétents. Toutefois, même les professionnels ne pouvaient pas empêcher ces actes de pillage. En 1873, les autorités intervinrent et interdirent de ramasser et de sapproprier des objets anciens. Les fouilles restaient dorénavant réservées aux professionnels.
Discernement lors de la deuxième correction des eaux du Jura
Les responsables de la deuxième correction des eaux se montrèrent plus prudents. Des lois et des ordonnances visant la protection et la préservation dobjets anciens constituaient les conditions-cadres sous-tendant les recherches systématiques et scientifiques. En 1962, Hanni Schwab, directrice du service archéologique cantonal, entama des fouilles sur le site de la Broye. Il sagissait dune course contre la montre vu que les travaux de la correction progressaient inlassablement. Néanmoins, Hanni Schwab réussit à mettre à profit le peu de temps disponible pour des fouilles fort captivantes et riches en résultats archéologiques précieux. Ce succès, elle le dut aussi aux chefs de chantiers, conducteurs de pelles mécaniques et manuvres quelle avait dûment informés. Ils accomplissaient leur travail avec discernement et lappelaient dès quils faisaient de nouvelles découvertes.
Les fouilles effectuées lors de la deuxième correction des eaux rencontrèrent un vif intérêt. Les médias informaient régulièrement des dernières découvertes. Au-delà de limportance quelles revêtent pour lhistoire régionale, celles-ci représentent un intérêt pour les archéologues du monde entier. Ainsi, le pont celtique effondré en bois, découvert près de Cornaux, nous transmet des informations fondamentales sur la protohistoire. Cet ouvrage dune longueur de 90 m et dune largeur de 3,5 m date du 2e siècle av. J.-C.. Il avait été emporté par leau au 1er siècle après J.-C. et avait enseveli 18 personnes sous sa charge.
Le site de découvertes sur les bords de la Broye où un pont romain de 84 m de long et 7,7 m de large avait été dégagé à Rondet, sis en amont de La Sauge, suscita un grand écho autant en Suisse quà létranger.
Les Marais ou lhomme
A présent, la région des trois lacs nest plus un paysage naturel. Il a été aménage dans une large mesure par la main de lhomme. Suite à la correction des eaux du Jura, le plus grand marais de la Suisse nexiste plus. Des zones alluviales dotées dune faune et flore riches ont disparu et lhabitat de nombreuses espèces animales indigènes telles que la tortue ou le castor a été anéanti.
Après la deuxième correction des eaux, le peuple appelait irrévérencieusement le renforcement des berges le long des canaux « le désert de pierres du professeur Müller ». Entre-temps, ces gros blocs se sont couverts de verdure et lentassement de roches ne ressemble plus à des paysages hostiles à toute vie, comme le prétendaient à lépoque les écologistes.
Deux conceptions du monde se heurtaient. Dune part, les partisans dune agriculture moderne produisant à force de tracteurs et de pesticides des récoltes jamais vues auparavant. De lautre, des citoyennes et citoyens critiques dénonçant laménagement de monocultures, le redressement et la canalisation des fleuves, larrachage des haies et la disparition des papillons. Lors de lamélioration foncière dans la région dAnet-Gampelen-Gals, il était question dans le courrier des lecteurs du Bieler Tagblatt de « lassassinat du paysage du Grand Marais » et du fait que les 52 hectares mis hors zone agricole ne seraient quune « aumône » et un « ghetto pour les animaux ».
Le castor est de retour
Aujourdhui, les vagues démotion se sont quelque peu apaisées. Lévocation de la protection de lenvironnement ne provoque plus de haussements de sourcils. Au contraire : les maraîchers du Grand Marais cultivent leurs produits à large échelle selon les normes biologiques ou de la production intégrée. Dans les canaux renaturés, les premiers castors rongent à nouveau des troncs darbres et des réserves naturelles assurent la survie despèces rares.
Ilots sauvages
A la deuxième correction des eaux du Jura, il a été tenu compte de diverses revendications des écologistes. Citons à titre dexemple les îlots aménagés pour la protection des oiseaux, qui ont été remblayés avec des débris de construction. Dans les eaux calmes entre les îlots, les poissons ont trouvé des frayères adéquates.
Lancien cours de lAar et le Häftli nont pas été touchés par les travaux. Tous deux font partie des réserves naturelles suisses et impressionnent par leur beauté sauvage. Suite à labaissement du lac, un banc de sable dune largeur de plusieurs centaines de mètres émergea et fut rapidement colonisé par les populations animales et végétales qui avaient émigré du Grand Marais. La Grande Cariçaie représente aujourdhui le plus grand ensemble marécageux lacustre de la Suisse et sétend sur une distance de 40 km.
Lavenir du Seeland
Pour que les agriculteurs puissent continuer à planter et récolter et que les pendulaires, touristes et randonneurs puissent traverser aussi demain et les jours suivants sans encombre, en voiture ou en train, le Grand Marais, louvrage total du système hydrographique aménagé doit être constamment contrôlé et entretenu. Les digues comme celles qui longent le canal de Hagneck sont à réparer et des révisions régulières à exécuter sur le barrage-régulateur de Port.
Si on laissait les forces de la nature agir sans contrainte, laménagement ingénieuse des eaux et sa gestion deviendraient vite incontrôlables. Aujourdhui encore, les précipitations peuvent être violentes, des torrents se déchaînent, la fonte des neiges au printemps fait monter les échelles hydrométriques et les rivières charrient toujours dimportantes quantités de matériaux. Si les rivières et les lacs se libéraient de leur « camisole de force » , il suffirait de peu dannées pour quils reprennent leur taille naturelle.
Les hommes aussi constituent une menace pour cet ouvrage. Depuis les années 1950, lagriculture a foncièrement changé de face. La culture avec des machines lourdes densifie les sols qui absorbent dès lors moins deau. De plus, un réseau serré de routes, places, immeubles, usines et bâtiments industriels constitue un risque pour la sécurité. Ces ouvrages scellent la surface des sols et empêchent la pénétration des eaux pluviales.
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