Première partie - Tel Archives ouvertes
Il nous suffira qu'ils soient présents comme il leur est possible de l'être dans le
cadre de la science du didactique, lorsqu'il est question de mathématiques[1].
...... didactiques où l'intention d'enseigner extérieure semble plus ténue encore :
ouvrages spécialisés pour autodidactes, compilations d'exercices corrigés, etc., ...
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N° dordre : 846
THÈSE
Présentée à
LUniversité Bordeaux I
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR
Spécialité : Didactique des Mathématiques
par
Alain Mercier
Lélève et les contraintes temporelles de
Lenseignement, un cas en calcul algébrique
Soutenue le 18 décembre 1992, devant la commission dexamen
mm. M. Mendès-France. Professeur à lUniversité Bordeaux I---------------Président
J. Beillerot. Professeur à lUniversité Paris X Nanterre
G. Brousseau. Professeur à lIUFM de lAcadémie de Bordeaux
J. Brun. Maître denseignement et de Recherche à lUniversité de Genève
Y. Chevallard. Professeur à lIUFM de lAcadémie dAix-Marseille-----Examinateurs
--1992--
Lélève et les contraintes temporelles de lenseignement, un cas en calcul algébrique
le temps du Système Didactique et le temps de lEnseigné, la Biographie Didactique dun élève
Résumé
La thèse montre que les contraintes temporelles du fonctionnement didactique induisent des apprentissages invisibles à lenseignant. Ces apprentissages nassurent pas la progression didactique, mais ils jouent un rôle important dans la réussite des élèves. Leur existence est établie par lobservation dépisodes didactiques au moyen de techniques dapproche biographique originales. La méthode est appliquée à lobservation des difficultés des élèves avec le calcul algébrique au Lycée, et à leur explication.
Mots-clés
Algébrique (calcul) ; Biographie didactique (fragments de) ; Didactique des mathématiques ; Dimension adidactique (dune situation didactique) ; Elève ; Institution didactique ; Rapport à un objet (de savoir ou institutionnel) ; Temps (dun système).
Cette thèse a été préparée dans le cadre du LADIST de Bordeaux, avec le soutien et en collaboration avec lIREM dAix-Marseille.
Introduction
Pour étudier lélève, il faut observer des élèves : Delphine, Frédéric, Solange et Danièle, Suzanne, Sabine, Denis et René, sont des élèves particuliers qui donnent accès à la connaissance de lélève ; ils sont en Quatrième, en Seconde, en Terminale, en Première, des classes de mathématiques particulières qui donnent accès à lenseignement des mathématiques ; ils entretiennent des rapports au calcul des limites, au développement des réels dans une suite de base, aux inéquations comportant des saleurs absolues, ou au calcul algébrique qui outille la géométrie, des savoirs particuliers qui nous donnent accès à la copnnaissance du rapport des élèves au savoir mathématique, à lécole. Létude de lélève est ainsi un moyen de létude du didactique, que nous menons ici dun point de vue particulier sans oublier que cest, le cas échéant, au niveau du savoir général sur le didactique que la connaissance que nous produirons peut montrer sa pertinence.
Enfin, les savoirs que produit la science du didactique lorsquelle attaque la question des personnes, comme en général les savoirs des sciences de lhomme lorsquelles tentent de penser la personne, découvrent au terme dune construction théorique difficile ce que chacun savait déjà : que lon nest jamais trahi que par les siens lorsque lon a du succès au delà de leurs espérances ; que lon ne peut pas épouser toute personne et quil y a pour cela des interdits, des règles de conduite, des conditions de succès et des contraintes ; que les interdits sur la nourriture sont des déplacements de linterdit du meurtre ; que les lapsus sont porteurs dune vérité ; que les petits enfants ont une sexualité ; que les paysans ne se suicident pas par les mêmes moyens que les femmes ; que la valeur des choses est créée par le travail humain qui les produit ; que la société dépossède chacun de ce quil pourrait obtenir par la force pour donner à tous le droit de propriété ; ou que lon napprend en général pas si lon ne sait pas ce quil faut apprendre, et quil y a quelque chose à savoir. Pourtant, le travail de transformation de ce que chacun peut reconnaître comme sa connaissance personnelle des hommes et des choses en un savoir sur les hommes et les choses, est bien le travail des sciences : elles m :ontrent quil y avait là quelque chose à savoir, quand chacun trouvait quil ny avait là rien à apprendre de plus que ce que, justement, chacun sait. Ladage nul nest prophète en son pays en son lieu ou en son temps- a sans doute ce sens là, de montrer, faute de la différence par laquelle on reconnaît quil y a en ce point, à la fois, quelque chose à savoir et un savoir qui se propose, la nécessité dun délai, du temps de la maturation des questions, la nécessité dune différance.
Faute de cette différance, le vocabulaire du domaine étudié -le didactique- sera spécifié du qualificatif de didactique. Nous parlerons de lélève, sujet de la relation didactique. Soit, de lenfant qui va à lécole pour y vivre les effets dune intention didactique. Nous étudions, pour comprendre le fonctionnement de lélève, à lécole, le temps des systèmes didactiques par lesquels lenseignement est produit le temps qui fait loi à lintérieur de la classe et la biographie didactique dun élève constituée de ses rencontres avec des objets de savoir quil réussit ou échoue à apprendre- afin daccéder au temps de lenseigné, sous-système du système didactique le temps des épisodes didactiques effectifs. Le qualificatif de didactique, dans le cas de la biographie dun élève comme dans bien dautres cas, est en quelque sorte redondant ; par exemple, si lélève est celui qui va à lécole (dans le cas qui nous intéresse, pour y apprendre des mathématiques), la biographie de lélève est la suite des incidents constitutifs de son histoire délève (donc, à partir de sa fréquentation de lécole, de son histoire relativement aux mathématiques) : la biographie dun élève est nécessairement didactique. Malgré cela et pour des raisons de visibilité du savoir que nous aurons produit, il sera utile, dans le cadre dune thèse, dinsister sur laspect didactique des observations, des objets, des notions que nous travaillerons et cest pourquoi la relation, lintention, le système, le temps, la biographie, les épisodes et beaucoup de notions encore seront, dans ce texte, didactiques.
La physique des bosons, les mathématiques des variétés affines, le didactique des épisodes pour lenseigné, doivent tout dabord définir leur objet détude. Impossible pour cela de « partir de zéro ». Ainsi, le travail que nous présentons ne pouvait être pensé à lorigine de la didactique des mathématiques, et les problèmes qui y sont soulevés supposent lexistence dun corps de doctrine déjà important et fortement structuré. Dans le cadre de la didactique des mathématiques, les questions relatives à lélève sont encore nouvelles, alors que dautres sciences soccupent depuis longtemps de problèmes apparemment semblables qui ont, ailleurs, un nom et des solutions : la cognition et son corollaire lapprentissage ; les relations de la personne aux institutions et les assujettissements correspondants y compris dans le cas des institutions de transmission des savoirs ; etc.
Les problèmes que nous posons et qui sont nouveaux pour nous ne sont donc pas toujours posés comme il est dusage et par exemple, ni les savoirs mathématiques particuliers dont lenseignement est étudié ni les personnes que sont Delphine, Frédéric, Solange ou Sophie, ne sont vraiment (cest-à-dire, au sens de la culture comme au sens des sciences qui ont traité avant nous de ces problèmes) présents dans le discours que nous tenons. Il nous suffira quils soient présents comme il leur est possible de lêtre dans le cadre de la science du didactique, lorsquil est question de mathématiques.
Présentation
Pour permettre lentrée progressive dans le problème, nous avons donc choisi une organisation du texte qui ne respecte ni la progression temporelle des études réalisées, ni lordre traditionnel dexposition.
La première partie a en effet une fonction propédeutique. On y propose un balisage du champ de la recherche à laquelle cette partie introduit en proposant la mise en place dun lexique pour le travail qui va suivre.
La deuxième partie a une fonction emblématique, car on y propose une première étude du problème à laide des notions clé pour ce travail dépisode didactique et de fragment de la biographie didactique dun sujet institutionnel- qui donne aussitôt quelques résultats de lapproche biographique des phénomènes didactiques.
La troisième partie propose alors une première réalisation de ce qui a été construit jusque là, en montrant ce que peut être lobservation biographique dun élève in situ, dans le cadre dune classe de mathématiques, les techniques dobservation biographique qui pourraient être proposées, et lextension de ce quil faut compter dans les savoirs nécessaires à un élève de mathématiques, pour apprendre des mathématiques.
La quatrième partie conclut notre travail en proposant un première exploration du domaine de validité de lapproche biographique, ce qui nous amène dune part à montrer comment cette approche peut produire des questions pertinentes pour la didactique des mathématiques, et dautre part, à installer dans le champ de la didactique des mathématiques une technique issue en partie du champ des recherches anthropologiques, où le débat sur lusage des techniques dapproche biographique des phénomènes humains est ancien.
Lannexe enfin a une fonction didactique, cest pourquoi nous ne lavons pas proposée dans le corps du texte. Elle a rempli une fonction autodidactique dans le travail préparatoire à cette thèse elle fait ainsi partie de lhistoire du thème détude- parce quelle est lépisode originaire de notre propre biographie didactique relative à ce thème. Les questions théoriques et techniques que létude aui y est présentée nous a amené à poser ont rendu nécessaire la définition dune approche biographique des phénomènes es didactiques qui soppose dans sa forme à une approche institutionnelle approche qui, en didactique des mathématiques, est aujourdhui traditionnelle. Ces mêmes questions ont permis de produire, pour nous, les savoirs que ce travail présente et met en uvre. Bien que le savoir didactique qui émerge dans ce texte soit fortement personnalisé, il nous a paru utile de présenter létude du rapport de sophie à la démonstration, en géométrie, comme on présente, avec un savoir, le problème qui la fait naître et le travail de ce problème : cette étude en est le contexte premier.
Sommaire
Première partie, Présentation du problème, létude de lélève
Premier chapitre, Loriginalité du didactique
Deuxième chapitre, Le savoir dans lespace didactique
Conclusion de la première partie
Index de la première partie
Deuxième partie, Premières études de la construction didactique de lélève, la nécessité dapprendre
Premier chapitre, Larticulation de la biographie de lélève qu temps didactique
Deuxième chapitre, Les embarras de delphine montrent la nécessité dapprendre, et le temps de lenseigné
Troisième chapitre, lignorance comme nécessité dapprendre
Conclusion de la deuxième partie
Index de la deuxième partie
Troisième partie, La construction didactique de lélève et la classe de mathématiques
Introduction de la troisième partie
Premier chapitre, Un épisode didactique banal caractérise la gestion didactique du rapport des élèves au savoir
Deuxième chapitre, Les conditions de lévolution du rapport personnel des élèves au savoir
Conclusion de la troisième partie
Quatrième partie, Les conditions de lévolution du rapport à lalgébrique, en Première S
Introduction de la quatrième partie
Premier chapitre, Les conditions institutionnelles de lobservation
Deuxième chapitre, le sens didactique relatif à la classe de mathématiques- des observations biographiques, la question des interrogations, pour Sabine, et Samuel
Conclusion de la quatrième partie
Conclusion générale
Bibliographie raisonnée
Bibliographie
Table des matières
Etude annexée, la construction didactique de lélève, comme problème didactique
Introduction, La construction des conditions de possibilité du rapport personnel de lélève comme problème didactique, dans le cas de la géométrie, au Collège
Premier chapitre, Le premier problème de Sophie : pourquoi et comment démontrer
Deuxième chapitre, Le deuxième problème de Sophie : écrire une démonstration
Troisième chapitre, Propositions à propos de lenseignement de la géométrie, venues de lobservation de Sophie
Conclusion, Les problèmes posés par lenseignement de la géométrie comme étude de lespace et comme activité dans lespace
Première partie
Présentation du problème, l'étude de l'élève TC "Présentation du problème, l'étude de l'élève" \l 2
L'étude de l'élève fait partie des études du domaine de réalité où évolue l'élève : le didactique.
L'intentionnalité didactique caractérise le didactique, elle est relative à des savoirs, que laction enseignante présente à leur tour dans le cadre dune institution didactique
TOC \o "1-2" \n
Première partie
TOC \o "3-3" \n Présentation du problème, l'étude de l'élève
Premier chapitre
TOC \o "4-9"
Loriginalité du didactique 12
Enfants et élèves 12
La nécessité de l'école 13
L'enseignement 13
Enseigner et apprendre 15
Conclusion 16
L'intentionnalité didactique 17
L'apprentissage est-il naturel ? 18
L'enfant est un produit de l'invention sociale de l'élève 20
Enseigner des savoirs 23
Conclusion 25
Le partage de l'intentionnalité didactique 27
L'intention d'apprendre et les institutions didactiques 28
Conclusion 30
Le chercheur et lintentionnalité didactique 32
Conclusion du premier chapitre : La relation didactique est institutionnellement déterminée 35
Premier chapitre
Loriginalité du didactique TC "Loriginalité du didactique" \l 4
Lécole donne à voir « les enfants qui apprennent ». Pour notre part, nous nétudierons pas cet objet trop naturellement offert lapprentissage réalisé par les enfants mais la relation didactique elle-même. Nous étudierons principalement un des termes de la relation : les élèves. En allant à lécole en effet, les enfants deviennent élèves. Lenjeu de la relation dans laquelle ils entrent, où sinscrit aussi le maître, est le savoir, quon leur enseigne, quils doivent apprendre. En demandant : « Comment un enfant devient-il un élève ? », nous définissons, avec lobjet de notre étude, le domaine de réalité où cette étude se situe : le didactique.
Enfants et élèves TC "Enfants et élèves" \l 5
Les études sur « la question du sujet » - dans le cas de lélève - se sont souvent centrées, à la suite des travaux en psychologie, sur lapprentissage du sujet, c'est-à-dire, mais cela nest pas dit ou cest naturellement dit, sur « les enfants qui apprennent » et plus précisément sur la question : Comment les enfants apprennent-ils ?
Nous poserons, en introduction à une recherche sur « lélève », quelques questions sur le découpage de la relation didactique qui nous est proposé avec le vocable « enfant » et le problème de ce que lon appelle naturellement « lapprentissage » de lenfant. Ce découpage du champ produit par lobjet détude apprentissage est sous-jacent aux études sur la dimension cognitive des activités humaines. Il fait de la dimension cognitive une propriété personnelle des enfants ou des adultes sujets apprenants. Nous étudierons pour notre part les aspects institutionnels de la dimension cognitive ; les enseignés, les enseignants. Le découpage que propose la notion « apprentissage des enfants » est trop immédiatement donné par les études cognitives pour que nous néprouvions pas, avant de penser reprendre quelques-uns de leurs résultats, lintérêt dune tentative de détour théorique. Le langage courant dispose en effet de deux termes dont aucun nest désuet lenfant, pour la maison et lélève, pour lécole. La question initiale « Comment les enfants apprennent-ils ? » comporte donc pour nous une spécification essentielle, dont nous entreprenons létude : « Comment les enfants apprennent-ils, à lécole ? »
A lécole, les enfants se trouvent en effet dans une situation où quelquun a lintention de leur enseigner quelque chose : lintention de « leur faire apprendre » comme lon dit souvent par raccourci ou par anticipation. Ils vont à lécole pour y apprendre un certain nombre de savoirs, déterminés précisément, dont la nécessité ne fait en principe pas de doute. A cet effet, lécole les fait élèves.
