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Attribuer de l'internalité - TEL (thèses

... initialement énoncées par des cibles endogroupes versus exogroupes (Exp.8) p.170 ...... En effet, il n'aurait dû corriger que les effets liés à la familiarité objective (correction ...... Jessor, R., Graves, T.D., Hanson, R.C. and Jessor, S.L. ( 1968).




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 TOC \o "1-1" 
Avertissement
Résumé


 TOC \o "1-1" \n PARTIE 1.

 TOC \o "1-1" \n Premier chapitre
Expliquer les événements quotidiens :
un processus évaluatif

 TOC \f A. Rappel sur l'internalité et la réussite sociale 8
A. 1. L'origine interne ou externe des renforcements 8
A. 2. Expliquer la réussite des gens "internes" 11

B. La prédilection pour les explications internes :
biais et phénomène normatif. 13
B. 1. Des biais en faveur des explications internes 13
B. 2. Le caractère normatif des explications internes 16
B. 3. L'explication interne comme une production évaluative 21

En conclusion : Une valorisation des explications internes circonscrite aux contextes d'utilité sociale 24


 TOC \f \n Deuxième chapitre
Attribuer de l'internalité &
attribuer de la valeur

 TOC \f A. Attribuer des explications internes à autrui 28
A. 1. Vers un paradigme d'identification 28
A. 2. La valeur de la cible dans les attributions d'internalité 33
A. 3. Attribuer de l'internalité à des cibles dans un contexte de relations purement affectives. 37
B. Attribution d'internalité en fonction de la valence affective de la cible 38
B. 1. Définition et déterminants de la valence affective 39
B. 2. Expérimentations 42
B. 2.1. Expérience 1 : "Attribution d'internalité en fonction de l'attractivité faciale de la personne cible" 43
Vue générale de l'expérience 1 52
Résultats 55
Discussion 57
B. 2. 2. Expérience 2 : "Attribution d'internalité à des visages faisant l'objet d'une exposition suboptimale" 58
Vue générale de l'expérience 2 69
Résultats 73
Discussion 75
B. 2. 3. Expérience 3 : "Attribution d'internalité et conditionnement évaluatif" 77
Vue générale de l'expérience 3 80
Résultats 84
Discussion 85
B. 3. Conclusion des expériences 1,2 et 3 85


Troisième chapitre
Attribution d'internalité et attribution d'une stratégie d'autovalorisation

 TOC \f Interlude : Fait-on fausse route avec la norme d'internalité ? Trois études de contrôle. 89


 TOC \f A. L'explication quotidienne replacée dans un contexte d'interaction et d'influence sociale 91
A.1. Aspects motivationnels des explications données à autrui 91
A. 2. Dynamique motivationnelle des explications publiques 92



B. Expérience 4 : "Attribution d'internalité et de stratégies d'autovalorisation à une cible sympathique et à une cible antipathique" 95
Vue générale de l'expérience 4 95
Résultats 97
Discussion 99


Quatrième chapitre
L'internalité de la cible dans une tâche de reconnaissance de visages

 TOC \o "2-7" A. Vers la reconnaissance de visages associés à un propos interne versus externe 107

B. Expérience 5 : "Reconnaissance de cibles ayant émis des explications internes versus externes" 117
Vue générale de l'expérience 5 117
Résultats 120
Discussion 121

Conclusion sur la valeur des explications internes en contexte affectif 123
L'internalité correspond bien à de la valeur 123
Aspects évaluatifs de l'attribution d'internalité 124


 TOC \o "1-2" \n Interlude 125


PARTIE 2

 TOC \f \n Cinquième chapitre
Les attributions intergroupes &
Le favoritisme par attribution d'internalité

 TOC \f A. Le favoristisme pro-endogroupe dans les explications 128
A. 1. Des explications motivées par la recherche d'une identité sociale positive 128
A. 2. Quelques effets d'attributions intergroupes 133
A. 3. L'Erreur Ultime d'Attribution et ses limites 135
A. 4. Le favoritisme pro-endogroupe par attribution d'internalité 137

B. Quelques expérimentations montrant que l'attribution d'explications en contexte intergroupe est liée à la valeur des explications internes 140
B. 1. Expérience 6 : "Provoquer, annihiler et restaurer le favoritisme par attribution d'internalité" 142
Vue générale de l'expérience 6 143
Résultats 145
Discussion 146
B. 2. Expérience 7 : "Favoritisme pro-endogroupe par attribution d'internalité et de stratégies d'autovalorisation" 151
Vue générale de l'expérience 7 152
Résultats 153
Discussion 156
B. 3. Expérience 8 : "Favoritisme pro-endogroupe par attribution d'internalité en contexte minimal" 159
Vue générale de l'expérience 8 161
Résultats 167
Discussion 172

C. Conclusion Générale sur le favoritisme par attribution d'internalité 173

Conclusion générale 176

Bibliographie 181
 Liste des encadrés présentés :

Encadré n°1 : Les traits morphologiques déterminants de l'attractivité hétérosexuelle pp.47-50
Encadré n°2 : La relation affect/cognition pp.62-68
Encadré n°3 : Les techniques d'induction affective (Gerrards-Hesse, Spies and Hesse, 1994) et la méthode de conditionnement évaluatif (Bayens, 1993) pp.78-79
Encadré n°4 : La reconnaissance des visages pp.112-116
Encadré n°5 : Favoritisme pro-endogroupe et identité sociale pp.129-132
Encadré n°6 : Perspectives de recherche "Attribution d'internalité et
effet brebis galeuse" pp.147-150

Liste des tableaux présentés :

Tableau 1 : Scores d'internalité attribuée à des cibles plus et moins attractives pour l'explication d'un événement désirable et non désirable (Exp.1) p.55
Tableau 2 : Scores d'internalité attribuée aux cibles en fonction de l'exposition, l'affect initial et la désirabilité de l'événement (Exp.2) p.73
Tableau 3 : Scores d'internalité attribuée à des cibles "chargées positivement" versus "chargées négativement" pour l'explication d'un événement désirable et non désirable (Exp.3) p.84
Tableau 4 : Score d'internalité attribué à une cible sympathique versus antipathique en fonction de la nature et de la désirabilité de l'événement, dans les trois études de contrôle. p.90
Tableau 5 : Scores d'internalité attribuée aux cibles en fonction de la sympathie, la désirabilité et l'action (Pense versus Dit) (Exp.4) p.97
Tableau 6 : Pourcentage de reconnaissances correctes et de rejets corrects en fonction des explications énoncées par les cibles présentées (Exp.5) p.120
Tableau 7 : Score d'internalité attribuée aux groupes selon les conditions expérimentales (Exp.6) p.145
Tableau 8 : Scores d'internalité attribuée aux cibles en fonction de l'appartenance de la cible, la désirabilité et l'action (Penser/Dire) (Exp.7) p.154
Tableau 9 : Corrélations entre diverses mesures du biais de favoritisme pro-endogroupe.(Exp.7) p.156
Tableau 10 : Erreurs d'appariement au sein des groupes et entre les groupes en fonction de la cible et des explications (Exp.8) p.169
Tableau 11 : Appariements corrects en fonction des explications internes versus externes et de l'appartenance (Exp.8) p.171
Liste des figures présentées :

Figure 1 : Consigne de reconnaissance dans le paradigme d'identification p.31
Figure 2 : Mode de présentation des cibles dans l'expérience 1 p.54
Figure 3 : Cheminement temporel de la réponse au stimulus, de la sensation, de l'affect et des cognitions froides. Figure adaptée d'après Zajonc (1980 p170) p.63
Figure 4 : Résultats classiques liés à l'exposition et résultats lorsqu'il est dit au sujet qu'il a déjà vu ces stimuli : Le modèle d’attribution de la fluence perceptive (adapté du point de vue exposé par Bornstein, 1992b). p.65
Figure 5 : Exemple d'un des 36 essais (expérience 2) p.71
Figure 6 : Succession des images pour un essai "critique" (expérience 3) p.82
Figure 7 : Représentation schématique de la requête expérimentale (expérience 4). p.95
Figure 8 : Score d'internalité attribuée à une cible sympathique versus antipathique pour l'explication d'un événement désirable versus indésirable (Exp.4) p.98
Figure 9 : Score d'internalité attribuée à des cibles sympathiques et antipathiques pour l'explication d'événements désirables et indésirables (Exp.4) p.99
Figure 10 : Présentation sur écran d'une cible dans l'expérience 5 p.119
Figure 11 : Pourcentage de reconnaissances correctes (cibles) et de rejets corrects (distracteurs) en fonction des explications énoncées par les cibles présentées (Exp.5) p.121
Figure 12 : Représentation schématique de la théorie de l'identité sociale selon Bourhis (1997) p.132
Figure 13 : Schématisation du principe de l'erreur ultime d'attribution p.136
Figure 14 : Récapitulatif schématique des résultats obtenus par Dubois et Beauvois (1996) et Beauvois, Gilibert, Pansu et Abdellaoui (à paraître). p.140
Figure 15 : Score d'internalité attribuée à l'endogroupe et à l'exogroupe selon les conditions expérimentales (Exp.6) p.146
Figure 16 : La stigmatisation du déviant et le biais de favoritisme (Marques, 1996). p.148
Figure 17 : Score d'internalité attribuée à une cible endogroupe versus exogroupe pour l'explication d'un événement désirable versus indésirable et de la variable Penser/Dire(Exp.7) p.155
Figure 18 : Exemple de figure ambiguë (expérience 8) p.162
Figure 19 : Exemple de réponse à une figure ambiguë (expérience 8) p.162
Figure 20 : Présentation sur écran d'une cible dans l'expérience 7 p.165
Figure 21 : Erreurs d'appariement intragroupes pour les explications internes versus externes initialement énoncées par des cibles endogroupes versus exogroupes (Exp.8) p.170
Figure 22 : Erreurs d'appariement intergroupes pour les explications internes versus externes initialement énoncées par des cibles endogroupes versus exogroupes (Exp.8) p.170

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Avertissement




Ce que nous présentons dans ce travail n'est pas une thèse au sens traditionnel du terme. Plutôt que de présenter des recherches appuyant quelque hypothèse forte, nous avons sélectionné, dans le produit de cinq ans de travail de recherche, deux séries d'expérimentations relativement homogènes qui nous paraissaient constituer deux ensembles de recherches cohérentes apportant chacune des résultats dignes d'intérêt sinon toujours clairs. Ceci nous a conduit à renoncer à présenter d'autres recherches, soit parce qu'elles ont fait l'objet par ailleurs de publications soit parce que leurs résultats s'avéraient redondants ou d'interprétation quelque peu spéculative. Il va de soi qu'aucune de ces recherches n'apportait des résultats contradictoires avec ceux présentés ici.

Résumé

Nous sommes parti du constat que les théoriciens de la norme d'internalité (Beauvois & Dubois, 1988 ; Dubois, 1994) évoquaient, à propos de la valeur des explications internes, une valeur ancrée dans le fonctionnement social et dont l'efficacité n'est, pour l'essentiel, démontrée que dans des situations très normatives. Nous avons, pour notre part, voulu montrer que l'attribution d'internalité dépassait le cadre, important mais très circonscrit, de ces situations de forte normativité et qu'elle pouvait opérer quelquefois en fonction de critères plus affectifs ou attitudinels.
Nous avons ainsi montré que les sujets estiment d'autant plus probable qu'une personne ait donné des explications internes plutôt qu'externes que son visage est esthétiquement attractif (Exp. 1).
L'étude suivante (Exp. 2) mettait à contribution une procédure d'exposition suboptimale et non consciente permettant d'accroître incidemment la positivité des visages (Zajonc, 1968 ; 1980). Les sujets ont alors attribué plus d'internalité à des cibles lorsque la positivité de leurs visages était accrue par la procédure d'exposition suboptimale.
Afin de contrecarrer une interprétation selon laquelle la technique de familiarisation utilisée amène le sujet à disposer de plus d'informations individualisantes concernant la cible, une autre expérience (Exp. 3) avait pour objectif d'accroître, par la familiarisation liée à un conditionnement, tant la positivité que la négativité des visages (Bayens, 1993). Les sujets attribuent alors plus d'internalité à une cible de valence neutre si cette valence est rendue positive (plutôt que négative) par le conditionnement. Ceci n'étant vrai que pour les explications d'événements indésirables.
Cette attribution d'internalité est aussi observée dans le contexte de la valorisation du groupe d'appartenance, que ce groupe soit réel (Exp. 6) ou minimal (Exp. 8). Ainsi, les sujets mirent-ils à contribution l'attribution d'internalité pour exprimer un biais de favoritisme pro-endogroupe, et ce uniquement lorsqu'il leur était possible de différencier positivement, d'un exogroupe, un groupe dans lequel ils s'étaient autocatégorisés. La seconde de ces deux expériences utilise un contexte de catégorisation minimale et un paradigme de type "qui a dit quoi" (Taylor, Fiske, Etcoff et Ruderman, 1978). Dans celle-ci, les sujets exprimèrent à nouveau ce favoritisme pro-endogroupe par attribution d'internalité. Cette attribution d'internalité était corrélée avec une mesure purement évaluative du favoritisme pro-endogroupe.
Ces cinq recherches montrent donc que l'attribution d'internalité se fait vers des cibles qui peuvent être davantage caractérisées par la positivité des affects qu'elles suscitent que par leur utilité dans un contexte social.

Nous avons néanmoins été amené à constater que cette attribution d'internalité à des cibles positives n'allait pas toujours sans effet de la désirabilité des événements expliqués. Nous avons donc voulu approfondir cette interaction de la valence de la cible et de la désirabilité de l'événement en introduisant un nouveau principe de recherche destiné, non plus à tester les attributions d'explications (internes versus externes), mais à tester les attributions de stratégies d'autovalorisation suscitées par la désirabilité des événements.
Nous avons ainsi pu observer que les sujets peuvent être amenés, dans leurs attributions d'internalité à des cibles positives et négatives, à faire une différence subtile entre ce que pense une cible et ce qu'elle dit en matière d'explications. Ainsi, créditent-ils effectivement de plus d'internalité une cible sympathique (versus antipathique, Exp. 4) ou une cible endogroupe (versus exogroupe, Exp. 7), et ce notamment lorsqu'il s'agit d'anticiper ce que ces cibles pensent. Mais les sujets prennent aussi en compte la désirabilité de l'événement expliqué pour attribuer à la cible valorisée le fait de devenir plus modeste dans ce qu'elle dit. A l'inverse la cible dévalorisée tendrait, selon eux, à devenir plus autocomplaisante. Ainsi, il semble que les sujets attribuent plus de valeur à une stratégie d'autoprésentation qu'à une autre et qu'ils se basent aussi sur ces stratégies pour exprimer un favoritisme pro-endogroupe.

