deux temps, trois mouvements
Au bout de sa passe vissée remettre la machine sur les bons rails, de quoi se
souvenir ..... Il observe tout cela clairement, sujet de sa chute en même temps
que spectateur ...... Le bruit des mots comme mémoire (écho) de leur examen (
physique, .... Un défaut d'aspect de la peau d'un béton dû à la présence d'
armatures trop ...
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elle touche. Une fois dehors jexplose, libéré dun poids.
Elle entre dans lappartement en silence, sapproche lentement de la salle de bain, la porte est entrebâillée, travelling avant, une épaisse vapeur deau brouille la vision quon a sur le seuil de la porte de lhomme endormi dans son bain. Elle sapproche plus encore. Lhomme fait semblant de dormir. Elle pointe son arme sur sa tempe. Il lattrape à la volée, avec un geste vif, viril, qui la surprend. Dune pression du bras plus que dans un mouvement, il loblige à se rapprocher de lui. Regard prolongé. Silence. Puis ils sembrassent. Elle le rejoint dans son bain tout habillée, son uniforme dans leau. Puis elle revient à elle. Encore une fois fantôme rime avec fantasme.
Le film de nos vacances en Berry. Les images des filles, je peux revoir certaines scènes plusieurs fois de suite, leurs expressions mignardes, leurs mimiques complices, me font rire. « Cest pas vrai. » Je me surprends à le répéter à haute voix.
Dabord il ny a rien, bouffées de chaleur, peur au ventre assujetti à de légers picotements du bout des doigts. La peur du vide, loin la feuille blanche depuis longtemps lécran plat. Que faire ? Les lignes du bilan de lannée dernière se brouillent. Broutilles. Comme les voeux, quoi ça sert ? A vos souhaits... Vouloir aller trop vite jamais bien. Copier / Coller / Couper. La meilleure solution. Et la santé. Amour, gloire et. Tout vient à point. Elle apparaît dans la lumière. Je la reconnais de suite, force évidence, rousse aux yeux bleus. Nez pointu, dents blanches. Pommettes saillantes et peau blanche. Vous êtes moins à létroit que dans lancienne bibliothèque, me dit-elle. Cela faisait longtemps, je lui réponds. Je lui laisse imaginer la suite. Vous aussi. Finir le bilan pour demain. De la suite dans les idées. Avec son sourire qui me poursuit. Son regard qui maccompagne. Dabord il ny a rien. La peur du vide
Elle appelle à la maison. Je sors de la douche en peignoir. Elle veut parler à son amie, mais ma femme nest pas là. Discussion autour des bonnes résolutions de la nouvelle année. Me sortir, dit-elle. Ce que je comprends, car les filles simpatient déjà dans le salon. La musique, la musique. Pour que je remette la musique. Je raccroche et mexécute.
Des personnages fictifs ou réels. Le temps davant. A peine vu le visage de cette femme derrière sa fenêtre, lallure dune très vieille femme courbée, le corps ployé, voûté, les doigts accrochés à son rideau dun tricot plus très blanc. Solitude qui sent la soupe tiède. Une image de plus. Faut voir. De lair. Ses rides, pas un pli dans les trous du filet, la maille papillon. Une image fantôme qui se construit tous les jours. Le bus passe sans sarrêter. Il fait froid, le ciel encore bleu gris rosé en fin de journée. Le partage des images. Les détails de la ville comme un jeu de Légo. Les rapports entre réalité et fiction. Le temps daprès.
Une affiche pour le magazine Capital. Dans la salle des pas perdus de la Gare de Lyon. Juste devant lescalator. Un couple allongé, les deux corps inertes, lun à côté de lautre sur le sable, immobiles, à moitié recouvert par une vague. « Les nouveaux vacanciers. » Cest écrit.
Ladmiration est plus facile que le respect, que lestime, contre mauvaise fortune bon coeur. Javance sur le quai de la gare sans prévenir personne, en un mot comme en cent, ça ne prouve rien, comme si de rien nétait. De quoi sagit-il ? Cest comme un jeu de construction, un rappel à lordre, un geste social, une redéfinition du rôle de lartiste, cela ne va pas de soi pourtant, reposant sur la spécificité de la division du travail et la propriété de lindividu. Je ne la vois pas tout de suite, il fait nuit. Dans lécoute toute la journée. Réunion et atelier. Éléments de réflexion, miroir où voir poindre les itinéraires que je ne parviens pas transgresser, précipitation de désirs, lente conspiration. Sur son banc dans le froid, le pied nu, velours dessous, acier dessus, dans ses sandales stries les pensées, striés les doigts que juse à écrire, avec toi, toi maintenant. Ladmiration est le propre de limbécile. Chercher je ne sais pas quoi, une ritournelle de la voix aimable, des bouts de pensées, insolentes ou tendres, fixées comme des jalons parmi dautres, des échos incertains, une panoplie davenirs possibles, un adoucissant, un signe particulier, un fait dâme, une fête, ni plus ni moins.
Au petit-déjeuner, Caroline évoque à demi-mot un rêve érotique nocturne entre le fond sonore de la radio (les informations) et les bruissements des filles. Elle ne men dit pas plus car cest lheure de préparer les filles pour aller à lécole. Dans la soirée, après lamour, elle mavoue un peu honteusement que dans son rêve elle « se chauffait » avec Joey Star. Jai tout enregistré. Comme les musiciens sur scène ont un retour, ce quils jouent leur revient dans les oreilles. Jaime ce retour sonore. Faire lamour comme on joue de la musique.
Une partie de son sens, de son énergie, dans son contexte et dans le moment. Le flux et la recherche par mots-clefs. Informations, innovations, ruptures, franchissements de seuils. Lère du vide, lobjectif Live est tout simple : vous faciliter la vie en rassemblant tout dans un seul endroit, je dis bien tout. Atteintes potentielles la vie privée. Elle veut extraire des images fixes de son film vidéo.Ce que je vois dabord, des enfants, une fête, un goûter danniversaire. Lampleur que prendra le phénomène est difficile mesurer. Elle sest filmée sur toutes les coutures.Elle prend des poses suggestives en sous-vêtements, déhanchement, genou levé, moue sensuelle. Couleurs saturées au grain vulgaire. Dores et déjà intimement mêlés. Etroite interpénétration des trois sphères. Ces atteintes collatérales à leurs vies privées. Selon quels critères et sous la responsabilité de qui ? La marchandisation de nos mémoires, non plus documentaires mais intimes, se profile à lhorizon. Il vaut mieux le savoir.
Je regarde ses yeux bleus, son sourire, elle me sourit, me perce à jour, je men fous, je souris à mon tour et lui tends sa carte. Elle me remercie. Ses yeux bleus, merci encore. Son doigt tendu me désigne. Une cicatrice. Ce défaut me la rend plus belle encore, mais moins inaccessible. Ce que je me dis en la voyant séloigner.
Les résolutions. Sur une feuille à grands carreaux. Se tenir .à Pour lannée qui vient. Sous forme de jeu avec les filles. Rouge sur blanc. Chacun note les résolutions des autres. La liste sallonge peu à peu. Alice. Ne plus faire la tête pour un oui pour un non. Ranger sa chambre quotidiennement. Ma révolution porte ton nom. Ma révolution na quune seule faon de tourner le monde. Nina. Ranger sa chambre quotidiennement. Finir ce quil y a dans son assiette. Shabiller toute seule. Ecouter ce quon lui dit. Alice se trompe de mots, elle dit les révolutions. Maman. Ranger ses affaires. Jétais à peu près, je suis exactement, la femme que jespérais. Papa. Manger moins de bonbons. Faire le petit-déjeuner une fois par semaine. Passer moins de temps sur lordinateur.
Parler avec elle et dans lélan de la conversion, le plaisir quon y ressent, laisser échapper par mégarde, sans même sans rendre compte, lautre en retour obligé de nous le faire remarquer, de dénoncer au grand jour ce lapsus révélateur, une confusion avec une autre personne. Se tromper sur lidentité de la personne quon évoque. Une autre fille avec qui jai passé la journée à travailler sur un film.
Sous la table lobjectif. Les jambes croisées. Voir sans regarder. Loeil est la page blanche. Il succombe au regard. La plus jeune, sous la table. Son regard, hésitante, sa voix légèrement tremblante, retrouver le nom de tous les convives. Elle égrène le nom de chacun. Sous la table. Sur quelle tête finira la couronne ? Roulement de tambours. Flashs et souffle coupé. Chacun son tour. Dans lémotion du moment, le nom de cet inconnu quon lui souffle, elle en oublie de me nommer. Passé mon tour. Sous la table. Adorable oubli. Loeil est dans la tombe. Il succombe à la page blanche. Une épiphanie.
Douche après avoir couru ce matin. Du monde à la maison à mon retour, ça beau être prévu, toujours une surprise. Je me presse. Du fouillis dans la salle de bain. Du linge en pagaille. Nina a vomi plusieurs fois. Désagréable sensation doppression à sentir lhumidité de sa peau (mal séchée et déjà en sueur), sur les vêtements (chemise et jean). Olivier découvre mon lecteur enregistreur vidéo. Il sen empare avec sa décontraction habituelle, cette assurance désinvolte, et regarde les films que jy ai enregistrés. Je prends un air dégagé pour lui expliquer, à distance, le fonctionnement de la machine. En le voyant dans la salle de bain, je comprends quil a découvert les films pornos. Je ne sais pas qui est le plus gêné.
Remonter le quai contresens. Jai toujours avancé comme ça, ça a toujours été moi, rien que moi qui avançait comme ça. Contredanse. Lumières comme nen dispensent que les quais de gare à peine surgis de laube. A contrario. Je men contrefiche. Je danse contre. A leur rencontre. Ils avancent toujours, ils ont toujours un truc à avancer et moi jai un train de retard, javance avec mon train de retard, je le regarde, ils me regardent, on se regarde, on voit le train partir, tout le monde sest avancé vers moi, je suis pas le train, je suis rien, javance, javance avec mon train de retard. Je me faufile. Je zigue, je zague entre les corps des voyageurs qui descendent de leur train, le vide de leurs corps. Javance masqué, à couvert, toujours derrière un autre qui avance devant moi, dans son sillage, son ombre. Pour monter dans le train vide. Cest mon train-train quotidien, je suis pas pressé dy être. Mais jy vais. Jy suis. Jy reste. Attention au départ le train va partir.
Deux trains roulent côte à côte un long moment. Course de vitesse. Aller-retour. Images au ralenti cependant. De lautre côté, dans le train qui dépasse le mien, une femme endormie, la tête contre le rebord métallique de la vitre. Le train passe plusieurs fois à sa hauteur. Je la regarde attentivement. Son cou dénudé, son collier de perles, ses yeux fermés, gonflés de fatigue, sa peau blanche, son air détendu, offerte dans le sommeil. Transport en commun.
Marquer comme non lu. Jai vite su quil fallait surtout ne pas sarrêter de travailler. Il me dit je nécris pas, jamais. mais je mattendais à une situation de cet ordre. Toute la journée derrière lécran, pour mieux se cacher, se voiler la face, passer le temps mais sans rien faire, minimum vital, lécran de lordinateur succédané de télévision, le clavier fait office de télécommande. On attend que ça passe. Zapper. Nous dévalons lescalier, comme pour mieux oublier lévénement. Il marrête, me demande si vraiment il ne me dérange pas. Même pas la liste des courses ? je lui demande. Non, pas un mot. Sélectionnez les enregistrements relier « Elle parvient son but. »
Gare du Nord. Un couple sembrasse. Je passe juste devant eux, la plupart des gens les ignore, moi je ne peux pas. Je marrête à leur hauteur. Je vois très nettement leurs langues se mêler, semmêler. Il embrasse le bas de sa bouche comme sil cherchait à le manger littéralement. Elle soccupe de la lèvre supérieure de son ami. Elle passe sa langue dessus régulièrement.
Lactivité éditée de vie quotidienne, en principe, ne déborde pas les capacités du sujet qui en est le lieu de mémoire. Léclair de côté. Dans le rêve, le lapsus, lacte manqué, le mot desprit lui-même, au moment où il se produit, cest bel et bien quelque chose comme une variable, qui échappe au sujet, quelque chose qui se serait mémorisé sans quil ait rien à y voir. Familier du mélange des genres. On appelle ça égalité des chances. Le mot desprit. La rencontre de deux sourires. La mémoire, cest quelque chose dont personne ne soccupe, pour la bonne raison que si on sen occupe à fond, au jour le jour, on y perçoit probablement, à vif, lintolérable lui-même, cest--dire lintolérable de la répétition. Où cesse la douleur. Quest-ce que tu dis ? Le choix des vêtements est votre convenance.
Dans ce cagibi, on entrepose nos vêtements, on y accumule matériels, logiciels, documentations. Comme nous elle accroche sa veste à une étagère abandonnée là depuis trop longtemps, tout le monde la désormais oubliée, elle se défait de partout. Jentre. Son parfum dans tout lespace, je sens son foulard vert iris, mon visage dedans, dans tous lespace un parfum cest une histoire sans parole. Je devrais lui demander le nom de son parfum.
Quand la nuit est tombée. Plus tard vous comprendrez pourquoi. De bonne heure. Autour de nous on ne voyait que des champs. Du moins on le disait. Le ciel est à travers de cordées invisibles. Des fils assez longs qui leur permettaient de voyager un peu. Plus retenus à rien. Ces histoires-là sont plutôt difficiles à comprendre, à éclaircir. Mon père mavait averti. La peur me soufflait dans le dos, un désir violent de la connaître. Avec une nuance de regret. Le vent est tellement fort quaucune voix ne parvient à le traverser. Sa langue, nayant plus à qui parler, se durcit dans sa bouche. Une immense fatigue. Mais personne ne répondait. Un vide en moi comme si je faisais lappel. Photocopies de photocopies. Longtemps.
Jeune femme blonde endormie dans le train. Grande blonde racée aux lèvres ourlées, petit nez retroussé, mèche de cheveux ondulés, qui me voile longtemps son profil. Elle la relève subitement, la glisse derrière son oreille. Quel souvenir delle ce soir en rentrant à la maison ? Surprise, elle est encore là, présente, suffit de fermer les yeux pour en raviver le souvenir, limage fantomatique, fantasmatique. Et plusieurs jours de suite encore. Je ne la vois pas souvent je me dis, je vais justement la revoir quand je commencerais à peine à loublier.
Jimaginais déjà ce quil allait mécrire, trop dattente en retour, déception. Mot de passe : rikiki. Cher Monsieur, on pouvait dire bien des choses en somme. Merci de votre message. Cest une excellente idée. Merci quand même. Cette difficulté avec ce stagiaire, tenter de lui expliquer, en vain, que sa vie on sen fout. Pas le propos. Changeons de sujet. Revenons à nos moutons. Incapable décrire ce quil est venu faire là deux semaines durant, parle en détails, surface et jargons de circonstance. Le nez dans le guidon on va droit dans le mur. Si facile à dire à lautre ce quil attend, ce quil veut entendre. Ne pas le faire pourquoi ? Marquer sa différence ? Son territoire ? Montrer ses cicatrices ou ses muscles ? cest au choix. Rien à voir, mieux vaut circuler et tourner la page. Thumbnail signifie vignette, quon se le dise. Je ne suis pas un numéro, je suis en roue livre. Bien à vous.
Les gens sembarquent dans des mouvements contestataires, mais ne vont jamais jusquau bout, tout vrai changement est devenu impossible. La seule chose qui nous reste le consumérisme, le danger serait de nous en lasser car au-delà il ne nous reste plus rien. Les médias doivent informer, pas mobiliser, mobiliser cest le rôle de la propagande, devenir une simple copie du réel au lieu de stimuler linvention de nouvelles formes, kaléidoscope malicieux dont on cherche avec délices le mode demploi. Quand je coupe mes textes des choses tombent auxquelles je tiens et cest cette culpabilité qui donne des livres à venir. Mettre ensemble des petits morceaux qui nont rien à voir les uns avec les autres, je nappelle pas cela de la poésie, pour autant je suis dans le non souci des genres, deux possibilités : la narration par courtes séquences rêves diurnes dont dérivent les contes et la possibilité détablir des décomptes textualisés.
Retour exact et insistant de lidée dune promesse de bonheur par lart. Lart est travail : cest la morale de lhistoire. Il en faut une. Un amour constant triomphe de tout. Tout dabord sans éclat. Il y a des vagues au bain révélateur. Des vagues de densité. Elles décrivent le seul mouvement de lhomme désirant. Le travail ma éloigné de toi. Aimer à travailler. Travailler à aimer. Je suis beaucoup de choses. Ses tracés précipités. Cest un rêve. La vie est un rêve. La vie est une longue, longue suite de rêves, des rêves qui se mêlent les uns aux autres. Des heures entières à regarder en lair sans dire un mot. Désir du retour dirréel. Lamour seul ne peut remplir la vie dun homme ? Si lon y travaille, si. Comme tout est étrange. La célébrité nest rien. La nuit est profonde, lespace immense, infini. Deux choses sont importantes : lamour et la pensée. Il nous faut beaucoup de courage pour oser penser juste. Dans cette recherche continuelle, il convient de rester fidèle à soi-même. Des absences au présent. Rechute possible. Quelquun dehors. Par langueur de fenêtre. Mais la pensée crée le rêve réel.
La sonnerie résonne dans le combiné. Cela me semble interminable. Je me remémore tous les prénoms de la famille, je bute sur lun dentre eux, cest idiot, on décroche. Allo, oui ? Je ne reconnais pas tout de suite la voix grave, je demande à parler à Damien. Faute de mieux. Il prend lappareil assez rapidement. Sa voix, ce sourire dans la voix, cette façon de parler en laissant traîner les sons. Quand il entend ma voix, me reconnaît, il prononce mon prénom en insistant dessus, en le faisant durer, maintenant la note plus longtemps que nécessaire, sa voix au ralenti prise dans la glace du temps.
De ta main gauche, tu retires de ton front une mèche de cheveux. De là, les alliances mises en place. Que lon retrouve dans le français sérail. Un peu galvaudés pour la décrire. Lhéroïne, cest la ville. Tu retires de ton front une mèche de cheveux, et moi, immédiatement, je mémorise ce mouvement, je ne vois pas comment tu retires tes cheveux de ton front. En cas dagression de lun ou de lautre. Ville multiple, versatile, utopique. Létat desprit mêlé dappréhension renforcé par la première image quoffre la ville. Je me souviens de ce geste, de ta main gauche. Les pierres se souviennent. Il fait trop froid dehors. Question dhabitude. Lévénement y est aplati, parfois mutilé. Le plan dune ville dit tout des décisions prises par des générations dhabitants. Un carrefour, sa beauté nest pas harmonieuse. Discordances esthétiques, de lhistoire ancienne.
Depuis six ans, le même rituel anniversaire : se photographier pour lautre avec un de ses enfants. Cest Caroline qui a commencé, elle se photographie donc avec Alice et moi avec Nina. Lappareil du métro Château-Landon est en panne. Dans le hall froid de la gare de lEst, on ôte à la hâte nos vêtements, on sinstalle, la mise en scène est immuable, minimale, souvent sur la photo le sourire contrit faute de place. Lendroit sent lurine et le vin mauvais mais le rire de Nina efface tout, sauf le froid.
Attendre le dernier moment, par la force des choses, cest un risque à prendre. La faiblesse dy croire. Du travail en voilà. Et des voeux à envoyer. Pas le moindre cordon de sécurité. Un texte à finir. Vieille fébrilité qui trouble le sommeil. Nuit électrique. Pourtant la journée aurait pu être déplorable. Quelques sourires au passage bien que reclus. Tinquiète pas, cest pas grave. Nempêche ya un os. Lattente ne mène à rien. Repousser ses limites. Tu comprends ou je vais plus loin ? En fait non, je ne vois pas où tu vas, ni même où je vais dailleurs, mais cest plus loin désormais. Etre là, oui, mais un peu dans lautre, dans lombre, cest tout moi ça. Dexcellente humeur comme à son habitude, il veut tout voir être partout à la fois.
Depuis quelques semaines déjà, je suis chaque jour les évolutions du journal sur Internet dune jeune femme dune vingtaine dannées. Elle sappelle Anna. Elle multiplie les images delle et damies, les photographies sont assez mauvaises, souvent floues, mal cadrées, elle se montre tour à tour nature (photographie sans intérêt dune adolescente) ou en latex. Les contrastes sont saisissants. On a du mal à joindre les deux bouts. Journal fragment.
Commencer par ranger, ranger son bureau, mettre les feuilles en pile puis consulter cette pile, ce quon garde, quon range dans des dossiers, avec des titres dessus pour ne pas les perdre, ce quon jette en boule, on peut les déchirer aussi, limportant est de se faire plaisir, se défouler, avant de les jeter à la poubelle, hop, au suivant. Hier je photographie le ciel arrivant au travail. Grand soleil. Ce matin, mis en ordre. Il pleut à verse. Pas à dire, le lundi ne ressemble jamais au mardi. Chaque jour suffit sa peine et tes affaires seront bien rangées. Au même moment Alice dit à sa mère, si papa voyait le ciel il le prendrait en photo. Ses yeux qui pétillent au moment du coucher quand je lui raconte lanecdote. Exécuter de menues tâches, consulter le courrier et y répondre. Découper les tracts pour latelier coup de coeur pour un livre. Noter les grandes lignes des ateliers de mercredi et jeudi. Trois en deux jours. Peu à peu sentir le soulagement opérer. Puis relire son texte avant de lenvoyer.
Elle a descendu la rampe dun pas décidé, les talons de ses chaussures marquaient nettement le sol carrelé. Elle sest avance vers lentrée, me saluant au passage, elle est belle, élancée dans sa jupe grise fendue sur le côté laissant deviner ses cuisses, ses longs cheveux défaits, ondulant au ralenti sur ses épaules. Je filme la scène mentalement avant de tenter de refaire le plan en utilisant ma caméra à la volée. Un plan de rêve que je me repasse plusieurs fois.
Je ne sais pas pourquoi, cette proximité.Il leur montre deux restaurants sur lautre rive de la Seine à Melun, derrière la fenêtre. Vous voyez le carré noir ? Je mimmisce sans crier gare dans leur conversation, avec un sans-gêne que je ne me reconnais pas, cest chic, je répète, juste pour attirer leur attention. Sans autre raison. Lhomme me regarde finalement. Ses yeux clairs. Sourire fatigué mais compréhensif. La femme qui laccompagne prend la décision, solution la plus conviviale. Leur revue entre les mains, quelques heures plus tard, édition spéciale. Beau travail. Cest le titre. La mer gelée. Das gefrorene meer. Attaques sur le chemin le soir, dans la neige. Entre Paris et Berlin. Dernière publication. Pour la mêlée des gestes et des cris. Capturer la lumière. La lumière blanche.
Cest toujours pareil. Le moment venu, on renonce. On recule. Cest tellement plus simple. On se fait tout un film. Je ne vais pas y aller. Cest mieux que je ny aille pas. En fait ce nest pas si important. Il ou elle le fera aussi bien lui-même. Je rentrerais plus tôt chez moi comme ça. Jéviterais ce qui me gêne. Reculer pour mieux... Et finalement on arrive à faire ce quon veut. Malgré tout. On va au rendez-vous. On fait ce qui était prévu. On sexécute. Et lon est même assez content du résultat. Dici à penser quon a fait tout ça pour en retirer cette satisfaction, il ny a quun pas. Je le franchis allègrement.
Dans le train bruyant du retour sur soi, le train du soir, jentends quelquun chanter, Si, mi, la, r. Si, mi, la, r. Si, sol, do, fa. Du bout des doigts. obsédante et maladroite. Alors, alors, le mot de la fin. Deux jeunes femmes brunes dans le wagon, tête baisse. Lune somnole, lautre lit. Je penche pour la deuxième et son catalogue de vente par correspondance illustré. Lart doute. On peut dire : tout na pas disparu. A les voir faire, les prendre en exemple, eux quon a plutôt mis de côté, à lécart, en marge. Moi, jétais là, malhabile. En quelques photographies mis à sa disposition, trouver un sens à sa vie. Retour en arrière. Passé, retours. Autoportrait au reflet. En aveugle. Parcours déambulatoire. Fragile. Vers lau-delà.
Elle appelle plusieurs fois de suite à la maison. Je sais quelle va passer ce soir. Avant quelle arrive, je dispose ma caméra dans un endroit bien placé, cadrant à la fois toute la salle manger et tellement en évidence quon ne la voit pas. Enfin jespère. Elle passe. Elle nenlève même pas son manteau, ne défait pas son épaisse écharpe. Peu importe. Je nai quune peur cest quon remarque la caméra. La petite lumière rouge qui indique que jenregistre la scène. Dès quelle part, je vais discrètement enlever la caméra de sa cachette. Je passe la scène en accélérée ce qui met en évidence le cadrage que jai choisi. Les silhouettes traversent la pièce en tous sens. Au centre de limage, un halo lumineux.
Cette nuit jai rêvé de Charles Pennequin. Je dis cette nuit, mais cétait ce matin en fait, au petit matin. Jai rêvé de Charles Pennequin, cest idiot, je ne le connais même pas. Enfin si peu. Jétais invité chez lui. Dans sa maison. Sa femme navait pas lair très au courant de ma venue. Sa fille non plus. Très mignonne, au passage. Grande, blonde. Jétais un peu gêné. Il ma montré sur son moniteur une ancienne de ses performances. Sur limage, jai reconnu Damien et son père. Jai dit, je les connais, laconique. Puis Charles sest isolé pour parler avec sa femme et sa fille (qui ne voulait pas se coucher). Dans sa chambre très sombre, il y avait un vieux projecteur. Et sur la table de chevet, un bout de film 35 mm. Porté à mes yeux devant la fenêtre pour avoir un peu de lumière malgré la pénombre, jai vu que le paysage sur la pellicule était celui visible depuis la fenêtre. Puis Charles est revenu me voir. Et je me suis réveillé.
Lassassin revient toujours sur les lieux de son crime. Une erreur en attire une autre. Souvent la même. Répétition. Notre mémoire se rappelle quà cet endroit précis, le bât blesse, attention danger, on se cabre, on se tend, sans se rendre compte que cest la meilleure façon de recommencer la même erreur que par le passé. Quand on y regarde de près cest souvent la même, et oui, très précisément la même erreur quon reproduit là où lon voulait léviter. Au moment de partir. Voie Mazas. On ne trouve pas le panneau, la bonne direction. On tombe dedans. Dans le panneau. Le piège. On rebrousse chemin, avant quil ne soit trop tard, en fait cest beaucoup trop tôt, là où il aurait fallu continuer encore un peu. Quelques mètres encore. Mais la peur a été trop forte. On avait déjà fait lerreur cet été. On ne veut pas recommencer. On rebrousse chemin. La mémoire nous joue des tours.
Cette tension qui ressurgit presque malgré elle. Un antagonisme primaire dont on ne sait doù il vient. Son origine. A force de vouloir trop bien faire. Cette tendancieuse débauche dénergie. Le rire change subitement de couleur. Le ton monte. Légère acidité. On dirait des gosses qui se cherchent des noises, se provoquent pour le plaisir et jouent darrache pieds à qui mieux mieux, menteurs comme arracheurs de dents, hâbleurs, tireurs à blanc, pour prendre le dessus sur lautre. On ne sait pas trop pourquoi. Inutile de chercher. Cest idiot. Toujours au même moment du séjour, après les retrouvailles alertes et enjouées, et avant le départ aux adieux chaleureux.
Cest très étrange. On se sent coupable et en même temps non. La vie en groupe est ainsi. On est tous ensemble. Lune dit quelle va acheter des pommes, le midi une inédite fringale de pommes, il nen reste pas assez pour la tarte du soir. Lautre va acheter des cachous pour le voyage. Un troisième a envie de pisser direct dans un bar en contrebas. Les autres, le gros de la troupe en fait, avec enfants, senfoncent dans une pâtisserie pour acheter le quatre-heures des enfants et le gâteau pour la fête du soir. Je reste seul dehors. Un oeil sur tout le monde. Quelquun propose quon aille boire un coup. On se rend dans le bar en contrebas. On fait une entrée très remarquée. Tout le monde sassoit. Je cherche Caroline des yeux. Ce sont les enfants que je surveillai mais cest Caroline qui manque à lappel. Où est-elle ? A peine le temps de me demander. Je me souviens tout à coup, on ne la pas prévenu quon venait au café. Je sors sur le trottoir, je la vois débouler en trombe. Elle est colorée. Je me mets sa place. Jessaye de nous justifier. Position inconfortable. Sur le chemin du retour, en convoi, trois voitures en file indienne, on se perd dans la campagne Bourguignonne. Entre chien et loup. Puis vient la nuit. Et la peur. Fermeture au noir.
Au réveil, la neige. Le paysage est devenu tout blanc. Dans les voix, les cris denfants qui samusent en bas, dans la salle manger, on entend lécho de la neige. Son impact. Cette joie à venir. Je sors en voiture un peu plus tard. Les vallons alentour ont été redessinés pendant la nuit, la neige efface et sculpte. Je marrête sur un chemin isolé. Je pose ma caméra. Plan séquence. On entend très nettement la glace et la neige fondre et craquer sur le sol et les fils électriques des poteaux qui strient le paysage. Le vent à peine. Tout grouille autour de moi. Crisse. Craque. Pas si seul. Mais jai froid.
Allers-retours et autres aléas dintensité variable, amas de matières, de lumières et de sons. Sortir de soi, contracter ce qui menace son existence même comme forme, et faire retour à soi dans une forme cohérente avec elle-même, mais profondément modifiée par lexcursion. Les choses en soi. Le sentiment que la fiction a quelque chose dun Meccano composé de milliers de pièces déjà disponibles. Un jeu à côté de la société, à part du monde. Le mystère, cest le réel. Moins on en voit, plus on a peur. Langoisse est une peur qui a perdu son objet. The best thing of today is the idea of tomorrow. Difficile de décrire le mécanisme du récit, reprises et glissements. Un monde secret, intime et plutôt inquiétant. Lhabiter, shabituer à lui.
Des rêves de course-poursuite, cela faisait bien longtemps que je nen avais plus fait. Je ne me souviens plus très bien la teneur précise de ce rêve-là. Sitôt levé ce matin déjà tout oublié. Mais cette sensation de course, dépreuve, de chassé-croisé comment loublier ? Je suis poursuivi. Dans une ville que je ne connais pas. Je passe dans différents lieux, des pièces fermées dont il faut que je méchappe, des menaces dont il faut que je mextirpe. Je cours, je transpire, je me déchaîne, je me débats. Jai peur et en même je leur échappe, satisfaction évidente. Contre qui lutté-je ? Je nen sais rien. Mais je suis puis au moment de me lever.
Elle souvre sur trois points de suspension... Dans un taxi à Miami. Tourner la tête et se mordre la langue. A la radio, une voix décrivait, en direct et dans le détail. Tous vont servir ; tout sera créé. Sétouffer daccélération, de plus en plus vite, de manière absurde. Une autopsie. Le ciel était bleu. Sous les formes alternées du journal, du bout rimé, de linventaire et du recueil épistolaire. Je me suis enfermé dans cette échappatoire. La température extérieure 40 C°. Pour articuler ses collages, pour se raconter une histoire. On a dévidé une bonne partie de la pelote, mais il reste du fil. Dans les mauvaises musiques, il y en a de bonnes.
« Lécrivain nest libre de son écriture que par lusage quil en fait : cest--dire, par sa propre lecture. Comme si écrire avait pour but, en somme, à partir de ce qui a été écrit, dinstaurer la lecture de ce qui viendra sécrire.»
Le Livre des marges, Edmond Jabès, Le livre de Poche, collection biblio essais n°4063, 1984, p.16.
Absence de lieu, rupture de chronologie, enchevêtrement des motifs et des rythmes. Dans les espaces mélangés, les personnages que lon décrit entrecroisent leurs temps et se parlent. En morceaux. Tu comprends bien ce que je veux dire. Comme toujours, chacun est seul ici avec tous et partout. Je dis ce que je pense. Présents sans discontinuer, pour ne prendre que deux exemples. On nallait pas se tourner le dos. Entre Nina. Il obéit une structure de la simultanéité, de léclatement et de lentrelacs, construction savante faite de séquences emboîtées les unes dans les autres. Pas de pitié à attendre. La vie est un combat et cest tout. Bifurquer vers un autre lieu et ainsi de suite, und so weiter, and so forth, dans une continuité sans cesse suspendue. Cest jamais simple le boulot.
Se coucher tôt parce quon est à ce point fatigué que nos membres ne nous portent plus, difficile pourtant de trouver le sommeil. On sagite, on tourne. Les draps sont froids. La tête lourde et douloureuse. Dans la nuit, on se lève pour pisser. Peut-être sest-on levé un peu trop vite ? La tête nous tourne. Malaise. On sort des toilettes à la hâte. Peur de tomber là. Dans le couloir, tout chavire. Lointain souvenir denfance, dehors il fait chaud, la canicule tous les soirs aux infos, tomber dans les pommes, la tête la première contre le carrelage froid, transport sur le canapé-lit, un torchon humide sur le front, ne plus savoir ensuite quelle est la douleur première. Je massieds dans le couloir, respire, respire encore. Je ne veux pas perdre conscience. Je ne sais pas combien de temps, je suis resté ainsi, par terre, dans mon peignoir. Un moment je me suis senti mieux, et je suis allé me recoucher. Mathieu à qui je raconte lanecdote me confie quil est arrivé la même chose, il y a quelques semaines à son père. Grosse fatigue.
Sa longue écharpe rose échevelée, sa veste sur le rebord blanc de la chaise. Son odeur sest imprégnée sur le dossier de la chaise. Ce parfum enivrant. Ses cheveux, son cou. Plonger dedans sans retenu. Navrante posture. Elle repart de la maison les bras chargés dorchidées roses, des fleurs quon nous a offert, magnifique bouquet dont lodeur tenace, âcre, métait devenue insupportable, sur le pallier toute la semaine. Une odeur pour une autre.
Trouver langle dattaque, le fil à détendre, défendre son point de vue, tirer dessus et puis tout vient dun coup, défile sous nos yeux. Laugmentation du temps de travail sur les ordinateurs, la difficulté et la fatigue visuelle quentraîne la lecture de longs textes sur écran, aujourdhui la viabilité et lexistence. Pas si facile à trouver dans ces journées nivellées par le travail, sur le tard du labeur quotidien et ses tâches répétitives. Ainsi, vous pouvez écouter, quand bon vous semble et où, dune manière discursive ou attentive selon votre situation et selon le moment. Fort de ce constat, dans une double dialectique, sans les montrer, ainsi par défaut au cur des préoccupations actuelles. Ici, pas dimages mais tout ce qui est autour, tout ce qui tourne autour de son illustration. Un mot qui vient lesprit immédiatement, mixage et mixité entre les sources et les genres. Sur le mode des vases communicants.
Que le « plus jamais ça » devienne réalité, au nom des survivants, votre souvenir, celui de ce « monde qui fut », est plus quune douleur. Le crime commence avec des mots. La cérémonie en images. Nous devons nous souvenir. En souvenir du pire, soixante ans après. Vous ou lun de vos proches avez vécu la Shoah, contactez-nous. Vous êtes professeur et enseignez lhistoire de lextermination des juifs dEurope. Racontez-nous votre expérience. Les chiffres ne remplaceront jamais un témoignage pour toucher un élève. Les personnes derrière les visages ne criaient ni ne pleuraient, ils me regardaient. Retour sur les lieux de lhorreur. Lémotion des survivants. Direction Auschwitz.
10h03 : Les trous cest mieux que les tâches. 10h10 : Les roulettes, cest bon pour les abdos. 10h25 : Cest un auteur que je ne connaissais pas. 11h27 : Mais enregistrer au brouillon vous faîtes où ? 11h47 : Vous la mettez sur la partie grise, comme ça vous pouvez la tirer. 13h27 : Cest une grande dame de petite taille. 13h32 : Faire lire ses textes permet de changer le regard quon a sur son écriture. 14h15 : Je verrais bien ce grand tableau sérigraphié dans mon intérieur. 14h39 : Je ne peux pas aller sur Mars, ça mouline. 14h46 : Jai supprimé à blanc des mots de la base. 15h36 : Il en reste aujourdhui une sorte déponge grise. 16h36 : Je remonte mes manches ce nest pas pour montrer que je travaille, cest pour cacher mon trou. 17h05 : Tu sais où ils vont les enfants ? Au Rocheton, cest marrant, non ? 17h51 : Lensemble dégage une belle force, avec beaucoup dimages et de temps, lancinantes. 17h57 : Peux-tu prendre deux ampoules gros culot vis au Franprix du coin ? 18h02 : Je fais plaisir à vous, faîtes plaisir à moi. 18h17 : Excusez-moi, ce train va bien à Paris ? 18h36 : Et le militaire dans tout ça ? 19h00 : Il est gros gros, mais il pèse. 19h11 : Cest deux euros et onze centimes, cest ce que je dis. 19h30 : Papa, papa, tu sais où je vais aller ? 21h28 : Je vais faire un score de folie, jen suis déjà à1000. 21h30 : Là, cest parce que javais une bonne base, cest assez rare.
Depuis quelque temps, je me surprends à observer certaines femmes dans la rue, dans les cafés, les transports en communs, avec une attention toute particulière. Un détail attire mon attention. La naissance dun cou. Le bout des doigts. Une poitrine. Et je me dis : si cétait elle ? Tout à lheure cette jeune femme à la caisse du magasin de surgelés. Des yeux magnifiques, dune couleur improbable, pupilles lumineuses, la paupière délicatement dessinée, soulignée par un discret maquillage. Et dans ses gestes une fatigue, une lenteur fatigante. Ses doigts rouges forcent au contact du froid et de lhumide. Ses doigts. Les mêmes que lautre. Mais dans la voix une distance. Entre ce quelle disait, son mot aimable, et ce quelle pensait vraiment, le ton de sa phrase. Merci vous aussi. La magie des fragments, petits bouts dun réel quon ne peut voir dans son intégralité. On imagine le reste, voilà tout. Mais ce nest pas rien.
Dans ce qui tient lieu dhistoire, ce constant travail dévidemment. Découvrir qui on est dans lattitude de ses enfants, à travers elles. On va bien rigoler. Et comme à chacune de ces strates est diaphane. On samuse en effet, on est là pour ça. Du bon temps. Bon sang ne ment jamais. Une image très complexe, une image faite de toutes les images. Les temps morts, les passages à vide. Le rire des enfants. Contre soi, dans cette opposition et cette proximité. Cette intimité. Cest lui qui lui donne cet aspect. Rester silencieux et immobile. Les regarder faire.Désir fugitif et poignant de ne plus entendre le mouvement vrillé dont lextrême vitesse produit de la transparence. Et comme chacune de ces strates est palimpseste. Vais-je intriguer ? Le nom du père transparaît toujours déjà dans le nom du fils. Ce qui tient lieu de mémoire.
Les enfants sont fatigués. Chacune delles chantonne sur un air différent des mélodies répétitives et liminaires. Moment dintimité dominicale dans un train de banlieue bondé, se pencher vers elle, sensiblement sans sen rendre compte, tendre loreille, au sens propre du terme, écouter ce quelle a à dire, ne plus voir ce qui se passe autour de soi, lindifférente agitation, la violence sourde et insidieuse, les regards torves, les discussions oiseuses. Fermer les yeux un instant, mais nous voilà déjà arrivés.
Limpression quil sadresse à moi, quand on lit même impression parfois, en exclusivité. Longtemps je me suis encore une fois dit cela. Tous ces droits de travers. La donne est faussée, les jeux sont faits, rien ne va plus. La protection du droit dauteur sétend aux expressions, et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques. Faites un tri dans vos relations amoureuses. Etablissez des projets sérieux. Vos rapports affectifs seront protégés. Mais montrez-vous plus démonstratif avec lêtre cher. Vous serez plein desprit de décision. Vous serez dans le coup dans toutes les circonstances. La protection est automatique. Forme. Douleurs. Forme. Leste.
Jouvre le livre. Sur le banc en attendant la sortie de lécole. Visiblement il sétait mis au premier rang pour faire cinéphile, mais le même comprend vite, il est trop près de lécran, ça lui fait mal aux yeux, il na plus quà trouver une autre place à tâtons dans le noir. La fumée de mon cigare. Il fait froid. Le ciel souvre, sa déchirure bleutée. Il faudrait dabord que lespace-temps souvre, car cest dans le temps quon place un mot dans lespace. Dernière bouffée, je jette le mégot vers le canal, vrille en lair avant de tomber. Il faudrait dabord que la langue se dissolve. Le mégot sarrête juste à la limite, avant que les lumières ne séteignent. Est-ce que jpeux placer un mot ?
Les formes du délai se construisent autour dune absence. Lecture comme source artistique. Enchaînement de pratiques et de discours. Mouvement de jambes téléguidé, manteau qui avance brouillé par la vitesse. Les formes du délai, leffet dannonce - avant que luvre nait lieu - et lexpérience du retard - lorsque luvre a déjà eu lieu. Interroger ses sources écrites et les modalités de leur mise à disposition. Pendant toute lannée ouvert à tous. Le vert devient rouge et inversement. Que voit-on ? Un défilement, une succession de renversements. Investigation de la lecture comme processus collectif. La propriété en art, la validité de la signature, lauthenticité du style, lide duvre collective, lusage et léconomie dans la circulation des formes. Retour en images sur la journée de la veille. Ce qui sy est dit. Ce que jai vu. Que dit ce tableau du monde réel ? Du monde imaginaire ? La morale est-elle utile à ce stade de lintrigue ? Le sujet principal (la peur). La mémoire collective quil constitue. Distribuer des tracts lentre des cinémas pour raconter la fin du film programmé, par exemple. Sur les notions doriginalité perdue, de citation et de copyright, et dintertextualité. Remonter le temps comme cours du fleuve à contre sens. Photo souvenir. La question des points de vue et du contexte, nécessaire médiation du travail, risques de manipulation mais aussi de mythification ce celui-ci, larchive comme forme à part entière.
FEVRIER
Une jeune femme au lourd passé amoureux accompagne son père, mourant, tandis que son ancien amant, suicidaire, retrouve goût à la vie à lhôpital psychiatrique.
Deux histoires disjointes : dune part le couronnement de Nora Cotterelle, qui sapprête à se marier, et dautre part la chance dIsmaël Vuillard, interné par erreur dans un asile psychiatrique et sur le point den sortir en piètre état. Ces deux intrigues se rejoignent quand Nora propose Ismaël ladoption de son fils Elias.
Deux histoires disjointes. Dune part, le couronnement de Nora Cotterelle, qui est annoncé au début du film : elle va se marier bientôt avec un homme qui lui convient, enfin ! Et dautre part, la chance dIsmaël Vuillard, qui est interné par erreur dans un asile psychiatrique et va en sortir en piètre état...
Nora, 35 ans, responsable dune galerie dart, a un fils de 10 ans, Elias, de son premier mari. Elle est divorcée du second et sur le point den épouser un troisième quand elle rend visite son père écrivain. Là, elle apprend quil est en phase terminale de cancer et quil na plus quune semaine à vivre. Effondrée, elle se tourne vers son second mari, Ismaël, pour lui demander de soccuper dElias et lui donner un peu de stabilité. Ce dernier, un violoniste névrosé et criblé de dettes, vient deffectuer un séjour forcé en hôpital psychiatrique...
Rechute. Je suis là et en même temps ailleurs. Je voudrais être ailleurs en tout cas. Ce matin dans le lit comme sous leau, plonger tout au fond et remonter tranquillement. Libre comme lair. Sans entrave. Difficile pourtant de se lever et daller travailler. On apprend ça très tôt. No news, but I hope that you will read this message. There is no more bread in the house, please buy some when youll come back home. Et quand on lâche un peu la pression. La baudruche senvole et pfuit disparaît dans un recoin. Dérisoire. Retour au lit.
Un livre quon découvre, un auteur quon ne connaissait pas. Sur les étagères de Fanny. On feuillette chez soi le livre sans oser aller trop vite, gâcher cette rencontre. Le moindre indice de ce qui va nous plaire. Le titre déjà. Prometteur. On lit quelques passages de-ci de-là, toujours la même impression, légère morsure au coeur. On se met à comprendre lobjet du livre quon tient dans ses mains, quon observe un peu médusé, encore un, son odeur, son poids, le grain de son papier, sa blancheur, un de plus. Leffet fantôme. Le titre décidément, cette trouvaille quon envie. Lire cest encore trop tôt, dans lexcès de lumière. Et cest la certitude fugace dun bonheur à venir. Faut-il attendre ? Comment faire ? Nos occupations quotidiennes viennent heureusement nous éloigner de cette ambivalente question, mystérieux reflet de lumière inondé de lumière une vibration une lumière.
Ce message jen ai bien conscience risque de te manquer. Comment oses-tu poser un lapin à ton écrivain préféré après Borges ? Bon, cest vrai, je tai attendu et il faisait moins trois à labri du vent ? Jétais un peu malade depuis le début de la semaine et hier soir je me suis couché très très tôt. Finalement les vingt minutes dattente dans le froid vif et le vent cinglant soufflant de la Seine ne mont pas paru trop longues bien que jeusse le ventre creux... Je ne vais pas travailler et nous ne pourrons manger ensemble. Allez, foin de plaisanterie, je ne ten veux pas. Ce sera pour une autre fois, moins que je te prépare un petit courrier pour te dire en gros de quoi jentendais te parler. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir pu te prévenir avant et de te poser un lapin. Soigne-toi bien, rhum et citron chaud, couette et bouillotte, petite femme attentionnée - ce sont les recettes. Bien à toi et une prochaine fois. A très bientôt jespère en meilleure forme.
Aller dans un endroit banal, nimporte quelle ville de banlieue fera laffaire, y aller sans raison précise, au hasard cest idéal, on peut prendre une carte, fermer les yeux et pointer le doigt nimporte où. Cest là que je vais aller et sy rendre sans se presser. Cette ville la visiter comme un touriste qui aurait perdu son précieux guide, prendre le risque de rater lunique curiosité locale, voir le lieu avec un regard neuf, jusquà ce quil nous apparaisse exotique. Chercher le détail qui attire loeil, linsignifiant détail que plus personne ne remarque sur place. Attirer lattention par cette attention portée aux choses qui nous entourent, intriguer le passant ordinaire.
La pluie sest mise tomber, vers le petit matin. En état dintérêt désintéressé. Les couleurs ne sont rien. Notre chambre avait une unique fenêtre, étroite et haute, doù je regardais la pluie piqueter le fleuve daiguilles dargent. Les abords dun secret sont plus secrets que lui-même. Dans le silence de la suggestion. Le bruit de ta respiration. Regret du futur. Il ny a pas de fils ténus entre lhumain et son aspect dombre. Dans lobscurité toute la journée. Cest alors que les membres samollissent et se relâchent tandis que lautre à bout de forces sest retiré au fond du corps. Quand la sensibilité est entravée par le sommeil, alors lâme a été bouleversée et rejetée hors de soi. Le fleuve sécoulait sous des arches de pierres basses. La rue était vide. Ma chambre était un musée vide.
Quelques notes de musique, de guitare, couvertes par le brouhaha du train. Une jeune femme aux yeux bleus regarde jouer les musiciens, derrière moi. Elle me fait face. Elle sourit. Sourire insistant. Je lis. Lespace clair sélargit et la chaleur était si forte néclairait au-delà dun mètre que les contours la lueur qui opérait la buée jaunâtre sous une lumière frisante la lumière du soleil. La nuit derrière les vitres. La vitesse. Lumières environnantes. Et la musique vibrante à mon oreille. Son sourire. Son écharpe bleue comme ses yeux.
Passage à vide. Vous êtes sur le bord de la route, incapable de bouger, pas le moindre geste ou la plus petite réaction. Dépassé, le mot le plus juste. Tout va si vite et vous vous sentez si faible. Si fragile. Impuissant. Au matin le dos endolori, la tête creuse, la bouche sèche, les jambes raides. Et la rate ? Je déraille. Tout ce que lon dit. Rêver que vous aviez perdu une dent, cela signifiait la mort de quelquun de votre connaissance ; et si du sang venait avec la dent, ce serait la mort dun parent. Pas de sang cette nuit. Pas de sens non plus. Le plus dur. Tissus de mauvais songes. Cette nuit mes rêves un vrai cauchemar. De la langue la saveur saline, sous le dard palpitant. Vider ce passage. Et passer à autre chose.
Un parfum enivrant. Couleur désir. Le parfum enivrant de la fleur. La fraîcheur tendre et innocente de lherbe. Le parfum enivrant de la fleur. Le muguet noccupait pas, dans la tradition, de place qui le distinguait particulièrement. Superbe variété offrant durant tout lété, de jolies fleurs au parfum enivrant. Jolies fleurs au parfum enivrant pour garnir un mur, un grillage. Son foulard sur la chaise. Nouez un foulard sur les yeux du premier joueur, tournez-le une ou deux fois. Elle revint au coffre, replaça la tête sur son cou, la serra dans le foulard pour quon ne puisse rien voir et assît le garçon sur une chaise. Cest une femme. Cest un portrait en buste, de profil. Cest un jeune garçon avec un peu de rouge sur les joues. Il porte un habit marron et un foulard vert. Tu te diriges vers le tiroir où tu avais pris le foulard. Cest un jour ordinaire, et sur une chaise, un foulard beige clair, elle dort. Fermer les yeux. Aucun soupçon de pérennité, aucune envie de survivre. Se dissoudre, ne jamais avoir été. Oui, fermer les yeux. Le Voyage Immobile. Fermer les yeux. Tu peux fermer les yeux. Le soleil va bientôt se coucher. Mais la lune brille déjà sur le port. Lembrasser dans le cou. Jai envie de lenlacer, de lembrasser là, dans le cou, juste où la veine bleue affleure sous la peau diaphane. Apprentissage de lamour. La promesse de laube. Sur mon visage, se blottir dans mon cou. Ses cheveux me caressent. Une histoire. Ils me caressent la peau, glissent le long de mes épaules, et à dépasser plusieurs fois sa main dans ses cheveux. Il se frotte les yeux, et puis me voit. TENDER IS THE NIGHT. Ses mains fines me caressent le corps. Jarrive encore caresser ses tétons, ses cheveux bruns et raides. Je me redresse pour lembrasser, je ne sais plus. Ses cheveux sont mouillés, son parfum a une odeur que je garderai. Je goûte sa bouche et nos lèvres se rapprochent, se caressent. Je les caresse. Je lui caresse les cheveux.
Un écran et des images qui racontent des histoires. Sentir lenvie revenir à soi progressivement. Comme par surprise. On écrit deux lignes, et puis lon se lève pour boire ou manger un peu et lon oublie de revenir travailler. On est bien là ne rien faire. Et lon passe en revue tout ce quon a lhabitude de faire qui nous pèse aujourdhui, un insondable fardeau. Dans la journée de moins en moins de choses heureusement. Alors continuer. Faire exister des images ensemble. Composer associations, résonances, présences vives et courts-circuits. Sans cesse. Changer de rythme, voilà tout. Pure perte peut-être pas.
Sortie dominicale sous le soleil. Je retrouve des sensations estivales, déjà lointaines. Les filles marchent devant nous. On avance sans savoir où lon va. On descend le long du canal zigzaguant dun trottoir lautre à la recherche des rayons rasant du soleil. Les filles samusent. Nous entrons dans leur jeu, progressivement, sans coup férir. Au chat et à la souris. Attrape-moi, cours après moi que je tattrape. Eclats de rire, le souffle court. Manger au restaurant après ce jeu est un plaisir incomparable. Un luxe.
Pour améliorer la réalité, nimporte quel paysage sous la surface opaque, mettre en place une stratégie consistant à sattaquer aux circonstances, celles qui sagitent autour des choses et font que le monde nous échappe et nous laisse interdit. Pour votre sécurité, lit-on, cessez de vivre... Acquérir lhabitude du dépouillement. Aucune valeur à loeuvre avant dêtre commercialisée. Puisquon vous le dit. Pour y parvenir, écrire des petits blocs de prose poétique. Dun côté, noter « comment les choses apparaissent et disparaissent. » En contrepoint de ce monde mouvant, prendre des éléments réels assez disparates et les assembler, les fixer en paysages imaginaires. Et sous le poids du regard fourbu sécrasant, dans les reliefs, les lignes seffilochent. Rien ny fait, aucune colère.
Quel décor aimeriez-vous pour une rencontre ? Lart est une rencontre. Quelle est votre part didiotie ? Rencontre plutôt que relation ou rapport. En quoi aimeriez-vous vous métamorphoser ? Rencontre entre des mots, des sons, des formes, des couleurs. Rencontre fortuite... Quest-ce qui vous fait rougir ? Et si cétait à refaire ? De quoi vous nourrissez-vous ? Composition, collage, assemblage, montage, mixage, métissage, cadavre exquis, pataraxe. Quel est votre héros / héroïne ? Rencontre programme ou due au hasard. Quelle panoplie transformerait votre quotidien ? Lart ne réside pas tant dans loeuvre quautour de loeuvre. Quel est votre souvenir le plus lointain ? Loeuvre nest quun prétexte. Quel est votre objet fétiche ? Quelle est la chose que vous nauriez pas aimer faire mais que vous avez faîtes ? Loeuvre peut même disparaître. A quoi consacrez-vous la plupart de votre temps ? Lart noffre pas tant des produits que des services.
De nouveau le matin assister avec étonnement au spectacle de la semaine, les jours se distinguent les uns des autres par une destination et une couleur différentes. Le café, le vertige nest que plus grand. Il arrive quen prenant un tournant, nous touchions son bord. On a connu aussi la face caché du trajet, même quand nous voyageons seuls. Chacune de ses traces ambiguës nous était un signe dautant plus urgent. Comme lespace dune maison inconnue livrée au courant dair. La voilà conquise. Puis soudain léclairage change.
Elle réfléchit, elle écrit, elle ferme les yeux, elle soupire, elle regarde par la vitre du train en marche, elle est éblouie par le soleil aveuglant à cette heure, elle passe sa main sur son front, elle se penche en avant, elle écrit avec détermination sur quelques pages arrachées dun cahier décolier posées sur le dernier ouvrage de David Lodge « Lauteur ! Lauteur ! », dès fois elle sarrête décrire un long moment, elle cligne des yeux, elle fait la moue, elle se recoiffe, elle joue avec son stylo Bic, le fait tourner machinalement entre les doigts de sa main gauche, elle se gratte le lobe de loreille sans penser à ce quelle fait, elle plisse les yeux, elle me regarde, elle écrit, elle est belle.
Il nous restera à pousser devant cette tâche ultime et aiguiser sa nonchalance en une multitude morale. Voir le monde dun train nest pas le voir simplement de loin, mais aussi différemment. Un monde et une histoire en germe dont à perte de vue ils se distribuent les rôles comme des cartes. Le train sébranle sur la voie parallèle et nous fait croire brièvement que cest nous qui nous en allons. Le ciel vient vers nous comme jamais proche et à vif entre les wagons dun train croisé en chemin. Nous proposer daccomplir le détour nécessaire pour mieux nous accepter, donne au trajet un sens. Notre attention pour leurs fenêtres. Sen retirer de nouveau. Nous nosons pourtant pas vraiment à aller jusque-là.
Lessentiel : Cest ça un club échangiste ?! Lessentiel, cest le réconfort angélique, lessentiel, cest le réconfort. Lessentiel, cest de sengager... dans larmée ? Lessentiel, cest de participer, mieux se connaître... Lessentiel cest vous !... Lessentiel, cest la santé ! Simple déclaration effrontée dune publicité dofficine pharmaceutique. Vers une passerelle entre deux sortes de virus. Lessentiel, cest que le consommateur garde confiance !... Lessentiel, cest dêtre aimé. Le reste importe peu, la seule vérité. Cest compter pour quelquun quoi quil puisse arriver. Cest entrer dans son coeur. Mais si lessentiel cest que la bougie brûle, lallumage ne constitue plus quun moyen technique permettant laccomplissement de la mitsva. Un autre regard sur le monde en nous. Lessentiel, cest ce qui reste lorsque tout le reste a disparu. Il est le vrai en soi et dans le monde. Lessentiel cest la persévérance ! Lessentiel, cest dêtre aimé. Le reste importe peu, la seule vérité. Cest compter pour quelquun, quoi quil puisse arriver. Lessentiel, cest aujourdhui de consolider et daméliorer le système par répartition. Le porte-à-faux nest plus de mise, oh le temps me rattrape et la vie me rappelle. Retourne à lessentiel providentiel et lessentiel cest toi. Cest bien, cest nul... Peut-on se hasarder de résumer en quelques mots ce qui se creuse en moi ? Lessentiel cest accueillir en nous le don de la Vie. Lessentiel cest être en bonne santé : cest vraiment ça lessentiel.
La peur ou le retour de la peur. Cest très souvent du divertissement exutoire. De son piège caché et de son vide - imprenable - secret. Et le sachant : sachant seulement quil pourrait se débarrasser existentiellement de langoisse. Jouer le jeu. Il est vrai quon acquiert aussi de la sorte un peu de patience et de compréhension pour la simple besogne. Des hommes derrière les fenêtres teintes. On est là sans lêtre, simple silhouette et geste dune légende hors mémoire. Tout le monde sait comment ça senclenche, il fait soudain beau, on aspire à la douceur de lair et larme dun café. A peine un regard alentour, à tous ces mirobolants détails. Au plus secret du taillis ou du poème.
Tendre loreille, là précisément où lon est plus, cétait là, pfuit, plus là, plus rien, envol, tout sétait effacé pour moi, je pestais contre mon empressement, à stopper lenregistrement, stop, pause. Je sors de la gare, jai enregistré tout ce qui se passe autour de moi, larrivée du train en gare, la descente enjouée des passagers, rires, toussotements, pas sur le quai, leur entrée collégiale dans le hall de la gare, lappareil entre mes doigts, discret, lannonce de larrivée du train, par cette voix féminine, programme, bouts de phrases contrôlées par ordinateur, poésie sonore, jimagine un poème récité par elle, magnifique. Tendre loreille donc, et quand on découvre que rien nest perdu, tout revient avec une précision dorfèvre, le moindre détail, tout remonte à la surface, pour respirer à nouveau, ouf, oui, cest pourtant vrai : tout arrive.
Même le plus obtus dentre les hommes sait quon ne peut se comporter de la sorte, il arrive quun mauvais rêve nous transporte dans un pays où tout nous opprime, encore que nous sachions tous quil y a aucune comparaison entre ce qui nous retient et nous étouffe, limportance que ce présent revêt avant dêtre obtenu et celle quil prend aussitôt après. Parce que cela remonte lépoque de la jeunesse et donc est trop vieux pour nous, dépassé, anachronique. Quelle offense pour une femme qui a ouvert ses bras pour la première fois que de sentendre dire : un tel songe sur un tel pays est le pire des tourments. Il faut commencer que je précise le sens des mots que jai prononcés hier soir. Rien de plus affreux que de revenir à ce dont on est sorti, ces choses anciennes, juvéniles, depuis longtemps rejetées ou résolues... comme par exemple, le problème de linnocence.
Cest un jour comme les autres, froid pluvieux. Dans mon souvenir, il faisait chaud, soleil aveuglant, malgré le froid. Nos vêtements lourds. Nos mouvements hésitants. Un peu brusques surpris par tant de bonheur. Dans chaque geste daujourdhui retrouver ceux dhier. Les débusquer. Tant de choses ont changées. La poussière sur le vieux parquet volette dans le soleil, projecteur cliquetant, souvenir super 8, danse folle de nos deux corps enlacés, je tembrasse, tétreins. Combien dannées déjà ? Tu te le rappelles. Tu ten souviens, mais tu te le rappelles. Je regarde par la fenêtre. Je ne vois plus la même chose. Je ne sens plus la même chose. Lamour, seule évidence, reste intact, cependant. La fulgurance de cette banale constatation, la Seine est calme et verte, mes oreilles bourdonnent, la fatigue et la bruyante chaudière me rendent sourd. On appelle ça un bruit blanc. La faute est une forme du bruit. Je voudrais savoir à quoi vous pensez. Le temps me prend en faute. Je ferme les yeux, tout change autour de moi, lintérieur aussi, mais cest surtout dans la façon de le dire que pointe la différence. Zéro pointé. Au trait rouge. Jentends au fer rouge. Rouge de fer. Une marque de fabrique. Cest ainsi que je taime. Un jour, comme les autres. Nouvelle vague.
Cest là que le projet Nouvelle Vague, déjà fort malin à la base, devient un vertigineux jeu de miroirs. Quelque aptitude au dépassement et au jeu. Détournement déléments esthétiques préfabriqués. Sans connaissances spéciales. Si intelligents ou beaux, vous pouvez aller dans le sens de lHistoire. Dans leur souci de rompre avec. Laissez-vous aller au fil des mots. Des caresses ensoleillées passent sur la peau. Il écoute, jusquau moment où il dénonce ou modifie, on peut dire détourne un mot, une expression ou une définition. Sous langle de ses apports, la Nouvelle Vague développe un mode de narration. La formule pour renverser le monde. Par une vitalité qui semblait pouvoir, pétillant avec de véritables morceaux de culture dedans. Ca y est je me suis enfin retrouvé. Surprenantes rencontres, obstacles remarquables, grandioses trahisons, enchantement périlleux. Changer sa vie.
Basse sonore, on nentend que ça, poum poum, padoum, mais dans un premier temps, poum poum, padoum, ce sont les voix, tout autour de nous, des voix graves, et beaucoup daiguës. Dégoûté à force découte. On voudrait faire le vide. Ne plus rien entendre comme on peut fermer les yeux. Cest quand on veut. Dans ce café cest lheure de pointe. Le coup de feu. Les vitres isolent si bien de lextérieur, le vent, on imagine le bruit siffler à nos oreilles, les basses se font plus présentes, à la limite de laudible, le reste de la musique, sefface, curieux palimpseste sonore. Jentends battre mon coeur.
Que connaît-on jamais des autres que ce quils laissent paraître ? ou veulent ou croient ? Ce qui me sauve, ce qui ma sauvé, quelques vols, ce qui tombe on ramasse, le rebut de la banalité quotidienne, cest dune flèche à transpercer le réel des journées, celles quon ne regarde pas plus, aux alentours de ce trait, flottent, des barbes, bords du papier, ce qui rend limpuissance et la dépendance de plus en plus pesantes. Du jour au lendemain capable de tout abandonner. En même temps ce qui incite à continuer. Un ange ma donné de la poudre, me raconte ma fille. Et je me suis mis à voler. Puis je me suis mise à gigoter. Et puis je me suis réveillé car ce nétait quun rêve. Mais si on le fait tout le temps il se réalise. Un journal jamais lu dans lequel on ne coucherait jamais rien, pourquoi pas un jour en récupérer lécume. Sommeil Infini fait peur. Il promet le rêve du bout des lèvres. Lavenir choisira les pages quil préfère.
Le moment est maintenant venu de partir au combat, le jeu du pouvoir reste ouvert, nous avons été très en deçà de ce que nous attendions, rien na marché le comportement de deux charnières inédites. Au bout de sa passe vissée remettre la machine sur les bons rails, de quoi se souvenir que le meilleur moyen de conserver le pouvoir pour lemporter dun point cest souvent de commencer par le partager. Nous savons par expérience que tout peut arriver.
Tout proche et sans jamais en prendre possession. Comme un ennui ne vient jamais seul, le mot est souvent au pluriel. Il est vrai quil suffit de peu, peut-être dun seul mot, et tout change. Sillumine. De temps en temps, que ce soit dans la rue ou dans le train, mest donné un bref instant de vie. Et pourtant je ne peux mempêcher dy penser. Entre les lignes. Difficile de voir tomber la pluie toute la journée. La conjuguer tous les temps de tous les modes. Voile gris diffus. Derrière le film du crachin que, de loin, nous avons vu tomber contre le mur. Rayures, fissures, taches humides, dans le mur jusquau fond de sa mémoire. Et pourtant il le faut. La légèreté du temps qui passe. A lavance on voit les choses de près. Le monde tel quil nous entoure chaque jour.
La force dun regard, tout de suite remarqué, quest-ce qui se joue là, à cet instant précis, un regard déterminé, sans un mot, juste un regard ? Il furète, il cherche, il inspecte, il observe, il regarde, il zieute. Tout est bon. Pour dire : je suis là. Tu mas vu ? Cest moi qui te regarde. Regarde-moi. Tu peux me parler. Tu peux venir à moi et me parler. Je suis libre. Je suis prêt à te parler. Si tu viens à moi, je te parle, jengage la conversation tout de suite. Je nattends que ça. Allez viens, viens. Regarde, je suis là. Je suis prêt. Message inaudible qui parvient cependant à se faire entendre, à remplir sa mission. A toucher à son but. Elle sapproche. Elle nest pas seule, dautres laccompagnent, lentourent, la protègent, car cest la plus jeune, et ce sont elles qui engagent la conversation avec moi. La meute aimable. Questions, réponses. Et ce que je voulais arrive. Lune dentre-elles fait les présentations. Elle sappelle Stéphanie. Elle travaille à Créteil. Brune, menue aux grands yeux noirs. Petite voix plaintive. Et là elle se met à me parler. Elle me regarde. Elle me parle, je rougis à peine. Cest si facile, cest troublant.
Avec cette légèreté qui est lapanage des seuls professionnels de loubli. On repart par les rues familières. Et lon prouve alors un pur plaisir, léger, léger. Le plaisir dun livre, dune histoire. Le goût dun café. Lagréable proportion dune pièce, la chaleur accueillante dun lieu public. Les échos de souvenirs en cascades. Le partage dun moment ordinaire. Le rire des enfants dans la rue. Leur bonne humeur. Loubli accueille chaque événement. Dans leur rigidité de jouets derrière soi. Une ville est un plaisir. Toujours là en vagues toujours nouvelles. Les filles maccompagnent à la bibliothèque. Peut-être le contraire, formant dans lair des tourbillons. Sur les pavés luisants. Toutes les directions volent en éclats. Aux yeux des enfants avec une joie ostensiblement rayonnante. Cest la fin qui est le commencement, etc., etc.
Des non sur tous les fronts. Dans le souterrain du métro, casque sur les oreilles, je nentends rien que la musique. Jentre dedans. Je suis ailleurs. Le wagon tout à coup bondé de lycéens en colère, faîtes moi rire, toujours la même histoire, éternel recommencement, comment ne pas paraître blasé, vieux con revenu de tout alors quil nest parti nulle part. Le sourire aux lèvres. Je les fuyais déjà en 1986. Javais leur âge à lépoque. Maintenant, ils sont tous là, mentourent de leur pâle ferveur adolescente. Une image remonte à la surface. Limage dune barque à fleur deau, pourtant solidement arrimée avec des chaînes en fer. Proche de la Piscine Deligny. Des refrains dans leur tête, futurs fonctionnaires, je sais de quoi je parle. Il faut crier cest lâge, crions, levons nos poings, nos voix ségosillent. Factice rumeur, colère feinte. Linjustice est notre combat. On samuse et ce nest même pas drôle. On manifeste quoi ? Son ras-le-bol systématique. Tout le monde sen fout, les enfants (qui nen sont plus) peuvent bien battre le pavé. Bientôt les vacances. Révision générale aux pieds des pistes. Voilà, cest fait, nen parlons plus.
Rien ne nous montre avec une telle insistance. Nous incitant des conjectures sans fin. Pour ressouder brièvement le monde. Le bavardage qui accompagne notre endormissement commun. Ouverture temporaire leur étrangeté. Avec tout le luxe singulier de ses charmes et parfums. Nous détourne de nos déterminations que pour mieux nous les faire admettre. Comme une torsade de papier. Prélude son attaque. Tissée dombres et de clartés. Le souffle dune foule impatiente. Un instant de pause et de trêve. Pas se plaindre. Eprouver malgré tout notre propre présence.
Avec un curieux sentiment. Je sais où je vais. Je suis la direction que je me suis fixe. Pour autant je sais quil me faudra revenir en arrière. Aujourdhui déjà, là tout de suite, le plus tôt sera le mieux, mais au fil des jours, difficile de trouver le temps. Le moment propice. Dabord ce quelles font surgir dinstants de réalité à la lecture, parce quelles fouillent au lieu de simplement noter. Fouiller, cest le mot. Certains passages dun journal. Pas un jour sans une ligne. On retrouve le chemin. La ligne droite, et jai commencé à cesser de le tenir à ce moment-là : limposture sinstallait, prenait le devant. La complaisance. Le doigt dessus. Cest un exercice délicat. Sur la corde raide. Refaire le chemin, lécart, sempiternel Petit Poucet, sur Internet, confusion dintime et dextrême publicité, la question se pose différemment. Veille quotidienne, travail des jours. On est sans cesse éveillé dans le vôtre, en tout cas. Veille quotidienne et travail des jours.
Lélan est coup en plein vol. Aujourdhui rien à voir avec les autres jours. Cest noté comment sen étonner ? Déménagement, réunions de travail, maintenance. Rien à voir je vous dis. Changement de direction radicale. Le ton monte. Inutile. Je devrais me relire cest sûr. Ne le dis à personne. Du coup jerre, dun étage à lautre. Dans mon nouveau bureau, plus petit mais plus agréable aussi, pas de partage cest déjà cela, on ny viendra plus souvent. Faire le point. Allez va. En avant. Face à la vitre désormais, rideaux à moitié tirés. Et tout seul cela a son importance. Sur le tableau ma gauche les vacances de lautre équipe que je nefface pas. Un dessin denfant que je ne reconnais pas. Uma Thurman me regarde un peu menaçante. Mais mon regard se perd à lhorizon. Il a cessé de pleuvoir à linstant. Ciel gris nuages bas encore menaçants. Jentends des pas dans le couloir. Je finis ma phrase. En plein vol.
Une drôle de complicité sinstalle entre-nous. La porte se referme juste devant moi, fantomatique silhouette sombre qui séchappe, senfuit, je nai pas le temps dempêcher la porte de claquer, son parfum à mes narines. Shalimar. Quelques gouttes de vanille de synthèse dans un flacon, juste pour voir. La vanille devient troublante, ambrée, très féminine. Ce mariage de la fraîcheur de la bergamote avec les effluves chaleureux de la vanille offre une senteur capiteuse tendance exotique et très osée. En sanskrit, temple de lamour. Cest une femme qui ose. Tout en elle est séduction. Dune féminité absolue, une présence subtile, indispensable. Juste pour voir.
Pourquoi pas moi ? question de rencontres, me direz-vous. Ne parlons pas de chance. Entre-nous soit dit. Ne pas sétonner non plus quand on se plaît à se perdre ainsi dans ces sentiers battus, de se retrouver seul, plutôt isolé, un peu perdu au milieu de personne. Sans jamais tomber dans les effets de monde. Suffit dy croire et de fermer les yeux. Un écheveau de concepts et dimages qui émergent momentanément et suggèrent une signification fugitive, sans cesse mouvante. Quelque chose existe sur quoi ils puissent tenir. Les reliefs, les surfaces, les façades, flux de faits sensibles, déchos divers, qui sont dans un même temps saisis et dits. Une rue cadre une Agitation sur Bande, passante de files de voitures de bruits de passages de. Revenir en arrière pour mieux comprendre ce qui sest passé. Leur vie semble sorganiser autour dun rituel orchestré par une main solitaire. Ce que lon devinait entre elles faisait détourner le regard. Notre joli lot quotidien.