La nécessité de l'école TC "La nécessité de l'école" \l 9
Quoi que nous pensions par ailleurs des enfants et de leurs apprentissages, la société a éprouvé la nécessité de créer des écoles publiques gratuites, et de rendre la fréquentation scolaire obligatoire puis, aujourdhui, de rendre obligatoires les apprentissages qui se font à lécole : la scolarisation peut bien alors être libre, linstruction elle-même est obligatoire. Cest que les apprentissages scolaires sont, sans aucun doute, particuliers ; socialement importants. Pour une première approximation de leur particularité, nous dirons quil sagit des apprentissages qui portent sur des connaissances socialement reconnues et socialement nécessaires : « les savoirs ».
En abordant la question particulière de lélève (lenfant, à lécole), nous avons posé deux caractères qui spécifient lécole : lintention denseigner, la nécessité sociale de lenseignement du savoir.
Nous avons commencé de nommer la nature intentionnelle de la relation didactique que l'École institue, nous en avons donné une première raison. Nous devons maintenant, dune part, définir ce quil en est des moyens que linstitution scolaire se donne pour que lintentionnalité didactique trouve à se réaliser, dautre part, étudier la nature des savoirs qui font lenjeu des enseignements scolaires. Il nous appartiendra de déterminer comment ces deux études sont liés, pourquoi et comment elles déterminent la manière dont lécole fait les élèves.
L'enseignement TC "L'enseignement" \l 9
De ce premier travail sur le domaine de réalité que nous proposons détudier, et qui relève de ce que nous appelons le didactique, nous retiendrons quil nest pas certain a priori que lon doive étudier dabord « les enfants qui apprennent » pour connaître les apprentissages des enfants à lécole.
« Apprendre » ne peut pas être, dans le cadre didactique, un fait que lon observe comme il vient. Par exemple, le fait des enfants. Dès que lon rentre dans le domaine du didactique, cest-à-dire dès que lon sintéresse à un ensemble de savoirs spécifié pour nous, les mathématiques on ne peut observer lapprentissage de cet ensemble de savoirs sans observer comment une institution fait exister des situations visant à obtenir, pour « ses sujets », lapprentissage de cet ensemble spécifié de savoirs : face à ces élèves, auxquels on cherche en effet à « faire apprendre », il faut « enseigner ». Cest même la seule chose que lon puisse essayer de faire à cet effet, à l'École. Cela aura cette conséquence, que les autres formes de relation didactique permettant dobtenir un apprentissage ne sont pas a priori lobjet de notre étude : ces autres formes de relation didactique ne traitent pas de savoirs, ce qui produit deux différences de ces formes de relation didactique avec la relation que lon peut observer à l'École : elles opèrent en dehors des institutions scolaires et elles ne produisent pas délèves. La progression de cette introduction nécessite que nous en disions dès à présent quelques mots.
Le « maternage » est le moyen de lapprentissage des premiers gestes sociaux, la mère appelle lenfant à les produire.
L« apprentissage » (sur le tas, par frayage et imitation), est depuis toujours le moyen privilégié des formations professionnelles que lon peut restreindre aux gestes peu nombreux dun métier simple, des gestes que lon représente : parce que le sens de ces gestes est immédiatement accessible, on peut les obtenir de lapprenti en lui en faisant la démonstration.
L« enseignement » transmet par un discours, un savoir antérieur, présenté et, même, représenté dans ce que nous appelons « le texte du savoir », alors que lapprentissage transmet par lostension muette du maître qui travaille pour lui-même.
L« apprentissage » transmet, par le spectacle du faire où lapprenti sintroduit peu à peu, une connaissance attachée à la personne qui connaît ; dans le « maternage » enfin, ni discours ni représentation des gestes, mais un soutien et un appel aux attitudes désirées.
Enseigner et apprendre TC "Enseigner et apprendre" \l 9
Pour que les élèves apprennent, il faut leur enseigner. Il faut leur « Indiquer par signes, pour faire connaître », tenir un discours sur le savoir, en donner des leçons, cestàdire des lectures, des interprétations.
Lexistence sociale dun vocabulaire adapté à notre problème montre que, jusquà présent tout au moins, les déclarations du type : « Il faut dabord apprendre (aux enfants) à apprendre » ; ou « Il faut un apprentissage autonome, parce que lon napprend que de soi-même » expriment des injonctions faites à l'École qui sont de lordre des vux pieux. Personne ne prend ces injonctions pour lénoncé de vérités sur l'École. Personne ou presque, car il y a des institutions périphériques des systèmes denseignement qui vivent dans la méconnaissance des phénomènes didactiques. Par exemple, les instituts de « formation de formateurs » sont souvent dans ce cas, pour des raisons quil faudrait analyser plus longuement, mais en grande partie parce quils doivent tenir un discours dinstruction, de conseil, ou même de prescription et non un discours de description, dobservation, dexplication. Dans ces institutions sest formé le néologisme « apprenant ». Il circule activement dans la noosphère du système denseignement, où il est porté par cette idée « assurer un accès direct aux composantes de la logique de lapprenant ». Ce néologisme, « apprenant » (learner), désigne lobjet de notre étude lélève dans la plupart des travaux anglo-saxons sur lenseignement, et il y manifeste un style de pensée extérieur à la problématique didactique qui fait ici référence, puisquil provient de lidée que la psychologie est le savoir fondamental des phénomènes denseignement, mais « learner » peut se compléter de « student » et « pupil ». Tandis que, lorsquil est importé par traduction littérale de learner (cest-à-dire contre la notion délève) et lorsque le savoir enseigné nest pas un objet à part entière de létude, ce terme vient trop souvent dans les sciences de léducation, en France, tenter de réunir à nouveau élève et enfant en donnant à voir, comme par transparence, l« enfant qui apprend » dans un élève qui serait « maître du savoir à apprendre » et libéré de laction enseignante.
Les institutions périphériques du système denseignement, lorsquelles sont en proie à lobsolescence des injonctions traditionnelles sur les acteurs du système, cestàdire, lorsquelles sont en appétit dinnovation, peuvent parfois sembler penser que « lapprenant » est lélève libéré du professeur, lenfant « authentique ». Ainsi peut-on lire, dans la description des éléments constitutifs dun « dispositif dévaluation formatrice », quil est fondé sur le motif suivant : « La nécessité de transformer les cours habituels en séquences dapprentissage qui assurent aux élèves la maîtrise des contenus des disciplines et celle des objectifs des tâches et des critères dévaluation (...) ». Comment en effet ne pas avoir appris, dans une « séquence dapprentissage » qui aurait assuré aux élèves la maîtrise des contenus, des objectifs, et finalement, des critères dévaluation de lapprentissage ?
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Avant toute tentative de réponse, il faut interroger plus avant cette transparence-là, qui fait voir lenfant dans lélève au point que lélève sen trouve oublié, et que lintention didactique le savoir et le maître sont oubliés avec lui.
Le réexamen des questions initialement posées aidera à mieux saisir les caractères de lespace didactique qui souvre maintenant, et à mesurer la pertinence de lapproche proposée.
Lélève est, avant toute autre chose, le produit dune intention didactique. Cette intention le spécifie. Il est le produit dun acte fondateur de lintention didactique qui, pour quil soit « apprenant » doit commencer par le mettre en situation dêtre « ignorant ». Apte à être instruit. Comme lenfant est « celui que lon éduque », lélève est « celui que lon enseigne ». Chaque jour, fait initialement ignorant, lélève peut cesser aussitôt dêtre ignare en recevant lenseignement. Cette action qui, à tout moment, crée à nouveau lélève, est lobjet de notre étude.
L'intentionnalité didactique TC "L'intentionnalité didactique" \l 5
Lorsque « les enfants » apprennent deux-mêmes, et lorsquon leur enseigne cest-à-dire lorsquune intention didactique à leur endroit trouve des moyens pour sa réalisation, la situation diffère, parce que le moyen - lenseignement - ne garantit pas la fin lapprentissage. Contrairement à ce que lon pourrait penser, nous nénonçons pas un truisme, mais un phénomène essentiel, qui advient certainement dès que lapprentissage est, dune quelconque manière, visé : dès que se manifeste une intention denseigner.
Cette inadéquation possible du résultat aux buts que visaient les moyens mis en uvre est un phénomène que lon pourrait sans doute étendre aux cas éventuels des apprentissages que des enfants feraient « deux-mêmes ». Cest bien sûr le cas si on leur prête lintention dapprendre et, pour cela, de senseigner eux-mêmes. La question se déplace simplement si lon suppose que les enfants apprennent aussi sans intention dapprendre : on saperçoit bientôt quils napprennent pas ce que lon croyait quils avaient appris. Alors, il nous faut demander : « Quapprennent les enfants lorsquon leur enseigne ? » et « Quapprennent les enfants lorsquils senseignent ? » soit « Quest-ce qui sapprend, lorsque lintention dapprendre un savoir produit un enseignement de ce savoir ? »
Le problème posé sous cette forme est à la fois plus précis et plus vaste. Il est plus vaste, puisquil sort a priori du cadre de l'École proprement dite : lintention didactique ny est sans doute pas exclusivement présente. Il est plus précis, puisquil permet, dans le cadre de l'école, de spécifier les types de gestes scolaires qui nous intéressent a priori : les gestes didactiques. Il permet de penser que ces gestes ne sont sans doute pas présents à lécole seulement, et quil pourrait être profitable de les étudier aussi dans un autre contexte. Il permet de penser une distinction possible des gestes scolaires entre ceux qui participent dune relation didactique et dautres, dont lexistence et les fonctions resteraient à étudier et dont le poids sur les relations didactiques possibles pourrait nêtre pas négligeable.
De nombreux chercheurs ont repéré il y a longtemps les difficultés particulières que crée la question de lintentionnalité didactique supposée par la plupart des gestes denseignement, leurs travaux le montrent : ils nobservent plus lapprentissage dans des situations de laboratoire où lintention didactique peut se faire oublier ; ils travaillent en situation, dans des « situations didactiques » dont ils contrôlent a priori certains des paramètres et dont ils produisent a posteriori lanalyse.
L'apprentissage est-il naturel ? TC "L'apprentissage est-il naturel ?" \l 9
Il est envisageable, que lon puisse trouver, localement, des situations pour les apprentissages scolaires où se réaliserait labsence dintentionnalité didactique ne serait-ce que momentanément - pour obtenir au moins à temps partiel ce serait déjà, pensent certains, comme un moindre mal - un apprentissage « naturel » cest-à-dire sans enseignement sans intention didactique manifeste. Cependant, nous montrerons que penser ou donner à penser que cette possibilité locale pourrait avoir vocation à luniversel, que lorganisation de suites coordonnées « de séquences dapprentissage naturel » est réalisable, et que cela pourrait apporter une réponse aux problèmes posés aujourdhui à l'École, cest mal poser le problème de lenseignement. Cest parler en quelque sorte comme des militants écologistes de lenfance qui, dans une position extrémiste, revendiqueraient pour lapprentissage des enfants « des conditions naturelles », contre les « mauvais jardiniers » qui « forcent » leurs jeunes plants, et les rendent tout déformés. En ce point du travail ce problème nest pas central. Dabord, parce quil est possible de penser une solution qui prenne en charge les impératifs que porte lidée dun apprentissage « naturel » sans reposer sur une application directe de cette idée (venue de la métaphore classique du « bon jardinier »), ensuite parce que nous étudions lapprentissage tel quil se fait en régime didactique (cest-à-dire dans le cadre défini par une intention didactique).
Nous rencontrerons avec profit ces questions lorsque nous aurons mieux compris lapprentissage en régime didactique, et les raisons du fonctionnement métaphorique des discours sociaux habituels sur ce sujet.
Même dans les situations didactiques cela peut sembler paradoxal mais à entendre certains discours qui valorisent exclusivement « un apprentissage autonome des enfants » dont ils omettent de noter quils se proposent de le réaliser dans le cadre dune institution didactique, il devient nécessaire de le rappeler les « enfants » « apprennent ». Ils y apprennent à partir de ce qui leur est enseigné. Cela dit, lintention didactique suffit-elle à produire « de lapprentissage » ? Faut-il que les enfants qui apprennent dans ces conditions fassent preuve des mêmes genres dinitiative quen situation dapprentissage dit « naturel », spontané ? Est-ce à lécole, ou hors de lécole, que lon pourrait trouver des enfants apprenant des savoirs « sans le vouloir » ? Savoir pour avoir appris « naturellement », est-ce savoir différemment que savoir pour avoir appris en ayant été enseigné ?
Un dernier point : enfant ou adulte, ce nest pas a priori une différence pertinente ; être le sujet dune intention didactique suffit à définir lélève. Pour ne pas préjuger de ce quil en sera au terme de létude, nous utiliserons un terme général. Nous parlerons de la personne lorsque les analyses se situeront au delà dun assujettissement institutionnel particulier, de sujets pour désigner les personnes venues dans une institution prendre place, de sujets didactiques dans le cadre dune institution didactique et plus simplement de maîtres et délèves dans linstitution particulière où se situe notre étude, l'école. Enfin, un lieu institutionnel particulier : le lieu « enseigné », où viennent sassujettir les personnes que nous nommons élèves, est au centre de cette étude. On le comprend alors, nous nétudions pas les personnes qui, en quelque manière, apprennent, mais celles qui se trouvent en situation didactique, celles qui sont enseignées ; les élèves, qui sont supposés apprendre.
L'enfant est un produit de l'invention sociale de l'élève TC "L'enfant est un produit de l'invention sociale de l'élève" \l 9
Nous pouvons maintenant reprendre notre question introductive. Lélève est le produit du regard de l'École qui le fait « Connaissant en devenir » : pas encore vraiment doué de savoir ni de cognition, comme lenfant est aujourdhui le produit du regard social qui le fait « Homme en devenir » : pas encore humain vraiment. Il nest pas un simple « pauvre en savoir », comme lenfant avant linvention moderne de lenfant, qui à peine sevré était « petit homme » ou « petite femme », homme ou femme modèle réduit, pauvre seulement en taille comme un nain à qui il serait donné de grandir. Suivant le même schéma de pensée, lémergence moderne de lélève est contemporaine de lémergence de la notion moderne denfant : comme lEnfant mais sur dautres registres, l'Élève est « en devenir », imparfait ; il nest pas encore « Connaissant » comme lenfant nest pas encore « Homme ». Ainsi que lécrit Philippe Ariès, linvention sociale de l'Élève est sans doute à lorigine de linvention de lEnfant :
A partir dune certaine période (
) en tout cas dune manière définitive et impérative à partir de la fin du XVII siècle, un changement considérable est intervenu dans létat de moeurs (
) On peut le saisir à partir de deux approches distinctes. Lécole sest substituée à lapprentissage comme moyen déducation. Cela veut dire que lenfant a cessé dêtre mélangé aux adultes et dapprendre la vie directement à leur contact. (
) Commence alors un long processus denfermement des enfants qui ne cessera plus de sétendre jusquà nos jours et quon appelle la scolarisation.
Cette mise à part - et à la raison - des enfants (
) naurait pas été possible sans la complicité sentimentale des familles, et cest la seconde approche du phénomène que je voudrais souligner. (
) La famille est devenue un lieu daffection nécessaire entre les époux et entre parents et enfants, ce quelle nétait pas auparavant. Cette affection sexprime surtout par la chance désormais reconnue à léducation. (
)
La famille commence alors à sorganiser autour de lenfant, à lui donner une importance telle quil sort de son ancien anonymat (
).