Enfin, dans la mesure où les explications internes se trouvaient plus souvent associées à des cibles de valence positive et les explications externes plus souvent associées à des cibles de valence négative, nous avons voulu savoir dans quelle mesure ces associations pouvaient avoir des effets sur le souvenir de ces cibles.
Ainsi, (expérience 5), lorsqu'il est présenté des cibles énonçant des phrases contenant des explications internes (versus externes), les sujets sont-ils plus sévères dans leur décision de reconnaissance (ils disent moins facilement, à tort et/ou à raison, avoir déjà vu un visage). Il semble donc que l'internalité est bien un point d'ancrage dans la perception et la reconnaissance des personnes.

Cet ensemble de recherches présente selon nous deux intérêts théoriques. Il conforte et élargit considérablement un énoncé de la théorie de la norme d'internalité qui avance que les explications internes sont porteuses de valeur. Nos résultats imposent néanmoins d'insister sur l'importance que peuvent avoir les stratégies d'autoprésentation et l'anticipation de ces stratégies d'autoprésentation par l'évaluateur.














PARTIE 1.
Premier chapitre



expliquer les événements quotidiens :
un processus évaluatif



La façon dont les gens expliquent les événements de leur vie quotidienne est un domaine de recherche important de la psychologie sociale depuis Heider (1944, 1958 ; Jones & Davis, 1965 ; Rotter, 1966 ; Kelley, 1967). L'intérêt porté aux explications quotidiennes semble se diffuser dans des domaines aussi différents que ceux de la perception suboptimale (Bargh, 1992 ; Bornstein, 1992), de la genèse neuro-anatomique des émotions (Kirouac, 1992), du recrutement professionnel (Silvester, 1997), des mouvements oculaires (Somat & Baccino, 1997). Les recherches qui tentent de rendre compte de la façon dont les gens expliquent ce qu'ils font ou ce qui leur arrive sont si nombreuses que nous ne proposerons ici qu'un bref aperçu des recherches considérées comme étant les recherches princeps. Ces recherches concernent notamment la dichotomie entre les explications "internes" et les explications "externes" que les gens donnent pour expliquer ce qu'ils font ou ce qui leur arrive.
Nous effectuerons un rappel sur la façon dont cette distinction, initialement descriptive, est devenue plus évaluative. Ceci au point qu'on ait considéré (parfois à tort et d'autres fois à raison) que les personnes fournissant des explications internes pour expliquer ce qui leur arrive avaient plus de valeur que celles fournissant des explications externes.
Nous allons dans un premier temps procéder à quelques rappels en rapport avec l'opposition entre des personnes internes et des personnes externes. Ce n'est que dans un second temps que nous évoquerons les aspects les plus importants pour nous des explications internes et externes ainsi que la théorie de la norme d'internalité (Dubois, 1994 ; Beauvois, 1994).


A. Rappel sur l'internalité et la réussite sociale

A. 1. L'origine interne ou externe des renforcements

C'est à partir des travaux de Rotter (1966) concernant l'apprentissage social qu'émerge la notion d'expectation de contrôle interne versus externe des renforcements. Pour Rotter, la probabilité de voir apparaître un comportement suite à un renforcement est bien sûr fonction de la valeur du renforcement (punition ou récompense). Néanmoins, l'apprentissage dépend aussi de l'expectation qu'a l'individu que son comportement pourra lui permettre de contrôler l'apparition du renforcement subséquent. Notons que pour Rotter (1975) les expectations de contrôle n'apparaissaient pas comme un élément central. La prise en compte de ces expectations lui permettait uniquement de neutraliser certains cas extrêmes visiblement dus à ce facteur. Le succès de ce concept est très probablement dû au fait que Rotter l'associe à une variable de personnalité dont il fournit une mesure. Ainsi, "dans notre culture, quand un sujet perçoit un renforcement comme n'étant pas totalement déterminé par une certaine action de sa part, ce renforcement est perçu comme le résultat de la chance, du hasard, du destin, ou comme le fait d'autres tout puissants, ou bien encore comme totalement imprévisible en raison de la grande complexité des forces entourant l'individu. Quand l'individu perçoit l'événement (il faut entendre le renforcement) de cette façon, nous disons qu'il s'agit d'une croyance en un contrôle externe. Si au contraire, la personne considère que l'événement dépend de son propre comportement ou de ses caractéristiques personnelles relativement stables, nous disons qu'il s'agit d'une croyance en un contrôle interne " (Rotter, 1966, traduit par Dubois, 1987 p.34). Cette définition est exemplifiée dans la célèbre échelle Rott I/E qui permet de différencier les personnes "internes" et les personnes "externes".
A la même époque, une étude de Overmier & Seligman (1967), montra que des sujets animaux mis dans l'impossibilité de contrôler les renforcements qu'ils subissaient, devenaient incapables de fournir un apprentissage comportemental ultérieur. De plus, ces sujets se caractérisaient par une apathie manifeste à laquelle Seligman donna le nom de "résignation acquise" (learned helplessness). Cette résignation se traduisait entre autres par une faible résistance à la frustration et une incapacité à s'orienter vers des comportements d'évitement ou d'adaptation.

Les "internes" et les "externes"
La résignation acquise a, par la suite, été mise en relation avec les attitudes dépressives de l'être humain. La dépression pourrait alors découler de l'impossibilité de faire un lien entre les comportements produits et les renforcements subséquents. De ce point de vue, il semblerait qu'un individu "sain" doive être capable de recourir à des explications internes. A l'opposé, le recours à des explications externes pourrait être un signe quasi-pathologique.
L'utilisation de plus en plus fréquente des questionnaires (l'échelle de Rotter et ses adaptations) permit alors d'établir, au sein de la population générale ceux qui étaient plutôt "internes", dans le choix des explications qu'ils donnaient aux événements, et ceux qui étaient plutôt "externes" dans le choix de leurs explications. Par un raccourci malencontreux, les chercheurs en vinrent à envisager que la population générale se différenciait en deux types de sous populations : ceux que l'on appellera "les internes" et ceux que l'on appellera "les externes". Dans le souci de décrire les différences entre les deux modes d'explication, les chercheurs ont d'abord tenté de voir les différences qu'il pouvait exister entre les "internes" et les "externes". Sur la base de l'analogie avec la résignation acquise, il semble d'ailleurs qu'il soit peut-être plus profitable d'être interne qu'externe (pour un point de vue critique sur le lien entre explications, dépression et résignation acquise, voir Brewin & Furnham, 1986 ainsi que Follette & Jacobson, 1987 ; pour une méta-analyse, Sweeney, Anderson et Bailey, 1986). C'est du moins ce que laissent penser les recherches montrant des différences entre "internes " et "externes" : les premiers ont tout pour réussir alors que les seconds ont semble t-il peu de chances d'y arriver...

La réussite des internes
De façon implicite, la distinction entre les "internes" et les "externes" implique que les premiers soient capables de contrôler les renforcements qu'ils reçoivent mais pas les seconds. On ne s'étonnera alors pas que, sur la base de cette définition, les chercheurs aient observé quelques corrélations indiquant que les internes sont effectivement plus performants que les externes. A en croire les résultats accumulés au fil des années, l'internalité est prédictive des performances et ce à différents niveaux de la vie sociale. Dans le domaine de l'éducation par exemple, Findley & Cooper (1983), sur la base d'une centaine d'études, établissent qu'internalité et réussite scolaire corrèlent fortement. Des résultats identiques sont observés dans le cadre de la réussite professionnelle (Andrisani, Applebaum, Koppel & Miljus, 1978, cités par Dubois, 1987). Ainsi, les internes, plus que les externes, occuperaient des postes élevés dans la hiérarchie sociale. Ils seraient généralement mieux payés et auraient une carrière professionnelle plus évolutive. Enfin, les internes seraient plus attirés vers les professions où ils ont la possibilité de prendre des initiatives (Spector, 1982 ; O'Brien, 1984, pour une revue). Quoique la plupart du temps critiquables sous de nombreux aspects, ces recherches semblent autoriser un certain nombre de conclusions.
Il apparaît finalement que les riches sont plus internes que les pauvres, que les cadres sont plus internes que leurs exécutants, que les groupes ethniques dominants sont plus internes que les groupes ethniques dominés. Tout laisse donc supposer, que l'internalité est en quelque sorte le signe distinctif des "gens bien sous tout rapport" alors que l'externalité peut être perçue comme une sorte de "handicap" social (selon l'expression de Mac Donald, 1973). Néanmoins, à l'instar de Dubois (1987, 1994), il convient de s'interroger sur les raisons possibles d'un tel rapport entre internalité et réussite sociale.

A. 2. Expliquer la réussite des gens "internes"

Les raisons pour lesquelles les internes auraient plus de chances de réussir dans la vie sociale sont sans doute multiples. Nous aborderons ici quelques interprétations issues du recoupement des points de vue de Deschamps & Beauvois (1994) et de Dubois (1994).

L’interprétation en termes d’aptitude à contrôler l’environnement :
Il existe une présomption généralement partagée selon laquelle l’individu serait intrinsèquement motivé à contrôler son environnement physique et social (Miller & Norman, 1975 ; Miller, Norman & Wright, 1978). Cette recherche de contrôle inciterait les gens à voir les comportements qu'ils réalisent et les renforcements qu’ils obtiennent comme dépendants d’eux-mêmes et non de circonstances extérieures. Le phénomène de résignation acquise (Seligman, 1975) illustre particulièrement bien les conséquences de la non réalisation d'un tel besoin de contrôle. L'état de dépression dans lequel se trouve un individu privé de contrôle montre bien à quel point “sa vraie nature” serait de contrôler son environnement. L’explication interne fournie par une personne indiquerait qu'elle fait bien un lien entre ce qu’elle fait et ce qui lui arrive. On peut alors imaginer que les explications internes dépendent du développement cognitif. Ce serait lorsque le sujet acquiert un contrôle effectif de la situation qu'il peut alors, au niveau cognitif, faire le lien entre ses comportements et les renforcements qu'il reçoit.
Néanmoins, comme le fait remarquer Dubois (1994), deux objections peuvent être émises au sujet de ce lien entre internalité et développement cognitif. D’une part, le lien entre l’aptitude à contrôler l’environnement et l'internalité des explications n'est pas systématiquement observé. Ainsi, les gens qui occupent les positions sociales clefs (les dirigeants économiques et militaires) ne sont pas toujours internes. D'autre part, il a pu être observé que les “externes” peuvent être plus performants que les “internes” dans certains cadres particuliers comme les tâches structurées, les enseignements de type directif, les situations de durée imposée (Parent, Forward, Canter & Mohling 1975 ; Daniels & Stevens, 1976 ; Miller 1978). Enfin, rien ne prouve qu'une explication causale soit plus vraie qu'une autre (sauf à adopter une procédure de démonstration scientifique longue et coûteuse). Parmi les causes éventuelles d'un événement, il est difficilement envisageable que les explications internes soient plus vraies que les explications externes. Il se peut que, faute d'être plus vraies, les explications internes soient plus efficaces dans notre univers social, mais sans doute est-ce pour d'autres raisons.

L’interprétation en termes d’accès à la culture individualiste
Une interprétation en termes de culture pourrait expliquer pourquoi certaines personnes, notamment les personnes les plus favorisées, privilégient l'usage des explications internes. Cette interprétation met l'accent sur le caractère individualiste du modèle occidental. Dans nos cultures, les représentations individualistes, centrées sur l'individu, amèneraient les gens à privilégier les facteurs internes dans leur raisonnement de causalité. Les groupes culturels dominants seraient particulièrement imprégnés de cette idéologie individualisante qui les pousserait à percevoir autrui en termes de traits de personnalité (Shweder & Bourne, 1982 ; Hart, Lucca-Izzari et Damon, 1986). Cette idéologie les inciterait aussi à prédire les comportements sur la base de ces traits de personnalité, d'ailleurs plus facile à inférer (Newman, 1991). Les membres des groupes dominants, ayant tout au long de leur vie plus facilement accès à la culture dominante, deviendraient de plus en plus internes avec l'âge, contrairement aux groupes minoritaires (Miller, 1984 ; Furnham & Henry, 1980 ; Dyal, 1984). Néanmoins, ces différences culturelles entre groupes sociaux sont souvent confondues avec des différences plus tangibles en termes socio-économiques.

Une interprétation en termes de rationalisation des stratifications sociales
On peut facilement imaginer que les explications servent parfois à justifier l'état des choses. Les individus préfèrent la plupart du temps voir leur environnement comme prédictible ; ceci les inciterait à ne pas envisager que des facteurs aléatoires puissent être déterminants dans ce qui leur arrive. L'explication interne permettrait alors d'envisager l'univers dans lequel nous évoluons comme un monde juste et où les gens obtiennent le plus souvent ce qu'ils méritent (Lerner, 1980 ; 1986). Il n'y aurait alors rien de surprenant à ce que les gens qui réussissent (ou ceux qui font partie des classes sociales favorisées) soient les plus enclins à voir l'univers qui les entoure comme un monde juste. Ils n'ont pas, en effet, à se plaindre de l'état des choses et ils peuvent rationaliser et justifier leur position privilégiée en affirmant que ce dont chacun dispose est le résultat de ce qu'il fait et de ses qualités intrinsèques. Ainsi, indépendamment de la culture, les groupes qui auraient accès aux ressources socio-économiques seraient plus internes. Le rôle joué par la culture serait relativement faible comparé à celui des ressources socio-économiques d'après les observations de Jessor, Graves, Hanson & Jessor (1968). Ceux-ci ont montré qu'à niveau socio-économique égal, on ne retrouve plus les différences interculturelles habituellement observées en termes d'internalité (Buriel & Riviera, 1980 ; Buriel, 1981). Une analyse en termes de classes sociales permet alors de rendre compte parfaitement des différences d'internalité (Rabinowitz, 1978 ; Claes, 1981 ; Duttweiller, 1984). Il n'est pas surprenant que les individus favorisés développent une explication du monde justifiant la réussite de certains et l'échec des autres.