Dans le métro ce matin, lendemain difficile dun repas arrosé, je massois sur la banquette, une tasse de café dans une main, le journal dans lautre. Dans mon sac une bouteille de San Pellegrino. Jai soif. Je nai rien mangé ce matin. Impossible davaler autre chose que mon thé. Un jeune homme vient sasseoir lourdement à mes côtés. Quelques instants plus tard il sécrie : Quest-ce que jai mal la tête. Il le dit si fort, tout le monde se retourne vers moi. Je me détourne. Peu de temps après un nuage de fumée gonfle au-dessus de moi : il fume. Dans le métro. Jai limpression davoir prononcé sa phrase tout à lheure, elle tourne en écho dans ma tête et cette fumée memporte avec elle, je suis dans le brouillard.
Pierre qui roule namasse pas mousse. Un tien vaut mieux que deux tu lauras. Qui perd gagne. Mieux vaut tenir que courir. Les voyages forment la jeunesse. Tant va la cruche leau quà la fin elle se casse. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. On nattrape pas les mouches avec du vinaigre. Mieux vaut tard que jamais. Entre chien et loup. A la tombe du jour. A limpossible nul nest tenu. On ne peut exiger de personne des choses infaisables. De but en blanc. Brusquement, sans détour. Dorigine militaire. La butte ou le but, lendroit pour viser le blanc de la cible. Se porter comme un charme. Très bien se porter, être en parfaite santé. Le charme ici dans son sens magique, comme un enchantement ou un sortilège. Et donc Pierre qui roule namasse pas mousse. Une vie aventureuse ne permet pas damasser des biens ou des richesses. Il ne faut pas changer constamment si lon veut profiter. Tout le contraire de ce que jimaginais. Raconter des salades. Assemblages dingrédients divers qui se marient bien entre eux. Raconter des mensonges, des histoires.
Premier arrivé sur place, pas trop sûr comme toujours, jentre tête baissée, quelques lumières mais pas un spectateur. Jattends quon vienne maccueillir. En mapprochant de la salle, à pas vif contre le vent froid, peur du retard, tu parles, toujours la même histoire, un peu plus tôt, trois personnes cherchent une adresse sur un plan, jai pensé ils viennent au concert, cest idiot. Rue Paradis. Je vais payer, main à la poche, la porte se referme dans mon dos, voix qui se chevauchent, rires cristallins, une main serre mon bras droit, immédiate proximité avec la personne dans mon dos, je nai pas sursauté, trop tard, inutile davoir peur, on ne peut plus fuir, faire face. Jai vu trois personnes un peu plus loin dans la cour quand je suis entré, les précédents perdus sans doute. La main serre son étreinte, je me retourne avec le sourire.
Au-delà de la fenêtre, la pluie est devenue plus violente, frappant la vitre de grosses gouttes qui commencent à descendre lentement en traçant des ruisseaux obliques. Je ne réussissais guère avec mes camarades, je vois aujourdhui que javais alors un mélange fort ridicule de hauteur et de besoin de mamuser. Je répondis leur égoïsme le plus âpre par mes idées de noblesse espagnole. Jétais navré quand dans leurs jeux ils me laissaient de côté, pour comble de misère je ne savais point à ces jeux, jy portais une noblesse dâme, une délicatesse qui devaient leur sembler de la folie absolue. La finesse et la promptitude de légoïsme, un égoïsme, je crois, hors de mesure, sont les seules choses qui aient du succès parmi les enfants. Et son visage sépanouissait. Elle le retrouvait : elle le prononçait comme une merveille. Cétait une merveille. Tout mot retrouvé est une merveille. Maintenant, je ne pense plus pour personne ; je ne me soucie même pas de chercher des mots. Ca coule en moi, plus ou moins vite, je ne fixe rien, je laisse aller. la plupart du temps, faute de sattacher des mots, mes pensées restent des brouillards. Elles dessinent des formes vagues et plaisantes, sengloutissent : aussitôt, je les oublie.
Cest prévu de longue date, jy pense depuis longtemps, on sy est tous préparé, on en parle tous les jours depuis une semaine, et puis changement de plan, virage à cent quatre-vingt degrés. Alice est malade. La fièvre. Son corps brûlant. Les lèvres rouges. Cest évident tout à coup, quelques minutes avant de partir, je mets mes chaussures et déjà je ny crois plus, je les lace machinalement, la tête ailleurs, on ne peut pas y aller, on ne peut pas sortir ainsi, avec elle malade. On lui demande son avis, elle est daccord avec nous, elle veut rester au lit. La journée transformée. Un petit grain de sable dans la machine et plus rien nest pareil. En même temps cest rassérénant ces brusques changements de dernière minute, manière de suspendre le temps. Avec lart.
Méfiant comme je le suis, je me demandai si ce nétait pas de moi quil était en train de parler, le hasard se divertit souvent de tels petits jeux. Mais il ny avait aucune allusion personnelle dans son regard. Lun des malheurs de la vie, cest que ce bonheur de voir ce quon aime et de lui parler ne laisse pas de souvenirs distincts. Lâme est apparemment trop trouble par ses émotions pour être attentive ce qui les cause ou ce qui les accompagne. Cest ainsi que les gens travaillent à leur propre confusion. « Sans appréhension » nest pas tout fait le mot. Il faudrait dire : tranquille au sein même de son inquiétude. Cette déraison de la vertu grâce à laquelle lindividu se laisse traiter en fonction de lensemble. Tout dabord, je cherchai à me consoler de cette froideur en me persuadant quau bout de deux ans de mariage, lamour fait fatalement place à lhabitude, si tendre soit-il, et que lassurance dêtre aimés ôte tout caractère passionné aux rapports entre poux. Une trace dironie sur les lèvres.
On se raconte des histoires dans le train, nuages en couches sombres, le soleil perce rétrospectivement. Toujours la même question, ce que jai cru voir tout à lheure, fatigue, doute, tête relevée, révélation, mes yeux inquiets, fou furieux, furieux le voyageur assoupi prend peur, me voir crainte communicative. Il mexplique, me rassure à son tour comme un enfant, dun signe de la tête, dun mot doux, calme, apaisant. Je lexplique ensuite aux filles, nous ne sommes pas perdus le bon chemin besoin de ce détour de ce temps, ce nest pas pour elle pour moi tout simplement. Elles sont pressées darriver, en même temps aucune impatience mais une excitation contenue, de la joie sur le visage débordant.
Je travaille chez moi des heures qui ne sont pas fixes, lessentiel est que lart ne soit pas un métier et que mon temps mappartienne. Atelier décriture par limage. Je garde les yeux ouverts. Faire parler limage. Dans sa propre langue et la langue de lhôte. Dans la langue de lautre. Je lui prête un sens sans demander mon reste. Linstant poétique est une relation harmonique de deux contraires mais pour le ravissement, pour lextase, il faut que les antithèses se contractent en ambivalence. Phénomènes damplification et de reprise. Former ou mettre en forme revient à déformer, faire tomber la forme. Et vous ça va ?
Flocons au ralenti, coton. En tous sens. Rythme changeant. Transformation radicale du paysage. Le vent y met gentiment du sien. Le souffle court. Ce matin, la lumière bleutée derrière la vitre de la fenêtre, tapis de neige sur le sol de la chambre des filles, tout de suite jai pensé à neige. Le premier mot ce matin. Le ciel est tellement blanc quil en paraît gris. Translucide et vide. En marchant dehors, le vent cinglant, le froid sur ma peau, notes de musiques éparses. Des pas sur la neige. Debussy. Lair dans la tête. Je marche. Je suis un enfant. Pas de boule-de-neige comme jen ai vues, et ces cris coincés comme une pierre cachée à lintérieur, mais cette simple sensation sur la peau du visage. Cette liberté.
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Train au ralenti sous les bourrasques blanches dautres au même rythme englués, le ciel gris sale, rectangle lumineux debout derrière les fenêtres les passagers agglutinés, souvenirs déplacés dautres trains. Techniquement le ralenti est produit par un enregistrement accéléré au tournage, une ruelle blanchie par la neige, pas un pas, pas une trace. Une mère appelle son enfant allez viens on va être en retard, fasciné par la blancheur et limmensité neigeuse bouche bée plus de pellicule, imprimée en un temps donné et donc lorsquelle est projetée à vitesse normale la scène est tendue, contrastes renforcés comme sur une photographie surexposée les noirs ressortent brutalement un chantier main gauche la pelleteuse orange ramène un peu de brun en creusant de la couleur le panneau indique le nom de ce chantier tout est là : Villa Matisse.
Je ne sais pas. Une opération qui va dans ce désordre sans bornes mettre de lordre. On parle du cerveau des barbares. Comme si de rien nétait. Commission rogatoire, demande dentraide. Lindicible sera dit. Limpensable sera pensé. Ce qui est insensé sera ramené la raison. Parfois un seul, un peine perceptible mouvement suffit pour tout ébranler. Un fait divers et pas un fait de société. Jai senti à ce moment-là que tous les gens étaient contre moi. Des abscisses et des ordonnées très personnelles. Ce nest pas une histoire. Un peu par inadvertance il nous arrive de désespérer. De ce que chacun fait, quest-ce qui sécrit ? Un instant de défaillance nous a repoussé loin, infiniment loin. Un vide qui résonne.
Je me lève, je ne te bouscule pas, le réveil vient de sonner, comme dhabitude, je me lève, il fait encore nuit, la maison sombre, tous les volets fermés, tout le monde dort, même les invités dans le salon. Je me lève, je mhabille dans le noir, et vais me laver les dents dans la salle de bain. La porte sentrebâille tout doucement, je devine Nina derrière, je venais voir si cétait maman qui prenait sa douche, et bien non. Retourne au lit. Tout le monde dort sauf Nina. A ce soir.
Par déni jusqualors nuit très incertaine au jour. Fragment sonore qui raconte déjà sa propre histoire. Lendemain puis le trois quart du temps occupe palliatif. Paysages sonores ou petits films auditifs, teintes sépia, les sons sy interpellent, superposition ou télescopage dans une polyphonie concrète. Fragments de voix, intérieures, dernières phrases dun rêve que lon entend en écho au réveil, on se presse de les noter avant quelles ne sombrent pour toujours dans loubli. La force et la défense dune cause délaye jusquà linstant dort. Le narrateur à double voix de cette errance verbale, contrepoint aux impressions purement visuelles que procure la musique, son écho hors du corps capable de convoquer en nous tant dimpressions, de rêveries éveillées. La preuve mais lexacte, nos risques et périls. Cette reconnaissance favorise limplication.
Il vient tous les jours, sa régularité surprend, son travail aussi. Il fabrique du repentir en image. Il a frappé sa copine, tué sa portée de rats. Depuis il copie coupe, il colle des bouts dimages de rats partout. Un alphabet de rats. Avec le mot BLACK. Il a été méticuleux jusquà représenter sa copine avec un halo bleuté autour de loeil. Elle travaille à ses côtés. Sandrine. Noir. Ainsi elle shabille. On dit gothique. Sous son vernis déclatante beauté. Formes inédites. Hanches très larges, on imagine les cuisses, peau blanche laiteuse et veines apparentes. Le plus sa fragilité, petite voix, regard doux, très légèrement plaintif. En forme dexcuse. Elle aussi travaille sur une image étonnante. Un homme qui vomit. Ce qui étonne ce nest pas le choix de cette image, mais lattention, la méticulosité et la concentration débordante quelle investit dans cette composition. Puis elle abandonne lasse. Elle sen va, au passage un sourire et ses yeux tristes toujours. Le regard du jeune homme aux rats sur elle lui aussi est saisissant. Au sens propre du terme. Attrape-moi si tu peux. Ses lèvres tressautent légèrement, on dirait quil pense à voix basse. Son regard est-il si différent du mien ? Jentends : Pourquoi pas moi ?
Dans cette activité loubli de soi, cest dailleurs une méthode ouverte qui explique sa politesse et la popularité sur la bataille qui fait quil est un homme que lon recherche en dautre lieux aussi. Le temps passé à passer le temps. En tout cas, la forme dune habitude engendre par une mention toute faite. Moindre échancier de sa remise en thèse animale, un regard agacé inscrit dans un petit discours sans sous-titre. Elle apparaît en contrebas un signe de la main sur le bout de ses dix doigts justement en train de passer. De fines attaches dans le prolongement. Quon suive et anticipe ce conseil. Traque ce qui est dans la phrase mais inopérables avec de la fraîcheur en hausse. Cest dire le sérieux. La barre immobile des aspirations. Le regard qui porte les fruits les plus tendres. Et ce qui suit. Pratique nocturne dans le prolongement qui sépluche, ses qualités et traits.
Le bruit assourdissant du train. Personne dans le wagon. Je parle seul. Ce qui fait un événement de la rencontre dun mot, dune odeur, dun lieu, dun livre, dun visage, nest pas sa nouveauté comparé à dautres événements. Cest quil a valeur dinitiation en lui-même. Jenregistre le texte. Ma voix se perd dans le charivari. Devient rauque. On ne le sait que plus tard. Il a ouvert une plaie dans la sensibilité. Jécoute en parlant, je nentends rien. On le sait parce quelle sest rouverte depuis et se rouvrira, scandant une temporalité secrète, peut-être inaperçue. Je ferme les yeux. Cette plaie a fait entrer dans un monde inconnu, mais sans jamais le faire connaître. Stop, jarrête lenregistrement. Linitiation ninitie à rien, elle commence.
Le soleil se reflète sur le blanc de la neige que le froid a maintenu en létat. Un plan fixe. Passage rapide. Coup doeil. Je lai vu. Dans les jardins silencieux sous nos fenêtres. Un détail arrête le regard. On ne sait quoi de diffus qui déborde le regard. Je lai vu, debout à une fenêtre de son appartement. Pas un nuage dans le ciel. Uniforme bleu. Léger vent. Dans les branches des arbres, nues. Les yeux fixés de lautre côté de la cour sur le mur de limmeuble den face. Lumière estivale. Sur la pierre poreuse des immeubles voisins. Aveuglante. La lumière prend tout ce qui nous attire. Au réveil. Cette lumière est un éclat. Une présence chaleureuse. Je lai vu et il ne savait pas ce quil devait faire.
Juste du rythme et de larrangement. Le train, je termine ma lecture, ferme la parenthèse ouverte vendredi soir. Les dix dernières de la vie dun homme. Le ralenti des détails. Un monument de légèreté. On avance, on avance. Lentement mais. Bref, cest une chose qui sautodétruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont larme est le seul élargissement du son. Un homme au bout de lennui, troublé par le malentendu que représente le succès, profondément seul et mélancolique. Phrase ressassée, chose sans espoir et dont on ne peut rien attendre. Mais tout cela na pas dimportance. Au point de devenir un des refrains du monde. Vide de musique. « Il observe tout cela clairement, sujet de sa chute en même temps que spectateur attentif, enterré vivant dans un corps qui ne répond plus à son intelligence, regardant un étranger vivre en lui. » Juste du rythme et de larrangement.
Le concert de samedi dernier, jessaye encore de trouver un équivalent pour décrire la musique de Marc et de son trio. Difficile. Plusieurs influences. Jazz, musique contemporaine. Quelques jours plus tard lécoute dun morceau dEric Dolphy, me ramène à cette recherche. Jemprunte Out to lunch ! Jécoute attentivement. Je pense à Mingus. Mon préféré. Similitude troublante. Un chaos formel. Des chants doiseaux enregistrés et passés au ralenti ont la même sonorité quune flûte. Inversement, un enregistrement de flûte écouté à vitesse rapide ressemble au chant de loiseau. On pense à Messiaen. A la charnière du be-bop et du Free Jazz. Saxophone alto, clarinette basse, flûte. Le passeur. Une fulgurante carrière. Oui, parfois, en jouant, jimite le chant des oiseaux... La découpe fait surgir un vide quelle devrait habiller, intervalles, arrêts, brisures, sutures et reprises structurent ce quils devraient trahir, cest-à-dire la continuité dun jeu fondé autant sur les pleins que les creux. Je travaille ce texte. Jacques appelle. Je ne le reconnais pas tout de suite. Il se peut que ça ne swingue pas... Je ne men rends compte quaprès avoir raccroché.
Déterminés par des lois que lon ne parviendrait à connaître que peu à peu. Ils ont eu des petits camarades, disaient chic pour exprimer leur joie et leur plus grand rêve était daller camper à la recherche daventure. En plus des communications normales. Un purgatoire de has been, un cancer de la langue, big dreams and little steps. Des procédures et des règles, seuls moyens de faire vivre un ensemble aussi hétérogne. On parle dabus de droit dexpression. Se rendre de lune à lautre quand il voudrait. Cause réelle et sérieuse. Il y aurait un certain nombre de points de contact. Villes à leur distance, toutes ces gares, tous ces paysages qui les séparent. Cause toujours.
MARS
Dans lattente. Ce café jy suis venu il y a si longtemps, cest un tout autre lieu désormais. Musique assourdissante. A lécart cependant, je lattends. Ce soir je regarderai un film russe, Lattente, de longs plans séquences de dormeurs isolés ou en petits groupes dans la salle dattente dune gare. Leurs visages, leurs corps. Elle va venir. Je regarde les gens autour de moi dans le café. Ils discutent. Je vois très nettement leurs lèvres bouger, mais le son de leurs paroles non, la musique les couvre. Le son est aussi important que limage, sinon davantage. Elle arrive. Son parfum. La douceur de sa voix. Son regard. Dehors la nuit remue, vivante.
Ici cest la folie justement pas un jour qui ne se resssemble, hier concidences en srie aujourdhui tout va de travers, tout le monde me demande, il faudrait changer. La limite pluie-neige correspond au niveau où les flocons commencent à se transformer en pluie. Ce soir jinstallerais la carte mémoire. Je narrive pas me concentrer malgré le casque sur mes oreilles, le disque dur. Avant que tu écrives jai pris une feuille de papier, un petit bout, un vieux crayon et jai écrit sur la feuille en appuyant très fort comme par le passé, la pointe Bic en cercles concentriques, pour noter ce que je vais faire demain, pour faire le point y voir un peu plus clair. Les flocons se transforment en pluie en tombant dans lair température positive. Je voulais partir un peu plus tôt, avec cette neige et toujours cette litanie en tête toute lannée, le sourire aux lèvres, lannée dernière le jour de mon anniversaire il a neigé, je ne sais pas pour demain, en tout cas la veille de mon anniversaire il a neigé, oui. Le téléphone sonne. Jamais bon. Cest aussi, sensiblement, celui jusquoù le sol blanchit au cours dune précipitation. Les flocons ne fondent pas tous en même temps. Je ne reconnais pas la voix de ma mère. Mauvaise nouvelle.
Je ne me souviens pas dun anniversaire si guilleret, peut-être est-ce la neige ? de la neige au printemps ? Dans cet état desprit malgré la fatigue. Mal dormi. Les yeux brûlent mais je suis primesautier, je plaisante, je souris à tout-va. Bonne humeur communicative. Le mot de Maud : Le coeur précis, lâme aiguisée, un expert en vanille de synthèse. Pas un cadeau, mais un présent. Une présence. Que demander de plus ?
Dans le silence blanc le brouillard dessine une farandole, partition glacée du vent la neige mue en tourbillons, la neige dessine des bérets blancs aux parcmètres, des hélices quand la neige danse la présence hante de page en page, dévoiler leurs ruses et faire entendre leurs voix, langue claire mais incompréhensible, tertres de neige griffés par le vent, stigmates de linfini gravures énigmatiques plus si loin ici et là, la trace est furtive pour laisser un signe déternité. Nous écrivons sur la pierre linconsolable nostalgie des origines. Plus tu tenfonces dans le désert plus tu es libre.
Jhésitai un instant avant de dénouer lépais cordon poussiéreux. Problèmes de structures. Unité et harmonie. Tout un clan de nuages gris, ladies from hell, approche en ordre de bataille. Thème et histoire. Et alors ? Le facteur temps. Bref résumé des circonstances de la découverte (date, lieu, etc.). Lire, tourner la page, lire, tourner la page, lire. Tourner la page... Effets textuels. Mais, je te préviens, si tu mas raconté des blagues... Vraisemblance. Elle prétend posséder un don et vient de temps en temps en aide. Pourquoi ne parvient-il pas sen souvenir ? Technique. Personnages. Elle se tient devant la télévision, interdite. Neige bruissante sur fond décran. Dialogue. Lopération se répète à plusieurs reprises. Cadres. Style. Expérience. Cest pas la faute aux immigrés. Il faut savoir lire entre les lignes. Registre stylistique. Parler de celui qui vient dailleurs. Prendre mal les mots, en avoir peur. Vous êtes enfin devenu réaliste. Ne changez pas. Une écriture en perpétuelle mouvement. Cela vous permet daller de lavant. Cest écrit dans mon horoscope.
Ce qui se trame. Face au problème de lart à lâge de la reproduction. Ceux qui vivent aujourdhui dans les grandes cités sont exposés à une masse incroyable dinformation que la société nous oblige à digérer pour être capable de comprendre ce qui se trame autour de nous, synthétiser toutes ces données, réorganisation visuelle de linformation, percevoir quelque chose de familier dune manière totalement nouvelle. Boucler la boucle, la reproduction. Face au problème. Ce qui se trame. Derrière les protocoles de conversation des tas dinformations quon perçoit dans le langage du corps, la façon de shabiller, la position dans la pièce qui aide à comprendre de quoi on parle. Ce qui se trame. Quand on sabonne à une liste de diffusion cest comme entrer dans une salle de réunion avec plein de gens assis dans le noir et apprendre qui est qui en écoutant juste leurs voix, la boucle la boucler. Ce qui se trame. Quand on regarde autour de soi on se rend compte que les réseaux sont partout. Une bonne manière de boucler la boucle. Face au problème de lart à lâge de la reproduction on ne fait pas de distinction entre la contrefaçon pour profit et la réappropriation artistique.
Les objets en acte derrière nimporte quelle image. Jai peur dentrer au sein de la métaphore en contact avec eux tout comme sils étaient des bêtes vivantes. La poésie dans le langage qui laveugle, cela ne devrait pas toucher, le mot retrouvé dans son blanc, puisque cela ne vit pas. Cest le langage qui redonne à voir le monde, on sen sert, cest insupportable, ce qui fait réapparaître limage intransmissible qui se dissimule derrière nimporte quelle image, on les remet en place, fait réapparaître le mot dans son blanc, le mot retrouvé, on vit au milieu deux. Regret du foyer toujours trop absent, cela ne vit pas dans le langage qui laveugle, ils sont utiles derrière nimporte quelle image, qui reproduit le court-circuit en acte au sein de la métaphore, rien de plus. Et moi, ils me touchent, cest insupportable.
On commence à écrire, juste une idée, rien du tout. On se laisse porter par le message qui affleure lentement, au fil des mots, qui fait signe. Cela devient une lettre. Prend cette forme. On na pas le temps de la finir. Lheure de manger. On enregistre le texte. On y reviendra plus tard. De côté. Lidée trotte dans la tête pendant tout le repas, le sourire aux lèvres. Le moment venu, quand on essaye douvrir le fichier temporaire, impossible. Dabord cest la colère. Perdre un texte, même court, cest toujours difficile. Il faut trouver lénergie pour écrire à nouveau, écrire dessus, effet palimpseste garanti. On nest plus dans la dynamique de tout à lheure. Il faut retrouver le rythme, relancer la machine, lélan nécessaire à lécriture. A partir de là, autant rester ici.
Ce bourdonnement de solitude dans ses oreilles, quand, au cours de la longue partie de cache-cache habituelle, après une heure de dissimulation inconfortable, il émergeait du placard poussiéreux et obscur dans la chambre de bonne, pour découvrir seulement que ses compagnons de jeu étaient déjà rentrés chez eux. Il était impossible dajuster le langage à ces souvenirs - tout simplement, il nexistait pas de mots adultes pour ces impressions denfance. Il en résulterait une de ces biographies romancées qui sont bien, et de beaucoup, la pire sorte de littérature jamais inventée. Par-devers moi-même, jétais désormais un spectateur. Cette conviction que mon existence avait pris un caractère fantomatique nétait pas sans compter certains aspects divertissants. La peur est une mort de chaque instant. Il prit lhabitude de trouver aux défaites un goût de victoire. Je peux rester des heures debout à la fenêtre et regarder dans la rue, cest une habitude que jai prise dans mon enfance.
Je refuse de mourir dans un monde en ruines.
Il ne faut pas se leurrer. Nous soufflons en une seule fois. Sonne sur tous les tons de sonnerie sur son passage. Le premier obstacle est un pot de terre posé. Si je cousais cela produirait une inadéquation. Un baiser. Pouvais-je te demander de bien vouloir te déplacer de quelques millimètres ? Je nai pas quété ce truc. Une brusque envolée, se retournant brutalement, dun coup sec. Puis dire : les fragments décriture inscrits sur les papiers qui traînent essayent de cacher leur intime proximité, ramasser tous les papiers qui traînent, ils sont côte à côte, puis dire : jai découvert une relation, ils sont liés. Je me promène. La cervelle éponge. Ils narrêtent pas. Je narrête pas. Je nai pas regardé le paysage je crois. Il ny a pas dheure, à perte de vue.
Lart consommé de lamalgame de ceux qui veulent me plonger dans le pot-pourri de la corruption. Les enquêteurs parlent dun schéma quasi accidentel. Ce qui lintéresse, les non-dits. Pas de papier parce que cest trop cher, ça salit les mains et cest pas pratique, on na pas envie de tourner les pages. Un travail de mémoire, un effort pour mieux les comprendre. Nous a quittés : avec ou sans s ? Que signifie anorestique : qui mange trop ou qui ne mange pas ? CORRIGEZ anorexique et ouvrez votre dictionnaire. Difficulté de passer de loral à lécrit le français est une langue vivante, il ne faut pas lempêcher de changer. Une langue nexiste que si des gens la parlent. La langue façonne lesprit, ma langue est faite de ça, chaque oiseau a sa façon de chanter mot à mot, de bouche à oreille, nous passons. Cette langue. La poésie gagne à être dite. Structure permanente, demandez limpossible.
Un journal, ce nest pas un livre, ça ressemble un peu sauf que la couverture cest du papier. Dans les livres, il y a des histoires. Dans le journal, il y a des choses. Cest un projet à part pour tout le monde, qui change de notre quotidien habituel. Tout est bouché par le travail, par ce qui urge soi-disant, et ça et ça et ça. Moi jai vu quelque chose dextraordinaire. Une nuit quand je dormais, je nai pas réussi rêver. A force de chercher, on se rend bien vite compte quil nous manque quelques outils, ou que les outils que lon possède ne sont pas assez efficaces. Les histoires, ça raconte des histoires. Le journal, ça raconte le monde. Préférer le sublime, linquiétude de lextase. La définition dextraordinaire. Cest un truc truqué. Le journal, cest pour notre souvenir.
Depuis des semaines, cette chance, et puis ce matin voilà cest fait, dossier transmis, je me sens plus léger dans le couloir, léger tout léger. En même temps je sais bien que tout nest pas fini, trop simple, il faudra y revenir, sy remettre un moment ou un autre mais pour linstant je ne ressens que cette légèreté, un flocon dans lair, pâle peluche qui senvole par la fenêtre.
Elle exprime un voeu de fixité, elle est un arrêt, mais comme un moment dans le passé. Une curiosité passablement cruelle. Cest sur les arbres malades et les animaux blessés que sacharnent les parasites, les chiens rôdeurs. Le paradoxe de la beauté : régner seule sur un empire verrouillé par la convoitise. Il avait prouvé cela dans son enfance. La promesse de la douleur. Satisfaisant. Ne pas placer la barre trop haut. Elle est là, chaque fois. Vous savez quelle va arriver, mais vous ne saviez pas quand ni exactement comment. Vous essayez de vous accrocher à eux ; vous les bercez dans le noir. On se sublime, on ressent même par les terminaisons nerveuses de la peau. Mais si vous cherchiez à résister à la douleur, vous ne pouvez plus fonctionner. Nous avons découvert un jour que ces mondanités laissent voir à travers leur cellophane précieuse de bien peu ragoûtantes frustrations. Caricatures comiques des illustrés sur cette cruauté raffinée dune part et cette confiance un peu sotte de lautre. L.A. hélas la file dattente trop longue, soirée qui se termine au Cavalier Bleu. Et là, satisfaction du travail effectué. Je lai senti. Oui... Oui... Cette chaleur là.
Le matin, vous vous dites chouette, je vais au travail. Je sens de lironie chez ce jeune homme et pourtant non, je ne crois pas, je vais travailler sonne à laventure, cela vous paraît idiot, simpliste, naïf ? A partir dun souvenir personnel très fort (un moment de bonheur, un éclat de rire, une déception, une rencontre, une amitié, une douleur), tourner autour : en mémoire (lémotion ressentie), sous un autre angle que la première fois, comme si quelquun dautre lavait observée et la décrivait. Cest magique, où trouves-tu cette énergie ? En fait cest sans importance, tu fais et continues... Des milliers détourneaux pépient dans les branches nues des peupliers aux abords du canal. Leur concert assourdissant. Le soir, je continue donc.
Jai tout mon temps, je laisse venir. Ne pas se raconter encore et encore. On souffle et on lâche des volutes de mots. Il y a ceux qui parlent et ceux qui écoutent, dans un temps du suspens. Le flot asphyxiant de paroles. Jaime ces moments-là. Les monstres, cest fait pour les méchants. On met des monstres dans les histoires pour faire peur. On met le monstre pour créer lhistoire. Temps frais, terrain gras, pressing viril. Quelquun frappe pour entrer au paradis, cest qui ? Il veut entrer. Pour lui cest ce quil y avait de mieux faire. Pour des raisons de sécurit le noms ont été changés. A la fin de la journée je découvre ce monceau de mots. Je souris. Le temps qui reste.
Les filles se couchent hier au soir. Je suis seul avec elles à la maison. Je raconte à Alice, qui se déshabille sur la couche supérieure du lit double, comme cest périlleux de le faire dans les trains, en couchette. Lointains et attendrissants souvenirs de trajets nocturnes avec mes parents. Lépreuve des vêtements. Je les ôte là-haut. Plus tard aussi. Oui je sais, me dit-elle dun revers de la main. Je radote. Dans la nuit, mal à loreille qui lempêche de dormir. Elle sagite, elle pleure. Elle finira la nuit dans notre lit et moi dans le sien. Le contact froid et douloureux des barreaux métalliques de léchelle sur les talons. Monter dans le noir. La peur de la chute. Je me mets à sa place. Toujours présente. Le souffle régulier de Nina sur la couchette en dessous. Puis, pleine nuit, son réveil brutal. Mauvais rêve. Persuadée quil y a quelque chose sous la couette. Elle me montre. Quoi ? Le drap plissé et nu. Des insectes ? Elle pleure, je ne comprends pas ce quelle me dit. Envie de dormir. Toujours mal comme dans les trains. Souvenir charnel qui refait surface. Prend corps.
Même si on sy attend, cest déception. Voir clair soudain dans le jeu de lautre, ce quil attend plus que ce quil cherche - vivre - éclaircie passagère, linstant daprès tout devient noir. En même temps laisser faire, pas dimpuissance ni par simple résignation, mais ne pas jouer son jeu. Entrer dedans et prisonnier. Pas notre rôle ni de notre ressort. Derniers rebondissements en cascades. Sa voix très haute au téléphone. Toute ma vie jai rêvé... Mettez Impression. On en fit impressionnisme et les plaisanteries sépanouirent. Pas assez de temps pour mes trucs. Bien sûr cest un point de vue. Inutile de discuter, de semporter. Il nest pas fou quand il engage le combat contre les moulins à vent. La vie active fait peur. Il se raconte des histoires, cest tout. Et il y croit à la fin. Dans le train, un peu plus tard, les filles haussent la voix. Manière de sexprimer, de se poser en tant que, de sexposer (exploser le forfait ?). Elles parlent haut et fort, très fort. Et quand elles évoquent leurs amours, le vocable prend des allures guerrières. Tu pars à la chasse ? Cherche une nouvelle proie.
Poèmes documents cest lacte lui-même qui vise un écart dans lexcès du flux, la transgression et le rire, la joie et la tristesse, tu définis ton espace, ton temps, tu flottes dans une nébuleuse de récits, un ensemble très spectral avec des micro événements des vibrations, des courants dair, poèmes documents, pas documents poétiques.
Le mot malgré le vu pieux de communiquer. Chacun prend le jet public. Femmes, hommes jettent les bases dune guerre provisoire. Ils écrivent le mot, mais tissent la toile de malentendus inutiles et nombreux, ou doubli durable. Doù le regret du futur. Chaque page est au bord de lofficieuse personne. Commerce inquiétable dans la paix provisoire. Mais cest lavenir de la mémoire. Précipités meurent de bondir à la conclusion, pour finir, ils renoncent au besoin de précipiter, par bonheur. Langage dailleurs compatible avec la liste des calamités mondaines. Actualité, climatologie. Le Paradis des Fantômes. Salle dattente de maintenant. Ses murs sont des flancs raides sous la pesée et des flammes. Le cur infiniment cité. Le cur dessinateur en elle court le long dune côte et de sa veine, avec pression et principe. Cuir du cur tendu fait relâche obligatoirement, sauf lessor électrique. Les traces humaines dans des chants populaires. Ténacité de sentiment pour de lentes douceurs. Une toile a sans doute encore de la lumière. Rien, rien nest perdu.
Cest une forme de jeu. On ne sait pas quoi faire. Passer le temps, un jeu comme un autre. On agace les autres juste pour voir jusquoù lon peut aller dans la provocation avant de les agacer, de les faire sortir de leurs gonds. Et ça marche. On se lève, le ton monte, on sagace, on semporte. Chacun parle, lun après lautre. Mais à qui sadresser ? On tombe dans le piège. Celui à qui lon sadresse nest évidemment pour rien dans ce quon lui reproche, il a beau jeu de nous le rappeler. Son sourire en coin laisse échapper sa satisfaction à nous avoir embrouillé. Dehors. Ils sen vont finalement. Cest une forme de jeu.
Se rendre à lévidence on a fait le mauvais choix, dans ces cas-là écrire nest pas la solution, jamais. Mieux vaut parler. Pas la première fois quon tombe dans le piège. Il faut discuter, rien de tel, car cest justement un manque de parole, ne rien se dire, et ne pas tenir sa parole, qui est lorigine de lhistoire, il était une fois un malentendu décevant. Bien sûr les torts sont partagés, on croit que, on pense que, on laisse croire que, on ne veut froisser personne, on simagine, on attend le dernier moment pour finalement refuser une offre qui ne nous dit rien, ne nous a jamais rien dit, décliner linvitation, et ce qui doit, quoi quon ait dit, nest pas tant ce refus, que la manière de lexprimer, avoir laissé planer un doute. On y revient toujours je vous dis, paroles, paroles... Jai voulu y croire, my suis accroché (du bout des lèvres, là est mon erreur), car en fait je ny croyais plus depuis longtemps, et je nai pas voulu le voir, pas voulu le dire. Je me suis trompé, rien de grave, pas dintérêt même financier à simpliquer plus dans un travail de ce type. Cest noté.
Les cloches sonnent. Cris et voix du marché derrière la caserne de pompiers. Le long du quai, le souffle court. Les prunus bourgeonnent. Jai vu leurs fleurs roses tout à lheure. Le vent est frais malgré ce soleil. Ciel bleu. Je me venge en accélérant la course. Oxygen should be regarded as drug.
Un drôle de rêve, lenfant est là, dans cette pièce. Personne ne sen occupe, alors je le prends dans mes bras. Les détails me reviennent tous un part un. En épisodes, une histoire brève. Bien mauvaise nuit que celle qui vient de passer. Se coucher avec une idée en tête, mauvais, très mauvais. A la figure. Cherchez, trouvez, puis... Et ce matin Caroline qui raconte à ses collègues de travail le rêve quelle a fait dans la nuit, et Sophie qui lui répond, moi aussi jai fait un drôle de rêve, je tournais dans un film et je faisais de la figuration. Eclat de rire. Quand on lénonce on lentend clairement. Comme une évidence. Un espace personnel, ouvert de nombreuses possibilités. La veille au soir sa photo bonnet sur la tête. Jai cru me voir. Un rôle de rêve.
Je lisais le portrait de Julie Delpy dans le Libération du lundi 14. Tu es entrée Café K pour un entretien. Une demande de stage revue Golden. Ton sourire, tes longs cheveux blonds. Jai revue une scène de Mauvais sang. Et souhaiterais te revoir pour prolonger le film de cette rencontre inopinée.
Une rencontre fortuite, ce quil y a de moins fortuit dans nos vies. La rapidité décriture peut saisir le surcroît indispensable. Les gens qui se donnent des rendez-vous précis sont ceux qui écrivent sur du papier rayé. Des éléments qui sont dans lair. Faire comme la vie, comme lesprit, non pas analyser ce quils font. Leur tube de dentifrice par le fond. Par des ajouts et retraits. Changer la vitesse et la distance fait apparaître, des figures secrètes - fantômes et fantasmes - métamorphose, leur assemblage pour (re)créer la matière. Enregistrer des choses du monde par lécriture qui déforme, saute, reforme, déplace, et renvoie le matériau ainsi constitué, lécriture qui complète, adoucit, débite, détache. Une syntaxe concrète. Voir dans leurs boucles et programmes lessentiel de ce que nous vivons, avons vécu, vivrons. Aventure de limmédiat. Adresse ne rien saisir au bout du compte. Lair ou le sang se retire.
Sentiment dinsatisfaction passager, à comment dire ? indistinct, trop de choses en tête, indice feint, courber lépine, dit-elle, sourire aux lèvres. Le mot juste. Jentends rétorquer, juste un mot bien vu bévue, la pas vu, la plus là, côté coeur. Le lierre contre le mur, je tombe comme lui, pas sage, suis parti ailleurs, vous avez dit ailleurs ? avez-vous vu ? couper court lâche la fillette le concours de choix, mais jessaie de ne pas être triste vous savez ? vu les circonstances. Plus, cest dur, reste sans lutte - sachez le - sentez tout - bien - bien vous - nest ce pas ? allez savoir ? faut dire : il ne met plus - lépier ? - là-bas maintenant, il ne se penche plus pour la voir, distance lobserve, na plus se pencher, au-delà de cette limite, plus de raison de vouloir se pencher, ouvrez, tirez, sortez. Embrassez qui vous embarrassez. Je souffle un peu, beaucoup, je souffre, entre lespoir et le sauvetage. Courage, fuyons...
Une histoire sans paroles, une expérience sensorielle intime. Encore une fois, au lit, jentends le téléphone sonner. Mauvaise nouvelle. Caroline sur le point de sortir avec Nina, cest lheure de la danse. Finalement non. Son oncle est mort la veille. Les filles sont tristes. Léger flottement. Un puzzle de sons ténus, étranges, parfois oppressants. Mouvement dérivant, panoramique en perpétuel changement. Tout savoir. Superpositions, transparences, effacements, dessins en mouvement laissent la place à autre chose, au même endroit ; enchaînement de traits et de masses dans la durée. Pas de papier, le rapport la texture quil faut créer, des jeux de lumière, des apparitions et des disparitions. Alice rentre de son opération, la bouche en sang, la lèvre supérieure légèrement déformée, boursouflée, toute fière elle me montre une petite boîte verte sur laquelle est écrit : TOOTH SAVER.
Dans tous les sens, impossible de parler de cette journée. Parler. Montrer que. Sourire de. Se tenir debout toute la journée, bien droit, et pourtant je nai fait que ça : parler, parler, parler. En représentation exceptionnelle. Et faire les comptes aussi. Pas les régler. Dommage. Plus tard peut-être ? Et cet homme, passablement énervé qui vient poser sa question avec agressivité, ce qui compte cest quon écoute ce quil a dire, sa requête, peu lui importe notre réponse. Le ton monte. Classique. Pas le temps, trop tard. Comment lui faire comprendre sans quiproquo ? Cest comme ça quon rate son train. Assis sur un banc, boire une bouteille deau minérale, fumer un petit cigare, ébloui par le soleil, jattends. Dans le train la musique. A peine un soulagement. Transport en commun. Fenêtre ouverte sur les sons de lextérieur vibrant aux rythmes de la musique. Sursaut au croisement dun train. Appel dair. Fatigue. Jambes lourdes. Les filles ont passé la journée dehors. Je les trouve magnifiques, toutes fines, les pommettes roses, loeil brillant, le teint hâlé. De la fatigue aussi sur leurs visages juvéniles. Soirée retrouvailles. Retour dArnold, inchangé. Barbe blanche.
Le yaourt aux fraises est gourmand en pétrole. Commençons donc sans plus tarder. Vous savez, jai une certaine expérience. Magistrat, cest un peu comme agent de joueurs. Je me sens quelquun dautre, par exemple : quand je joue chat je me sens un chat. Quand je suis le chat les autres sont des souris, ils sont pareils mais plus petits. Plaisir sensuel de promenade dans un monde plausible, familier et pourtant inconnu. La foule des lecteurs attend et lactualité ne permet pas quon plaisante avec elle. Moi, quand je tourne jimagine que je suis une toupie et quand je dors je sens que je suis un géant et quand je fais le poirier on dirait que je suis dans le monde à lenvers. Cest alors que je la vois sapprocher dun pas nonchalant avec cet air pressé qui lui est naturel. Dans la vaste cohue de la gare, mon corps contre le sien.
En gare, à quai, le train reste immobile, rares annonces : divagations de personnes sur les voies au kilomètres 4. Dans le train, dans lattente impossible de réfléchir, besoin vital de mouvement pour y parvenir. Sur place. Faire du sur place. On ne peut quattendre que le moment propice - pas de gros mots - vienne enfin nous délivrer. Prenez garde à la fermeture automatique des portes, attention au départ. On avance, on avance, on avance, cest une évidence.
Un pas, un seul, ce peut être la catapulte de ton avenir. Pour sûr, on ne sait jamais si cela va prendre. Le blanc monter en neige. Lalchimie du verbe, se prendre aux mots, le tout suivant une vieille recette. Cest dans les vieux mots quon fait les bonnes cachette. Le vacarme de la différence, le silence de la similitude. Dérive dans les linéaires. La gourmandise jubilatoire de celui que tout étonne, les yeux pétillants de surprise et délan. Premiers de cordées. Eviter les heures de pointe : ça pique. Regarde en face. Le ciel est bleu. Le héros, cest toi. Cest pour se rappeler ce que lon a fait, un peu comme un journal de bord.
Il y a cette publicité télévisuelle dont les images me reviennent en mémoire. Une jeune femme, belle, suivant les critères esthétiques de la mode et de la publicité, se promène en ville. Sur le tee-shirt dun passant, sur laffiche publicitaire dun bus, partout le même message apparaît sous ses yeux ébahis : tu es belle, tu es belle, tu es belle. Au début, incrédule, mais bien vite se rendant à lévidence, puisque cest écrit, cest que je suis belle. Elle boit un coup et tout va, tout va, tout va mieux. Mais cest assez rare. Plus souvent cest son contraire paranoïaque qui nous assaille et nous fait douter très sérieusement. Limpression que tout ce quon lit, du matin au soir, tout ce que lon entend autour de nous et tout ce quon voit, sadresse à nous directement et nous répète la même rengaine, nous sape le moral. Une forme dorgueil déplacé qui traduit, trahit la réalité. «Tu manodines, tu massouplis, tu méteins, je técrirai plus...» A force de lire entre les lignes, on ne lit plus, on délire.
Il savance vers moi. Je suis en train de parler, des boucles dair ou souffles. Il me coupe la parole tendue comme une corde, mais ce nest pas grave. Ecrire dans lair, une clarté concentrée. Je me décale, petit écart dont il ne reste quune vague trace. Tout le monde comprend, comprendra peut-être trop tard. Nous dit quelque chose, quelque choc. Me tend une enveloppe. Il insiste, dans le creux de ma main. Une somme dargent. Passage est suite daffections. Eléments de raison, file dimpression. Un coeur de cible et qui regarde, qui brille en traversant la nuit. Vivre en autrui beaucoup plus quen soi-même. Une tension dans le regard. Dans le noir du désir et pour ce noir. Dans la phrase et dans chaque mot une brièveté, avec cet air de marbre des notations. Il faut un minimum. Le monde est une goutte dair. Dans celle-ci, le sens en éclatant rentre en lui-même comme un mauvais son. Les ondoiements décho et dehors, dehors.
Extraites latentes et directes sursauts du cosmos, une première idée (un dessin) aussitôt la contradiction, une autre vague dhommes arrive par la droite parmi les primevères, pliée dans sa simplicité, jai couché. La parole est larticulation, dans mes ruches, des villes et lapproche de la mer, jamais nous ne pourrons plus en faire lunité. À partir dun moment chanter quand même à lémerveillement qui sen va, je les écris dans la dispersion.
Je ne sais pas ce que cest. Cest plus fort que moi. Maladif souci de lautre. La formule sonne présomptueuse. Son regard, son attention. Sur le moment, ce nest pas vraiment cet entourage qui mimporte, le souci de son bien-être, non. Je suis à leur place. Je suis partout assis autour de nous dans le restaurant. Je les entends, toute oreille ouverte, bien malgré moi. Le moindre bruit, leurs gestes, leurs conversations, soupirs et silences. A force tout devient inaudible. Et la gêne physique, profonde en moi. Les faire taire, mais en vain. Impression de souffler sur les braises là où je voudrais éteindre le feu. Dans le film, la petite fille porte le masque en papier sur son visage, puis lobserve la frêle lumière dune bougie. Trop près de la flamme, le masque sembrase. Les efforts de la petite fille ne font quattiser les flammes. Cette gêne, je ne sais pas ce que cest. Elle brûle tout sur son passage.
Ce soleil marche sur les eaux, je me laisse pénétrer par les voix hésitantes qui glissent aux flots sur lautre versant et le même dun mouvement lent et prompt comme une vague engendre une autre qui se meurt et précisément loeil, comme en de brèves fêtes, discrètes, odorantes, perdues, et ainsi pourtant, flux tendu pour les laisser aller, dansant, dans la partition et le départ.
Consécration, tout est là. Un mot écrit la hâte sur le tableau. Il est question de miettes négligemment laissées sur la table de la cuisine commune. Un autre sajoute en dessous. Joute verbale à distance. Priez de signer. Je ne comprends pas tout de suite le sens de ce message ni lerreur clé. Prière, il faut lire. Un peu plus tard en atelier remettre ça. Sy confronter. La formulation des questions nest pas anodine. A quoi consacrez-vous la plupart de votre temps ? To devote, dedicate. Il a consacré sa vie Dieu. He has devoted his life to God. Dédier à Dieu, rendre sacré. Il a consacré des années à létude des langues. He dedicated years to the study of languages. Peux-tu me consacrer une minute ? Can you spare me a minute ? Comment dîtes-vous déjà ? Consacrer. Avant de sortir, prière de signer la feuille démargement...
Rencontre inopinée, le passé remonte brusquement à la surface avec une rare violence. Série dimages en boucle, brèves et cadencées, éclairs aveuglants, erreurs de jeunesse, éclats de rire, éprouvantes courses poursuites, changements de caps radicaux, et claques retentissantes. On remonte dans sa voiture. On ferme les yeux. Un moment de calme et de solitude. En retrait dans lhabitacle. Tourner la page. Certaines images ne sont pas demblée compréhensibles. Leurs sens se dérobent. Diffuses en boucle, bousculent mon attention distraite, lointaine. Par étapes, couches successives. Trop tard. Nostalgie des premiers regards. Rébus. Sans souci.
HORIZONTALEMENT. Fait geste poétique en 11 lettres ? Non mais cest vrai. Cette phrase que je garde en tête. RILLONS pour grattons, il sagit de charcuteries, évidemment on cherchait un verbe. Avec ce sourire si particulier, un faux air sévère pour quon y croit un peu. Cest un jeu. Ce matin, lair est humide, brume tenace depuis hier. Ce nest pas quil fait froid, non mais. Dans mon souvenir, cest au contraire une chaleur à peine soutenable. Du sable sur le corps, la peau qui pique, démange. La faim qui tenaille. Un café, cette amertume lointaine. Parenthèse dombre, petit vent frais. On parle de tout et de rien. A lécart de tout et de rien. VERTICALEMENT. Sénescent. Non mais cest vrai. La voix monte exagérément, toutes dents devant. Menace factice. Pointe ironique. Trace daccent. Tu crois ça toi ? Non mais, tu crois vraiment ça toi ? Difficile de préjuger de la difficulté dune grille. Gagne en dure mais perd en prolongement. Non mais, tu as peut-être raison...
Jai tout mon temps. Je laisse passer les occasions comme les vaches regardent filer les trains en rase campagne. Parfois. Si je mapplique sérieusement je peux disparaître. Chiche. Cette fois, cest sans espoir. Je te regarde. Ta tête enfouie entre tes bras à même la table orange. Au travail. Je prends peur. Simple fatigue sans doute. Passagère. Jai fais daffreux cauchemars. Même pas. Tu ne me diras rien. Je ne te demande rien. Je suis doué. Ce nest pas ce silence qui me doit. Jai lhabitude. Mais les rires sétiolent. Avec le temps. Tu ne fais rien. Cet ennui et cette lassitude mimpatiente. Je ne comprends pas. De ma fenêtre, la rue est triste. Je remonte le temps. Je nai plus dâge. Cest une question de vie ou de mort. Je mentends respirer. La vie continue sans toi.
Je me devais de vous le dire... des signes. Exemple : Sur la vaste plage de poussière. Je veux bien que vous me preniez à lessai. Jen tire encore aujourdhui beaucoup de fierté. Car cest peut-être déjà trop supposer. Cest bien ce qui marrive, merci. Image en miroir devant le fameux placard inondé de brouillard... Penser sans le savoir. Marcher sans le savoir. Ni savoir comment faire pour marcher ou penser. Sétonner de manquer de savoir. Souvenirs en vapeurs turbulentes projetées par la bougie du passé. Attendant peut-être de ma part un nouveau regard, juste toi, plus près de lesthète, la traîne de son propre corps en pomme dApi. Faire semblant dignorer, pour écouter, se faire expliquer.
Ce trouble tout à coup. Ce qui était si évident, ne pas lavoir vu. Là, juste devant soi. Comme le nez. Pâle figure. Penser que lautre est sourd parce que lon veut tellement quil nous voit et nous entende. Comme une punition trop sévère quon sinflige. Mais voilà, une terrasse au soleil. Conversation entre amis. Et tout va mieux. Le sourire est là de nouveau. Aux lèvres. Je me livre : ça veut dire quoi sétiolent ? Peut-être fallait-il lire sétoilent ? Comme les rires au soleil. Ne se faire appeler que par un seul nom, le même nom pour tous, un non collectif, et ce nom serait : OUI.
Le parcours est ainsi placé sous le signe du retour et de lélégie. Images campagnardes en plans fixes. De temps en temps, un micro événement. Des films et pas des photos. Le mot retour incline à le penser. Cases disposées comme celles dun échiquier. Agencer les mots comme des suggestions, les disperser sur la page de façon à encercler les espaces laissés vacants, ainsi rendus disponibles aux scintillements du langage. Libérer le sens des significations fossiles. Cerner les vides où se déploie une langue sans cesse mouvante et néanmoins tenue. Mettre en évidence le réseau de sens habituellement voilé par la linéarité du langage. Comme tout Journal, il contient des tas dhistoires. A la fois personnelles et très éloignées de lindiscrétion comme de la frivolité. La boucle est bouclée. Mais jamais tout fait. Toujours lépiphanie dun mot. Lumière, par exemple.
Lémotion est intacte malgré la fatigue. Peut-être la fatigue joue-t-elle justement son rôle dentremetteuse en scène ? Sa voix. Très belle voix. Jentends Londsdale en moins monocorde. Dans la Grande Salle. Jen ai rêvé de ce lieu. Coulisses dun théâtre des opérations nocturnes. Sa voix grave. Ce quil dit, mot pour mot, entendre ce que lon pense. Lanecdote est comme une révolte dans la rue. Elle nous rend les choses spatialement proches. Elle les fait entrer dans notre vie. Et cest cette force dirruption qui fait delle un écart ou un accident, une révolte dans la rue. Cest un texte écrit quil lit à la volée, dans lurgence de la brièveté de son intervention, cet écart léger entre lintention (ce quil veut dire) et la tension quil met à lire (ce quil lit). Jy repense aujourdhui. Chassant la fatigue.
Vous proposer miroir de votre singularité, la rendre active. Possibilité que les mots que jinscris aillent y résonner. Limportant, comprendre, cest cela : côté. Non pas contre. Les écrivains ont toujours perdu du temps. Létude du monde réel par le voyage, la flânerie qui invente la ville. Jaime cependant que le hasard me porte la frontière. Continuer dans cette voie. Ne point tant encadrer limage que cacher ses alentours. Beau temps que je ne me sers plus du courrier postal, sachant pourtant, cette contrainte de laccueil des autres, je laccepte. Ouvrant une page au hasard et regardant comment ça sonne. Ils viennent écrire sur le territoire que jouvre, jen fais parfois autant chez eux. Balbutiement. Passer voir de temps en temps ce quil y a de nouveau. Me lire dans la main : il y a déjà les lignes. Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
Donc, il va falloir sévir. Mais bon, dune autre manière. La prudence de la crevette. Il traîne dans le Mac Do deux journaux entre les mains, on dirait des pinces. Cest un détail. Parfois, la fonction modifie lorgane. Il sagira alors dêtre bon encaisseur pour que la fragilité advienne, davantage scandaleuse. Un couple dantillais devise portables mangeant leurs frites du bout des doigts. A tâtons, comme on prend le pouls dun malade. Sans doute est-il impossible de rien considérer avec quelque netteté. Je sens le doute sinstaller. Ils le remarquent et sen méfient, il va et vient puis disparaît dun coup, par enchantement. Des fantaisies, des meurtres ou les deux en même temps. Laffaire, vue du ciel, prend une tournure moins rassurante. Quelques secondes sécoulent avant quon entende les gémissements dune jeune fille, plus de portable. La circulation des substances. Cest une anecdote. Je sens le doute sinstaller.
Le temps est une mémoire sans objet. Il pleut. Fantasme, apparence séduisante fata morgana. Injurieux défi. Dautres fois, lorsquil soriente vers le collage et la répétition de cellules mélodiques simples, le mot temps, voire vers une musique pratiquement bruitiste et concrète. Forcer le temps à se souvenir cest, pour ainsi dire, arrêter le temps. En permanence, ce qui frappe, cest le souffle, une source de ravissement autonome. Composer, cest essentiellement opposer. Combinaison dun élément fragmentaire et dun élément conservant une discipline et une cohérence. Beyond the Sound Barrier. Mettre en place des éléments contrastants, brefs ou élaborés, puis les opposer. Collages à lidentique et fondus déchaînés au menu. Orgie, ivresse, vitesse et vertige organisés. Fragments de musique, ce quon écoute chez soi. Sous la pluie la ville se défile. Lectures en silence. Sons vagabonds. Chaos pluriel. Vertige toujours. Bonus track. Une large place à limprovisation, laléatoire et au hasard. Journée banale en forme de partition sonore. Sa matière sonore provient de prises de son ou de cessions dimprovisation dans lesquelles il met en défaut le son. Echo location.
Jamais un titre naura été mieux indiqué. Tout disparaît soudain. Plus trace de rien. Ordinateur HS. Un point dinterrogation qui clignote. Qui clignote. Je préfère mieux ne pas. Pas mieux. Plus rien. Qui clignote. Qui clignote. Un point cest tout. Sur fond bleu. Plus rien. Le temps entre parenthèse. Un repos. Poser un. Entre temps. Ne plus rien faire dautre. Surtout ne pas réfléchir ce que lon a perdu, tous ces textes, ces images, ces enregistrements. Ne pas réfléchir. Oublier cet oubli. Ce blanc. Sur fond bleu. Silence. Plus rien. A plus dun titre. Et toi ? Pas mieux.
La douceur de lair. La lumière laisse encore à désirer, pour le reste comment ne pas se sentir plus léger ? Cest la question du rythme qui revient obsessionnel. Pour lui, apparemment, plutôt le dimanche. Le monde ouvert dans les mots et leur rythme le plus précis jusquaux détails. Il fait doux décidément très doux. Des ébauches de beau temps. Image et son pour sempêcher du travail décrire. Marcher avec les mots là où on ne devrait pas les écrire ni même les dire. Tout se mêle. Surprise du ciel lavé de toutes ces pluies récentes. Brouhahas doiseaux. Activités de printemps.
Un courrier. Poursuivre, développer le site. Je recherche des informations sur la personne qui vient de mécrire. Ses ambitions. Je découvre indirectement que le service deviendra publicitaire. Logique. Comment pourrais-je men étonner ? Pourtant ça métonne. Une phrase en passant retient mon attention. Lévolution normale. Rien de grave, mais cela suffit à me motiver pour chercher comprendre comment cela fonctionne. Jai déjà essayé. Je navais pas réussi. Là, la motivation, je ne sais pas. Jy parviens. Ce soir, ça marche. Après le fiasco informatique de la veille, les circonstances mamusent. Ce nest quun début bien sûr. Le plus dur venir.
Leffet hypnotique de la surface chatoyante et scintillante de leau au soleil. Lisolant de tout contexte afin de neutraliser la signification propre au texte inscrit. Une choucroute, un jour comme celui-ci, je nen mangerais pas, par contre un couscous le 14 Juillet sans problème. Beau comme la rencontre fortuite dune référence littéraire et du monde de lart. Ses gigantesques enchevêtrements tourbillonnant gracieusement dans les airs malgré leur poids réel. Défier les sens. Perception sensorielle dans les conditions disolement physique. On dit souvent que certaines histoires ne peuvent être racontées et quil faut les avoir vécues pour bénéficier de lexpérience quelles peuvent apporter. Nous la montrer réellement. Les perspectives changent. La lumière comme matériau. Elle nous entoure constamment. La paroi semble flotter au fond de la pièce. Une femme immobile dans la salle 8. Je ne sais pas ce quelle regarde, les yeux dans le vide, tout près de moi, je sens son parfum. Une colonne dair. Les deux registres dimages se télescopent avec violence et forcent lattention. Ne pas vouloir voir les atrocités perpétrées et continuer à vivre avec insouciance en profitant de la société de consommation.
Je lui ai dit que je ne voulais pas marrêter, écrire sans arrêt, toujours et nuit, partout. Mais ce nest pas une fuite en avant. Javance mon rythme. Limpression de foncer, en fait cest assez troublant. Deux temps trois mouvements. Au début on ne sen rend pas compte, toujours dans cette activité débordante, on écrit avec au moins limpression de laisser des traces derrière soi comme autant de jalons. La vitesse pour devenir visible, pas le contraire. On avance pour apparaître. Faire surface plutôt que faire date. On y travaille chaque jour pourtant. Certains chaos nous troublent parfois plus que dautres. La réponse quon nattendait plus vient point. Rencontre inattendue. Ici, trop tard ne veut plus rien dire. On oublie parfois ce que lon écrit. Sa portée. Mais on est lu, entre les lignes.
Le hasard dabord. En effet le presque est toujours troublant. Cible écrite. On na encore rien vu. Arrêter le temps dans les marges de ce quon écrit. Chaque matin, heure fixe, avant de refermer derrière lui la porte dentrée, être déjà loin dici, là-bas, dans son autre vie. Et moi, je mélance au-dedans avec la même impatience. La même chose de façon un peu différente. Que chacun garde son indépendance, sans pouvoir, malgré tout, se séparer. Ce nest pas les préalables, ce nest pas lultimatum. Restituer ce que jéprouve comme des évanouissements sonores. Une inquiétante étrangeté sempare des éléments les plus anodins. Sensation, mouvement, son. La philosophie, on ne devrait lécrire quen poèmes.
Ce qui ne respire plus pour faire apparaître ce qui nexistait pas. Pour sen sortir, rompre avec le noir et limmobilité, les empêcher de faire leur cinéma. Avalanche de clichés, proliferation of images that we must pass through every day, in open daylight, devenir comme limage, faire semblant césure, hiatus, inversion. Dans une absence de soi, un lieu de veille où rester à la fois invisible et à laffût. Se dédoubler pour échapper au sens, ce caractère de fausset du roman qui met mal à laise. Le spectacle est everywhere partout you feel it outside too. La réalité des images mintéressent plus que limage de la réalité, dit-il. Jouer son jeu, des images sous les images, un reste dhypothèses, cest une ligne de fuite. Mettre en évidence (ou en doute ?) ce quil y a entre les deux mon coeur balance, ouvrir limage à un travail du regard. La différence entre un fou et moi, cest que je ne suis pas moi, dit-il.
Surprise, je ne mattendais pas à la voir, elle est là, debout devant moi. Je lui souris. Elle me demande comment ça va. Je réponds que ça va. Ma réponse, sans doute un peu hésitante, voix traînante, troublée par sa présence inattendue. Elle repose sa question, la reformule dans lurgence. Elle fait ça très bien, ça va vraiment ? Elle insiste un peu, inclinant légèrement sa tête, presque soucieuse. Son attention me touche. Jessaye de la retenir comme je peux. La regarder tout en lui parlant. Son regard me fixer. Son regard noir sous mes bruits à propos. Léger sourire une esquisse. Surprise.
Je nai pas pour ambition de faire école. A chaque fois que jécris un morceau, jai limpression de revenir aux sources, la matière. Tout ça dessine un univers où je peux mentendre. La créativité est un acte, un rebond sur les choses quelles quelles soient. La principale violence est celle des non-dits glissés entre des phrases dune profonde banalité. Cest mon vocabulaire qui ma fait ça. Marcher deux heures durant, faire le tour de la ville, comme on dit dune question, cette ville quon ne connaît pas finalement, la découvrir au fil des pas. La forme quelle dessine sur la carte. Des ombres dans les plis dune prose très maîtrisée. La tentation mortifère du spectacle et de lanecdote. Suites de poèmes organisés en lignes de fuite. Souvent le découpage prenait plus de temps que la lecture.
AVRIL
Je voudrais ne pas avoir besoin de. Je mexcuse dêtre un peu loin depuis quelques jours. Je me sens un peu loin de moi-même dailleurs. Laisser retomber un peu laction fait remonter des doutes. Je voudrais que tu te jettes dans mes bras, pas de sexe pourquoi, compartimentation, mais justement, cest de cela quil sagit. Nous sommes devenus des amants fabuleux, je crois, difficile de dire que je ne prends pas mon pied chaque fois, mais, merde est ce juste un truc de fille, davoir juste envie parfois de câlins. Parce que oui jai parfois limpression de nêtre quun objet sexuel, doux jouet fort et excitant, et quentre deux rien, alors que juste un énorme besoin de bras rassurants. Suis-je une enfant débile ? Ne peux-tu pas accepter dêtre un peu ce qui me manque ? Tu me vois arriver avec mes gros sabots et ma psy à 2 balles, mais oui le manque est là, béance et deuil qui nen finit pas bien sûr il faut passer à autre chose mais parfois cest plus fort que tout, et je voudrais que tu lacceptes, il ne suffit pas de mettre les choses de côté, mes souffrances je les cristallise là-dessus, et toi ? cest pas chacun sa merde. Mes peurs. Manque cruel de tes bras autour de moi en ce moment. Je ne parle pas de sexe. Juste de cette tendresse que je ne sais jamais comment te demander. Parfois limpression de te déranger. Mes vieux démons qui reviennent. La vraie vie quoi... Je voudrais ne pas avoir besoin de. Je voudrais réveiller chez toi un instinct qui peut-être nexiste pas, je ne sais pas comment faire, jen sais rien moi les mots ont lair de prendre toute la place ou de remplacer ce qui me fait défaut, mais je voudrais ne pas avoir te le dire, te lécrire, je voudrais tes bras autour de moi, ne pas verser mes larmes sur ce clavier, je voudrais être dans tes bras là tout de suite maintenant mais je ne veux pas te le demander. «Attire-moi à toi». Je voudrais ne pas avoir besoin de. Je voudrais pouvoir prendre une pose, freiner des quatre fers, jeter tout. Jaimerais lire tu mattires ou tu es attirante, que tu te mouilles, ne pas avoir à faire le premier pas, je veux juste être près de toi, ne te méprends pas, je sais que tu es acteur de notre couple, juste envie dautre chose, de plus de chose, je ne te fais pas une scène, je veux juste te dire mon besoin. Je taime. Je voudrais ne pas avoir besoin de te dire tu mattires, tu es attirante et pourtant cest vrai que. Je voudrais ne pas avoir besoin de. Mais je taime et jen ai besoin.
Mais dabord, et immédiatement dès le début de la semaine, nous ferons tout pour ouvrir un dialogue. Chaque bien réel est unique et ne peut être consommé quune fois. Les économistes parlent dans ce cas de bien rival. Quest-ce qui loriente ? Une thèse. Laquelle ? « Servir de fusible » et non de « béquilles. » On peut se retourner pour voir la direction doù nous sont venus. Lécriture est un traitement du réel entendu ici comme lexclu défini du sens, comme ce qui se rencontre comme inassimilable. Le réel, cest limpossible. Prendre le couloir sur la droite et au fond du couloir à gauche. Ce réel est cause. Il lexprime trop longuement avec son ancien sens de part moins lautre. Nous ne nous sommes pas fixé de calendrier, nous irons le plus vite possible, mais la priorité, cest dabord de renouer cet échange. Non, un peu, enfin tu comprends. Il ny a pas de mise au point.
Toujours la même histoire, dans laffolement de lannonce. Le coup de fil, toujours ainsi. Puis les coups de fils en écho, comme une réponse. Les démarches administratives. Dérisoire et en même temps cest tout ce qui nous reste et raccroche au présent. Pour ne pas parler du passé. Viendra plus tard lévocation du bon vieux temps. Le film enfin commuté. Séteindre doucement samedi, perdant pied peu à peu, sa conscience du réel sestompant. Il y a ceux qui prennent les choses en main, façon doublier le poids de cet instant. La voix chevrote. Cest difficile. On ne sait que faire. Il faudra faire avec. Premiers signes de perte de conscience. Mais il ouvrait les yeux lorsque lon sadressait lui. Il faut penser à tout le monde, noublier personne. Révisions généalogiques. Cest qui ça ? Chapelet de prénoms. Jai appelé Pierre... Mécanique familiale. Les liens se resserrent face la dureté de linstant. De labsence. Parfois, cest comme sil se reposait les yeux fermés, mais quand on lui parle, il les rouvre. Moi, cest le silence. Faute de mieux on se jette dans une activité anecdotique ou puérile. On laisse des messages sur des boîtes vocales. Là, cest une recherche documentaire sur Claude François. Cest la même, même chanson, mais la différence cest que toi tu nes pas là...
Ils étaient dans un train : beaucoup. Lun vit un cheval dans un champ enneigé, masse sombre, large, mais chacun sait bien de quoi je veux parler. Simplement, il y avait là quelque chose de profondément désespérant : cette solitude là-bas et eux qui riaient qui chantaient, la jeunesse. Tout ceci en une langue étrangère dont lui ne parvenait pas à retrouver lorigine : encore une perte de réalité. Dans un train ? Qui se soucie peu de sa légende. Je vois ses maisons de campagne, ses laboratoires de plaisir, ses bagages à main, ses rues, ses pièges, ses divertissements. Toute la journée cette idée en tête. Demain que faire ? Avec elles, demain, que faire ? Je ny arrive pas. Défile dans ma tête, tourne à vide. Nuit. De nouveau le jour. Le noir encore : non. Ce furent des gares, des aiguillages puis un tunnel. Lample musique du rail.
La fraîcheur des framboises, leur rondeur charnue fondant dans la bouche comme des baisers chauds. Ses lèvres aussi douces.Lodeur sirupeuse des jacinthes blanches, les chants échevelés des filles, en choeur leur écho, les rires impromptus pour oui, pour, un non pour un rien encore une fois, lherbe encore humide. Ce repas improvisé au soleil, les passants et les flâneurs dominicaux, de plus en plus nombreux que je ne vois pas pour une fois, je les ignore invisibles. Nos pas dans le parc, le granuleux dune glace à lItalienne, la chaleur qui se concentre sur le noir tissu de mon pantalon, un léger endormissement, entre-deux, ici là-bas, je ne sais plus, cette longue nomenclature de petits riens ensoleillés.
Impossible den sortir, de trouver lissue. Tourne, tourne dans ma tête. Ce qui nous guide est la composition, la surimpression, la bribe. Et presque la difficulté dy pénétrer. Son aptitude comme sa nécessité à créer du territoire, de la distance et des repères. Des mondes et donc du réel. Létrangeté, à la fois proche et lointaine. Les zébrures du tigre comme une cartographie divine et mystérieuse. Une expérience de laltérité. Dans cette rencontre un autre monde apparaît qui vient se superposer au nôtre et lébranle dans ses repères. Cest ce qui arrive dans les légendes. Tu neffaces pas un espace, tu ne le nies pas. Dernier jour. Elle séloigne, hésite, chancelle légèrement et se tourne vers moi les yeux embués de larmes. Elle pleure sur place. Je me lève. Jai limpression dêtre punie. Il fait des figures. La prendre dans mes bras pour la consoler. Plaisanteries pour masquer la gêne, à bras raccourcis. Là on est déjà vraiment dans le jeu. Tout a son rythme. Bref que des étincelles.
Aspirant une bouffée du parfum des tilleuls en pleine floraison, il se rappela avec nostalgie la cour de lécole de sa petite ville où ils touchaient lécorce dun tilleul en jouant à chat perché. Le déplacement nest pas moins suggestif dans un sens que dans lautre. Des enchaînements immédiats. comme le rêve, le dessin de la boîte de construction qui sert de lieu demprunt à lélaboration du rêve ou du dessin, lexpérience ressurgit ainsi en fragments recomposés, soumis à des effets de fusions, de déplacements : dissociation des contours et des surfaces, formation dimages composites dont les éléments sont empruntés à des strates de mémoire plus ou moins enfouies. Disparate et flottante. Cest le Hetzen de lenfance (action de courir après, de poursuivre, dexciter à laquelle les enfants se prêtent avec une joie mêlée de terreur) que reproduisent tous ces rêves de vol, de chute ou de vertige ; mais le sentiment de plaisir sest transformé en angoisse.