La question de laspect naturel des apprentissages se pose dores et déjà en des termes nouveaux par rapport au débat entamé ici : nous retrouvons en effet, comme en filigrane du débat actuel, le débat sur léducation au Siècle des Lumières. A ce titre de « Connaissant » en devenir, ou bien lenfant est « apprenant » cest à dire Enfant Sage devenant de lui-même, « par nature » Homo Sapiens, Homme - mais pour ne pas contrarier sa nature fragile il faut une institution sociale spécialisée qui sera chargée de protéger sa croissance naturellement harmonieuse et ses progrès ; ou bien, « éducable », il est soumis à une éducation qui le fera, de Sauvageon, Civilisé - mais pour venir à bout de sa sauvagerie naturelle, il faut une institution sociale spécialisée qui sera chargée de le former et de le discipliner pour linstruire. Les premiers textes pédagogiques qui accompagnent linstitution des Collèges et lenfermement des enfants hésitent, entre les deux positions. Ils partageraient volontiers lenfant entre ces deux pôles, selon les heures : lange, et le diable. Mais ce quil nous est possible dobserver, ce sont les styles institutionnels effectifs produits par les tenants de chacun des deux styles qui sont les produits dune même transformation sociale du regard porté sur lenfance, une transformation qui a créé lenfant avec lélève. Nous pourrions multiplier les exemples de lopposition de ces deux thèmes, opposition qui traverse les discours des institutions qui traitent des enfants ou des élèves, mais cela nest utile que pour mieux comprendre comment ces discours en apparence opposés correspondent à deux lectures dune même situation. Un regard scientifique sur la manière dont lécole fait et enseigne les élèves devait dabord prendre quelque distance avec les systèmes de pensée que la culture nous donne. Pour aguerrir notre regard, nous retiendrons deux exemples de leffet de ces thèmes.
Voici le premier : les chercheurs du champ de la recherche en éducation qui se situent dans le cadre de la problématique de la psychologie ont entrepris récemment la publication de létat de leurs travaux, le titre général de la collection en est déjà révélateur : Développement et fonctionnement cognitifs chez lenfant, des modèles généraux aux modèles locaux, (Collection Croissance de lenfant - Genèse de lhomme). Les titres particuliers des trois derniers articles ne seraient pas moins intéressants : « Une méthode dapprentissage destinée à analyser les relations entre développement et fonctionnement cognitifs », « Acquisition de connaissances scientifiques et développement », « Développement et fonctionnement cognitifs dans le champ conceptuel des structures additives ». On voit en effet dans ces titres la notion denfant associée systématiquement à celles de croissance ou développement, et ce développement amener lenfant à devenir homme fait. ce quil nétait donc pas. Cest la croissance (naturelle) qui produit lhomme et non son éducation, la métaphore est toujours agricole mais elle tire du côté de la plante, nous sommes ici du côté de léducation de lenfant. Les auteurs des articles cités travaillent et publient aussi en didactique, puisquils participent régulièrement aux travaux du Groupement de Recherche Didactique du CNRS, mais la problématique de la psychologie de la connaissance est aujourdhui « naturellement » porteuse du présupposé constructiviste, et tout travailleur de ce champ ou presque participe de ce présupposé alors même quil étudie un geste dinstruction : lenseignement des savoirs mathématiques. Ces chercheurs sont ainsi, malgré quils en aient, les alliés naturels des tenants du discours qui oppose lenfant à lélève. Ils sont les alliés naturels de ceux qui veulent, comme a dit un Ministre (de lÉducation Nationale), « mettre lenfant au centre du système éducatif ».
Nous choisirons le deuxième exemple dans un autre domaine : lopposition développement / éducation, genèse / instruction, et qui oppose encore lHomme au Citoyen, se fonde souvent sur des métaphores, nous avons rappelé par exemple celle du bon jardinier. Elle peut alors sentendre entre deux langues, supports de deux cultures. Les usages en anglais et en américain, qui ne correspondent pas exactement aux mêmes fonds culturels, ont mis en avant des termes qui montrent une évolution en direction de chacun de ces deux sens : « to bring up a child », et « to raise a child » dun côté, « to rear a child » et « to educate a pupil » de lautre. To raise a child, issu du vocabulaire agricole, est plutôt dusage américain. To raise signifie « faire pousser » avec lidée de la récolte espérée (to raise cotton), il supporte en anglais britannique le sens propre de lever, les sens figurés de construire, cultiver, augmenter (un capital) et collecter (limpôt). To bring up, dusage britannique, signifie au sens propre faire monter, et supporte aussi le sens délever (un enfant) ; He was well brought up signifie « il est bien élevé ». Mais aucun des deux termes ne se dit pour parler de laction à propos dun enfant sur lequel le locuteur ne pourrait exercer lautorité parentale : linstitution de référence est ici, nécessairement, la famille.
« To educate » est employé alors avec le sens dune action scolaire. Venu du latin conduire, accompagner, il se traduit par enseigner, instruire, former et porte sur des « pupils » ou « students », à propos de contenus de savoir ; He was well educated signifie : « il est cultivé ». Cest alors le verbe vieillot et peu usité « to rear » (venu de langlais ancien ræran) et le substantif « rearing » qui signifient élever (un monument, ou un enfant), se cabrer ou se dresser, et léquivalent possible du français éducation quand il sagit dun enfant dont on nest pas un parent ou un tuteur, par delà linstruction quon lui donne. Cette action sur ce que lon fait dresser est une action fondamentale. On ne dit pas « hes well reared » comme lon dit « he was well raised » ou « badly brought up ». Lélevage parental fait les enfants « bien ou mal élevés », mais le « rearing » nest pas un propriété du « child », il est une action à son intention ; le « rearing » ne produit pas une propriété de la personne, il produit la personne elle-même, debout. La notion de développement est absente de ces conceptions-là.
Le terme « education » désigne donc la seule action institutionnelle vivante aujourdhui, parce que laction que désigne le « rearing » ne se nomme pas, dans un College, et ne cherche pas à se rendre visible à lextérieur. Mais chaque « College » construit sa réputation sur la capacité de son « education » à former des gentlemen accomplis et pas seulement des savants : les futurs « gentlemen », à leur entrée dans les « College », sont en effet déjà « des personnes de qualité », et seule une forme extérieure peut leur être apportée, pour quils en usent à bon escient (comme lhomme de qualité du XIXe qui devait « faire ses humanités »). Pour eux, le « rearing » semble superflu.
Le lexique américain a semble-t-il abandonné et le terme « rearing » et lidée de cette action pour la personne, mais « education » restant un terme relatif au domaine des activités scolaires et de lenseignement, le champ laissé libre par labsence de rearing serait investi par les théories développementales, qui sadaptent fort bien à cette idée apportée déjà par « raise » : faire pousser, et récolter ce qui a crû.
Toutes les positions intermédiaires sont possibles (encore quil semble que les institutions produisent plutôt les positions extrêmes, pour des raisons déconomie institutionnelle, de stabilité de léquilibre), mais toutes les institutions qui ont en charge les enfants rencontrent le problème didactique lorsquil faut, pour parfaire le processus éducatif la socialisation , que lenfant en vienne à « apprendre des savoirs ».
Enseigner des savoirs TC "Enseigner des savoirs" \l 9
Savoir lire, en premier, écrire bien sûr et compter, cela peut encore, à la rigueur, pour certaines personnes, dans certains milieux culturels, sapprendre comme on apprend à jouer au bridge ou à la pétanque : par frayage, en regardant faire les autres ; par imitation, en tentant de reproduire en premier les gestes que lon a reconnus ; lentement, car le plus souvent, on ne commence ni par le plus pertinent ni par le plus aisé. Mais, même si dans une communauté humaine certains apprennent effectivement à lire par un procédé de cette sorte, lexpérience commune montre quon ne peut compter sur ce seul moyen pour quune population entière soit lettrée, comme cela se fait avec bonheur pour que tous marchent, de la marche usuelle. Cela devient déjà moins performant pour que tous nagent. Cela seul suffirait à nécessiter une « école ». Mais labsence d'école poserait bien dautres problèmes : en particulier on ne pourrait espérer lapprentissage - avec quelques chances de succès - des savoirs que lon ne peut atteindre que par les livres. Il y faut cette organisation sociale particulière quest l'école, et les techniques associées. Les formes de ces techniques sont déterminées par les conditions générales des organisations sociales où l'école existe.
Dans les contrées où elles étaient les seules écoles existantes, les écoles coraniques traditionnelles qui très longtemps ont limité leur ambition première à obtenir la récitation de morceaux choisis dun seul livre, avant dentreprendre les rudiments du calcul et de commencer la lecture de ces mêmes morceaux appris par coeur, ont pris un parti fort coûteux en temps comme en énergie : il eût été socialement plus économique denseigner à tous et plus tôt la lecture, puis de faire lire « Le Livre ». Par le moyen choisi, pour pouvoir commencer dapprendre à lire, il fallait savoir par coeur le livre sacré. Voilà un premier contrôle de la pensée droite des lettrés ; voilà garanti lanalphabétisme des impies
et la stabilité sociale, à toute épreuve ou presque. Malgré les tenants du maintien dune hiérarchie sociale bien utile aux nantis que lon trouve dans toute société, puissants, organisés, influents, la société technique généralisée qui se nomme elle-même « occidentale » na pas réussi à se passer de linstruction de tous. Mais linstruction est souvent le support de tentatives sociales déducation de tous, et le phénomène dinversion des priorités qui amène lintention éducative à prendre le pas sur lintention didactique est fréquent. Cest semble-t-il ainsi que les Collèges ont eu tendance à fonctionner jusquà ce quà la fin du XVIIIe on profite de la condamnation des Jésuites pour réorganiser les Collèges. Les débats du Comité dInstruction Publique, en 1792, montre une conscience claire de ces problèmes. Le cas a été étudié aussi bien pour les manuels de grammaire de la fin du XIXe, dont les exemples traduisent la volonté déduquer le citoyen. Le prix en éducation (en apprentissage du discours institutionnel de la société) que les personnes doivent payer à la société pour laccès à linstruction est plus ou moins élevé, il existe toujours : l'intentionnalité nest jamais déclarée, sur les savoirs totaux ou syncrétiques, et le fonctionnement didactique lui-même produit, indépendamment des intentions, des types de rapports à la personne et à la société qui sont de lordre de léducation. Les pays du Tiers Monde qui fondent des systèmes scolaires savent que le rapport à la nature de type technique occidental est livré clés en mains avec le savoir sans quon puisse len détacher, et aussi bien, inversement, les dictateurs éclairés savent que linstruction de tous porte avec elle lidée de progrès pour tous.
Notre société nécessite donc le didactique : la rencontre organisée des membres du corps social devrait-on dire : les citoyens ? avec des savoirs, pour quils sachent ces savoirs.
INDEX
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Ainsi naissent lécole, les élèves, et lobligation scolaire. Mais on comprend mieux la confusion initiale quand on saperçoit que le projet didactique qui invente lélève avec l'école contemporaine, tandis que le projet éducatif invente lenfant avec la famille moderne prend « naturellement » appui sur le projet éducatif, quil a contribué à créer.
Nous pouvons maintenant nous défaire dune mésaventure pédagogique qui pourrait arriver à la problématique de la psychologie : étudier « lapprentissage des élèves » ne réglerait pas la question, parce que, justement, lélève, ce nest pas « la personne qui apprend », cest en premier « la personne que lon enseigne » ce qui fait que, par exemple, même lorsquil napprend pas, on lenseigne. Nous pouvons même poser ce principe didactique : Lorsquun élève montre quil apprend, cest parce quil est élève. Cest pourquoi il le montre comme un élève doit le montrer. Cest ce que démontrent les nombreux travaux sur les effets du Contrat didactique. Cest pourquoi ce concept est actuellement central en didactique : étudier les enfants qui apprennent, à lécole, les élèves, cest nécessairement étudier comment sétablit le contrat didactique et surtout, comment ce contrat évolue lorsque lentrée de savoirs nouveaux sur la scène didactique rend son évolution nécessaire. Le problème est particulièrement décisif en mathématiques, parce que des savoirs nouveaux peuvent remettre en cause lappartenance de gestes bien connus des élèves au domaine des gestes contractuels. Certains gestes attendus par contrat deviennent dun coup des comportements mathématiquement déterminés, et la décision se trouve alors appartenir à lélève. Ainsi, à lécole primaire des débuts, une question na quune seule réponse, ce qui permet de demander à chaque élève de fournir une réponse lorsquil est questionné, « parce quil suffit de trouver la réponse et que si elle ne lui était pas accessible, la question ne lui serait pas posée » ; plus tard, vient le temps de résoudre tantôt « x Îð IR, x2 = 4 », tantôt « x Îð IR, x3 = -8 », ou « x Îð IN, 2x + 4 = 1 », l élève doit alors décider lui-même du nombre de réponses à fournir, parce que ce nombre fait partie de la compréhension mathématique du problème mathématique qu il doit montrer par ses réponses.
Nous sommes amenés à aborder le problème de la position institutionnelle de lélève en nous référant de plus près au formalisme descriptif de la théorie des institutions didactiques et aux acquis des théorisations didactiques existantes. Nous ne chercherons pas à démontrer immédiatement les propositions qui seraient nouvelles dans cette approche, mais simplement à contrôler leur cohérence en commençant à les articuler les unes aux autres, à les « faire travailler ». Nous montrons ainsi que si, dans linstitution didactique, lintention denseigner doit être partagée, lintention dapprendre ne se partage pas et ne peut appartenir quà lélève.
Le partage de l'intentionnalité didactique TC "Le partage de l'intentionnalité didactique" \l 5
Nous dirons donc, parlant du point de vue de l'élève : il est le sujet dune intention dapprendre, qui vient de lui et porte sur lui (de soi et pour soi). En tant qu'élève, il possède cette intention, quéventuellement il réalise pour lui-même. Il est le sujet dune intention denseigner, dont il nest pas nécessaire de qualifier dabord lorigine et qui porte sur lui (de X, à soi). En tant qu'élève, il est le sujet de cette intention dont il peut partager lorigine, et quéventuellement il réalise pour une part, sur lui même. Mais pour décrire la position de l'élève du point de vue du maître, les mots nous manquent : ils montrent ainsi la dissymétrie de la relation didactique.
Le sujet dune intention denseigner se conçoit, lorsquelle est par exemple le fait du maître et quelle porte sur l'élève (de soi, à Y). Une telle intention nest pourtant pas portée en totalité par le maître, et l'élève lui-même peut en assumer une part non négligeable. Mais on ne peut concevoir lintention dapprendre comme le fait du Maître : ce sens nest pas donné par la langue, le maître ne peut avoir une intention dapprendre
qui porterait sur l'élève, parce que lintention dapprendre porte nécessairement sur soi-même. Il nous faut comprendre cela comme un phénomène institutionnel important : nous sommes par là amenés à considérer que lintention dapprendre ne se partage pas, sauf à nommer « apprendre » lenseignement lui-même (comme nous lavons vu faire dans certains cas aux institutions didactiques qui cherchaient un moyen deffectuer ce partage, et dassumer pour leurs élèves une intention dapprendre que ceux-ci semblent ne pas manifester), parce que cette intention savère nécessaire à la réalisation de la relation didactique et que ces institutions ne peuvent dénoncer leur mission denseignement : elles doivent montrer à leurs sujets comme à leur environnement quelles remplissent leur fonction sociale et quelles « font apprendre ».