Dans ces trois interprétations, la nature des explications n'est pas réellement prise en compte, une explication étant le reflet ou le corrélat de quelque chose : reflet des idéologies, reflet de la réussite, corrélat d'aptitudes diverses ou de la motivation à réussir. La nature de l'explication est bien au contraire le point de départ de la théorie normative : on va le voir, ce ne sont pas les gens qui ont a priori de la valeur, ce sont les explications elles-mêmes.


B. La prédilection pour les explications internes :
biais et phénomène normatif.

B. 1. Des biais en faveur des explications internes

La surestimation des explications internes
Si, comme nous l'avons déjà dit, il est difficile d'appliquer un critère de vérité à une explication, il arrive néanmoins que dans certaines situations ordinaires, l'influence de certains facteurs externes soit pour le moins manifeste (Pierre se met toujours à pleurer lorsqu'il reçoit une gifle). En dépit de l'existence manifeste de ces facteurs externes, il semble que les gens aient tendance à surestimer le rôle de facteurs internes à la personne (sa personnalité, ses intentions, ses efforts) dans la détermination des événements et des comportements (Pierre pleure car c'est un enfant sensible). Cette tendance à surestimer un facteur interne comme la cause de ce qui arrive est communément appelée, selon le terme avancé par Ross (1977), "erreur fondamentale d'attribution". Les gens expliquent ce qui arrive à quelqu'un (soi-même ou autrui) en soulignant le rôle des causes propres à l'individu concerné (les causes internes à l'individu comme ses efforts, ses intentions, ses capacités ou sa personnalité) au détriment des causes liées à la situation extérieure (les causes externes à l'individu comme l'intervention d'autrui, les circonstances ou encore le hasard). Cette surestimation peut avoir lieu lors de l'explication d'un comportement (Ross, Amabile et Steinmetz, 1977) mais aussi lors de l'explication d'un renforcement (Lerner & Simmons, 1966).
Cette surestimation des facteurs internes peut être considérée comme largement acquise (Dubois, 1987 ; pour une revue). Ainsi, on peut regrouper en son sein divers processus bien connus des psychologues sociaux comme "l'illusion de détermination", "l'illusion de justice, "l'illusion de contrôle" ou encore la surestimation du déterminisme psychologique.


Aspects motivationnels affectant ce biais
La surestimation que l'individu peut faire du rôle causal de l'acteur (dans ce qu'il fait ou ce qui lui arrive) semble s'appliquer différemment en fonction de son implication dans l'événement à expliquer. Ainsi, les gens tendent à être beaucoup moins internes lorsqu'ils expliquent ce qui leur arrive (auto-attribution) que lorsqu'ils expliquent ce qui arrive à autrui (hétéro-attribution). Autrement dit, la tendance à surestimer le rôle causal de la personne impliquée est plus importante lorsqu'il s'agit d'autrui que lorsqu'il s'agit de soi-même. Pour Jones & Nisbett (1972), lorsqu'une personne est en position d'acteur (auto-attribution), son attention est centrée sur les facteurs situationnels susceptibles de l'empêcher d'atteindre son objectif. En revanche, lorsque la personne est en situation d'observateur par rapport à autrui (hétéro-attribution), son attention est centrée sur la personne plus que sur la situation (d'où la désignation de ce biais comme "biais acteur/observateur").
Un autre processus peut aussi expliquer que les gens soient moins internes quand ils sont acteurs plutôt qu'observateurs d'un événement particulièrement indésirable (échec ou comportement antisocial). La plupart du temps, l'individu tend à expliquer de façon externe ce qui lui arrive de néfaste ou ses comportements socialement indésirables. Rappelons que Feather & Simon (1971) ont montré qu'un événement inattendu est plus fréquemment expliqué de façon externe qu'un événement attendu. Or, il se trouve que les gens estiment plus probable un comportement (ou un renforcement) désirable plutôt qu'indésirable. Pour ne parler que de l'acteur, il n'y a donc rien d'étonnant à ce que celui-ci explique de façon interne les événements qui correspondent mieux à l'image qu'il a de lui-même (les événements désirables comme les succès, et les comportements prosociaux). A l'opposé, pour les événements moins désirables, comme les échecs ou les comportements antisociaux, l'acteur les expliquerait généralement par l'intervention de facteurs externes (Zuckerman, 1979 ; Ross & Flechter, 1985 ; Weary, 1980...). Ce faisant, l'acteur s'attribue la positivité des événements désirables et se prémunit de la négativité des événements les moins désirables ; d'où la notion de "biais d'autocomplaisance" (Miller & Ross, 1975).

Notons que le biais acteur/observateur et le biais d'autocomplaisance sont tout-à-fait compatibles. Ainsi, le sujet serait effectivement plus externe lorsqu'il explique ce qui lui arrive plutôt que lorsqu'il explique ce qui arrive à autrui, principalement lorsqu'il s'agit d'événements indésirables. L'individu serait plus souvent motivé à se prémunir, plutôt qu'à prémunir autrui, de la négativité des événements indésirables. Le sujet serait donc particulièrement sensible à la valeur (positivité ou négativité) des comportements et des renforcements dont la responsabilité lui incombe lorsqu'il en est la cause. Une approche en termes de processus évaluatifs est proposée par la théorie de la "norme d'internalité". Cette théorie permet justement d'interpréter l'internalité comme un élément porteur de valeur (quelle que soit d'ailleurs la désirabilité de cette valeur pour l'individu). L'internalité ferait, à ce titre, l'objet d'une prédilection sociale dont l'expression est particulièrement normative.

B. 2. Le caractère normatif des explications internes

On peut se demander pour quelle raison les gens privilégient les explications internes (parfois même à tort) et qu'en faisant ainsi ils (les internes) réussissent mieux dans les contextes les plus libéraux. Une réponse peut être apportée en termes de norme d'internalité. Celle-ci a été définie par Beauvois & Dubois (1988) comme la valorisation sociale des explications qui accentuent le poids de l’acteur comme facteur causal tant en matière de comportements que de renforcements. Dans cette perspective, les explications internes permettraient aussi d'envisager que ce que font les gens, ou que ce qu'ils reçoivent, est le résultat de leurs caractéristiques intrinsèques et non pas le résultat des rapports sociaux (dans leur arbitraire historique). Se référer à l’internalité permettrait ainsi de dire que “ce que font les gens est le reflet de ce qu’ils sont”, et que “ce qui doit leur arriver dans l’organisation est la conséquence de ce qu’ils font - donc de ce qu’ils sont” (Beauvois & Le Poultier, 1986 p.100).
Un certain nombre de critères semblent réunis pour que la valorisation des explications internes puisse être définie comme une norme (Dubois, 1994). Ainsi : (1) Les gens privilégient les explications internes pour donner une bonne plutôt qu'une mauvaise image d'eux-mêmes. (2) La prédilection pour ces explications fait l'objet d'une transmission normative par les agents éducatifs. (3) L'usage des explications internes permet effectivement de se faire bien voir, d'obtenir des récompenses et d'accéder à des positions de pouvoir. (4) Cette norme est internalisée par les individus dans un contexte d'exercice libéral du pouvoir. Les paragraphes suivants rappellent les principales recherches permettant d'étayer ces différentes affirmations.

Etre interne : une façon de se faire bien voir
Les premières recherches visant à mettre en évidence l'existence d'une norme d'internalité ont été effectuées par Jellison et Green (1981). Pour ceux-ci, le concept de norme implique qu'un comportement normatif permette de recevoir de l'approbation sociale. Ainsi, ils ont pu montrer que des étudiants répondent de façon plus interne à l'échelle de Rotter (1966) lorsqu'il leur est demandé de se faire bien voir plutôt que lorsqu'il leur est demandé de se faire mal voir. Ces résultats ont été depuis largement reproduits pour l'explication des comportements comme pour celle des renforcements (Beauvois et Le Poultier, 1986; Beauvois et Ferry, 1987 ; Pansu et Gilibert, en préparation). Il semble que cette connaissance intuitive de la norme d'internalité se développe assez précocement puisque les enfants eux-mêmes sont capables de se montrer plus internes pour se faire bien voir (Dubois et Le Poultier, 1993 ; Py et Somat, 1991 ; Bignoumba, 1986).
Par ailleurs, il n'est pas rare de constater que, pour se faire bien voir, les gens se montrent en même temps plus normatifs et plus autocomplaisants lorsque les événements à expliquer les concernent directement (Dubois, Pauletto, Pauletto et Planche, 1990 ; Dubois & Boyer, 1992 ; Dubois, Ferry et Frientz, 1992 ; Dubois & Schnür, 1993). Néanmoins, la différence globale d'internalité est conforme à l'hypothèse de valeur associée à l'internalité, quand bien même cette valeur serait affectée par des aspects motivationnels. Notons, à l'instar de Dubois (1994), que la stratégie basée sur la désirabilité de l'événement et la stratégie basée sur l'internalité sont compatibles.

Etre interne s'acquiert au cours de la socialisation
L'internalité semble aussi faire l'objet d'une acquisition dès le plus jeune âge. Les études concernant cette acquisition sont nombreuses et nous ne les développerons pas ici de façon exhaustive (pour une revue voir Dubois, 1987 ; Dubois, 1994). Les enfants deviennent de plus en plus internes jusqu'à l'âge de 11-12 ans (âge d'entrée dans l'enseignement secondaire). Après ce pic, une chute de l'internalité est généralement observée. Cette chute s'observe principalement pour l'explication des renforcements reçus par l'enfant. Notons que l'existence même de ce pic d'internalité (et la différence observée entre l'explication des comportements et celle des renforcements) est difficilement compatible avec l'idée d'une évolution cognitive (Powell et Vega, 1972 ; Handel, 1975 ; Brown, 1980 ; Shute, Howard & Steyaert, 1984). Plutôt que de solliciter plus de ressources cognitives, il semble au contraire que les explications internes et dispositionnelles soient celles qui en requièrent le moins (Trope, 1986 ; Gilbert & Osborne, 1989).
Afin de comprendre cette évolution, il faut envisager, comme Beauvois (1976, 1984), l'acquisition de l'internalité comme une conséquence des pratiques évaluatives des enseignants. D'une part, ce pic se produit lorsque l'enfant passe du système d'enseignement primaire (où un seul enseignant évalue l'élève) à un système d'enseignement secondaire (où des enseignants multiples évaluent l'élève de façon parfois peu consistante). De plus, l'internalité semble faire l'objet d'une transmission dans le cadre scolaire. Les enfants sont plus internes dans l'explication des renforcements scolaires plutôt qu'extra scolaires (Dubois & Martin, 1989 ; Dubois, Ciszewicz, Mouillet & Rayel, 1988 ; Dubois, Pauletto, Pauletto & Planche, 1990). Cette transmission de l'internalité s'observe aussi en dehors des dispositifs classiques d'éducation. Ainsi, la fréquentation des foyers d'actions éducatives amène les jeunes à être plus internes (Le Poultier, 1986). Il en va de même dans le cadre de la formation professionnelle des adultes (Dubois, 1988 ; Dubois & Trognon, 1989).

Une préférence marquée pour les gens internes
Il a par ailleurs été montré que l'on préfère les gens qui privilégient les explications internes plutôt qu'externes. Ainsi, Jellison & Green (1981) observent que les étudiants décrivent plus positivement d'autres étudiants lorsqu'ils sont connus pour avoir répondu de façon interne plutôt qu'externe à l'échelle de Rotter (1966). Ces résultats ont depuis été largement reproduits avec des questionnaires d'internalité impliquant l'explication des renforcements aussi bien que celle des comportements. Ainsi, parents et enseignants attribuent-ils plus de chances de réussir à des enfants connus pour leur internalité (Dubois, 1988b ; voir également Py & Somat, 1991). Cette préférence pour ceux qui sont internes peut d'ailleurs être déterminante dans l'évaluation d'un dossier de passage en classe supérieure (Dubois & Le Poultier, 1991) : "noyées" parmi d'autres informations, les explications fournies par l'élève ont toujours un rôle décisif (surtout lorsque les enseignants disent ne pas en tenir compte).
Il semble que cette préférence se retrouve à d'autres niveaux de la vie sociale. C'est le cas dans les structures d'assistance sociale (Beauvois & Le Poultier, 1986). Mais aussi dans celui du recrutement professionnel (Beauvois, Bourgeade & Pansu, 1991). Pansu et Gilibert (en préparation), dans une réplique d'une expérience de Pansu (1994), ont obtenu une préférence pour le candidat qui s'exprime de façon interne plutôt qu'externe et ce malgré la présence d'informations faisant état de performances contrastées entre les deux candidats. L'internalité semble être effectivement prise en compte par les cadres de ressources humaines et ce au détriment d'une information sur les performances effectives.
Il semble alors possible de considérer que si les "internes" réussissent mieux, c'est très probablement parce que les agents évaluateurs (enseignants, assistantes sociales, recruteurs) les favorisent systématiquement au détriment des externes. Il semble donc que la stratégie qui consiste à se montrer plus interne soit une stratégie pour le moins efficace.