Cigare en bouche, je défie mes bourreaux. Dans lattente que ça commence, vous pouvez le mettre en forme comme bon vous semble. On a dun côté le phrasé du poème, léconomie des mots, un travail resserré sur la langue et de lautre non pas un commentaire mais plutôt des débordements du lapsus, le verbe décolleter dans sa lecture sur scène. Doù une difficulté commune. Comme une affaire de voile. En cours décriture. Monologues collectifs. Du monde du travail, le texte pris au sens large du terme. Dictionnaire des idées reçues de lépoque. Dispositifs à proses qui peut, condensés de parole donc un peu pour voir, quon a pu entendre ou lire, restituées telles quelles ou remisées, remontées à la surface du jour, une langue propre à chaque monologue avec ses caractéristiques. Je suis preneur. Je prends son texte à bras le corps, lidée de son texte. Je prends le son, lenregistre, en fait non, machine éteinte, mémoire précaire. Je prends la fuite à la fin. Collections de mots à faire peur, sous les lumières requises. Faire le point, seul de son côté. Toucher un mot, sensible. Restituer les mots manquants, pour mieux les désarçonner. Ce que lon fait ensemble. Mais juste pour samuser. Consultez le programme. Mais on peut toujours se lenfoncer sur la tête et imaginer quil fait nuit, cest une autre possibilité. De vous à moi, mais si.
Quallons-nous devenir ? « Lhégémonie du personnage décidera des pas de danse et des leurres. Lagencement du récit en dépend, son trajet. » Mais quallons-nous deviner ?
Dansons devant lusine. Pas de travail pour nous. Les mauvaises herbes et ces jardins spontanés qui apparaissent dans les terrains vagues. Regard à lécart du beau paysage, une plus grande disponibilité des sens, loin des chemins tracés davance. Nouveau : le plaisir de sucer. Il a affirmé quil tirerait les conséquences qui simposent. Il a assuré quil serait toujours là au rendez-vous des actes. Dans la fraîche ébullition du flux apparaissent, tournoient et sévanouissent, des pétales de roses roses. Fugacité et dilatation du temps et de lespace. Fugit tempus. Yen a peut-être en Chine, mais ce nest pas pour nous. Vous en appelez à la responsabilité. Cest bien le rendez-vous que nous avons. Ce nest pas un rendez-vous des mots, cest un rendez-vous des actes et à ce rendez-vous, je serai toujours là. Apollinaire disait quil y a dans un poème des phrases qui ne semblent pas avoir été créées, qui semblent sêtre formées. Le premier contact, la précarité, la collecte, les lieux communs, larrivée, les récurrences, les cheveux courts. Je suis daccord avec lui. Il faut couper les tiges des Héliotropes.
Jarrête le temps par envie de faire corps avec lhistoire. Son écriture gagne infiniment à être mise en bouche mâche scande halète ânonne profère, faire corps avec lhistoire. Jarrête le temps et gagne infiniment en bouche. Dans ces lieux panoptiques, la mondanité excite lintimité. Les murs sont patinés, vieillis, avec une délicatesse pleine de mensonge. Mâche, scande, halète, ânonne, profère. Son écriture, par envie, avec lhistoire, profère infiniment.
Quy a-t-il dans un nom ? Tout est recherché, découvert, cité, utilisé, produit, construit, présenté. Cest ce que nous nous demandons quand nous sommes enfants en écrivant ce nom quon nous dit être le nôtre. Accents, badinage, escale, flamboyant, hôte, kaléidoscope, masques, outre ciel, soif, tresser. Bifurcation pour une MANIF SAUVAGE. Pour être ensuite anéanti dans un rire sarcastique et des cris de douleur. Une étoile, une étoile diurne, un astre météore à sa naissance. Seul en plein jour dans les cieux, plus que la nuit ne brille, et la nuit brillait au-dessus, la constellation penchée qui signe son initiale sur la page des étoiles. Si vous souhaitez sortir des rangs et participer à une manifestation sauvage. Une mélodie ténue dun violon jouée par un musicien ensommeillé, oublié dans une maison incendiée. Primavera. Tenez-vous prêts.
Au moment de sendormir, se blottir contre soi, si, si, la tête sur loreiller, au creux de ses moindres plis, le visage à plat cherchant sa forme idéale, creusant son trou danimal fatigué, la chaleur des draps petit à petit, et toi mes côtés. Un, deux, trois : soleil. Ce jeu de mon enfance, les filles y jouent parfois cela mamuse, débutantes. Faire le moins de bruit possible. Sapprocher de lautre en silence. Dans son dos. A la fois pressé et calme, maître de soi, pour ne pas attirer son attention. Un, deux, trois... Jusquà le toucher. Mon sommeil. Mon soleil.
Au travail de son père la fillette. Un dessin sur ce quil fait. Un missile tombe sur une ville, des maisons, des enfants. Mais non je vais créer la puce dun microprocesseur. Les moyens de résoudre des problèmes multiséculaires, vieillissement, maladie, pauvreté. Soigner nos os, muscles, artères et cellules malades ou vieillissantes, et donc atteindre limmortalité. Et donc... Raccourci tendancieux. Vivez encore un peu et vous vivrez toujours. Mauvais rêves. Mais demain est un nouveau jour. Sera. De plus, le progrès est contagieux. Nous penserons plus vite, nous reconnaîtrons les choses beaucoup plus vite. Fascinant et effrayant à la fois. Le cerveau humain continuera à vivre dans lordinateur, et lintelligence artificielle dans lêtre humain. Mais linformation nest pas éternelle. Elle vit tant quelle est pertinente et importante. Loubli a du bon. Le passé était, est, aujourdhui. Copier le software du vivant, les mécanismes de la pensée. Travailler à lélaboration doutils capables de produire une technologie qui pourrait se substituer à notre espèce. Révélation tardive. Ce qui est maintenant, est, sera, alors demain comme maintenant était le passé, hier. Conséquence : nous parlons aux machines et les machines nous parlent. Faire de lhomme une espèce en danger. Tout ce qui peut dysfonctionner, dysfonctionnera. Toujours.
Même endroit, même heure, le train file à gauche, à droite, défilé du paysage en formes floues, de travers, juste quelques repères, quelques accidents de parcours dans ma mémoire, on avance on avance, lecture décousue des titres dactualité en filigrane légendes sous photographies, titre en gras, le même trajet tous les jours sous une lumière seule changeante. Transport en commun, rarement en bonne compagne. Je la regarde à la dérobée, traduction simultanée, jenlève sa robe. Un jeune kurde remonte systématiquement le train, son sourire fatigué il tend sans enthousiasme, ni conviction, une hypothétique pétition, la signer pour quelle cause je nen sais rien. Un temps suspendu. Ma respiration sarrête. Le train roule au-dessus de la Seine, séchappe en roue libre jusquà la gare, tout le monde descend.
Jy reviendrai. Dans une apparence dinnocence. Pourtant, il se donne à lhypocrisie. Son art est fait pour nos plaisirs et non pour nos besoins. Comme une suite de mots lumineux et diversement colorés. Ampoules dencre et bulles de savon. Prose du besoin dans le plaisir fait là à des bulles fleuries, des brillants de verre, par lenteur laconique. Il faut que chaque mot y tienne lesprit suspendu. Un charme : lâme attentive, captive. Une surprise, tout à coup un mot vulgaire devenu si beau, un mot usé devenu nouveau. Lillumination et lharmonie. Un souffle qui enfle les mots, les rend légers et leur donne de la couleur. Faire voltiger les mots. Cest laffaire. Le tendre a un fond dapparence ferme. Lesprit est vif, il veut atteindre. On les voit devant soi, les yeux semblent les lire dans lespace. Peindre ce quon ne peut voir, des éclats notés, des éclats déclats, étincelles de la flamme qui vient.
Il faut que cela change. Parfois jusquà la catastrophe. Toujours négocier avec soi. Cest dautant plus dommage. Donc même certains moments de la journée. Lexpérience de léchec. Ce nest plus possible. Ce sentiment de vide. Cest celui des désastres promis. Rien de commun avec elles. Malaxer la matière première. Faîtes passer de suivre. Tout est à faire. Ce nest pas fini. Former une image complète. Ce nest pas fini. Ce soir au creux de ma main. Un temps suspendu. Pour refaire surface. Respirer lair libre. Les yeux briller. Reprendre son souffle. Te retrouver.
Transformer les sons. Dans tous les sens. Toute la journée enfermé. Dans les sons. Pour la version des textes, la version sonore a été jouée et elle a été dactylographiée en même tant quelle a été jouée. Sans faire une pause. Les erreurs de dactylographie nont pas été corrigées. Le processus a été répété deux fois. Une voix parle par la voix dune autre personne. De rien en particulier, de tout et de rien. Cest indescriptible. Je suis en train de parler à travers une autre voix, elle est incontrôlable, je pensais toujours que parler serait comme un éclair, comme parler serait traduire, accélérer. Répéter seulement ce que la première voix indique, mais naturellement cela ne fonctionne pas toujours, pas tout à fait, la cohésion nest pas parfaite. La deuxième voix réagit à ce quelle entend pendant quelle le répète. Parfois elle perd la voie des mots, parfois elle commence à rire, parfois elle ne comprend pas. En tirer leçon.
Dabord il y a sa voix. Sur lécran le noir. Souvent ainsi au début, le noir se fait, faire le vide des images extérieures. Voir à nouveau. Mais là, le noir est toujours là alors quelle nous raconte lhistoire de cet appareil photo. Un vieil appareil de son père. Elle va voir un photographe. Il sempare de lappareil, lui apprend à sen servir. Elle se souvient de son père et de cet appareil. Il le posait et cétait ceux quil voulait photographier qui devait se déplacer en fonction de son cadre. Elle évoque son incapacité à tout ce qui était technique. Elle lâche la vie aussi. Et là, le photographe lui montre comment ouvrir ce vieil appareil, ce nest pas si facile et là, elle voit quil y a un film lintérieur, les dernières photos de son père, cinquante ans plus tôt. Révélation au moment où tout sefface. Un instant déternité. Dans le noir, la lumière dune voix nous aveugle.
Ce soir à table je dis jai travaillé sur le journal toute la journée. Incompréhension passagère. Je pensais au journal de la médiathèque. En même temps, on peut le comprendre ; cest la loi du marché : tout ce qui est rare est précieux, tout ce qui est courant est dévalué. Entre lenvol et la chute. Droit aux réalités, cest-à-dire à la possession. Plus de romans. Les mots pour lachever. Un titre qui nest pas un hasard. Laction est une enquête qui roule sur une série dindices. Et puis il y a cette phrase si caractéristique. Ses figures, les fouilles, elle donne de lépaisseur. Jeté là en passant comme un souvenir de hasard, ces fantômes du temps passé, devant lesquels toute réalité présente pâlit et sefface. En fait, le mot reporter a sa préférence entre les deux. Ce regard attentif et, dans létape suivante, celle de lécriture. Dans le désordre du calendrier.
Je sais déjà ce que je vais trouver dans ce livre et pourtant je vais lacheter. Le libraire a besoin de son ordinateur pour le repérer dans les étagères «Litt. Fran.» Aussi vite fait sur le réseau. Je louvre en marchant sous le soleil, le vent frissonne dans les feuilles des arbres de la Place de la République, fébrile en même temps. Un sentiment de proximité avec lauteur, en dehors même de ses écrits que je connais assez mal. Confirmation. Ce que jattendais. « La fiction, en tuant la réalité, crée une fiction à partir de la réalité quelle a tuée. » Le livre souvre en son centre, pliure naturelle, un signet de papier glacé : LE SANG DU TEMPS. Deux intrigues sans rapport apparent, et pourtant liées de manière inextricable. Entre un Nom de la rose moderne et un Seven historique, un thriller envoûtant, avec un dénouement où vous vous trouverez impliqués malgré vous ! Ce nest pas parce que je sais ce que je vais y trouver que ce livre ne va pas me surprendre. En fait, je sais ce que je veux y trouver et il sy trouvera. Et je my retrouverais : Pas Billy the Kid.
La tiédeur parfumée nous caresse la peau, entre dans la poitrine, semble pénétrer au coeur lui-même. Il nous vient des désirs vagues de bonheurs indéfinis, des envies de courir, daller au hasard, de chercher aventures, de boire du printemps. Une notification va alors être envoyée à votre correspondant pour lui indiquer la présence dun message dans le futur de votre part. Alouette des champs, chardonneret, fauvette à tête noire, fauvette des jardins, grive draine, grive musicienne, loriot, merle noir, mésange charbonnière, pinson des arbres, pouillot fitis, rossignol philomèle, rouge-gorge, rouge-queue à front blanc, sitelle torchepot, traquet tarier. Puis, le message sera crypté et stocké sur le réseau jusquà sa date déchéance.
Et il murmura, que lon me photographie ! Je me souviens (et cest assez important pour les événements qui seront relatés par la suite) que le sentiment dominant en moi était celui de vacuité. Un fragment de joue et un morceau de nuque. Je clignais les yeux. A y regarder de près, cela paraissait curieux. Nous échangeâmes encore quelques mots. Elles étaient prodigieuses, les espérances - les perspectives. « En fait » - mot génial ! On peut même dire tout et tout faire dire avec. Mot magique qui obscurcit tout. Ce qui équivalait dire : Je parle pour parler.
Ecarter de soi les dangers de la vie qui est sauvage, la parole aussi. Des exemples brefs de discours, aux différences de ton plus ou moins marquées. La parole comparée à lécriture, poursuivre au gré des chances lécriture qui peut servir à apprivoiser, ou au moins à tenter de le faire, la parole et la vie. Le chemin court au ras du corps la ramener comme titre de bonté à la source de tout mal puis au régime infrangible des aigles, par-delà chaque tentation de retour ou convention de la craie. Cette phrase sinsinue, serpentine. Utiliser des enregistrements de conversations comme matériau musical. La perdre la retrouver. Autant vous paraissez inébranlable, autant un rien peut heurter votre sensibilité et vous fragiliser. Et le pas qui résonne et va réveiller la ville juste assez de temps pour quelle apprenne son sort.
Ce soir, cest sous ce noir jeu que je tremble déjà dexcitation, dattente et des mots démotion, censure aucune, lidée de mes mains sur tes seins, tes mains sur mes seins, sur les tiens aussi, les caressant, jusquà la pointe, petite bille entre les doigts, mes mains tenant maintenant, ceinturant, ta langue baisant ma bouche à ma bouche bée béante, où monte le désir, mon corps tendu du désir, du temps, prendre son temps, sans simpatienter, mon corps, mon coeur tendu, bandant comme un arc sous tes doigts agités, agiles, le jour la nuit, suivez la flèche, la bonne direction, sens dessus dessous. Ton corps contre le mien, tes mains sur mes fesses, leurs méfaits en traces rouges, sûrement lattente, la retenue, la tentation daller plus loin. Mes lèvres, livre ouvert, mais lève-toi, se crispent de désir. On entend bien le bruit dans ce mot-là. Se dressent de saisir, et je sens ta peau chaude, douce et tiède poche, mes mains massent ton cuir chevelu, à rebrousse-poil. Ma langue chatouille ton oreille, méchante te mordille le lobe, mais chante à mon oreille humide, je te lèche ma douce mélopée, sans biaiser ni te lâcher une seconde, tu me baises, balise mobile, garde rapproche, baisse ta garde, mobilise tous mes sens, tu toi, genou, prends ton temps donc, prends mon cul, prends-moi, envie de toi, en vie avec toi. Branle bas de combat. Sans pause. Simpose entre prose et poésie.
Tout est dans la tête. Vous déployez une énergie folle pour que vos affaires prospèrent. Qui dit le mieux où nous en sommes, exprime la complexité de notre présent. Après tout, le tableau ne demande pas à celui qui le regarde : et toi, quest-ce que tu signifies ? Entre tentatives de reconstruction du passé, apparitions, disparitions et perturbation du temps, on pourrait dire une histoire de fantômes. Peut-être y-a-t-il des moments où nous glissons dans une autre réalité, sans pouvoir en reconnaître la vérité. Cest aussi une tentative de parler de ces moments là, impalpables, troublants et remplis dune inquiétante étrangeté. Compositions faites de sons, de rythmes, et dinfinies répétitions. Parler de gens pris dans la fiction. Celle-ci a fini par être tellement forte que chacun rêve de devenir un personnage. Le personnage quon ne voit jamais, au volant de sa voiture, sadresse à une héroïne, une femme quil a peut-être inventée quand il était petit. On en consomme parce quelle nous protège. Elle nous explique le monde et notre propre existence. Mais, en même temps, elle narrête pas de nous expulser. Par ici la sortie. Vous aviez vraiment besoin de ce sursaut de dynamisme.
Trouver la distance à son sujet, terrorisme, guerre civile, guerre, dictature, catastrophe, diplomatie, politique, économie politique, agriculture, manifestation, religion, people. Linformation est subjective, elle oublie le reste du monde et perd peu à peu ses racines. Elle devient jetable et efface ses ramifications. Une compagnie aérienne recrute des hôtesses de petite taille adaptée au volume de ses avions. Vie sociale, vie locale, transport, accident, médias, justice, homicide, suicide, viol, pédophilie, drogue, vol, folie, économie, entreprise, bourse, science, technologie. Larmée souhaite mettre en place un dispositif découte des océans qui couvre la totalité de la surface du globe. Annonce immobilière, annonce de décès, annonce de naissance, offre demploi, météo, sport. Phrases courtes, émotions contenues, dans une langue directe sobre et efficace. Ces courts récits de vie dressent un panorama de la difficulté dêtre ensemble et de limpossibilité dêtre seul. Littérature, art, musique, théâtre, danse, cinéma, télévision.
La vraie vie réside dans ce perpétuel mouvement de basculement qui la génère. Au-dessus du bureau dans cette tension fébrile, le geste méticuleux, maniaque, trois fois de suite vérifier ladresse. Mettre sous pli. Noter le nom de lexpéditeur au dos de lenveloppe en cas de retour à lenvoyeur. Ce processus est dune rapidité extrême. A peine la présence se manifeste-t-elle, que la matrice qui la produite a disparu, est déjà dans son dos. Le caractère hybride, phagocyteur de la prose et du lexique, où se télescopent images et motifs médiatiques, faits, éléments de récits, et quun style libre mais rigoureux, parataxique, garde en mouvement constant, toujours sur le point de sassembler en histoires, et créant de mini tableaux de sens, très rythmiques. La vie nest donc là que pour mémoire. Elle est comme une étoile. Quand nous lapercevons, elle est déjà morte depuis longtemps. Mais, dans lun et lautre cas, linstant où elle naît, elle est phénomène de rupture. Une expression courante nous le fait vivement sentir : faire date, ce nest pas intervenir passivement dans la chronologie, cest brusquer le moment. La vie, la vraie. Noir de monde.
Regarde la vie qui passe sous les échafaudages. Arpenteur curieux, attaché aux détails. Fouille le réel à hauteur dépaule. En dehors de chez moi.
Tout commence par une surprise. Puis cest le calme jusquen fin daprès-midi. Où là, tout saccélère. Les demandes affluent en tous sens. Je suis seul et en même temps jamais aussi entouré, encerclé, je devrais dire. Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais. Cest étrange, en dormant ce matin. On transformait lespace en cuisine dans laquelle on faisait des pâtisseries. On samusait aussi. Une fois passé leffet de surprise, et les désagréments qui y sont liés, tout ce quon a prévu tombe soudain à leau, larguer les amarres, partir en vacances, alors tant mieux. Soulagement. Tout va mieux, un poids en moins. Eclat de rire, message à double sens, dun excès salutaire. Dehors le ciel est noir. Orage passager qui nettoie tout sur son passage. Et, en un instant, plus rien nest tout à fait pareil. Patatra tout se précipite. Sollicitations déplacées, revendications illégitimes, phrases définitives. Sur le point de partir. Au fait ta quoi ? Chez ma cousine, quelle malchance. Et la mer elle est bonne ?
Retour en arrière, cest étrange, ce regard dans le rétroviseur. Tous ces livres lus, quelques notes pour sen souvenir. On nimagine pas le lien entre ces livres, et pourtant y revenir, cela saute aux yeux, une évidence. Poésie, la voix, le réel. Mots de passe et passe-partout. Le temps se concentre dans son réduit. Ce qui est vieux de trois ans nous paraît si proche, net et si précis, coincé dans notre souvenir. En même temps on ny pensait plus.
Détente. Départ. Sur le point de. A mi-chemin. Un crochet par Pacy. On sarrête voir un couple damis. Sur le bord de la route. Petit détours. Nous voilà arrivés. On approche du but, à quelques encablures. Et puis soudain une phrase sibylline. La surprise est si intense, on en reste sans voix, aucune réaction. On imagine ce qui va suivre. Le film de la suite. Mais dans limmédiat que faire ? On ne sait pas. Arrivée à mi-chemin, on ralentit lallure. Rebrousser chemin ? Si près du but comment faire ? La voiture avance désormais en roue libre. Glisse littéralement. Décélération progressive avant le passage au péage. Finalement on décide de tout dire, davouer cet oubli. On verra bien leur réaction. En fait cest tout vu. Je reprends donc la voiture avec Lionel quelques minutes plus tard, et refais le chemin en sens inverse. Il parle tout au long du trajet. De ses projets. Je lécoute attentivement, sur le parcours, toutes les images me reviennent en mémoire. Ponts, bâtiments, champs, panneaux de signalisation, routes adjacentes. Au fur et à mesure. Sentiment de déjà-vu. Quand jarrive devant limmeuble, peur passagère, je ne retrouve plus les clés de la maison, les clés, ce que je suis précisément venu chercher ici.
« Rébus : quand par hasard on regarde par la fenêtre, on voit une silhouette sans savoir ce quelle signifie ; ce matin, par exemple, il y avait une rayure claire sur le parasol vert foncé ; dabord je pensai quon avait, comme cétait déjà arrivé, laissé tomber quelque chose des étages supérieurs - or ce nétait que le vent (enfin je trouvai ce que cétait) qui, durant la nuit, sous la pluie, avait retourné un endroit les franges du parasol : elles avaient laissé une marque claire sur le tissu mouillé : recueil de tous les rébus de la journée. »
Ce matin par exemple, traîner au lit, si rare. Le bleu du ciel adoucit la lumière de ce début de journée. Dans laprès-midi, mettre certains aspects répétitifs de ce bloc-notes entre parenthèse : les reflets du soleil sur le canal, un petit air frais sur le relief de mon visage, un cigarillo, un café amer souhait, la lecture en diagonale du Libération, puis retrouver les filles et Caroline au petit jardin où Alice sest cassé la dent, comme elles se plaisent le nommer. Des rires, de la complicité, des efforts, du plaisir, des blessures, des pleurs, de lespoir, de la nostalgie, de lamour. En un instant retenu au-dessus du précipice.
Le hasard nous paraît beau, car nous discernons en lui comme un commencement dorganisation, deffort, pour composer notre vie. Ce serait. Dans linertie de la face, tournée vers la nuit comme un veilleur, la distribution des lignes et des masses sculpte un chiffre nouveau dombre. Pire non davantage ni moins. Et pour cause, coup gagnant à ce jeu, sens favorable, la possibilité dêtre heureux ou malheureux, dans les jeux comme ailleurs. Mais autant indifféremment. Ici ou là, à des échelles de grandeur et à des distances variables, dans ce temps rapide et lent de la nuit qui a envahi la ville et la campagne, ces silhouettes indécises et tant dautres sagitent, de secrets terribles et de désirs illuminants, entourés des fantômes que leur mémoire incarne. Feux de détresse ou feux de hasard. Il y a des chances que personne ny comprenne plus rien. Bref, une nécessité. La semaine prochaine : Passer.
A force despérer vers quelque chose, vers quelquun. Des ciseaux pour couper des images dun film où elles sont en sommeil, clandestines. Ce qui a lieu entre-deux, dans ce raccord. « On appelle ça commuter, le film continue et le spectateur ne saperçoit de rien. » Les images viennent de la fiction du cinéma. Pour couper, cadrer suffit. Les fantômes, venir par lintermédiaire de brèches dans le récit, partir dune fente, construction lente dun rapport soi. « Les espaces négatifs sont les espaces entre les objets, dans une représentation quelconque. »
Lintrigue épaissit au fil des pages, un peu comme une béchamel sur le feu. Sous le sceau du secret et de la nostalgie. Pièce de puzzle, selon notre récit. Le cinéma prolonge cet émerveillement narratif de lenfance. Rien ne se perd, tout se transforme. Mais il a fallu recommencer chercher. A la fin cest toujours pareil, dans les mots qui battent.
Quelques conseils pour mieux visiter. Car il faut de temps en temps regarder les étoiles, y songer, croire en leur existence, en leur permanence céleste, et même si elles ne nous parviennent quéteintes de longtemps, accueillir la mémoire despace et de temps dont elles donnent limage ; et même si cest une vue de lesprit, un mirage, prendre pour réalité leur présence imaginaire. A votre aise, faites une halte aux points aménagés, ils vous permettront de rythmer votre promenade à labri des intempéries. Vous aurez tout loisir dépier, dobserver et de vivre dinoubliables rencontres avec des animaux sauvages. Marcher à la fenêtre et appuyer son front brûlant à la vitre froide pour se réveiller tout à fait. La voiture sur la route, au loin. Sous léclairage crépusculaire, et le vent intermittent qui secouait les arbres dans leur profondeur, cette arrivée prenait une obscure atmosphère dalarme. Certaines espèces ne peuvent être vues que du train. Parcours commenté.
Je ne cherche pas dhistoires. Ce que je cherche cest limmédiateté. Vous cherchez une activité temps choisi ou temps complet depuis votre domicile. Vous êtes sérieux, dynamique, enseignable, ambitieux. Ecoutez la présentation de notre compagnie (coût dune communication locale) Puis contactez pour un entretien un conseiller : LIFES CONTROL. Ne pas jeter sur la voie publique. Pour lheure rien ne filtre. Une écriture très fragmentée dans les moments de nécessité des moments où une vision, une idée, un fait, réclame sa formulation et doivent être exprimés par une forme.
Presque allusif pour toute couverture, lâge et le coeur en parole comme on voudrait combler le vide et ses abords. Sables et miettes parterre, moquette grise tachetée, épaisse couche de poussière, beau duvet, regard au déclin. Lémail rose terni. Se laver les mains nefface rien, simple rumeur aussi. Dessin pour calmer au fond limpatience. Le même oeil fait le vide, temps envahi par tout ce bleu, toutes voiles dehors, ta main repose mes yeux mais toujours antre. Ramasser ces miettes à la fin pour les porter aux oiseaux où se défaire plus. Je suis juste un fil, je te guide par la main pour quelle soit noire. Je taligne en syllabes de silence.
Je les travaille beaucoup comme pour un montage cinématographique, notes comparables à des rushes de cinéma, beaucoup de notes sur un peu tout. Un être qui sadonne à lire, écrire, rêver, est un résistant, qui sarme contre la pensée unique, un être capable de remettre en cause lavenir imposé. Dans un tourbillon didées fixes. Je rumine en rond sans mémoire. Surimpression de plans, tout doucement, prendre son temps. Les deux textes si proches. Deux monologues à distances, leurs textes palimpseste. Je refuse ce monde en ruine parce que je viens juste de naître. Les écouter, ces voix anonymes qui sélèvent et soudain se mêlent. Effet boule de neige, bouche oreille, litanie du jeu. Le début dun dialogue.
Une campagne de prairies en collines molles. Un paysage quadrillé de champs et de bosquets quenvahissait la nuit et que de longs souffles de vent traversaient dans un remuement sombre. Prenez garde, vous jouez un jeu dangereux. A votre âge, on ne change pas de peau. La plus grande audace après tant de complications : être simple. Être simple, plus simple que personne ny avait jamais pensé. Dune simplicité toute neuve. Marchez seul. Faites le contraire de moi. Nécoutez personne. Ses disciples lécoutent tout de même et limitent. En quoi ils ont tort. Le ciel dun bleu de vitrail, un bref vitrage. Sous le grand ciel dégagé où couraient de petits nuages guillerets, hauts portés par le vent douest, vers des terres lointaines, la vastitude de régions et despaces ouverts. La curiosité éphémère des tout-petits. Les titres mêmes de ses pièces, souvent si baroques, attestent ce souci de familiarité. Le compositeur samuse, et il ne sinterdit aucune espèce de divertissement, même la plus grosse calembredaine. Certains silences nous enseignent parfois plus que les paroles. Cabriole desprit, pudeur de ses émotions
Débats oiseux, des mots doiseaux. Vole pas haut. On attend mieux, finalement non. No thanks. Toujours les mêmes échanges. La vérité vraie. La poésie comme ce qui ne peut être traduit. Entendons : le poème parole singulière qui dynamite et dynamise la langue pour inventer la sienne dans le refus de tout ce qui est commun, ou qui relève, disait avant lui Mallarmé, de luniversel reportage. Expérimenter de façon radicale les formes du poème (ponctuation, orthographe, syntaxe) inventant une nouvelle langue dans la langue. Jeux sonores aux limites de la glossolalie. No thanks. Pousser à lextrême le paradoxe de lessence même de la traduction, qui est que seul ce qui ne peut être traduit mérite finalement de lêtre. Tout autre tentative de justification serait inutile, pour ne pas dire indécente. Il ny a pas quune seule voie pour torturer la langue, mettre en crise toute politique de la langue comme linéarité du sens. Chacun la sienne. La vérité est ailleurs.
avec des
rêve
-S
Attendre, sans savoir vraiment ce quon attend, ni ce qui vous attend ; attendre sans même désirer, dans lentière soumission à des choix exercés par dautres, dont on ignore souvent jusquà lidentité. Enlarge your penis, cest leur mot de passe. Je suis désormais dans une zone de rencontre. La façon dont les portes nous emmènent dans la fiction, de lumière très blanche des néons ou sombre des salles de projection, de rythmes et de passages. Un air de chanson est aussi parfois un chiffre, un code. Linconscient des notes. La ritournelle de Trenet. Un voyage qui na pas eu lieu pour son projet qui refuse de faire sens et les idées floues. Féerie autant que cauchemar, une prolifération de ronces. Jouer avec létalement du temps. Des rapports entre réel et récit. Un logiciel vaut mieux quun long discours. Son mystérieux miroir noir qui révèle ce quon ne voit pas, une manière de réenchanter le réel. Pénétrer dans le possible, cest modifier notre regard sur le réel. Pouvons-nous sérieusement en rester là ?
Encore une fois, partir mais sans aller bien loin. Juste à côté de chez soi. Prendre le train dans une direction encore inconnue, on sest juste renseigné la veille pour lheure du train (cest un rendez-vous on ne veut pas arriver en retard). A partir de là, cest laventure, un mot à la mode mais si galvaudé. Paysages déjà vus tant de fois et pourtant exotiques. Simplement parce quon est là pour une autre raison que cet endroit que lon découvre, avec un regard différent donc. Comme un étranger dans la ville.
Je recommence. La longueur du regard dans toutes mes appartenances, indélébile et sombre, se double de silence. En toute lenteur qui vaut pour chaque seconde ce jour à la base, à linfini dun souffle. Je suis à la fenêtre, loeil sur le versant, vient démentir le temps pour que quelquun ose. Il porte le jour qui monte en regard, ombelle de quoi ta main, hautaine dans les creux, les rives à lusure. Plus que brève, cette caresse en route, tout au mutisme qui, tacite, on ne sait quoi, parmi ces fraîcheurs, agite au loin en toute obscurité. Tout reste qui la rattrape. Il ne reste quà traverser. Vie enclose.
Le village de Liaucous est situé à la limite de lAveyron et de la Lozère, à lentrée des Gorges du Tarn, sur le flanc du Causse de Sauveterre. Je viens dexpédier les dernières affaires courantes. Envois de courriers, coups de fil express, rangement de dossiers... Liaucous, du gaulois Lucus, signifie bois sacré. Sur les hauteurs du Causse Méjean et dans les gorges de la Jonte, vous pourrez observer les vautours. Jai mal au dos. Je métire. Plein le dos ? Piètre jeu de mots. Je voudrais partir, y être tout de suite, là, maintenant, en plein air, sur la terrasse. Lire un livre, boire un café, écrire un peu. Souffler. Quant aux Gorges du Tarn, que lon peut descendre en barque ou en canoë, elles jouent la surprise en déployant leurs canyons... Paysages vertigineux, superbes escarpements et corniches découpées. Regarder mes filles, les écouter, serrer ma femme dans mes bras. Arrêter le temps. Du Rozier Ispagnac, le Tarn serpente entre des murailles escarpées et sépare le Causse Méjean du Causse de Sauveterre, offrant de magnifiques promenades à effectuer en empruntant la route de la Corniche ou, au départ de La Malène, des barques à fond plat...
Narrations facétieuses, en attente de superpositions aléatoires. Une nouvelle dimension sur nos murs, portes ou fenêtres, redéfinissant nos espaces et nos trajectoires. Et, à chaque fois avec la brusque sensation dune exploration éblouissante, après laquelle il fallait à mon coeur un bon moment pour revenir de là où il était retombé. Je ferme les yeux. Soleil à peine voilé sous lépaisse couche de nuages. Par ces formes animées réactives à nos moindres mouvements, émettant des sons comme si elles cherchaient à guider nos pas vers leur monde ; nous plongeant dans un univers propre à chacune. Au hasard de manifestations colorées, dans un univers de transparence, une spirale danalogies aléatoires jaillit sans fin. Peu dinstant plus tard et la nuit, plus épaisse encore sous les arbres, et puis derrière la nuit toutes les complicités du silence. Clair-obscur de formes aquatiques, aériennes, évanescentes. On me réveille. Il faut tout ranger dans le jardin. Lheure de partir. Il va pleuvoir.
Derniers préparatifs avant le départ demain matin. Vêtements, slips, chaussettes, chemises, chaussures. Des livres et de quoi travailler. Quelques ateliers en retard. On sait bien que là-bas bien sûr on nouvrira quun livre. « Si on dit quil fait jour, quelques après il fait nuit, et, si on dit quil fait nuit, quelques heures après il fait jour. » On notera peut-être quelques mots sur un vieux carnet, surpris et gêné dy trouver une phrase restée en suspens, on na même pas pris le temps dy mettre un terme, lété dernier. « Rien ne tient, tout bouge. Ca ne vous fatigue pas la fin ? » Les sacs ouverts dans la salle manger, béants, il reste encore de la place. Plus pareil demain. Lappareil photo, lenregistreur numérique, la baladeur, et lordinateur de poche dans mon sac. « Mais il est vrai que vous êtes trop jeune pour comprendre ça, encore que vous nayez quà faire la révision de vos souvenirs et vous sentirez bien vite tout foutre le camp autour de vous, ou avoir foutu le camp. »
Le mot a la même origine que le verbe montrer du doigt, exhibé comme un phénomène, remontrances ou démonstrations daffection. Vous allez voir. Une occasion dêtre dans la poésie dune façon dont je navais aucune idée jusqualors. Jécris des sons, je ne le dirai jamais assez. Jécris à voix basse des sons, ou plutôt jécris sans voix des sons. Lire le texte à haute voix, lire la voix du texte en public, trouver cette voix, ce qui revient à dire : trouver le texte, et linventant, simultanément disparaître en tant quauteur, en tant que dérisoire personne, dont la propre voix sannule. Mais la grande découverte, cest quil y a un texte. Le destin se joue dun mot ou dun silence, le choix se fait dans une part obscure où la nécessité na pas encore de nom, de visage, et cependant décide à notre place. Cest à ne pas croire. Il faut atteindre à labsence. Donner un peu de réalité à sa mémoire. Et si on répète trop souvent, on ne parvient précisément plus à cette absence, à cette stupeur. Le texte se retire. Dailleurs, le plan dun livre encore à létat débauche sappelle un monstre.
Champs de colza à perte de vue, nuages menaçants, bas très bas. Le train file à vive allure. Les filles dessinent. La tache dit : cest révolu. Le titre dun livre à la mauvaise vie. Alterner les couleurs. Des passages de son livre dans le désordre. Trouées de bleu, les nuages sécartent lentement comme dans les contes de fées, les champs sont moins nombreux, le vert séclaircit tendrement. Un texte dont on parle sans avoir lu le livre, découvrir quil figure dans louvrage quon emporte avec soi en voyage, sous un autre titre, masqué, sous couvert.
Jadore la nuit, et surtout cette tranche de quelques heures où le noir est total, il navance plus, reste figé. Il fait juste noir, cest comme si cétait léternité. On dirait quil est suspendu en lair. Regarder et toucher, cest différent. Dans la composition, le jeu des formes, des volumes. Mais il est bien là. Plat sous mes doigts. Il faut faire le vide du bout des doigts pour en découvrir les formes, les perspectives et la composition. Ses images flottent dans un temps immobile. Un café, un métro, un parking, un hall dimmeuble. La ville se remet lentement en marche, ça parle de la vie, douce, triste, gaie. Une nuit de plus en plus menacée par le jour. Restent, seules dans notre mémoire, les nuits où nous navons pas fermé loeil. Nuit blanche. Et soudain, effrayé par sa propre pensée, il eut envie de fuir, de filer dans lair fluide.
Promenade ensoleillée dans le village pierreux. Sous le soleil les pierres changent de couleur. Le gris devient bleuté. Beauté. Les sons se propagent vitesse grand V. Tout résonne, samplifie magnifiquement. Une conversation entre deux femmes, la mère et sa fille, dans une maison au bout de la ruelle, sentend comme si on était à leurs côtés. Dans la maison même. Pire, comme si cétait la télévision quon entendait là, dans le village, fenêtre grande ouverte. Le son au maximum.
Dun coup, couleur et visage. Le pas dans le couloir. Avec sacs et vêtements. Cest dici quils font leurs annonces. Le soleil se lève à lhorizontal. La voix sur le quai annonce quon est voie 2. Par quoi on sait quon sébranle. On est encore au ralenti. La conjonction des deux fenêtres. « Usine à eaux de Châlons-sur-Marne (et non en-Champagne) puis usine à bois. Peintes en noir suspendues au fronton. » La version était donc que, la veille au matin, au centre militaire des explosifs de Châlons-sur-Marne, ce manipulateur débutant avait dû de se tromper de dosage.
Maintenant on a vite fait de couper le robinet. Changement de sexe, dhabitude, façon de parler, ici tout le monde se dit bonjour, sourire aux lèvres. Cest le soleil qui joue avec mes impressions. La vie de province. Les vieux devisent au frais sur la terrasse du bar de lavenir, chaque salut au passant est loccasion dune pointe sarcastique. Comment ça va ? Au jeune chauve moustachu. Au poil, suggère le plus loquace. Jen passe et des meilleures.
Cest quoi cette vie, cette vie où un homme est trop occupé pour lire des poèmes ? Gerbes lumineuses - au milieu de leurs ténèbres. Car tout vient de la phrase, bien entendu. Tremblements inquiétants du point de vue sur laction. Narrateur omniscient, chroniqueur avisé. Mille-feuille. Les gestes et regards se substituent rapidement à la parole. Souvent en la - mélancolie - en mode mineur. Ma lueur fanée sévapore, lentement mais elle vit encore. Comptine elliptique. Sous lapparente neutralité du dispositif, ce que lon appelle faire tapisserie. En boucle, pour faire tourner rond ce qui ne lest pas. Vague. Je me vois comme un poisson remontant le courant. La vie continue dêtre ce mélange de merde et de clair de lune qui nous caractérise si bien. Il ne sagit plus de représenter (le monde) ou dexprimer (le mot), mais de rechercher la non-connaissance à travers la création pure dun univers inédit : un monde sans le mot, où la vie nest pas reproduite mais redécouverte à travers le langage. Mais je ne puis décrire le courant.
Penser autrement le rapport à lautre, cet autre qui nest pas lextérieur de nos frontières, cet autre qui na pas forcément un pays. Et le goudron de cet endroit enflait. Chaque jour un peu plus chaud, le soleil et ses rayons, se détournaient de lui, sourlaient, à cet endroit. Ce soir, même une feuille qui bouge. Envisager les linéaments dun récit à venir, qui se tisse dans les différences acceptées. Moulures et détours, poussière, ciment, goudron, trop de bruit. Impressions estivales. Furtives.
Coupure électrique. La dernière note résonne. Dans la cuisine, seul à cette heure. Pas si courant. Bruit du moteur du réfrigérateur, son vrombissement lointain mais plus rien soudain, ouf de soulagement, éphémère. Fini mon repas sur le pouce. Plus de lumière, me dit-on. Je pisse dans le noir. La solution pour ne pas en mettre partout cest sasseoir, ce que je fais, soulagement. Rien de tel. Descendre lescalier dans la pénombre, lumière comme issue de secours. Les vibrations sarrêtent enfin et les ténèbres reprennent leur immobilité. Avant la coupure repas terminé le travail en cours, du coup cette impression réconfortante dune attente sans enjeu, un moment entre deux, sans rien faire quattendre. Le temps passe à rien faire. Reprise du courant, les néons saniment en cliquetant en choeur, leur élégant bruit de papier froissé, de sable sec foulé au pied.
Dans la calade du village désert, le soleil descend brutalement, il rebondit contre les parois des murs, les pierres inégales au sol, sans trouver la sortie, il ny en a pas de toutes façons. La rue droite zigzague, mensonge qui dit la vérité. Les voix des villageois murées derrière dépaisses portes en bois peint. Voix sans visage. Voile village. Fantôme ruelle, monte et descend, escarpée. Des soleils-chardons cloués sur les portes, un oeil inquisiteur. Personne dehors. Les murs les cachent à laffût. Fuite en avant. Ruelles étroites qui laissent (lassent ?) sans distance. Sans point de vue, perte des repères, pierres, pierres, pierres.
Jessaie de rendre les citations, quelles deviennent des comportements, et non seulement des citations de comportements. La force de remettre lépoque sur ses gonds, avec la litanie de sentiments, dune force déloge. Un mariage. Souvent je ressens en moi la présence de quelque chose comme un caillot, à moins que je ne trouve les mots justes (ou peut-être même une mélodie). Mais ce quelque chose (est-ce le cur ?) prend chez moi la consistance du cuir et ne parvient pas à se dissoudre. A moins que je ne sois trop lâche pour laisser suffisamment monter la température ? Je ne peux (cest-à-dire je ne veux pas) renoncer au plaisir. Je ne veux pas renoncer à jouir et ne veux pas être un héros. Cest pourquoi je ressens la douleur pénétrante et humiliante de labandon. Et si nous voulons avancer, il nous faut le frottement. Le bras en écharpe, nous laccompagnons aux urgences. Les invités ferment les yeux et se défilent en file indienne vers le restaurant. Parenthèse : le début dune histoire. Une porte souvre. Lavenir avec un triomphe. Si la brièveté est le caractère de léclair, alors lespace est soumis au temps. Or, cest une brièveté anachronique. Linconscient de la promenade. Lerrance en un mot. Nous arrivons épuisés, le repas pas même commencé.
Sortir de lordinaire par la grande porte. Se lever tard. Bruits lointains de conversations matutinales. Odeurs de pain grillé, de café tiède. Héroïque description de la résistance glissante et mutuelle. Je me lève, il fait encore beau, pas un nuage dans le ciel bleu. Savoir ce qui se passe avec les choses qui sévanouissent autour de lui comme des flocons de neige, alors que pour dautres gens, le moindre verre de liqueur posé sur une table est aussi stable quun monument. Nuages qui voilent progressivement le ciel, le couvre, laveugle. Technicolor par synthèse soustractive. Une même scène est filmée simultanément sur trois films noir et blanc, derrière trois filtres, un rouge, un bleu et un vert. La couleur peut, prend valeur de signe fort en système dopposition en uvre dans le film. La forêt / le château, le végétal / le métal-minéral, le haut / le bas, le peuple/laristocratie, les Saxons / les Normands, la loyauté / la félonie, lindividu / le groupe, le légal / lillégal. Dans mon souvenir elle se ramasse aujourdhui sur elle-même si serrée quelle ne suffit peut-être pas à aller dun point à un autre.
MAI
Dimanche 1er
Nous étions revenus de cette journée fatigués mais contents. Cest très bien mais je me demande si ce nest pas justement ce quil ne faut pas faire. Le journal sarrêtait à douche. Prendre la force décrire plus de dix pages daffilée, car rédiger un journal intime ou quelque ouvrage que ce soit exigeait une énergie phénoménale. Lexcitation augmentait et se transformait peu à peu en joie pure. Rejoindre la mémoire quils avaient deux-mêmes à cinq ans, six ans. Ce qui nous tue, ce nest pas lennui, cest notre complaisance à légard de lennui et cette idée que seulement par lennui nous tenons une aristocratie possible. Antonia se rongeait les ongles.
Dans un sol très concret, leur faire subir tractions, flexions et chocs violents pour éprouver leur résistance. Prendre la force décrire plus de dix pages daffilée. On voit hélas comment samorce le sens figuré, en termes dendurance et de solidité, dun employé quon prend à lessai. Rédiger un journal intime ou quelque ouvrage que ce soit exigeait une énergie phénoménale. Cest une sorte dépreuve à subir, un examen. La vie nest pas une tentative daimer. Elle en est lunique essai. Dix pages daffilée. A la fois expérience vécue, épreuve du feu et entreprise unique. La force dun hippopotame, lélan dun kangourou, la détente du crapaud.
Retourner dans certains endroits visités plus tôt, plus chauds, les découvrir sous un autre angle. Le vent sest levé. Souffle lherbe balance et tanguent les quelques arbres du village, les cyprès du cimetière. Lhirondelle me décoiffe, rue du merle blanc.
Elle est comme une possibilité qui na pas de suites. Dailleurs, le jour où lon reçoit tous les souverains, on ninvite pas sa concierge. Ses yeux mêmes nous disent : ne moubliez pas, puisque ce sont deux myosotis. Bouquet de violettes et de pensées au pastel présent. Sensitif, nerveux, hystérique, un vrai impulsif, mais un faux brave ; même, comme je lavais toujours cru, et ce qui me le rendait assez sympathique, un faux méchant, et navait pas les réactions normales de lhomme dhonneur outragé. Dans une circonstance si cruellement imprévue, ce grand discoureur ne sut que balbutier : quest-ce que cela veut dire ? quest-ce quil y a ? On ne lentendait même pas. Mais nous nous représentons lavenir comme un reflet du présent projeté dans un espace vide, tandis quil est le résultat, souvent tout prochain, de causes qui nous échappent pour la plupart. Et je conclus à la difficulté de présenter une image fixe aussi bien dun caractère que des sociétés et des passions.
Dans la rue Millau, la veille on ne pensait à rien de précis. On venait de dépasser le Tribunal de Justice. Une voiture de police. Un photographe de presse et des militants sans banderole. On avançait dun pas lent. Quelquun appelle Caroline, elle se retourne. Une ancienne collègue, dans cette ville où lon ne connaît personne. Ce que lon croit. Des affiches de Raphaël, fugitive vedette de la téléréalité, affiches publicitaires pour une supérette du coin. Un peu plus loin cette voix qui appelle, nous fait traverser la rue. Au début on ne reconnaît pas cette personne, ses traits inconnus. On savance, les traits saffinent. Elle parle avec Caroline. Cest en sapprochant que lon fait le point. En plaisantant, je nai eu de cesse de penser lui, de faire croire que je venais de le croiser. Alors que je ny pense plus, je me retrouve assis à côté de José Bové dans le train du retour vers Paris. Il a un badge : Jaime lEurope, je vote NON.
Cétait si profond quil pouvait pas voir le fond. Dans un futur qui nest pas si loin. Pour avancer, il faut lâcher du lest derrière soi. Une sorte de flottement indicible le plus souvent, le silence a ici son mot à dire. Et léclipse, qui soudain dilate le temps, produit ses arrêts sur image. Voyons voir. Scruter derrière les masques les espaces informes dans lesquels se tapissent les pulsions. Donner à voir. Déterritorialisation de soi dans lautre, y compris sous les traits de soi. Vous aimez les pannes de courant, les problèmes techniques, les sauts dans le vide, les explosions vues dune fenêtre, les voitures qui brûlent au loin ? Vous avez besoin dactes forts, de gestes décisifs, de moments gravés pour toujours ? Mais quand nous sommes arrivés au but tout se renverse. A voir les choses exactement, tous parlent de la bouche dun seul, et lun parle comme tous, cest ce qui donne à lensemble quelque chose duniversel.
Dont follow leaders, watch the parkinmeters. Get back, write Braille, get jailed, jumb bail, join the army if you fail. Barrez-vous sans caution, seule solution, said the joker to the Thief : « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée. » Fondée sur le libre marché, dinspiration libérale dans ses institutions monétaires et économiques. There must be some kind of way out there. Mais soudain le ciel devient noir et la mer grise. Soudain une averse menace. Soudain ? Comment traduire ce soudain en images ? Comment trouver lexpression juste. Le trait entérine cet héritage sans faire du libéralisme un principe politique, said the joker to the Thief. Ne suivez aucun maître, faîtes gaffes aux paramètres. Ce qui fait la nuit en lui fait aussi les toiles.
Nous navions pas vu le lever du soleil à cause de la brume, la lumière était venue peu à peu, il pleuvait, mais il voulait rester à lextérieur. Il le devait. Dehors, il y a la ville, sans portes ni fenêtres, bruissante comme un corps quon déplie et replie sans cesse sous le soleil, comme un papier soyeux et lisse. Les faits ordinaires alignés dans le temps, enfilés sur son cours comme des perles, antécédents et conséquences, qui se pressent en foule, se talonnent sans cesse et sans intervalle. Dans la ville, la horde qui efface les traces de la dernière émeute. Pour finir, ce nétait pas que des mots, il y avait aussi un corps, parfaitement immobile. Il ne fallait pas lempêcher daller vers la lumière. Mais on la retenue quand même un peu parce quon avait peur dêtre seuls. Cest quand on a commencé à se demander comment on allait faire pour la rejoindre que ça sest compliqué. Mais personne ne pouvait nous répondre. Au début, tout au moins. Ma joue contre la pierre, je ne sentais plus rien, je vis encore un morceau de la matière blanche se refléter dans mon il, mais jétais maintenant trop proche pour en distinguer les contours qui avaient disparu. Mais que faire des événements qui nont pas leur place définie dans le temps, des événements arrivés trop tard au moment où le temps avait déjà été attribué, partagé, pris, et qui restent sur le carreau, non rangés, suspendus en lair, sans abri, égarés ?
Ici commence un journal un peu particulier, marginal. Le journal dun journal. Il faut bien commencer... Par le point de la sincérité, source de malentendus, pourquoi pas ? Mais être sincère, est-ce vraiment si important ? Transparence à soi identique une vérité subjective. Pas le lieu de sa propre vérité, mais reconnaître que cest depuis cette étrangeté que ce rapport détonnement avec soi-même devient possible. La poésie na rien danecdotique. Chronique rime mal. Jécris rime, jentends mine, mal, malmène rien. Sous-entendus évasifs. Les accidents de la vie ordinaire sempilent mal. En piles, les états de quelquun qui somme de tout dire, toute la vérité, rien que la vérité, tu parles. Les états, les humeurs, les erreurs. Le but nest pas de tout sauver. On ne sauve rien au quotidien. Ni des flammes du reste. Du temps encore moins. Pas même sa peau. Du quotidien. Un travail de tous les jours. Le but est une sorte dexposition, étant donné que le poème est une sorte dexposition voisine.
Lourdeur passagère de la tête. La nuque un peu raide. La gorge sèche. La peau moite, paume des mains, malgré le souffle du vent. Un air frais. Dans le wagon, ma voisine a ouvert sa fenêtre en grand et rit en grand au rythme des soubresauts du train. Chaleur dans lhabitacle bruyant. Odeur douceâtre, parfum sucré. Soleil aveuglant, ciel bleu laiteux. Les yeux piquent. Les yeux lourds. Ferme les yeux. Le train file à vive allure, la tête devient lourde, un poids vers lavant. Trajet raccourci soudain. Le train pénètre dans un souterrain, fermeture au noir. Comme au cinéma. Tout le monde descend. Une parenthèse de temps. Je me détends un peu. Sommeil réparateur. Je men défends. Tout sefface aussi vite. Plus personne autour de soi, tout disparaît dans la pénombre. Seul au monde. Dans le vent. Le mouvement.
Du chemin reste à faire. Cest terrifiant mais il faut bien continuer à vivre. Je sens que la vie quitte mon corps, on a le sentiment de séteindre peu à peu. Si on veut intervenir on peu démissionner OUI / NON - CRISE OU CHAOS ? - NON CENSURE - LOURDE VOIX - MOUTONS NOIRS - SARKOZY ROULE - Des traces de sang sur la peau. A quelques encablures de la tour, une langue de terre rappelle les fondations dune barre dimmeuble rasée récemment. Il me fixait comme fait un enfant qui regarde la télévision. Il y aura beaucoup dincendies, beaucoup dhistoires, beaucoup de détails perdus dans un but bien précis. Oublier les détails est la méthode préventive contre la satisfaction. Contre lennui qui vous assaille, utilisez toutes vos allumettes. Le noir et blanc prend un caractère tout fait particulier sur un support de papier journal. Cest une approche physique. Lencre sur la main. Limage sur un mode sériel, lapparence du mouvement perpétuel. Lidée même de lactualité, et de sa démultiplication iconographique. Une sorte de manifeste, un acte de propagande - SINATRA MAFIOSO - RESURRECTION - DISPARITION - Je suis parti dune idée simple, un découpage rythmique, saccadé et musical, une sorte de fragmentation par colonnes, interchangeant les textes et les images. Une dynamique presque cinématographique. Mais aussi cette idée de propagande, une tension en noir et blanc.
En plan fixe, le reflet dune fenêtre sur un mur blanc. Quelquun qui pense à la robe bleue, la personne la portant, pensant à cela à chaque bruit de linstrument, notes dessus. Les cordes ont rayé comme la bande à la page. Comment on contient la passion qui ne peut pas être connue. Jouant avec des mots à travers ce qui les sépare et les relie, le temps et lespace. Le bruit des mots comme mémoire (écho) de leur examen (physique, médical, méticuleux ?) forme qui est elle-même une mémoire (écho) du son. Et comment le pronom suggère la personne marchant, dehors, la porte ouverte, serrure crochetée, comme si limage pouvait les rapporter. Image qui apparaît par la porte rouge. Grosses gouttes de pluie passagère. Cette tension de la faute. Coups de crayon anonymes de pluie. Les souvenirs juxtaposés en une interminable série. Les chansons possèdent une qualité de commentaire. Cet aveu qui ramène au principe de plaisir. Un même motif volontairement abstrait qui un peu malgré lui finit par évoquer la toute-puissance du temps qui passe. Survoltages et rétivité du jour. Allez, je marrête là.
Par excellence, le bonheur, cest ce qui se passe aujourdhui. Des retrouvailles en couleur. Le danseur est partout. Il occupe toutes les places. La plupart du temps, la brouille crée une mauvaise suspension. Ici tout le contraire. Lesprit est simplement ce qui se passe aujourdhui. Lautorisation dabuser des phrases, comme déclarations ou aveux. Rien de si lent quun sentiment damour. Le temps de réfléchir, de flâner, de retarder délicieusement le moment de la jouissance et de renouveler la volupté par la rêverie. Happiness is a warm gun. Lenteur majestueuse. Lesprit est simplement ce qui se passe aujourdhui. Cet infini sans visages quon appelle commodément le monde entier. Doù des désirs de franchise, une ère de velléités. Aujourdhui, les projecteurs semblent braqués sur des lourdauds pressés, exhibitions, trucs et truquages. La limite de chaque joie est une joie plus grande.
Mon impression, à vrai dire, plus agréable que celle dautrefois, nétait pas différente. Moins proche et diurne, douce, elle se couvre, les gestes comme éclats. Circonscrit dans loeil et son vin, cest le repos au vent. Nuit comme on garde quelque chose de fin, ramené jusquà toi, sommeil et surface, en vain déplaçant le regard mais à la proue donne de la voix. Cela qui est seul ici sur un désordre de draps, toujours foudre qui renie la parole entourée par la certitude, jusquau sourire emportée, révolue. Prolonge-moi en vacance. Un silence qui navait que les apparences de la discrétion.
Même trajet, infimes changements, imperceptibles dans le détail. Lindécence dune main sur lépaule. Une main qui bat la mesure. Imaginer le jour où lon ne sera plus là : retournez la case départ. Superposition dimages. Prouesses techniques dont on se gargarise. Ma voix sur la sienne. Tous jouent le jeu. Une larme démotion facile. Tout est factice. Comme une pelote et tout viendra la suite. Retour en arrière. Si bêtes (animal). Des jouets entre leurs mains. Pour faire passer la pilule, un tour de force, simple tour de magie en fait. Mais cette main (dun vivant) limage, son allure fantomatique. Un vivant contre les morts. Inégal combat, handicap pour le vivant. Un coup de vieux. Le train file. Assis à contresens. Mal à laise. Donner un coup de main limage. Un supplément dâme. Tout faux, cette main nous fait signe : ici, il ny a que moi de vivant.
Dans lévidence et le vif de léclat ou de la bigarrure, le travail simultané dune réparation unifiante, dune liaison nouvelle. Une palpitation, un mouvement encore immobile, un espace de sursis dans la dissolution. Une armature des fragments épars. Toute une série de signes, dallusions disparates. Superposition discrète semblant palimpseste, à lire en filigrane. Scènes, tableaux juxtaposés, comme les prédelles dun retable. Cest un lieu factice qui juxtapose des essences diverses et de parties distinctes en un assemblage composite. Eclat de la lumière : de touche en touche, de tache en tache, le chatoiement. Mosaïque mobile de couleur et de lumière. A partir dune intermittence de lumière. Motif détalement. Un jeu de cartes dont les figures sont accolées les unes aux autres. Toutes ces bribes que le désir tente de tisser.
Envoyé dans le passé, le futur est la prison des hommes, la recherche de ses fantômes, de ses doutes et de son histoire, marqué dans son enfance par une image indélébile. Ils ne comprennent pas ces images dun passé qui leur racontent lavenir. Déstabilisé par le noir et blanc du film, sa valeur de témoignage, dinformation, lépure de son intrigue, le rythme de son montage. Une présence forte, sonore et visuelle, telle quest limage du visage de la femme pour le héros. Un autre souvenir qui hante le spectateur. Lévanescence ou de la rémanence des images. Extraordinaire tension dans le flot dimages fixes : quelques moments de bonheur, de repos, dans un lit, aux côtés de cette femme dont le souvenir du visage le hante. On ne peut pas revenir en arrière. Un mouvement presque imperceptible soutenu par un bruit violemment strident, suspension dans le temps, hors du temps, dans lailleurs temporel quarrive à inventer le cinéma. On ne peut revivre son passé. Un moment de rupture dans le temps du film, un passage. Faux mouvement.
Il pleut. Mais il faut revenir en arrière. De cette façon, ma vie est une fuite où je perds tout et où tout va à loubli ou à lautre. Lauteur, cest toujours lautre. Je ne sais pas lequel des deux écrit cette page. Rien que des nombres par le fait. Voilà toute la musique quand on y réfléchit bien. Des vibrations, les accords ne sont pas autre chose. On fait tout ce quon veut en jonglant avec les chiffres. Un mur sest éboulé. Cest comme des mots (mais tombés doù ?). La douceur du ciel continue son bleu. On dirait quon peut rêver. A travers les choses défaites, les trous du poème. Je recommençais chaque soir, dans un autre sens. Anagramme annonce la couleur : à force, lautre me tuera.
Le mot du jour : déceptif. Sur le quai de la gare, je la suis des yeux. Je ne vois quelle. Le rythme de son pas, ses fesses rondes et fermes, reins cambrés juste ce quil faut pour ne pas virer callipyge, tu comprends ? De la déception qui pointe sans doute son nez, mais surtout trompe. Un exemple parmi tant dautres. Caractère déceptif : tout signe susceptible de tromper le public notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique dun produit ou dun service. Je marche derrière elle. Le tissu de son pantalon noir est rêche, il accroche la lumière et mon regard avec. Quelle drôle didée. Quoi de plus déceptif quune excellente campagne de pub, qui renvoie sur un site décevant quant à son contenu. Un exemple au passage. Elle ne prend pas le même chemin que moi. Déceptif, on vous propose décevant.
Cette scène que je voyais derrière elle, elle semblait elle-même presque irréelle, poétique et vaine, image du souvenir et du songe, elle me montra la fenêtre, le fruit dun spectacle, une vue peinte, scène imaginaire, grelottante et déserte, courir, cacher, des mouvements de désespoir. Je ne pouvais mempêcher de penser, elle avait dit devant moi, je lai bousculée, pour me montrer quelle ne la voyait pas en cachette. Une parole de celle que nous aimons ne se conserve pas longtemps. Est-ce quon vous la dit ? Elle va se remettre à parler, laisser passer, puisque nous sommes en retard, quest-ce que vous voulez, et puis je vous avouerai franchement que nous ne serons pas les derniers. Si elle vous trouve encore là, avec moi. Mais ils ont du bon tout de même.
Limage de la maison est devenue commune. Côté casanier sans doute. Attention propriété privée. Défense dentrer. Ces panneaux nont plus lieu ici. Cest ouvert. Pas tous les vents contraires, non. On cherche louverture, pas lutopie. Le lieu, pas le non-lieu. On entre par la porte. On regarde à travers les fenêtres. Les silhouettes quon y devine à peine dans lobscurité du contre-jour, floues, mouvantes, lumineuses, attirent notre attention. Ephémères. On est ici chez soi. On sy sent bien, confortablement installé. La maison est ouverte, accueillante, la porte toujours entrebâillée. Maison nomade. Dans ma maison vous viendrez, dailleurs ce nest pas ma maison. Je suis venu à pieds... Parfois on y héberge même une amie. Cest mieux que laisser la radio ou une veilleuse allumées pour faire croire une présence invisible. Là cest une présence amie, une vaillante veilleuse. Un présent, tout simplement. Chaque jour confirmé. Lapsus calami. Je reviens en arrière. Ce nest pas maison que je voulais écrire. Cest raison.
Sans coutures apparentes. Et nous voici plongés au coeur de cette mission, autant dire de cet impossible. La vie est un plateau de cinéma. Fiction cruelle et chaotique. Les fantômes ont parfois la vie dure. Le spectre des armatures, un bon titre ça. Un défaut daspect de la peau dun béton dû à la présence darmatures trop proches de la surface ou à leur mise en vibration. Dialectique du sous-jacent et de lapparition. Lodeur sucré des petits papiers froissés dans ma poche. Fortune de lapproximation. Les bienfaits nouveaux neffacent pas les vieilles injures. Légère tension dAlice, la fatigue du voyage, des retrouvailles ancillaires. La gentillesse nest jamais vaine. Son retour parmi nous. Bonne cuisine et bon vin. Lart du contrepoint. « La musique est ma langue maternelle » affirmait Glenn Gould. Chapelet de notes égrenées avec une lenteur extrême. Invisible pour moi, parfois pourtant les paroles revenaient minquiéter.
Tous les jours cette impression qui ne nous lâche pas, revient pourtant, nous voilà mis de côté évacué, quelque fois terriblement mal compris, incompris qui croyait prendre, comprendre mots dos à dos, du mou, doux, épluchée jusquà la trame élémentaire ma chair maçonne au moindre lambeaux, sens dessus, la peau, la chair tremble à tout perdre, tout prendre. Sen aller cest se demander quelles absences sont perdues là, enfouies, bras raccourcis, grands écarts, tout fignolé alentour finement. Oui, on peaufine, on les soigne, on les brode, bordées des draps blancs et des yeux. On les aborde simplement ces moments-là, les yeux fermés, cheveux au vent, plus loin un peu. Sous les portes cochères, des paysages défilant aux horizons douteux, séloignent, on sendort et...
Quand jétais dans les temps : « Il faut que je force. » Dans son style si fluide. Combien de temps voulez vous gagner aujourdhui ? Il fait doux. Léger vent frais. Un fort taux dhumidité dans lair qui adoucit le tout. Je suis émue, contente, dit-elle. Cest laboutissement dun travail. Cest une belle lumière dans le ciel. Je me disais : cela doit être incroyable de vivre ça. On utilise peut-être un peu trop souvent les mots légende, histoire. Douceur de son consentement. Choisir un jour de beau temps comme celui-ci. Voilà, cest fait.
Je prépare tout. Tout, cest vraiment tout. Cest vraiment toi. Tout un poème. Jai désormais tout à fait abandonné le roman, genre mort aujourdhui. Une sorte de poème narratif. Moins de description, plus de narration. Qui a dit ça déjà ? Une écriture inclassable. La lecture en sera difficile. Sur un mode répétitif. Dans le journal, sa photo, il pose nu, face caméra, fait face, mains sur les hanches, fragile et déterminé, lair ailleurs. Mise à nu dans la forme de la narration même, de cette répétition dasservissement des corps jusquà lécoeurement, comme mécanique humaine lorsque lhumanité est hors des lois. Intacte en moi la fascination de cette écriture. Cette langue. Un modèle. Aujourdhui, toujours là, modèle déposé comme pour les armes. Il sécrit dans le creux, ce gouffre ou cette tache aveugle. Il faut retrancher à lécriture : psychologie, sentiments, adjectifs. Jusquà inventer une langue nouvelle, au risque de lillisibilité.
Un récit où les astres ne sont pas encore visibles. Dans les films daventures, le héros tord le métal avec ses mains. Il lui arrive dadresser sa photo aux spectateurs. Il est certains regards où se combinent candeur et subtilité - où le caprice et la raison, où le sérieux et labsurde sont tellement confondus, que toutes les langues de Babel déchaînées à la fois ne pourraient les exprimer - ils sont transmis et saisis si instantanément que vous pouvez à peine dire de quel côté est partie la contagion. La réalité surgit par effraction, lentement, une image du ciel plus que le ciel lui-même. Je veux dailleurs que lon fasse autre chose. Rien nest complet, ni mémoire, ni géographie.
Lever les yeux vers lextérieur, vérifier que ce quon lit là, joli couleur un peu passé, cest le tout-venant de la mémoire, pas le simple revers dun rêve dont la tâche serait, la fin, de nous séparer du monde. Nous sommes des êtres agissants, des êtres de langage, de rêves, de veilles. Lancer sa propre fabrique de mots. Plus tu avances plus la destination séloigne. Je me demande à quoi ça rime. Cest un peu appuyé, nest-ce pas ? Jessaie daller là où cest compliqué, là où cest un effort. Pas de bras de fer, pas le fier à bras. Les mots me sautent au visage, éclats dobus, mines anti-personnelles. Sur le registre de la main courante, cest noté noir sur blanc, désigné coupable. La sentence est tombée. Comment répondre ? Sur quel pied danser ? Une écriture syncopée, difficile de ne pas y lire lécho dun réel fragmentaire miné par le manque. La manque à gagner ? Se confronter au métier de vivre quest lécriture, disons ça comme ça.
Un geste gracieux, quand on essaye de le reproduire, peine perdue. Un moment agréable, manger dehors, en famille. Prendre ses habitudes à contre courant. Sur le sol encore un peu humide, le soleil dans un ciel bleu, très pâle. Cornouiller sanguin, érable ginnala, cerisier grappes, prunellier, souvent appelé Prunus, troène des bois, charme commun, sureau doré, viorne lantana, et olivier de Bohême. Lodeur de leurs fleurs chatouillent mes narines sans me faire éternuer. On mange, repas improvisé, à la bonne franquette. Les filles vont jouer, à peine mangent-elles. Repas. Repos. Instant simple de partage. Formuler une exigence plus grande où dailleurs lon ne possède rien. Le lendemain, on revient sur les lieux de notre déjeuner sur lherbe. Mais rien nest plus tout à fait pareil. Jamais deux fois dans la même peau. On sasseoit un peu à droite de lendroit où la veille on sétait assis. Autour de nous, les gens ont changé, plus bruyants, sans-gêne. Peut-être nous aussi. Il fait plus froid aussi. Le temps se couvre vite. Le soleil sest caché, le vrai ciel est gris.
Viens sur moi je préfère tembrasser. OUI... Apprendre, pratiquer, appliquer, exceller. OUI... Quimporte la perplexité ou le désespoir de vos proches ? OUI... Pas besoin dêtre un virtuose. OUI... Et puis la solidarité entre brunes lemporte toujours. Une société à bout de souffle qui ne sait, peut-être plus, que consentir est parfois un mouvement violent, pour sarracher à ce qui nous fige. OUI... Ca fait un peu peur. OUI... Dans cet univers il y a peu de sourires. OUI... Mécanique du refus. OUI... Lart dapprendre voir, le regard neuf chaque jour. OUI... Encore le point de vue. OUI... En tout point il résiste. OUI...
Au début on ny prête pas attention, attention il ne sagit pas dindifférence, non simplement le droit au repos, à la distance. En jachère comme la terre. Dès fois, cest pareil pour nous. On se fait discret. Autres choses faire. Priorités différentes. Et puis le temps presse, cest vrai. Charges de travail et cahier des charges à respecter. A la lettre. Mais là, le temps joue contre nous. Joue contre joue. Chic ? Le temps se tend, sétend. On relit les derniers mots écrits : Les baleines ont atteint le jardin cette nuit, se sont couchées aux pieds des arbres, mais je nai pas ouvert les portes. On essaye de comprendre. De lire entre les lignes. Que se passe-t-il ? Que lui arrive-t-il ? Pourquoi ne nous arrive-t-il plus rien delle ? Ne lui est-il rien arrivé de grave ? Qui présent me touchera la nuit pour sassurer que je ne suis pas morte ? La phrase me fait peur a posteriori. Pas rassurante non plus a priori. Changement de priorité. Savoir ce qui se passe. Lui écrire un mot. Prendre de ses nouvelles. Se lire, se lier. Quand je vous dit que cest lié.
Personne ne saura, mais cela ne servirait à rien. Les lumières des grandes baies, peu à peu limage séclaircit. Cest une grande femme, naturellement très mince. Et lespace dune seconde, elle me sourit tristement. Sous quelque angle que je lenvisage, comme un étranger, comme je lai fait jusquici je pourrai continuer très longtemps. Dans la pénombre de la salle de café. Pendant un long moment il pleut sur limage. Moi, javais jamais rien dit. Juste la bonne distance, un peu lécart tout de même.
Incapable de se situer. Un bref vertige, la sensation dêtre subitement frappé damnésie. Dans le silence revenu, entier, enfin se dénouer, toutes le tensions et la fatigue me submergent. Cest du temps lointain. Au moment de coucher les filles, Alice ferme son livre et se retourne vers moi, lair réjoui. Barbe Bleue, pourquoi il a tué sa femme ? Je lui avoue que cest une question que je me suis posé récemment. Noir secret à préserver. Sa première femme la découvert. Et cest cette curiosité quil a toujours combattu. Sécouter davantage. La réalité nest pas la magie. Elle est ingrate et scientifique. Le sentiment troublant de sêtre échappé de soi, de sêtre absenté, comme on sécarte de quelquun quon redoute, dont on a honte ou peur.
Ses joues se sont gonflées, rouge sang la tête, ses yeux prêts déclater, tête détournée, je pressens son rire qui monte, qui monte, imprévisible, saugrenue, son visage écarlate, elle rit à en pleurer. Une association didées quelle nous lâche, main devant la bouche, en pleine réunion, tension maximale : Anna chez les Slovènes. Dans le train plusieurs heures plus tard son expression me revient, intacte, et je ris à mon tour en silence, mon rire déborde. Explosion co(s)mique. Et le soir à la maison, les filles dans cette même hilarité, voix grave, tout fait rire, et le rire fait rire, enchaîne. Avec des éclats dedans.