Non pas parce que « on ne peut apprendre que de soi-même », comme certains ont pu le dire en forme de paradoxe, mais parce que le maître ne peut avoir lintention dapprendre pour que lélève ait appris : à cet effet, il ne peut avoir que lintention denseigner. Si lon peut faire quelque chose à quelquun, une personne ne peut se faire (à elle même) quelque chose pour que cela soit fait à autrui : porter lintention dapprendre a un sens réfléchi.
Il faut remarquer que ce ne serait pas le cas si lintentionnalité pouvait être portée par une institution. Une institution didactique par exemple produit des conditions telles, quun effet donné (un apprentissage) en est la conséquence, pour une personne donnée : nous ne lui attribuons pas pour autant l'intentionnalité didactique, et nous pensons l'intentionnalité comme une propriété des personnes, quand même observerions-nous que cette propriété ne se réalise jamais que dans le cadre dune institution. Car une institution peut faire, des personnes quelle sassujettit, des « apprenants »
elle peut alors « penser » que les dispositifs par lesquels elle permet que lintention didactique se réalise sont les porteurs réels de lintentionnalité. Une institution peut penser « agir » et « vouloir » à la place des sujets et ce faisant, oublier ou même, dénier la nécessité de lintentionnalité des acteurs. Mais le « faire » institutionnel est toujours effectué par le moyen dun sujet de linstitution, qui est aussitôt le porteur conscient ou non de lintention institutionnelle.
Le manque à vouloir est un manque à pouvoir, dans le cas de lintention dapprendre comme dans dautres cas. Il induit un manque à agir institutionnel qui est bien sûr insupportable à toute institution, un manque à agir qui est insupportable au professeur ou à léducateur qui porte l'intentionnalité pour linstitution didactique, et le fait peut-être avec passion. Nous allons envisager rapidement quelques conséquences de cette proposition.
L'intention d'apprendre et les institutions didactiques TC "L'intention d'apprendre et les institutions didactiques" \l 9
Limpossibilité à porter pour lélève une part de lintention dapprendre est dautant plus insupportable à linstitution didactique si, de ce fait, linstitution répond mal à la demande sociale quelle prend en charge et se trouve affaiblie.
L'Éducation Nationale en crise donne ainsi lexistence à une « solution » relevant de la magie institutionnelle. Devant le peu dintention didactique personnelle de certains de ses sujets, et parce que cette intention propre lui manque pour réaliser sa fonction, linstitution vise à court-circuiter la médiation de lintentionnalité en tentant dinstituer des dispositifs didactiques qui se veulent deffet immédiat et qui, pour cela, dénient laction du professeur. Les institutions qui devaient « faire apprendre » cherchent alors immédiatement à « apprendre aux élèves », comme nous lavons noté plus haut. Mais la démission institutionnellement organisée de lenseignant ne produit pas ipso facto la mobilisation de lenseigné. Les élèves napprennent apparemment pas plus, lorsquils nont pas dintention dapprendre ou celle de senseigner pour apprendre, si on renonce même à porter lintention de leur enseigner. Aussi, en un second temps et au vu de léchec de la première solution, le mot dordre institutionnel peut devenir « apprendre (aux élèves) à apprendre », en une fuite en avant irrémédiable.
Lusage courant en pays dOc, plus souple sur les formes réfléchies des verbes (On dit : « Je me le suis pensé » pour montrer le soliloque) et plus explicite sur la gestion des rapports de force (On dit : « Retenez-moi ou je fais un malheur », cela permet parfois déviter dêtre mis en situation de le faire), forme en certaines circonstances des expressions qui pallient le manque. « Je vais lui apprendre, moi ! » peut-on sécrier, sûr dêtre entendu parce que lon annonce par là que lon dispose, en plus des moyens didactiques, de moyens coercitifs aptes à forcer la manifestation de lintentionnalité nécessaire, et que lon est prêt à mettre en oeuvre ces moyens (« lui », ou « elle », saura en effet, par cela, son assujettissement à une situation institutionnelle où il, elle, devra figurer muni des signes objectifs montrant que l« apprentissage » en question est bien réalisé) ; il y faut cependant des situations où lépisode didactique qui vient épuise dun coup lintentionnalité : nul ne peut sinstaller, dans une relation didactique volontariste comme celle-là.
Si lintention dapprendre ne se partage pas, il est possible en revanche de porter soi-même la plus grande part de lintention denseigner à soi-même, dans le but dapprendre. Il est possible, par exemple, de le faire en saidant doutils appropriés : cest ce que montrent les systèmes denseignement à distance, bien sûr ; mais il existe des systèmes didactiques où lintention denseigner extérieure semble plus ténue encore : ouvrages spécialisés pour autodidactes, compilations dexercices corrigés, etc., réalisent semble-t-il les dispositifs institutionnels minimaux.
Nous considérerons donc que la dissymétrie de la relation didactique se déploie dans la dimension de lintentionnalité qui, pour ce qui est dapprendre, ne se partage pas on ne peut apprendre que pour soi-même - tandis quelle se partage pour ce qui est denseigner on peut senseigner à soi-même comme on peut enseigner à dautres, même si on ne peut senseigner tout à fait seul.
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Nous conclurons cette introduction à notre problématique sur deux propositions qui se fondent sur les travaux existants en didactique des mathématiques, et que nous reprendrons pour lheure à notre compte, même sil est dans nos intentions den apprécier plus loin la pertinence.
Premièrement, linstrumentalité dun dispositif didactique nécessite dans tous les cas la présence dun dispositif dobjectivation des savoirs appris. Bien des intentions dapprendre, qui nécessiteraient un enseignant quelles ne trouvent pas autrement, trouvent à se réaliser par le partage de lintention denseigner entre un étudiant et un auteur qui ne se rencontreront pas en personne, si lauteur et létudiant ont su trouver un moyen de réaliser lobjectivation des apprentissages. Ainsi, la relation didactique à un domaine détude nest pas en principe une relation instrumentale ce qui est fait nest fait que pour aider à la réalisation dune intention didactique -, mais le succès didactique se mesure toujours à laide dune aptitude instrumentale manifestée, qui objective les rapports au savoir qui ont été noués. Ce phénomène est pointé comme un paradoxe, parce quil produit pour certains élèves, attachés à la lettre de linjonction didactique, une injonction paradoxale : il est étudié en Quatrième Partie de ce travail, dans le cas de Sabine.
Deuxièmement, sil est certain que lon peut senseigner à soi-même bien sûr lorsque lautre y manque, comme le font parfois les élèves euxmêmes, nous montrerons ce qui est essentiel pour les conséquences que lon peut en tirer pour la compréhension des faits didactiques que le partage de lintention denseigner est nécessaire à lapprentissage scolaire effectif. Cest une fonction du discours professoral sur le savoir, que de créer ce partage. Une telle proposition mérite certainement un examen plus approfondi que celui auquel nous pouvons la soumettre à présent : si elle est vérifiée et si elle peut fonder des études didactiques, démontrer alors labsence, dans un système à visée didactique, dun partage possible de lintention denseigner démontrerait aussitôt limpossibilité, dans le système étudié, de lapprentissage attendu.
Le chercheur et lintentionnalité didactique TC "Le chercheur et lintentionnalité didactique" \l 4
La dissymétrie de la relation didactique est inscrite dans les lieux institutionnels denseignant et denseigné, où se fondent les assujettissements du maître et de lélève. Elle donne une première définition fonctionnelle possible de ces lieux, ce qui justifie notre travail de redéfinition des termes primitifs de la description de lespace du didactique et la poursuite de ce travail en direction de la modélisation de cet espace. Cela nous est dautant plus nécessaire, que la difficulté du travail de dégagement des notions relatives à la description dune situation où se réalise une intention didactique se redouble, du fait que le chercheur, qui est ou a été sujet dune institution didactique, discourt spontanément en simpliquant dans telle relation personnellement vécue qui fait pour lui, consciemment ou non, référence.
Qui connaît le didactique de lintérieur (cest-à-dire de lun des points de vue possibles que donne la dissymétrie de la relation didactique) tient « naturellement » discours dun point de vue qui est et reste partiel, parce que la perspective en est faussée par les phénomènes transférentiels dus à sa position dobservateur impliqué.
La pédagogie par exemple se place dans la position du professeur : dans la position davoir à informer le professeur ; pour informer laction enseignante, elle sappuie sur les sciences qui peuvent sintéresser à lélève ou au savoir : les « autres » de la relation didactique, vus du point de vue du professeur. Pour laider dans son effort de maîtrise de laction enseignante, elle convoque ces sciences, quelles nomme « fondamentales ».
Nous cherchons pour notre part à nous démarquer de ce type dapproche, et pour cela, à quitter le point de vue du professeur. Complémentairement, en nous dépouillant des vues proposées par des approches exogènes, nous cherchons à travailler les questions que nous soulevons à laide exclusive des modèles du fonctionnement didactique que les théories didactiques ont construit et dont elles contrôlent les articulations. De tels modèles sont bien entendu réducteurs, mais en limitant nos explications à ce quils expliquent, nous pouvons espérer montrer ce qui en fait la pertinence, comme ce qui leur échappe et qui relève pourtant du didactique.
A lintérieur de ses limites, chaque discipline reconnaît des propositions vraies ou fausses ; mais elle repousse, de lautre côté de ses marges, toute une tératologie du savoir. Lextérieur dune science est plus et moins peuplé quon ne croit : bien sûr, il y a lexpérience immédiate, les thèmes imaginaires qui portent et reconduisent sans cesse des croyances sans mémoire ; mais peut-être ny a-t-il pas derreurs au sens strict, car lerreur ne peut surgir et être décidée quà lintérieur dune pratique définie ; en revanche, des monstres rôdent dont la forme change avec lhistoire du savoir..
Lorsque nous cherchons à rendre compte de phénomènes dont les discours produits par les modèles existants narrivent pas à se saisir, il nous faut faire entrer dans le discours théorique ce qui jusque là échappait, en renonçant à convoquer une explication externe ad hoc. Cela nécessite un travail toujours « à renouveler », ne serait-ce, par exemple, que forger le vocabulaire de la plus infime description.
Par exemple, parle-t-on jamais de lenseignement tout à fait autrement que « en professeur » ? Parlerait-on à partir dun « discours délève » ? Pourrait-on tenir, de la place délève, un discours « autre » sur lécole ? Y a-t-il aujourdhui une place institutionnelle autre quune place denseignant, pour parler des questions de lécole avec quelque autorité ? Sans doute, la place « dancien mauvais élève qui a réussi malgré lécole » peut sembler posséder quelques caractères intéressants et donner quelques mérites à qui sen empare, puisquelle apparaît dans un premier temps comme une position critique, mais elle ne procure que ce bénéfice passager : la critique en effet, si elle donne une première analyse, ne permet pas de construire des savoirs didactiques.
Par exemple, Marguerite Duras a produit, dans les années 70, un conte pour les enfants intitulé : « O, Ernesto ! ». Elle y raconte, avec lintuition qui caractérise les plus grands romanciers, lhistoire de ce petit garçon qui ne veut pas aller à lécole, parce que la maîtresse prétend lui enseigner des choses quil ne connaît pas, ce qui lui est insupportable.
« Comment feras-tu, si tu ne vas pas à lécole ? » lui demandent ses parents ?
« Japprendrai tout seul, en rachachant ! » répond Ernesto.
Pourtant, nous sommes aveugles et stupides face au texte du romancier. Il faut la construction théorique que propose le travail didactique pour arriver à comprendre que sa puissance démotion, sa force questionnante vient de ce qu'Ernesto met le doigt sur un phénomène essentiel de lentrée à lécole : à lécole, lenfant est fait élève en étant fait « ignorant », ce qui peut être, de son point de vue, une atteinte à sa personne. Cest le cas par exemple sil ne désire pas, davance, acquérir par ce moyen, socialement déterminé, le savoir.
Voici encore un exemple de discours tenu, dans un texte de didactique même, « du point de vue du professeur » : dans les textes inauguraux pour les études présentées ici que sont « Les échecs électifs en mathématiques » (juin 1985), et « Un point de vue introductif à la didactique des mathématiques, du côté du savoir » (juin 1986), nous trouvons parfois un discours sur lintentionnalité didactique où nous repérons la trace dun « discours de professeur » récurrent, comme nous lanalysons ci-dessous.
Alors que le didacticien parle - depuis longtemps, en principe - dintention didactique, il arrive donc que ce soit le professeur en lui qui parle (cest-à-dire, le professionnel de lenseignement). Le professeur nomme systématiquement cette intention, sans y penser autrement (c'est-à-dire que ce faisant il la nomme telle quelle se vit, pour lui, quotidiennement), dune expression qui enregistre une dissymétrie de la relation didactique : « la volonté denseigner » et « le désir dapprendre ». (On remarque ici que le désir de savoir, et pour cela dapprendre, est toujours supposé appartenir à lenfant.) Or, ces expressions, nous les trouvons encore dans la transcription dune intervention orale faite au printemps 1990 et elles figurent, telles quelles, dans une analyse didactique écrite datant de 1989 (annexée à cette thèse). Comme si la dissymétrie de la relation didactique (que nous avons construite théoriquement ci-dessus) avait produit immédiatement (dans son expression culturelle ordinaire et en particulier dans la culture du professeur de mathématiques qui parle alors) une dissymétrie des investissements imaginaires du maître et de lélève. Comme si, cest ce que semble induire lexpression dans les textes cités, la position denseignant appelait nécessitait même - la volonté comme expression instituante de lintention denseigner, tandis que la position de lenseigné nécessiterait - rien de moins - le désir comme moyen individuel de lintention dapprendre.
La présence, jusque dans les analyses didactiques, dun discours marqué du parti pris du professeur, montre quil faut par conséquent persévérer humblement dans le travail du « contre-transfert épistémologique denseignant » si enseignant nous sommes, ainsi que Devereux propose de le faire avec méthode. Notre vocabulaire ne doit donc pas a priori être porteur dune telle dissymétrie. Nous employons ainsi le terme dintention didactique, pour nommer à la fois les intentions denseigner et dapprendre : nous voulons désigner dun seul terme la réalité que nous étudions.
Les modes institutionnels de réalisation de lintention didactique, et, les formes particulières de dissymétrie de la relation didactique qui en résultent éventuellement, sont notre objet détude.
Conclusion du premier chapitre TC "Conclusion du premier chapitre" \l 5
La relation didactique est institutionnellement déterminée
De fait, il importe peu en ce moment de notre argumentation de savoir comment, dans une institution donnée, se partage lintention denseigner. Comment lélève en assume une part, ou si le maître la porte entière. Nous abordons létude de linstitution par le point de vue de lélève, parce quil est nécessaire de construire les outils de létude du didactique et que nous ne pouvons prétendre à les construire tous ensemble, mais nous pourrions presque aussi bien, en principe, atteindre à lobjet de notre intérêt à partir de létude de l'enseignant, et sans doute le travail engagé ici ne sera-t-il pas mené à bien de manière fiable avant que létude conjointe de l'enseignant nait été entreprise : nous en donnerons quelques éléments, afin de tester nos premiers résultats.