L'intériorisation de la norme d'internalité
Le fait qu'une norme soit intériorisée est un élément essentiel. En effet, le respect d'une norme non intériorisée impliquerait l'existence d'une institution coercitive utilisant la contrainte. Il s'agirait alors plus d'une règle que d'une norme sociale (Dubois, 1994). Une des idées sous-jacentes à la notion de norme est qu'une norme doit être partagée par le collectif et susciter l'adhésion spontanée des membres de ce collectif. Pour Beauvois (1994) et Dubois (1994), cette intériorisation de la norme trouve sa rationalité dans les pratiques évaluatives et ce dans le cadre d'un système libéral d'exercice du pouvoir.
Se basant sur les travaux de Hoffman (1970, 1975, 1983) et de Grusec (1983), Dubois (1994 p. 181) insiste sur le fait qu'en même temps que l'enfant acquiert des règles morales sur les conséquences de ses actes, celui-ci est amené par des pratiques éducatives libérales à envisager ses actes comme étant la conséquence de sa propre valeur morale. A l'opposé, les pratiques éducatives plus autoritaires amèneraient l'enfant à envisager plus fréquemment ses actes comme la conséquence des pressions exercées sur lui par ses parents. Les pratiques libérales susciteraient un processus de "naturalisation" : l'exigence externe serait oubliée au profit des caractéristiques internes.
Il semble d'ailleurs que ce ne soit pas seulement les pratiques parentales les plus libérales qui favorisent ce processus de naturalisation, mais aussi les pratiques de formation les plus libérales et les plus participatives (Le Poultier, Belleau et Bernard, 1990). Cependant les pratiques de formations les plus libérales ne conduisent pas systématiquement à plus d'internalité que les pratiques autoritaires (Dubois & Eloy, 1989 ; Delmas, Py & Somat, 1988 ; Beauvois & Dubois, 1991a ; Dubois & Le Poultier, 1991). Comme le font remarquer Dubois & Le Poultier (1991) le fait qu'un enfant privilégie les explications internes ne reflète pas nécessairement le fait qu'il y adhère. Choisir une explication interne peut tout simplement relever du conformisme social. Il semble justement que les pratiques autoritaires amènent les enfants à être internes mais pour se faire bien voir uniquement. A l'opposé, les pratiques les plus libérales amèneraient les enfants à utiliser les explications internes de façon plus spontanée, sans que ce ne soit par conformisme social (Dubois & Le Poultier, 1993 ; Dubois, Pauletto, Pauletto & Planche 1990). En conclusion, il semble que dans le cadre des pratiques libérales, l'utilisation des explications internes résulte d'une adhésion et non pas d'un conformisme…

 TOC \o "2-2" 
 Le fait que les "internes" réussissent mieux que les "externes" et que les personnes privilégient les explications internes semble être le résultat des pratiques évaluatives. On comprend alors pourquoi les gens qui réussissent dans la vie sociale sont plus internes : c'est eux qui sont le plus rompus aux pratiques évaluatives dont ils ont été l'objet pendant longtemps et c'est aussi à eux qu'elles incombent le plus souvent (Beauvois, 1991 ; Beauvois, 1994). Il semble en effet que les explications, notamment internes, données pour expliquer les événements quotidiens ne servent pas uniquement à déterminer la cause de ce qui est observé, mais permettent aussi de signifier ce que vaut la personne. Ainsi, vous pourrez dire d'un élève qu'il réussit parce qu'il a le niveau et dire de ce même élève qu'il échoue parce qu'il n'a pas le niveau ; ceci est consistant du point de vue de votre pratique évaluative. En revanche, il est impossible de faire une prédiction sur la base de ces deux causes antagonistes.
Tout ceci nous conduit à penser que l'activité d'explication causale donne lieu à des productions cognitives faites du point de vue de l'a posteriori et qui ont probablement d'autres fonctions que celle d'analyser les causes à des fins de prédiction.

B. 3. L'explication interne comme une production évaluative

Les explications comme des productions a posteriori
La fonction des explications que l'on donne aux divers événements quotidiens, est sans doute difficile à cerner. Certains comme Buss (1978) n'ont pas hésité à lancer un débat important sur le statut des explications (voir à ce sujet Kruglanski, 1979, Harvey & Tucker, 1979 et Buss, 1979). Cet auteur envisage qu'une explication puisse avoir le statut d'élément causal (il est alors fait référence à l'origine causale de l'action expliquée) alors qu'elle peut aussi avoir le statut de raison (l'explication vise alors à cerner la finalité de l'acte eu égard à son acteur). L'explication peut ainsi avoir une finalité descriptive mais aussi une finalité évaluative (est-ce un acte désirable ou non ?). Notons que, dans le second cas, l'explication est le plus souvent interne à l'acteur. Un certain nombre de recherches, à la suite de Buss, montrent que l'on surestime peut-être le caractère causal des explications au détriment de leurs aspects évaluatifs.
Un lien direct est fait entre perspective évaluative et internalité dans les observations de Zuckerman et col.(1988). Ainsi, lorsque le sujet est invité à produire des inférences plutôt que des explications à propos d'un événement ou encore lorsqu'il doit se prononcer dans le souci d'anticiper l'événement futur plutôt que d'expliquer l'événement passé, il tend à diminuer considérablement le nombre de causes nécessaires, pour ne retenir que les plus probables (principe de discounting). Or, il se trouve que ce principe visant à ne retenir que la cause la plus probable amène d'autant plus le sujet à produire une erreur fondamentale d'attribution (Zuckerman et col. Exp. 2). Pour Zuckerman, ces résultats permettent de mieux comprendre le biais acteur/observateur : s'il est important pour nous de connaître les causes précises de ce qui nous arrive, face à autrui nous serions plus préoccupés de nous faire une opinion sur sa personne que de trouver les causes exactes de ses comportements particuliers.
Par ailleurs, certaines recherches concernent spécifiquement l'impact des explications que donnent les gens face à un succès où un échec sur leurs comportements ultérieurs. Les résultats à ce sujet semblent mitigés.
Ainsi, on pourrait s'attendre à ce que les explications que l'on donne d'une réussite ou d'un échec déterminent nos succès et nos échecs futurs. Une personne qui expliquerait ses réussites de façon interne et ses échecs de façon externe pourrait envisager plus sereinement l'avenir et mieux y faire face. A ce sujet, il semble bien que les explications données pour un succès ou un échec soient au moins déterminantes de l'humeur du sujet (l'estime qu'il a de lui-même ainsi que son humeur plus ou moins dépressive ; pour une méta-analyse voir Sweeney, Anderson et Bailey, 1986). Bien que l'estime que le sujet a de lui même soit en relation avec les explications données à ses succès ou ses échecs, certaines recherches (Brewin & Furnham, 1986) laissent pourtant supposer que les explications données résultent de l'événement psychologique plutôt qu'elles ne le précèdent. L'analyse en chemin causal indique que c'est plus vraisemblablement la perception des facteurs pré-attributionnels (comme le consensus ou la consistance des événements) qui détermine globalement l'estime de soi du sujet ainsi que les explications causales formulées. Par ailleurs, concernant la façon dont le sujet va faire face à une situation d'échec, Follette & Jacobson (1987) observent, contrairement à ce que l'on pourrait supposer, que les sujets attribuant de façon interne stable et globale leur échec à un examen sont pourtant le plus enclins à mettre en place une stratégie d'ajustement. Enfin, il semble que les explications données pour un échec antérieur n'aient pas ou très peu d'effet sur la performance ultérieure. Ceci à tel point que Covington et Omelich (1979, p. 1500) concluent : "De notre point de vue, les explications, exprimées a posteriori, sont des réactions plutôt que des causes de la performance. En tant que réactions a posteriori à l'échec, les explications sont plutôt le reflet de biais défensifs et autocomplaisants…"
Notons, en dernière instance, que l'autocomplaisance dont les sujets font preuve dans l'analyse des événements n'est pas toujours basée sur une analyse objective de leurs chances de succès, bien au contraire. Ainsi, Kunda (1987) a observé que les sujets sous-estiment les conséquences néfastes de leurs caractéristiques personnelles, comparées à d'autres caractéristiques qu'ils n'ont pas, et ce d'autant plus qu'ils risquent d'être confrontés aux conséquences néfastes de celles-ci. En général, plus les conséquences sont graves et moins souvent les gens font un lien entre ces conséquences et leurs caractéristiques personnelles.
En conclusion, il semble donc que les explications internes renvoient à des aspects clairement évaluatifs : les gens tendent à être d'autant plus internes face à un événement impliquant autrui qu'ils adoptent une perspective plutôt évaluative. Lorsqu'ils sont impliqués dans l'événement, ils utilisent l'internalité mais de façon généralement autocomplaisante et défensive. Une dernière étude (Kouabenan, Gilibert, Medina et Bouzon, accepté) permettra d'illustrer notre propos et le bien fondé du rapprochement ici fait avec le rôle de la fonction d'évaluation envisagée par Beauvois (1994) et Dubois (1994). Dans celle-ci, des cadres ayant une fonction d'évaluation expliquent un accident du travail de façon systématiquement interne, qu'il implique ou non quelqu'un du même niveau hiérarchique qu'eux-mêmes. A l'opposé, des exécutants semblent beaucoup plus sensibles aux aspects motivationnels de cet événement et l'expliquent de façon interne uniquement lorsqu'il implique une personne de l'autre niveau hiérarchique (un cadre) plutôt que lorsqu'il implique un pair (un autre exécutant). Ces résultats semblent bien indiquer que la fonction d'évaluation amène les sujets à produire un biais vers l'internalité, alors que lorsque le sujet est plus ou moins directement l'objet de cette évaluation, il tend au contraire à adopter un point de vue défensif en réaction à l'inférence qui pourrait être faite.

Internalité et maniement de l'information évaluative
Le rapport entre internalité et pratique évaluative trouve quelque appui dans le lien assez général qui a été observé entre l'internalité et le maniement de l'information évaluative : les collégiens qui catégorisent leurs petits collègues à partir des critères les plus évaluatifs sont aussi les plus internes (Le Poultier, 1989) ; lorsqu'ils ont appris à choisir des explications internes plutôt qu'externes par conditionnement ou en suivant un modèle, ils deviennent aussi plus évaluatifs en catégorisant leurs petits collègues (Le Poultier, 1994) ; lorsque les sujets sont d'abord amenés à être plus internes en suivant l'exemple d'une personne, ils dressent alors plus souvent un portrait d'autrui à l'aide des traits de personnalité et de comportements qui permettent le mieux de signifier la valeur de la personne (Beauvois & Dubois, 1991 ; Bekaddour, 1992). Tout semble indiquer que, lorsque l'on dit par exemple d'un subalterne qu'il travaille avec assiduité parce qu'il est sérieux, on signifie ainsi qu'il représente une plus-value pour l'organisation. En naturalisant ainsi l'utilité sociale du subalterne, en le décrivant de façon dispositionnelle, cela vous permettra d'inférer les comportements ultérieurs que vous pourrez avoir à son encontre (je ne le licencie pas) et même si vous ne savez rien d'autre de lui (son état civil, sa famille, ses loisirs), vous saurez néanmoins toujours quelle décision prendre en ce qui le concerne.

En conclusion : Une valorisation des explications internes circonscrite aux contextes d'utilité sociale

Une norme dont l'existence est manifeste
Tout semble donc indiquer que l'on soit pour le moins en droit d'affirmer qu'il existe une "norme d'internalité" et que cette norme, sans être universelle (voir à ce sujet les travaux de Guimond, 1997), est assez générale dans nos sociétés libérales puisqu'on en observe les effets à des moments importants de la vie de l'homme socialisé (au moment du passage dans les structures éducatives et socio-éducatives, dans les structures d'assistance sociale et dans le monde du travail). Ainsi, l'ensemble de ces éléments semble converger pour établir, selon les termes de Dubois (1994), que le "pari" fait par Beauvois (1984) concernant l'existence de cette norme est largement justifié.
Rappelons que pour ces auteurs, le concept de norme renvoie à des processus d'attribution de valeur. En effet, une norme permettrait d'orienter les jugements de valeur en ce qui concerne d'abord les croyances qui seront considérées comme plus ou moins acceptables, mais aussi les comportements qui seront considérés comme plus ou moins souhaitables et enfin les personnes que l'on pourra considérer comme plus ou moins utiles socialement. Il convient de préciser que leur acceptation du concept de valeur est pour le moins matérialiste, au sens philosophique. Les personnes, tout comme les marchandises n'auraient pas de valeur intrinsèque, cette valeur émergerait dans les rapports sociaux d'évaluation dans lesquels elles transitent…
Il est alors remarquable de constater comment, en définitive, les gens utilisent cette valeur ainsi acquise pour expliquer de façon interne ce qui leur arrive, comment les dispositifs éducatifs et socio-éducatifs amènent les gens à être plus internes, comment les gens vont utiliser les explications internes de façon à se montrer sous un meilleur jour, comment ils sont effectivement mieux évalués en se montrant ainsi, mais aussi comment, dans le cadre de dispositifs libéraux, ils sont amenés à adhérer spontanément à ces explications qui ne sont pourtant que le reflet de leur utilité dans les rapports sociaux.

Une généralisation circonscrite aux contextes mettant en jeu la valeur sociale de la personne.
Néanmoins, à y regarder de près, on peut se demander si les données empiriques que nous avons évoquées jusqu'à présent, n'ont pas été obtenues dans un contexte particulièrement favorable à ce type d'interprétation. En effet, la plupart du temps les situations expérimentales mettent systématiquement en avant l'utilité sociale des personnes. Ainsi, lorsqu'il est demandé à l'élève ou à l'étudiant de se faire bien voir, ce qui lui est généralement demandé c'est de se faire bien voir par un enseignant et/ou à la demande d'un chercheur et/ou psychologue représentant une instance sociale. On observe aussi assez fréquemment que les sujets se montrent plus facilement internes lorsqu'il s'agit de se faire bien voir par un enseignant plutôt que par les parents ou encore lorsque les consignes d'autoprésentation impliquent sa valeur scolaire plutôt que sa valeur affective (Dubois, 1994, p. 147). On peut se poser la même question en ce qui concerne le paradigme des juges où le sujet, mis en position d'évaluateur, doit pronostiquer la valeur sociale d'une personne plus ou moins interne. Lorsqu'il est demandé à un recruteur, par exemple, qui est le plus recrutable, de l'interne ou de l'externe, c'est justement lui demander quelle est, à ses yeux, la valeur économique de ces personnes. De la même façon, lorsqu'il est demandé à une assistante sociale qui, de l'interne ou de l'externe, est le plus aisément adaptable socialement, ce qui lui est demandé c'est la valeur économique de chaque "cas social" (la réinsertion sociale implique effectivement des enjeux économiques substantiels). Lorsqu'un enseignant doit se prononcer sur la valeur d'un élève, ce dont il est question, c'est l'aptitude scolaire que l'on sait être socialement utile. Tout semble indiquer que la norme d'internalité, telle qu'elle est définie, incite ses tenants à démontrer son existence dans des "situations de forte normativité" (selon l'expression de Dubois, 1994, p. 48). On ne s'étonnera alors pas que la valeur dont il est question, et telle qu'elle est définie par les théoriciens de la norme d'internalité, renvoie de façon assez exclusive à la valeur sociale des personnes ou, plus précisément à l'utilité des personnes telle qu'elle émerge des pratiques évaluatives.