Je nai plus ma place tout à coup, chassé de toute part. Fuyant. Incapable de réfléchir, de me poser un instant, au sens propre du terme. Trouver un moment de calme, un coin isolé pour travailler. Mais je ny arrive pas. Noir de monde. Ils se sont risqués nuitamment sans fanfare, mais avec beaucoup de délicatesse. Ils se sont procuré la clé pour respecter la serrure, et la porte, ne rien casser, ne rien endommager. Cest lhistoire aussi de la petite clef qui ouvre la porte aux horreurs, le trousseau aussi. Tout sest décidé dans le dernier quart dheure. Dans une atmosphère de feu, alors que le tonnerre grondait au-dessus de Paris. Dans une atmosphère inquiétante de bonace qui promet les remuements dorage. Jai réfléchi que, si cétait ouvert, cest quon avait eu une clé pour entrer. Je vois aussi la piste dun ton qui transformerait le quotidien en épopée, mais nest-ce pas souvent a en réalité ? Comment lécrire dans lécart ? Avec beaucoup dénergie en tout cas.
Idées de déclinaisons : leur rythme, le temps, ce qui va se produire, expression de soi et uniformisation, critique, autodérision et idiotie universelle, leur rythme, le temps, référendum, ils entrent, ils filent, pour éviter le vide et le mouvement de lopposition armée très méfiante, oui, non, de haut, en bas, ça continue, plus vite, au second tour au profit de la démocratie et contre le social. SE FAIRE UN FILM. Il avait 84 ans, pour faciliter la rédaction des procurations en vue de lart dans la ville, à leur rythme, le temps, en bas, situation catastrophique, ça continue, plus vite, autonomies relatives et imaginaires, victoire commune, tant de fois versatile non seulement continue à simpliquer, cest vide ici cest ça. La poésie se lève en elle-même comme le réel à partir de rien. SUR RIEN.
Cest un jeu de regard et dattention qui souvre, un changement déchelle qui doit avoir un repère pour passer de lensemble au détail ou linverse. Il fonctionne sur ce que lon appelle la mémoire, réminiscence, ces souvenirs inhérents à chacun. Ici, la réalité parle, et le rêve chante. Alice assiste avec sa mère au spectacle de Peter Pan ou la véritable histoire de Wendy Moira Darling, une fantaisie lyrique. On zoome. Un détail est une promenade de la perception. Spectateur en effet car on est proche dune définition du spectacle, dans le sens noble du terme, dans la volonté de donner à voir. Et pourtant, nous avons le sentiment de navoir plus affaire quà des détails fragmentaires. Lensemble fait défaut, comme la raison. Fauves, serpents, loups, crocodiles, Indiens, pirates, sirènes, Enfants perdus, fées et lutins. Se laisser porter par sa mémoire, ses souvenirs de loriginal, ou alors juste recevoir. Nous passons dun détail à un autre, dune perception à une autre. Nous pouvons nous y arrêter. Cest une pause. Nina, mes côtés, regarde la version Walt Disney. Il ny a, il ny aura plus de raison dernière. Le monde est disloqué. Cest encore la partie de quelque chose, un morceau, un déchet. Ecrire simple est un très bon exercice.
Nous revenons, nous ne faisons que ça, pour pouvoir partager, revenir au pas à pas. On samuse à trouver les bonnes citations, sans jamais repasser dans la trace, si trace il y a, il sagit dapprendre à piloter la pensée. Nous nen sommes pas sûres, peut-être plus rien derrière, quimporte, reliant entre eux les signes, produisant des itinéraires, dun commun accord, nous nous sommes accordés ce temps du retour dans le renversement dêtre, comme autant de feuilles de route, au lieu de ce qui nous traverse indéfiniment, noués dans nous ici, dans un espace donné, provenant dune collecte dinformations préalable, présent tenu verticalement par lintuition que nous avons du nous à vivre, tous deux permettant dévoluer, du dehors dans nous, dans nos pas, dans un espace donné.
Ce lieu que jai traversé et que je retrouve. Village fermé sur lui-même. Dans quelques heures, lumière éteinte, tout le monde chez soi, allez hop. Cette approche silencieuse ma sans doute obligé à prendre en compte les déplacements, les attitudes, le jeu des regards et des corps pour traduire les sentiments. A cette place de silence et dattente, dans le noir des salles de cinéma. Seul dans la salle on sinstalle. On entend le projectionniste, voix au-dessus de soi dans le noir. Il fait le point. Zoom. Bip, bip. Fermeture au noir. Le générique débute. Je finis mon Florentin la hâte. Guirlande de lumière. Le bruit. Le vent. Et les corps. Paysage, par le choix dun cadre frontal et dune théâtralité du décor, devient une scène que le corps énonce dans le sillage de sa traverse. Revoir ce film. Le montage a été refait, infimes changements quon perçoit à peine. Chanson de geste. Une chanson pour exprimer un sentiment. Une sorte de jeu dindices délicats, une volonté démonstrative den souligner les enjeux.
Leuphorie du moment peut être détruite comme un château de cartes. Rapidement, leuphorie me gagne tout à fait, leuphorie ou lextase auxquels sajoutent ensuite la somnolence... Jaccepte toutes les critiques du moment quelle sont construites et justifiées. Cette tendance est liée à lévolution conjoncturelle du moment... Leuphorie boursière est mauvaise conseillère : en profiter pour vendre vos positions, une éventuelle victoire du non, sexposeraient un réveil douloureux, une fois leuphorie du moment partagée avec de biens embarrassants alliés. Pour donner votre avis sur Leuphorie perpétuelle, cliquez ici... Sinterroger sur le bonheur peut aussi être un vrai moment de bonheur, oscillant entre leuphorie et la dépression, un peu fou fou par moments.
Versements de jour dans jour, le quotidien inattendu, les promenades de discours. Points-virgules de pluie attachée aux vitres. Retour sur action. Tendu, angoissé, inquiet, me dit Caroline. Je ne sais plus le mot exact dont elle use, mais touché en plein vol. Je relis sans trouver trace de cette impression fugace. Entre les lignes mon coeur balance. Un besoin infini de douceur et de lenteur. De cette lenteur quon connaît dans le sommeil, dans leau languide des rivières denfance, cette vitesse lente quont les nuages à se déployer et passer dans le vent... Un besoin de paresse et de bonté. Damour. Cette phrase nest pas de moi mais le devient de suite, se transforme caméléon. Vous ignorez par où jai passé, soir après soir, pour faire cette traduction. Voici des discontinuités, les détails mosaïques du thème. «Je nentends rien de ce texte, que des bribes. »
Ses arbres rabougris, ses palmes. En tee-shirt bleu, bras nu, il mapporte ses photographies du Brésil et me demande un verre deau quil ne boit pas. Tout va bien, je ne fais rien, sourit-il un peu gêné. Les toits des maisons den face. Il était beau, rêche, intraitable. Toute la vie qui aurait pu être et qui na pas été. Rue du Soleil. Le long du canal Saint-Martin avec Nina. Sa petite main dans la mienne. Tout y semblait imprégné déternité. La seule chose à faire cest de jouer un tango argentin.
Lodeur enivrante et diffuse, éparse, de cette plante dont on mapprend le nom, à peine énoncé sitôt oublié. Son nom latin me chatouille encore les narines. Sa fleur au parfum si particulier. Manifestation de loubli. Ainsi, le souvenir nest pas la négation de loubli, le souvenir est plutôt une forme de loubli par la réduction quil opère. Ma mémoire me joue des tours, il faut dire. Je suis persuadé de me souvenir de ce bosquet à lentrée de la piscine de mon enfance, plante basse, vivace, proliférante fleur jaune, son odeur sucrée, stagnant dans lair, insistante. Déni radical de ma mère et de ma soeur oblitérant dun non ce souvenir profond. Leur tête se balançant en rythme, en choeur, un large sourire aux lèvres. Ce nest pas la première fois que cela marrive en famille. Au début on ny prête guère attention. Sujet suivant. Passons à autre chose. Mais là, je my arrête, chancelant. Lédifice chancelant et complexe du roman naît par explosion, le pur monument du récit. Les odeurs sont plus sûres que ce que lon voit ou que ce que lon entend. Prompt à la colère, qui est lhabillement de la peur. La phrase me revient en tête. Et je ne sais pas pourquoi. Se souvenir dun événement, un détail, une couleur, une odeur ou un épisode. Se souvenir, cest déjà oublier, et ainsi de suite, et ainsi de suite et ainsi de suite, jusquà loubli complet de tout par tous.
La mort dans la peau réussit ce que manquent souvent les suites : aller plus loin. On nest rien sans un adversaire à sa taille. Ici, cest une femme. Ici, elle éclate. Leur duel à distance pousse le récit dans ses retranchements. Dense, tendu, haletant. Jonglant avec quatre langues, à travers cinq grandes villes, de train en tram, de métro en taxi, daéroport en hôtel. Surtout rester très lisible. La beauté froide et fonctionnelle des cartes géographiques. Jouant effacé voire terne, la machine tourne rond. On est là face à un film daction efficace. Un modèle de rythme et defficacité. Pour retrouver son identité.
Le libeccio, racontait Eugénie, vent dominant sur la partie Nord de la Corse, engendre des pluies au vent des côtes montagneuses en sasséchant sur la côte orientale de la Corse par effet de foëhn. Le libeccio, entre Bastia et le cap Corse, peut atteindre une grande violence en toutes saisons. Le vent qui vient à travers la montagne ma rendu fou. Elle racontait quelle avait vu des sacs poubelles voler en lair. Et même une fois un caniche senvoler sur la Place Saint-Nicolas. Il faut imaginer la scène. Je ne voulais pas y croire. Un sourire moqueur aux lèvres. Cet après-midi, je fais signe au bus pour quil sarrête. Une rafale de vent fait rouler un bac à ordure qui se place en plein milieu de la route, sans se renverser, arrêtant tout net la circulation. Je vais faire le ménage, replace le bac à sa place, derrière une voiture pour quil ne bouge plus, sous le regard amusé de la conductrice du bus. Voilà pour lanecdote. Allez, en voiture...
Lair inquiet sur son visage en me demandant si ça va. Elle séloigne. Ce regard mintrigue. Fait écho à mon impression matinale. Du mal à ne pas sendormir nouveau. Surprise dêtre encore là sous les draps. Pas de course. Les filles traînent, tête baissée, les yeux fatigués. Impossible de remettre la main sur ma carte intégrale. Vite, vite. Vide intégral. Pas le direct mais lomnibus. Des règles de base. La promotion dune idée. Ce sont des choses qui marchent. Pour être un maximum lu. Aider les gens à se repérer. Adapter au public visé. Un sens décriture qui est lié à un rythme, la chronique. Du mal à me concentrer. Les mots se heurtent dans ma tête, lendemain de fête difficile, reverbe de la veille.
Flottement léger, incertitude lasse. Ce que lon a prévu, détourner la tête malgré soi. On veut marcher droit, avancer, on a un but précis, ce nest pas parce que cest droit, cest pour limpératif, le but précis, pour une fois, sourit-il. Et bien non. Autre chose se glisse entre. Un jeu inédit. Je fais du surplace. Le syndrome de la vache. On pourrait lappeler ainsi. Je reste là, immobile. Ce sont les autres qui bougent autour de moi. En pleine activité. Ils parlent, ils samusent. Ils travaillent. Ils sourient. Ils discutent. Ils plaisantent. Ils mangent. Et moi je regarde passer les trains. Je vais manger. Il est tard. Je rumine. Lécrire déjà cest mieux. On se sent mieux. Tu parles dune histoire...
On la tient à distance, à portée de vue sans vraiment oser jusquau bout. Concret ou abstrait ? Lespèce de brûlure qui précipitait le débit de ses paroles. Jaime labstrait où subsiste un souvenir de substance, le concret qui saffine aux frontières du vide. Au mur, ont été découpées des affiches pour se concentrer sur un détail, même si ce ne sont et ne seront jamais ses affaires. Pour ne pas rompre tout à fait le fil, ne pas les oublier. Quand il sagit davancer, pareil au soulagement dans le ciel, à deviner le soleil malgré louverture de la fenêtre. A lintérieur de moi travaille jusquau corps profond que jignore. Lillusion du neuf.
Sensation de bien-être sur ma peau. La chaleur peut se dissiper par évaporation de leau ou par propagation. Dans leau tiède nous donne une sensation que leau tiède est froide. Sous le coup de lalcool, la sensation de chaleur est due à la dilatation des vaisseaux sous la peau. Longtemps jai détesté, jai fui le soleil, la chaleur, lété. Aujourdhui, une évidence estivale est un morceau de festival. Comme Villa-Lobos lui-même le disait bien des années plus tard : Ma musique est naturelle, comme une chute deau. Son imagination mélodique unique. Valeur musicale, technique et spirituelle. Je me laisse bercer, le souffle de cette musique, souvenir en boucle. Sa loupe, la voix de Mady Mesplé, chaloupe. Soprane. Un filet. Bachiana Brasileira. Explicite en son titre, le cycle pour diverses formations cherche à traduire les mystérieuses affinités qui existent, selon lauteur, entre la musique traditionnelle brésilienne et le contrepoint scientifique de Bach. Je sens le soleil sur ma peau, caresse douce, à peine perceptible. Un pied dans lacadémie et vous êtes déformé !
Du même mouvement quil se précipitait, elle le vit, sa chemise ouverte. Prise dans le pinceau de lumière. Elle resta clouée sur place. Ils restaient immobiles, si étroitement serrés quils ne pouvaient bouger sans se toucher. Dans un dangereux étirement du temps. Et tandis que diminuait leur attention au dehors se communiquait lun à lautre la pulsion désordonnée de leur coeur. La chaleur de son souffle. Il pressait la chaleur de ses épaules, de son ventre, forçant du genou la résistance de ses jambes. Mais du même effort elle cherchait des bras, des mains fébriles où sattacher à lui, à la courbe mince de ses reins, à sa nuque, heurtant du front sa poitrine. Elle mettait sa joue dans sa main, et puis ses lèvres, et restait là, sans plus bouger. Le poids de tout son corps. Et cétait si silencieux. Et ce nétait rien que la danse continuée de ce soir au salon. Ecoutant gonfler en eux la note sombre. Son onde de choc inouïe.
Youre speaking my Language. On peut entendre des grognements dans certains morceaux. Dont believe the Truth. Ces compressions de bouts de tout et de nimporte quoi mettent les sens à la dérive. Il faut savoir placer des étais, assurer la circulation de lair. The Invisible Invasion. Les gens croient que je passe mon temps à écrire des poèmes. Aussi peu en contact avec les autres quavec lui-même. Demon Days. La technique, on sen fout, quand on a une idée, cest toujours mieux de le faire soi-même. Trouble dans le genre. Suggestion dintime. « Vous savez quil y a un parfum qui sappelle Audace, mais il ny a pas de parfum qui sappelle Courage. »
Cest dabord une annonce dans le train. Changement de terminus. Pour cause travaux. Puis cette femme recroquevillée dehors. Ce nest pas la première fois que je la vois, derrière la baie vitrée. Tout se mêle illico. Elle pose son sac à dos, en sort des vêtements, se change dehors, pose tissus sur ses épaules, bonnets sur sa tête et enfile ses moufles. Il ne fait plus froid pourtant. Il y a dans ses gestes, une méticulosité maniaque qui évoque le manque. Ensuite on nous apprend quil sagit dune grève. Un panneau lumineux qui clignote. Cette femme qui consulte Internet entourée de ses trois enfants très jeunes dont un en bas âge, qui chahutent ou laident dans sa recherche dun homme sur un site de rencontre. Cest GRATUIT, SIMPLE et COMPLET ! Cest efficace (des milliers de couples déjà formés). Cest moderne. Quand je sors ce soir, elle est prostrée du côté de la sortie. Carnet sous cellophane, quelle tient serré contre sa poitrine. Un pied près de mon coeur. Mais vous restez entièrement responsables de vos propos. Et je les écoutais, assis au bord des routes. Aux dernières nouvelles, cest un accident de personne.
Il a profité de la pause pour lui lire un des textes quil avait apportés. Il a lu debout. Puis il la regardée. Un long moment, avec un sourire qui laissait voir ses petites dents bien droites. Il attendait un signal. A-t-elle remarqué comment il a rougi ? Comment il se fait honte. Il a rougi. Il a regardé ailleurs. Je voulais changer de sujet. Jai senti son genou contre ma cuisse. Cest là quil rêve le mieux dactions, de mise en scène et de vivre davantage.
Si jécris une langue que je ne parle pas alors, tracé dun corps sur un corps dans le monde. Il faut dire ce qui arrive, il faut dire ce qui est. Echappant enfin à la loupe, à la nécessité, à la roulette, où se forme le sens de la vie à plusieurs. Je croyais que tu voulais vivre dangereusement dans ta langue. Attente vaine dune guérison, dun mot calmant. Ils devront partir. Quitter la ville. Mais ce lieu est incertain. Jenvisage. Une phrase qui devient doù, les voix toutes pareillement retenues, chacune au bord du gouffre, chacune dans la peur. Ne touche plus à rien. Des règles, ou des gestes. Cest simplement des mots. Que personne ne possède. Je me suis trompé de direction, il faut que je reprenne tout à zéro par exemple. Ce que tu me tu me dis. En accord avec toi.
Sur le quai je la vois au dernier moment, juste un signe de la main, un sourire, je ne la rejoins pas cette fois-ci et monte dans le wagon suivant. Changer ses habitudes, allez pourquoi pas ? Je vais lire. Ma collègue me raconte que pendant quelques jours elle a été persécutée. Le train, ses secousses, soleil à travers la vitre. Davoir toujours un mot aimable pour elle, de faire en sorte quelle se sente bien. Un moment, jai pensé à lui en regardant un passager qui me faisait face, la banquette en quinconce, juste devant de la mienne, sa manière de sexprimer, ce jargon technique et cet enthousiasme maîtrisé. Je lai observé avant darrêter car il sest tourné vers moi. Son regard perçant. Je regardais par le fenêtre plus par habitude que vraiment parce que je pensais y voir quelque chose. Un peu plus tard, jai encore pensé au frère de Caroline, et cest à cet instant précis que lindividu qui lui faisait face, dans le sens de la marche comme moi, sest écarté du troisième homme, assis près de la fenêtre. Et jai vu son visage. Et jai vu que cétait lui, justement, qui se trouvait là, dans ce train, tout près, et je ne lavais même pas vu.
Caroline ouvre la fenêtre de la salle à manger. Un vent frais sur mon avant-bras. Je respire. Douceur de lair. Troupeau de nuages dans un ciel bleu. Je lève les yeux. Envie de soleil sur ma peau. Sentir cette odeur si particulière de lépiderme sous le soleil exactement. Se faire une terrasse. Une expression que ne connaît pas ma soeur, à ma grande surprise. Ce dont on se persuade, finalement non, cest un choc. Cette fille quon croise dans la rue, dont seul je remarque la théière quelle porte du bout des doigts pour ne pas se brûler. Les feuilles de menthe nous tirent la langue. Leur odeur, un temps suspendu. Dans le ventre, dans le coeur, dans la gorge, la flèche traverse toujours, au bon endroit. Sur les plots, les filles jouent à chats perchés. Nina tombe, le rouge de son entrecuisse. Ses larmes. Cest bon maintenant. Est-ce quun échange est un jeu ? Le cigare que je ne fume pas. Je nen ressens pas le besoin. Beaucoup de lecture. Lenteur des gestes. On mange à pas dheure. Un dimanche comme je les aime. Lodeur du livre, sa couverture en trace dans le creux de ma paume. Goût de réglisse dans ma bouche.
Et bien non. Non. Cest non. Déception. Je naime pas dire non. Quand on me pose une question, jessaye dy répondre le mieux possible. Je ne dis pas non systématiquement. De préférence, ne pas répondre à côté de la question ou léluder. Ne pas répondre une question par une autre question. Ne pas dire non pour se faire un nom. Ou pour refuser le dialogue. Et bien non. Non. Cest non.
Pensées disjointes qui senroulent et se déroulent comme autant de circonvolutions dun cerveau qui ourdit le monde. Limportance des souffles. Pourquoi les pensées peuvent-elles être leur aide ou allées... La main ouvre, cherche, fouaille au creux. Là-bas, ailleurs, où lespèce foisonne. De ses lumières, le silence des jours appelle. Cest la raison qui ouvre les yeux ; une erreur dissipée nous donne un sens de plus. Un train dans le lointain est un bon générateur de bruit. Assemblages bizarres. Doù je suis, légèrement au-dessus deux, en contre-plongée, ils ne peuvent pas me voir. Je suis invisible. Les météores depuis cette cheminée de paroles. Une texture à la fois cohérente et composite. Nous sommes sur la même longueur donde. Un peu dinsomnie nest pas inutile pour apprécier le sommeil, projeter quelque lumière dans cette nuit. Cest ce que je me dis en allant me coucher.
Un homme fait hou hou de la main, et sadresse à quelquun qui lui ressemble. Un autre en pull rose, accroupi, semble photographier son double avantageux, genou en terre... Des immeubles aux fenêtres allumées dautant décrans TV. Pas de triche. Avec le numérique, dit-il, vu la facilité des manipulations, le texte se présente plus comme une construction de lesprit. Pour chaque texte, prendre vingt phrases dun même texte (avec cadrage fixe) traversé par des personnages promeneurs ou vacanciers. Puis réunir dans un seul texte les apparitions dun même personnage, différents moments de son activité. En le replaçant lendroit exact où il se trouvait. Je ne triche pas sur le positionnement, cest le côté documentaire de la série. On peut ainsi samuser, dépouiller chaque texte de ces présences multipliées, qui ressemblent à des spectres. Apprécier le comique de ces collisions dinstants : ainsi de cette fille courant à la rencontre delle-même. Mais les textes ne sappréhendent pas uniquement de façon ludique. Sommes de temps individuels, ils mettent laccent sur une certaine solitude, montrent des êtres séparés, de passage. Les lieux intéressés accroissent cet aspect désolé, auxquels les gens nappartiennent pas vraiment, où ils sont déjà délocalisés, des lieux de tourisme, de villégiature. Jouer avec le doute que suscite le texte détourné. Par ces altérations, le collage crée un état dinquiétude chez celui qui lit et le force à se poser des questions sur ce quil a sous les yeux. Paradoxe de notre existence : un perpétuel aller-retour entre limaginaire et le réel, une tentative à la fois indispensable et perdue davance pour savoir où nous sommes.
Les derniers préparatifs, cest là quon sent le temps long. Il y a toujours des impondérables. Des gens qui annulent au dernier moment. Des amis qui ne viendront pas, comment leur en vouloir ? La pression monte normalement devant léchéance prochaine mais non, curieusement, les tensions et les doutes sesquivent jour après jour. Bientôt lindifférence. Des retards dans les livraisons. Une grève qui sannonce. Limpatience des grands rendez-vous. Et bientôt tout est fini.
La mesure ambulatoire de la poésie est lenregistrement de la poésie à intervalles réguliers dans des conditions dactivités habituelles par un automate portatif relié à un brassard. Le but est double. 1. obtenir un grand nombre de mesure pour mieux approcher la vraie poésie, et apprécier la variabilité intra-individuelle de la poésie. 2. obtenir des mesures en dehors de la présence de personnel médical ou paramédical, qui est responsable en moyenne dune majoration de la poésie. La technique de détermination de la poésie est habituellement oscillométrique, parfois auscultatoire ou les deux. Le transfert des données stockées par lautomate se fait vers lordinateur par la même interface que linitialisation. Le logiciel élimine les mesures aberrantes selon un algorithme prédéfini et que lon peut modifier. Informer lintéressé, afin quil comprenne le but de lexamen, permet quil participe à sa réussite. Mieux la personne arrive à oublier lenregistrement en cours, et mieux celui-ci reflète la poésie dans la vie de tous les jours.
JUIN
Je narrive plus à respirer. La main sur le front, je sens ma tête peser, lourde, les yeux se ferment tout seul. Jai chaud. La force de rien. Je ferme les yeux. Je ne pense à rien. Je narrive plus à rien. Journée debout à courir à droite à gauche, finaliser le festival. Et puis ce courrier auquel je me promets de répondre. En suspens. Je ne te connais pas, mais je lis ce que tu écrits. Pourquoi tu ne demandes pas daide ? sétonne une collègue. Bonne question. Touché, coulé. On change de sujet. On empile les dossiers pour demain la hâte. A la chaîne. Je ne respire plus. Jai très chaud. Les jambes lourdes. Je ferme les yeux. Je mendors dans le train.
Un miroir persuasif. Le bras me fait encore mal, mais ce nest rien. Quelque chose de chaud coule à lintérieur de son corps. Lapprovisionnement par la foule. Le principe de fonctionnement de ces nouvelles entreprises est simple : utiliser le temps disponible des gens pour créer du contenu, résoudre des problèmes. La leçon déconomie est claire, son travail nest plus rare. La foule est dispersée. La foule a peu de temps à vous accorder. La foule est pleine de spécialistes. La foule produit la plupart du temps de la merde. Mais elle sait aussi trouver la matière la plus appropriée. Je sens mon sang couler dans mes veines. Sans plus aucune peur de sy dissoudre. Tout se poursuit, jamais rien nest effacé. Et le médecin me demande de payer sa consultation par un sang neuf. Ce miroir déforme votre image quotidienne pour mieux prédire vos gains et pertes de poids.
En même temps, on sest invité, on peut pas vraiment se plaindre, personne ne nous a expressément demandé de venir, on est libre de partir quand ça nous chante, on prend place, il faut trouver sa place, pas si facile, creuser son trou, son sillon, sinsinuer entre les habitudes des usagers et leurs amitiés, difficile de prendre place, faire des coudes, des pieds des mains, tout le corps entre en scène. Au début, personne ne vous adresse la parole, lindifférence générale, il faut vraiment pousser son coup de gueule pour se faire entendre, mais leffet disparaît aussi vite que lécho du bruit provoqué, très vite on vous ignore, on vous laisse de côté, on reste ensemble, entre amis, cest un tout petit monde, et lon redevient anonyme. Pour comprendre le principe de ces échanges, il faut imaginer une conversation, autour dune table par exemple. On communique avec des petits bouts de papiers quon glisse à ses voisins, la conversation sanime il faut les voir séchanger leurs papiers à la hâte, en espérant reproduire un espace déchange impossible, un dialogue de sourd.
Que de fois, au moment où la femme inconnue dont jallais rêver passait devant la maison, tantôt à pied, tantôt avec toute la vitesse de son automobile, je souffris que mon corps ne put suivre mon regard qui la rattrapait et, tombant sur elle comme tirée de lembrasure de ma fenêtre par une arquebuse, arrêter la fuite du visage dans lequel mattendait loffre dun bonheur quainsi cloîtré je ne goûterais jamais ! Dabord ses mains et ses pieds, puis ses jambes, ensuite ses bras à quelques mois de distance, de sorte quil semblait composé de parties issues de plusieurs corps de tailles diverses. De là son air sans grâce et fragile, comme un oiseau à longues pattes arpentant un sol rocailleux. A présent je suis moi, je récidive, lidiot parfait dans son idiotie qui ne sait pas quil est idiot et jouit de sa jouissance jusquà ce que la première réflexion intelligente le rende à la conscience de son idiotie et le fasse chercher fébrilement une cigarette de ses mains maladroites, regarder à terre, comprenant et parfois acceptant, parce que même idiot il faut bien vivre, jusquà un autre canard, une autre affiche et ainsi de suite.
cest une activité humaine qui en vaut bien dautres. nous ne choisissons pas lheure, la lumière, langle. Les mots tout juste, vous voyez ce qui arrive. Cest la même chanson. La vie sempare de la vie. Les voix de lenfance. Jai respiré lair. Un souffle qui enveloppe au présent de lindicatif. On ne peut pas plier le souffle. « Que reste dans ma vertèbre la brusquerie debout. » Quand personne ne regarde. Une cerise rouge. Jobserve les filles, jobserve leurs visages, leurs visages blancs. Le dimanche, beaucoup de soleil et un peu dombre, ce qui arrive. Vers la vraie vie, comme on ne la connaît pas.
La fatigue quon ressentait lavant-veille, ce soir totalement disparue. Dans la tension, rien de grave, détendu, comme rarement. Cest une flèche, droit au but, je me répète. Là, cest différent. Je nai pas peur quand je ne suis pas seul. La lecture est une force. Je ne lis pas très bien en public, pas comme un acteur en tout cas, cest sûr, incapable de rivaliser. Je peux même dire, sans flagornerie, tant mieux. Ce nest pas un jeu. Je comprends la fascination de la scène cependant. La voix porte, un regard - est-ce vraiment nécessaire ? - nous voilà, à notre, tour porté. Si la vie est une farce, la voix est une force.
Je mallonge dans lherbe avec délice, le ciel au-dessus de ma tête. Je ferme les yeux. Mes pensées se mélangent, colorées dune jolie illusion. On apprend que le vert est très démonstratif et que le rouge ne lest pas. Il faut faire attention avec le rouge. Des choses qui devraient contraster, de façon peut-être désagréable comme le bleu et le rose, ne le font pas. Ils tendent à être complémentaires et même, à fusionner. Que faîtes-vous ? Je me bats contre la routine. Quest-ce pour vous une sculpture ? Un plaisir et une façon de penser. Et un dessin ? La même chose en pire. Dans le métro en rentrant ces deux femmes qui portent le voile. Noir tissus dessus la chair. Leurs yeux seuls. Ce turban comme objet bouchon, point darrêt dans ce mouvement spiralé, du judas quoffre au voyeur le bord circulaire de la toile à linsondable de lorigine. Mon oeil. Cet oeil qui semble nous fixer sans que nous puissions le voir, le regard même de la mort.
Là, tout à coup, lexplosion, sans coup férir, pas drôle pour autant, ça arrive sans prévenir, cest un coup de feu qui part, un accident de parcours, dommage. Nina ne dort pas encore. Nina se lève encore. Nina fait du bruit dans son lit. Nina appelle sa mère. Nina veut boire un verre deau. Elle pleure dans son lit quand je lui dis non, tu exagères. Je suis celui qui dit non. Mais là le non déborde, erreur sur la personne, un autre nom. Elle pleure, elle se recroqueville, jinsiste pour savoir ce quelle veut, boire un verre deau, jexplose. Je la fais se lever et direction la cuisine, en quatrième vitesse. Les larmes sur son visage. Ma réaction est disproportionnée, je le sais déjà, décalée, mais il est trop tard. Quand je me rassois, une douleur à la poitrine. Un vide étrange. La porte de lascenseur est ouverte mais la cabine nest pas là. Je me demande qui est ce type qui vient de crier sur son enfant. Je me tourne vers la chambre des enfants. Plus un bruit. Caroline ne dit rien. Je me souviens dun passage des petites filles modèles que jai lu à Alice dans le train en rentrant de chez mes parents ce soir : « ...et toutes deux sendormirent pour rêver soufflets, gronderies, tendresse, pardon et raisin. »
Les chiens dorment et rêvent, ils sont partout. Il lui essuie les yeux avec un mouchoir propre quil remise ensuite dans sa poche. Rien ne brise la vue au bord de la froide obscurité, regardant le paysage blanc qui sencadre. Mes mains effleurent la liasse de papier lisse. La carte de mes pensées vagabondes. Ouvrir les doigts. Lair et le soleil les frappent comme le pollen, le flot de soleil les brûle de rouge. Attraper des mouches. Mauvais temps dans ma tête. Dehors, non. Odeur de lilas. La fleur flétrie sent le sain. Et puis cette respiration précise qui séchappe en courants calmes et réguliers. Jai les mains vides bien que chaque mouvement (me lever lentement, marcher) soit calculé par mon regard. Les mains dans les poches de derrière.
Ces mots nont pas de prix. Ni traces retirées aux pages. Temps, travers de temps. Lorsque les mots deviennent ce quils ne sont pas. Mais ne cesse de parler pour ne pas le dire. Plus haut que la pluie. En un mot léclair précède la pensée. Et quand tu lis, ce sont les mots qui te regardent. Lire est cet horizon. Parler ne fait plus partie des choses. Le vacarme est gratuit. Se taisent, même quand ils parlent. Lecteur soit sans parole. Les mots nous lisent. Au-delà se souvient de tout. La lumière déplaçant les mots. Ne veut rien dire quen trop. A livre ouvert.
Dans la pénombre, je vois ces images en boucle. Du mal à réaliser ce que je vois. Les avis sont partagés. Droit à limage. Certaines femmes me demandent denlever leur portrait. Gros plan. Un autre projet en tête. Alphabets didées. Il sadresse à quiconque désire parler de sa voix et de celle de son voisin. La voix intime et la voix dans lespace social. La voix au sein de notre environnement sonore. Textes de sons. Superpositions. Quand jécris Nuages, je peux penser à une résonance de piano en réverbération inversée. Mais ça mintéresse aussi que lon ait présente à lesprit limage de nuages qui sestompent. Heureusement que jai des manies de bibliothécaire et un goût pervers pour les répertoires, les classements et les tables des matières. Ca ressemble à une moisson. Des listes pour voir. Commentaire : Profil légèrement perturbé.
Quand la lumière est un asile. Destinée qui couvre ta voix. La lumière en tombant devenait du marbre. Ainsi faire dire aux choses le contraire de ce que leur mutisme manifeste. Sous un silence. Incliné, décide mieux si la voix brûle. Entre la lumière et labîme. Accorde-moi la lumière. De dire ce que je vois. Plus vite que le silence. Vient parler dans leur bouche. Ne plus imaginer veut dire, ici. La lumière est ce pain du rêve. Où ce qui sort éclaire demain, fruit du sommeil. Le temps tranche léternité.
Le fétiche de loriginalité. Le problème, cest la façon, ça crée le trouble. Un archipel de cas particuliers quil faut faire vivre ensemble. Il lobservait, essayant de lire dans son esprit - mais son regard demeurait froid, inexpressif, indéchiffrable. Saisi par des sentiments étranges, sans mexpliquer nécessairement ce qui les induit. Pourquoi, dans cette nouvelle de Jack London, un écrivain se tire-t-il une balle dans la tête, lorsquil découvre quil a sans le vouloir plagié le travail dun autre ? Tout le monde sépiait mais personne na dit un mot. Le copier-coller tient lieu de réflexion. Cest toujours stimulant davoir à lutter contre des contraintes. Cest un commentaire sur lérosion du réel, du à linvention denvironnements de plus en plus nombreux, conçus pour vous en extraire. Cest bien joli, mais quest-ce que ça veut dire ?
Le temps presse et je paresse. On avance, on avance. Fière allure, dans linsouciance du rythme la vitesse suffit parfois combler les vides, les trous. « Au fond de linconnu pour trouver du nouveau. » Mais le train soudain ralentit, il poursuit son chemin à son rythme, en roue libre. Sa force dinertie. Et sarrête au hasard, ici une gare, sur le quai désert, à lombre dun vieux tilleul. Cette attente paisible forme une parenthèse inattendue et salutaire. Des personnes sur la voie entre Combs-la-Ville et Melun. Je reprends ma respiration. Le temps suspendu. Dans prose, il y a repos.
Je te le dis, tu vas mourir, je te le dis, je te le dis, vient un jour où surgit en elle ce que savent, et ainsi donc sous une lune dalbâtre, jusquà ce quun cri immense traverse la nuit : « Va au diable avec tes chansons ! » Vient un jour où surgit en elle ce que savent (ou croient savoir) les autres de ce nous. On sarrange mieux de sa mauvaise conscience que de sa mauvaise réputation. Les mots restèrent suspendus comme des cristaux dans la nuit glacée et blanche. Lamour se cache par son excès. Dans les films, tu nas fait que mimer des chanteurs en play-back, aussi épargne-moi ce bruit denfer. On sembarque dans des raisonnements quon est obligé de couper court, à cause de leur ridicule, si lon vient à se réveiller et à sécouter. Non comme on regarde un fonctionnaire qui discute de questions difficiles. Leffort quon se fait est si violent quon a lair froid. Mais comme on regarde quelque chose qui empêche de dormir et dont on ne peut arriver à comprendre la signification. Ce que nous savons de nous-mêmes, ce que notre mémoire en a retenu, est moins décisif quon ne pense pour le bonheur de notre vie. Je te le dis.
Auteur fictif, jai hésité. Jaurais dû. Pas poète, écrivain non, même si au fond cest bien de reconnaître son inutilité, pas romancier, ce nest pas mon genre, artiste, trop vague. Auteur, jaime bien pour la hauteur justement. Le point de vue. Cet auteur fictif nest pas choisi au hasard, dun texte réel un auteur fictif. La critique ne dit rien de bon tant quelle ne se figure pas toute lindétermination de lauteur. Cest-à-dire le rapport quil a avec son uvre. Le rapport de luvre à lauteur est une des choses les plus curieuses. Luvre ne permet jamais de remonter au vrai auteur. Mais un auteur fictif. Dixit Valéry. Sous un faux nom se cachent des motivations différentes. Je recommençais. Tout métait donné, encore une fois.
Le titre, cest déjà le son. Ce quils disent et comment ils le disent. Les poètes peuvent traiter nimporte quel sujet, dans nimporte quel style. Les poètes doivent utiliser leurs propres textes. Lutilisation dinstruments de musique ou de musique préenregistrée est interdite. Lutilisation daccessoires est interdite. La performance du poète doit reposer sur son texte et sa relation avec le public. Les costumes et déguisements sont interdits. Le poète doit porter les vêtements quil porte dans la vie de tous les jours. Un costume se définit par un ensemble ou vêtement ayant pour but de souligner leffet de la performance du poète. Lorganisateur ne sera, par exemple, pas tenu légalement responsable de votre corps nu sur scène. Linspiration. Un poète a le droit de sinspirer du travail (mots, textes, paroles) dun autre et de lintégrer à son propre travail. En revanche, se contenter de répéter le travail dun autre est interdit. Et pendant ce temps-là, sur lautre rive, le commentateur dun critérium, fait de la poésie. Le théâtre des tensions et des relâchements, des brisures et des éclats. Voix à lavenant.
Cest un combat de tous les jours. Loeuvre dune vie. Mais difficile de se coltiner a au quotidien. On en parlait encore hier soir avec Caroline. Voilà si jarrête je crève, si si maintenant pour moi cest une évidence, allez texagère, sois pas si pessimiste. Non je ne crois pas, je le vérifie tous les jours. Cest un combat je vous dis, mains nus, pieds et poings lis. Faire passer le message. Ma rage est l, encore une fois je ne dis pas non. Cest un combat positif. Je vais de lavant. En arrière jai trop peur. Sur place impossible. En avant toute. Et donc il faut convaincre les autres, parfois même son entourage, persuader sans cesse que si lon sarrête sur le bord du chemin, la mécanique on ne pourra pas la redémarrer. On calle et lon ne décolle plus. Mais encore une fois cest un choix. Ecrire tous les jours. Travailler à mort.
Payer pour ne rien voir. Je passe. Soulagé quelque part. Mais de quoi, de quel poids ? De quel droit ? il ny a vraiment pas de quoi. Suis-je en vacances ? Je déambule toute la journée, je monte, je descends, je prends des photos, jenregistre tout ce que je vois, à la dérobade, tout ce que jentends. Je retransmets illico, avec rien quun léger décalage, le temps de respirer. Jai écris en léger différé. Course contre la montre. Epreuve solitaire, pas à dire. Je me sens seul aujourdhui. Pas grand monde pourtant noir de. Chacun dans son coin. Dans son secteur. Les vaches seront bien gardées. Le temps bat son plein. Elle prépare ses vacances derrière son écran avec un air affairé. Je travaille lair décontracté, main dans les poches, la veste sur lépaule. Fausse décontraction qui ne trompe personne. Tension davant match. Jeu du chat et de la souris, quaucun coup de griffe ne peut plus vraiment blesser désormais. Le chat nest pas un félin comme les autres. Je répète. Le chat nest pas un félin comme les autres.
La fatigue. Après une journée de travail. De montage. Copier, coller, couper. Dans le train difficile de parler. Tu pourras lire si tu veux. Le bruit brouille tout, la fenêtre est grande ouverte, la porte laisse passer le brouhaha des rails dans un courant dair assourdissant. Quand elle me parle de loin en loin, je la fais répéter systématiquement. Je me penche vers elle pour entendre ce quelle me dit. Par à-coups. Conversation débride. Copier, coller, couper. Les yeux humides à force de bâiller. Main sur la bouche. Elle est songeuse. Je suis fatigué. Elle est frondeuse. Je me suis figé.
Fenêtre fermée et volets clos, pièce plongée dans la pénombre. Télévision allumée, le son éteint. A lextérieur, une chaleur écrasante qui ralentit tous les gestes. Et les souvenirs à fleur de peau. Dans la voiture de Valérie, vendredi par exemple. Je monte à larrière. Fenêtres grandes ouvertes. Emilie termine sa cigarette. Non, ça ne membête pas du tout. Souvenirs de Corse. En rentrant de la plage en voiture, la fumée de la cigarette que le vent nous soufflait au visage. A peine pouvait-on respirer. On restait sur le siège sans bouger, sans réaction, épuisé de soleil et de sel sur nos peaux rougis. Dans lhabitacle enfumé. Cette odeur qui sest inscrite en moi ne sefface pas. Fenêtre ouverte, petit courant dair du soir, la pièce plongée dans la pénombre. Télévision allumée. Lécran aussi.
Les filles sont restes longtemps dans lignorance les unes des autres. Dabord très silencieuses, discrètes, timides. Chacune occupée à ses jeux, de son côté. Nina joue toute seule à la dînette. Heureuse et soulagée. Joie sa joie la plus vive. On apprend la nouvelle par Marc et Dominique venus nous rejoindre aux Buttes-Chaumont avec Alice et Jeanne. Javoue, jai souri. On ouvrira même une bouteille de Champagne ce soir. Pour fêter ce moment, cette nouvelle, la joie dêtre ensemble, sous le soleil. Un grand soulagement et une grande joie, soulagé. Les filles se mettent enfin à jouer ensemble. Ce temps dobservation. Cette attente. On entend plus quelles à la ronde, leurs rires et leurs cris. Jambes nues, blanches, elles tressautent sur lherbe, leurs cuisses de grenouilles. Cest du poulet. Le sentiment dune mission accomplie. Un bonheur et un soulagement immense. Une très bonne nouvelle.
Moins on maîtrise la langue, moins on a accès au sens. Prolifération langagière. En décalage constant. Même sil sagit toujours du rapport de lindividu au collectif, des micro narrations se greffent parfois dans linstant, à grand renfort de glougloutements, hululements et autres proliférations langagières. La qualité de la distribution joue pour beaucoup. Tatoueur de matière ayant congédié la vérité pour nen garder que le voile. Et aussi ce ciel, longiligne, fenêtre ouverte, qui devient, porte fermée, par la matière et le support, où la couleur pleure vers le bas, monde fondu, paysage battu et délavé par le soleil. Jai horreur de tout ce qui est systématique. Sur les pages de ses livres, les espaces blancs sont plus nombreux que les caractères. Juxtaposition de qui parle ? sans chercher à reconstituer lévénement. Je le dis, je le fais. Il les fait apparaître fluorescentes et bleutées. Après pulvérisation, lintérieur est devenu tout bleu.
Sans but précis, au hasard. Nonchalance tout coup due, involontairement détournée. Reconnaître quelquun dans la rue qui lui ne vous voit pas. Se mettre le suivre sans arrière-pensée. Juste le souci de ne pas le perdre de vue. Rester à bonne distance, discret. Assez loin pour ne pas être repéré, assez près pour ne pas se laisser distancer. Au bout dun moment on se rend compte quon ne regarde même plus le suivi dans cette poursuite, ce chassé-croisé, ce jeu de cache-cache. Ce qui retient notre attention, cest le mouvement en réalité. Mais que signifie, ici, réalité ? Rien de plus que : ce qui ne peut pas ne pas paraître tel, dans la limite de mes sens et de ma pensée, de mon corps, du monde qui est le mien. Promenade inédite dans les rues ensoleillées de Paris. La chaleur qui nous a fait dabord transpirer au moindre effort, lombre qui teint les formes, le temps qui vous use lentement. Sans but précis, au hasard.
Tout reste à faire. Avec la chaleur, ce nétait pas évident. Ce qui est positif, cest davoir pris un point. Jespère que ce sera mieux par la suite. Mais il ny a pas eu de joie. Il a fait très chaud. Il y a eu beaucoup de respect, peut être trop. Cest un résultat très moyen. Il faut plus dambitions, mettre toutes les armes de notre côté. Tout le monde veut nous battre. Sachant que la chaleur rendait les choses difficiles. Mais rien ny a fait. Un évident manque de mobilité. Faut faire avec. Perdre de ne pas jouer. Il nous a manqué de concrétiser pour faire la différence. Tout reste à faire.
Assis en terrasse, le guéridon métallique réverbère la lumière du soleil, le café est tiède (mon voisin de gauche, un vieil homme au stetson en paille a bien raison de critiquer les nouveaux patrons du café et leur personnel), je viens de terminer la lecture du Libération. Je voudrais savoir quel jour on est ? Est-ce que vous pouvez me donner la liste des gens qui font des travaux au noir ? Mon mari vient de mourir, quest-ce que je dois faire ? Le vent frais chasse la chaleur estivale, à bout de souffle. La Police vient darrêter plusieurs réfugiés Irakiens, Afghans, Iraniens et Kurdes qui dorment depuis quelques mois sur les trottoirs de lAvenue de Verdun, à proximité de la Gare de lEst, ils font le siège des cabines téléphoniques, sur le toit desquelles reposent leurs sacs de couchages, les cartons en guise de matelas et leurs vieilles couvertures. On mesure la gravité à la voix, aux propos, et on envoie sur SOS amitié, SOS-suicide, le Samu, les femmes battues ou un foyer dhébergement. Je ferme les yeux, je sens la chaleur du soleil sur ma peau, et une odeur de sel. Je bois un café sur la place Saint-Nicolas, Bastia, en Corse.
Sensations dinstants différés en écho, en chaîne, comme un éclat de lumière diffractée. Dans la journée, retour au source. Le temps est à lorage. Au désespoir. Du mal à respirer. Ne pas faire forcément la liaison. Toujours dangereuse. Un poids sur la poitrine toute la journée. On tourne en rond. On se lève, à tâtons dans la semi pénombre. Il est tôt mais quelle heure difficile à dire. Difficile de respirer. Une pression tenace. Une main, paume à plat, sur le torse nu. Pression constante. Comme un tracas. Le mot aria me revient. Sa musique et son sens de. Dans la chaleur encore, la tiédeur de laurore qui se lève, lappartement repeint en bleu gris, il fait déjà chaud à cette heure, poussière sous mes pieds nus, les oiseaux pépient, ségosillent dans la douce lumière matinale. Je vais me recoucher. Cest déjà trop tard.
La poésie. Si elle ne cherche quà démontrer ? Quoi ? On se demande bien. Il mécrit parfois, les mots nouveau entre nous. Quelle sattache au soleil, écrit-il. Elle, je ne sais pas, mais nous cest vrai. Dans un papier cristal, enfermés sous la pluie. La poésie na quun seul sens. Dis-moi, dis-moi vite, claire-moi, toi qui sait tout. Avec dautres mots que les miens. Jaffirme, mais je ne sais rien. La pluie est passée au travers. La poésie nest quune frise quand elle se pierre. Une lettre le début de son prénom. Partager sa peine au quotidien avec les siens ou crier avec les chiens ? Le sas de nos journées. Plus je le regarde, plus je le sens. Mais il ne suffit pas de lavouer en mots semblant tout colorés. Cest juste. Tout juste.
Cette chose plus compliquée et plus confondante que lharmonie des sphères : un couple. Comment dis-tu ? Un texte court, fragmenté. Un élan imprévu. Cadence, superpositions harmoniques de mince à épais, sans changement de tessiture. Son noir cri assourdi, voix doubles, pincé court. Lautre musique, offensante et offensive, tenterait darracher des parcelles de temps retrouvé, pour en faire lobjet dune contemplation. Traces enchevêtrées, plus ou moins vibrantes. Son pouvoir est celui du rêve flou, du frôlement suspect, du bruit dont on ignore la source. La mélodie infinie dont lagencement préfigure le montage cinématographique. Et linquiétude, parfois.
Au commencement était le verbe, à la fin le monde sans fin. Mais demain est un nouveau jour, sera. Le passé était, est, aujourdhui. Ce qui est maintenant est, sera alors demain, comme maintenant était le passé hier. A chaque jour suffit son quotidien. Ne remettez jamais demain ce que vous portez aujourdhui. Tissons et détissons au cours des jours la trame de nos corps, dont les molécules font ainsi la navette, de même lartiste tisse et détisse son image. Et comme la tache de mon sein droit est encore où elle était quand je suis né, bien que tout mon corps se soit tissé et retissé plusieurs fois dune étoffe nouvelle, ainsi à travers le spectre du père sans repos, limage du fils, sans existence, regarde. Il est des péchés ou (appelons-les comme le monde les appelle) de coupables souvenirs qui sont cachés par lhomme dans les recoins les plus sombres de son coeur mais qui demeurent là et attendent. Il peut laisser sestomper ces souvenirs, faire quils soient comme sils navaient jamais été, se persuader presque quils ne furent point ou tout au moins quils furent autres. Mais le hasard dun mot les évoquera soudain et ils se dresseront en face de lui dans les circonstances les plus diverses, vision ou rêve. Sésame toujours ouvert. Le sexe fendu. Doù leur terreur de la vermine, des choses qui rampent. Pourtant Eve et le serpent cest contradictoire. Ca nest pas historique. Mais jy pense, il y a une certaine analogie. Et les serpents sont assoiffés de lait de femme. Ils font des kilomètres à travers les forts omnivores pour saliver à ses soins jusquau sang. La statue de Narcisse, son sans écho, désir qui se désire. Quest-ce qui faisait sa consolation pendant quil était assis ? La candeur, la nudité, la poésie, la tranquillité, la jeunesse, la grâce, le sexe, le conseil dune statue, debout au milieu de la table, un Narcisse achet aux enchères.
Un rébus abstrait et poétique. Elle tient sa rose rouge droite devant elle,comme un flambeau, un petit drapeau, hisse haut ses couleurs, rose, rouge, sous son cellophane, le regard mobile. « Assis dans la fin la fin jamais on joue le poème on ne se lève pas quand vient son tour on joue entre les lèvres les lèvres sont inventées pas les mots. » Une vocation fantasmatique et diffractée de son enfance (Le miroir). La profonde réalité du monde irréductible aux représentations sociales. Pour se retrouver lhomme a besoin dun miroir (Solaris). Ce miroir, cest leau du flux du sang et de la pensée (rivières, lacs, flaques, pluie). Elle se cache derrière ses reflets irisés, le soleil cest leau cellophane, la fleur fière, altière, haute en couleur. Le regard lointain du but à atteindre.
Elle avait un visage brun avec un nez très dessiné et de forme sévère, une bouche charnue, fraîche, rieuse, avec des dents dune blancheur lumineuse et qui paraissait toujours humide et éclatante ; ses très grands yeux dun beau marron doré et dune expression sensuelle étaient, dans les moments dabandon, étrangement battus et égarés. Son côté sombre, brisé par la soudaine gaîté perçante qui caractérise les gens sans humour. Je me sentais curieusement embarrassé et me surprenais en train de laborieusement me creuser pour trouver un sujet de conversation. A quel degré de concentration ne faut-il pas sastreindre, avec quelle intensité ne faut-il pas fixer son attention, pour parvenir à capter limage de quelquun ? Quand vous arpentez les rues, le monde semble exister tant bien que mal. Mais regardez par la fenêtre - et tout devient irréel. Comment se fait-il que la transparence dune vitre nous sépare à ce point de la vie ? En réalité, une fenêtre nous éloigne du monde plus que le mur dune prison. A force de regarder la vie on finit par loublier. La vérité, cest bien que je me fais leffet dun mort, dun mort qui a encore à vivre. Penser le texte comme lieu de tensions.
Nous avions tous parié pour une fille, du côté de leur mère il ny a que des cousins, pas une seule fille. Encore un. Gianni. Cette chaleur. Cette moiteur, ce soir encore. Il est né à 20h30. Le coup de fil de Sébastien fait écho après celui de Marie-Cécile, dans sa voix pas dexcitation ou de fatigue particulière. Les détails sur lesquels on se fixe fragile dans ces moments-là. Le sexe, la taille, le poids, lheure de la naissance. La maman et le bébé se portent bien. Phrases répétées sans cesse. Un rituel. Cette chaleur ce soir, retour en arrière. Je tarde à ouvrir la fenêtre, un peu dair peut-être. Dans leur chambre les filles dorment. Je me souviens.
Debout sous le parasol, torse nue, ventre légèrement bombé, je me vois à son âge. Alice se fait couper les cheveux. Son visage change au fur et à mesure. Les boucles blondes à ses pieds sur le gazon. Son regard rivé vers la piscine, droit devant, avec lenvie dy retourner au plus vite, retrouver les jeux aquatiques de sa soeur et de ses cousins cousines. Elle pensait sêtre mise à labri, a voulu gérer son avance, ce quelle a cru être sa « solidité » et craqué. Montage part à laile. Elle sourit à leurs jeux, sur son visage un livre ouvert, ce quelle a en tête. Il fait chaud. Lourd. Cest une journée aux airs de défaite, au pied du mur. Linstant daprès toute autre. Ces subits changements lumineux de fin de journée estivale orage au bout. La scène en dit long sur le ressort qui sest peut-être cassé, un regard froid, de ses yeux perçants. La fin la plus étrange et la plus triste qui soit. Une sortie incompréhensible. Elle se ferme illico presto. Rideau. Plus rien à voir. Pour comprendre létendue des dégâts. Immenses. Pas un ne le regardait. Trop peut-être. Agrandir la photo. Je ne vois plus rien. Forte de son expérience. Mais à force de gérer, quand on nest pas sûr de soi et de sa force, on sexpose.
Dans le jardin pas dombre. Au centre du jardin pas dombre, lherbe sèche déjà jaune, la paille. Lombre réduite à la portion congrue, le long des murs de la maison, les clôtures et les barrières du voisinage. Cest lendroit quon choisit pour sasseoir après le repas. Sous le parasol lair est irrespirable, il touffe. Leau que les enfants nous jettent joyeusement en nous arrosant de leurs cris stridents, pointe froide dont la griffe sefface lentement, le torse nu humide, nous révèle la présence dun vent - passager - qui nous caresse comme un voile très léger.
Du vent ce matin, là où lon sattend à la chaleur étouffante de la veille. Valeur assurée sur quel pied danser. Nuages bas pas décidés à lever le voile. Le siège. Lair est moite, marin, régime sans sel. Et dentrée de jeu se faire prendre la main dans le sac. Les yeux de travers. Quelque chose à te dire. Le coeur qui bat. Jouer avec le feu, se faire prendre à revers. Faut avouer, pas bien malin, en même temps pas de quoi fouetter un chat. Faute. Sanction immédiate. Mauvais prétexte. Assumer serait mieux. Mais difficile de reconnaître sa faute, quand elle est ainsi puérile. Je voulais juste les regarder, tu parles. Pourtant le fait est là, sous nos yeux, telle une preuve vivante. La voix tremblotante de lenfant pris à défaut. Mais le cadavre nous effraie si fort que, pour reculer léchéance, nous le nommons dépouille mortelle, comme sil nétait pas déjà mort, mais seulement promis à la mort, comme nous. Sujet suivant.
Il y a forcément un trouble à se trouver ainsi démuni, trouer le temps ne rien faire quà travailler - seul au travail - tout juste passer le temps à regarder de temps en temps par la fenêtre le soleil scintiller sur leau, les nuages filer au loin paresseux et passer les bateaux, lécume légère, leur proue, même le bateau promenade est désert, il sarrête à ma hauteur, manoeuvre en forme de clin doeil, dinvitation au voyage sur place, le monde sendort, dans une lumière chaude, mais je ne veux pas tricher, pas aujourdhui, je reste travailler jusquau bout, à lintérieur la climatisation imite assez mal leffet autrefois bénéfique de lombre. A labri de quel arbre ? Si agréable pourtant de sentir subitement le poids de la chaleur chuter sur ses épaules. Et ses doigts vous serrer sensiblement le bras, ses ongles senfoncer dans la chair de vos cuisses, de votre torse, ralentir votre pas, votre allure. Alors on fait plus le fier ?
Nous partons toujours du texte écrit pour revenir au texte à écrire, de la mer à la mer, du feuillet au feuillet. Récit, roman, si lon veut, ce livre épargne les chevilles narratives, les transitions, les enchaînements ajustés à la lime, comme la vie, cest-à-dire, pour parler comme Proust, le souvenir quon sen fait, une suite de moments, captation dune temporalité morcelée. Une histoire qui sengendre de cette vie réinventée, entre paradoxes langagiers et coq-à-lâne narratifs. On sent, parfois, de phrase en phrase, cette contraction du lexique qui se crispe sur certains termes : mauvais, tenir, gros ou grand, fuguant de variation en variation jusquà lhaletant aria final où saccouchent enfin les trois mots que tout lecteur digne de ce nom aura espérés et deviné. Les mots de la dictée semblent être des mots choisis pour leur beauté, leur pureté parfaite. Chacun se détache avec netteté, sa forme se dresse comme jamais celle daucun mot de mes livres...
Quand on ouvre la fenêtre, lair est un peu plus frais, je sais je me répète, mais le vent se lève, la cacophonie règne alentour. Jentends chanter une chorale au loin (chant du stade à la limite de lhymne) un peu brouillé par le bruit des conversations des voisins qui dînent entre amis dans leurs jardins et les téléviseurs allumés dans les immeubles den face. Les oiseaux se mettent soudainement pépier tandis que jépie linvité de la voisine, concert assourdissant qui couvre un temps tous les autres sons. Puis sen vont. A la télévision des chanteurs passent dune chaîne lautre. Cest en direct sur lune tandis que lautre saffiche en compétition. En rentrant ce soir jai songé écrire un texte sur la musique. Pour voix et clarinette.
Là où nous marchons, toujours à notre propre rencontre. Au lieu dêtre à plat sur une surface, le langage est comme en suspension entre loeil et la voix. Seul problème dans cette approche cumulative de lennui : la durée. Je rentre dans lécran et je deviens écran. Je rentre dans le son et je deviens son. Je regarde mon texte et je deviens texte. Je procède en plan fixe. Je peux rester des heures sur le même plan. A moublier. Je peux me transformer en nimporte quoi. Pour écrire, jai besoin dun temps de travail très long. Il y a des gens qui sont « habités » par la langue, moi ce nest pas le cas. Il ny a jamais rien. Je passe mon temps avec rien et je mobstine et jinsiste sur ce rien. Phrases brèves où lon entend la sourde pulsation de laccidentel.
Soyons clairs, on ne règlera pas les problèmes à coups de poings. Mais la colère ne se décrète pas. Je parle à haute voix. Quelquefois, lorsquon parle, on a besoin de chuchoter. Sans doute sommes-nous exilés de notre enfance. Trop beau pour être vrai, cest une expression étrange, vous ne trouvez pas ?
Pour elle la veille cest maintenant. Exercices despace qui sécrivent entre passé et présent, avec le sentiment quaprès tout le temps nexiste pas. Un nuage de pollen menace la population déternuements mortels. Lanecdote, fascinante autant quobscure parfois, se nimbe dune ambiance hallucinatoire plus proche de Locus Solus que du Pays des merveilles. Jy fais passer le texte à travers des filtres musicaux. Apprentissage. De Apprendre et Tissage. Répétez après moi. Longue expérience dacquisition de la patience nécessaire à qui devra faire tapisserie dans le hall de lANPE. Raison sociale : Transformation des cendres humaines issues dune crémation en diamant. Son pesant dor ? Non, ce nest pas plus cher quune pierre tombale. Bijoux de famille. Pour elle la veille cest maintenant. Maintenant. Au café, elle dit : « Je vais aller chercher le diable. » Il lencourage à « continuer à espérer. » Un jour, elle voudra des enfants. Mais là, il lui semble « impossible de se projeter dans lavenir. » Maintenant : sentinelle. Jusquà ce que le vent tourne comme Mary Popins.
Dans le train ce matin, elle sest assise juste au bon endroit pour que je puisse la regarder. Elle fouille dans son grand sac tout plein dustensiles pour le maquillage, puis une revue se met lire. Jupe droite beige. Toute fine. Cheveux bruns mi-longs. Sur le genou, un adorable trio de grains de beauté. Ses seins menus, la chaleur les rend plus tendres et laréole brune laisse une empreinte à travers le tissu. Leur léger renflement. Mes yeux, par dessus la page de mon livre. Je relis plusieurs fois à la même phrase : « Ce nest pas à moi de madapter pour que le regard des autres change. » A mes côtés deux amis discutent, le verbe haut. Sans mentir, je viens décrire verge. Le blond décrit une scène à son ami, avec force détails. La veille dans le métro une asiatique assise en face de lui se met à lallumer en ouvrant régulièrement les jambes et en jetant des regards dinvite. Il est dégoûté. Ce quil répète plusieurs fois avec lenvie quon le croit. La jeune femme dans le train écarte sensiblement les jambes. Drôle décho tout à coup. Ses cuisses blanches, laiteuses. La naissance de sa culotte. Blanche. Je reviens à ma lecture : « Nest-ce pas cette lucidité vitres baissées qui parfois accentue son fond de mélancolie ? » Elle me sourit.
Le mot de la fin (provisoire) appartient peut-être au plus énigmatique. Jaime ce qui est construit, mais je suis contre la construction sans émotion. Enfouir et mettre au jour. Faire et défaire. Je crois que les oeuvres fortes sont celles qui sont animées par cet obscur conflit. Des formes, en deux ou trois dimensions, mais un aperçu. Jai voulu donner un cadre, un éclairage, un arrière-plan, un peu hétéroclite. Cest pourquoi jai choisi de les faire précéder sur le désir et la haine des images, sur la fatalité de limage. Il faut dire que tout na pas été facile. On a eu limpression que ça nallait jamais tourner en notre faveur. Aujourdhui, quand il nest pas seulement un aimable divertissement, il reste hanté par un conflit engagé dès ses origines, dans le sublime dune vibration lumineuse. Désir dimage et haine de limage sont indissociables. Nous voulons dire et taire à la fois, montrer et cacher, créer et détruire. Doù la vulgarité est absente, cest rare. Maintenant, tout peut arriver, a-t-il dit, sachant que le pire a été évité.
On sembrasse. On se congratule. On se reconnaît. On sindigne. On sappelle. On se fait une bouffe. On vente son produit. On est au marché. On parle littérature. On regrette le temps passé. On passe le temps. On écoute les conversations anodines des entrepositaires. On sue, en nage. On peste. On est aveuglé par la réverbération du soleil sur les couvertures blanches des livres. On tourne en rond. On a chaud, très chaud. On passe à côté de lessentiel. On hésite à se présenter quelquun quon na connu par le biais dInternet. On découvre des éditeurs quon ne connaissait pas. On achète un disque sans rien connaître de son auteur, simplement parce que le jeune vendeur est sympathique et la pochette du disque originale. On prend plaisir à constater la désertion du stand de Gallimard. Pas un chat. On croise plein de gens dans les allées. On lit des passages de livres qui attirent notre attention mais quon nachète pas parce quon na pas assez dargent sur soi. On dévaliserait bien certains étalages. H10. H11. Pour ne pas les nommer. Cest la première fois quon en parle, est-ce bon signe ?
Un thème constant et discontinu, série ou suite des silences relatifs. Endormi sous les draps, entre deux rêves évanouis, déjà lointains. Parallèle dedans, comme préface comprise et fiction relative. Je ne sais pas où je suis. Plus très bien. Du bruit dans le couloir. On fouille dans un sac depuis des heures il me semble. Le bruissement du plastique crochète ma tête absente. La surface de lénigme de quelquun. Dans le couloir oui, je lentends. Je lappelle, elle ne répond pas. Dans mon lit je tourne. Son odeur sur loreiller. Elle ne répond pas, saffaire avec le sac et le bruit de ses mains dedans. Avec impulsions conditionnelles. Et larmure donne le ton. Mais je me lève nu dans la fausse pénombre de la chambre, le jour perce pointillés à travers les menus espaces du volet. Ce nest pas ma femme dans la salle de bain, mais un ouvrier qui a la clé de mon appartement. Il nest pas toujours bon dêtre soi-même. Il travaille sans me voir. Dans son activité. Je le laisse faire et sors de chez moi en silence. Comme un voleur. Abondance dair a des fusements de mots, par la vertu de son verre, sable intermédiaire et dur. Liberté de lair, dehors. Soleil bat à plomb.
Et puis dun coup, cest le chaos. On ne peut pas faire autrement cest le chemin, il faut traverser la place du Tertre. Cest vraiment sympa ici, la phrase se perd dans un brouhaha gigantesque, où lon ne distingue plus laveu des non-dits, les murmures des soupirs, les éclats de voix. On frappe à la porte cest la magie du cinéma. Quelques mètres plus loin la ruelle pavée devient pente légère, et derrière la grille, le jardin, labandon, les herbes folles et les grands arbres aux troncs tortueux. Le chemin de terre sachève sur un adieu nostalgique, lenfance. Dans latelier dArnold les images de son film, le personnage avance à reculons. Sa vie semble défiler à lenvers. Avec une extrême lenteur en mode paysage.
Il pleut cest merveilleux. Cest quand il ny a pas grand chose quil y a grand monde. Une chanson de gestes qui recycle sans fin danciennes images, dans un déséquilibre constant et sans faille. Stately, yes. Pendant ce temps, une voix enregistrée laisse un message sur un répondeur. Prendre un poème, le vider de son noyau. Y injecter le noyau dun fragment de poème. Un poème clone du poème, il donne du poème, se développe pour ainsi dire. Extraire de ce poème qui sera détruit par la suite, des textes à souches poétiques. Cultiver ces textes. Greffer ensuite ces textes sur le poème. Recette improvisée par écrans interposés. Aujourdhui pas de pique-nique. Il pleut, il mouille. Cette activité révoltante qui consiste à sasseoir sur un nid de fourmis en risquant davaler une guêpe, dixit Cecil Beaton. Impossible aujourdhui. Il pleut toute la journée. Voile blanc sur végétation luxuriante. Manque chaleur cependant pour compléter le tableau. Un oubli moteur, léger pincement en forme de coup de pied au cul, se motiver un peu pour se lancer dans le clonage à corps perdu. Trop tard. Il nest jamais trop tard. Majestueusement, oui.
Un épisode du Prisonnier. Je marche seul. Dans la foule du concert, impossible de retrouver quelquun, pourtant il suffit de rester au même endroit. La serveuse, de dos, une parfaite inconnue, mais quand elle se retourne, cest une collègue. Laide daccueil : une collègue. Le secouriste : un collègue. Le vigile : un collègue. Chacun dans un rôle et un costume différents des leurs habituellement. Comme dans une fête du village, tout le monde se connaît sans forcément se saluer. Je vois leur visage se tourner vers moi et cette lueur de surprise dans leurs yeux en me voyant ici, effet miroir garanti. Cest ce visage qui me reste en mémoire, qui garde trace de mon visage, sous un voile de mystère et détonnement.
Sauf exception, le parcours dun mot, ressemble à celui dun homme. Plein dénergie vitale à sa naissance, il se déploie plus ou moins largement avant de saffaiblir, parfois jusquà lamoindrissement spectaculaire de ses capacités. Dans ce cas bien entendu le peu suffit. Il suffit de peu. Je suis attiré par les diverses fonctions que ce poste suppose. Le mot fin, le mot libérateur, le terme de cauchemar se fait attendre. Plus tôt il se présente. Mieux ce sera. Voici ce que je sais. Le feu qui ne séteint pas, quand la gêne les saisit. Les mornes, les sombres affaires. On voit bien comment le sens sest ensuite restreint, dans un costume trop étroit, on est gêné aux entournures. Ou plutôt le déséquilibre dune mauvaise position. Créativité et réactivité. En tout état de cause, à peine un point lumineux qui parfois dérange. Je souhaite pouvoir vous rencontrer pour vous exposer plus avant mes motivations. Etonnement général. Quest-ce que ces fantaisies ?
Un roman-photo sans phylactère. Dans un Quick comment sétonner que tout se déroule si vite ? Il passe devant moi, ce que je repère dans un premier temps, première image (cest une photo en fait), cest un objet, un petit sac et la manière inédite quil a de le tenir, passant devant moi comme sil me le montrait, la manière dun démonstrateur, mais il ne me regarde pas du tout, il évite même mon regard, ne quittant pas des yeux une scène un peu en retrait quil minvite à suivre par son attitude insistante : deuxième image. Un deuxième homme penché sur un jeune homme debout devant sa table, il lépaule presque et lui parle de quelque chose qui se trouve devant lui, sans doute sur sa table. Il me le cache en partie. Quand il se relève, le premier homme est déjà sorti et lui séloigne. Subterfuge. Japerçois alors un jeune asiatique qui se tourne vers moi et réalise quil a perdu son sac. Il se lève, se baisse à la hâte, regarde sous sa table, sa chaise, inspecte derrière le comptoir, passant plusieurs fois sa main sur son front, inquiet, affolé, épuisé, à peine rageur, avant de se rasseoir et de finir sans rien dire son Supreme Cheese. Nous, cest le goût.
Des codes, des signes, des discours, des symboles sont ainsi convoqués dans une sorte de patchwork où les effets de reprise et de couture sont visibles, avérés : lensemble ne fonctionne pas comme un mélange composite, a fortiori comme une dialectique, mais comme un espace de sutures et de cicatrices, de plaies ouvertes pour être immédiatement fermées. Nous ne sommes plus en cercle, recueillis autour du repas, mais juxtaposés comme des fusillés du tube cathodique. Plus dintérieur, plus dextérieur. Le lointain devient proche, le proche, lointain. Fantôme de réalité, ni présent ni absent, des reproductions qui prétendent nier, à la différence des images de lart, leur caractère de production. Vie quotidienne, projet, jeu, amour, politique, je les vis comme collages. Le prestige de leurs légendes. Avec des mots que lon entend partout, dans ces assemblages dexpressions toutes faites. Télescopages, discordance des temps. Au suivant. La succession prépare leffacement. Reprise et couture. On passe sans cesse à autre chose. On voudrait comprendre quon ne pourrait pas. Pas le sens qui fait lintérêt, plutôt le sens moins la déception quasi immédiate et indéfiniment répété du lecteur. Nous nous approchons de notre but. Nous nen sommes quà lapproche. On ne part pas. Et puis après cest la porte ouverte à toutes les fenêtres !