Nous étudions le fonctionnement didactique, pour les sujets de linstitution. Lélève est comme le maître, un « sujet de la relation didactique ». Dans la classe, il est une personne venue en position denseigné comme le maître est la personne venue en position denseignant. Cest à ce titre que lélève nous intéresse, et que lintérêt que nous lui portons suppose des moyens dinvestigation spécifiques de lapproche didactique - moyens que nous devrons construire. En ce sens, notre approche ne sintéresse pas a priori aux personnes, qui sont particulières, mais à la manière générale dont une personne vient être un élève. Les personnes ne nous intéressent ainsi que parce que nous posons à leur endroit des questions générales, cest-à-dire des questions relatives à leurs relations institutionnelles.
Comment des particularités personnelles peuvent-elles trouver à sinscrire dans le cadre des caractères spécifiques de lespace didactique étudié ? Quels sont les caractères de lespace mis en place par des institutions didactiques qui permettent que des personnes trouvent à sy sinscrire ? Ce sont là, sous une forme maintenant plus élaborée, des questions qui émergent des questions que nous avions initialement posées. Nous ne les traiterons pas dans le cas du maître, considérant ici que sa position ne doit être questionnée que si labsence dun tel questionnement obère la poursuite du travail sur lélève. Dans le cas de lélève, qui nous intéresse, nous pourrions les dire ainsi :
Comment cet élève-ci peut-il apprendre, dans cette écolelà ?
Que peut-il y apprendre de ce quon lui enseigne ?
Comment cette école particulière permet-elle, à des élèves particuliers, lapprentissage de certains savoirs ?
Comment ne le permet-elle pas à dautres ?
Avant de montrer comment la question de lélève est déterminée par les contraintes temporelles de lenseignement, le savoir, qui est lenjeu de la relation didactique, doit entrer en scène. Nous verrons alors que le savoir enseigné ses propriétés déterminent ce que lélève peut apprendre, et comment il lapprend est déterminé par les contraintes de lenseignement, parce quil mesure la progression didactique
Première partie
Présentation du problème, l'étude de l'élève
Deuxième chapitre
TOC Le savoir dans lespace didactique
Le savoir nécessite les institutions didactiques 38
Savoir et connaissance 39
Les savoirs et l'intention didactique 41
L'émergence conjointe des savoirs et des institutions didactiques 42
Conclusion 43
Les « rapports au savoir » des élèves 45
Décrire l'acte de « savoir » ou de « connaître » 46
Décrire les fonctions des rapports au savoir 48
Conclusion 50
Le fonctionnement temporel des systèmes didactiques 52
Le texte du savoir et le temps didactique 53
La logique temporelle de l'enseignement 55
La logique de l'apprentissage et les paradoxes de l'intentionnalité didactique 56
Les articulations des temps différents 57
Conclusion 58
Conclusion du deuxième chapitre : Larticulation du temps personnel au temps institutionnel doit être théoriquement construite 60
Deuxième chapitre
Le savoir dans lespace didactique TC "Le savoir dans lespace didactique" \l 4
Lespace du didactique est tracé par le projet de donner à « des personnes », des membres dune société, laccès direct à des « savoirs ». Nous lavons pressenti dès le moment où nous avons remarqué linsistance sociale sur la fréquentation scolaire et lobligation de linstruction. Cest sans doute que les « savoirs » sont des formes de la connaissance dans lesquelles seul un « enseignement » permet dentrer : faute de lenseignement approprié, une intention didactique à lendroit dun savoir peut manquer à se réaliser.
Le savoir nécessite les institutions didactiques TC "Le savoir nécessite les institutions didactiques" \l 5
Dans certains cas, une relation didactique du type « apprentissage » semble il est vrai efficace. Mais dans le cas particulier des mathématiques, les gestes dun « maître » qui pratique le savoir ne donnent pas à voir les éléments de sa pratique qui font le sens de celle-ci. Les gestes de la production mathématique ne sauraient sans doute être appris à partir dun spectacle vide de sens, ne serait-ce que parce que les problèmes que le maître résout ne feraient pas problème pour lapprenti mathématicien.
De plus, ce dispositif didactique quest lapprentissage transmet des connaissances personnelles qui ne viennent quavec lâge, et qui évoluent avec la lenteur du renouvellement des générations : le temps de leur efficience sociale sen trouve réduit, le rythme de leur évolution ralenti. Nous avons posé le problème particulier de lapproche didactique, sur la question de lapprentissage, parce que « apprendre sans intention didactique institutionnellement incarnée » nest pas a priori identique à « apprendre en position denseigné ».
Lintention dapprendre de lélève est institutionnellement garantie par sa participation aux gestes délève appelés par le dispositif didactique : ces gestes sont attendus par linstitution, ils assurent lexistence et la pérennité de la relation didactique particulière dans laquelle il est élève. Lintention denseigner à laquelle il est assujetti (quelle soit le fait unique du professeur ou quil la partage) est, elle aussi, institutionnellement garantie par un dispositif spécifique et un ensemble de gestes denseignement instituant en particulier le dispositif didactique pour lélève.
Ainsi, lespace de lintentionnalité didactique ouvre lespace du didactique.
Cet espace, lespace didactique, est organisé autour du savoir, qui est donc lobjet transactionnel de la relation didactique. Pour nous, ici, lespace didactique souvre autour du savoir mathématique, mais il est encore trop tôt pour que cette spécification nous soit nécessaire : nous devons encore montrer comment le savoir nécessite une relation didactique d« enseignement ». Cest ce que nous allons réaliser à présent.
Savoir et connaissance TC "Savoir et connaissance" \l 9
La connaissance dun objet est le rapport à cet objet qui est nécessairement la propriété personnelle de celui qui connaît. Une connaissance, ainsi, nest pas détachée de la personne qui connaît. Cette distinction nest pas faite par la langue courante qui permet lopposition arbitraire de connaissance et savoir, mais pour notre part nous pointerons dabord le rapport, personnel, de connaissance (ainsi par exemple « lancer lhameçon et lappât avec la canne à pêche sans que le fil ne sembrouille », « aller à vélo », etc.), ce qui interdit que lon connaisse autrement quun peu, bien, pas du tout, et par exemple quon connaisse seulement dune certaine façon, ou dans certaines conditions : on sait dun coup, on est supposé connaître tout le temps et partout ; la connaissance est un rapport de maîtrise. On connaît mal, au début, et « le métier rentre », avec les premiers ratés.
Nous utiliserons alors exclusivement le terme de rapport de savoir dans le cas de ce type particulier de rapport à un objet qui peut se découper en rapports partiels parce quil nest pas entièrement contenu dans les gestes maîtrisés par une personne, mais comporte des dispositifs impersonnels qui peuvent se découper en objets distincts. Ces dispositifs sont des rapports de connaissance devenus objets techniques, des rapports réifiés pouvant être en partie au moins dépersonnalisés et, de ce fait, décontextualisés. Cela est particulièrement important dans le cas dune relation didactique du type « enseignement » : un discours peut se dérouler à propos dun rapport du type savoir , parce que ce savoir nest pas attaché à une personne mais vient dans le texte qui le présente comme un ensemble dobjets extérieurs à la personne et existant dans la société. Le discours peut en effet être structuré comme un texte, linéairement, et assurer ainsi la présentation successive des différents objets que sont les dispositifs impersonnels constitutifs du savoir : un ensemble dobjets relativement autonome des « savants » qui lont produit, auquel lélève doit établir un rapport.
On peut noter immédiatement que le rapport à un objet de savoir peut donc être un rapport de savoir ou un rapport de connaissance. Cette propriété est caractéristique du savoir : on peut étudier le savoir, et au terme de létude, on peut « le connaître », dun rapport personnel où le savoir est outil dune action ; ou bien, on peut « le savoir », dun rapport où le savoir est objet de discours.
Nous poserons alors par hypothèse quun savoir est un objet technique : plus précisément, un ensemble de dispositifs techniques avec lesquels une personne entre en rapport. Les savoirs « se pratiquent » : les mathématiques bien sûr, le latin, ou la littérature comparée, la langue naturelle même, sont des savoirs. Un savoir est, comme technique, composé de ce qui fait une technique : des dispositifs, donnés par une institution - ce sont les objets impersonnels transmissibles , les objets de savoir sont des outils ; des gestes, appelés par le dispositif - ceux que lon fait quand on met en oeuvre le dispositif -, les gestes manifestent la connaissance des dispositifs du savoir, ce sont les gestes que lon apprend quand on sapproprie des objets de savoir pour les connaître ; enfin, un discours sur le dispositif, les gestes et leurs liaisons, assure trois fonctions : le discours aide à construire la visibilité de la technique, la lisibilité des gestes (la possibilité de voir, et de comprendre) et produit de la visibilité interne, c'est sa « fonction sémiotique », il porte encore une part de la visibilité externe du dispositif comme des gestes, c'est sa « fonction emblématique », il aide enfin à la construction raisonnée et à lévolution de lensemble, cest sa « fonction théorique » pour les savoirs, la fonction théorique est léquivalent de la « fonction technologique » pour les techniques.
Il est encore une propriété des savoirs comme des techniques qui justifie lintérêt social des savoirs et, par voie de conséquence, la nécessité sociale du didactique : il sagit de leur capacité à outiller l'action. Les savoirs ont bien sûr un usage et nauraient pas dintérêt s'ils n'étaient pas d'abord des savoirs opératoires : ils servent dans un domaine de réalité dont ils permettent la saisie, le travail. En quelques mots nous dirons que, en donnant un modèle de la réalité dun domaine de réalité, les savoirs permettent, à partir de létude du modèle quils constituent, lémergence dune technologie. Une technologie est à la fois une théorie et un outil de production technique cest-à-dire conjointement un modèle de plus haut niveau, plus large qu'une technique, et le moyen de la production d'un ensemble doutils nouveaux pour lintervention dans le domaine de réalité modélisé : les savoirs fondamentaux aident à cette production de savoir. Les outils produits par les savoirs fondamentaux transforment en retour la matérialité du réel, dont ils se saisissent pour le modeler, ce sont encore des savoirs opératoires.
Les savoirs et l'intention didactique TC "Les savoirs et l'intention didactique" \l 9
Enfin, nous retrouvons une propriété des savoirs repérée de longue date par le discours didactique : portés par des dispositifs, techniques, les savoirs sont descriptibles et aptes à être manipulés indépendamment des personnes par qui ils agissent (cest la dépersonnalisation du savoir). En particulier, ils peuvent plus ou moins efficacement être ordonnés en suites, en théories de savoirs partiels, dobjets élémentaires. Nous étudierons plus loin comment cette capacité du savoir à être découpé en objets élémentaires, que lon peut présenter « pour eux-mêmes » (cest la décontextualisation du savoir), est essentielle à la réussite du projet denseignement moderne, un projet contemporain de lidée quil existe une catégorie de connaissances qui peut se dépersonnaliser et se décontextualiser pour devenir échangeable La théorie de la transposition didactique a confirmé limportance de ces phénomènes et a permis den entreprendre létude, nous ny reviendrons pas plus longuement.
La possibilité de reconstruire les savoirs pour créer une institution didactique dun type nouveau est lune des intuitions de Comenius. Cet auteur en effet est un des premiers à penser que lon peut économiser les références systématiques aux auteurs anciens que lon montre dans une relation didactique du type « apprentissage » - longuement, en répétant parfois plusieurs années de suite le même spectacle où les « maîtres » travaillent pour eux-mêmes (ils sont maîtres au sens de maître artisan) devant un public « d'apprentis » au long cours qui sont toujours privés dagir en personne, ne pouvant entrer dans une action qui reste souvent pour eux invoquée et ostentatoire - sauf s'ils prennent à leur tour la place en chaire. Comenius affirme que lon peut assurer directement, en langue vernaculaire, lentrée en rapport avec des savoirs dont on cherche à transmettre la maîtrise. La condition quil y trouve est quil faut pour cela organiser ces savoirs selon la logique de leur organisation propre et létat de développement des enfants auxquels on sadresse. Il tente dailleurs la production dun texte des savoirs immédiatement transmissibles par le discours, mais sa culture scientifique est mauvaise et les ouvrages qui devraient servir de support à lextension de son projet didactique contiennent des savoirs archaïques : cela le desservira longtemps, cela le desservira doublement. Les savants ne le liront pas. Les connaissances douées des propriétés nécessaires sont les connaissances scientifiques naissantes qui émergent des pratiques techniques et théoriques nouvelles, celles-là même quil maîtrise mal : il naboutira pas. A la même époque, Descartes commence de réaliser « à son usage propre », pour bien conduire son esprit et comme un effort autodidactique, ce qui était le projet de Comenius. Pour sa part, Descartes nimaginera pas les conséquences didactiques de la reconstruction du discours scientifique dans une logique dexposition dans laquelle il s'engage pour lui-même, appelant par son geste chacun à en faire autant. Il produira ainsi une des injonctions paradoxales qui viennent régulièrement peser sur l'action enseignante, injonctions paradoxales dont nous avons relevé la présence insistante dans les discours pédagogiques des mathématiciens les mieux intentionnés.
Ce sont justement ces connaissances-là, que l'on peut réorganiser en un texte du savoir parce qu'elles peuvent être manipulées indépendamment de leur contexte de production et par d'autres que leurs producteurs, que nous nommons des savoirs. Celles-là, dont Comenius entrevoit certaines propriétés didactiques, que Descartes cherche à produire pour senseigner à lui-même, que Galilée, Stevin ou Newton commencent à produire à partir des rapports existants aux techniques (à partir des savoirs techniques).
L'émergence conjointe des savoirs et des institutions didactiques TC "L'émergence conjointe des savoirs et des institutions didactiques" \l 9
La réalisation dun projet didactique relatif à une catégorie déterminée de savoirs suppose en effet lexistence première dun domaine de réalité pour lequel des savoirs sont disponibles, sur lequel ils sont efficaces ; cependant, les objets techniques socialisés que sont les savoirs ne peuvent exister isolément, ils supposent lexistence conjointe dune institution ayant pour fonction laction dans ce domaine de réalité, la gestion des relations matérielles et humaines, des savoirs et connaissances afférents au domaine.
Ainsi, on peut observer les premiers signes de constitution de savoirs techniques socialisés dès la prise en charge par les pouvoirs locaux des premières exploitations nécessitant une technicité collectivement gérée - je veux dire les mines les hauts fourneaux et les forges, à la Renaissance, en Allemagne, le siège des places fortes, à la même période, en Allemagne comme en Italie, la meunerie, ou enfin le drainage et lassèchement des sols comme aux Pays-Bas. En un mot, les mécanismes nécessaires aux machines éoliennes, hydrauliques et balistiques en général, qui sont dès lors inscrits dans des livres. Compilations de descriptions doutils et de mécanismes, ouvrages descriptifs, les livres deviennent bientôt des ouvrages où sont décrites des idées doutils et de mécanismes. De telles idées sont sans doute en premier à lusage des artisans de haut niveau, qui réaliseront ces objets par la mise en oeuvre de dispositifs inventés dabord sur la base de leur art, mais qui bientôt le feront par la mise en oeuvre des dispositifs produits par lexploration systématique (au niveau de la description ou de la représentation) des problèmes, et des outils aptes à attaquer les problèmes.