Cette définition implicite (et quasi marxiste du point de vue sociologique) de la valeur peut apparaître, pour le moins, restrictive et négliger un certain nombre d'activités humaines et diverses productions psychologiques et sociales. Les travaux de recherche que nous présenterons ici ont justement pour objectif de savoir si les explications internes sont valorisées, dans d'autres situations de perception sociale qui sont moins utilitaires et où la valeur de la personne cible est envisagée sous des aspects plus affectifs (chapitres 2 et 3), cognitifs (chapitre 4), ou identitaires (Chapitre 5).












DEUXIÈME Chapitre




Attribuer de l'internalité &
attribuer de la valeur
A. Attribuer des explications internes à autrui

Lors du chapitre précédent nous avons rappelé comment des auteurs comme Dubois et Beauvois en sont arrivés à émettre l'hypothèse d'une norme d'internalité stipulant que l'on valorise les explications qui accentuent le poids de l'acteur comme facteur causal, au détriment d'autres explications. En se basant sur une revue de question concernant l'internalité, Dubois (1987) faisait alors remarquer le lien qui existe entre internalité et réussite sociale. Dans la perspective de la norme d'internalité, il a pu être observé que les sujets choisissent plus d'explications internes pour se faire bien voir plutôt que pour se faire mal voir (paradigme d'autoprésentation). De plus, il semble que les explications données par un individu fassent l'objet d'une sanction sociale. Plus précisément, il a été montré que l'on juge plus favorablement une personne connue pour ses choix internes (paradigme des juges).
En conclusion, il semble que, d'une part, les explications internes soient utilisées par les gens pour se faire bien voir et que, d'autre part, ils se fassent ainsi effectivement bien voir. Une analyse plus fine de ces deux résultats peut cependant laisser penser qu'ils pourraient être plus limités qu'il n'y paraît.

A. 1. Vers un paradigme d'identification

Les paradigmes ayant suscité le plus de recherches pour valider le concept de "norme d'internalité" semblent être le paradigme d'autoprésentation (donner une bonne versus une mauvaise image de soi) et le paradigme des juges (évaluer une personne connue par les explications qu'elle a donné). Ces deux paradigmes peuvent d'ailleurs apparaître comme étant complémentaires dans la mesure où ils impliquent des processus psychologiques relativement différents de l'évaluation sociale.
En effet, avec un paradigme d'autoprésentation, le sujet peut choisir, pour chaque événement, l'explication qui lui semble la plus appropriée pour donner la meilleure (ou la plus mauvaise) image de lui-même. Néanmoins, la stratégie que le sujet croit être la meilleure n'est pas toujours la plus efficace, comme le fait remarquer Dubois (1994). Ainsi, un sujet qui tente d'attribuer de façon externe ses échecs pour se prémunir de leur négativité commet une erreur. En effet, les résultats obtenus avec le paradigme des juges semblent indiquer que le sujet aurait eu meilleur compte, dans ce cas, à se montrer interne.
Bien que le paradigme des juges permette, quant à lui, de connaître avec plus de certitude la valeur attachée à un mode de réponse, il permet difficilement de prendre en compte l’ensemble des stratégies de réponses pour un même questionnaire. Ainsi, le sujet n'est alors confronté qu'aux patterns de réponses envisagées par le chercheur. Il est donc fort probable que le choix fait par le chercheur ait pour effet d'orienter substantiellement l'attention du sujet sur la dimension opposant les cibles à évaluer (par exemple l'internalité lorsqu'une personne cible interne est opposée à une cible externe).
Ainsi, ce n'est qu'assez récemment que Dubois (1993a, 1993b), prenant en compte cette limite a proposé à ses sujets d'évaluer, outre une personne ayant répondu de façon entièrement interne et une personne ayant répondu de façon entièrement externe, deux autres personnes dont l'une avait répondu de façon autocomplaisante (interne pour les événements positifs et externe pour les événements négatifs) et l'autre avait répondu de façon modeste (externe pour les événements positifs et interne pour les événements négatifs). Les évaluations des sujets montrent que c'est le niveau d'internalité qui détermine l'évaluation produite par les juges et ce de façon assez indépendante de la positivité/négativité des événements.

Néanmoins, les explications qu'un sujet donne pour se faire bien voir n'implique pas qu'il choisisse une seule de ces quatre éventualités (internalité, externalité, autocomplaisance ou modestie). Bien au contraire, certaines de ces stratégies sont compatibles. Ainsi, on peut envisager que soit mieux évaluée une personne qui est globalement plus interne qu'externe tout en étant à la fois légèrement autocomplaisante. Pour envisager l'ensemble des possibilités, il conviendrait donc de faire évaluer aux juges toutes les possibilités existantes pour remplir un même questionnaire. Cela est pourtant difficilement envisageable (le nombre des possibilités de réponses à un questionnaire d’internalité est bien souvent rédhibitoire).

Un autre paradigme semble moins souffrir de ces limites. Il s'agit d'un paradigme où le sujet doit indiquer lui-même, pour chaque événement, les réponses étant celles d'une personne estimable (ou non) . Dans un tel cas le sujet est à même de produire le pattern de réponse qu'il suppose associé à la cible, tout en prenant en compte la spécificité de chaque événement et de chaque explication.
Ce paradigme est communément appelé paradigme d'identification. Il a été pour la première fois appliqué à l'étude de la norme d'internalité par Jellison & Green (1981). Ces auteurs observent que les étudiants choisissent davantage d'explications internes lorsqu'ils répondent en leur nom à la fameuse échelle de Rotter (1966), que lorsqu'ils répondent comme, à leur avis, le ferait un étudiant moyen. Ceci est en fait tout-à-fait conforme avec l'idée de Festinger (1954) selon laquelle les gens se décrivent de façon plus positive qu'ils ne décrivent l'individu moyen.
De façon générale, on peut donc s'attendre à ce qu'une personne estimée soit créditée de plus d'internalité qu'une personne qui ne l'est pas. Comprenons bien que le sujet ne porte pas directement un jugement sur le fait que la personne soit interne ou non. L'hypothèse ne postule pas que la personnalité "interne" est le prototype d'une personnalité socialement valorisée. Elle postule plus simplement que les explications internes (qu'elles fassent ou non partie d'une échelle de personnalité) font l'objet d'une valorisation. Plus précisément, lorsqu'est présenté au sujet un événement suivi d'explications a priori internes et d'explications a priori externes, le sujet présentera une personne valorisée (plus qu'une personne qui ne l'est pas) comme étant celle qui sera plus souvent d'accord avec une explication interne plutôt qu'externe.

Notons enfin, que le paradigme d'identification peut être opérationalisé de différentes façons. Par exemple, Jellison & Green (1981) comparent la réponse spontanée du sujet pour lui-même, à la réponse qu'il attend d'un individu moyen (They were instructed to completed this copy in a way that they would expect "the average undergraduate" to respond. p. 645). Il s'agit donc pour eux d'une consigne d'anticipation qui sera reprise plus tard par Beauvois, Gilibert, Pansu & Abdellaoui (à paraître, Exp. 2). Il se peut par ailleurs que la consigne implique parfois une notion de prise de rôle lorsque le sujet est invité à répondre comme le ferait quelqu'un qui partage une caractéristique avec lui. On peut aussi opérationaliser ce paradigme d'une troisième façon. Celle-ci consiste à demander au sujet ce que la cible a dit par le passé. Il s'agit donc d'une consigne de reconnaissance (illustrée par la figure 1). Cette consigne permet d'orienter davantage l'attention du sujet sur l’explication particulière d'un événement (plutôt que sur un mode de réponse à un questionnaire d’internalité). Enfin, elle peut être basée sur la reconnaissance d'explications prétendument entendues (voir ce chapitre, Exp. 1, 2 et 3) voire réellement entendues (voir chapitre 5, Exp 8).

Figure 1 : Consigne de reconnaissance dans le paradigme d'identification


Bien que ces nuances, au sein du paradigme d'identification, ne soient pas, à notre connaissance, abordées dans la littérature psychosociale, elles méritent néanmoins d'être notées puisqu'elles semblent relever d'activités psychologiques distinctes.

Un autre point, plus important pour notre propos, mérite d’être relevé. Il concerne la valeur (positive ou négative) que le sujet accorde à la cible. Ce point est primordial dès lors que notre hypothèse envisage que plus une cible est valorisée, plus elle sera créditée d’internalité.
Ainsi, une cible est souvent créditée de plus d’internalité parce qu'il lui est associé de la valeur sociale ou, en d'autres termes, une certaine utilité sociale. Dans ce chapitre, nous essaierons d’envisager dans quelle mesure le fait de créditer de plus d'internalité une cible peut refléter la valeur de celle-ci. Il est ici question de la valeur qu'a, aux yeux du sujet, la cible et ce en dehors de tout rapport d’utilité sociale. Et ce, parfois même, sans que le sujet ne soit en mesure de repérer la raison pour laquelle il en vient à apprécier cette personne plutôt qu'une autre.

A. 2. La valeur de la cible dans les attributions d'internalité

Il est en soi délicat de tirer des conclusions à partir de ce paradigme dans la mesure où il a peu été utilisé depuis Jellison & Green (1981). Ainsi, en 1994, Dubois ne recense que trois recherches utilisant ce paradigme. A ce jour, cinq recherches ont été publiées à ce sujet : Jellison et Green (1981), Dubois (1991b), Dubois & Beauvois (1996), Beauvois, Gilibert, Pansu & Abdellaoui (à paraître). L'interprétation la plus vraisemblable, des données qui y sont rapportées, est qu'il est attribué plus d’internalité aux cibles qui sont porteuses d’une certaine valeur sociale. Ainsi, sont crédités de plus d'internalité les bons élèves plutôt que les mauvais élèves, les étudiants au parcours scolaire exemplaire plutôt que ceux qui ont redoublé, les gens qui sont reconnus pour exercer des professions bien rémunérées plutôt que ceux qui exercent de professions qui le sont moins (Somat, 1997 communication personnelle). Rappelons que ce rapport entre internalité et réussite sociale était déjà apparu dans les études passées en revue par Dubois (1987).

Si les attributions d'internalité sont fonction de la valeur sociale de la cible, est-il besoin de parler de norme ?
Le rapport entre réussite et internalité, dans des paradigmes assez divers, constitue un résultat d'une constance pour le moins remarquable. Puisque l’internalité est effectivement le signe de la réussite sociale, on peut alors se demander s'il est besoin pour cela de recourir à une interprétation normative. Est-il besoin d’associer à la notion de norme une conception de la valeur qui définit celle-ci comme l' "utilité sociale" (Dubois, 1994 ; Beauvois, 1995) pour expliquer que les plus internes sont perçus comme étant ceux qui réussissent ? On pourrait tout simplement envisager que :
1) les situations de réussite amènent les gens à être plus internes (ce qui est bien connu dans les études portant sur le biais d'autocomplaisance),
2) les sujets cherchent à se montrer plus internes pour faire croire qu’ils font partie des gens qui réussissent (lors d'un paradigme d'autoprésentation),
3) les sujets perçoivent ceux qui sont plus internes comme ceux qui sont capables de réussir dans la vie (lors d'un paradigme des juges),
4) les sujets perçoivent ceux qui réussissent comme plus internes (lors d'un paradigme d’identification).

On est alors en droit de supposer que les sujets associent à la situation de réussite une prédilection pour les explications internes et qu'ils n'ont aucun mal à envisager de façon intuitive le rapport qui existe entre internalité et réussite décrit par Dubois (1987). Sans doute savent-ils qu'il est plus facile d'endosser la responsabilité de ce qui nous arrive de bien et qu'en revanche, lorsqu'ils nous arrive quelque chose de moins bien, nous avons du mal à envisager que cela dépende de nos propres actions. N'associons-nous pas le poids du destin et de la malchance à ceux que la vie n'épargne pas ?
Ainsi, nous avons généralement du mal à envisager que ce qui peut nous arriver de néfaste puisse dépendre de nous-mêmes (Kunda, 1987). Par voie de conséquence, on imagine aisément qu'une personne qui a réussi dans la vie devrait être plus interne que les autres puisqu'elle est dans une situation désirable et ce d'autant plus quand elle explique effectivement une réussite. A l'opposé, une personne en situation d'échec avéré devrait être externe puisque ce qui lui arrive ne peut être que néfaste pour elle. Une réussite est peut-être même tellement peu envisageable en ce qui la concerne que l'on peut s'attendre à ce qu'elle explique de façon plus interne ses échecs que ses réussites.
Ainsi, il arrive que pour se faire bien voir, les gens se montrent parfois globalement plus internes tout en étant autocomplaisants. A l'opposé pour se faire mal voir, ils se montrent globalement plus externes et plus modestes dans leurs explications (Dubois, Ferry et Frientz, 1992 ; Dubois & Schnür, 1993 ; Dubois & Boyer, 1992). Des données de même signification apparaissent dans le cadre du paradigme d'identification (Dubois et Beauvois, 1996). Ainsi, les "bons élèves" sont crédités de plus d'internalité mais aussi de plus d'autocomplaisance. A l'opposé, les "mauvais élèves" sont crédités de moins d'internalité et de plus de modestie dans leurs explications. Tout se passe comme si c'était sur la base d'expectations de réussite ou d'échecs que les sujets infèrent les explications les plus vraisemblables que donnerait quelqu'un de bien ou encore un bon élève.
C'est sur des bases analogues que Carver (1997) fait un lien entre les expectations de réussite et l'internalité. Il semble que le sujet fasse ce lien pour choisir ses propres explications mais aussi pour interpréter les explications des autres.
Rappelons que la perspective de Carver est celle de l'autorégulation (Carver & Scheier, 1981, 1990, 1994) où l'élément apparemment déterminant du comportement est l'expectation de réussite (plus que l'expectation de contrôle interne/externe). Dans cette perspective, le rôle de la dimension optimisme/pessimisme des expectations est un élément central (Scheier & Carver, 1985, 1992). Pour Carver (1997), ce serait l'expectation de réussite qui déterminerait le choix d'une explication interne. Afin de démontrer ce point de vue, le matériel utilisé par cet auteur est une adaptation du questionnaire de Rotter où chaque affirmation était suivie d'une échelle en 5 points. En demandant à des étudiants de répondre à ce questionnaire, Carver observe que ceux-ci sont d’autant plus souvent d'accord avec l'explication interne qu’ils supposent que l’événement dont il est question aboutira à une issue positive pour eux. Plus précisément, lorsque le sujet acquiesce à l’affirmation "réussir est une question de travail", c’est qu’il estime avoir de fortes chances de réussir (cette deuxième mesure étant faite sur une seconde échelle de Likert). De la même façon lorsque ce questionnaire, rempli par un autre étudiant leur est présenté, plus l'étudiant cible a expliqué de façon interne un événement, plus les sujets perçoivent l'étudiant comme optimiste quant à l’issue de cet événement. Inversement, plus l'étudiant a expliqué de façon externe un événement plus il est perçu comme pessimiste quant à l'issue de cet événement.

