Corrigé du cas pratique de révision de la séance n° 18
Deug Droit 2e année - Droit civil 2 Chargés de TD : M. Beaudoin, Mlle Robert.
Année universitaire 2004-2005. Corrigé du cas pratique de révision de la séance
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Corrigé du cas pratique de révision de la séance n° 18
I. Le contrat conclu entre M. Sijavaisu et M. Bradin
Qualification du contrat : pacte de préférence ; définition
Affirmation selon laquelle le contrat est nul pour indétermination du prix
CCass : la prédétermination du prix du contrat envisagé nest pas une condition de validité du pacte de préférence (Civ. 3e 15 janv. 2003, TD).
Justification tirée de la nature du pacte de préférence : aucune obligation de contracter, et en loccurrence de vendre, ne pèse sur le souscripteur du pacte. Il est libre de vendre ou de ne pas vendre : ses obligations se limitent seulement à réserver une priorité au bénéficiaire dans le cas où il déciderait de vendre la chose. La CCass en déduit logiquement quil nest pas nécessaire que tous les éléments constitutifs du futur contrat soient déjà déterminés dans le pacte. Si le contrat envisagé est une vente, le pacte doit simplement préciser la chose promise : telle maison, telle parcelle de terrain, tel bateau. En revanche, il nest pas nécessaire que le prix soit déjà fixé (art. 1591 inapplicable).
Affirmation selon laquelle le souscripteur (Bradin) devrait être condamné à vendre le bateau au bénéficiaire (Sijavaisu)
Il y a bien inexécution par le souscripteur de ses obligations ; en effet, il sest engagé à réserver une priorité au bénéficiaire pendant un an ; or, il a vendu à un tiers (Bonmarin), avant lexpiration de ce délai, sans proposer préalablement la vente au bénéficiaire. Comment sanctionner cette inexécution ?
Sijavaisu demande lexécution forcée du pacte : il sagirait donc de contraindre le souscripteur à réaliser la vente avec le bénéficiaire du pacte ; concrètement, le juge ordonnerait la substitution du bénéficiaire du pacte au tiers acquéreur de mauvaise foi. Cependant, la CCass nadmet pas une telle substitution (v. Civ. 3e 30 avril 1997).
Le maximum que le bénéficiaire du pacte puisse obtenir, cest la nullité de la vente conclue en violation du pacte. Cependant, la jurisprudence ne ladmet que si la fraude du tiers est établie. Cela suppose la réunion de 2 conditions : le tiers connaissait lexistence du pacte ; et il connaissait la volonté du bénéficiaire de sen prévaloir.
En tout état de cause, le bénéficiaire (Sijavaisu) peut agir en dommages et intérêts contre le souscripteur (Bradin) : il sagira bien entendu dune responsabilité de nature contractuelle. Mais Sijavaisu peut également agir contre le tiers, cette fois-ci sur le terrain de la responsabilité délictuelle. Il faudra prouver une faute de ce tiers, c'est-à-dire le fait pour ce dernier de sêtre rendu complice de la violation du pacte par le souscripteur ; cela suppose bien évidemment que le tiers ait eu connaissance de lexistence du pacte de préférence.
II. la vente de la commode Louis XIII
La nullité de la vente pour erreur sur la substance
Art. 1110 inapplicable ici : il sagit dune erreur directe sur la valeur de la chose. Sijavaisu na pas commis derreur sur les qualités substantielles de la chose (il savait quil achetait une commode Louis XIII).
Définition erreur directe sur la valeur : mauvaise appréciation économique de la valeur dune prestation effectuée à partir de données exactes (cf. Versailles 7 janv. 1987, Poussin).
Justification : art. 1118, dont il ressort quun déséquilibre économique des prestations au moment de la conclusion du contrat nest une cause de nullité que dans les cas prévus par la loi. Admettre la nullité pour erreur directe sur la valeur sur le fondement de lart. 1110 reviendrait à contourner le principe posé à lart. 1118.
En revanche, nullité possible sur 1110 si lerreur est une erreur indirecte sur la valeur (si lerreur sur la valeur procède dune erreur sur la substance ; cf. Poussin).
Également, nullité possible sur le fondement de lart. 1116 si lerreur directe sur la valeur a été provoquée par le dol du cocontractant (à nuancer cependant en cas de simple réticence ; cf. affaire Baldus où lacheteur, par son silence, naurait pas véritablement provoqué lerreur du vendeur, mais se serait contenté de lexploiter).
La nullité de la vente pour lésion de plus de 7/12e :
Lami avocat pense sans doute à lart. 1674. Mais inapplicable ici : rescision pour lésion prévue par ce texte ne concerne que la vente dimmeuble ; on peut ajouter que ce texte accorde la rescision au vendeur, donc lorsque le prix de vente est trop faible.
On retombe donc sur le principe énoncé à lart. 1118 : lexistence dun juste prix nest pas une condition de validité dun contrat synallagmatique à titre onéreux.
La nullité de la vente pour « clause abusive » (Art. L.132-1 Code de la consommation).
Exclue : le législateur ne protège pas spécialement le consommateur contre la lésion. Même la législation sur les clauses abusives na pas pour fonction dassurer léquivalence globale entre la prestation fournie et le prix demandé.
Cela ressort très clairement de lart. L. 132-1 al. 7 du Code de la consommation qui prévoit en effet que « lappréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de lobjet principal du contrat, ni sur ladéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ».