Le succès des horlogers allemands et suisses proviendrait en effet de leur capacité à produire des outillages complexes spécifiques des problèmes techniques quils rencontrent. Les carnets de croquis de Léonard de Vinci ne sont apparemment pas autre chose que les carnets didées, parfois rêveuses parfois réalistes, pouvant apparaître dans un milieu où fleurissent les carnets personnels didées techniques. Les fruits de cette exploration des problèmes techniques et de lobservation des inventions artisanales - inventions que lon repense en les décrivant à laide des signes graphiques et dans les termes produits à lusage des premières descriptions dinventions et didées techniques - feront, le siècle suivant, la matière des livres de techniques dont lusage se généralise bientôt à la construction navale ou à larchitecture. Déjà les savoirs de la gestion comptable et bancaire du Piémont et de Toscane, devenus mathématiques, sont lobjet denseignements dans des écoles dabaque. Il faudra commencer dès lors à enseigner les savoirs nécessaires à lusage et à lamélioration des techniques de la production industrielle, des arts militaires, de larchitecture : il nest plus temps de compter sur les vocations spontanées pour recruter les personnels nécessaires à leur maîtrise, et de compter sur lapprentissage pour la formation de ces personnels.
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Cest donc au sein des institutions de production technicisée que lon trouve des savoirs à enseigner relatifs au domaine de réalité concerné. Savoirs dune institution, liés à celle-ci, les savoirs y vivent le deuxième moment de leur dépersonnalisation : leur producteur a fait reconnaître par linstitution leur potentiel opératoire indépendant de sa personne, cest le procès dobjectivation ; ils peuvent ainsi vivre à lintérieur de linstitution, y être repris, modifiés, développés, y vivre leur vie institutionnelle. Leur gestion et leur développement devient autonome, dans le cadre d'une institution savante. Une institution à visée didactique se greffe sur linstitution technique initiale ou sur l'institution savante productrice des savoirs, pour assurer la permanence et le développement éventuel de linstitution quelle sert, en assurant la production et la reproduction du potentiel humain, l'apprentissage de savoirs, qui assure la reproduction de la force de travail complexe que ces savoirs représentent.
Létude des objets de savoir, de leur vie institutionnelle, de leur écologie, a été menée sur de nombreux sujets : nous pourrons nous y référer si nécessaire.
Nous cherchons ici à comprendre comment lintentionnalité didactique est indispensable à lapprentissage des savoirs et par là même, comment les écoles se trouvent être les institutions incontournables que nous connaissons. Dans ces conditions et quel que soit le découpage du champ que lon envisage, cet objet donné par la culture, « apprendre », ne peut pas, tel quel, nommer une partie du domaine de réalité des études didactiques. Cest pourtant ainsi que se désigne usuellement laction organisée dans une institution didactique ; apprendre est alors, avec savoir dans le sens d« avoir appris » - un des termes que nous avons à reconstruire.
Les « rapports au savoir » des élèves TC "Les « rapports au savoir » des élèves" \l 5
Puisque nous avons entrepris de nommer de la manière la plus neutre quil se peut les objets de notre champ de recherche, le terme même qui désigne la relation au savoir de qui « sait », doit être défini à nouveau. Apprendre nomme en effet dun coup toutes les formes possibles de « lapprendre » ; de même, savoir nomme toutes les formes du « savoir ». Ces termes se trouvent ainsi bien adaptés à la description du rapport aux connaissances, mais trop pauvres en nuances et en spécifications pour donner des descriptions pertinentes de ce que lon peut observer dans une institution didactique qui organise la rencontre progressive dun savoir en le découpant en une suite de sous-objets que lenseigné découvre chacun à son tour.
Nous dirons donc quune École (une institution didactique) permet à des Maîtres (les personnes qui viennent dans linstitution en position denseignant) de produire, pour des Élèves (les personnes qui viennent dans linstitution en position denseigné) « lémergence de rapports à des objets de savoir ».
Il reste alors à qualifier ce que sont les objets de savoir et les formes de leur organisation, ce que peuvent être les rapports denseigné ou denseignant à ces objets, les relations enfin entre les systèmes dobjets que sont les savoirs et lémergence possible dun rapport à ces systèmes.
Le type de description proposée, on le voit, pose aussitôt la question de la qualification des rapports aux objets de savoir et de leur description, ce qui renverse la situation initiale, où lopposition nécessairement brutale « savoir, ou pas » nous interdisait pratiquement de penser ces problèmes. Les « rapports aux objets de savoir » seront, pour nous, chacun des gestes de lensemble de tous les gestes que lon peut réaliser vis à vis de ces objets.
Décrire l'acte de « savoir » ou de « connaître » TC "Décrire l'acte de « savoir » ou de « connaître »" \l 9
Nous avons posé que tout savoir peut être étudié comme le produit dune institution, comme un produit technique. Un savoir peut alors se découper en sous-objets élémentaires dont la fonctionnalité peut sétudier pour elle-même ; la présentation systématique et lorganisation des études de ces objets dans le but darriver à la transmission du savoir - lenseignement - est le fait dinstitutions dun type particulier que nous nommons institutions didactiques : elles permettent quexistent, pour les élèves, dans un ordre déterminé, des rapports aux sous-objets élémentaires du savoir visé. Nous disons qualors les élèves « savent » des savoirs lorsquils peuvent faire exister des rapports à des sous-objets de ces savoirs, rapports qui se manifestent par leur aptitude à accomplir, avec ces objets, des gestes que lon peut observer et décrire ; nous pouvons ainsi décrire comment les élèves savent, et ce quils savent, mais aussi ce qui leur est enseigné, et comment cela leur est enseigné.
Avec lénoncé nouveau de la question nous accédons aux outils de la qualification des rapports au savoir. En effet, le rapport à un objet de savoir, comme le rapport à un objet en général, se décrit par linstitution qui donne le dispositif dentrée en rapport avec lobjet, par le dispositif qui appelle, provoque et organise des gestes, observables.
Ainsi, mon rapport à « EQ \r(17) » peut se traduire par le geste « extraire la racine », geste qui sera, si le procédé dextraction est le dispositif dit « algorithme de Babylone », commandé par ce dispositif. Voici une description succincte de ce geste : prendre une valeur approchée par défaut v1, (v1 = 4 par exemple puisque 42 = 16 +" x->+"
Donc, lim ( 1 - EQ \F(2;x) + EQ \F(1;x3) ) = 1
x->+"
Comme lim (x3) = +"
x->+"
lim f(x) = +"
x->+"
De même, lim f(x) = -"
x->+"II) Limite en +¥ð de f(x) = EQ \F(x2 - 1;x + 2)
(Même méthode : factorisations en x et x2, sans commentaires notés par l élève ; il sagit bien des premiers « exercices » après le tableau des limites, mais ils sont donnés en exemple, l'enseignant seul les traite, ils restent « dans son lieu » : ils ne sont pas « donnés à faire » à lenseigné)
5) Limite d'un polynôme à l'infini :
Propriété :
La limite à l'infini d'un polynôme est celle de son terme de plus haut degré.
Exemple :
f(x) = 5x3 - 2x2 + 1
f(x) = 5x3( 1 - EQ \F(2;5x) + EQ \F(1;5x3) )comme lim ( 1 - EQ \F(2;5x) + EQ \F(1;5x3) ) = 1
x->+"
lim f(x) = lim (5x3) = +"
x->+" x->+"
De même lim f(x) = lim (5x3) = -"
x-> -" x-> -"
6) Limite à l infini d une fonction rationnelle :
Propriété :
La imite à l infini d une fonction rationnelle est celle du quotient des termes de plus haut degré.
Exemple :
I) f(x) = EQ \F( 5x2 - 2x ; 3x2 - 1 ) (...)
II) lim EQ \F( 5x2 - 1 ; 2x2 - 3 ) (
)
Propriété :
a, b, c, étant infinis ou réels,
si lim f(x) = b et lim g(x) = c alors lim (gof)(x) = c
x->a x->b x->a
Exemple :
limite de f(x) = EQ \R(x2+2x-3) en +¥ð (...)
Exercices :
(Il s agit, à proprement parler, des premiers exercices que feront les élèves de la classe. Nous n avions précédemment que des exemples, i.e. : des exercices que le professeur traite lui-même.)
Limite à l infini de :
a) f(x) = EQ \F( \R(x4+x-1) ; x - 2 )
f(x) = EQ \F( \R(x4( 1 + \F(1;x3) - \F(1;x4) )) ; x( 1 - \F(2;x) )) = EQ \F( x2\R( 1 + \F(1;x3) - \F(1;x4) ) ; x(1 - \F(2;x) ))
f(x) = x EQ \F( \R( 1 + \F(1;x3) - \F(1;x4) ) ; 1 - \F(2;x))
donc lim f(x) = lim x = +¥ð
+" +"Énoncés des exercices suivants (Nous ne les traitons pas ici.) :
b) f(x) = EQ \F( 2x - 1 ; \R(x2 + 3))
c) f(x) = EQ \R(x2 + 1) - 3x2 + 1
d) Limite à l infini de f(x) = EQ \R(x2 + 2x - 1) + x
(Changement de forme indéterminée.)
e) f(x) = 3x + x.sinx
etc.
Fin du cours de Delphine sur les limites infinies
Un objet de savoir inattendu TC "Un objet de savoir inattendu" \l 9
Nous observons d'abord, à partir de l'interaction que nous avons eu avec elle, et à l'aide de son cahier de mathématiques, comment l'enseignant de la classe de Delphine gère, à loccasion dun enseignement qui porte officiellement sur le calcul des limites infinies, la « reprise du rapport ancien à un objet de savoir institutionnel ». Cest une première occurrence de notre objet détude.
Lobservation porte sur lobjet O1 : la factorisation des expressions polynomiales.
La reprise du rapport institutionnel à la factorisation RI(O1) est, dans ce cas particulier, gérée par le moyen des exercices (donnés à voir, ou à faire, aux élèves). Mais cela est tout à fait normal cette gestion est tout entière implicite. La factorisation O1 nest jamais nommée dans le cahier de Delphine, la transformation du rapport institutionnel à « la factorisation » nest pas demandée, la reprise nécessaire de ce rapport nest jamais indiquée.
Linjonction didactique portant sur cet objet de savoir se fait en effet par lintroduction dun objet nouveau O2, qui semble-t-il na pas dautre fonction didactique que de garantir la nécessité de la reprise du rapport ancien : cet objet nouveau est la recherche de limites de fonctions qui ne sont pas des fonctions polynômes, mais qui sont formées à partir de fonctions polynômes. Nous allons montrer que lintroduction de O2 est faite dans un seul but : pour que le travail de la factorisation O1 se fasse, sur ces fonctions ; pour que soit passé un nouveau contrat didactique à propos des manipulations standard d'expressions algébriques, un contrat comprenant un geste nouveau, à mettre en uvre dans les situations de calcul de limites.
Tel est lusage de la relation de dépendance fonctionnelle de la factorisation O1 au calcul des limites infinies, pour des fonctions qui ne sont pas des fonctions polynômes O2, que ce nouveau geste de factorisation outille : pour ces fonctions particulières, les théorèmes que le professeur vient de dicter ne sont pas valides, parce que le degré de ces fonctions est supposé inconnu. Chacun agira donc comme s'il était impossible de définir un degré, pour de telles fonctions : la question ne sera pas posée. La reprise du rapport ancien à la factorisation est demandée pour les seules expressions de fonctions non polynômes qui peuvent être rendues disponibles à ce moment de lannée, pour ces élèves : les fonctions « racines de fonctions polynômes ».
Si leur présence avait pour objet lenseignement du calcul des limites de fonctions composées de fonctions polynômes et irrationnelles, il serait aisé de définir leur degré comme un degré fractionnaire. L'étude de ces fonctions particulières se compléterait par l'étude de leurs variations et la recherche de leur représentation graphique. Si leur présence navait pas, comme c'est le cas, un enjeu didactique : montrer aux élèves le geste de factorisation quil faut apprendre, mais un enjeu instrumental : létude dun type particulier de fonctions que les élèves doivent savoir réaliser, la gestion didactique serait tout autre. Par exemple, lenseignant accepterait de parler de degré rationnel dune expression algébrique, et montrerait lextension possible du théorème sur « les termes de plus haut degré », puisque c'est un théorème quil vient de dicter. Cela ferait sortir la notion (préconstruite elle aussi) du degré dune fonction du domaine des fonctions polynômes (un domaine défini par contrat, car si lobjet polynôme est un objet à proprement parler mathématique, cest encore un objet préconstruit), cest-à-dire que cela organiserait la reprise du rapport à l'objet « degré d'une fonction » : le degré ne serait plus la propriété exclusive des fonctions polynômes (mais il pourrait rester encore une notion préconstruite, si la reprise était implicite, lenseignant montrant seulement « comment faire »). Cela ferait sortir cet objet de la séquence d'exercices où nous le rencontrons, pour en faire un objet d'enseignement explicite : l'objet d'un cours.
Ce nest manifestement pas souhaité, ici.
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Quelle est alors lutilité de la reprise proposée, au delà du traitement des questions portant sur O2, les fonctions « racines de fonctions polynômes », dans la mesure par exemple où ces questions ne sont jamais présentes dans les énoncés dexamen ? Nous pourrions proposer une réponse de bon sens : « C'est parce que le minimum exigible dun élève ne peut être ce quon lui demande exactement lors de lapprentissage, et quil faut viser plus haut pour obtenir la moyenne », mais cela ne correspond pas à la réalité didactique de la classe que nous observons par le moyen du cahier de Delphine.
Pour le comprendre, nous devrons faire appel à la manière dont cette observation a pu être produite : nous ne sommes pas allés directement en ce point du cahier sans y avoir été amenés par un indice essentiel pour notre propos : Delphine ellemême nous y a indirectement - conduits, par son attitude embarrassée dans un calcul de limite, lors dun devoir surveillé. Ces embarras ont attiré notre attention sur son cours de mathématiques et plus particulièrement sur « la factorisation du terme de plus haut degré dans la partie polynomiale dune fonction non rationnelle formée sur des fonctions polynômes ». Cest donc un efficace biographique qui nous a montré cet épisode didactique particulier.
Delphine nous a conduit à lobservation précédente par son attitude embarrassée dans un calcul de limite, lors dun devoir surveillé. Nous lavons interprété comme un épisode didactique, comme la manifestation de sa rencontre avec de lignorance. Ces embarras de Delphine révèlent la forme de son rapport au savoir dans cette circonstance, ce qui a attiré l'attention sur son cours de mathématiques et plus particulièrement sur « la factorisation du terme de plus haut degré dans la partie polynomiale dune fonction non rationnelle formée de fonctions polynômes », puis sur « le théorème donnant la limite du produit de deux fonctions de limite infinie ». Nous rendons compte ici de ces embarras, et de la manière dont ils se sont manifestés.
Le rapport de Delphine à la factorisation du terme de plus haut degré, dans le calcul de limites TC "Le rapport de Delphine à la factorisation du terme de plus haut degré, dans le calcul de limites" \l 5
Lobservation proposée est une observation « naturelle », non provoquée. Delphine, lélève de Terminale D dont nous avons donné un extrait du cahier, suit des cours particuliers de mathématiques depuis le 30 octobre de son année de terminale, auprès dun intervenant I.
Voilà aujourdhui cinq séances que I et Delphine travaillent sur le thème de létude des fonctions. Le travail effectué durant ces séances prend normalement pour objet les exercices, devoirs en classe, devoirs à la maison déjà faits. Il consiste en létude de ce que Delphine a fait, dont elle conserve la trace en apportant ses brouillons, et de létude ce quelle aurait pu faire, si elle avait disposé des réponses aux questions a posteriori quelle pose. Ce jour-là (lundi 10/12/90), Delphine arrive avec « beaucoup de questions à poser » : elle a préparé trois questions sur le devoir en classe de la veille. En effet, « ça na pas bien marché » dit Delphine, alors même quelle peut annoncer un « 13,5 » pour le devoir en classe précédent. Sa première question porte sur des calculs de limites. Deux fonctions comportant le logarithme apparaissent successivement dans lénoncé, on demande leur étude sur IR+*.