L'interprétation développée ci-dessus semble donc bien en mesure d'expliquer les choix que les gens font, pour eux-mêmes et pour autrui, en matière d'explication. Celles-ci seraient choisies sur la base des expectations de réussite que l'on peut raisonnablement faire pour soi, mais aussi pour autrui. Rappelons que cette interprétation ne postule pas que l'internalité mène à la réussite mais que la réussite amène les gens à être internes dans leurs explications.
Il est alors possible que l'attribution d'internalité faite à l'égard des gens qui réussissent soit particulièrement réaliste. Le sujet appliquerait ainsi une loi très générale connue de lui et mettant en rapport réussite et internalité. C'est sur la base des expectations qu'il peut raisonnablement faire, que le sujet établit alors un pronostic réaliste des explications que donnerait la personne cible. Dans le cadre de cette perspective réaliste, la valeur affective de la cible importerait peu au sujet. Il se contenterait d'une analyse des comportements objectifs qu'il peut attendre de la cible et en déduirait les explications correspondantes (internes pour une situation de réussite et externes pour une situation d'échec).

Attribuer de l'internalité aux gens que l'on aime : une façon de préférer les explications internes.
On peut aussi envisager que les gens n'associent pas seulement le fait d'être plus internes aux gens qui réussissent mais aussi à ceux qu'ils aiment. Ceci impliquerait qu'est associée à l'internalité une valeur personnelle et affective. Ce point serait alors plus conforme à l'idée de norme. En effet, le propre d'une norme est d'être intériorisée, à la différence d'une règle ou d'une loi qui est imposée à l'aide d'un pouvoir coercitif.
Cela signifierait que le sujet, de lui-même, attribue plus de valeur au choix d'une explication interne et que l'internalité n'est pas seulement l'apanage de ceux qui réussissent, mais que c'est aussi une caractéristique que nous apprécions dans nos relations amicales et affinitaires. En d'autres termes, il n'est donc pas inconcevable que l'internalité recouvre d'autres processus évaluatifs que celui de la simple perception objective des chances de réussite et qu'elle renvoie à un mode de valeur plus étendu. Deux recherches menées par Nicole Dubois vont effectivement dans ce sens.
Une de ces deux études (Dubois, Bonmarchand & Scherer, 1992) mettait en scène un paradigme des juges. Des élèves de primaire devaient, sur la base des explications (internes vs. externes) données par deux autres élèves, indiquer s'il s'agissait de bons ou de mauvais élèves mais aussi dans quelle mesure ils aimeraient avoir comme copain ces deux autres élèves. Les résultats montrent que, quel que soit le jugement demandé, la cible interne est toujours mieux évaluée. On peut cependant se demander si le jugement amical porté par les sujets n'est pas empreint d'utilité sociale puisque ceux-ci se voient de fait exposés à des cibles contrastées quant à leur internalité donc à leur valeur sociale.
Dans une autre recherche, ce problème est moins présent puisqu'est mis en scène un paradigme d'identification (Dubois, 1991, b). On observe alors qu'un bon élève se voit crédité de plus d'internalité qu'un élève aimé, celui-ci étant crédité de plus d'internalité qu'un élève qui n'est pas aimé ; ce dernier étant néanmoins toujours crédité de plus d'internalité qu'un mauvais élève. Il ressort donc de cette étude qu'une différenciation évaluative en termes affinitaires semble susciter des attributions d'internalité moins contrastées qu'une différenciation en termes de valeur sociale. On peut pourtant aussi se demander si les réponses des sujets n'étaient pas guidées par des stratégies d'autoprésentation. En effet, rappelons que les stratégies d'autoprésentation sont fréquentes dans les réponses que donnent les sujets. Ainsi, il est bien connu que lorsque les sujets répondent à un questionnaire d'internalité de façon apparemment spontanée, ils se comportent pourtant comme s'ils cherchaient à se faire bien voir (Dubois, 1994). Il est alors possible qu'en évaluant positivement un collègue interne ou en attribuant de l'internalité à ses amis, l'enfant cherche tout simplement à se faire bien voir par le maître ou l'expérimentateur qui lui a posé ces questions. Ainsi, l'internalité ne serait associée aux amis que de façon purement instrumentale de la part du sujet parce que celui-ci se doute que l'expérimentateur attribue plus de valeur à l'internalité qu'à l'externalité. On aurait néanmoins pu espérer, comme nous allons le faire, que le sujet associe à ses amis de l'internalité parce qu'il pense que l'internalité est effectivement quelque chose de désirable, indépendamment de ce que pourrait en penser l'expérimentateur.

A. 3. Attribuer de l'internalité à des cibles dans un contexte de relations purement affectives.

Supposer que l'internalité est associée à une forme de valeur plus intériorisée et plus affective est relativement délicat. La position la plus raisonnable consisterait à avancer que les attributions d'internalité se produisent principalement dans les situations de "forte normativité". En effet, pour Dubois (1994), l'internalité est principalement valorisée dans ce type de situations où (1) la cible est caractérisée par son utilité sociale plus que par sa valeur affective, (2) le sujet donne sa réponse devant l'agent institutionnel qu'est le chercheur, (3) les questionnaires se présentent sous forme de choix forcés entre une explication interne et une explication externe pour un même événement.
Pour les raisons que nous avons évoquées plus haut, il conviendrait de montrer qu'il ne s'agit pas de conditions nécessaires pour qu'apparaissent des attributions d'internalité vers des cibles valorisées. Nous postulons au contraire que les attributions d'internalité peuvent être faites vers des cibles dont la valeur est purement affective et que cette attribution n'a pas un caractère stratégique. Pour cela il conviendrait :
(1) que la valeur de la cible ne soit pas rendue saillante par le chercheur,
(2) que l'objectif annoncé de la recherche ne soit pas l'étude des processus par lesquels l'internalité est associée à une cible,
(3) que les explications proposées ne soient pas en choix forcé, mais qu'elle soient suivies d'échelles de Likert afin que la différence de normativité entre les deux types d'explications soit moins saillante. Et, pourrait-on rajouter, que le paradigme d'identification porte sur l'attribution d'une explication circonscrite à un événement plutôt que sur l'attribution d'un style de réponse par un questionnaire d'internalité.

Si des attributions d'internalité se font bien en direction des cibles effectivement valorisées par le sujet, on peut espérer que ces quelques précautions permettront d'avancer que le sujet ne produit pas ces attributions de façon à plaire à l'expérimentateur.


B. Attribution d'internalité en fonction de la valence affective de la cible

Quelques précisions quant à la définition de la valence affective sont nécessaires lorsque nous faisons l'hypothèse que les attributions d'internalité ne reflètent pas seulement la valeur sociale de la cible et qu'elles se font aussi en direction des cibles "valorisées par le sujet". Pour cette raison, le lecteur trouvera dans les pages qui suivent une définition du concept de valence affective mais aussi une brève revue de la littérature concernant les déterminants de la valence affective dans les relations interpersonnelles. Ces précautions étant prises, des choix seront faits quant à l'opérationalisation de la valence affective.

B. 1. Définition et déterminants de la valence affective

Définition de la valence affective
Afin de traiter des aspects affectifs de la valeur nous avons recours au concept de "valence affective". La définition de la valence affective, à laquelle nous nous référons pour la suite de ce travail, provient de Kirouac (1992) pour qui "Il est usuel de désigner sous le terme de processus affectifs tous les états qui font appel à des sensations de plaisir/déplaisir ou encore celles qui sont liées à la tonalité agréable/désagréable". Nous nous situons donc dans le cadre d'une approche dimensionnelle de l'affect. Nous n'ignorons pas non plus que d'autres approches plus taxinomiques laissent entendre que les affects sont des entités distinctes qu'il est difficile de hiérarchiser. Il existe néanmoins un fort consensus pour considérer la dimension agréable/désagréable (appelée de façon générique la "valence") comme étant la distinction la plus claire que l'on puisse faire entre les différents états affectifs. Cette notion de valence affective renvoie clairement à l'idée de réactions affectives attachées à l'apparition dans l'environnement de stimuli étant soit positifs soit négatifs. Selon Niedenthal (1992), c'est dans ce cadre conceptuel que l'on peut situer l'approche "New Look" des années 40 et 50 qui envisageait l'affect comme un préalable à la perception : "les connotations émotionnelles d'un stimulus externe produisent des réactions avant que ne se produise ou ne soit complètement élaborée une représentation consciente ; cette "classification" émotionnelle détermine ainsi les processus subséquents" (Dixon, 1981 p.121).
La valence affective est un élément pris en considération par la grande majorité des chercheurs travaillant sur les affects et les émotions, que ceux-ci adoptent une perspective dimensionnelle ou taxinomique (De Bonis, 1996 ; Rimé, 1997). Par exemple, l'étude des prototypes émotionnels (Shaver, Swartz, Kirson, O'Connor, 1987), a montré à quel point l'univers représentationnel des états affectifs est structuré par la valence plus que par d'autres dimensions. Cette catégorisation entre émotions positives et négatives serait, selon ces auteurs, la distinction la plus prononcée et la plus précise qu'il est possible de faire au sein des états affectifs ou émotionnels. (Pour une analyse plus approfondie des états affectifs, nous renvoyons le lecteur au travail de Bertone, 1998). Une certaine importance est aussi accordée à la valence affective dans la perspective plus taxinomique et cognitive de Smith & Lazarus (1993 ; Smith, Haynes, Lazarus & Pope, 1993 ; pour une revue : Parkinson, 1997). Ils avancent que les émotions que ressent l'individu sont générées par un travail d'interprétation et d'évaluation cognitive et ce à deux niveaux. Il est important de remarquer que le premier niveau d'interprétation cognitive concerne spécifiquement le caractère agréable/désagréable de la situation. Ce serait seulement à un niveau ultérieur que des discriminations et des interprétations plus fines se produiraient au sein des émotions positives et négatives.
La valence affective peut donc être considérée comme un élément extrêmement élémentaire de l'expérience émotionnelle, qu'elle soit envisagée comme une caractéristique intrinsèque du stimulus ou qu'elle soit envisagée comme le produit d'une décision cognitive.

Les déterminants de la valence affective
Nous abordons ici les déterminants susceptibles d'affecter la valence affective d'une personne cible dans le cadre de la perception interpersonnelle. L'objectif de cette brève revue est de repérer et de sélectionner, parmi les facteurs les plus connus en psychologie sociale et cognitive, ceux qu'il est possible de manipuler de sorte que la cible ait plus ou moins de valeur affective aux yeux du sujet.
Afin de simplifier la lecture de ces déterminants, il est possible de les regrouper en quatre catégories différentes mais non exclusives (Hendrick et Hendrick, 1992).
La qualité des relations interpersonnelles peut dépendre de la réciprocité affective. Ainsi, le simple fait d'être apprécié par autrui est de nature à susciter des émotions positives en ce qui le concerne et à produire en retour une appréciation positive de cette personne.
Elle peut aussi être liée à l'indétermination affective. En effet, face à des situations nouvelles et effrayantes, l'individu tend généralement à rechercher la présence de personnes se trouvant dans une situation identique et pouvant ainsi fournir à la fois un support affectif et permettre de mieux comprendre la situation. La présence d'autrui permet alors une évaluation de l'émotion ressentie qui réduit le niveau d'anxiété (Schachter, 1959) ; la réduction de cette incertitude nous inciterait à percevoir plus positivement ceux qui y ont contribué.
La qualité de la relation interpersonnelle peut aussi être liée à la similarité dont on sait qu'elle engendre des jugements plus positifs. Cette similarité recouvre différents aspects comme la similarité d'opinions, de valeurs ou encore d'activités et permet généralement la validation sociale des opinions du sujet. La similarité peut aussi avoir trait à des caractéristiques physiques comme la beauté. Une telle similarité incite généralement les gens à entrer plus facilement en contact les uns avec les autres et leur permet d'envisager une certaine compatibilité affinitaire. Ainsi, la similarité joue un rôle important lorsqu'il s'agit d'une relation à moyen ou long terme puisque celle-ci nécessite une confiance réciproque (notamment lorsqu'il s'agit de relations de couple)... En ce qui concerne la perception immédiate de la cible, la similarité semble jouer un rôle moins déterminant. Dans un tel contexte c'est l'attractivité esthétique de la cible qui semble, elle seule, prédire le désir du sujet de rentrer en interaction avec la cible (Hatfield et Sprecher, 1986).
La qualité des relations interpersonnelles est aussi affectée par la fréquence des contacts interpersonnels. Ainsi, les contacts répétés, entre deux individus qui n'auraient a priori aucune raison de ne pas s'entendre, tendent à susciter une attirance mutuelle. On invoque généralement comme cause de cela un effet d'exposition : le simple fait d'être exposés les uns aux autres tendrait à rendre plus probable la création de liens plus intimes. Saegert, Swap & Zajonc (1973) ont ainsi demandé à des sujets de participer à une étude où ils avaient la possibilité de se rencontrer. Des mesures d'attraction ont montré que plus les sujets se sont vus fréquemment, plus ils s'appréciaient mutuellement, que le thème de l'expérience ait été plaisant ou déplaisant.
Hormis ce dernier cas, la plupart des observations ayant conduit à ces conclusions ont été effectuées "in situ". Dans le souci d'éviter un contrôle imparfait des interactions réelles ou supposées du sujet avec la cible, nous avons évité de manipuler des facteurs de réciprocité, d'indétermination ou de similarité à proprement parler. Afin de manipuler de façon relativement minimale et expérimentale l'attractivité de la cible, il est possible d'invoquer l'attractivité faciale de cibles non familières (en présentant des visages plus ou moins agréables). En effet, un nombre important d'études montre que la simple attractivité des visages conduit à des inférences assez positives vis à vis de la personne ainsi présentée. Lors d'une seconde manipulation il pourrait être possible de provoquer un accroissement de l'attractivité de ces mêmes cibles par la procédure de simple exposition. Cette procédure, reposant sur un facteur provoqué et non sur un facteur invoqué, permettrait un meilleur contrôle de la valence affective et ce d'autant si cette exposition est faite par le biais d'un ordinateur et à l'insu du sujet (exposition suboptimale). Une troisième manipulation de la valence affective, cette fois entièrement provoquée par conditionnement évaluatif pavlovien sera envisagée (nous y reviendrons à l'issue de la seconde expérience).
Ces choix expérimentaux sont motivés par le souci croissant de manipuler la valence affective d'une façon aussi minimale que possible, dans des situations ayant un minimum d'implications sémantiques et sociales.