Pour ensuite agir sur cette matière sonore. Tous les menus mouvements qui nous motivent au quotidien et quon ne remarque même plus, la pression peut doubler la pression sexerçant sur un corps élastique, latérale, verticale, débarrasse le verbe de toute emphase. La claudication mesurée de ses phrases, de ses livres sans que lon sache exactement doù vient lanomalie. Il en a marre car personne ne sintéresse à lui, il aimerait briller comme une étoile dans le ciel de la création, mais cest chaud et il se brûle les doigts... Jentends des voix ailées, litanies des mots et des groupes de mots identifiés à la lecture des journaux comme il écrit. Je nutilise pas la parole pour autre chose quelle-même, je ne peux utiliser que les mots désignant les choses que jai dans le corps. Un film qui nexistera jamais. Ne fait pas de bruit, ni bruit, ni victime, tu vas réveiller tout le monde, bébé dort mon bébé, poings fermés. De petits mécanismes répétitifs, déroulent leurs amorces narratives denses, sans remords ni regrets. Du désir dans sa violente sérénité. Un relief, on ne peut plus saisissant, récits sensuels et crus, des riens trafiqués du presque et campe sur cet équateur du médiocre en passant sa vie à rire très fort. La forme lumineuse, double bobine, ne vaudrait-il pas mieux parler ici ? du trou, rien sous toutes ses formes, en concevant une écriture, la parole. Cette écriture nest pas une poésie, on nen lit presque pas, lamour est immense. On comprend rien ensuite, on comprend rien. La vie jy comprends rien. La mort bien sûr avant tout sur le langage, ce qui nous entoure de mots, quils soient écrits dans les poèmes quil a écrits avec son corps alors quil était encore en vie, jusquau cou et il en ramène une verve inusitée méconnue ou néglige. Dans une langue incandescente.
Ce que lon veut dire, on aurait du mal à lexprimer sur le moment, dire avec précision ce qui est en jeu. On avance un peu tâtons, dans le noir, à linstinct, nayons pas peur des mots, forcément ces mots-là touchent comme les nôtres aux effets réciproques, leur force. Cest une envie, dabord on doit y aller, cest fait, pour nous, pourquoi on na pas envie, cest vrai, pourquoi ? On ne sait pas, sinterroger sans répondre directement à la question, impossible, partir de là autant rester ici et raconter ce qui sy passe sans quon y soit, dans cette distance, cette absence, la simple lecture du programme. Écrire entre les lignes, sy glisser, trouver sa place. Quand on y parvient pleine satisfaction.
On oublie. On efface. On recommence. Encore un effort. Un peu dattention sil vous plait. Répétez après moi. Mais on oublie quoi au juste ? Juste un oubli. Les clés encore une fois ? Non pas toujours la même histoire. Cest pas drôle à la fin. Mais ce nest que le début voyons. Commençons par le commencement. Dabord il y a ce travail quon a presque terminé, on nenregistre pas, pas la peine. On a bientôt fini. Dernière action avant dexporter le fichier son. Puis plus rien. Le bureau nu. Temps suspendu. Le message davertissement arrive trop tard. Et ce que lon peut récupérer. Rien quun fichier vide. Tout est à refaire. Trop tard. En même temps tout dans la tête. Le moindre mouvement. La procédure, on la connaît dans les moindres détails. Tout intact. Mais tout à refaire. Plus tard. Lorsque la trace de ce mauvais souvenir nous permettra enfin de nous remettre au travail sans soupirer de reprendre ainsi tout zéro. Mais avançons. Ensuite ? Quest-ce qui se passe ensuite ? Chargé, on va prendre son bus, comme tous les soirs. Au moment de monter, plus de carte intégrale. On est déjà monté dans le véhicule. Main tremblante dans la poche droite de son pantalon. Dans la gauche. Les portes se referment sur soi. Poche arrière. Il fait chaud dans le bus. Sueur au front. On a oublié sa veste. Et dans la veste son titre de transport. On voyage donc en fraude. Le chauffeur de bus, obtus, refuse de nous laisser descendre avant le prochain arrêt : la gare. On revient donc à pied sur le lieu de son travail, toujours aussi chargé. On oublie. On efface. On recommence. Allez, encore un effort.
Des mouvements de langue, ni aucune pensée, et les mots maintenant, ces visages perdus, les mots pour nommer le jeu de la langue. Pas un souffle, passez votre chemin. Il écrit, fait oui de la tête, oui mais non, mise à lépreuve. Il rebrousse chemin face à nos arguments, léger repli mais demain dans la région du coeur, dans le décor à ses côtés, les voix maintenant dun peu plus loin, toujours des bruits de fond, dans le fond on se calme. Important doccuper lespace. Répétition des gestes, cette lenteur des visages, des silhouettes soudaines annule ce qui précède des mots, des mots toujours avec dautres que nous aussi. Il reste des voix off.
Distance allogène avec une discrétion forcenée. A regarder sil ny a pas moyen de filer sans toi. Il ne traîne jamais loin. Le tiki-taka nest pas une tactique ad hoc. Le ton est donné. Rien de nouveau, sans doute. Même si par mégarde je métais enfermé à lintérieur, quoi quil arrive javais toujours la clé sur moi. A partir dévénements évanescents. Une anecdote : elle accepte dêtre nue, exige juste un trait deye-liner, commande du Dom Perrignon quelle boit coupé de vodka. Elle vient de se faire opérer. Elle se fiche que la cicatrice soit visible et a perdu du poids. Mais à travers lui, on devine lombre dun homme clé. Ce matin, léblouissante lumière de la flaque blanche des draps blancs. Souvent suffocante, jamais prévisible. Perpétuel décalage entre le son et limage (noir et voix, silence et lumière). Ratures, arabesques taguées, pans effacés ou recouverts de rose intense. Sans savoir pourquoi. Pas dupes des images cependant, mettre en avant les altérations. Ne restent alors que de brefs moments de poésie et de cocasserie, perdus dans la multiplicité des horizons envisagés. Dans la répétition de scènes plus que jetée dans le trouble dun réel glissement.
JUILLET
Aujourdhui : lenteur des serveurs, enregistrer rien nest sûr, boucle qui ne se boucle pas, deux ou trois choses, petite précaution pour mettre un jour à jour la page, et il serait bien ne pas les effacer, voici ce que tu peux faire... comme si on y était, regard fatigué, retard à lallumage, retour en arrière, les jeux sont faits, faîtes vos jeux, rien ne va plus, vert, gris, bleu, la chance tourne et la tête retrouvailles dans le train elle ma reconnu, mais son sourire quelle signification ? Est-ce que tu me souviens ? Je cherche un terme pour la définir : pétulante. Inventaire en mouvement. Jai la mémoire qui flanche.
Une fatigue inédite. Et cette impression davoir été mis sur la touche, devoir rester ainsi sur le banc, banni, littéralement hors-jeu. Dans lindifférence générale. Je sais, jexagère toujours un peu. Plus rien à faire là cependant. A mots couverts. Je vais, je viens. Je voudrais quon me parle. Je me sens de trop. Les jambes lourdes, jerre au milieu de la poussière quun souffle dair trop rare soulève par intermittence. Le reste du temps, les pas traînants des jeunes festivaliers. Complexe dinfériorité déplacé, je le sais pourtant, avec mon appareil miniature, confine au ridicule, inutile de traduire, je crois que tout le monde a compris. Il fait chaud, front en sué, la chemise colle à la peau. Des frissons sur tout le corps. Cette fatigue, cest viral. Je rentre au ralenti, éreinté. Mais tel le Phénix, je reviens à moi. Du petit bois certes, mais cette victoire est une victoire sur soi.
La poésie fait échapper le langage à sa fonction de communication pour le faire entrer dans lordre de la sensation. Répète après moi. Glorifier le pouvoir de la langue, cest mettre en relief ses énigmes. Il y a du toi en moi. La fragilité mintéresse parce que cest une valeur socialement nulle. La poésie aussi. Faute de mieux. Personne nentend la faire circuler. Rien à voir. Une liste des mots (Des expériences). Juxtaposés ces actes libèrent par leffet des contrastes leur densité signifiante. Dans un espace vide et blanc. La mettre en veilleuse. Amalgame de sensations propres à stimuler limagination. Dilatation du temps au ralenti de mes gestes. Dilapidation ? Montage sonore, compression de la voix transformée et de la musique diffusée par casque. Déchi(ff)rer le texte tout en se déplaçant. Dans lordre de la sensation.
De ces rares journées sur lesquelles tout glisse, imperturbablement, sans une seule contrariété. Pas le moindre nuage. Moment de bonheur, de joies simples, où lon ne fait rien dexceptionnel, dans la chaleur du jour, le soir à la maison, on ne sait pas quoi raconter, par quoi commencer, suite de tableaux muets, complices, de saynètes colorées, dodeurs, quelques mots en basse continue et de salutaires éclats de rire : on prépare une salade pour le pique-nique dominical, dans la fraîcheur artificielle de la cuisine, on découvre un endroit quon ne connaît pas, pas à cette heure en tout cas, on sy asseoit sans trop réfléchir pour y manger au frais, laltitude sy prête, sous loeil envieux dune petite chinoise souriante. Et la terrasse de Sarah, merveilleuse trouvaille, cerise sur le gâteau. Réussir sa journée, clin doeil, finalement cest pas la mer à boire.
Un moment magique où la technique disparaît au profit de la poésie, où limaginaire prend forme dans de gracieux algorithmes. Journée tampon, entre deux. Journée de transition. On se prépare à, termine ce qui doit lêtre, dernières courses, derniers courriers, et puis lon sort se promener. On assiste à limpressionnant démontage dune grue, au bord du canal, encore un écho à notre prochain départ. Nina se met à pleurer à lidée que je men aille demain, elle me sert fort dans ses bras frêles. Déstabilisant. Je la console comme je peux, sèche ses larmes et bise son nez tout rouge. Une plaisanterie pour tenter deffacer cette enfantine mélancolie. Pirouette et.
On commence les albums de souvenirs Puisquon ne peut rien savoir du passé. Puisquil y a la promesse dun retour où lon se souvient au présent - comme dans les livres. Écrire dans un monde qui ne lit plus. Jai oublié lheure exacte du jour précis où jai pris la décision de commencer à écrire, mais cette heure existe, et ce jour existe, cette décision, la décision de commencer à écrire, je lai prise brusquement. Un jour il ny aura plus dhistoire. Depuis lenfance je parle tout seul, ne fais rien dautre que parler tout seul. Dans un silence qui finit par ressembler à une acceptation tacite au mieux désinvolte (on ne lit plus forcément les livres avant décrire dessus). Le souvenir est lautre nom de la mort. Cest écrit. De phrases en images.
Dans le train, ma voisine sendort sur son livre, les doigts coincés en guise de marque-page. Les sursauts sacripan du train la réveillent sans ménagement, parfois même vivement, elle reprend ainsi épisodiquement le fil de sa lecture. Mais sans conviction aucune. En boucle, dirait-on. Cent fois le même passage. Sur ton ouvrage, tu remettras ta lecture. Je regarde pour ma part défiler le paysage du récit de La route bleue. Ma voisine descend à Morlaix. Cest couvert ici, fait remarquer le vieil homme, à la place juste devant moi, devisant courtois avec sa voisine du même âge. Vous allez jusquau bout ? lui demande-t-il ? Je nentends pas sa réponse. En suspens.
Dans le train, les yeux lourds, la tête devient un poids et penche en avant inexorablement. Pourquoi aller contre. Plaisir de se laisser aller. On écoute ce qui se dit à côté pour sendormir, voix féminines qui nous bercent comme le roulis du train. Dans la chaleur. Lorgasme, gare au galop de la petite mort. Georges Bataille en est linventeur. Nest-ce pas Madame Edwarda ? De lanalogie. Une suspension provisoire du manque et du désir. La mort abolit toutes les tensions de la vie. Si lorgasme est un fait médical, sa description est vague. Sentiment de plénitude et de satisfaction. Je meurs entre les bras de mon fidèle amant. Et cest dans cette mort que je trouve la vie. Dans le sommeil aussi.
Ce qui est prévu, donné gagnant, lavis est unanime, on appelle ça le consensus (quand il nest pas mou mais dynamique, enthousiaste, dun allant commun, comme un élan), cela me fait vibrer. Et je suis toujours meurtri (en surface rien quune égratignure), quand tout bascule, que les cartes changent de mains, contre toute attente, le gagnant nest pas celui que lon croyait. La déception est justement proportionnelle à cette attente. Une histoire de gestion du temps. Je naime pas les surprises et le suspense nest quune torture masochiste.
Et lon revient sur ses pas. Tout nous y conduit. La fuite des autres. Et ce que lon a vécu la veille. Retour en arrière. Une reprise en main. Mettre à profit lerreur, pas vraiment la réparer non, mais se donner lillusion de. Samuser de la coïncidence en entrant dans le village si différent hier dans la nuit, les portes du bus se referment sur moi. Mes pas lourds sur le bitume humide. Sans savoir où. Là, je sais. Et je vois le bus sarrêter au même endroit, priorité à droite. Taux de recouvrement des fragments. Instant de référence suivant. Facteur de vitesse à linstant. La boucle est bouclée. Personne à lintérieur. Je fais un signe de la main au chauffeur. Jimagine ce quil doit penser tout à coup sil vient à me reconnaître. Il tourne à gauche avant de disparaître. Mais rien nest moins sûr. Au même endroit depuis tout ce temps. Ma présence fantomatique.
Il y a de la douceur dans cette image, du bleu, du blanc et du vert. Ce que je me dis au départ. Un jeune homme blond épaule une personne (homme, femme, je ne sais pas) dont on ne voit pas le visage caché derrière un masque blanc, tête penchée très légèrement, limpression quil linvite à se regarder dans un hypothétique miroir, la photographie en fait. Elle tient son masque blanc, les deux mains sur ses joues en forme de V, pas la victoire mais la consternation. Un détail mintrigue que je navais pas remarqué, les gants bleus de lhomme. Les yeux, le nez et la bouche sont découpés à même le tissu, une serviette blanche, on dirait quelle est humide. Je pense à de la cire. Je pense à la chaleur. La douceur initiale sestompe. La position des mains, cest Le cri de Munsch. Et là tout coup révélation dune violence que je navais pas perçue tout dabord, dans le silence qui suit lexplosion. Le titre de larticle droite de limage : Londres pour cible.
Je sais quelle ma vu depuis que je suis arrivé, mais là, elle me dit clairement le contraire. Devant témoins. Et je la crois. Je pense que je suis invisible. Je me reprends. Je dis : je suis discret. Moindre mal. Version édulcorée de la vérité. Ces grands yeux bleus. Ses cheveux colorés, roux. Son nez busqué. Son charme et son piquant. Je lai repérée de suite. Progressif basculement de ma compréhension de la scène. En fait, et je le comprends justement car elle me fait cet aveu de ne pas encore mavoir vu, je me rends compte que la connais, je le sais à sa manière de prononcer distinctement, et avec une assurance non feinte, mon prénom. Elle ne ma pas vu mais moi je ne lai pas reconnue. Son nom méchappe encore.
Plein de détails. Fragment dun ensemble incohérent, chacune des phrases trouve une existence autonome, accumulées en un bloc compact, un compactage de phrases compactes, resserrées chacune dans une torsion qui donne la question du sens une sorte de matérialité très plastique, caoutchouteuse. A lheure de la sortie des bureaux, hier, jai décidé de ne pas aller travailler aujourdhui. Lambiance est triste, les visages sont moroses et le temps est gris. Jai réalisé à quel point jai eu de la chance. La sensation de glisser dans la béance dune phrase, disparition toujours promise, car lart na plus que la peau sur les os.
Alors que le retour se faisait en zigzag. Les rêves ne naissent pas de façon aléatoire. Sur le même terrain, mais différemment. Je ne suis pas encore dans la reconstruction. En entrant avec les filles dans le square, je lai vu, dans lombre au loin, je fais semblant de ne pas lavoir vu. Cest comme une toile sur laquelle vous voudriez repeindre. Vous êtes obligé dabord de tout recouvrir de blanc. Mon travail, cest découter en permanence et de réagir, cest ce à quoi je consacre la plupart de mon temps. Il faut que nous retrouvions le plaisir, avancer en nous débarrassant au maximum de nos bagages. Elle arrive, sasseoit à mes côtés sur le banc. Il sapproche de nous, pour nous parler. Work in progress désinvolte, fragmentaire, inachevé, à la fois déréglé et toujours en réglage. Êtes-vous libre ?
Les ateliers décriture sont un moyen ludique et convivial de dessiner un bison, couvrant les murs dune grotte. Lintérieur se déplie sous laction de la lumière. Se tenir facilement informé des mises à jour sur vos sites favoris proposant ce service de petites annonces sans rien avoir gérer. La perruque entraîne une activité qui anticipe le communisme. Quand la chance tourne et regarde : plein, plein de chaussures ! Il y a des sandalettes, des escarpins en peau de crocodile. Un jour les masques de récits et de mots dans la pauvreté consubstantielle. On a fini par comprendre cette peur par la force de cette tactique déquilibre. Le temps où vous rêviez, coïncide-t-il, avec lespace-temps considéré par la physique ? Un paysage magnifique, description, chambres, hôtel charme Provence info touristique propriétaire et histoire. Retrouver le bon emploi du temps irrégulier, dune hospitalisation qui se prolonge. Dun outil de liaison on passe dun outil à lautre en utilisant la barre despacement. Et votre profil dans ce lit reprend le message en question dans votre réponse. Je me sens tout chose de vous dire tous ces choses qui se passent en nous et qui ne se révèlent que des années après, qui simposent nous.
Comme si ceût été aussi dimanche de lair, dans la lumière, dans les teintes ; assise, les jambes serrées, elle suivait le tiède et insensible écoulement de mon sang, et répétait en elle-même avec hébétude : « Je saigne toujours. Je saigne toujours. » Le jour se levait, triste et froid, mur mouvant de lumière grise qui sortait du nord-est et semblait, au lieu de se fondre en vapeurs humides, se désagréger en atomes ténus et vénéneux, comme de la poussière. Il avait limpression davoir des éclats de soleil dans la nuque. Il aurait bien pleuré. Lexcitation augmentait et se transformait peu à peu en joie pure. Non, dit-elle. Laisse-moi. Jaurais peut-être honte de me laver devant toi ; et jai besoin de rester seule pour mexaminer et pour savoir combien je taime.
La ligne de mots, quand par hasard on regarde par la fenêtre, palpe ton propre coeur. Elle envahit les artères, on voit une silhouette sans savoir ce quelle signifie, elle entre dans le coeur, avec la rue du souffle ; ce matin, par exemple, il y avait une rayure claire sur le parasol vert foncé ; la ligne de mots elle étreint le rebord mobile dépaisses valvules ; elle tâte ce muscle obscur cherchant une chose quelle ignore comme cétait déjà arrivé, une image étrange sincruste dans le muscle comme un ver enkysté - une pellicule de sentiment, une chanson oubliée, une scène dans une chambre assombrie, un coin du terrain boisé, quelque chose des étages supérieurs, une affreuse salle à manger, tel trottoir exaltant or ce nétait que le vent ; ces fragments sont lourds de sens, enfin je trouvai ce que cétait. La ligne de mots durant la nuit, sous la pluie. La ligne de mots les épelle, les dissèque entièrement. Les tissus mis à nus, un endroit, les franges du parasol, une marque claire sur le tissu mouillé.
Tout cela me rappelait un film. Je nai pas beaucoup dormi de la nuit à essayer de comprendre ce geste. Les opinions se ressemblaient comme si cette partie navait été regardée que par une seule personne. Plus nous sommes nombreux, plus nous avons tendance à faire le même commentaire. Je doute toujours dune foule qui parle dune voix. Et cette voix était désolée pour lui. Ils ne parlaient que pour eux-mêmes. Pas pour lui quils considèrent comme un personnage de ce conte de fées. Une fin qui ne soit pas rose est inacceptable. Tout doit bien finir. Nous devons aimer nos héros. Avant de les ranger dans le placard des bons souvenirs. Mais lui na jamais cru dans ladulation de la foule, ce monstre qui tue ceux quil aime. À un moment, il sait quil se retrouvera face à un homme quil a laissé en chemin depuis longtemps pour la gloire et largent et cet homme, cest lui-même. Cétait le moment ou jamais. Sinon on sétait vendu à jamais. Ne lui parlez plus de dignité. Je crois quil y a des moments dans la vie qui nappartiennent quà celui qui les vit. Et à personne dautre. Ce moment où lon refuse de jouer, cest toujours un moment bête aux yeux des autres. Parce quon est plusieurs à regarder un jeu, on croit que cest plus quun jeu. Entendre ce texte, tout à coup, tout devient évident, séclaire enfin, me soulage. Ce film sappelait Coup de tête. Ce nest pas toujours un jeu...
Il me faut avouer que la détresse et les dangers de ces moments ont laissé, dans mon esprit, une constante impression de doute et dinsécurité. Jécris, dans mon bureau, la clarté de la lampe, et soudain, je revois la vallée qui sétend sous mes fenêtres incendie et dévaste, je sens la maison autour de moi vide et désolée et soudain, tout cela devient vague et irréel. La nuit, je revois la poussière noire obscurcissant les rues silencieuses, et sous ce linceul, des cadavres grimaçants ; ils se dressent devant moi, en haillons et demi dévorés par les chiens ; ils minvectivent et deviennent peu à peu furieux, plus pâles et plus affreux, et se transforment enfin en affolantes contorsions dhumanité, et soudain, tout cela devient vague et irréel. Puis je méveille, glacé et bouleversé, dans les ténèbres de la nuit, et soudain, tout cela devient vague et irréel. Je vais à Londres ; je me mêle aux foules affaires de Fleet Street et du Strand, et ces gens semblent être des fantômes du passé, hantant les rues que jai vues silencieuses et désolées, allant et venant, ombres dans une ville morte, caricatures de vie dans un corps pétrifié, et soudain, tout cela devient vague et irréel.
Cette vibration particulière qui touche tout le monde, au-delà de la couleur. A la fin, littéralement, il se volatilise. Cette formule prend cet été un tour particulier. Cest certes le propre de la recherche que dêtre obscure au profane et de frayer des voies nouvelles dont on ignore les débouchés et notamment les applications profitables à tous. Mais on aimerait être assurés que tant dinvestissements financiers et humains nauront pas pour seul effet vérifiable la destruction des fragiles équilibres économiques. Ce qui nest pas pour lever nos légitimes interrogations de la perception du type de ceux quon appelait autrefois les artistes. Espère-t-on produire du neuf avec du vieux ? Peut-on produire des richesses partageables avec les anciens artisans de la gratuité ? Beaucoup de graves questions, peu de réponses solides... Le feuilleton ne fait que commencer. Je me vois comme un sculpteur ou un peintre qui cherche obstinément à saisir lhumain, à questionner le réel, à le pousser à se définir. Pour cela, je pars volontairement de situations communes, les moins spectaculaires apparemment. Rien que de très quelconque, finalement. A lintérieur de ce cadre, je cherche la tension la plus forte, pour révéler des dimensions qui échappent dans un rapport ordinaire à lexistence, donc faire émerger une part dinvisible. Pourquoi ma vie ressemble à ça ? Cest ce que presque tout le monde se demande. Je me demandais pourquoi il me semblait familier et jai réalisé que cétait un miroir. Et maintenant cest évident, ce monstre a toujours été en moi. A la base je suis compliqué. Jai beaucoup de mal à faire simple. Je ne dirais pas que cest de la schizophrénie, mais je serai au moins deux personnes aujourdhui. Si tout va bien.
Là, ça y est, je le sens presque. Le soleil sur ma peau. Et tout ce qui, hier encore me semblait si important, urgent, nécessaire, un peu moins aujourdhui, plus du tout là-bas, à la campagne. Demain est un autre jouir. Je ne sens plus ce poids sur mes épaules. Légère excitation, pointe de curiosité, envie vivifiante de partir, de changer de décor et de corps. Un blanc dun mois ce nest pas rien. Cette attente aussi est plaisante. Cette vacance que jaimais tant. Encore aujourdhui. Plus que jamais. Liberté. Libéralité. Oui, comme un présent. Une présence retrouvée.
Ils sont là, cernés par la pénombre, le corps suspendu dans un clair-obscur ourlé de mystère, qui parlent, chuchotent presque, qui sondent leurs paroles comme pour en éprouver la concrétude, en ressentir toute la déflagration intérieure... Mal à dire pour bien voir. Là, au seuil incertain du visible, et pourtant étrangement présents. Ils nous parlent de lâpreté des relations familiales, des entraves du passé, du lien au travail, de la responsabilité face à nos actes, de lincertitude dêtre... de la difficulté dexister. Moins avec lintelligence quavec le coeur. Il faut aller vers plus délagage. Je retrouve ce texte, my retrouve. Un, deux, trois, soleil, liquette au cou, Stabat Mater dans ses chaussettes. Tu peux tordre au pied des tiges, si tes sage, plouf plouf, une oie, deux oies, cest toi qui sors, le son de nos voix, le bruit de nos pas, le coeur qui, ça poche cest moche, pouce, je passe. Vers plus délongation ? ça se dit ça ? Non, une véritable délégation. Lélastique de ton coeur, il y aura un moment où tout finira, mais pas ces souvenirs là, rien que du bleu, sous le préau et tous ses échos. Ce nest pas comme chenille. Que tu connaîtras les fleurs. En affinité avec le gypse. Avec des mots simples, tellement simples, qui tranchent à même le cru de la vie des histoires banales et compliquées. Ce quils disent. Clouer leur bec au mots. De ces mots qui résonnent au plus intime et laissent la sensation confuse davoir remué « quelque chose » de profondément enfoui sous leau courante du quotidien. Coule, comme on dit. Comme si le socle des évidences seffritait, comme si les ombres muettes des non-dits bruissaient dans ce crépuscule insomniaque et révélaient, au-delà des illusions du monde, un réel impalpable, traversé de désirs, de peurs et de troubles. Et les frasques dans tout ça ? Les phrases ? Florilège qui mal y pense. Ecrire, cest éclairer, séclairer, se mettre en retrait de lagitation ambiante pour travailler son être intérieur, développer sa réflexion et son imaginaire, approfondir la connaissance de soi. Son geste participe dun véritable projet de vie. « Je ne veux attaquer personne mais je veux me défendre. On punit toujours la réaction et jamais la provocation. »
Le principe du sample en musique, cest de mixer plusieurs musiques, sons ensemble. Tout sagence magnifiquement. Tu peux foutre ça en boucle. De même avec son texte. Car le morceau connaît plusieurs étapes comme un logiciel qui évolue et senrichit au fil du temps. Boutique cadeaux, idées cadeaux. Cadeaux uniques, personnalisés, design, offrez des cadeaux originaux. Si nous voulons avoir une chance de combattre la Machine sans que la déroute soit consommée davance, il importe avant tout de se faire étranger, aliéné : étranger dans un lieu étrange... Menu principal, flèche droite pour afficher la tête de Mickey en surbrillance. Je suis ailleurs pourtant là très présent. Une phrase qui revient comme un refrain : « Ce qui a commencé doit finir. » Une autre senchaîne. « La mort est la pluralité obligatoire. » Examinez la description technique de ce produit avant de comparer les prix dans tous les magasins. Ce nest pas une révolution. Tourne, tourne... Because of all weve seen, because of all weve said. We are the dead. La compréhension nest pas indispensable. So this is silence. Listen... the sound of slaughter. Tu peux foutre ça en boucle.
Tout le monde nen parlera plus. Qui parle à qui de quoi ? Et le trouble vous prend, comme en ces réminiscences que la vie parfois vous offre de votre propre passé. La souffrance des souvenirs que ne contient plus aucune mémoire. Au coeur, la trace de leur passage immobile à des moments, puis soudain, comme emporté, presque pressant. Ce nest pas la fiction qui est moribonde, cest la réalité. Morbide, immonde. Non la chose, mais leffet quelle produit. Répétitions qui fonctionnent comme un refrain, une litanie. Le soleil à son couchant, perçant une sombre nappe de nuages bas à lhorizon, éclaire vivement lensemble. Jai envie de retrouver la réalité rugueuse, cette forme de vitesse où sentrecoupent des événements. Ecrire se place entre voler et recevoir.
Son lot de fragments colorés danciennes fresques, ce quon voit, une ville blanche, de la même matière ce que pèse lair sur la couleur. Lombre est au-dessus, la couleur fait toujours défaut, aptitude de la surface à scintiller, le temps dun geste, comme une somme inachevée au lieu dun tout. Et le soleil aussi. Une ombre nue si le vent vient très léger soulève sa poussière sans rien dire, un mouvement de lair au lieu des gestes. En silence dans la rue. Le soleil à cette heure contre son corps. Et son étonnement. Les plis de sa robe. Mais le sang. Sa douleur. Ce quelle dit. Elle se souvient. Elle respire. Cest tout. Ce sang tout ce sang.
La définition doxymore fait défaut. Pas trace dans mes dictionnaires. Il disait que ce nétait pas ça, cétait moi. Si je nétais pas là à être là avec ce que je fais, ce que je fais ne serait pas ce que cest. En dautres termes si personne ne me connaissait alors les choses que je fais ne seraient pas ce quelles sont. Figure de style. « générosités vulgaires », « sextasier dans la destruction », « un bonheur indicible, insupportable même » , « luxe dégoûtant », « violent paradis », « tendresses bestiales » , « fanfare atroce », « chevalet féerique », « honnêtetés tyranniques » , « joli crime » , « rugissent mélodieusement », « lécroulement des apothéoses » , « gentilshommes sauvages » , « féerie scientifique », « tortures qui rient » , « splendeurs invisibles », « délices insensibles» , « molles éruptions » , « futaies mouvantes » , « raison merveilleuse », « affection égoïste ». Chaque mot ou groupe de mots, quel que soit son rôle grammatical, renvoie à larchitecture glissante de luvre, pas au monde dans lequel elle est érigée. Quand exaltation du nom ou autobiographie il y a, le nom, commun ou propre, est toujours conjugué, associé, uni à et pris dans un ensemble dautres noms ou voix qui tous se modifient, verticalement mais latéralement aussi. Ils forment un paysage verbal en mouvement qui inclut ou incorpore le monde mais ne le représentent pas. La fonction de la figure dopposition est dexprimer de façon suggestive une certaine nuance de sens, et non doblitérer toute possibilité de sens. Cest ce quelle fait cest toujours ce quelle fait, cest ce quelle fait et elle ne fait rien dautre.
Un air de départ. Le réveil na pas eu besoin de sonner. Découvrez le paradis. Je ne suis pas sorti aujourdhui. Les volets fermés. Cétait un temps à garder ses volets fermés. La bouilloire est sur le feu de la cuisinière. La bouilloire bout. Leau frémit sur le café de la cafetière. Je vais vite chercher du pain à la boulangerie. Mes pieds traînent sur les pavés avec mes nouvelles sandales. Fraîcheur toute fictive. Latmosphère tant un fluide tout comme leau, il est soumis au même phénomène. En fin de journée, sensations de souffle coupé, impression détouffement. Tout cela se passe-t-il dans votre tête ? Besoin dair. De lumière. Savoir garder la fraîcheur du jeu en évitant la mécanisation. Tu me dis mais seule, oui ça cest vrai, besoin daide ou besoin dair ? Il est temps de partir. Changer dair. Sur laire de départ. Lair du.
Derrière la porte la voix du journaliste prend des airs de Pont Mirabeau. Quand il parle de rupture, on se demande ce que cela va signifier pour nous. Lordre des mots a sont importance. Cest une question de calendrier. Comme celui de la dépression quon appelle encore mélancolie. Lépreuve constitue à leurs yeux le paroxysme du gaspillage en alliant dans une même célébration compétition, argent, vitesse et pollution. On ne peut la reconnaître que de façon indirecte. Je ne crois pas quil ait ouvert une boîte de Pandore. Sil ny a pas de solution ce sera la révolution. Poliment, cela sappelle un virage stratégique. Une manière de ne pas insulter lavenir. Je ne suis pas à lheure du bilan, je suis à lheure de laction. Maintenant il sagit de sallier sans se renier. La ruse, lincantation, lapproximation, la diversion, et par dessus tout, le culot sont ses armes. Je ne me situe pas dans un temps limité. Il nest pas question de désarmer. Ce nest pas sa culture, tranche un général. Cest comme cela que lon fait de beaux rêves.
On a décidé que tout irait bien, que tout se passerait sans heurt, quon se fichait dêtre en avance ou en retard, tout cela navait aucune importance, tout roulerait sans ambages mais non sans bagages, pas dénervement en tout cas, un événement comme un autre après tout, nous étions sur le départ, nous voilà partis. Comme si cétait quelque chose quon décide dun coup de tête. Pourtant efficace, heureuse coïncidence. Tout sest très bien passé, bonne route, merci, pas de doute en chemin, la maison est superbe, la vue splendide, champs perte de vue. Tout un programme.
La prochaine fois que jaurai un chien, je le prendrai au berceau, comme ça jaurai beaucoup de temps pour le perdre. Les mots croisés que tu résous presque mentalement (pas catholique quand on le baptise : vin ; larticle de la mort : la ; sont inséparables quand ils sont brouillés : oeufs ; son existence précède lessence : Antar ; sil est pour le vice cest peut-être seulement parce quil est contre : amiral). Ainsi rêvaient-ils, les imbéciles heureux : dhéritages, de gros lot, de tiercé. La banque de Monte-Carlo sautait ; dans un wagon désert, une sacoche oubliée dans un filet ; des liasses de gros billets ; dans une douzaine dhuîtres, un collier de perles. Ou bien, une paire de fauteuils Boulle chez un paysan illettré du Poitou. Parfois, comme par mégarde, tant est grand son empire, même dans la servitude, elle met la tonique, la sensible et nous donne cette récompense de retrouver lhomme dans laride magnificence du désert.
Ce serait un été, à la fin de laprès-midi, qui ne ferait que toucher de son aile et qui laisserait libre de tourner ou pas son visage vers lui, la lumière augure les interminables soirées dété, une nuit de pleine lune en mots, on est follement plein despérance, la nuit de pleine lune, la nuit est suspendue au fil doré au fil torsadé des chants de rossignols, filet de voix qui bientôt formera une rivière, la nuit ne fabrique que de la nuit, tout semble fait ici pour recevoir la lumière, rien néchappe.
Prendre son temps. Ménager sa monture. Sans monter sur ses grands chevaux. Tu vêts, il vêt, nous vêtons, vous vêtez... vous vêtez... cest pourtant vrai... vous vêtez... marrant... positivement marrant... Partir en voyage en ménageant tous les instants de pauses nécessaire. Tu vêts, il vêt, nous vêtons, vous vêtez... vous vêtez... cest pourtant vrai... vous vêtez... marrant... positivement marrant... Un temps possible, penser à tout pour ne plus avoir à penser à rien, se laisser aller, partir. Le train, en fin de matinée, arrivée à Toulon à 16h. Dans la chaleur étouffante. On parle de surprise, voyons voir... Les filles se souviennent de la séance de cinéma surprise à Argenton-sur-Creuse. Ici, de nouveau, pour tuer le temps. La salle plongée dans lobscurité molle et moite, rien que pour nous quatre. On avance en aveugle en ville, dans le souvenir du plan vu la veille, droit devant, chemin semé descaliers, de terrasses et descalators. On sent quon approche du port à lair un peu plus frais qui sèche nos peaux en suées. Café. Restaurant. Gare maritime. Embarquement immédiat pour qui, comme nous, a décidé de prendre son voyage en patience.
Une ville comme on laborde tout est différent. Révolte conflit trahison. Crozant, clef du Limousin, au confluent de la Creuse et de la Sîdelle par exemple, notre ascension par le bas du village au pied de léperon long et étroit larête aiguë et déchiquetée. On aurait pu arriver par les hauteurs de la ville et découvrir la vue la plus spectaculaire et les ruines du château et la vallée de la Creuse qui se fraie un chemin au fond des gorges, là non tout différent den bas. Impossible de refaire le chemin inverse. La vision première ne sefface pas ou très rarement. Dans le village, derrière léglise, une vieille bâtisse entièrement recouverte de vigne vierge, plus une pierre apparente. Inédite architecture végétale. Un chat se prélasse à côté, dans un bac à fleurs vides, les aboiements des chiens ne parviennent pas le réveiller.
Tu me permets, je permute. Mon art vise non pas à instituer des fêtes pour distraire de la vie courante mais à révéler que la vie courante est une fête bien plus intéressante que les pseudo fêtes quon institue pour la faire oublier. Nappes divresse et de jubilation. Nentre pas ici sans désir. Si tu veux un livre, disait Jules Renard, commence par lécrire. On déménage le texte. Je craignais, au cas où il y aurait quelque chose à faire, de me trouver dans lobligation de la tirer de là, nom de Dieu. On y va comme au cimetière, le dimanche après-midi en famille, sur la pointe des pieds, en parlant à voix basse. Il apparaît dores et déjà que quelque chose a changé qui devrait nous affecter dans la durée. Or comme disait Socrate, la rhétorique a cette particularité, par rapport à la dialectique, quelle ne peut être efficace quà condition que le public soit ignorant des faits. Il a fini par avoir raison delle.
Cest une toute petite maison. Papillon vole. On lappelle la Villa Algira. Ressemble à un refuge. Cest lendroit où George Sand venait passer ses étés pour se reposer, dormir et lire un peu. Dormir surtout. Des journées entières. Villa Algira, peluche sonore, chasse aux papillons, retour en enfance, lointain souvenir, vent léger virevoltant autour de soi. Sur le mur accroché comme un vulgaire papillon un filet. Simplement regarder autour de soi sur les murs blanchis la chaux, pas toutes ces reproductions passées par un soleil discret, objets souvenirs poussiéreux de la romancière, de son fils Maurice et de sa petite-fille Aurore. Des murs nus préservant la fraîcheur du jour, la lumière dune fenêtre, un coin de verdure lombre dun arbre, un bon lit confortable, des voisins discrets. Ce quil nous faut. Cest une toute petite maison.
Le désir est intact, dira-t-il plus tard, ça peut sonner cul-cul, et à partir de là, croix de bois, croix de fer. Epouvantable puissance darrêt. Il va si vite au détail, à la citation près, le cigare ma guéri de la cigarette. Se faufiler entre les mots et les humeurs. Expression physique dun lien entre ce qui est profond et ce qui est quotidien paysage, circulation, ordre, utilisation de la lumière, géométrie, perspective... Son succès tient à lintensité de la jouissance régressive quil provoque. Il ne sagit ni de construire ni de détruire, mais de modeler, chacun à sa manière, une oeuvre sans fin. A notre époque, on sait de moins en moins écouter un oiseau, ou regarder un arbre. mur mouvant de lumière grise qui sortait du nord-est et semblait, au lieu de se fondre en vapeurs humides, se désagréger en atomes ténus et vénéneux, comme de la poussière.
A table, ce repas de midi sous le soleil, le légume là au milieu de mon assiette, je ne sais même plus son nom, méchappe complètement, je cherche, jai beau chercher, son nom sur le bout de la langue, là là il est là tout proche, le faire tourner en vain, et faire défiler des dizaines de noms comme la parade, des dizaines de mots pour y parvenir, habituelle défaillance estivale, brutale envie de dormir, de sallonger et de sassoupir au soleil. Sassouplir. Comme une masse. Informe. Le vin et le soleil aidant. Plus tard dans la journée, elle dit : cest comme quand jétais petite fille et que mes parents mamenaient la fête foraine, je ne voulais pas en partir, je me faisais si mignonne avec eux pour quils acceptent, pour quon reste un peu plus longtemps que prévu, et puis venait nécessairement le moment où je me sentais fatigue, lasse, je commençais à pleurer, je voulais rentrer. Et tout était gâché, par ma faute.
Comme si ceût été aussi dimanche de lair, dans la lumière, dans les teintes. Témoins de lécoulement dun temps que les autorités voudraient abolir. Le mouvement, la vitesse, le rythme sont defficaces camouflages. Plaisirs du cynisme et de la brutalité. Dans un monde absurde et terrifiant, les mots sont à peu près la seule consolation. Mais on est en passe dy arriver. Mais cette mansuétude est de pure façade. Respect et considérations ne signifient pas soutien. Le sourire du dauphin qui laisse croire quil est heureux, même en captivité, ce qui paraît peu crédible et incompatible. Depuis ne durent que les moments doux. Tiède et insensible. En regardant de plus loin, on voit si.
Elle traverse un champ dherbes qui la caressent jusquaux cuisses, chaque foulée lodeur du foin senroule un peu plus autour delle. Mon père écrit le déroulé de ses journées, je fais la même chose au fond depuis si longtemps. Il y a des arbres quasiment morts avec une ou deux branches de feuilles vertes, dautant plus vertes entre les bois noirs. La Sîdelle au bout du jardin fraîcheur de linstant, la musique jamais lasse delle résonne encore mes oreilles, des érables ainsi que des cornouillers, tilleuls, rhododendrons, cerisiers, liquidambars, chênes. Les arbres mettent des années à mourir, ils meurent longtemps.
Une tendance à la répétition. Des éclats de soleil dans la nuque. La pression sur les marges est très forte. Un appel au calme et à la réconciliation. Préparer une offensive contre les fragiles institutions de transition. Face au vide, maintenir un certain rythme dattaques. Une carte, une plume, de lencre et une règle. Pas darrondis, pas de pointillés. Cette ligne noire, parfaitement rectiligne, reflet de lombre portée des grillages. A la fin, il faudra aller voir sur place, mais grâce à elle on ira là où il faut. Un fil invisible qui par instants réunit un être vivant à un autre et se défait, puis revient se tendre, entre des points en mouvement dessinant de nouvelles figures rapides, si bien quà chaque seconde la ville heureuse sans même quelle sache exister. Les expressions danonymes isolés dans la foule. Etrange impression de calme et dabandon, avec des temps morts comme des pannes délectricité. Le brouhaha ambiant ajoute à la confusion. Il y a toujours une petite fenêtre où je méchappe. Votre passe-temps préféré ? Laisser filer une pensée. Votre animal préféré ? Lair du temps. Cétait hier lachèvement du lyrisme et du fer à souder.
Sur ces larges méandres décrient par la Creuse, dans un cirque de collines et de rochers, une vedette, linvitation au voyage. Des ruines de Crozant jusquau barrage dEguzon, en passant par les rochers de la Fileuse, lembouchure de la Sîdelle, le lac de Chambon. Une barque au fil de leau. La carte des plus beaux sites : vaut le voyage, mérite le détour, intéressant.
Une bière glacée ? Cest le genre de précision qui écrase tout et emporte les derniers doutes. Un tour de rupture. Je travaille sur les lieux, lémotion, les expressions des gens. Ils le disent comme ils le pensent. Parfois même, ils deviennent la partition dun karaoké dérisoire. Je cherche des trous. Limage nest pas la réalité. Patiemment à la manière dun puzzle, cest comment cette expérience précoce de la violence et de la cruauté, le temps de déposer ses mots lestés de fatigue. Rien nest joué, rien nest illustré. Lexcitation augmentait en joie pure. Sur les lames dun mur de persiennes situé dans son dos, limage dun être morcelé. Tel ce visage que lon reconnaît de moins en moins dans le miroir de la salle de bain. Menues variations dangles, de lumières, comme dans lantre sensible de sa mémoire émotive, et ravivant la notre. Je ne devrais pas parler de la guerre, mais de la télé. Et dans cette télé, la guerre nexisterait pas.
Il fait chaud, on nen peut plus, lair est lourd, sourds et suffocant, même lombre est devenue chaude, tremblante, plus sombre que dhabitude et plus un seul endroit où lon puisse se reposer, jai du mal à respirer, partage de lombre et de la lumière, il ny a quà rentrer la maison, je grimpe les quelques marches, sans tenir la rampe de fer forgé, le métal est brûlant. On sisole lombre, légèrement en retrait, les autres supportent mieux la chaleur visiblement, en fait cest bon de sisoler. Quand on entre dans le couloir sombre, les yeux sont aveuglés, contraste saisissant, du mal à se repérer, on sassoit au frais dans le salon, on allume la télévision pour regarder létape du jour. Au moment de léchappée. On les suit à distance. On séchappe notre tour.
Non, dit-elle. Laisse-moi. Pour fuir, il faut une volonté de fuite, mais doù tirer une telle volonté lorsquon remue les doigts de pieds et quon change de visage dans une grimace de dégoût ? Si on dit quil fait jour, quelques après il fait nuit, et, si on dit quil fait nuit, quelques heures après il fait jour. Rien ne tient, tout bouge. Rejoindre la mémoire quils avaient deux-mêmes à cinq ans, six ans. Tous les visages et toutes les attitudes anéantissaient les possibilités de fuite, chacun restait captif de sa propre grimace et bien quils eussent tous dû senfuir. Ca ne vous fatigue pas à la fin ? Voir là quelque signe particulier de mon orgueil, mais parce que ce mot. Je résume pour moi la structure du monde. Mais il est vrai que vous êtes trop jeune pour comprendre ça, encore que vous nayez quà faire la révision de vos souvenirs et vous sentirez bien vite tout foutre le camp autour de vous, ou avoir foutu le camp.
Limpasse Rosette, détails darchitecture médiévale, un chemin de ronde couvert, cave voûtée, nervures où se lisent aussi les traces douverture, ses usages successifs, couvent, école primaire supérieure, puis colonie de vacances, ses degrés en pas dâne, village perché, point de vue, pic sur la vallée du Portefeuille, on distingue encore toutes les traces.
Tout le monde est responsable de la situation. Comme ça, je reste très mobile, au gré de mes humeurs. Le bonheur de lespace, cest le creux du paysage où je me perds, la métaphore de labsence qui est en moi. Cette manière de travailler par petits bouts, ça fini par avoir du charme. Vous ne sentez rien ? Une sensation de bien-être. On est plus léger, plus grand et, en même temps, plus humble. Les nuages excitent notre imagination parce quils expriment une réalité incroyable, leau vole. Dabord sous la forme de vapeur, puis de cristaux de glace. La preuve par le nuage. Là, ces stratégies calquées sur le passé ne fonctionnaient pas. Je me souviens, au matin, de mes paupières collées de sommeil.
Paresseux, indolent (pas insolent : indolent, sans même lair de les narguer, et même probablement sans animosité), rien dautre que les opulents pâturages, les verdoyants coteaux, un point, un pigment, puis plus rien, aspiré, dilué dans le ciel vide qui les avait engendrés, dans les bois, dérisoires, anecdotiques, les opulentes forêts, les opulents pâturages senveloppant peu à peu de la brume bleuâtre du soir, senténébrant, puis ressurgissant lentement de la nuit, par un de ces troublants jeux de la langue dont on ne sait si celle-ci se moule sur ce quelle dit ou linverse, sous lessaim de mouches aux corselets rayés, aux ailes grises pointillées de noir.
Est-ce quon se passe mieux des pieds que de la tête ? Levez la tête. Non. Pas trop haut. Ni trop haut, ni trop bas. Et voyez le monde autour de vous. Vous foncez tête baissée. Là. Ici. Partout. Ailleurs. Mais regardez donc devant vous. Quand vous marchez. La rue pleine de fenêtres et de visages. Par morceaux. Par miettes. Entremêlés. Ceux dans lesquels on se cogne et quon navait pas vus. Quand on regarde ses pieds. Attention. Réponse : à rien. Contours et alentours. Immense. Comme les eaux qui roule un Océan. Implacable. Ceux qui sentent le vent. Flairent les parfums. Hument lair éparpillé dans les branchages. A lécoute. Du futur (ou de la réalité). Avec la vitesse de la foudre traversant une pièce. Cet automate inquiétant, ce bolide dangereux, ce météore en déplacement. La pointe de ses chaussures. A nous de rire.
« Percevoir les menus bruits qui composent le silence de la haute futaie immobile : le léger chuintement de lair dans les cimes des arbres, le frémissement dun feuillage, son pas feutré sur le sol spongieux, lélastique tapis dhumus accumulé et, lui parvenant intervalles réguliers, le cri redoublé de loiseau répercuté entre les troncs verticaux, comme si après avoir retenti il continuait exister par son absence même, comme pour souligner le silence, le rendre plus sensible encore, élancé avec une régularité dhorloge non pour le troubler mais pour le ponctuer, délivrer une accumulation de temps et permettre une autre quantité de venir sentasser, sépaissir, jusquau moment où sera libre son tour par le cri, au point quil cesse de marcher. »
Lacacia, Claude Simon, Minuit, 1989, p.97.
Logique des murs. Inutiles murs. Et dangereux. Cest là que je voulais être. Lérection des murs signe toujours le début deffondrement dun système. Ils sécroulent toujours, et moins sous les assauts extérieurs que par leffritement interne, car les murs étouffent dabord ceux quils sont censés protéger. Le monde connaît une contraction inexorable. Des crevasses pouvaient se produire à tout moment dans lécorce terrestre. En voulant lendiguer et en murant le monde, on fissure et on mine ce dernier. Rêver de carottes sans bâton. Doù, aujourdhui, divers ersatz improvisés dicelle. Le cessez-le-feu, insistent-ils, doit être durable, plutôt quimmédiat. Dans un souci dapaisement, japprenais quon nomme les vents selon la direction doù ils viennent. Dénonçant la culture du secret
Lorage éclate en fin de journée, le soleil déclinant sur fond de ciel anthracite, lumière artificielle. Enregistrement, commencer. Quelquun qui raconte une histoire, il sagit de souvenirs, il regarde à droite, sil invente et fait travailler son imagination, il regarde à gauche. Cest tout simple. Le tonnerre gronde. Les éclairs anonymes signent le ciel dun trait sinueux. Le vent se lève et les gifles de pluie effacent le pré voisin sous un épais et impressionnant rideau blanc. Enregistrement, fin. Rideau.
Les demandes de branchages, les bakchichs en argot kinois. On ne peut pas se tenir au bord de la rivière. Quand il ne pleut pas, les plantes ont une stratégie pour résister. Monte terriblement en efficacité. Acceptable dans les limites du bon goût. French flair. Classer les nuages. Lépoque est aux nomenclatures. Stratus : étendue. Cumulus : amas, en forme de paquet ou de balle de coton, nimbus : nuage. Nuages menaçants, altus : haut, nuages daltitude. Cirrus : filament en forme de cheveux. Les nuages orographiques se forment au-dessus des montagnes. En forme de lentilles ou de soucoupes volantes. Les nuages préfèrent lanonymat. En fait le gominé et le professeur ne faisaient quun.
De léglise, descendre jusquau château deau et prendre droite, puis emprunter le chemin qui longe la ferme de Confolent. Entre champs de mas verdoyants et de blé fraîchement fauchés, le chemin de terre serpente sous un soleil pesant, une chaleur étouffante. A lombre des arbres aux feuillages frémissants, le bruit de leau trouble en contrebas. En remontant vers le village en ordre dispersé, leau dune pluie timide étincelle soudain de minuscules diamants la rivière au lit mordoré. Le village continue dabriter des artistes peintres subjugués par le paysage creusois. Passons. Dune rive lautre. Le site où Claude Monet aimait planter son chevalet. Passons. A lombre des arbres.
Elle fredonne et met une majuscule de revue au mot Paix. La lumière, la couleur et la diffusion de lune et lautre, de façon indissociable, dans lespace. Mélange de radicalité et démotion, de lintelligible et du sensible. Eclatante démonstration des différents possibles de la panoplie des couleurs qui, plus loin, vont entrer ici, la façon de nier un angle, là de faire vibrer une surface, ailleurs de jouer sur les complémentaires. Pour voir ce qui se passe derrière. Cette couleur que personne ne connaît et qui maintenant rend au ciel. Blanc froid, blanc chaud, blanc doux et blanc lumière du jour. Pour décliner avec subtilité toutes les nuances. Ce lieu où lautre vient vers lautre. Jai ouvert la porte et jy suis allé. Et la nuit vint sans un souffle de vent. Par la senteur de livresse du sommeil. la musique estivale.
Difficile de sortir de lanecdotique de soulever les barrières et les a priori. En voiture tout va plus vite, les nuages samoncellent à lhorizon, un virage plus loin, le ciel passablement gris, le vent se lève, soulèvement des feuillages des arbres qui ploient sans casser ; élastiques, se balancent, essuie-glaces. La pluie gifle le pare-brise de plein fouet, de grosses goûtes, sur la route, parenthèses des branches darbres. Cest un endroit où lon est jamais allé. Quand on y reviendra, plus rien ne sera plus pareil. La pluie est si dense sur les vitres de la voiture, garée en contrebas sur le parking désolé du Haras, tout devient flou, la musique fond dans lhabitacle, une bulle à part, seul au monde.
Au menu, du classique, mais allégé et modernisé par des détails. Cela pourrait grimper plus haut, mais un orage du matin a transformé le soleil de plomb des derniers jours en une clarté laiteuse bourrée dhumidité. On peut néanmoins avoir le sentiment fréquent que toute une partie de linformation est fabriquée en regardant dans le rétroviseur plutôt quen braquant les phares vers lavant. Cest humain si lon considère les risques de plantage : il est plus facile de prévoir le passé que dannoncer lavenir. En somme, la vie dans sa fragilité est plus capable de résister à la mort. Vivre de mort, mourir de vie. Toujours se régénérer. Le contraire dune vérité profonde nest pas une erreur, mais une vérité profonde. On cesse alors de voir le monde comme une juxtaposition de choses séparées, et on cherche à relier ce qui est disjoint. La phrase sourd la chape de plomb, comme lentame dun laborieux roman dapprentissage.
Un frêne entre deux saules, debout les uns contre les autres, un détour, une halte, un séjour. Au pied de la forteresse, sur la rive gauche de la Creuse. Et si le vrai luxe cétait lespace ? En toute tranquillité au pied des collines verdoyantes et des falaises escarpées qui dominent ses toits chargés de mousse et de giroflées en fleur. Derrière la maison, le long de la rivière cette fois. Il nest pas facile de sortir de son cocon. Et tout au fond du pré, le long de lautre bras deau, une ligne. La transformation ne se fait pas à vue. Parfois des ailes jointes au-dessus de labdomen dont le charme na cessé dinspirer les poètes.
Au menu, du classique, mais allégé et modernisé par des détails. Cela pourrait grimper plus haut, mais un orage du matin a transformé le soleil de plomb des derniers jours en une clarté laiteuse bourrée dhumidité. On peut néanmoins avoir le sentiment fréquent que toute une partie de linformation est fabriquée en regardant dans le rétroviseur plutôt quen braquant les phares vers lavant. Cest humain si lon considère les risques de plantage : il est plus facile de prévoir le passé que dannoncer lavenir. En somme, la vie dans sa fragilité est plus capable de résister à la mort. Vivre de mort, mourir de vie. Toujours se régénérer. Le contraire dune vérité profonde nest pas une erreur, mais une vérité profonde. On cesse alors de voir le monde comme une juxtaposition de choses séparées, et on cherche à relier ce qui est disjoint. La phrase sourd la chape de plomb, comme lentame dun laborieux roman dapprentissage.
Vous pourriez être confronté à des difficultés imprévues. Faire que rien ne change dans un monde qui se transforme à vive allure. Jai toujours pensé que ce quelle voulait dire en fait cest « faut pas que tu jouisses ! » Ils croyaient que je copiais des modèles, de lespionnage économique en somme. Encore une semaine qui sannonce délicate. Cest le temps du chacun pour soi. Pour mémoire, quelques-unes des inscriptions collées dans les vitrines. La forme que nous inventions sans nous voir linventer. Ces dessins où deux paysages senchevêtrent lun éclipsant lautre, selon les caprices de loeil. Silence, on tourne. Quelque chose de plus qui pourrait sappeler lintérêt général.
AOÛT
En équilibre sur le trottoir, la nuit tombe dans les pommes, nous rions tête la première, gorge déployée, tous les quatre ne font quun grand rire. Il fait doux, nous sommes les images du film en tête, chacun évoque sa scène favorite en marchant sur un nuage jusquà la voiture côte à côte, heureux, hilares. Les filles se font grandes, sur la pointe des pieds, elles plaisantent, taquines avec nous, lair léger nous rend léger comme un verre dalcool, image par image.
Territoires dinvention au coeur des débats. Melville et Segalen sont dans un bateau. Qui tombe à leau ? Conrad ? Proust ? Loti ? Paysage spectaculaire, le tout dans une atmosphère de fausse décontraction. Traversée houleuse, avec beaucoup de vent. Les vagues claquent dans lobscurité, flashs et gifles sonores. On peut difficilement sortir la nuit. Cette clé, on en a besoin pour ouvrir la maison. Mais ça, à la limite, ça na pas dimportance. Ce quil y a cest quon y est sentimentalement attaché. Elle représente la maison, la famille, les racines, tout ça à la fois. Tout sest mêlé, la peine, la perte. Laissez refroidir puis mettez au réfrigérateur. Servez froids. Je navais pas de limite. Lui parler dun prodige qui était réel. Il est revenu sans clé, et donc, comme en pareil cas, rentré par la fenêtre.
Souvenirs denfance quon ranime tant bien que mal. Sur la table à côté, les enfants jouent avec leur dînette, mélange dherbes et deau. Je me souviens à travers leurs gestes précis. Conjuguons nos talents. Une odeur ravive parfois plus quune couleur, un objet, un lieu. Nos souvenirs comme le soleil sur notre peau. Changements brutaux et sautes dhumeurs du temps en cette fin daprès-midi. Impressionnantes colonnes de nuages grisâtres filant au-dessus des champs, disparaissant pour laisser place à de lointaines barbes à papa sur fond de ciel bleu. On dit quun assassin revient toujours sur les lieux de son crime. Un enfant, toujours la même histoire.
Elle avait son caractère, parfois des petits problèmes de justesse. Ces choses qui font quon sattache... Tout ce quil y avait entre ces deux oasis de vie était terra incognita, un vide. On sattache plus aux défauts quaux qualités. Je nai pas la réponse. Il en a été autrement. La tentation de choisir un point de divergence pour imaginer un récit issu de cette bifurcation. Et, pourtant, bouger un grain de sable peut provoquer détonnants ricochets. Tout aurait pu être autrement. Vous êtes ici chez vous, mais rendez-vous compte que cest une façon de parler. Ne traînez pas, dîtes seulement : Je pars, et vous verrez que nous serons aussi courageux que vous.
Une cascade dévénements non maîtrisés, la surprise sans doute, il a fallu que mon désir sécarte pour lui faire place. Je fais donc des calques, des recalques, ne tardant pas, voix off, isolement bougon, dans lattente du puzzle, mime - jy suis allé fort, rares sont les moments où jécris à lintérieur de mon texte, non sans métonner, pour un angle inédit, ou rien - et un travail sur la ligne, il y a patron à cette tapisserie, et je sens bien que je ne fais que colorier. Je comprends que le désir est une forme, désir et variations.
Il y avait des moments de vide. Cétait lexpérience dune dépersonnalisation paisible. Dans une certaine pinède, tout se passa de façon idéale, jécartai létoffe des fantasmes, je goûtai à la réalité. Jaime le jeu, lamour, les livres, la musique, la ville et la campagne, enfin tout. Il y avait un côté animal sauvage qui me plaisait dans cette rencontre. La fille est dure, lui ne veut rien, sauf aller voir la mer. Mais elle le sauve en lui donnant sa douceur cachée, plus douce que nimporte quelle douceur. Cétait juste une rencontre, cest devenu un film.
Jai reçu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest oui... Jai reçu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest oui... Jai reçu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest oui... Jai relu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest non... Jai relu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest oui... Jai reçu le rapport. Tu es donc au courant de la situation. Il ne sagit pas dun problème sentimental. Il nen a jamais eu lui. Il sagit dun problème politique. Cest oui ou non ? Cest oui...
Comme le prouve les rares témoignages et images vidéo disponibles, nul doute quen cas daggravations du puéril, les hippocampes vont éprouver leur fidélité, succincte et très théorique. Les travaux du futur qui mobilisent contre eux la population locale, sont suspendus à quelques pétales. En une matinée, le village précaire est devenu un champ de ruines. mais quand on ne peut pas les déplacer, on na pas dautres choix que de les détruire, pour éviter toute réinstallation. Après la marche et lenterrement, il y avait un goût dinachevé. Favoritisme flexible. Le mot dordre, cest de rebondir. Le temps et lespace se traduisant par le même mot : pacha. Je veux être semblable à cet homme là, juste devant moi, qui boit son café du bout des lèvres. Ou à cet autre qui vient dentrer, le front en sueur davoir marché sous le soleil. Je crois que ça résume un peu mon comique : faire tout exploser par surcharge, par saturation. Et linfini souvre rien que pour vous, un ridicule petit infini et vous tombez dedans. Le prodige provoque désormais de séduisantes collisions musicales. Ce nest pas un plaidoyer, cest un faire-part. Ce nest pas un viatique, cest une bouée de sauvetage. Le chaud-froid est un plat qui combine des éléments de différentes températures, et convient parfaitement aux chaleurs estivales. Servir de suite, en chaud-froid.
En quelques jours seulement et la fabrique des habitudes vous emboîte à nouveau le pas. Au début, on est un peu perdu, difficile de se repérer. Très vite cependant, dès que le soleil revient à la surface : appliquer mes itinéraires sur un autre espace, les utiliser comme une grille de cheminement, qui devient, là, arbitraire. La plage vide le matin. La plage vide à midi. Une nouvelle plage sur lautoradio. The Man on the Hill. Je regarde autour de moi sans rien voir, sans doute une chose qui sera remise longtemps avant de donner plus, ou finalement abandonnée par négligence, oubli, ou parce que je ny trouverai aucun intérêt à la relecture. Au début, on est un peu perdu. A la fin on voudrait que ça ne finisse pas. Toujours pareil.
Remonter à la conception dobjets expérimentaux. Il agrège les informations par thèmes quelque soit leur provenance. Cest un nom, un emblème, cest la tradition. Cest comme une affaire de famille. Cet accord représente un équilibre subtil. Ils travaillent la technique tout de suite. Le rendu reste superficiel. On ne prend pas le temps, il ny a aucune profondeur dans la façon dont en parle. Loin de là. Disons quil y a certain nombre de paramètres à identifier. Puis à prendre en compte. Le tout, cest davoir une ligne de conduite et de sy tenir. Moduler le son de sa voix à partir du sens du texte. Des voix claires et sonores qui leur rappellent la vie. On ne doit jamais chanter pour son propre plaisir, ou se gagner un public. Cétait une forme de respect.
La vitesse. Vite fait, mal fait. La vitesse sur la route. Dans 80% des accidents en ville, 60% sur route et 40% sur autoroute, les conducteurs impliqués roulaient trop vite. La vitesse sur la route. La vitesse est déterminante dans 44% des accidents mortels hors période estivale et 47% des accidents mortels lété. Votre comportement sur la route. Venez y trouver aide et conseils de la part de nombreux spécialistes. Des capteurs de vitesse sur la route des vacances. A la veille du grand chassés-croisés annuel entre juilletistes et aoûtiens. Où sont placés les radars fixes sur la route des vacances ? La mort sur la route, fléau français. Après une baisse régulière pendant dix ans. Du coup, plus dun conducteur sur deux se trouve en excès de vitesse... Limpact du renforcement des contrôles de vitesse sur lachat dune prochaine voiture. Les contrôles de vitesse sur la route comme les radars automatiques. Respecter les règles : sur la route, les règles sont là pour nous protéger. Les limitations de vitesse par temps de pluie sont de 110 km/h sur autoroute.
Pour fuir, il faut une volonté de fuite. Dans le souvenir de la danse, ses rythmes erratiques. Et maintenant ? Un savoir-vivre qui repose sur la mobilité. Plutôt que de figer les choses, fait entrer un jeu aléatoire du présent. Tous les visages et toutes les attitudes anéantissaient les possibilités de fuite. Nous voulons épouser lhistoire, donc le mouvement. La forme, le mouvement, représentant la manière de comprendre son époque. Une petite main qui émerge des décombres, ça ne trompe pas. La provocation et lintimidation se vendent bien. Aujourdhui, on critique le pouvoir, pas le pouvoir achat. De nos jours le spectateur, au lieu déprouver sa force, comme le souhaitait Duchamp, se sent tout simplement médiocre. Se condamner à inventer pour rester vivant, accepter une position dépigone, qui répète et commente les textes écrits.
Je prends des photographies delle la dérobée, en aveugle, lappareil posé sur la table du café, je lobserve, en aveugle, qui discute et samuse avec les filles et Caroline. Jai laissé traîner lappareil sur la table, elle le prend pour les photographier son tour. Après lopération, elle vérifie le cadrage de son cliché. Je ne me rends pas compte tout de suite de ce quelle est en train de faire. Alice sur mes genoux. Elle découvre ainsi toutes les photographies que jai prises delle un peu plus tôt, mais que je nai pas encore vues, les commente et les montre aux autres. Je minquiète un court instant, en aveugle, ne sachant pas trop ce quon y voit. Révélation ultérieure, une fois nest pas coutume avec lappareil numérique.
Rien ne tient, tout bouge. Un territoire éphémère à la géographie instable. Avec la bouche ouverte sur des mots inutiles. Il faut se concentrer sur le positif, les personnes quon aime. Il scrute le sol et les airs, interprète le moindre signe, toujours émerveillé. Zone interface. La réaction de Maillard (entre un sucre réducteur et un groupe aminé), transforme la viande fétide en rôti qui sent bon. Faut pas sy fier. Avec ses lettres déformées, éclatées dans tous les sens, et se chevauchant la plupart du temps, remplies deffet, de couleurs unies ou dégradées. On ne la pas entendu arriver, il est là. Un signe sans doute, mais pas forcément rassurant. Je suis actuellement en phase de reconstruction. Un livre dont la dernière page était constituée dun alinéa, un espace blanc, puis une phrase en italique. Faut pacifier. Usage démagogique et obscène du langage qui consiste à prendre en otage les mots de lintimité. Les gens sont repliés sur eux-mêmes. Il y a un silence assourdissant. Il y a une nostalgie. En puisant sur la force du territoire. Il faut trouver des raisons daller au bout, cest pourquoi je ne cours jamais pour moi, mais pour dautres. Lesthétique de la rupture lemporte. Nous allons beaucoup travailler sur les mots, car personne ne comprend plus personne.
Cest reparti de plus en plus belle, on the route encore, on se fait la belle, une fois de plus, tout de go, en avant marche, cest parti mon kiki, deux trois jours, sur la route encore, plus belle, toujours plus loin plus proche, peu importe où, sous le soleil en tout cas, le chant des golfes clairs a des reflets dargent, la route, boucler la boucle, pas se la fermer. La mer revient toujours au rivage. Dans les blés mûrs y a des fleurs sauvages. Ny pense plus, tu es de passage. Juste ne peut pas attendre pour obtenir sur la route encore. Repartir de plus belle pour trouver tout plus beau. On the route encore. Un, deux, trois, partez...
La colonne de fumée grise montant dun immeuble a été noircie et dupliquée pour accroître leffet dramatique. La retouche est assez grossière. Le photographe a démenti. Il tentait denlever des taches de poussière. Des erreurs en raison des mauvaises conditions déclairage dans lesquelles il travaillait. Pour léclairer, il ne pouvait compter que sur les lueurs des veilleuses. Il faut donc marquer linitiale sur le cul brillant de la bombe. Il ny a aucun témoignage de la barbarie. Dun monde qui sest effondré en ne laissant que des débris comme mémoire. Rejoindre la mémoire. La musique cest aussi des bruits de portes, un chien qui aboie. Il y a une sorte de mélancolie là-dedans le frémissement dune disjonction. Force de capillarité, dès quon a dépassé langle davalanche. Le souvenir et, en corollaire, loubli. Empruntant au cinéma des images frappantes, des ellipses, du montage, des dialogues travaillées et autres fantaisies. Atmosphère, atmosphère, est-ce que jai une gueule datmosphère ? Jai du mal à accepter les limites si ce nest pas moi qui les pose. Demain, que ferons-nous ? N pour Noir ou C pour Chrome. Nous recommencerons. Cest aussi pour cela quon se souvient de ces moments là. Raconter toujours cette même histoire fait monter les émotions à la surface et touche à quelque chose dintime. Cet avis tient lieu de faire-part.
Marcher dun grave pas, et dun grave sourcil. Et dun grave souris chacun faire fête. Marcher dun pas tranquille, marcher très doucement, pas de loup, se glisser, flâner, traîner, lambiner, traînasser (idée de perdre du temps), traîner (à ne rien faire), faire de la marche à pied, des excursions, des randonnées, boitiller (maladresse, difficulté), se balader dun endroit à un autre pour le plaisir sans but véritable, sattarder, traîner, prendre son temps (pour faire quelque chose dagréable), marcher distraitement en sarrêtant à plusieurs reprises, flâner, traîner dans un endroit sans raison, marcher pesamment, tituber, chanceler, vaciller, marcher au pas, défiler (pas régulier), errer sans but, se promener au hasard, marcher petits pas maniérés, arpenter, faire les cent pas, barboter, faire trempette (eau peu profonde), avancer péniblement, marcher lourdement, avancer péniblement dans, se frayer un passage, se pavaner, se dandiner, faire une longue promenade, une randonnée (sans but défini), errer, vagabonder (pas de destination précise mais implique de longues distances), errer, vagabonder, parcourir (de grandes distances), se promener dun pas nonchalant, flâner, avancer tant bien que mal ( quatre pattes ou en grimpant), marcher en traînant les pieds (pas lents, mal assurés ou maladroits), traîner les pieds (sens concret), rôder furtivement, avancer péniblement dun pas lourd mal assuré, se glisser furtivement, pas feutrés, sans faire de bruit, sans se faire remarquer, marcher avec raideur, errer, ségarer, sécarter du chemin, marcher à grands pas, à grandes enjambes (implique énergie, rapidité), flâner, se promener nonchalamment sans but précis, pour le plaisir, se balader, vadrouiller, marcher dun pas lourd, énergique sans objectif précis, faire de la randonnée, marcher péniblement et lentement, en traînant les pieds, se traîner. Balancer tous ses mots, répondre de la tête.
La chance na rien voir là-dedans bien sûr et pourtant. Je nai consulté aucune carte, je nai pas pris soin de vérifier litinéraire avant de partir. Je vais au hasard. Visite lente et sinueuse. Direction Centre-Ville. Commerces. Conduit la voiture sous léglise. Mais non, je lai déjà dit, jamais le coup du hasard na joué un rôle dans cette histoire. Jai suivi ma route, voilà tout, sans savoir où jallais avec précision, sentant simplement quelques menus détails (Panneaux Centre-Ville, Port de Plaisance, Commerces) que ce détour, cet instant précis je me fichais bien de perdre mon temps, mon chemin même, persuadé de finir par le trouver, ce tour en ville en fait (peut-être allait-il me jouer des tours ? mais non), me mènerait droit au but. Devant la maison du père de Caroline. Villa Medicis. Et oui, avec une précision maniaque qui, heureusement, ne se reproduisit pas pour le retour. Heureusement, cest une façon de parler, lerreur révèle toujours la faille. Parfois on nen devine même pas lorigine. On nen souffre, cest tout. La chance na rien voir là-dedans, bien.
Les portes des chambres ne ferment pas à clé. Il nentend plus comme un bruit de basse permanent en fond sonore. Après un passage par la case urgence. En choisissant de jouer à ne pas savoir comment ça finit. A labri du soleil, et des regards, sur le béton lisse. Surtout, elles sont mouvantes et invisibles, donc incompréhensibles. Il y a plus de vent, plus de fraîcheur, assurent-ils en soupirant. Lhonnêteté consiste au contraire à discerner léconomie de ses actes. Les traces quils laissent. Je sais pertinemment que ça na aucun sens de travailler autant. Pour accumuler quoi ? Faire plaisir à qui ? Donner deux, quand il vaut un. Il fait assonance avec lui. Le marché est clair, mais cest un marché de dupes. Trop de passions, de pressions, dempressements. Dès lors les vannes se sont ouvertes. Entreprise en milieu rural qui ne vaut rien donc qui mintéresse. Renouer avec le swing, les quatre-quatre, le drive, les chorus. Il faut que ça devienne de la viande. Les problèmes liés au rythme, à la danse, tout ça est très compliqué. Dynamisme immobile. Javoue que je ny comprends rien. Mais je travaille à la question. Et je comprends de moins en moins. Mon travail, cest du temps.