Dabord la fonction g(x) = 1 + x.( 1 - lnx ),
puis la fonction f(x) = EQ \F( lnx ; 1 + x )
Pour chacune des fonctions, Delphine a, pense-t-elle, « déterminé lensemble de définition » sans difficulté, mais elle dit quen revanche elle « na pas réussi à lever lindétermination ». I oriente aussitôt le travail sur la détermination de la limite de f en « plus linfini ». Cette limite a bien sûr fait problème, pense-t-il, et il sétonne tout haut de ce que Delphine nait pas su faire appel aux théorèmes pertinents pour son propos. Delphine avance pour sa part quelle dispose bien dun théorème à ce sujet, mais quil ne sapplique pas ici, parce que le dénominateur nest pas x lui-même. I lui fait observer quil aurait suffi décrire :
f(x) = EQ \f(lnx;1 + x) = EQ \F( lnx ; x.( 1 + \F( 1 ; x )))
= EQ \F( lnx ; x ) . EQ \F( 1 ; 1 + \F( 1 ; x )) >ð 0ð*ð1ð =ð 0ð
On comprend dès lors l intérêt du travail qui a pris place deux mois plus tôt dans l histoire de la classe : pour pouvoir « appliquer le théorème » du cours sur les limites en +¥ð ðde fonctions comprenant des logarithmes (théorème qui porte sur le rapport EQ \f(lnx;x) ), il faut savoir, sans même devoir y penser, « mettre x en facteur dans lexpression x + 1 » parce que ce geste « fait apparaître un x, et une expression de limite finie dont le signe seul risque dintervenir, une expression qui se trouve donc être inerte pour la question ». Il faut encore que ce savoir dusage résiste au changement de la situation, il faut que lélève sache quici ce geste peut toujours se faire, alors que la situation est nouvelle en comparaison de celles où ce geste était pertinent, dans le chapitre sur les limites infinies. La difficulté est donc, ici, due à lutilisation de la technique de factorisation dans un cas nouveau, conjointement à lutilisation du théorème nouveau (La limite à linfini du quotient EQ \F( lnx ; x ) est zéro) dans un cas où ce théorème nouveau nest pas dapplication directe.
Cest ce que les psychologues appellent une tâche complexe, et lon sait, comme cela va être observé ici, que dans ces conditions le rapport au savoir le plus récent est déstabilisé. C'est un phénomène connu : un apprentissage nouveau déstabilise l'apprentissage immédiatement précédent qui est utilisé conjointement à l'apprentissage nouveau. Nous montrons que cette déstabilisation se fait ici en raison de lémergence dun rapport nouveau au savoir ancien : la déstabilisation est observée sur le théorème officiel du chapitre, qui semblait lobjet nouveau ; elle est donc lindice du travail du rapport à l'objet le plus ancien, un travail qui constitue l'apprentissage nouveau effectif.
Lexamen de la copie de Delphine, lorsque la correction laura rendue disponible à I, montrera que cette élève na, en fait, pas rencontré de difficulté insurmontable à ce sujet. Même, le geste proposé est celui quelle a fait, et elle a, normalement, produit une erreur sur le savoir le plus récent (le théorème du cours) : elle a conclu que la limite est +¥ð ! C était une difficulté somme toute banale, une difficulté vite réglée, produisant une erreur simple à saisir, vite corrigée. Une difficulté sans grande importance, qui remplit sa fonction de signal : la pertinence de la pratique de factorisation d un monôme du plus haut degré possible est énoncée, la pratique est mise en place dans le cas nouveau des fonctions comprenant un logarithme, où elle sera dorénavant employée. D'ailleurs, Delphine s'est désintéressé aussitôt de la fonction f. Elle demande à I « Comment on peut obtenir la limite de g en +¥ð ð?ð », considérant par là même la question précédente comme une question réglée.
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Voilà donc l exemple d une gestion didactique qui - pour Delphine, tout au moins a assuré l apprentissage attendu (la factorisation du terme de plus haut degré pour le calcul des limites), de telle manière que le savoir-faire correspondant se trouve disponible dès que nécessaire. La réussite montre que, pour Delphine, les exercices posés en classe à propos des fonctions non rationnelles ont été des occasions d'apprendre : ils n'étaient donc pas uniquement, pour elle, des exercices à faire, et elle avait déjà appris que les exercices peuvent être porteurs d'une injonction didactique. Ce n'est pas le cas de tous les élèves de Terminale, car cela n'est pas le contrat didactique initial sur les exercices, au Lycée. La gestion didactique proposée nécessitait ce savoir particulier (qui a été nouveau pour Delphine lors d'un épisode didactique antérieur) sur l'objet institutionnel « exercices ».
Lapprentissage nouveau sur les limites de EQ \f(lnx;P(x)) , lévolution de la technique de résolution des problèmes de limites nécessitée par lapparition de la fonction logarithme, peut alors se réaliser, au moment où le théorème sur les limites de EQ \f(lnx;x) est donné il est enjeu didactique lors de la présentation officielle du logarithme, qui le nécessite. Même s'il nest pas objet sensible, la correction en classe va comporter une remarque rapide à son sujet si de nombreux élèves ont, comme Delphine, « mal utilisé » le théorème du cours et si leurs erreurs montrent un « embarras collectif ». Il est un peu tard pour que cet apprentissage réussi de Delphine soit rendu visible par la note du devoir surveillé (Delphine aura 7,5/20). Mais lapprentissage nécessaire sera bien en place au moment de lépreuve du baccalauréat.
Le rapport de Delphine aux théorèmes pertinents de son cours de mathématiques TC "Le rapport de Delphine aux théorèmes pertinents de son cours de mathématiques" \l 5
Delphine insiste : elle a, dit-elle, beaucoup « séché » sur cette question durant linterrogation écrite avant de renoncer ; cela lui a fait perdre beaucoup de temps et la inquiétée ; elle en a parlé, en sortant, à ses camarades de classe, mais aucun de ceux quelle a interrogés na su lui répondre. Malgré ses réflexes denseignant qui le portaient à ne voir que le problème posé par f, I finit par lentendre, et sintéresse dès lors avec elle à la fonction g. Selon les conventions de travail quils ont mises en place, elle lui montre le brouillon de ses recherches au cours de linterrogation écrite :
lim (1 + x( 1 - lnx)) en + ¥ð ð?
lnx ®ð + "
æð 1ð ð-ð ðlnx ®ð - ¥ð
èð et x ®ð ð+ ¥ð ð
« Il y a donc indétermination, et il n y a pas de théorème du cours dans ce cas », dit-elle.
Il existe certainement un théorème du cours qui permet de répondre à sa question. Mais cette fois, ce n est pas un théorème du chapitre logarithme et un calcul technique venu de la pratique du calcul des limites, quil faut faire intervenir, cest un théorème du cours sur les limites : « Le produit de deux fonctions de limite infinie en x0 est une fonction de limite infinie en x0, dont le signe se détermine par la règle des signes ». Nous le trouvons bien dans le cours de Delphine, où il forme une des colonnes du tableau sur les produits de limites.
La « pertinence explicite durable » dun théorème ne fait pas partie de ce qui peut trouver place dans le cadre normal du contrat didactique, pour Delphine. Un rapport institutionnel à ce théorème est établi, et un rapport institutionnel établi lest définitivement, cest là sans doute une clause essentielle du contrat didactique, parce que cest lexpression dune contrainte de la gestion du temps didactique ; mais lappel dun théorème (la rencontre de sa nécessité) semble, dans le contrat didactique pour Delphine, ne pouvoir se produire que pour un théorème du cours cestàdire un théorème du chapitre actuellement étudié : un théorème sensible. Le rapport à un théorème, lorsquil est devenu rapport institutionnel, ne comporte plus que « laction naturelle du théorème », qui de ce fait nest plus visible que comme « théorème en acte ». Par lobservation de Delphine, nous avons eu accès à une clause du contrat didactique, telle quelle peut vivre dans une Terminale scientifique : une contrainte de la situation.
Ce théorème lui fait donc défaut, ce manque vient dune question de contrat didactique sur ce que sont les théorèmes du cours, qui doivent être disponibles. Delphine attendait un théorème du cours sur les logarithmes, et elle ne pensait pas pouvoir buter devant un théorème sur les limites. Ces théorèmes-là devraient, pense-t-elle, lui être disponibles sans effort, tout comme la factorisation du terme de plus haut degré dans la partie polynomiale de la fonction f. Comme I, elle imagine difficilement quelle ait pu être surprise sur ces savoirs auquel le rapport institutionnel (qui est attendu, et manifeste le contrat sur les calculs de limites infinies) est, depuis plus dun mois, stable.
Le problème que ce théorème résout na pas été rencontré ailleurs, avant. Cette occasion assure donc la première rencontre dun élève de cette classe avec le théorème O1. Enquête faite, cest là un phénomène général : dans les cours de Terminale comme dans les livres de classe, lutilité de ce théorème na jamais loccasion de se manifester avant le moment des études de fonctions logarithmes ou exponentielles. Encore faut-il pour cela que ces études comportent une fonction du type de celles que Delphine rencontre ici. Ainsi, dans le cas de cette classe, comme dans le cas général, lutilité du théorème que nous avons identifié comme lobjet O1 de notre problème ne se rencontre dans aucun des exercices posés usuellement. Ceux-là se règlent toujours par dautres moyens puisque la factorisation du terme de plus haut degré associée au théorème sur limportance de ce terme règlent tous les cas de produits de fonctions de limite infinie - ce sont des fonctions polynômes ou fractions rationnelles - quand bien même un professeur se risquerait à poser un produit de racines de fonctions polynômes. Par exemple, lexamen de tous les exercices détude de fonction traités en classe durant les deux mois qui séparent le moment du cours où le tableau est dicté, du moment du premier emploi de cette colonne-là, montre que ce cas est, toujours, traité « automatiquement » : sans avoir besoin dêtre posé. Lélève se trouve toujours naturellement ramené au cas du produit dune fonction de limite infinie par une fonction de limite finie.
L'organisation des savoirs enseignés dans le cours de mathématiques de Delphine TC "L'organisation des savoirs enseignés dans le cours de mathématiques de Delphine" \l 9
Le phénomène didactique que lincident révèle, relève du problème général que nous étudions. Soit en effet O2 létude de fonctions comprenant des fonctions logarithmes ; soit RI(O1) le rapport institutionnel au théorème pertinent O1, un rapport stable au moment de lobservation (il est dailleurs au point le plus bas possible, cest-à-dire à peu près vide pour lenseigné, bien quil existe comme rapport institutionnel) ; soit RI(O2) le rapport institutionnel naissant (ou rapport officiel) à O2. Il existe une relation trophique « O1 Üð O2 » entre O1 et O2 (elle se lit « O2 se nourrit de O1 » ; ou « O1 est pertinent pour O2 »), c est-à-dire que le théorème, O1, est aujourd hui nécessaire à la solution de la question et à l étude réussie de la fonction g, qui est la réalisation de l objet O2. Nous sommes donc en présence d'un épisode didactique portant sur le théorème des produits de fonctions de limite infinie O1, à propos de l'étude des fonctions comportant des fonctions logarithmes O2.
Le théorème O1 apparaît dans le cours sous la forme suivante :
si lim |f(x)| = L"si lim |g(x)| = L'"alors lim |f(x).g(x)| = L.L'"
Cette forme diffère radicalement de l énoncé que nous avons donné lorsque nous en avons évoqué le contenu : elle est mal adaptée à la mémorisation opératoire du théorème (qui est pertinent pour la détermination de la limite d un produit de fonctions dont l une a pour limite +¥ð ðet l autre -¥ð,ð ðalors que l étude de la fonction g comporte une telle question. De plus, sous la forme qui est la sienne ici, le théorème ne donne pas d information sur le signe de la limite. Quand bien même Delphine laurait su « par coeur » et mémorisé jusquà ce jour, il ne lui serait pas disponible sous une forme idoine à son emploi immédiat. L'injonction didactique relative à O1 suppose qu'un rapport à O1 soit établi, et que la forme même de O1 soit travaillée par les nécessités de ce rapport nouveau. Le théorème était seulement montré, il doit devenir opératoire et pour cela lélève doit « le faire à sa main ». Peu importe alors cette forme, qui restera de l'ordre du privé puisque l'énoncé du théorème ne sera jamais demandé, si le rapport personnel à O1 paraît idoine : si le rapport personnel établi produit des réponses déclarées adéquates.
Linteraction avec I a ouvert sur une suite organisée « dinstants du système didactique » survenus dans la classe de Delphine. Cette suite est visible parce quun de ses éléments a fait sens pour Delphine, c'est un épisode didactique, qui a créé pour elle un fragment de sa biographie didactique. Nous pouvons alors observer comment d'autres épisodes ont préalablement existé, pour elle, comment toute une suite dépisodes a fait sens. Si lun d'eux avait manqué à faire sens pour Delphine, ses difficultés seraient plus graves que de simples embarras, et la vie didactique de sa classe lui serait en partie étrangère.
Delphine va maintenant pouvoir dire ce qui, selon elle, la arrêtée longtemps au cours de linterrogation écrite : elle a pu retrouver le résultat, la limite est bien sûr infinie, mais lindétermination quelle évoquait porte essentiellement sur le signe de cette limite et c'est sur ce point qu'elle a hésité.
Elle a en effet, à ce moment de lannée, une assez bonne habitude des problèmes de limite infinie, une « connaissance professionnelle délève de Terminale D » qui a travaillé la question, et elle peut penser « spontanément » cest-à-dire en se fondant sur son expérience du domaine, que ce produit a une limite infinie. Quand bien même elle ne saurait pas le théorème correspondant. Mais elle ne peut pas résoudre la question avec assurance, par exemple, comme cela se fait par lutilisation dun théorème dans le cas de fonctions polynômes, ou en factorisant le terme de plus haut degré comme nous lavons envisagé dans le cas des fonctions irrationnelles dune fonction polynôme.
Telle est la suite dincidents que lobservation de Delphine nous a révélé comme une suite dépisodes didactiques nécessaire pour que son rapport au savoir se construise (tel que nous lavons observé en accédant à un épisode déterminé). Le cours sur les limites s organise autour de la question des limites infinies et des limites pour x+¥ð, sans autre rappel des cas étudiés en première que les deux théorèmes qui commandent le procédé de majoration / minoration par des fonctions de référence. Les limites finies ont été traitées comme un « rappel de Première » par le moyen dune « planche dexercices », donnée en début dannée (cest dailleurs ce traitement succinct qui a motivé le recours de Delphine à un professeur de mathématiques, car « Pour les limites, les règles à apprendre ne suffisent pas » avait-elle constaté lors du premier entretien avec I). Rapidement, le professeur a donné quatre tableaux que nous aurions pu considérer comme récapitulatifs des résultats si le cours avait consisté à énoncer dabord les théorèmes et leurs démonstrations, ou sil était organisé autour de la mise en place dune technique détude des limites infinies et se poursuivait par lexploration systématique des cas dusage des théorèmes présentés. Ce nest pas le cas, et dans lorganisation constatée de lenseignement de cette Terminale D, les quatre tableaux doivent être considérés comme des formulaires techniques donnés a priori qui ne sont pas suivis pour autant du travail exploratoire auquel on pourrait sattendre. Comme les études de limites données en exercices ne portent jamais sur leur emploi, nous devrons considérer (suivant lorganisation didactique observée) que les théorèmes de ce tableau assurent à eux seuls la présence des savoir-faire pertinents pour les études de fonctions en général : car le théorème pertinent nest même pas « à apprendre par coeur ». Le rapport institutionnel pour l'enseigné est inexistant, RI,e(O1) = Æð.ð Le professeur pour sa part peut légitimement penser que la question doit être depuis longtemps réglée. Pour l'enseignant, un rapport institutionnel à O1 est mis en place depuis qu il a pris la peine de dicter l énoncé du théorème, RI,E(O1) ¹ð Æð. C est pourquoi, comme la dabord, spontanément, fait I, le professeur traitera toujours lhésitation de lélève par lappel au « minimum exigible », i.e. le tableau synoptique dicté.