B. 2. Expérimentations

Afin d'opérationaliser au mieux la valence affective des cibles présentées aux sujets, nous avons eu recours aux trois principales méthodes que nous avons évoquées précédemment ; à savoir des cibles prétestées quant à l'agrément qu'elles ont suscité (visages moyennement attractifs versus non attractifs ; Exp. 1), des cibles faisant l'objet d'une présentation suboptimale devant accroître leur positivité (cible anciennes versus nouvelles, Exp. 2) et enfin des cibles neutres dont la valence affective (positive versus négative, Exp. 3) a fait l'objet d'un conditionnent évaluatif.
La prédiction expérimentale est bien évidemment que les cibles de valence positive (vs. négative) seront créditées de plus d'internalité par le biais des explications qui leur seront attribuées. Dans les trois études qui suivent nous nous situerons dans une version du paradigme d'identification utilisant une consigne de reconnaissance incitant le sujet à reconnaître parmi différentes explications, celles qu'a prétendument énoncées la cible.

B. 2.1. Expérience 1 : "Attribution d'internalité en fonction de l'attractivité faciale de la personne cible"

L'attractivité des visages
Les interactions sociales directes avec autrui sont le plus souvent influencées par la perception de ses caractéristiques apparentes et notamment celles de son visage. Outre le caractère descriptif des informations auxquelles nous avons ainsi accès, la perception d'un visage semble être un processus très évaluatif structuré par la valence affective.

La perception des visages semble structurée par la valeur
Ainsi, la valence affective serait un élément important dans la perception interpersonnelle. Zajonc (1980) rappelle que dans le domaine de la catégorisation des visages expressifs, environ 50% de la variance est expliqué par la dimension agréable/désagréable (Abelson & Sermat, 1962; Hastorf, Osgood & Ono, 1966). Ainsi, lorsque les chercheurs tentent de rendre compte de dimensions structurant les jugements évaluatifs concernant les visages, il semble que ce soit systématiquement la dimension agréable/désagréable qui rende le mieux compte de ces jugements (Schlosberg, 1952). D'autres dimensions moins importantes et plus subtiles compléteraient cette première dimension (par exemple l'activité - actif/passif - et, plus accessoirement, le contrôle émotionnel - émotion spontanée ou forcée - voir Osgood, 1966). Pour ce qui est de la part de variance expliquée par le facteur agréable/désagréable, un pourcentage du même ordre est observé dans le domaine des similarités entre photographies de visages (Milord, 1978). On peut donc considérer comme acquis que les visages véhiculent une valeur affective.
Notons aussi que la présentation de photographies de visages agréables est utilisée comme inductrice d'émotions positives. A l'opposé des visages désagréables sont utilisés pour induire des émotions négatives (il s'agit généralement dans le premier cas de visages témoignant d'une émotion positive et dans le second de visages mutilés ; Larzen, Diener & Cropranzano, 1987). La préférence pour les visages attractifs (vus comme tels par des adultes) semble d'ailleurs se mettre en place dès le plus jeune âge (Samuels & Ewy, 1985 ; Samuels, Butterworth, Robert & Graupner, 1994 ; Langlois, Roggman, Casey, Ritter, Reiser-Danner & Jenkins, 1987 ; Langlois, Ritter, Roggman & Vaugn, 1991).
La perception des visages étant structurée par la valeur, les jugements d'attractivité faciale sont souvent biaisés par des facteurs motivationnels. Ainsi, bien que les visages âgés soient moins attractifs (Korthase & Trenholme, 1982), les sujets âgés, comparativement aux sujets plus jeunes, tendent à minimiser cette différence d'attractivité et ce visiblement dans le but de préserver une certaine estime de soi (Wernick & Manaster, 1984). Dans le domaine des relations entre groupes, Sensening, Jones & Varney (1973) ont montré que les sujets Blancs jugent plus attractifs les visages de Blancs plutôt que les visages de Noirs (conformément à la littérature montrant que nos standards culturels de l'attractivité favorisent assez systématiquement les cibles blanches). De plus, les sujets racistes passent beaucoup moins de temps à regarder les visages de Noirs plutôt que les visages de Blancs pour aboutir à un tel jugement. Par ailleurs, des effets de comparaison sociale sont souvent en jeu (Kendrick, Montello, Guitierres & Trost, 1993). Par exemple, les femmes jugent toujours moins bien les autres femmes que ne le font les hommes (Larose, Tracy & McKelvie, 1993). Enfin, les gens ne connaissent généralement pas les éléments qui sont effectivement pris en considération par autrui pour évaluer l'attractivité de leur propre visage (Strzalko & Katarzyna, 1993). Ce dernier point est tout-à-fait consistant avec l'idée de Nisbett & Wilson (1977) selon laquelle les gens n'ont pas toujours accès aux éléments pertinents des jugements.
Un autre argument permettant d'affirmer qu'un visage véhicule de la valeur a trait à l'effet de halo.

"What is beautiful is good !"
En effet, lorsque l'individu est amené à émettre un jugement sur une personne, le niveau d'attractivité faciale de la cible semble provoquer une impression générale plus positive. Cette impression globale plus positive apparaît notamment dans la perception des caractéristiques de personnalité de la cible ou dans les comportements que l'on attend d'elle (pour une revue : Bull & Rumsey, 1988 ; Hatfield & Sprecher, 1986 ; Langlois, 1986).
Dans une étude désormais classique, Dion, Berscheid & Walster (1972) n'hésiteront pas à parler d'un "stéréotype" général concernant l'attractivité faciale. En effet, il est systématiquement observé que plus une cible est attractive, plus il lui est attribué des traits de personnalité positifs ; que la cible soit d'ailleurs masculine ou féminine. Les sujets tendent à attribuer aux cibles les plus attractives plus de chances d'occuper un poste important, plus de chances de réussir leur vie de couple, de s'accomplir dans leur travail, ou encore de se marier tôt. Cet effet de halo a été confirmé à plusieurs reprises (Zebrowitz-McArthur, Montepare & Lee, 1993, Larose, Tracy & McKelvie, 1993 ; Zuckerman & Driver, 1989).
Les inférences provoquées par l'attractivité faciale ne sont pas sans conséquences pour la cible et ce dès son plus jeune âge. Ainsi, Dion (1972) montre que, pour des actes d'agression de gravité équivalente, un enfant de sept ans est puni moins sévèrement s'il a un visage attractif. De plus, des inférences dispositionnelles (négatives), en rapport avec l'acte commis, sont plus fréquentes à l'encontre des enfants les moins attractifs. On suspecte aussi les enfants les moins attractifs d'avoir une propension stable à reproduire le comportement d'agression. De la même façon que chez les enfants, l'attractivité faciale des adultes peut être lourde de conséquences. Ainsi, Landy et Sigall (1974) demandèrent à des étudiants d'évaluer des essais de qualité variable présentés comme étant réalisés par des collègues féminines dont la photographie était jointe. Les résultats montrent que plus ces collègues étaient attractives et mieux leur essai était évalué et ce d'autant plus que l'essai était de qualité médiocre. Une recherche moins connue mais particulièrement saisissante est celle de Freize, Olson & Russell (1991). Ils mirent en relation le salaire effectivement perçu par 600 anciens diplômés de M.B.A. et l'attractivité faciale de ces mêmes étudiants (les photographies des étudiants avaient été cotés en 5 points comme étant plus ou moins attractives par des juges). Il apparaît alors que pour chaque point gagné sur une échelle d'attractivité faciale, les hommes gagnent $2.600 et les femmes $2.150 de plus ! De façon générale, on peut considérer à l'instar de Eagly et al. (1991, p. 111) et de Gergen & Gergen (1981, pp. 82-86), que les gens attractifs sont plus populaires auprès de leurs pairs et font par conséquence l'objet de traitements préférentiels.
Tout semble donc se passer comme si l'attractivité d'un visage devait nécessairement engendrer une perception sociale plus positive. Certaines nuances méritent néanmoins d'être rapportées.

"What is beautiful is good, but… : des inférences liées à la sociabilité des personnes attractives
Trois perspectives de recherche assez différentes ont néanmoins conduit à revoir à la baisse les effets de halo liés à l'attractivité faciale. Toutes trois convergent vers une même conclusion : les inférences positives liées à l'attractivité faciale sont principalement en rapport avec les qualités supposées de la cible dans les interactions interpersonnelles.

Une première perspective est liée au travaux de Zuckerman et ses collègues (1989 ; 1990 ; 1995) portant sur les effets combinés de l'attractivité faciale et de l'attractivité vocale. Ces travaux montrent que les jugements portant sur l'attractivité faciale ne sont en rapport qu'avec les traits liés à l'orientation interpersonnelle positive (sensible, sympathique, chaleureux : Zuckerman & Driver, 1989 ; ouvert plutôt que réservé, joyeux plutôt que sérieux : Zuckerman, Hodgins & Miyake, 1990 ; extraverti, chaleureux et sympathique : Zuckerman, Miyake et Elkin, 1995). Contrairement à l'attractivité faciale, l'attractivité vocale serait liée à la compétence (puissant, dominant, timide) ou à la performance (compétent, paresseux, travailleur) ou encore au "neuroticisme" (calme plutôt que soucieux, sûr plutôt qu'inquiet). Enfin, notons que l'attractivité faciale conduit à des inférences ayant trait aux relations interpersonnelles et non aux qualités morales de la cible (entreprenant plutôt que futile, consciencieux plutôt qu'irresponsable).
Une seconde perspective est liée plus particulièrement aux travaux de Cunningham et collègues (1986, 1990) portant sur les traits morphologiques responsables de l'attractivité faciale (voir encadré 1). Plus précisément, ces études mettent en relation, à partir de photographies, les jugements d'attractivité hétérosexuelle et les mesures objectives concernant la morphologie (voir notamment Cunningham, 1986 ; Cunningham, Barbee & Pike, 1990). Les résultats de ces investigations montrent, dans un premier temps, que la morphologie du partenaire idéal est légèrement typée du point de vue sexuel (finesse des traits chez les femmes et large menton chez les hommes) et traduit une certaine maturité sexuelle (généralement par une saillance des pommettes). Un résultat singulier montre que certains traits semblent encore plus déterminants, même s'ils ne sont pas révélateurs des rôles sexuels. Il s'agit des traits expressifs témoignant d'une orientation interpersonnelle positive (sourcils hauts, grandes pupilles et large sourire). Les auteurs n'hésitent d'ailleurs pas à mettre en relation ces traits non sexués avec l'androgynie. Ainsi, plus un visage est attractif, plus il lui est attribué des caractéristiques comportementales typiques de son genre mais aussi de l'autre genre (Gillen, 1981).


Encadré n°1:
Les traits morphologiques déterminants de l'attractivité hétérosexuelle

- La prototypicalité et la néotonie
L'importance de la morphologie faciale, dans les jugements d'attractivité, est particulièrement bien illustrée par les observations de Langlois (Langlois et Roggman, 1990 ; Langlois, Roggman & Musselman, 1994). Selon cet auteur, l'attractivité serait liée à la prototypicalité faciale : un visage dont les caractéristiques morphologiques sont moyennes, par rapport à l'ensemble de la population, serait plus attractif (pour des critiques sur ce point voir Grammer & Thornhill, 1994 ; Perret, May & Yoshikawa, 1994 ; Pittenger, 1991 ; Alley & Cunningham, 1991 ; Rhodes & Tremewan, 1996). Une des raisons essentielles de cette plus grande attractivité du visage prototypique ou moyen serait d'avoir l'air plus jeune. Les attitudes bienveillantes suscitées par la néotonie seraient motivées par la survie de l'espèce : les plus jeunes devant faire l'objet d'une attention particulière.

- Les traits sexués de l'attractivité
Bien que la néotonie faciale ait effectivement un effet positif sur l'attractivité des visages féminins, cette néotonie a parfois un effet inverse sur l'attractivité perçue des visages masculins (Keating, 1985). La néotonie des traits (des grands yeux par exemple) serait négativement corrélée à la dominance perçue (voir aussi Montepare, Zebrowitz-McArthur, 1989) qui est généralement associée à la masculinité. Ces traits ne semblent pas renvoyer aux mêmes caractéristiques. Ainsi, dans une perspective plus appliquée, Brownlow et Zebrowitz-McAthur (1990) observent qu'il est attribué moins de compétence à un présentateur publicitaire si sa morphologie est néotonique ou s'il s'agit d'une femme. En revanche, dans ces deux cas le message sera jugé plus fidèle ou plus honnête (Berry & Brownlow, 1989). Ce dernier point illustre bien la différence existant entre compétence et sociabilité dans l'univers représentationnel.
Les traits distinctifs de l'attractivité semblent donc être assez différents lorsque que l'on a affaire à une cible masculine ou féminine. Les inférences que l'on ferait à partir de telles caractéristiques pourraient donc être liées aux représentations des rôles sexuels (la néotonie renverrait à la féminité et provoquerait des inférences de faible compétence mais de plus grande honnêteté). Des études de Cunningham (1986 ; Cunningham, Barbee et Pike, 1990) semblent confirmer que la néotonie est une caractéristique plus féminine que masculine.