III. Laccident de la circulation
L. 5 juillet 1985. Implication du véhicule dans laccident / imputabilité du dommage à laccident. Problème de laccident complexe (collisions en chaîne).
Véhicule de Sijavaisu impliqué dans laccident (contact avec la victime) ; de même le dommage (décès) est bien imputable à laccident (dans lequel sont impliqués les 2 véhicules) : donc il nest a priori pas à labri dune action de la victime (en loccurrence ses héritiers).
Cependant, à partir de 1989, Cour de cassation est passée de limputabilité du dommage à laccident à limputabilité du dommage au véhicule : elle a permis au défendeur (ici il sagirait de Sijavaisu) de prouver que la victime était déjà décédée avant le choc avec son véhicule, et donc que ce dernier navait pas causé le décès ; en procédant de la sorte, la CCass introduisait une condition non prévue par la loi de 1985 et contraire à son esprit : lexigence dun lien de causalité entre le dommage (ici le décès du cyclomotoriste) et le véhicule du défendeur (ici Sijavaisu). Revenait à découper laccident complexe en une série daccidents particuliers correspondant chacun à un choc.
Si on applique cette jurisprudence, M. Sijavaisu ne risque en effet pas grand chose. En effet, le dommage est entièrement imputable au véhicule de Sémafote. Il suffira donc à Sijavaisu de prouver que la victime a été tuée lors du 1er choc, cest-à-dire du 1er accident ; donc pas de lien de causalité entre son véhicule et le dommage ; donc la condition dimputabilité du dommage à laccident (le 2nd choc) nest pas remplie ; donc Sijavaisu ne pourra pas être condamné à réparer.
Cependant, il semble que depuis 2000 la CCass soit revenue à sa position initiale, à savoir le traitement global de la situation accidentelle ; il sagirait donc bien dun accident unique dans lequel les 2 voitures sont impliquées, et le dommage étant sans conteste imputable à cet accident unique. Les victimes doivent donc pouvoir demander réparation à Sémafote et/ou à Sijavaisu. Donc ce dernier ne peut pas se fier aux propos du premier.
Remarques :
On pouvait évoquer ensuite la « qualité » de la victime (cyclomotoriste éjecté) : conducteur ou non-conducteur ? (Sijavaisu peut-il invoquer lart. 4, à savoir la faute de la victime pour obtenir une exonération partielle ou totale ?) Si on admet quil sagit dun accident unique, il faut logiquement en déduire que la victime est conductrice. En effet, elle ne peut pas changer de « qualité » en cours daccident, cest-à-dire être conductrice à légard de Sémafote et non-conductrice à légard de Sijavaisu. Il faudrait donc considérer quelle conserve jusquà la fin de laccident la qualité quelle avait au début de celui-ci, à savoir la qualité de conducteur (donc relèverait de lart. 4, solution favorable à Sijavaisu).
Lessentiel restait de bien montrer que la réponse variait selon que lon considérait quil y avait un accident unique ou deux accidents successifs. Tenir compte du délai entre les 2 chocs : 1/4 dheure semble un peu court pour refuser la qualification daccident unique.
IV. La vente de la maison en viager
Nullité pour lésion
Cest une vente dimmeuble, donc les héritiers du vendeur devraient pouvoir bénéficier de laction en rescision pour lésion.
Problème : vente moyennant rente viagère ; donc cest a priori un contrat aléatoire (art. 1104) ; or laléa chasse la lésion : en effet, léquilibre du contrat réside alors dans la chance réciproque de chacun de gain ou de perte.
Cependant, encore faut-il que le contrat soit véritablement aléatoire ; ce nest pas le cas, dit le code civil, lorsque le crédirentier décède dans les 20 jours suivant la conclusion du contrat de la maladie dont il était déjà atteint à cette date (art. 1975) : pas daléa car le débirentier est sûr de gagner. Contrat est alors nul.
Ici, Mme Clament décède plus de 20 jours après la conclusion du contrat. Il résulte donc de lart. 1975 a contrario que laléa existe et donc que le contrat est valable.
Nullité pour absence de cause
Rappeler dabord ce quest labsence de cause dans les contrats aléatoires (la cause de lengagement de chacun des contractants ne réside pas directement dans la contreprestation, mais dans laléa lui-même ; la cause existe dès lors que laléa existe).
Si on sen tient à lart. 1975, pas de nullité possible pour absence de cause : laléa existe objectivement dès lors que le décès nest pas intervenu dans les 20 jours de la date du contrat.
Cependant, la jurisprudence a posé ici une condition à la validité dun tel contrat. Il faut que le débirentier ait pu réellement croire en lexistence dun aléa ; or, ce nest pas le cas sil savait au moment de la conclusion du contrat que le décès du crédirentier était imminent, compte tenu de son état de santé. Le contrat se trouve alors subjectivement privé de tout aléa, et donc de cause.
Cf. Civ. 1re 16 avril 1996, précisant quil nest pas nécessaire que le crédirentier soit décédé de la maladie dont il était atteint au jour de lacte ; il suffit que le débirentier ait eu connaissance de la gravité de son état de santé. Reste à savoir su cette jurisprudence peut sappliquer ici : « bronchite mal soignée » (à discuter rapidement).
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Université Nancy 2 Cours de M. le Professeur Grosser
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