Nous soulevons alors un problème essentiel de la topogenèse :
Le partage topogénétique na pas permis lémergence dun rapport personnel de Delphine au théorème O1 qui soit idoine aux emplois quelle doit en faire. ð
Cependant, le rapport de Delphine à O1 n a pas été mis en défaut dans le cadre des activités scolaires ordinaires, alors même que nous avons pu montrer qu il était pratiquement vide. L inadéquation n a pas eu l occasion d être prononcée. Nous disons par conséquent que ce rapport a semblé longtemps idoine, parce que la pertinence de O1 pour le calcul de certaines limites infinies ne trouvait jamais à se manifester : les objets auxquels O1 est lié étaient absents de la scène didactique. De plus, linstitution didactique (la classe de mathématiques de Delphine) avait assuré la mise en place dun rapport institutionnel à O1, rapport dont le tableau pouvait témoigner.
Conclusion TC "Conclusion" \l 9
Le problème que nous avons énoncé, et qui a fait l'embarras de Delphine, vient de ce que le rapport institutionnel est ici illusoire, c'est un rapport fictif qui nimplique pas (pour au moins cette élève) lexistence attendue dun rapport personnel : le partage dun rapport institutionnel trop faiblement existant ne laisse même plus à lélève de quoi reprendre létude. Cest dans ce cas particulier, nous lavons dit, un phénomène sans gravité, mais il nous appartient den étudier plus systématiquement les effets lorsque O1 est un objet de plus grande importance ou lorsque les conditions dapparition du phénomène ne permettent pas une reprise aussi rapide du rapport à ce savoir.
Conclusion du deuxième chapitre TC "Conclusion du deuxième chapitre" \l 5
Les aveuglements institutionnels (denseignant, ou denseigné) interdisent certains apprentissages
I est, comme lenseignant de Delphine, soumis à un aveuglement institutionnel.
Il sait, dun savoir professionnel denseignant du Lycée, que les élèves apprennent lentement la factorisation du terme de plus fort degré, et il pense immédiatement que les difficultés de lélève viennent de la fonction f.
Il ne sait pas, alors quil suit depuis plus de deux mois le travail de cette élève sur les limites, que Delphine a appris la nouvelle technique de factorisation et son rôle dans le travail dune fonction non rationnelle, mais qu'elle ignore toujours un théorème du cours.
Une enquête rapide suffit à confirmer que Delphine na jamais eu loccasion demployer jusquà ce jour le théorème concerné : son ignorance est bien normale. Mais lobjet est présent, et lenseignant (tout professeur occupant le lieu enseignant) ne connaît que cette présence institutionnelle, qui est pour lenseigné une présence légale.. Le rapport institutionnel au théorème existe depuis quil a été donné et écrit par les élèves dans le tableau récapitulatif des théorèmes, mais Delphine nentretient aucun rapport personnel à cet objet. Il est présent, mais ignoré. L'épisode didactique est resté sans effet biographique.
Les enseignants sont aveugles à certaines formes de lignorance réelle des élèves, parce qu'ils sont, eux aussi, soumis aux contraintes de la situation, cest-à-dire ici, au contrat didactique qui les fait toujours comptables du rapport institutionnel. Nous pouvons pour notre part observer cette ignorance parce que Delphine nous a montré quelle navait pas appris ce que nous pensions les savoirs didactiquement sensibles mais quelle avait appris, à loccasion de la leçon sur les limites et à linsu de linstitution, une nouvelle technique de factorisation des polynômes. La leçon sur les limites a donc servi de milieu favorable à l'émergence dun problème « faire apparaître le degré entier dune expression algébrique non polynomiale formée sur des polynômes » et dune technique dattaque de ce problème. Le rapport institutionnel aux polynômes a changé à cette occasion. En revanche, certain théorème sur le calcul des limites, objet sensible en principe, nest toujours pas connu deux mois après sa présentation : il est appris à loccasion dune recherche de limite portant sur une fonction logarithme. Ce théorème a été un objet sensible, et il est appris alors quil est forclos. C'est une nouvelle occurrence du phénomène que nous avions construit à propos dobjets de savoir non sensibles, puisque le voilà à luvre pour des objets désensibilisés forclos.
Cet aveuglement institutionnel denseignant, nous pouvons observer aussi bien comment lenseigné y est soumis. Voici par exemple lobservation rapide dun échange en cours particulier de mathématiques :
« I examine le cahier dexercices de lélève, corrigé régulièrement par son professeur. Deux exercices sont entachés derreurs ; or, la correction apportée par le professeur est elle-même erronée : lerreur nest pas là où elle la situe. Pour trouver lerreur, I prend un peu de temps, un peu trop au gré de lélève, qui simpatiente en disant :
Cest sans importance, ça fait rien !
Pourquoi ?
Parce que cest passé, ça
»
Cette attitude, qui révèle la soumission au temps didactique, interdit le travail nécessaire jusque dans le cadre de lautre cours, dont le déroulement se trouve commandé par les contraintes institutionnelles du premier. Nous travaillerons particulièrement les effets de lassujettissement temporel dans la troisième partie.
La formalisation de ce qu'est un épisode didactique semble donc décrire dans un cas plus général que prévu le phénomène que nous cherchons à saisir, puisquil semble indépendant du passé de lobjet O1 que la manipulation de O2 convoque. La formalisation proposée décrit aussi bien ce phénomène lorsque lépisode na pas deffet biographique pour un élève donné, que lorsquil a un tel effet. La faisabilité de lapproche biographique simagine ici, avec sa généralité. La productivité de cette approche comme instrument dobservation de la réalité didactique (elle produit des faits), comme instrument de questionnement de cette réalité (elle produit des hypothèses), ou comme instrument de validation théorique (elle produit des phénomènes expérimentaux) est ce qui est maintenant en question.
TOC \o "1-4" \n
Deuxième partie
Premières études de la construction didactique de l'élève, la nécessité d'apprendre
TOC Troisième chapitre
L'ignorance comme nécessité d'apprendre
La solidarité des manques didactique, théorique, technique 106
Le manque didactique dans l'épisode didactique originaire, pour Delphine 107
Le manque d'une gestion didactique de la rencontre du problème que le théorème O1 outille 109
La solidarité des manques didactique, théorique, technique 110
Conclusion 111
La production institutionnelle des manques didactique, théorique, technique 114
Une contrainte productrice de manques théorique et technique, l'assujettissement au temps didactique 115
Les paradoxes du temps didactique, leurs solutions contractuelles 116
Une contrainte productrice du manque didactique, le manque théorique et l'algorithmisation 118
L'échec paradoxal de l'algorithmisation des comportements de l'enseigné 119
Une contrainte créatrice du manque technique, la préconstruction 120
La réussite paradoxale de la gestion didactique des rapports aux objets préconstruits 121
Conclusion du troisième chapitre : La nécessité de valider les savoirs didactiques produits au terme dune approche biographique 124
Troisième chapitre
L'ignorance comme nécessité d'apprendre TC "L'ignorance comme nécessité d'apprendre" \l 4
Dans les conditions que nous avons observées, le travail de la technique et la mise à lépreuve de la maîtrise que lélève en a acquis ne se font que très lentement. Ils se font « à loccasion », si lorganisation écologique des mathématiques scolaires permet une vie des problèmes et des gestes correspondants suffisamment longue, si cette organisation permet que les mêmes problèmes soient rencontrés dans de nombreuses situations. Les différents gestes techniques qui ont alors trouvé un premier usage, peuvent y être réinvestis. Le manque du discours théorique par lequel un savoir est exposé et le manque de la prise en charge institutionnelle dun travail technique de ce savoir semblent alors solidaires, sauf dans le cas où ce savoir serait introduit comme un préconstruit, et par lostension de son usage. Nous montrerons comment lexistence ou labsence, dans la suite des instants du travail didactique, dune situation adidactique effective, constituant un épisode didactique premier, est un élément déterminant dans la réussite didactique des épisodes didactiques ultérieurs par qui se constituent, pour ces élèves, les fragments de leur biographie didactique.
La solidarité des manques didactique, théorique, technique TC "La solidarité des manques didactique, théorique, technique" \l 5
Le professeur a sans doute traité du rôle des valeurs absolues en donnant le tableau, avec cette indication que la « règle des signes » sapplique et que les valeurs absolues font économiser létude de nombreux cas (tous semblables pour la théorie des limites infinies). Nous le supposerons, afin de nous placer par principe dans les conditions a priori les plus favorables au professeur. La difficulté que crée cette pratique tient à labsence des signes, cest sans doute pour cela que la plupart des livres donnent des tableaux complets, alors que nous avons sans peine trouvé un autre professeur qui avait dicté le tableau de Delphine : le professeur de la classe de Première S où nous avons observé des élèves (le document qui en fait foi est annexé à la thèse). Sans doute le temps de la dictée est-il peu gratifiant, pour lenseignant comme pour lenseigné, et les tours de main pour le raccourcir sont-ils recherchés. A moins de faire lhypothèse dune valorisation scolaire inconsidérée de lécriture sous la dictée comme moyen détablir un rapport à un objet mathématique, cela montre que le but de cette opération pourrait presque aussi bien pour les professeurs être atteint par une feuille polycopiée que les élèves colleraient dans leur cahier si les élèves de Terminale ou de première disposaient de colle décolier.
Indépendamment de la difficulté due à labsence des signes, nous trouvons là une suite d'incidents didactiques qui relève dun type de phénomènes fréquent aujourdhui. Pour commencer den tester la généralité, voici la suite de moments, différents dans lorganisation didactique, que nous avons observée. Elle est résumée de manière à faire apparaître le phénomène type :
- la première rencontre du champ de problèmes « limite dune fonction f(x) quand x tend vers linfini » se compose dun commentaire sur lintuition qui « justifie » la définition de la notion présentée ; cette première rencontre est suivie dun moment exploratoire mené par lenseignant (il est généralement dit de théorie ou dapport dinformation) ;
- comme dans le cas que nous observons, ce moment exploratoire sachève avec la donnée du tableau synoptique des résultats techniques indispensables à lattaque des problèmes du champ ; le tableau est dicté : cest pourquoi il est, dans les cahiers délèves, toujours réduit au minimum de signes, perdant fortement en sémioticité ;
- la mise en place technique se fait alors sur une période bien plus grande que celle qui sépare lélève de la première interrogation de contrôle, et lexploration du champ des problèmes par le moyen des différents exercices traités nest pas menée systématiquement parce qu'elle nest pas guidée par la succession organisée des théorèmes que lon démontre et dont on démontre ensuite, au fur et à mesure, lusage.
Le manque didactique dans l'épisode didactique originaire, pour Delphine TC "Le manque didactique dans l'épisode didactique originaire, pour Delphine" \l 9
Revenons à lexemple étudié et plus précisément au rapport personnel de Delphine à O1, pour en expliquer les manques : la théorie des situations permet létude de la dimension adidactique dans les différents moments de cet enseignement. Si en effet nous avons pu dire que le rapport institutionnel denseigné au théorème O1 sur la limite du produit de deux fonctions de limite infinie était vide, cest quaucun de ces moments ne correspond à une situation didactique stricto sensu, cest-à-dire au moins à une situation qui comprendrait une injonction didactique contractuelle à lendroit de O1 (faute dinstaurer un rapport adidactique à cet objet). Cest ce que nous allons regarder de plus près maintenant, car si le rapport de Delphine à O1 aurait pu être déclaré adéquat parce que lenseignant ne lavait pas mis en défaut avant ce moment, il était malgré cela, de tout temps, non idoine : cest-à-dire que du point de vue de lorganisation interne du système de ses rapports personnels aux savoirs, le rapport de Delphine aux théorèmes sur les limites était gravement en défaut.
Comment la forme de la rencontre que nous avons observée fait-elle problème pour lélève ? Bien sûr, le fait que cette rencontre se fasse durant une interrogation écrite, cest-à-dire dans le cadre dune situation dans laquelle Delphine est censée tenter lobjectivation de son rapport au savoir, montre une faiblesse de gestion de la relation didactique. Mais cela nexplicite pas lembarras de Delphine.
La rencontre du théorème, lobjet de savoir O1 auquel le problème fait appel, correspond en principe à une injonction instrumentale relative à O1. Ici, l'enjeu porte officiellement sur un tout autre objet, les fonctions logarithmes ; mais Delphine doit, pour résoudre le problème qu'elle se pose, s'enseigner le savoir nécessaire en le produisant pour elle-même, puisque O1 n'existe pas pour elle. Delphine se trouve dans une situation adidactique d'action dans le cadre de laquelle aucune communication nest en principe possible à propos des gestes qu elle effectue on la verrait bien, ici, chercher à savoir comment son voisin a répondu.
Nous devrions alors observer ensemble les deux propriétés suivantes : RI,e(O1) ¹ð Æð, RI,e(O1) »ð RI(O1), c est à dire d'une part, que le rapport institutionnel d enseigné existe dès lors et qu il est conforme au rapport institutionnel (ce qu'il n'était pas jusqu'ici) ; et R(e,O1) [RI(O1) ; (O1 ð0, on dit qu un nombre réel r est valeur approchée à eð ðprès d un nombre réel x, si EQ \x\le\ri(x-r ) d" eð ;
r est dit valeur approchée par défaut si r d" x, par excès si r e" x.
Définition 2
A est partout dense dans IR ssi x étant un réel, pour tout eð>0ð,ð ðil existe r dans A tel que r soit valeur approchée de x à eð près.
Propriété
Étant donnés un réel x et une suite décroissante d eð, de limite 0, (eðn) , soit (rn) une suite correspondante d éléments r de A, on a : (rn) EQ \s\do5(n >" ) > x.
Conséquence
(eðn) étant dans A, et A étant un sous-groupe additif de IR, à tout x de IR , (eðn) étant donnée, on peut associer une suite de valeurs approchées par défaut (rn) (de limite x).En effet, I
R est Archimédien, donc l ensemble des pn entiers tels que pneðn d" x est un sous-ensemble de A possédant un plus grand élément, et il existe un entier pn et un seul tel que :
(1) pneðn d" x 44»4¼4595}5!6C6D6úñññññññññññññññññññññññññññ`gdB`ëgdôrD6X6Y6q66666ä6å67
7Õ7Ö7#8$88899"9#999ð9£:¤:öööööööñöööööööööööïííçççå]gdôr`gdB`ëO9P999999à9í9ð9:?QRab EFâã]$^$$$º'ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷ü÷üíèíü÷á÷á÷üÙüÙü÷üÙüÏ÷Ï÷üÏüíèíüíèíüjh)5Ujh)Uh)56 h)jh)U h)5h)RTé;_n
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