Sur le retour, la voie royale. Circulation fluide. Les panneaux lumineux de signalisation de lautoroute indiquent le temps qui nous sépare encore de Rouen (34 mn) et de Paris (1h44). Le chemin quil reste parcourir, en temps et en heure. Pas une distance mais un temps. Jarrive à Paris en deux trois mouvements. La remonte du Boulevard de Strasbourg se fait au ralenti. Les parcs chocs des voitures sont au touche touche. On avance difficilement à cause des travaux sur le Boulevard Magenta. Je me souviens de mes jeux denfant. Je passais des heures à jouer aux petites voitures. A la queue le leu, prises dans un embouteillage, je trouvais toujours la meilleure solution et ma voiture se glissait entre les autres pour les dépasser allègrement. Aujourdhui, en rentrant, tout est différent. Ce nest plus un jeu.
Ici, cest plus que loin, cest ailleurs. Déserts jaunes, fleurs, boules, dôme. Mais le paysage a parlé, dit-il. Gradins, pyramides, boule jaune. Le contraste était frappant. Au-delà du raisonnable rend le risque zéro impossible. Jespère que non, sinon on ne va pas y arriver. Il faut que le dispositif reste fluide. Riez maintenant, un jour je moccuperai de vous. Je choisis des cartes postales pour toi, les découpe en rêvant pour toi, une boule dimages souvre comme une fleur, un livre dimages souvre. Il ny a que les enfants pour oser se baigner. Leau est encore fraîche en ce début dété. Vitres bleues, fleurs, lèvres, palmes. Bleu. La lumière de laube sur tous ces fragments. La maison était faite de passages et de contradictions. Comme en surimpression. Un écho davance. Avec des trémolos démotions et des fous rire irrépressibles. On dirait ces petits cailloux qui disent le chemin parcouru.
Donner voix au chapitre - texte et prétexte - work in progress - travail des jours et la nuit lécoute, la musique de la nuit, petite et douce, musique cruelle et douce, une lumière vive - Fermer les yeux pour voir. Donner de la voix. On dit dès fois, donner une chance. Ou donner sa langue au chat. Pas de chance. Ecrire un mot pour un autre. Ecrire en appelle à lautre, le cahier des charges dun autre rapport au réel mettant le corps, la voix en avant : Boucle, sample, échantillonneur - éclatement des formes relayé par la machine, déréaliser un réel de plus en plus fictionnel pour le re-fabriquer autrement à partir de fictions recomposées. Par exemple. La métamorphose. Parle : Jenvisage le pire, sur ton visage un sourire.
Une mémoire fictionnelle du cinéma que le son nous permet de faire revenir à la surface en nous rappelant ce que nous avions oublié de nos histoires. Le traiter comme une mémoire, en sachant quun film est toujours témoin de celui qui na pas été fait, répétition de tous ceux qui ont déjà été faits, et restent inachevés. Le seul pouvoir quil ait, vise sa propre transformation en simulacre, dans une situation de leurre. Ce que lon voit nest pas ce que lon entend, ce que lon entend nest pas ce que lon voit. Ce sont de véritables sosies, on dirait aujourdhui des clones. Jespère que dans lensemble nous donnons limpression dêtre des amis inséparables, de nous entendre sans avoir besoin de nous parler. Réinventer la vie, et finalement vaincre la mort. Mais, en contre partie, limage tue.
Parfois par le volume du vacarme, se dessine en fait un chaos organisé, chacun pour soi, le premier arrivé attend les autres au tas de sable : spontanéité contrôlée. La légèreté de touches au service des jeux de luminosité, une espèce dinachèvement qui, comparé au tableau fini, semble cerner de façon plus achevée la sensation visuelle, une proximité presque respiratoire avec le spectacle de la nature. Tout cela destiné à se déployer est déjà là. Mais un frémissement venu dailleurs en perturbe lassurance. Technique naïve, sympathique, et le plus souvent inefficace. Le cahier des charges impose que chacun doive sy retrouver à un moment ou à un autre et le plus souvent possible. Cest une vocation au sens latin du terme, quelque chose qui appelle. Dans le sens de rendre commun. Le dessin lui est un parcours de pensée. La couleur peut aussi être dessin. Ce point qui bouge et qui provoque, laisse la trace dune ligne pouvant évoquer le profil dune montagne ou le visage dune femme. Lécriture est aussi un système deffacement, en même temps ce quon écrit et ce quon gomme, ce que je fais quand je dessine.
Fais ce que tu veux avec, pas grave, fais comme il te plat. Je sais plus si jai envie décrire ni de relire comme ça ces états de mots, passagers clandestins, mots de passe à la trappe, je crois. Jaimerais être à nouveau en vacances, je veux dire avec amour ou alors travailler plusieurs genre de projet motivant, quatre mains finissant par terre quatpattes, mais toujours cette fausse complicité dont je me sens exclue, petit monde popoésie paparano à deux balles à servir quelque chose mais à quoi ? Discuter avec quelquun, travailler sur un projet, je me répète un peu, conséquent, con cest con ces conséquences ,cest quand quon se dit tu ? Je ne te connais pas, gagne ragnagnas, affectives addictions, dis-tu gare. Train, salle dattente, tirer à vue. Pluie, soleil, pluie, soleil, puis soleil. Il aboie, elle crie, synchrone. Le train passe sans bruit, fenêtres ouvertes, je ferme les yeux : un deux trois partez.
Il ne faisait rien et le faisait avec panache. Le moteur de recherche ne dispose daucun contenu en propre, il se contente de reclasser linformation produite par dautres, et de la présenter dans une interface bien pensée. Et à mon avis, il tient toujours le titre. La tête haute. Rien, dans toute mon expérience, na jamais été plus remarquable pour moi, et rien na jamais eu en tant que fort un effet sur mon sens des possibilités, finesse décriture. Plus tard, essayant de comprendre cet impact, jai découvert le plagiat. Certains de ces emprunts avaient été soulevés. Dici là jai su. Processus machine bobine à bobine. Prélèvement. Interroger lunivers avec des ciseaux. Jai une machine à écrire. Dans une certaine mesure collage. Signifiant, finalement, une question des données adjacentes, réunies par leurs circonvolutions quasi fantomatiques. Notre culture ne prend plus la peine demployer des mots comme lappropriation ou de tenter de décrire ces activités mêmes. Pour révéler que la grâce était une énigme jamais résolue, ce qui lui confère une formidable énergie herméneutique. Lassistance daujourdhui nécoute pas du tout - elle participe. Aujourdhui, un processus sans fin, de recombinaison, et fondamentalement social produit des heures innombrables de produit créateur. « Qui possède les mots ? » a demandé une voix désincarnée mais très persistante au fond de la salle. Sasseoir dans un café est une des principales activités à Paris. Qui les possède maintenant ? Nous. Nous tous. Mais le sens du mouvement est là.
Allo, sa voix résonne dans le vide. Allo, infime changement de tonalité, je retiens ma respiration infirme, surpris. Allo, sa voix identique à celle quon entend sur son répondeur. Je ne suis pas pour le moment mais vous pouvez laisser un message. Sa voix frêle au téléphone légèrement métallique joue aux montagnes russes. Je ne pensais pas quelle serait là à vrai dire. Allo, chaque fois différent et en même temps un espace identique entre ses interventions métronomes qui passent par tous les tons et toutes les inflexions charmantes de sa voix variables, à la fois monotones. Toujours le même phonème répété inlassablement. Allo, même phénomène donc et puis le silence. On dit souvent un blanc, mais sans la peur du vide. Ici, du vertige. Je raccroche avant quelle ne parle ou raccroche le combiné.
Les images, des empreintes. On ne les a pas vus depuis un certain temps. Sans trop y croire mais peu importe. Un petit pas pour lhomme. En retravaillant chaque phrase, au risque de la réécrire, pour créer un rythme plus nerveux. Les images des empreintes laissées sur le sol lunaire. Des événements contraires à la réalité ont lieu. Si ça ne représente pas le monde, cest ce quil pourrait être avec un ou deux petits ajustements. Raisons dêtre de la fiction. Les enfants sont souvent bien sérieux quand ils jouent. Un évanouissement forcé est une initiation, le jeu brouille les frontières de la conscience, ce nest pas un simple accident, elle définit les règles et les risques du jeu. Prévoir le parcours dun chien sur un quadrillage, reproduire des sons dans le bon ordre. Et ce plaisir inattendu pris à confectionner de simples bouquets de fleur. Les bandes étaient perdues depuis longtemps et je navais aucune copie. La surprise est au centre du plaisir quon éprouve à écouter de la musique. Oublier lanecdotique, les scènes obligées qui permettent à une histoire de tenir debout. Et le tour est joué. Les images ont disparu des tiroirs sans laisser de trace, dempreintes. Luniversel, cest le local sans les murs. Les images sont souvent un peu floues, la mise en point se focalisant alors sur un élément, au lieu de donner une vision uniforme de la réalité. Les images sont des empreintes.
Désoeuvré. Instants de latence. Cest normal, cest le boulot. Quand même difficile la reprise. Pas volé. Bien fait. Tenez nous au courant de vos nouveautés. Il nest pas si courant que les espaces communiquent sur leurs actions. Et si le luxe cétait lespace ? Là, il manquerait une phrase, voyez vous. Cest normal, cest le boulot. Engourdi pas tant de désuvrement. En même temps ce blanc mattire, attise ma convoitise, me travaille au corps, encore et. Est-ce la proximité dun regard qui vous fait sentir que cest là ou la distance que creuse ce regard qui vous permet de constater que quand cest là, ça nest déjà plus là ? Le regard se meut ici dans lironie de ce qui le constitue : le parcellaire, le fragmentaire, le contingent. Cest normal, cest le boulot. Retour des filles en fanfare cet après-midi à la maison. Sweet mômes. Fébrile, fait briller mes yeux. Dans le silence dun regard et respirer dans ses marges.
Les cassettes disparues ne sont pas les copies de qualité médiocre, mais bien les enregistrements originaux. Le quotidien des petites gens, leurs allers et venues, leurs hésitations, leurs oscillations entre rêves sonnants et réalités à vous faire trébucher. Dans la lune. Les cassettes ne sont pas perdues, mais on ne sait pas où elles se trouvent. Mais elles pourraient être rangées ailleurs. Jubilatoire panorama dabsurdité inquiétante. Rester simple et clair en ses grandes lignes, même si la pensée du poète est complexe. Chantier dont les traces sont, de fait, les seules choses vraiment visibles : parpaings, grilles de protection, échafaudages, planches en vrac, palettes en bois. Lhumour grince. La violence guette. La tendresse a du mal à percer les carapaces. Léchec triomphe. La qualité... est deux, trois ou quatre fois meilleure que tout ce que nous avons vu. Oui, un jour viendra jen suis convaincu où je serai enfin frais et dispos. Prêt à commencer à vivre. Mais tout est laissé en plan. Léchafaudage par terre et les installations pas finies, les fils des télés et des écrans traînent partout, les lits défaits, les étiquettes des plantes vertes encore visibles (avec le prix). Dans un monde qui se délite. Le nôtre, mélancolique précis dune décomposition avancée. Ce lieu unique est repère revigorant. Pas encore. Je vais faire de la gymnastique tous les matins. Plus tard. Plus tard. Le reflet de Neil Armstrong dans la vitre du casque de Buzz Aldrin.
Au commencement était le verbe. Une pensée nous échappe, elle nous revient, à linstar dun livre quon rouvre, petit à petit... A chaque jour suffit son quotidien. A la fin le monde sans fin.
Le contrechamp, cest la présence de lautre. A force dêtre visible, je suis transparent. Le matin, une pointe de beurre sur une pointe de pain, il doit y avoir une mâche, une matière, les goûts doivent exploser. Cest le prix à payer. Toujours avec ce sens très poussé de la mise en scène. Dernière séance, première moisson, première fois toujours, émerveillement ralenti, perdu et retrouvé de lenfance. Le son est fait de paroles et de bruits très précis qui montent et se mélangent en une sorte de cacophonie intime. A lun de ses premiers concerts, on lui a dit : « Cétait mieux avant. » Dans cet espace couvert de traces, il faut encore des traces. Les traces ne sont pas que souvenirs ; elles sont des ébauches, des plateformes ; elles appellent les autres au travail. Tout fait sens et tout étouffe. Cest le temps retrouvé. Cest ma marotte. On est privé de contrechamp, de vrai retour. On veut éviter toute possibilité de relation véritable. Je vois, on vous sonne et vous y allez ! Pire : vous y êtes déjà. Pire encore. Vous dites : je ne suis pas là. Les phrases ne sont jamais semées au hasard. Elles font écho les unes aux autres. Des indices masquent ou signalent leurs origines. Tout, ici, joue avec la curiosité dans cet échafaudage de projets, dans cette maison de poupées détruites. Tout a été écrit, filmé, et il faut déchiffrer les vestiges. Cela provoque un sentiment à la fois heureux et agacé. Les imbéciles sont comme les portes, il est facile de les ouvrir mais on oublie le plus souvent de les fermer. Par fragments, par flashs. Je lis peu. Mais je lis toujours la dernière phrase. Jaime bien savoir comment ça finit et jaime bien les happy ends.
Limpossibilité de laisser un message. Le carnet de travail appartient aussi au projet. Difficile de raccrocher sans parler, sans entendre lautre au bout du fil. Il y a cependant, dans la contrainte dune écriture au quotidien, un défi. Faire que ces textes soient des franchissements qui memportent où je nai pas prévu, là où on ne va pas avec sa raison ni même lintuition. Il me manque et je ne peux pas lui en parler. En acceptant les écarts, les excès, la pensée sombre, les trappes qui basculent les censures. Un message de laisser limpossibilité.
Le plaisir et le jeu font partie du voyage. Il faut circuler, faire des allers-retours pour reconstituer le puzzle. La phrase originale est : « Lesprit emprunte à la matière les perceptions doù il tire sa nourriture, et les lui rend sous forme de mouvement, où il a imprimé sa liberté. » Il faut rendre sous forme de mouvement ce quon a emprunté, et cest ainsi quon devient peut-être libre. Le train approche. Selon son habitude, il a barré des passages pour en révéler un. Sartre y parle de la dialectique. « Une pensée dialectique, cest dabord, dans un même mouvement, lexamen dune réalité en tant quelle fait partie dun tout, en tant quelle nie ce tout, en tant que ce tout la comprend, la conditionne et la nie... » Pour comprendre ce que ça signifie et pourquoi cest là ? Non. Je ne sais pas. On ne sait plus vraiment quoi faire. Que cherchait-on, alors ? Filmer des garçons et des filles qui, lorsquils verraient le film, sétonneraient de se voir eux-mêmes et au monde. Cétait ça, lambition instinctive. Il y avait un aller, et le film apportait le retour. Avant, les acteurs jouaient des personnages, et non pas eux jouant des personnages. On est dans la copie. La copie est devenue loriginal. Cest pourquoi la notion de droit dauteur est devenue invraisemblable. Comment ces indices sont-ils jetés ? Sans hasard. Et devinez la suite. Cest plus matériel, plus concret. Ta peau, ta chair et se voûte, ton dos sous leffort et, dans lair, vibrent, deux yeux creusés qui brillent. Cela mintéresserait de comprendre pourquoi ce sera autre chose. Je pense à toi Damien. Je voudrais être à tes côtés.
Les descriptions sont une prairie, trois rhinocéros, la moitié dun catafalque. Elles peuvent être le souvenir, la prophétie. Elles ne sont pas le paragraphe que je suis sur le point de terminer. Mon édredon de paradisiers, ma chevelure décume noire. Mon tombeau éclaté ma pluie de sauterelles rouges. Mon île volante mon raisin de turquoise. Ma collision dautos folles et prudentes ma plate-bande sauvage. Mon pistil de pissenlit projeté dans mon oeil. Apprendre par coeur, comme on dit sur le bout des doigts. Caresse. Le plagiat est nécessaire. Le progrès limplique. Il serre de près la phrase dun auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par lidée juste.
Une claire définition du concept dopération. Son visage que je fixe en premier, son sourire que je reconnais malgré le gris des cheveux et la silhouette qui sest arrondie. Son allure générale mest familière. La question aujourdhui ce nest pas combien et quand, mais cest pourquoi faire et comment. Notre conversation enflammée comme naguère, propos identiques. Un mot déclenche lincendie dun mot à suivre. Tout prend feu en un mot. Pas sur toute la ligne, quant à son affaire, mais sur toutes les lignes, très à son affaire. La formule agla agla agla prononcée, le visage tourné vers lEst, permet de retrouver un objet perdu. Joie communicative. Plaisir des retrouvailles inattendues. Et la perspective de se revoir. Lécouter jouer. Ses yeux se plisser en parlant. Son rire voûté. Et le souvenir dun poème offert quil avait collé à lintérieur de sa guitare. Gaétan est un type hors du commun. Dans le feu de laction. Je suis empailleur des choses que la vie moffre en passant.
La femme, ladorable trouvaille qui te vague qui se rabat sur le désir. Quelque chose daimable sa façon dappeler, Qui leurre autant la raison que le rêve, Plus que quelques rimes lune dabréger là. Leur son nest plus quun bruit, et le bruit cesse ? Cette muraille, je prends la résolution dy faire quils ne remontent dans ma parole. Comme tout le monde, et cette couleur rouge qui par lair était frais ce matin-là du monde, Mains derrière le dos pour que je prenne le bruit, deau sur les pierres, de nos voix. Et je me tourne encore. Et les entrailles, aux ailes dresses en veux-tu ?
Cest parti pour la course de vitesse. Des couleurs qui permettent dimaginer celles quavait loriginal. Tout à la fois bien entendu mais, à la longue, lasse. Ce que jobserve cest que, comme dhabitude, le commentaire a précédé létablissement de la vérité. Ici, il pourra prendre son temps. Avant de traverser la rue et daller flâner au Musée de la vie Romantique. Même plein aux as, il shabillait et se chaussait sur catalogue. Je comprends cela. Je ne suis pas dans le concret. La phrase comme un écran. Et crétin ? cest pas un gros mot ? Même pas vulgaire. Familier ? Mon côté impie sans doute. Le mot vient de chrétien. Creuser le sujet. Réfléchir à ce que cela veut dire. Et la surprise à chaque nouvelle personne à qui lon pose la question. Comprendre avec le temps la signification de ce lapsus. Avant dentendre le fou rire général éclater sous les trombes deau dune soudaine pluie daoût. Rigole, rigole.
Notre façon dêtre, entier dévoué à cette grande ambiguïté, allongée. Un même effacement, monte et retombe contre sa cuisse, bruit, sur le désir ces jours, parmi ses rêves. Battant sa bouche la même seconde (saccades) pour ne faire quune chaleur avec laveugle. Calque de son parfum, encore quelle soit elle, qui casse imperceptiblement sous ta main, qui cherche succès. Avec une patience à toute épreuve, jai entendu léveil, déjà, dans la tiédeur. Ferme les yeux pour mieux le faire et mavoir.
Dans une pièce sans charme de petites proportions, la fenêtre un peu haute dépourvue de rideaux, son lit, qui nest quun large matelas posé à même le sol. Un poisson qui passe, ignorant de la foule des visiteurs curieux, derrière la cloison vitrée dun aquarium. Avec cela, je fabrique un portrait qui est celui de tous et de personne. Un masque, en somme, assez semblable à ceux du carnaval, à la fois fidèles et simplifiés, et devant lesquels on se dit : « Tiens, je lai rencontré, celui-là ! » Quand le portrait est terminé, comme ce soir, je le montre, plein de désolation : « Voilà, hélas ! ce que je suis. » Le réquisitoire est achevé. Mais du même coup, le portrait que je tends à mes contemporains devient un miroir. Il y en aura dautres mais plus pour moi. Cependant il ne la jamais su avant notre rencontre. Nuit après nuit. Tant il me tardait dy aller. Persuadé que le souvenir conserve tout et pas seulement les Albertines ou les grands éphémérides du coeur et des reins.
Propice à lécriture, si lon y songe, tout est inversé, je crois comprendre en négatif : visage, le soleil, dans la cour aux murs blancs, aveugle, larmes aux yeux, feuillage en arrière-fond, on appuie sur le déclencheur, léger temps retard avant prise de vue, on prononce quelques mots bravaches pour faire avancer le processus, intersections de courant dans les phrases, on cherche la vérité, linstant changeant linstant daprès, lumière instable, tourbillons majeurs, si possible un sourire et continuez comme ça oui, oui, cest ça, mais sans rien dire, juste un sourire. Répéter le geste simplement jusquà satisfaction de tous. Ressembler à limage que lon a de soi, si peu.
Tout à coup, je marrête : jai senti une usure, jai vu pointer un mot sous la trame des sensations. Ce mot-là, je devine quil va bientôt prendre la place de plusieurs images que jaime. Je nai pas besoin de faire des phrases. Jécris pour tirer au clair certaines circonstances. Se méfier de la littérature. Il faut écrire au courant de la plume ; sans chercher les mots. Par sa propre aventure la vie nous parle, nous révèle graduellement un secret, quelle soffre comme un rébus à déchiffrer, que les histoires que nous vivons forment en même temps une mythologie de notre vie et que cette mythologie détient la clé de la vérité et du mystère. Est-ce une illusion ? Cest possible, cest même vraisemblable, mais je ne peux réprimer ce besoin de continuellement déchiffrer ma propre vie.
Le film se déroule selon le scénario type des bons vieux westerns dantan, laction centre sur les cow-boys, plan américain, disputes et tourments retiennent toute lattention du spectateur, film en technicolor, son dolby stéréo, le matin sur toutes les chaînes, les Indiens en arrière-plan ombres fantomatiques, pâle copie, silhouettes risibles, couleur rouge, vague atmosphère de menace, le héros au coeur pur. Méchants desperados ou colons récalcitrants ? Mais le droit va triompher la fin de lhistoire, le héros ramènera lharmonie dans la ville. Par la bande. Le mot FIN. Le générique défile, interminable. Et les Indiens ? Oubliés les Indiens, plus dIndiens. Depuis longtemps.
Si je suis en situation. Comment distinguer les bons des mauvais ? Evidemment, au concours de brushing, on est nuls. Cependant jy apporterai une réserve. Sa capacité à mobiliser lexpérience. Sur le ton à la fois grave et serein. Jentends sa voix dans sa lettre. Elle tient à labsence de tension, à mon avis, dans lensemble du texte. Tapez sur ceux qui ont une sale tête... On verra bien. Chaque élément si hybride est serré, ramassé, mais de page en page, il ne ma pas semblé que vous parveniez à établir une véritable composition. Une nuit de sommeil reste un projet en suspens. Au moment où je suis certain daller dormir, je me souviens de mille détails à régler. Oui, mais. Lequel des deux a la plus vilaine bobine ?... Linventeur de lampoule est également celui de la chaise électrique. Je roule en Limousine derrière un corbillard. Des airs dépitaphes. Pour moi cest kif-kif...
Le ciel qui se hisse dans la voix, qui jaillit dans lair un peu au-dessus de la tête. Je ne sais pas si je suis ici ou là, ou bien ailleurs, en mon commencement. Ce sont des morceaux dair que je moule comme des fautes. Ma vie sarrête avec le mur et avec la violence délibérée qui laccompagne au ciel éclaté. Mon récit sera pétales sur une branche noire et mouillée qui fait un coude. Ce moment, tournez à droite, vous y êtes dans le ciel. Ici, il ouvre sa bouche blanche, les vagues son de deux sortes de vert. Là, il se défend, succès sur toute la ligne. Je me reconnais.
Le monde nest plus quun immense désert sur lequel sétend une forêt toxique (ou fukai). Foucaille, en version française. Fascination des filles pour cette héroïne. Sa rage nest rien face à sa dévotion et à son amour de la vie. Le trait est fin et minutieux, les arrières plans ciselés de détails. Lanxiété, la noirceur qui travaillent ses images, sont contrebalancées par leur beauté. Ce qui ne lempêche pas duser de violence quand elle se laisse envahir par la colère. Mais elle déteste cette partie delle-même qui lui fait peur. Leurs yeux multiples et bleus, mais rouge lorsquils sont en colère. Chacun a ses raisons. Le pouvoir, pour quoi faire ? Sa force cest sa spontanéité. Cest également grâce à cette écriture très libre que lhistoire finit par refléter avec beaucoup de profondeur lévolution dune vision du monde, dun engagement, et même dune spiritualité. Un seul et même film, toujours répété, toujours changeant et en exploration.
Cette pluie tentante, bloc de mémoire intact, efficace caillou dans la chaussure droite, drapeaux flottants au vent, bleu blanc rouge, ciel gris variable avec averses et bourrasques. Lhumidité du sol, bitume bleuté rendu glissant par tant deau. Il pleut, retour en arrière. Endroit différent, autre époque. Qui a dit révolue ? Je travaillais dans une banque. Chaque année un guichet différent. Dans le même quartier, voyage immobile. Sur place. Un flash. Un vieil homme, rosette à la boutonnière, larme à loeil, prend lenfilade tricolore en photo. Les journées longues sur la chaise à ne rien faire. Lodeur de tabac dans les narines. Le courrier à ouvrir, à classer, à trier. Circulation des biens, échange de bons procédés, dialogues de sourds. Et toujours cette pluie, goutte à goutte, au compte de qui ?
Le vent maimera bien mieux et le soleil aussi et le ciel mêmement. Cheminer à leurs côtés, les yeux fermés. Tout ici restitue lhistoire des transformations. Tout pose la question : quelle est la responsabilité de lhomme ? Quel avenir pour la planète ? On joue à observer et à classer, on sinterroge. Quand on touche des empreintes et des moulages, quand on manipule des objets, forcément, on regarde mieux et on se pose des questions. La vedette, cest le temps. Boiseries et vitrines dorigine, pénombre, fraîcheur. Dans cette ambiance feutrée dun autre âge, la salle des espèces menacées et des espèces disparues. Les gros mammifères (buffles, bubales, gnous, girafes et zèbres) présentés avec leurs prédateurs : hyènes, lycaons, lions, guépards. En bas, tapir, tatou, anaconda et jaguar. Plus haut, un paresseux, un ara bleu, un ocelot. Le temps a passé depuis que Buffon, au XVIIIe siècle, émettait lhypothèse dune Terre vieille de 37 000 ans : un chiffre audacieux, énorme pour lépoque, calculé par extrapolation à partir du temps de refroidissement de boulets de canon chauffés au rouge. Approcher les mécanismes intimes de lévolution. Chacune des espèces est éphémère et porteur dune mémoire qui peut être transmise ou, au contraire, sarrêter net, victime dun événement souvent créé par lhomme. Mes jours nen seront pas moins précieux pour autant dans lair considérable, vos pensées invisibles et les feuilles vernies.
Répondre à quoi au juste (répondre de quoi ?) il ne mavait pas semblé avoir fait de la poésie. La poésie doit être faite par tous. Non par un. La poésie est là quand on lattend la moins au détour dune phrase, dun regard. Par exemple cette femme sur le parking, jaime cet arrêt sur image, ce temps suspendu, comme bras au-dessus de la tête. Rendez-vous vous tes cernés, les mains en lair, plus un geste, vous entendez ? Et lair de rien on lève les mains, on fait ce quon nous demande de faire, oui on entend bien sans comprendre pourtant. Ce geste maccompagne comme les petites histoires qui se répètent et font le sel de notre quotidien, cest la répétition du même. Et puis un jour on meurt. Le poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef.
Enlever ce qui traverse (la poupée) et peut-être quil se passera quelque chose. Pourtant, plusieurs questions restent en suspens. Composition, improvisation, mélodie, rythme, gamme. Et mues par le principe de nécessité intérieure, les couleurs se doivent de vibrer telle une symphonie. Les nuages, masses à dominante jaune découpées dans un fond bleu, noccupent pas tant un ciel horizon, ligne où fuit notre regard, quils annihilent toute possibilité de perspective : en happant les blocs de couleur que forment les maisons et les arbres. Ils projettent lensemble sur le plan du pur contact visuel. Même date, fait preuve dune formidable virtuosité chromatique, avec jeu de contrastes. Avec respirations de blanc, de parme, de violet. Il ne sagit pas de nature morte mais de musique. On est en face dune partition, tout correspond et se répond. La couleur est forme et la ligne ne délimite pas, elle devient surface. Passage à vide. Bref, on lespère. Tenter de saccrocher à la branche. Lesprit mène le coeur. Ce nest pas de manière anecdotique.
De la douceur comme subversion. Douceur automnale, légère brume. Nature & découvertes. Suspense météorologique. Vous voulez bien me guider ? Devant un standard : la fois simple, clair, connu de tous et en même temps susceptible dêtre interprété de mille et une manières jusquà se réinventer sous nos yeux. Nature boy. Souvenirs et nouveauté. Dîner à la belle toile avec de nouveaux amis, au soleil redouté et sil ny a pas dhiver cela nest pas lété. Il ne faut pas sapprocher, ne pas bouger. A la fois elles sont connues de tous, et en même temps, cest comme si on les écoutait pour la première fois. Petit front dépressif très local. De la douceur comme subversion. La pluie est traversière.
Je relis plusieurs fois cette phrase dont larchitecture compliquée me fascine encore : Besoin de se reposer et que, de toute façon, « (ils auraient) tout le temps quil faudra » par la suite. Dans le jardin, allongé sur le transat. Traversé en solitaire. Jy repense avec nostalgie aujourdhui. Le ciel se grise de pluie. La Seine animée. Cétait un souvenir magique de lui faire plaisir, de sentir que les accidents que javais dans la voix étaient les bienvenus. Au téléphone, la voix des filles changent encore. Leurs hésitations disparaissent par enchantement dirait-on. La tessiture de sa vie. La nuit, les peurs, la sensualité, les jeux de rôle, les enfants et, dune touche finale, son précieux fantôme. Je les imagine tous ensemble assis sur leur tapis. Les joues rouges dexcitation. Je lentends dans leur manière de me parler. Lenvie de dire ce que lon ressent au plus juste. Avec les mots qui conviennent. Les mains prises, sans gesticuler. Les mots seuls. Et lexpression de leur bonheur. Jai joué aussi dessus. Ce que je leur avouais hier. Jy voyais, dessiné, des visages et des routes. Des méandres de rêves, lointains écheveaux. Il ne pleut plus. Jusquà la prochaine averse.
La déclaration de fantaisie sur les décolletés. Cette vapeur qui monte de la vapeur qui sélance Devrait plus lui suffire alors quà pleines mains. Je fais semblant de lui adresser des mots ? Matin et son manque dagressivité sécouler : il ne voit mal (les lecteurs) que je vois précisément. Cette débauche à trois personnes, hors lit. A sa taille si funeste, lascive, si funeste, regarde. Doute si fort de moi, pendant tout ce temps. Violence de te savoir bien emmêlée avec lui ? Dautre récit que le claquement de tes genoux. Fait un peu celui qui manque dépaisseur. Temps que ce jeu nous vous le donnions. Devant lentrée, qui fait tressaillir lesprit.
Mais le remède sera pire que le mal. Lassitude de ces textes quon enfile sans perle. A perte de vous. Sans coup férir. Sans cou non plus. Aujourdhui encore, il travaille et retravaille ses morceaux, prenant des notes, lisant, écrivant dans toutes les conditions et dans tous les interstices qui se présentent à lui. « Mais jai un tel manque de liberté. Je ne sais pas composer, je ne sais pas improviser. » Le tri entre mes souvenirs et mes désirs. Lenvie de ce travail revient dans un coin du débat, gain de cause inespéré, à la force de la voix, mais sans forcer son talent. Dans lascenseur, lumière zénithale sur mon crâne proéminent. Entre la manière dêtre le chef dorchestre, tenant dans la main des voix féminines quon aime, capturées en peu de prises, et celle quelle sest choisie, travailler sa voix dans un nuage de fumée entre deux enceintes. « Elle se pose bien dans le spectre. Cest une voix qui a une forte personnalité ». Il pleut, on dirait de la neige. Je me souviens de la réplique de Père Noël filant sur sa moto, barbe blanche coincée dans un casque rouge trop petit, scène que nous avons vue dimanche, dans un même éclair, ma soeur et moi. Soudaine connivence.
On a beau dire on a beau faire, drôle de reconnaissance antipodique. Elle pose, belle brésilienne au nom chantant, cadence, cadeau, effluve de luxe, longs cheveux fins et soignés, sa photo dans le journal, léger sourire satisfait, ya pas de quoi. Sur ses genoux des objets familiers, des peluches en feutre, des doudous pour adultes. Copies conformes. Tout en couleur. Dans son geste, contre sa poitrine, plus près de toi mon coeur, à peine serrés tout contre, à moi, les miens, ma propriété, mes doudous à moi. Cest un signe, un leurre en fait. Cela ne lui appartient pas. A qui de droit. Mais tout va de travers. Là-bas si loin et en même temps ici même. Linformation nous arrive déjà qui la trahit, la surprend, la main dans le sac, rendez-nous la marchandise et le sourire du Chat. On ne sait plus où (donner de la tête). Ni qui. Ni pourquoi? Mais pourquoi, cest un autre débat. Faire chanter la brésilienne. Et danser pourquoi pas ?
Laridité qui découvre le jour, affleure jusquà nous. Dans la chaleur qui tremble. Lombre plus courte, ciselée, sisole, la chaleur, dehors, nous tenant lieu de feu. La blancheur du soleil. Aveugle. Jai erré autour de cette lueur. A lextrémité du jour, du souffle. Au pied de ce mur que lombre défait, lombre attend. Jour qui souvre Cette déchirure, sa chaleur. Je bute contre. Le jour en feu qui revient déjà. Joues rouges. Ajour. Rien ne nous sépare. Dans la chaleur qui tremble. Shabituer au jour, à la fin du jour.
Elle parle (un peu) trop fort, le train fenêtres ouvertes, bruits qui brouillent son récit, une broutille. La chaleur sest engouffrée pesante : on étouffe. A lintérieur du petit sac rouge, lodeur de vanille métonne. Elle parle à lattention des autres voyageurs, leurs sourires attendris. Elle me raconte des blagues qui nont ni queue ni tête, leur tête-à-queue me fait rire. Rire léger dans lair lourd. Elle ne sait pas lire mais elle lit le livre dAlice à voix haute. Elle décrit limage qui illustre le récit, les yeux dans le vague, cherche ses mots, à peine, donne limpression de prendre son temps pour lire. Sa joie secrète, donne le change et jubile. Sa soeur sérieuse colle son livre contre la vitre. Bibliothèque rose. Le paysage défile et les phrases rectilignes fatiguent les yeux. Il était une fois...
Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? La lumière revient déjà et le film est terminé. Je prenais dans un disque une parcelle, une poussière, un éclat infime, pour en faire une cellule inédite, une structure nouvelle, dégagée du contexte original. Un nouveau son impossible à obtenir autrement. De ces micro arrachements on obtenait des sons de caractère dynamique, des pédales, des continuums très marqués par leur répétition cyclique. Cest comme si nous étions un immense texte : il y a à lire pour chacun, partout. Nous produisons des signes, du texte, et notre tâche, cest dinterpréter. Dautres fonds à explorer, tavoir cétait une chance, mais cest notre dernière séance, on garde ton humour ta simplicité. Si tu travailles avec un marteau-piqueur pendant un tremblement de terre, désynchronise-toi, sinon tu travailles pour rien.
SEPTEMBRE
Devancer lappel. Prendre ce risque sans rien craindre. Sans attendre. Quest-ce quon gagne au juste ? Est-ce que je sais moi ? Aller de lavant, cest tout ce que je vois dans ce mouvement. Ce que je veux. Ce que je dois faire. Cest plus fort que moi. Je ne pense à rien, libéré. Aujourdhui, un peu avant tout le monde. Un instant. Manque despace. Ne pas tarder. Elle nous appelle et personne ne réagit, pas un geste. Dans le brouhaha de la cuisine. Mais je suis déjà loin, satisfait de ce départ sur le fil. Surtout ne pas réfléchir. Foncer. Cette vitesse me grise. Je réponds avant la fin de la question. Mes doigts experts sur le clavier de lordinateur, jécoute ce que lon dit autour de moi, je le note à la hâte, dans cette tension du geste, lécoute. Je reviens en arrière, relis, vérifie, corrige, enregistre avant de poursuivre, écrire ce que jentends. A la fin de la réunion le compte-rendu est en ligne. Aussitôt dit, cest écrit.
Je suis tiraillé par le sentiment dêtre fait pour quelque chose que je ne fais pas. Les événements, on sen fout, ce qui compte, cest le regard quon porte sur ces événements. Quelque chose dans cet assemblage reste volontairement mal recousu, dépareillé. Ce caractère épars colle évidemment à la représentation du monde. Des flashs, des bouts dispersés, qui se confondent avec de subites attaques de souvenirs ou dimages mentales. Riche en harmonies et interactions délicates, ouvrant un univers apaisé mais toujours fluctuant, imprévisible. Protection contre létrangeté. Léclat de ce regard constitue le fondement premier de ce que lon pourrait nommer. Si cest tout ce qui lui reste... Un sourire sceptique flotte sur ses lèvres. Lironie, cest ne jamais adhérer complètement, être dans lécart, là où il y a du jeu.
La rumeur de lété, reflets dans les branches, dans le bref éclat presque animal de lair. Not in ideas but in things, comme un seul corps où commence le vent quon entrevoit dans le feuillage, blancheur dune nuque et le réel presque dans le dédale de lair. Dans linfinie lenteur, en pratique dans son écriture. Pas en idées, mais en choses. Ecrire, cest maintenant disperser les ombres, dun signe en équilibre, pas de portes dérobées, de la mémoire dans un vertige immobile. Dans le silence, rien dautre que le silence, dans ses formes nues. Accords.
Nous savons donner notre vie tout entière tous les jours. Limparfait est le temps nécessaire pour expliquer, qui permet la nuance. Une pièce uniquement éclairée dune lumière noire, qui rend fluo lignes et formes, comme en boîte de nuit. Dans lequel il y a plein de moments darrêt différents. Il y a de lair. Et ça tombe bien puisque cest bien de nuit quil sagit ici, celle du rêve, ou de la mort. Promenade en famille. On sénerve un peu. On se cherche un peu perdu. Dans un sac, lappareil photo oublié, tracas trop fort mieux vaut se réveiller, remonter à la surface. Un cadre, la tête et le pied, pour éviter tout bavardage. Réduits à leur minimum, tous les objets présents prennent lallure de silhouettes et créent ainsi un effet fantomatique très efficace. Lenfance, le rêve, les situations instables, la disparition, la fiction... Il ny a plus dabonnés absents dans les histoires daujourdhui, mais des répondeurs. Laissez des messages, on ne vous rappellera pas. A moins que. Cest une levée du doute. Tout le projet du jour est de mettre au livre, à force découter, ce quil en est.
La fermeté de nos intentions. Et du ciel bleu. Avec ces perspectives simultanées. Par une espèce de transcendance sans égale. Une détresse qui nen finira donc jamais. Cela je ne lexplique pas. Revient si souvent. Pourtant je continue à écrire, comme çà devant les mêmes paysages quautrefois. Cest toi qui las dit. Le ciel bleu comme la preuve, la fragile preuve. Avant de repartir le lendemain. Insoutenable, la même présence. De notre finitude, quand bien même nous pouvons multiplier. Pas de raison particulière sinon peut-être. A quoi bon ? Alors même que tout est fini. Un, deux, trois, zéro.
Sensations retrouvées ce matin là où je les avais laissées. Les cuisses tendues, délicieusement douloureuses. Tête au vent. Le dos droit, enfin on essaye, on se redresse mine de rien. Je roule sans encombre le long du canal, la vitesse memporte jusquaux moulins de Pantin. Air frais et doux. Nuages très bas et menaçants. Il ne pleut pas pourtant. Je marrête regarder des amateurs de foot jouer un match improvisé. Ils courent en tous sens, sépuisent en vain sur le gazon humide. Je ne sais pas combien ils sont sur le terrain, jai limpression plus que de raison. Passes courtes. Prises de balle aléatoires. Pas de constance dans leur jeu. Va-et-vient incessant. Quelques cris, des invectives désuètes. Et parfois de rares chocs dont la violence sonore sans équivalents avec la douleur réelle mimpressionne. A la maison, retour à la normale. Cest quoi ce mot ? Dans lordre ? Cest vous qui le dîtes. Les premiers réglages sont un peu difficiles. Baisser le son. Le ton, jy tiens. Garder ses distances. Se tenir droit. Car lui nest pas en crise. Tout le monde parle à voix basse. Pas si nouveau. Réversible et réciproque. Demain cest la reprise.
Pendant tout le trajet, elle me raconte une histoire aux rebondissements aléatoires que je ponctue de oui, de oh, de ah bon ! Non ? Cest vrai ? Incroyable, et alors ? Je ne sais pas pourquoi. Je ne me force pas non plus. Réponse encourageante sous forme de ponctuation distraite. Quelque chose de calme dans sa narration, flux de récit dont je nentends difficilement (bruits de voitures contre chuchotement de la narratrice, le match est gagné davance) que rares bribes, fragments épars dune histoire éclatée, quelle invente au fil du chemin, avec les objets du bord de la route. Difficile den recoller les bouts, den suivre la trame, coudre son histoire avec les morceaux quelle abandonne ainsi dans lair. Mais sa main dans la mienne fait le lien. Sa petite main moite. Quand la main de Caroline se glisse dans la mienne, cest une autre histoire qui commence.
Dans la rue, une voiture remonte lavenue à vive allure. Sur le capot je crois lire : ARGENT SALE. Le lieu ressemble à la brasserie dune gare de province. Lidée du squat, un endroit laissé en létat, à labandon, on linvestit. Peut-être même avec une autre activité. Cest le décalage qui importe. Ne désespérez jamais, faites infuser davantage. Le rire dEugénie dans le corps de la serveuse. Une femme dune trentaine dannées. Je lobserve. Elle ne lui ressemble pas. Des faux airs avec cette actrice de second rôle dont le nom méchappe. Grands yeux. Grande bouche. Gros seins. Je ferme les yeux. Il fallait lire : URGENT SANG.
Faire émerger une nouvelle logique par la juxtaposition de matériaux composites. Fragments de textes piochés un peu partout. Ma soeur ma dit quil est très méchant... Procéder par prélèvements, détournements, abstractions successives, cest se donner une chance déchapper à la falsification générale. Rien ne larrête, il paraît... Les éléments gravés dans sa mémoire vive. Dire le réel. Des fois cest la nuit, des fois cest le jour. Nous ne faisons que nous entregloser. Cette faon de recycler le fragmentaire, on peut le voir aussi comme un acte de paresse. Un manque de souffle. La vie lépuise.
Dans tous les détails, ce quil avait dans la tête. La plupart des dialogues commentés ont été enregistrés. Et léclat blanc et aveuglant du disque solaire dans la muraille nuageuse. Silence total. Joues creuses. Comme une allumette quon craque dans le noir. Oui, je peux très exactement reconstituer la scène. Jai toujours pensé comme ça. A vrai dire, chaque fois que je me demande pourquoi, cest précisément là-bas que je me suis retrouvé, je me dis que je my suis retrouvé comme jaurais pu me retrouver nimporte où. Mais je nai rien dit. Je suis sûr quil y a là une vie dune matière insoutenable. Demain. Ou le lendemain. Dans le silence de la nuit.
Cest écrit. De phrases en images. Quand est-ce que tu as commencé ? Je minquiète un court instant, en aveugle, ne sachant pas trop ce quon y voit. Douter de ce que lon lit, voit et entend, au pire, considérer tout cela, comme une sorte de fiction. Fermer les yeux pour voir. Donner de la voix. On dit dès fois, donner une chance. Ecrire un mot pour un autre puis ressurgissant lentement de la nuit, jai beau chercher, cest mettre en relief ses énigmes. Il y a du toi en moi. La nuit est tombée. Du trou rien sous toutes ses formes. Le ciel puissant, qui arrive vite un virage plus loin, sans se faire remarquer.
Se retire, sans pense-t-elle, laisser trace. Son arête, et pas seulement dombre. Lintéressant nest pas de savoir si je profite de quoi que ce soit. Mots solubles dans la bouche éclairant lair froissé. Mais sil y a des gens qui font telle ou telle chose dans leur coin, moi dans le mien. Mettre en premier la bouche. Et si il y a des rencontres possibles, sans lépaisseur du geste. Des hasards, des cas fortuits, et pas des alignements, des ralliements. Je tiens lanimal désaccordé. Des prunes, reine-claude, les meilleures. Muets mouvements vous remuez, calmes cependant. En somme, séquiper dun rhizome. Toute cette merde où chacun est censé être la mauvaise conscience et le correcteur de lautre.
Impossible dordonner les images de ce monde. Il se présente à moi en vrac, la façon de ce regard cet après-midi. Je le remarque, lintercepte sans rien y comprendre, une question pointe le bout de son nez, cest une accroche, un clin doeil atone, cette impression dun regard lointain. Je passe. Discussion engagée par ailleurs, la voix porte, les mots sont des objets ou des phrases, peu importe : en vrac, elle voudrait tout dire. Je méloigne et je me rapproche, japparais puis je disparais. Je veux aller, quitter, me perdre, sortir de la répétition. Elle sapproche, soudain surgit son visage assombri, voix tremblante, les yeux rougis. Est-ce que je peux men aller ? Lumière noire. Elle sen va. Ma pensée : abîmer le réel pour le rendre visible.
Dialogue, attention rompue, lespace dun instant. Reprendre le dessus sans cesse. On conduit une réunion comme un combat à mains nues. Tout de suite les grands mots. Tension invisible des mots. Violence verbale. Travail encore. Suspendre un instant, une pause pour le corps en eaux troubles avant la reprise. Ecouter de la musique na rien dexceptionnel, aujourdhui vous entendez de la musique partout, où que vous vous trouviez. Combat du possible avec la matière en ses catégories. Sans enjeu ni gain ? Tout en ruses pour commencer, se déroulant et sachevant de même. Lutte de purs lutteurs. Dune force égale, pareils de tête et de corps, et quil faut serrer de près pour distinguer : leurs gestes rentrés, leur soin à faire et défaire mille petits noeuds. Manières dartistes. Dans tous les magasins, dans toutes les salles dattente de médecins, dans toutes les rues, corps tassé sous un poids sans équivalent dans la langue. Aujourdhui vous ne pouvez plus du tout échapper à la musique, vous voulez la fuir mais vous ne pouvez pas la fuir, notre époque vit toute entière avec accompagnement musical, cest là la catastrophe. A la fin épuisé, à bout. Cest un combat contre soi.
Ne rien dire. Ne rien taire. Il ne parvient pas garder les yeux ouverts. Il sest assis en face delle. Le sucre de son café, geste mécanique, sourire distrait. Ne rien dire. Ne rien taire. Il parle les yeux fermés. Porte la tasse à ses lèvres plusieurs fois de suite. Epaules voûtées. Elle lui parle fort. Sa voix le tient éveillé. Ne rien dire. Ne rien taire. Les yeux souvrent peine.
Par la fenêtre qui fait la largeur du mur pénètre la lumière. Ce qui ne peut pas tenir, nous ny tenons plus. In paradise one is better off than anywhere else. En de brefs moments il reste le présent et la possibilité de demeurer dans lainsi. Mais déjà lobservateur scrute le ciel, la lente chronophagie du vide, les termites géants des nuages. Nous voilà tous à lintérieur même de ce qui se referme, un pas de plus et nous ne franchirons plus que peu. Le métronome frénétique de la matinée. Et peu de pas sont encore à faire afin de clore définitivement ce qui na pas encore commencé. Avertissement ou simple information ? Difficile à dire. Il reste la tête en lair. On vit mieux au paradis que partout ailleurs.
Une personne que vous connaissez à peine. Les nuits daoût étaient si chaudes et moites que personne ne pensait se coucher. La nuit, quand tout le monde dormait, il se plantait devant lune des fenêtres du salon et regardait les lumières de la ville. Je dis oui, oui, oui, que ce bleu fusionne et prenne feu. Une crise de caractère aigu, bla, bla, bla... Mais de quoi parles-tu ? Il me semble que tu téloignes chaque jour davantage de la réalité. Pour la postérité et ainsi de suite, dun pas flottant.
Le diable a dû lui souffler que cétait son emploi. Je suis le chemin, la vérité et la vie, dit la poupée Jésus quand on lui appuie sur le coeur. Moïse récite les dix commandements. Made in China. Juste un emboîtage didées, un corps dexpériences vécues, une chaîne. Vous ne voyez pas ? Décalage entre lidée que lon se fait traditionnellement et une élégante logorrhée relatant leurs moindres péripéties. Par le menu. Avec une distance amusée, une réflexion ludique sur le langage, une mise à plat de la fiction par le rythme. Cest une forme de respiration. Des insectes papillonnent, des oiseaux gazouillent et sur la poitrine des femmes, simprime le gonflement respiratoire, à la fois contraignant et libérateur, dune diction parfaite qui rend une émouvante justice au sens.
Profiter dun rayon de soleil pour se dire, à la fois rien, tant de choses, tous les deux trois fois rien. Toute la journée sans se parler. A peine un regard. Le travail. De la douleur. Et labsence tout autour. Une veste sur ses épaules. Quelques plaisanteries la fin pour respirer un peu, comme une parenthèse quon ferme. On sen va. Dun bond. Dun bon pas. Bon daccord pressons, si, si. Le skaï Bordeaux des banquettes de première classe, à force de miser sur la couleur, retour direct en enfance, sans passer par la case départ, larrière surchauffée de la 2CV, la brûlure des cuisses et cette odeur si particulière. Le train roule : travelling avant, sans heurt. Sans même le soucis de lheure. On se laisse aller au dialogue. Notre clarté du dehors. Heureux en somme. Spécial dédicace qui force le mot bonheur.
Le regard bombardé dimages subliminales, impression de déjà-vu, une sorte de trouble morbide, entrer, réagir, dénoncer, maître mot lémotion, même louverture sur le ciel inquiète, livre et délivre en même temps, lidée du saut dans le vide est là, dans lurgence, le bruit mat que produirait son corps en heurtant le ciment, trace dun travail dassimilation de lévénement, répétez pour voir ? Les regarder pour ne plus jamais les oublier. Dieu seul sait chez qui encore, pour quelle rime ou raison, et qui, de qui pourquoi. La mémoire répète le passage de limprévisible à linévitable. Lurgence de nos vies fragiles, voila ce que lon pouvait dire en tout cas, au-delà de ses limites.
Un accroc dans la trame. Plus de voix, la gorge sèche de silence. Il faut grandir avec douceur et démesure, cest-à-dire sans perdre une nuit. Dans le ciel froid. La nuit qui nous attend et qui nous comble. Nous ne dormirons plus. Nous ne cesserons plus de voir. Le ciel sagrandit comme une rumeur dont je nai plus rien apprendre. La lumière est en marche.
Il y a ceux à qui lon déconseille deffectuer la démarche pour ne pas laisser leur adresse. Ils conjuguent un langage de signes et de formes, entre le dessin et lécriture, et mettent en place des jeux formels sur larchitecture, sur des figures géométriques, sur des lignes, avec une constante et magnifique harmonie. Jai souvent remarqué ça. Une aventure éphémère et une expérimentation permanente. Les lignes, les formes, les idées qui apparaissent sont constamment gommées, retrouvées, gommées, à nouveau retrouvées par le crayon. Je commence toujours par le dessin. Je peux penser à un paysage que jai vu tout à lheure du coucher de soleil. Ce moment où lon arrive à lémerveillement de créer quelque chose dans lequel on reste soi-même émerveillé. Libérer la main de la dépendance du regard et lui donner la possibilité dexprimer la mémoire de sa touche. Je ne peins pas ce que je vois mais ce que jai vu. Dixit Edvard Munch. Je ne peux pas prendre une couleur de façon aléatoire, improvisée, ornementale. Mon point revient sur lui-même et ne dessine pas un cercle mais une sphère. Cette homophonie entre les mots dessin et dessein, autrement dit entre le dessin et le projet.
Soudain, tout disparaît derrière une rangée darbres. Apparition fugace et lointaine, la fêlure engendrée par les rêves à linstant du réveil. Chaque regard porté sur le paysage intègre les traces de lexistence passe. Nous voyons bien plus loin que ce que le présent du réel nous donne. Les portes multiples par où passent les arguments. Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire.
Parfois par le volume du vacarme, se dessine en fait un chaos organisé, chacun pour soi, le premier arrivé attend les autres au tas de sable : spontanéité contrôlée. La légèreté de touches au service des jeux de luminosité, une espèce dinachèvement qui, comparé au tableau fini, semble cerner de façon plus achevée la sensation visuelle, une proximité presque respiratoire avec le spectacle de la nature. Tout cela destiné à se déployer est déjà là. Mais un frémissement venu dailleurs en perturbe lassurance. Technique naïve, sympathique, et le plus souvent inefficace. Le cahier des charges impose que chacun doive sy retrouver à un moment ou à un autre et le plus souvent possible. Cest une vocation au sens latin du terme, quelque chose qui appelle. Dans le sens de rendre commun. Le dessin, lui, est un parcours de pensée. La couleur peut aussi être dessin. Ce point qui bouge et qui provoque, laisse la trace dune ligne pouvant évoquer le profil dune montagne ou le visage dune femme. Lécriture est aussi un système deffacement, en même temps ce quon écrit et ce quon gomme, ce que je fais quand je dessine.
Se mettre en danger, jouer avec le feu, attendre le dernier moment pour, chaque fois la même chose, je me répète. Des heures dattente pour inscrire ses filles au Conservatoire. 80 % des jeunes qui lA.N.P.E. envoie des courriers ne les lisent pas : Ne savent pas. Ne veulent pas. Les lire. Rayer la mention inutile. On passe au SMS. Lire sans même savoir. Cest en direct sur vos écrans, fermez les yeux. Pour valider cliquez sur. Question/Réponse. Le choix, pas le désir. Opportunité du projet envisagé. Plus. A vous de voir jouer. Y compris celles dites les plus inextricables.
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Le corps ne répond plus merci de rien. Tout le monde le remarque. Je le dis qui à veux lentendre dès fois que. Il faut laisser des traces. Marquer le pli. Cest important. Plus jamais ça vibrant ironique. Tu parles. Toujours la même histoire. On y revient. Ce que lon dit de lassassin. Chaque matin quand je me lève, une femme se dresse devant moi. Elle ressemble tout ce quhier, jai vu de lunivers. Je me couche tôt. La nuit descend sans sourire.
Incidents mémorables présente espaces indicibles. La précision du souvenir est liée à la langue, au mot, à lapprentissage de la langue, à lacquisition du vocabulaire et de la syntaxe, à la pratique de la langue. Ici, il ne fallait rien inventer, rien imaginer, mais tout retrouver et être plus proche de larchéologie. Parce que je sais ce que cest. Si on tombe vraiment amoureux dune idée, même si elle est juste un fragment minuscule de lensemble, elle finit par en attirer dautres. Ce nest pas tout à fait le processus des associations libres mais tout commence quand même par une idée. Je dois seulement réunir le morceaux, les visages, les mots, les paroles, les sons et les espaces, comme dans un puzzle. Cest un peu comme dans la vie. La compréhension est une abstraction qui resurgit de lintuition. Sous les dessous dune insoutenable légèreté une certaine monumentalité avec un minimum de moyen, comme un acte furtif et spectaculaire, un jeu sur le vide. Ce que je naimerais pas, cest ne plus voir clair.
Fragments de vies dont on ne sait rien, quon devine à un geste, une parole. On est un peu comme la télé. Dans lattente que rien narrive. Juste passer le temps sans le sentir passer. Mes nuits derrière à la fenêtre à lattendre. Cette nuit non. Couche tt, gourmande envie de dormir. Si rare. Cest un peu ça quelque part. Tous les jours depuis des années la même chose. Le même paysage qui défile sous mes yeux. Bribes de rues, dimmeubles, fenêtres portes, façades, images fugitives de décors urbains suivis de peu par les champs à perte de vue. Immeuble quon construit, friches industrielles quon abat. Un détail retient parfois mon attention. Je me souviens de ce quil y avait là, à cet endroit, à la place du chantier qui sest installé. Jai assisté à sa lente destruction, les herbes qui envahissent la cours peu à peu, les vitres cassées, les visiteurs délogés. Et puis labandon total des années durant. Une parenthèse. Les couleurs seffacent.
Je nai rien à perdre. Les limites au-delà desquelles le bruit devient une infraction. Nous devons aller plus loin et plus vite. Miser sur la diversité, cest rentable. A ses yeux, dialoguer signifie certes être à lécoute de lautre mais tout en restant soi-même. Evoquer la fidélité, cest aussi jouer le maintien des positions et des équilibres acquis. Une altercation, pas davantage. Vous pouvez parler à personne ici, prévient lun deux. Taciturne. Un petit gabarit, au visage fin, mais triste, le regard très sombre. Pas spécialement un gosse à problèmes, mais parfois violent. Capable de briser le nez dun camarade à cause dun regard de travers. On est en deuil, ajoute un autre. Linterdit vaut pour tout le pâté de maison. Je nai rien à perdre, aurait-il déclaré peu de temps avant sa mort. Au bout de sa rue, deux panneaux pointent la même direction : La Poste et Le cimetière.
Repérer un endroit idéal, choisir un endroit idéal, chercher linspiration, être à lécoute de la nature, simprégner du contexte, se fondre avec le paysage, sintéresser aux mêmes choses, imiter un buisson, imiter un buisson à plusieurs, se prendre pour un arbre, reconstituer des peintures méconnues, se méfier des apparences, être en harmonie avec la végétation, se sentir sol.
Une belle et rayonnante journée. Une voix grave et enjouée au pouvoir narcotique. Il entre dans le restaurant, stature majestueuse. On dirait la cantine, rectifie Alice avec un sourire. Le service sur un plateau et le bruit des conversations. Feodor Atkin nous frôle. Je me souviens de lethnologue divorcé et séduisant. Je crois quil sappelait Henri dans le film de Rohmer. Lapproche se veut plus sensible. Les paroles évoquent peut-être lamour, peut-être un assassinat. Il ny a rien de meilleur que de revenir à la maison. Rendu à sa vigueur et à sa poésie, à sa verdeur et à son rayonnement. De la vulnérabilité et de la passion. A bout sur le lit, au bout du compte, accepter lindéniable. Signifier quelque chose. Quelques mots, oui de la tête, retrouver mon chemin dans cette pièce. La blessure nest pas profonde, demandant ses caresses et sa protection, comme il se doit. Leur deux voix se mêlent à distance. De quoi je me laime. Parfois la vie brûle comme une flamme.
Prendre corps et signification. Ecartèlement entre séparation et réparation, dîtes-vous, bien vu, touché en plein : y mettre un terme. Fondus dans linstant, ce que je ressens. Saluons ce qui nous délivre, angle vif que la peur regagne, lépaississement de notre ombre, avec tous les bruits de la nuit, réplique aux murmures du jour. Je vous en prie. Futur sans visage, texte sans signataire, celui qui nobéit pas à la voix nous disloque, par instants, nous renverse. Tous les mots nous abusent, il faut laisser surgir le corps. La trame du désir tisse la coupe aux lèvres. A plaisir idem.
Une expérience discrète au sens mathématique : on est en ligne ou on ne lest pas ; en général on ne lest pas ; quand on lest on le choisit et on y pense. Pourquoi se fixer un tel but, si lobjectif nest pas de le faire en vrai ? Tendance à dire nimporte quoi, la foutaise, le blabla, la sornette, la baliverne, le baratin. Pour truquer la réalité ? Retoucher limage de soi ? Afin déviter de la révéler. Le monde, en effet, est infiniment divisible : il tend vers zéro. Combien de fois devra-t-il plier pour le faire tenir dans sa poche ? Tout semblait désigner le vide. Une succession de projets pour remédier à cette angoisse et les rebondissements qui en découlent. Une immense conversation, cacophonique, bourdonnante, désordonnée, sans fin et sans but autre que celui de nourrir le lien, de construire nos identités, de faire fonctionner nos vies avec celles des autres sans pour autant faire comme eux en même temps queux. Et on le voit bien, légèrement en retrait. Or non, cest vrai, sauf à preuve du contraire. Ils vont ajouter au désordre.
Jespère ne jamais trouver une oreille dans un pré. Je ne suis pas beau. Je ne suis pas laid. Jaimerais ne pas avoir de barbe à raser. Je commence, plus que je nachève. Je connais mal le nom des fleurs. Je me demande comment je me comporterais sous la torture. La solitude me donne de la constance. Je nai pas raté davion qui ait explosé en vol. Mes parents ne me posent pas assez de questions. Je suis content dêtre content, je suis triste dêtre triste, mais je peux aussi être content dêtre triste et triste dêtre content. Je trie plus ou moins mes déchets. Je ne me réjouis pas du malheur des autres. Jai parfois le sentiment dêtre un imposteur sans pouvoir dire pourquoi, comme si une ombre planait sur moi sans que je puisse men défaire.
Une entité très vague, ce corps humain en résonance, entre champ virtuel et point de référence. Est-ce une onde solitaire en attente dun éclair ? Toute la matinée cette pluie continue, brume grise au-dessus de la Seine. La division entre brillance et attraction. Ce nest quune question de temps. Il faut se doter de nouvelles protections. Le sens de léquilibre et de lorientation observables à lextrême chez les pigeons voyageurs et les somnambules. Réinvestir la multiplicité, lubiquité, la polysémie et lambiguïté devient un devoir. Une nouvelle conception de lespace devient possible, celle du champ. Je change de place dans le train pour mieux la voir, tendue dans lécoute. Elle opine du chef à tout ce que lui dit son vis-à-vis. Limage des demoiselles dAvignon, ces femmes dont les postures sémancipent de la position de lobservateur, regardé sous tous les angles, comme un client potentiel. Écrire le monde avec le texte des sons et des images. Chacun tourne en réalités, autant quil peut, ses propres songes : Lhomme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour les mensonges.
Il découvre une brèche, sy engouffre, je ne loublierai pas, touché, cest vrai, par lexpérimentation, ce qui se manifeste aujourdhui, jessaie de lui dire quelques mots, un soin apporté à lobjet, à la beauté de livres qui bousculent, lobjet est lieu dune mise en scène, lobjet est considéré pour sa matérialité dartiste, sur le mur les silhouettes si légères. Il me semble donc que vous, y a aussi une générosité dans la diffusion large, mais en même temps, avoir un travail à faire, tant pour la mise en forme et la fabrication et que la matérialisation, jessaie toutes les grimaces, je me suis retrouvé de façon optimale le projet de création et tout à coup on a à gratter sa dure écorce, là quelque chose de comprendre son regard perçant. Je ne sais pas comment moi aussi je veux jouer.
Lidée voit le jour en même temps quon écrit. 11:50 Moi : cest une première, esprit es-tu là ? Dans la surprise de cet échange inattendu, le fil dune conversation par écrit. 11:58. Moi : Lhorloge orange vient de se transformer en point vert. Est-ce que cela signifie que tu es là ? Esther : oui. Moi : Je viens de te laisser un message sur ton portable. Ah, cétait toi ! Je te réveille ? Désolé. Dans les blancs, les silences, le suspens de la conversation, le temps de réfléchir à ce que lon va écrire : un message grisé clignote, on sait que lautre est en train de vous écrire. Cest tout à fait la dernière question à poser. Oui, ce serait cette année ? Oui, pour novembre... A vrai dire, je ne sais pas, cest une association. Une écriture lacunaire, expéditive, qui exhibe ces lacunes des travaux et des jours. Notre part toujours oublieuse, ces trous qui nous traversent, et nous donnent parfois cet air de papier mâché, jai oublié lorthographe, jai oublié de te dire, jai oublié de te demander. De notre côté. Ok, oui, sinon. Oui, oui, je pense quil ny a pas de problème... On va pouvoir bosser sur les matières du paysage. 12:14. Moi : oui, cest une bonne idée. Quand es-tu disponible en novembre ? En un jour, une nuit, le projet voit le jour.
Cest une vraie question, cest donc un problème insoluble, mais il nous tarde de découvrir les réponses. Palabres sur préférences, rappel des exigences. Phrases courtes, incisives. Présent qui se construit sous nos yeux. Faire sentir sa présence, manière dêtre. Le corps, les pieds sur terre, rivé au sol, la main sur la table quand on écrit. On avance à coup de certitudes comme autant de coups de boutoir, un pas devant lautre, ça marche, en avant toute. Limportant, cest de tenir debout. Faire face pour vivre, pour se débarrasser des intolérables surcharges. Il ny a pas de mots plus poétiques que dautres. Je ne retiens rien. Lâcher tout ou mémoire qui flanche. Entre les deux, mon coeur balance. Voix lointaine, en écho. De souffrance pesante du coeur, jouissance ineffable desprit, cest ça la poésie.
Derrière la vitre, le soleil étincelle, leau cest son rayon. Monter un film, y passer la journée, entre parenthèse. Sur la bande étroite. Une chanson ancienne quon écoute en boucle, plusieurs versions montées ensemble. De lautre côté de la baie leau du fleuve, mirliton lumineux, sur lécran les images du lac cet été. Remonter le cours deau du temps. Les musiques senchaînent débris de sons. Cest un réseau. Tout senchevêtre et semboîte. Les vibrations de lair je les devine derrière la vitre. Ce manque sur ma peau. Les visages des enfants, tout sourire étouffé près de la bouche et la voix de David Bowie, peut-être jusquau fond. On ne peut pas sortir. Entre le jour et la façade. Peut-être est-il question de moi ?
Par exemple, laffirmation du lien essentiel entre lart et la vie, le refus du monde tel quil va ou plutôt tel quil ne va pas, et dun réel déréalisé par linvasion des images et lusage sclérosé de façons de laborder. Oui, je sais, jy reviens. Pas de message direct pour autant, ni dusage rusé, usé, de la dérision, plutôt la recherche de mises en situation qui incitent le spectateur à perdre ses repères, à voir ce quil ne voit plus, à expérimenter le vide, à renouer avec la sensation et lintime, linfra culturel... Une expérience plus quun spectacle. Cela implique, dans plusieurs projets, la préférence pour un public non convié, de hasard ou de proximité ; dans plusieurs aussi, la proposition de parcours individuels qui se rejoignent ou non, dévénements dispersés dans la ville. Explorer ce qui nous lie au lieu, à un lieu, le lieu fondateur. Donner à voir le rapport physique au lieu, le rapport à la terre, à la pierre, aux arbres. Sentir son souffle changer au contact du lieu, sentir son corps rentrer dans le lieu, le toucher. Être dedans, à lintérieur du lieu, capter sa puissance. La puissance du lieu. Celui doù je viens.
Moments privilégiés découte et de partage. Cest quoi cette vibration dans sa voix. Elle sourit mais ses yeux sont embués de larmes. Pas la première aujourdhui. Dans sa forme la plus éclatée, diffuse, insaisissable. Une image et linstant suivant sa réalisation. Sur un coup de fil. Tête la première. Les mots circulent autour de la table, chacun lit son texte comme on remonte le drap, par pudeur. Un frisson cependant. Le temps na pas de prix. Jentends pas de prise. Direct, sur le secteur. Susciter la curiosité, soutenir son attention. Cest trop beau.
Il y a bien longtemps, mais à la fois cétait hier. Les scènes qui me reviennent en mémoire ne sont pas celles que jimaginais. Présence absence, incarnation dilettante. Avec des répétitions agrémentées de variations multiples à peine croyables, couchers de soleil tirant du jaune à lorange étroit. Aucune des confrontations ne résout cependant lindécision. Lambiguïté et la réversibilité des masques. Une interrogation à la fois morale et métaphysique sur les désaccords profonds du fantasme et de la réalité. Identité polyphonique, entre deux contradictoire. Jessaye de comprendre cette dénaturation du langage causée par la recherche de lefficacité aux dépens même de la vraisemblance. Quest-ce qui nous prend, nous emporte ?
Le plaisir du texte et les faux raccords dans laxe. On en est là. Remise en cause des schémas narratifs et esthétiques traditionnels. Plans fixes ou longs travellings, cest le vent qui parfois couvre la voix de lacteur. Cet art de la distanciation, pas plus importants que leurs voix particulières, saisies dans linstant, qui luttent contre le bruit, lair, lespace, le soleil et le vent ; pas plus importants que leurs soupirs poussés involontairement, ou que toutes autres petites surprises de la vie enregistrées en même temps, comme des bruits particuliers qui tout coup prennent un sens. Sacrifier son amour, braver lautorité. Leur donner corps et voix. Dans le vent. Encore un peu plus outre, et ton heure est venue. Rien ne ten saurait garantir. Et la foudre qui va partir, toute prête à crever la nue, ne peut plus être retenue. Par lattente du repentir. Cest, intimement, ce qui nous arrive tous au moment de la lecture, mais cest la première fois que le cinéma ose le faire totalement. Tentative joyeuse.
Sur le quai. Il va monter. Dans la foule, cest à peine si on le remarque. Les gens montent dans le train, les rares qui accompagnaient leurs parents, leurs amis, se sont retirés, un peu en retrait, derrière la ligne jaune que le temps efface, pour dire adieu, au revoir, goodbye. Il reste là sans bouger tout dabord. Puis il esquisse un signe en direction du train. Il sagite maintenant, lève un bras, fait la moue, dit non de la tête, fait signe de passer, aller aller on se dépêche, stop, pas vous, allez on y va pressez-vous un peu, non de lautre côté, allez, cest à vous maintenant. Cest à cet instant seulement quon remarque sa dégaine, ses guenilles, la veste beige aux manches noircies, élimées, et ses chaussures de marche, trois pointures, trop grandes. Ses gestes prennent de lassurance, semportent presque dans un rythme effréné, extrait dun film de Tati quon ne connaissait pas, tandis que lon entend le signal de la fermeture automatique des portes. Mais non ce nest pas du cinéma.
Souvent le même scénario, je pense à mes parents, envie pressante de les voir, les embrasser, parler avec eux, et leur invitation juste après, comble de joie, Cette fois-ci, je regardais le quai en contrebas, ils mavaient dit quils y viendraient le lendemain, je pense à eux, chez eux sûrement, et le téléphone sonne, je décroche, on mannonce quils mattendent au café. Ils viennent à mes devants toujours. Le jour dit, prendre le train, joie des retrouvailles, le repas, trop manger, trop boire. Dans le canapé, la fatigue. Dehors la fraîcheur revient vite sur mes épaules. Du temps à me réchauffer en rentrant. Déjà lheure de partir. Trajet retour à lire pour fermer la parenthèse. La thèse des parents. Je taime moi non plus.