- L'androgynie des traits attractifs
La simple néotonie des visages féminins, bien qu'elle semble être un élément important de l'attractivité féminine, n'est pas pour autant un élément suffisant selon Cunningham (1986). La morphologie féminine idéale résulte de la présence de traits néotoniques (grands yeux, petit nez, petit menton) mais aussi de traits plus mûrs (des pommettes proéminentes, des joues fines) ainsi que de la présence de traits expressifs (sourcils hauts, grandes pupilles et large sourire). Il semble que la part relative de chaque type de traits dépende de la perspective de l'observateur masculin (s'il devait faire un sacrifice personnel, risquer sa vie, être attiré sexuellement et prêt à en faire la mère de ses enfants...). L'auteur fait enfin remarquer que les traits expressifs associés à l'attractivité féminine sont dynamiques et extravertis, ce qui n'est pas vraiment conforme à la passivité associée au stéréotype féminin. Pour Cunningham cela montre que les traits de l'attractivité ne découlent pas nécessairement du stéréotype féminin et qu'au contraire une légère androgynie peut être appréciée (voir à ce sujet Guillen et Sherman, 1980 ; Gillen, 1981).
Concernant les traits morphologiques masculins qui plaisent aux femmes, (Cunningham, Barbee & Pike, 1990), ceux-ci sont en rapport avec le désir qu'elles peuvent avoir de sortir avec la cible ou de l'épouser. Pour cela, les caractéristiques idéales de l'attractivité masculine correspondraient à la convergence d'un ensemble de caractéristiques majoritairement masculines et légèrement infantiles : des yeux larges, des pommettes proéminentes d'une certaine maturité, un menton large, un sourire large et expressif (ainsi qu'un habillement traduisant un bon statut social). Concernant les aspects néotoniques (grands yeux, petit nez), il semble que leur relation avec l'attractivité masculine soit en partie curvilinéaire. Berry & Zebrowitz-McArthur (1985) font d'ailleurs remarquer que les traits néotoniques des visages masculins produisent des jugements de naïveté, d'honnêteté de gentillesse et de chaleur. Pour Cunningham et al. (1990), le fait que quelques traits légèrement infantiles ainsi que l'expressivité soient pourtant appréciés chez l'homme, serait à nouveau l'expression d'une légère androgynie, cette fois recherchée par les femmes chez leur partenaire masculin qui leur paraîtrait alors plus accessible.

Plaisez-vous aux femmes ? Auto testez-vous ! Traits distinctifs de l'attractivité masculine, illustration adaptée de Cunningham, Barbee & Pike (1990)
corrélation (+ ou --) avec l'attractivité ; C : tendance à la curvilinéarité

24 :T-shirt ou maillot de sport plissé : 1 ; polo, veste de sport polyester à carreaux, couleurs mitigées, chemise sombre avec veste de sport claire :2 ; veste côtelée et cravate, chemise et cravate : 3 ; costume sombre, chemise claire et cravate : 4.

Il semble que, chez les hommes, comme chez les femmes, les traits expressifs (sourire, sourcils surélevés) soient attractifs et valorisés. Tout se passe comme si ces signes d'ouverture dynamique envers l'autre n'étaient pas liés aux stéréotypes mais témoignaient d'une certaine androgynie. Gillen (1981) aurait d'ailleurs montré que plus des visages masculins sont attractifs, plus il leur est attribué de la masculinité au B.S.R.I., pour les visages féminins, plus ils sont attractifs, plus il leur est associé de la féminité. Néanmoins, dans les deux cas, plus les visages sont attractifs, plus il leur est associé des caractéristiques de l'autre genre. Il s'agit d'ailleurs d'un résultat confirmant que certains aspects de l'androgynie peuvent être socialement valorisés (Lorenzi-Cioldi, 1988, 1994 ; Masson-Maret, 1997).


Une dernière perspective est issue d'une revue de question de Eagly, Ashmore, Makhijani & Longo (1991) portant sur 76 études concernant les inférences de personnalité liées à l'attractivité. Il semble que l'impact de l'attractivité, sur les jugements de personnalité, est médiatisé par des théories implicites liées spécifiquement à la sociabilité. Ainsi, l'attractivité serait déterminante pour les caractéristiques de personnalité en rapport avec la sociabilité (sociable, populaire, aimable, boute-en-train). En ce qui concerne les compétences liées à la tâche (par exemple : intelligent, habile, battant, travailleur), l'attractivité serait bien moins déterminante que ne le laisserait supposer l'effet de halo.
Notons que cette différence entre sociabilité et compétence n'est pas sans rappeler une autre distinction comme l'auto/hétéroprofitabilité de Peeters (1992) : la sociabilité étant profitable pour autrui (hétéroprofitable) alors que la compétence est avant tout profitable à celui qui la détient (auto-profitable). Un tel rapprochement est d'ailleurs fait par Leyens, Yzerbyt & Schadron. (1996, p. 43). La pertinence de cette notion de profitabilité est d'ailleurs accrue du fait de l'absence apparente de liens entre l'attractivité et des dimensions qui, quoique positives, sont plus intrapersonnelles et passives comme la sensibilité à autrui (sensible, emphatique, modeste) ou encore l'intégrité morale.
Tout comme pour les inférences que les sujets font à partir de l'attractivité, les effets d'autoréalisation de la prophétie apparaissent limités au domaine de la sociabilité. Ainsi, selon Eagly et al. (1991, p112), il existerait un rapport minime mais effectif entre l'attractivité et la sociabilité perçue. Ainsi, les gens les plus attractifs pourraient s'adapter plus facilement à la situation d'interaction sociale, être moins embarrassés et moins soumis à l'anxiété sociale.
Tout semble donc se passer comme si les effets bénéfiques de l'attractivité faciale étaient limités, dans la littérature, à l'activation d'une théorie implicite faisant de l'attractivité une compétence de l'interaction sociale. En effet, Eagly et al. observent que les inférences concernant la sociabilité de la cible attractive déclinent sévèrement avec des consignes d'exactitude ou avec la présentation d'autres informations individualisantes.

Attractivité et attribution d'internalité
Comme il apparaît au chapitre précédent, l'internalité est une caractéristique que l'on associe volontiers aux personnes porteuses de valeur sociale. On peut néanmoins supposer que les attributions d'internalité peuvent aussi être réalisées en fonction de la valence affective et plus spécifiquement de l'attractivité faciale de la cible. Si comme nous le pensons, l'internalité a quelque valeur aux yeux du sujet ayant intériorisé la norme d'internalité, son expression devrait dépasser le cadre de la seule valeur sociale des personnes. Rappelons que la valeur associée à l'attractivité faciale conduit généralement à des inférences sur la sociabilité de la cible et non sur la dominance ou la compétence de celle-ci. Nous pouvons donc estimer a priori que nous sommes bien dans le cadre d'une valorisation affective indépendante de toute valeur sociale.
Nous faisons alors l'hypothèse que lorsque des cibles se différencient sur une dimension de valence affective comme l'attractivité faciale, le score d'internalité attribuée devrait être plus important pour les cibles les plus attractives.

Vue générale de l'expérience 1
Des étudiants étaient invités à participer à une recherche impliquant "la mémoire subjective de l'audition". Au cours d'une première phase, des visages plus ou moins attractifs leur étaient présentés. Les sujets étaient amenés à penser qu'ils entendaient, de façon non consciente et subliminale, ces personnes parler. Au cours d'une seconde phase, ces différents visages étaient successivement présentés en même temps que diverses explications (internes vs. externes). La tâche des sujets consistait alors, à chaque présentation d'un visage associé à une explication, à établir intuitivement si l'explication qu'ils entendaient était celle qu'avait fournie la cible lors de la première phase.

Population
Vingt sujets volontaires, tous étudiants et étudiantes en première année d'étude de sciences humaines (psychologie, sociologie et philosophie), étaient conviés à participer à une recherche sur "l'identification et la perception auditive".

Matériel expérimental:
Explications : Seize explications ont été élaborées pour les besoins de la recherche. Ces explications concernaient des événements génériques en rapport avec la vie quotidienne (des comportements : se comporter ou non de façon agréable, et des renforcements : obtenir ou non ce que l'on désire). Ils s'agissait de quatre événements conçus à partir du croisement 2x(comportement vs. renforcement) x2(désirables vs. indésirables). A chacun de ces quatre événements, étaient associées des explications pour moitié internes et pour moitié externes. La stabilité temporelle de ces explications (stable vs. instable) était contrôlée de telle sorte que les explications internes comme externes soient aussi souvent stables qu'instables (Cf. annexes 1.1). Exemple :
Imaginez que vous venez d'obtenir quelque chose que vous désirez depuis longtemps. Qu'est-ce que vous vous dites qui puisse expliquer ce succès ?
"Je me dis que je fais généralement preuve de persévérance." (interne/stable)
"Je me dis que, cette fois, j'ai redoublé d'efforts." (interne/instable)
"Je me dis que le hasard fait toujours bien les choses." (externe/stable)
"Je me dis que je viens d'avoir un coup de chance." (externe/instable)
Le sujet devait estimer pour chacune de ces 4 réponses dans quelle mesure elle se rapprochait de ce qu'avait pu dire la cible.

Visages : Les visages utilisés lors de cette expérience ont été sélectionnés sur la base d'un prétest parmi une base de 33 visages non-familiers d'hommes adultes, de sexe masculin et de race blanche. Ils ne présentaient pas de signes distinctifs ni d'expression faciale marquée comme le sourire. Le choix de visages aussi peu expressifs que possible est motivé par le souci de rendre les hypothèses expérimentales aussi discrètes que possible au regard du sujet. Il ne s'agissait pas non plus de visages extrêmement beaux ou de visages extrêmement laids. De plus, chaque visage a été présenté sans fond visuel et sans que n'apparaissent les vêtements pour que ne puissent être faites des inférences portant sur le statut ou la valeur sociale de la cible.
Une trentaine de sujets provenant de la même population ont été mis à contribution pour ce prétest. Ils devaient simplement établir si chacun de ces 33 visages leur était agréable ou non. Ils disposaient pour cela d'une échelle en cinq points (allant de "pas du tout agréable" à "tout-à-fait agréable”). A partir de cette mesure, nous avons sélectionné les 3 visages les plus attractifs et les 3 visages les moins attractifs pour la présente étude (Cf. annexes 1.2).
Mesures : Pour les mesures du score d'internalité attribuée, les visages apparaissaient aléatoirement associés à chacune des explications possibles. La tâche du sujet était d'estimer, à chaque présentation visage/phrase, si la personne-cible avait ou non pu dire cela au préalable. Cette estimation se faisait à partir d'une échelle en 7 points (1: "pas vraiment", 7: "plutôt").
La variable dépendante était le score d'internalité attribuée. Ce score était calculé en soustrayant le score moyen des explications externes au score moyen des explications internes (I = µ int. -µ ext.). Les amplitudes maximales de ce score sont (-6) et (+6).

Déroulement
L'expérimentation s'est déroulée en deux phases successives : une phase où sont présentés des visages que le sujet suppose entendre parler de façon subliminale et une phase où il doit estimer, pour chaque association phrase/visage possible, si la personne a effectivement dit cela auparavant.

Figure 2 : mode de présentation des cibles dans l'expérience 1


- phase 1 : Exposition aux visages cibles : chacun des 6 visages est présenté à quatre reprises pendant une durée de 4 s. (ces présentations se faisant dans un ordre aléatoire). Avant cette présentation, il est dit au sujet qu'il va entendre de façon infraliminaire et non consciente les réponses que les personnes présentées ont donné à quatre questions au cours d'une conversation. L'expérience est présentée comme une étude typique sur la "mémoire subjective de l'audition" où l'on est amené dans un premier temps à devoir écouter des paroles dans des fréquences sonores manifestement inaudibles puis à reconnaître de façon intuitive, mais généralement juste, ce que chaque personne présentée a pu dire.
En réalité, aucune explication n'était réellement diffusée dans les écouteurs, mais uniquement un son bourdonnant.

- phase 2 : Attribution d'explications aux cibles : le sujet est informé qu'il doit essayer d'établir, de façon intuitive à chaque fois qu'une cible apparaît à l'écran, si l'explication qu'il entend simultanément est bien ce qu'a pu dire la cible lors de la première phase. Chacune des explications était présentée pour chacun des six visages, les diverses combinaisons possibles se produisant dans un ordre aléatoire pour chaque type d'événement (l'ordre des événements étant contrebalancé). L'expérimentateur n'est pas présent dans la salle au moment où le sujet répond.

C'est à l'occasion de cette seconde phase que le sujet entendait pour la première fois les diverses explications. Contrairement à ce qui lui a été dit, aucune explication n'était utilisée lors de la première phase. Ce mensonge expérimental avait pour objectif d'amener les sujets à penser que la tâche et les hypothèses du chercheur, portaient sur la mémoire subjective de l'audition, qu'ils n'étaient pas en train de se livrer à une attribution de valeur et qu'ils devaient, autant que possible produire une réponse juste. À l'issue de l'expérimentation, les sujets étaient informés qu'ils avaient participé à une étude où aucune parole n'était effectivement diffusée lors de la première phase, de façon à connaître les inférences qui peuvent avoir lieu dans ce type de tâche.
(Les consignes sont présentées en annexes 1.3)

Résultats
Les résultats sont donnés dans le tableau 1.

Tableau 1 : Scores d'internalité attribuée à des cibles plus et moins attractives pour l'explication d'un événement désirable et non désirable
Cibles :événement indésirableévénement désirableles plus attractivesComp. 0.83 Renf. 0.13
0.48
(1.79)Comp. 0.59 Renf. -0.30
0.15
(1.73)les moins attractivesComp. -1.68 Renf. -0.40
-1.05
(1.77)Comp. -1.15 Renf. 0.50
-0.33
(1.61)(min.: -6 max.: +6)
Le plan 2(attractivité) x2 (comportement/ renforcement) x2(désirable/indésirable) a été traité par ANOVA avec le score d'internalité attribuée comme mesure répétée sur l'ensemble des facteurs.

Effet de l'attractivité
L'effet de l'attractivité de la cible est significatif : le score d'internalité attribuée aux cibles les plus attractives est plus important que le score d'internalité attribuée aux cibles les moins attractives (0.31 vs. -0.68, F (1,19) = 16.6 p