Qui les manifeste. Elle avait tout le temps de regarder autour delle. Lécart entre temps. Plan de poche. Des phrases sur les tee-shirt, cest ça ta philosophie ? A suivre... Un mouvement part de là, passe par là, aboutit là. Mais il est celui qui, quand il veut sexprimer, et se sert des choses pour le faire, découvre entre elles des rapports inouïs. Une trace, un corps, le même ou son substitut rageur - puis le vide. Citer ses sources. There was a boy... Un garçon enchanté très étrange. A little shy and sad of eye.
Une journée entre parenthèse, dans lattente. On ne se refait pas. Belle journée, que je te souhaite oisive, reposante et non parasitée par la pensée du lendemain. En fait, cest tout le contraire qui arrive. Mais on ne le comprend que trop tard. Le plus dur nest pas à venir, cest ce qui se joue là, sans quon veuille le voir, en saisir toute la portée. Dans lattente de ce que lon va apprendre. La nouvelle, mauvaise forcément, même si cest au fond le contraire quon espère. Et ce qui arrive, nous prend encore une fois à contresens, renverse nos prévisions. Dans sa bouche, cest très grave, à lentendre je minquiète, mais finalement ma bouche nest pas si abîmée. Une dent contre moi. Il me promet une douleur très vive, aiguë. Mais la douleur nest pas si insupportable, je men étonne même, jai envie de le lui dire, mais je nose pas. Ce que je redoute en fait, cest lattente. A lécoute de mon corps, cette chambre déchos terrifiants. Il faut que jy travaille. La matinée avait si bien commencée. Amicale discussion de travail au bord du canal ensoleillé. Repas en amoureux. Et puis le doute qui prend le dessus. Ne pas sécouter. Ecourter lattente. Mieux sentendre avec son corps. Lécouter. Fin de la parenthèse.
Dans une pièce sordide, des vieux chantent, fort mal accompagnés dun accordéon, des airs plus anciens queux. Trop, arrêter de réagir comme des robots. La mince pellicule du mur qui nous sépare ne fait pas son travail. Du mal à me concentrer. Le responsable est là qui me parle avec ses problèmes digestifs qui remontent malgré lui à la surface. Grande tape chaplinesque en diable sur la poitrine. Peur du fou rire. Limage de la comtesse qui refuse de rire parce quelle vient de subir une opération de chirurgie esthétique me revient tout coup. Les réunions daprès repas on en a soupé, faut ce qui faut mais quand même. On parle cultures urbaines comme dautres prennent le thé. Là, ils chantent, mais à cette heure, dhabitude ils prennent le thé. Le baryton obligent ses consoeurs au choeur déchu, les cantonnent au second rôle de sa voix de stentor. Au micro mes vibes te défoncent comme si cétait de la nitro...
Au ralenti, je suis au travail. Rien navance. Sur place, même limpression passagère sans doute, que cela ne passe pas. Roue libre. Ralentir travaux. Jespère que tu nas pas mal aux dents. Justement non et tout est là paradoxalement. Je nai rien au dent, comme on disait enfant. Rien de rien, non. Ce matin sur le chemin, ça ne prévient pas quand ça arrive, ça vient de loin, ça cest promené de rive en rive, la gueule en coin. Jessaye de comprendre mais je ny parviens pas, je regarde les images défiler impuissant, les arbres penchés, les immeubles en partie, les voitures en tous sens, les maisons inclinées, le passants dépassés, les champs à perte de vue, depuis la fenêtre du train qui file à toute allure. Je ferme les yeux. Merci de penser à me rapporter les livres que je tai demandé. Jy pense et puis. Je ferme à nouveau les yeux. Tu avais lair fatigué ce matin, pense à te poser, soit un peu à lécoute de ton corps... Ce quil me dit dans sa langue étrangère, quel traducteur trouver pour le comprendre ? Et puis un matin, au réveil, cest presque rien. Je tembrasse tout doucement, sans te brusquer, un baiser tendre et posé sur tes paupières, goûte le soleil de la terrasse à midi et pense à moi. Et sans prévenir, ça arrive, ça vient de loin. Le rire en coin. Cest presque rien, mais cest là, ça vous émerveille, au creux des reins.
Elle dit : tu lances des mots, tu sculptes du son dans lair. Vertigineux. Mais toujours des voix ou leur ombre. Nous transpercés, touchés ; nous, encore, amoindris. Là où néclate pas le désir. Pourquoi cette fièvre, ces rafales dun vent mauvais ? Dans nos décombres. Dans un égarement inexplicable. Napportez rien de plus fragile que la fragilité à laquelle tout conduit. Une carte postale illustrée. Elle lui masque la réalité, et je ne sais sil a peur de tomber au fond de limagination jusquà devenir soi-même un être imaginaire, ou sil craint de se choquer au réel.
Elle na rien jeté au montage, ce qui narrive jamais. Mais je reviens sur un mot que tu as employé : caricature. La caricature ne fait pas peur parce que cest universel. Désinvolture énigmatique. La caricature nempêche pas la profondeur. Limpression de ne pas parler à la même personne. Tu vois le truc, mais tu ne veux pas le voir. Une cruauté des péripéties. Dune certaine façon, cest affreux cette soif de réel. Redoutable par sa capacité à mêler avec une ironie féroce tragédie et dérision, avant de se déplacer rapidement vers un huis clos. Plaisir arbitraire de tricoter des histoires. A toute épreuve. Goût des autres et sens de linteraction. Lenfer cest les autres. Tenez-vous à distance. Les yeux tournés vers le ciel. Mais sans lassurance du moindre interlocuteur en bout de ligne.
Tous les jours, tu perds un jour sans le savoir. Paysage sourire. Tout le vert y perd sa patience, force de mots où je ne serai plus que regard mon tour. Ce nétait pas encore le temps des tissus jetables. Comme personne ne lui répond dans son embrasure de porte, passons, dans le miroir un visage décalé se dit : je serais mieux dans sa matrice, mon corps en location, en résidence. Les nuages ne savent plus mon adresse. Dans cet espace dénoué. Il semble que le jour existe depuis toujours. Ici, tout le monde se sent un peu poète.
Étranger à ce dont il parle, pris dans la lumière du jour, comme a improvisé dans la fatigue du matin apparaît, improvisant. Je ne suis pas ailleurs, je ne vais pas là-bas, distant je ne suis pas ici, disant là-bas, seulement. On nira pas plus loin dans la lumière fossile, facile à percevoir au-delà.
Ne pas lire léger électrique plutôt ou rien du tout tout simplement. Lui yeux fermés paupières closes. Le rythme du pas humain. La campagne un oiseau cri nocturne. Plus rien à prouver. Le corps raide fin tremble sa persistance et laspiration linterne linfini. Le cur serré la forme prend à létage. Pourtant tellement familier. Ne pas lire obscurité rien du tout case noire. Plus personne pour apaiser. Si lon y regarde de plus près. Matinées de sueur et rosée, ça part en rouille. Sans le filet de leffet de surprise. Je suis le courant les décharges. Jai autant de passé quune ville. Tintement de verres qui sentrechoquent. Attente des mots qui aident comme docteur. Une nécessaire suspension où le temps sétend jusquà livresse du quasi-silence. La montée regarde enfin le contact. Histoire dénoncer. Il se voit soffrir enfin. Comme avant lui. Dénoncer dîtes-vous ? Enfin ses mains ses yeux.
OCTOBRE
Retrouvailles et découvertes. Mettre un visage sur tous ces noms. Emotions confondues en excuse. Jarrive à Marseille dans le temps qui est le sien. Je nai aucun plan. Se perdre dans la ville, étalée et cest un vertige. Des heures à errer dans les ruelles du Panier. Tout ce que lon fait pour distraire lattente, ses chemins de traverses quon appelle dédale. Cest cela. Pour me retrouver dans la vie. Toute la cohorte de ceux qui disent seffacer pour écrire. Nest-ce pas Pierre ? Quelques surprises cependant, autour de la table. La poésie est souvent là où on lattend le moins. Tout son être est dans le disparaître. Se mettre table, enfin. Parler. Parier. Paliers leur limite de ses, certains mots atteignent par. Tout le monde parle avec les mots des autres. Moins de nombrils attablés. De moins en moins de lecteurs ?
Contrairement au téléphone, qui sonne toute la journée, ce nest pas une invention, mais un assemblage de techniques qui existaient déjà. Inventer le futur plutôt que sampler le passé. Deuxième sortie vélo avec les filles. Tranchant, obscur, éblouissant, inusable. Où lon découvre toujours des éclats nouveaux. Je suis une encyclopédie à lagonie. Encore le vélo, dans un balancement entre le calme et létonnement. Tout est ouvert. Où est le vrai, où est le rêvé ? La poésie, me dit-on, est au coeur de la machine. Contrôler un outil en se contentant dy penser, cest désormais possible. On croit ne rien saisir, on entend chaque syllabe. Sarah sisole dans la chambre des filles pour enregistrer de nouvelles pages. Cest comme le divan du psy, dit-elle. La capacité à résonner en chacun de façon différente. Paramnésie de certitude, trouble psychosensoriel. Rassurez-moi cest pas grave ? Il y a dabord une question de perception. Déjà vu, déjà ouï. Dune vie antérieure, dun temps immémorial. La provocation génère linacceptable. Comme le dit Voltaire « même si je ne suis pas daccord avec ce que vous dîtes, je suis prêt à me battre pour que vous puissiez le dire. » Des preuves obtenues sous la contrainte ou par ouï-dire justement, pour condamner des suspects. Des étrangers. Allez passe la seconde, change de vitesse Alice. Nina ne te retourne pas, fonce Caroline, fonce...
Cantillation de bouche à oreille, de personne à personne, un souffle dont on dit quil mit le monde en mouvement, au commencement. Avec simplicité, avec gravité. Je ferai tout pour être à la hauteur. Un vrai changement et un droit dinvention. Le risque de confrontation est quotidien. Nous sortons du virtuel, nous rentrons dans le réel. Jusquà hier lété insistait encore un peu. Il pleut, cest lautomne. Son ambition au centre de tous ses calculs. Limportance de retrouver les gestes du quotidien. Difficile la liberté en détention. Derrière la baie vitrée. Je me demande dans quelle mesure les journées fictives de nos récits sont marquées par la substance secrète du jour réel où nous les écrivons. Parenthèse fragile dune journée de travail. Une représentation sans spectateur. Les jours raccourcissent. Fondu au noir.
On y voit des traces, coulures, marques de décoloration, tissus ou torchons recouvrant des empreintes qui font faiblement surface, comme des graffitis. Une carte heuristique, mind map en anglais, aussi appelée carte des idées ou carte conceptuelle. Un diagramme qui représente les connexions sémantiques entre différentes idées, les liens hiérarchiques entre différents concepts intellectuels. Des procédés de distanciation et de retrait. Un système déchos et dimbrications. À la base, il sagit dune représentation principalement arborescente des données. Pour mindiquer comment faire, elle se penche sur moi, sempresse, je sens son bras contre le mien, légère pression complice, son odeur tiède métourdit, sueur et parfum mêlés. Remue-méninges, alias brainstorming. Prenons le chemin qui mène aux souvenirs. La situation découvre sa face cachée et contradictoire.
Il faut donc accepter ce paradoxe : le véritable oubli dun événement passe dabord par sa remémoration. Tous réunis dans une même chambre, nue, profonde, où les attendrait une mort immédiate ; un seul instant partagé entre lindignation et la surprise, mais un instant qui effacerait tout. Lorage est venu, brusque, la maison plongée dans le noir, enfermé dans les cabinets, un éclair bleu, et les yeux du rat qui fixaient. Une âme noire comme du charbon, il répétait cela, le ciel, les nuages lentement après lorage passaient dans la fenêtre. Edredon décume de battements de mains doù tes paroles sortaient en lambeaux, coupées déternuements et de remous deau, tu nosais pas, tu navais jamais acheté un truc pareil et tu nosais pas, tu ne savais pas comment faire... La réalité na pas fait irruption dans limage : cest limage qui a fait irruption dans notre réalité.
Des plans sur la comète. Une idée en entraîne une autre. On se prend à rêver au téléphone. Comment naît une idée ? Un projet denvergure. Lespace dun instant, une étincelle dans le noir. Ce nest pas la première fois. Le vent tourne, première sensation de froid qui nous transporte fugitivement en hiver. On ferme sa veste. On tourne la page. Il est poète, le répète à loisir. Il se plaint au téléphone, il gémit. Personne ne laime, ne veut le faire travailler, toujours le même refrain. Pourtant, tente-t-il de me convaincre, jai animé de nombreux ateliers, publié des ouvrages, réalisé de nombreuses émissions de radio. Il ne parle pas. Il pleure. La voix de Francis Lalanne. On ne va pas chercher à savoir qui a la plus grande. La phrase reste en suspens au bout du fil. Il nentend pas ce que je dis, ne mécoute pas. Totalement sourd. Ce nest pas la première fois.
Debout des heures, dans la tension de lécoute, lattention, vigilance obligatoire. Tous les yeux portés sur moi, je me place derrière elle parfois, non pour me cacher, vite jen sors du reste, mais pour changer dobjectif, dangle de vue. Je devrais masseoir, je ne le fais pas. La rumeur va bon train, chuchotements en marge, difficiles à contenir. Au tableau, prends note, lointain souvenir denfance, jallais écrire dautomne. Ne pas effacer.
Lodeur de feuille humide matinée dautomne. Profitant, en homme desprit de laccident qui lui arrivait. Ce qui nous tue, ce nest pas lennui, cest notre complaisance à légard de lennui et cette idée que seulement par lennui nous tenons une aristocratie possible. Au lieu dessayer de changer le monde, nous réinventer nous-mêmes. Point du tout à montrer de laisance ou à faire de lesprit en se jetant dans quelque récit plaisant. On attaque, et puis on verra. Un peu de sang avait séché sur ses cuisses, comme un point précieux de dentelle noire. Je me suis assis dans lescalier et jai pleuré comme un veau. Les veaux ne pleurent jamais mais cest lexpression qui veut ça. Le courage dêtre timide, laisser entrevoir son trouble sans être ridicule. Cest quand même toujours la même vieille histoire qui nous est servie.
Pas envie de finir ce travail. Toujours autre chose à faire. Ils tressent les liens. Longtemps je me suis trompé en beauté. Sans cesse remettre à demain. Il y a un mot bien sûr pour définir cela. Comme toujours. Un mot pour tout, tire-larigot, un mot fourre-tout. Pas envie de mettre un terme, de dire ce mot plutôt quun autre. La langue me brûle. Danse patience absence. La gorge me pique. Un mot comme un autre. Cette journée en aveugle, tête dans le sac, du mal à respirer. Vivement ce soir que je respire enfin. Sortir la tête de leau. La vague à laime. Comment ça cest marée basse ?
La nuit tombait. Il suffit davoir assez de patience. Dans la cabine téléphonique, lhomme regarda sa montre avant de répondre. Elle ne termina pas sa phrase. Cest une meurtrière, au sens architectural. On pourrait couper cette scène. Il a fait beau aujourdhui contrairement à ce que je croyais. Le ciel était bleu. Voir la lumière contrainte à la géométrie. Voir le vent en contact avec la pierre, voir la mémoire des pierres agitées par lapesanteur. Sculptures de papier et de tissus qui volent. Rubans comme des phylactères déployés dans les airs, noirs, blancs, sous-titrages ordonnés par les hasards du vent, textes mêlés aux photogrammes dun film rêvé là. Annonciations obscures, images de la pensée en mouvement. Une mémoire prise dans la forme. Le reste est fictif, comme la vie privée. Les amis réunis dans le secret de lappartement, la joie dAnne-Marie illumine son visage. Mais nous ne sommes pas des témoins neutres. Lennui, cest que le langage nexplique pas le monde. Il en fait partie.
Dans lapparat de la lumière, je ne reste que ça, os, sas, carapace de la chaleur qui tend à la douce, nappe du lait dombre dans lassise des logiques, épars, dans la torsion des torses, force paroles plus, dans les têtes, dans la strophe cata, dans le bruit, la pulsion, linforme éclat, le rien des mouvements, du passage des paroles, des haines, dans la douce.
Le temps des surprises. Penser à une notation particulière de mes pensées. Pensées, si lon veut. Plus ou moins que cela, bribes débridées, associations, musiques, ritournelles plutôt, événement intérieurs, monologues à peine. Et comment le monde nous agit, comment nous le prenons ? Les voix du retour rendez-les plus belles. Vous employez un nouveau schéma, disons un stratagème ou une stratégie. Ne soyez pas si bûche, ne refusez pas la soumission rapide à lévénement dune phrase quelconque. Le langage ignore superbement les impératifs logiques, ne redoutant pas de dire tout et son contraire, ou même nimporte quoi, de prendre le risque de la contradiction, voire du non-sens logique, et de sadonner à la tautologie. Il ne craint guère les écueils de lillogisme, et semble même y prendre un malin plaisir. Je lai moi-même goûté en dautres occasions. Mais il est bien loin le temps des surprises parmi les secrets quon dit en rêvant. Léclatement doux du sourd présent noir.
Ready steady go. Avant marque ? Traduction simultanée. Approximative. A vos marques ?... Prêt ? Partez... On y va, on y go. Failure. Fêlure. Un échec ? Un mot en appelle un autre. Ecrire chaque jour, creuse sur moi et dans moi, et je sais bien que je ne suis pas au bout : des fois je vois des formes terrifiantes, elles font signe, je ne sais pas encore les rejoindre. Contrainte, je maintiens le cap. Ces fragments qui sautent en éclat dans les yeux ici. Par ? Prêt ? Sentiment de présence que jai du monde. Paradoxes travailler. Sortir la tête dehors avant de retourner au travail. A ce qui me travaille. Soleil doctobre, nostalgie estivale. Pour la lumière désormais. En avant... Ready steady go.
Adapter ses désirs à ses majeurs. Tout ce que le corps excrète et sécrète. Les images des rêves murmurés et les effrois contés, labandon de la nudité puis du sommeil extraient mieux le secret que le langage, le jour, les vêtements, écrit-il. On na pas vécu inutilement si on a réussi à faire douter quelquun de ses convictions. Lâcher un secret en société. Ellipses et fulgurances, tout fait retour, tout est prodige. Rêvant denfance et deffacement, ne peut se dire quen pointillé. La peur de disparaître ne sécrit pas en gras. Excréter et sécréter. Aussi étonnant que puisse nous apparaître au premier abord le rapprochement entre ces mots. Idem pour le tiercé du jour : Reviens-moi. Jai la migraine. Super illusion. Faire des messes basses et sinventer des secrétaires, cest pas nouveau. Question dadaptation.
Personne, effacement voluptueux, ces impénétrables regards. si beau, qui serait transparence ? une dépossession de ce corps défendu, invisible, ici lincertain, la voix basse née du matin. Nuit, cest fugues, poursuites, vous fugitifs, précieux, cest notre tour, entre deux mots. On veut me dire, je te garde, ma tiède chair, au soleil, on ne les sépare pas de sa peau, sous un grand ciel.
Avec lair davoir en lui absorbé toutes les nuits. Pendant que les enfants jouent, nous, à quoi jouons-nous ? Et ça ne sortait pas, comme coincé dans les plis du front. Alors, le bras sur son épaule. Sil fait beau on est là, ya des trains qui ne bougent pas. Et comment cest déjà de ne pas être ici ? Je ne voulais pas faire de bruit... Dans les endroits inexplorés, vois-tu passer tes nuits ? Les ombres ont pris la tangente avant laube. Nous avons emporté les clés misant tout sur le cardiogramme pour goûter, un instant, au bonheur, en passant. Le ciel a fait son temps, on ne pense pas à ça, je suis toujours surpris. A rêver de confort sous lamiante. Et ça suffisait bien, comme le soleil lété qui vient vous chercher le matin. Surtout si cest dehors, le souvenir du lendemain. Quand vous vous souviendrez, jai vu de près ses yeux qui souriaient, ses ridules chassant lécume, la joue brûlante. Et tu ne sauras jamais ce qui le travaillait, seule la nuit ne veut pas te lâcher, mais tu ten vas toujours. Fais-moi revenir au monde.
Ich verstehe nicht. Mais rien ne se dit, au même endroit tous les deux, dans lindifférence feinte. Vous ici ? Passons. Le bleu de ses yeux, le grain de sa peau, la tâche sur son bras droit, une silhouette au loin, avec des mouvements brusques, des poses marquées, la hanche cambrée, les cheveux quelle fait onduler, la femme en elle. Se raconter nos porcelaines. Ensuite, je me souviens de son texte, son sexe au premier instant enfin, je brûlerai, peine votre main dans lespace des inscriptions en marge. Et votre voix, après. Ou vous entraîner dans le bac sable. Faites part de vos questions, problèmes ou suggestions. No comprendo.
Jai vu ça de mes propres yeux. Le plus de bonne fois pour toutes. Se prendre les pieds dans le plat. La serveuse trébuche. Son pas hésitant. Cest important de temps en temps. Les ardoises sur le sol, contre les chaises. Equilibre précaire. Avant même davoir payé, ironise-t-il en silence. On se donne de grands airs. Les menus du jour. Passer les plats et se prendre les pieds dans le tapis, lair de rien, comme ce vieil homme qui sénerve à lentrée du restaurant. Mempêchant den sortir. En les posant devant le client, elle se prend les pieds à plat. Se plante devant lui. Belle plante. Une distance, un mélange de doute et de froideur. En plein bien dedans. Si tes pas content, cest la même chose. Voir plein plein pour faire, et toc. Pour pouvoir être sérieux de temps en temps. Excusez-moi je nai pas terminé. Ce qui veut dire que nous mettrons un terme à ce genre de recherches.
Il faudra jouer vite, aérer le jeu. Grande malléabilité de lorganisation, et aux diverses lectures possibles. Compter sur une défaite ou un nul pour éviter les barrages. Cest une des forces de ce livre, qui par ailleurs procure un plaisir de lecture, la fois rétinien et très rythmique, vocal. Cest lheure de vérité, par la faute dune litanie de nuls, plus totalement son destin entre ses mains, avec ce langage qui glisse et fait traverser les juxtapositions sans quil y ait darrêt, suscitant cet effet constant de collision/lissé, linéarité/circularité. Les spectateurs seront au courant du résultat, on sera informé en direct : le public aura un vrai rôle dacteur.
Le leurre, lapparence, la première impression qui savère fausse. Cest un geste vide qui essaie de dire quelque chose de profond sans vraiment savoir ce quil veut dire. Vraiment ? Est-on tenté de répondre. Coincé dans linconsistance de son désir. Nous nous amusons de nos croyances tout en continuant à les mettre en pratique quotidiennement. Jai lhabitude, depuis lenfance, de ramasser immédiatement tout ce que je peux laisser tomber, absolument tout, et si je ne le fais, un malheur arrivera, non pas à moi mais à quelquun que jaime et dont le nom commence par la première lettre de lobjet tombé. Votre seule ambition est darriver au soir. Et tu ne sauras jamais ce qui le travaillait, seule la nuit ne veut pas te lâcher, mais tu ten vas toujours. Se débarrasser de la nuit. Une parole la sortirait daffaire, un geste, un mouvement. Cest aussi loccasion de se frotter aux autres. Je répète mécaniquement, comme toutes les poésies que jai apprises. Chacun va poursuivre ce quil a commencé. Jattends la suite.
Le bourdonnement inquiétant dune mouche, hors saison, qui tantôt se pose sur ma main, tantôt sur la page du livre, lavenir, sur un banc lombre encore fraîche, tenant en partie mes recherches et en partie des motivations que je ne saisis pas très bien. Laisse venir. Laisse le vent du soir décider. Une phrase qui chaque fois annonce une promenade. Travail denquête sur soi, leur idéal est lamnésie pure et simple. Dans la brèche de limprévu se faufile. Lavenir, laisse venir, laisse venir. Voilà donc comment ils reviennent les morts, au travers du regard fixe de lhomme, ces milliers de pages noircies. Limprudence.
Rater son train. Comme une marche. Dans son sommeil, le pied dans le vide. Mauvais rêve. Sur le quai, le train démarre. Ce bruit significatif. Lhorloge de la gare retarde. Mauvais signe. Dans le train, jenrage. Restes de colère, les poings serrés, la gorge nouée. En même temps, le bon côté des choses, je profite des discussions de mes voisins. Dans le direct on est seul avec ses pensées, les lignes de son livre, de son journal ou les paysages qui défilent sous nos yeux, les jours de fatigue. Extinction de voix, dit-il à sa mère en parlant fort dans son téléphone portable. Une laryngite, précise-t-il en haussant le ton à distance. Il raccroche. Un train passe. Il appelle un ami quelques instants plus tard. Lui raconte la même histoire. Rares changements dans son récit. Besoin de se répéter. De se rassurer, jusquà épuisement du stock.
On perdait de la mobilité, de lintérêt. Lair clair, le climat favorable et bien doux. Leffort habituel pour vaincre la rugosité du dehors. Ce rituel du noir : peine si on devinait sa présence, une ombre dans lombre, une chaleur peut-être puisquil y a irradiation de la chaleur ou bien que le mouvement existerait en soi et se passerait du visible. On nest plus sur la route quon souhaite, mais on ne sen est pas aperçu et rien ne vous a mis en garde, et trop tard pour revenir en arrière. Le bruit, les livres, la langue. Mais ne sépare pas le non du oui ta parole, donne le sens aussi. Donne-lui lombre. Vous avez maintenant, claire et succincte, lexplication du phénomène.
Ecrire un texte pour une conférence, une foule, toi, roulé dans le peu de houle et face au public, impossible de lire ce texte, ici cest lépais, même le mouvement de baisser les yeux vers ce papier, paraît contradictoire, encore ! encore ! le mot écrit noir sur blanc dérisoire, insensé et de lire ce qui est écrit in extenso, alors on improvise, on apprivoise le texte, on parle autour. Soleil dessus. Mais dedans, cest bon. On tente de retrouver le sens du texte dans le flot des mots, seul, souple, face au rythme de la parole ambulante, et lattention du public, sa moindre réaction, dont nul ne sait rien, quand on lit, sans lever les yeux comment pourrait-on faire ?
Tout ce que je sais de ma vie, il me semble que je lai appris dans les livres. Comme ces leçons que nous nous sommes vainement épuisés à apprendre le soir et que nous retrouvons en nous, sues par coeur, après que nous avons dormi, comme aussi ces visages morts que les efforts passionnés de notre mémoire poursuivent sans les retrouver. Un panorama éphémère que les morts, les scandales, les maladies, les brouilles modifieraient bientôt, mais qui en ce moment était immobilisé par lattention, la chaleur, le vertige, la poussière, lélégance et lennui, dans cette espèce dinstant éternel et tragique dinconsciente attente et de calme engourdissement qui, rétrospectivement, semble avoir précédé lexplosion dune bombe ou la première flamme dun incendie. Bouquet de violettes et de pensées au pastel présent. A certains même elle ne disait rien, se contentant de leur montrer ses admirables yeux donyx, comme si on était venu seulement à une exposition de pierres précieuses. Lart nest pas seul à mettre du charme et du mystère dans les choses les plus insignifiantes ; ce même pouvoir de les mettre en rapport intime avec nous, est dévolu aussi à la douleur.
La forme dune parenthèse. Des missions des parents. On souffle un peu. Marcher dans la rue sans se soucier de rien, ni où lon va, ni ce que lon va faire. Une minute trop tôt, une minute trop tard. Un sourire lunatique. Tout est déjà là. Entre la vie et la photo. La chambre (rouge) auparavant. Elle a du bleu dans ses blancheurs. Elle sait tout faire de ses dix doigts. Rien les choses lair. Coup de soleil ou jet de sperme, lamas des moiteurs, et moi et moi et moi. Moi, jaime les souvenirs. En pleine forme. Fermez la parenthèse.
Tout ému et tout repu et je vais vite faire tourner le moteur. Il ne sagit pas dêtre en retard. Cétait un peu avant midi. Elle prenait soudain deux plis et, parfois, près dun mur. Au tournant dune rue déserte. Mais il ne faut pas la décrire. Au bout de la petite rue lombre avait passé. Jécris des phrases avec des sons compliqués. Comme celui de ceux qui ont perdu quelquun. Cette tache vivante et subtile, plus concrète quun souvenir. Dans mon pays, cela sappelle la convergence. Jaime la chronologie, le découpage du temps. Dans des endroits familiers. Cest aussi loccasion de se frotter aux autres. Et puis, ce que je préfère, à table, cest me resservir.
Lieu inchangé depuis sa transformation, sa profonde métamorphose. A chaque fois que jy vais, je les vois vieillir, derrière leurs bureaux, cheveux poivre et sel. Choix de livres lus par terre sur la moquette mauve. Pas facile, cest là et non, dans la main et pas. Au dedans comme au dehors. Epiphanie du quotidien. Un café verre deau, la fumée du cigare dans la lumière bleutée, une amie quon ne voit quau dernier moment, lorsquelle ne peut plus nous voir, et le faux soulagement qui pince le coeur, la main minuscule de Nina que sert la mienne, une offre dabonnement à Beaubourg alors que je viens dy passer laprès-midi. La douleur occupe la cage. La page. Cest le seul fait, ce fut tout. Accordez toute votre attention à la création. La couleur cest ladage.
Les jours sont confus et la parole comme après le sac dune ville par des pillards sans âme ou le passage des foules sur les plages en été. Je lentends dire : « Die Zeit ist da. » Quand le vent siffle dans les arbres, je reste là, immobile, dans le vent, et jentends le bruit qui fouille mes oreilles et fourmille dans ma gorge. Le temps chevauche le vent. Le temps se repose quand le vent se repose. Une force centrifuge désagrège linstant furtif, temps fini décomposé de nos heures anciennes. La lumière accentue le rythme de ces sons qui passent. Je plaide coupable. Il est lheure.
Votre emploi du temps risque dêtre un peu débordé, notamment par des rendez-vous importants. Annulez-les tous. Mais noubliez pas daller chercher vos enfants à lécole. Vous devez faire face car tout cela vous aidera résoudre des problèmes personnels et de vie quotidienne. Pas de problème. Souvent vous voyez rouge. Souvent vous avez tort. Il est grand temps de le reconnaître. Vous avez fait preuve de suffisamment de sérieux ces derniers temps et, maintenant, vous pouvez vous laisser aller un peu plus et vous détendre. Attention car certains de vos jugements risquent dêtre, un peu, faussés en ce moment et vous feriez mieux dy réfléchir à deux fois avant de prendre des décisions. Pour une fois cest vous lélément modérateur. En fait, peut-être, le mieux serait de remettre les plus importantes dentre elles demain. Ne changez rien. Fermez les yeux. Mais nen profitez pas. On cherche à voir ce quon aime. Ce qui passe entre le dehors et ce qui nous est intérieur.
Un livre. Pour un projet de livre, revenir en arrière. Je relis tous ces textes écrits au jour le jour. Le projet devient opératoire. Jécris opération désormais. Champ contrechamp. Comment tout cela dévie peu à peu vers un endroit où je ne sais pas aller. Là-bas si jy suis. Droit devant. En avant toute. Je suis la pente. Elle est raide parfois. Moi aussi dailleurs. Sur le parcours ceux que je croise, parfois reviennent complices, on se revoit, dautres abandonnent en cours de route. Revenir sur ses pas ? Pas possible, la machine est lancée. Dans lattente de lautre qui galvanise. Sa lecture. Comme le journal dhier que je lis aujourdhui. Ce décalage me plaît, léger décapage. Se relire, le plus difficile. Se livrer ou se délivrer ?
Le temps a traîné. En réalité, cest tout le contraire. Sur le plan, tout autre. Il manque des rues, des ruelles, des places. On savance, certaines lignes apparaissent, se dessinent. La rue est déserte à cette heure. Je nétais pas là pour cet événement. Les avions passent au-dessus de nos têtes, menaçants dans lair humide, les nuages samoncellent. Mais je ne savais bien ni comment, ni de qui, ni pourquoi. Javance au hasard. Je suis (de venir) le bon chemin sans savoir que ce chemin na pas taille que je lui assigne. Mon plan me trompe. Une voiture sarrête à ma hauteur, ce nest pas pour me demander sa route, mais pour me montrer le chemin. La voie à suivre. Le village est beaucoup plus loin que prévu. Ca me fait rire, allez avance.
Je voyage pour vérifier mes rêves, dixit Nerval. Prendre ses rêves en filature. Devant le maigrelet rayonnage poésie, chez Gibert Jeune, debout à mes côtés, une présence, je tourne les talons. Jacques-François Piquet. Ecrire est dabord une affaire de sensibilité et de regard. De moins en moins de personnes se protègent du regard des autres. Il me parle de son expérience de journal intime du monde. Si mes souvenirs sont bons. Sil ny a pas de rideaux, cest pas fini. Dans un café, un peu plus tard, je lis le journal en pensant lui. Un mot de lui ici quand je rentre chez moi. A lombre... Notre monde est devenu plus petit. Migrations de masse, globalisation, technologie de linformation, internationalisation de la violence, terrorisme global. La dernière phrase du livre : « Mais la réalité était tout autre. » Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Il pleuvait encore légèrement. Un arc-en-ciel avait déjà fait son apparition. Des mondes virtuels procédant dintrigues qui sétendent sur des sites Internet, des photographies et plus récemment des films. Il y a des gens avec qui je me sens bien tout de suite. Un sentiment de familiarité, de proximité. Rapport au temps et travail similaire. Création au coeur. Elle est ainsi. Pour expliquer une idée, en dessine le plan à la hâte sur un coin de table. Des souvenirs vous envahissent et vous vous sentez en territoire occupé. Il demeura suspendu au-dessus du champ moissonné en un langoureux étonnement de lui-même. Cest pourtant la fiction qui constitue le socle de votre travail. Des flèches de pluie égarées qui avaient perdu à la fois le rythme et le poids et la capacité de faire le moindre bruit, étincelaient à laventure, ici et là, dans le soleil. Il y a une délicatesse rare dans les lignes, une discrétion qui tient, nest pas molle comme cest le risque parfois dans les choses ténues. Là-haut, dans le ciel lavé par la pluie, de derrière un nuage noir comme un corbeau, se dégageait un nuage dune ravissante blancheur qui brillait de tous les détails dun moulage, monstrueusement compliqué. Indications, posologie, durée de traitement (à réévaluer selon évolution).
Il pleut doucement la nuit depuis quelques jours. Dans une merveilleuse atmosphère denchantement bleu vif. Ce matin, au réveil, le bruit de la pluie, laverse lointaine derrière la fenêtre. Cette douceur de lair maccompagne toute la journée. On ouvre un oeil dans lobscurité de la pièce, le poids de sa tête sur loreiller plus lourd quhier, cest dû à quoi ces résidus de questions ? Le vent se lève, les feuilles tourbillonnent et senvolent spirales aspires. Cette averse inquiète mais nous ravive aussi. Avant de comprendre que cette eau, celle de la bouilloire, elle sarrête soudain. Cest lheure du thé. Il pleut cest merveilleux. Plus le temps de douter.
Décrochez, numérotez, parlez, on vous répond, de la maison den face, ou bien du bout du monde. Chez soi dans la rue, en voiture, en train, le téléphone envahit notre espace, privé ou publique. Allos et sonneries en cascades, conversations privées, exhibées en public, la surenchère communicative, pousse parfois au voyeurisme sonore, pollue le quotidien, limpression de présence permanente, de linterlocuteur à portée de main, et renforce lisolement de masse, au bout du fil... Veuillez patienter, nous recherchons votre correspondant, laissez votre message... Le répondeur garde en mémoire, fidèle enregistreur, des messages. Sonneries en tous genres, on néchappe pas aux marqueurs sonores de la téléphonie omniprésente. Le téléphone, distance physique entre les interlocuteurs, ose la parole risquée, la rupture brutale, inassumée de visu, les insultes faciles, sans représailles, les diffamations honteuses, sous couvert danonymat. Le téléphone évince, parfois, le face à face difficile. Attente au bout du fil, avec en prime, de subtiles musiques qui vous crispent les nerfs. Promené de services en services, attente exaspérée, sur fond musical répétitif à satiété, en attendant que la boucle cesse enfin. Le téléphone est souvent une vaste salle dattente sonore, école de la patience, mise à rude épreuve. Appels de détresse, coeurs en perdition, corps en danger. Ne coupez pas !
Réminiscence : ruminer des souvenirs. Quand a va bien on nécrit pas. Ne sépare pas le non du oui. Cest aussi simple que ça. Une fois de plus une de ces colères à en trembler, terroriser la maison entière. Un mot pris pour un autre, une lenteur à répondre, je ne sais quoi dinsignifiant et cette maladie qui est la mienne, colère douloureuse delle-même, en profite pour me torturer et avec moi ceux que jaime, que jaime tendrement. Jai été la voir elle nétait pas là. Je ne lai pas appelée, jaurais pu. Pas osé cest idiot je sais. Je suis rentré, elle était là, sur le point de partir. Plus rien ne fonctionnait. Je lai accompagnée chez elle. Sortie surprise. Je ne sais pas ce qui ma pris. Donne-lui lombre. Il est des nuages qui sont comme des ailes égarées.
De nombreuses images en mouvement, que jai collecté, au fil des ans, sans but particulier à lesprit, sont la source visuelle de ce collage : des épaves flottantes et rejetées le long dune rivière, un sac plastique tournoyant autour dun fil, une chemise suspendue à une fenêtre ouverte. Le ciel montrait le même désordre mobile et changeant : nuages blancs courant en tous sens, vastes espaces dazur balayés par une lumière radieuse et aveuglant. Ces motifs se rencontrent les uns les autres, à la manière dun album photo. Je jetai un coup doeil aux livres ; ils étaient nombreux, en désordre et variés ; mais un rayon était un peu mieux rangé que les autres et jy remarquai cette suite de titres qui, un instant, me sembla vaguement former une phrase musicale, étrangement familière. Des textes insérés tournent autour des processus de la mémoire, de lappropriation et de la perte. Leurs thèmes récurrents restent des fragments comme des phrases isolées issues dun journal. Ils accompagnent et possèdent temporairement les images pour finalement les laisser comme elles sont : ouvertes, ambiguës et autonomes
Fatigue. Les signes de la fatigue. Se coucher tard la veille au soir. Le croissant de lune met la nuit entre parenthèses. Des voisins font la fête dans limmeuble. Karaoké et compagnie. La musique, cest à peine si on lentend, les voix volent au-dessus, recouvrent tout. Impossible de dormir. Le coeur tressaute dans la tourmente, bat la chamade. Grâce à notre service de personnalisation, créez des produits uniques. Vous avez choisi la citation suivante : Je glisse loreiller entre mon épaule et ma mâchoire, tel un violon, et cest alors que commence la sonate du sommeil. Cette citation peut être insérée. Modèle à personnaliser. Bâillement : brouillon de respiration.
On ne peut pas tant faire une question de bifurcation, bien plus quune affaire dévaluation. Je crois quà un moment, à haute voix, les phrases sont plus courtes. Un travail de lombre, ça ne paraît pas, comme ça, sauf à faire mention spéciale, mais ce nest pas tout, parce quen loccurrence, cest bien parce que cest lui. Et alors, ça aurait été différent, je naurais peut-être pas été moi-même, comme toujours. Cest comme ça quon en arrive à vouloir, souvent trop vite, alors que rien ne dit quil ny en a quelques-uns cachés par chez vous. Ce qui est toujours assez drôle à un moment donné, au-delà des mérites, alors quil est difficile dimaginer tout le travail que cela peut représenter et quon ne peut pas ignorer. Des curiosités, des frissons, des doutes peut-être ? Cest vrai, faire des phrases, cest un luxe. Faut-il pouvoir en conclure sinon commencer par différencier le point de la virgule ?
Confiance. Confidence. Depuis des siècles, dans le bruit et la poussière, mais qui restent dans lair. Le désert na pas dimage. Ce pli de sombre dentelle, qui retient linfini, tissé par mille, chacun son le fil ou prolongement ignoré son secret, assemble des entrelacs distants où dort un luxe à inventorier. Sans parler les enfants savent. Avec le rien de mystère, indispensable, qui demeure, exprimé, quelque peu. Limmense immobile. Quant à la bonne vieille confiance, les mots nentament pas, elle va toujours main dans la main avec la confidence, elle tranche par mégarde, ce sont des mots jumeaux, et unis comme des amoureux. Confier, avouer, raconter : mots de la parole où le corps se donne tout entier, seuil à forcer, dans la marge, renonce à la défiance et au défi, à la méfiance et au méfait. Le temps dapprivoiser les mots, vivre surprend toujours.
Le lieu est tout ce qui existe, cest la limite de toute chose. Sapproprier ce qui dérange pour en faire un élément familier. Du coup, ici, tout est à lhorizon du présent. Une éternité. On passe à autre chose. On a beau le savoir, se préparer à cette réaction de façade, ça nen finit pas de déstabiliser. Nos humeurs, nos pensées, nos émotions et nos sentiments, peuvent engendrer des changements en ce lieu. La petite musique étrange qui passe dans ma tête. Quand je métais un disque, javais une sensation dinfini. Et par parole on nentend pas ici simple bavardage quotidien, mais le langage, au sens fort du terme, à la fois poétique et intellectuel, celui qui sadresse à quelquun et le constitue, du même coup, en interlocuteur privilégié. Vigie laconique mais indispensable. Fais-moi signe.
Les passants dune petite rue, du vent dans larbre devant la grille dentrée, hauts murs blancs de la maison, au pied des immeubles. On croit que le plan douverture est la réalité, alors quen fait cest une image volée avec une caméra vidéo. Une précision proche de la musique, il aime les souffles, les pauses. Le culte de lindividualisme et sentiment de la dépossession de soi... Jai un soupçon. Quoi ? Oui je crois qu je sais qui cest. Tu sais qui cest ? Je crois que j le sais. Alors ? Alors euh, faut que j m en assure. Ah dis donc, ça va la tête ? T... tu pourrais peut-être faire partager ton savoir solitaire. Après tout, ça m regarde aussi un peu, non ? J peux pas te le dire parce que j le sais pas. Cest juste un soupçon. Et tu peux pas men parler ? Non. Dis donc je, je, je ne sais pas ce que je... Tu trends vraiment compte de cque tu dis ? On ferait tout pour ne rien perdre. Le sentiment de culpabilité que tout le monde a. Quelque chose à cacher. Dans la rue des iris.
Cétait très différent de ce que javais fait jusqualors. Le récit sélabore sur plusieurs plans, à différents niveaux de connivence ; doù ce décalage entre ce qui est dit - jamais tout à fait dit - et ce qui est perçu - jamais tout à fait perçu - ; de sorte que cest dans ce qui est attendu, oublié, retrouvé et reperdu que le texte sécrit. Elle se donne en tout cas les moyens dobtenir ce quelle désire. Je ne lui vois aucune limite. Jécoute sans rien dire. Le moment venu jexplique mon point de vue. Les mots fusent, les idées claires, parole alerte. Je vais vite, je maîtrise le tempo comme un claquement de doigts. Elle marrête pour noter ce que je viens de dire, gêne passagère. User lenthousiasme. De vieux enregistrements davant-guerre dairs dopéra (bon nombre interprétés par Enrico Caruso), aux moments de grande intensité. Mais au-delà de laffaire.
Il me manque le repos, la douce insouciance qui fait de la vie un miroir où tous les objets se peignent un instant et sur lequel tout glisse (Musset). Jécris, signe de reconnaissance. Et cela fonctionne. Plutôt quune description vestimentaire ou plus si affinité. Je serais avec veste et pantalon noirs, vélo rouge, sac kaki. Imaginer le visage de quelquun quon ne connaît pas physiquement. Sur la base de quels indices ? Illusoire portrait-robot. Toutes celles que je croise cest elle.Tribulations déconcertantes de désirs isolés (la solitude qui se trouve dans le coeur de lhomme, cest incroyable. Dans ce lit-là (de quelle couleur ? noir et blanc), il a dormi celui dont le regard séveille au hasard de ce ciel dans loubli. Il attend de ses acteurs quils arrêtent de jouer. Ce film est notre Aurore. Quel film déjà ? Le garçon de café chante Un jour mon Prince viendra. Cest étrange à quel point les bons films font de leur première scène un enjeu total, déstabilisant tout, nous amenant demblée hors du réel, posant le film dans une zone inatteignable. Et puis tout dun coup, plus rien. Ce visage inconnu ne lest plus. Sa force prend place sous nos yeux effaçant tous les fantômes fantasmes rencontrés un peu plus tôt dans la rue.
Tout ce quon avait prévu, tout à coup remis en question, changement brutal de programme, dérive assurée, difficile de sen remettre, relever la tête devant ladversité. On prend note, ce que lon a à faire, ce quil ne faut pas oublier de faire, plus tard bien entendu, remettre çà. Difficile de sen remettre, se concentrer alors dans lécoute de ces menus propos inappropriés la plupart du temps. Rester sans rien dire, surtout ne pas broncher, ne pas lever la voix, se faire remarquer, jouer le jeu, se serait lacceptation de ce rapt. On apprend que ce nest que partie remise. Report. A plus tard encore une fois. La journée semble nous filer entre les doigts. Mais finalement on y parvient. Ce que lon a noté ce matin sur le matin, à la hâte, on la fait. Contrat remplis. Mission accomplie. Mais il reste tant de choses à faire quon ne fait pas. Quon ne dit pas. Pas le temps. Tous ces projets terminer. Trou(v)er le temps.
Arriver après la bataille. La scène déjà jouée, rideau baissé. Laccident dont on ne voit plus que traces. Tension aérienne. La femme allongée au sol, main sur la tête, pieds à même le caniveau. Un homme à ses côtés joue les guerriers Massaï. Saute, on ne sait pourquoi, douleur ou inquiétude ? La violence des gestes, la beauté des corps, mais aussi la misère. Situation à la fois banale et incongrue. A part ça, on se dit quoi ? Du sens et de la simplicité. Flema, flegme en espagnol. Si deux personnes agissent comme une seule, leur force peut bien briser le fer. Mais jy touille, vous flottez bien quelque chose ? une cloque de zoulou, deux doigts de loto ? Le sens naît de leur rapprochement comme léclair du choc électrique des nuages. Mots visibles, tels des points de repères dans létendue, avec leur signification à la fois ponctuelle et tourbillonnante. Nous ne sommes personne et rien nest arrivé. Merci, avec grand soleil.
La mémoire est une interrogation perpétuelle sur soi-même. Ce quon laisse tomber, ce quon retient. Les villes, les visages, la répétition du temps, du travail, des amitiés, des chambres. Les blocs brusques de ces articles du matin ou du soir. Cest selon. Le soir souvent. Avant la dernière limite. La frontière infranchissable. Entre jour et nuit. Ni ses éclats, mais ce qui en serait plutôt le bruit diffus. Dans le train, ce soir, lexpression des visages. Se débarrasser de lombre. Prendre ce risque. Chacun sort son livre pour ne plus avoir à parler. Je fais front. Je regarde alentour, sans gêne pour une fois. Je pense aux filles qui rentrent de voyage. A la maison déjà. Je suis avec elles. Quelques gouttes de pluie pour les accueillir. Tu réclamais le soir, il descend, le voici.
Sans aucune hiérarchie sont ainsi mélangés des objets trouvés, des images de la culture populaire et des médias, des références aux chefs-doeuvre de lhistoire de lart et à la mythologie et des éléments plus strictement typographiques. Oui, je crois quil y a ce paradoxe dans le film même. À la fois, le temps est fragmenté, puisquon est face à des extraits, à des fragments, mais dun autre côté, par ces liens quil fait de ces récurrences des mêmes gestes stéréotypés, des mêmes comportements stéréotypés, il installe un type de continuité. Mais finalement, cette continuité, cest le stéréotype. Pour la fascination, je crois que cest à la fois sa fascination et sa prise de distance, que les deux sont là en même temps. Là, peut-être que la répétition casse ce lien, ce lien mémoriel, cette espèce de retour nostalgique dune image passée. Au bout dun moment, on est sensible à cet étirement du temps, à cette construction, et on oublie le fait quon a déjà vu ces images. Un tableau ressemble davantage au monde réel sil est réalisé avec des éléments du monde réel. Dans la salle, tous les commentaires sont négatifs, harassés, pressés, anxieux, agacés. Cest surprenant. Trouver un équilibre entre les exigences souvent contradictoires de la vie et de lart, dans le but douvrir les yeux du public à son environnement réel et au phénomène artistique. Dehors des centaines de badauds hilares applaudissent à tout rompre un pâle magicien. Difficile parfois de voir le réel en face.
Rendez-vous était pris auprès dun allergologue. Jirais bien la voir. Dans laprès-midi, les allées pavés disjoints, les filles vivaces sautillent devant nous en chantant tue-tête, à chacune de leurs enjambées, lair de rien. En retrait, regard à distance, le soleil vous aveugle dans les yeux derrière les branches des arbres, leurs feuilles rouges flamboyantes. Le milieu herbu, couvert de gazon et vers louest aussi ensoleillé, toujours de quelques arbustes pointé de gris. Changement de place pour la grande joie des enfants, toboggan, descente en couple, main dans la main et une promenade, sil ne sétait mis pleuvoir. Parenthèse assise très quelconque quon transporte décidément toujours avec soi. Retour du soleil donc, donc et jeu des statues avec la frilosité du fruit pulpeux quon épluche. Eh papa, attends papa, cest pas là quon va, cest un autre jour.
Curieuse collision temporelle. Quelque chose me dit que. Ici plus quailleurs. En retard, vite, vite, il est temps de partir, brosse à dents en mettant ses chaussures, attends, attends. Les filles trépignent sur le seuil de lappartement, la porte entrebâillée, prête à partir, un, deux, trois. Il suffit de jouer avec les choses telles quelles existent. Nous sortons, nous marchons, nous pressons le pas. Enonciation dune phrase dont la clausule est : ticket. Présentation du terme précédent glissé entre deux doigts. Résonance des pas sur un parquet, avant de se rendre compte du changement dhoraire. Remonter le temps. La grande aiguille, lui faire faire un tour sur elle-même et se retourner sur soi. Oublié. La dictature de linstant et la multiplicité des supports. Mais aussi. Nous sommes en rumeur permanente et ça ne sentend pas.
La saveur dun moment banal, un tour de manège à distance, savoir les garder sans monter dessus, simplement le regarder tourner, tourner, boire un café très bon, merci, je suis sincère, manger une glace, et les parents hystériques qui mitraillent de flashs aveuglants, de soins protecteurs, leur bruyante progéniture sur le dos danimaux préhistoriques, rendus plus amers que des défaites par le souvenir glorieux du passé. Tout le monde veut sinscrire sur limage grandeur nature, devenir tour à tour élégante fée, oiseau magique, les ailes dun papillon en fond, dune libellule ou dun phasme (qui veut dire fantôme) en gros plan technicolor, laisser une trace même fugace de son corps dans limage. Dans linstant. Jeux de miroirs, fascinantes correspondances de formes, de couleurs, de matières, de structures entre le monde animal et le monde végétal, daprès le communiqué de presse. Rêver le soulagement dirrémédiables infortunes. Travail exigeant de la lumière et de la qualité du détail qui, par la magie de lagrandissement, donne à chaque espèce, isolée de son contexte, une troublante beauté. Et toujours le goût de ce café dans la bouche. Le repos. A lécart, dans ce petit recoin. Cet instant parenthèse.
Aux images du réel succèdent celles de la fiction : leurres et mise en scènes mettent en évidence la photographie hantée par dautres univers esthétiques, tels que le théâtre, le cinéma et la littérature. Je sais, lun des principaux reproches que lon me fasse, que lon me fait, cest encore ce don dobservation quil faut bien quon observe en moi pour le constater, pour men tenir rigueur. Le petit garçon se baisse, le voilà tête au sol. Je suis comme lui. Sa mère lui affirme quil fait beau et il ne la croit pas. Derrière les vitres teintées du Musée on a limpression contraire. Il reste à terre et observe. Je ne me serais pas cru observateur, vraiment. Quelle peut être la part de mise en scène dans ce que nous voyons et ce que nous croyons voir ? Derrière la paroi vitrée, les SDF font la sieste. Leur chien aboi. Le public applaudit au spectacle du comique en contrebas. Jaime à me laisser traverser par les vents et la pluie : le hasard, voilà toute mon expérience. Que le monde mest donné, ce nest pas mon sentiment. Ce sont des limites intérieurs de moi-même, des vues idéales que jai de mes lois, de mes façons de penser, et je veux bien être pendu si ce passage est autre chose quune méthode pour maffranchir de certaines contraintes, un moyen daccéder au-delà de mes forces à un domaine encore interdit. Revenir en arrière, la veille. Enfin le temps des lectures et des inévitables brouillages de sens quelles entraînent
NOVEMBRE
Son ombre sur les nuages et les névés de la toile tendue, ce regard qui me transperce. Ce quen vérité je cherche en lui, cest elle. La main peut encore rêver de ce geste. Le rythme, lharmonie et les images. Sur la clôture en fil de fer qui traverse les broussailles. Du jardin, sous une lumière automnale, cette soudaine et saisissante sensation de froid. La certitude que derrière ces fenêtres il ne se passait rien. Pourtant le pas pressé de plusieurs hommes remontant le trottoir à vive allure attire lattention, un homme qui sagenouille - abasourdi on dirait - dans lespace réduit entre deux voitures garées de lautre côté du boulevard, un jeune homme qui se porte sa hauteur lair inquiet. Ces images que je suis seul à voir dans lindifférence générale. La tentation de contempler amoureusement lentrelacs du revers qui, chaque point qui me rapprochait du but, devenait plus embrouillé. Un échange rigoureux entre laction et lécriture.
La lumière du jour, évolutive, impose déjà un climat. Pouvoir recommencer ce qui ne se recommence pas. Ce que le jour tire en profondeur du corps, maintenant la chose vide, là sur la rive, juste où la rive rejoint le ciel. Les variantes sont nombreuses. Reprendre et recommencer et ressaisir. Cest le moment où leffet produit par la lumière se superpose à la vision que lon avait de la scène. Tu entends les positions salterner. Il doit le plus possible coïncider. A présent dors dans ma main, mes mains en coupe. Là, cest une affaire dimpressions et de sensations. On ne peut redonner forme à ce quon a mis en pièces. Quand tu téveilles, tu ne peux situer la chambre, et tu penses à toutes les chambres que tu as connues et ce nest pas cette chambre. Cest aussi le moment où les choses se compliquent un peu.
Toute maladie nest quun mal à dire. Une chronique à tenir tant bien que mal. Encore un jour. Qui tient en peu de mots. Ce qui simprime le mieux, ce sont les nuages. Je naborde jamais cette rue du bon côté, doù lon descend, à pied en métro ou en bus, rien ne va plus. Il pleut. Grisaille des trottoirs, tous les passants mettent leurs pieds dans leau. La flaque. Bataille de parapluie. Têtes baissées. Comment dîtes-vous ? Vos petits paragraphes trapus et quotidiens. Cest du sport, je suis un hyperactif cest vrai, en même temps de la fumée tout ça, larbre que cache la forêt, pas de doute, sans feu. Qui dit mieux ? Remettre à plus tard cette confrontation avec lautre. Et dans ce travail, faire feu de tout bois. Et fi des incertitudes. Je tiens. Je perds si... Et je signe. Encore une nuit.
Dans cette lumière incroyable. Tout ce qui se détourne éclate. Un verre de vin réfracte la lumière du crépuscule, de sorte quune douche de rouge arrose la main et procède vers le poignet. Agile, ça veut dire quoi déjà ? On juge plus aisément des variations chromatiques indésirables sur un visage. Reconnais-le partout. Pour une fraction de minute, un visage qui passe. On lappelait familièrement Lili. La fatigue dune nuit harassée de rêves laborieux sefface peu à peu. Dans le flot de la conversation, les sourires des enfants, les souvenirs communs. Ressaisir ce qui déjà na plus de mémoire, reprendre ce qui ne peut se reprendre. Ce nest plus quun jeu de mots illustrés. Une lumière de situation tout au plus, avec la douceur qui lui était habituelle quand elle avait un pardon à obtenir. Et une fois, une fois, une fois le pouvoir de la lumière, de casser, de tacher et noyer. Nous allons faire une Lili.
La liste des choses à faire sallonge et si peu de lignes quon rature, si difficile de continuer dès lors. Quelque chose qui se creuse, un mot, cavatine. Ce sont des musiques qui ne vont nulle part, des musiques non directionnelles. Si entendre la cavatine suffisait, le temps de ses notes, pour se sentir à fond, légitime. Ce qui creuse, je nai pas le sentiment dallonger les textes, mes ajouts, vers un ailleurs hypothétique, mes ajouts sont des parenthèses qui souvrent, entre guillemets. Le sujet fait du surplace. Le texte fait du surplace. Le texte a un désir de creuser la présence et dans une certaine mesure de la vider. Sil est une chose dont je sois sûr, là où maintenant je suis, mais dont jignore le nom, détresse, chaos, gestation. Chemins qui ne mènent nulle part, entre deux prés, que lon dirait avec art de leur but détourné, chemins qui souvent nont devant eux rien dautre en face que le pur espace et la saison. Javance masqué en aveugle. Le pas dans son vrai lieu.
La désuétude ayant décidé de hausser le ton, on pose une question pleine de bravoure. Labandon intime nest pas labandon dans la forme. Quest-ce que vous dîtes ? La multiplicité des intentions est devant nous. Un sourire dans la voix. Je regarde dun il, une de ces émissions quon appelle de variétés, le nom est bien mal choisi, monotone et répétitif. Comme nous aurions quand même pu reprendre contact plus tôt. Journée resplendissante. Bien que lhiver puisse partout se répandre avec un tel silence et une telle ombre, nul ne peut commencer à deviner. Vous attirez les convoitises. Vous tendez des pièges. Certains sy engouffrent. Variations saisonnières et variantes textuelles qui rappellent lincroyable « variété des choses humaines. » Fluctuations, mutations, diversité et devenir, définissent en effet lhumanité. Afin quil ny soit rien changé : ne varietur.
Elle sest approche de moi, lentement, pour me poser une question. Nous évoquons la soirée de demain, et très vite elle sexcuse, je sens le poids de son corps devenir lourd, saffaler au sol, mastic son imperméable. Un temps, rester droit, dessiner en creux la forme de son corps, évanoui, envolé, de lair, avant de tomber par terre avec un bruit mat. Son corps, plus quun bout de chiffon froissé. Ses yeux embués de larmes, mais toujours aussi décidée, jamais je ne te quitterai, et le regard tourné vers le ciel, stoïquement retenues. Je me frotte les mains pour me donner une constance, en même temps ce que je lui dis pour lui remonter les bretelles du moral, assez juste dans lensemble. Mais ce geste, je fais tout pour leffacer de ma mémoire. Longtemps après comme un membre quon ampute, la douleur est encore là.
Ecrire jusquau moment où le bonheur décrire vous fait douter de votre propre malheur. Je ne reparlerai plus de tout cela. Point final. Atroce farce de donner tout pour rien. Dormir éveillé, un sommeil qui vous met hors datteinte et redonne aux objets leur véritable sens. De toute chose visible il existe une copie invisible. Une fois passés par le filtre, les événements sont transformés en simples informations dénuées de toute charge émotionnelle. Un jour, je me dis quelquefois. Mais je me sens trop vieux, et trop loin, pour pouvoir former de nouvelles habitudes. Et cest ainsi quon les perçoit. Regard sur ce qui se finit, un temps comme une trêve, un temps où tout redevient possible, avant de se faire avaler tout cru par le flot et revenir à ne plus avoir le temps. Bon, ça ne finira donc jamais. Je le demande aux mots qui restent : sommeil, réveil, soir, matin. ils ne savent rien dire.
Pauvres cendres de conséquence. Lindifférence dissout le langage, brouille les signes. Lautomne ne peut prétendre non plus à la première place : il sent trop le roussi. Je timaginais, tu vivais en moi. Soudain tu parais, je mapproche, je te vois. Nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes reconnus. Quand toi et moi nous ne nous étions jamais vus Comme si le hasard guidait nos pas. Me menait vers toi, te conduisait vers moi. Les filles à nos côtés regardent fascinés. Alice, qui a déjà vu le film, décrit chaque scène à sa soeur. Regarde, là il va oublier son sac. Regarde, il sort, il est parti, elle arrive. Regarde, il revient juste quand elle sort. Regarde, regarde, ça y est, il est parti. Elle nen revient pas. Ses yeux brillent. Elle se lève et danse bras levés en lair tournoyants. Sa démarche ressemble aux souvenirs denfant qui trottent dans ma tête et dansent en rêvant. Sur son front, ses cheveux sont de lor en bataille que le vent de la mer et le soleil chamaillent. Pauvres cendres de conséquence. Chassé-croisé de destins entre le passé, le présent et lavenir, comme elles, me faisait rêver, enfant.
Le bon côté de lobjectif : ravir la vie. Grandes comme des mains denfants. A laide de mots soigneusement choisis. Loin dêtre rectiligne. Un parcours dautant plus singulier quil débute par une reconnaissance. Des pleins et des déliés, des plaies et des bosses, des coups déclat et des silences, des présences et des disparitions momentanées. Elle se regarde dans le miroir et joue un rendez-vous imaginaire avec un homme lointain, inaccessible, mais surprise par lintrusion inattendue dun ami, sinterrompt brusquement, sans mentir, quand il lui demande ce quelle faisait à son entrée, elle ne peut que lui répondre quelle était en train de se masturber et quil vient de linterrompre. On lespère vraiment, pour leur bonheur. Cette évocation des peurs est accompagnée dun sourire rayonnant qui contredit la teneur ombrageuse des propos. Une forme de politesse. Ceux qui dialoguent avec moi mévitent une des pires choses : se regarder soi-même. Le mot peur revient souvent sur ses lèvres. Pour évoquer ses propres empêchements.
Nous allons pouvoir commencer si vous le voulez bien. Tout le monde nest pas encore arrivé mais le temps est compté, lheure tourne, il faut commencer. Qui veut parler ? Jai le conducteur sous les yeux. Quen pensez-vous ? Jentends leur voix, chacun sa hauteur, son timbre particulier. Trois femmes, un homme. Chacun parle à tour de rôle. Drôle de tour, des voix qui sentremêlent parfois, mais sans cacophonie, dès que le ton monte on ne sentend plus et lon sarrête. Zigzags célestes et arabesques complexes. Les suprématies du bruit blanc. Seul mon souffle. Sonnette dentrée. Un nouveau venu. Nouvelle présentation. Sa voix posée, chaleureuse. Son discours clair et construit. Il pose les bonnes questions. Je reste sans voix. La volte-face de ça. Equilibre impeccable entre rage et égalité. je ne sais plus quoi dire. Nous allons devoir nous quitter. Merci à tous. Et chacun de saluer comme au spectacle. Au revoir. Chacun son tour. Avant de raccrocher le combiné.
Les syllabes senfilent sonnées delles-mêmes. Depuis si longtemps, depuis presque toujours. Il y a quelquun qui regarde ses mains à travers une loupe. Il y a quelque chose qui fait face. Le ciel mouvant sélargit dedans. Nous étions tous là et au bruit nous nous sommes tous tournés et il ny avait personne. Ca na pas de bord. La partie tendre qui fait la doublure dans le bras. Un mélange dépuisement et délan. Dans le flot de tentatives les échoués. Et dans celui-là un paysage qui commence. Le silence lissé et incapable de bouger. Les jours sans rien les jours où rien nest sorti. Et ce nétait pas toi. Gris maintenant et lécart. Soleil aveugle. Ce qui marche.
On a beau dire, mais se réveiller avec cette image est difficile. La voix dune femme que je ne connais pas, au téléphone, mannonce la mauvaise nouvelle. Des mots qui veulent faire un tour. La scène est si nette dans mon esprit, à peine si je tiens sur mes jambes, dans le noir de la chambre où javance à tâtons, au ralenti. Limpression de reprendre le fil(m). Jy suis, je voudrais être ailleurs, autrement, plus tôt. Dans la nuit. Navoir pas vécu ce que je viens de vivre, car même si cest passager, cest si insensé. Comment énoncer ce quon vient de vivre ? Les mots cachés de la bouche lorsquelle est fermée. Je narrive pas à en parler pourtant men séparer au plus vite est le mieux pour moi, oublier, tout effacer. En regardant ma fille en vie, vivante, souriante, espiègle, ce matin au petit-déjeuner. Elle ne dit rien, elle attend, elle ne brusque rien, elle est là, elle attend, elle ne dit rien. Jouvre les yeux et tout sefface, ce soir. Cest comme ça.
Je partis brusquement et sans prévenir. Un geste décisif. Ce quon na pas envie de regarder en face, suivre cette histoire dont on connaît la fin. Vague sentiment de déjà-vu. Cest à peine si. De la même façon, ce travail quon remet sans cesse à plus tard, en question, à suivre, au prochain. Dautres choses à faire, à la croisée des chemins. On change de direction au dernier moment, encore une fois. Toujours la même histoire. Courage suivons. On peut tenter de résister à ce flot, sen agacer, le trouver facile. Peut-être ne viendront-ils pas ? Ils devraient déjà être arrivés. On sait quil nen est rien. Pas la première fois. Mais les voilà déjà. Plus puissant, de par sa distance et son étrangeté, pour parler de leffacement des corps et du vide laissé par eux, comme une trace indélébile dans la vie des autres. Lidée au dernier moment, sur le vif, le tranchant de linstant. le dernier pour la route. A voir. Mais je nai rien vu.
Du temps et puis tout senchaîne, se déchaîne plutôt, plus tard, ce qui effet, limprévu en bande à part. Le courrier envoyé nest jamais arrivé car il nest jamais parti, introuvable, plus trace, disparu néant, façon puzzle. Tout à refaire et pas lenvie. Le rendez-vous je ne suis pas là, pas disponible ma parole pourtant jy vais. Ce pot de départ comment sy soustraire ? Douze ans déjà. Et ce projet dans lequel on se lance sans en avoir le temps, course contre la montre, au dernier moment, cest toujours pareil, clôture des envois : 13 novembre 2005 minuit. Je pars demain pour la Champagne. Trop tard. Dommage. Toutes ces sollicitations extérieures, pour mieux ne rien faire. Et la crampe à la main.
Il fait froid. Je remonte dans la ville, les grands boulevards très éclairés, le monde, les vitrines, mon corps marche, mon corps voit, mon corps sent. Loin / loin. Toujours à létat de promesse, de chimère, deffluve en voie dévaporation dans un flacon déjà presque vide. De plus en plus aux effets de surface. La pulsion scopique, le désir nécrophile, les rouages, les secrets sales. Une poésie faite non pas de mots, mais de plans, déclats de réel couchés sur la pellicule. Une pensée structurée sur des émotions contradictoires. Il me faut du temps pour arriver à sortir mes mots à moi. Trouver sa propre langue, en somme. Un défi aux confins des rêves, des choses manquées et de la sauvagerie. Comme quand on est en train de sendormir et quon se réveille à moitié dans une secousse, ayant limpression davoir raté une marche. Je ne suis pas seul. Individuel. Fatigué. Je vais partir.
Un moment suspendu. Deux policiers nous font signe de nous arrêter, un camion de pompiers barre la route. Dans le renfoncement dune placette, têtes tournées dans la même direction, un monument quon ne voit pas mais quon devine derrière limmeuble, la foule fait front. Hisser les couleurs. Fanfare et compagnie. Policiers, pompiers, militaires au garde, lair martial. Jouvre la fenêtre de la voiture pour enregistrer cet instant, douceur de lair légèrement humide. Une jeune fille lit son discours. De là où nous sommes, on nentend que la douceur de sa voix. Un filet. Un téléphone sonne. Une femme sisole de notre côté. Tu exagères, mappeler pendant que ta soeur fait son discours. Puis raccroche en faisant claquer son téléphone dun geste nerveux, dun haussement dépaules. Enfin nous redémarrons. Jusquà la transparence des filigranes.
Parfois je magace, il est vrai, du manque de franchise, du simulacre de propriété, qui masque avec difficulté la banalité dune répétition. Dans sa pulsion de captation, lécoute policière implique toujours lavance ou le retard, au regard du visible : elle soriente vers lindice de ce qui, pour loeil, nest pas encore ou déjà plus là. La phrase complète dit : « Tu es là où sont tes pensées. » En ce sens, elle est structurellement défectueuse (cest pourquoi, dailleurs, elle semble appeler à linfini son appareillage prothétique). Donner une carotte au lecteur ? Mais si lesprit vagabonde ailleurs, cest là quon se trouve ? La tolérance nest pas une concession que je fais à lautre, elle est la reconnaissance de principe quune partie de la vérité méchappe. Les explications finissent par trouver leur limite. la phrase retient mon attention. Le nom de lauteur ny est pour rien. Je préfère locculter. Pourquoi nessaierait-on pas des tons pleins ?
Tout lautomne, la fin nest plus quune tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. On entre sans trop savoir si cest ouvert ou non. Un groupe est là, déjà là, assis autour dune table au plateau transparent, des verres à Champagne encore vides, plusieurs bouteilles sur la table. Les regards sur nous - vous êtes clients ? - la porte se referme dans notre dos et lon sasseoit finalement. Inédite séance de dégustation. Pas ce que lon attendait. Pris à contre-pieds, tant mieux. Pas de fermentation, de création dalcool : il faut attendre jusquau printemps leffet dune application de compresse sur une jambe de bois. Avant de reprendre la route sous la pluie.
Faire du code. Cest une drôle dexpression de François Bon. Je narrive pas à retrouver le texte original. A chaque fois la même chose. Ces moments, dominicaux généralement, où lon nest bon quà ça, comme disait Beckett à propos de lécriture. Les menus gestes répétés. Là, cest le code et ses abréviations barbares, ces raccourcis ravageurs. Expérimenter, bidouiller, chercher à comprendre, de lintérieur, les mécanismes mystérieux du fonctionnement dun logiciel par exemple. Des lignes de code. Des procédures à répéter des dizaines de fois avant de comprendre enfin. Des essais infructueux, tant quon na pas suivi, à la règle, le mode demploi quil a fallu trouver, dénicher. Et parfois on veut y revenir, pour confirmation. Impossible de le retrouver. On ne se souvient plus du chemin. Tout à refaire alors. Et toute la journée ainsi, caché derrière lécran, sentir de loin, lhumidité extérieur gagner peu à peu du terrain, le froid nous envahir, les feuilles quun léger frimas fait tomber des arbres. Et la nuit qui tombe elle aussi plus, mais vite que dhabitude. Une journée laborieuse.
Travailler les jaunes doeufs avec le sucre en pommade. Des yeux qui font baisser les miens. Un rire qui se perd sur sa bouche. Ajouter la poudre rose, les amandes, le beurre légèrement fondu. Voilà le portrait sans retouche. Travailler le tout au moins cinq minutes pour obtenir une pommade et ajouter les blancs en neige ferme. Il me parle tout bas. Des mots de tous les jours, et ça me fait quelque chose. Une part de bonheur dont je connais la cause. Mon cur qui bat. Mélanger délicatement le tout. Un grand bonheur qui prend sa place. Des ennuis, des chagrins seffacent. Disposer dans un moule rond. Cuire à feu doux. Heureux, heureux en mourir.
On peut se demander, parfois, quel rapport la grammaire entretient avec la psychologie. Je naime pas dire non à quelquun. La mode, en effet, du moins jusquà une date récente, tandis que les modes demploi, de transport ou daction inclineraient naturellement au départ. Venir dailleurs et il est parti dici, dailleurs, il est venu, et parti. Se changer souvent pour ne jamais bouger. Tout sur place. Il y a quelque chose détrange et même paradoxale à dire quil faut quil y ait un concept qui doit avoir une explication mais qui ne serait pourtant susceptible daucune explication. Parfois désignée par les termes « nous » ou « notre ». Je ne mets pas de sucre dans mon café. Quand je pense trop, jai mal au ventre. Pour ne pas être déçu du manque de réponse. Il faut donc rester vigilant. Ouvrir loeil et le ton. Cest le dernier cri.
Mon amour, jai limpression davoir laissé tellement de mots en suspens. Je sais que tu as raison parfois, de dire que lon ne doit pas justifier notre souffrance, se gargariser de phrases toutes faites, mais cela nempêche que jai besoin de le dire, je veux une reconnaissance de cette douleur et je nai plus que toi à qui le dire, parfois même à convaincre. Jamais dans cette quête je ne mets tes maux de côtés, tu as trouvé la force de lutter, avec tes moyens et je trouve cela merveilleux même si cela devient pesant, absorbé que tu es dans cette tâche. Je me laisse submerger par mille autres choses, javance peut-être un peu, mais jai aussi envie de me laisser aller, de souffler, de pleurer, de laisser physiquement les choses séchapper, me délester, cela mévite de tomber malade ! Cest un peu pour rire, mais peut-être as-tu un ou deux mots qui sont restés coincés dans la gorge ? Parfois je nose même plus técrire car tu imagines toujours que je te provoque, ou que je te demande une explication, écrire, cest juste une autre manière de te parler, dêtre avec toi, de taimer. Caroline
La ville, espace de vacance, de mouvement, de découverte ou deffroi. Dune vérité qui, bien quinfiniment problématique et en raison de son irréductibilité, renvoie toutes nos facultés à leur fond de merveilleux. Et merci à la votre. Au coeur de la pérennité de la matière dont lérosion nest visible quen détails. Mais il y a aussi, dans ce rapport, quelque chose qui refuse de se laisser contraindre par lesprit. Je nentends pas, par merveilleux, une échappée vers lailleurs. Dailleurs je nentends rien, que dis-tu ? Dans un mouvement alterné de parole et de silence, une joie et une peur. Viscéralement opposé à toute tentative denfermement. Je sors. Retrouvaille à lair pur. Le vent me gifle de son air distant et jaime ça. Nerfs tendus, mains crispées, ou soudain relâchés dans leffort, abandonnés à léclat dune beauté évidente. Quelque chose se refuse à trancher, à détruire, pour laisser béante la parole, et à jeter au loin ses yeux pour lempêcher de voir. Grains de poussière, salpêtre ou béton, les caniveaux charrient leurs déchets et les restes dhumanité qui dorment sur les trottoirs. Etrange somme, oui quainsi cela fait en soi, ce noir épais que la tête serre.
On ne le conçoit pas : on ny arrive pas. En rase campagne, il monte dans un bus, les yeux baissés sur sa console, distrait, ailleurs. Pour expliquer le maniement dun fusil, on peut faire un poème ou un tract. Au niveau des textes, nous avons fait un effort décriture. Le bus avance peine, flou dimages tremblantes en fondu enchaîné derrière la vitre, et toujours tête baisse. Les portes souvrent il descend en pleine ville et rase les murs. Droit devant. Tout va bien. Seul au monde. En tant que lecteurs de cette photo, que dire ? Démuni. Libre, le premier mot qui vient assassin. En gros titre dans la presse. Cette pesanteur des mots. Je me suis aperçu que si je navais pas de voisin, je ne pouvais plus rien dire.
Mercredi 23 novembre 2005
On a limpression davoir tout vécu, et puis rien du tout. Cela parut éternel de pas de version entre un jour lev plein despoir, mais on sen fout, avec les vents dest, le temps redevient plus froid et plus sec. Le soleil et le ciel dazur. Une question puis sa réponse afin de vous permettre de retrouver votre mot de passe si vous loubliez. Mesdames, messieurs, le temps qui mest imparti touche sa femme, mais dans un prochain chapitre nous chercherons les bonnes raisons dattaquer la Seine-et-Marne.
A cette époque-là, même si on va voir que ça vient très vite, je me figurais encore que cétait au moyen de paroles quon apprend aux autres la vérité de son récit fondateur et récuse les autres en disant quils sont évidemment faux. On dirait les enfants dune cour de récréation. A qui crie le plus fort, se disperse le plus. Quelquefois son imagination ardente lui cachait les choses, depuis tant dannées ce qui est en soi une bien étrange coïncidence. Mais jamais avec elle il ny avait de ces illusions volontaires que donne la lâcheté. Les lettres que je venais dy tracer nétaient pas encore sèches et déjà elles ne mappartenaient plus. Bref, je menfuis et jure de ne jamais revenir. Si je parle, jaurai lair dun mauvais comédien ; je ne vaux réellement quelque chose que dans de certains moments. Je me répète. Oubli de soi ou mégalomanie. On sent dans ma voix une sorte dexaltation qui me motive. Pour rien, par défi, pour faire apparaître sur le cuir tanné le rose absurde dune éraflure : pour jouer avec labsurdité du monde.
Un rideau de pluie blanc, sous nos yeux comme se recouvriront peu à peu dun voile, dune peau sur le cristallin. Chagrin. Avant le grand fondu au blanc. Formule creuse. A creuser. Encore et. Comme une galerie souterraine en rebouchant la tranchée derrière soi. Un chemin qui ne mène nulle part. Ses pas dans les siens. Pas un mot, que du corps, de la présence réelle dans le temps circonscrit du spectacle de la chute, feuilles au sol, tissu glissant, saisie dans un rapport étroit, mais pas forcément cohérent ni logique, avec limage qui la capte, coupe-la hop ah là, là, le son qui lui fait écho, jaune orange humide marron glacée, et les lumières qui le révèlent. Et qui me relève ? Une approche qui très vite appelle détonnantes perspectives. Il choisit Bric à brac. Je danse donc je suis. Je souris avant de reconnaître dans les traits de la chanteuse, la jeune femme qui sest trompée de train ce matin. Avec ses cuissardes sur ses collants et sa jupette noirs. Et son coup de fil, larmes aux yeux. Il sagit ici de jouer, presque nonchalamment, avec les limites des sentiments, comme on joue avec les limites de lespace et du temps. Maintenant que vous lavez, gardez-le ! Je connais tout du désir, et cætera. Bric à brac. Je danse donc je suis. Ce soir jai choisi. Tout est à refaire. Fuir. Tout nouveau tout beau. Te rendre doux. Si tout est fini. lamour et moi. Loin dici. Bric à brac. Il faut trouver le recul, le biais, le regard. Lart du contrechamp.
Bégayer dans sa propre lent langue pour la la laffaire la faire sonner comme une lent langue hé hé étrangère, youre gonna have to trust me, petite musique visuelle et sonore, ritournelle déconstruction très ordonnée comme par soi-même, laction zapping mondialité et retour sur soi, lhomme face à de multiples expériences du quotidien (je me suis dit que la chose la plus terrible qui puisse marriver serait de nêtre jamais autorisé à dormir), sourire, pause, il reprend. Ce que je regarde, me regarde, les autres comme monde possible, never for ever, notamment des bruits domestiques, concassés, diffractés par-dessus bord.
Comment tamiser la distance entre nous et labsence pour trouver à la fin notre présence ? On me rapporte lanecdote. A lévocation de ce lointain souvenir, Alice senflamme et le répète. Tu nes pas méchant, tu es sévère. Sévère ? Cest vert. Cest véritable. Ranger ces verres. Cest verticale. Tout communique avec quelque chose. Mais nallons pas soulever une interminable discussion en allant ainsi dun point à lautre. « Ces deux mots anglais, dans sa bouche, mont surpris. Il agitait le bras. Le train sébranlait. Il sest aperçu brusquement que nous avions oublié une de mes valises, de forme circulaire, près du banc. Il ny a pas dimages ? Avec quoi communiquent les images qui démantèlent les rêves ? Avec quoi communique celui qui joue seul avec concentration ? A la fin il sest arrêté, haletant, et ma fait un grand geste dimpuissance. Il se tenait très droit sous les lumières du quai. On aurait dit une sentinelle qui rapetissait, rapetissait. Tout est médiation car ce qui est direct détruit. Et même si tu pouvais ne rien faire, quelquun serait en train de mourir. En osant prendre tous les risques face au mystère, avec pour seul instrument « la subtilité combinatoire » des transparences et des mots.
Une perturbation neigeuse, alerte orange au bassin parisien, placé sous vigilance orange. Lalerte est par ailleurs maintenue sur le Nord. Cette chute qui interroge. Dire ses tournoiements et son silence, les rythmes de sa chute et lépaisseur de son immobilité, puis se laisser conduire rêver sur les traces de quelques passants... Premier épisode hivernal significatif de la saison qui nécessite une vigilance particulière dans la mesure où ce type dévénement est perturbant pour de nombreuses activités économiques. Lempreinte mélancolique laissée par Claude Debussy. Cest la musique qui génère le titre et non le contraire. Après le piano, les applaudissements. Le papier comme une peau. Toujours en filigrane. Des pas sur la neige. La recherche des sons, la priorité donne aux timbres et aux couleurs, les harmonies complexes, les rythmes, la variété et la fluidité des évocations sonores. Pas des pas perdus.
Si tu continues, tu vas finir à La Verrière... A force de torsions délivrées. Sensitif, nerveux, hystérique, il était un vrai impulsif, mais un faux brave ; même, comme je lavais toujours cru, et ce qui me le rendait assez sympathique, un faux méchant, et navait pas les réactions normales de lhomme dhonneur outragé. Pas dégal en matière dallégresse et détrangeté. Mais la ligne délicieuse et inachevée de celle-ci était lexact point de départ, lamorce inévitable de lignes invisibles en lesquelles loeil ne pouvait sempêcher de les prolonger, merveilleuses, engendrées autour de la femme comme le spectre dune figure idéale projetée sur les ténèbres. Douceur de lair, ciel bleu. Dans une circonstance si cruellement imprévue, ce grand discoureur ne sut que balbutier : « Quest-ce que cela veut dire ? quest-ce quil y a ? » On ne lentendait même pas. Sinstaller à la terrasse du café. Lever les yeux au ciel. La douceur du soleil sur le visage. Fermer les yeux. Et remettre la grammaire au coeur du programme.
Les deux, lune contre lautre. Dans cette opposition, les coudes serrés, riant de bon coeur, gorge déployée. Le ton monte, mais rien ny fait, ne dure quun instant, jentends déjà son petit rire tout serré, pressé de sortir, séchappant sous cap. Visage tourné vers le mur, les bras dans le dos. Cest plus fort quelles. Irrésistiblement. En même temps, sans cesse se disputant la place de lautre. Cherchant le regard, lattention, exigeant toute la lumière sur elle. Les deux, lune contre lautre. A la fois très complices et en même temps tout lopposé. Le chaud, le froid. Aujourdhui, très froid. Les pieds gelés. Dans le couloir, je les entends rentrer à la maison. Lune en pleurs, et lautre hilare.
Jexerce sur mes membres si peu dascendant que tout leur sang sécoule vers le sol. Comment elle trouve le temps dêtre là, tranquillement, disponible, entre deux trains, deux correspondances, deux pôles, à vous écouter, à vous raconter, à égrener le fil des occupations, des jours et des passions. Suivons des yeux les ligatures (frontières, sutures, limites). Observons espaces nus pour oublier que, désormais, nous navons plus dailes. Et qui aujourdhui encore est reconnue pour la perspicacité de ses choix. Nommer les choses, cest très important. Cest un il, une pensée flottante, ambulante, une pensée indépendante, vivante, que marquent profondément de brefs instants de la vie quotidienne, des flashs de tranches de vie, révélant une acuité, une sensibilité exacerbée. Ce nest pas la beauté quil sagit de rechercher, ni la perfection, mais une certaine adéquation avec la lumière, le vent, létat des lieux.
Jy pense, mais cest déjà trop tard, ce qui est dit est dit et je ne me rappelle plus de rien. Barbe de plusieurs jours, dépourvu dexpression, comme absent, absorbé dans cette espèce de morne concentration (ou application) qui est le signe de lextrême fatigue, le regard terne. Je voudrais noter ce quelle dit, comme à la volée, piqué au vif, catalogue de phrases burlesques ou cocasses, mais cest difficile, il faut rester concentré, vigilent, bien écouter tout ce quelle dit et noter minutieusement le moindre de ses mots. Comme si mes yeux eux-mêmes étaient sales, recouverts aussi dune taie de poussière. Nos paroles sont si fuyantes. Bribes arrachées au flux dune parole. Je suis finalement si peu à ses côtés. Tas vu ce quon va faire ? Je vais me coucher moi. Oui moi aussi, très vite, oui.
Etranger chez soi. Bien du mal à se faire entendre dans le brouhaha. Pessimiste pour être lucide, optimiste pour agir. Il y a eu un blanc. Il ma semblé que quelquun chuchotait derrière. Puis elle a répondu quelle me connaissait pas, et elle a raccroché. Appréhender le pire des scénarios dans le genre catastrophe. Un sondage dit quen banlieue les jeunes utilisent à peu près 400 mots de vocabulaire. Et lavenir risque de durer longtemps. Le turn-over, jaime pas ça. Jaime connaître mes gens, on se patine les uns aux autres avec le temps, les choses roulent toutes seules. Le travail est un plaisir. Glass ceiling : le plafond de verre est une construction subtile, faite de préjugés et renforcée par des défenses quon adopte soi-même pour sen protéger. Moins de biens, plus de lien. Cest la théorie du choc en retour, dont de nombreuses expériences ont montré la pertinence.
Le son, ce quil nous apprend, sa possible immersion, casque sur les oreilles, senfermer sur soi, sur son, sur son rythme à soi, son propre sens, suivre le battement de son coeur lécouter, sur sa tempe, à même la peau, sen battre les oreilles rougies. Mais quelle leçon en tirer ? La critique est aisée. Le même son en boucle, monté en ruban ribambelles, and now again slowly nowhere. Sa voix douce et chaude. Création et qui ignore si elle saura se jouer deux. Ra-len-ti-ssez les ca-den-ces !... Et maintenant encore nous ayant le plaisir dêtre lentement nulle part. Il y a cette étrange tentative de remettre du temps dans sa propre vie, de se doter dune épaisseur temporelle. Il nest que veine, il nest que veine, il nest que sang, il nest que sang, il nest que chair. Léon : le laisser reposer. Sa cuisine interne. Et donc une cible.
Vous cachez votre force sous une apparente fragilité. Vous dissuadez vos adversaires par un calme déroutant. Séquence... émotion. Parler de soi, cest la meilleure façon de se cacher. Le divertissement est un besoin vital. Le visage caché par un masque. De lécorce, du bois dont on fait les flûtes. Nous avons le droit à plusieurs vies. Larbre qui cache la forêt. Reste à faire passer le message. Le silence de son acceptation. Tu vas seulement dire ce que tu sais déjà et çà, nous le savons tous. Pour les revenez-y, vous repasserez. Tu finiras peut-être par dire quelque chose que tu ne savais pas toi-même que tu savais et que toi seul peux savoir, et cest ça qui peut, dans le meilleur des cas, avoir un certain intérêt. Chacun se nourrissant de lautre pour continuer à exister.
Elle reste seule avec lappareil, la boîte noire, dans la pièce sombre et froide, sa voix légèrement fébrile dans lespace un peu trop grand pour loccasion. Je ne peux que deviner. Je mabsente un moment le temps de lenregistrement. Elle sort de lauditorium, bruits de clés, la porte se referme sur elle, dans son dos un grand fracas métallique. Elle me parle sans sarrêter, madresse la parole sans même me regarder, infime décalage, car je lentends là et par la bande déjà, la source numérique. Plusieurs fois elle bute sur la même phrase, le même mot, un blanc, généalogie, est-ce un hasard ? Je ferme les yeux, son étonnante présence. Elle me parle, elle se parle. Dedans, jy coupe un autre texte à mots comptés, en filigrane, pas un de plus.
Prendre chaque petite chose pour une grande, leur monte à la tête quelles nont pas. Ligne et ligne comme. Un frisson dans la nuque comme un courant dair froid. Et bien avant que nexiste comme pousse sans égard. Des mots sont commencés et prononcés dedans, et commentés, tandis que je me rapproche de la lumière. Elle sépare aussi le rêve du réel, lencre du papier, le temps passé à la tracer du reste du temps. Cest une ligne vraiment toute simple. Impénétrables branchages laprès-midi, nous, nos peaux, les allées. Ce sont branchages dessus mains, doigts, dessus peaux qui font sentir la fraîcheur vivante. Jeffectue lesquisse suffisante à lévocation, lirréalisable du descriptif détaillé, tous les éléments naturels (accessoires) imposé. Etirer la matinée en une suite dobligations repoussées, jusquà la limite horaire du raisonnable, soit vers deux heures et demi. Peu à peu le jeu fait place aux préoccupations dun autre ordre, ne sorganisant plus seulement dans laire protégée, puis menacée, de la pièce réservée. Nous tournons les pages à limproviste.
DÉCEMBRE
Javance le long, jeffectue la courbe dans le virage permanent, prolonge la distance de la vue de la courbe, construit la nature du paysage, procure le sentiment de lavancée, donne le souvenir continuel dun matin bientôt tout en similaire, urbain euphorise le moment, sinon par des phrases quon trouve chez dautres. Quand je reviendrais le goudron aura coulé et lencre alors. Je sentirais sa chaleur à peine tempéré par le rouleau compresseur et ses incessants va-et-vient. Lillicite du trouble invoqué. Les entreprises ne fabriquent plus des produits, mais des souvenirs. La phrase trotte dans ma tête à son rythme entraînant. Tu sais bien, ce nest rien, le temps passe et ça revient. Comme si nous faisions défaut. Cest la capacité dattention des consommateurs plutôt que les matières premières qui devient une ressource rare. Lattention captée en réalité la fragilise et finit par lépuiser, tu zappes, je te comprends. Quest-ce quil y a ce soir à la télé ? Je marche à contresens dans le caniveau, pas de trottoir à cet endroit, sous léchangeur lautoroute au-dessus de ma tête, le pont vibre. Le système détruit lattention en la captant, et tend à engendrer de linattention, une distraction sans attrait. Un peu plus loin fondu enchaîné. Traîne de bruits, odeur de buis et de brume. Je suis ailleurs. Quand le réel se déroule comme il sera souvenu : il faut couper.
En se retournant sur ce quils aiment pour en prouver le souvenir, pour lavenir, une politesse de saison. Je souris dans le vide. En un certain ordre de lair passe, sous mon parapluie, isolé des autres et de la pluie, les gouttes applaudissent au spectacle de la rue, contre les nostalgie de moi-même. Cest merveilleux je taime. Et en vérité davantage encore. Du vide passe, du jour, à travers, avant mademoiselle nue. A la lettre comme au pied. La main glisse et le pied laisse sa trace vague sur la feuille humide. Je tangue sous le regard amusé des passants que je minvente. Disparition sécrit avec un e muet. Dans un film que je nai pas vu. Plus le temps passe plus je trouve le quotidien fascinant. Cest lidée dune perfection, ce scintillement. Un point de départ.
Langue, tu as traduit ce passage presque mot à mot. Lobstacle est la chance. Je comble les trous par la logique, relier les points entre eux, par les répétitions. Ces associations texte, son, image, sont potentiellement une combinaison, une production de temps, comme le cinéma et la musique produisent du temps, qui en fait un champ spécifique. Une part de son rapport au monde, cest un champ poétique comme un autre. Plaçons ici de la langue. Non pas : faire à partir de son incapacité mais delle, chose qui ne sera plus, mais pas moins quelle, un exemple de lincapacité. Il sagit moins de créer sa forme que de creuser dans sa forme le manque de sa forme, et dévacuer le moi comme une espèce retorse. Quand le vieux meurt et que le neuf hésite à naître. Cet instant-là de léger flottement. Sifflement à gauche aujourdhui plus fort que celui du frigo qui tourne à plein régime depuis quinze jours à droite. La bille glisse silencieuse, je nentends que les points. On ne sengage pas en précision pour retomber dans lapproximation.
Un rebondissement ? Ou bien - quoi ? On comprendra mieux la dualité du propos il me semble. Etrange comme les mots ne nous appartiennent pas, et même si ça paraît ridicule, prétentieux et tout. Mais pourtant mis ailleurs, sous la plume de quelquun dautre, ils me semblent arrachés, comme légers sursauts dabord, à peine perceptibles. Ca ne fait pas mal, mais sans majuscule au début, aussi, pour entretenir une ambiguïté. Aucunement. Cest juste un drôle de ressenti, labsence dincarnation entre deux guillemets... Quelques expressions sinversent, se répètent et changent force, dans ce ressassement inouï, le sens des phrases jusquau détournement. Je suis une sorte de tamis grossier qui permet décarter les choses vraiment irrecevables. Ambiance écoute ce quon te dit, écoute ce con, écoute et compte les coups, ce quils te coûtent, ce que tu dis, écoute un peu ce monde qui tentoure.
Près des feuilles sous la pluie, toute la journée battues de vent, leurs odeurs puantes gonflées fendues explosent leurs sucres, explose la goutte deau projetée en lair. Odeur de choses agonisantes, flamboyantes, odeur qui bouche le nez, qui monte au cerveau comme du coton mouillé, peux à peine respirer, néant, mort épaisse, sirupeuse. Il ny a pas au monde dinsolence plus vite punie que celle qui vous fait confier à un ami intime un amour passion. Débandade. Il sait, si ce que vous dites est vrai, que vous avez des plaisirs mille fois au-dessus des siens, et qui vous font mépriser les siens. Ne sommes-nous pas toujours trahis par ce que nous trouvons important ? Notre sérieux montre où se trouvent nos poids et dans quels cas nous en manquons. Au fond, je me trompais, la vérité touchant sa conduite était encore à élucider, sans tenir compte des apparences. On désire être compris parce quon désire être aimé, et on désire être aimé parce quon aime. La compréhension des autres est indifférente et leur amour importun. Un artiste stérile, précieux, ciseleur de riens.
Menus plaisirs dominicaux, après un bon repas entre amis la veille au soir, plat corse (cannellonis au bruccio et stufatu) et Saint-Émilion, Bordeaux-Bastia, match nul, éliminer les toxines, toujours le même parcours, le long du canal, le sol est humide légèrement glissant, entre les flaques et les amas de feuilles spongieux. Les jambes sont lourdes ce matin, les muscles tendus, mais le coeur léger. Lair est doux, lodeur automnal ravive des sensations enfouies trop longtemps. Je rentre à la maison, les filles sortent à peine du bain. Toujours récalcitrantes à se sécher et à shabiller prestement. Leur mère peste à juste titre. Le même rituel chaque week-end. Et lhiver, un plaisir supplémentaire. Je leur sèche les cheveux à tour de rôle, avec le vieux Moulinex orange de ma mère coiffeuse. Collector capillaire. Lair chaud entre mes doigts souples, leurs cheveux ondoient doucement tandis quelles lisent une histoire.
Un oiseau quitte la deuxième branche pour la troisième du même arbre. La pluie avait cessé de tomber, mais personne naurait pu dire où elle était allée ; il ne restait quune humidité ubiquiste rendue manifeste à la fois par le bruit sifflant des pneus et par lacuité porcine du cri perçant et haché des klaxons, ce qui était une torture pour loreille, et par lobscurité du jour, frémissant de froid, de tristesse, et daversion de lui-même, et par la nuance particulière du jaune des vitrines déjà illuminées, par les reflets et les réfractions, par les lumières liquides, par toute cette orgie maladive de lumière électrique. Elle reste assise car elle ignore les fantômes, le lierre grimpe dans son dos. Je pleure quand lautomate doit écrire et quil cherche sa main. Et si parfois je ne puis mempêcher de penser quelle est un peu devenue un rêve, cette investigation, se servant du patron de la réalité pour tisser ses propres fantaisies, je dois reconnaître que jai été bien inspiré. Larchitecte conçoit une prison pour ses songes, ne réussit pas au dernier moment à passer la porte.
Cela commence tout bêtement, une brindille. On décide de lever le pied, cest le week-end, pourtant un dernier dossier à terminer, on sy met dare-dare. Lurgence ? aucune, si ce nest létat dans lequel on est, et cette visibilité quon cherche. Y voir avant de se faire voir. Dur, dur. Y aller en tout cas, ne pas hésiter. Et puis il y a cette erreur sibylline. Supprimé par mégarde toutes les anciennes contributions. Toutes mes excuses aux personnes et à vous même. La situation est elle retournable ou sans issue ? Pas grave. Ce quon se dit. La solution est toute simple. Et sans lien si ce nest coince incidence, plus moyen de se connecter au site. On se sent un peu con certains samedis après-midi. Dixit Philippe Cou coup. « Heureusement quil nous reste la disparition. » Lexpression résonne étrangement tout à coup. Plus rien. En cache, je parviens à sauver lensemble des pages créées depuis deux ans. Tard dans la nuit. Ceci explique cela. Quoi ?
Saisissant contraste dune ville qui fête traditionnellement Noël avec ses fameux marchés de, toutes le places dévolues à ce commerce folklorique. Dans des cabanes en bois laquées de frais, pains dépice, Santa-Claus et vin chaud. Lodeur de cannelle chatouille mes narines. Les dialectes se mélangent. Il fait si doux, on sattendrait plutôt au grand nettoyage de printemps. Tout sortir pour montrer aux autres le tri quon fait chez soi. Une page quon tourne. Se réveiller en pleine nuit persuadée que voilà, cest lheure, le moment venu, se lever il est temps. Pas bien dormi, sommeil agité. On allume la télé pour lheure sans penser à la diode lumineuse verte sous le poste. On sort du lit pour y voir de plus près. Quatre heure du matin. Se rendormir, impossible. Juste fermer les yeux pour quils ne soient pas trop rouges. Ville si propre et si peu de poubelles. Après une courte averse, quelques gouttes de pluie, pour rester à labri de la magnifique cathédrale, avant de passer laprès-midi à chercher tous les points de vue possible, vaine recherche du meilleur. La richesse de léclairage la rend vivante comme un modèle qui pose, entouré de tant dattention, mais de si peu de regard. On attend que le téléphone sonne, dans la pénombre de la chambre, avec la seule satisfaction de ne pas sursauter quand il sonnera. La fatigue ne nous aide pas à y voir clair. On ferme les yeux, on soupire. On sursaute quand le téléphone sonne.
Lointain souvenir. Caprice ou mélancolie, fête de tout petits mots que me renvoie à aujourdhui, comme un lointain reflet, cette fatigue. Fébrile, tout mon corps tremble, de la tête au. Une feuille dautomne. Saccrocher au corps comme un pan de mur. Fragile. Je me sens faible. Le corps douloureux. Sieste dans labandon de laprès-midi. Pas mieux, je passe. Douceur du soir quand les gestes se glissent sous la peau et senfonce dans mes os. Jouvre les yeux pour my dissoudre. Demain est un autre jour. Il rencontre par hasard un amour de jeunesse, et la revoit encore une fois par hasard dans le désert, où il est parti sans sa femme quune blessure a contrainte de rester là a maison. Drôle de rêve, non ? Je ferme les yeux sur cette histoire inventée de toute pièce. Je vais me coucher.
Sénoncer clairement, pas si sûr. Dans le train, le rouleau de mes pensées rebattues. Oreilles sourdes et gorge sèche. Rien comme on a pu y penser. A côté. Le plan y était pourtant. Lu et relu. Il suffisait de le suivre. Sauf que non. Mauvais plan. Les idées fusent au mauvais moment. Difficile dinterrompre son interlocuteur. Pourtant il aurait fallu à mon tour. Je passe. Je sèche, memballe. On entend la passion et lidée plus du tout. Le tour est joué. Mauvais jour, mauvais joueur ? A mon corps défendant. Que faire ? Lenthousiasme passe dès lors pour un énervement, une humeur passagère. Limpression de parler une langue étrangère. Encore une fois. Mes interlocuteurs opinent du chef, mais qui assure au juste la traduction ? Jai peur des approximations, des raccourcis pour une fois. Il faut inventer un autre temps de parole. Ou alors lire son texte, un texte écrit pour. Moi, jai réfléchi à ces questions mais là, les arguments méchappent. Comme on raconte une histoire. Accompagner le public dans une promenade nonchalante, main dans la main. Je nai pas réussi. Tout est une histoire de langue. Et barrière à franchir.
Sous les draps toute la journée, à somnoler, pas dormir, par petites tranches, enviable dun certain point de vue. A choisir, non. Jassiste à la journée des filles le mercredi, dans la marge, depuis mon lit. Regard tronqué, de biais. Entre deux thés, une clémentine, un verre deau. Le moindre geste au ralenti et cette fièvre qui a ses sautes dhumeur. Jai chaud, jai froid, les tempes serrées, la gorge sèche, et limpression davoir valsé avec un demi de mêlés. Je narrive pas à penser. Je veux dormir ou regarder la télé. Ne rien faire. Ne rien dire. Ne rien prévoir.
Il y eut un moment parfait. Cétait précisément ce dont je ne pouvais, en aucune manière, massurer la jouissance et la possession, cétait quelque chose de comparable à la teinte des nuages et au parfum des fleurs. Au-delà de cette brève pause lumineuse. Je veux dire quon ne lit pas autant de récits de meurtres dans les journaux quon pourrait sy attendre. Cest drôle tout de même. Il faut un équipement vraiment particulier. Remettre les choses au point. Les pendules à lheure. Le temps tourne. Tout sera très calme au bout du compte. Peut-être parce quà force de haïr, les gens finissent pour ainsi dire à se stériliser, sémasculer en quelque sorte. Pouvoir durer encore un peu. Ce nest pas plus mal. Ni pour les autres, ni pour moi. Les choses vont je crois pouvoir durer encore un peu.
La tête, le point faible. La douleur monte progressivement de la nuque plutôt raide au montant de mon crâne. Les cheveux hérissés et drus, douloureux. Hier après-midi, en regardant un dessin animé avec les filles, les oiseaux chantent et dansent transparents, au-dessus de la tête du chat qui vient de recevoir un sale coup. Pour moi, cest pareil toute la journée. Des chevaux de pensées, fragments délités de songes insondables, débilités débitées à vitesse grand V, reprise et retour en arrière. Rewing à tour de bras. On revient sans cesse sur ce quon a vu dit, pensé, on croit que cest nécessaire, dur comme fer, la guérison au bout, délire fiévreux. On ressasse toute la nuit. Au matin rien na changé.
Vent qui souffle. Voix qui claquent. Plaques de polystyrène qui volent dans lair. Sans discussion, ni plus ni moins. Sur ses positions un temps indéfini. Claques et gifles sur leau de la Seine blanchie aux crêtes friselées. A la recherche dune situation lumineuse à instituer. Avec un léger mouvement derrance. Ecriture consternante cherche lecteur modérément crédule. Désormais diaphane de toute forme humaine. Mon rêve calme, calme comme des griffes. De dos, je ne vois que son dos, du bas de ses reins à la naissance de sa nuque. Elle porte une chemise blanche. Je la masse. Dabord, elle sursaute, frileuse, hésitante et timide. Cest un jeu. Les muscles de ses épaules tendus. Elle sourit, soupire, pour laisser échapper la tension. Sur des sourires à morsures. Mes mains glissent jusquau milieu du dos. La toile de sa chemise légèrement amidonnée. Léger écart avec la peau, double transparent. Au contact de mes doigts la caresse courbe de ses seins. Elle ne bouge pas. A peine, je la sens respirer à travers mon geste. Jabandonne le sens général. Limage ne répète pas.
La journée seul la maison, on tourne en rond, malgré tout le temps passe toujours aussi vite, même à ne rien faire, petit à petit lenvie revient de faire des choses, même si ce nest pas lenthousiasme des derniers temps, lhyperactivité des grands jours. Et finalement on est heureux de soccuper de ses filles à leur retour de lécole. Les devoirs dAlice. Les pronoms personnels. Je, tu, il, elle, on vous, nous, ils ou elles. Son cahier des règles nous aide à prendre un bon départ. Regarder ensemble un dessin animé, serrés les uns contre les autres. Ah bah vous êtes jolis tous les trois sur le canapé, lance Caroline en revenant du travail. Les pieds sur terre, un instant prendre le temps. Et la chaleur dune tendre complicité. Et tous ces messages de soutient qui vous réconfortent, bien mieux quun grog.
Images récurrentes. Si je suis sensible aux saisons comme un arbre ou comme une fille. Tu lavais atteint sans ten apercevoir, cétait une frontière. Un ascenseur auquel il manque la porte. On monte dans le vide au dernier étage, il faut ensuite sauter dans le vide pour atterrir sur le lit den face : une paillasse. Bien sûr on ny parvient pas. Finalement tu as fait le pas, tu as choisi de sauter. Accrocher les bras tendus mains et doigts crispés au retard du lit, jambes gesticulant dans le vide. Cétait aussi facile de sauter à pieds joints de lautre côté du raisonnable que de se déshabiller. Assieds-toi sur le bord, dans cette marge collante qui te retient captif, prisonnier de ses filets. Se réveiller. Voilà. Un ensemble plutôt joyeux plutôt matinal, insouciant. Une blonde sans visage. Reste donc, en silence, parvenu mais perdu, satisfait mais vaincu. Et je rends hommage à lévidence. La certitude du soleil pâle.
Force centrifuge de poésie, bascule des accidents. Qui ne dit mot quon sent. Mièvrerie est une faute rythmique : la hâte dans la description. Je croyais noter les rêves que je faisais. Le sens du rythme dans la peau, la balle sy loge en ligne directe. Il sest donné à fond pour écrire mes rêves. Permissions et autorisations créent des doutes, le vague (lindéterminé) et lévénement. La capacité négative. Un personnage de roman réel surgit. Que pouvais-je désormais attendre ? Une suite raisonnable et brûlante laisse apparaître une silhouette. Et linclination a lieu. Lespace vibre aux portes de cette voie royale quil me reste à parcourir, et le terrain des semaines aussi.
Les dix premières occurrences du mot froid. Documenter le réel avant lépiphanie quest le moment décriture, son intensité. Le choix des lieux, quils soient urbains ou ruraux, vient élargir la gamme des sons. La question de la vitesse : le travail décriture est une intensité. Désigner un monde loin, qui gronde. Quon lapproche, surgissent des images, des voix. Les syntaxes grandissent, appellent au récit. On vous conte une histoire. On chemine avec la voix. Toute poésie procède dune rapide vision des choses. Banane comme dhabitude par un b mais normalement par un n. A répéter plusieurs fois de suite afin de perdre son interlocuteur et en même temps lui rendre audible le piège dans lequel il est tombé. Question dhabitude. Avec un froid respectueux, des réponses courtes. La musique existe, non pas parce quil y a des gens pour lécrire mais des gens pour lécouter. En réalité, chacun met en uvre son corps, sa mémoire, sa sensibilité. Cest cet aspect qui mintéresse.
Le Presbytère na rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat. On sait les contradictions insolubles où lon tombe lorsquon traite lensemble de tous les ensembles comme un tout. Le presbytère sans le latin a perdu de son charme. Ce nest pas que la notion de tout soit dénuée de sens ; mais elle nest pas un ensemble et na pas de parties. Tempête dans un bénitier. Elle est plutôt ce qui empêche chaque ensemble, si grand soit-il, de fermer sur soi, et ce qui le force à se prolonger dans un ensemble plus grand. Le presbytère na toujours rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat.
Fluide et suffocant à la fois. Il ny a pas quune seule réalité. Sous la surface du monde où nous vivons demeurent plusieurs couches. Des images dont on ne saisit pas quel chaos tissé dinconscient les sous-tend. Présence sensuelle et puissance dincarnation. Au risque, sans cela, de sévanouir aussi vite quil est né. La digression comme réflexe de défense, lanecdote comme méthode de diversion et la boutade comme manoeuvre de repli. Sintéresser à la rouille, à la saleté, aux sons aléatoires, aux fantômes dans la machine. Vous savez écrire une phrase ? Ecrivez-en beaucoup et cest un livre. La dématérialisation des objets et des liens intimes, la solitude croissante due à lisolement informatique, laseptisation des relations virtuelles, le renversement des interactions qui se limitent de plus en plus à un jeu déchange épistolaire électronique. Un monde devenu intangible, instable.
Le train est plongé dans lobscurité. Mon café noir posé à même le sol sale du train, poussière et crachats, la tasse en carton plié froissé fuit de tous les côtés, on dirait du sang par terre quand il sèche. Flot de paroles de trois professeurs portant chapeaux, leurs voix, elles aussi portent loin. Des voyageurs se plaignent. Tollé général dans le train. Et la flaque de café qui sagrandit progressivement, tasse incontinente et qui non contente de couler nous enfume de son parfum tenace. La jeune femme rousse aux yeux bleus, assise juste en face de moi, son dossier Dada sur les genoux, me sourit gênée. Vous ne voulez pas le boire quand même ? Je vous prête un mouchoir si vous voulez ? Mais a fuit de tous les cotés. On dirait un mauvais rêve. Le train roule à vive allure désormais mais neffacent en rien les propos qui senveniment entre les bavards qui sécoutent parler et les lecteurs impénitents. Je souris à ma voisine. Mon café, je lui aurais bien donné. Ma tête contre son épaule. Je ne peins rien, je ne fais que signer. Cest écrit.
Tous les bords sont possibles, qui permettraient au monde davancer dans sa quête de lhygiène totale. Si bien que jen étais réduit au silence radio. Et le genre du texte non plus. Par exemple : construire une deuxième cuisine pour ne pas salir la première. De dupliquer à linfini jusquà ce quils deviennent translucides. La précision est alors loccasion linguistique dentendre et de faire entendre quil est vivement recommandé demployer une éponge vierge, là où lon pourrait spontanément être tenté demployer une éponge souillée. Rien nest jamais vraiment propre et net. Elle implique aussi quon le soupçonne spontanément coupable de ce travers. Une précision de cet ordre est dabord une redondance, un symptôme pathologique dune aversion pour ce qui est sale. Dans jours on en a gros de quelques. Quelques petits riens laissant lun ou lautre désemparés sans. Perdus, pour ne pas dire paumés. Toujours à plein temps et pour la vie. Comment on en est arrivé là ? Cest pas humain ces tâches répétitives vouées davance à léchec, puisquil faut toujours recommencer et que rien nest jamais vraiment propre et net.
Tous les éléments, pris nimporte où, peuvent faire lobjet de rapprochements nouveaux. Je reste debout parce quaujourdhui ça ne passe pas. Que lesprit se propose, même passagèrement, de tels motifs, je ne suis pas dhumeur à ladmettre. Mais si lon prend un peu de recul. Cest toujours mieux. Lexpérience qui parle. Pour en venir aux mains. Ne pas tourner autour. Chaque mot garde son espace. Avec tout ça jai oublié de vous dire, de vous lire, pardon. Les mots. De quoi je me mêle ? Tu me fais tourner la tête. Choisir une source, la prolonger, citer la ou les sources. Laisser ouvert. A couvert. A ciel découvert. Afin daccueillir toutes les sensations capables déveiller les postulations enfouies. Aucune uvre nest définitive, obligé de les refaire pour pouvoir lire.
Lécrit cest citer. Là où croit le danger, croit aussi ce qui sauve. Me reposer ? Le plus peut le moins ? Sur le papier ? Journal personnel mine de rien. Me reposer ? Dans la prose alors. La parole en parlant. Le plus peut le moins ? A même la péripétie, le paraphe, sinon le mobile juste de leur dépêchement. Parce que la nécessité de recommencer sy concède, selon le malheur, doeuvrer avec eux les mots tout de même, quand la tribu des mots surtout, se moque tant du métier. En quatre, en tout cas, cest toujours mieux pour un début. Dehors, le discours qui volte-face, de nouveau, me dédaigne, il me pousse. Sur le papier ? Libres de ma plainte, pareil que moi-même à la convenance, à la charge aussi quà la mesure. Mine antipersonnelle.
Un but final, ce but doit être tel quil se suffise à lui-même. Cest vraiment quelquun de remarquable en effet. Se fier au regard de celui à qui on accorde cette confiance comme point dappui de réflexion. Pas accord total, mais corps à corps. Lidée suit son chemin, creuse sillon et prend corps si lon y prend garde. Tout fait cela. Sentir à nouveau dans cette écriture, la lettre a cela de si rare, cette correspondance, on se bâtit autour, comme vous dîtes, des fils qui sappellent et de la tension du tendre, ce désir dêtre avec lautre, de le rejoindre. On a beau dire, beau jeu de cacher cela dans une formule, un sourire, il y a de ce désir dans lécrire. La tension du tendre, tout est dit. A vous, lexpression à la fin dune lettre, longtemps jen abusais, avec son cortège de discrets sous-entendus. A vous tout à vous, rien quà vous... A vous de jouer. Oui, cest bien. A vous.
Ce qui est inouï, au sens strict, est souvent le plus beau. Un projet conceptuel, hybride et provocateur déchantillonnage artistique. Travailler lart des autres en utilisant des textes ou des bribes de textes quon recontextualise et décontextualise en déjouant leur sens, leur forme, leur support, leurs références, leurs origines... Les mélanger, les opposer, les malmener avec impertinence mais toujours avec affection. Fascinant quune erreur puisse devenir réalité et quelle soit répétée, sans plus sinterroger, à linfini. Repartir avec limpression davoir voyagé dans le temps, parmi des idées ou davoir compris une métaphore, ressenti une émotion, vu quelque chose de nouveau et de définitif. Le moment où un objet est dans lair et quil tombe est très important. Ce silence pesant qui semble sabattre sur notre quotidien. Sa pulsation si particulière. Masques et déguisements, varier ses points de vue, parler une langue qui névente pas systématiquement ses petits secrets. Lidéal désabusé dune sagesse en retrait. Qui rêve qui ? Je ne souhaite exprimer rien dautre que cela : avoir éprouvé la peur du langage.
Mon pied et moi. Inséparable. Je prends mon pied par la main et je lui montre le chemin. Je touche de mon pied le bord de lautre monde. Comme ce nest pas très stable et vu mon poids le reste du pied sest mis à plat. Mon pied beau me pose beaucoup de problèmes. Parler de son intimité nest pas chose simple. Mon pied au cul. Javais besoin de secours, je sentais beaucoup de douleur à mon pied. Et mon pied au cul en français ? tu sais ce que ça veut dire ? ça veut dire que tu pourras plus tasseoir. Lherbe coupée... La dermatho, dit ma fille de sept ans, doit parler à ses verrues. Leur dire quelles se sont suffisamment nourris de son pied. Mon pied gauche. Mon pied droit. Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand lun avance, lautre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche ! Je prends mon pied à la regarder, son corps sous un angle incarné. Et trouver chaussures à mon pied ! Mon pied avait accroché un obstacle qui faillit me faire tomber ; jai voulu savoir ce que cétait. Cétait une pierre de forme si bizarre que je lai mise de côté. Mon pied sest heurté contre la porte. Ma hantise. Je file un coup de pied dans mon sac pour me venger. Mon pied me freine mais ne mempêche pas de faire des tas de choses. Il me fait marcher le plus souvent. Quand vient la fatigue, mon pied me fait un pied de nez.
Absence de faute, grandeur du désastre. Ce texte sinspire de faits réels qui nont pas eu lieu. Le charme qui lutte pour nous, qui ensorcelle même nos adversaires et les rend aveugles, cest la magie de lextrême, la séduction quexercent toutes les choses dernières : nous autres immoralistes, nous sommes les extrêmes... On écrit contre la langue, mais nécessairement avec elle. Dire ce quelle sait déjà dire, cela nest pas écrire. On veut dire ce quelle ne sait pas dire, mais quelle doit pouvoir dire, suppose-t-on. On la viole, on la séduit, on y introduit un idiome quelle na pas connu. Quand a disparu le désir même quelle puisse dire autre chose que ce quelle sait déjà dire, quand la langue est sentie impénétrable, inerte et rendant vaine toute écriture. Léphémère est une divinité polymorphe ainsi que son nom. On en parle en souriant et cette plaisanterie prend forme de drame dont linconsistance nous trouble, laissant un vide en nous. Tout ce quon a pensé dintelligent, écrit Goethe, on la déjà pensé ; ce qui nous reste à faire cest de le penser de nouveau. La statue de Narcisse, son sans écho, désir qui se désire.
Le récit mais peut-être plus précisément une relation. Le hall est glacial, courant dair froid sur mon cou, la nuque devient rigide. Nous nous trouvons poussés dehors. Pas un son, pas un écho. La création dans ses lieux. Commencez par situer le territoire de votre recherche avant de vous y lancer à corps perdu en commençant par la pratique, la pratique avant tout. Elle mintrigue, me trouble. Ses longs cheveux noirs, sa peau très blanche, laiteuse, sa voix fluette, à peine si on lentend, et ses hanches larges. Les ongles peints en noir. Elle fait des recherches sur tapin ce qui attire mon regard. Je lobserve à la dérobée. La voix du regard.
Cest une question de tour de main. Nous vivons lhistoire de tous les jours comme une expérience chaotique, décousue, kaléidoscopique, souvent absurde ; mais des historiens nous attendons de lordre, de la cohérence, un début clair et un dénouement net. Dans la hâte de le rejoindre, il conduit comme un casse-cou, traverse des banlieues dévastées où la rage de destruction gagne toujours plus autour delle, affronte un labyrinthe de chemins auquel semble répondre le dédale de ses souvenirs denfance où la féerie du cirque et de lopérette pouvait à ses yeux émerveillés devenir réalité. Je ne pouvais mempêcher de venir, ici ou là, joubliai dailleurs le froid et lhumidité ces dernières semaines. Je sais ce que vous voulez dire. Ce besoin de réaffirmer les évidences devient épuisant. Il ny a que cela. Les chemins désertés. Le soleil sest caché, le vrai ciel est gris, les ombres terribles au milieu de ce quelles ont été. Le vide inhumain de la forêt désaffectée. Dailleurs on ne revient plus que très tard. Traverser la rue dans un état incertain de chagrin aboutit beaucoup plus loin. Les raisons invoquées étaient littéraires, les intentions politiques, le motif réel, assurément commercial. De tels incidents, trop douloureux quand on aime, sont juxtaposés en une interminable série. On commence à y construire.
Est-ce que cest long de faire son deuil ? Pour chacun cest si particulier. Elle sapproche de moi doucement souriante, le teint hâlé comme à son habitude. Longtemps sans la voir. Je lui souris. Comment vas-tu ? Sa réponse me refroidit. Gêne passagère. Et elle me raconte son histoire comme on se libère dun poids, dune charge trop lourde pour ses frêles épaules. Dévide la bobine du film de son accident, et tout lécheveau vient dun coup. Le rideau se déchire. I see dead people. Dans laccident une seconde chance. Caracas, elle avance son départ. La place quelle choisit dans le bus. Tout le monde dort. Elle observe le paysage, le calme du véhicule, elle se blottie sur son siège. Un virage et lengin chavire. Parmi les seuls rescapés. Parfois, on met un certain temps à comprendre certaines choses. Au-delà de leur douleur, on découvre leur face cachée. Cest une femme qui collectionne le sable des plages à lépoque de la mode des petites bouteilles de parfums. Cela prend du temps en effet. Et cest un seuil.
Lutopie dun homme qui est fatigué. Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire. (Il faut) construire son existence dans une densité sombre et un temps limité. Il faut réunir tout ce qui reste jusquaux miettes et tenter de reconstruire des ensembles, petits et grands ; on parvient plus loin quon ne la cru. Lhistoire, non pas en tant quexploration de la réalité, mais comme son origine, non comme ce qui sest passé, mai comme ce que nous considérons qui sest passé. Six choses impossibles avant le petit déjeuner. Il faut deviner ce qui est là grâce à un soupçon de ligne blanche ou à la lueur dun phare, où lon risque de finir dans le fossé. Comme des enfants sur un manège : ils voudraient descendre, mais il faut attendre la fin du tour, et justement le manège sest emballé. Une nouvelle croix au tableau. Sourire de travers comme un ange qui fixe hors cadre de limage ce que lui seul peut apercevoir. Me ne quitte pas, dit Nina. La vraie image est connaissance. Cest bien, mon ange.
Lamertume que lon ressent parfois, dépossédé de son idée, quon aurait pu avoir, on croit que tout cela est vrai, et lon en entend parler autour de soi, toujours les mêmes, on est passé à côté, à travers la vitre, lèvres pincées, le coeur serré. Vous ne pouvez pas vous tromper. Elle laisse une impression de désolation. Bien sûr que ça passe. Tout sefface. Il procède de léclat, du surgissement, mais aussi du défaut, du voilement. A linverse, recevoir un message prévenant, vous prévenant, votre travail reconnu à sa juste valeur. Formes : esthétique, du réseau ; acoustique, de lécho : sonore, du bruissement. Ce désordre orchestré qui donne une impression de vie. Je me bats et me réconcilie avec mes propres images.
Comme si je navais pas été dans la chambre, ou comme si javais été une ombre, un fantôme, une créature immatérielle : et cette plaisante habitude quils avaient, et qui jusque-là mavait laissé indifférent, me sembla cette fois chargée de sens, comme si réellement mon seul reflet avait été présent, mon corps lui-même étant loin de là. Il se peut fort bien que je continue pas longtemps, fatigué un jour de... ces improvisations qui ne deviennent pas des oeuvres. Mots, mots qui viennent expliquer, commenter, ravaler, rendre plausible, raisonnable, réel, mots, prose comme le chacal. Des petits mensonges de tendresse. Il faut savoir le faire, cest ça. On peut même rester quelque temps sans rien faire. Je sais que cest là. On sattend... Décidément, non, je ne suis pas ce quon appelle un allié sûr. Par fierté jai une conduite, disons fidèle, mais ma pensée toujours en incursion est du type infidèle. Cette conclusion nest pas daujourdhui. Il nous faut encore longtemps nous haïr entre nous.
Lui ne sent rien, il nest rien, rien, rien. Il est comme vos espoirs : rien. Comme vos paradis : rien. Comme vos idoles : rien. Comme vos héros : rien. Comme vos artistes : rien. Comme vos religions : rien... Le bonheur à la coque, léchelle de son influence qui fait lamour sur mesure. Lironie de lauteur, mais plus encore son sens du jeu, du retournement de la formule et des mots. On se tourne pour regarder autre chose, et ce quon avait devant soi sest soudain évanoui. Constellation toujours mouvante, toujours insaisissable. Mépris rageur pour les valeurs en place. Absurde, irrationnel, perpétuelle critique dune société qui étouffe dans ses principes, et violence des rapports sociaux. La machine est désossée pour créer une oeuvre dart, son utilité réduite à néant par la création de machines stériles. Peut-on faire des oeuvres qui ne soient pas des oeuvres dart ?
Le réseau complexe des lignes apparaissait petit à petit. Etincelles du monde du dehors et du dedans, jy contemple la vie aux infinies impressions et vouloir être, et jobserve que ce nest pas vain. Cest ensuite sur cet horizon de fuyants, de pousses, de miroirs, de fruits et dapproximations, que je mefface. Lamour, cest une occupation de lespace. Une de mes joies de toujours, cest dans un état détaché, souvent sorti dun découragement, de contempler un entassement avec méfiance, et surtout le développent de leur mouvement, vers le meilleur, je le surveillerais. Mais le plus extrême soulagement vient dailleurs. Il vient du repos de la machine à appréhender les différences. On sen remet paisiblement à lagitation. Cette fenêtre ouverte sur limmense, sur linconnu, me soulage. La vie intérieure passe, létonnante vie intérieure qui procède et par coulées et par déclics.
Le rythme dans le jeu est équivalent pour moi, à la ponctuation dans lécriture. Alors pourquoi ? Elle ne sait que répondre ? Elle ne sait dire ni oui, ni non. Pourquoi cette demande qui devrait la ravir la perturbe t-elle autant ? Peut-être parce quelle nest pas insensible au charme de Philippe... Peut-être parce quelle va la fois plutôt bien mais aussi assez mal... Elle décline son désarroi sous différentes formes. Il va pourtant bien falloir répondre oui ou non... La peur de sengager dans une histoire. Au cinéma, parler cest agir. Filmer des gens qui parlent mais aussi des gens qui écoutent. Le rythme se travaille au tournage mais aussi dans lécriture. Parfois même lécriture, sans rire, je reste pendant un quart dheure devant mon ordinateur bloqué pour savoir si je mets un point ou une virgule. La ponctuation est très importante. Une poésie empreinte de bizarrerie envahit agréablement lespace. Dialogues dune déroutante drôlerie. Inventaire burlesque des états du désir.
Tout nuage que je suis, je ne laisse pas de me rendre compte quil y a des ennemis à cet état. Je ne peux toutefois commencer par là. Dans cette masse demeure un vouloir. Il semble quil y ait pour le soulèvement de ma super masse gazeuse par le moyen de ces instruments, une impropriété tellement flagrante quelle serait capable de frapper un idiot évanoui, un demi-mort. Puis dans le silence et lépuisement, je retourne à ma paralysie. Puis tout sarrête dans un brouillard dissolvant. Nouveaux, nouveaux tâtonnements, à nouveau une attention distribuée fébrilement. Il ny a quà laisser venir, laisser faire. Le silence est ma voix, mon ombre, ma clef... Quand rien ne vient, il vient toujours du temps, du temps. Peu ici compose. Tout le contraire. On le prend sur le fait, le changement des humeurs.
Dès fois je tombe, je nai rien appris, pas un mot. Si je pouvais pendre les jours qui veut. Entendre : prendre le temps ? Comme ne rien voir de plus, main contre-champ vois ou imagine, jhabite sur la ligne. Formulations pathétiques et drôles, études de choses mauvaises, mais aussi marionnettiste, journal dun jour. Colmater sous les angles. Si vous souhaitez le recevoir avant cette date. Loccasion est trop rare. Assauts à la facilité retombée vu le poids de comédie. Chacun vrille à gauche. Dans limmédiat souci de sa survivance, comme de son débarras aussi. Pour vous-même, et pour vos proches.
Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages. I could do anything. Je vais me répéter ici, mais on ne dit jamais assez les choses importantes pour quon vous comprenne exactement là-dessus. How come we learn so slowly. Un portrait est un compromis. Je veux parler de regarder des heures durant des photos dans des magazines. Everything that rises must converge. A life, as hard as it can be. A word that makes you breathe. Labandon désirable à la dégustation dautrui. Cest ma colère, ma joie, ma peur, leurs souvenirs, qui maintenant des heures durant défilent devant moi. And we still need more time to understand ourselves. Comme jai le coeur léger après tout cela, malgré lépuisement. Les livres sont ennuyeux à lire. Pas de libre circulation. En valse immobile ou rentrée linvitation murmure. Tout un morceau blanc de domino déballé. Le chemin est tracé, unique. Sans caresses sans sincliner.
Là, un moment si froid quil faut respirer profondément. Je ne veux pas savoir ce que cela donnera. Le pas qui permet davancer. Selon différents rythmes possibles, de ce pas, sans tarder. Se faire grandement violence pour ne pas senfuir. En passe de, sur le point de. Dont la légèreté offre des possibilités infinies de constructions imaginaires. Ses mouvements, leurs différentes vitesses. Nécessité de se reconstruire sans cesse. Transporter dans un lieu inattendu, certaines images récurrentes, ni début ni fin, traînée dun avion dans le ciel. Sources lumineuses de face jusquà léblouissement. Bloc, disloqué. Réduire, réduire encore à partir du plus. The more I see the less I believe in images. Pulsation invisible. Passager veut dire éphémère. Nous marchons à travers nous-mêmes.
Trop tard. Jétais dans la situation dun homme qui se rend compte que par la faute dune certaine paresse de lâme humaine, sous leffet dun narcotique de la routine, il ne sest jamais donné la peine de la connaître aussi complètement quelle le méritait. Quand la mer est tranquille, tous les capitaines sont bons. Trop tard, à présent, demeure à jamais sans soulagement. Journée sans indulgence. Matinée, temps présent, futur sont chargés sur une catapulte et reviennent en boomerang. Je ne sais faire que ça. Rapport instantané de lécriture comme vulnérabilité. Trop tard. Sans compagnons humaines le paradis même deviendrait un lieu dennui. La réponse enfin. Il faut sans cesse la réanimer, me réanimer, comment durer un an ? Finir en beauté. Chaque jour en effet, ou presque, décide de produire un texte auquel un autre le lendemain succédera, sans préméditation ni souci de continuité. Tout trouve ici à se dire, mais pour aussitôt céder la place. Soulagement. Je vous le souhaite.
Cest la quille mécrit Caroline. Ce soir, retour des filles à la maison, toujours une pincée au coeur, pointe de sel. De quoi je me mêle ? Notre petite exhibition (reprenant sa marche en riant) comment dire ? (Il se passe la main dans les cheveux.) De temps en temps, je lis dans les journaux (LA CAMERA SEFFACERA PROGRESSIVEMENT au passage des deux hommes). On a parlé, parlé, parlé. Labyrinthe dont on sort seul sans même chercher lissue. Le mot juste au détours dune phrase. Dans une lointaine banlieue, brutale suivie déparpillement. Je ne croyais pas ces choses possibles ! Mais elles le sont, alarme lointaine dans une brume de bruits pulvérisés.
Désirs et inquiétudes sur un bout de papier. Un romancier populaire. Créer un autre personnage, mon entreprise nest pas essentiellement difficile. Par ailleurs la vitesse des images varie. Lajout de fondus enchaînés génère des perturbations supplémentaires pour la mener jusquau bout. Sans nous éloigner dun pouce de nous-même. Et en inversant quen apparence les rapports. Et comme sa voix dans cette phrase exceptionnelle. Mais le présent comment le vit-on et quest-ce que cest ? Il y a quelques soirs, plutôt impossibles, soit dit en passant. Ainsi redoublons-nous sans fin dans leffusion réciproque, et des deux cest ma voix qui sétrangle en descendant lescalier. Mais il lécarta le trouvant trop facile. Léponge, sa capacité de sommation spatiale. En fonction de ce personnage. Le triangle est en rotation.
Dans lattente un peu lasse de ces instants qui se terminent si vite, patience infinie, à peine commencés déjà disparus, envolés, plus la moindre trace, si ce nest cet amas de papiers colorés, de fils multicolores, de tensions perceptibles, fines particules de joie déjà vue, démotion à peine contenue, brume de bruits pulvérisés, explosion brutale suivie déparpillement, en suspension dans lair, et cette faim et cette soif dautres choses. Envie de partir, dailleurs on sévade, lalcool aidant. Souvenirs dantan, souffle denfance parfumée à lair du présent. Sarracher au contexte. Tenir à distance la voix qui nous dicte pourtant nos paroles. Reproduire ces paroles sans les penser ? Non, mais en les inventant. Citation, incitation, exception prometteuse. Ainsi se découvrir. Se mettre à nous. Dans la nuit froide de lhiver, ces étincelles de souvenirs, confettis dargent, éclisses de lune.
Limpossibilité de vivre, les contradictions désespérantes, la tristesse de lartifice, laccablement de lennui, le ridicule de la fiction, la torture de lanachronisme, le déchaînement du cucul, du visage et des autres parties du corps. Tension factice à laquelle sont soumis les enfants. Même quand je ne dis rien, cela fait du bruit. Arrêts et saccades qui touchent à lessence même de linspiration et qui proviennent de mon indélébile impuissance à me concentrer sur un objet. Supposez que chacun de mes instants pensés soit à de certains jours secoué de ces tornades profondes et que rien au-dehors ne trahit. Pour moi, cétait ça lenjeu. Et, quand on fait ça, cest spectaculaire, quelque chose apparaît. Ce qui compte, cest : ce que je raconte, est-ce que ça fait sens ou pas, par rapport à ce quon me donne. Quand vous faites ça, la question de savoir si ce que vous dites est vrai ou faux nest plus pertinente, ce qui compte, cest : est-ce que ça vous aide à produire du sens. Mais fictif ne veut pas dire faux. Simplement, quand cest faux, cest plus facile à voir. Notre liberté est quelque chose dinfime, mais cest là quelle se joue, sur une illusion qui nous donne une toute petite marge de manoeuvre. Je limagine de nuit avec son arc tirant sur tous les Père Noël pendus désuets aux frontons des maisons. Tout ceci ce serait mal dire, mais je souris à cette idée en cette douce nuit de.
Dans un film où je ne comprends rien dautre, lhistoire que ce qui sy dit, je suis le récit dun oeil vague et distant, sans vraiment comprendre ce qui se trame. Un détail attire cependant mon attention. Forme déclic. Et tout revient révélé comme pellicule exposée à la lumière. Ce chemin quon na pas emprunté depuis fort longtemps. Dans cette ville où lon ne vit plus. Dun point à un autre renvoyé par une force invisible, invincible également. Force dattraction. Javance masqué. Grille ouverte, jentre dans le parc. Feuilles dargent jonchant le sol humide, bassin où leau croupit mordorée. Alignement darbres aux troncs noueux, dénudés de leurs feuilles. Léger vent qui charme mes narines et menivre de parfums mélancoliques. Les terrains de tennis sont déserts. Dans la perspective. Elle habitait là, en bordure du parc. Je revois notre partie comme dans ce film que jaime tant. Version mime muette. Il faut bien jouer le jeu. On se baisse, on ramasse la balle invisible et lon feint de la renvoyer par-dessus la clôture. Ce geste intense, hors du temps. On entre dans le film de notre vie mais il est mont lenvers.
Joyeux Noël. Bienvenue à la maison. Il ny a rien que vous pouvez faire qui ne peut pas être fait. Quon soit dici ou bien dailleurs, on a tous au fond du coeur cette même idée idéale. Nous vous proposons de satisfaire tout dabord la curiosité des enfants en leur offrant leurs cadeaux. Un plus un égale deux. Tout de suite après Champagne et amuses bouches. On na jamais trouvé mieux que se regarder les yeux dans les yeux, pour être heureux. Le repas commencera par un velouté de châtaignes, truffes et foie gras. Nous continuerons par des roulés de langouste au saumon fumé. Une pause pour déguster un limoncello et nous servirons un canard confit aux fruits secs et aux poires. Aimer être aimé voilà le secret. Salade, fromages et douceurs termineront le repas. Vins fins, café, liqueurs. Il ny a rien que vous pouvez savoir qui nest pas connu. Rien que vous pouvez voir qui nest pas montré. Merci à chacun pour sa participation à ce Noël.
On annonce de la neige pour demain et toute la semaine à venir. Retour du blanc. Froid. Toute la journée sest trouve décalée, rien na eu lieu en son temps. Prendre des photographies, la régularité de cette prise et sa mise en ligne, le temps que cela prend. Ce dérangement, dhabitude, lui convient. Le retard est son mode de vie. Retour vers le futur. Revenir à la hauteur de son adversaire. Le regarder droit dans les yeux. Personne dautre que soi. Mais aujourdhui on dirait que quelque chose tremble, se défait, un trouble densemble, plus profond, qui affecte elle ne sait quel ordre dans le désordre ordinaire. Une autre mémoire. Vies parallèles ? Je ne sais pas. Dans le parc dimanche, se souvenir enfin. Une image se creuse de ce quon y voit dinvisible. La réalité elle cest différent. On y cherche limage. Mais elle se développe plus tard. Le temps fait son oeuvre.
Je pouvais nous entendre tous, et lobscurité aussi, et quelque chose que je pouvais sentir. Et puis jai pu voir la fenêtre où les arbres faisaient du bruit. Et puis le noir a commencé à sen aller en formes douces et brillantes comme il fait toujours. Sous forme dentrées, plus ou moins inattendues. Il nétait pas sûr du tout, pour ce quil en devinait. Dans des moments dimpatience, peut-être pardonnables à un autre prisonnier, on avait chargé les marges de ses livres de notes ridicules. On le suppliait en conséquence de les remplacer dans sa bibliothèque par les volumes que la plus vive reconnaissance se permettait de lui présenter. En vérité, je ne sais pas si je préfère la toucher ou la voir.
Parler. Le soleil qui sest enfoncé dans les nuages. Regarder. Le drap blanc sur lequel il repose. Souffler. Dans lépaisseur du gris. Sagiter. Une déchirure dans les nuages pour un instant. Elever la voix. Toutes les branches ruisselantes lavées. Imaginer. Il y a très longtemps que javais envie den parler. Soupirer. Ne me serais-je pas rasé ce matin ? Murmurer. Derrière les mailles du commentaire. Rire. Et si en plus il ny a personne. Raccrocher.
Tu expliques imperturbablement et tu expliqueras toute ta vie que Melun est à vingt-sept kilomètres et Montargis à quarante-deux. Voilà pourquoi jai tant besoin de toi. A laffût dun soudain et léger affaiblissement de leur éclat. Cest juste que cette configuration est moins difficile à distinguer. Nous avons maintenant matière. Il ne livre pas non plus de solution. Il dit juste que nous sommes faits dor et de merde. Tu es une borne, dit-elle, une borne au bord dune route. Il faut de lor, répète Nina, au lieu de lordre. On se parle dun regard. Sinon ça se voit. Le risque cest de lattirer vers moi. Ce serait injuste. Cest un équilibre difficile. Il faut chercher vers une abstraction. On sait que la mal sera là, toujours ainsi que son contrepoids : la poésie.
Le froid. Dailleurs on peut voir nimporte quoi, avec un peu denthousiasme et dimagination si, avant de voir, loeil sait ce quil veut voir. La craie blanche crisse sur lardoise. La dent nest pas tombée. Le froid sinstalle dans le registre impersonnel, dans un mensonge trop subtil. Neige et verglas perturbent fortement la circulation en France. Cest là une entreprise pour le rêve. Réseaux de fibrilles, menus canaux, filaments de pylône, nuages. Il y a les nuages, les merveilleux nuages. La même que celle de tout le monde. Le froid jusquau givre ce matin dans un long fracas de branches brises. De temps qui passe, de souvenir et doubli.
Une anecdote : sa mémoire ne contenait plus quun numéro de téléphone dont elle-même ne savait pas à qui il correspondait. Cétait celui de sa famille. Sa vision delle marchant dans les rues, amnésique, ma impressionnée. Un peu, rien quun peu, mélancolique. Son étonnement face à une mécanique en train de sinventer. Non, une oeuvre nest pas un message : voilà déjà une façon de la définir. Non, une représentation artistique nest pas une image. Ses angoisses en brûlant ses tiroirs alors des cendres ressurgit vive sa mémoire pendant que dautres nous tournent autour mais nosent plonger et daucuns senthousiasment puis se désintègrent et dautres en corps se décommandent et les belles paroles ne sont pas perdues pour tout le monde car cest le monde entier qui sen nourrit et cest du miel.
A chaque instant que je passe ici, nouer et dénouer, oscillant sans lassitude, le fil à quoi tient notre vie, du texte infini ainsi tricoté. Trembler et oser. Au téléphone ta voix qui lit le texte, difficulté de mise en page, il suffit de couper. Jouer et déjouer. Le mot qui tombe ainsi dénudé. Transformation radicale du paysage. Pertes et profits. Sur son visage attentif un sourire narquois fige tous les regards qui laperçoivent. Fouiller et démêler. Très vite on décolle, et de fil en aiguille on obtient ce syntagme : il ny a plus de saisons. La rotation sarrête, possibilité de rescousse, un refuge pour nous y durcir. Effleurer et saluer. Inscriptions et graffitis. Et quelques éclats de voix.
Une personne nest pas, comme je lavais cru, claire et immobile devant nous avec ses qualités, ses défauts, ses projets, ses intentions à notre égard (comme un jardin quon regarde, avec toutes ses plates-bandes, à travers une grille), mais une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer. Une forme originale portant la marque et lempreinte personnelle de lauteur. Mais nous nous représentons lavenir comme un reflet du présent projeté dans un espace vide, tandis quil est le résultat, souvent tout prochain, de causes qui nous échappent pour la plupart. Il est apparu comme un homme brisé. Dans un lieu qui reste inconnu. Elle (mon âme) ira là où il me lordonnera. Un peu dinsomnie nest pas inutile pour apprécier le sommeil, projeter quelque lumière dans cette nuit. Rêve étrange dans une ville déserte, dimmeubles vides en ruelles désertes, avec cette question en suspens. Plusieurs fois il répète : « Je moffre en sacrifice. » Et moi je ne sais pas quoi dire. Ma barbe pousse, cest tout.
Entre chien et loup, neige et pluie mêlées, la voiture file à la vue basse, tension sur les bas côtés incertains, le vent souffle et chasse neige, la voiture, droite gauche, difficile de se concentrer sur la route, voyager hors de ce voyage. De longs rouleaux de brumes, de grandes ondulations de terres, dherbes, cailloux et sables, passage dun horizon à lautre et encore un autre nuage deau qui brouille la vue, ébruite la crue. Retour en arrière toute. En les attendant à la Tour. Prends garde. Dans de vieux cartons empilés à même le sol, près de la cheminée. Bon à trier. Souvenirs. Carnets de correspondance. Compositions et rédactions de Damien. Mettre les équations au feu, préserver les textes. Ton ultime exploit derrière lhorizon du temps.Vous avez dit influence ?
Il saffranchit ici de tout récit linéaire. Le vent, les pierres, puis rien. Les corps deviennent des traces de lumière blanche. Au-delà de cette limite, le récit devient aléatoire. Un train filant dans la nuit sur une mer étale laisse, dans la mémoire, une trace indélébile. Tout le monde a le droit dêtre heureux pour de faux, mais dy croire. Je veux quil se passe quelque chose, de préférence imprévu. Jessaie de soulever un coin de rideau. Et cela a quelque chose de profondément rassurant.
Le temps change toi aussi. Amour rime avec toujours. Chacun déplie le sien. Surprise. A coeur grand, rien dimpossible. Ne crois pas tout ce quon te dit. Chacun lit le sien tour de rôle. Demain est un autre jour. Croire en soi vaut mieux que soir en croix. Petites papillotes avec leurs papiers argentées, leurs bruits de métal effrangé, crissant, qui agace les dents. Remplacement de fortune, fortune cookies. La route est longue mais le raccourci périlleux.
Car lessentiel nest pas là. Juste un titre quon oublie. Sur le bout de la langue. Une fraction déternité. Sans trouver le mot juste. Juste un mot à dire. Parler pour palier le sillon quon a creusé toutes ces années. Plus tard les mots se posent. Je veux dire : rendre la vie lisible à vouloir les sauver, ces mots qui cherchent leur chemin dans le silence de ce café bruyant. Vouloir changer les gens. Et pourquoi ? Jécris comme on assemble des puzzles. Au départ le déclic nétait pas celui-ci. Un premier pas pour la rendre vivable. Le silence entre le début et la fin confondus, dans les marges des livres quil ne lit plus. Dans la rue où la nuit (dernière de lannée) tombe, tombait.